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Jean-Paul Ortiz réélu : un nouveau mandat pour transformer la médecine Le journal de la 22 mars 2018 • n°1302 ISSN : 0399-385X Actus Patrick Gasser réélu page 12 Rencontre Pr Jérôme Salomon, directeur général de la Santé page 4

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Jean-Paul Ortiz réélu : un nouveau mandat

pour transformer la médecine

Le journal de la 22 mars 2018 • n°1302

ISSN : 0399-385X

ActusPatrick Gasser réélupage 12

RencontrePr Jérôme Salomon, directeur général de la Santépage 4

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sommaire

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Les instances dirigeantes de la CSMF m’ont confié la présidence pour un nouveau mandat de quatre ans. Au-delà de l’honneur que représente cette mission, je mesure l’adhésion au projet que j’ai porté autour de l’unité confédérale pour construire tous ensemble les

évolutions majeures de la médecine libérale. Répondre aux besoins de la population passe par des organisations territoriales libérales aux mains des médecins, véritables entrepreneurs de soins garantissant un accès aux soins pour tous et partout. Ceci nécessitera le regroupement professionnel, en un même lieu ou grâce aux nouvelles technologies comme la télémédecine. C’est en innovant que la CSMF restera le point central du système de santé en ville, et le premier syndicat médical français. C’est en évoluant pour garantir des soins de qualité partout, en développant la pertinence des actes, l’évolution des modalités d’exercice autour de la mixité

des lieux d’exercice, et des temps partagés. Ces mutations doivent s’accompagner du soutien à l’exercice isolé pour donner du temps au changement.

Dans le passé la CSMF a toujours été l’acteur majeur de l’opposition aux politiques néfastes des différents gouvernements. Pour l’avenir elle doit poursuivre sa vigilance et son opposition déterminée chaque fois que nécessaire, tout en étant le moteur de la mutation de notre profession.

C’est autour de ces deux rôles de la CSMF - s’opposer et proposer - que nous construirons ensemble l’avenir de la médecine libérale et sociale pour le bien de nos patients.

Dr Jean-Paul Ortiz,président de la CSMF

Construire ensemble l’avenir de la médecine libérale

4. Rencontre Pr Jérôme Salomon, directeur général de la Santé

6. Dossier Jean-Paul Ortiz réélu : un nouveau mandat pour transformer la médecine

11. L'événement Pratiques avancées : le médecin doit rester le chef d'orchestre

12. Actus Patrick Gasser réélu

13. Territoires L'actualité de la médecine

14. À la loupe Prélèvements à la source : quelles incidences pour les médecins ?

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Ses trois idées fortes• « En dépit de ses performances, notre système de santé reste marqué par de profonds déséquilibres, notamment en termes de prévention des risques et de réduction des inégalités » Pour Jérôme Salomon, la Stratégie Nationale de Santé et le Plan national de santé publique vont permettre de réorienter favorablement la politique de santé en France

• « Les médecins de ville jouent un rôle-clé en matière de prévention, mais le système de santé n’est pas conçu pour valoriser suffisamment ces initiatives. » L’un des enjeux reste de placer les actions de prévention au cœur de leurs pratiques professionnelles.

• « Le Plan national de santé public va permettre de donner une vision d’ensemble des enjeux à relever pour les professionnels, à tous les âges de la vie. » Le plan sera rédigé à destination du grand public, afin que chacun comprenne concrètement ce qui lui est proposé.

Pr Jérôme Salomon, directeur général de la Santé

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« Pour une politique de santé à tous les âges »

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Vous venez de prendre le poste de directeur général de la santé. Quel est votre diagnostic sur le système de santé ? Il permet à nos concitoyens de bénéficier d’une des meilleures espérances de vie au monde, et, grâce à l’assurance mala-die, d’un haut niveau de prise en charge des dépenses par la solidarité nationale. L'ensemble de la population a accès à des services et à des produits de santé de très haute qualité. Les professionnels de santé, dans tous les domaines, présentent un haut niveau de compétence et de mo-tivation au service des personnes qu'ils prennent en charge. Néanmoins, les prin-cipales faiblesses de ce système ont été rappelées le 13 février dernier. Le trop faible investissement dans la prévention se traduit par une mortalité prématurée évitable trop élevée, en particulier chez les hommes, et une espérance de vie en bonne santé insuffisante. Le cloisonnement entre la ville, l’hôpital et le médico-social laisse le patient souvent coordonner lui-même les différents professionnels, et pèse sur le quotidien des professionnels eux-mêmes. La dispersion des ressources conduit à un éparpillement des compétences et des in-vestissements. Et notre système est désé-quilibré par trop d’hospitalisations mais aussi par des inégalités sociales et territo-riales de santé marquées. Pour y faire face, le gouvernement a engagé la Stratégie Na-tionale de Santé 2018-2022. Et nous prépa-rons également le Plan National de Santé Publique, notamment en mettant l'accent sur le développement de la prévention et de la promotion de la santé dans tous les milieux de vie et à tous les âges. Les prin-cipaux enjeux sont d’inscrire la qualité et la pertinence au cœur des organisations et des pratiques, de repenser les modes de rémunération, de financement et de ré-gulation, d’accélérer le déploiement des technologies numériques pour améliorer l'information des patients et le partage de l'information, d’adapter les formations et les ressources humaines et de repenser l'organisation territoriale des soins.

La SNS place la promotion de la santé et la prévention en tête des priorités. Comment mieux y associer les médecins de ville ?Les médecins de ville jouent un rôle es-sentiel au plus près de la population, qu'ils suivent tout au long de la vie, et

dont ils connaissent les conditions de vie et de travail. La prévention et la promotion de la santé sont au cœur de leurs activi-tés quotidiennes. Ils sont tout d'abord au premier plan dans la mise en œuvre de la prévention primaire, comme les vaccina-tions, secondaire, comme le dépistage et la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire, ou tertiaire, par exemple pour permettre le maintien à domicile des personnes en situation de fragilité. Ils sont aussi en situation d'identifier les risques auxquels leurs patients sont exposés et de les conseiller sur les mesures adap-tées pour les prévenir, mais également d'alerter et de mobiliser si nécessaire les acteurs pouvant intervenir en amont de ces risques. Ils représentent également une source d'information essentielle et respectée pour leurs patients. Les tra-vaux en cours portent notamment sur le renforcement de la part de la prévention individuelle et collective dans leur forma-tion, mais aussi sur l'évolution de leurs conditions d'exercice et de rémunération, pour faciliter la construction de parcours de santé décloisonnés prenant en charge la santé de toute une population.

La ministre de la santé a annoncé la préparation d'un plan national de santé publique. Quels en seront les grands axes ?La planification en santé publique a at-teint certaines limites en termes d’effica-cité et d’efficience. La création d’un PNSP constitue une étape majeure afin de se do-ter d’un système de planification en santé publique plus performant. A quoi ressem-blera le PNSP ? Il s’agit pour la première fois de disposer, d’ici quelques semaines, d’un document qui présente ce qui va être fait pour promouvoir et préserver la santé de la population, en détaillant par ailleurs les enjeux qui relèvent des acteurs de la santé. Document transversal, abordant tous les déterminants de la santé, qu’ils soient environnementaux ou comporte-mentaux, il parcourra les différents âges de vie avec leurs spécificités propres, des 1 000 premiers jours à la préservation de l’autonomie. Les acteurs de la santé auront ainsi une vision d’ensemble des enjeux et des accompagnements qui les concernent. Issues ou non d’un plan déjà existant, les actions feront l’objet d’un portage natio-nal et d’un soutien gouvernemental fort (la santé dans toutes les politiques). Elles

seront sélectionnées selon des critères combinant efficacité et faisabilité. La ré-daction du plan sera orientée vers le grand public afin que le lecteur puisse y trouver facilement les prochaines améliorations prévues pour sa santé : la préparation et le suivi de la grossesse, le développe-ment des compétences psychosociales à l’école, les engagements des acteurs éco-nomiques ou encore les nouveaux bilans ou dépistages proposés. Il faut y ajouter la création toute récente du service sani-taire, une quasi - première mondiale. Cet engagement du Président de la Répu-blique permet de diffuser, partout sur le territoire, des interventions de promotion de la santé et de prévention conduites par des étudiants. Cette réforme profonde va renforcer le sens de leur engagement dans leurs études et favoriser l’inter-pro-fessionnalité autour de projets communs.

Quel diagnostic portez-vous sur le pilotage actuel de la politique sanitaire ? Y a-t-il par exemple trop d'agences sanitaires ?Notre système d’agences est le fruit des crises sanitaires qui ont exigé de structurer notre expertise et nos moyens de réponse. Mais ce dispositif était apparu insuffisam-ment cohérent, avec des redondances dans les missions, et donc la nécessité d’une or-ganisation plus efficace. C’est pourquoi la réforme des agences a permis notamment la création de Santé Publique France, un acteur réunissant toute l’expertise dans le champ de la santé des populations, de la surveillance à la gestion des situations d’urgence, en passant par la prévention. Cet effort se poursuit, notamment dans le cadre du comité stratégique du système d’agences, le CASA, où je réunis chaque mois leurs dirigeants. Nous y échangeons sur des thématiques communes. Nous avons également développé des réseaux avec les responsables des fonctions d’ap-pui, comme les ressources humaines, ou les systèmes d’information. Il nous faut également développer une approche glo-bale pour mieux protéger nos concitoyens : surveillance des populations, gestion des risques environnementaux, amélioration de la qualité et de la sécurité des produits et pratiques en santé. Nous devons encore améliorer la cohérence et l’efficacité de nos organisations.

Spécialiste des maladies infectieuses, ancien conseiller à la sécurité sanitaire de Marisol Touraine et proche d’Emmanuel Macron durant la campagne électorale, Jérôme Salomon a été nommé directeur général de la santé en janvier dernier. Pour Le Médecin de France, il dévoile les grandes lignes de la politique de santé publique portée par le gouvernement, qui s’incarnera notamment à travers le Plan national de santé publique.Rencontre

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Le 10 mars, la CSMF s’est réunie à Paris pour réélire Jean-Paul Ortiz à sa tête. Soutenu par un bureau renouvelé et mo- tivé, le président de la CSMF a appelé à la préparation d’un nouveau projet poli- tique. Et il a tracé les grandes lignes du programme confédéral pour les quatre prochaine années.

Le 10 mars dernier, une nouvelle page importante de la longue histoire de la CSMF s’est tournée. À Paris, au dé-

cours de l’Assemblée générale statutaire annuelle, qui rassem- blait près d’une centaine de délégués venus de toute la France, le conseil confédéral, formé des représentants des régions a élu le président de la confédération pour les quatre prochaines années et son nou- veau Bureau national. Sans surprise, et à une large majorité (80% des votants), Jean- Paul Ortiz va donc continuer à porter les combats du premier syndicat de méde- cins libéraux de France. Une légitimité renforcée, donc, pour celui qui aura dû piloter le navire confédéral sous les vents contraires du quinquennat Hollande, avant de nouer des liens plus construc- tifs avec la nouvelle ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Si la réélection de Jean-Paul Ortiz était nécessairement attendue, à défaut que des concurrents ne se soient présentés contre lui, le pro-longement de son engagement ne se traduira pas par la gestion des affaires

courantes. Au contraire, Jean-Paul Or-tiz entend profiter de ce second mandat pour redonner des perspectives d’avenir à la médecine libérale, dans un contexte de profonde transformation du système de santé.

Vers un nouveau projet politique« Disposer aujourd’hui d’un projet politique renouvelé est une obligation pour la CSMF, expliquait-il ce jour-là aux élus du syndicat. Nous sortons d’un quinquennat d’opposition, d’absence de dialogue, de crispation des acteurs et des postures. » Pour lui, la reprise du dialogue avec les autorités est certes acquise, mais la voie qui s’ouvre aujourd’hui est loin d’être facile. « Au-delà des paroles, les médecins libéraux attendent des actes et ils espèrent une reconnaissance de leur engagement professionnel. La période de transition actuelle est la plus difficile, car il faut préserver l’existant tout en engageant les transformations nécessaires dans un contexte de demande de soins accrue et d’exigences croissantes de la part de la population. » Dans les semaines et les mois qui viennent, le président de la CSMF propose que le projet politique qu’il entend porter soit enrichi par des débats à tous les niveaux au sein de la Maison Confédérale. « C’est sur cette base que devront être élaborées les plates-formes précises de revendications de chaque spécialité ou mode d’exercice, ainsi que les modifications réglementaires ou organisationnelles que la CSMF pourra porter dans les années à venir. »

S’adapter aux mutationsÀ l’appui de ces travaux, donc, Jean-Paul Ortiz met à disposition sa perception des mutations en cours dans le système de santé. Une démonstration qui commence par la nouvelle place du patient, au cœur d’une révolution majeure dans son rapport à la maladie et à la santé. Mieux informé, il de-vient acteur de sa propre santé et exprime des exigences plus fortes vis-à-vis des soi-gnants. « Le patient demande aujourd’hui à bénéficier d’une véritable éducation pour sa santé, qui se développe sous forme d’éduca-tion thérapeutique. Il revendique même une dimension d’expertise. » Parallèlement à ce mouvement, le progrès médical s’accélère et modifie en profondeur l’organisation des métiers. Les spécialités se multiplient (44 aujourd’hui contre 22 dans les années 50). « Les contours des spécialités évoluent au fil des progrès médicaux, ce qui nécessite de nouvelles organisations pour y répondre. » Enfin, une troisième révolution, celle-là sociétale, tend à impacter les fondements de l’exercice libéral. « Il serait suicidaire de ne pas tenir compte de cette modification de l’abord du temps de travail, de son orga-nisation et des priorités que posent les jeunes générations pour un temps de travail hebdo-madaire moins important, mieux organisé et compatible avec une vie personnelle préservée et des temps de loisirs réels. »

Regroupement et territoiresLes conséquences de ces métamorphoses sont déjà en cours. La première a trait au souhait du regroupement entre praticiens

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et du travail en équipe pluridisciplinaire. « Le regroupement correspond certes à un besoin par rapport au projet de vie, mais c’est aussi devenu une nécessité pour garantir aux patients la qualité de la prise en charge. » Outre ces modes d’exercice collectifs, les médecins doivent également concevoir leur exercice à l’échelle de territoires de santé. « À l’échelon des territoires, ce sont de véritables entreprises médicales, devenues offreuses de soins ambulatoires pour une population donnée, qui doivent se structurer. » Ces nouvelles organisations ont vocation à contractualiser avec les ARS, sur la base de droits et devoirs, notamment pour

garantir aux populations la permanence, la continuité et la qualité des soins. « Cette organisation de la médecine libérale devra se développer dans le temps, mais l’enjeu est fondamental si l’on ne veut pas voir les pouvoirs publics, l’hôpital public et privé, prendre et jouer ce rôle, y compris au plus près des populations. »

L’IA, un bouleversement à préparerCes évolutions vont fatalement modifier en profondeur les contours de la méde-cine. S’y ajoute en effet la formidable dis-ruption portée par les technologies numé-

riques et les promesses de l’intelligence artificielle. « L’IA donnera le diagnostic le plus probable, sur des bases d’analyses sta-tistiques extrêmement larges et inaccessibles à un cerveau humain. Elle proposera également une attitude thérapeutique. Le médecin sera-t-il devenu inutile ? Non, car l’IA recentrera le médecin sur la transgression, c’est-à-dire le refus du diagnostic proposé ou de la thérapeu-tique envisagée. Seule l’intelligence humaine donne à la médecine cette valeur ajoutée qui en fait un art. » Pour Jean-Paul Ortiz, il ne faut pas écouter ceux qui prédisent la disparition prochaine de certaines spé-cialités médicales. « Ce qui restera, ce n’est

pas une image, mais bien un patient, avec la complexité de son vécu, de sa maladie et (ou) de son approche de la mort, avec sa dimension culturelle et psychologique. Et le médecin gar-dera le privilège de cette relation empathique qui en fait le confident, l’accompagnateur, le tuteur du patient angoissé par la maladie et la mort. »

Quatre motions votéesToutes ces perspectives vont fortement influer sur la ligne politique de la CSMF, à court comme à long terme. L’Assemblée générale a été l’occasion de faire voter quatre motions, en lien avec l’actualité immédiate. Sur le plan conventionnel, la CSMF demande à l’assurance maladie de s’engager fortement dans les nouveaux outils de la télémédecine en investissant en faveur de l’innovation dans le secteur libéral. Elle rappelle également la nécessité de revoir certaines dispositions de la convention : élargissement des consultations com-plexes et très complexes, modification des conditions d’entrée dans l’OPTAM/OPTAM-CO de groupe, obtention d’un coefficient modérateur des tarifs de la CCAM technique dans les DOM. Second sujet, la CSMF réaffirme son attachement à la liberté d’installation et appelle les

libéraux à s’investir dans les nouvelles modalités d’organisation territoriale. Sur la délégation de tâches et les pratiques avancées, elle s’y déclare favorable, tout en précisant que le médecin doit rester le chef d’orchestre et que cela doit s’effectuer dans le cadre d’un protocole validé par le médecin. Enfin, la confédération accepte que la profession s’investisse dans un processus de recertification/accrédita-tion, à la condition qu’il soit co-construit avec la représentation professionnelle des mé-decins en exercice. Elle dénonce la démarche actuelle exclusivement centrée sur la partie universitaire et étudiante.

Dossiers de long termeOutre ces thématiques politiques qui vont marquer l’année 2018, la CSMF doit s’in-terroger sur les tendances à long terme de la pratique libérale. Exercice à temps partiel, diversification des carrières, mixi-té des statuts professionnels, protection sociale améliorée… les aspirations des fu-turs médecins ne sont pas celles de leurs aînés, et il faut en tenir compte. De même, les bases de la formation initiale doivent être revues, en développant les stages en médecine de ville, en modifiant les cri-tères de sélection (numerus clausus, mo-

tivation, qualités humaines), en dissociant la fonction d’enseignement de la fonction de soin. Le rôle d’expertise du médecin doit être par ailleurs davantage reconnue et valorisée. Côté organisation des soins, la CSMF rappelle la nécessité de recen-trer l’hôpital sur son cœur de métier, soit le troisième recours et les soins d’excellence. Enfin, deux sujets vont prendre une ampleur inédite dans les années à venir : la qualité et per-tinence des soins et l’innovation orga-nisationnelle. Les médecins libéraux doivent à tout prix s’investir dans ces champs, faire la preuve de leur capa-cité à l’efficience et s’organiser entre eux pour concevoir des modalités effi-caces de prise en charge des patients. Là encore, la CSMF sera pleinement impliquée aux côtés de ses confrères. Et elle mettra toutes ses compétences en œuvre pour que chacun puisse exercer la médecine libérale en toute indépendance.

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pour transformer la médecine

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Dossier Jean-Paul Ortiz réélu : un nouveau mandat pour transformer la médecine

Un bureau renouvelé, rajeuni, féminisé

Avec dix généralistes et dix spécia-listes, le bureau confédéral respecte les équilibres, tant en termes de spé-cialités que de représentation terri-toriale. Rajeuni et féminisé, il incarne également une nouvelle dynamique au service d’un projet politique rénové.

Àl’occasion de la réélection de Jean-Paul Ortiz, un vent de renouveau souffle sur la composition du bureau

national de la CSMF. La moitié en effet de ces membres a été renouvelée, avec l’entrée de trois femmes, dont deux – Christine Kowalczyk et Brigitte Virey – ont été élues vice-présidentes. Le troisième président, Rémi Unvois, est un cadre expérimenté du mouvement et apporte sa connaissance des dossiers. Autre tendance, on notera le rajeunissement des membres, avec une proportion non négligeable de quadragénaires et de quinquagénaires. Mais, on le sait, la valeur n’attend pas toujours le nombre des années : Julie Mazet, Marc Villaceque, Yannick Frezet, Andry Rabiaza… ces noms sont déjà bien connus des militants de la CSMF. Certains ont fait leurs armes chez Les Jeunes Généralistes-CSMF, d’autres, comme Brigitte Virey, sont à la tête de syndicats verticaux (ici les pédiatres).

Parmi les nouveaux entrants, certains ont récemment eu les honneurs mé-diatiques, comme Stéphane Attal. Pré-sident de la CSMF Franche-Comté, il participe au projet de cabinet éphé-

mère à Pontarlier, un succès salué par le ministère de la Santé. Une initiative qui fait figure de modèle innovant, à l’instar de la plate-forme PALEX initiée par Luc Duquesnel en Mayenne.

Il faut également noter la représentation affirmée des syndicats régionaux, avec la présence au bureau de figures locales et/ou d’élus remarqués dans les URPS. C’est le cas de Philippe Chazelle et de Dominique Proisy, respectivement président et vice-président de l’URPS Hauts-de-France, de Phlippe Boutin, président de la Conférence nationale des URPS, de Bruno Silberman, président de l’URPS Ile-de-France, de Yannick Frezet, vice-président de l’URPS Auvergne-Rhône-Alpes. Présidente de l’URPS Océan Indien, Christine Kowalczyk représente les DOM au plus haut niveau, ce qui est une première. Enfin, des historiques complètent le casting, comme Bernard Ortolan, Alain Prochasson, Stéphane Landais, Christian-Michel Arnaud ou encore Franck Devulder… sans oublier bien sûr deux membres de droit : le président des Généralises-CSMF, Luc Duquesnel, et le président des Spés-CSMF, Patrick Gasser.

Les membres du bureau

Président : Dr Jean-Paul ORTIZ, néphrologue

Vice-présidents : Dr Christine KOWALCZYK, généraliste Dr Rémi UNVOIS, généraliste Dr Brigitte VIREY, pédiatre

Secrétaire Général : Dr Stéphane LANDAIS, généraliste

Trésorier : Dr Alain PROCHASSON, généraliste Trésorier adjoint : Dr Dominique PROISY, pneumologue

Membres : Dr Stéphane ATTAL, généraliste Dr Philippe CHAZELLE, stomatologue Dr Franck DEVULDER, gastro-entérologue Dr Luc DUQUESNEL, généraliste, président Les Généralistes-CSMF Dr Yannick FREZET, généraliste Dr Patrick GASSER, gastro-entérologue, président Les Spé-CSMF Dr Julie MAZET, généraliste Dr Bruno SILBERMAN, radiologue Dr Marc VILLACEQUE, cardiologue

Membres cooptés : Dr Christian Michel ARNAUD, anesthésiste (pôle hospitalisation privée) Dr Philippe BOUTIN, généraliste (président de la CN URPS) Dr Andry RABIAZA, chef de clinique en médecine générale (pôle jeunes médecins) Dr Bernard ORTOLAN, généraliste (pôle formation)

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Dossier

Les nouveaux entrants dans le bureau de la CSMF illustrent le rajeunissement et la féminisation de sa direction. Brefs portraits de ces médecins très impliqués, au service de leurs confrères.

Julie Mazet, Annemasse Fière d’être médecin libéralOriginaire de Strasbourg, où elle a fait ses études, cette jeune quadragénaire est installée dans la maison médicale de Monnetier, à quelques kilomètres d’An-nemasse, en Haute-Savoie. Secrétaire générale des Généralistes-CSMF, elle est très impliquée dans la vie du syndicat. Elle s’est par exemple mobilisée sur des sujets sensibles pour les femmes, comme la couverture maternité à géométrie va-riable et excluant le secteur 2. Mais elle est aussi de tous les combats pour défendre la médecine libérale, comme le refus du tiers payant généralisé, les tensions démo-graphiques ou la revalorisation des actes. Très active sur les réseaux sociaux, elle est régulièrement interrogée par les medias grand public. En février 2016, elle faisait l’objet d’un portrait dans Libération, en plein conflit avec Marisol Touraine. « Il ne faut pas que je tombe malade, encore moins enceinte », expliquait-elle dans le titre de l’article. Elle y décrivait son quotidien pro-fessionnel chargé, compensé par la force du lien qui l’unit à ses patients. Elle com-muniquait avec émotion la passion de son métier, mais aussi la solitude du praticien installé dans une zone semi-rurale. Plus récemment dans Le Figaro, elle s’alarmait de l’insécurité de l’exercice libéral. « Nous sommes dans une société consumériste où l’in-dividu a tout et tout de suite. En médecine, ce n’est pas possible », rappelait-elle. Avec Ju-lie Mazet, le bureau de la CSMF s’enrichit d’une professionnelle en phase avec son époque, à la fois proche de ses patients et à l’écoute de ses confrères.

Marc Villaceque, cardiologue à NîmesEntrepreneur, collectif, solidaireAprès une expérience enrichissante dans l’humanitaire, notamment au Vietnam et au Burkina-Faso, Marc Villaceque s’ins-talle en libéral à Nîmes en 2010. La rigidité de la structure hospitalière et l’absence de méritocratie dans l’attribution des postes ne lui conviennent pas. De trois associés, le cabinet passe à six praticiens et devient une structure attractive pour les jeunes, qui viennent y exercer en tant que collabo-rateur. Comme d’autres, Marc Villaceque considère que l’entreprise médicale libé-rale contribuera à l’émergence de projets novateurs, à une condition près. « Les mé-decins libéraux doivent devenir les véritables acteurs du changement, en lien direct avec les

autres professionnels de santé et les travailleurs du secteur médico-social », recommande-t- il. Engagé depuis 2011 dans le syndicalisme, d’abord au sein du SNSMCV, il s’im-plique également à la CSMF, en tant que secrétaire général du syndicat du Gard et membre du Conseil Confédéral de Lan-guedoc-Roussillon. Et il est élu à l’URPS Occitanie, où il préside la commission Nouvelles Technologies. Dynamique, mo-derne, entrepreneur dans l’âme, il apporte à la CSMF ses convictions, dont celle d’un exercice nécessairement collaboratif, plu-riprofessionnel et transversal, au service des patients.

Christine Kowalczyk, généraliste à La RéunionUne praticienne en mode projetAvec l’arrivée de Christine Kowalczyk à la vice-présidence, c’est une première pour la CSMF. En effet, jamais un représentant d’Outre-Mer n’avait siégé à un tel niveau dans les instances dirigeantes. Mais le choix de cette généraliste n’a rien d’anodin. Présidente de l’URPS Océan Indien, elle est à l’origine de la création d’un modèle d’organisation des soins qui a beaucoup à apprendre aux métropolitains. Par le biais d’une PTA et d’une CPTS, mais aussi dans le cadre du GHT, les médecins libéraux sont pleinement intégrés au schéma global d’offre de soins, sans cloisonnement avec les structures hospitalières et sur un mode transversal particulièrement opérationnel. Information à la population, prévention active et ciblée, structuration efficiente des parcours de soins, liens avec le médico-social… en octobre dernier, Agnès Buzyn rendait hommage aux initiatives prises par les médecins libéraux de La Réunion, sous la houlette de Christine Kowalczyk. « La pertinence et la qualité des soins doivent être érigées au rang de priorité absolue, expliquait alors la présidente de l’URPS au Médecin de France. Le virage ambulatoire implique une réorganisation de l’offre de soins. Aux côtés des structures hospitalières, les médecins libéraux – entourés des équipes de soins primaires – sont capables de porter des projets ambitieux, qui tiennent compte de la réalité du terrain. Ils doivent être les pivots des soins de premier recours, la porte d’entrée dans le système de santé. » Une profession de foi qui justifie son engagement à la tête de la CSMF.

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Sept nouveaux profils

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Franck Devulder, hépato-gastro-entérologue à ReimsDe la formation au syndicalisme post-moderneIssu d’une prestigieuse lignée de praticiens hospitaliers, Franck Devulder aurait pu se contenter de reproduire le schéma familial. Mais c’était sans compter sur les hasards des rencontres confraternelles. Interne au CHU de Reims, il croise six confrères libéraux, dont le président de la CSMF, Claude Maffioli. « Leurs pratiques étaient conformes à l’idée que je me faisais de la médecine collaborative. J’ai observé leur travail pendant deux ans, avant de m’installer avec eux en novembre 1997 ». Pris par le virus de la médecine libérale, il va d’abord s’investir dans la formation continue. Il intègre rapidement l’A-FOR- SPE, dont il sera secrétaire général pendant de nombreuses années. Aujourd’hui encore, il continue d’apporter sa contribution à Evolutis DPC. En parallèle, il s’implique dans des fonctions syndicales, en prenant notamment la présidence du SYNMAD en 2015. Il est également représentant de la CSMF pour la Champagne-Ardennes depuis fin 2017, mais aussi vice-président de la Fédération des spécialités médicales. Ses convictions se résument en deux mots : la médecine d’équipe. « Il appartient aux médecins libéraux d’assurer un maillage territorial cohérent, en imaginant des modes d’organisation et de répartition plus adaptés aux besoins de la population », estime-t-il. En rejoignant le bureau de la CSMF, Franck Devulder contribuera aux ambitions de la médecine libérale en matière de pertinence des soins.

Stéphane Attal, généraliste à SaôneMédecin de famille… et innovantDiplômé en 1997, Stéphane Attal est fils de généraliste. Après des remplacements chez son père, à Besançon, il s’installe à Saône, dans le Doubs. « J’y exerce dans une zone semi-rurale, c’est le mode d’exercice qui me correspond le mieux. » Engagé tôt dans la voie syndicale, il est aujourd’hui président des Généralistes-CSMF et de la CSMF Franche-Comté, ainsi qu’élu à l’URPS Bourgogne-Franche-Comté. Un sacerdoce qui témoigne de son état d’esprit, au service de ses confrères pour améliorer leurs conditions d’exercice. Il est à l’origine d’un projet innovant à Pontarlier : la création d’un cabinet éphémère, où des médecins retraités se relaient pour soutenir les généralistes installés du secteur. Un succès impressionnant, avec plus de 2000 consultations en six mois, pour la grande satisfaction des habitants. Une initiative observée de près par les pouvoirs publics : en février dernier, les délégués à l’accès aux soins nommés par Agnès Buzyn se sont rendus à Pontarlier, soulignant publiquement l’intérêt de la démarche, reproductible dans d’autres territoires. L’arrivée de Stéphane Attal au bureau de la CSMF est un signe fort :

dans les territoires, ce sont les médecins de terrain qui doivent concevoir et animer les modes d’exercice innovants. À charge pour la CSMF de les accompagner.

Brigitte Virey, pédiatre à DijonUne femme de conviction et d’actionInstallée à Dijon depuis 1984, Brigitte Virey est une libérale convaincue. « Je ne voulais pas travailler à l’hôpital. J’avais besoin d’une certaine liberté de choix, être totalement indépendante », explique-t- elle. Pédiatre engagée, elle s’est d’abord impliquée au sein de l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire (AFPA), une société savante qu’elle a contribuée à mieux faire connaître. En septembre dernier, elle est devenue présidente du SNPF, le syndicat de la spécialité. Passionnée par son métier, qu’elle exerce sans ménager son temps, elle veut aussi peser sur l’avenir de la profession, qu’elle juge préoccupant. « Nous avons du mal à trouver notre place dans le système de santé, car nous sommes à la fois mobilisés sur le premier et le second recours. C’est une spécificité à laquelle nous tenons particulièrement ». Selon elle, la réforme du médecin traitant, qui n’établit désormais plus aucune limite d’âge pour déclarer son référent médical, risque de fragiliser davantage la pédiatrie libérale. « Nous pourrions perdre une partie de notre patientèle au profit des médecins généralistes. C’est un signal défavorable pour les jeunes générations ». Son élection au poste de vice-présidente illustre l’attention que porte la confédération aux spécialités cliniques les plus défavorisées.

Andry Rabiaza, généraliste à DeauvilleEnseignant et praticien de terrainJeune, brillant et solidaire. Andry Rabiaza incarne la nouvelle génération de praticiens libéraux, celle qui bouscule les conventions et veut se faire une place. Et il ne perd pas de temps. Une fois son diplôme en poche, il s’installe quasi-immédiatement dans la maison médicale de Deauville, en novembre 2016. « Cette forme d’exercice correspondait à ma conception de la médecine libérale. J’avais déjà effectué un stage de six mois en tant qu’interne dans la structure. J’ai relevé le défi de l’exercice collectif, dans un environnement enrichissant et stimulant », explique-t- il. Un besoin de pluralité et de liberté probablement lié à son statut de chef de clinique universitaire à la Faculté de médecine de Caen, où il passe encore la moitié de son temps, en qualité d’enseignant-chercheur. Son choix pour la CSMF, il le justifie de façon limpide. « Ce que j’apprécie, c’est sa dimension pluri-catégorielle et sa vision entrepreneuriale de l’exercice libéral. C’est la seule façon de concevoir les évolutions de la médecine, précise-t- il. Le temps des silos est révolu. La profession doit envisager son avenir collectivement, en tenant compte des spécificités de chaque métier ». Une profession de foi qui témoigne par avance de ce qu’il peut apporter au bureau de la confédération : une conception moderne de l’organisation des soins, en phase avec les spécificités de chaque territoire...

Dossier Jean-Paul Ortiz réélu : un nouveau mandat pour transformer la médecine

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l'événement

Un projet de décret sur les pratiques avancées des infirmiers, actuelle-ment soumis à concertation, suscite de fortes réserves à la CSMF.

C’est un décret qui se faisait attendre, puisqu’il date de la loi de modernisation de notre

système de santé, promulguée en janvier 2016. Un projet de texte, assorti de deux arrêtés, est actuellement en concertation. Une réunion d’échanges était organisée le 8 mars dernier, à laquelle assistait la CSMF. À sa sortie, la délégation a fait part de ses fortes réserves sur le contenu de ces textes. « Le résultat de ces travaux, que le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) a menés seul depuis décembre 2016, est très préoccupant car il remet en question le cœur même de la profession médicale », estimait Jean-Paul Ortiz. Outre que la concertation n’associe que très tardivement les syndicats médicaux, le contenu des textes peut poser problème en termes de sécurité et de qualité des soins.

L’IPA, super infirmièreQue proposent-t-ils concrètement ? « Les infirmiers de pratique avancée participeront à la prise en charge glo-bale du patient dans quatre domaines :

l’oncologie, la transplantation rénale, la santé mentale et la pychiatrie. » Sur-tout, leur rôle serait déterminant dans l’organisation des parcours de soins des patients dans les pa-thologies chroniques stabilisées, et particulièrement celles concernant les plus âgés. L’un des arrêtés cible huit maladies chroniques : AVC, ar-tériopathies, cardiopathies, maladie coronaire, diabète 1 et 2, maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson, épilepsie. Un second arrêté fixe les examens et prescriptions que l’IPA est autorisé à renouveler, les actes de suivi et de prévention qu’il peut de-mander et les actes techniques qu’il peut pratiquer et interpréter (16 au total). Dans son champ de compé-tences, l’IPA pourra conduire un en-tretien avec le patient, retracer ses antécédents médicaux et procéder à un examen clinique.

Une pratique nécessairement en équipeS’il revient au médecin de déterminer, pour chaque domaine d’intervention, les patients qui pourront être suivi, après leur accord, par ces IPA, la CSMF s’alarme du bouleversement induit par ces projets dans les modalités de prise en charge du patient. « Il est primordial de veiller à

la sécurité et la qualité des soins, estime l’organisation. Le travail en équipe en pratique avancée ne peut se mettre en place que dans le cadre d’un protocole de prise en charge adapté à chaque patient élaboré par son médecin. Les dispositions s’appliquant à l’infirmier exerçant en pratique avancée, telles que prévues dans le projet de décret, remettent aussi en cause le parcours de soins et le rôle même du médecin traitant. La liste des actes et prescriptions autorisés aux infirmiers en pratique avancée doit être entièrement revue après avis des conseils nationaux professionnels concernés. » Comme le rappelle Jean-Paul Ortiz, « le médecin doit rester le chef d’orchestre de la prise en charge du patient et de l’organisation de son parcours de soins. Or, avec ces projets de réglementation, le rôle du médecin traitant est clairement remis en cause. »

Pratiques avancées :le médecin doit rester le chef d’orchestre

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Politique : cinq chantiers pour la transformationAprès la présentation de la Stratégie de transformation du système de santé le 12 février dernier, Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, a annoncé le 9 mars la consti-tution des groupes d’experts destinés à mener la consulta-tion jusqu’à fin mai. Chacun sera mené par des pilotes dé-signés par la ministre. Domi-nique Le Guludec, présidente de la HAS, Alain-Michel Ce-retti, président de France As-sos Santé et Olivier Lyon-Caen, médecin-conseil national de la CNAMTS, seront chargés de la thématique sur la qualité et la pertinence des soins. Les ques-tions de financement et de ré-munération seront pilotées par Jean-Marc Aubert, directeur de la DREES, en lien avec la rap-porteure du Conseil de l’inno-vation en santé et l’assurance maladie. Dominique Pon, pré-sident de Santé Cité et DG de la Clinique Pasteur à Toulouse, ainsi qu’Anne-Lore Coury, di-rectrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins de l’assurance maladie, mèneront les échanges sur le numérique en santé. Les thématiques des Ressources humaines et de la Formation seront animées par Aurélien Rousseau, PDG de la Monnaie de Paris, qui sera pro-chainement rejoint par un ex-pert sur le volet formation. En-fin, Pierre Pribile, DG de l’ARS Bourgogne-Franche-Comté et Norbert Nabet, DG-adjoint de l’ARS PACA plancheront sur le sujet de l’organisation terri-toriale. Les consultations s’or-ganiseront selon trois formats : des consultations patients-pro-fessionnels sous la forme de groupes qualitatifs destinés à produire des rapports propo-sitions/solutions, 13 consulta-tions territoriales thématiques et des consultations nationales institutionnelles avec les syn-

dicats, fédérations et associa-tions au plan national. Fin mai, des feuilles de route seront formalisées pour chacun des groupes de travail.

Spés-CSMF :Patrick Gasser rééluSans surprise, le Dr Patrick Gasser, gastro-entérologue à Nantes, a été réélu le 4 mars pour un nouveau mandat de quatre ans à la tête des Spés-CSMF. Un nouveau bureau a été constitué « qui assure une représentation équilibrée entre les spécialités cliniques, médi-cotechniques et celles des blocs opératoires », indique le syndi-cat. Trois femmes entrent au bureau alors qu'il n'y en avait qu'une seule (cooptée) au-paravant. Le Dr Gasser porte un projet politique audacieux construit en 2017 au sein de la CSMF « mais aussi à l’exté-rieur de la maison confédérale ». Rémunération au parcours, coordination généralistes-spé-cialistes, organisations territo-riales… les chantiers sont nom-breux pour l’équipe dirigeante

des Spés-CSMF. « Nous dénon-çons la politique du rabot tarifaire qui continue à être mise en place en opposition totale avec les dé-clarations de la Ministre qui sou-haite engager la profession vers une plus grande pertinence et une qualité de l’exercice médical, rap-pelait Patrick Gasser ce jour-là. Malheureusement, aujourd’hui,

le gouvernement semble installer, à l’instar de ses prédécesseurs, une même politique tarifaire qui conduira notre pays à l’image de la Grande-Bretagne vers une di-minution de la qualité de la santé des Français, notamment les plus fragiles et les plus isolés. Si cette politique se confirmait, notre par-ticipation à la Stratégie nationale de santé serait compromise. »

Rougeole :l’épidémie progresse

Entamée en novembre 2017 à partir de cas constatés en Poitou-Charentes, l’épidémie de rougeole ne cesse de pro-gresser. Selon Santé Publique France, au 12 mars, 917 cas avaient été recensés, ayant en-trainé plus de 200 hospitalisa-tion et à l’origine d'un décès avéré. 59 départements étaient concernés, alors que pas un seul d’entre eux n’atteint le taux de couverture vaccinale de 95 % seuil minimal pour en-rayer l’épidémie. Les autorités sanitaires appellent donc les personnes non vaccinées à se rendre chez leur médecin pour se faire vacciner, en particulier la génération des personnes nées dans les années 80 et 90. C’est en effet à partir de ces décennies qu’on constate un décrochage de la vaccination. Une précaution qui vaut no-tamment pour celles qui ont été en contact avec une per-sonne atteinte, sachant que le vaccin peut s’administrer jusqu’à trois jours après la pé-riode d’exposition.

actu en bref

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en direct des territoiresNouvelle-Aquitaine : généralisation en vue pour la PTA Santé LandesLe programme Territoire de Soins Numérique touche à sa fin. L’heure est donc au bilan, notamment pour le dispositif phare porté par la région Nouvelle-Aquitaine, à savoir la PTA Santé Landes. Dans le cadre du projet XL ENS, sélectionné en septembre 2014 et financé à hauteur de 10 millions d’euros, cette structure devait garantir un suivi personnalisé des malades chroniques centré sur les soins à domicile, pour limiter le recours à l’hospitalisation. Elle proposait pour cela des services d’information et d’orientation, mais également des services d’appui à l’orientation des parcours complexes, dont l’outil numérique de coordination Globule/Paaco, qui devait contribuer à fluidifier et à sécuriser les échanges entre professionnels de santé. Le pari est visiblement réussi. Selon l’ARS, ce mode d’organisation a permis de faciliter et fluidifier les parcours de santé, mais aussi de faire gagner du temps aux professionnels. Le projet qui ciblait d’abord le territoire du Nord et de l’Est du département des Landes a vu sa zone d’action s’étendre à tout le département en mai 2016… à la demande des acteurs du terrain. Composée d’un médecin à mi-temps, de quatre infirmières, de quatre travailleuses sociales et d’une infirmière responsable de la coordination, cette équipe pluridisciplinaire a suivi près 3 000 patients chroniques depuis le mois de septembre 2015. Toujours selon l’ARS, le taux d’hospitalisation des patients TSN a diminué de 24 % sur la période. Fort de son succès, la généralisation du modèle PTA Santé Landes à l’ensemble de la région Nouvelle-Aquitaine devrait intervenir d’ici trois ou quatre ans.

Corse :la télé-dermatologie est (déjà) un succèsAu sein d’un territoire comme la Corse, île montagne avec une démographie médicale déclinante et une population vieillissante, la télémédecine prend tout sens. En dermatologie, où les délais d’accès aux spécialistes sont compris entre un et trois mois, la télé-expertise est un moyen efficace de réduire la perte de chance des patients. Les résultats d’une expérimentation novatrice, la première du genre en France, appuient cette thèse.

Depuis le 17 mars 2015, 7 dermato-logues et 38 médecins généralistes corses interagissent via une plate-forme de télémédecine pour fluidi-fier la prise en charge des patients et prioriser les cas les plus critiques, à travers l’échange de clichés et d’éléments cliniques, de manière to-talement sécurisée. Pour une meil-leure gestion du risque sanitaire, le système se veut réactif : l’avis d’ex-pert est délivré dans un délai de 48 heures. Le dispositif expérimental se concentre pour l’instant sur les tu-meurs et les plaies chroniques. L’acte est rémunéré à hauteur de 46 euros pour les dermatologues experts et un complément de 7 euros est alloué au médecin généraliste requérant. « Près de 650 cas ont pu être traités au cours des trois dernières années. Nous avons notamment reçu 432 demandes relatives à des lésions suspectes. Sur 130 cas de cancer supposés, 40 % ont été confirmés par la suite », précise Florence Ottavy, vice-présidente de l’URPS ML de Corse et coordinatrice de l’expérimentation insulaire sur la télé-dermatologie. Au-delà du dia-gnostic précoce, l’expérimentation a également permis de limiter les dé-placements des patients sur l’Ile de Beauté. « 51 000 kilomètres ont ainsi pu être évités, avec les économies générées pour la collectivité en matière de trans-ports médicaux », précise-t-elle. En ef-fet, parmi ces avis, 68 % des habitants vivent à plus de 25 kilomètres d’un dermatologue.

Rappelons par ailleurs que le projet a reçu l’accord et le soutien financier de l’ARS de Corse via les fonds du FIR, soit 35 880 euros, qui ont essen-tiellement servi à rémunérer les der-matologues experts. Le complément de rémunération des médecins géné-ralistes correspondants, soit 7 euros par consultation de coordination, a été intégralement assumé par l’URPS ML de Corse. « Les crédits publics arri-vant à épuisement, nous avons demandé un financement supplémentaire de 10 000 euros à l’ARS, pour tenir jusqu’à l’ins-cription des actes de télé-expertise dans le droit commun », souligne Florence Ottavy. Les besoins existent. Une cin-quantaine de cas de télé-dermatolo-gie sont traités en moyenne chaque trimestre sur le territoire Corse.

(*) NB : chiffres au 12 mars 2018.

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Prélèvement à la source : quelles incidences pour les médecins?

Le prélèvement à la source entrera en vigueur le 1er janvier 2019. Ce nouveau dispositif fiscal doit réduire le décalage entre le paiement de l’impôt et la perception des revenus. Retour sur les grandes lignes de la réforme, qui comporte des cas par-ticuliers pour les médecins libéraux.

Traitements et salaires, pensions, re-venus de remplacement, revenus fonciers, revenus des indépendants :

la réforme du prélèvement à la source concernera la majorité des revenus. Elle entrera en vigueur le 1er janvier 2019. L’impôt payé deviendra alors ce-lui de l’année en cours. Pour les méde-cins libéraux, il fera l’objet d’acomptes calculés par l’administration et payés mensuellement ou trimestriellement. Ce nouveau dispositif fiscal va au-delà de la simple mensualisation de l’im-pôt. Il s’adaptera automatiquement et en temps réel. Les montants des acomptes seront actualisés chaque an-née en septembre, pour tenir compte des changements éventuels consécu-tifs à la déclaration des revenus. En cas de changement de situation condui-sant à une variation prévisible et si-gnificative de l’impôt, le contribuable pourra cependant demander une mise à jour du montant de l’acompte en cours d’année. Les médecins libéraux sont des travailleurs, mais ils sont aussi des employeurs. Au regard de la législation, ceux qui emploient du personnel sont supposés retenir le montant de l’impôt, lors du paiement

du salaire, puis le reverser au Trésor public. Selon l’UNAPL, la complexité du recouvrement de l’impôt sur le revenu ne doit pas reposer sur les entreprises libérales. Pour simplifier la vie des TPE-PME, elle milite en faveur d’une modalité de recouvrement direct fondée sur le modèle du prélèvement mensuel et propose au gouvernement la création d’un groupe de travail sur cette thématique. La CSMF soutient également cette position.

Pas de double prélèvement en 2019

C’est l’une des particularités de la réforme. L’année 2018 sera une an-née blanche. Il n’y aura donc pas de double prélèvement en 2019. L’impôt normalement dû au titre des revenus non exceptionnels perçus en 2018 sera annulé. Les revenus exceptionnels par nature et les autres revenus exclus du champ de la réforme perçus en 2018, comme les plus-values mobilières et immobilières, resteront imposés en 2019 selon les modalités habituelles.L’administration fiscale a donc pré-vu d’offrir aux contribuables libéraux un crédit d’impôt modernisation du re-couvrement ou CIMR. Cette disposition fiscale exceptionnelle annulera – tota-lement ou partiellement – l’impôt dû au titre des revenus de 2018. Le CIMR sera toutefois plafonné à hauteur de 6 000 euros. Pour éviter les déclara-tions fallacieuses, l’administration fis-cale comparera le bénéfice libéral de 2018 avec ceux des années 2015, 2016 et 2017. Le bénéfice ouvrant droit au cré-dit d’impôt ne pourra excéder le plus élevé des bénéfices de ces trois années.

Cas particuliersLa hausse du bénéfice de l’exercice 2018 peut naturellement résulter d’une augmentation régulière de l’activité du contribuable libéral. En conséquence, l’administration prévoit d’accorder un crédit d’impôt complémentaire dans deux situations particulières. Si le bé-néfice de 2019 est supérieur à celui de 2018, le complément de CIMR sera égal à la différence entre le CIMR cal-culé sur le bénéfice de 2018 et celui qui avait été versé. Autre cas de figure. Si le bénéfice de 2019 est inférieur à celui de 2018, mais supérieur au bénéfice le plus élevé de la période 2015-2017, le complément de CIMR sera alors égal à la différence entre le CIMR calculé sur le bénéfice de 2019 et le CIMR versé. Par ailleurs, si le bénéfice de 2019 est inférieur à celui de 2018, le contri-buable libéral pourra bénéficier d’un crédit d’impôt complémentaire en montrant que la hausse du bénéfice de 2018 – par rapport aux trois années précédentes et à l’année 2019 – résulte uniquement d’un surcroît d’activité. Ce crédit complémentaire sera liquidé à partir de septembre 2020. Il faudra pour cela déposer une réclamation contentieuse.

NB : Il est recommandé aux médecins libéraux de ne pas prendre leur retraite avant le 31 décembre 2018. Ceux qui attendront 2019 pour faire valoir leurs droits paieront cette année-là un impôt calculé sur la base de leur pension, et non de leur dernière année de revenu d’activité.

à la loupe