Un petit mot de la tata de pierrot à ces mêmes grandes personnes

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ENFANT ET SOCII~TI~ Un petit mot de la "rata de Pierrot b ces m6mes Grandes Personnes Une amie qui garde aussi des enfants comme moi m'a dit qu'elle avait assist~ ~t une f&e oh quelqu'un avait lu un texte d'un enfant. Cet enfant, je l'ai reconnu tout de suite. C'&ait mort Pierrot... Donc, 1~, j'en suis rest6e baba !... Qu'il dise tout ga, et puis il l'a fait en cachette de moi, enfin de tout le monde je pense... C'est qu'il est tr&s intelligent. Je l'ai toujours dit. C'est dom- mage qu'il est si paresseux ~ l'&ole. Enfin, moi, je crois que peut-&re, il passera pas par les &oles pour avoir une situation, mais il r~ussira. Remarquez que maintenant avec les temps qui courent, le ch6mage et tout, il faut ce qu'il faut... J'avais beau lui dire quand il dtait chez moi, il avait la t&e en Pair; il travaillait quand il voulait, mais c'6tait pas souvent. Ils l'ont mis dans un Centre, parce que ga n'allait pas 5 l'&ole, et puis aussi, il 6tait difficile, chapar- dage et tout, mais un coeur d'or... Si il mfa fair du souci celui-l~t !... Pourtant j'en ai gard6 d~autres..., mais je vous dirais que je recommencerai pas... J'&ais contente de lire sur le papier : ~,J'aimais bien ma Tara... ~. Parfois on se le demandait... Nous aussi on l'aimait bien... I1 est arrivd chez nous, il avait pas deux arts. UAssistante Sociale, elle m'avait demand4 si je vou- lais garder un petit. J'avais pas trop l'habitude, sauf pour les miens, mais elles commengaient ~ &re grandes. I1 &ait dans un Centre Maternel avec sa m~re, et puis, il para~t, la pauvre femme, elle avait du travail et pas de logement. L'Assistante Sociale m'avait dit que ce serait pour un an peut-~tre, le temps de le d6brouiller, et puis sa m~re apr~s, elle le reprendrait, le mettrait ~t l'&ole. Nous avons prSpar$ le lit, la chambre quoi. M0n marl, il &ait d'accord bien stir puisque c'&ait moi Journal de PI~DIATRIE et de PUI~RICULTURE n ~ 8-1992 qui faisais le travail, et les filles, je leur avais dit qu'il y aurait un petit gargon, un petit fr~re quoi. Elles &aient ravies. Un jour, la m~re, l'Assistante Sociale et le petit, ils sont venus en visite. C'est l'Assistante Sociale qui a parl~ tout le temps. Le petit, un peu turbu- lent, maigrichon, c'est normal, ils &aient en ville ! La m}re, mini-jupe et tout ; elle savait pas tr~s bien quoi faire avec. Je me disais : ~ Si c'estpas malheureux que cela leur arrive 3 des jeunettes comme ~a quand leur tombe un enfant... ,,. L'Assistante Sociale m'avait dit qu'elle ~tait seule, sans mari, mais courageuse avec ga, parce qu'elle travaillait... Je leur ai fair visiter la maison, la chambre du petit ; il &ait avec ma fille Claudette. Je lui ai dit : ~ Tu vois, tg auras une grande soeur pour te surveiller ,~... ; il avait apport6 son ours, et sa mSre lui a montr8 son lit, et c'est 1~ qu'il dormirait avec son ours. Ils ont gotit& Pierrot a bien mang6 ; il courait partout ; il &ait comme chez lui. Quand ils sont partis, l'Assistante Sociale m'avait dit qu'il reviendrait la semaine prochaine avec ses affaires, et que tout irait bien. La maman n'avait pas pos8 beaucoup de questions, mais je lui avait dit pour la rassurer : (( Vous savez, on s'en occupera bien, et je suis s~r qu'il ne pleurera pas... Vous savez les enfants ;a oublie vim... ,,. UAssistante Sociale m'avait alors regard& de travers et a dit bien fort avec un ton de reproche que je lui ai vu dans la voix : ~ Ga oublie les chagrins, pas leur Maman / ,,. Bien stir, c'est pas ga que je voulais dire, moi.., et la pauvre petite, elle avait l'air tellement malheureuse que je voulais la rassurer. Je me suis dit que l'Assis- tante Sociale, elle serait pas contente de moi, comme si je voulais lui supprimer sa m~re... J'avais 489

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ENFANT ET SOCII~TI~

Un pet i t m o t de la "rata de Pierrot b ces m 6 m e s G r a n d e s Personnes

Une amie qui garde aussi des enfants comme moi m'a dit qu'elle avait assist~ ~t une f&e oh quelqu'un avait lu un texte d 'un enfant.

Cet enfant, je l'ai reconnu tout de suite. C'&ait mort P ier ro t . . . Donc, 1~, j 'en suis rest6e baba !... Qu'il dise tout ga, et puis il l'a fait en cachette de moi, enfin de tout le monde je pense... C'est qu ' i l e s t tr&s intel l igent . Je l'ai toujours dit. C'est dom- mage qu'il est si paresseux ~ l'&ole. Enfin, moi, je crois que peut-&re, il passera pas par les &oles pour avoir une situation, mais il r~ussira. Remarquez que maintenant avec les temps qui courent, le ch6mage et tout, il faut ce qu'il faut... J'avais beau lui dire quand il dtait chez moi, il avait la t&e en Pair; il travaillait quand il voulait, mais c'6tait pas souvent. Ils l 'ont mis dans un Centre, parce que ga n'allait pas 5 l'&ole, et puis aussi, il 6tait difficile, chapar- dage et tout, mais un coeur d'or... Si il mfa fair du souci celui-l~t !... Pourtant j'en ai gard6 d~autres..., mais je vous dirais que je recommencerai pas...

J'&ais contente de lire sur le papier : ~ , J ' a i m a i s b i e n m a Tara . . . ~. Parfois on se le demandai t . . . N o u s aussi on l ' a imai t bien...

I1 est arrivd chez nous , il avait pas deux arts. UAssistante Sociale, elle m'avait demand4 si je vou- lais garder un petit. J'avais pas trop l 'habitude, sauf pour les miens, mais elles commenga ien t ~ &re grandes. I1 &ait dans un Centre Maternel avec sa m~re, et puis, il para~t, la pauvre femme, elle avait du travail et pas de logement. L'Assistante Sociale m'avait di t que ce serait pour un an peut-~tre, le temps de le d6brouiller, et puis sa m~re apr~s, elle le reprendrait, le mettrai t ~t l'&ole.

Nous avons prSpar$ le lit, la chambre quoi. M0n marl, il &ait d'accord bien stir puisque c'&ait moi

Journal de PI~DIATRIE et de PUI~RICULTURE n ~ 8-1992

qui faisais le travail, et les filles, je leur avais dit qu'il y aurait un petit gargon, un peti t fr~re quoi. Elles &aient ravies.

Un jour, la m~re, l'Assistante Sociale et le petit, ils sont venus en visite. C'est l 'Assistante Sociale qui a parl~ tout le temps. Le petit, un peu turbu- lent, maigrichon, c'est normal, ils &aient en ville ! La m}re, mini-jupe et tout ; elle savait pas tr~s bien quoi faire avec. Je me disais : ~ Si c'estpas malheureux que cela leur arrive 3 des jeunettes comme ~a quand leur tombe un enfant... ,,. L'Assistante Sociale m'avait dit qu'elle ~tait seule, sans mari, mais courageuse avec ga, parce qu'elle travaillait...

Je leur ai fair visiter la maison, la chambre du peti t ; il &ait avec ma fille Claudette. Je lui ai dit : ~ Tu vois, tg auras une grande soeur pour te surveiller ,~... ; il avait apport6 son ours, et sa mSre lui a montr8 son lit, et c'est 1~ qu'il dormirait avec son ours.

Ils ont gotit& Pierrot a bien mang6 ; il courait partout ; il &ait comme chez lui.

Quand ils sont partis, l 'Assistante Sociale m'avait dit qu'il reviendrait la semaine prochaine avec ses affaires, et que tout irait bien.

La maman n'avait pas pos8 beaucoup de questions, mais je lui avait dit pour la rassurer : (( Vous savez, on s'en occupera bien, et je suis s~r qu' i l ne pleurera pas... Vous savez les enfants ;a oublie vim... ,,. UAssistante Sociale m'avait alors regard& de travers et a dit bien fort avec un ton de reproche que je lui ai vu dans la voix : ~ Ga oublie les chagrins, pas leur M a m a n / ,,. Bien stir, c'est pas ga que je voulais dire, moi.., et la pauvre petite, elle avait l'air tellement malheureuse que je voulais la rassurer. Je me suis dit que l'Assis- t an t e Sociale, elle serai t pas c o n t e n t e de moi , comme si je voulais lui supprimer sa m~re... J'avais

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l 'habitude des enfants qui &aient pas ~i moi, et je savais y faire, mais lui, il faut dire, il &ai t pas comme les autres..., un vrai amour, un vrai gargon... I1 faut vous dire qu'avec mon marl, on a eu trois filles ; pour ga on &ait content, mais si on avait pu avoir un gargon, mon marl, lfi, il aurait 8t8 ter , et puis moi aussi. Enfin, c'est comme ga la nature, on n'y peut rien...

T o u j o u r s e s t - i l q u ' o n s 'y e s t b e a u c o u p at tachd, comme si c'&ait le n6tre ; enfin pas tout fait, bien stir, puisque c'&ait pas le n6tre.

En quelques mois, il a bien pris des joues.., le bon air quoi, ga lui a fait du bien.

L'Assistante Sociale de la DDASS venait rSguli~- rement ; elle me demandait comment il allait ; un peu dur et tout, mais on s'y faisait. I1 commengait parler, enfin, quelques mots... Sa m~re, au d4but , e l le v e n a i t pas s o u v e n t , et puis quand d i e te voyait, d ie avait Pair bien malheureuse la petite. Je lui disais au petit : ~, C'est ta Maman, tues content de voir ta M a m a n ,,. I1 restait deux minutes sur ses genoux, puis hop, le voil~ parti.

l[ faut dire qu'il y avait beaucoup de monde qui venait chez moi, et tous ils admiraient ce beau petit. Sa mSre, c'&ait une dame parmi les autres... Des fois, comme die me disait l'Assistante Sociale, je le prS- parais ~i sa venue. Je ne savais pas bien ce qu'il com- prenait, mais comme l'Assistante Sociale elle disait, moi je faisais... Parfois aussi, quand il &ait plus grand, il comprenait parce quand sa mSre arrivait et qu'elle lui apportait des cadeaux, il lui demandait : ~ Qu'est-ce que tu re'as apportC aujourd'hui ? ,,. C'&ait souvent des bonbons, des jouets, alors mSme qu'ils &aient pas tr~s pratiques, et qu' i l ne s'en servait pas. Je vous dirais que pour les miens, c'&ait pareil. Quand leurs marraines, elles venaient les voir, elles vivaient en ville, elles apportaient des poupdes avec des beaux habits. Ma Claudette, elle les regardait peine, et elle prdf~rait la sienne toute chiffonn~e, et qui sentait pas bon !

Les enfants , vous savez, c 'est ingrat , et puis, on peu t pas les ra isonner q u a n d ils sont petits.

Des lois, sa m~re disait qu'elle venait, et rile ne venait pas. Des lois, elle venai t avec des h o m m e s ; ga changea i t souvent . Moi je ne disais rien ; je sais pas ce qu'i l pensait darts sa peti te t&e ! Une fois m~me, elle lui a dit : ~, Ce sera ton nouveau Papa ; quand on aura une grande maison, on te reprendra ,,.

Moi, je savais pas quoi dire. C'&ait normal qu 'un enfant, il retourne avec sa m~re, mais je la voyais pas bien s'occuper de mon Pierrot ; et puis ga nous faisai t peine cet te id le ! Que lquefo i s , avec des copains de l'&ole, quand il jouait dans la cour, il disait : ,~ Quand je serai grand, j ' i rai chez ma m~re ; rile a une grande maison, et tout pr& de la Tour Eiffel ~,.

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Moi, je ne savais pas bien o~a elle restait sa m~re, mais je pensais pas qu'etle avait une grande maison pros de la Tour Eiffel. L 'Assis tante Sociale, elle m'avait di t quand elle nous l'a confi~, que c'&ait parce que, elle, elle n'avait pas de logement.

Des fois dans ia chambre, quand il parlait avec ma Claudet te , vous savez [es enfants ils ont des secrets entre eux, je l 'entendais qui disait : ~ Quand je serai chez ma Maman, tu viendras avec moi, et Tara, elle viendra nous voir ! ,,...

Vous voyez ce quail pensait !... C'est pas facile p o u r nous de c o m p r e n d r e ce qu ' i ls on t darts la t~te les enfants .

Pour qa, ~t la DDASS, ils faisaient ce qu'il fallait. Ils l ' emmenaient voir une p s y c h o l o g u e p r e s q u e tous les tools. Moi, je l'ai vue une lois cette dame ; elle m'a pos~ des questions sur Pierrot, sur ce qu'il disait, sur ce qu'il croyait ou savait de son histoire : ~a, je lui dis que moi, je lui avais dit quand il &ait arriv6 chez nous, qu' i l &ait venu avec sa m~re et une Assistante Sociale, il avait pas 2 ans. Qu'est-ce que vous voulez qu 'on se souvienne ~ cet ~ge ?... mais ce qu'ils ont dans la t&e, dans les pens&s, ce quql croyai t ?... Dame, c%tait pas mon m&ier , c'&ait le sien sans doute...

Bref, il allait voir cette dame ; il &ait content, mais il ne d isa i t r ien. Une lois quand m~me, il m'a demandS, je ne sais pas pourquoi : ~ Est-ce que tues une vraie Tara ? ,,. Dame, je lui ai r~pondu que ,~ oui ,,. Qu'est-ce que vous vouliez que je lui dise d'autre ?... I1 a eu l'air content, mais il ne m'a rien dit, car vous savez, il &ait curieux, intelligent quoi, m~me quelquefois, i[ &outait aux portes, j~en suis stire, mais disait pas grand chose de ce qu'il pensait, ou alors it vous disait des choses et on savait pas ce qu i le travaillait dans sa t~te.

Une fois, il &ait ~ la Maternelle, ~ la Grande je crois ; il me raconte qu'~ l '&ole, il avait appris ~i faire des ponts, et puis des jambes, et que la mal- tresse avait di t que ~a servait les jambes ~t &rire Maman quand il serait plus grand ; il lui avait demand8 ~ la mai'tresse, si les jambes ~a servait aussi

&ri te Tata ; la ma~tresse lui a di t que non, que c'&ait trop dif tc i le pour le moment et qu'on verrait plus tard.

Et bien croyez-vous quail serait rest~ 1~ ? Non, il voulai t savoir ; il demande ~ ma lille Claude t te comment on faisait pour &rire Tata, Je ne sais pas comment elle lui a montr~ ? Mais un jour, Pierrot est venu, j'&ais ~ la cuisine, il m'a dit : (~ Tiens Tata, regarde, f i sais faire Tata. Je lui dirai ~ la maitresse : pour &rite Maman, on fair des jam&s, pour gcrire Tata, on f a i t des bras puisque ;a monte ! ~,...

Si c 'est pas d o m m a g e qu ' i l ait pas con t inu~ ~i a p p r e n d r e ~t l"dcole c o m m e ga !...

Journa l de PI~DIATRIE et de PUCRICULTURE n ~ 8-1992

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Parce que vous savez, plus il devenait grand, plus il &ait difficile ; il n'obdissait pas ; ~i l 'dcole les m a i t r e s e t les m a i t r e s s e s , ils n ' e n v o u l a i e n t p lus : toujours au fond de la classe, c'est pas une vie ga !... P o u r moi , les mai t res , ils ne savaient pas le prendre . . . Moi, des fois, je lui disais qu'il fallait pas toujours r~pondre, et ne pas &outer ~i l'$cole, ga me faisait du chagrin. Alors, il me disait : r te promets Tata... ,,. I1 &ai t sage deux jours, m~me quelquefois plus.

On en parlait avec sa m~re, l 'Assistante Sociale aussi. Sa m~re, elle lui disait bien : r ne pourrai pas te reprendre Pierrot, si tu travailles real, et que per- sonne ne veut de toi clans les gcoles ,,...

L'Assistante Sociale, elle me demandait si il fai- sait ses devoirs le soir, si je l'aidais ? Moi, pas trop, parce que je ne savais pas bien l'analyse logique, et le calcul, c'$tait pas comme de mon temps, mais Claudette, ou bien ma grande, elte lui faisait r&iter les legons tousles jours.

Toujours est-il qu'il dtait t ou jours puni . L'As- sistante Sociale est venue me dire un jour que ga ne pouvai t plus durer comme ga ; qu ' i ls en avaient parl4 avec la p sycho logue , avec l ' $qu ipe de la DDASS, et qu'ils pensaient que Pierrot, il ne fallait pas qu'il reste tout le temps chez nous pour pouvoir travailler mieux fi l'~cole. Certes, il nous a imai t beaucoup, on &ait important pour lui, mais qu'il fallait qu'iI aille dans un Centre off on s'occuperait mieux de la scolarit~ et de ses probl~mes. Elle a dit la m~me chose fi Pierrot avec d'autres mots ; Pierrot me regardait.., moi aussi... On n'a rien dit ~i l'Assis- tante Sociale parce qu'elle avait l'air si sfire d'eUe, mais quand m~me, c 'dtait pas possible qu 'on ne trouve pas d'autre solution...

Je regrettais d'avoir di t qu' i l dtait difficile, et qu'il chapardait l 'argent du pain ; c'&ait peut-&re de ma faute tout ga qui lui arrivait... Et puis sa m~re qui lui disait tout le temps qu'elle allait le reprendre et que c'&ait pas vrai ! Et puis dans le fond, moi, je crois pour vous dire tout ce que je pense, je crois pas qu ' i l aurai t 4t~ bien chez sa m~re... En plus, il faut vous dire, qu' i l avait sfire- m e n t des choses qu i le t racassa ient ce petit . . . ; la psychologue et les gens de la DDASS, ils avaient re t rouv4 son p~re, et puis ils ont dit qu'il fallait qu'il le rencontre. Pierrot m'en a parl~ ; moi je vou- lais bien, ce pet i t n 'avait pas de p~re, m~me que

mon mari, le pauvre, il 4tait mort quand il avait 6 ans, et qu'il s 'entendait tr~s bien avec lui... Pier- rot v a l e voir quelquefois chez lui, mais ce Mon- sieur, moi je ne le connais pas, il n'est jamais venu voir off il habitait son fils... Mais il a pas l'air de s ' int&esser beaucoup k lui, jamais &rire, jamais tdlSphoner... Enfin, pour moi, ga doit le tracasser le peti t !... I1 n'en parle pas souvent, juste pour dire qu' i l a une grosse moto, plus grosse que celle de notre voisin...

Enfin, ils ont prdpar$ Pierrot, et nous aussi pour le ddpa r t au Centre . Sa m~re, elle &air d'accord pour qu'il air une meilleure instruction. On a ~t6 Fi-bas avec lui, visiter. C'&ait un bel $tablissement ; les 6ducateurs, ils avaient l'air gentils, je l'ai dit ~t Pierrot ; peut-&re un peu jeunes, sans doute qu'ils ne devaient pas avoir d'enfants eux-m~mes, et qu'ils avaient appris dans les livres comment faire avec eux !... Quand je l'ai accompagn$ lfi-bas avec sa valise, il y avait sa m~re aussi ; et bien vous me croi- rez si vous voulez, j 'avais le cceur ddchird , pire que si c'dtait mon ills !... J 'ai cach~ mes larmes ; lui, il a 6t~ tr~s courageux, sa m~re aussi.

Depuis, il est dans le Centre , je crois qu'on s'oc- cupe bien. Des fois, ils me t~l~phonent pour chan- ger les week-ends ; il vient chez moi deux week- ends par mois. L~-bas, c'est le r~glement, ils disent qu'il faut qu'il aille moiti&moiti6. I1 ne me raconte pas beaucoup de choses de l~l-bas ; parfois, il me dit que sa m~re est venue au Centre rencontrer les ~du- cateurs , la psycho logue et l 'Ass i s t an te Sociale. Maintenant , celle de la DDASS et du Centre, ils v iennent presque pas. J 'a imerais savoir qu'est-ce qu'ils vont faire avec le petit. . . Pierrot, il me dit qu'il va peut-&re retourner chez sa m~re. Alors je pense que c'est bien, mais j'ai le coeur qui se serre, parce que Fi-bas le Pierrot, on l'aura perdu tout fair. M~me qu'il me dit : ~ Tu sais Tata, je t'oublierai jamais, et quand je serai grand, je eonstruirai une maison tout pros de chez toi ,,... Pour stir, il y a de la place chez nous !...

Alors vous savez, vous tous qui vous occupez des enfan ts , p u i s q u e c 'es t vo t re mdtier , il fau t pas oubl ier que dans le coeur d 'un enfant , i l p e u t y avoir de la place pour une Tata el une M a m a n !

Tata.

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