Un processus paradoxal: La continuité à l'oeuvre dans la constitution du nationalisme Français...

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H,,rory of Europeon Idea& Vol. 15. No. l-3. pp. 313-318. 1992 Pruned m Great Britam 019l-6599/92 $5.00+0.00 Pergamon Press Ltd UN PROCESSUS PARADOXAL: LA CONTINUITti A L’OEUVRE DANS LA CONSTITUTIPN DU NATIONALISME FRANCAIS SOUS LA REVOLUTION HELENE DUIWY* 11peut paraitre ttrange de s’attacher a rechercher les racines du nationalisme francais sous la Revolution. En effet, le nationalisme militant, au sens de defense exclusive des intitr6ts du pays, n’apparait veritablement en France que dans le dernier tiers du XIXe siecle. Quant au mot lui-m&me, Raoul Girardet fait remarquer qu’on le trouve pour la premiere fois sous la plume de l’abbi: Barruel en 1798 seulement.’ 11 est toutefois indeniable que la conscience que la France a d’elle-meme en tant que nation s’enracine dans l’tpisode revolutionnaire: tous les historiens du sentiment national, d’Alphonse Aulard* a Pierre Nora, l’ont percu ainsi. Pour tenter de comprendre comment cette conscience s’est constitute, il est malgri: tout ntcessaire de replacer le phenomtne rtvolutionnaire au sein d’une evolution a plus long terme du processus identitaire, qu’il ne fait que cristalliser. On est certes tent&, si l’on considere la periode revolutionnaire proprement dite, de comprendre la constitution du nationalisme francais comme un mouvement de balance dialectique entre ideal et pratique, se resolvant par le triomphe durable d’une pens&e pragmatique du nationalisme. La Revolution aurait commence par donner une definition infiniment extensive de la nationaliti: francaise, en presentant la France comme ‘terre de la libertC’,4 ouverte a tous les peuples desireux de s’associer a elle. Plus prtcistment, on pourrait dire que cette definition s’appuie sur le principe du droit nature1 tel que nous le prtsente Mably, selon lequel l’amour de la patrie n’est pas une ‘fin’ de la loi naturelle, mais une etape sur le parcours initiatique qui m&e a l’amour de l’humanitt tout entikre.5 On a coutume d’observer que ce nationalisme ideal, present dans les debuts de la Revolution francaise, n’a pas resist& a l’epreuve des faits, c’est-a-dire essentiellement de la guerre, qui aurait assure le triomphe d’une pensee realiste du particularisme national, a la Rousseau.6 Cette vision plutot pessimiste, sans 2tre fausse, ne prend pas en compte certains aspects propres au nationalisme francais et a la facon dont il s’est mis en place. Tout d’abord, c’est presque une evidence de dire qu’il s’est edifit: de man&e a la fois spontantiste et exclusiviste: l’opposition dialectique entre Mably et Rousseau s’inscrit dans un mouvement oblige, plus vaste et plus ancien, qui englobe la constitution de la France comme nation depuis les temps les plus recults. Mme Colette Beaune a suffisamment montre’ comment la ‘nation France’ Ctait n&e autour d’une ‘fides’ commune, entre le XIIIe et le XVe sitcle; par ailleurs, l’ensemble de l’histoire de France, jusques et surtout dans ses aspects *Institut d’Histoire de la Revolution FranCake, 17 rue de la Sorbonne, 75231 Paris Cedex 0.5, France. 313

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H,,rory of Europeon Idea& Vol. 15. No. l-3. pp. 313-318. 1992 Pruned m Great Britam

019l-6599/92 $5.00+0.00 Pergamon Press Ltd

UN PROCESSUS PARADOXAL: LA CONTINUITti A L’OEUVRE DANS LA CONSTITUTIPN DU NATIONALISME

FRANCAIS SOUS LA REVOLUTION

HELENE DUIWY*

11 peut paraitre ttrange de s’attacher a rechercher les racines du nationalisme francais sous la Revolution. En effet, le nationalisme militant, au sens de defense exclusive des intitr6ts du pays, n’apparait veritablement en France que dans le dernier tiers du XIXe siecle. Quant au mot lui-m&me, Raoul Girardet fait remarquer qu’on le trouve pour la premiere fois sous la plume de l’abbi: Barruel en 1798 seulement.’

11 est toutefois indeniable que la conscience que la France a d’elle-meme en tant que nation s’enracine dans l’tpisode revolutionnaire: tous les historiens du sentiment national, d’Alphonse Aulard* a Pierre Nora, l’ont percu ainsi. Pour tenter de comprendre comment cette conscience s’est constitute, il est malgri: tout ntcessaire de replacer le phenomtne rtvolutionnaire au sein d’une evolution a plus long terme du processus identitaire, qu’il ne fait que cristalliser.

On est certes tent&, si l’on considere la periode revolutionnaire proprement dite, de comprendre la constitution du nationalisme francais comme un mouvement de balance dialectique entre ideal et pratique, se resolvant par le triomphe durable d’une pens&e pragmatique du nationalisme. La Revolution aurait commence par donner une definition infiniment extensive de la nationaliti: francaise, en presentant la France comme ‘terre de la libertC’,4 ouverte a tous les peuples desireux de s’associer a elle.

Plus prtcistment, on pourrait dire que cette definition s’appuie sur le principe du droit nature1 tel que nous le prtsente Mably, selon lequel l’amour de la patrie n’est pas une ‘fin’ de la loi naturelle, mais une etape sur le parcours initiatique qui m&e a l’amour de l’humanitt tout entikre.5 On a coutume d’observer que ce nationalisme ideal, present dans les debuts de la Revolution francaise, n’a pas resist& a l’epreuve des faits, c’est-a-dire essentiellement de la guerre, qui aurait assure le triomphe d’une pensee realiste du particularisme national, a la Rousseau.6

Cette vision plutot pessimiste, sans 2tre fausse, ne prend pas en compte certains aspects propres au nationalisme francais et a la facon dont il s’est mis en place. Tout d’abord, c’est presque une evidence de dire qu’il s’est edifit: de man&e a la fois spontantiste et exclusiviste: l’opposition dialectique entre Mably et Rousseau s’inscrit dans un mouvement oblige, plus vaste et plus ancien, qui englobe la constitution de la France comme nation depuis les temps les plus recults. Mme Colette Beaune a suffisamment montre’ comment la ‘nation France’ Ctait n&e autour d’une ‘fides’ commune, entre le XIIIe et le XVe sitcle; par ailleurs, l’ensemble de l’histoire de France, jusques et surtout dans ses aspects

*Institut d’Histoire de la Revolution FranCake, 17 rue de la Sorbonne, 75231 Paris Cedex 0.5, France. 313

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les plus legendaires, est la pour nous rappeler que le sentiment national s’est largement nourri de la notion d’ennemi htreditaire. dam la guerre B outrance contre Y&ranger.

Le patriotisme revolutionnaire participe lui aussi de ces deux tendances: il ne fait qu’enttriner le d&placement de la ‘fides’ de la personne royale a une entitt abstraite appelte la patrie, objet de manifestations spontanees de patriotisme, comme le furent les federations, les fktes nationales, le serment du Jeu de Paume ou le ‘baker Lamourette’. D’autre part, il pro&de g un certain Clagage, non tant par la prise, sous la pression des tvenements exterieurs, de quelques mesures spectaculaires contre les Ctrangers-comme le d&ret du 9 octobre 17938-que par l’edification, sur le long terme, d’une originale dkfinition exclusiviste de la nationalitt.

L’initiative la plus apparente de cette definition revient sans doute 2 Sieyes qui propose de debarrasser l’arbre sain de la nation de cette branche pourrie que constitue l’aristocratie.’ Mais au-de12 de lui, il faut remonter a tout le travail de reflexion constitutionnelle effect& dans les milieux parlementaires au XVIIIc sibcle. Matthew Levinger, qui a suivi le cheminement de l’idee de souverainete nationale dans les actes du Parlement de Rouen entre 1753 et 1763,‘” a decrit la

faGon dont s’opere le glissement progressif, dans les proctdts linguistiques utilises, d’une conception fermee de la nation a une autre plus ouverte, alors que les Parlementaires tentent de s’associer, au titre de representants de cette nation, a l’exercice du pouvoir.

11 faut ajouter qu’ils rtactivent une vieille image de la pen&e juridico-politique francake, celle de corps, pour elaborer une d~~nition plus ‘moderne’ de la nation. La description archai‘que, si finement analysee par Ernst Kantorowicz. de la nation comme ‘corpus mysticum cujus caput [Rex]’ se remplit peu Q peu d’une autre realite, a travers l’idee de l’association des assemblees au Souverain, puis de son extension au peuple tout entier, et prqjette insensiblement dans l’alterite le monarque et son emanation, l’aristocrate.

Cette definition de l’aristocrate comme etant celui qui se trouve hors du corps national trouve son achevement sous la Revolution, moment oh le cercle hostile qui entoure les bons patriotes se gonfle de l’apport de tous les contre- revolutionnaires. A ce moment, on peut dire que le clivage ne passe pas tant entre FranCais et ttrangers qu’entre pro- et contre-revolutionnaires, en une confusion hardie, au point que l’aristocrate est lui-meme defini comme etranger au sens courant du terme, puisque descendant de l’ex-envahisseur franc,” et que Petranger est presente comme la victime d’un complot aristocratique.i2 Meme s’if est avive par la guerre de 92, le mecanisme exctusiviste n’est done pas centrk sur elle seule. I1 est le produit d’un mouvement au long tours qui trouve la son apogee.

De meme, la construction d’un nationalisme positif sous la Revolution n’est- elle pas une creation ex nihilo. Norman Hampson, pour qui les rtvolutionnaires pensaient la politique ‘dans les termes qui leur avaient &it suggeres par Montesquieu et Rousseau’,‘3 fait naitre, et mourir, la mystique sacrificielle collective francaise avec la Revolution, opposant, selon la traditionnelle rtpertorisation de Montesquieu, une France d’Ancien Regime, au sens communautaire fond6 sur I’honneur, la poursuite de la gloire personnelle, et une France r~volutionnaire, desireuse de fonctionner selon un principe de vertu, plus fraternitaire.

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Si l’on ne peut denier toute rtalite a cette analyse, il convient toutefois de remarquer que la socittt de la veille de la Revolution n’a plus grand chose a voir avec la feodalitt fondatrice dont elle ne renie pas forcement les principes. Le modele du bon citoyen a la fin du XVIIIe siecle, aprks deux siecles d’absolutisme, n’est plus celui du preux chevalier, mais celui que nous dkrit en 1706, comme s’il se depeignait lui-m&me, un grand commis de l’Etat, le Chancelier d’Aguesseau: ‘on ne le [l’homme public] verra point, plus sensible a ses propres inter&s qu’a ceux de la justice, negliger ces occupations plus honorables qu’utiles, oh le magistrat a la gloire de rendre un service gratuit a la patrie, et [. . .] preferer les affaires ou son travail peut recevoir une leg&e et intgale recompense a des fonctions si precieuses a l’homme de bien.14

Par ailleurs, il serait vain de croire que l’honneur feodal soit un principe qui mette les individus en face d’eux-m2rmes sans qu’ils aient de comptes a rendre a quiconque. 11 integre au contraire ceux qui y ont part a une chaine de responsabilite qui court de vassals a suzerains jusqu’a la personne royale, car il est d’abord l’expression d’une garantie, celle de la ‘foi’, du don de sa personne a une entite superieure, de la qualitt, physique et morale, qui fonde la valeur du don, et par consequent la solidite du pacte. Pour tous les non-nobles, d’autre part, qui n’avaient pas part a l’honneur, le principe de fraternite, en dehors des solidarites familiales et villageoises, pouvait-il &tre autre que celui qui etait

diffuse et p&he par l’Eglise? La tradition communautaire francaise s’ancre done dans deux entites de

reference: la monarchic et l’Eglise, dont les commandements se rejoignent pour stigmatiser la defense des inttr&ts personnels. La monarchic diffuse un ideal de service, par l’epire, la prikre ou le labour, pour reprendre la tripartition dumtzilienne. Le premier et le plus noble est tvidemment le service de sang qui exige un don total de sa personne, mais tous trois sont a la fois des services du Prince et du public concu comme un bien abstrait qui gomme les discordances et les intgalites, et qu’incarne la vision bossuttiste de la nation comme tout harmonieux.i5

L’Eglise, quant a elle, enseigne que c’est dans le renoncement que se trouve la clef de l’acces a la communautit chretienne. La morale communautaire francaise est done une morale de l’asctse: c’est de la negation des divers moi que nait la validitit du tout. Le corollaire de cette conception est le mepris de certaines voies d’expansion et de realisation nationales considtrtes comme individualisantes parce que favorisant l’inttr&t personnel, telles le negoce, voire l’industrie. C’est ici trts exactement que passe, dans la facon d’apprehender le monde moderne du point de vue des specificitts nationales, le clivage entre la France et le monde anglo-saxon, dans une chaine qui court de Voltaire a Michelet en passant par la Revolution.

La cttltbre comparaison que fait Voltaire dans la dixieme des Lettres anglaises, entre le seigneur francais ‘bien poudre, qui sait precisement a quelle heure le roi se ltve, a quelle heure il se couche, et qui se donne des airs de grandeur en jouant le role d’esclave dans l’antichambre d’un ministre’ et le ntgociant anglais qui ‘enrichit son pays, donne de son cabinet des ordres a Surate et au Caire, et contribue au bonheur du monde’,16 appelle la France du XVIIIe siecle a faire un choix de societe qui est avant tout ethique. Avec la Revolution, le choix est fait, et ce n’est pas celui de Voltaire. Cela apparait clairement lorsqu’on prend de

nouveau pour baromhre ce sujet sensible qu’est la confrontation avec la Grande- Bretagne. Les Jacobins reprennent a leur compte en 1793 la ciassique vision ethnotypique de I’Angleterre, peuple de marchands, mQ par l’amour de I’or, par opposition au Franqais inspire par I’amour de la gloire.”

De man&e plus large que le cas jacobin et le contexte de la guerre contre l’Angleterre, il est evident que la morale communautaire qui est port&e par la Revolution est une morale du sacrifice, sous-tendue par l’espttrance mystique d’une regeneration,‘* reprenant la conception fusionnelle et harmonique de la nationalite qui Ctait celle de 1’Ancien Regime.19 Les gouvernements revolu- tionnaires ne cesseront d’exalter les sacrifices individuels ou collectifs, de les proclamer necessaires. I1 s’agira pour eux de faire disparaitre les anciennes solidarites, langagieres, provinciales, villageoises, familiales meme, pour creer un autre systeme de fidelite, fidelitt a la nation, puis g I’Etat qui incarne la nation puisqu’il est censt se fonder sur les principles tthiques qu’elle s’est choisis, voire au rCgime qui les a inscrits dans sa devise. En un sens, presque tout le travail de la Revolution, l’abolition des privileges, le salariement des pr&tres, la mise en place d’une education nationale, le projet d’eradication des langues vernaculaires, de redtcoupage du territoire, les requisitions militaires etendues, peut k-e rapport6

a ce grand ceuvre. C’est au sacrifice ultime surtout que la Revolution a donne sa pleine extension,

modifiant ainsi de maniere radicale la place des individus dans le rapport existentiel.20 A travers les requisitions de plus en plus importantes, puis la conscription a partir de 1798, se dessine un type de nationalisme bien particulier, 06 ~individu disparait dans le tout. Des lors on peut comprendre le rapport de macrocosme & microcosme qui caracttrise le nationalisme fran$ais. C’est grace a la conception traditionelle de la nation comme tout fusionnel, et finalement comme personne, qui a traverse la Revolution en y trouvant un lustre nouveau, que la nation franqaise tout entiere peut se reprtsenter au XIXe siecle dotee des m&mes qualites idkales que chacun de ses membres.

Le nationalisme franGais nait done comme allegoric du sacrifice redempteur. De m&me que le revolutionnaire s’est devoue pour sa patrie, la France doit se devouer pour le bonheur et la liberte du monde. C’est Michelet qui, avec son genie si particulier pour faire se recontrer l’histoire et la ltgende, donne le meilleur echo de cette conception, murie au XVIW siecle, port&e au jour par la Revolution, si vivace au XIXc siecle, et qui nous parait parfois un peu lointaine aujourd’hui. C‘est pourquoi en guise de conclusion, nous rappellerons sa parabole celebre, parfaitement representative du nationahsme franqais du siecle dernier. Les nations s’adressent B la France, assise a terre dans le plus grand denuement: ‘Oil sont tes vaisseaux, tes machines‘?’ dit I’Angleterre.-Et l’rillemagne: ‘Ou sont tes systemes? n’auras-tu pas au moins, comme I‘Italie, des ceuvres d’art a montrer?‘. A quoi l’historien repond pour la France: ‘Ne venez done pas me dire’: ‘Comme elle est pale, cette France! . . .’ Elle a verse son sang pour vous-‘Qu’elle est pauvre!’ Pour votre cause, elle a donne sans compter . . . Et n’ayant plus rien, elle a dit: ‘Je n’ai ni or, ni argent, mais ce que j’ai, je vous le donne . . .’ Alors elle a don& son 2me, et c’est de quoi vous vivez.”

Helene Dupuy Institut d’histoire de fa revolution Francake, Paris

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NOTES

1. Raoul Girardet, Le nationalisme jirancais (Paris, Seuil, 1983), p. 7. 2. Alphonse Aulard, Le patriotisme francais de la Renaissance ci la Revolution (Paris,

Editions E. Chiron, 1921). 3. Pierre Nora, ‘Nation’, dans le Dictionnaire critique de la Re’volution FranGuise (Paris,

Flammarion, 1988) pp. 801-812. 4. La celtbre chanson ‘Veillons au salut de l’Empire’, joke lors de la f^ete donnte aux

Champs-Elysees le 25 Mars 1792, exprime la vision populaire de ce nationalisme ‘ouvert’ et messianiquement expansif: Du salut de notre patrie/DCpend celui de l’univers/Si jamais elle est asservie/Tous les peuples sont dans les fers/[ . .] Ennemis de la tyrannie/Levez-vous tous armez vos bras/Du fond de 1’Europe avilie/Marchez avec nous au combat/ [. . .] Nous servons la mPme patrie/Les hommes libres sont francais.

C’est aussi de cette conception de la nationalite que se r&lament les etrangers residant a Paris dans leur adresse a la Convention du 23 Septembre 1793: ‘Ce fut avec transports que nous vimes disparaitre en France et en Angleterre ces prejuges qui avaient brisk les liens de la fraternite naturelle des nations [. . .] Quoique Ctrangers a la France, par le hasard de la naissance, nos principes ne sont pas circonscrits dans les limites d’un seul pays. Les amis de la liberte, sur tout le globe, sont nos amis; nous esperons et nous sommes persuades qu’ils nous regarderont comme les leurs’, Archives Parlementaires, volume 76, p. 50.

5. Dans les Entretiens de Phocion sur le rapport de la morale et de la politique, Mably s’interroge: ‘La nature a-t-elle fait les hommes pour se d&hirer et se devorer? Si elle leur ordonne de s’aimer, comment la politique serait-elle sage en voulant que l’amour de la patrie pordt les citoyens a rechercher le bonheur de leur republique dans le malheur de ses voisins?‘, Textes et documents, Centre de philosophie politique et juridique, Universitt de Caen, pp. 100-101.

6. Ce sont les mesures restrictives prises par la Convention jacobine a l’encontre des itrangers, en particulier le terrible d&ret du 7 Prairial an II, stipulant qu’il ne sera pas fait de prisonniers anglais ou hanovriens, qui autorisent cette interpretation.

7. Colette Beaune, Naissance de la nation France (Paris, Gallimard, 1985). 8. Ce d&ret ordonnait l’arrestation des Anglais, Irlandais et Ecossais rtsidant en

France et la mise sous stquestre de leurs biens. 9. II decrit la noblesse comme ‘un peuple a part, mais un faux peuple qui, ne pouvant, h

dtfaut d’organes utiles, exister par lui-m&me, s’attache a une nation reelle comme ces excroissances vegetales qui ne peuvent vivre que de la stve des plantes qu’elles fatiguent et dessechent’, Qu’est-ce que Ie Tiers-Etat? (Paris, P.U.F., 1982), p. 30.

10. Matthew Levinger, ‘La rhttorique protestataire du Parlement de Rouen (1753-1763)‘, a paraitre en 1990.

11. Citons l’exemple des ‘rtpublicains gaulois’ Dupin et Lagrange qui tcrivent dans leur Petition pour rendre b la France son vkritable nom: ‘les nobles forment depuis quinze siecles un peuple &ranger, vivant aux depens de la nation gauloise, habitant au milieu de nous sans se mCler a nous, ayant ses loix, ses usages particuliers [. . .] Pour se convaincre que la nation est Gauloise, et que les nobles seuls sont Francs, ou Francois, il suffit de jeter un coup d’oeil sur les premiers sitcles de notre histoire’, s. l., s. d., Bibliothtque de Port-Royal, Rev. 120.

12. Le discours jacobin presente souvent les peuples qui combattent la France comme manipults par des ministres cupides ou ambitieux, par exemple Pitt en Angleterre.

13. Norman Hampson, article ‘Patrie’, dans The French Revolution and the creation of modern poIiticaI culture, volume 2 (Oxford, Pergamon Press, 1988) p. 125-137.

14. Chancelier d’Aguesseau, Mercuriale prononcee a PBques, 1706, L’homme public ou

~attacheme~t du magistraf au service du public. 15. Bossuet, Pofitique tirPe des propres paroles de fEcriture Sainte, Livre I. 16. Voltaire, Lettres phifosophiques ou Lettres anglaises, X” lettre. 17. Sophie Wahnish a releve, dans le discours jacobin de l’an II, les qualificatifs

pejoratifs qui justifient cette opposition: parmi les ceux qui reviennent le plus souvent a propos de I’Anglais, on trouve ‘cupide’, ‘mercantile’, ‘marchand d’Albion’, ‘conduit par l’inttret’, ‘speculateurs’, ‘marchand de chair humaine’, ‘agioteur’, ‘fier de son commerce’, Article ‘Anglais’ du Dictionnaire des Usages Socio-politiques, fascicule 4 (INALF, 1989), pp. 35-61. Ajoutons que le heros fran$ais type, quant a lui, est toujours reprtsente comme genereux et desinteresse.

18. Celle-ci est en particulier vehiculee jusqu’a la Revolution par la pensee parlementaro- jansCniste, dont les formes les plus extremes, convulsions, propheties, ttmoignent de la profondeur de I’attente mystique de route une frange de la population.

19. A la definition bossuetiste de la nation comme un corps oit chaque membre a sa fonction et son utilite, correspond celle de Sieyes: ‘Tomes les classes de citoyens ont leurs fonctions, leur genre de travail particulier, dont I’ensemble forme Ie mouvement general de la societe’, Essai sur les priviI6ges (Paris, P.U.F., 1982) p. 18.

20. Ce projet, mime s’il n’entraine pas sur le moment de resultats tres differents, marque une difference d’optique fondamentale avec l’oeuvre de la monarchic.

21. Jules Michelet, Le peuple (Paris, Flammarion, 1974) p. 226.