Un nouveau départ 102015 -...

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Contenus

UnnouveaudépartChapitre1Chapitre2Chapitre3Chapitre4Chapitre5Chapitre6Chapitre7Chapitre8Chapitre9Chapitre10Chapitre11Chapitre12Chapitre13Chapitre14Chapitre15Chapitre16Chapitre17Chapitre18Chapitre19Chapitre20Chapitre21Chapitre22Chapitre23Chapitre24Chapitre25Chapitre26Chapitre27Chapitre28Chapitre29Chapitre30Chapitre31Chapitre32Chapitre33Chapitre34Chapitre35Chapitre36Chapitre37Chapitre38Chapitre39Chapitre40Chapitre41Chapitre42Chapitre43

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Chapitre44Chapitre45Chapitre46Chapitre47Chapitre48ÉpilogueRemerciements

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Unnouveaudépart

Copyright©2016ClémenceLucasTousdroitsréservés

Relectureetcorrections:AnneLedieu

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Chapitre1

Pourquoimaman ne vient-elle pasm’aider ?Elle n’entend pas que je pleure ?Que j’ai besoind’elle?Pourtant,lesmamanssontcenséesprotégerleurenfant,non?Alorspourquoimamannevientpas?Pourquoi?Pourquoi?Pourquoi?

** *

—Chut,calme-toi,mapuce.Tuasencorefaituncauchemar.Je lève les yeux vers mon frère, Mattéo, qui s’occupe de moi depuis maintenant douze ans.

Presquetouteslesnuits,jeleréveilleavecmescauchemars,et,àchaquefois,ilmeprendtoutcontreluietmebercejusqu’àcequejemecalme.

—Jesuisdésolée,Matt.Jet’aiencoreréveillé,dis-jetristement.—Tun’aspasàêtredésolée,mapuce.C’estmoiquilesuis.J’étouffe un sanglot. Pas question de verser une larme de plus et culpabiliser davantage mon

grandfrère.Iln’étaitpaslàaumomentdesfaits,etmêmes’ilavaitétélà,jedouteque,duhautdesesdix-huitansà l’époque, ilauraitpuéviter toutça.Je respiresonodeuretmeblottis toutcontre luipourm’apaiseretmerendormir.Ilestàlafoismonmeilleuramietmonconfident.Maisilestavanttoutlaseulepersonnequimeresteaumonde.

Jemeréveillecommetous lesmatins lemoraldans leschaussettesetdescernessous lesyeux.Putain!J’aiàpeinevingt-deuxansetjeressembleàunetrentenaireenmanquedesommeilàcausedesongaminquipasselanuitàchialer!Saufquejen’aipastrenteansetquelegaminquipleuretouteslesnuits,c’estmoi!

Jeme lèveet filemepréparerdans lasalledebains.Vingtminutesplus tard, je rejoinsMattéodanslacuisine,déjàentraindeboiresondeuxièmeoutroisièmecafé.Jel’embrassesurlajoue,mesersunetassedecafé,puisjem’installeenfacedelui.

—Commenttutesens,cematin,mapuce?Etvoilà…Commechaquematin,monfrèremedemandecommentjemesenset,commechaque

jour,jeluiadresseunsourireetjeluidisqueçavamieux.Mêmesijepeuxencoresentirsesmainssurmoi,sonhaleineempestant l’alcool,son regard torve…Un frissonmeparcourt l’échine, et jefermetrèsfortlesyeuxpourchasserceshorriblesimagesdematête.

Tousmescauchemarssontlesmêmes.Jerevisindéfinimentleterribledramequej’aisubiàdixans.Parfois,lascèneserejouedevantmesyeuxauralenti.Parfois,c’estunmélangedetouslesjoursd’horreurquecemonstrenousafaitendureràMamanetmoi.Et,parmoment,jerevisdesmomentsgaisavecMamanetmonfrère,avantquesonspectrenerefasseimmanquablementsurface.

Mattéoterminesoncaféetmeproposedem’accompagnerautravail.Enfin,autravail,c’estvitedit!Jefaisactuellementunstagedansuneentreprisededesignoùj’achèvemoncursusuniversitaire.Danssixmois,jeseraidiplôméeetj’entreraipleinementdanslavieactive.Pourlemoment,maplusgrande responsabilité est de préparer le café de ma chef, Cathy, et de faire ses photocopies !Visiblement, cette pimbêched’unequarantained’années a dumal à saisir qu’une fois diplômée, jepourraiêtresasupérieurehiérarchique,àlacondition,bienentenduqueDesign&Com’embauche.Etça,c’estmonrêveultime!

Cette entreprisemondialement reconnue possède des filiales un peu partout dans lemonde. Sij’arrive à sortirmon épingle du jeu, je pourrai travailler pour elle et découvrir lemonde enmeportantrégulièrementcandidatepourdesmutations.J’aimevivreàParis.Ilyatoutcequ’ilfautpourêtreheureux,etvivredans laplusbellecapitaledumonden’estpasdonnéà tout lemonde!Jeme

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sensextrêmementchanceused’habiter ici,mais jemedemandesimescauchemarscesseraientsi jedéménageais.Peut-êtrequ’êtretoujoursdanslavilleoùtoutabasculépermetàmescauchemarsdecontinueràmehanter?Onditquel’herbeestplusverteailleurs,alorspeut-êtrequemonespritserait,lui,pluslibre,sijem’évadais?

Mattéomedéposedevantl’entréedel’immeubleoùsetrouvelesiègedeDesign&Coetmeditdel’appelerpourrentrersijefinistroptard.Jesorsdelavoitureaprèsluiavoirdéposéunbaisersurlajoue et claque la portière derrièremoi. Je ferme les yeux et prends une profonde inspiration. LaCassandra fragile et en colère doit laisser place à la douce, souriante et volontaire stagiaire quisouhaite avant tout réussir ses études et, pour opérer lamétamorphose, comme tous lesmatins, jetravaillesurmarespiration.

J’ouvre les yeux, pénètre d’un pas décidé dans l’immeuble et traverse le hall menant auxascenseurs.J’appuiesurleboutond’appeletattendsenfredonnantladernièrechansondeWalkTheMoon, Shut up and dance. Lorsque les portes s’ouvrent, j’entre immédiatement à l’intérieur etj’appuiefrénétiquementsurleboutondu18eétage.Jedétesteprendrel’ascenseuravecquelqu’un.Jenesupportepasdeme trouveraumilieudeplusieurspersonnessansavoird’issuedesecours.Lesportes se referment, bien trop lentement à mon goût, et un homme crie de retenir l’ascenseur.Désolée,mongars,maisiln’enestpasquestion!

Les portes sont presque closes quand une main s’engouffre et les fait s’ouvrir à nouveau. Jesouffleenbaissantlatête;ilfautquejemereprenne.Jerelèvepeuàpeulesyeux.Iln’yariendesiterribleàseretrouveravecunhomme,seule,dansunascenseur…Etencoremoinslorsqu’ils’agitduP.-D.G.,NoahBeckhamenpersonne!

—Vousnem’avezpasentendu,MademoiselleLacour?Jesursautequandilprononcemonnometmeredressecomplètement.Jesuisstupéfaite!Jesuis

danslaboîteentantquestagiaireetLEpatronsaitcommentjem’appelle!Ilattendvisiblementuneréponsedemapartetmetoise,brascroisés,pendantquel’ascenseurcommencesonascension.

—Désolée,MonsieurBeckham,j’étaisperduedansmespensées.Ilhochelatêteetprendsonportabledanssapocheetnemejaugeplus.Jemecalecontrelaparoi

del’ascenseur,j’ailesjambestremblantesetlagorgesèche.Nonseulement,jenesupportepasd’êtreenfermée,maisl’êtreavecleP.-D.G.leplusséduisantetcharismatiquedudesignfrançaisn’arrangeen rien ma situation. L’ascenseur s’arrête enfin, et telle une personne essayant de se sauver d’unimmeubleenflammes,jem’élancepoursortirdecetteboîtequim’oppresseetbouscule,aupassage,monpatron.Jebredouilleàvoixbasseun«Désolée»avantdepartirencourantendirectiondemonopenspace.

NoahBeckhammesuitdesyeux.Jepeuxsentirsonregardposésurmoietjemesensencoreplusgênée.Cen’estpasvrai!Ilvafalloirsérieusementquejetrouveunesolutionpourluttercontrecettephobie afin de ne plus passer pour la tarée de service. Sinon, c’est sûr, jamaisDesign & Co nem’embauchera.

J’arriveàmonbureauetmemetsdirectementau travail.Pasquestiondeperdreuneminutedeplus,autantmefairediscrètepourlerestedelajournée.Barbara,ladeuxièmestagiairequitravailleavecmoimefaitunsignedelamainpendantqu’ellecontinuedetéléphoneràsamèrequivitàl’autrebout de la France. C’est son rituel. Tous les jours, elle l’appelle en douce avant que notre bosstyranniqueCathyn’arrive.

Enparlantdu loup,aujourd’huiMadamePimbêchea sorti l’artillerie lourde :mini-jupe rouge,chemisiernoirdontlesboutonssontouvertsjusqu’àsonsoutien-gorgeendentellerouge,chaussuresàtalonsvertigineuxetrougeàlèvresécarlate.Jevérifievitefaitsonemploidutempsetjeconstateque c’est le jour de la réunion hebdomadaire avec le P.-D.G. Je comprends mieux son attirailaguicheur.Commetouteslesfillesdel’entreprise,notrechèrebossenpincepourlepatronetfaittout

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poursemettreenavantàchaquefoisqu’elleenal’occasion.Mais,visiblement,NoahBeckhamresteinsensibleàsoncharmetapageur,puisqu’ellerevienttoujoursavecunairpenaud.

Cathynoussalued’unbrefhochementde têteetvas’enfermerdanssonbureau. Ilest tout justeneufheures.Laréunionestprévuedansuneheure.Jen’aiqu’àluiapportersoncaféetprendresesphotocopies,etellemelaisseratranquillejusqu’audéjeuner,àmoinsqu’ellenesoitprised’unelubie.

Jeme rendsdans le coin cuisine aménagénon loindemonopenspace et je prépare le café deCathy, un café noir avec un nuage de lait et deux sucres. Enfin le nuage ressemble au plus groscumulusquiexistetellementellenoiesoncafédedans,quellehorreur!Ças’appelleducaramel,etnonducafé!Jenecomprendraijamaislesgensquimettentdulaitdansleurcafé.Pourmoi,riennevautuncafénoirsansrienquimodifiesonarôme.JemesersunetasseàmontouretmedirigeverslebureaudeCathy.Jedéposeaupassagemoncafésurmonespacedetravailetjefrappeàlaporte.

—Entrez!crie-t-elle,sansredresserlatêtedesonécran.J’entre,latêtehaute,monplusbeausouriredefaçadefixéauxlèvres.Jeladéteste,maisellene

doitsurtoutpaslesavoir.Jenesuisqu’unesimplestagiaireet,sursademandeexpresse,jepourraisêtreviréedujouraulendemainavecperteetfracas.Jenevalideraipasmoncursusetdevrairépétermonannée.

MonDieu!Mêmepaspourrire,jeretourneencoreunanàlafac!J’aidéjàfaitplaisiràMattéoen poursuivantmes études et j’ai la chance d’avoir unemémoire photographique. J’apprends tousmescoursenleslisantunefoisetjesuiscapablederécitermotpourmotcequej’ailu,mêmedesmoisplustard.Lafacestuneénormepertedetempspourmoi.Pasbesoinqu’onm’expliquemillefoisleschoses,j’assimiletrèsrapidementetlesjournéesdecoursmeparaissentuneéternité.

JeposelatassedelattesurlebureaudeMadamePimbêche.Jeprendslapilededossiersposéesurlecoindelatable,etjem’apprêteàsortirquandCathym’interpelle:

—Aufait,Sandra,vousm’accompagnerezàlaréunioncematin.—C’estvrai?demandé-je,toutexcitéeetsansprendrelapeinederectifiermonprénom.Ellesait

trèsbienquejem’appelleCassandra,maisellefaittoujourscommesiellenes’enrappelaitpas.—Oui,c’estvrai,pourquoimentirais-je?—Jenesaispas,Madame.—Fortbien.NotreP.-D.G.souhaitequenousimpliquionsdavantagelesstagiairesdanslaviede

l’entreprise, et vous êtes la première à tenter l’expérience. Je vous préviens, ne vousmontrez pasridicule. Tenez-vous bien tranquille sur votre chaise, et n’intervenez que si on vous en donnel’autorisation. Je ne souffrirai pas le moindre écart de conduite que l’on me reprocheraitimmanquablement. Dépêchez-vous de me faire les copies en dix exemplaires des cinq premiersdossiers.Nousenauronsbesoinpourlaréunion.

Jelaregardesansunmot;j’assimiletoutcequ’ellevientdemedire.LeP.-D.G.ainopinémentdécidédefaireparticiperdavantagelesstagiaires,commeparhasardlejouroùjemeretrouvenez-à-nezavecluidansl’ascenseur.Ets’ilyavaitunliendecauseàeffet?…

—Ehbien,Alexandra,quefaites-vousencoreici?Dépêchez-vous,lesphotocopiesnevontpassefairetoutesseules!

Jem’excuseenluiadressantmonplusbeausourired’hyprocrite,etjequittesonbureau.Je vais immédiatement raconter tout ça àBarbara qui n’en croit pas ses yeux et espère être la

prochaine à assister à la réunion. Non pas pour apprendre des choses, mais pour pouvoir materpendantquelquesheuresnotrebeaugossedepatron!

Monpetitmomentpotinterminé,jecoursjusqu’àlaphotocopieusequisetrouveàl’autreboutducouloir. Je commencemes photocopies et jeme rends compte que j’ai oubliémon café surmonbureau!Pasletempsd’yretournersansprendrelerisquequeCathym’aperçoiveetmedonneuneautremission.Tantpis,jeneboiraipasmoncafécematin,mêmesijeleprendraisbienenperfusion

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pourmeremettrelesidéesenplace.Soudain,jesensunregardposésurmoi.Jetournelatête,maisjenedistinguepersonneentrain

dem’observer.Jem’attaqueaudeuxièmedossierquandunemainseposesurmonépauleetmefaitcrierdesurprise.

—Vousêtestoujoursaussistressée,MademoiselleLacour?medemandeNoahBeckham.— Euh… Non, mais vous avez le chic pour me surprendre quand je suis plongée dans mes

pensées.—Ahoui?Vousêtesplongéedansvospenséesplutôtquedansvotretravail?Jem’empourpreimmédiatement.Jeveuxluirépondrequelquechose,maisaucunsonnesortde

mabouche.Jesuisparfaitementridicule!—Rassurez-vous, Cassandra, je vous taquine. Je sais très bien que faire les photocopies pour

Cathyn’estpasvraimentgratifiant,maisnevousinquiétezpas,bientôttoutcelavachanger.Etsansmelaisserletempsdeluirépondrequoiquecesoit,ildéposematassedecaféàcôtédela

photocopieuseetsedirigeverslebureaudemachef…Maisc’estquoi,cedélire?!?

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Chapitre2

Jeboismoncafé,quiavisiblementétéréchauffé,etjecontinuematâcheenmereplongeantdansmespensées.J’aiprismonposteilyaquinzejours.J’airencontréleP.-D.G.lejourdemonarrivée,etjel’aicroiséàpeinequelquesfois.Jusqu’àmaintenant,jamaisilnem’avaitadresséplusdedeuxmots,alorspourquoiaujourd’huiuntelrevirementdesituation?

Barbaramerejointencourant,lesyeuxécarquillés:—Tunedevinerasjamaiscequivientdesepasserpendantquetufaisaistesphotocopies?—Ben,accouche!Jenevaispasmetueràcherchersitupensesquejenetrouveraipas!—Pffff!Parfois,t’esvraimentnullecommecopine.Enfin,c’estuntelscoopquejenepouvais

pasattendreunesecondedepluspourteledire.—Vas-yraconte,tum’intéresses!—BeckhamvientdevirerMadamePimbêche!—Quoi?!?—Jenesaiscequ’ilssesontdit,toujoursest-ilqueMadamePimbêcheestentrainderangerses

affairesdansuncartonetqueBeckhamestremontéunmax!Mince,levoilà.Jefilereprendremonposte.Jeneveuxpasêtrelaprochaineàdégager!

Barbara repart aussi vite qu’elle est arrivée.NoahBeckham passe devantmoi,me sourit, puisdisparaîtdanslecouloir.Pourquelqu’und’énervé,ilmesembleplutôtcool.Cetypeestvraimentuneénigme…

JeretourneàmonbureauetjerangerapidementlesdossiersqueCathym’avaitconfiés.Barbaraest au téléphone etme fait degrandsgestes endirectiondubureaude la pimbêchequi terminederanger ses affaires. Elle n’arrête pas de me lancer des regards noirs que je suis incapabled’interpréter,mais, comme je la déteste et qu’elle est virée, je neme gêne nullement pour les luirendre.Cathysortdesonbureau,soncartonremplid’affaires,souslebras,etmefusilleunedernièrefoisduregardavantquesemettentàrésonnerlescliquetisdesestalonsquimarquentlafindesonrègne,quandelletraversel’openspaceetdisparaîtauboutducouloir.Jecroisque,pourlapremièrefoisdelajournée,j’arboreunvéritablesourire.Finalement,cettejournéen’estpassimauvaise,aprèstout!

Montéléphonesemetàsonner.Jevérifielenomdel’interlocuteuravantdedécrocheretprendsuneprofondeinspirationenvoyantsonnomapparaître.

—Oui,MonsieurBeckham.—Cassandra,veuillezprendreavecvouslesdossiersqueCathyvousavaitconfiésetrejoignez-

moiimmédiatementdanslasallederéunion.Nousvousattendons.Il raccroche sans me laisser le temps de lui répondre, et il me faut quelques secondes pour

m’activer.Jerécupèrelesdossiers,faisuncoucoudelamainàBarbaraetmerendsau19eétageoùsetrouvelasallederéunion.Commemonpostesetrouveàunétagedelà,jedécided’emprunterlesescaliers. Pas question de risquer d’être à nouveau coincée dans l’ascenseur ! Une fois dans lajournée,celamesuffitamplement.

Lorsque j’arrive, Noah Beckham m’attend devant la porte, bras croisés, un sourcil relevé. Ilm’inviteàentreretmeproposedem’installersurlesiègequiluifaitfaceenprenantplacesursonfauteuil.Lasallederéunionestpleineàcraquer.TouteslesbranchesdeDesign&Cosontprésentes,etjenecomprendstoujourspaspourquoileP.-D.Gsouhaitequej’assisteàl’ordredujour.

Noah Beckham remercie tout le monde d’être ponctuel puis cède la parole à son bras droit,RichardEmerson.J’essaiedemeconcentrersurcequeracontelebrasdroit,maisjesensleregardinsistantdeM.Beckhamposésurmoi.Àquoijoue-t-il,bonsang?!?

Jememets à griffonner distraitement sur un coin de feuille. Lamusique deLost Frequencies,

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Reality,bercemespenséesetmepermetdefaireabstractiondesonregard.Iln’yaquecommeçaquej’arriveàm’enfermerdansmabullepourquerienneviennemeperturber.Quandj’avaisquinzeans,monpsym’aditquec’étaitlemoyenqu’avaittrouvémoncerveaupourmeprotégeretfairebarrageàlapressionextérieure.Unmoyencommeunautredenepasfairefaceàlaréalité…

—Etvous?Qu’enpensez-vous,Cassandra?Quoi ? Je relève la tête et remarque que tous les yeux de l’assemblée sont braqués sur moi.

Emersonme dévisage, la responsable du personnel tape frénétiquement des ongles sur la table etNoahBeckhamme sourit, une lueur amusée dans le regard. Je réfléchis vite fait, Emerson parlaitd’unprojetconcernantlacréationd’unbuildingauxÉtats-Unis.Quedisait-il,déjà?

—MademoiselleLacour,vousêtestoujoursavecnous?demandelebrasdroitduP.-D.G.—Voyons,Richard,Mademoiselleeststagiaire.Jenecroispasqu’elleaituneopinionsurcette

question,intervientMurielLandro,lachefdeprojetInnovation.—Détrompez-vous,Muriel,jesuiscurieuxd’avoirlepointdevuedeCassandra,lacoupeNoah

Beckham.J’inspireprofondémentetprendsmoncourageàdeuxmains.—Jepensequevousfaitesfausserouteavecceprojet.JackKentestconnupourêtreunmégalo

narcissique. L’immeuble que nous lui proposons est, certes, de haut standing, mais qu’est-ce quidifférencienotreprojetdesautres?

—Notreprestige!répondlachefInnovation,visiblementagacée.—Bien entendu,Design&Co est la plus grande boîte de design, et son prestige n’est plus à

démontrer,maiscen’estpasçaquiimporteàKent.C’estlegenred’hommequipeutsigneruncontrataveclapluspetiteentreprisequisoit,pourvuquecelle-ci luiprésenteunprojetà lamesuredesonego!

—Etqueproposez-vouspourpallierceproblème,Cassandra?—Maisvoyons,Noah!Vousnepensezpasqu’unesimplestagiairepuissetrouverunesolution,

quandmême!C’estn’importequoi!JesuislaresponsableInnovationdel’entreprise,je…—Etmoi,j’ensuisleP.-D.G.!Jesuiscurieuxd’écouterlesidéesdeMademoiselleLacour,etje

dois avouer que jusque-là, je suis plutôt d’accord avec elle. C’est tout à fait le genre de Kent devouloirtoujoursplusgrandetplusprestigieux.

Il se passe la main dans les cheveux et soutient mon regard, puis il se lève et décrète que laréunionestterminée.Touteslespersonnesprésentesramassentleursaffairesetquittentlapiècedansunsilencetotal.Jem’apprêteàfairedemêmequandNoahBeckhaminterromptmongeste:

—Non,restezencoreunpeu,Cassandra.J’aimeraisdiscuterdevosidéessurceprojet.Jemesenssoudainterriblementmalàl’aise.LeP.-D.Gsouhaitequejeluifassepartdemesidées,

alorsqu’enréalité,jen’enaiaucune.Etpourlatroisièmefoisdelajournée,jevaisencoresombrerdansleridicule!

Je prends mes dessins, les cache sous la pile de dossiers et j’essaie de prendre une attitudeprofessionnelle.NoahBeckhamdesserre lenœudde sacravateet se réinstalledans son fauteuil. Ilsortplusieursplansd’undossierets’armed’unefeuilleviergeetd’unstylo.

— Je sais que vous avez brillé pendant toute votre scolarité, et vous êtes une stagiaire qui avisiblement du potentiel. Je suis curieux, Cassandra…Comment une fille aussi jeune peut-elle ensavoirautantsurJackKent?JesuisprêtàparierquenotrechefInnovationneconnaissaitpaslequartdevosinformations.

IlaprisletempsderegardermonC.V.?Maispourquoi?Jeressensunecertainefierté,maisaussidelagêne.

—Jen’aipasvraimentdemérite.J’aiunemémoirephotographique.Jelisquelquechoseet,silesujetm’intéresse,jeleretiens.

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—Quellechance!Avoirunetellemémoirem’auraitévitébiendesheuresderévisionenpérioded’examens,dit-ilenriant.Donc,sijesuisvotreraisonnement,vousconnaisseztoutcequiaétéécritsurKent?

—Toutcequej’ailusurKent,rectifié-je.—Jecroisquejemesuistrompé,Cassandra—ilregardesonsmartphone—j’aiunrendez-vous

dansuneheure,etilfautquejefilesijeneveuxpasarriverenretard.Nousn’auronspasletempsdepoursuivrecettediscussion.

—Trèsbien,Monsieur,dis-jeenrangeantmesaffaires.— Ne prévoyez rien pour votre déjeuner demain midi. Nous reprendrons cette conversation

autourd’unrepas.Jetiensvraimentàconnaîtrevosidées,Cassandra.Ilselève,—jel’imiteparpurmimétisme—ouvrelaportequ’iltientgalammentafinquejele

précède,puismesouhaiteunebonnejournéeavecunsourirechaleureuxetdisparaîtdanslecouloir.Jeretourneàmonopenspace.Barbaran’estpasàsonposte.Jem’installedevantmonbureauet,à

peineai-jedéverrouillémonordinateur,qu’unmails’afficheàl’écran.

«Cassandra,VouspouvezprendrelebureaudeCathypourlajournéeafindevousconsacrerauprojetKent.

Àdemain.Cordialement.NoahBeckham

Président-DirecteurGénéralDesign&Co»

Pour la énième fois de la journée, je reste stupéfaite face aux actions de mon patron. NoahBeckhamestconnupourêtreàl’écoutedesesemployés,pourtantjenepensepasqu’ilagissecommeçaavectous.Jenecomprendspaspourquoiilagitdifféremmentavecmoi.

Jeprendsmesaffairesetm’enfermedans l’ancienbureaudeCathy.PasquestiondepenserunesecondedeplusàNoahBeckhametsonfoutucharme,jedoismeconcentrersurmontravail,unpointc’esttout!SijeveuxfairemespreuvesfaceauP.-D.Gdemainetespérermefaireembaucheràlafindemonstage,ilfautquejemelanceàcorpsperdudansledossierKentetliretouslesarticlesquim’auraientéchappé.Ensuite, je feraidescroquisetdespropositionsécrites.Pasquestiondepasserencorepourunegourdedemainpendantledéjeuner,jecomptebienarriveravecundossierenbétonarméetl’impressionner!

** *

Le reste de la journée défile à toute allure. Entre recherches sur internet, croquis, plan en 3D,coupsdetéléphone,jen’aipasvuletempspasser.Barbarafrappeàlaporte,entreets’assoitenfacedemoi.

—Asseztravaillépourlajournée!Ilestplusde19heures,pasquestionquetupasseslasoiréedanscebureauaveccefoutudossier.

—Barbara, ce foutudossier, comme tudis, est peut-être la chancedemaviepour entrerdanscetteentrepriseàlafindustage.Ilfautquejelecontinueencoreunpeu.

—Écoute,Cassie,jeteconnaisdepuisnotrepremièreannéedefac,jesaistrèsbienquetun’asplus rien à peaufiner du tout. Ton cerveau travaille àmille à l’heure, je suis certaine que tu peuxarrêtermaintenantetreprendredemainmatinavanttonentretienavecBeckham.Toi,moi,Scandalàlatéléetunepizza,OK?

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Chapitre3

J’entendssespasdanslecouloirserapprocherlentementdemachambre.Jefermelesyeuxetjeglisselatêtesousledrap.Mamanvavenirmesauver.Ellenelelaisserapasmefairedumal.Elleneluipermettrapasdetoucheràsonbébé,commeelledit.Pourtant,mamannevientpas.J’aipeurtouteseule dans mon lit. Je ne veux pas qu’il vienne encore me voir. Maman, j’ai si peur. Empêche-led’entrers’ilteplaît,s’ilteplaît…S’ilteplaîîîîiîîîît!…

** *

Jemeréveilleenhurlant,etMattéoouvreimmédiatementlaportedemachambre.Calmement,ilvients’installeràmescôtésetmeserrefortdanssesbras.Jesenssesmusclessecontractersouslatension.Monfrèrenesaitpasexactementcequ’Ilm’a fait subir, et j’espèrequ’iln’en sera jamaisautrement.

Mattéo s’en veut toujours de ne pas avoir été là ce terrible soir,mais il ignore tout ce que cemonstrenousafaitendureràmamanetmoi.S’il lesavait, ilnes’enremettraitpasetveilleraitsurmoicommeonsurveilledu lait sur le feu.Tout s’estpassé ilyadouzeans…Douzeansquemessouvenirsmehantentetmeréveillentensursautouenpleurs…Douzeansquesonimageestgravéeenmoi,auplusprofonddemonâme,àjamaismeurtrie…Jenichematêtedanslecoudemonfrèreetj’essaiedecalquermarespirationsurlasienne.Cemonstrenereviendrapas;ilestpartipourdebon…

JemeconcentresurlachansonUnautremondedeTéléphone,quitourneenboucledansmatête.Peuàpeulesommeilmegagne,etjem’endorspaisiblementdanslesbrasdeMattéo.

** *

—Debout,marmotte!Ilestunpeuplusde7heures.Tuvasêtreenretardsitunetelèvespas.J’ouvreunœil,regardeMattéoetpassematêtesousl’oreiller.Aujourd’hui,jedéjeuneavecNoah

Beckham.JevaisluiprésentermonprojetpourlecontratKent.Commechaquematin,j’ail’impressiondenepasavoirdormi.Cen’estpasuncaféetunetouche

de maquillage qui vont faire disparaître ma mauvaise humeur et mon état de fatigue général. Siseulement je pouvais avoir une nuit de repos. Une seule nuit où son spectre ne viendrait pas mehanter,etoùjepourraisapprécierderevivrenosmomentsheureuxenrêve.

—Cassie,situn’espasprêtedansvingtminutes,jeparssanstoi!Sorsdecelitetdépêche-toi!Jesuispressé,cematin.

—C’estbon,Matt.Vaprendretondeuxièmecafé,j’arrive.Mattéoenlèvelecoussindematêteetm’embrasselesommetdufront,puisilsortdemachambre

etmelaissemepréparer.Pasquestionquemesidéesnoiresviennentgâchercejoursiimportant.Ilfautabsolumentquej’éblouisseNoahBeckham!

** *

Huitheures,Mattéomedéposedevantl’immeuble.Jesorsdelavoitureetfermelesyeux.Toutvabiensepasser,jepeuxyarriver.J’entredanslebuilding,traverselehalletempruntelesascenseurs

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quejenemevoispascontraintedepartageravecquelqu’un.Tuvois,c’estunsigne,toutvabiensepasser!

Lorsque j’arrive àmonopenspace, je suis la première sur les lieux. Jeme fais un café et vaism’installerdans lebureaude laPimbêcheafinde finalisermespropositions.Unedemi-heureplustard,Barbaraarrive tout sourire, son théà lamain.Elleme fait labise,meparlede l’épisodequenousavonsregardélaveilleetcommenceàmeraconterunpotinqu’elleaentendudanslescouloirs,mais son téléphone se met à sonner, interrompant notre conversation. Un mail arrive sur mamessagerieet,commehier,jenesaispascommentjedoisleprendre.

«BonjourCassandra,J’espèrequevousavezavancésurleprojetKent.Ilmetardedeconnaîtrevossuggestions.

Biencordialement,NoahBeckham.»

Cet homme est définitivement un mystère ! Je ne suis qu’une simple stagiaire à la mémoired’éléphant,certes,maisj’aicommelasensationétrangequ’ilyaautrechoseàcôté.Maisquoi?Car,soyonsréalistejusteuneminute,ilnepeutpasêtreattiréparmoi.Jesuisplutôtjolieavecmonmètresoixante-dix,meslongscheveuxchâtainsbouclésetmesyeuxverts,maisàcôtéducharismedemonP.-D.G,jenefaispaslepoids!

MonDieu!NoahBeckhamestunevéritablebombeatomique.Ilmesureunpeuplusd’unmètrequatre-vingts,soncorpsestmusclé,sapeaudélicatementhâlée,sescheveuxchâtainssontlégèrementtroplongssurledessusetcoiffésenarrière,sesyeuxbleuspétillentdemaliceet,lorsqu’ilsourit,jesenscommedesmilliersd’ailesdepapillonsexploserdansmonventre.C’estpeut-êtreàcausedeçaquej’agistoujoursenparfaiteimbécilequandjesuisseuleaveclui!Ressaisis-toi,Cassandra,tudoisresterconcentrée!SiNoahBeckhamestmakryptonite, il va falloirque je trouveunmoyenpourqu’il ne s’en rende jamais compte. Je fais levidedansma tête. Jeme laisseporter par la chansonUnkissmedesMaroon5,etjemeremetsauboulot.

Finalement,éviterdepenseràmonpatronadubon!Iln’estpasencoremidietjeviensdemettrelepointd’orgueàmonprojet.Jenepensepasqu’ilentredanslescritèreshabituelsdeDesign&Co,maisilfautvraimentêtreinventifpourséduireKentetsonegodémesuré.Maintenant,ilnemeresteplusqu’àmefaireconfianceetvendreceprojetàM.Beckhamquinedevraitplustarder.

Toutvabiensepasser,toutvabiensepasser…Tout…va…bien…se…passer!Jenedoissurtoutpaspaniquer.Jevaisallerdéjeunerentête-à-têteavecmonboss,luiexposermesidées,échangernosdifférentspointsdevue,puisjereprendraimonpostedestagiaireetmechargeraidesphotocopiesdelapersonnequiremplaceraMadamePimbêche.Iln’yariendedramatiqueàdéjeunerseuleavecunhommequin’estpasmonfrère.Nousneseronspasdansunendroitisolé.Cen’estpas«lui»,ilnepeutdoncrienm’arriver.

—Bonjour,Cassandra.Vousêtesprête?JesursauteetmeretournepourfairefaceàNoahBeckham,quimeregarde,visiblementamusé.

Décidément,celacommenceàdevenirunehabitudedemefairesurprendreàrêvasser!Jeprendsuneattitudeprofessionnelleetdis:

—Bonjour,Monsieur.Oui,jesuisprête.—Trèsbien.Suivez-moi;notreréservationnousattend.Je le suis jusqu’à l’ascenseur où je commence imperceptiblement àme crisper.MonP.-D.G se

tourneversmoietm’examineattentivement.Sonregardsondelemien.J’ail’impressionqu’ilessaiedeperceràjourlessecretsquejegardeprofondémentenfouisenmoi,commes’ilavaitressentimonmalaise.

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Lesportess’ouvrentetrompentlecharmedumoment.Jenesaispasvraimentcequivientdesepasser, mais j’ai ressenti une certaine connexion entre nous qui me laisse troublée. Nous nousengouffronsaumilieudeladizainedepersonnesdéjàprésentesdansl’ascenseur.Jemecalecontrelaparoietrelisrapidementmesnotes,ignorantsuperbementlescoupsd’œilinsistantsdemonpatron.

Noussortonsdel’immeuble.LetéléphonedeM.Beckhamsemetdéjààsonner.Ilm’inviteàlesuivreetprendsacommunication.Nousnousfaufilonsautraversdespassantsetmarchonspendantunebonnecentainedemètresavantdetournerdansunecontre-alléeetdenousarrêterdevantunpetitrestaurantdequartierappelé«LevieuxParis».

Ilmetfinàsacommunicationetouvrelaporteenlamaintenant,unefoisencore,galamment.Cen’est pas que le geste se perde pour le signaler, mais il a une attitude très caractéristique de sesoriginesanglaisesquilerendencoreplusséduisantqu’ilnel’estdéjà.Leresponsabledurestaurantnousaccueillechaleureusementetnousinstalleàsameilleuretabletoutennousprésentantleplatdujour,civetdelapinaccompagnédepâtes,spécialitédelamaison.Nousoptonstouslesdeuxpourceplatetnousnousasseyons.

Je ne sais pas trop quelle attitude adopter quand je suis seule avec un homme, encore moinslorsqu’ils’agitd’untypecanonet,quiplusest,setrouveêtremonpatron!Jenesuissortiequ’avectrèspeudegarçons,et jesuis incapabledepasser lasimpleétapeduflirt.J’aidéjàressenti l’envied’allerplusloin,mais,systématiquement,jerevisparflasheslesimagesquihantentmesrêves,etjefaisunblocagequimèneinlassablementàlarupture.

—Alors,Cassandra,avez-vouseuletempsd’imaginerdessolutionspourlecontratKent?—Ehbien,commençai-jeencherchantmesmots.—Jesaisqueledélaiestcourt,Cassandra.Mais,hier,vousmesembliezparfaitementàmêmede

souleverdespropositionspertinentes.Jenevousaipasdemandéunprojetconcret,simplementdespropositions.Alors,respirezprofondémentetlancez-vous,jesuistoutouïe.

Lerestaurateurarriveàcemoment-làaveclesplatsdujouretunebouteilled’eaupétillante,puisils’éclipsediscrètement.Jehumeladélicieuseodeurduplat.M.Beckhamm’inviteàcommenceràdéjeunerenattaquantlesien.Jel’imiteengoûtantunmorceauducivetquiestcuisinéàlaperfection.Je laisse échapper un «Mmmm » de contentement en fermant les yeux et quand je les rouvre, leregardquemelancemonbossmedonneautantenviedem’enfuirencourantquedeluisauterdessus.Je pose mes couverts et il secoue la tête en reprenant son repas. Je prends plusieurs longuesinspirationsetjemelance.

—Pourrépondreàvotrequestion,Monsieur,j’airéaliséuneétudecomplètepourledossierKent.Bien sûr, il y a plusieurs détails à revoir, et peut-êtremême quemes idées ne vous plairont pas,mais…

—Pardonnez-moi devous couper,Cassandra.Mais, premièrement, appelez-moiNoah, commetousmes employésont pour coutumede le faire.Deuxièmement, nepartezpasduprincipeque cen’estpasbonouquecelanevapasmeplaire.Vousignorez,Cassandra,cequimeplaîtounon,alorsnepartezpasperdanteavantmêmed’avoircommencé.Troisièmement,cequim’importeleplusestdesavoirdanscombiendetempsvotreprojetpourraitcommenceràvoirlejour…

Jeresteuninstantinterditefaceàsesparoles.Ilsemblecroireenmoi,alorsqu’ilnemeconnaîtpas. Il n’a rien des grands pontes qui traitent leur personnel avec mépris. Il semble au contrairevéritablementàl’écoutedechacundesesemployés.Néanmoins,jeressenstoujourscepetitquelquechosequimelaisseàpenserqu’ilagitdifféremmentavecmoi.

Jereprendsmesespritsetjemelancedansmonargumentation.Jepoussemonassietteetsorsmesdossierspourappuyermonexposé.Lesplansquej’aipréparésainsiquelesdevisquej’aiobtenusenappelant lesmêmescorpsdemétierqu’avaitcontactés lachef Innovation.Monpatronmeposedesquestionsauxquellesjerépondssanshésiter.Jedomineparfaitementmonsujet,etjecomptebienlui

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prouverquejemérited’êtreembauchéeàlafindemonstage,mêmes’ilresteencoresixmoispourfairemespreuves.

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Chapitre4

Nouspassonstoutlerepasàéchangernosdifférentspointsdevue,chacunessayantàtourderôle,defaireplierl’autre.Nousdiscutonsàbâtonsrompusjusqu’aumomentoùlepropriétairedeslieuxvienttimidementnousdirequ’ilaimeraitfermersonrestaurant.Noahs’excuseetdemandeàmettrel’additionsursonardoisetoutenm’aidantàrepliermesdossiers.Noussaluonslerestaurateurpuisnoussortonsdupetitrestaurant.

Nous reprenons l’allée principale. Le téléphone deNoah semet immédiatement à sonner. Il leprend, rejette l’appel et le remet dans sa poche. Nous sommes restés plus de trois heures dans lerestaurantsansquenoussoyonsdérangésparunseulappelpendanttoutcetemps,etvoilàqu’ilsonneànouveau.

—Savez-vouspourquoijemangetouslesmidisdanscerestaurant,Cassandra?—Parcequelepatronestfortsympathiqueetquelanourritureyestexcellente.—En partie, oui,mais surtout car aucun réseau ne passe là-bas.Mon téléphone ne risque pas

d’interrompremondéjeuner. J’aimepouvoir faireunevraiepause.Vousvoyez,çane faitpascinqminutesquenoussommesdehorsetiln’arrêtepasdesonner!

Je risetmanquede trébucher,Noahsaisit fermementmonbrasetm’attireà luipourmaintenirmonéquilibre.Jelèvelatête,noslèvresnesontqu’àquelquesminusculescentimètres.Jepeuxsentirson parfum, lesmuscles de son bras.Une voiture klaxonne et nous sursautons tous les deux ! Lecharme est encore rompu…Cette fois, c’étaitmoins une !…Étions-nous vraiment sur le point denousembrasser?…

** *

Nousarrivonsausiègedelasociétéetnousempruntonsl’ascenseur,quiestencoreàmoitiéplein.Nousneparlonsplusdepuisl’«incident».Lorsquelesportess’ouvrentau18eétage,jem’apprêteàleremercieretàreprendremonposte,maisilposesamainsurmonavant-bras.

—J’aimeraisquenousterminionscetteconversationdansmonbureau.Rejoignez-moidansuneheure.Ilfautquejepassed’abordquelquescoupsdefil.

Il relâchemonbrasetmesourit. Jesorsde l’ascenseuret lesportesse refermentsurNoah,unsouriremalicieuxtoujoursplaquéauxlèvres.

J’arriveàmonbureauetBarbaramesautelittéralementdessus,meposantmilleetunequestionssurmondéjeuneravecMonsieurBeauGosse,commeelleseplaîtàl’appeler.Jeluiracontedanslemoindredétailenomettantsciemmentlemomenttroublantquenousavonsvécusurletrottoir.Siellel’apprenait,mon amie ferait tout pourmepousser dans les bras demonpatron !Depuis que je laconnais,elleessaietantbienquemaldemecaser.Parfois,j’accepteuneinvitationàdîneruniquementpourqu’ellemelâchelagrappeet,àchaquefois,jemefaisviolence.Ellesaitcequim’estarrivé,oudumoins…ellesaitcequej’aibienvoululuidévoilerpourqu’ellearrêtedemeposerdesquestions.Ellepense,cependant,qu’ilestgrandtempsquejetireuntraitsurmonpasséetquej’ailledel’avant.Ellearaison, j’ensuisbienconsciente,maiscommenttournerlapagequandjemeréveillechaquenuitensursaut,ensueuretenpleurs?

** *

L’heure fatidiqueapproche, jedois aller retrouvermonbossdans sonbureau. Je récupèremes

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dossiersetquittemonopenspace.J’avancedanslelongcouloirquimèneauxescaliersetjemonteàl’étage supérieur rejoindre mon patron. Je sens peu à peu des dizaines de battements d’ailes sedéployer au creux de mon ventre. Je ne dois pas laisser mon trouble m’envahir. Je ne peuxraisonnablementpas tomberamoureusedecethomme ; jen’enaipas ledroit.Monpasséestbientropcomplexeetjejouemonavenirprofessionnel.Iln’estpasquestiondetoutfoutreenl’air!

J’arriveau19eétageetsaluelaréceptionnistequim’indiquequeM.Beckhamm’attend.Jeprendsmoncourageàdeuxmainsetjefrappeàlaporte.Savoixgraveetsensuellem’inviteàentrer.Jefaislevidedansmatêteetjepénètredanssonbureau.

Noah est au téléphone et me fait signe de prendre place sur le fauteuil en face du sien. Jem’installe en me faisant la plus discrète possible afin de ne pas le déranger. Il me souritmalicieusement tout en tapant frénétiquement sur son clavier et en donnant des ordres à soninterlocuteur,puisilraccroche.

—Pourcommencer,Cassandra,jetiensàvousdirequevousm’avezimpressionnée,cemidi.Jen’auraispuespérerundossierpluscompletqueceluiquevousvenezdemeprésenter.

—Merci,Monsieur…euh…Noah,dis-jeenmecorrigeantquandilfroncelessourcils.— Je viens de contacter votre responsable de stage. Je lui ai demandé si vous validiez quand

mêmevotreannéeenarrêtantvotreconventionavantsonterme.—Mais…jenecomprendspas…—Laissez-moifinir,Cassandra,jevousprie.Celaneluiaposéaucunproblèmequandjeluiai

exposémesraisons.Jesouhaitevousembaucherimmédiatement.Jenepeuxpasmepermettrequ’uneautreboîtededesigndécouvrevotretalentetvousdébauche.Iln’enesttoutsimplementpasquestion!

—Wouah…Enfin,jeveuxdire…C’est…Jenesaispas,jenetrouvepasmesmots.—Êtes-vousintéressée?Biensûr,vouscommencerezparunCDDdetroismoiset,à lafinde

cettepériode,nous transformeronsvotrecontratenCDI, sivoussouhaitez toujours travaillerpourDesign&Co.

—Si je suis intéressée?Monsieur…Noah,vousêtesen traindemeproposer lepostedemesrêves!Biensûrquejesuisintéressée!dis-je,gagnéeparl’excitation.

—Trèsbien.Danscecas,vousrecevrezvotrecontratdetravaildemainmatin.Ilsetrouverasurvotrebureau.D’ailleurs,prenezceluideCathyetdécorez-lecommevouslesouhaitez.Jetiensàcequechaqueemployésesentebiendanssonespacedetravail.Vousallezpasserbonnombred’heuresàybosserdur,autantyêtreinstalléeentoutesérénité.

Jenesaispasquoidire.Commentmaviepeut-elleprendreun telvirage?Monrêveest sur lepointdeseréaliser!

—Cassandra?…—Oui, désolée. Merci, Noah. Vous ne le regretterez pas ! Vous pouvez compter sur moi, je

comptem’impliquerunmaximumpourvous…hum,etpourDesign&Co.—Fortbien!J’ensuisheureux,etjesuisconvaincuquevousnemedécevrezpas,Cassandra.Ilselève.Jel’imiteenrécupérantmesdossiersquenousn’avonsmêmepasouverts,puisjelui

emboîtelepasjusqu’àlaporte.—ConcernantledossierKent,nousn’avonstoujourspasfininotreconversationdecemidi.—Jevousdonnecarteblanche!Votrepropositionestsolide.Vousavezsupallierl’ensemblede

mes interrogations. Jemets à votre disposition une équipe du service Innovation. Nous ferons unpointenfindesemaine.

Je restecomplètement interdite. Jeviensd’êtreembauchéeparLAboîtededesignde référencesansterminermonstage,etjevaisavoiruneéquipeentièreàgérerpourréaliserleprojetKent!

Noahme sourit, avec cepetit airmalicieuxquine lequitteplusquand il est àmes côtés. Je leremerciechaleureusementpoursonoffreetjequittesonbureauavecunvéritablesourireauxlèvres.

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Jesenssonregards’attardersurmoi,jusqu’àcequej’arriveauboutdecouloiretqu’ilrefermelaporte derrière lui. Je suis à la fois troublée et terriblement excitée par cette nouvelle aventure quim’attend.Mavieestsurlepointdechanger,jelesens.J’ouvrelaportequimèneàlacaged’escalierset,unefoisseuleetcertainequepersonnenemevoitninem’entend, je laisseexplosermajoieendansant,entraînéeparShutupanddancedesWalkTheMoonquirésonnedansmatête.

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Chapitre5

Jesuisdansmonlit,lesyeuxfermés,etj’écoutelesilence.Jedétestelesilence.Iln’estjamaisdebon augure, dans cette maison, hormis en présence de mon grand frère, Mattéo, lorsqu’il revientpendantlesvacancesscolaires.Lesilence,àcemoment-là,estsignedesérénité.Jesaisqu’Ilnenousferaaucunmal,àMamanetmoi,tantqueMattéoseralà.

D’ailleurs,pourquoiMamanmet-elleautantde tempsàvenirmeborder,cesoir?J’aipourtantfaittoutcequ’ellem’ademandé.J’airéviséunedernièrefoismoncontrôled’histoire-géodedemain,j’ai brossémes cheveux, jeme suis lavé les dents et j’aimismon pyjama.Mamanm’a dit qu’elleviendrait,commetouslessoirs,à20heures30…Ilestdéjà20h50,celaneluiressemblepas…

** *

J’entends des pas…Pourvu que ce ne soit pas lui qui arrive. Jeme tourne, face aumur, et jeremontemacouettejusqu’àmoncou.Laportedemachambres’ouvrelentement.Jefaisdemonmieuxpourrespirercalmement,commelorsquejedors,mêmesij’aiunetrouillebleue.

Je sens le matelas s’enfoncer à mes côtés, puis ses bras m’entourent, je respire son odeur…Mmmm… Maman ! Elle ne dit pas un mot, elle se contente de me serrer fort contre elle, enm’embrassant dans le cou. Je sens une larme silencieuse tomber sur ma peau. Maman pleure. Jeprendssamaindanslamienneetjelaserreleplusfortpossibleenravalantmeslarmesquimenacentde tomber. Je ne dois pas pleurer. Je dois être forte pour Maman. Ce salaud la fait terriblementsouffrir. Alors, pourquoi ne s’enfuit-elle pas ? Elle a déjà essayé… une fois… mais quand il l’adécouvert,ilamenacédemevioleretdemetuersoussesyeuxenpointantuncouteausurmoncou,alorsMamanestrestée.Et,depuiscejour,notrecauchemarnecessed’empirer…

Maman ne pleure plus. Sa respiration s’est apaisée. Elle s’est endormie enme tenant dans sesbras. J’aimeMamanplus que tout aumonde. Je suis affreusement triste qu’elle soit tombée sur cemonstreaulieud’untypebien,commel’étaitPapa,avantdemourirdansunaccidentdevoitureenrentrant du travail. Je me blottis un peu plus contre le corps chaud de ma mère et laisse coulerquelqueslarmesavantdem’endormird’épuisement.

** *

J’aifroid.Jenemesenspasbien.Jemeretournedanslelitenouvrantlentementlespaupières.Mamann’estpluslà.J’aimalàlatête.Ilyacommeunbruitdefondquimedérange,maisjen’arrivepas à définir ce que c’est. Je me lève lentement de mon lit. J’ouvre discrètement la porte de machambreetj’écouteattentivement.

Maman pleure. Elle le supplie de nous laisser tranquilles et de partir de la maison… Il crie.J’entendsunclaquementsec.Jecomprendsqu’ilvientdeluimettreuncoupdepoing.Ilnemetjamaisdegifles,ilfrappetoujourscommesinousétionsdeshommes…Jeserrefortmondoudoucontremoncorps, et jeme retiensde crier.Mamangémit, j’entendsqu’elle souffre. J’aimeraispouvoir l’aider,maisjesuisbientroppetite,etilfiniraitpars’enprendreàmoipourlablesserdavantage.

J’avance lentement dans le couloir. Je voudrais atteindre la cuisine sans me faire repérer. Jepourraisalorsprendreendouceletéléphonequemamanacachédansletiroirencasd’urgence,etretournerdansmachambremecacherpourappelerlapolicecommeellem’aordonnédelefaire,sijejugelasituationtroppérilleuse.

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Jecontinueàmarchersurlapointedespieds.J’entendsdeséclatsdevoix.Jenecomprendspascequ’illuidit.Ilestencorebourréetadumalàarticulercorrectement.Monsangseglace.Jen’aimepas du tout la situation, j’ai peur. J’aimerais que papa soit toujours là pour nous sauver, ou queMattéo rentreà l’improviste, caron luimanque trop. Ilmemanque terriblement…Tantqu’il vivaitavec nous, Franck était un beau-père plutôt normal. Il me foutait la paix et ne s’en prenait pas àmaman.Ilneméritaitpasletitredemeilleurbeau-pèredel’année,maisn’étaitpasméchant.Etpuis,ilaperdusontravail,aplongédansl’alcoolettoutestpartienvrille.

J’arrivedans lacuisineet jemarcheenévitant leséclatsdeverregisantausolaubeaumilieud’unetachedevin,maisjemanquedetomberenglissant,etjemarchesurundébris.Çafaitunmaldechien,maisjenedoispasdévierdemonobjectif.JedoisaiderMaman.J’avanceenboitant.J’essaievraimentdenepasmefairesurprendre.Soudain,ilm’attrapeparlescheveuxetmetireenarrière.

Ilsentlatranspiration,l’alcooletletabac.Sonfrontestcouvertdesueur,ilmedégoûte!Iltireunpeuplus fortetmefaitmarcheraumilieuduverrequientaillemachair.Jecrieenessayantdemedébattre,mêmesijesaisquelecombatestperdud’avance.Ilm’entraîneavecluijusquedanslesalon.Maman n’est pas là, je ne la vois pas. Il défait sa ceinture et la fait claquer contre sa paume. Ilapprocheenmefusillantduregard.

MonDieu!Mamanoùes-tu?Viensm’aider…Maman…?Maman?Mamaaaaaaaaaan?!?*

* *

Jemeréveilleenhurlant.Moncorpsestparcourudefrissonspendantquedeviolentssanglotsmesecouentàunpointtelquejenepeuxplusrespirer…Ilyavaitbienlongtempsquejen’avaispasrevudedétailsaussiprécisdecesoir-là…

Jem’assoisdansmonlit,lesgenouxrepliéscontremapoitrineetjemeberced’avantenarrièrepouressayerdecalmermessanglots.Jen’entendspasMattéoentrerdansmachambre,maisjesenslematelass’affaisserquandilmerejointdanslelit.Ilpassederrièremoietmeprenddanssesbrasenmemurmurant des paroles apaisantes.Mattéo pleure aussi. C’est rare qu’il laisse ainsi affluer sesémotions. Généralement, quand il craque à son tour, c’est qu’il n’arrive plus à endosser masouffranceetmonfardeau.Jedoisêtredansunbelétat…

Je sors peu à peu de ma torpeur.Mes larmes se tarissent.Ma respiration s’apaise.Mon frèrecaressemescheveuxetm’aideàm’allongerdanslelit.Ilsedécalelégèrement.

—Neparspas!—Jenecompteallernullepart,mapuce.Jevaisresterprèsde toiet te tenirdansmesbrasen

espérantempêchercesalauddevenirperturber tonsommeil.Tupeuxdormir tranquille, jesuis là,Cassie.Ilnepeutrient’arriver.

—Merci,soufflé-jeenmeblottissanttoutcontrelui.Ilaraison,ilnem’estjamaisrienarrivéensaprésence.Jeluiprendslamainetlaserrefort.Il

m’embrasselatempeets’installeconfortablement.

Ñ Dors,majolieCassandra,jeveillesurtoi…

** *

Unefoisn’estpascoutume,jemeréveilleavantMattéoquironfleàmescôtés.Jeregardemonsmartphonepourlirel’heure:6h27.Jepeuxlelaisserdormirencoreunepetitedemi-heure.

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Jesorsdiscrètementdulitetjefileprendreunedouche.J’essaied’évacuerlestressdecettenuiten laissant lamusiqueprendre possessiondemespensées. Il n’y a que commecela que j’arrive àfaire levidedansma tête. Jem’habilleetmemaquilleenvitesseafindepouvoirpréparer lepetit-déjeuner.Jefaiscoulerlecaféetmetsdupainautoaster,puisjevaisréveillermonfrère.

** *

Uneheureplustard,jesuisdansmonnouveaubureauoùj’aidéjàétalélesplansduprojetKent.Jenedoispaslaissermescauchemarsenvahirmavieet,pourcela,riendemieuxquedeplongerlatêtelapremièredansleboulot!

Barbaraarrivequelquesminutesaprèsmoietentredansmonbureau,deuxcafésàlamain.Ellem’enoffreunets’installesurlefauteuilenfacedemoi.

—J’aireçuunmailcematin.—Ahoui?Et?…—Ils’avèrequejedoisdevenirTAstagiaire.Alors, je tepréviens,CassandraLacour,n’oublie

jamaisquejesuistonamie.Pasquestiondefaireseulementtoncaféettesphotocopies!—Mercibien!JenesuispasMadamePimbêche!Tuvasvraimentbosserpourmoi?Cen’estpas

uneblague?—Non,cen’estpasuneblague.—Danscecas,auboulot!J’aipleindetrucsàt’expliquer!JecommenceparlisterlesprioritésenexposantmesidéesàBarbaraquiprendimmédiatementun

calepinetunstylopournoterl’essentiel.Nousformonsunesuperéquipe,etnevoyonspasletempspasser.

À11heures,montéléphonesonne.Barbaradécrochepourmoi:—BureaudeMademoiselleLacour.Barbaraàvotreservice.Quepuis-jepourvous?dit-elleen

riantsansvérifierl’identitédel’appelant.Elleseressaisitaussitôt.Oui,biensûr,trèsbien,Monsieur,jeluienfaitimmédiatementpart.

—Nemedispasquec’étaitNoah?—Leseuletl’unique!Ilsouhaitequetumonteslevoirdanssonbureau.Décidément ! Je n’avais jamais croisé plus de deux fois Noah avant l’incident de l’ascenseur,

depuis…ilnesepassepasunejournéesansquejelevoie.Pourvuqu’iln’essaiepas,unefoisencore,delireàtraversmoi.C’estmonpatron.Ilnedoitjamaisdécouvrirmonpassé.Sonregardsurmoichangerait,etjenepourraislesupporter.

Jemonteau19eétage.JesaluelaréceptionnisteetfrappeàlaportedeNoahquim’inviteaussitôtàentrer.

—Bonjour,Cassandra.Asseyez-vous,jevousenprie.—Bonjour,Noah,merci,dis-jeenm’installant.—Cassandra,avez-vousunpasseport?—Unpasseport,oui,biensûr…Pourquoi?—JeraccrochetoutjusteavecJackKent.Jeluiaifaitpartdeplusieurschangementsdansnotre

proposition, et vous aviez raison… Il est vraiment emballé, voire euphorique ! Votre projet a sutitillersonego,etilsouhaitenousrencontrerleplusrapidementpossiblepourendiscuter.

— Il a adoré ? Vraiment ? Oh, mon Dieu ! C’est super ! Noah sourit malicieusement à maspontanéité,jemereprends?Enfin,rienn’estgagné,maisc’estunebonnechose,non?

—Uneexcellentechose,Cassandra.Vousdevriezdavantagevousfieràvoscompétences.JevaischargerNathalie,monassistante,defairelaréservationdenosbilletsd’avionetdel’hôtel.Sic’est

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bonpourvous,nouspartonsdemainmatin.—Demainmatin?m’exclamé-je.—Celavousposeunproblèmed’organisation?—Non,biensûrquenon.Maisc’estrapide.—Commevouslesavez,Kentestunhommequiveuttoutettoutdesuite.Ilauraitaiméquenous

soyonsàNew-Yorkdèscetaprès-midi,sicelaavaitétépossible.Jecommenceàpâlir. Je suis terriblementexcitéepar toutcequim’arriveprofessionnellement,

mais…jevaisdevoirquitterParis,monfrèreetBarbarapourquelquesjours.Etpar-dessustout,jevais dormir ailleurs que dans mon lit. Mattéo ne sera pas là pour veiller sur moi si je fais uncauchemar.Bien sûr,un jourou l’autre,mon frère rencontreraune femmeet fera savie. Il faudrabien que j’apprenne à me débrouiller seule.Mais, pour le moment, je nem’en sens toujours pascapable.Commentvais-jefairepourtenirlecoup?

—Cassandra,çanevapas?Vousvoussentezbien?Vousêtestoutepâle.Noahmesortdemesidéesnoires.J’essaiederetrouverunecertainecontenance.Jedoiscesserde

passercontinuellementpouruneimbécilequandjesuisavecmonP.-D.G.— Pardonnez-moi, Noah. J’étais déjà en train de passer mentalement en revue l’ensemble du

dossierKent.Jenevoudraispaslouperquelquechose.—Cessezdevoustracasser,Cassandra.Vousavezfournilemeilleurprojetquim’aitétésoumis.

Ayezconfiance…Jevousdonnevotreaprès-midipourpréparernotrevoyage.Prenezdeseffetspourplusieursjours.J’ignorecombiendetempsnousresteronssurplace.Jevousenverraiunmailpourvouscommuniquerlesdétailsdenotredépart.

LetéléphonedeNoahnousinterrompt.Ildécrocheets’engagedansuneconversationanimée.Ilmeregardeenfronçantlessourcilsetfaitpatientersoninterlocuteurquelquessecondes.

—Vouspouvezyaller,Cassandra.Jevaisenavoirpourunpetitmoment,dit-ilavecunepetitemouedésolée.

—Biensûr.Bonnejournée,Noah.Jemelèveetquittesonbureau.Jesenssesyeuxposéssurmoi.Celan’arienàvoiravecleregard

d’unpatronsursonemployée.Jeressenscommeunmagnétismequinousattirel’unversl’autre,telsdes aimants… Je m’apprête à refermer la porte derrière moi lorsque j’entends sa voix basse etprofondemedire:

—Bonne journéeàvousaussi,Cassandra. J’aihâted’intensifiermacollaborationdirecteavecvous.

Je fermediscrètement laporteet regagnemonétagepour rassemblermesaffaires. Je retrouveBarbaraetluirésumemonentrevueavecnotrepatron.Monamieesttrèsexcitéepourmoietnecachepassajoieenm’entraînantdansunjoyeuxpetitpasdedanse.Moi,jeresteperplexe.avait-ilunsenscachéderrièresadernièreremarque?Quandilaévoquésacollaborationavecmoi,j’aicruydécelerunenotesensuelle,commeuneinvitationmasquée,unepromesse…

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Chapitre6

Jeprendslemétropourrentrerchezmoi.Pendanttoutletrajet,jenefaisquepenseràNoahetàsadernièrephrasequitourneenboucledansmatête.Jenesaispaspourquoijeressenscetteattiranceenvers mon patron, et je comprends encore moins l’intérêt qu’il me porte… Je dois avoir uneimaginationdélirante,ettoutsepassedansmatête,voilàtout!

J’entrechezmoi,posemonsacsur lemeubleà l’entréeetvaisà lacuisinemeservirunverred’eaufraîche.Ilfautquejepréparemavaliseetquej’appelleleDrRigollot,queldrôledenompourunpsy,franchement!MaisleDrRigollotestlemeilleurpsyquej’aieeudepuisledrame.J’enaivuplusieursjusqu’àcequeMattéoletrouve.C’estluiquim’adonnél’astucedesmusiquesdansmatêtepour faire le vide etme ressourcer.C’est donc tout naturellement vers lui que jeme tourne, pourappréhenderaumieuxcevoyaged’affaires.

Jeprendsmontéléphoneetjel’appelle.Unefoisquejeluiexposelasituation,ilmeproposeunrendez-vousendébutdesoiréequejem’empressed’accepter.Ilmeresteplusieursheuresàtueravantmonrendez-vous.JevaisfairelasurpriseàMattéoderangerl’appartement,etjeluiprépareraideslasagnes,sonplatpréféré.

** *

17 heures 30,Mattéo rentre enfin à la maison. Je suis dans le salon en train de regarder unerediffusion de Grey’s Anatomy. Mon frère bifurque vers la cuisine. J’entends la porte du frigos’ouvrir,lebruittypiquedesbouteillesquis’entrechoquent.PuisMattéoentredanslesalon,unebièreàlamain.

—Eh!Tuesdéjàrentréeàlamaison?—Oui,monpatronm’adonnémonaprès-midi.—Ilt’adonnétonaprès-midi?Tunetesentaispasbien?—Mattéo,leréprimandé-jegentiment—monfrèreagittoujoursenvéritablemèrepoule,etjene

peuxpas lui envouloir. Jevais trèsbien. Ilm’aditde rentrer à lamaisonpourpréparerquelquesaffaires.

—Commentça,ilt’ademandédepréparerquelquesaffaires?mecoupe-t-il.—Tuveuxbienmelaisserfinir?Ilacquiesced’unhochementdetêteetcroiselesbrassursontorse.—JeparsdemainmatinàNew-Yorkpourquelquesjoursavecmonpatron.Nousallonsprésenter

monprojetàKent.—Attends.TuparspourNew-York…avectonpatron?!Ilyaurad’autrespersonnesavecvous?—Mattéo!Jenesaispass’ilyaurad’autrespersonnes,maisjenerisquerien.NoahBeckhamest

monpatron.Jemerendsavecluiàunrendez-vousd’affaires.Ensuite,nousrentronsàParis.Iln’yariendemalàça!JevoulaistravaillerpourDesign&Copourm’émanciperetvoyager.Celaarriveunpeuplustôtqueprévu,c’esttout!

—Jesais,tuasraison.C’estexceptionnelcequit’arrive,Cassie.Jesuisextrêmementfierdetoi,mapuce.Maisjesuistongrandfrèreet,avectonpassé,tescauchemars.Jem’inquiète,c’esttout.

Jeme lève du canapé et jeme jette dans les brasmusclés demon grand frère quimanque derenversersabière.Iléclatederireetmerendmonétreinte.

— Il va falloir qu’un jour, tu arrêtes de portermon fardeau àma place,Matt. Tu ne peux paschanger lepasséet t’envouloirpourdesévénementsdont tu ignorais l’existence.Jecroisqu’ilesttempspourmoidemereconstruire,etpourtoi…detetrouveruneamoureuse!dis-jeenluipinçant

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lebrasetenm’écartantdelui.—Aïe!dit-ilenriant.Allez,viens,allonsregarderlafindetasérie.Dans desmoments comme ceux-là, j’ai besoin de faire diversion en sortant une bêtise, ou en

taquinantmonfrère.Jeneveuxpasencorepleurerdanssesbras.Jelefaisdéjàbienassezsouventenleréveillantchaquenuitavecmeshurlements…

** *

Deuxheuresplus tard, jesuisdans lasalled’attenteduDrRigollotoù jediscute tranquillementavecMonique,sonépouseetassistante.Je laconnaisdepuisque j’aicommencéma thérapie, ilyaseptans.Elleestunpeulafigurematernellequimemanque.Nousnoussommesprisesd’affectionl’une pour l’autre et, comme à chaque fois que son mari est en retard, nous en profitons pourrattraperletempsperduetpapoter.

Ledernierpatientdemonpsyquitteenfinsoncabinet.Moniquem’accompagnejusqu’àlaporte,mefaitunebisesurla joueetretourneàsonposte.JerentredanslebureauduDrRigollotquimesouritchaleureusementetm’installesurledivan.

—Commentçavaaujourd’hui,Cassandra?—Pfff…Jenesaispasvraimentcommentjemedéfinirais,aujourd’hui.—Parquoiaimerais-tucommencer?Jecroisemesjambesetcommenceàbattrelamesureavecmonpied,j’aibesoinderéfléchir…

Qu’est-cequimedérangeleplus?Mescauchemars?Plusparticulièrementceluidecettenuitoùjerevivaiscesoir-là,commesij’yétais.Oucetattraitmagnétiquequejeressensenprésencedemonpatron?

—Cassandra…Je saisque si tum’as appelé aujourd’hui, c’est que tu en as ressenti lebesoin,maisjenepeuxpast’aidersitunemeparlespas.Tusaiscommentcelafonctionne.

—Cettenuit…commencé-jeencherchantmesmots.Jen’aipasseulementfaituncauchemar,j’airevécuunepartiedecettenuit-là…Celafaisaitbienlongtempsquemessouvenirsn’avaientpasétéaussiprécis,jepouvaistoutressentir:mapeine,macolère,madouleur,mapeur,l’odeurdutabac,del’alcool,dusang…

—Àquelmoment,t’es-turéveillée?—Quandilaprissonceinturon,dis-je,parcourued’unviolentfrissond’angoisse.— O.K., Cassie, calme-toi, respire doucement. Tu es en sécurité ici. Franck ne peut plus

t’atteindre.Tun’aspasà revivrececauchemar,unefoisencore,enme le racontant.Jeconnais tonhistoire,Cassandra,toutetonhistoire.

—Vousêtesleseulàconnaîtreexactementcequ’Ilm’afaitvivre,Docteur.—Jesais…C’estpourcelaquetun’asnulbesoindet’infligerça.Parle-moiplutôtdecequite

préoccupe,tuveux?Jedécroisemesjambesetchangedepositionenm’asseyantentailleur,etjeluiréponds:—Ilyadeuxchosesquimeperturbentetlesdeuxsontliéesauboulot.—D’accord.Etdequois’agit-il?—Premièrement, jeviensdesignermonpremiercontratde travail—je luiexpliqueendétail

comment tout cela est arrivé—et, dès demain, j’effectuemonpremier voyage d’affaires, àNew-York.

— Félicitations, Cassandra, je savais que tu décrocherais un poste rapidement à la fin de tesétudes.Tuesunejeunefillebrillante.Jecroiscomprendrecequitetracasse.Tuaspeurd’avoirdescauchemarsàNew-York,ettun’auraspasMattéopourteconsoler,sicelaarrivait…

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—Celaarrivera,DrR.,vouslesavez.Jenecroispasavoirdéjàpasséunenuitsanscauchemarsdepuiscejour-là.Maisvousavezraison,jesuisterrifiée.

—Nousenavonsdéjàparlé,Cassandra.Tuesmajeureàprésent, tuentresdanslavieactive.Ilfaudrabienque tuprennes tonenvol,un jouroù l’autre.Mattéone serapas là éternellement. Il vafalloirquetucombattestesdémonsunefoispourtoutes.Peut-êtrequesituracontaistonpasséàuneautrepersonnequ’àtonpsy,celat’aiderait…

—Non!NousenavonsdéjàdiscutéDrR., iln’estpasquestionquejefassesubirdavantagedepeineàmonfrère.

—EtBarbara,tonamie?Tupourraispeut-êtreteconfieràelle.Qu’enpenses-tu?—Non !Vous savez pourquoi !Vous êtes le seul psy à ne pasm’avoir regardé différemment

aprèsquejevousaitoutraconté.Quandlesgensdécouvrentlalaideurdemonpassé,leurregardsurmoichange. J’aidéjàconcédéune fois, en racontantquelquesdétails insignifiants àBarbara.Cettefois,vousnemeferezpaschangerd’avis!

—O.K.Alors,passonsaudeuxièmepoint,veux-tu?—Deuxmots:NoahBeckham.—Tonpatron?—Mmmm…J’ail’impressionqu’ilsepassequelquechoseentrenous,maisjenesaispassic’est

dansma têteou si c’est bien réel.Et puis, je pars àNew-York avec lui.Si cette attirancen’est passeulementdansmonimagination,jenesaispascommentyfaireface.

—Jen’auraiqu’uneseulechoseàtedire,Cassandra.L’amourarrivetoujourssansfairedebruit.Situdoisvivreunehistoireavectonpatron,tulavivras…Alors,neteprendspaslatête.Profitedecetteviequis’offreàtoietconcentre-toisurtontravail.

Nousterminonslaséancesurcessagesparoles.Jenesuispasplusavancéequ’avantmonrendez-vous,mais,commetoujoursaprèsuneséanceavecleDrR.,jemesensapaisée.Demain:New-York,leprojetKent,NoahBecham.Etsic’étaitl’aubed’unrenouveau?

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Chapitre7

LachansonFandePascalObispopasseà la radio.Mamanadorecettechansonetaugmente levolume. Nous chantons à tue-tête pendant que nous préparons un gâteau au chocolat. J’adore cesmoments-là avecMaman.Mattéo rentre demain pour quinze jours de vacances.Quinze jours où lemonstrenenousferaaucunmal.Quinzejoursàprofiterdemongrandfrère.

Franckn’estpasencorerentré. Ilestalléplus tôtdans l’après-midiàunentretiend’embauche,pourvu que, cette fois, ils le prennent. Peut-être qu’il arrêterait de boire et que nous pourrionsreprendreunevienormale…

** *

Jesuisallongéesurlecanapé,latêteposéesurlesgenouxdeMamanquimecaressetendrementlescheveux.Nousregardonsunépisodedesasériepréférée,Friends.À la finde l’épisode,Mamanm’apromisquejepourraisgoûterunepartdugâteauauchocolatquiaurasuffisammentrefroidi.

Soudain,laported’entrées’ouvreengrandetFranckentredanslamaisonenlaclaquantderrièrelui.Visiblement, iln’apasétéengagéetapassé l’après-mididansunbar. Ilavanceen titubant.Jepeuxsentirducanapéleseffluvesdel’alcooletdetabacqu’iltraînedanssonsillage.

Plusqu’uneseulesoirée,etilnouslaisseratranquilles…Une…seule…soirée…

** *

Jeme réveille en sursaut etm’assoisdansmon lit.Cen’était pasvraimentun cauchemar, cettefois.Monrêves’estarrêtéquandilestrentréàlamaison,avantquetoutdégénère.Quelqueslarmesroulentsurmesjoues;jelesessuied’ungesterageurdureversdelamain.Jemerallongedansmonlitetprendsmontraversindanslesbras,puisjemeconcentresurledébutdemonrêve.Mamanquichantedanslacuisine,labonneodeurduchocolat,puisjesombredansunprofondsommeil.

** *

5heures.Jesuisréveilléeparlasonneriedemonportablequiindiquelaréceptiond’untexto.JeprendsmonportableetydécouvreunmessageémanantdeNoah:

«BonjourCassandra,jeseraienbasdechezvousdansunedemi-heure.Àtoutàl’heure,Noah.»

Jeposemontéléphonesurmapoitrineenessayantdecalmermarespiration,melaissantbercerparlamusiquedeJaehn,Ain’tnobody,quirésonnedansmatête.Ilfautvraimentquej’arriveàêtreprofessionnelledudébutàlafindeceséjour.Pasquestiondesautersurmonénigmatiqueboss!

Jemelèved’unbondetfileprendreunedouche.J’opteensuitepourunetenuedécontractéeafind’être àmon aise dans l’avion, legging noir, robe-pull et ballerines aux pieds, puis j’attachemescheveuxdansunequeue-de-chevaletappliqueunelégèretouchedemascara.

5h20. Je suisprête.Mesvalises sontboucléesdepuishier soiret sontposéesàcôtéde laported’entrée.Jen’aiplusqu’àallerdanslacuisinemefaireuncaféenattendantl’arrivéedeNoah.JesorsdemachambreetavanceàpasdeloupsdanslecouloirpournepasréveillerMattéo,mais,lorsquej’arriveauboutducouloir,jeledécouvreentraindebâiller,accoudéàl’îlotcentral,uncaféfumant

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devantlui.—Tunedevraispasêtreencoreaulitàcetteheure?—Etnepasdireaurevoiràmapetitesœur?Turigoles?Jem’arrêtederrièreluietl’entouredemesbrasendéposantunbaisersursajoue.— C’est pour ça que je t’aime, lui glissé-je à l’oreille en desserrant mon étreinte pour me

prépareruncafé.Lasonnettede l’interphoneretentitetmecoupedansmonélan.Jeconsulte l’horlogeau-dessus

dufrigo.Noahacinqminutesd’avance.Riendebienétonnant.Àcetteheure-ci iln’yapasgrand-monde sur la route ! J’embrasse une dernière fois Mattéo. J’attrape mes valises et quitte monappartement…New-York,mevoilà!

** *

Jesorsdel’immeubleetdécouvreNoah,sublimedansunsimplejeanavecunblousonencuir,quim’attenddehors,adosséàsavoiture,sonhabituelsouriremalicieuxauxlèvres.Jeserrelapoignéedemavalise,etlerejoinsd’unpasdécidéenluirendantsonsourire.

—Bonjour,Cassandra,dit-ilenmetendantsamainpourquejelaluiserre.—Bonjour…Noah,dis-je,troublée.Au contact de sa main, un picotement me parcourt l’échine. Les ailes de papillons refont

immédiatementsurfaceaucreuxdemonventre,etjemesensrougirdelapointedespiedsjusqu’àlaracinedemescheveux.

Noahrelâchemamainetm’ouvrelaportièreenm’invitantàprendreplace.Ilempoignelavalise,larangedanslecoffreets’installesurlesiègeconducteur.Ilsetourneversmoi,sonregardcouleurducielmesondequelquessecondes,commes’ilessayaitdelireenmoi,puisilmesouritetdémarrelavoiture.

Pourquoifait-ilcela?Pourquoimeregarde-t-ilaveccetteinsondablelueurdansleregard?Est-ilvraimententraindesepasserquelquechoseentrenous?Suis-jeentraindemefairedesfilms?

Nousarrivonsrapidementàl’aéroportRoissy-CharlesDeGaulle.Noahlaissesavoituredansleparkingetnousenregistronsnosbagages.Uneheureplus tard,noussommes installésenPremièreclasse.Noahm’acédélaplacecôtéhublotafinquejepuisseprofiterdelavueetl’avionprendsonenvol.

** *

Durantlestroispremièresheuresdevol,NoahdormaitpendantquejepeaufinaisledossierKentsurmonordinateurportable.Depuisqu’ils’estréveillé,nousparlonsàbâtonsrompusdumondedudesignetdesdesignersquiontmarquéleurtemps.

J’adorepartagercesmomentsavecNoah.Iln’estpasunP.-D.G.arrogantetprétentieux,bienaucontraire.C’estunhommegénéreux,bienveillant,quiaimeréellementlesgensetsonmétier.C’estunvéritablepassionné.Lorsqu’ilparled’uneœuvreoud’uncréateurqu’ilaime, il fait toutpourvousconvaincre de réviser votre jugement et, comme je suis un peu comme lui, nous avons quelquesprisesdebec,carnousvoulonstousdeuxavoirlederniermot.

Ilyaenplusdecetteattractionphysique,uneréellecomplicitéentrenous.Jemesensbienquandjesuisaveclui.Jenepaniqueplusàl’idéedemeretrouverseuledansunepièceàsescôtés.Enfin…Jen’aipaspeurqu’ilm’arrivequelquechose.Jesuisunejeunefillesensée,etjesaisquemonbossne

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meferapasdemal,maisjeressensunelégèreappréhensionfaceàcetteattiranceréciproquequinousaimantel’unetl’autre.

L’avioncommenceà amorcer sadescente, nous rangeonsnosordinateurs et dossiersquenousavionssorti,nosmainssefrôlentaccidentellementetnosregardssecroisent.Noahnesouritplus,sesyeux bleus étincellent. J’ai la bouche sèche, ma respiration s’accélère, je suis parcourue d’undélicieuxfrissonquimettousmessensenémoi.

—Veuillezm’excuser,Messieurs-dames,mais vous devez vous installer convenablement dansvosfauteuilspendantladescentedel’appareil.

Nous n’avions pas entendu l’hôtesse de l’air arriver, rompant soudainement le charme dumoment. Noah tourne la tête en ôtant sa main, il s’excuse et lui sourit. L’hôtesse de l’air fondlittéralementsoussoncharme,elleluisouritenretouretregagnesaplaceenondulantexagérémentdeshanches.

Noah Beckham produit cet effet-là sur toutes les femmes, et je ne suis pas l’exception quiconfirmelarègle…Ilsuffitd’unsimplefrôlementpourquemoncorpsetmessenss’embrasent.Ilest ma kryptonite, maintenant, j’en suis convaincue. Notre voyage new-yorkais ne fait quecommencer…Commentnepasm’imaginersuccombercorpsetâmeàsoncharme?

** *

9h47.Nousdébarquonsàl’aéroportdeLaGardia.Jesuistelleuneenfantquidéballesescadeauxsous le sapin, le lendemain de la veillée de Noël. J’ai toujours voulu visiter New-York, aller mepromenerdansCentralPark,monterausommetdelaStatuedelaLiberté,mangerunhot-dogachetéaucoind’unerue,boireunCosmopolitain,etfairedushopping,commeleshéroïnesdeSexandthecity.

Nousrécupéronsnosbagagesetremplissonslesformalitésd’usageaveclesautorités,puisnousprenonsun taxi pour nous rendre à notre hôtel.Noah indiquenotre destination au chauffeur et luidemanded’emprunterlecheminlepluslongafindemefairevisiterlaville.Letaxis’engagealorsdanslacirculation.JeregardeNoah,surprise;ilmesouritmalicieusement.Sontéléphonesemetàsonner.Ilprendlacommunicationenm’adressantunclind’œilcomplice.Jemetourneverslavitre,unpeuconfuse,etregardedéfilerlepaysage,lavoixdeFranckSinatraetsachansonNew-York,New-York,résonnantdansmatête.

** *

12h. Nous arrivons à destination. Je regarde, admirative, le magnifique hall du célèbre FourSeasons.Jesuiscomplètementsouslecharmedusomptueuxdécorquim’entoure.Noahseprésenteàl’accueiletrécupèrelesclésdenoschambres.Ungroomnousestassignéafindesechargerdenosbagagesetnousyconduire.Nouslesuivonsetappelonsl’ascenseur.

Lesportess’ouvrentet,commeàmonhabitude,jemecalecontrelaparoi,Noahdresseunsourcilensondantmonregard,puisils’installeàmescôtés.Sonépaulefrôlelamienne.Jepeuxsentirsonsouffle surmanuque,mespoils sehérissent, lespapillonsmenacentde réapparaîtred’un instant àl’autre… Vais-je toujours ressentir ça en sa présence ? L’ascenseur s’immobilise, les portess’ouvrent,etnoussuivonslegroomàtraverslelongcouloir.

Nousarrivonsdevantlapremièreporte,legrooml’ouvreets’effacepournouslaisserentrer.Jepénètre la première dans la chambre, qui, à elle toute seule, représente aisément lamoitié demonappartement. Noah me suit à l’intérieur et je le regarde faire, quelque peu étonnée. Il comprendimmédiatementmonmalaiseetdit:

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—Rassurez-vous,Cassandra,nousnepartageonspas lachambre.Lamienneest justeàcôtéetnoussommesséparésparuneportecommunicante.

—Ah…D’accord…Noahglisseunbilletaugroomquis’empressedel’accepterensouriant,puisilnouslaisse.Me

voilà seule, dans une chambre d’hôtel avec mon beau-gosse de patron, qui me laisse tout saufindifférenteetjecommencelégèrementàhyper-ventiler…Paniqueàbord,jesuisauxabois!

Noahouvrelaportecommunicanteetvadanssachambreposersesbagages.J’enprofitepourmerendreàlasalledebainmepasseruncoupd’eausurlevisage.Ilnevariensepasser!Calme-toi,Cassandra, tuesensécurité…Pourquoi faut-il toujoursque j’angoissequand jemeretrouveseuleavecNoah?

Jeressorsdelapièce.Noahesttoujoursdanssachambre;jepeuxl’entendreparlerautéléphoneparlaportelaisséeentrebâillée.Jem’assoissurlecanapéetj’allumelatélé,baisselevolumeetoptepourunechaînedeclips.Jesenslafatiguem’envahiretm’installeplusconfortablement.

Levoyageenavion,ledécalagehoraireetêtreenprésencedeNoahm’ontlittéralementépuisée.Jeregardelatélésansvraimentlavoir,mespaupièressontlourdes,jeluttepournepasm’endormir,lajournéen’estpasencoreterminéeetjeneconnaispaslasuitedenotreprogramme.Maislalutteestinégale…Lesommeilremportelabataille.

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Chapitre8Noah

Nousvenonsd’arriverauFourSeasons,Cassandrasemblebouleverséedeseretrouverentête-à-tête avec moi. Je ne sais pas pourquoi cette fille m’émeut autant. Je décide de lui laisser un peud’espaceendéposantmesaffairesdansmasuite.Montéléphonesemetimmédiatementàsonner.Lesaffairesreprennent!

** *

Cassandra s’est endormie sur le canapé de la chambre voisine. Je n’ai pas eu le cœur de laréveiller quand je suis allé la trouver pour lui proposer d’aller déjeuner. J’ai donc avancé sur leprojetKentquenousdevonsproposerdemainauP.-D.G.

Elleaabattuuntravailconsidérable—etremarquable!—enseulementvingt-quatreheures,c’estàpeinecroyable !Cette filleestbourréede talent !Elleéveilleenmoikyrielledesentimentsdontcertainsm’étaient encore inconnus.Cette fillem’ensorcelle.Elle est douce, spontanée, intelligente,drôle etmagnifiquement belle, de surcroît. Jeme sens happé dans ses filets dès que je suis en saprésence…

Ellecachedessecrets,j’ensuisconvaincu.Ellesemblebriséeparlavieetterrifiéedèsqu’elleestcoincéedansunepièce,seuleavecunhomme.Jenesaispasquiest l’enfoiréqui luia faitdumal,maisjejurequesijel’avaisdevantmoiàcetinstant,ilenbaveraittantqu’ilappelleraitsamère!

Je décide de la laisser dormir encore un peu, et vais prendre une douche pour détendre mesmusclesendolorisparnotrevoyage.

** *

JesorsdelasalledebainsquanduncridéchirantémanantdelachambredeCassandrameglacelesang.J’enfileimmédiatementunboxeretsorsdelapièceencourant,moncœurtambourinantdansmapoitrine.Est-cequequelqu’uns’estintroduitdanssachambreetl’agresse?J’ouvreviolemmentlaportecommunicanteetentreentrombedanslachambre.

Cassandrafaituncauchemar,ellecrie,sedébatetpleuredanssonsommeil.Lesonquisortdesabouchemecrève lecœur ;ellesembleà l’agonie.J’avanceàpasde loupsetm’agenouilleenfaced’elle.MonDieu!Quelleshorreursas-tuvécues,mapuce?

Jeluicaressetendrementlescheveuxetluimurmuredesparolesapaisantes.J’aimeraislaserrerdansmesbraspourqu’ellesesenteensécurité,maisjenepensepasquecesoitlameilleureattitudeàadopter. Elle me repousserait et serait encore plus bouleversée, j’en mettrais ma main au feu.Lentement, sa respiration s’apaise, sespleurs se tarissent, elle se recroqueville sur elle-même, sonsommeilsembleplusserein.

JemelèveetretournedansmachambreenfilerenvitesseunjeanetunT-shirt,puisjeregagnecelledeCassandraetm’assoisà-mêmelesol,àsespieds.Sisescauchemarsreprennent,jeserailàpourveillersurelle…

** *

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Jem’assoupisàmon tour,maisunnouveaucri stridentmeréveilleensursaut.Cassandra…Jem’agenouilleetcaressesescheveux.Jeveuxqu’ellecomprennequejeneluiferaijamaislemoindremaletquejenelaisseraipersonneluienfaire.Jemurmureàsonoreilleetposemeslèvressursonfrontpour lacalmer.Ausimplecontactdesapeau, je sensun frissonmeparcourir.La foudremefrappeànouveaualorsquec’estmonemployée.Jenesuispasdetailleàluttercontrelessentimentsqu’ellefaitnaîtreenmoi.Pourêtrefranc,jen’aiaucuneenviedelutter.

Quit’afaitça,machérie?Jeposemonfrontcontrelesien,senssonsoufflesurmapeau,metsmamain dans ses cheveux et, peu à peu, je sens son tourment s’estomper. Elle bouge, je recule,laissantnéanmoinsmamainsursatête.Ellebatlentementdespaupières,etlorsqu’ellemedécouvreagenouilléenfaced’elle,écarquillelesyeux,unevaguedepaniquel’envahit.

** *

Cassandra

Non!Oh,monDieu!Non!Jeviensdefaireuncauchemarenpleinejournée,etjemeréveilleavecNoahBeckham,agenouillédevantmoietvisiblementinquiet.Jen’arrivepasàparler.Magorgeetmesyeuxmebrûlent.J’aimeraispouvoirm’enfoncersousterreetneplusjamaisensortir.Quellehorreur!

—Eh,pasdepanique,cen’estrien,Cassandra.Jevaisallervouschercherunverred’eau.Prenezvotretemps.

Je regardeNoah se lever, jeme sens terriblement confuse. Je ne veuxpas quemonpatronmeprenneenpitié,etjeveuxencoremoinsqu’ildécouvreleshorreursquejetraînederrièremoi…

—Voulez-vousquej’appelleleroomservicepournousfaireapporterdequoigrignoter?Je vais refuser, mais mon estomac choisit ce moment pour protester par un gargouillis fort

inopportun.Jerougisviolemment.Noahm’adresseunclind’œil.—Jeprendsçapourunoui!Il saisit le téléphone de la suite et commande des sandwiches, puis il revient s’installer àmes

côtés.—Jesuisdésolée,Noah,dis-jed’unevoixrauque.—Désoléedequoi,Cassandra?Toutlemondefaitdescauchemars.Jenevoispasquelmalilya

àça.—Merci…Maisjemesuisquandmêmeendormie,alorsquenousvenionstoutjusted’arriver.

NousavonsencorepasmaldechosesàfairesurleprojetKent.Jeneveuxpasnousmettredanslejus!

—Cassandra!Vouspensezréellementpouvoirnousfaireprendreduretard?Vousavezsauvéledossier.Votreidéeestbrillante.JesuiscertainqueKentval’approuverdèsquenousauronsterminénotreprésentation.

—Euh…Merci,Noah…Commentsefait-ilqu’ilcroieenmoiavecautantdeforce?Jesuischambouléedelevoirestimer

àcepointmontravail.Noahestcertesincroyablementbeau,maisc’estLEdesignerdenotreépoque.C’est un privilège et un honneur de bosser pour lui et une victoire qu’il juge mon travailsuffisammentbonpourluitenirautantàcœurdelevoiraboutir.

*

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* *

NouspassonslerestedelajournéeàtravaillersurleprojetKentquejeconnais,désormais,surleboutdesdoigts.LesouriremalicieuxdeNoaharefaitsurface.Iln’aplusémisunseulcommentairesurmoncauchemar,mepermettantdemieuxappréhenderlasituationetdemeplongeràcorpsperdudansletravail.

Il est un plus de 20 heures quand Noah se lève et s’étire tel un félin. Cette longue journéecommence à peser sur lui aussi. Ilme propose d’en rester là pour ce soir, de prendre une bonnedoucheetdesortirdînerdansl’undesrestaurantsdel’hôtel.

JefiledanslasalledebainmeprépareretenprofitepourenvoyerunSMSàMattéoetBarbara.J’aienvoyéunmessageàmonfrèrequandnousavonsdébarqué,maisjeneluiaiplusdonnésignedeviedepuis.Mêmes’ilesttardàParis,jesuiscertainequ’ildoitcommenceràs’inquiéter.Jechoisisdemettreunepetiterobenoireetdejolisescarpinsàtalons.J’appliqueunelégèretouchedemascaraetdegloss,puisjepasseunemoussedansmescheveuxpourdonnerunpeudepepsàmesboucles.JetermineparpulvériserquelquesgouttesdeLapetiteRobenoire,etjesorsdelasalledebains.

Je reviens dans le salon dema chambre.Noahm’attend, un verre au liquide ambré à lamain.Lorsqu’ilmevoit,sesyeuxs’assombrissent—moncorpss’embraseinstantanément—etsonsouriremalicieuxsemétamorphoseenvéritablepromesse,unefoisencore…

Le premier jour de notre séjour à New-York n’est pas encore terminé et je sens déjà que jepourraistomberéperdumentamoureusedemonpatron.Mevoilàdansdebeauxdraps!

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Chapitre9

Aprèsunenouvelledescente en ascenseurdesplus troublantes, nouspénétronsdans l’immensesallederestaurantduFourSeasons.Unehôtessenoussalueetnousaccompagneànotretable.Nousnousinstallonspendantqu’ellenoustendlacarteetnousproposedesapéritifs.JechoisisdeprendreunCosmopolitan,Noah,unwhiskyet l’hôtessenous laissequelquesminutespourdéciderdenotremenu.

Je regarde distraitement la carte en jetant quelques coups d’œil furtifs en direction deNoah. Ilrelève lesyeuxdumenu,nos regards se croisent.Son souriremalicieux réapparaît au coinde seslèvres.J’ailesmainsmoitesetlesbattementsdemoncœurs’affolentdansmapoitrine.Noahposelemenusansmequitterdesyeux ; ils’installeplusconfortablementdanssonfauteuilen joignantsesmainsau-dessusdelatable.

—EntantqueP.-D.GdeDesign&Co,jeconnaisdéjàpasmaldechosessurvous,Cassandra.Non, par pitié, Noah, pas ça ! Ne me demande pas de te parler de ma vie…Ne gâche pas ce

moment,parpitié!—Maisj’aimeraisenapprendreunpeuplussurvous.Sivousmeparliezunpeudevotrehistoire,

devotrefamille,devoshobbiesdanslesgrandeslignes,biensûr.Jemedoutequevousnesouhaitezpasentrerdanslesdétailsdevotrevieintimeavecmoi…

Son regard s’intensifie. Il y a un sens caché dans la fin de sa phrase qui me laisse pantoise.L’hôtesserevientavecnosboissons,lesdéposesurlatable,prendnotrecommandeetrepartaussitôt.J’enprofitepourreprendremesesprits.JesaisismonverreetboisquelquesgorgéesdemonCosmopourmedonnerducourage.Jene luirévélerai riendebienintéressant, juste lamêmehistoirequecellequejeraconteauxgens,maisilfautquejemelance.

—J’aieuuneenfanceheureusejusqu’àmesseptansavecmesparentsetmongrandfrèreMattéo.Puis,monpère estmort etmamère s’est remariée un an plus tard.Elle et Franck, sonmari, sontdécédésaussi.

—Jesuissincèrementdésolépourvous,Cassandra,mecoupe-t-il.J’imaginequevousavezétéélevéeparvosgrands-parents?

—Morts,euxaussi.Monfrère,Mattéo,estdevenumonreprésentantlégal.Ilaterminésesétudesparcorrespondancepourprendreuntravailetpouvoirm’élever.

—Celaadûêtredifficilepourluideseretrouveravecuneenfantàassumer,dedeveniradultedujouraulendemain…

Jerisintérieurement.J’imaginelatêtedemonfrères’ilavaitentendulesproposdeNoah!Ilnesupportepasqu’onleplaignedesasituation.Cegenrederemarqueluifaitpéterlesplombs.Ilauraittantaimépouvoirnoussauver,Mamanetmoi…

— Il vous répondrait que cela n’a pas été difficile. S’occuper de moi était une évidence. Pasquestiondemefairerentrerdanslesystèmeaprèstoutcequenousavionstraversé.

LeregarddeNoahs’assombrit,mais,cettefois,jenedécèleaucunelueurdedésirdanssesyeux.Je sens qu’il aimerait que je lui raconte toutemon histoire, que je comble les vides que je sème.Commes’il voulait que je lui livre tousmes secrets. Il fautque je fasse attention.Avec l’empathiequ’ildégage,ilpourraitbriseruneàunelesbarrièresquej’aidresséestoutautourdemoipourmeprotéger.Jenemesenspasencoreprêteàpartagermessecrets,etcertainementpasavecmonpatron!

—Enfin,bref…Jevais trèsbien, jen’ai jamaismanquéde rien—il fronce les sourcils, lit-ilvraimentàtraversmoi?—,jemesuisconsacréeàmesétudes,j’aiquelquesamisetjesorsdetempsentemps.Riendebienextraordinaire,ensomme.

—Cen’estpascequejedirais,Cassandra…Un serveur nous apporte notre repas, interrompant Noah dans sa phrase. Nous attaquons en

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silencenotredîner.LesyeuxdeNoahcherchentcontinuellementlesmiens.J’essaiedemeconcentrersur lecontenudemonassiette,denepassuccomberà la tentationenleregardantetenmeperdantdanslebleudesesyeux.Jedoisgarderlatêtefroide…Je…dois…garder…la…tête…froide…

Ledécalage horaire commence à se faire lourdement ressentir.Nous terminons notre dîner enreparlant du dossierKent.Noahm’apprend que nous rencontrons le célèbre JackKent demain enmilieudematinée.Nousquittonslerestaurant.JesuisNoahjusqu’auxascenseurs,maisjenemesenspaslaforcedemonteraveclui.Àchaquefois,messenss’enflamment,et,siçacontinue,jerisquedecommettre une bêtise et deme couvrir de ridicule. Je prétexte avoir oublié quelque chose dans lerestaurant,etdisàNoahdemontersansmoi.Ilmeregarde,sceptique,etsecontented’accepterd’unbrefhochementdetête.Lesportesdel’ascenseurs’ouvrent,Noahpénètreàl’intérieuretmesouhaiteun«bonnenuit,Cassandra»desavoixsuave,enmêmetempsquelesportesnesereferment…

Je m’installe sur un canapé dans le hall de l’hôtel et contemple, impressionnée, la sublimearchitecture du bâtiment. J’essaie de contrôler les battements erratiques de mon cœur et letressaillementdemesjambes.Jen’aijamaisressenticetteattirancepresquedouloureusetantelleestgrande.J’ignoretotalementcommenttrouverlaforced’yrésister.

** *

Deretourdansmachambre,jeconstatequeNoahafermélaportecommunicante,etjemesensunbrin soulagée. J’enlèvema robeet enfileunenuisette. Jemedémaquille,puis jeme laisse tomber,épuisée,surl’immenselitkingsize.Pourvuquemesdémonsneviennentpasmehantercettenuit…

** *

Francks’estendormidanslecanapé…Saceinturegîtàsespieds…Maman ?Maman, où es-tu ? J’avance difficilement dans le salon.Mon corps entier n’est que

souffrance.Enparticuliermespieds,quisontterriblementdouloureuxàchaquefoisquejelesposeausol,enfonçantquelquesdébris toujoursplantésdansmachair.Mais jem’enmoque, jedois trouverMaman!J’arriveenfindanslasalleàmangeretdécouvreMaman,inconsciente,allongéesurlesol.Jeme laisse tomber à côté d’elle et posema tête sur sa poitrine. Boum-boum, boum-boum, boum-boum…Ouf ! Son cœur bat toujours. Je caresse ses cheveux, comme elle le fait pourm’apaiser etembrassesonfrontenluimurmurantqu’ellen’estpastouteseule,quejesuislà,àsescôtés.

Jepleure,jen’arrivepasàm’enempêcher.Pourtant,jenedoispas.JefoisêtrefortepourMaman.—Ca-ssan-draaaaa!Oùest-cequetutecaches,espècedevilainefille?Ohnon,pitié!ilrevient…JeneveuxpaslaisserMamantouteseule.Jenedoispaslalaissertoute

seule,maisj’aitellementpeur.Ellenevoudraitpasquejerestelà,àsaportée.Ellevoudraitquejemesauve.

—Ca-ssan-draaaaa!Jevaistetrouver…Jerampetoutdoucementsurlesolpournepasfairedebruit.Mamanouvredoucementlesyeux.Je

l’entendsmurmurer:«Sauve-toi,monbébé,nerestepas là». J’essaied’allerplusvite,maisc’esttellementfatigant…

—Ah,tevoilà,vilainefille!—Mamaaaaaaaan!

** *

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Noah

Jemeréveilleensursautetmedressesurmonséant.Pourquoimesuis-jeréveillé?Jesuisauxaguets,quanduncridéchirantbriselesilence.Cassandra…Jemelèveetfiletoutdroitendirectiondelaportecommunicante.Jel’ouvreàlavoléeetm’engouffreàl’intérieurdesasuite.

—Pitié,nenousfaispasdemal…Je l’entends lutter dans son sommeil.Cassandra se débat, elle pleure, son corps est couvert de

sueur,ellesembleentranse,essayantpartouslesmoyensdecombattrelesdémonsquilahantentdanssesrêves.J’avancedoucementetm’assoissurleborddulit.J’aimeraistellementsupportertapeineettadouleuràtaplace,mapuce.Confie-moitessecrets,laisse-moientrerdanstoncœur,Cassandra.

Je caresse ses cheveux et lui parle doucement,mais ses spectres ne semblent pas décidés à lalaisserenpaix.

—Non…Non…Arrête,jet’ensupplie…Ç’enesttrop!Jenepeuxsupporterdelavoirainsitorturée!Jem’allongeàsescôtésetlaprends

dansmesbrasenlaserrantleplusfortpossible.Jelagarde,commeça,toutcontremoi,enlaberçanttoutdoucement.Jevaist’aideràt’ensortir,machérie.Jet’enfaisleserment.Lentement,Cassandracommenceàémergerdesatorpeur,maissoncorpsrestenéanmoinssecouépardeviolentssanglots.

Elleestsifragileetcourageuseàlafois.Ellesembleavoirvécul’horreur,etpourtantc’estunejeunefemmebrillante,promiseàunbelavenirprofessionnel.Cassandramarmonnequelquesparoleset se blottit davantage contre mon corps, comme si elle se sentait en sécurité dans mes bras. Jeresserremonétreinteeninspirantladélicieusefragranced’agrumesémanantdesescheveux.

—Dorspaisiblement,monange.Cettenuit,jeveillesurtoi…

** *

Cassandra

JemeréveilleaveclasensationdemourirdechaudàcausedeMattéoquimeserretoutcontrelui.Soudain, je prends conscience que je suis à New-York, dans une chambre d’hôtel… Je tournelégèrementlatêteetdécouvre,stupéfaite,quejesuisdanslesbrasdeNoah.

Oh…mon…Dieu!Jesaisquenousnoussommesendormischacundansnotrechambrelanuitdernière,pourtantilestbienlà,dansmonlit.Jemesouviensencoredesimagesdel’horriblesongequiestvenumehantercettenuit.Jemerappelleavoirsentidesbrasm’entourer,unevoixmurmureràmonoreille…J’airessentilemêmesentimentdesécuritéquimesubmergeàchaquefoisquejesuisdans lesbrasdemon frère.Mais c’est dans les brasde tonpatronque tuas ressenti cela ! Jemedécaledoucementafindeneplusressentirlachaleurdesoncorpsquimetlefeuàmesveines.

—Cassandra?LavoixencoreensommeilléedeNoahbriselesilence.Ilsembleinquiet.Jedoisluifairefaceet

accuser le coup quand je découvrirai que son regard sur moi a changé. Je prends une profondeinspiration etme retourne lentement.Wouah !NoahBeckhamest un hommemagnifique,mais, auréveilavecsescheveuxenbatailleetsabarbenaissante,iln’enestqueplusattirant.

—Jesuisdésolée,Noah.Je…Jen’auraispasdûaccepterdeveniràNew-York.C’étaituneerreur.Jem’assoissurlelitetm’apprêteàmeleverquandNoahsaisitmonpoignet.—Neme fuis pas,Cassandra…Reste…Reviens te coucher auprès demoi,Cassandra.S’il-te-

plaît!

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Chapitre10

« Ne me fuis pas, Cassandra… Reste… Reviens te coucher auprès de moi, Cassandra. S’il-te-plaît!»

JemeretourneversNoah,sonregardestemplid’unetelletendressequ’ilmebouleverse.Ilvientdeme tutoyer, comme si nous étions déjà liés l’un à l’autre, et c’est bien le cas ! Nous sommesconnectéssanssavoirpourquoinicomment,maisnousn’arrivonspasàluttercontrecetteattirancequivabienau-delàdelasimpleattractioncharnelle.

Noahsondemonregard.Ilattendpatiemmentquejelâchepriseetquejeluifassesuffisammentconfiancepourluirévélermonpassé.Jenem’ensenspasencorecapable,maisjepeuxressentirtoutaufonddemoiqu’ilestleseulcapabledefairevacillermesdéfenses…

Je décide de suivre mon cœur et je me rallonge dans le lit, à ses côtés. Les yeux de Noahétincellent.Unelueurd’espoirestnéeaufonddesonregard.Noussommesallongés,surlecôté,l’unenfacedel’autre,nousnedisonsrien.Noahsaisitmamainetlatientfermementdanslasienne.Ilserapprochedemoienévitantquenoscorpsnesetouchent,maisjepeuxquandmêmesentirlachaleurdesonsoufflesurmapeau.

—Jeseraisincapablededéfinircequetufaisnaîtreenmoi,Cassandra.—Noah…—Non. Laisse-moi finir, s’il te plaît. Dès que je suis dans ton sillage, j’ai l’impression que

quelque choseme pousse vers toi. Je ne suis pas de taille à lutter contre elle. J’éprouve le besoinirrépressibledeteprotégeretdeteguérirdetesblessures…

Il s’arrête, déglutit difficilement, et se rapproche doucement de moi. Je suis suspendue à seslèvres,monregardplongédanslesien.

—Quoiquetuaiestraverséparlepassé,jeveuxêtreceluiquit’aideàtereconstruire,l’épaulesurlaquelletupuissesenfintereposer.

Illâchemamainet,délicatement,caressemonvisageduboutdesdoigts.—Nemerepoussepas,Cassandra,laisse-moientrer…Noahestsincère,et jesuisàcepointbouleverséeparsesparolesque jenepeuxprononcerun

mot.Nouslaissonsplaceausilence.Àcestade,lesmotsdeviennentsuperflus.JevoisdanslesyeuxdeNoahqu’ilmecomprend.Ilcaresseaffectueusementmescheveux,puisposesamainsurmajoue,etjelovemonvisagecontreelle.

Sonregardnequittepaslemien.Jetremblelégèrement,maisnullementdefroidoudepeur.Ledésirqu’iléveilleenmoimeconsumetoutentière.Jeneréfléchisplus,et,lentement,j’approchemonvisage du sien. Je prends une légère inspiration. J’approche encore.Mes lèvres ne sont plus qu’àquelquescentimètresdessiennes.Noahnemebrusquepas;ilattendquejefasselepremierpas…Jereprendsunedernièrefoisunelégèreinspirationetj’effleuretendrementseslèvres.

Unbaiserd’uneinfiniedouceur,chaste,unsimplefrôlement,aussilégerqu’uneplume,maisquisignifietantdechoses.Jerecule.Noahmesourittendrement,unelueurnouvelleéclairantsonregard.Je reposema tête sur l’oreiller en luiprenant lamainetnosdoigts s’entrelacent.Nous laissons lesilenceemmitouflerlapièceet,pourlapremièrefoisdemavieenprésenced’unautrehommequemonfrère,j’arriveàmedétendreentoutequiétude.

Jeviensdefranchiruncapimportantdansmavie.Jesensledébutd’unenouvelleèreseprofileràl’horizon.Lebonheurmesembleenfinàportéedemain. Ilneme resteplusqu’àaccepterdem’ylaisserglisserenespérantnepasmebrûlerlesailes.

CommentNoah arrive-t-il à s’immiscer aussi facilement dansma vie ? Àme toucher au plusprofonddemonêtre.J’ail’intimeconvictionquejepeuxluifaireconfianceetluiconfiertousmes

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secrets.Jesensqu’ilnemedécevrapasetnechangerapasdecomportementavecmoi.Ilestlà,etnesemblevouloirêtrenullepartailleurs.Etj’avouequ’àcetinstant, j’aimeraisqueletempssuspendesonvolafindesavourercemomentàl’infini.

** *

8h30.LeréveildusmartphonedeNoahsemetàsonner.IlesttempsderedescendresurTerreetdeseconcentrersurleprojetKent.

Noussortonsdulitetnousrendonsausalon.Noahappelleleroom-serviceetdemandeàcequ’onnousapportelepetit-déjeunerdansunedemi-heure,puisilraccroche.

—Jevaisallerprendreunedouchedansmasuiteetjerevienspourquenousprenionslepetit-déjeuneravantnotrerendez-vousavecJackKent.Çateconvient?medemande-t-ilavecdouceur.

—Oui,biensûr,Noah,commetuvoudras.Sesyeux rayonnentdebonheuràm’entendre le tutoyerpour lapremière fois. Il s’approchede

moi etme prend tendrement dans ses bras, puis il dépose un doux baiser surmon front avant dequitterlapièce.

Ilme faut quelquesminutes pour reprendremes esprits et allermepréparer.Après une rapidedouche,jememaquilleetrevêtsunejupecrayonnoireavecunpetitchemisiercrème.Jecomplètematenueavecmapaired’escarpinsdelaveille.Jesuisfinprête,maisilmeresteunechoseàfaireavantd’allerretrouverNoah.

Jesorsdelasalledebain,saisismonsmartphonetoutenavançantdanslecouloir,etappuiesurlenom de mon frère. Mattéo attendait visiblement mon appel, puisqu’il décroche dès la deuxièmesonnerie.

—Coucou,mapuce!Alors,commentsepassetonséjouràNew-York?—Pour lemoment, tout se passe bien.Nous n’allons pas tarder à rencontrerKent. Je t’avoue

commenceràlégèrementpaniquer.—Je suis sûrque toutvabien sedérouler,mapuce.S’ilyabienunepersonne surTerrequi

connaît un sujet qui l’intéresse sur le bout des doigts, c’est bien toi ! Je fais confiance à ta super-mémoire!

—Merci,Matt,dis-je,émue.—Ettonpatron?Ilsemontrerespectueuxavectoi,j’espère?Jeréfléchisàlaréponsequejevaisluidonner.JenepeuxpasavoueràmonfrèrequeNoahet

moi,nousnoussommesrapprochés,dumoinspasencore.Jedoisd’abordvoircommentévoluemonhistoireaveclui.

—Net’inquiètepas,Mattéo,monpatronestparfait.J’entends un raclement de gorge et je me retourne. Noah se tient au beau milieu de la porte

communicante.Ilmeregardeavecunsourireplusmalicieuxquejamais.Visiblement,ilvientd’êtretémoindemadernièreremarqueetsembleflattéparlecompliment.

—Bon,jedoistelaisser,Mattéo.Jeterappelledèsquejepeux.Jet’embrasse…Oui,moiaussi,jet’aime.

Jecoupelacommunicationetposemontéléphonesurlatablebasse.Noahmerejointentraînantderrièreluilechariotdéposéparleroomservice.Nousnousinstallonssurlecanapéetcommençonsàmangerdansunsilencecomplice.

Malheureusement,ilnetardepasàêtrerompu.LetéléphonedeNoahsemetàsonner.Ils’excuseetme fait unemoue désolée en décrochant la communication. La journée ne fait que commencer,mais,avecsesobligationsdeP.-D.G.,cecoupdefiln’estquelepremierd’unelonguesérie…

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** *

9h30.NoussortonsduFourSeasons.Unchauffeurnousattend,accoudéàuneberlinenoire.Nousmontons à bord de la voiture et, durant tout le trajet qui nous mène à notre rendez-vous, nousrepassonsunedernièrefoisenrevueleséléments-clésdenotreprojet.Noahcroitencedossierdurcommefer,etjemelaissegagnerparsoneuphorie.

** *

9h55.NousnousgaronsdevantleslocauxquiabritentlesiègesocialdelasociétédeKent.Nouspénétrons dans de luxueux bureaux où règnent en maîtres l’opulence et l’ostentatoire. Je regardeNoahquisemble,aussipeuquemoi,apprécierledécor.Échangeantunregardcomplice,nousrionssouscape,puisnousnousreprenonsavantd’arriverlaréception.Ilesttempsd’êtreprofessionnelsetdemontrerdequoinoussommescapables.Pasquestionderepartird’icisanslasignaturedeKentaubasdenotrecontrat!

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Chapitre11

Notrerendez-vousavecKents’estmerveilleusementbienpasséetnousrepartonsdecetentretien,unsouriretriomphantauxlèvres.Nonseulement,JackKentaadorémaproposition,maisenplus,ilasigné un contrat d’exclusivité avec Design & Co pour trois nouveaux projets qu’il souhaiteconcrétiserdanslesmoisàvenir.

Nous sortonsde l’immeuble.Notre chauffeur nousvoit arriver et sort de la voiturepournousouvrirlaportière.Noahm’inviteàentrerlapremièreets’assoitàmescôtés.

—NousretournonsauFourSeasons,MonsieurBeckham?—Non,Peter.Déposez-nousàCentralPark,jevousprie.—ÀCentralPark?dis-jetoutexcitée,àl’idéededécouvrirenfincecélèbreendroit.—Ilmesembleque tun’as jamaisvisitéNew-York,Cassandra.Undéjeuneraubeaumilieude

CentralParkmesembleêtreuneidéeincontournablepourcommencertonexplorationnew-yorkaise.—Monexplorationnew-yorkaise?Voyons,Noah,nousvenonsdesignerlecontratavecKent.

NousallonsrentreràParis,n’est-cepas?—Oui,biensûr,nousallonsrentrer.D’iciunjouroudeux.Jeveuxprendreletempsdetefaire

découvrir cette ville qui te tient à cœur et que je connais parfaitement pour y avoir vécu, il y aquelques années de cela.Ce serait un bonmoyen aussi pour faire plus ample connaissance, qu’enpenses-tu?

— J’en pense que tu es un homme étonnant,NoahBeckham.Et j’aimerais vraiment que nousapprofondissionsnotre…approche.

—Tum’envoisravi,CassandraLacour,dit-ilensaisissanttendrementmamainetydéposantunlégerbaiser.

** *

Nous arrivons à Central Park. Noah descend et me tend la main pour m’aider à sortir de lavoiture.Jen’hésitepasunesecondeetlasaisis.Unlégerpicotementpointaucreuxdemonventreaucontactdesapaume.

Nous nous promenons aumilieu des passants. Des familles sont installées sur la pelouse, desgarçons jouent auballon,despetites filles chantent à tue-tête en improvisantdes chorégraphies. Jerepère également la reine de promo et son quaterback de petit ami, tellement clichés, mais simignons.

Noahs’arrêtedevantunvendeurambulantetachètedeshot-dogsainsiquedeuxbouteillesd’eau,puisnouscherchonsunendroitoùnousinstallersurlapelouse,àl’ombred’unarbre.

—Dis-moi,Cassandra.Tum’asditavoirunemémoirephotographique,sijenem’abuse…—Oui,absolument!—As-tulutouslesarticlesparussurmoi?J’afficheunemouecontriteetrougisviolemment.Évidemment,j’ailutouslesarticlessurNoah

Beckham,guettantjusqu’àlamoindreparution.Jeconnaisparcœurtoutcequiaétéécritsurlui.—O.K…jevois,dit-ilendesserrantlenœuddesacravate.—J’aitoujoursvoulutravaillerpourDesign&Co,mejustifié-je,embarrassée.Ilétaitnormalde

meteniraucourantenlisantlesarticlesteconcernant.—Eh,Cassandra,cen’estrien,dit-ilenpassantunbrasautourdemesépaules.Jesuisflattéquetu

aiespris lapeinede t’investirautantpourentrerdansmonentreprise.En tantquepatron, je trouvequetaspontanéité,tafraîcheur,tajeunesseettadéterminationsontdevéritablesatouts.Sanstesidéesnovatrices,jenepensepasqueKentauraitsignénotrecontrat.

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—MerciNoah,dis-je,flattéeparsoncompliment.—Ilvafalloirquejemecreuselesméningespourteraconterquelquechosequetunesaispas

déjà…Monpremierbaiserpeut-être?—Non,jen’ytienspastrop,pourêtrefranche,dis-jeenriant.—Maissi,çal’est!Elles’appelaitSarah.C’étaitlaplusjoliefilledessixième.J’avaistoutjuste

douzeans,dit-ilenriantàsontour.— Et ce premier baiser était-il à la hauteur de tes espérances ? dis-je pour poursuivre la

plaisanterie.L’expressiondeNoahchangebrusquement.Son regard s’assombrit. Je connaisdésormais cette

lueurdanssesyeux.Ilsembleplusdéterminéquejamais.J’ail’impressionqu’ilvamedévorertoutecrue!

Noahserapprochedemoi.Noscorpssontàprésentscollésl’unàl’autre.Ilcaressemonvisagedu bout des doigts, samain se pose surma joue et jem’y love, une fois encore. Ce simple petitmouvement fait étinceler son regard de mille feux. De délicieux frissons parcourent mon corps.D’unemain tremblantededésir, jecaresseàmon toursonvisage. Ilapproche lentementsa tête, jesens son souffle surmes lèvres, les battements demon cœur s’affolent, desmilliers de papillonsdéploientleursailesaucreuxdemonventre…

—J’espère,sincèrement,quecelui-ciseraàlahauteurdetesattentes…Ses lèvres effleurent tendrement les miennes, puis il passe sa main dans mes cheveux et

approfondit notrebaiser, entremêlantnos languesdansunedanse sensuelle.MonDieu ! Jen’avaisjamaisétéembrasséecommecelaauparavant.Cen’estpasunsimplebaiser.Ilestàlahauteurdecetteattirancecontrelaquellenoussommestousdeuxincapablesdelutter.

Noah s’écarte lentement ; son sourire malicieux et son regard pétillant le rendent absolumentirrésistible.Jeluisourisenretouretnichematêtedanssoncou,savourantcesentimentdeplénitudequigranditàmesurequejem’ouvreàlui.

Nousrestonslà,blottisl’uncontrel’autre,pendantplusieursminutes,puisNoahselèveetmetendla main pour m’aider à me redresser. Une fois sur mes pieds, il m’attire à lui et m’embrassetendrementavantd’entrelacersesdoigtsauxmiensetdedire:

—Viens,suis-moi,j’aiunevilleàtefairevisiter!

** *

Cinqheures plus tard, nous rentrons enfin à notre hôtel. J’ai les pieds en compote,mais ça envalaitlapeine!NousnoussommesbaladésdansCentral,puisdanslesruesdeNew-York.Noahm’afaitvisiterquelquesquartiersqu’ilaimaitfréquenterquandilvivaitici.Etpourterminerlajournéeenbeauté,noussommesmontésausommetde laStatuede laLiberté.Quelpied!J’aipassé l’unedesmeilleuresjournéesdemavie!

Noahretournedanssasuitepasserquelquescoupsdefilpendantquejevaisprendreunedouche.J’attache mes cheveux dans un chignon désordonné et enfile un legging et un T-shirt long, puisj’envoieuntextoàMattéoetBarbarapourleurdirequemonséjoursepassebienetquenousavonsobtenulecontratKent.Tousdeuxmerépondentdanslaminuteetmefélicitentchaleureusementenmesouhaitantdeprofiterunmaximumdemonvoyage.S’ilssavaientquecevoyaged’affairesn’enestplusvraimentunàl’heurequ’ilest,leurréactionseraitcomplètementàl’opposé.L’unseraitperplexetandisquel’autresauteraitauplafond.

J’arrivedanslesalonoùNoahm’attend,assissurlecanapé,deuxassiettessousclocheposéessurlatablebasse.

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—J’aipenséqu’ilvalaitmieuxdînericiplutôtquederessortir,medit-ildevantmonairétonné.—C’estunetrèsbonneidée,Noah.Àvraidire,jen’avaispasmêmepenséuneseulesecondeà

mangertellementjesuisfatiguée.—Dans ce cas, viens t’assoir àmes côtés et commençons à dîner afin que tu puisses aller te

reposerensuite.Lajournéeaétélongueet tuvascertainementressentir lecontre-coupdudécalagehoraireaussi.

Jem’assoisàsescôtés.Noahdéclocheunpavéderumsteackgrilléaccompagnédepetitslégumesde saison et de frites maison qui me donne immédiatement l’eau à la bouche. Nous mangeonsrapidementensilence,puisnousdécidonsd’allernouscoucher.Chacundanssachambre,celavasansdire…

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Chapitre12

Jenedoispaspleurer…JedoisêtrefortepourMaman…Jedoisnoussauver…Mamanaencoreperduconnaissance.Cesalaudn’yestvraimentpasallédemainmortecettefois!Ilmeregarde,uneexpressionamuséedansleregardquimeglacelesang.

—TachèrepetiteMamannepeutplusrienpourtoi,Cassandra.—Non,pitié…Soncorpspèsedésormaissurlemien.J’aidumalàrespirer…Jesensunedouleurfulguranteme

brûleretmedéchirerlesentrailles.Jehurleetessaiedemedégagerdesonemprise,maisjenesuispasdetailleàluttercontrelemonstre…

** *

J’entendsunevoixmemurmurerdesparolesapaisantes,essayanttendrementdemefaireémergerdematorpeur.Maiscecauchemarrefusedemelaissertranquille.Desbrasfortsm’entourentetmebercent, un sentiment de sécuritém’envahit à leur contact. Je sens peu à peu une douce chaleur serépandrelentementdansmoncorpsetdansmoncœur.Jechasseauloinceshorriblessouvenirsquimehantent,etjesombrelentementdansunprofondsommeil…

** *

Les rayons du soleil qui filtrent au travers du rideaume réveillent. Je cligne des paupières etouvre les yeux.Noahme regarde etme sourit tendrement. Il est allongé sur le côté dansmon lit,tournéfaceàmoi,nosdoigtssontentrelacés.

—Bonjourtoi,chuchote-t-iltoutbas.

Jelâchesamainetmefrottelesyeuxpourvérifierquejenesuispasvictimed’unehallucination.MaisNoahesttoujourslà,sonsouriremalicieuxsedessinantlentementsurseslèvres.Jemeredresseetm’installecontrelatêtedelit,mesgenouxrepliéscontrelapoitrine.MonDieu,j’aiencorefaituncauchemar!

—Jesuisdésolée,Noah…—Eh…Tun’aspasàêtredésolée,machérie.—Tuplaisantes?Tu…Tuesencorevenudansmonlitparcequejet’airéveilléàcausedemes

cauchemars!Oh,monDieu!Jeneveuxpasquetuaiespitiédemoi…J’éclatebrusquementensanglots.Noahmeprendimmédiatementdanssesbrasetm’installesur

sesgenoux.—Jet’interdisdepenserunechosepareille,Cassandra.Tum’entends?Turessens,toiaussi,cette

forcemagnétiquequinousattirel’unversl’autre…Iln’estpasquestiondepitié!Jeveuxt’aideràvaincretesdémons.Jenesupportepastevoiraussibouleversée,machérie.

—Pou…Pourquoivoudrais-tud’unefillecommemoi?Tun’aspasbesoind’unefillepauméedanstavie,Noah.

—Tun’espaspaumée.—Tun’ensaisrien…—Jeleressens,Cassandra,mecoupe-t-il.Jeteressens…

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Il prend mon visage en coupe et, de ses pouces, essuie mes larmes. Ses lèvres effleurenttendrementlesmiennes,etilposesonfrontcontrelemien.

— Je crois que tu as vécu quelque chose d’horrible et que ces souvenirs viennent hanter tonsommeiltouteslesnuits.Cenesontpasdesimplescauchemars,n’est-cepas?

—Tuasraison,maisjenepeuxpast’enparler,Noah,jesuisdésolée…—Tun’aspasàlefairetoutdesuite.Unjour,machérie,tutesentirasprêteàteconfieràmoi…

Mais,pourlemoment,allonsprofiterdenotredernièrejournéenew-yorkaise,qu’endis-tu?J’acquiesced’unhochementdetêteetpressemeslèvressurlessiennes.—Merci,chuchoté-jecontresabouche.Commentfait-ilpouravoirtoujourslesmotsjustes?Noahestentrédansmaviesansprévenir.Je

n’étaispasprête.Pourtant,moncœursegonfleunpeuplusd’amourpourluiàchaquesecondepasséeàsescôtés.Etsimonsalutsetrouvaitdanssesbras?

** *

Pour notre dernière journée à New-York, Noah a vraiment fait fort ! Nous avons visitéChinatown,lecélèbreMoMapuisnousavonsflânédansl’UpperWestSide.Et,pournotredernièresoirée ici, il m’a demandé deme tenir prête pour 19 heures. Il est 18h50 et je bous littéralementd’impatience.

18h59.J’entendsdescoupsfrappésàlaportedemasuite.Jen’attendspersonne—àpartNoah,maiscelui-ciutilisetoujourslaportecommunicantepourvenirmerejoindre—etmedemandedoncquicelapeut-ilêtre.

J’ouvrelentementlaporteetmeretrouvefaceàNoah,unbouquetderosesblanchesdanslesbras.Jerestequelquessecondesbouchebée;iltendlebouquetetmefaitunlégerbaisersurlajoue.

—Tuesprête?medemande-t-ild’unevoixsensuelle.J’acquiesceenhochantlatêteetlesuisdanslecouloir.Nousmontonsdansl’ascenseur.J’avance

pourmecalercommeàmonhabitudecontre laparoide l’appareil.Noahsaisitmamainetsecalecontrelaparoilepremierenm’invitantàvenirposermondoscontresontorse.

Danscetteposition,jesenssonsoufflesurmanuqueetsavirilitépresséecontremesfesses.Moncorpsentierestparcourudefrissons.L’électricitécrépiteautourdenous.Plusriend’autrequicomptequenoscorps,étroitementserrésl’uncontrel’autre.

Nousquittons leFourSeasons.Peter,notrechauffeurdepuisdeuxjours,nousattendà lasortie.Nousmontons à bord de la luxueuse berline qui démarre sitôt nos ceintures bouclées. Je regardeNoah, interrogative,mais celui-ci se contented’arborer sonéternel souriremalicieux. Ilprendmamain,ydéposeunlégerbaiseretlagardedanslasienne,poséesursacuisse,pendanttoutletrajet.

Petersegareendoublefiledevantl’entréedeCentralPark.Noahdescendlepremieretm’aideàsortiràmontour.Nousavançonsmaindanslamain,commeunjeunecoupleordinaire.Pourtant,iln’yariendebanal,dansnotrerelation.

Noustraversonsunelonguealléebordéed’arbrescentenaires,puis j’aperçoisunetenteblanchedresséesurlapelousedevantTheJacquelineetsuitunealléeforméedeflambeauxmenantjusqu’àlatente.

—MonDieu!Noah!Commentas-turéussiàfairetoutça?dis-je,complètementsouslecharmedudécor.

—Ilsuffitdeconnaîtrelesbonnespersonnes,répond-ilmodestementenhaussantlesépaules.Nous pénétrons à l’intérieur où une table dressée avec élégance nous attend.Des bougies sont

poséesunpeupartoutsurlesol,créantuneatmosphèreintime…tropintime.Soudain,jesuisprisede

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panique.Jem’arrêtenetdansmonélanet lâchesamain.Marespirations’accélère,mesmainssontmoites,mavisionestlégèrementvoilée.

Noahressentmonmalaise.Ilsetourneversmoietsondemonregard,enquêtedumoindreindicesusceptibled’expliquermonchangementd’attitude.Jeluisourisfaiblement.JesaisqueNoahnemesort pas le grand jeu pour me mettre dans son lit. Néanmoins, ma peur panique de « le faire »,m’empêchederaisonneravecobjectivité.Ets’ilattendaitplusqu’unsimplerendez-vous?

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Chapitre13

Noahm’aideàm’installersurunechaiseetm’offreunverred’eau.Ils’installeenfacedemoienprenantmamaindanslasienneau-dessusdelatable.Ilattendpatiemmentquejereprennemesesprits,et,lorsqu’ilsentmarespirationreprendreunrythmeplusrégulier,ildit:

—Tutesensmieux,Cassandra?—Oui,jecrois…—Tuveuxbienmedirecequit’estpasséparlatêtepourtemettredanscetétat,machérie?Je réfléchis quelques secondes. Je ne veux ni le froisser ni le décevoir,mais je lui dois d’être

honnête.Jesensquejepeuxluifaireconfiance,mêmesimatêtemepousseparfoisàagirdemanièredéraisonnable.

—Pourcommencer,jetrouvecetendroitsublime.Vraiment,c’estmagnifique.—Mais?—Lorsquej’aivulesbougiesetressenticetteambianceintime…—Maisquel con ! s’exclame-t-il en se tapant le front.MonDieu,monange, je suisdésolé. Je

voulaisquelquechosederomantique…Jen’aijamaispenséàcelaunseulinstant.Quelleidiotejefais!Jesavaistrèsbienaufonddemoiquecen’étaitpaslegenredeNoah…J’ai

confianceenlui.Alors,pourquoifaut-iltoujoursquejemelaissesubmergerparlapanique?—Cen’estpas ta faute.Tout ça estmerveilleux,vraiment…C’estmoiqui suispaumée,dis-je

tristement.—Tun’espaspaumée,machérie.Jamais jeneferai lamoindrechosepour tebrusquer.Tuas

besoin d’aller à ton rythme, Cassandra. J’en ignore la raison profonde, mais je le comprendsparfaitement.

—Commentfais-tupourêtreaussiparfait?—Oh,jesuisloindel’être,confesse-t-ilenriantavantdereprendreuneexpressionplussérieuse.

Mais, je te l’ai déjà dit, j’ai vraiment la sensation…Comment pourrais-je exprimer cela ?D’êtrebranchésurtafréquence,mapuce.

—Jecroisquejeressenslamêmechoseaussi,Noah…C’estlapremièrefoisquejesuistentéedemeconfieràquelqu’und’autrequemonpsy,etcelamefaitunpeupeur.

—Tum’envoisheureux.Jenevoudraissurtoutpasparaîtreindiscret,mais,as-tudéjàévoquétescauchemarsavectonfrèreoutesamis?

Jemecrispesoudain.MesdoigtsbroientceuxdeNoahqui,pourtant,nesourcillepas.Jeprendsuneprofondeinspiration.

—Touteslesnuits,jeréveilleMattéoàcausedemescauchemars.Ilfinitinlassablementdansmonlit,meserrantdanssesbraspourmecalmer.

Noahhausseunsourcil.Unlégersouriresedessineaucoindeseslèvres.Jesaiscequ’ilpense.Mattéoestleseulàmecalmerpendantmescauchemars.Pourtant,ilaussiaréussiàm’apaiser,etceenadoptantinstinctivementlamêmeméthodequemonfrère.Jeboisunegorgéed’eauetjereprends.

—Encequiconcernemesamis,seuleBarbaraconnaîtlesgrandeslignesdemonhistoire,maisjeneluiaijamaisparlédemescauchemars.

—J’espèrequ’unjour,tumeferasl’honneurdeteconfierpleinementàmoi,Cassandra.—Seulletempsnousledira,dis-je,d’unaircontrit.—Jesuisquelqu’undetrèspatient,tuverras,merassure-t-ilenm’adressantunclind’œiltouten

saisissantsonverre.—Jesaisaussiquelapatienceaseslimites,Noah.—Jeveuxcroirequetunelesatteindrasjamais,machérie.J’aifoiennous…Unsourirenaîtsurmeslèvres.Noahtrouvetoujourslesmotsquimetouchentauplusprofondde

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monêtre.Maispeut-ondéjàparlerd’unnous?Est-cequejepourraientreprendreunerelationavecNoahsansquemonpasséressurgisseetanéantissetoutsursonpassage?Ilestentrédansmavieetagagnémoncœurenunriendetemps.Non!C’esttoutsimplementimpossible…

Pour la première fois, l’espoirm’envahit. Je veux y croire plus que tout aumonde. J’ai faillibousillernotredernièresoiréenew-yorkaise,mais il l’asauvée.MonDieu,pourvuqu’ilsoitassezfortpourmelibérerdemesdémons!

Noah relâche ma main et se lève. Le cadre autour de nous est somptueux, pourtant je suisincapable de le lâcher du regard. Je suis comme une ado transie d’amour pour son premier flirt.Commentmonpatrona-t-ilréussiàmefairetotalementchavirer?

Ilrevientmunid’unplateau.Àlamanièred’unmaîtred’hôtel,ilposelesassiettessurlatableetannonceleplatenlesdéclochant.

—Turbot accompagné de petits légumes croquants,mousseline basilic et champagne. Je voussouhaiteuneexcellentedégustation,MademoiselleLacour.

Jeris.Noahs’installeenfacedemoi,unsourireauxlèvres,sesyeuxpétillantdemalice.—Mmmm…Çaal’airdélicieux,dis-jeenhumantl’appétissantfumetprovenantdemonassiette.—Etsitugoûtaispourvérifiersitunetetrompespas,medit-il,taquin.—Mmmm…gémis-jedecontentement.Jenem’étaispastrompée,ceplatesttoutsimplementdivin!Lepoissonfonddansmabouche,les

petitslégumessontcroquantsàsouhait,unvéritablerégal.Noahdébarrasselatableetrevientaveclesdesserts.

—Fondantauchocolatsursonlitdecrèmeanglaise,annonce-t-ill’œilgourmand.Une fois notre dessert terminé, Noah me propose une dernière balade au clair de lune dans

Central Park. Nous avançons main dans la main, contournant The Jacqueline et profitons dumerveilleuxspectaclequenousoffrelerefletdansantdesétoilesdanslelac.Sijen’avaispaseuunecrised’angoisse,lasoiréeauraitétévraimentparfaite!

** *

Nous arrivons à l’hôtel. Noah appelle l’ascenseur et passe un bras protecteur autour de mesépaules. Les portes s’ouvrent et nous pénétrons à l’intérieur.Noah se positionne comme à l’aller,contrelaparoi,etjemecaletoutnaturellemententresesbras.

Nous arrivons à notre étage. Noah ouvre sa suite, et je le suis à l’intérieur. Il me propose deprendre un dernier verre, ce que j’accepte sans hésiter avec un grand sourire. Pas question desuccomberàunenouvellevaguedepanique.JesaisdésormaisqueNoahmerespectetroppourmebrusquer.

Nous nous installons confortablement dans le canapé. Noah semble soudain préoccupé. Je luiprendslamainenlapressantlégèrement.

—Çanevapas,Noah?dis-je,d’unevoixdouce.—Si,si,toutvabien.Àvraidire,j’aiunequestionquimebrûleleslèvres,maisjenevoudrais

pasquetul’interprètesmal.—O.K…Pose-moitaquestion,Noah.Siellemegêne,jen’yrépondraitoutsimplementpas.Jete

prometsdenepaspaniquer.—Tuenessûre?—Certaine.—T’est-ildéjàarrivédenepasfairedecauchemars?Jeréfléchisuninstant.Ai-jedéjàpasséuneseulenuitsansquemesdémonsressurgissentdepuis

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cethorriblesoir?—C’esttrèsrare.Celaseproduitgénéralementlorsquejem’endorsdanslesbrasdemonfrère

enregardantlatélé,dansmachambreoulasienne.—Jevois…répond-il,visiblementtoujoursaussisongeur.Ilserapprocheunpeuplusdemoietsedécalepourquenosregardsnesequittentplus.Ilcaresse

lentementmonvisageduboutdesdoigts,commes’ilenapprenaitlesmoindresdétails.Ilreplaceunemèchedansmescheveux.Moncœurbatlachamadeetmanqued’explosersoussonregard.

—J’aimeraisdormiravectoicettenuit,mapuce…J’écarquille lesyeuxde surprise. Jenem’attendaispasà ça ! Je secoue lentement la tête.Noah

prend mon visage en coupe ; ses yeux sont emplis de tant de tendresse que je me calmeinstinctivement.

—Tuviensdemedirequetunefaisaisjamaisdecauchemarsent’endormantdanslesbrasdetonfrère.Jepensequec’estparcequetusaisquetuesensécurité,quepersonnenepourratefairedemal.

—Oui,mais…—Chut,dit-ilenmettantsonindexsurmeslèvres.Laisse-moifinir,monange.Lesdeuxfoisoù

jet’airejointedanstonlitetquejet’aiprisedansmesbras,tut’esaussitôtapaisée.Jepensequeturessentaispaixetsécuritédansmesbras…

—Noah,chuchoté-jefaiblement.— Je veux seulement que tu passes une nuit sansmauvais rêve, te serrer tendrement dansmes

bras,riendeplus,machérie.Tusaisquetupeuxavoirconfianceenmoi,Cassandra,n’est-cepas?Jeprendsuneprofonderespiration,essayantdecalmerlespapillonsquiassaillentmonestomac.

Jeluifaistotalementconfiance.Jelesaisauplusprofonddemoncœur,demonâme.

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Chapitre14

Noah ne me quitte pas des yeux. Il attend patiemment que j’assimile ses paroles et que je luiréponde. Je perçois tant d’empathie, de tendresse et d’espoir dans son regard que mes dernièresrésistancesvolentenéclats.

Je lui souris tendrement en remettantde l’ordredans ses cheveux,puis jepose toutdoucementmeslèvressurlessiennes.Jereculeensouriant,heureusedelaisserenfinlibrecoursàmesenvies.Noahmesouritenretour.Jemelèveetilhausseunsourcilinterrogateur.Suis-jevraimententraindefaireça?Unmélanged’excitationetdestresss’emparedemoi.Jetremblecommeunefeuille,maisjesuisdécidée.Jeluitendsmamainetdis:

—Viens.…Allons,nouscoucher,Noah.Ilsaisitmamain—unedéchargeélectriquetraversemoncorpsàsoncontact—,seredresseet,

unefoisdebout,ilpassesesbrasautourdematailleetm’attirecontresoncorps.Sesbrasmetiennentfermement.Ilposesonfrontcontrelemien.Jesenssonsoufflesurmeslèvres.Iltremble,luiaussi…

—Tunepeuxpast’imaginercommejesuisheureux,machérie.Jeferaitoutcequiestenmonpouvoirpournejamaistrahirtaconfiance,Cassandra.

—Jesais,Noah.Allez,viensavantquejememetteàpaniqueretquejechanged’avis.Noah recule et embrasse le sommet de mon front. Il me prend la main et traverse le couloir

menantàmachambre.Ildéverrouille lapoignéeetouvrelaportedoucement,puis ils’effacepourmelaisserentrerlapremière.

Je franchis le seuil. Je suis terriblement troublée de me retrouver avec Noah ici. Pourtant,techniquement, tuasdéjàdormiaveclui!Certes,mais je faisaisuncauchemar,et je l’aiprispourmonfrèredansmonsommeil.Ilyaunelégèredifférence.

Noahmeprécèdeetlaisselaportelégèremententrebâillée.Ilavancelentementets’assoitsurleborddulit,tandisquejerestedeboutàquelquesmètresdelui,complètementembarrasséeparcettesituationencoreinéditepourmoi.

—Situveux,commence-t-ild’unevoixdouce,tupeuxtechangerdanslasalledebainspendantquejemedéshabilleici.Jememettraiaulitenattendantquetureviennes.Celateconvient?

J’accepteenhochantlatête.Jedoisluiparaîtregrotesqueavecmesboufféesdepanique,alorsquej’ai accepté de partagermon lit avec lui ce soir. Je rentre dans la salle de bain, referme la portederrièremoietmelaissetomberausol.

Toutvabiensepasser…Tout…va…bien…se…passer…Jereprendspeuàpeumesespritsetmeredresse. Je me démaquille, détache mes cheveux et passe juste mes doigts à l’intérieur de mesboucles. Puis jeme déshabille et enfile un ensemble en soie, un petit top et un short fleuri. Jemeregardeunedernièrefoisdans lemiroir, lachansond’Evanescence,Bringme to life, résonnedansma tête. Les paroles reflètent exactement mon état d’esprit. J’aimerais tant que Noah arrive à mesauver…

Jeretournedanslachambre.Noahestinstallédanslelit,allongésurledos,unbrassoussatête,ilregardeparlafenêtre.New-York,lavillequinedortjamais.J’avancedoucement.Ilsentmaprésenceet tourne la tête dansma direction. J’avance encore et quand j’ouvre la couette demon côté pourm’installerdanslelit.Jepeuxvoirsesyeuxbrillerd’émotion.

Jememets sur le côté enme tournant versNoah. Il change de position et semet de lamêmemanièreafinquenouspuissionsnousregarderdanslapénombre.Ilcaressetendrementmescheveux,puis se rapprochedemoi. Il prend son temps, comme s’il tentait dem’apprivoiser et guettaitmonassentimentpourpasseràl’étapesuivante.J’essaiedeluifairecomprendrequejeluifaisréellementconfiance.Nous allons juste dormir tous les deux. Il n’y a pas dequoi en faire tout unplat, aprèstout!

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Sonsourires’élargit,sesyeuxbleusétincellentdemillefeux.Ilavancelentementsatêteetposeses lèvres sur les miennes. Je lui rends immédiatement son baiser, ma langue s’invitant entre seslèvresafindesemêleràlasienne,mêlantnossouffles.Noahinterromptnotrebaiserlepremier,puism’embrasse le bout du nez etmedemandedeme tourner pourmeprendre dans ses bras, sa voixmurmurantàmonoreille:

—Dorspaisiblement,monange.Cettenuit,jeveillesurtoi…

** *

Je me réveille avec une sensation de profond bien-être. J’ouvre lentement les yeux. Noah meregarde,unimmensesourireauxlèvres.

—Bonjour,machérie.—Mmmm…Bonjour,dis-jed’unevoixrauqueencoreensommeillée.Noahdébordedejoie.Jemefrottelesyeuxenm’étirant.Jeréalisesoudain!—Jen’aipasfaitdecauchemars!dis-jeenmeredressant.—Non,machérie, dit-il en s’asseyant aussi.Tuasdormidu sommeildu juste.Aucuneombre

n’estvenueperturbertanuit.Je suis complètement sidérée ! Noah avait raison ! Je viens de passer une nuit entière sans

cauchemars,moncorpsetmonesprit,entièrementrassérénésentresesbras.Jen’enrevienspas!Jesuissiheureused’avoirfranchicetteétape.Biensûr,mescauchemarsreprendrontdemain,quandjeserai de nouveau seule dans mon lit, mais, pour le moment, j’ai envie de profiter de cette petitevictoire.

Sans réfléchir une seule seconde, je m’assois à califourchon sur Noah et l’embrassepassionnément.Jeveuxluifaireressentiràtraverscebaiserquejesuisentraindelelaisserentrerdansmoncœur,dansmonâme.Ilmetouchecommepersonnen’avaitréussiàlefaire,illitenmoietmecomprend…Non…ilmeressent.Intimement…

Entrenoscorps, jepeuxressentirsavirilitégrandissantdanssonboxer.Noah interromptnotrebaiser,mereposeàcôtédeluietmeregarde,gêné.

—Jesuisdésolé,machérie.Maislorsquetum’embrassescommecela,toncorpschaudcontrelemien…Tuembrasesmessens.Jenepeuxlecontrôler,dit-ilengrimaçant.

Nousnousregardonsetéclatonsderireenmêmetemps.Jel’embrassefurtivementetmelève.—Jevaisallermepréparer.Onserejointdanstasuitepourlepetit-déjeuner?—Trèsbonne idée. Jevais allerprendreunedouche froide, s’amuse-t-il enme faisantunclin

d’œil,soulagéquejeprennelachosedemanièreaussidétachée.Etjedemanderaiauroomservicedenousapporterlepetit-déjeuner.

JeprendsunedoucheenfredonnantStoleTheShowdeKygo.Jemesensd’humeurlégère;j’aienviedesauterdejoie.C’esttellementbondepasserunenuitpaisible,sanssouvenirspourmevenirmetourmenter.Jem’habilled’untreggingblancetd’unT-shirtàmanchescourtesvertclair,assortiàmesyeuxetj’enfileunepairedeballerines.Nousreprenonsl’aviondansquelquesheures.Ilmefautune tenue où je me sente à l’aise. J’attache mes cheveux dans une queue-de-cheval, applique unelégèretouchedemascaraetmetsunjetdeparfumenguisedetouchefinale.Jerécupèremesaffairesdetoiletteetretournedansmachambrebouclermavalise.

9h59. Je suis enfinprête. Jeprendsmavaliseet traverse le couloir.Enarrivantdevant laportecommunicante, restée entrouverte, j’entends Noah parler au téléphone. Je ne voudrais pasl’interrompre, alors je m’arrête quelques instants devant la porte. Comme s’il avait ressenti maprésence,Noahsetournedansmadirectionetm’aperçoit.Ilavanceverslaporte,toutencontinuant

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saconversationenanglais,puisilm’ouvreensouriantetmefaitsigned’entrerenmimantqu’iln’enapluspourlongtemps.

Jem’installesurlecanapé.JeprofitequeNoahsoitencoreautéléphonepourenvoyeruntextoàMattéo et Barbara. Lorsque je range mon smartphone dans mon sac à main, Noahme rejoint enpoussantlechariotlaissédevantlaporteparleroomservice.

** *

Uneheureplustard,nousquittonsleFourSeasonsàborddelaberlineconduiteparPeter.NousquittonsdéfinitivementNew-Yorkquiauramarquéuntournantdécisifdansmavie.Nonseulementjeviensdemeprouverquej’étaiscapabledemeneràbienunprojetdegrandeenvergure,maisjeviensaussidemepersuaderquejen’étaispasuncasdésespéré.Laviem’aabattue,maisj’aidécidédemerelever!

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Chapitre15

Aprèsavoirremplitouteslesformalitésd’usageàl’aéroport,nousvoilàenfinàborddel’avionquinousramèneàParis.Noahm’aencorecédélesiègecôtéhublot,etjecontempleleciels’étendreàperdredevue,plongéedansmespensées.Si,unjour,onm’avaitditquemaviechangeraitdujouraulendemainencroisantmonpatron,jenel’auraisjamaiscru!

Noahprendmamaindanslasienne,mesortantdemesrêveries.Ilmeregardetendrement,maisjedécèleunlégerdouteaufonddesesbeauxyeuxbleus.

—Qu’ya-t-il,Noah?dis-jed’unevoixdouce.— Je me demandais… Enfin… Comment veux-tu que l’on se comporte devant les autres

employésdeDesign&Co?Oh,monDieu!Jen’yavaispaspenséuneseuleseconde.Jemecontentaisd’apprécierledébutde

notrehistoire,savourantcettesérénitéquigrandissaitenmoi.Maisquelleseraitlaréactiondesautresemployéssi je revenaisen tantque«petiteamie»duboss,alorsqu’ilm’adéjàdonné lepostedeMadamePimbêche.MonDieu!Lesragotsvontallerbon train.Tout lemondevapenserque jeneméritepasmaplace.Ilsvontcroirequ’ils’agitd’unepromotioncanapé!Oh…Mon…Dieu…

—Eh,machérie,regarde-moi…Jesuisenpleinecrised’angoisse.Noahserreplusfortmamaindanslasienneetmeregarde,les

yeuxemplisd’uneprofondecompréhension.—Dansl’absolu,j’aimeraisquetoutlemondesachequenoussommesencouple.Néanmoins,tu

viens d’arriver chez Design & Co. Je n’aimerais pas que tu souffres des médisances des autresemployés. Je suis certain qu’ils ne te feront pas de cadeaux, s’ils découvraient que nous sommesensemble.

—C’est exactement ce que je pensais. Ils vont croire que j’ai eu unepromotion canapé et quenouscouchonsensemble!

—Jemedoutaisquetuallaispenserça…Queproposes-tu,alors?— Je… J’aimerais que nous prenions le temps avant de l’annoncer, voir où nousmène notre

histoire.Toutçaesttellementnouveaupourmoi.Jeveuxqu’onprennenotretemps.Nousn’avonspasbesoinquelaTerreentièresoitaucourantpournousdeux,si?

—Trèsbien,jesuisd’accordavectoi.Prenonsnotretemps,machérie.Tantquejesaisquetuesàmoi,celanemedérangepasquelesautresl’ignorent.

—Quejesuisàtoi?dis-jeenhaussantlessourcils.—Oui…Jen’aijamaisressentiça,Cassandra,jamais,tuentends.J’aicebesoinirrépressiblede

techériretdeteprotéger.Tuesàmoi,moncœurestconquis,etmaraisonvaincue…Enentendantsesdernièresparoles,jeleregarde,médusée.Commentpeut-ildirecesparolesavec

tantd’ardeur!Ilsemblesisûrdelui,denous…Ils’approchedemoietm’embrasseleboutdunezavantdeseréinstallerdanssonsiège.

—Jeneveuxpastemettrelapression,Cassandra.Jetel’aidéjàdit,jesuisquelqu’undepatient.Cessedet’inquiéter,tuveux?NousauronstoutletempsdetrouvernosmarquesquandnousseronsderetouràParis,d’accord?

J’accepte en lui offrant un sourire timide,mamain serrant fortement la sienne.Commentmescollègues réagiront-ils face à notre relation, à Noah etmoi ?Mais surtout…Comment va réagirMattéoenapprenantquejesorsavecmonboss?Monfrèresemontretellementsurprotecteurenversmoi. Il avait déjà beaucoup d’appréhension concernant mon voyage en tête-à-tête avec Noah…Pourvuquetoutsepassebien…

Moi qui pensais que la vieme souriait enfin, jeme rends compte que le chemin quimène aubonheuretàl’épanouissementestencoreseméd’embûches…

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** *

3h30.Nousdébarquonsàl’aéroportdeRoissy-CDG.NousavonsquittéNew-Yorksouslesoleiletnous récupérons la voiture de Noah dans le parking sous une pluie battante. Noah jette sansménagementnossacsdanslecoffrependantquejemonteenvitesseàl’intérieurdel’habitacle.

Noahmerejointenclaquantviolemmentlaportederrièrelui.C’estunvéritabledélugequis’abatsurnous.Ilmetenroutelemoteur,allumelaradio,setourneversmoiet,àlavuedemesbouclescomplètementàplatentrainderuisselersurlesiègeencuirdelavoiture,iléclatederire.

—Cen’estpastrèsgalantdesemoquer,dis-jed’unairfaussementvexé.—Jesuisdésolé,dit-ilentredeuxfousrires.—Oui,tuferaismieuxdel’être,carsituvoyaisl’étatdetescheveux,tuneriraiscertainementpas

autant,dis-jeavantd’éclaterderireàmontour.—Jenevousconnaissaispascegoûtpourlataquinerie,MademoiselleLacour,dit-ild’unevoix

soudainbeaucoupplussensuelle,maistoujourssuruntonbadin.—C’estparcequevousnemeconnaissezpasassezpourcela,MonsieurBeckham.—Mmmm…Jecomptebienréparercetteerreurauplusvite.Je lui souris tendrement et lis de la sincérité au fond de son regard. Il souhaite vraiment me

connaître,apprendretousmessecrets,maissuis-jeprêteàlesluiconfier?

** *

Une heure plus tard,Noah se gare devant l’entrée demon immeuble et coupe lemoteur de lavoiture.Jedétachemaceintureetilfaitdemême.Jeleregarde,surprise.

—Tunecroyaisquandmêmepasquej’allais te laisser tirer tonplanavectavalise,alorsqu’ilpleutdescordes?

—Tun’espasobligé;tuvasêtretrempé.—Jemechangeraichezmoi.Lapluienemefaitpaspeur.—Ahnon?dis-je,insolemment.Jepariequetun’aspeurderien.Le regard qu’il me lance alors est tellement intense que je crois que mon cœur manque un

battement.—Ohsi.Moiaussi,j’aipeur,machérie.Cen’est certainement pasmoiqui vais lui demanderd’approfondir le sujet. Je suismal placée

pour le questionner. J’ai la soudaine impression et l’intuitionque sa réponse est intimement liée àmoi.

—Prête?Ilm’adresseunderniersourire,m’embrassefurtivementsurleslèvresavecunairmalicieux,puis

sortd’unpasdécidédelavoiture.Toujourstroublée, jesorsdelavoiture,claquelaportederrièremoiet filemeréfugiersous l’auventde l’immeuble.Noahmerejointquelquessecondesplus tard,complètementtrempé,etposemavalisedevantlaported’entrée.

Ilesttempsderentrerchezmoietderetrouvermapetitevied’avantNoah,mêmesijesaisqu’ellene sera plus jamais vraiment lamême. Je regardeNoah. Ilme dévisage. Ses yeux bleus sont plusfoncés que de coutume et m’hypnotisent. De fines perles de pluie tombent de ses cheveux, nosvêtementsnouscollentàlapeau,etpourtantplusriennecompteàpartnous.

D’ungestesûr,ilm’attiredanssesbras,poseunemainsurmanuqueetm’embrasse.MonDieu…

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Les battements d’ailes de papillons quimenaçaient d’éclater jusque-là, explosent au creux demonventre. Un délicieux frissonme parcourt l’échine…Noah s’écarte de moi, à bout de souffle, melaissantpantelantededésir.

—Jet’appelleplustard,d’accord,machérie?J’acquiesced’unhochementde tête, le regarderegagnersavoitureencourantetcontinuede le

suivredesyeuxjusqu’àcequelaberlinedisparaissedanslanuit.JesuispartieàNew-Yorkavecunebouleauventre,jereviensaujourd’huiàParis,lecœurconsidérablementplusléger,prêteàaffrontermesdémons!

Jerentredansl’immeubleetmonteàl’étagejusqu’àmonappartement.J’arrivedevantmaporte,unelégèrelueurfiltreendessous.Ilesttoutjuste5heuresdumatin.Mattéonedoitpourtantpasêtreréveilléàcetteheure.Jemetslaclédanslaserrure,déverrouillelaporteetentre.

Jeposemavalisedans l’entréeet,quand jeme retourne, jedécouvremongrand frère, encoreensommeillé,uniquementvêtud’uncaleçon.

—Coucou,mapuce,dit-ilenmeprenantdanssesbras.Tuasfaitbonvoyage?—Oui,touts’estbienpassé.Tunedevraispasêtreaulit?—Si,dit-ilenbâillantbruyamment,maisjevoulaist’accueilliràtonarrivée.—C’estgentil,Matt,maistutienstoutjustedebout.—Aprèsuneintraveineusedecafé,jesuissûrquejeseraienforme,dit-ilenriant.—Aulieudediren’importequoi,vat’habiller,pendantcetemps.Jem’occupedupetit-déjeuner!—Euh…Tunedevraispasplutôttechanger?dit-ilenmedétaillantdelatêteauxpieds.Jesuissonregardetconstateaveceffroil’ampleurdesdégâtsavecmesvêtementstrempés.Dire

queNoahm’avuedanscetétat…Jeredresselatêteetrencontreleregarddemonfrère.Ilnenousfautpasplusdequelquessecondespouréclaterderireàl’unisson.

—Bon,onvasepréparertouslesdeux,etensuitejeferailecafé,d’accord?—Jecroisquec’estlameilleureoption,Cassie…

** *

Unedemieheureplus tard,nousnous retrouvonsdevantunboncafé,accoudésautourde l’îlotcentraldelacuisine.MonfrèremeposeunefouledequestionsausujetdudossierKentauxquellesjerépondsavecenthousiasme.Mattéom’atoujourssoutenue.Jeperçoisénormémentdefiertédanssonregard,cequimeremplitdejoie.

—Ettonpatron,alors?Tum’asseulementditqu’ilétaitparfait,etj’avouequetaréponsebateauaaiguisémacuriosité.

Mince!J’auraisdûmedouterqu’ilnelâcheraitpasl’affaire«NoahBeckham»sifacilement!—Ehbien…—Ehbien…?—Noahestquelqu’undefortsympathique.Nousavonsprofitédecevoyagepourfaireunpeu

plusampleconnaissance.—Peux-tuexplicitercequetuentendsexactementparlà,mapuce?—Vraiment,Mattéo?Tuvasmesoumettreàun interrogatoireen règlecommeà l’époqueoù

j’avaisquinzeans?—Cassie…Tusaistrèsbienquejem’inquiètepourtoi,jenepeuxpasm’enempêcher.— Je sais,Matt, je sais…Mais il va bien falloir qu’un jour, tu penses un peumoins àmoi et

davantageàtoi?Soudain,sonregardsemblevideetsesdoigtssecrispentsursatasse.

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—Ladernièrefoisquej’aipenséàmoi,c’estquandj’aivouluallerfairemesétudesàMarseilleplutôtqu’àParis,pourm’émanciperdelamaison…Tuasvulecequeçaadonné?

—Mattéo…dis-jeenleprenantdansmesbras.— Je suis certaine, qu’il aurait trouvé unmoyen de nous faire dumalmême si tu étais resté

étudierici,Matt…Nousenavonsdéjàparlé,etleDrRigollotestd’accordavecmoi.Cetypeétaitunmonstre…

—Non!explose-t-il.J’auraisdûêtrelà,Cassandra.C’étaitmoil’hommedelamaisonàlamortdePapa,j’auraisdûveillersurvous.

—Maisarrêtedediren’importequoi!hurlé-jeàmontour.Tun’auraisrienpufairepournousépargner,ils’enseraitfinalementprisàtoiaussi!

—Ouiben,ilauraitmieuxfaitd’essayer…C’estmoiquil’auraistué,aumoins!—Ettuauraispuvivreavecçasurtaconscience?C’estbientroplourdàencaisser.—Cassie…—Stop!Jeneveuxplusqu’onparledecequis’estpassécettenuit-là,Mattéo.Laissonslepassé

derrièrenous,veux-tu?Il hoche la tête en signe d’assentiment et termine son café enme lançant quelques coups d’œil

furtifs.Cen’étaitpasdutoutcommecelaquej’envisageaismesretrouvaillesavecmonfrère.Ilyatellementdenon-ditsdansnotrepassé,demomentsquejegardeausecretaufonddemoi…Jecroisqu’ilentempsquenousfassionslapaixavecnossouvenirs.Jenesaispasencoredequellemanièreprocéder,maisj’aienvied’allerdel’avant.

Noahm’adonnéenvied’ycroire!JeledoisàMaman,àMattéo,àNoah,sinousvoulonsavoirlachancedevivreunevraiehistoire,notrehistoire.Mais,plusquetout,jeledoisàlapetitefillededixansquej’étais,etdontlesdémonsmehantentchaquenuit…

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Chapitre16

Ilestdésormais6heuresdumatinet,malgréledécalagehoraireetlafatigueduvoyage,jen’aiaucuneenviedemecoucher.AprèscettediscussionavecMattéo,mescauchemarsressurgiraientdèsl’instantoùjefermeraislesyeux.Etc’esthorsdequestion!

JedécidedereliremesnotessurledossierKent.Maintenantquenousavonssignélecontrat,leplusgrosdutravailresteàvenir,etilnefautpasquejemereposesurmeslaurierssousprétextequejesorsaveclepatron.Jedoiscontinuerdefairemespreuvescommen’importequelautreemployé,pasquestiondefavoritisme.

** *

10heures.AprèsavoirluetreluledossierKent,jedécided’alleraubureau.Noahm’avaitdonnémajournéepourrécupérerdenotreséjournew-yorkais,maisjen’aipaspum’yrésoudre.J’aitropd’idéesentêteetdeboulotquim’attendentpourresterchezmoiàtournerenrond.

Lesportesdel’ascenseurs’ouvrentau18eétageetjepénètredansl’openspace.JesaluequelquescollèguesetvaisretrouverBarbara,quiest,commetoujours,autéléphone.Lorsqu’ellemevoit,monamieraccrocheimmédiatementetmesautedanslesbras.

— Mais qu’est-ce que tu fiches, ici, Cassie ? Tu ne peux pas te comporter comme les gensnormauxetrestercheztoiquandontefiletajournée?

—Ehbien,quelaccueil!Jesuiscontentedeterevoiraussi,Barbara.—Non,maisvousvousêtesdonnélemotouquoi?MonsieurBeauGosseaussiadébarqué,ilya

quelques minutes. Vous ne pouviez déjà plus vous passer l’un de l’autre ? minaude-t-elle pourmetaquiner.

—Noahestici?dis-je,étonnée.—Tiens,tiens,MademoiselleLacouradeschosesàmeraconter,mesemble-t-il…Depuisquand

l’appelles-tuNoah?—Barbara,toussesemployésl’appellentparsonprénom,m’écrié-je.Iln’yariend’exceptionnel

àcela!—Jesuissonemployéeetjenel’appellepasparsonprénom,moi!—Techniquement, tu es une stagiaire, pas son employée.Donc il est normal que tu l’appelles

encoreMonsieurBeckham…—Touché!dit-elleenmettantsamainsurlecœur,maissanssedémonterpourautant.Maistous

lesemployésnesontpasaussibienfoutusquetoi,Cassie!Ilfaudraitquecetypesoitfaitdemarbreouaveuglepournerienéprouveràtavue.

Je souris à sa dernière remarque, en repensant à Noah et son air contrit notre baiser dans lachambred’hôtel,lematinaprèsmanuitsanscauchemars…

—Eh,oh,Cassie,tum’écoutes?—Non,désolée.Tudisvraimentn’importequoi,j’aidécroché,avoué-jeenriant.—Pfff…T’esnullecommecopine.—Sijeteproposequenoussortionsboireunverreenfindejournéepourquejeteraconteun

peuNew-York,jeremonteunpeudanstonestime?—Jepensequeceladevraiteffectivementremontertacote.—Bien, alorsmaintenant, concentrons-nous sur Kent etmettons-nous au boulot. Nous aurons

toutelasoiréepourbavarder.

*

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* *

Aprèsavoirtravailléd’arrache-piedpendantplusdetroisheuresd’affiléeetdéjeunésurlepouce,jecommenceàressentirlecontrecoupdudécalagehoraire.Jen’arrêtepasdebâillerdevantl’écrandemonordinateur,mesyeuxmebrûlent,jen’arriveplusàmeconcentrer.

—Bon sang,ma chérie, tu vas finir par t’endormir sur ton clavier, dit Noah à voix basse enentrant dans mon bureau. Quel diable t’a poussée à venir travailler, alors que je t’ai donné tajournée?

Je fronce les sourcils. On s’est mis d’accord pour ne pas divulguer notre relation pour lemoment,etlevoilàqui,dèslepremierjour,m’appellemachérieetmetutoieauboulot!

—Eh,dis-jeenluimontrantlaportequ’ilalaisséeouverte.Ilseretourne,fermelaporteetavanceversmoienreprenant.—Cassandra,tuesépuisée.Tun’asrienàfaireici,aujourd’hui.—Turigoles!J’aiunetonnedeboulotquim’attendmaintenantquenousavonslasignaturede

Kent.—Ça peut très bien attendre demain. Rentre chez toi te reposer. Je t’appellerai plus tard pour

prendredetesnouvelles.J’abdiqueenhochantlatête.Àquoibonlutter?Ilaraison.Jesuisépuiséeet,siçacontinue, je

courslerisquedem’endormirsurmonclavier.PasquestionquejemeréveilleenhurlantenpleinmilieudeDesign&Co!

Noah pose sesmains surmonbureau et se penche en avant, il dépose un douxbaiser surmeslèvresetrecule,unsouriresatisfaitsurlevisage.

—J’encrevaisd’enviedepuisquejet’aiaperçueenpassantdevanttonbureauenapportantdesdocumentsàBarbara.

Quandonparleduloup!Monamiechoisitcetinstantprécispourentrersansfrapperdansmonbureau,nes’attendantpasàydécouvrirNoah.Heureusementqu’ellen’estpasarrivéevingtsecondesplustôt!

—Pardonnez-moi,MonsieurBeckham,j’ignoraisquevousétiezlà.—Cen’estpasgrave,MademoiselleMarchand,jem’apprêtaisàpartir,luirépondNoah.Jevous

ailaissédesdocumentssurvotrebureau,lesavez-voustrouvés?— Je ne suis pas passée par mon bureau avant de venir voir Cassandra. Je vais vérifier cela

immédiatement,Monsieur.Noah lui sourit, puis me regarde et son sourire se fait pétillant, ce qui me fait littéralement

fondre!Ilmemurmure«Rentre»,puistournelestalonsensaluantpolimentBarbara.—Jerêveoùilvientdesepasserquelquechoseentrevous,là?—MonDieu,Barbara,quandvas-tucesserdetefaireunfilm?dis-jeavecungestethéâtralpour

dissimulercombienelleaviséjuste.—Onsorttoujourscesoir?—Tum’enveuxsijetedisqu’onremetçaàdemain?Ledécalagehoraireaeuraisondemoi.—Biensûrquenon,tudorsdebout!Allez,dubalai,rentrecheztoi!Jeveuxtevoirenpleine

formedemain.Barbaram’aideàrangermonbureauetjequittelesiègedeDesign&Co.J’ail’impressiond’être

passéesousunrouleaucompresseur.Jesenslesprémicesd’unemigraines’annoncer.Jemarchetelunzombiejusqu’àlastationdemétroetj’arriveenfinchezmoi.

J’aibesoindedormir,maissanslesbrasdeNoah…Vais-jeréussiràpasserunenuitsansrevivrecesdouloureuxsouvenirs?

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Chapitre17

Ploc…Ploc…Ploc…J’entendsde l’eau tomberaucompte-gouttesenprovenancede lacuisine.J’ouvredifficilementlesyeux;moncorpsentierestensouffrance.Jenesaispascombiendetempsj’aiétéinconsciente.Jeregardeautourdemoi,maisjenevoisrien.Lapièceestentièrementplongéedanslenoir.

—Maman?demandé-jed’unetoutepetitevoixpournepasqu’Ilm’entende.Maman ne répond pas. J’essaie lentement de me lever, mais mes jambes refusent de me tenir

deboutetjeretombeàgenoux.J’essaieencore…Envain!—Maman?retenté-je,maistoujoursaucuneréponse.Jememetsàquatrepattesetjecommenceàavancerlentementendirectiondelacuisine.Ilfaut

quej’arriveàatteindreletéléphone.Non,jedoisatteindreletéléphone!Ilfautquej’aideMaman.L’odeur du tabac froid me prend à la gorge, mais je continue d’avancer en suivant le Ploc…

Ploc…Ploc…Jenesuisplusqu’àquelquesmètres, jenedoispasperdredesyeuxmonobjectif.Jerentredanslacuisineenévitant,commejelepeux,lesdébrisdeverrejonchantsurlesol.ToujoursaucunsigneduMonstre,nideMaman…

J’agrippeun tabouret,mehissedifficilementsurmesdeuxpiedsetouvre le tiroir.Jecherche letéléphoneenessayantdenepasmefairerepéreret le trouveenfin!Çayest!Toutvarentrerdansl’ordre,lapolicevavenirnoussauver!

Jemelaisseglisserdoucementàgenouxetmeremetsàavancer.Jenepeuxpastéléphonerd’icietrisquerqueFranckm’entende,jedoisàtoutprixréussiràsortirdelamaison.

—Ca-ssan-draaaaa?Oùtecaches-tuencore,vilainefille?Oh,monDieu!Ilrevient!L’adrénalineproduiteparlapaniquefaitdisparaîtremesdouleurset

j’arriveàmelever.J’avanceavecdifficulté,maisj’avancequandmême,ilnedoitpasm’attraper.—Ca-ssan-draaaaa?Viensnousvoirunpeu,taMamanchérieaimeraitteparler?Maman?Non,Maman,neveutpasquelarejoigne,jelesais,mais…J’hésiteuninstant,etsielle

avaitbesoindemoi?Non,non,jenedoispastomberdanssonpiège!Jecontinued’avancer,laportequimènedanslegarageoùjepourraismecachern’estplusqu’àquelquespetitscentimètresdemoi…

J’attrape la poignée de la porte et l’enclenche le plus silencieusement possible, mais un criperçant suspend mon geste. Maman ! Soudain, la lumière de la cuisine m’aveugle. Je cligne despaupièresetmetourne.Franckestlà…Unsourirecarnassierauxlèvres,uncouteauàlamaintâchédesang…Ilavanceversmoi…

—Non,pitié,net’approchepas…

** *

Jemeréveilleenhurlant,deslarmesroulantsurmesjoues,jem’assoisdansmonlit,repliantmesgenoux contre ma poitrine, me berçant d’avant en arrière pour me calmer. Pourquoi revient-iltoujoursmehanter?Pourquoijerevissanscessecetteabominablejournée,commesiledisqueétaitrayéetreprenaitàzéro?

Généralement, après un cauchemar, Mattéo est là pour m’apaiser et me consoler, mais il estencoretôt,iln’estpasrentrédutravail.Jelaisseladétressem’envahir,etpleuretoutmonsoûl.

Unefoismacrisepassée,jeprendsmontéléphoneetappelleleDrRigollot,j’aibesoindelevoir,de lui parler de mon voyage à New-York, de Noah…Mais nous devons absolument trouver unesolutionpourquemescauchemarscessent.Nousavonsessayéplusieursthérapies,dontl’hypnose,lasophrologie, une analyse cognitivo-comportementale,mais, à chaque fois, cela s’est soldé par un

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échec.Monique,l’épouseetassistanteduDrR.,comprendausondemavoixquec’esturgentetmeproposedepasseraucabinetdansuneheure.J’accepteimmédiatementetraccroche.Jesorsdemonlit,filedanslasalledebainsmepasseruncoupd’eausurlevisage,puisjemesersunverred’eaudanslacuisineavantdequittermonappartement.

** *

Une heure plus tard, j’entre dans le bureau du Dr Rigollot qui m’accueille avec un sourirebienveillant.

—Bonjour,Cassandra.Installe-toi,jet’enprie.Jem’installesurlecanapéenrepliantmesgenouxcontremapoitrine.LeDrR.hausseunsourcil

envoyantmaposition.Ilmeconnaît,ilsaitcequecelasignifie,ilsaitcommentjefonctionne.—O.K.Cassie,jet’écoute….JememetsàluiracontermonvoyageàNew-Yorkenn’omettantaucundétail.LeDrR.afficheun

souriresatisfaitquejeneluiavaisencorejamaisvu.—Pourquoisouriez-vouscommeça?dis-je,àlafindemonrécit.—Jecroisquetonpatronpourraitêtreceluiquiteferatournerlapage,Cassandra.Ilsemblebien

àtoutpointdevue.Tudisqu’ilteressentcommepersonne.Jecroisque…Situarrivesàluiouvrirsuffisammenttoncœur,àteconfieràluicommetulefaisavecmoi,ceseraledébutduprocessusdetaguérison.

Jehochelatêtesilencieusementenassimilantsesparoles.C’estcequejeressensauplusprofonddemoi,maismonpasséesttellementmochequej’aibeaucoupdemalàlâcherprise.

—DrR.?—Qu’ya-t-ilCassie?—Accepteriez-vousunenouvelleséanceavecMattéo?—Avectonfrère?Oui,biensûr.Maispourquoiveux-tuveniraveclui?— Je crois qu’il faut que je commence par lui dire toute la vérité. Il en a besoin, mais je

préféreraislefairependantunrendez-vouspourquevouspuissiezlecalmer.Jesaisd’avancequ’ilvapéteruncâble.

—Avant tout, je suisd’accordavec toi,Cassie.Mattéomérite toute lavéritépourpouvoir lui-mêmeavancer,maisjecroisqu’ilvautmieuxquetuleluidiseschezvous,àlamaison.Siaprès,vousvoulezqu’onenreparletouslestrois,ceseraavecplaisirquejevousaiderai.

Nouscontinuonsdeparlerquelquesminutes,maisleprochainrendez-vousduDrR.,estdéjàlà,ilmefautquitterleslieux.

Jesorsducabinetdemonpsy,plusdécidéequejamaisàvaincremesdémons.Ilnemeresteplusqu’àtrouverlecouragedeparleràMattéo!

** *

Lorsquej’arrivedevantmonimmeuble,madéterminationn’estplusaussifortequ’àlasortieducabinet duDrR.Quand j’arrivedevantmaported’entrée, je sensunedélicieuseodeurde lardonsgrillésémanantdechezmoi.Jesaistrèsbiencequecelasignifie.Mattéoestentraindepréparerunplatdegnocchisàlacarbonara,undemesplatspréférés,enguisedecalumetdelapaix.Maintenant,c’estcertain,cen’estpasaujourd’huiquejemeconfieraiàmonfrère.

J’entredansl’appartement,posemesclésetmonsacsurlemeubleàl’entrée,puismedirigeverslacuisine.Mattéo, trèsconcentrésursa tâche,finitdepréparersasauce.Ilnem’entendpasarriver

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derrièreluietsursautequandjeleprendsdansmesbras.—Jet’aime,tusais?glissé-jedoucementenleserrantfort.—Jet’aimeaussi,Cassie,dit-ilenenlevantmesmainsautourdesatailleetsetournantversmoi.

Tuasfaim,j’espère?Ledînervaêtreprêt.Jehochelatêteetm’attelleàsortirlavaissellepourdresserlatablesurl’îlotcentral.Jem’assois

suruntabouretetMattéomeracontesajournéedecours.Monfrèreestprofdemathsdansunlycéesituéenzoneàdiscriminationpositive.Pourtant,enquatreans,iln’ajamaiseulemoindresouci,ettoussesélèvesl’adorent.Enmêmetemps,quin’aimepasMattéo?Ilauneempathienaturelleaveclesgens,ilnes’énervequetrèsrarement,saitêtreàl’écoute,etjesuiscertainequesesélèvesfémininesdoiventcarrémentcraquerenlevoyant.Avecsesfaux-airsd’OrlandoBloometsescheveuxbouclés,monfrèreentredanslacatégoriebeaugosse;ceciditentouteobjectivité,bienentendu!

—Ettoi,Cassie,qu’as-tufaitaujourd’hui,pendanttajournéederepos?—Oh,moi…Ehbien,jesuisalléetravailleraussi.J’avaisbesoinderéglerquelquesdétailssurle

dossierKent,maislafatigueaeuraisondemoietjesuisrentréeplustôt.—Tuappellesçarentrerplustôt?dit-ilenpointantl’horlogeavecsaspatuleenbois.—Jerentred’unrendez-vousavecleDrR.Tunem’aspaslaisséefinir.—J’ignoraisquetuavaisrendez-vousaveclui,aujourd’hui.—Cen’étaitpasprévu,dis-jeenmelevantpourallerchercherunebouteilled’eau.Etceplat,il

estprêt,non?Mattéo fronce les sourcils, mais ne relève pas mon soudain changement de sujet. Il sert les

gnocchisetlasaucedansnosassiettes,puisprenddeuxœufsqu’ilcassepourenrécupérerlejauneetlemettreau-dessusduplat,enguisedetouchefinale.Ilmetendmonassiette,s’installesurletabouretenfacedemoietnouscommençonsàmanger.

** *

Notre repas terminé, nous décidons de regarder un film dansma chambre.Mattéo prépare dupopcornpendantquejechoisislefilmsurlecâble,maisuntextointerromptmarecherche:

«J’espèrequetuasputereposerunpeucetaprès-midi.Bonnesoirée,machérie.Àdemain.Noah.»

Jesourisbêtementenregardantmontéléphoneetn’entendpasMattéomerejoindre.—UnmessagedeBarbara?dit-ilenregardantmontéléphone.—Oui,ellemedisaitd’êtreenformepourdemain,mentis-jeenrangeantmontéléphone.—Alors,onregardequoi?Jeregardelatélé,puislatélécommandequej’attrapeettendsàmonfrère.—Cequetuveux,detoutefaçonjeneverraisûrementpaslafin!

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Chapitre18

Le soleil brille demille feux, le ciel est bleu,Papa etMattéo courent dans le jardin après unesauterelle, je les entends rire aux éclats à travers la fenêtre. Pendant ce temps, Maman et moipréparonsungâteauauchocolatpourlegoûter.

Peuàpeu,desnuagesobscurcissentcejoursiparfait.LesoleildisparaîtetlesriresdePapaetMattéodiminuentàmesurequelesnuagesserapprochent.JeregardeMaman,ellenesouritplus.Jeregardeparlafenêtre,MattéoetPapanesontpluslà.

Labonneodeurdechocolatdisparaîtpourlaisserplaceàcettehorribleodeurdetabacfroidquejedéteste.Jesensunfrissonmeparcourirl’échine.Quelquechosecloche.JetournelatêteetIlestlà,devantmoi.

Quefait-ilici?OùestmonPapa?Papa?Mattéo?Mamanpleure.Ellepleuretoujoursquandilestlà.Pourtant,ellenepartpas,ellemelaissevivre

aveclemonstre.MapauvrepetiteMamanchérieestautantunevictimequemoi.L’odeur de tabac est de plus en plus forte, ellem’oppresse, je sens une horrible brûlure, alors

j’essaied’enlevermonbras,maisimpossibledeleretirer.Jeneveuxpasrevivreça,encoreunefois.Non,jeneveuxpasrevivreça!

—Va-t-en!hurlé-jeaumonstre,maiscelui-cines’envapasetmesourit,uncouteaucouvertdesangàlamain.

—Maman?Maman?Mamaaaaaaan?!?

** *

Jeme réveille en sursaut etm’assois dansmon lit vide.Mattéo a dû retourner dormir dans sachambre,cequiexpliquemoncauchemar.J’aimalàlatête,jen’arrêtepasdepleurer,toutsemélangedansmonesprit.

Cecauchemarn’étaitpascommeceuxded’habitude.Généralement,jerevisencoreetencorecettehorrible journée… Cette nuit, tout était mélangé : mes souvenirs heureux, les pires que je gardeenfouis dansmamémoire, comme si j’essayais demebattre dansmes rêves pour que lemeilleurl’emporte.Maislemeilleurnel’emportejamais,malheureusement…

Jevérifiel’heuresurmonsmartphone,5h59.Inutiled’essayerdemerendormir,autantmeleveretmepréparerpourletravail.C’estaujourd’huiquecommenceréellementledébutducontratKent.Jevaisavoirduboulotpar-dessuslatête,etc’estexactementcedontj’aibesoinpourmechangerlesidées.Plongerdansletravaillatêtelapremière.Voilàlasolution!

** *

MattéomedéposedevantDesign&Co,unpeuplustôtqued’habitude.Sanstropsavoirpourquoi,une étrange sensation s’empare demoi quand je rentre dans le hall de l’immeuble. Je prends lesascenseursquisontencorevidesetmerendsau18eétagepourattaquermajournée.

Jesuislapremièreàpénétrerdansl’openspace.Jevaisdansmonbureauposermonsacàmainetjedécided’allermefaireuncafédanslasalledereposenattendantqueBarbaraarrive,pournousmettreautravail.Jetraverselelongcouloiretouvrelaportedelasallederepos.

Quoi, jerêve?!?MadamePimbêche,est là,en traindeboiresonéternelcaféau lait !Noahl’avirée ily aune semaine,pourtant, elle estbel etbien là,me fusillantdu regard.Maisque fait-elle

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ici?—Tiens,tiens,Sandra,commeonseretrouve,hein?—MadamePim…Cathy,me rattrapé-je in extremis. Jene croyaisneplusvousvoir, dis-je en

entrantdanslapièceetmedirigeantverslamachineàcafé.—Celavousaurezbienarrangée,n’est-cepas,Alexandra?—Pardon?dis-jeenmeretournant.—Nefaitespasl’innocente!J’aibienvulesregardsquevouslanciezàNoah.Vousaveztoutfait

pourmepiquermaplace!melance-t-ellesuruntonlourddesous-entendus.—Écoutez,Cathy…Jenesaispaspourquoivousavezdécidédemeprendreengrippe,maisje

n’airienfaitdecedontvousm’accusez.—Maisbiensûr,jevaisvouscroire,Carmela…—C’estCassandra, bon sang !CAS-SAN-DRA !Vous vous demandez pourquoi vous avez été

virée?Sérieusement?Vousêtes immondeavecvosemployés.Vousnenous respectezpasetvousn’êtesmêmepascapablederetenirnosprénoms!

—Ah,maisjevoisque,sousvosairsdesaintenitouche,vousavezducaractère.Etaulitvousenavezautant?Noahappréciecelaaussichezvous?

—Excusez-moi?!Vousêtesbienentraind’insinuercequejepense?—Ah,mais,c’estqu’elleestaussidotéed’uncerveau!Jebousintérieurement.JenesaispascequelaPimbêchefaitici,maisjen’aipasl’intentiondeme

laisserfaire.J’aieumadosedemonstres.Pasquestionqu’unequadraaigriememarchesurlatête!—Jenevoisvraimentpaspourquoijeperdsmontempsàdiscuteravecvous!D’ailleurs,que

faites-vousici?Vousêtesvenuerécupérervotresoldedetoutcompteetavezdécidédevenirembêterencoreunpeuvosancienscollègues?

—Mon syndicat n’a pas aimé lamanière dont s’est passémon licenciement. Je suis de retour,Sandra!

—Quoi?!?—Nefaitespascettetête,monenfant!Jenerécupèrepasmaplace,onm’adonnéunautreposte,

au17eétage.Maisnousauronsencorel’occasiondenousrevoir.Soyez-ensûre!Elleselèveets’avanceenpointantsonindexversmoi.—Profitezbiendemonbureau,Ca-ssan-dra.DanstroismoisquandNoahseseralassédevouset

devosairsdepetitefillesage,jerécupéreraimaplace…Tenez-le-vouspourdit!Surcesmots,ellepivotesurses(trèshauts)talons,etsortdelasalledereposenclaquantlaporte.

Je m’assois sur une chaise, complètement sidérée par notre conversation, mon café à la main.Quelquesminutes plus tard, quelques collègues entrent dans la salle,me sortant dema torpeur. Jerécupèremoncafédésormaisfroid,lejettedansl’évier,rincematasseetquittelapièce.

J’arriveàmonbureau.Barbaran’esttoujourspasàsonposte.Jedécidedememettreautravail.Ilfautquejepenseàautrechosequ’àMadamePimbêcheetàsesinsinuationsdéplacées.

J’allumemonordinateur,poseledossierKentsurmonbureau.Àpeinemonordinateurallumé,jeconsulte mes mails. Il y en a bien une vingtaine, tous concernant le dossier Kent. Un seul faitexception;ilmefaitimmédiatementsourire.

«De:NoahBeckhamP.-D.GD&CoÀ:CassandraLacourObjet:déjeunerd’affaires

Bonjourmachérie,J’espèrequetuaspasséunebonnenuit…Jeteproposeundéjeunerentête-à-têteauVieuxParis.

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Jet’attendraidirectementlà-basà12h30pournepaséveillerlessoupçonsdenoscollègues.Jet’embrasse.Noah»

Jeluirépondsquej’acceptesoninvitationavecgrandplaisiretmemetsauboulot,plusmotivéequejamais.Dixminutesplustard,Barbaraarriveenfin!Monamieporteunedizainededossierssouslebrasetsembletrèscontrariéeenentrantdansmonbureau.

—Non,maisjerêve!s’exclame-t-elle.—Ah,tuasvuMadamePimbêche,toiaussi?—Tul’asvue?Cettefemmeestignoble!Nonmais,regardetouslesdossiersqu’ellem’arefilés.—Tu peux aller lui rendre,ma chérie. Elle n’a plus d’ordres à te donner. Tu esma stagiaire

désormais,pluslasienne.—Jesais,maiscettefemmemefaitpeur.EllemefaitpenseràlabossdeMiranda,dansLediable

s’habilleenPrada!J’éclatederire,c’esttoutàfaitça!— Bien, si tu ne veux pas lui rendre les dossiers, je m’en occuperai. Après tout, avec la

conversationquej’aieueavecellecematin,ellenemechierapasdanslesbottes!—Oh j’adore, dit-elle en tapant dans ses mains— je la regarde en haussant les sourcils—,

j’adorequandtutetransformesentigresse.Nousexplosonsderiretouteslesdeuxetnousnousmettonsenfinautravail.

** *

Àmidi,Barbaraseproposed’allernousacheterdessandwichespourdéjeuner.Jem’empressederefuserenprétextantunrendez-vousentremidietdeuxavecmonpsy,jenepeuxpasluidirequejedéjeune avecMonsieur Beau Gosse, comme elle l’appelle. Elle me sourit tendrement, me fait unbisousurlajoueetquittelebureau.Plusqu’unepetitedemi-heureetjeretrouveraiNoah!

L’heureapproche.Lesailesdepapillonsrefontsurfaceaucreuxdemonventre,moncœurbatàcent à l’heure,moncorps entier s’embrase…C’est complètementdingue,mais il est constammentdansmespensées. Je revoisenpermanencesonsouriremalicieux, sesyeuxpétillants, sa tendresseenversmoi, sa compréhension aussi.Bref… Je suis raide dingue demonpatron et, dans quelquesminutes,jeseraidanssesbras,enfin…J’espère!

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Chapitre19

12h20, je sorsde l’immeubleen fredonnantBringme to life, quim’estvenue immédiatement àl’espritenpensantàNoah,etmarchedanslarue,unlégersourireauxlèvres.LeretourdeMadamePimbêcheneternirapasmajournée,j’ymetsunpointd’honneur!

J’arriveauVieuxParisavectroisminutesd’avance,mais,lorsquej’entredanslerestaurant,Noahestdéjàlà,assisàlamêmetablequeladernièrefois.Lerestaurateurvientmesalueretmeconduitànotretableenm’énonçantleplatdujour,filetderougetaccompagnéd’unecassolettedelégumesetriz.LorsqueNoahm’aperçoit,ilselèved’unbonddesachaiseetmerejointaumilieudurestaurant,commes’ilnesupportaitplusd’attendredemerevoir.

—Merci,Arthur.Jevaism’occuperdeMademoiselle,luiditNoahenarrivantànoscôtés.—Jevousenprie,Monsieur,luirépondlepatrond’unairentendu,unsourireauxlèvres.Noahmeprendlamainetm’attirecontresoncorps,dansungestebrusquequimesurprendetme

faitrirejoyeusement.Jeposemesmainssursespectorauxetilsepencheenavantpoureffleurermeslèvres,d’unsimpleetdouxbaiser.

—Mmm…Tum’asmanqué,monange.—Tum’asmanquéaussi,dis-jehonnêtement,sansréfléchir.Le regard de Noah s’illumine face à ma réponse sincère. Il m’embrasse le bout du nez et

m’entraîneàsasuiteànotretable.Lerestaurateurrevientetprendnotrecommande—nousoptonstouslesdeuxpourleplatdujouravecunebouteilled’eauminérale—,puisilrepart,nouslaissantprofiterdenotreseulmomentd’intimitédelajournée.

—Alors,machérie,comments’estpasséetamatinée?Jesuisheureusequ’ilnemedemandepascomments’estpasséemanuit.Jen’avaisaucuneenvie

deluidirequej’avaisencorefaitdescauchemars,etjenevoulaispasluimentir.—Elleacommencéd’unedrôledefaçonavecleretourdeMadamePim…deCathy,merattrapé-

jeinextremis.—Attends une minute… Comment allais-tu l’appeler ? Car, si je ne me trompe, son nom de

familleestTurpin,etnecommencepasparPin,si?—MadamePimbêche,répondis-jeenrougissantviolemment.Iléclatederireetprendmamainau-dessusdela table.Leserveurarriveàcemoment-là,pose

nosassiettessurlatableetnoussouhaiteunexcellentappétit.Dèssondépart,Noahreprend:— Puisqu’on est que tous les deux, je peux te confier que j’adore ! Ce surnom lui convient

àmerveille.—Oui,tun’aspasidée!—Commentcela?Qu’est-cequis’estpasséentrevousdeux?—Rienlaissetomber,tuesmonpatron,Noah.Ilyadeschosesquejenepeuxpastedire.—Certes,jesuistonpatron,Cassandra,maisnousreprésentonsplus,touslesdeux,qu’unsimple

patronetsonemployée.Jen’embrassepastousmesemployéssurlabouche,tusais?dit-ilsurletondelaplaisanterie.

—J’espèrebien!—Tuvois?Sijen’étaisquetonpatron,tun’auraispasrépondudutac-au-tac.Jepensequel’on

peutdirequejesuistonpetitami,mêmesijen’aimepastropceterme.Jegrimace,«petitami»n’esteffectivementpasletermequej’emploieraisenparlantdeNoah.Il

estbientropvirilpourcetteappellationquejetrouveparailleursridicule!—Alors,Cassandra,qu’est-cequ’ellet’adit?continue-t-il.—O.K.,elleainsinuéquej’avaisdécrochésonposte,parcequejecouchaisavectoi.—Elleaditquoi?s’insurge-t-ilenmeregardantdanslesyeux.Non,maisjerêve!

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—C’estàpeuprèslaréactionquej’aieu.—J’espèrequetuluiasditsesquatrevérités!Tuaseucepostegrâceàtesremarquespertinentes

pendantnotreréunionsurledossierKent,etletravailquetuasfournidepuisnecessedeprouverquej’aifaitlebonchoix.Monattirancepourtoin’estenrienlacausedetoncontrat,Cassandra,jeveuxquetulesaches.

—Merci,Noah,celacomptebeaucouppourmoi.—Tu as eu raison de ne pas vouloir ébruiter notre histoire,ma chérie, cela n’aurait fait que

mettredel’eauàsonmoulin.Je bois une gorgée d’eau et Noah commence à manger, en me lançant quelques regards

interrogateurs,quejetented’apaiserensouriant.Jesouhaiteplusquetoutquenousayonsunevraiehistoire.Jeneveuxpasqu’ilpensequejevaisprendrelafuiteàcausedelaremarquedeCathy.

—Latransitionn’estpeut-êtrepasparfaite,maisas-tuprévuquelquechosedemainsoir?—Cesoir,jesorscesoiravecBarbara,maisdemainjesuislibre.—Accepterais-tuundîner,entête-à-tête,chezmoi?—Cheztoi?—Oui,chezmoi.Jecuisineraipourtoi.Onpourraitregarderunfilmaprès,qu’endis-tu?Je le regarde,médusée. Jemeursd’enviedepasserune soiréeavecNoahen tête-à-tête comme

lorsque nous étions à New-York, mais j’ai toujours de petits accès de panique à l’idée de meretrouverseuleavecunhomme.Maisilnes’agitpasden’importequelhomme!C’estNoah…

—C’est d’accord. Je demanderai àmon frère demeprêter sa voiture pour venir te rejoindre.Ainsi,tun’auraspasàmeramener.

—Ehbien…J’oseimaginerquetuvoudrasbienpasser,aussi,lanuitavecmoi…—Noah,soufflé-jedansunmurmure.—Tusaisquejeneveuxpastebrusquer,Cassandra.Jesouhaitejustequ’onréessayededormir

ensemble,c’esttout.Tun’espasobligéededireouimaintenant.Tupeuxtoujoursprendrequelquesaffaireset,situlesouhaites,turesterasàlamaison.

J’acquiesce.Le serveur réapparaît ennousapportant l’additionqueNoahdemandeàmettre sursonardoise.Puis,nousnouslevonsetquittonslerestaurantmaindanslamain.

Unefoisdehors,Noahm’attiretoutcontreluietm’embrassepassionnément,puis,lentement,ilsedétachedemoi.Sesyeuxetsonsourirepétillentdemalice.

—Parslapremière,machérie.Jerentreraiaubureauquelquesminutesaprèstoi.J’emprunte le même chemin qu’à l’aller, le cœur moins léger, mais avec toujours autant de

papillonsaucreuxdel’estomac…Cesoir,jesorsavecmonamiemechangerlesidées.Etdemain…Dormirai-jeencoredanslesbrasdeNoah?

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Chapitre20

14h.Je rentredansmonbureauen faisantuncoucouàBarbara, récupère lesdossiersque luiadonnésMadamePimbêcheetdescendsau17eétagepour les lui rendre.J’entredans l’openspaceetcherchelebureaudeCathyendemandantoùilsesitueàLouis,unjeunestagiaireembauchéenmêmetempsqueBarbaraetmoi.Celui-cim’accompagneenflirtant,commeillefaitdepuislepremierjour,puismelaissedevantlaporte.

— Bon courage, Cassandra. Cette femme est complètement barge et remontée à bloc depuiscematin.

—Merci,Louis,jen’enaipaspourlongtemps,maisjevaisenavoirbesoin,dis-jeenfaisantlamoue.

Louis repart en pouffant etmemime un «Courage » lorsque je tape à la porte. Fidèle à elle-même,Cathyneprendpaslapeinedeleverlatêteoudevenirouvrirlaporte,maishurleunstrident«Entrez!».Jeprendsuneprofondeinspirationetpénètredanssonantre.

—Tenez!dis-jeenposantdemanièrebrusquelapilededossiersdevantsonnez.—Tiens,encorevous,Cassidy…C’estquoi,ça?dit-elleentapotantlesdossiersduboutdeson

stylo.—LesdossiersquevousavezdonnésparerreuràBarbara.—Jeneluiairiendonnéparerreur,c’estunestagiaire.Elletravaillesousmesordres.—Absolumentpas.Barbaraest lastagiairedupôleCréatif,parconséquentdu18eétage,etqui

plusest,mastagiaire.Doncsivoussouhaitezrefilervosdossiers,refilez-lesàlabonnepersonne.Je n’attends pas de réponse, bien décidée à lui montrer de quel bois je me chauffe. Je vais

refermerlaportederrièremoi,maissadernièreremarquemeglacelesang.—Franckm’avaitbienditquetun’étaisqu’unesalegosse…Je restedans lecouloir, lesbrasballants,complètementabasourdie.Ai-jebienentendu?Ellea

bienditFranck?Non,cen’estpaspossible?J’aidumalcomprendre.—Alors?C’étaitsiterriblequeça?medemandeLouisquejen’avaismêmepasvurevenir.—Ohnon,pasvraiment.Cettefemmemelaissetoujours…pantoise.—Ouais,ellefaitceteffetàpasmaldemondeici.Je lui souris et quitte le 17e étage au pas de course en empruntant la cage d’escaliers. Je reste

quelques minutes sur le seuil, la tête me tournant légèrement, des flashs de Franck hantent mespensées,etsadernièreremarquetourneenboucledansmatête.Franckm’avaitbienditquetun’étaisqu’unesalegosse…Commentleconnaîtrait-elle?Non,vraimentj’aidûsouffrird’unehallucinationauditive, je ne vois que ça ! J’essaie de me concentrer sur une chanson afin de chasser cetteconversationetlesimagesdansmatête,LouaneetsonJour1,prennentlerelaisdemespenséesetjeretourneàmonbureau.

** *

Pendant le reste de la journée, je n’ai été que l’ombre de moi-même, m’efforçant de meconcentrersurlatonnedeboulotqueconstitueledossierKent.Barbarasesentaithorriblementmalpourmoi,carjel’ailaisséeentendrequeCathyavaitétéhorriblequandellearécupérélesdossiers.JenepouvaispasfairepartdeladernièreremarquedelaPimbêcheàmameilleureamie.Jenesuismêmepascertainequ’elleaitétéréellementprononcée.

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** *

19h.Jerentredansmonappartement,posemonsacetmescléssurlemeubleàl’entréeetjevaisdans lacuisinemeservirunverrede jusd’orange.Mattéom’entendentreretmecrieun«coucousœurette»depuislesalon.Jelerejoinsetledécouvreentraindecorrigerquelquescopies,afindepasserleweek-endtranquille.

—Tu as passé une bonne journée ?me demande-t-il quand je lui fais un bisou sur la joue enm’asseyantàsescôtés.

—Jen’aipassortilatêtedemesdossiers.Ettoi?—Commed’hab,merépond-ilavecunfrancsourire.— Quand je pense que ce lycée a mauvaise réputation, dis-je en le voyant si heureux, je me

demandebiensitouslesprofssontdecetavis?—Tusaisbienquenon,éclate-t-ilderire.Nousavonsdéjàeucettediscussiondescentainesdefois,maisnousrionstoujoursbêtementen

abordant le sujet.Lagrandemajoritédesprofsdecetétablissementseplaintducomportementdesélèves, seulmon frèreetquelques raresexceptions seplaisentàdireque les lycéens sontgéniaux.Tout ça parce qu’il aborde l’éducation d’une autre manière.Mon frère a vraiment cette fibre quipoussesesélèvesàvouloirfairedeleurmieuxpourluifaireplaisir.

Jeterminemonverredejusd’orange,embrasseencoreunefoismonfrèresurlajoueetdécided’allerprendreunbain.J’entredanslasalledebain,faiscoulerl’eauetvaisdansmachambrechoisirdesvêtements.Jeretournedanslasalledebains,posemeshabitssurlavasque,metsenroutel’albumVdesMaroon5etmelaisseglisserdansl’eaubouillante.

** *

20h30. Mattéo a déjà quitté l’appartement pour retrouver son pote Fred au BlackJack, un barbranchéducoinoùilsseretrouventchaquevendredi.Barbara,quantàelle,estcommeàsonhabitudeen retard, et jepeuxdonc finirdemepréparer sansmepresser.Nousavions rendez-vousà20h00chezmoi,mais cette tête en l’air n’arrive jamais, je dis bien jamais, sans trois quarts d’heure deretard.C’est horrible ! Lorsque nous devons nous rendre à un rendez-vous important, il faut sansarrêt lui donner une heure d’avance sur l’heure exacte pour espérer qu’elle arrive à temps.Heureusementqu’ellenefaitpaslamêmechoseautravail,sinonaucunpatronnevoudraitl’engager!

20h35.Monportableémetlebipd’untexto.Barbaradoitm’annoncerqu’ellearrive,maisc’estlenom de Noah qui s’affiche sur mon smartphone : « Passe une bonne soirée avec ton amie, jet’embrasse.Noah».Jeluicomposeunerapideréponseensouriantniaisement.C’estquandmêmefouderéagirtoujourscommeunesimpled’espritaumoindremessage.Entretemps,Barbaram’annoncequ’ellem’attenddevantmonimmeuble.

Jerécupèremonsacetmesclésdansl’entréeetquittemonappartement.Enroutepourunesoiréefilles,mojitos,tapasetdiscussionàgogo,lemenuidéalpourunesoiréededétente!

** *

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21h17.NousarrivonsauNightBarquiestdéjàbondé.Uneserveusenousaccompagneàunetableetnouscommandonsimmédiatementunmojitoàlafraiseetuneassiettedetapas.Barbaraamislepaquet ce soir !Monamie s’est vêtued’unepetite jupe en cuir, un topmoulant rougeéchancré aupossibleetunepairede talonsvertigineuse.Certains trouveront son lookvulgaire,mais il lui siedcommeungant.C’est tout à fait elle, avec sa personnalité déjantée !Moi, j’ai opté pour une robecintrée,quis’évaseàpartirdeshanches,àmotifsàfleursetunepetitepairedetalonshauts.Unlookdiscrètementsexy,maisbeaucouppluspetitefillemodèlecomparéàBarbara.

Laserveusenousapportenotrecommandeetrepartaussitôt.Barbarasejetteimmédiatementsurunbâtonnet demozzarella pané,mais, commeelle se brûle les doigts, elle le repose aussitôt danssonassiette.

—Bon…JeveuxquetumeracontesNew-Yorkdanslesmoindresdétails.Tunem’asdonnéquela version accélérée à ton retour. Maintenant je veux l’intégrale ! Comment est Monsieur BeauGosse?Comments’estdérouléevotrecollaboration?

—Iln’yarienàraconter,Barbara.Noahestunpatronsympaetàl’écoutedesesemployés.Nousavons essentiellement discuté du dossier Kent, échangeant nos idées pour en faire un dossier enbéton.

— Oui, ça tu me l’as déjà dit, Cassie. Mais tu viens de dire « essentiellement », dit-elle enreprenantsontapasetleportantàseslèvres.

—Nous avonsbien étéobligésde faireunpeuconnaissance.C’est normal, nousn’allionspasparlerquedutravail.Ilfallaitbiendécompresser.

—DécompresseravecMonsieurBeauGosse?C’estquandilveutoùilveutetmêmes’ilnemeledemandepaspoliment,situvoiscequejeveuxdire,medit-ellesurtonlourddesous-entendus.

—Barbara,protesté-jeenfronçantlessourcils.Elleéclatederireetenfournelerestedesontapasavantdeprendreuncalamarfrit.Jel’imitetout

enbuvantunegorgéedemoncocktail.—Etsionparlaitunpeudetoi?—Moi,jenevienspasdevisiterlaGrossePommeavecmonbosssexyàcroquer.Jen’aipasde

scoopsà teraconter.Mavieestdésespérémentplate,aucunmecà l’horizon,unboulotdestagiaireavecunenouvelleboss,fonduedetravail,continue-t-elleenmetirantlalangue,riendenouveausouslesoleil!

Nousrionsdeboncœuretcontinuonsdepasserunbonmomententrecopines,ennouspromettantdereprendrenossoiréesScandalàlatélé,quenousavonsunpeudélaisséescesdernierstemps.

23h. Je tombe de fatigue. Ces derniers jours ont été particulièrement éprouvants entre notrevoyageàNew-York, ledécalagehoraire, lapressiondudossierKent,notre retouret la repriseduboulot.Jecroisquetoutelatensionquimetenaitencoreenformevientderetomberd’unseulcoup.Barbaras’aperçoitdemonétatdefatigueetproposedemerameneràlamaison.

23h27.Barbaramedéposedevantmonimmeubleetattendquejerefermelaportepourrepartir,commeellelefaittoujours.J’arriveàmonappartement,entreetposemesaffairessurlemeubledel’entrée. Mattéo n’est pas encore revenu. Je vais dans la cuisine me servir un verre d’eau quej’emmènedansmachambre.

Latêtemetournelégèrement,jeprendsuncachet,medéshabille,enfileunenuisetteetmemetsaulit.DesimagesdeNoahmeprenantdanssesbrasmeviennentàl’esprit.Lesommeilmegagnepeuàpeu.Jem’accrocheauxparolesapaisantesdeNoah,aucreuxdemonoreille—«Dorspaisiblement,mon ange. Cette nuit, je veille sur toi »— espérant de tout mon cœur qu’elles protégeront monsommeildemesdémons.

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Chapitre21

Papametientlesmains.Nousdansonsenchantant«Moi,Lolita»d’Alizée.Mamanestdanslacuisine en train de terminer des crêpes et Mattéo joue à sa console, assis sur le canapé, nousregardantd’unœilexaspéré,maismoijem’enfiche!

Papa travaille beaucoupmais, quand il est là, il prend toujours du temps pour jouer avecmoi.J’adorequandilm’appellesaprincesseetquenousdansonscommenoussommesentraindelefaire.J’aimerais que le temps ne s’arrête jamais pour vivre cet instant encore et encore. Je ne veux pasgrandir.JeveuxresterlapetitefilledePapa…

Mamanentredans le salonetpose les crêpes sur la tablebasseenpoussantgentimentMattéo.Ellenousrejoint,nousprendlesmainsetnouschantonstouslestrois.Àlafindelachanson,PapaetMamansefontunbisousurlaboucheetmedisentd’allerm’installerpourmangerlescrêpes.

Mattéoéteintsaconsole.Jem’assoisàsescôtés.PapaetMamanprennentplaceenfacedenous,àmêmelesolsurl’épaistapis.NousmangeonslescrêpesdeMamanenbavardantgaiement.Desriresfusentdetoutepart.Quelbonheurd’avoirunefamillesiunie!

Malheureusement, lecielbleudehorss’obscurcit.Degrosnuagesnoirsdissimulent lesoleil, lesrires s’évaporent, le visage joyeux dePapa s’efface, le sourire deMaman aussi,Mattéo n’est plusdansledécor…

Une odeur nauséabonde de tabac se répand dans la maison. La porte claque violemment… Lemonstreestderetour!

** *

Jemeréveilleensursautetm’assoisdansmonlit,trempéedesueur.Toutsepassaittellementbiendans ce rêve. Papa etMaman, ensemble, notre famille soudée, mais son ombre est encore venueentachermes rêves.Pourune fois, jen’ainivusonvisageni senti ladouleur,commesi le faitdem’être endormie en pensant aux paroles apaisantes deNoahm’avait protégée de son spectre dansmonsommeil.Cen’estpasencoregagné,maisjecroisfermementquejesuissurlabonnevoie!

Jeregardemonsmartphonepourlirel’heureetdécouvreunmessagedeNoah:

«Jenesuispascertaindepouvoirattendrejusqu’àcesoirpourtevoir…Etsinouspassionsl’après-midiensemble?Situn’asriendeprévu,bienentendu.J’attendsdetesnouvelles.

Jet’embrasse.Noah».

Un sourire naît sur mes lèvres. Je meurs d’envie de le voir moi aussi, et je lui répondsimmédiatement:«C’estune trèsbonne idée. Ilse trouveque jen’airiendeprévu,aujourd’hui.Jet’embrasseaussi.Cassie».Jemelèveetvaisdanslasalledebainmeprépareravantd’allerprendremonpremiercafépourcomplètementmeréveiller.

PlusquequelquespetitesheuresavantderetrouverNoah.Jeveuxpar-dessustoutquenousdeux,çafonctionne. Ilvafalloirque jecommenceàm’ouvrirà lui,que je laisse lesdémonsentrerdansnotrehistoirepourqu’ilpuissem’aideràlescombattredéfinitivement,car,jelesensauplusprofonddemonêtre,Noahestmonseulrempart…

** *

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Ilestprèsde14heures,jeterminetoutjustedemepréparer.J’aioptépourunetenuedécontractée,jean slim, chemise légère jaune pâle etmes petites ballerines. J’ai laissémes boucles détachées etappliquéunelégèretouchedemaquillage.

Noah ne devrait plus tarder. Il a insisté pour venir me chercher, prétextant que cela ne ledérangeaitpasdedevoirmeramenerchezmoisi jenesouhaitaispasdormirchezlui.J’aipréparémonsac,biendécidéeàpasserlanuitchezNoah.Jen’aiplusqu’àcroiserlesdoigtspourquemescrisesd’angoissenemepoussentpasàchangerd’avisauderniermoment.

Je récupèremon sac,mes clés et décide d’aller l’attendre au pied de l’immeuble. Lorsque lesportesdel’ascenseurs’ouvrentdanslehalldel’immeuble,jemeretrouvenez-à-nezavecNoahetsonéternelsouriremalicieux.

— Bonjour, ma chérie. J’attendais les ascenseurs pour venir te chercher, comme tu peux leconstater.

—Bonjour,Noah,ehbientuvois,mevoilà!dis-jeavecungrandsourire,tellementheureusedeleretrouver.

Il me prend la main et m’attire à lui, puis il dépose un doux baiser sur mes lèvres avant dem’entraîneràsuitepourunaprès-midienamoureux.

** *

Uneheureplustard,nouspromenonsmaindanslamaindanslequartierMontmartre,cecadresipropiceauxrapprochements.Nousnousbaladonsauhasarddesesruellesbohèmes,commeleferaitn’importequelcouple.

Nous visitons ensuite l’église du Sacré-Cœur, après quoi nous nous arrêtons dans une petitebrasseriepourprendreuncafé.

—Que dirais-tu d’un tour demanège pour terminer la journée,ma puce ?me demandeNoahpendantqueleserveurpartcherchernotrecommande.

—Untourdemanège?Voyons,Noah,tun’espassérieux?Nousn’avonsplusl’âgepourcela,dis-jeengloussant.

—Jesuistoutàfaitsérieux.C’estunetradition.LescouplesaccèdentàlaplacedesAbessesenremontantlesescaliersouenmétro,etterminentleurbaladeparuntourdemanège.

—Alors,sic’estlatradition,jenevoudraispaslabafouer,dis-jeenluifaisantunfrancsourire.Jeme sens d’humeur joyeuse et le cœur léger quand je suis avec lui. Il n’est plusmon patron

quandnousnouspromenons,maindanslamain,danslesruesdeParis.IlestjusteNoah…MonNoah.

** *

Nousarrivons sur laplacedesAbesses, complètement épuisés etnous asseyons sur lepremierbancà l’ombrequenous trouvonspour reprendrenotre souffle.Noahmemontre lemurdes« Jet’aime»etmeracontesonhistoire.Jelaconnaissaisvaguement,maisenl’entendantcontéeparNoahavecautantdeferveur,jesuisentièrementsouslecharme.

Jeposematêtesursonépauleetl’écouteattentivement.Auloin,j’entendsleriredesenfantsquis’amusent.J’ail’impressiond’êtrel’héroïned’unecomédieromantique…Toutestparfait!

Jeposematêtesursonépauleetl’écouteattentivement,j’entendsauloin,leriredesenfantsquis’amusent,j’ail’impressiond’êtrel’héroïned’unecomédieromantique…Toutestparfait!

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—CemuraétécrééparFrédéricBaronenoctobre2000.Ilrêvaitdevoyagerautourdumondeàla rencontre d’amoureux pour collecter quatre-vingts « Je t’aime » en différentes langues.Malheureusement, il n’a jamais réalisé son rêve, mais il a poussé quelques portes, a fait demerveilleusesrencontresetaréussiàremplirtroisclasseursde«jet’aime»dansplusdetroiscentslangues.

—Etcommentestnécemur?demandé-jetimidement.— Il a demandé à Claire Kito, une artiste spécialisée dans la calligraphie, d’assembler les

écritures.Ensuite,ilarencontréDanielBoulognequiesttombéamoureuxduprojetetamenéàbiensaconstruction.

LorsqueNoahterminesonrécit,jerelèvelatêteetcroisesonregard,puis,lentement,ilfixesonregardsurmeslèvres,avantqu’ilsedécideàm’embrasser,j’enprendsl’initiative.

Jepassemamainderrièresanuqueetpressemeslèvresdoucementsurlessiennes.Noahémetungrognement,resserrenotreétreinteetapprofonditnotrebaiser.Ilreprenddoucementlecontrôledelasituationetjemelaisseemporterparcettevaguesensuelle.

Un ballon vient heurter nos pieds, et nous nous écartons l’un de l’autre, à bout de souffle, lespupillesvoiléesdedésir,etéclatonsderireenchœurquandlepetitgarçonseconfondenexcusesenrécupérantsonballon.

JeprendslamaindeNoahetmelève.Ilmeregarde,unsourcildressé,l’airvisiblementamusé.—Jecroisbienquetum’avaispromisuntourdemanège.—Ilmesemble,eneffet,avoirditquelquechosedecegenre,merépond-ild’untonespiègle.—Allez,viens!dis-jeensaisissantsamainetenmemettantàcourir.Jeneme rappellepas àquand remonte ladernière foisoù jeme suis sentie aussi vivante !En

présencedeNoah, jemesensforte,prêteàgravirdesmontagnes,età lafois, jepeuxlaisser librecoursàmoncôtéenfant,perdubientroptôt…

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Chapitre22

NousarrivonsdanslequartierdeLaMuette.Noahgaresavoituredansleparkingsouterraindesonimmeubleetnousprenonsl’ascenseur,enlacéscontrelaparoi,pourmonteraudernierétage.

Nous pénétrons à l’intérieur de son appartement qui n’a rien à voir avec ce que je m’étaisimaginé.Jepensaisdécouvrirunantremasculinoùlesmeublesseraientdecouleurwengéetlesmursblancs,allezsavoirpourquoi!Maisjedécouvreuneatmosphèretoutautre.Lesmursdusalonsontgris souris, lesmeubles sont en laquéblanc,un immenseécran télé est fixé sur lemur en faceducanapéd’angleencuirblanc.

Quelquesphotossontaccrochéesaumur:desplages,desenfantsentrainderire,uncoupledepersonnesâgées,sesparentssansdoute,maisaussiunemagnifiquephotodefamillequim’attiretelunaimant. Jecontemplececadrequi respire lebonheur.Noahestentourépar toutesa famille, sesoncles et tantes, cousins, cousines, ses sœurs. Une profonde tristesse m’envahit soudain. J’auraistellementaiméquePapasoittoujoursparminousetquenousaussi,nouscontinuionsàvivreheureux,commelafamilleBeckham.

Noahs’installederrièremondosetm’entouretendrementdesesbras.—Çanevapas,machérie?J’attrapesesmainsetenlacenosdoigts.Jetournelégèrementlatêteetcalemonnezdanssoncou,

m’enivrantdesonodeur,puisdéposeunlégerbaisersursapeau.—Non,toutvabien,Noah.Tafamillerespirelebonheur,dis-jeencroisantsonregardquisonde

lemien,cherchantàlireautravers,commeillefaitsouvent.Noahme faitvisiter sonappartementdont lescentmètrescarrés sontaménagésavecbeaucoup

d’harmonie,une atmosphère chaleureuse émanantde chaquepièce.Nous terminons lavisitepar letoit terrasse. Le cadre est époustouflant ! Il y a un salon d’extérieur, un petit jardin zen et unemagnifiquevuesurlaTourEiffel.

Ilmeproposedel’attendresur labanquetteafindeprofiterduspectaclequ’offre lecoucherdesoleil,letempsqu’ilaillenousservirunapéritif.

Jerestelà,àcontemplerParisquis’étendàpertedevue,lesoleilcouchantincendiantleciel.Jemeperdsdansmespensées,Aint’tnobodydeJaehnrésonnedansmatête.Jen’aijamaisressenticesentiment de confiance, de plénitude et de sérénité qu’avec Noah. Ce soir, c’est décidé… je luiouvriraimoncœur,enlelaissantentrevoirlalaideurdemonpassé.

** *

Noahme rejointquelquesminutesplus tard,chargéd’unebouteilledevinblanc,deuxverresàpiedetunassortimentdecrudités.Ils’installeàmescôtéssurlabanquette,remplitlesverresdevinetregardel’horizon.

—J’aibienvuquequelquechosetepeinaitvraimentenregardantlaphotodemafamille.Tuveuxmeparlerdetesparents?

—Jusqu’àmesseptans,mavieétaitmerveilleuse.Mamanétaitmaîtressed’école,Papadirigeaituneentreprisede transportetn’étaitpasbeaucoupà lamaison.Maisnouspassions tousnosweek-endsenfamilleànouspromener,alleraucinémaou justeresterà lamaisonà joueràdes jeuxdesociété. Nous reflétions un peu la famille parfaite, celle que l’on voit dans les magazines. Il nemanquaitquelegoldenretrieverdecouleursablepourcompléterletableau,tuvois?

Noahacquiesce,maisaucunsonnesortdesabouche. Ilestsuspenduàmes lèvres,commes’ilavait peur que j’arrête de me confier à lui d’un moment à l’autre. Mais je suis bien décidée à

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continuer.—Ensuite,monpèreaeuunaccidentdevoiture,unchauffardivreluiacoupélarouteetilest

mortsurlecoup,dis-jelavoixchargéed’émotion.—Jesuisdésolée,machérie,dit-iltendrementenserrantmamaindanslasienne.Jeluisourisfaiblement;iln’yariendeplusàdire.Cettepartiedemonhistoiren’estpaslaplus

terribleàconfier.—Nousavonsdéménagédansunquartierunpeumoins«chic».Mattéoetmoiavonsdûchanger

d’école,nousfairedenouveauxamis.Mamanétaittrèstriste,elleavaitperdusamoitié.NousavonstoutfaitavecMattéopourêtredesenfantsgentilsetstudieux.C’estd’ailleurscetteannée-làquenousnoussommesaperçusdemesfacilitésdemémorisation.

Jeprendsunegorgéedevinetmangeunetomatecerise.Noahnemequittepasdesyeux.Lessiensne sont plus pétillants et son sourire malicieux a lui aussi disparu. Il essaie de me comprendre,commesij’étaisunanimalblesséetcraintifqu’ilfallaitapprivoiser.Bonsang!C’estexactementcequejesuis!

Jeterminemonverredevin.Noahlâchemamainetleremplitànouveau,puisilpasseunbrasautourdemesépaulesenmetendantmonverre.

—Jesens,monange,quetonpassérecèlebienplusd’événementsdouloureuxquecequetuviensdemeconfier.Tusaisquejenetejugeraipas,quejeneposeraipasunregarddifférentsurtoi.

Ses yeux reflètent la tendresse et la sincérité de ses paroles, pourtant, je vois bien qu’il nemeregardeplustoutàfaitpareil.

—J’aivraimentenviedem’ouvriràtoi,Noah…Seulement,j’aipeurquetuneveuillespasd’unejeunefemmebriséeparlavie.Tonregardn’estdéjàpluslemême…

—Jeneteregardepasdifféremment.J’éprouvejustedelacompassionetdelatristessepourlapetitefillequetuétais.Mais,quandjeteregarde,jenevoispasunejeunefemmebrisée.Jevoisunejeunefemmeforte,courageuse,aupotentielexceptionnel.Jen’aijamaisvudedesigneraussiprécis,tuesunevraieperle.Ettuesabsolumentmagnifique,machérie.Chaquefoisquemesyeuxseposentsur ton visage, j’ai l’impression demanquer d’oxygène. Ta beauté me coupe le souffle… Tu mecoupeslesouffle.

Jecroisquemoncœurvientdemanquerunbattement…JeregardeNoah,médusée,parsavoixsensuelleet la tendressedesesparoles.Ilmesourit tendrement,attrapemonverreet leposesurlatable basse. Il passe samain dansmes cheveux, écartant quelquesmèches demon visage, samaincaressemajoue,sonpoucepasselelongdemalèvreinférieurepuisseslèvresseposentdoucementsurlesmiennes.

Cebaiserneressembleàaucunautre.Ilestchargéd’uneintensiténouvelle,iln’estplushésitant,nousnousabandonnonsl’unàl’autre.Jesenssavirilitéseréveillercontremahanche,Noahreculeimmédiatementetmesourit,gêné,jecaressesajoueetl’embrassechastementsurleslèvres.

—Tun’aspasàtesentirembarrassé,Noah,jesuisplutôtflattéedetefairedel’effet.—Jenevoudraispasque tucroiesque je t’aiemmenée icipour temettredansmon lit,que tu

interprètesmallesréactionsdemoncorps.—Jetefaisconfiance,Noah,dis-jesincèrementenleregardantdanslesyeux.Jen’aijamaisfait

confianceàunautrehommequemonfrère.Pourtant,depuislapremièrefoisoùnousnoussommesparlé,j’airessentiquejepouvaisavoirfoientoi.Jenemel’expliquepas,maisjen’aiaucundoutesurtesintentions,Noah.

Son souriremalicieux réapparaît et ilm’embrasse, encoreune fois, avantde se lever et demetendrelamain.

—Etsinouspassionsàtable?Ilm’entraîneàsasuitedansl’appartement.Noustraversonslecouloiretallonsdanslacuisineoù

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unplatdelasagnesestentrainderéchauffer.—Tupréfèresmangerici,aucomptoirdubaroudanslesalon,machérie?—Commetupréfères,Noah,toutmeva,dis-jeenl’embrassantsurlajoue.—Alors,assieds-toisurcetabouretpendantquejemetslatable.—Laisse-moimettrelescouverts;tuasdéjàtoutfait,protesté-je.Ilmefaitlesgrosyeuxetm’indiqueletabouretavecsaspatuleenbois.J’éclatederireetprends

place en fronçant les sourcils àmon tour, ce qui fait exploser de rire Noah. Nous sommes alorsgagnésparuntelfourirequedeslarmesperlentànosyeux,sansquenoussachionspourquoi.

Une fois nos rires calmés,Noah sort le plat du four, sert les lasagnesqu’il accompagned’uned’une saladeverte,puis s’installe sur le tabouret faceàmoi, etnouscommençonsàdîner.Enplusd’être un homme d’affaires émérite, beau comme un dieu, c’est aussi un cuisinier hors pair ! Cethommen’adoncaucundéfaut?

Pendant ledîner,Noahme raconte sonenfance, entouréede troisgrandes sœurs. Ilm’expliquequecesontellesquiontaménagésonappartement.Selonelles, ilnepouvaitpas inviterunefilleàpasserunesoiréedansunegarçonnière,celal’auraitfaitfuirencourant!

—Tunepeuxpast’imaginercommecelapeutêtrefrustrantden’êtreentouréquedefilles,dit-ilentredeuxrires.

—Ohjecroisquesi,dis-jeenvisualisanttrèsbienlascènequ’ilvientdemedécrire.Noah termine sonassiette et jem’empressedeme lever lapremière etdébarrasse le comptoir.

Noahmeregarde,amusé,etselèveàsontour.Ilpassesesbrasautourdemoietm’embrassedanslecou.

—J’aimetevoiraumilieudemacuisine,sourianteetinsouciante,machérie.Jemeretournedanssesbras,passelesmiensautourdesoncouetl’embrassepassionnément.Par

ce baiser, je tente de lui faire comprendre que c’est grâce à lui que ce sentiment est né en moi.J’interrompsnotrebaiserlapremièreetôtemesbrasdesoncou.Noahmesouritetattrapemamain.

—Viens,continuonscetteagréablesoiréedanslesalon,machérie.Noahs’assoitenboutdecanapéetlèvesonbras,dansuneinvitationsilencieusepouràmeblottir

contrelui.Jen’hésitepasuneseuleseconde,jem’assoisetposematêtecontresontorse.Noahposesonbrasdansmondosetcommenceàdessinerdelégèresarabesquesduboutdesdoigts.

—Qu’aimerais-turegarder,monange?— Tout ce que tu veux tant qu’il n’y a pas une invasion de zombies ou de drame, dis-je en

souriant.—Unecomédie?—Parfait!

** *

Nous avons opté pour une comédie romantique en regardant Sex Tape avec Cameron Diaz etJasonSegel.Lefilmsetermine,jemeredresseetm’étireenbâillant.Noahfaitdemême.Lajournéeaétélongueetlafatiguesefaitressentir.

Noahsondemonregard.Jesensqu’unequestionluibrûleleslèvres.—Allonsnouscoucher,monchéri,dis-jelapremière.Sesyeuxétincellent,jenesaispascequiluifaitleplusplaisiràcetinstant.Lefaitquejeveuille

bienresterdormirchezluicesoiroulefaitquel’appelle«monchéri»pourlapremièrefois.—Tuenessûre,monange?—Absolumentcertaine!

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Il neme pose pas une seconde fois la question.Nous nous levons tous les deux de concert, jeprendssamain,jetremblelégèrement,maisjen’aipaspeur.Noustraversonslecouloiretarrivonsdevantlaportedesachambre.

—Tupeuxtoujourschangerd’avis,situledésires,Cassandra.Tulesaisn’est-cepas?Pour toute réponse, je l’embrasse tendrement, jedéverrouille laporteetentredans lachambre.

Noahmesuitsansmequitterdesyeux.Jepeuxsentirsonregardposésurchaqueparcelledemoncorps et j’en suis terriblement excitée,même si je ne suis pas encore prête à franchir cette étape.Chaquechoseensontemps…

NoahmeproposedefairecommelorsquenousavionsdormiensembleàNew-York,ilouvrelaportedelasalledebainetposemonsacàl’intérieur,puisils’effacepourmelaisserentrerpendantqu’ilsechangedanslachambre.

J’entredanslapièceetmepasseimmédiatementdel’eausurlevisage,puisjemedémaquille,melavelesdents,mechange,passeuncoupdebrossedansmescheveuxetmetsunjetdeparfumdansmon cou. Je ressors quelques minutes plus tard. Noah m’attend dans le lit, torse nu, un bras endessousdelatête.Ilmesourittimidementetjelerejoinsdanslelit,meblottissantcontresontorsefermeetlégèrementhâlé.

Jerespiresonodeur,mesmainseffleurentsesabdosmusclés.Noahpassedistraitementsamaindansmescheveux.Jemesensbien,ensécurité,complètementapaisée,jemesurprendsàmeconfieràlui.

—Unanaprès lamortdePapa,Mamana rencontréFranck. Jen’ai jamais compris cequ’elleavait bien pu lui trouver, mais toujours est-il que, six mois plus tard, ils étaient mariés, pour lemeilleuretpourlepire.

—Àt’entendre,monange,Franckm’al’aird’unsaletype.—Non,monchéri,iln’étaitpasunsaletype…Franckétaitunmonstre…

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Chapitre23

JesenslesmusclesdeNoahtressaillirlorsquejeprononce«monstre».Malheureusement,mêmecetermemeparaîtbienfaibleparrapportauxhorreursquenousafaitvivrecethommeauquotidien.Jecherchemesmotsenprenantdeprofondesinspirations.Jeneveuxpastoutluidéballer,pourtantj’ail’impressionquejenepeuxplusm’arrêter.

—Qu’entends-tuparlà,machérie?Quellessontleshorreursquet’afaitsubircetype?— Il s’agit plutôt des horreurs qu’il nous a faites, à Maman et moi. Je ne sais pas par où

commencernicequejeveuxvraimentteraconter,Noah…C’estlapremièrefois…—Tun’asqu’àlaisseraffleurerlesmotscommeils teviennent.Tun’espasobligéederentrer

danslesdétails,laissejustefiler,onverrabien,medit-ilenresserrantsonétreinteetm’embrassantlesommetducrâne.

—Lespremiersmois,toutsepassaitplutôtbien.Francknemeplaisaitpas,maisjecroisquejen’auraisaiméaucunautrehommequePapadans laviedeMaman.Jen’étaisqu’unepetite fillequivoulait que son père redescende du Ciel et que nous reformions notre heureuse petite famille, tuvois?

—Jecomprends,machérie,etjecroisquecesentimentétaittoutàfaitlégitime.—Je sais, c’est ce quemedit aussi leDrR.Néanmoins, Franck avait quelque chose dans son

regardquimeglaçaitlesangsansquejepuissemel’expliquer.Jenelesentaispas,c’étaitviscéral.—Ilyadespersonnesquinenousinspirentpasconfiance,sansaucuneraisonobjective,mais,

généralement,notrepremièreintuitionestsouventlabonne.— C’est tout à fait ça. Depuis, je ne me fie plus qu’à mon instinct lorsque je rencontre de

nouvellespersonnes.—Heureusementquetoninstinctnet’apassouffléquej’étaisunpsychopathe,dit-ilpouralléger

l’atmosphère.Je souris à sa dernière remarque et embrasse son torse. Noah continue de me caresser les

cheveux.—Ettonfrère?Commentçasepassait,entreluiettonbeau-père?—Mattéo ? C’était sa dernière année de lycée.À part ses potes, les nanas et son bac, rien ne

comptaitàsesyeux.Iln’étaitpassouventàlamaison,toujoursentraindetraîneràdroite,àgaucheouàréviser.Tantqu’ilvivaitavecnous,Franckétaitjusteuntypequejenesentaispas.

—C’estledépartdeMattéoquil’afaitchangerdecomportement?— Non, il a perdu son boulot au mois de septembre. Mattéo était parti à Marseille ; son

éloignementétaitunconcoursdecirconstances.Commeilétaitauchômage,Franckpassaittoutsontempsàlamaisonouàtraînerdanslesbars,rentrantcomplètementivreetempestantletabac.

Ausouvenirdesonimageetsonodeur,unviolentfrissondedégoûts’emparedemoncorps.LesmusclesdeNoahsecontractentquandmoncorpstremble;samains’arrêtedansmescheveux.

—Tun’espasobligéedecontinuer,machérie.Jeneveuxpas te fairerevivrecesmoments,sic’esttropdouloureuxpourtoi.

Çaseratoujoursdouloureux.Sijenemefaispasviolence,jen’arriveraijamaisàmeconfier.Jereprendsunelongueinspirationetjecontinue.

—Audébut,ilnes’enprenaitqu’àMaman.Illarabaissaitsanscesse,luiparlaitmal,iltrouvaittoujoursuntrucàrediresurleménageoulerepas.Mamanétaitunejeunefemmesouriante,douceetaimante;elleneméritaitpasqu’illatraitecommeunchien…QuandMattéoestrevenuàlamaisonpour les vacances de la Toussaint, Franck passait son temps dans les bars. Quand il nous faisaitl’honneurd’êtreavecnous,ilsecomportaitcommeàl’époqueoùMattéovivaitici.

—Tonfrèrenes’estdoncaperçuderien?

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—Commentlepouvait-il?Toutétaitpareilàlamaison…—Dumoins,c’estcequevousluilaissiezvoir.J’aibesoindechangerdeposition,deparleràNoahenleregardantdanslesyeux.Jemeredresse

etm’assoisdanslelit.Ilm’imiteetmeregarded’unairsoucieux.Jeprendssamaindanslamienneetlapressedoucement,enluiadressantunfaiblesourire.Jedoiscontinuermonhistoire.

—Àla findesvacances,Mattéoest repartià la fac.Francka recommencéàêtreméchantavecMamanet,unjour,alorsqu’ilssedisputaientdanslacuisine,illuiabalancéuncoupdepoing.

Noahjureentresesdents,samainserrefortlamienne,sesmusclestressaillentdecolère.Jenelelaissepasparleretcontinue.

—Jemesuisinterposée.Jeluiaisautédessusenhurlantdenepaslatoucher.Jenepouvaispaslelaisserluifairedumal.

Noahessuieunelarmesurmajouequejen’avaismêmepassenties’échapper.Àchaquefoisqueje repense à tout ça, je ne suis plus Cassandra, âgée de vingt-deux ans… Je redeviens la petiteCassandradedixans,complètementterrorisée.

—Iln’apasaiméquejem’enmêle.Ilm’aattrapéeparlescheveuxetm’ajetéeausol.Mamanaessayédes’interposeràsontour…Cejour-là,notrevieadéfinitivementbasculédanslaviolence…

Je lis l’horreur de mes révélations dans les yeux de Noah. Je savais que cela allait changerquelquechosedanssamanièredemeregarder!Commes’illisaitdansmespensées,ilcaressemonvisageduboutdesdoigtsetsonsouriremalicieuxréapparaîtlégèrementaucoindeseslèvres.

—Merci,monange.—Dequoi?dis-je,étonnée.—Demefairesuffisammentconfiancepourmelaisserentrerentoi.Celareprésentebeaucoup

pourmoi.Jeluisouris.Ils’approchedemoietm’embrassetendrement,puisils’écarteetselaisseglisser

danslelitenmefaisantsigned’enfaireautant.JemetournesurlecôtéetNoahmeprenddanssesbras,noscorpss’imbriquantparfaitement.Ilpassesonbrasautourdematailleetprendmamaindanslasienneenentrelaçantnosdoigts.

Je sens son souffle surmanuque.Sonodeurm’enivre. Jeme sens épuisée et soulagéed’avoirréussiàm’ouvrirsurmonpassé.LarespirationdeNoahcommenceàralentir,jecalelamiennesursessoupirs.Jesenslesommeilmegagnerpeuàpeuet,lorsquejecommenceàsombrer,j’entendssavoixdansunmurmure.

—Dorspaisiblement,monange.Cettenuit,jeveillesurtoi…

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Chapitre24

—Cassie!Cassie,tourne-toiversPapa,s’ilteplaîtmapuce.Mattéo,dépêche-toiderejoindretonpèreettasœur.Jevoudraisfaireunejoliephotodefamille.

Aujourd’hui,j’aiseptans,jesuisunegrandefille.JesuisrentréeauCE1cetteannée,jesaisliretoute seule comme une grande, et pour mon anniversaire, Maman et Papa nous ont emmenés àDisneylandParis.Jesuisfolledejoie!

Maman demande à un couple qui se promène avec ses enfants de bien vouloir nous prendre enphototouslesquatrepourimmortaliserlemoment.Ilsacceptentensouriantetnousvoilà,auxcôtésdeMickeyetMinnie,entraindeposerenfamilledevantdeparfaitsinconnus.

Laphotoprise,nousrepartonsgaiementprofiterdecettemagnifiquejournéeensoleilléedumoisdemars.Mattéo s’éclate à faire lesmanèges à sensations fortes, alors quemoi etma petite taillen’avonspasledroitd’accéderàtous,cequiamusedrôlementmongrandfrère,carjen’arrêtepasdelesuivrecommeunpetitchien.

Mais je n’ypeux rien,moi ! Je l’aime,mongrand frère ! Il est làpourmeprotéger, il acceptequelquefoisdejouerauxbarbiesavecmoi,ilm’apprendàfaireuntasdetrucsrigolosquinesontpastoujoursdugoûtdenosparents.Jeprofitedechaqueinstantqu’ilveutbienpartageravecmoi.Ilvaavoir dix-sept ans, il ne lui reste plus qu’une année de lycée, et il a toute une flopée de filles quin’arrêtepasdeluitournerautour.Alors,quandilacceptedepasserlajournéeenfamillepourmonanniversaire,jesouhaiteenprofiteraumaximum!

Maman nous achète des barbes-à-papa et nous choisissons tous un petit cadeau en guise desouvenir de cettemagnifique journée. Papa etMaman optent pour un porte-cléMickey etMinnie,MattéochoisitunecasquetteauPlanetHollywoodetmoi,jeprendsunepelucheMinnie.

La journée touche à sa fin.Nous repartons en famille, en souriant.Nousmontons à bord de lavoiture.Lecielcommencedangereusementàs’obscurcir,letonnerregrondeauloin,leventcommenceàsouffler…Papadémarrelavoiture.Ilnepeutriennousarriver,noussommestouslesquatre,danslavoiture.Mêmesilapluiesemetàtomber,noussommesensécurité.

Quelquesgouttesdepluie tombent sur lepare-brise,Mamanaugmente le volumede la radioetfredonneOniradeJean-JacquesGoldmanetjel’accompagne.MattéojoueavecsaPSP.PaparegardeMamanamoureusement.Unéclairtranspercelerideaudenuages,lapluiecommenceàtomberfort.Jeregardetouràtourlesmembresdemafamille,unsourireauxlèvres,messeptansestleplusbeaujourdema vie !L’orage éclate,ma famille s’effacepeuàpeu, je frissonne, j’ai peur…Je commenceàtrembler…Non!

** *

—Non!Jeme réveille en sursaut etm’assois dans le lit en reprenantma respiration.Noah se réveille

immédiatement et se redresse aussi. Il caresse tendrement mes cheveux et se rapproche de moi,passantsonbrasautourdemonépaule.

—Tuasfaituncauchemar?dit-ild’unevoixdouce.—Non… J’ai rêvé demon septième anniversaire. Nous étions allés à Disneyland, c’était une

magnifiquejournée.—Alorspourquoit’es-turéveilléeencriant?Jenecomprendspas,tuavaisl’airaffolé.—Parcequ’il revenait…À chaque fois que je fais un rêve, il arrive toujours à s’immiscer à

l’intérieuretàletransformerencauchemar.

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—Commentsais-tuqu’ilarrive?—Letempschange.Ilfaittoujoursbeaudansmesrêves,puis,peuàpeu,lesnuagesenvahissentle

ciel,l’orageéclate,uneodeurdetabacfroidemplitl’air…Jetournelatêteetleregardedanslesyeux.—Jel’aisentiarriver,dansmonrêve…Souventjelelaisseenvahirmespenséesetjerevissans

cesselamêmehorriblejournée.Noahfroncelessourcils.Ilessaiedecomprendredequellejournéejeparle,maisjenepeuxpas

luirévélermaintenant,jenem’ensenspasencoreprête.—Enfin,bref…Cettefois,j’aicriédansmonrêvepournepasqu’ilvienneetjemesuisréveillée

encriantaussi,finis-jed’expliquer.—Tu ne l’as pas laissé envahir cette belle journée que tu revivais en rêve. Cette nuit, tu l’as

vaincu!Je le regarde, sceptique.Si seulement ilpouvaitdirevrai !Néanmoins, lorsque je suisdans les

brasdeNoah—etmêmequandtut’esendormieenpensantàsesbrasautourdetoi—j’arriveàtenirmesdémonsàdistance.

—Tuveuxquelquechoseàboire,monange?—Nonmerci,ilesttard.Nousferionsmieuxdenousrendormir,monchéri.Noahselaisseglisserdanslelitetrestesurledos,lebrasenl’airpourquejeviennelerejoindre.

Jenemefaispasprieretmeblottiscontresoncorpschaudetrassurant.Ilembrassemescheveux,etmemurmuredemerendormiret,sansmêmem’enapercevoir,jesombreànouveaudanslesommeil.

** *

J’ai froid et cherche le corps de Noah pour me réchauffer, mais je ne le trouve pas. J’ouvrelentement les yeux et découvre que je suis seule dans le lit. Jem’étire tel un félin et cherchemonsmartphonepourregarderl’heure.11heures!Jecroisquejen’avaisjamaisfaitdegrassematinéecommecelle-làdetoutemavie!

Jeme lève etme rends d’abord dans la salle de bain.Après un rapide passage aux toilettes etm’êtrechangée,jememetsàlarecherchedeNoahquin’estpasdanslesalonnidanslacuisine.Jetrouveunmotlaissésurlecomptoir:

«Bonjourlabelleauxboisdormants,Tupeuxtefaireuncaféetmerejoindresurlaterrasseoùjet’attendspourlepetit-déjeuner.

Àtoutdesuite,Noah.»

Jesouriscommeuneidiote,plieleboutdepapieretlemetsdanslapochearrièredemonjean.C’estcomplètementpuéril,maisjeneveuxpasjetercepetitmessageavecl’écrituredeNoahdessus!

JemefaiscouleruncaféenfredonnantOniradeJean-JacquesGoldmanquej’aientêtedepuisque je suis réveillée. Je suis envahie par un profond bien-être. Je sens quema vie est en train dechanger.Jecroisquecettefois,çayest,lebonheurestenfinàportéedemain…

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Chapitre25

JerejoinsNoahsurletoitterrasse.Ilestassissurlabanquette,sonordinateurportableposésurlesgenoux.Lepetit-déjeunertrônesurlatablebasse.Unelégèrebrisefaitvirevolterquelquesmèchesdesescheveux.Jerestelàquelquessecondesàadmirercethommesublimequiestentrédansmavie,sansquej’ysoispréparée,etdontjenepeuxplusmepasser.

Commes’ilsentaitmaprésence,Noahtournelégèrementlatêteetcroisemonregard.Unsourireapparaîtaucoindeslèvresetilmefaitsigneavecsonindexd’approcher.J’avancelentementenluisouriant.Lesoleilestdéjàhautdanslecieletm’offreunemagnifiquelumièrepourregarderlavuesurParisetlaTourEiffel.

J’embrasse tendrementNoah etm’installe à ses côtés. Il termine de rédiger un rapport sur uncontratencoursetposesonordinateurausol.

—Tuasbiendormi,monange?dit-ilenmeservantunverredejusd’orange.—Trèsbien,merci.Tuesdeboutdepuislongtemps?Jenet’aipasentendusortirdulit.—Jemesuislevévers10heures.Tudormaistellementpaisiblementquejen’aipaseulecœurde

teréveiller.—Ehbien!Jenemesavaispascapablededormirautant.Jusqu’àaujourd’hui,jecroisquejene

m’étaisjamaislevéeaprès9heuresdumatin,mêmeaprèsêtresortieenboîtedenuitjusqu’aupetitmatin,avoué-jeenprenantleverredejusd’orangeetleportantàmeslèvres.

—J’aivraimentbienfaitdetelaisserdormir,alors,machérie.Nous prenons notre petit-déjeuner, dans un silence détendu, profitant de cette belle journée

ensoleillée.Nousapprenonsencoreànousconnaître.Noahme racontequelquesanecdotes sur sonenfanceetsesdébutsdedesigner.Jeluiconfiequelquessouvenirsavecmesparentsetmonfrère.J’ail’intimeconvictionquelajeuneCassandramaussadequijouaitunrôleauboulotn’existeplus.UnenouvelleCassandraprendformepetitàpetit,telunphoenixquirenaîtdesescendres…

** *

Nousdécidonsdepasserlerestedelajournéeensemble.Noahmeproposed’allernousbaladeràquelquesruesdelà,dansleJardindeRanelagh.Nousmarchons,maindanslamain,danslesruesdeParis et arrivons rapidementau Jardin.Nous suivons le chemin, entouréd’arbrescentenairesetdepelouse.Assis sur un banc, un couple de personnes âgées se tient lamain, surveillant leurs petits-enfantsdans l’airede jeux.Des jeunes travaillent allongésdans l’herbegrâceà la connexionWifi.Plusieurs statues décorent le parc dont une représentant La Fontaine. J’ai l’impression d’être ànouveau à Central Park avec Noah, cette balade me rappelant étrangement nos promenades new-yorkaises.

Noahachètedescrêpesetunebouteilled’eaudansunpetitkiosque,etnousnousasseyonssurunbancàl’ombred’unarbre.Nousnousmettonsàparlerdutravail.Demainnousavonsuneimportanteréunionafindemettreenplace leprojetKent.Nousallonspasserbeaucoupde tempsensemble,aumilieudenombreuxemployés.Ilvafalloirquenousfassionsattentionànepaslaissertransparaîtrenossentiments.

Caroui,iln’estpasseulementquestiond’uneattirancephysiqueentrenous,celavabienau-delàdeça.Nousavonsuneprofondeconnexion,commesinosâmesétaientétroitementliées.Etplusnouspassonsdutempsensemble,plusjetombeamoureusedelui.

—Àquoipenses-tu,machérie?Tun’étaisplusvraimentavecmoi.—Jemedemandais…hésité-jeuninstant.

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—Oui?dit-ilensondantmonregard,commeillefaitsisouvent.—Commentva-t-onfairepourquelesautresnes’aperçoiventderien,ausujetdenousdeux?— Nous avons déjà eu cette conversation à New-York, mon ange. As-tu un doute nous

concernant?—Non, non, pas du tout, m’empressé-je de répondre, ne voulant qu’il interprète mes propos

detravers.—Alors,qu’ya-t-il,Cassandra?Est-celiéàcequeCathyt’aracontéladernièrefois?—Non,rassures-toi,Noah.Jemedisaisjustequ’ilallaitêtredifficiledecachernossentiments.

Lesgensvontobligatoirements’enapercevoir.LesyeuxdeNoahétincellentetsonsouriremalicieuxestencoreplusgrandqued’habitude.Jene

comprendspassaréactionetleregarde,interloquée.Ilremetenplaceunemèchedemescheveuxetcaresse mon visage comme s’il était la chose la plus précieuse qu’il ait jamais touchée. Je necomprendspassonchangementd’attitude,maismoncorpsentierréagitàsonregardbrûlantetàcettetendrecaresse.

Ilfaitglissersesdoigtslelongdemoncou,samainsefaufilesousmescheveuxetcaressemanuqueavantdem’attirervers lui etdem’embrasserpassionnément,oubliant, l’espaced’un instant,quenousnesommespasseuls,maisaubeaumilieud’unparc.MonDieu!Vais-jetoujoursressentircettesensationquandseslèvresseposentsurlesmiennes?

Ils’écartelentementdemonvisageetmesourit,melaissantébranléeparlaforcedecebaiser.—J’aimequand tuparlesde sentiments,monange. Jene saispas comment encore lesdéfinir,

mais il est évidentqu’ilsnevontpas être faciles àdissimuler. J’avaisdéjàdumal àmasquermonattirancepourtoisansmêmetefréquenter…Celavaêtreunevéritabletorturedepassertoutcetempsensemblesanspouvoirtetoucher.

Jelaisseéchapperunrirelégeretluieffleureleslèvresd’unrapidebaiser.Iltrouvetellementlesmotsjustes,ilestsi…Tout!

—Jenesaispasnonplussijeseraienmesuredelesmasquer.Maisjen’aipasenviequelesgenss’imaginentdeschoses,commel’adéjàinsinuéCathy.

—Nousverronsbiencommentcelavasepasser.Jesuiscertainquenoussauronsfairefaceàlasituationquandelleseprésentera.

—Commentfais-tupourenêtresisûr?—Jetel’aidéjàdit,Cassandra,j’aifoiennous.Nous restonsassis sur lebancennous regardant tendrement, lesmotsétantdevenus superflus.

Puis,nousterminonsnotrebaladeetrécupéronsmonsacàl’appartementdeNoahavantquecelui-cimeramènechezmoi.

Noah trouveuneplacedevant l’entréedemon immeubleet sort enmême tempsquemoide lavoiture.Nous avançonsmain dans lamain jusqu’au hall.Noah s’apprête à saisir la poignée de laportequandcelle-cis’ouvre,nouslaissantnez-à-nezavecmonfrère,quiregardenosmainsenlacées,puisNoah,d’unmauvaisœil.

Jen’avaispasprévudeprésenterNoahàMattéopourlemoment.Jevoulaisprendreletempsdesavoiroùallaitnousmenernotrehistoire.Visiblement,laquestionneseposeplus!Commentmonfrèreva-t-ilprendremarelationnaissanteavecmonpatron?

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Chapitre26

NoahcomprendtoutdesuiteàquiilaaffaireenvoyantMattéodevantnous,àsaminecontrariée.Illuitendsamainlibre,toutenseprésentant.

—Bonjour,vousdevezêtreMattéo,lefrèredeCassandra.JesuisNoahBeckham.Ravidevousrencontrer.

MattéoacceptelamainqueNoahluitend,etmelanceunregardtorveenluirépondant.—C’estmoi,eneffet.Bonjour.La tension est palpable. Noah ne lâche pasmamain et observeMattéo en essayant d’analyser

saréaction.—Tusortais?demandé-jeàmonfrèrepourdétournerl’attentiondesdeuxhommes.—Euh…Oui,jedevaisallerrécupérermavestechezFredquej’aioubliéedanssavoiture,hier

soirenrentrant.Maispuisquejetombesurvous,sinousmontionsprendreunverre,touslestrois?JeseraisenchantédefaireconnaissanceavecNoah.

—C’estuneexcellenteidée,luirépondl’intéressé.Sansattendreuneréponsedemapart,ilssemettentenmarche.Nouspénétronsdansl’immeuble

et empruntons l’ascenseur, dans un silence quelque peu pesant. Je viens tout juste dememettre encoupleavecNoah,jecommencetoutjusteàm’ouvriràlui…SiMattéon’acceptepaslasituation,jenesaispascommentjepourrailesupporter.Ilaétélerocdemonpasséjusquetoutrécemment,maisje sensau fonddemoiqueNoahpourrait êtreceluidemonavenir. Jevoudraisquemon frère luiaccordesaconfiance,commejecommencetoutdoucementàlefaire.

Nouspénétronsà l’intérieurdel’appartement.JeproposeàNoahdes’asseoirdanslecanapéetdemande à Mattéo de m’aider dans la cuisine. Noah me sourit malicieusement, comprenantcertainement les raisons quimepoussent à prendremon frère en aparté. Je lui souris en retour etentraîneMattéoavecmoi.

—C’étaitquoi,ça?dis-jeunefoisquenoussommesseulsdanslacuisine.—Quoi,ça,Cassie?—Tulesaistrèsbien!Tut’esmontrévéritablementodieuxavecNoah.Tuasintérêtdechanger

decomportement,Mattéo.—Tucomprendsmonétonnemententetrouvantmaindanslamainavectonpatron,Cassie,non?

Situasbonnemémoire,jet’aidemandés’ilsepassaitquelquechoseentrevousàtonretourdeNew-York. Tum’as répondu qu’il n’y avait rien du tout. Et tu passes la nuit avec lui et la journée dulendemainaussi.J’aidequoiêtresurpris,tunecroispas?

Je lui adresse unemoue d’excuses ; il n’a pas tout à fait tort.Néanmoins, il y a desmanièresd’agirmoinsprimitivesvis-à-visdeNoah.

—Jenevoulaispast’enparlertantquejenesavaispasoùnousallions,Noahetmoi…J’aimeraisquetul’acceptesdansmavie.Oui,tuasraison,c’estmonpatron,mais…

—Mais?dit-ilensoulevantmonmentonpourmeforceràcroisersonregard.—C’estlapremièrefoisquej’arriveàavoirconfianceenunhomme,Matt.Jesensquejepeux

meconfieràlui.D’ailleurs,j’aidéjàcommencéàluiraconterunepartiedemonpassé.—Tu…Attends,quoi?Tuluiasparlédecettenuit-là?—Non,pasencore,maisçaviendra…J’aivraimentenviequeçamarcheentrenous.—O.K.,danscecas,jevaisfaireuneffort.—Merci,Matt,dis-jeenembrassantsajoue.Mattéome sourit tendrement et prend des bières dans le frigo pendant que je cherche de quoi

grignoter dans les placards. Nous retournons auprès deNoah qui consulte son téléphone en nousattendant. Jem’assoisàsescôtés.Mattéo lui tendunbièreetmedonne lamienne,puis il s’installe

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danslefauteuil,faceànous.—Vousexcuserezmonattitudedetoutàl’heurequandjevousaivu,Noah.J’aiétéquelquepeu

surpris.—J’aicrucomprendre,eneffet,queCassandranevousavaitrienditànotresujet.—Masœurestquelqu’und’assezsecret.—Jem’ensuisaperçu,luirépond-ilenportantsabièreàseslèvres.—Vouspouvezéviterdefairecommesijen’étaispaslà?Ilsseregardentetéclatentderireenmêmetemps.Jelesregarde,stupéfaite.Ilyaàpeinequelques

minutes,l’ambianceétaitplombéeetlesvoilàentraindesemarrercommes’ilsétaientamisdepuistoujours.Décidément,jenecomprendraijamaisrienauxhommes!

Au bout de quelques instants, ils décident de se tutoyer et apprennent à se connaître. Ils ontquasiment lemêmeâgeet lesmêmescentresd’intérêts.Lecourant sembleplutôtbienpasserentreeux.J’avaistellementpeurqueMattéon’acceptepaslasituation,maisjesaisquemonfrèresouhaitemon bonheur plus que tout au monde. Si c’est avec Noah que je dois le trouver, c’est toutnaturellementqu’ilnousdonnerasabénédiction.

—Etsiturestaismangerdespizzasavecnous,Noah?Jedoisvraimentallerrécupérermavestechezmonpote.Aupassage,jerécupèrelespizzas,çatedit?

—Jenevoudraispasm’incruster,luirépond-ilentournantunregardinterrogateurversmoi.— Je trouve que c’est une excellente idée.Tu ne t’incrustes pas, puisqueMattéo te le propose.

Reste,s’ilteplaît,luimurmuré-jeenembrassantsajoue.—O.K.,jereste,dit-ilenprenantmamaindanslasienne.Mattéorécupèresesclésetquittel’appartement,nouslaissant,Noahetmoi,entête-à-tête.—Tonfrèreestunmecsympa,machérie.—Jesuiscontentedevousvoirsibienvousentendre.—Jenevoispaspourquoicelan’auraitpasété lecas.Nousavonsunbut identique, luietmoi.

Nousvoulonstousdeuxtonbonheur…Jemeblottistoutcontreluietpassesesparolesenboucledansmatête.Jeveuxtellementcroireà

cebonheurnouveau,àcetteviequimetendlesbras.

** *

Lasoirées’estdérouléedansuneambiancedétendue.Mattéoestrevenumoinsd’uneheureplustardetnousavonsmangéenregardantunfilmd’actionàlatélé.Ilestpresque23heures,etdemainnousavonsunegrossejournéedevantnous.NoahsalueMattéoetjel’accompagneàlaported’entrée.

—J’aivraimentpasséunexcellentweek-end,machérie.—Moiaussi,Noah.J’aivraimentadoré.—Tantmieux!Carjecomptebiensurlefaitquecesoitlepremierd’unetrèslonguesérie.Il passe son bras autour dema taille et m’attire brusquement vers lui, me faisant glousser de

contentement,puisilm’embrasse.Tousmessensseréveillentetlelâcherdepapillonsexplose,unefoisencore,aucreuxdemonventre.Ils’écartedemoi,sesyeuxpétillantsetsonsouriremalicieuxilluminent son visage, puis il ouvre la porte et quittemon appartement enmemurmurant un «Àdemain»remplidepromesses.

Jerefermelaportederrièremoietplaquemondosdessus.Mattéoquittelesalonetpassedevantmoi,unsourireamuséauxlèvres.

—C’estlapremièrefoisquejetevoiscommeça,Cassie…Ilyadel’amourdansl’air!Mattéosedirigeverssachambreenriant.Jelesuisdesyeuxavantdesortirdemespenséesetde

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retrouver lamienne. Je prends une douche rapide,mets un pyjama etme couche dansmon lit. JerepassementalementcesdeuxjoursmerveilleuxpassésauxcôtésdeNoah.Jesombrepeuàpeudanslesommeil.Unbipromptlesilence.J’attrapemontéléphoneetsourisbêtementenlisantlemessagedeNoah:«Dorspaisiblement,monange.N’oubliepasquejeveillesurtoi…Noah».

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Chapitre27

Papavientderentrerdutravailetmefaitsignedenepasfairedebruit.Ilcachederrièresondosunénormebouquetde rosesblanches, les fleurspréféréesdeMaman. Il entredans lacuisineet seglissederrièreelle,quine l’apasentenduarriver. Il laprenddanssesbras, la faisantsursauteretrireauxéclatsquandilposeseslèvresdanssoncou.Mamanseretourne,Papaluioffrelebouquetenluisouhaitantunbonanniversairedemariage.

—Tun’aspasoublié?dit-elle,deslarmesdejoiepleinlesyeux.—Commentpourrais-jeoublierleplusbeaujourdemavie,monamour?J’adoreregardermesparentss’aimercommeaupremierjourmalgréleurquinzeansdemariage.

Mattéoentredanslacuisineàsontouretregardemesparentss’embrasserd’unairdégoûté,ilsesertunverredejusd’orangeetretournedanslesalonenlevantlesyeuxauciel.

Unfrissonmeparcourtl’échine,unedésagréablesensations’emparedemoi…Non!Iln’estpasquestionquelemonstreressurgissedesténèbres!

** *

J’ouvrelesyeuxetmetsquelquessecondesàreprendremesesprits.J’aiencoreréussiàtenirlesdémonsàdistance!Jeregardemontéléphonequiindique6h58.Ilestl’heuredemeleverpourmepréparer.Unejournéedetravailm’attend.

Jeme lève avec une pêche d’enfer et le sourire aux lèvres, bercée parHoldmy hand de JessGlynne.Jeprendsunedouche,memaquilleetattachemescheveuxdansunchignonlâcheenlaissantéchapperquelquesmèches.Puisjem’habilled’unepetiterobecintrée,mettantlégèrementenvaleursmescourbes,etmapairedetalonsfétiches.Unefoisprête,jerejoinsMattéodanslacuisinequiestdéjàentraindeprendresonpetit-déjeuner.Jel’embrassesurlajoueetmefaiscouleruncafé.

—Tuasl’airdebonnehumeur,cematin,Cassie?Tuasbiendormi?—Trèsbien,dis-jeenluioffrantmonplusbeausourire.—Pasdecauchemars?—Aucun!Celafaitquelquesfoisquej’arriveàl’empêcherd’envahirmesrêves.—Commentcela?— Je ne sais pas, quand je sens quemon rêve s’apprête à virer au cauchemar, jeme réveille

immédiatement, et lapetite filleque je suisdansmon rêve sebat aussipourempêcher lesdémonsd’entrer.

—JecroisqueNoahavraimentunebonneinfluencesurtoi,mapuce.Ilmesemblequec’estlapremièrefoisquejeneterejoinspasdanstonlitàcaused’uncauchemar.

—Oui,ilmesembleaussiquetuasraison.C’estplutôtunebonnechose!Tuvaspouvoirarrêterdetefairedusoucipourmoi,etpeut-êtretetrouverunenana!dis-je,taquine.

—Ah,ah!Trèsdrôle,Cassie.Jenepourraisjamaiscesserdemefairedusoucipourtoi,tueslaseulepersonnequimeresteaumonde,mapuce.Tucomptesplusquetoutpourmoi.

Jesuisenvahieparuneboufféed’amourpourmonfrère.Ilesttellementprésentdansmaviequejenem’imaginepasvivresansluiunjour.

—Cen’estpasparcequejesorsavecNoahqu’ilvaprendretaplace,tulesais,ça?Tuesetserastoujoursmongrandfrèreetmonmeilleurami,monroc,dis-jeenleserrantdansmesbras.

Mattéomesourit et termine soncafé,pendantque jem’installe à sescôtéspourboire lemien.Puis,nouspartonstouslesdeuxpourleboulot.

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** *

J’arriveàDesign&Co,lesourireauxlèvresetsaluelesquelquesemployésdéjàprésentsquejetrouvesurmonpassage.Jemonteau18eétageetentredansl’openspaceencorevide.Jedéposemonsacàmaindansmonbureauettraverselecouloirpourallerprendreuncafé.

Lorsquej’arrive,jemeretrouveencoreenprésencedelaPimbêcheetsoncaféaulait!Jelanceun « bonjour » froid auquel elle ne répond pas. Le contraire m’aurait étonnée ! Je l’ignoresuperbementetm’installeàunetable,lapluséloignéedeCathy.

—Alors,vousetNoahavezpasséunbonweek-end,Alessandra?—Pardon?dis-jeenlaregardant,ébahie.Prêche-t-ellelefauxpoursavoirlevrai?Nousa-t-elle

vusnouspromenerensemble?—Voyons,voyons…Ne faitespas l’étonnée,machère.L’ensembledupersonnel sait trèsbien

quevouscouchezensemble.—Nousnecouchonspasensemble,MadameTurpin!luirépondsoudainlavoixgravedeNoah,

quejen’avaispasvuentrer.—Oh…Pardonnez-moi,Noah,jenesavaispasquevousétiezlà.—C’estpourcelaquevousvousamusezàcolporterdesragotssur lecomptedevotreP.-D.G,

Cathy?Sachezquejen’appréciecegenredeproposdanslabouched’undemesemployés,continue-t-il sur un ton plus que cassant. Quant à vous, Cassandra, ne vous laissez pas intimider, c’estcompris?medit-ild’unevoixplusdouce,sesyeuxsondantlesmiens.

Je hoche la tête etme cache derrièrema tasse pour sourire. L’entrée deNoah dans la salle dereposarriveàpointnommé,etjemeréjouisintérieurementd’êtreletémoinprivilégiédecettescène.LaPimbêchen’arboreplussonsouriremauvaisetsonairhautain.Siellepouvaitsecacherdansuntroudesouris,elleleferait,tantellesesenthonteused’avoirétépriseentraindecommérersursonpatron.Elles’excuseetquittelapièce,latêtebasse,nouslaissant,seuls,Noahetmoi.

—Quellefolle,cettebonnefemme,dit-ilenseservantuncaféetmerejoignantàmatable.Ilm’embrassefurtivementleslèvresets’assoitenfacedemoi.—Jenesaispaspourquoiellem’adanslecollimateur,maisj’ail’impressionqu’ellenevapas

s’arrêterlà.—Siellerecommence,jeveuxquetumeledisesimmédiatement.Jenepeuxtolérerqu’unede

mesemployéess’amuseàparlerdemoiencestermes.Jenelalaisseraipasfaireetjen’hésiteraiàlavirerunesecondefois,quitteàavoirsonsyndicatsurledos!

—Noah,soufflé-jeenattrapantsamain.Tun’aspasàréagirdemanièresivirulente.—Ohquesi, je ledois,machérie. Jene laisseraipersonnedire toutetn’importequoiànotre

sujet,jet’enfaislapromesse.Nousentendonslaportes’ouvriretjelâcheimmédiatementlamaindeNoahenprenantmatasse

etnousnousmettonsàparlerdudossierKent,commesinousétionsdéjàenpleinediscussion.— Je dois vous laisser, Cassandra. Nous avons une réunion avec l’équipe de Kent en video-

conférencedansuneheure.Jevousattendraidansmonbureaupouryassister.—Trèsbien,Noah.Ilquitte lapièce sous les regardsénamourésdequelquesemployées—dont je faismoi-même

partie—,etjequittelasallederéunionàmontour.J’arrive dans l’openspace enmême temps queBarbara, et nous entrons dansmon bureau.Elle

s’installesurleborddemonbureaupendantquejecommenceàfaireletridemoncourrier,quandunelettrem’interpelleetmeglacelesang.

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«Tun’auraispasdût’enprendreàl’amourdemavie…Tuleregretteras,Cassandra!J’auraitapeau.»

Qui est la personne quim’envoie ça ?Dequi parle-t-elle ?DeNoah ?Mon cœur bat à cent àl’heure,mesoreillesbourdonnent, jesuisprised’une terriblenauséeet lâche la lettrequi retombe,ouverte, surmon bureau. Barbarame regarde, interloquée, et récupère la lettre que je n’ai pas leréflexedecacher.

—Maisputain!C’estquoicesconneries?

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Chapitre28

Nous regardons la lettre à tourde rôle avecBarbara, essayantde savoirquipeutbienm’avoirenvoyécela.Elleaétéécritesurunordinateur,etriennenouslaissedevinerl’identitédel’expéditeur.Nousvoilàbienavancées!Montéléphonesemetàsonner,nousfaisantsursauter.Barbarasereprendlapremièreetdécrochelacommunicationavantderaccrocherpresqueaussitôt.

—Tuesattenduepourlavidéo-conférence,mabelle.Net’enfais,nousallonsbientrouverquelestl’abrutiquit’envoiecetorchon.

—J’espère,maisenattendant,pasunmot ! Jeneveuxpasquecela s’ébruite.Motusetbouchecousue,tuascompris?

—Croix de bois, croix de fer, me dit-elle en faisant semblant de fermer sa bouche avec unefermetureéclair.

J’éclatederireetquittemonbureaupourallerrejoindreNoah.J’avanced’unpasdécidédanslecouloir.J’entendsauloinleriredesorcièredeMadamePimbêchequirôdeencoredanslesparages,puis j’emprunte les escaliers. Je prends plusieurs grandes inspirations, essayant de calmer lesbattementsdemoncœuret lebourdonnementdansmesoreilles.Et si celan’avait rienàvoir avecNoah ? J’essaie d’interrompre le flot demes pensées en arrivant au 19e étage. Jeme présente àl’accueiletonmefaitsigned’allerdirectementdanslebureaudeNoah.

Je frappeà laporteetattendsqu’ilm’inviteàentrer.Au lieudeça,Noahm’ouvre laporte,unlégersourire flottant sur lèvresqui s’effaceaussitôtenm’apercevant. Ilme fait signede rentreretfermelaportederrièrenous.

—Çanevapas,machérie?Tuestoutepâle,medit-ild’unairinquiet.—Si,toutvabien.J’aiunpeumalaucœur,riendebienméchant.Ilnesemblepasconvaincuparmaréponse,mais ilacquiescetoutdemêmed’unhochementde

têteetmedemandedem’installerdansunfauteuil,autourdelatabledeconférence.Ils’assoitenboutdetable,faceàsonordinateurportableetunécrandescendsurlemurenfacedenous.

Soudain,NoahretrouvesonattitudedeP.-D.GetapparaissentdevantnousJackKentenpersonneettoutesonéquipe.Laréunionpeutenfindébuter.

** *

Deuxheuresetdemiplustard,NoahprendcongédeKentquin’apasarrêtédevouloirrajouterdesdétailsplusdéjantéslesunsquelesautres.Jemesuispermisdelecouperpourpointerdudoigtlesatoutsdenotreprojet.Jel’aibrossédanslesensdupoil,flattantsonegodémesuré,puisj’airéussiàleconvaincreenprônantmesidéesavecferveur.Pendanttoutcetemps,jesentaisleregarddeNoahposésurmoietquandj’aiterminémaplaidoirie,sesyeuxrayonnaientdefierté.

—Bravopourtonintervention,monange.TuasréussiàclouerlebecdeKentetlefairevaliderunenouvellefoistesidées.Tum’impressionnes.

—Merci,dis-jeenrougissantviolemment,toutenluisouriant.—C’estsincère.Bien,ilestmidi,quedirais-tud’undéjeunersurlepouce,ici,dansmonbureau?

Jepeuxnousfairelivrerdessandwiches.—Noah,cen’estpasraisonnable.Onveutsefairediscrets,pasattiserlacuriositédesautres.Ça

vaforcémentjaser,sinousdéjeunonsensembledanstonbureau.—Ceneseraitpaslapremièrefoisquejedéjeuneiciavecunmembredemonéquipependantque

nousbossonssurunprojet.—Peut-être,maissiCathys’amuseàcolporterdesragots, toutlemondeyverraitunemanière

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d’officialiserleschoses,tunecroispas?—Peut-être,maisjecroissurtoutqueturéfléchistrop…—Ça!Onmeleditsouvent,dis-jeenriant.NousnouslevonsetNoahm’attirecontreluipourm’embrassertendrement,puisilsedétachede

moietm’ouvrelaporte.Jeluisourisetquittesonbureau,sansunregardenarrière,sentantlesienposésurmoijusqu’àcequejequittesonchampdevisionenentrantdanslacaged’escalier.

Je retourneàmonbureau,oùm’attend toujoursBarbara.Lorsque j’entre,monamiemedonneunesaladequ’elleestalléeacheterenm’attendantetnousnousmettonsàmanger.

—Tun’asvraimentaucuneidéedequiilpeuts’agir?—Jenevoispasdutout,vraiment.—Mais de quelmec elle parle ? Tu n’as jamais eu de véritables relations amoureuses, je ne

comprendspas.Pourquoi,toutàcoup,recevrais-tucegenredemessage?—Sijelesavais,Barb,nousn’aurionspascettediscussion.Elleéclatederireetfroncelessourcils.—Tunemecachespasquelquechose,aumoins?Tuneverraispasunmecendouce,sansmele

direàmoi,alorsqu’unepsychopatheestvisiblementaucourant?—MonDieu,Barbara,turegardestropdesériesaméricaines,dis-jeneriant,cherchantàtoutprix

ànepasluirévélermarelationavecNoah.—Peut-être,dit-elle,riantàsontour.Nousterminonsnotrerepas,enparlantdelavidéo-conférencequejeviensd’avoiravecNoahet

Kent,puisnousnousremettonsautravail.

** *

19heures. Je termineseulede rangermonbureau.Barbaraestpartie ilya seulementquelquesminutespourassisterà soncoursdeZumba. J’entendsdes talonshautsclaquer sur le sol,puismaportes’ouvresuruneCathytellequejenel’avaisencorejamaisvue.

—Tucroisquejenet’aipasvuesourire,cematin,pendantqueNoahmeparlait,dit-elled’untonagressifetmetutoyantaupassage.

—J’ignoraisquejen’avaispasledroitdesourire,dis-jesuruntonironique.—Nejouepasàcepetitjeuavecmoi,Cassandra,turisqueraisdet’enmordrelesdoigts.—Est-ceunemenace,Cathy?—Tupeuxlaprendrecommetuveux.Moi,j’appelleçaunavertissement.—Vraiment?Unavertissement…Etjerisquequoi,exactement?—JenesuispassûrequetoncherettendreNoahaimeraitsavoirqu’ilsortavecunemeurtrière,

dit-elleentournantlestalons,melaissantcomplètementabasourdie.Jemelaisse tomberdansmonfauteuilet regarde laporte laisséeouvertepar laPimbêche.Que

vient-ildesepasser?Quesait-elledemonpassé?

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Chapitre29

Jesorsdematorpeur,récupèremonsac,laissemonbureauàmoitiérangéetjequittecettepièceoùl’airm’oppresse.Jetraverselelongcouloiretbifurqueauderniermomentpouratteindrelacaged’escalier.Jeneréfléchispas,jesuisen«pilotageautomatique».Jemonted’unpasdécidéetarriveau19eétage.

À cette heure-ci, les lieux sont déserts. Je traverse l’openspace et m’arrête devant la porte deNoah. Je frappe deux coups et patiente. Je ne suismême pas certaine qu’il soit encore présent. Laportes’ouvreenfinet,lorsquejecroisesonregard,jenepeuxm’empêcherd’éclaterensanglotsetdemejeterdanssesbras.

Noahmeserretoutcontresoncorpsetfermelaportederrièrenous.Ilmesoulèvedusoletmeportejusqu’aucanapédisposédanssonbureau.Ils’assoitenm’installantsursesgenouxetmebercetendrement.

—Chut…Calme-toi,monange.Jesuislà…Dis-moicequit’amisedanscetétat.—Ca-thy,dis-je,entredeuxsanglots.—Qu’est-cequ’ellet’afait,cettegarce,machérie?Raconte-moi,s’ilteplaît.Aulieudeluirépondre,jememetsàpleurerdeplusbelle.Jen’aipasenviedetoutdévoilerde

monpasséàNoah,maisjenepeuxpasrisquerquecettefolleluiraconten’importequoi!—Jenesaispascomment,maisellesaitpournousdeux.Jepensequ’ellenousapeut-êtresuivis

ceweek-end,j’ensaisrien,maisellelesait,Noah.—Etc’estçaquitemetdanscetétat,Cassandra?dit-ild’untonemplideregret.—Non…Non, ce n’est pas pour ça. Elle…Une fois encore, je ne sais pas comment elle sait

certaineschoses,maiselleconnaîtmonplusgrandsecretetveuts’enservirpournousséparer.—Commentpeut-elle lesavoir?dit-il,aussisurprisquemoi lorsque j’aientendu laphrasede

laPimbêche.—Jen’ensaisriendutout,mais…Noah…Je…Jevoudrais tellementquetusachestoutemon

histoire.Jenesaispascommentlaraconter.—Veux-tu que l’on aille chez toi ?Mattéo sera là si jamais tu veux qu’on soit tous les deux

présents.Jepourraispasserlanuitcheztoi,qu’endis-tu?— J’aimerais beaucoup, oui. C’est une très bonne idée, dis-je en me reprenant. Si je dois te

confiertousmessecrets,autantlefaireàlamaisonet lesdévoileraussiàMattéo.J’enaimarredevivreavectoutça,aufonddemoi.Jeveuxvraimentavancerpournousdeux.

—Tum’envoisravi,monange.Maistudoislefaireavanttoutpourtoi…Ilm’embrasseleboutdunez,puisseslèvreseffleurentdoucementlesmiennes,etilselèveenme

reposantausol.Ilmeprendlamainetnousquittonssonbureau.—Tunedevraispasmedonnerlamain,dis-jeàvoixbasse.—Iln’yapluspersonneàcetteheure,etsilaPimbêchesaitvraimentpournous,autantluicouper

l’herbesouslepiedenofficialisantnotrerelation,avantqu’elleneracontetoutetn’importequoiànotresujet.

—C’estvrai,tuasraison.Cathyestlapirecommèredetouslesemployés.Siellelesait,autantquetoutlemondelesache.JelediraidemainmatinàBarbaraavantqu’onnecommenceàs’afficher,d’accord?

—Bien sûr,Cassandra.Tupeux l’annoncer à qui tuveux.Dumomentqu’onne se cacheplus,moi,çameva.

Jeluisourispendantquenousmontonsdansl’ascenseuretnousnousinstallonscontrelaparoidel’appareil,mondosplaquécontresontorse,commenouslefaisonsàchaquefoisquenoussommesseulement un couple ordinaire, et non un patron et son employée. Nous quittons l’immeuble sans

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croiserpersonneetprenonslavoituredeNoahafinderejoindremonappartement.

** *

Le trajetmenantàmonappartement se fait ensilence. J’essayede trouver labonnemanièrederacontermonhistoire,deconfiermesplusterriblessouvenirs.

Nousarrivonsdevantmaporte.J’insèrelesclésdanslaserrureet,avantquejen’ouvrelaporte,Noahm’attrapeparlepoignetetmeretient.

—Jeveuxquetusachesque,quoiquetuaiesàmeconfiercesoir,celanechangeraenrienmonregardsurtoi,monange,dit-ilenplongeantsonregardpétillantdanslemien.

Jel’embrassefurtivementetluisouris,puisj’ouvrelaporteetnousentrons.Jeposemescléssurlemeuble,etmedirigeverslesalon,oùjetrouvemonfrèreentraindecorrigerdescopies.

—Coucou,mapuce,turentrestard,dit-ilsansleverlesyeuxdesescopies.—J’aieuquelquespetitssoucisquim’ontretardée,dis-jed’unevoixlégèrementrauqueàcause

demespleurs.Mattéolèvelesyeuxdesacopieenentendantlesondemavoix,etremarque,àcemoment-là,la

présencedeNoah.—Tiens,salutNoah.Jenesavaispasquetudînaisavecnous.—Salut,Mattéo.Cen’étaitpasprévu.Cassandraaressenti lebesoindemeparler.J’aiproposé

qu’ellelefasseici,entaprésence,plutôtqu’aubureau.—Merci,Noah,j’apprécietongeste.Nousnousasseyonssurlecanapé.Mattéoestassisdanslefauteuilenfacedenousetnemelâche

pasdesyeux.Monfrèresemblenerveux.Depuisletempsqu’ilsouhaitequejemeconfieàlui;ilafallu que Noah entre dans ma vie pour que j’en ressente le besoin. C’est surtout la faute de laPimbêche,situlefaiscesoir!C’estvrai,maisjesuisconvaincuequejel’auraisfaittôtoutard.

—D’abord,Cassie,tuveuxbienmedirepourquoituaspleuré?medemandemonfrère.—Commentlesais-tu?luidemandeNoah,interloqué.—Jeconnaismasœur,jesaisreconnaîtresielleapleuréausondesavoix.—Toutd’abord…Cathy,laPimbêche—précisé-jepourquemonfrèresachedequiils’agit—a

faituneremarque,ilyaquelquesjours.J’aicruquej’avaismalcompris,maisaujourd’hui,jesuiscertainequejen’aipasrêvé.

—Qu’a-t-elledit,monange?—Elleadit:«Franckm’avaitbienditquetun’étaisqu’unesalegosse».—Franck?rugitMattéo.Commentconnaîtrait-ellecesalopard?—Jenesaispas…Toujoursest-ilqu’ellem’aditça,ilyaquelquesjours.Aujourd’hui,j’aireçu

ça,dis-jeensortantlalettredelapochedemaveste.Les garçons la lisent à tour de rôle et réagissent aussi violemment l’un que l’autre. Je leur

demandedenepasparlerenmêmetempsetdemelaissercontinuer.—Quoi?Cen’estpastout?demandeNoah,choqué.—Non.Ce n’est que le début.Cathym’a plus oumoinsmenacé de révéler une partie demon

passéàNoah,dis-je enme tournantversMattéo.Elle sait, dis-je enplongeantmon regarddans lesien…Elle…sait…

Sesyeuxs’écarquillentdesurprise,pendantqueNoahnousregardeàtourderôle,complètementperdu.

—Ellesaitquoi?Cassandra,s’ilteplaît,dis-lemoi.

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—Ellesaitquej’aituémonbeau-père…

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Chapitre30

NoahmeregardecommeMattéoilyaencorequelquesinstants,lesyeuxécarquillés,maisilneditrien.Ilsembledigérerl’informationet,contretouteattente,ilhochelatêteetmeprendlamain.Cesimple geste finit par faire tomber tous les remparts que j’avais dressés autour de moi pour meprotéger.

—Jet’airaconté,commentmavieavaitsombrédanslaviolence,dis-jeenplongeantmonregarddanslesien.Tun’aspasidéedeshorreursquecemonstrenousafaitendurer.

—Cassie?ditdoucementMattéoquejen’aipasentenduserapprocherets’installersurlatablebasse.

—Çavaaller,réponds-jeàsaquestionimplicite.ToutadérapéquandFranckaperdusontravail.Celaacoïncidéavec ledépartpourMarseilledeMattéo. Il acommencéàboire,à traînerdans lesbars,àfairedesreprochesàMamansansraisonparticulière,justepourleplaisirdelarabaisser.Etpuis,unjour,larabaisserneluisuffisaitplus,etilaajoutélescoupsauxparolesblessantes.Malgrél’alcool,cetenfoiréatoujourspenséànousfrapperàdesendroitsdiscrets,afindenepaséveillerlessoupçons.

—Pourquoinevousêtes-vouspasenfuies?medemandeNoah.—Oupourquoinepasêtrevenuesm’enparler?ajouteMattéo.—Tuétaisjeune,Mattéo.Tunepouvaisrienfaire.Ils’enseraitprisàtoi,aussi.Nousavonsdéjà

eucettediscussionàmaintesreprises…JemetourneversNoahetcontinuemonrécit.—Lapremièrefoisqu’ilalevélamainsurmoi,dis-jefébrilementrevivantceshorriblesimages

enpensée, jem’étais interposéepour nepas qu’il fassemal àMaman.Quand il a vuquemevoirsouffrirluifaisaitencoreplusdemalquelorsqu’ils’enprenaitdirectementàelle…celal’acomblédejoie.Cesalopardprenaitsonpiedànousvoirsouffrir.Ladeuxièmefoisoùilm’afrappée,Mamans’estinterposéeàsontour…Ilnel’avaitpasloupée…Quandilestpartipour,soi-disant,trouverduboulot,Mamanapréparénosaffaires,biendécidéeàfuirleshorreursdenotrefoyer.

—Maiscommentsefait-ilquevousnesoyezjamaisparties?demandeMattéo,retenantàgrandpeinesacolère.

—Ilestrevenuplustôtqued’habitudeetnousatrouvéesdanslehall,prêtesàpartir.Ilssesontdisputés.Ilasaisiuncouteaudanslacuisineetamenacédemevioleretdem’égorgersoussesyeux,sielleessayaitdefranchirlaporte.Mamann’aplusjamaiseulecouraged’essayerdes’enfuiraprèsça,dis-jeenessuyantmeslarmesrageusementdureversdelamain.

—Tun’espasobligéedecontinuer,monange.Aveccequetuviensdemedire,jecomprendsquetuaies tuécemonstre.Untypecommeluineméritepasdevivre!crache-t-ilencontenantàgrandpeinelaviolencedelacolèrequesusciteenluimonrécit.

—Si,si, jedoiscontinuer.Jeveuxquevousconnaissieztouslesdeuxmonhistoire.Jeneveuxplusdesecrets.Jeveuxallerdel’avant,etjepensequec’estlaseulefaçond’yarriver.Etpar-dessustout,jeneveuxpasqueCathyteraconten’importequoi,sansquetuneconnaissemaversion.

Noahlâchemamain,passesonbrasautourdemonépauleetm’embrassetendrement.—Ellepeutracontertoutcequ’elleveut,machérie.Seulstesproposontdelavaleuràmesyeux.

Tout ce qu’elle pourra dire ne signifiera jamais rien, tu comprends ? Ce n’est pas le meilleurmoment,etcertainementpasenprésencedetonfrère,mais…Jesuisentraindetomberamoureuxdetoi, Cassandra. Je veux connaître ton passé, être celui qui t’aidera à avancer, pour reprendre tesparoles…Chaquejourquejepasseàtescôtésmefaittomberunpeuplusamoureuxdetoi,monange.

Je ne retiens pas les larmes de joie que me procure cette déclaration. Je tombe, moi aussi,amoureusedeluiunpeupluschaquejour,etlà,maintenant,jenepourraisl’aimerquedavantage.Je

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suis incapable d’exprimer avec des mots ce que je ressens. Aussi, je fais la seule chose que j’aivraiment envie de faire et je l’embrasse de tout mon être. Un raclement de gorge deMattéo meramènesurTerreetjem’écartedeNoahdontleregardn’ajamaisétéaussipétillantqu’àcetinstant.

—Lanuitoùtoutadérapé…JemesouviensqueMamann’étaitpasvenuemebordercommeàsonhabitude.J’attendaispatiemmentdansmonlitqu’ellevienne,commetouslessoirset,quandelleestenfinarrivée,elleestmontéedansmonlit,m’aprisedanssesbrasets’estmiseàpleurer.Quandjemesuis réveillée,Mamann’étaitplusdansmon lit, et j’entendaisdescrismontantde lacuisine.J’avaispeur,j’étaisterrorisée,jesentaisquequelquechosen’allaitpas…C’étaitpirequed’habitude.J’avaisvraimentuneterriblesensation…

Jereprendsmonsouffleetmesesprits.C’esttellementdifficilepourmoiderevivrecettejournéeetde la raconter.Jeregardemonfrèredont lesyeuxsont remplisde larmes.Jen’aimepas levoirsouffrir.Ilattrapemamainetenlacesesdoigtsauxmiens.Parcesimplegeste,ilm’insufflelaforcedepoursuivremonrécit.

—Je suis allée dans la cuisine en essayant de faire lemoinsdebruit possible…Je savais queMaman cachait un téléphone de secours dans un des tiroirs. Il fallait que j’appelle la police, je nepouvaisrienfaired’autre.

—C’étaitlameilleuresolution,merépondcalmementNoah,d’unevoixfébrile.—Oui,jesais…Jesuisentréedanslacuisine.Ilyavaitduvinpartoutparterreetdeséclatsde

verre.Ilfaisaitnoir,jenevoulaispasallumerlalumièreetrisquerdemefairedémasquer.Jen’aipasvulesmorceauxdeverreausolet jemesuisentaillés lespieds.Jemerappellequeçafaisaitmal,mais la douleur n’était pas importante, je n’avais qu’une idée en tête : « il faut que je sauveMaman»…

Mattéorelâchemamainetselèvebrusquement.Jecroisquec’enesttroppourlui.Pendantdouzeans, je n’ai jamais réussi à lui conter ce qui c’était passé ce soir-là.Aujourd’hui, les vannes sontouvertes et je ne peux plusm’arrêter. J’ai besoin de leur raconter, qu’ilsme comprennent…Oui,Franckestmort…Maisnon,jenesuispasunemeurtrière,seulementunevictimequis’estdéfenduecontresonbourreau!JelaisseMattéodigérerunpeulesinformationsquejeviensdeluiconfier.Iltourneenronddanslesalon,enjurantentresesdents,puisilvadanslacuisineetrevientavecdesbières.Ilnousenoffreuneàchacunetseréinstallesurlatablebassetoutenvidantlamoitiédelasienned’unetraite.

Mes larmesroulent toujourssurmes joues,maisellesmefontdubien, j’ai l’impressionqu’unénormepoidscomprimaitmoncœuret,maintenantquejemeconfieenfinàmonfrèreetNoah,unprofond sentiment de sérénité m’envahit. Je dois néanmoins aller jusqu’au bout de mon histoire,arrêterdetairelesnon-dits.Plusquejamais,jedoisconserverenmémoirequesilaviem’aabattue,j’aidécidédemerelever!

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Chapitre31

Noah resserre son étreinte etm’embrasse la tempeenmemurmurant denepas continuer si jen’enaipasenvie.Jeluisouristendrementencaressantsonvisageduboutdesdoigtsetjeplongemonregarddanslesienpourqu’ilpuisseylireladéterminationquim’habite.Jereprendsuneprofondeinspirationetmeremetsàparler.

— Quand j’ai réussi à attraper le téléphone, j’ai fait de mon mieux pour ne pas me fairesurprendreetj’aiessayéderegagnerlaportedelacuisinemenantaugarage,maisuncriperçantarompulesilence,metétanisantinstantanément…CesalaudétaitentraindefairedumalàMaman,etmoncœurnepouvait le supporter.Soudain, la lumièrede lacuisinem’aaveuglée.Franckm’avaitrejointe,unairmauvaissurlevisageetuncouteautachédesangàlamain.

NoahetMattéoserrentlesdents.Jesenslatensionémanantdeleurscorps,unefureursansnomlesenvahir.Jeconnaiscettesensation;jelarevistouteslesnuitsdansmescauchemars.

—Ques’est-ilpassé,monange?Commentas-tufaitpourt’ensortir…Ettamère?Mattéo secoue la tête.Des larmes roulent aussi sur ses joues.Mon cœur se serre. Je prends sa

maindanslasienneetlaserredetoutesmesforces.—Àcemoment-là,elleétaitinconscientedanslesalon…Franckm’aprojetéeausol,matêtea

violemmentheurtélecarrelage.Ilacommencéparmefrapper…Unviolentfrissond’horreurmeparcourtl’échine,meslarmescoulentdeplusbelle,maisjene

doispaslâcher.—Ilm’afrappée,encoreetencore,etquandj’aicessédemedébattre,presqueassomméeparses

coups, il a décidé demettre samenace à exécution. Je ne sais pas trop comment cela s’est passé,j’étaispresqueinconsciente,maisladouleurquej’airessentiequandilestentréenmoim’aarrachéuncristrident.Jepréféraisqu’ilmetueplutôtquedesubirça.Ilamissamainsurmaboucheetilacontinuéjusqu’àcequ’ils’écroulesurmoncorps.Ensuite,ilm’amisuncoupdepoingetj’aiperduconnaissance…

—Jelesavais!hurlesoudainMattéo,lividederage.Putain!J’enétaissûr,qu’ilt’avaitviolée!Merde,Cassie!Pourquoitunemel’aspasdit,avant,mapuce?

—Çan’auraitrienchangé,Matt,lemalétaitfait…—J’auraisputesoutenirdifféremment,Cassie.Tun’avaispasàsupportertoutçatouteseule.—Jen’étaispastouteseule,leDrR.connaîttoutemonhistoire.Ilaétéd’unénormesoutien.—Tunelevoisquedepuisl’âgedequinzeans.Tuesrestéecinqansàgardertoutcettemerdeen

toi…Putain,jesuisunfrèreindigne,jusqu’aubout!—Jet’interdisdedireça,tum’entends?Tun’asjamaisriensu,carnousavonstoutfaitpourque

tun’ensachesrien,Matt.UnefoisFrancketMamanmorts,àquoibontefairesouffrirenteracontanttoutesceshorreurs?Àrien!Et,avantaujourd’hui,jenemesentaispaslaforcedetouttedévoiler.

—Maispourquoi,bonsang?—Parcequej’avaishonte,dis-je,d’unetoutepetitevoix.J’avaishontedenepasavoirréussià

sauverMamanetl’avoirlaissénousfairedumal.Noah s’écarte lentement de moi en embrassant mes cheveux au passage. Puis il me pousse

légèrement en avant. Mattéo se laisse tomber à genoux au sol et me prend dans ses bras. Nouspleurons tous les deux, dans les bras l’un de l’autre, laissant exploser l’ampleur de notre chagrin.Mattéom’embrasse sur la joue et se remet à sa place.Noah nous regarde tour à tour, des larmesperlantaucoindesesbeauxyeuxbleus,etilrepassesonbrasautourdemesépaules.J’essaiedeluisourire,maisjen’arrivequ’àgrimacer.

—Ensuite, jemesouviensm’êtreréveilléeetd’avoirentendule«Ploc»desgouttesd’eauquitombaientdurobinetdelacuisine.Jen’arrivaispasàmetenirsurmespiedsetj’airampéausolpour

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retrouverMaman.Elleétaitinconscienteetrespiraitàpeine.Jevoulaislasauver,vraiment,dis-jeenregardant Mattéo, mais je ne savais plus quoi faire. J’ai essayé de m’enfuir, mais il est encoreréapparu.Onauraitditqu’ilguettaitmonréveilpourmechassercommeunanimalsauvage.J’étaiscomplètementterrorisée.Ils’estjetésurmoietm’aprojetéecontrelemur,etiladit«Maintenant,finidejouer!»Ils’estpenchéaudessusdeMamanet,avantmêmequejepuisseréagir…ilaplantésoncouteaudanssonventre.Mamanahurlédedouleur.Jemesuisfaitviolencepourmelever,maisilcontinuaitd’enfoncerlecouteau,encoreetencore…Jemesuisjetéesurlui,jel’aitapé,mordu,tirépar les cheveux… Nous avons roulé au sol. Il a lâché son couteau, j’ai réussi à l’attraper lapremière…

Jereprendsmarespiration,j’ail’impressionderevivrelascènecommesitoutcelas’étaitpassélaveille.Ilfautquej’ailleauboutdemonrécit.

—Ils’estmissurlesgenouxetquandils’estjetéànouveausurmoi,leseulréflexequej’aieuc’estdetendrelecouteauenl’airetils’estempalédessus.Ils’esteffondrésurlecôtéetaroulésurleventre,lalameducouteaus’enfonçantencoreplusprofondémentdanssoncœur…Dansunélandûàlaforcedudésespoir,j’airéussiàmerelever,j’airécupéréletéléphoneetj’aiappelélapolicequim’aditqu’ilsenvoyaient immédiatement lessecours.JesuisalléeretrouverMaman.Sarespirationétaitdifficile.Ilyavaitdusangpartout…Jen’arrêtaispasdepleurer,alorsqu’elles’efforçaitdemesourire malgré la douleur. Elle a murmuré qu’elle nous aimait, Mattéo et moi, plus que tout aumonde,qu’elleétaitfièredenous…Etpuiselleafermésesjolisyeuxvertspourneplusjamaislesrouvrir,dis-jeenterminantmonrécitenlarmes.

LorsquejerelèvelatêtepourregarderNoahetMattéo,tousdeuxontdeslarmespleinslesjoues.Mattéoparcequ’il découvre enfin leshorreursque je lui avais cachées et lesdernièresparolesdeMaman;Noah,lui,découvrequejesuisbeletbienlajeunefemmepauméequejeluiavaisditêtre.Pourtant,jenelisnuldégoûtdanssonregard.Aucontraire,jeressensuneprofondetendressedanssesyeux.

—Cemonstren’aeuquecequ’ilméritait!ditalorsNoahd’unevoixdouce.Cethommevousafaitvivrel’enfer.Tun’espasunemeurtrière,monange.Tuesunehéroïne!Tuasbattucemonstre.Tun’asmalheureusementpasréussiàsauvertamaman,maistut’essauvée…Toi!C’esténormepourunepetitefilled’àpeinedixans.

—Jesuisentièrementd’accordavecNoah,Cassie.Tuauraisdûteconfieràmoibienavant.J’aitoujourssuaufonddemoiqu’ilavaitdûsepasserquelquechosed’affreux,maisjamaisjen’auraispuimaginerlecalvairequevousavezvécu,touteslesdeux.

Mattéome tient toujours fermement lamain,pendantqueNoah resserreencore sonétreinte. Jesuisentouréedesdeuxhommesquicomptentleplusàmesyeux,etaucundesdeuxn’estchoquéetn’ahontedemoi,maintenantquejeviensdeleurrévélermonsecret.

Racontermonhistoireestlachoselapluséprouvantequej’aiejamaiseuàfaire,maismaintenantjepeuxappréhenderlaviedifféremment.Cathyetsesmenacesnemefontpluspeurdésormais,etjen’aiplusrienàcacheràNoah.Aujourd’hui,jesuisentouréededeuxhommesmerveilleux,l’unestmonrocdepuistoujoursetl’autreestentraindedevenirl’hommedemavie,j’ensuisconvaincue.

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Chapitre32

J’ouvre les yeux avec un sentiment de plénitude absolue.Hier, j’ai réussi à franchir une étapeimportantedansmavie. Jeme suis enfin libéréedemesdémons.Et, pour la première fois depuisdouzeans,jemeréveillesansmerappelernirêvesnicauchemars.LebrasdeNoahentouremataille,sarespirationestencorecalme,ildorttoujoursprofondément.

Aprèsmaconfession,Mattéoest allé acheterdesplats chinoisquenousavonsmangés tous lestrois assis autour de la table basse avant d’aller directement nous coucher. Ces révélations nousavaiententièrementvidés.

Jemedécalelégèrement.Noahmarmonnequelquechosedanssonsommeiletseretourne.J’enprofitepourm’asseoiretattrapermontéléphonepourregarder l’heure :7h27.Quoi?Nousallonsêtreenretard,sinousnenouslevonspasimmédiatement!Maisjen’aipasenviedeleréveiller…Etsi,aprèsunenuitdesommeil,ilrévisaitsonjugement?Ilt’aditqu’ilt’aimait,alorsqu’ilsavaitdéjàquetuavaistué,Franck.Ilnes’estpasenfuiencourant…

— Bonjour, mon amour, dit Noah, d’une voix rauque encore ensommeillée, me sortant demespensées.

Jetournelatêteetledécouvre,installésurlecôté,satêteappuyéesursamaingauche,sonsouriremalicieuxauxlèvres.Qu’est-cequ’ilestbeau!Ledrapluitombejusteauniveaudel’élastiquedesonboxer,m’offrantunevueimprenablesursesabdosparfaitementdessinésetsapeaulégèrementhâlée.Jevoisunebossedéformerlesdraps,rougisviolemmentetrencontresesyeuxpétillantdemalice.

—Bonjour,mon chéri, finis-je par répondre, légèrement embarrassée de l’avoir ainsi dévorédesyeux.

Ilseredresse,s’assoitàmescôtésetm’embrassetendrement.—Tuasbiendormi,monange?—Mieux que bien. Je neme rappelle d’aucun rêve, ni cauchemar. Je neme suis jamais sentie

aussibiendepuisuneéternité.—J’ensuisheureux,Cassandra,dit-ilavantdem’embrasserencoreunefois.—Nousdevrionsnouslever.Ilesttard,nousallonsêtreenretard.—Ahoui?Etquicelava-t-ildéranger,monange?JesuisleP.-D.GdeDesign&Co.Personne

n’oseramefairelamoindreremarquesij’arriveenretard.Quantàtoi,tantquetuesretardparcequetuesavecmoi…Jenevoispaspourquoijetelereprocherais.

—Neserait-cepasunesorted’abusdepouvoir,MonsieurBeckham?—Certainement,MademoiselleLacour.Yvoyez-vousunquelconqueinconvénient?—Àvraidire…aucun,dis-jeenriant.Jel’embrasseunedernièrefois,puisjemelève,toujoursenriant.Noahmesuitduregard.Jeme

retournetoutensaisissantlapoignéedelaporte,etluisouffleunbaiseravantd’entrerdanslasalledebain.Unefoismadoucheprise,j’enfileunpantalonnoiràpinces,unchemisierfleuri,etunepaired’escarpins.Jemetsdelamoussedansmescheveuxpourredonnerdupepsàmesboucles,appliqueunetouchedemascaraetunjetdeparfum.Mevoilàfinprêteàdémarrerlajournée.Ilnemeresteplusqu’àprendremonpremiercafé!

J’arrive dans la cuisine et découvre Mattéo et Noah, en train de boire leur café accoudés aucomptoirdelacuisineetdiscutantcalmement.Noahs’estluiaussidouché,sescheveuxsontencorelégèrement humides. Il porte un des rares costumes de mon frère, mais il est aussi craquant quelorsqu’ilestvêtudesoncostumedegrandcouturier.J’arriveàleurhauteur.Ilsseretournentetmesourient,gonflantmoncœurd’unpeuplusd’amourpourchacun.

*

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* *

Uneheureplustard,Noahgaresavoitureàquelquesmètresdel’entréedel’immeubledeDesign&Co.Nousnoussommesmisd’accordpendantletrajet.Nousallonsnousmontrerprogressivementensemble et nous confirmerons les rumeurs si quelqu’un nous pose la question. Pas questiond’arriverbras-dessusbras-dessous,tantquejen’auraipasparléàBarbara.Jel’embrasseunedernièrefoisetsorsdelavoiturelapremière.

J’avancedans la rue, le sourireaux lèvres.LaPimbêchepeutvenirme raconter toutcequ’elleveut, jesaisqueNoahmesoutientetque jen’ai rienfaitdemal.J’entredans l’immeubled’unpasdécidé, traverse le hall et prends les ascenseurs. Lorsque je pénètre dans l’openspace, tous lesemployéssontàleurposte,etBarbaraestdéjàautéléphone!Jesaluelespersonnesquejecroisesurmonpassage,enavançantjusqu’àmonbureauetfaissigneàBarbaradevenirmerejoindre.

—MonDieu,Cassie,çava?Tuesmalade?Tun’esjamaisarrivéeenretard!Toutvabien?—Ducalme,Barbara,jevaistrèsbien.—Tunepeuxpasimaginercommej’aieulatrouillecematinquandj’aivuquetun’étaispaslà!

J’aieupeurqu’iltesoitarrivéquelquechoseparrapportàlalettre.— Je pense avoir élucidé le mystère de l’expéditeur inconnu, mais ce serait trop long à

t’expliquermaintenant.Quedirais-tudemangerdehors?Noahm’a fait connaîtreun restaurantoùnousnerisquonspasd’êtredérangées.

—O.K.,çamarche.Maisjeveuxtoutsavoir,absolumenttout!medit-elleenfronçantlégèrementlessourcils.

J’acquiesce d’un hochement de tête et nous nousmettons directement à travailler. Pas le tempsd’aller prendre mon café du matin, je suis arrivée bien trop à la bourre pour cela. J’ouvre monordinateuretconsultemesemails.J’enaidéjàundeNoah.

«Coucoumonange,As-tudéjàparléàtonamie?»

Jeluirépondsimmédiatement:

«Nonpasencore,jeluiaiproposédemangerauVieuxParisàmidi.J’enprofiteraiàcemoment-là.Pourquoicettequestion?»

Saréponsenetardepasàarriver,etunimmensesouriresedessinesurmeslèvres.

«Parcequej’aiuneirrésistibleenviedevenirt’embrasser…»

Je refermemamessagerieetpréfèrenepas lui répondre. J’ai l’impressiond’êtreune lycéenneéperdued’amourpourlequaterbackd’uneéquipedefootballaméricain,commedanslessériestélé.Noahfaitnaîtreenmoiuntasdesentimentsdontjenesoupçonnaismêmepasl’existenceavantqu’ilentredansmavie.

Jedécidedemejeteràcorpsperdudansletravail,sanspensertouteslesdeuxsecondesàNoah,nià la conversationquim’attendavecmonamie.Comment réagira-t-elle endécouvrantque je lui aimenti?Queva-t-elledirequandelleapprendraquejesorsavecMonsieurBeauGosse?

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Chapitre33

13heures.Nous arrivons auVieuxParis.Arthur, le restaurateur, est fidèle à son poste et nousouvrelaporteensouriant.

—MonsieurBeckhamvousrejoint,mesdemoiselles?—Non,Arthur,nousneseronsquetouteslesdeux,luiréponds-jeavecunsourire.Iltraverselasalleenannonçantleplatdujouretnousinstalleàunetableunpeuàl’écart,nous

offrantl’intimitédontnousavionsbesoinpourcetteconversation.Nouscommandonstouteslesdeuxleplatdujour,etilrepartencuisine.

—Bon,Cassie,jenetiensplus.Vas-tuenfinmedirecequisepasse,bonsang?!?—Parquoiveux-tuquejecommence,labonneoulamauvaisenouvelle?—Labonne!Non!Lamauvaise…Commenceparlamauvaise.Je lui raconte alors que j’ignore toujours l’identité de l’expéditeur de la lettre, mais quemes

soupçonsmemènentàpenserqu’ils’agiraitdelaPimbêche.—Quoi?Cathy?Non!Maisdequelhommeparle-t-elle?MonsieurBeauGosse?—Enfait…jepensequ’elleconnaissaitmonbeau-père.—Quoi ? Non,mais je rêve ! On se croirait dans un épisode desFeux de l’amour, avec ton

histoire.Comment?Cesalopardpourraitêtrel’amourdesavie?—C’estlaquestionàdixmillions,Barb.Jen’aipasencorerésolucemystère,maistoujoursest-il

quej’ail’intimeconvictionquecemessageestliéàlui.MattéoetNoahsechargentdeserenseignerdeleurcôté.

—Euh…Excuse-moide tecouper,mais tuasbienditque«Noah», leMonsieurBeaugosse,notrepatron,allaits’enoccuper?Il…Ilconnaîtl’existencedeFranck?

Je rougis violemment et me mords la lèvre inférieure. Barbara écarquille les yeux, tel unpersonnagedecartoon.

—Tuterappellesquejet’aiditqu’ilyavaitunebonneetunemauvaisenouvelle?Ellenerépondpasetsecontentedehocherlatête,attendantlasuitedemonrécit.—Ehbien…Tuavaisraison,hier.Jetecachaisbienquelquechose.JesorsavecNoah…—Oh,punaise !s’écrie-t-elle.J’étaissûreque tumecachaisquelquechose,maisde lààsortir

avecleP.-D.G!?Jenevousconnaissaispassouscejour,MademoiselleLacour,dit-elleenpouffant.—Jenevoulaispasenparleravantdesavoiroùnousallions.Maisnotrerelationprendunetelle

importancedansmavie…Barbara…Noahconnaîttoutdemonpassé.—Tout?Mêmecequetunemedispasdepuisletempsquej’essaiedeteconvaincredet’ouvrirà

moi?Àmontourdehochersimplementlatête.Jeprendsmonverre,boisunegorgéed’eauetlaissele

tempsàBarbarad’assimilertoutcequejeviensdeluiraconter.Unserveurarriveavecnotrerepasetnous commençons à déjeuner en silence. Barbara n’arrête pas de me lancer des regards appuyésauxquelsjerépondspardelégerssourires.

—Vas-y,Barb, pose-moi la question qui te brûle les lèvres. Je vois que tu as unmal fou à teretenir.

—O.K.Tuasditquevotrerelationprenaitdel’importance.Vousavezdéjà,euh?J’éclate de rire etmanque dem’étrangler avecmonmorceau de viande.Barbara, quant à elle,

attendmaréponseavecuneimpatiencenondissimulée.—Non,Barbara.Nousn’ensommespasencorelà…—Mais?—Noussommesentraindetomberamoureux.—Oh, ma puce, ça me fait tellement plaisir d’entendre ça ! Bon, j’avoue que je suis un peu

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jalousedesavoirquec’estdanslesbrasdeMonsieurBeauGossequetuastrouvélebonheur,maistulemérites!Vraiment,Cassie.

Jeluisourisfranchement.Celaneservaitfinalementàriendem’angoisser.Barbaraestmonamieetmesoutient.Jemerendscomptequ’ilsuffitseulementdes’ouvrirauxautrespourquelavievoussourieàsontour.

14 heures. Nous regagnons le siège deDesign & Co et croisons la Pimbêche dans le hall del’immeuble.Ellenousgratified’unregardhaineuxavantdetournerlestalonsetdes’engouffrerdansl’ascenseur. Nous faisons comme si nous n’avions rien remarqué, l’ignorance est lemeilleur desmépris, et cette sorcière ne mérite pas qu’on lui prête attention. Elle peut colporter à qui veutl’entendredes ragots surNoah etmoiou sur lamort dumonstre, je n’en ai plus rien à cirer.Lespersonnes chères à mon cœur connaissent désormais toute la vérité. C’est la seule chose quim’importe.

** *

18heures30.Barbaras’apprêteàpartirpoursoncoursdeZumbaquandquelqu’un frappeà laportedemonbureau.Ellem’embrassesurlajoueetrécupèresonsacàmain,puisvaouvrirlaporte.

—Oh…Bonjour,MonsieurBeckham,minaude-t-elle.—Bonjour,Barbara,luirépondNoahavecunlégersourire.Mon amie se trémousse comme une lycéenne et me lance un dernier regard lourd de sous-

entendusavantdenouslaisserseuls.Noah entre dans mon bureau et referme la porte derrière lui. Ses yeux bleus rencontrent les

miens,etjemesenshappéeparcetocéanremplidepromesses.Ilavanceversmoiàpasdeloupsanscesserdesourire.Lorsqu’iln’estplusqu’àquelquescentimètresdemoi,ilpassesonbrasautourdemataille,m’attireàluietm’embrassepassionnément.

—J’enavaisenviedepuislemomentoùtuasquittémavoiturecematin,monange,medit-ilensedétachantlégèrementdemoi.Tuasparléavectonamie?

—Oui.Jeluiaitoutdit.—Danscecas,suis-moi,dit-ilenmeprenantlamain.—Attends,Noah,monsac!dis-jeenriant.Ilmesouritetattendquejelerécupère,puisilm’entraîneàsasuitedansl’openspace.—Maisquefais-tu?—Jeteramènecheztoi,merépond-iltoutnaturellementenappelantl’ascenseur.—Ettuesobligédemetenirparlamainpourcela?— Tu voulais attendre que Barbara soit au courant pour qu’on officialise notre relation, ma

chérie.Maintenantquetuleluiasdit,riennenousempêchedemarchermaindanslamaindanslescouloirs.Enplus,laplupartdesemployéssontdéjàpartis,àcetteheure-ci.

Nous prenons l’ascenseur en nous racontant notre journée, mais celui-ci s’arrête à l’étage dudessous, ouvrant ses portes surMadame Pimbêche en personne. Lorsqu’elle nous découvre,maindanslamain,jesensunecolèrefroides’emparerd’elle,mais,commetoujoursenprésencedeNoah,elle se compose immédiatement un masque jovial et le salue de sa voix la plus mielleuse avantd’entrerdansl’appareil.

L’ascenseurreprendsadescentedansunsilencepesant.J’essaietantbienquemaldegardermonsang-froid.J’aimeraisl’obligeràparlerenprésencedeNoah,qu’ellemedisecommentelleconnaîtFranck.Maisquemeveut-elle,àlafin?

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Sansm’enapercevoir,jeserreunpeuplusfortlamaindeNoah.Ilchangedepositionetsemetfaceàmoiet,desamainlibre,ilm’obligeàcroisersonregardensoulevantmonmenton.

—L’ignoranceestlemeilleurdesmépris,monange.Concentre-toisurmoi,seulementmoi,dit-ilenchuchotantetplongeantsonregarddanslemien.

L’ascenseurarriveenfinaurez-de-chaussée.Lesportess’ouvrentetCathyquittel’habitacled’unpasdécidéenfaisantclaquerseshautstalonssurlemarbre.Elleouvrelaported’entréeetseretourneunedernière foisen la franchissant.L’expressionqu’ellearbore lorsquesonregardcroise lemienmeglacelittéralementlesang…

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Chapitre34Noah

Etdirequej’auraispuluiévitertouscesdrames…Siseulement,j’avaisécoutémoninstinctquimedisaitquequelquechoseclochait.

Cetété-là…

** *

Je joue dans le parc tout proche de la maison que mes parents ont louée pour nos vacancesparisiennes.Noussommesarrivésilyaquinzejours,etj’aitoutdesuitescelléuneamitiéavecEnzo,un jeunedu coin, et tous les jours nousnous retrouvonspour jouer au foot. Lorsque j’emprunte lechemin quimène au square, je croise régulièrement cette petite fille. Elle doit tout juste avoir unedizained’années,maisellesemblelasse,fatiguée,commesiellecachaitdeterriblessecrets.

À chaque fois que je la vois, mon cœur se serre. Je ne sais pas si je me fais des films ou si,vraiment,elleabesoind’aide.Maiscommentl’aider?Jenemevoispasallerverselleetluidire:«Eh,fillette, tuasdesproblèmes?»Ellemeprendraitcertainementpourunfou,Enzoaussi,etilsauraientsûrementraison.

Alorsjemecontentedelaregarderpasserdevantmoi,sesbellesbouclesretombantdanssondos,sasilhouettesvelte,sesjouesrosies.Elleestd’unebeautéépoustouflante,ondiraitunangetombéduCiel.

Enzolanceleballonunpeutropfortetjevoisquelafillettevaseleprendreenpleinetêtesijenel’interceptepas lepremier. Jem’élance et saute en exécutantungrandécartdigned’unedanseuseétoile et touche le ballon de la pointe du pied, le déviant légèrement de sa trajectoire. Je retombelourdement au sol, tourne la tête pour vérifier qu’elle n’a rien et croise pour la première fois sonregard.Sesyeuxsontd’unverttrèsclairetmecaptiventinstantanément.Elleaunregardd’unetelleintensitéquejepourraisjureravoirleslarmesauxyeuxenplongeantmonregarddanslesien.

Un homme arrive à sa hauteur en hurlant et la fait sursauter, rompant notre échange muet ettroublant.Ill’attrapeparlebras,ellegrimace,etill’entraîneàsasuite…

** *

Jusqu’à laveilledemondépart, jen’ai faitqu’apercevoir lapetite fille.Cesoir-là, jesuisallépassermadernièresoiréeavecEnzo.Noussommesallésaucinéma,puisboireunebièreendouceausquare.Nousavonsfiniparfairelesidiotssurlescagesd’écureuilsdestinéesauxenfantsdemoinsdedixans.NousnousprenionspourTarzan; labièrenedevaitcertainementpasaméliorernotreétat.Monpiedaripésurunebarreetj’aifiniauxurgencesaveclebrasgauchecassé.Jemerappelleraidecejour-làtoutemavie.Pasàcausedeladouleurouparcequejemesuiscassélebras,non…parcequejemerappelleraitoujourssonregard…

J’étaisassissurunbrancardaumilieudesurgences,quandlespompierssontarrivés,entourésdepoliciers.L’und’euxportaitlapetitefilleduparcdanssesbras.Elleétaitcouvertedesang…Ellenepleuraitpas,maisétaitcomplètementenétatdechoc.

Lepompier l’aposéedélicatement surunbrancard, non loindemoi.Elle tremblait de tout soncorps,sesjouesétaientbaignéesdelarmes,sabouchehurlaituncrimuet.Malgréladouleurdemonbras et lemonde autour demoi, jeme suis levé, j’ai poussé un pompier quim’a demandé d’aller

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m’asseoiràmaplace,maisjenel’aipasécouté.Jesuisalléjusqu’àelle…J’aisoulevésonmentonetj’aicroisésonregard…Ilétaitperdu,vide…éteint…J’enfustellementbouleverséquejel’aiprisedans mes bras et l’ai serrée contre mon cœur. Cette fillette venait vraisemblablement de vivre unvéritable cauchemar et jamais, dema vie entière, je ne pourraime pardonner de ne pas avoir osél’aborder.

Jamais,jen’oublieraicettepetitefille…

** *

Dèsque je l’ai vue, j’ai su que je l’avais retrouvée…Ledestin, l’a irrémédiablement conduitejusqu’àmoi…

C’était lepremierjourdetouslesstagiaireset,commeàchaquefois, j’avaisfaitorganiseruneréunion d’information que je présidais, accompagné d’Emerson, mon bras droit. Ils étaient unequinzaineàseprésenter,cematin-là.MaisquandCassandraafranchilaporteetacroisémonregard,j’aiimmédiatementeulesoufflecoupé.

Jen’aijamaisoubliélevertinéditdesesyeux,sesboucleschâtainsetsonteintdeporcelaine.Lapetitefilleduparcétaitdevenueunesplendidejeunefemme.

Pendant les quinze premiers jours, j’ai fait tout mon possible pour rester éloigné d’elle.J’ignoraissielleallaitsesouvenirdemoiet,sic’étaitlecas,quelleseraitsaréaction.Etpuisjel’aicroiséedansl’ascenseur.J’aivusesdémonsladéchirersansrelâchetellesdesharpies,j’airessentil’immensitédesonmal-être,commelorsquejel’aiaperçuelapremièrefoisdansleparc.

C’estàcemoment-làque j’aicomprisque j’étais foutu.Nonseulementelleéveillaitenmoiunbesoinurgentdelaprotéger,maissabeautéetsadouceurontfrappémoncœurdepleinfouet.Jen’aijamais cru au coup de foudre. Pourtant, c’est bel et bien ce quim’est arrivé. Je pense que, d’unecertainefaçon,moncœurl’atoutdesuitereconnue.C’estelle…

** *

Elles’estenfinouverteàmoi,et…Putain!Jesuisdansunecolèrenoire!J’auraisdûécoutermestripesquim’intimaientd’intervenir.Au lieudeça, j’aipermis…pire ! J’aidonnéàcemonstre lesmoyensdeluifairesubircemartyr.Etellenelesaitpas!Commentréagirait-ellesielleapprenaitque j’auraispuéviter cedrameenenparlant àmesparents ?Nousaurionspucontacter lapolice.Mêmesijeneconnaissaispassonnom,avecsadescriptionetl’endroitoùelletraînait,ilsauraientpul’identifieretinterveniravantl’irréparable.Maintenant,jedoistrouverlecouragedeluiavouerquejel’aidéjàrencontrée.Ellesemblenepassesouvenirdemoi,maissijamais,unjour,elleavaituneillumination,ellepourraittrèsmalinterprétermonsilence…Jepourraislaperdrepournejamaislaretrouveretcetteseuleidéem’estinsupportable.Jen’ysurvivraipas.

Jenerépéteraipasleserreursdupassé,enlaissantCathydétruireCassandrasciemment,jenelepermettrai pas. Je ne sais pas ce que cette bonne femme a dans la tête,mais le regard que je l’aisurprise à lancer à Cassandra neme dit rien qui vaille. Il faut à tout prix que nous élucidions cemystère. Je l’empêcherai de saccager les progrès immenses que la femme dont je suisirrémédiablementtombéamoureuxvientdefaireensipeudetemps.J’ymetsunpointd’honneur!

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Chapitre35Cassandra

Nous sortons à notre tour de l’immeuble. Noah me tient par la main, son adorable souriremalicieuxauxlèvresetm’entraînejusqu’àsavoitureetnousmontonsàborddelaluxueuseberline.JesuistoujourstroubléeparleregarddelaPimbêche,mais,lorsqueNoahrefermesaportièreetsetourneversmoi…plusriend’autreaumondenecompteàpartcethomme.

Ilcaressemonvisageduboutdesdoigtset repousseunemèchedemescheveux,dansungesteremplidetendressequim’apaiseinstantanément.Ilm’embrasseleboutdunez,effleuremeslèvres,puisdémarrelemoteur.

—On semoque de la Pimbêche,mon ange. Cesse de te tracasser, Cassandra, jemets tout enœuvrepouréluciderlemystèreCathy.

—Commentcela?dis-je,étonnée.—Sielle aquoique soit àvoir avec lemonstrequi te servaitdebeau-père, je comptebien le

découvrir,machérie.Tuasdéjàvaincutesdémonsettuaseutonlotd’horreursdanstajeunesse.Jenelaisseraipersonneterefairedumal,jetelepromets,monamour.

Noahm’embrasse encore une fois puis s’engage dans la circulation.Nous roulons en silence,chacunperdudanssespensées.Lorsquenousarrivonsdanslaruedemonimmeuble,iln’yaaucuneplace de libre.Noah est contraint de se garer en double file devant l’entrée, pour que je sorte duvéhicule.

—Tuveuxquejechercheuneplaceunpeuplusloinetquejeresteunpeu,monange?—J’auraisbienaimé,monchéri,maisjecroisqu’aprèsmesrévélationsd’hier,jedoisconsacrer

lasoiréeàMattéo.Tunem’enveuxpastrop?—Absolumentpas,monange.Tuastoutàfaitraison.Vousavezbesoindevousretrouver,tous

lesdeux.Celaaétédifficilepourtonfrère,hier.Onsevoitdemainauboulotdetoutefaçon.Ildétachemaceintureetpassesamainderrièremanuque.Noslèvresseretrouventetmoncœur

manque un battement.Pourquoi viens-tu de refuser qu’il reste ? Il se détache lentement demoi enplongeantsonregarddanslemien,sonsouriremalicieuxauxlèvres.Jesuisencoretroubléeparcebaiser. Je récupèremachinalementmon sac posé au sol, puis sors de la voiture. Je fais le tour duvéhicule en passant devant le capot, sans lâcher Noah du regard, puis je reviens l’embrasser unedernière fois. Il rit etme rendmonbaiser avec tendresse. Je repars en fredonnantAin’tnobody deJaehn,sentantsonregardmesuivrejusqu’àcequejerefermelaportederrièremoi.

J’arriveàmonappartement,IntoxicateddeMartinSolveigrésonnederrièrelaporte.J’entre,posemesaffairessurlemeubleetjesuislamusiquequivientdelacuisine.Mattéoestentraindecuisiner.Jereconnaisladélicieuseodeurdesasaucecarbonaraetrisenleprenantdansmesbras.

—Vraiment?Encoredesgnocchisàlacarbonara?Tuveuxmefaireprendredixkilos?—N’importequoi!Jeveuxseulementquenouspassionsunebonnesoirée.Tonplatpréféréest

unbondébut,non?dit-ilenm’écartantetmejetantunregardamusé.—C’estparfait!J’ailetempsdefileràladoucheavantdepasseràtable?—Tuasquinzeminutes,pasunedeplus!

** *

JeretrouveMattéodanslesalonvingtminutesplustard.Iladressélecouvertsurlatablebasse,amisHungerGamessurpauseàlatélé,etattendpatiemmentquejelerejoigne,assisparterreautourdelatable.Jem’assoisàsescôtésetnouscommençonsàdînerenregardantlefilm.

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Nousterminonsnotrerepasetnousinstallonssurlecanapé.Mattéon’arrêtepasdemejeterdescoupsd’œil,sansoserprendrelaparole.

—Quandvas-tutedécideràparler,Matt?dis-jeensaisissantlatélécommandeetmettantlefilmenpause.

—Jesuissifierdetoi,Cassie…Je…Jesuisépoustouflépartaforcedecaractère.Jesavaisquetumecachaisdeshorreurs,maisj’étaisloind’imagineràquelpointtavieavaitétéunenferquandjesuispartifairemesétudes.Tuasétésicourageuse,mapuce.

Àmon tour de ne pas savoir quoi dire. Je regardeMattéo, les yeux embués de larmes. À lesentendre,luietNoah,jesuisquelqu’und’exceptionnel,pourtantjen’aipasréussiàsauverMaman…Maisjemesuissauvée…Moi…

Jeremetslefilmenrouteetcalematêtesurl’épauledemonfrère.Iln’yarienàrajouter.Jemesuisenfinconfiéeàlui,sonregardsurmoiàchangermaispasdanslesensdontj’avaispeur.Jepeuxavancer sereine,même si l’ombre de la Pimbêche et ses insinuations pèsent au dessus dema têtecommeuneépéedeDamoclès.

** *

Aujourd’hui,c’est samedi, Il està lamaison. Ilnepeutpasaller faire semblantdechercherduboulot, alors il traîne dans le salon, avachi sur le divan, fumant clope sur clope et enchaînant lesverresdescotch.

Mamanetmoi,préparonsdescrêpespourlegoûter.C’estnotrepetitrituel.Pendantcetemps-là,Ilnenousdérange jamais,bien tropoccupéàsebourrer lagueuledevant la télé.Mattéoestàsonentraînementde footetnerentreraquepour ledîner.Uneenviepressanteet je laisseMamantouteseule.

Jesuisauxtoilettesetj’entendsFranckparler.Savoixestmielleuse…IlneparleplusàMamandecettefaçondepuisdenombreuxmoismaintenant,etjen’entendspasMamanluirépondre.Ilnem’apasvuepassertoutàl’heureetignoredoncquejesuisderrièrelaporteetquejepeuxl’entendre.Jefaislemoinsdebruitpossibleetmeconcentrepourécoutercequ’ildit.

— Non, je t’ai déjà dit que je ne pouvais pas faire ça maintenant… Elle et sa sale gosse necomptentpas…Ilfautd’abordquejeretrouveunboulot…Oui,moiaussi…Jedoisraccrocher…

J’entendssespass’éloigneretjerecommenceàrespirernormalement…Maisàquiparlait-il?

** *

Jemeréveilleensursautetm’assoisdansmonlit.C’étaitquoicerêve?Ai-jeréellemententenducette conversation ?Est-ce que j’imagine des choses par rapport aux insinuations deCathy ?Moninconscientmejoue-t-ildestours?Jepensaisenavoirfiniavecmescauchemars,maisilsembleraitquemesdémonsenaientdécidéautrement…

Jeregardel’heuresurmonsmartphone:6h57.Ilest tempsdemeleveretdemepréparerpourunenouvellejournéedeboulot.Mabonnehumeurdecesderniersjourss’estunpeuenvoléecematinaveccerêveétrange.IlmetardederevoirNoahetmelaisserhapperparlebleudesesyeuxetsonsouriremalicieux. Je ressens lebesoin irrépressiblede levoir, le toucher,me ressourcerdans sesbras, qu’il me rassure comme il sait si bien le faire… Il est devenu la lumière à laquelle jem’accrochepourmesortirdutunnel.

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Une heure plus tard,Mattéo etmoi sortons de l’immeuble pour prendre sa voiture et aller autravail,mais, lorsque je pousse la porte, je découvreNoah, appuyé contre sa voiture, sa paire deRayBansurlenezetsonsouriremalicieux.J’ailasensationquemoncœurestprêtàexploserdejoie.Mattéomepousseenavantpourquejelerejoigneet,l’instantd’après,jesuisàl’endroitoùj’avaisleplusenvied’êtreaumonde…Chezmoi…Danssesbras…

—Tun’imaginespasàquelpointj’avaishâtedeteretrouver,dis-jeenhumantsonodeurdevenuesifamilière.

—Ohsi…Jemel’imaginetrèsbien,puisquejesuislà,monange.

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Chapitre36

NousarrivonsdanslaruedeDesign&Co.Noahtrouveuneplacedevantl’entréedel’immeubleetsegare.Ilcoupelemoteurdelavoiture,setourneversmoi,sonregardemplidetendresse.

—Prêteàaffronterleregarddesautres,monange?—Pardon?dis-jesurprise.—Cematin,nousentronsmaindans lamain,Cassandra.Plusquestiondenouscacher.Tun’as

pasoublié?—Non…Biensûrquenon.Oui,jesuisprête,dis-jeavecunsourirelégèrementcrispé.Noahdéposeun légerbaisersurmes lèvresetouvresaportière. Je l’imiteet sorsduvéhicule.

Commelorsque jesuissortiedechezmoi,quelquesminutesplus tôt, jesuisencorefrappéepar lecharismequedégagedeNoah. Ilporteuncostumegris anthraciteque l’onpourrait croire fait surmesuretantilmetenvaleursoncorpsmusclé.Sescheveux—unpoiltroplongs—sontcoiffésenarrièreetsesyeuxbleussontencoreplusclairsquelacouleurducielcematin.Ilhausseunsourcilenmevoyant le reluquersansvergogne,et jepiqueunfardenm’enapercevant. Il laisseéchapperunrirerauquequiéveilleinstantanémentmessens.Undélicieuxfrissonmeparcourt l’échine,et jeluioffremonplusbeausourireenlerejoignant.

Il attrapemamain et m’attire vers lui, comme il aime tant le faire, puis il m’embrasse…Ohputain!sontlesseulsmotsquejesuiscapabledepenseràcemoment-là!Ils’écartedemoi,sesyeuxpétillantdemalice,puisilm’entraîneàsasuitedanslebâtiment.

** *

Lorsque l’ascenseur s’arrête au 18e étage, j’ai les mains moites et j’hyperventile. Commetoujours, Noah ressent immédiatementmonmalaise. D’une légère pression de lamain, il me faitcomprendre qu’il est là et que tout se passera bien. Je ferme les yeux et prends une profondeinspiration.Ding…Lesportess’ouvrentetj’ouvrelentementlespaupières,prêteàaffronterleregarddemescollègues.

Nousavançonsmaindanslamain,etrencontronslesvisagessurprisdeplusieursemployésquienoublientmêmedesaluerNoah.Nousnousarrêtonsdevantlaportedemonbureauetjelâchesamain.

—Tuvois?Cen’étaitpassipénible,medit-ileneffleurantmeslèvres.Ondéjeuneensembleàmidi?AuVieuxParis?

J’acquiesced’unsimplehochementdetêteetiltraverselecouloir,melaissant,commesouvent,lesbrasballantsetlecœurbattantlachamade.

** *

Les jours se suivent et se ressemblent…Depuis que nous sommes arrivésmain dans lamain,mardimatinautravail,touslesemployéssaventdésormaisquenousavonsunerelation,Noahetmoi.Il y a eu des regards lancés à la dérobée et des messes basses sur notre passage, mais, dansl’ensemble,onpeutdirequelesautrescollaborateursdeDesign&Conesontpasplusperturbésqueça,pourmonplusgrandbonheur.Parailleurs,jen’aipasrecroisélaPimbêcheet,depuisqu’elleasuquenous avions officialisé notre histoire, elle nemonte plus au 18e étage, prendre son latte. Purecoïncidence?J’endoute,maisjesuisraviedenepaslavoirpourlemoment!

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** *

Cesoir, jepasse la soiréeavecBarbara.Monamieveut absolumentquenous rattrapionsnotreretardenvisionnantà lasuite tous lesépisodesde lasérieScandal,etque je lui raconte lesdétailscroustillantsdema relationavecNoah.Lesdétailscroustillants !?Non,maisparfois,Barbarametvraimentlacharrueavantlesbœufs!Jesuisbienloindepouvoirluirapportercegenredeprécisionspourlemoment.Peut-êtredevrais-jeluidemanderconseil?Maisoui,biensûr!Jeseraisobligéedeluiraconterleviol,etjenesuispascertained’avoirenviedeleluidévoiler,mêmesiçal’aideraitàmieuxme cerner pourme conseiller. Pfff… Il va vraiment falloir que je continue à travailler surmoi-même…Allez,Cassie,ressaisis-toi!Tupeuxlefaire!

20h30.Barbaraarriveenfin.Mêmesic’estellequiestàl’initiativedecettesoirée,ilnefallaitpass’attendreàunmiracleen lavoyantarriverà l’heure !Ellemerejointdans lesalonetposesur latablebassenotrerepas«trèséquilibré»:pizza,gâteauauchocolatetuneboîterempliedebonbons.

—MonDieu,Barb,entrenossoiréesetlesplatsdemonfrère,jemedemandesivousn’essayezpasdemerendreobèse?dis-jequandelles’installeàmescôtés.

—Plains-toi,tuneprendsjamaisungramme,raille-t-elleensoulevantlecartondepizza.J’éclatederireetnousnousmettonsàmanger toutenregardantnotresériefétiche.Àlafindu

deuxièmeépisode,Barbaraouvrelaboîtedebonbonsetmetlatélésurpause.Puiselles’installeentailleur, légèrement de côté, et commence àmanger un crocodile enme dévisageant. Jem’assoiscommeelle,etpiocheàmontourunbonbon.

—Quoi?dis-jelabouchepleine.— Tu as quelque chose de… changé, commence-t-elle hésitante. Tu es toujours Cassie, ma

meilleureamie,maistuasquelquechosededifférent…—Jecroisqu’avoirparléàMattéoetNoahm’asoulagéed’unpoids.—J’enaibienl’impression.J’auraisaiméquetumefassessuffisammentconfiancepourt’ouvrir

à moi aussi, Cassie. Ce n’est pas de la curiosité mal placée, tu le sais, n’est-ce pas ? J’aimeraistellementpouvoirtecomprendreetpeut-êtret’aiderdanstarelationavecNoah.

—Ehbien…hésité-jeuninstant.Pourcommencer,cen’estpasunmanquedeconfiance,Barbara,c’estjustequejen’aimepasmereplongerdanscesouvenir…C’esttrop…douloureux…

Elleessaiedem’interrompre,maisjel’enempêcheencontinuant.—Je sais aussiquecen’estpasde la curiosité, celanem’a jamais traversé l’esprit !dis-je en

pointantmonindexsurelle.MaisjevaisavoirbesoindetesconseilsavecNoah,c’estcertainet…J’yaipenséunepartiedelasoiréeavantquetun’arrives…Jecroisquejesuisprêteàteracontercequis’estpassécejour-là…

** *

Àlafindemonrécit,monamieestenlarmesetmeprenddanssesbras.Nouspleuronstouteslesdeuxàchaudeslarmes,puisjelarepoussedoucementetelleseréinstalleàsaplace.

—Jesuissitristepourtoi,machérie…Jesavaisquec’étaitunsaletype,maisj’étaisloindemedouterdumonstrequ’il était en réalité. Jecomprendsmieuxmaintenantpourquoi tune sortaispasavecdesgarçonsetquetun’avaispasderelationssuivies.Jesuistellementdésoléedet’avoirobligéeàavoirdesrencards,justeparcequejetepensaistimide.

—Tun’as pas à être désolée,Barb.Tune pouvais pas savoir, car je ne voulais pas qu’onmeprenneenpitiéouqu’onmevoiedifféremment.Situavaissu,jesaistrèsbienquetun’auraisjamaisfaitça.Alorsqu’enfait,Barb,j’avaisbesoindececoupdepiedauxfesses.Seulement,avantNoah…

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Je n’avais jamais ressenti ça. L’immensité de l’amour que je ressens pour lui en si peu de tempsdépassel’entendement!

—Situparsduprincipequevotreamourdépassel’entendement,jecroisenfaitquevousvousêtestrouvés,toutsimplement.

JesourisàmonamieetrepenseàlapremièrefoisoùNoahetmoiavonsétédansl’ascenseurtousles deux, cette électricité qui crépitait tout autour de nous et cette attraction qui me poussaitindubitablementverslui.

—Tun’esplusavecmoi,là?dit-elledansunrire.—Euh…si,excuse-moi.Tudisais?—Riendebienimportant.Tonvisagemedonnelaréponsequej’attendais.Cen’estpasqu’une

simplerelation,tul’aimesdéjà,c’estévident.Jesourisniaisementcettefois,Barbaraabienévidemmentréussiàdécryptermesémotions.—Jenevoisplusmaviesanslui,Barbara,c’estquandmêmedingue,non?—Ças’appellel’amour,Cassie…

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Chapitre37

Jeregarde lamers’échouer lentementsur lerivage,une légèrebrisebalayemescheveuxetmarobe se soulève. Je ferme les yeux et ouvre grand les bras en inspirant profondément… Ses brasentourentmatailleetjeposematêtecontresonépaule.Unsentimentdeplénitudem’envahit…

Lecielestclair,aucunnuagen’obscurcit l’horizon, lesoleilculmineàsonzénith,desmouetteschantentau-dessusdenostêtes.Soudainj’entendssavoix…Commentest-cepossible?JemeretourneetdécouvreMamandanslesbrasdePapa,unsourired’uneprofondetendresseauxlèvres.

J’écartesesbrasetparsencourantendirectiondemesparents.Mais,àchaquepasquejefais,jevois leur image se dissiper peu à peu, jusqu’à disparaître complètement. Je me retourne,décontenancée,versNoah,maisjemetrouvefaceàlaPimbêcheetàFranck!

Le vent souffle de plus en plus fort, des nuages arrivent à vive allure, la mer commence à sedémonteret lesdeuxhorriblespersonnagessetenantdevantmoimesourientsournoisement.Jefaisdemi-touretparsencourantdansladirectionopposée,maismespiedsrefusentdequitterlesol.Jetented’avancerencoreetencore.J’entendsleursriressardoniquesserapprocherdangereusementdemoi.Jeneveuxpasqu’ilsmerattrapent,iln’enestpasquestion!Jemetstoutel’énergiedudésespoirdansmesmouvementsetmonpieddécolleenfindusable.

JevoisNoahréapparaîtreauloindevantmoi.Àmesurequej’avance,sonimagesefaitplusnetteet le ciel commence à se dégager… J’avance encore. Je ne suis plus très loin… Les riress’estompent…Mespassontdeplusenplusrapides…J’entrevoislesouriremalicieuxdeNoahetsesyeux pétillants. Mon cœur semble se réveiller et bats la chamade. Je ne marche plus, je cours àgrandesenjambéesendirectiondel’hommequej’aime.

Jenesuisplusqu’àquelquescentimètresdelui.Sachaleurm’envahitavantmêmed’avoirtouchésoncorps.Jemesenspousserdesailes,et,lorsqu’ilm’ouvrelesbras,jemejetteàsoncou.Jerespireson odeur et me blottis contre lui. Je peux à nouveau respirer normalement… Je suis en sécurité,exactementlàoùjedoisêtre.

** *

Jemeréveilleensursautetm’assoisdansmonlit,complètementdésorientée.C’est lapremièrefois que mes rêves prennent cette tournure, entre songe et cauchemar, passé et présent. J’en suisprofondémentdéstabilisée.

Jemelèveetvaismedoucherpourévacuerlatensionquim’habite.Unefoisprêteetaprèsavoirbumoncafédumatin,toutdevraitallermieux.Enfin,jel’espère!

** *

Uneheureplustard,jesuisentenuedejogging,accoudéeaucomptoirdelacuisine,perduedansmes pensées,mon café fumant devantmoi. Je n’entends pasMattéome rejoindre et pousse un criquandsamaincaressemescheveuxenpassantàcôtédemoi.

—Désolé,mapuce,jenevoulaispastefairepeur,dit-ilenm’embrassantsurlajoue.—Pasgrave,j’étaisdanslalune.—CommeàchaquefoisquetupensesàNoah.—Cen’estpasvrai !Tuesd’unemauvaisefoi,dis-je, faussementoutrée.Etpuis jenepensais

mêmepasàlui.

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—Oui,oui,àd’autres,Cassie!Jeteconnaiscommesijet’avaisfaite.Donctupeuxremballertesexcusesbidons.

JeluitirelalangueetsirotemoncafépendantqueMattéosepréparelesien.Nousprenonsensuitenotrepetit-déjeunertranquillementennousracontantnossoiréesrespectivesquandjereçoisunSMSdeNoahpourlemoinsénigmatique:

«Bonjour,monamour.Tuasquinzeminutespourteprépareretprévoirunsacderechange.Jet’attendraienbasdel’immeuble.

Àtoutdesuite…Noah.»

Mattéomescrute,uneexpressionamuséesurlevisage.—Tuesaucourant?—Dequoi?merépond-ild’unairangélique.—Donne-moiunindice…Unseul,s’ilteplaît.—Tunedevraispasperdretontempsàessayerdem’amadouer,Cassie.L’heuretourne.Jeluilanceunregardfuribondetmelèvedemontabouret.Jecourspourallerdansmachambre

ettapemonpetitorteildansl’angledelaporteenouvrant,cequim’arracheuncridedouleuretmefaitinstantanémentmonterdeslarmesauxyeux.Jesautilleàcloche-piedenjurantlesdentsserrées.Mattéopassedevantmachambreàcemoment-làetexplosederire.Pourlacompassion,monfrèrerepassera!

Jem’arrêtedevantmonplacardetattrapeunepetite jupeen jean.Mattéofaitclaquersa langue,commeil le faitàchaquefoisqu’ildésapprouve l’undemeschoix.Jemeretourneet lui lanceunregardcourroucé.

—Tuneveuxpasmedonnerd’indice,alorsjem’habillecommejeveux.—Jenetedonneraiaucundétail,maisneportepasdejupe,jeteledéconseille.Puis,sansmelaisser le tempsderiposter, il repartdans lecouloir.Jemeprépareenquatrième

vitesse, jean slim, T-shirt gris avec des palmiers dessinés dessus de couleur or et une paire deConverse. Je décide de laissermes boucles détachées,me brosse les dents et applique une légèretouchedemaquillage.Enmoinsdeseptminutes,l’affaireestréglée.Maispourlesac?Quedois-jeprendre?Est-ceuneinvitationàpasserlanuitchezlui?

—Cassie,ilneterestequetroisminutes,crieMattéodepuislacuisine.Jem’assoisauborddulitetregardemonarmoirecommesimesvêtementsallaientsemettreà

volerjusqu’àmonsac.Jefermelesyeuxetprendsuneprofondeinspiration.LachansonShutupanddance s’immiscepeuàpeudansmespensées, et jeme laisse emporterpar lamusique. J’arrêtederéfléchir et rouvre les yeux. Je prends des affaires de rechange pour la journée et une tenue pourdormirchezNoah.Mieuxvautpareràtouteéventualité,etjemeursd’enviededormirdanssesbras.

—Cassie,Noahestenbas!J’attrapemonsacetmeregardeunedernièrefoisdanslemiroiravantdesortird’unpasdécidé,

unsourireraviauxlèvres.Jerejoinsmonfrèredanslacuisineetl’embrassesurlajoue,puisjequittenotreappartement.

** *

Lorsquejepousselaported’entréedel’immeuble,jemeretrouvefaceàNoahvêtud’unjeanetd’une veste en cuir, appuyé contre une impressionnantemoto. Ilme regarde avancer vers lui. Ses

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yeux ont beau être dissimulés derrière sa paire de RayBan, je peux sentir son regard surmoi. Jem’arrêteàsahauteuretilôteseslunettes,sesyeuxpétillantsrencontrentlesmiensetlesbattementsd’ailesdespapillonsreprennentvieaucreuxdemonventre.Ilm’embrassetendrement,puismetenduncasque.

—Metsça,monange.—Mais…—Pasdemais…Tumefaisconfiance?Jen’aipasbesoinderépondreàcettequestion, ilenconnaîtdéjà la réponse.Aussi, j’attrape le

casquequ’ilmetendetlepassesurmatête.Noahmetlesienetmontesurlamoto.Ilmefaitsignedele rejoindre d’un signe de tête et jem’exécute. Je passemes bras autour de sa taille et plaquemapoitrinecontre sondos. Je suis électriséepar la sensationde soncorpscontre lemien, je sens lesbattementsdesoncœur,sesmusclessouslecuirdesaveste.Noahdémarrelemoteuretdonneuneaccélération. Je raffermisma prise et nous nous insérons dans la circulation…En route pour unedestinationinconnuerempliedepromesses.

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Chapitre38

Auboutd’uneheurederoute,Noaharrêteenfinlamotoàl’entréedelaforêtdeRambouillet.Ildescend, ôte son casque et passe samain dans les cheveux.Ce simple gestemet tousmes sens enalerte. Ilme faut quelques secondespour sortir demes rêveries et descendredemoto àmon tour.J’enlèvemoncasqueetfaisunerapidequeue-de-cheval,puisnouscommençonsunebalademaindanslamain,profitantdeladouceurprintanièreetducalmequenousprocurelaforêt.

Nousmarchonspendantunedemi-heure,puisj’aperçoisauloinunjeunehommetenantuncheval.Je jette un coup d’œil àNoah quime souritmalicieusement tout enme faisant un clin d’œil et ilaccélèrelepas.Nousnousarrêtonsàleurhauteur.Noahéchangequelquesparolesaveclepalefrenierqui lui laisse les instructions et nous aide à monter en selle avant de nous laisser seuls. Avantaujourd’hui,jen’avaisencorejamaisfaitdecheval,etjesuisautantimpressionnéequefascinéeparSentinelle,cenoblepursang.

—MonDieu,Noah,tuessûrdesavoircequetufais?dis-je,apeurée.—Net’enfaispas,monange.J’aimontéàchevallapremièrefoisàl’âgedesixans.Depuis,j’en

faisrégulièrement,jenepeuxplusm’enpasser.—D’accord,d’accord…maisvadoucements’ilteplaît,jenemesenspasvraimentrassurée.—Tupeuxêtretranquille,Sentinelleestleplusgentildemespursang.Jet’assurequ’avecluiet

moi,tuesensécurité.—Attendsuneseconde.Tuviensdedirequec’estleplusgentildetousteschevaux?Mais…tuen

ascombien?—En tout, six.Deux auxÉtats-Unis, deux enAngleterre chezmes parents et deux ici, à Paris.

SentinelleetHopesontsouslagardedeDominique,lejeunehommequetuasvutoutàl’heure,dansunharaspastrèsloindelaforêtdeRambouillet.

—Tuesdécidémentpleindesurprises,monchéri.—J’espèrecontinueràtesurprendrecommeçaencorelongtemps,monange,dit-ilenmelançant

sonéternelsouriremalicieux.PuisildonneunlégercoupdetalonetSentinelleprendlepetittrot.Je m’accroche à Noah de toutes mes forces en fermant les yeux aussi fort que je le peux.

Sentinellegalopedésormais.Soudain,unesensationdelégèretés’emparedemoi.J’ouvrelesyeuxetsavourecettedouceeuphorie.

Deuxheuresplustard,nousnousarrêtonsdevantlescascadesdeRambouillet.J’ignorais,jusqu’àaujourd’huiqu’untelendroitexistaitici,nonloindeParis,etjesuisheureusedepartagercemomentavecNoah.IlattacheSentinelleàunarbreetjemejettedanssesbras,l’embrassantdetoutmonêtreafinde lui fairecomprendrecombien j’appréciecettemerveilleuse journée.Commeàchaquefois,Noaharriveàmesurprendreetàapprivoisermescraintes.Jemedétachedesoncorpsenluioffrantmonsourireleplussincère,puisnousnousinstallonssurl’herbe,profitantdececadrequiestd’uneimmensitésansnom.

—J’aiquelquechoseàtedire,monange,maisjenesaispascommentm’yprendre,dit-ildansunmurmureaucreuxdemonoreille.

Jetournelégèrementlatêteetcroisesonregard.Iln’estpluspétillantetsembletriste;celaneluiressemblepas. Jevoudraisme retournerpour le regarderdans lesyeux,mais ilm’enempêcheenresserrantsonétreinte.

—Tusaisquetupeuxtoutmedire,monchéri.Jet’aiconfiémesplusredoutablessecrets.Jesuiscertainequecequetuasàmeracontern’estpasaussiterrible.

Jesenssesmusclessecontracteretunsentimentdepaniquem’envahit.Meserais-jetrompéesurNoahpendanttoutcetemps?

—Enfait,hésite-t-iluninstant,celaaunrapportaveccequit’estarrivé,machérie.

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Cette fois, jene le laissepasmegarderdans sesbras. Jemedécaleetm’assoisen facede lui,sondantsesmagnifiquesyeuxbleus,àprésentsitourmentés.

—Qu’entends-tuparlàexactement,Noah?dis-jed’unevoixblanche.Jenecomprendspas.—Ehbien…Tum’asracontédanslesmoindresdétailscejouroùtavieabasculédansl’horreur,

monange,mais…Tesouviens-tudecequis’estpasséaprès?—Commentça?Jenevoispasoùtuveuxenvenir,Noah.—Terappelles-tudecequis’estpasséunefoisquelapoliceestarrivéesurleslieux,ouquandtu

asétéemmenéeàl’hôpital?—J’étaisenétatdechoc.Doncnon,jenemerappellepasdeça.Pourquoi?Ilmeprendlamainet,pourlapremièrefois,jeressenscommeunebrûlure.Jen’ainienviede

repenserencoreàcettehorriblejournée,nid’écouterlesconfessionsdeNoahquimepèsentcommeuneépéedeDamoclèsau-dessusdelatête.

—Cet été-là, je passaismes vacances dans la banlieue parisienne. Jeme suis cassé le bras enfaisant le con avecmon copainEnzo et j’ai terminé à l’hôpital. J’étais aux urgences et j’attendaisqu’on s’occupedemoi.Lemédecin est sorti dans le couloir pour venirme chercher quand tout àcoup,sontentrésentrombedespoliciersetdespompiers.L’und’euxportaitunepetitefilledanssesbras…

Jelâchesamaininstantanémentetrepliemesgenouxcontremapoitrineenlesentourantdemesbras.Ces imagesque j’avaisoubliées jusqu’àaujourd’huimeremontentenmémoire, teldesflash-back commeon envoit dans les films.Ma respiration s’accélère. J’ai l’impressionquemoncœurs’affoleetrisqued’exploserdansmapoitrine.Latêtemetourneetj’ail’estomacquisenoue.

—Quand je t’ai aperçue, la bouche ouverte dans un crimuet, des larmes plein les joues, j’airessentiuneimmensetristesseetuneprofondeaffectionpourtoi,Cassandra.Jet’avaisdéjàcroiséequelques fois, prèsde l’airede jeu. J’avais compris à ton regardquequelque chose clochait, et jem’ensuisvouludenepasêtrevenuteparlerpouressayerdecomprendrecequecachaitunesipetitefille.Malgréladouleurdemonbras,jemesuislevédubrancardsurlequelj’attendaisetjemesuisapprochédetoi.

La têteme tournedeplusenplus, j’ai l’impressiondemanquerd’air. Je revois l’effervescenceautourdemoi,cesoir-là.Lespoliciersquiposaientdesquestions,lespompiersquis’énervaientenleurdisantdemefoutre lapaix, ledocteurquidisaitqu’il lui fallaitducalmepourcomprendre lasituation.Soudain,unflash,plus intensequelesautress’emparedemoi.Jerevoisunjeunegarçondontlesyeuxbleusmetranspercent,puis…

—Jenevoulaispasquetusoisseule,aumilieudetoutecetteagitation,sansréconfortalorsque,certes, tuavaisbesoinde soins,maisavant tout, tuavais surtoutbesoindechaleurhumaine,qu’onte…

—Oh, mon Dieu ! dis-je en mettant ma main sur la bouche, les pièce du puzzle s’emboitantparfaitementàprésent.C’était…toi!Tum’asprisedanstesbras,tum’asmurmuréquelepireétaitpasséetqu’ilfallaitquejesoisforteetcourageuse,quemaintenanttoutétaitfini…

Noahmeregardeetm’adresseunemouecontritequimedonneenviedevomiretdem’enfuirleplusvitepossible.Quelleidiote!PendanttoutcetempsjepensaisqueNoahétaitsimplementtombéamoureuxdemoi.J’étaisloind’imaginerqu’ilm’avaitpriseenpitiéparcequ’ilm’avaitreconnue.Etje lui ai raconté toutemonhistoire…Sans réfléchir jeme lève d’un bond et je rejoinsSentinelle.J’entendsNoahquimeditdemecalmer,maisjenel’écoutepas.Qu’ilsaillentsefairefoutre,luietsacompassionàdeuxballes!

Je grimpe sur Sentinelle. Noah essaie de m’en empêcher en attrapant mon bras, mais je lerepoussedetoutesmesforcesetjedonneungrandcoupdetalondanslesflancsdumagnifiquepur

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sang,quihennitets’emballeimmédiatementdansungalopeffréné.L’euphoriequej’avaisressentietoutàl’heureenmontantàchevalestbienloindemoi.Deslarmesroulentsurmesjouesetbrouillentma vue. Sentinelle va de plus en plus vite. Une biche sortie de nulle part nous coupe la route.Sentinellehennitetsecabre.J’essaiedetenirfermementmaprisesurlesrênesenmepenchantsurl’encolure du cheval et enme dressant sur les étriers,mais Sentinelle, effrayé vire à cent-quatre-vingtsdegréetjechutelourdementausol…

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Chapitre39Noah

Quelcon!Maisquelsaleconjesuis!Jelesavais,putain,qu’ilfallaitquejeluidiselavéritébienavant.Voilà où ça nous amenés.Cassandra est allongée sur son lit d’hôpital, sa jambegauche estplâtrée, son bras droit également. Elle souffre d’une importante commotion cérébrale et decontusionspartoutsurlecorps,unbandageentouresatête,desperfusionsbranchéesdetouslescôtés.Seulslesbipdesmoniteursrompentlesilencesépulcraldelapièce.J’aiappeléMattéoquinedevraitplus tarderàmerejoindre.Lorsqueje luiaiexpliqué lasituation, ila littéralementpétéuncâbleetm’araccrochéaunez,enn’omettantpasaupassagedem’insultercopieusement.Jen’airienàdire.C’estamplementmérité…

Laportes’ouvresurunmédecinsuividedeuxinfirmièresquientrentetmedemandentdesortirde la chambre pour surveiller les constantes de Cassie. Je me retrouve dans le couloir, les brasballants,rongéparlesremordsetlapeurdelaperdre,suiteàmesaveux.

—PutainBeckham,qu’est-cequetuasfaitàmasœur?rugitlavoixdeMattéoderrièremoi.Jemeretourneetsonpoings’écrasesurmonvisage,meprojetantcontrelemur.—Elleallaitbien.Elleétaitenfinheureuse!Commentas-tupulalaissermontertasaloperiede

canassontouteseule?crache-t-il,excédé.T’escomplètementgivré,monvieux!Enpluselleaunepeurbleuedeschevaux!

— Je suis désolé,Mattéo… Sincèrement désolé… Je lui ai avoué l’avoir vue, le jour de sonhospitalisation,àlamortdetamère…

—Quoi?!?Jecroyaisquetunesavaisriendesonpasséavantqu’ellenousenparle!—C’était le cas.Ça serait trop long à t’expliquer pour lemoment,mais je tiens à éclaircir la

situationavectoi.—Rienàfoutre!Tutebarresdesavie,tuentends?Sijetevoisl’approcherencoreunefois,je

nerépondsderien,hurle-t-il.Une des infirmières sort de la chambre deCassie et nous ordonne de baisser d’un ton.Mattéo

s’excuseenserrant lesdentsetdemandeàvoir sa sœur.L’infirmièreaccepteen lui rappelantqu’ilfaut qu’il se calme, puis il me lance un regard torve en pénétrant dans la pièce et, d’un signeautoritaire,m’interditdelesuivre.

J’ail’impressionqu’unsemi-remorquevientdemepassersurlecorps.JerevoissanscesselesyeuxdeCassandraseremplird’effroi,SentinellepartirautriplegalopetCassies’écraserausoltelleune poupée de chiffon. J’ai cru un instant quemon cœur avait cessé de battre tant sa chute a étéviolente.Ellevienttoutjustederentrerdansmavieetdansmoncœur,jenepourraispassupporterdelaperdre.JecomprendstrèsbienlaréactiondeMattéo.Àsaplace,jeseraisdanslemêmeétat,maisiln’estabsolumentpasquestionquejesortedesavie!J’enmourrais.Cassandraestmavie…

** *

Cassandra

Moncorpssouffreterriblement.J’ail’impressionquetousmesmusclessontendolorisetquejene peuxpas bouger.Mespaupières sont lourdes et je n’arrive pas à les ouvrir, ne fût-ce qued’unmillimètre.Desbip résonnent dans la piècedans laquelle jeme trouve…Où suis-je ?Que s’est-ilpassé?

J’essaiedemesouvenirde toutesmes forces.Des flashsme reviennentpeuàpeuenmémoire.

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NoahetmoisurSentinelleaubeaumilieudelaforêtdeRambouillet.Lasérénitéetleromantismedeslieux.Labeautédescascades.PuislesparolesdeNoahrésonnentdansmespensées:«Quandjet’aiaperçue, la boucheouverte dans un crimuet, des larmes plein les joues, j’ai ressenti une immensetristesseetuneprofondeaffectionpourtoi,Cassandra.»

Moiquipensaisavoirenfintrouvél’hommeparfait,jemesuisbercéed’illusions.Jenesaispassicesontlesdouleursphysiquesquimefonttantmal,oubiensic’estmoncœurquiaétébroyéparsesrévélations. PourquoiNoah nem’a-t-il pas avoué la vérité avant ?Ressent-il vraiment de l’amourpourmoi?Est-ceseulementuneformedepitiéouderemordsquil’apousséversmoi?

J’entendsdesvoixindistinctes,commeunbruitdefond.Unemainpressedoucementlamienne,maisjenesuistoujourspasenmesuredemeréveiller.

** *

«Poussez-vous!Laissezpasser!»Despompiersetdespoliciersn’arrêtentpasdecrier.L’und’euxmeportedans sesbrasenme

serranttoutcontrelui,maisjenesupportepassoncontact.Jen’arrêtepasdepleurerdepuisquelapoliceestarrivéesurles lieuxdudrame.Pourtant, j’ai lasensationquemescordesvocalesontétésectionnées,jen’aipluslaforced’émettreunseulsondepuisquej’aiappelélessecours.Mamanestmorte…Elleestpartiepourdebon…

«Bonsang,dépêchez-vous !Allezchercherunurgentiste !Vousnevoyezpasquecettepetiteabesoindevoirunmédecinsur-le-champ!?»

Desdizainesdepersonnessebousculentautourdemoi,s’agitantdanstouslessens,sansvraimentsavoir que faire. Les policiers veulent à tout prixme poser des questions,mais les pompiers et lepersonnel médical ne sont pas du même avis. Tous crient plus fort les uns que les autres sansréellementme prêter attention. Je ne veux pas qu’ils me touchent, qu’ils m’auscultent comme ilsdisent.JeveuxmaMaman.Jeveuxmongrandfrère.Jeneveuxpasdetoutescespersonnesquimeregardentcommeunebêtedefoire.JeveuxseulementMaman…

«Ellenerépondpas.Envoyezlepsydegarde!Vite!»Mais pourquoi veulent-ilsm’examiner ?Oui,mon corps est douloureux etme fait souffrir,mes

piedssontensang.Jecroisquemaculotteaussi.Monbrasmefaitunmaldechien,maiscen’estpasgrand-chosecomparéàcequecesalaudafaitàMaman.Ungarçons’approchelentementversmoi,tenantsonépauledroite.

Jeleconnais.Enfin,pasvraiment.Jel’aidéjàaperçuplusieursfoisenpassantparleparcpourrentreràlamaison.IljouesouventavecEnzo,undesmeilleursamisdeMattéo.Àchaquefoisquejelecroise, ilmesourit. Ila l’airgentil et ilade trèsbeauxyeuxbleusqui rappellent lecielquandaucunnuagenevientl’obscurcir.

Il avance d’un pas décidé et se faufile tel un chat entre les pompiers, les policiers et lesinfirmières.Ils’arrêteenfacedemoietneditrien.Sesyeuxsondentlesmiensetseremplissentdelarmes,puisilavanceencoreetmeprenddanssesbras.Jemesensensécuritéàsoncontact,commequandjesuisdanslesbrasdeMamanoudeMattéo.Jerespiresonodeur.Ilmefaitdubien…

—Chut, ma chérie, calme-toi… Tout va bien se passermaintenant. Je ne sais pas ce qui t’estarrivé,maistuneméritaispasça.Tuentends?Tuneleméritaispas…Tuesforteetcourageuse,tupeuxenêtresûre.

«Ehmongarçon,tun’asrienàfaireici!»Lejeunehommemerelâchelentementetsesyeuxretrouventlesmiensdansunéchangemuet,que

seuls,nouscomprenons.Ilreculelentementetmesouritavecunairmalicieux.J’aimeraisluisourire

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aussi,maisjenem’ensenspaslaforce.Jeleregardes’éloigner.Jen’oublieraijamaissonsourireetsesjolisyeuxbleus…Jamais…

** *

—Noah!!!crié-jeaveclaforcedudésespoirenouvrantlesyeux.Desnéonsblancsm’éblouissent.Jedistinguevaguementdesinfirmièresmetournerautour.Une

mainpressefortlamienne.—Noah?chuchoté-jeenmetournantverslapersonneàmescôtés.—Non,mapuce,c’estmoi.Jecligneplusieursfoisdesyeuxetj’essaiedevoirlevisagedemonfrère.Ilsemblesifatigué.

Combiendetempss’estécoulédepuismachutedecheval?OùestNoah?

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Chapitre40Noah

Trente-trois jours… Sept-cent-quatre-vingt-douze heures… Quarante-sept mille cinq centvingtminutes…

Voilààquoij’ensuisréduitdepuisl’accidentdeCassandra.Jecompteinlassablementlesjoursetlesminutesquimeséparentdelafemmedemavie,toujoursendormiesursonlitd’hôpital.Mattéoneveuttoujourspasprendremesappels.J’aiessayédedemanderdesesnouvellesàBarbara,l’amiedeCassiequitravaillepourDesign&Co,maiscelle-cin’étaitpasenmesuredemerassurer.Alorsj’aichangé de tactique et j’ai harcelé le personnel médical qui s’occupe de Cassandra. À force depersuasion, l’une des infirmières m’a pris en pitié et m’a expliqué que, compte tenu du passé deCassie, soncerveauadécidéde se réfugierdans lecomapournepasaffronter la réalité.C’estunmoyendeprotectioncommeunautre,maisleproblèmeestquepersonnenepeutprévoirquandelleseréveillera.

Auboulot,jenesuisplusquel’ombredemoi-même.JemereposesurEmersonquifaituntravailremarquableetheureusement,carjenesaispascequejeferaissansluichezDesign&Co. J’aidûrefiler le dossier Kent à Muriel, la responsable Innovation, qui avait merdé lors de la premièreprésentation.Jenel’aipasfaitdegaietédecœur,maisjen’aipaseulechoix.Kentnesupporteraitpaslemoindreretarddanslestravaux,mêmesicelaestuncasdeforcemajeure.J’espèreseulementqueCassandrareprendrasonpostequandelleseraremise.Ceprojetestsonbébéetjesuiscertainqu’ellevoudralemeneràbien.

Depuis son accident, je ne cesse de broyer du noir. Je l’imagine me quitter définitivement etclaquerlaportedeDesign&Co,gâchantainsilaplusbelleopportunitédesaviedanslemondedutravailetbroyantmoncœurqu’elletientpourtanttoutentierentresesmainsdélicates.Parfois,jemedisqu’ellesaitquejen’aijamaisvoululuifairedumalenneluiavouantpasquejel’avaisdéjàvue,etdanscesmoments-là,j’ail’intimeconvictionqu’ellevamerevenir.C’estmonsouhaitlepluscher.Jeseraiscapablededonnertoutcequej’aietrepartirdezérosicelapouvaitlafairereveniràmoi.

Jenepeuxpasvivre sanselle. Je sais, je sais…Beaucoupdegensdisent ça,maisvont toutdemêmedel’avant.Moipas!Depuisqu’elleestdanslecoma,jesuisunevéritableloquehumaine.Messœursontessayédememettredescoupsdepiedsauculpourquejemereprenne.Monpèreamêmefait un aller-retour Londres-Paris,mais sans davantage de succès. Tant queCassandra ne sera pasréveillée,mavieresteraenstand-by…

Jesuisdansmonappartement,unebièreàlamain,àressassertoujourslesmêmeschoses,quandunmessageinterromptlefildemespensées.J’attrapemontéléphoneparpurréflexe.Ildoitencores’agird’unedemessœurs,maisquandjevoisapparaîtrelenomdeCassandra,jecroisquejesuissurlepointdefaireunecrisecardiaque:

«Enfinréveillée…Besoinquetusoisàmescôtés…Viensmeretrouver,monchéri.»*

* *Cassandra

MonDieu ! Jesuis restéedans lecomadurantplusd’unmois.Unmoispendant lequel j’ai faitsouffrir,unefoisencore,Mattéo.Maisqu’est-cequinevapaschezmoi?Enplus,àmonréveil,monfrèrem’aditqu’ilavaitinterditàNoahdemerevoir,àcausedemachute.PauvreNoah!Depuismonhospitalisation,Mattéoarefusédeluidonnerdemesnouvellesetjedoutefortementqu’ilaaitbienpris la chose. Il n’était en rien responsabledemonaccidentde cheval. Jen’aipasvoulu l’écouter,

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préférantm’enfuir leplus rapidementpossible.Si seulement je l’avaisécoutéetque jen’avaispasstupidementcédéàlapanique,commejesaissibienlefaire,nousn’enserionspaslàaujourd’hui.

Une fois que les infirmières sont venues prendre mes constantes et me donner la suite duprogramme quim’attend pourmes rééducations, j’ai prismon téléphone et envoyé unmessage àNoah. Sa réponse n’a pas tardé à arriver et je relis sans cesse ce petit mot en attendant qu’il merejoigne:

«Jesautedanslavoiture.J’arrive,monange…Jet’aime.»

Laportedelachambres’ouvreetBarbaraapparaîtderrièreunimmensebouquetdefleurs.Monamie,toujoursexcessive,pleureàchaudeslarmesetsejettedansmesbras.

—Nemerefaisplusjamaisunepeurpareille,Cassie!Jetel’interdis.—Crois-moi,jen’enaipasl’intention.—J’espèrebien,dit-elleendesserrantsonétreinteets’installantsurleborddulit.As-tueudes

nouvellesdeNoah?—Jeluiaienvoyéunmessageilyaunedemi-heure.Ilnedevraitplustarder.—Jen’endoutepas.Tul’auraisvuaubureau—lesjoursoùilvoulaitbiennoushonorerdesa

présence—ilétaitdansunétatlamentable.—Mattéosemontreparfoisbientropexcessifdanssamanièredegérer lessituations.Cen’est

paslafautedeNoahsijenesuispascapabledegérermescrisesdepanique.—Ilvavraimentfalloirquetufassesungrostravailsurtoi,mapuce.Tunepeuxplusprendredes

risquesaussidingues.Monteràchevaltouteseulesanslamoindreexpérience,unpur-sangquiplusest,tuesvraimentinconsciente!

—J’auraisdûl’enempêcher,vrombitlavoixdeNoah,quenousn’avionspasvuarriver.Barbaraetmoiregardonsdanssadirection.Noahestbeletbienlà,samineestdéfaite,sestraits

tirés, sescheveuxsontenpétardet ilporteun jogging. Ila l’airharassé,maisn’apasperdudesasuperbe pour autant. Ses yeux rencontrent lesmiens. Ils brillent d’une telle intensité que j’en ai lesoufflecoupé.Il traverse lesquelquesmètresquinousséparentsans jamaismequitterdesyeuxets’installesurl’autrecôtédemonlit.Ilcaressedoucementmescheveuxetm’embrassetendrement.Jesensmoncœurs’emballerànouveau,commes’ilavaitattenduNoahpourseremettreenaction.

Barbaraseraclelagorge.Noahs’écartedemoiets’excuseenlasaluant.Monamieéclatederire,puisnoussourit.

—Jevaisvous laisser. Jecroisquevosavezpleindechosesàvousdire, tous lesdeux.Noah,j’espèretevoirenmeilleureformedemainaubureau.Tufaisaispeineàvoir…

Depuis quand se tutoient-ils, tous les deux ? Noah la regarde, stupéfait par sa remarque, etacquiesced’unsignedetête.

—Quantàtoi,Cassie,jesuisheureusedevoirquetuvasbien.Reviens-nousviteaubureauavantqueMurielbousilletontravailavecKent.

Barbaram’embrasseunedernièrefoissurlajoueetquittelapièce.JeregardeNoah,quinemequitte pas des yeux, comme s’il n’en revenait pas de pouvoirmevoir etme toucher. Je lui souristendrement,maisjepenseauxparolesdeBarbarasurledossierKent.

—Qu’ya-t-ilmonange?—Qu’entendaitexactementBarbaraenparlantdeMurieletdudossierKent?Ilyaunproblème?—Trèssincèrement,jen’ensaisrien.J’aiunpeulaissélesrênesdelaboîteàEmersonpendant

ton hospitalisation. Je n’ai pas été aumieux dema forme. J’étais bien trop inquiet pour cela,machérie.Netepréoccupepasdeçapourlemoment.Toutcequicompte,c’esttonrétablissement.Riend’autren’ad’importanceàmesyeux.

—Voyons,Noah,tun’espassérieux,dis-je,émueparl’intensitédesesparoles.Design&Coest

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toutetavie.Tuyasconsacréjenesaiscombiend’heuresetd’investissementpersonnel,pourquetonentreprisearriveàceniveaud’expertiseetde reconnaissance.Celadoit être taprioritéabsolue. Jesuis entre de bonnes mains. Je serai rapidement remise sur pieds, tu peux compter sur moi. Pasquestionquejemelaisseabattredansunlitd’hôpitalpluslongtemps.

— J’aime te voir réagir avec autant d’énergie, mon ange. Mais tu te trompes. Tu es plusimportanteque toutàmesyeux. J’aimérité lecoupdepoingquem’adonné ton frèrequand il estarrivéà l’hôpital, le jourde tonaccident. J’ai aussiméritéqu’ilmeprivede tesnouvelles etqu’ilm’interdisedefranchirlaportedetachambre.Grâceàça,jemesuisrenducomptequejenepouvaispasvivresanstoidansmavie.Tuesmavie,Cassandra.Jenesaispascommenttuasfaitpourtouchermoncœuràcepoint,maissachequejenepeuxplusvivresanstoi,monange,jamais.

Deslarmesdejoieroulentsurmesjoues.LesparolesdeNoahtouchentmoncœurdepleinfouetetmecoupentlesouffle.Grâceaurêvequim’asortiducomaetsesmots,jesaisqu’iln’estpasavecmoiparpitié.Noahm’aimed’unamourdontjenesoupçonnaismêmepaslapuissance.Jenepeuxetneveuxplus,moinonplus,vivresanslui.J’ensuisviscéralementconvaincue.Pourtouteréponseàsa déclaration, je laisse mon corps s’exprimer et je l’embrasse de tout mon être, dans un baiserpassionnéquiprendsabouchepoursoncœur.

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Chapitre41Deuxsemainesplustard

Depuisquejesuisrentréeàl’appartement,Mattéomesurveillecommedulaitsurlefeu,veillantenpermanence àmonbien-être.Lui etNoah se croisent régulièrement et l’ambiance entre eux estterriblementtendue.MonfrèreessaiedefairedeseffortsavecNoah,maispasassezàmongoût.J’aibeauluirépéterinlassablementquejevaisbienetquej’aitoujoursconfianceenNoah,luin’estpasdumêmeavisetpréfèrerestersursesgardes.

Aujourd’hui,jereprendsmonpostechezDesign&Co,j’espèrequelaresponsableInnovationn’apassciemmentbousillétoutletravailquej’avaisfaitavecledossierKent.JetiensàceprojetcommeuneMamanàsonnouveau-né.C’estlaplusgrosseresponsabilitéquim’aitétéconfiéeetjecomptebiennepasratermachance.MêmesijesorsavecleP.-D.G.del’entreprisepourlaquellejetravaille,jesuissurunsiègeéjectablecommetouslesautresemployés,sijenesuispasàlahauteur.

J’appréhendeunpeumonretour.Noahareprisl’entrepriseenmainlelendemaindemonréveilàl’hôpital.Touslesemployésontvul’étatdanslequelilétaitpendantmoncoma.Jen’aipasenviededevenir,unenouvellefois,l’objetdetouslesragotsdeDesign&CO,car jesuissûrequeMadamePimbêchen’acertainementpasloupél’occasiond’encolporterpendantnotreabsence.

Mattéomedéposedevant l’entréede l’immeuble. Jeprendsuneprofonde inspirationetpénètredanslehall,puisjeprendslesascenseursetmerendsau18eétage.L’ascenseurs’arrêteau17eétage,les portes s’ouvrent sur Cathy Turpin, vêtue d’un ensemble tailleur rouge cerise au décolletévertigineux,perchéesurdetrèshautstalonsetdontlevisages’assombritdèsqu’ellem’aperçoit.

J’essaiedemaîtrisermarespiration,derestercalme.Ilnefautpasqu’ellesentequejesuissurlesnerfsenétantenferméedanscetteboîtemétalliqueàsescôtés.Lorsquel’ascenseurs’arrêteenfin,àl’étage supérieur, je sors la première et pénètre dans l’openspace oùmes collèguesm’accueillentchaleureusement et prennent demes nouvelles.LaPimbêche,me lance un regard torve et traversel’espacedetravailendirectiondelasallederepos,lescliquetisrapidesdeseshautstalonsmarquantsonagacement.

Je souris et réponds aux questions de mes collègues qui ont la politesse de ne pas poser dequestionsni sur lescirconstancesde l’accident,ni sur l’éloignementdeNoahdansson implicationpourDesign&Co pendantmon hospitalisation. Je les remercie une dernière fois et regagnemonbureau.IlestgrandtempsdemereplongerdansledossierKentetdememettreauboulot!

Uneheureplustard,jesuisplutôtsatisfaitedutravailabattuparMuriel.Ellen’avaitpeut-êtrepasles bonnes idées pour ce projet,mais je dois avouer que son travail est très professionnel. Elle arespectéà la lettremesdirectives,modifiantquelquesdétailspar-ci,par-là,etaeulagentillessedemelaisserunrapportdétaillésurmonbureau.Barbaraavaitexagérélorsqu’elleétaitvenuemevoiràl’hôpital.Monamieavoulupiquermonsensduperfectionnismeafinque jesoismotivéepourmeremettreleplusrapidementsurpied.D’ailleurs,lavoilàquiarriveenfin,deuxcafésàlamainetmerejointdansmonbureau.JeluifaispartdutravaildeMurielquejetrouveexcellentetellemesourit,telleuneenfantpriselamaindanslesacdebonbons.Nousrionstouteslesdeuxetnousmettonsautravail.Jeluiexpliqueleschangementsdeplansquejeviensd’opérerenutilisantlesnotesdeMuriel,ellemefaitpartdesesremarquesqu’elleaprissoindenoterlorsdesréunions,nousavançonsàuneallurefolleetnevoyonspasl’heurepassertellementnoussommesconcentréessurnotretâche.

Nous sommes interrompues à 13 heures par Noah qui nous apporte des sandwiches. NousdéjeunonstouslestroisetnousnousmettonsàparlerdudossierKent.

—J’aieuJackKentautéléphone,cematin.IlsouhaiteraitquenousretournionsàNew-Yorkluirendrevisitepourquetuluiexpliquesl’avancéedestravaux.Ilaapprispourtonabsenceetétaittrèsinquietquesonprojetprenneduretard.Jepensequ’ilseraitpréférabled’accéderàsademandepour

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le rassurer, mais, avant d’accepter, je tenais à voir avec toi si tu t’en sens déjà capable ou si tupréfèresquenousattendionsencoreunpeu.

—Noah,dis-jeenfronçantlessourcils.Tuavaispromisdenepasmematerneràmonretour.SinousdevonsfaireunvoyageàNew-York,alorsallonsàNew-York!Laquestionneseposepas.Tusais combien ce projet me tient à cœur. Nous devons rassurer Kent au plus vite avant que ne luiprennelalubiedechercherunnouveaudesigner.

—Très bien.Dans ce cas, je vais demander àmon assistante de faire les réservations et nouspartonsàNew-Yorkd’iciquarante-huitheures.Celateconvient?

—Parfait,décrété-jeavecunfrancsourire.—J’aimeraisbienpartiràNew-York,moiaussi,gémitsoudainBarbaraquin’avaitpasencore

prislaparole.—Ehbien, tunousaccompagnes.Emersonvientaussiavecnous, ilvafalloirsortir l’artillerie

lourdepourbrosserKentdanslesensdupoil.Barbara se lève et entame une danse de la victoire en tapant desmains, se fichant éperdument

d’êtreenprésencedesonpatron.Noahetmoirionsjoyeusementenlaregardantfairel’idiote.Unefoismonamiecalmée,nousterminonsnotrerepasenpréparantnosargumentspourconvaincreKent,puisletéléphonedeNoahinterromptnotredéjeuneretilretourneàsonbureau.

—Jen’arrivepasàcroirequeNoahm’aitproposédeveniravecvous,ditBarbaraensecalantdanssonfauteuil.

—C’estunbonpatron.Ilavutoninvestissementpendantmonabsence.Tuasméritécevoyageautantquenous,Barb.

—Merci,Cassie.Enplus,tuterendscompte!?New-York!Jerêvedepuisdesannéesdevisiterlavillequinedortjamais!

— Je te comprends, j’étais aussi excitée que toi, la première fois que nous sommes partis etj’avouequejelesuisencoreaujourd’hui.

—J’espèrequeNoahnouslaisserajouerlestouristesaprèsnotrerendez-vousavecKent.Ilpeutbienfaireça,non?

—Jepensequeoui,dis-jeensouriant,jesuiscertainequ’ilnousréservebiendessurprises.

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Chapitre42

Deux jours plus tard, c’est une véritable équipe remontée à bloc quimonte à bord de l’Airbusnous emmenant à New-York. Non seulement, il y a Noah, moi et Barbara, mais aussi RichardEmerson,lebrasdroitdeNoah,MurielLandro,laresponsableInnovation,etdeuxautresdesignersainsi que leurs assistants. Noah m’a confié que les négocations avec Kent avaient été rudes. CetAméricain, mégalo, n’a vraiment pas apprécié que je ne gère pas son dossier pendant un mois.Commesij’avaisfaitexprèsdetomberdechevaletdanslecoma!Peut-êtreunpeuquandmême.Tul’ascherchéenmontantdessussanssavoirenfaire!JechassecesidéesnoiresdematêteetfaislevideenmeconcentrantsurNoah,assisàmescôtés,entraindetravaillersursonordinateurpendantquenoussurvolonsl’océanAtlantique.

Nous atterrissons six heures plus tard à l’aéroport JFK où nous attendent deux véhicules avecchauffeur. Noah et moi montons à bord du premier, où nous retrouvons avec plaisir Peter, notrechauffeurduséjourprécédent.Jesuissurprisedevoirtouslesautresmonteràborddusecond.MêmemonamieBarbaran’estpasavecnous.

—PourquoiBarbaranemonte-t-ellepasavecnous?dis-je,unefoisquelavoitures’insèredanslacirculation.

—Pour la bonne et simple raisonquenousn’allonspas aumêmeendroit que les autres,monange.

—Ahbon!Etoùallons-nous?—Ça,c’estunesurprise.Tuledécouvrirasbienasseztôt.Son téléphone interrompt notre conversation. Noahm’embrasse furtivement les lèvres tout en

sortantsonportabledelapoche,puisildécroche,nemelaissantaucunindicesurnotredestination.NousnousarrêtonsdanslacélèbreMadisonavenue,aprèsplusd’uneheurederoute.Petersort

nosbagagesducoffreetnouslaissedevantunimmensebuilding.JesuisNoahàl’intérieuroùnoussalue, révérencieusement, un portier. Noah insère une clé dans l’ascenseur et l’étage Penthouses’affiche sur les commandes de bord de l’appareil. Je regarde Noah, complètement stupéfaite. Ladernière fois que nous sommes venus à New-York, il a pris une chambre d’hôtel avec portescommunicantes,alorsqu’ilpouvaitloger,ici…chezlui!?

—Est-cequenousnousrendonsbienlàoùjepense?dis-je,d’unairsuspicieux.—Ehbien,dis-moiàquoitupenses,machérie.—Tuviensd’insérerunecléquicommandetoutunétage.AlorssoittuaslouélePenthousepour

notreséjour,soitcePenthouset’appartientdéjà.Jemetrompe?—Tuasraison,monange.J’aiunpied-à-terrenew-yorkais.Je vais protester, mais les portes de l’ascenseur s’ouvrent et me laissent devant un décor

somptueux. Nous pénétrons dans l’entrée du Penthouse. Noah me laisse passer la première et jedécouvre, émerveillée, l’appartement. Nous entrons directement dans un salon avec une vueimpressionnante sur la ville de New-York, les couleurs dans des tons taupe et beige donnent àl’endroituncaractèrecalmeetapaisant.Jecontinuedefaireletourdupropriétaireetdécouvreuneimmense cuisine américaine où je m’imagine déjà faire des gâteaux tellement il y a de l’espace.Pourquoijepenseàça?

Noahposesamainsurmonépauleetmurmureàmonoreille:—Bienvenuechezmoi,monange.Tuveuxquejetefassevisiterlasuitedel’appartement?Jemeretourneetj’accepteenluisouriant.— Pourquoi avoir pris une chambre, la dernière fois, alors que tu as un merveilleux

appartement?—Sij’avaisdormichezmoi,nousnenousserionspeut-êtrepasrapprochés.Jevoulaisapprendre

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àteconnaître.Etmêmesijedisposedetroischambresici,jedoutequetuauraisacceptédedormirdansl’unedemeschambresd’amis,sijetel’avaisproposé.

Jeconfirmeenfaisantlamoueetjel’embrassesurlajoue.—Merci,monchéri.—Dequoi?medemande-t-ilsurpris?—D’avoirtoutfaitpourentrerdansmavie.

Ilmesouritetprendmamainpourm’attireràlui.Ilpassesesbrasautourdemataille,sonregardpétillantsesoudeaumienetilm’embrassepassionnément,noslanguess’unissantdansunedansedesplussensuelles.Noahs’écartedemoiàboutdesouffle,sonéternelsourirecraquantetmalicieuxauxlèvres,puisilmeprendlamainetmefaitvisiterleresteduPenthouse.

** *

Nous terminonsnotrevisitepar lapiscine intérieuredontdispose lePenthouse,puisnousnousinstallons dans le salon extérieur sur la terrasse, surplombant le tout Manhattan. La vue est toutsimplementgrandioseetjemeprendsàrêverd’unevieiciauxcôtésdeNoah,pendantqu’ilnoussertunverredevin.

—Serais-jeprésomptueuxd’espérerquetudormesàmescôtés,cettenuit?—Absolumentpas,monchéri.Tusaistrèsbienquejedorsmieuxquandjesuisdanstesbras.— Tu devrais arrêter de me dire de si gentilles choses, ma chérie. Tu ne fais que renforcer

l’amourquej’aipourtoi,unpeupluschaquejour.—Tuesvraimentungrandromantique,dis-je,émue.—Tufaisressortirlemeilleurdemoilorsquejesuisàtescôtés.Nousrestonspendantplusieursminutes,commeça,simplementenlacés,savourantlaprésencede

l’autre et la magnifique vue de la terrasse. Je pourrais rester comme ça éternellement. Le tempscommenceàrafraîchiretjefrissonnelégèrement.Noahleressentimmédiatementetmechuchoteàl’oreille:

—Tuasfroid,monange.Viens,rentronsàl’intérieur.

** *

Noahmeditdem’installerdansl’immensecanapéd’angle,letempsqu’ilcommandenotrerepas,sushisetsashimisqu’ildemandedenousfairelivrerdèsquepossible.Jechercheunfilmquenouspourrons regarder pendant le repas avant d’aller nous coucher de bonne heure pour êtreopérationnelspournotre rendez-vousdu lendemainavecKent.Noahme rejoint et s’installe àmescôtés,puisnouschoisissonsderegarderVeryBadTrip.Nousdînonsenregardantlefilm,puisnousnous installonsconfortablementdans lecanapé. Jeposema tête sur lesgenouxdeNoah. Ilcaressetendrementmescheveuxpendantquenousregardonslefilm.J’aidumalàgarderlesyeuxouverts,lafatigueetledécalagecommencentàavoirraisondemoi.Jesombrepeuàpeudanslesommeil.

Àlafindufilm, jesensNoahdécalermatêteetse lever, j’ouvredifficilement lesyeuxet je ledécouvreàmahauteurmesourianttendrement.Ilnemelaissepasletempsdemeleveretmesoulèvedu canapé, comme si je ne pesais qu’une plume. Je proteste pour la forme et son sourire se faitmalicieuxquandilcomprendquejeneveuxsurtoutpasqu’ilmereposeausol.Nousentronsdanssachambreetmoncœurs’emballe.LeregarddeNoahestd’unenouvelleintensité.Jesensqu’ilbrûlede

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désirpourmoi,etjesuiscertainequ’ilpeutlirelamêmechosedanslesmiens.Lesailesdepapillonsseréveillentaucreuxdemonventre.Marespirations’accélère.Jesensmon

corpss’embrasersoussonregardincandescent.Jen’avaisjamaisencoreressentiunetelleattractionphysique,mêmeenversNoah.J’ail’impressionquemoncorpsentiermehurledelelibérerdecettetensionquinaîtàsoncontact.Jemeursd’enviedefranchircecap-là,aussiaveclui.Jesaisqueluiseulpeutmefaireoubliercettehorriblenuit,oùmavirginitém’aétéarrachée.Danssesbras,jesuiscertainequecetactereprésenteraitlaplusbellepreuved’amouretdeconfiancequenouspourrionsnousoffrirmutuellement.

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Chapitre43

Noahmedéposedélicatementsurlelitet tentedeseredresser,maisjel’enempêcheenpassantmesbrasautourdesoncou.Ilhausseunsourcilenplongeantsonregarddanslemienafind’essayerde lire au travers, comme il le fait sans cesse. Je peux voir ses yeux s’enflammer, tout comme lecombat intérieur qu’il est en train de livrer. D’un côté, il meurt d’envie d’assouvir le désir qu’iléprouvepourmoi,d’unautre,ilneveutpasmebousculeraprèstoutcequej’aidéjàenduré.

Jeposeunemainsursanuqueet,del’autre,jecaressetendrementsajoue.—Jesuisprête,monchéri.J’enaienvie.—Tuessûre,monange?Biensûr,j’aienviedetoi,maisjenevoudraispastebrusquer.Jesuis

prêtàattendreletempsqu’ilfaut,tulesais,n’est-cepas?—Rassure-toi, jesais trèsbienque tunemeforceras jamais lamain.Jesuissûredemoi…Je

t’aime,NoahBeckham,etjeveuxquetusoislepremieretl’uniquehommequimefassel’amour,dis-jeenchuchotant.

Pour la première fois, j’ose enfin lui avouermon amour en l’exprimant clairement.Noahmesouritetunedélicieusechaleurs’emparelentementdemoncorps.Ileffleuremajouedureversdelamainetsesdoigtsfinissentleurcoursesurmeslèvres.Sesyeuxauxcouleursducielsontassombrisparledésiretvirentàuneteintebleunuitquejeneleuravaisencorejamaisvue.

Lentement, il m’allonge sur le dos et s’installe au-dessus de moi. Il m’embrasse tendrement,contrastantavecl’ampleurdudésirquiémanedenoscorps.Ilenfouitsesmainsdansmescheveuxetm’embrasseleboutdunez.

—Tunepeuxpasimaginerl’immensepressionquipèsesurmesépaules,monange,m’avoue-t-ilenchuchotant.

—Pourquoi,monchéri?— Je veux tellement te faire oublier cette première fois, que tout soit parfait. J’ai peur de te

décevoir.—Tunepeuxpasmedécevoir.J’ensuisconvaincueauplusprofonddemoncœuretà travers

moncorpsquirevientàlavieàtescôtés.Cesoirestlapremièrefoisquejefaisl’amour…Jet’aime,Noah.

—Jet’aimeaussi,Cassandra,merépond-il,lavoixchargéed’émotion.Ilm’embrasse tendrement,mais son baiser redouble d’ardeur lorsque sa langue s’enroule à la

mienne.Sesmainscaressentmoncorpsdélicatementpar-dessusmesvêtements, contrastant avec lafougue de notre passion. Je sens qu’il hésite toujours un peu, alors je plongemesmains dans sescheveuxenapprofondissantencorenotreétreinte.Noah lâcheungrognement rauqueet s’écartedemoi.

—Jevaishonoreretchérirceprécieuxcadeauque tum’offres. Je teprometsde respecter toncorpsautantquejerespectetonâme.Jeveuxqueturessentesàquelpointtucomptespourmoi,monange. Je ne te ferai jamais de mal. Et si tu changes d’avis, tu n’as qu’à me le dire et j’arrêteraiimmédiatement.Tupeuxmefaireuneconfiancetotale.

—J’aiconfianceentoietjesuiscertainedenepaschangerd’avis.J’enaiautantenviequetoi,monamour.Jesuissûredemoi.

Noahse redresseetpasse sonT-shirtpar-dessus sa tête, révélant son torsemuscléet sesabdossculptés.Sesmuscles sont tendus, sa respirationest aussi saccadéeque lamienne, sesyeuxbrûlentd’uneintensitéquimefaitfrémird’anticipation.Ilcontinuedesedéshabillerengardantsonregardrivéaumien,ôtantsonpantalonetseschaussettes,negardantquesonboxeroùjepeuxapercevoirl’ampleurdesonexcitation.

Jeressensunelégèreappréhension,bientôtremplacéeparunedouceeuphorie.Jem’apprêteenfin

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àfairel’amouravecunhommequim’aimeetmerespectepourcequejesuis.DanslesbrasdeNoah,jemesensbelleetaiméecommejamaisjenel’aiété.Cettesensationestcomplètementgrisante.

Il s’installe à nouveau au-dessus demoi et passe samain dansmes cheveux, dans une caresseapaisante. Puis il la fait lentement glisser dans mon cou continuant de descendre jusqu’à monchemisier.Ilcommenceàendéboutonnerunàunlesboutons,dévoilantprogressivementmapoitrine.Je retiensma respiration quand il ouvre le dernier. Jeme sens terriblement nerveuse et arrête derespirer quand il s’apprête à retirer mon haut. Noah ressent mon malaise et m’embrasse alorstendrement,m’insufflantaupassagelaforcequimefaisaitdéfautpourmelaisserallercomplètementdanssesbras.

Jecaresseduboutdesdoigtssontorse,sonventre,sondos,jem’imprègnedesoncorps,desonodeur.Pourlapremièrefoisdemavie,jemesensréellementvivante.Noahapprofonditnotrebaiser,samain glissant jusqu’àmon pantalon. Il déboutonne le bouton et descend la fermeture éclair, enprenantsoindenepasmebrusquer.Jeneveuxpasqu’ilseretienne,jeveuxqu’ilmefassesienne,quenoscorpss’exprimentlibrement.Jesoulèvemonbassindansuneinvitationsilencieuse.Noahs’écartedemoietplongesonregarddanslemienenfaisantglissermonpantalonlelongdemesjambes.

Il se redresse complètement et quitte le lit un instant, me laissant déstabilisée. Il prend sonsmartphoneetcherchequelquechosedessus.IlsouritentrouvantenfinetmetenrouteSentinelle,unechansondeLouisDelort&TheSheperdsquejeneconnaissaispas.Ilrevients’installerprèsdemoietjemelaisseenvahirparl’émotionendécouvrantlesparolesdecettemagnifiquechanson.

Lentement,ilreprendsescaressestendresetsensuellessurmoncorpsfrissonnantd’anticipation.J’ail’impressionqu’ilapprendparcœurlamoindredemescourbes.Ilrevients’installerau-dessusde moi et m’embrasse passionnément. Je me sens pousser des ailes et commence, à mon tour, àcaresser soncorps.L’ambianceestd’un romantismeetd’unérotisme rares.L’aircrépiteautourdenous,unpeucommesinousétionsdansunebullequeriennipersonnenepourraitfaireéclater.

Ilpassesamaindansmondosetdégrafemonsoutien-gorgepuisilfaitdescendrelentementmesbretellesdévoilantmapoitrinegonflée.Ilsedétachedemeslèvresetsaboucheseposedansmoncoupuis descend lentement à la naissancedemes seins. Je respire difficilement,mais je n’ai pas peur.L’amouretlerespectquejelisaufonddesesyeuxmetranspercentlecœur.

Noahembrassechaqueparcelledemapeaunue,desfrissonsmeparcourentdespiedsàlatête,unlégerpicotements’emparedemonentrejambependantqueNoahs’assoitentremescuissesetpassesesdoigtssousl’élastiquedemaculotte.Jelèveànouveaulebassinpourluifaciliterlatâcheet,toutdoucement,ildescendlefinboutdetissulelongdemesjambes.Ilrécupèremaculotteetlaposeaupied du lit, puis il semet debout et ôte son caleçon.Cette fois, c’est sûr, je ne respire plus ! Sonmembre est fièrement tendu contre son bas-ventre. Cette vision m’émoustille autant qu’elle meterrifie.Ilserallongesurmoi,m’embrassetendrementetposesonfrontcontrelemien.

—Tuessûrequec’estcequetuveux,monange?—Oui,murmuré-jed’unevoixrauquequejenereconnaispas.Noahsepenchesurlecôté,ouvreletiroirdesatabledechevetetensortunpréservatif.Jeme

mordslalèvreinférieureenretenantmonsouffle.Desbourdonnementsrésonnentàmesoreilles.Jesens la paniquem’envahir peu à peu. Je ferme les yeux et prends une profonde inspiration. JemeconcentresurlemorceauBringmetolifequicorrespondàcequejeressensquandjesuisdanslesbrasdeNoah.

J’ouvre les yeux et rencontre les siens. La tendresse que j’y lis me transperce le cœur etm’électriselecorps.Jepassemesbrasautourdesanuqueetl’embrassedetoutmonêtre.Jesenssonsexe s’immiscer lentement dans mon intimité. Une légère brûlure se répand à cet endroit. Noahm’embrasse tendrement.Sesmainsenfouiesdansmescheveux, ilme fait l’amouravecune infinie

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douceurquimebouleverse.Unelarmedejoieroulesurmajoue.Noahl’interprètemaletsefigeensondantmonregard.

—Net’arrêtepas,monamour,toutvabien,dis-jeenluicaressantlajoue.Ilfroncelégèrementlessourcilsetjel’embrassepourchassersesdoutes.Àtraverscebaiser,il

comprendquejem’offreetm’ouvreàluicorpsetâme,sanslamoindrecontrainte,etmerendmonbaiseravec force.Noscorpsetnoscœurss’embrasentdansuneparfaiteharmonie.Labrûlurequej’airessentieaudébuts’estévanouie,laissantplaceàunedoucesensationdechaleurquienvahitpeuàpeutoutmonêtre.Jenereconnaisaucunedessensationsquimontentenmoi,maiscelaesttellementgrisant que je me laisse submerger par le flot d’amour que je ressens à cet instant. Mon cœurs’emballe, mes jambes se mettent à trembler, les papillons déploient leurs ailes au creux demonventre et explosent tel un feu d’artifices. Je n’aurais jamais imaginé ressentir cela un jour… Cesentimentdeplénitudeabsoluelorsquetoutmoncorpsetmonâmeselaissentenfinallerauplaisiretà lavolupté.Noahadéfinitivementabattu toutes lesbarrièresquimeretenaientprisonnièredemessouvenirs.Ilaccélèresesmouvementsetémetungrognementenm’embrassantpassionnément,puisil s’allongede tout sonpoids surmon corps, reprenant peu à peu sa respiration, sa tête nichée aucreuxdemoncou.

SentinellerepassesurlesmartphonedeNoah.Jemelaissebercerparlesparoles.Jemesensenfinforte, libre et sereine.Cette nuit,Noahm’a offert le plus beau des présents en chassant l’horriblesouvenir dema première fois, pour la remplacer par cette parfaite symbiose que nous venons devivreensemble.Jen’aijamaisétéaussiheureusedemavie.JesuisprêteàtoutaffronteravecNoahàmescôtés.

Ilm’embrassefurtivementetroulesurlecôté.Ilvadanslasalledebainattenanteàsachambreetrevientsemettreaulit.Ilsemetsurledosetjeviensmeblottirtoutcontrelui,dessinantdelégèresarabesquessursontorse.

—Çava,monange?—Jen’aijamaisétéaussibiendetoutemavie.—Tuessûre?Tunedispasçapourmefaireplaisir?—Jevaistrèsbien,monchéri.Tuasétéparfait…Jet’aime,soufflé-jeendéposantunbaiserau

creuxdesoncou.—Jet’aimeaussi,monange,dit-ilenembrassantmescheveux.Etnoussombronstousdeuxdansunsommeilsereinpeupléderêvesd’avenir.

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Chapitre44

Lelendemainmatin,jemeréveille,seuledanslelit,unmotdeNoah,posésursonoreiller:

«Jen’aipaseulecœurdeteréveiller,monange.JesuispartifaireunfootingdansCentralPark.Unpetit-déjeunert’attenddanslacuisine.Nousquittonsl’appartementà11heurespourdéjeuner

avecl’équipeavantnotrerendez-vousavecKent.Àtoutàl’heure.Jet’aime.»

Je serre la note contre mon cœur et souris niaisement en regardant le plafond. Je revisinlassablementcettemerveilleusenuitenpensée.Jemesensdésormaisplusfemme,commesifairel’amour avecNoahm’avait transformée. Je sais très bien, pourtant, que je suis toujours lamêmeCassandra,maisavecunpetitquelquechosedenouveau…unsentimentdelibertéencoreinconnu.Jemelèveetfileàlasalledebainsprendreunedoucheetmepréparer.

Une demi-heure plus tard, je suis fin prête. J’ai opté pour une jupe crayon noire et un petitchemisierblanc,mescheveuxsontremontésenunhautchignon,j’aimismapaired’escarpinsféticheetunelégèretouchedemaquillage.Noahn’esttoujourspasrevenudesonjogging.Jel’attendsassisesurlaterrasseextérieureetsirotemoncafé,admirantlavuedeshautbuildingsnew-yorkais.JemereplongedansledossierKent.JetiensàmemontreràlahauteurdevantKent,maisaussidevanttoutel’équipe venue assister à ce rendez-vous. Je compte me surpasser pour que personne ne puisseémettre lemoindre jugementsur lescompétencesquim’ontpermisd’acquérir la responsabilitéduprojetKent.J’aibeausortiravecleP.-D.G.deDesign&Co,iln’estpasquestiondefavoritisme.J’aitravaillédurpendant toutemascolaritéet surceprojetpourenarriver là. Jen’aivolémaplaceàpersonneetjecomptebienleleurprouver.

Jen’entendspasNoaharriveretjesursauteausondesavoix.—J’étaissûrquej’allaistetrouverlàenrentrant,dit-ilenavançantdansmadirectiond’unpas

légèrementhésitant.Jesensqu’ilapeurquejeregrettemadécisiondelaveilleet,pourchassersesdoutes,jeluioffre

mon plus beau sourire en l’accueillant. Ses yeux pétillants retrouvent leur éclat et son souriremalicieuxrefaitsurfacelorsqu’ils’arrêteàmahauteuretposesatassedecafésurlatablebasse.

—Bienreposée,mabelleauboisdormant?dit-ileneffleurantmeslèvresets’installantàmescôtés.

—Commeunbébéquiapasséunenuitcomplète,maistum’asmanquécematinquandjemesuisréveillée.

Je rougis en repensant, une fois encore à cette merveilleuse soirée, Noah le remarque etm’adresseun clind’œil complice enprenant sa tassede café. Il a ladélicatessedenepas fairederemarque quim’embarrasserait au plus au point. J’ai attendu vingt-deux ans pour réellement fairel’amouret,depuiscettenuit,jenepenseplusqu’àça!Puis-jedevenirnymphomaneaprèsjusteunenuit?Tudivaguescomplètement,mapauvrefille!Jefaislevidedansmatêteetprendsuneprofondeinspiration. Il faut que jeme ressaisisse et vite, car une réunion de la plus haute importance nousattend!

** *

Deuxheuresplustard,noussommesattablésàl’unedesmeilleurestablesdurestaurantduFour

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Seasons, en compagniede toutenotre équipe.Barbaram’a regardéed’undrôled’air lorsquenoussommesarrivésetm’aglisséundiscret:«tuasquelquechosededifférent»enmefaisantlabise.Jeluiaisouriniaisement,etmonamieatoutdesuitecomprissij’encroislesétincellesquibrillaientdanssonregard.

Nousrevoyonsunedernièrefois tousnospointsstratégiques.Chacunyvadesoncommentaireplus ou moins pertinent. Pendant tout le repas, j’ai surpris plusieurs œillades entre Emerson etBarbara. Je ne sais pas ce qui a bien pu se passer hier soir, mais j’ai le sentiment qu’il y a del’électricité dans l’air entre ces deux-là.Dès que j’en aurai l’occasion, je compte bien faire parlermonamieenluiproposantuneséanceshopping.

14heures.NotrerepasestterminéetlatableaétésoigneusementnettoyéeafinderecevoirKent.Nous avonspréféré le rencontrer dansun terrainneutre, qui est plus est, dans l’undesplusbeauxhôtelsdel’étatdeNew-York.

14 heures 30. Jack Kent et son équipe arrivent enfin. Le magnat de la finance roule desmécaniquesetseprésenteenterrainconquis.Ilsaitqu’ilestenpositiondeforceetsembleheureuxd’endossersonrôledegrandponteànotretable.

—Jack,jesuisravidevousrevoir,lesalueNoahenluiserrantlamain.—Jenepeuxpasvraimentendireautant,commenceleP.-D.G,sanslâcherNoahduregard.Latensionautourdelatableestpalpable,chacunn’osantbattred’uncil.MurielLandroregarde

sesongles,lesdeuxdesigners,eux,sontconcentréssurleursnotes,EmersonetBarbara,assistentàlascènedansunsilencereligieux.

—MonsieurKent,dis-jepourinterromprececombatdecoqssilencieux.Kentseretourneversmoitoutsourire.—MademoiselleLacour,jesuisheureuxdevousvoirparminous.J’aiapprisquevousavezété

hospitalisée.J’aieupeurqu’ilvoussoitarrivéquelquechosedetrèsfâcheuxetquevousnepuissiezplustravaillersurmonprojet.

—Jevousremerciepourvotresollicitude,Monsieur,celametouche.Vouspouvezêtrerassuré,jesuisdenouveauopérationnelleetprêteàmeconsacrerà100%àvotredossier.

—Vousm’envoyez ravi,Cassandra.Vousêtes la personnequim’adonnéenviede suivrevoséquipes.Sivousn’aviezpaspumeneràbienceprojet,jen’auraiscertainementcontinuéavecDesign&Co.

Je suis extrêmement gênée par les paroles de Kent et rougis instantanément sentant tous lesregardsdespersonnesprésentesbraquéssurmoi.JemetournelégèrementversNoah,ilsembleàlafois fier et contrarié par les paroles de notre client.Monsieur BeauGosse serait-il jaloux ? Kentprendplaceà tableet laréunionpeutcommencer.Commeprévupendant ledéjeuner,c’estd’abordEmersonquiprendlaparole.LebrasdroitdeNoahestunorateurhorspair,ettoutlemondeboitsesparoles.Ensuite,vient le tourdeMurieletdesdeuxdesignersquiexpliquent l’avancéedestravaux.L’équipedeKentposeénormémentdequestions,tentantdenouspiéger,maisnousconnaissonsnotresujet sur le bout des doigts. Au bout de deux heures de discussion à bâtons rompus, je prends laparoleetfaispartàKentdeschangementsquej’aiprévusd’opérerenregardantManhattancematin.

Àlafindematirade,Kentselèveetapplaudit.—Jenem’étaispastrompéenvouschoisissant.Jesuisheureuxdevoirquevouspreneztousce

projetàcœur.Jeressensl’investissementdechacundevous,etc’estexactementcequej’attendsdesgensquandjelespaye!

— Je crois que nous avons fait le tour, Jack.Nous programmerons une réunion, une fois parmois,ici,auFourSeasons.Commecela,nousvoustiendronsinformésdel’avancéedevotreprojet,etvouspourreznousposertouteslesquestionsquevousvoudrez.Qu’enpensez-vous?

—C’estuneexcellenteidée,Noah.

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Kentetsonéquipeselèvent.Nouslesimitonsetlesremercionspourleurconfianceenlessaluant.Lorsqu’ilsquittentlerestaurant,chacunreprendsaplaceetnouscommençonsundébriefingafindelisterlesprioritésetfairelebilandecetentretien.

Une heure et demi plus tard, nous avons décidé de ne rentrer à Paris que le lendemain soir.Plusieurs d’entre nous n’avaient jamais vu New-York et rêvaient de visiter cette ville mythique.Chaque membre de l’équipe quitte le restaurant pour vaquer à ses occupations. Barbara demandealorsàNoahdemelaisserpasserquelquesheuresavecellepourfairedushopping.IlaccepteenriantetproposedemettrePeterànotredisposition.Nousleremercionschaleureusement.Jem’approchedeluietl’embrassetendrement,mefichantéperdumentdequipourraitnousvoir,puisnouspartonsBarbaraetmoi,brasdessus,brasdessous,jouerlesPrettyWoman,danslesruesnew-yorkaises.

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Chapitre45

Jemeréveilleavecunemigrainecarabinéeetouvrepéniblementlesyeux.MerciBarbaraetsesidéesdegénie!AprèsavoirfaitletourdesboutiquesdeNew-York,ellem’aentraînéedansunbaroùnousavonspassélasoiréeàrefairelemondeenbuvantdesCosmopolitains.Peuavantminuit,PeteradéposéBarbaraauFourSeasonsetm’aensuiteramenéeauPenthousedeNoah.J’aiessayédefairelemoins de bruit possible en pénétrant à l’intérieur, mais c’était peine perdue ! Mon éternellemaladresserefaisantsurface,j’aiaccidentellementheurtélemeubledansl’entréeetrenverséunvase.

Noahm’a rejointe, une lueurmi-amusée,mi-énervée, dans les yeux. Il a posémon sac etm’aprisedanssesbras,refusanttoutecontestationdemapart.Ilm’aemmenéedanssachambre,ôtémesvêtementsetmiseaulit,commeuneenfant.Heureusementqu’ilesttoujourssiprévenant,carjecroisquejen’auraisjamaisréussiàtrouverlachambreàcoucher,dansunétatpareil.

Jemelèveenpriantpourquelebourdonnementdansmesoreillescesseetmerendsdanslasalledebainpourunebonnedouche,qui,jel’espère,sauradissiperleseffetsdel’alcool.Jepasseunerobecintréeetévaséeàpartirdeshanchesavecdesfleursimprimées,puisjemetsunetouchedemoussedans mes boucles pour leur redonner un peu de vigueur. Pas question d’attacher mes cheveuxaujourd’hui,moncrânenelesupporteraitpas!J’optepourunepairedeballerinesdecouleurrosepoudrépourcomplétermatenueetappliqueunetouchedemascaraetdeblushsurmesjouespouruneffetbonnemine.J’aiterriblementhontedenepasavoirmodérédavantagemaconsommationhiersoir.JemesuislaisséeentraînerparBarbara,fêtantsonpremiervoyageàNew-York,maisaussiparlecontratKent,sanscomptermapremièreavecNoah.Monamieavaitbiencomprisquenousétionspassés à l’acte, et n’a pas lâché lemorceau tant que je ne le lui ai pas avoué. Jeme regarde unedernièrefoisdanslemiroiretprendsuneprofondeinspirationenquittantlasalledebain.

J’arrive dans la pièce principale, mais aucun signe de Noah. Je vais voir sur la terrasse et ledécouvre, assis sur la banquette, la brise légère faisant flotter ses cheveux dans les airs, son pcportable sur les genoux. Je l’observe quelques instants, profitant du fait qu’il neme voit pas, tropconcentrésursonordinateur.J’ailasensationderevivrelamêmescènequelapremièrefoisoùj’aidormichezlui,àParis,parcourueparlesmêmesémotionsenl’apercevant.J’aivraimentcethommedanslapeau!

Jepousselabaievitréeetlerejoins.Jepassemamaindanssescheveuxetrencontresonregard.Ilest toujours aussi pétillant, et son sourire plusmalicieux que jamais. Je l’embrasse furtivement etm’assoisàsescôtés.

— Je me demandais combien de temps tu allais encore me mater avant de te décider à merejoindre,monange.

—J’ignoraisquetum’avaissurprise,avoué-je,rougissante.—Jenet’aipasvue.J’aisentitonregardposésurmoi.Jemesersunetassedecaféetmecachederrière,gênéedem’êtrefaitprendreenflagrantdélitde

voyeurisme.Noahmesouritetmefaitunclind’œil.—J’aimesavoirquetuappréciescequetuvois,dit-ild’unairtaquin.—Tusaisquetumemetstrèsmalàl’aise,là?—Oui,jesais.Maisj’adoretetaquiner,machérie.Tunel’aspasvolévul’étatdanslequeljet’ai

trouvéehiersoir.J’avale ma gorgée de travers et m’étouffe. Le sourire de Noah s’élargit de plus belle. Je me

doutaisbienquejen’allaispaséchapperàuneremarqueoudeux.—Enparlantd’hiersoir,commencé-je,entredeuxquintesdetoux.—Tun’aspasàtejustifier,machérie.Tuasseulementvingt-deuxans.Tuesenâgedet’amuser

quandtusorsavectesamies.

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—Merci,monamour.Jemesuissentievraimentminable,cematinquandjemesuisréveilléeenmeremémorantlafindelasoirée.

—Tuavaisdequoi,tusais…Jecomprendsquetusouhaitest’amuseretprofiter.Néanmoins,jen’aimepassavoirquetuboisautantquandjenesuispasàtescôtéspourveillersurtoi.Jesuiscontentd’avoirdemandéàPeterdevousservirdechauffeur.Aumoins,jesavaisquetuarriveraisàbonport.

Jeleregardeenluiadressantunemoued’excuse.Ilaraison,j’aiétécomplètementinconsciente.NousétionsdeuxFrançaisesisoléesaubeaumilieudeNew-York,àboireplusquederaison.Nousavonsvraimentfaitn’importequoi.

—Promets-moiquelaprochainefois,tutelimiterasàdeuxverres?Troisaumaximum?SurtoutsiMattéooumoinesommespasavectoi.Jemesentiraisplusrassuré.

—Jetelepromets.Jenesaispascequinousapris;celanenousressemblepas.—L’exaltationdesderniersévénements,sansdoute.Vousvousêteslaisséeshapperparlafrénésie

nocturnedeManhattan.

** *

Unefoisnotrepetit-déjeunerterminé,nousoptonspourunepetitebaladedansCentralPark.Nousnouspromenonsmaindanslamainetachetonsunbretzelàunmarchandambulant,puisnousnousinstallonssurlapelouseàl’ombred’unarbreetregardonsunebandedejeunesentraindejoueraufootballaméricain.

—Jepourraisrestercommeçaéternellement,memurmureNoahaucreuxdel’oreille.—Moiaussi,réponds-jeensoupirantd’aise,meblottissantdavantagecontresontorse.—Jesaisquenotrehistoireestencore touterécente,maiscequenouspartageonsestvraiment

unique,monange.C’estpourcelaquej’aimeraisteposerunequestion,maisjeneveuxpasquetutemettesàpaniquer.Jenetemetspaslapression,etjecomprendraiaccepteraiunéventuelrefusdetapart…

Jeme décale légèrement pourmieux le regarder.Mon cerveau réfléchit àmille à l’heure auxéventuellespossibilitésquemelaissentsupposersesparoles.Ilnemedemanderaitquandmêmepasenmariagesi tôt,non?Commesi tuallaisrefuser,peut-être!Pfff, j’ensais rien.Jesuisbien tropjeunepourm’engager,mêmesijesais,aufonddemoi,queNoahestl’hommedemavie.

—Monange?Tuestoujoursavecmoi?La voix de Noah me sort de mes pensées. Je rencontre son regard qui sonde le mien, à la

recherchedelamoindreoncedepeur.Jeluirépondsenluisouriant.—Oui,excuse-moimonchéri.Vas-y,tupeuxmeposertaquestion.Jet’écoute.—O.K…Jesouhaiteraisquetuemménagesavecmoi.Dansl’absolu,j’aimeraisque,dèsquenous

rentronsàParis,tuprennestesaffairesetviennesvivrechezmoi.Maisjecomprendraistrèsbienquecelateparaissetroprapide.

—Àvraidire,jenesaispastropqu’enpenser,lecoupé-je.—Situasbesoindetemps,tupourraiscommencerparvenirplusieursfoisparsemaineetlaisser

quelquesaffaires.Et,quandtutesentirasprête,tuemménagerasavecmoi,pourdebon…—Jene...hésité-jeuninstant.Ilfautquej’enparleavecMattéo,etj’aimeraisavoiraussil’avisdu

DrRigollot.C’estunedécisionimportante…Commetul’asjustementrappelécematin, jen’aiquevingt-deuxans.Neteméprendspas,monchéri,j’aitrèsenviedevivreavectoi,vraiment…

—Maistupréfèresprendretontempsetyréfléchiràtêtereposée,mabelle.Jecomprends,dit-ild’unairtriste.

—Non, tunecomprendspas,monamour. J’accepte tadeuxièmesolution.Commençonspetitàpetitetvoyonsoùcelanousmène.

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Soudain, sesyeux s’illuminent. Il passe samainderrièremanuque,m’attire à lui et nos lèvress’unissent dans un baiser passionné. Nous sommes interrompus par des sifflements et desexclamationsémanantdesjeunesquijouaientprécédemmentaufoot.Noahsedétachedemoienriantetposesonfrontcontrelemien.

—Jet’aime,CassandraLacour,murmure-t-ilcontremeslèvres.—Jet’aimeaussi,NoahBeckham.

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Chapitre46

Ilest13heuresquandnotreavionatterritàParislelendemain.Nousrécupéronsnosbagagesetsaluons lesmembres de l’équipe avant de retrouver la voiture deNoah, laissée sur le parking del’aéroport.Lacirculationestfluideet,moinsd’uneheureplustard,nousnousgaronsaupieddemonimmeuble. Noah coupe le moteur et se tourne vers moi. Ses yeux se posent sur mon visage etdescendent surmon cou avant de remonter et de se planter dans lesmiens. Je sensma respirations’accélérer sous l’intensité de son regard. Je peux encore sentir la chaleur de son corps contre lemienpendantqu’ilmefaisait l’amour.Ilenfouitsesdoigtsdansmesbouclesets’amuseà lesfairerebondirtoutengardantsonregardplongéenmoi.

Jemeursd’enviedeluiproposerdemonteràl’appartementavecmoi,maisjen’aimeraispasqueMattéoentreàcemoment-là.Faire l’amouravecNoahestunmoment très intime.Jeneveuxpourrien au monde que ce moment si précieux soit perturbé par l’arrivée inopinée de mon frère. LeregarddeNoahs’attendrit.Unlégersourireflottesurseslèvresetilposesonfrontcontrelemien.

—Onsevoitdemainmatinauboulot,monange.Je ferme lesyeux, reprendsma respirationetgémispour toute réponse.Les lèvresdeNoahse

posent délicatement sur les miennes, sa main relâche mes boucles et caresse mon visage, puis ils’écartedemoi,me laissantpantelantededésiretd’amourpour lui. J’ouvre laportière,sorsde lavoitureetenfaisletour.Jem’arrêteàhauteurdesavitre,qu’iladéjàouverte,etmepencheenavantpourundernierbaiser.

Je fais deux pas en arrière en lui faisant coucou de la main pendant qu’il s’insère dans lacirculation.Jerentrechezmoilecœurléger,Mattéon’estpasencorerentrédesajournéedecours,cequimelaisseencoreunpeudetempspouraborderlesujetdelademandedeNoahaveclui.MonfrèretienttoujoursNoahpourresponsabledemonaccidentdechevaletn’arrivepasàluipardonner.J’aipeurqu’iln’acceptepasmesdécisions.Ilvafalloirquej’arriveàfaireensortequecesdeux-làseréconcilient,carjenepeuxvivrenisansl’unnisansl’autreàmescôtés.

Je rentredansmachambreetposemavalise aupieddemon lit. J’ouvrema tabledechevet etprendsuncachetcontreladouleur.Lesderniersjoursontétééreintants.Leshuitd’heuresd’avionontréveilléquelquesdouleursàmajambeetàmonbrastoutjusteremisdeleursfractures.J’avalemonmédicament avec une gorgée d’eau etme laisse tomber à plat ventre surmon lit. J’ai encore despapillonsdansleventreenrepensantàcettemerveilleusenuitavecNoah.Jen’auraisjamaisimaginéavoir autant envie de recommencer. Je ferme les yeux et sombre lentement dans le sommeil, lesourireauxlèvres.

** *

6heuresdumatin.Jen’ycroispas!J’aidormiplusdequinzeheuresd’affilée,sansmeréveilleruneseulefois!Jen’aimêmepasentenduMattéorentrerhiersoir,c’estdirecombienj’étaisfatiguée,carcelanem’estjamaisarrivé.Jedécided’allerprendremadouche.Unefoisprête,jeluiprépareraiunpetit-déjeunerpourmefairepardonnerdenepasavoirdînéavecluihiersoir.J’entredanslasalledebainetpenseàallerpréparerlapâteàcrêpesavantmadoucheafinqu’ellepuissereposerunpeu.

Uneheureplus tard, je suis en train de terminer de cuire la dernière crêpependant que je faismonterlacrèmeenchantillyavecunsoupçondevanilleliquide,commeMattéol’adore.Jerangevitelacuisine,dresselatablesurl’îlotcentraletparsréveillermonfrère.J’ouvrelaporteenchuchotantdoucement:

—Debout,marmotte,ilestl’heuredeseréveiller…

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Je m’arrête net en découvrant la chambre vide de mon frère. Mattéo a découché sans meprévenir?O.K.,c’estmongrandfrère,ilestmajeuretvaccinéetn’apasàsejustifier,maiscelaneluiestjamaisarrivé.Jeretournedansmachambrecherchermontéléphoneafindevérifiersijen’aipas unmessagenon lu. Je prendsmon téléphone et vérifiemesSMS,mes appels en absence,mesmails,rien!AbsolumentaucunenouvelledeMattéo.

Jeprendsuneprofondeinspirationetessaiedemaîtriserleventdepaniquequimenacedeseleverenmoi.J’ouvrelejournald’appeletappuissurlenomdemonfrère.Aprèsplusieurssonneries,laboîte vocale se déclenche. Je laisse unmessage en essayant de contrôlerma voix pour ne pas luimontreràquelpointjesuisangoissée,etjeraccroche.

Jeretournedanslacuisineetregardetristementlatabledresséeetlescrêpesquej’avaispréparéesavecamourpourmon frère. Je reprendsmon téléphoneet essaie,unenouvelle fois,de le joindre.Malheureusement,jetombeànouveausursamessagerie,alorsjeraccroche.J’ignorepourquoi,maisj’aiunmauvaispressentiment…

** *

8h30. J’entre dans la salle de repos du 18e étage et rejoinsLouis, assis seul à une table. Je nel’avaispluscroisédepuismonaltercationavec laPimbêcheet je suisheureusedepouvoiraller lesaluer.

—SalutLouis,dis-jeenposantmamainsursonépaule.—Tiens,salutCassandra.DéjàderetourdeNew-York?—Commetupeux leconstater, jesuis fidèleauposte, réponds-jeen lui faisantunebisesur la

joue.—Tuprendsuncaféavecmoi?J’aiunpeuplusdetempsqued’habitudedepuisqueCathyesten

arrêtmaladie.—Cathyestenarrêtmaladie?dis-je,incrédule.Ellen’ajamaismanquéunjourdeboulotets’en

vanteouvertementàquiveutl’entendre!—Oui,jesais.J’aieulamêmeréactionquetoiquandj’aidécouvert,ilyadeuxjours,sonarrêt

d’unesemainedanslecourrier.Unesemaine!JerestecomplètementinterditefaceauxdéclarationsdeLouis.—Tum’excusesuninstant?Jevaisprendreuncaféetjereviens.Louismesouritetjemedirigeverslamachineàcaféquin’étaitqu’unprétextepourmettrefinà

cetteconversation.Jemanqued’air…Jepasseàcôtédelamachineàcaféetquittelasalledereposd’unpasdécidé. Jemarcheau traversducouloir, telun robotenmodeautomatique,etme réfugiedans la cage d’escaliers. La têteme tourne. Je respire péniblement. Je ferme les yeux et essaie decalmerma respirationpuis, sans réfléchir, jemonte à l’étagedeNoah. J’entredans l’openspace etsaluel’hôtessed’accueild’unsourirecrispé,maisjenem’arrêtepas.Ellem’appelleetmedemanded’attendre,jenel’écoutepasetfrappeàlaportedeNoah.J’entresansattendresonautorisation.

Il est au téléphone et me regarde, éberlué. Quand ses yeux croisent les miens, il prétexte uneurgence et raccroche précipitamment. La réceptionniste entre derrièremoi et s’excuse dem’avoirlaisséepasser.Noah l’interromptet luidemandedenous laisser seuls etdenenousdéranger sousaucun prétexte. Je ferme la porte derrière elle, et rejoins Noah. Il me prend dans ses bras etm’embrassedanslescheveux.

—Qu’est-cequinevapas,monange?—C’estMattéo,dis-jeenm’écartantdelui.Noahmeguideverslecanapéetnousnousinstallons.

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—Hier, aprèsque tum’aiesdéposée, jeme suis immédiatement endormie.Lorsque jeme suisréveillée cematin, jeme suis préparéepuis j’ai fait le petit-déjeuner.Quand je suis allée réveillerMatt,iln’étaitpasdanssachambre.J’aipenséqu’ilavaitdécouché,maiscelaneluiressemblepasdenepasprévenir.

—Tuasvérifiés’ilavaitessayédetejoindre?—Tutedoutesbiendelaréponse.Jel’aiappelé,maisaprèsplusieurssonneriesj’aieusaboîte

vocaleetluiailaisséunmessage.—Jecomprends,maistut’inquiètesprobablementpourrien.—C’estcequejepensaisaussiavantdecroiserLouisdanslasallederepos.Ilm’aapprisquela

Pimbêcheétaitabsentedepuisdeuxjoursdéjà.—TucroisqueCathyestpourquelquechosedansl’absencedetonfrère?—Cathyn’ajamaisloupéunjourdeboulot.Ellesetrouveenarrêtmaladiejusteaumomentoùje

parsenvoyageàNew-York…Ellemedéteste.ElleaimaitFranck.Àmonretour,monfrèren’estpaslà…Etsitoutcelaétaitlié,Noah?

— Je ne sais que te dire,mon ange. J’ignore jusqu’oùCathy est prête à aller, et si elle a unequelconque responsabilitédans tout ça.Nous allons essayerde joindre encoreMattéo.Tupourraisaussiappelersonpote,euh…Fred,c’estça?

J’acquiesced’unhochementdetête.—JevaisenvoyeruncontrôlemédicalchezCathy.Nousverronssielleestbeletbienmalade,et

aviseronsàcemoment-là.Qu’enpenses-tu?J’accepte sans avoir vraiment le choix. Je suis bien trop stressée pour avoir les idées claires.

PourvuquejemetrompeetqueMattéoaitjusteoubliédemeprévenir…SilaPimbêches’enprendàmonfrèreetluifaitdumal,jenepourraipaslesupporter.Mattéooùes-tu?Jet’ensupplie,donne-moidetesnouvelles…

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Chapitre47

Je passe la nuit chez moi en compagnie de Noah, qui n’a pas voulu me laisser seule. Il dorttoujoursprofondémentàmescôtés,alorsquejen’aipasréussiàfermerl’oeildelanuit.ToujoursaucunenouvelledeMattéo.Jesuisterriblementinquiète.Mapatienceatteintseslimites.Jenesupporteplusd’êtrelà,sanssavoir.Queluiest-ilarrivé?Montéléphonesemetàsonner.Jemejettedessusmaisnereconnaispaslenuméroquis’affiche.Jeprendsuneprofondeinspiration,essayantdecalmerlesbattementseffrénésdemoncœurquirésonnentdansmesoreilles.

—Allô?dis-jefébrilement.—Ehbien,Sandra,tuenasmisdutempsàrépondre.Jepensaisquetusauteraissurtontéléphone

pouravoirdesnouvellesdetonfrère.—Cathy?OùestMattéo,queluiavez-vousfait?Noahs’assoitd’unbondetmeregarde,lesyeuxécarquillésdestupeur.Ilattrapemontéléphone,

activelehaut-parleuretleposesurlelitentrenousdeux.—Rassure-toi,tonfrèrevabien…Enfin,pourlemoment.Jepeuxcontinueràbienletraiter,cela

nedépendplusquedetoi.—Quevoulez-vous?—Jeveuxquetumerejoignes,seule.PasquestionquetudébarquesavectonBeckhamquitesuit

partoutcommeunpetittoutou!C’estentretoietmoi,tum’entends?—O.K.,j’aicompris.Maisqu’est-cequimeprouvequeMattéovabien?—Sijetedisaismaparole,tumecroirais?—Vousrigolezouquoi?Jeveuxêtresûrequemonfrèreestenvie!—Voyons,cen’estpasmoiquisuisunemeurtrière,Cassandra.Ilyaerreursurlapersonne,mon

enfant,dit-elled’untoncondescendantquimedonneenviedevomir.J’entends commeun bruit de friture sur la ligne et jure entremes dents. Je regardeNoah. Il a

attrapésontéléphoneetenregistrenotreconversation.—Cassie?—Matt?C’estbientoi?Tuvasbien?—Jet’interdisdevenirlarejoindre,mapuce.Ne…Encorecebruitdésagréable,etlavoixdelaPimbêchereprend.—Leshommesnesaventvraimentpaslafermerquandonleurdemande,reprend-elled’unevoix

menaçante. Bien, tu as eu la preuve que tu voulais. Tu recevrasmes instructions par texto. À trèsvite…

Elle raccroche sansme laisser le temps d’ajouter quoi que ce soit. Dieu soit loué,Mattéo esttoujours en vie. Je regarde mon téléphone, la vision brouillée par mes larmes qui menacent detomber.Cette folleakidnappémonfrère, toutçaparceque j’ai tuécesaloparddeFranck,dansungested’auto-défense.Jen’avaisquedixans,putain!J’aifaitcequej’aipupournepasqu’ilmetuelepremier.Cettetaréeestentraindemelereprocherets’enprendàlaseulefamillequimereste.

Une larme tombe sur l’écran demon smartphone, je l’essuie d’un geste rageur,mais d’autreslarmess’écoulentà leur tour.LesbrasdeNoahm’encerclent, je leserrede toutesmesforcesdansmesbras,ensanglotanttoutmonsoûl.Mavieétaitdevenuebientropparfaitepourquecelacontinue,et le retour de bâton n’en est que plus virulent. Si je perdaisMattéo, ma vie serait complètementanéantie…MêmeNoahnepourraitrienpourmesauver.

** *

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— Cassandra, tu ne peux pas faire ça ! hurle Noah, complètement désemparée face à monobstination.

—Noah,jen’aipaslechoix.JedoissortirMattéodesgriffesdecettefolle.Noah veut prévenir la police pour ne pas agir de manière complètement déraisonnable.

D’ordinaire,j’auraisétéd’accordaveclui,maisils’agitdemonfrère!Laseulepersonnequej’aimeetquimeprotègedepuis toujours.Aujourd’hui, c’est àmoid’êtreprésentepour lui. Jememoqued’encourirdesrisquessicelapeutlesauver.Jesuisdéjàmorteunefois,quandmoninnocencem’aétéarrachéeparcemonstre.Jen’aipaspeurdemebrûlerencorelesailes.Jemedoisdesauvermonfrèrecoûtequecoûte.

—Mais c’est du pur délire. Tu ne peux pas te jeter dans la gueule du loup, comme ça, sanspersonnepourt’accompagner!

—Sinousappelons lapolice, le tempsqu’ils arrivent etqu’on trouveMattéo, il serapeut-êtretroptard.Iln’estpasquestionquejefasseencourirdesrisquesinutilesàmonfrère!hurlé-jeàmontour.

—Etpourcela,tudoisprendrecesrisques?J’aidéjàeutrèspeurdeteperdrequandtuestombéedecheval,monange.Jenesupporteraispass’ilt’arrivaitquelquechose.

Seulsquelquescentimètresnousséparent.Jetendsmamainverssonvisageetlecaressedureversde lamain enplongeantmon regarddans le sien. Il passe sonbras autour dema taille etm’attirebrusquement vers lui. Ses lèvres se posent demanière brutale sur lesmiennes exprimant toute lafrustrationquenotreconversationéveilleenlui.

—Jeneveuxpasqu’ilt’arrivequelquechose,monange.Laisse-moit’accompagner.Jemeferaidiscret,jetelepromets,dit-ilenmeregardantdroitdanslesyeux.

Je sais qu’il a raison. Aussi, j’abandonne en acquiesçant d’un hochement de tête. Ses yeuxs’illuminentlorsqu’ils’aperçoitquejerendslesarmesetilm’embrassetendrement.

Nousnousinstallonsdanslecanapéenmettantlatéléenbruitdefond.Aucundenousneregardevraimentlesimagesàl’écran,attendantimpatiemmentdesnouvellesdelaPimbêche.

** *

Deuxheuresplustard,jereçoisunmessagequimeditdemerendreà14heures,àlastationdemétro la plus proche de chez moi. Nous nous levons comme un seul homme, et récupérons nosaffairesavantdenousrendreaulieuderendez-vous.

14h10.Lesignald’unnouveautextoretentit:

«Ligne5:PortedePantin.Tuastrenteminutes.Nesoispasenretard.»

Nousnousengouffronsdanslemétroparisien.Noahestaussipeurassuréquemoietnemelâchepaslamainuneseuleseconde.

—Plusons’approche,plusjelesensmal,memurmure-t-ilàl’oreille.—Jesais,monchéri,moiaussi,luiréponds-jeavecunemouecontrite.Jen’aimepasvoirNoahaumilieude toutça.Si seulement iln’avaitpas tant insisté…J’aurais

préférévoirCathyseule,sansrisquerqu’illuiarrivequelquechoseàluiaussi.NousquittonslaramedemétroetsortonsàPortedePantin.Nousregardonstoutautourdenous,àlarecherchedeCathy,maistoujoursaucunetraced’elleoudeMattéo.Unnouveautextoarrive:

«Traverselequartiersur500m,puistourneàdroiteetmarcheencore200m.Tutrouverasun

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immeubledésaffectésurtadroite.Entreetmonteaudeuxièmeétage,dernièreporteàgauche.Nemefaispasattendre.»

NoussuivonslesindicationsdeCathyetavançonsaumilieud’unquartierquinemeditrienquivaille. J’ai l’impression d’être l’héroïne d’une série américaine qui avance tête baissée dans unvéritabletraquenard.Noahtientfermementmamaindanslasienneenregardantautourdenous.

—Onpeuttoujoursfairemachinearrière,monange,medit-ilquandnousarrivonsdevantnotredestination.Denombreuxsanspapierssquattentleslieuxetnousdévisagent.J’avaledifficilementmasalive,desfrissonsmeparcourentl’échinemaispasquestionderenoncer.JedoisretrouverMattéo.DeuxAfricainssifflentquandjepassedevanteuxetnousbarrentlepassage.

—Vousrienàfaire,ici.Ici,paspourvous,nousditl’und’eux.Noahserreplusfortmamainetsepostelégèrementenavantpourmeprotéger.—Nouscherchonsunefemmeblanched’unequarantained’années.—Ah,vouscherchezlabaronne,nousdit-ilensouriant.Noahacquiesce.Leplusgrandsepousseetnousmontrel’étage.—Elleestaudeuxième,elledonnerpleind’argentpoursurveillerici.Nous le remercions et pressons le pas. Cet endroit me donne la chair de poule. Les escaliers

grincentàchaquemarchequenousmontons,ondiraitqu’ilvas’effondrerd’uninstantàl’autre.Uneodeurnauséabonde,mélanged’urine,detranspirationetdetabac,emplitl’airetmedonnelanausée.MaiscommentunefemmecommelaPimbêchea-t-elleputrouverunendroitpareil?

Nousarrivonsenfinauboutducouloir. Jehalèteetmes jambes tremblent. Jeprendsseulementconsciencedudangerbienréelquenousencourons,Noahetmoi,maisilnefautsurtoutpasquejepanique.

—Tuesprête,machérie?mechuchoteNoah.—Oui,jelesuis,maisjeneveuxpasquetum’accompagnes.—Quoi?Tuplaisantes,là?—Non. Je suis on ne peut plus sérieuse,mon chéri. Cathy veutme voir seule. Je ne sais pas

commentelleréagiraitfaceàtaprésence.Tuécouterasautraversdelaporte.Siçatournemal,jetefaisconfiancepourintervenirouappelerlapolice.Jedoisyaller,seule,Noah,jeneveuxpasrisquerqu’il t’arrivequoiquecesoit,ni fairecourirun risquesupplémentaireàMattéo,dis-jed’unevoixferme.

—Jen’aimepasça,Cassandra,pasdutout.—Tusaisquej’airaison.Cen’estpeut-êtrepaslaplusjudicieusedesdécisions,jetel’accorde,

maisc’estlamoinspérilleuse.Noahmeprenddanssesbrasetposesonfrontcontrelemien.—Soisprudente,monange.Nefaisrienquipourraitl’énerver,tum’entends?—Jeferaiattention,jetelepromets.Jecaresseunedernièrefoissonvisageetl’embrassetendrement,puisjeluifaissigned’allerse

cacherdanslesescaliers.Jeprendsuneprofondeinspirationetfaislevidedansmatête.Ilmevienttoutnaturellement lachansonHowtosavea lifedugroupeTheFray. Jeme laissebercerparcettechanson,prendsmoncourageàdeuxmainsetfrappeàl’ultimerempartquimeséparedemonfrère.

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Chapitre48

J’attendscequimesembleuneéternitédevantlaporte,avantqu’ellenes’ouvresurCathy.Ellemeregardedelatêteauxpiedsetvérifiequejesuisbienseuleavantdem’ordonnerd’entrer.J’avancelentementenregardanttoutautourdemoi,maisjenevoispasMattéo.

—Avance!dit-elleenmepoussantenavant.Ellemeguideàtraverslapièce.Descâblessontarrachésunpeupartout,desflaquesd’eauetdes

débris de verre jonchent le sol. Cette vision m’évoque immédiatement les morceaux de verreentaillantmachaircesoir-làet labilememonteà lagorge.Cathymedésigneunechaise rouilléeprèsdelafenêtreetm’intimesèchementdem’yasseoir.

—Bien ! Je ne pensais pas que tu allais être assez courageuse pour venir toute seule. Bravo,Alexandra,tum’épates!medit-elled’untonsuffisant.

—Jetienstropàmonfrèrepourcommettreunebêtisepareille.—Tantmieux!Jen’avaispasvraimentenviedemesalirdavantagelesmains.J’avalepéniblementmasaliveetessaiededevineroùelleacachéMattéo.—Ilestjustederrièrecetteporte,medit-elleenmel’indiquantdumentonsurlagauche.—Jeveuxlevoir.J’airespectémapartdumarché,jesuisvenueseule.Jeveuxvoirmonfrère,

dis-jed’untonquej’espèrefermeetassuré.Ellenerépondrien,maissedirigeverslaporte.Ellel’ouvrepuisentredanslapièce.Moncœur

batàtoutrompre,j’ailesmainsmoites…Soudain,j’aperçoisMattéotenufermementparCathyquilepousseversmoi.

Monfrèremarcheenboitant,unbâillondans labouche, lesmainsattachéesderrière ledos,dusang séché sur le front… Il avance péniblement, son regard ne quitte pas lemien, et je peux voircombienilestfurieuxdemaprésenceici.Ilm’avaitditdenepasvenir lechercheret,àcet instantprécis,jesuiscertainequesesyeuxpourraientmetuers’ilsenétaientcapables.

Cathy le pousse en avant et lui ordonne de s’asseoir sur la chaise face à lamienne. Elle restedebout et nous regarde à tour de rôle. Une lueur de satisfaction cruelle brille dans ses yeux, unsouriremauvaisaucoindeslèvres.Jenequittepasmonfrèredesyeux,jesuissiheureusequ’ilsoittoujoursenvie.JenesaispascequeCathynousmijote,maisjesuiscertainequecelavamalfinir.

—Bien!Maintenantquelapetitefamilleestaucomplet,sinouscommencions…— Cathy… Pouvez-vous ôter le foulard de la bouche de Mattéo ? Cela n’est plus

vraimentnécessaire.—Oh,tusais,unefoisqueladrogueafaiteffet,iln’arrêtaitpasdejacasser.Ilmegavaittantque

jel’aibâillonné.S’ilprometdelafermer,jeveuxbienluienlever.EllesetourneversMattéoquilafusilleduregard.Elleavanceet,d’ungestebrusque,elledescend

le foulard.Mattéo tousse, jure entre ses dents, mais s’abstient de tout commentaire. Cathy sembletellementdéterminéequ’ilvautmieuxnepasjoueravecsesnerfs.

— Voilà, dit-elle en se tournant vers moi. Sais-tu à quel point il a été ridiculement facile dedraguertonfrère,Sandra?

Ellenemelaissepasrépondreetcontinuesatirade:—Unvraijeud’enfant!Ilm’aseulementsuffidepleureràsescôtésdansunbar, leremercier

d’êtreaussiprévenantetverserdiscrètementunpetitquelquechosedanssonverrepourl’assommer.EllerittelleunesorcièreetlanceunregardmoqueuràMattéo.—C’étaittropfacile!Enfin…Avantquelesdroguesnel’endorment,ils’estgentimentproposé

deme raccompagner, telungentleman.Après…Tuasvu lequartieroùnous sommes? Il aété sisimplededistribuerquelquesbilletspouravoirdesbrasetlemonterici.

Cette femmeme dégoûte.Cela nem’étonne pas qu’elle ait pu avoir un lien avec Franck, c’est

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autantunmonstrequelui.—Pourquoivousenêtrepriseàmonfrère?Jesaistrèsbienquec’estmatêtequevousvoulez.—Tonpreuxchevalier est toujours à tes côtés et ne te lâchepasd’une semelle. Il est toujours

colléàtesbaskets!Ilfallaitquejetrouve«le»moyendepressionpourquetuviennesàmoi.Tonfrèreétaitlacibleparfaite.

—Vousn’êtesqu’unetarée,luicracheMattéod’unregardhaineux.—Tasœurafaitdemoicequejesuisdevenueaujourd’hui.Tupeuxt’enprendreàelle.—Ellen’arienfait,s’emporte-t-ilenessayantdeseredressersurchaise.— C’est une meurtrière qui cache bien son jeu sous ses airs de sainte nitouche ! Elle a tué

l’hommedemavie,hurle-t-elle,unelarmeroulantsursajoue.Je vois combien elle est brisée d’avoir perdu Franck. Comment une femme aussi belle et

intelligentea-t-ellepu tomberamoureusedeceperversalcoolique?Mamanaussi étaitune femmebelleetintelligente,pourtantelleaussiétaittombéesoussoncharme…

—Cathy,dis-jed’une toutepetitevoix. Jen’arrivepas à comprendre…Comment connaissiez-vouslemaridenotremère?

— Franck ! hurle-t-elle. Il s’appelait Franck, dit-elle en pointant son index sur moi, d’ungestemenaçant.

—Oui,pardonnez-moi,m’excusé-jepourqu’ellesecalme.Commentconnaissiez-vousFranck?— Je l’ai rencontré quand j’avais vingt-six ans, commence-t-elle en se plongeant dans ses

souvenirs.Ilétaitplusâgéquemoi,trèsgentil, toujourssouriant.Jesavaisqu’ilétaitmariéetqu’iln’étaitpasheureuxenménage.Quelquefois,ilm’appelait,complètementsaoul,carsafemmel’avaitunenouvellefoisénervéouquesapetitepestedebelle-filleavaitpiquéuncaprice.

Je n’en reviens pas ! Comment pouvait-il se faire passer pour unmalheureux ? Ce type nousfaisait vivre un véritable calvaire, et feignait d’être la personne à plaindre aux yeux de Cathy.Incroyable!

—Ildevaitquittersafemmeetm’épouser.Nousdevionspartirledimanchematin.Nousavionstoutprévu.Laveille,j’aiapprisquej’étaisenceinteetjevoulaisluifairelasurprise.J’aiattenduledimanchequ’ilviennemechercher,maisiln’estjamaisarrivé.

Elleavanceversmoi,sesyeuxsontremplisdelarmes.Pourtant,sonregardfoumeglacelesang.—J’aiallumélatéléetj’airegardélesinformations.Onyparlaitd’unfaitdivers,unbeau-père

tuéparsabelle-filleâgéed’àpeinedixans,d’unefemmemorteégalement.IlsontmontrélaphotodeFranck à l’écran.Monmonde s’est écroulé.Tum’as enlevé l’hommedemavie etmonbébé !Endécouvrantlesimages,j’aicommencéàperdredusang…Enl’espaced’unefractiondeseconde,tum’as enlevé tout ce quim’était le plus cher aumonde. Pourquoi ? Pourquoi ne l’as-tu pas laisséquittertasalopedemère?

—Parcequec’étaitunmonstre,hurlé-jeàmontour.Sansquejem’yattende,ellemegifleavecuneextrêmeviolence.Jemetsmamainsurmajoue.

Unelarmeroulesurmonvisage,nonpasàcausedeladouleur,maisdetoutelapeinequejeressensenrepensantàcejour.

—Maintenantquejevousaiécoutée,jesuisenmesurededirequenousneconnaissionspaslemêmeFranck.Vousleconnaissiezsoussonairbonhommeetinoffensif.Jel’aiaussiconnucommeça,audébutdesarelationavecMaman.Après,ilaperdusonemploietilacommencéàboire.Ilavaitl’alcoolmauvaiset,commeilnetrouvaitpasdetravail,ilpassaitsesnerfssurmamèreoumoi.

—N’importequoi!crie-t-elle.Arrêtedementir,tuentends?— Il frappait toujours à des endroits stratégiques pour ne pas que quelqu’un le découvre,

continué-jeensoutenantsonregardmalgrémeslarmes.Ilfrappaitfort,avecsespoings…Jen’avaisquedixansetj’étaisterrifiée.Mavieétaitunenfer,saufquandMattéorevenaitpendantlesvacances

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scolaires.Là,Francknouslaissaittranquilles,carilcraignaitd’éveillerlessoupçonsdemonfrère.—C’étaitunputaindelâche,oui!mecoupeMattéo.Ilavaitpeurquejeledécouvreetquejeme

batteaveclui.C’étaitplussimpledeterroriserunemèreetsafillequedes’enprendreàunhomme.CathyseretourneversMattéo.Elleavanced’unpasdécidéverslapetitetable,nonloindenouset

récupèrequelquechosedessus.Mais,delàoùjemetrouve,jen’arrivepasàdistinguercequec’est.J’ai toutefois l’intime conviction que cela doit être une arme.Elle s’arrête devantMattéo, et, d’uncouprapide,elleluientaillelehautdubras.Monfrèrelâcheuncriquirésonnedanstoutmoncorps,et la Pimbêche s’avance versmoi, son couteau couvert du sang deMattéo. La bilememonte à lagorgeetjemepencheenavantenvomissanttripesetboyaux.Jerevoisl’imagedeFrancktenantlecouteau taché de sang de Maman dans ses mains et entrant dans la cuisine pour me violer. J’ail’impressionquejesuissurlepointdemourir.

—Pauvrepetitenature…Jenesavaispasquetuavaisunetellepeurdusang,Alexandra!Jerelèvelatêteetessaiedenepasregarderlecouteau.Jeprendsplusieursinspirationsetplonge

unregardquej’espèreconvaincantdansceluideCathy.—Cesoir-là,iln’apasfaitquenousfrapper,reprends-jemonrécit.IlafrappéMaman,puisila

commencéàjouerducouteausurelle…Ensuite,ilm’avioléeetfrappée.—Tudisn’importequoi,dit-elled’unevoixlégèrementmoinsassurée.— J’ai perdu connaissance et, quand je me suis réveillée, Franck était en train de poignarder

Mamandans leventre. Il tuaitMaman,hurlé-jemaintenantenmedressantetmeplaçantàquelquescentimètresd’elle.Jeluiaisautésurledos,ilalâchélecouteauetjel’aiprislapremière.Quandilavoulu me tomber dessus, j’ai tendu le couteau en avant pour me défendre. Il s’est empalé sur lalame…Jenevoulaispas le tuer,dis-jeenpleurantcommeuneenfant. JevoulaisseulementsauverMaman,maisc’étaittroptard!

Cathymeregardelesbrasballants,complètementassomméeparmesrévélations.Jevoisledouteenvahir ses pupilles ; elle semble en état de choc. Lentement, je tendsmon bras vers elle. Elle nebougepas.J’attrapesamaintenantlecouteauetluiarrachedesmainssansqu’elleopposelamoindrerésistance.Soudain,elletombeàgenouxetpleuretoutesleslarmesdesoncorps.J’appelleNoahtoutencourantversMattéopourledétacher.

Noah arrive en trombe dans la pièce, suivi par des agents de police. Ébahi, il regarde Cathy,toujoursentraindepleurer,etàlaquellelespolicierspassentdesmenottesauxpoignetstoutenluiexposantsesdroits.Ilm’aideàdétacherMattéoetjemejettesurlui,enfinrassuréedetenirmonfrèredansmesbras.

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ÉPILOGUESixmoisplustard

Je regardeManhattans’étendreàpertedevueau traversdesvitresdemonbureau,ausiègedeDesign&CoN.Y. Depuis l’incident avec la Pimbêche, nous avons décidé de prendre un nouveaudépart avecNoah en nous installant àNew-York, ville que nous aimons tous les deux et où tout acommencéentrenous.Deplus, leprojetKent ayant étéunevéritable réussite, lePrésidentmégalonous a proposé une dizaine de nouveaux contrats. Il était donc primordial de rejoindre le solaméricainpourmeneràbiencesprojets.

Barbaraentredansmonbureaucommesic’étaitlesienets’assoitenfacedemoi.—Encoreen traind’admirer lavue? Jenesuispas sûreque tonP.-D.Gdepetit-ami tepayeà

rêvasser,dit-elleenriant.—C’estcommecelaquejetrouvemoninspiration,tulesaisbien!—Oui,jesais,çafaitdeuxmoisquejeteregardepasserdesheuresdanscettepostureavantde

nouspondreunprojetgénial.—Oui, d’ailleurs, tu passes beaucoup de temps à me regarder au lieu de travailler, dis-je en

pointantmonindexdevantelle.—Benquoi?SiMonsieurBeauGossenetefaitpasderemarque,iln’yapasderaisonpourque

MonsieurSensuelmefasselamorale.—MonsieurSensuel?répété-jeenriant.Passûrqu’Emersonappréciequetul’appellescomme

ça.— Je peux l’appeler bien pire, et il ne s’en plaint jamais, dit-elle en me lançant un regard

libidineux.DepuisnotrepremiervoyageàNew-York,BarbarasortaveclebrasdroitdeNoah.Pendanttout

leséjour,ilsn’avaientfaitqueselancerdesœilladeslourdesdesensetontcraquédèsleurretouràParis.Malheureusement,ilssevoientassezpeu,puisqueBarbaraainsistépourmesuivreàNew-Yorklorsqu’elleaobtenusondiplômeetunCDIchezDesign&Co.Mais,commeelleseplaîtàlerépéter,lavieesttropcourtepournepasenprofiter!

—Aufait,tuaseudesnouvellesdeCathy?—Oui,j’aieumonavocatcematin.Leprocèsestterminéetauvudesonétatmentalelleaété

internéepouruneduréeindéterminée.—Elleméritaitlaprisonpourcequ’ellevousafaitsubir,cettefolle.—Non, jepensequec’est lemieuxpourelle.Cettefemmes’est laisséabattrepar lechagrinet

elleacraqué.Ilfautqu’ellesefassesoigner.—Jenesaispascommenttufaispournepasporterdejugementsurelle.—J’aicomprisqu’ilfautsavoirtournerlapagepouravancerdanslavie.—Jet’admire,Cassie,vraiment.Tuesunefemmesiforte.—Merci,machérie,dis-jeenluisouriant.

** *

Je rentre auPenthouseoù je vis désormais avecNoah et prendsmonordinateur portable pourconverser via Skype avec mon frère, comme tous les soirs en rentrant du boulot. Il m’a été trèsdifficile de laisser Mattéo seul à Paris, mais j’avais vraiment besoin de ce nouveau départ pouravancer.Etpuis,iln’estplusvraimentseul.

Sophia,une jeuneambulancièrequiétait lapremièreà s’occuperde lui sur les lieuxaprès son

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enlèvementasutrouverlechemindesoncœur.Ilssonttombésamoureuxaupremierregardetnesequittent plus. Elle amême emménagé à lamaison il y a troismois, et ils prévoient de semarierl’annéeprochaine. Je suis tellementheureusepour eux.Mon frèremérite tellementdevivre saviesansavoiràsepréoccuperdemoi.Aprèsplusieurssonneries, jevoisenfin levisagedemonfrèreapparaîtreàl’écran.Lorsqu’ilmevoit,sesyeuxpétillentetilmesourit.

—Coucou,mapuce.Commenttuvas?—Trèsbienetvousdeux?dis-jeenvoyantapparaîtrelabouilledeSarahderrièrelui.— On va très bien, dit-il en jetant un regard à Sarah. On voulait t’annoncer une nouvelle

importante.—Vousavezenfinarrêtéunedatepourlemariage?dis-jeentapantdanslesmains.—Non, cela ne concerne pas lemariage,me répond-il, son sourire s’élargissant lorsqu’ilme

montreuneéchographie.—Non?dis-jeenmettantmamaindevantlabouche.Vous…vousallezavoirunbébé?dis-je,

émue.—Oui.Danssixmois,tuserastatie,enfin…Tuserasmarraine,sicelateconvient.— Si cela me convient ? dis-je, folle de joie. Tatie, marraine, tout me va ! De toute façon,

j’aimeraicepetitêtreplusquetoutaumonde,quelquesoitmonrôle.— Nous sommes ravis, Cassie. J’espère que Noah sera aussi content que toi quand nous lui

demanderonsd’êtreleparrain.Des larmes de joie roulent sur mes joues. Mattéo et Noah s’entendent merveilleusement bien

depuisquenousavons sauvémon frère.DemanderàNoahd’être leparrainde sonenfant signifieénormément et prouve que Mattéo l’a accepté au sein de notre famille. Je ne pourrais être plusheureuseencetinstant.

** *

Ilestprèsdeminuit,Noahn’esttoujourspasrentré.Ilm’aenvoyéuntextoenfindejournéepourme dire qu’il avait dû se rendre à Seattle et qu’il arriverait tard. J’ai décidé de l’attendre sur laterrasse,perduedansmespensées.JerepenseàlapremièrefoisoùNoahetmoiavonsfaitl’amourici,auPenthouse,mamaisonàprésent.Nousavonsfaittellementdechemindepuiscejour-là.Noahasu gagner mon cœur, mon corps et mon âme. Lorsque je suis dans ses bras, je sais que rien nipersonne ne peut m’atteindre. Il a su gagner ma confiance, et je n’imagine plus ma vie sans lui,jamais…

—Monange?Tuessurlaterrasse?—Oui,monamour.Noahpassesatêteparlaporte-fenêtre,sonéternelsouriremalicieuxauxlèvres.—Tupeuxvenirunepetiteminute?J’aiquelquechoseàtemontrer.Ilnemelaissepasrépondreetretourneàl’intérieur.Jemelèvedelabanquetteetlerejoinsdans

lesalon.Noahestdosàmoi,aumilieudelapièce.—Quevoulais-tume…Jeneterminepasmaphrase.Noahs’estretournéettientdanssesbrasunepetitebouledepoils.Il

avanceversmoietmetendlechiot.Jeleprendsdansmesbrasetilmelèchelevisage.JeregardeNoahenriant.Sesyeuxbleusbrillentdemillefeux.

—Joyeuxanniversaire,monange. Je teprésenteLucky.C’estungolden retriever âgédedeuxmois.

—Merci,monchéri,ilestmagnifique.

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—Jemesouviensque lapremièrefoisoù tum’asparléde tafamille, tum’asracontéqu’ilnemanquaitplusquelegoldenretrieverdecouleursablepourcompléterletableau.

—Tut’ensouviens?dis-je,terriblementémue.Ilm’embrassechastementencaressantLucky,déjàendormidansmesbras.— Je me souviens de chaque détail qui compte, Cassandra. Alors, je me suis dit que nous

pourrions commencer par toi, moi et Lucky. Petit à petit, nous pourrons former le tableau de laparfaitefamille,entouréedesesenfantsetdesonchien,commetularêvais,enfant.

J’avancevers lui.Des larmes inondentmonvisageet je l’embrasse tendrement.Luckygémitetbougedansmesbrasen signedeprotestation.Nousnousdétachonsen riantet jepose labouledepoilsausol.Noahm’attirecontrelui,sesyeuxpétillantsetsonsouriremefontautantcraquerqu’aupremierjour.

Il caresse tendrementmon visage du bout des doigts et passe samain derrièrema nuque.Marespirations’accélère,ilavancesonvisageetposeseslèvressurlesmiennes.Moncœurs’emballeetlesbattementsd’ailesdespapillons reprennentaucreuxdemonventre,commeàchaquefoisqu’ilm’embrassedecettefaçon-là.

Ilsedétachedemoi,lesoufflecourt,leregardchargédedésiretposesonfrontcontrelemien.—Jet’aime,Cassandra,murmure-t-ilcontremeslèvres.—Jet’aimeaussi,Noah.

FIN

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Je tenais à vous remercier pour votre soutien inconditionnel pendant le concours organisé parFyctia. Sans vos votes, commentaires et partages, Un nouveau départ n’aurait pu remporter cechallenge.J’avaisenviedetenterunenouvelleexpérienceetvousm’avezpermisderéalisercerêve.Dufondducœur,merci,jevousaime.

Merci àAnne Ledieu, qui en plus d’être une fantastique correctrice est aussi unemerveilleuseamie.Tuastoujoursconfianceenmoietsaismereboosterdèsquel’inspirationmefaitdéfaut.Mercid’êtreentréedansmavie.

Merciàmonamie,StéfanyThorne,quim’amotivéau toutdébutduconcoursencroyantàUnnouveau départ, dès les premières lignes de Noah et Cassie. Spéciale dédicace : « Libérée !Délivréeee!»

ÀMaddieDetCharleneKobel,mesrelectrices,merciàvousdeuxpourvosnotesetremarques.Merciàmafamilleetmesamies,jepensenotammentàSophie,Fabienne,AlexandraetClaudine

quime soutiennent depuis le début de toutes ces aventures. Elles supportent tant bien quemal lesmoments où je m’évade avec mes personnages mais continuent de m’aimer malgré tout. Je vousaime.