un monde de plus en plus difficile pour les ménages, il...

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45 44 cultures vivrières La rubrique "Culture vivrière" est consacrée aux techniques innovantes de culture et d’élevage desnées à l’autoproducon alimentaire « familiale ». Dans un monde de plus en plus difficile pour les ménages, il nous paraît essenel d’informer notre lectorat de toutes les possibilités offertes à chacun, en milieu urbain (et autres), de produire , dans la mesure du possible, un maximum d’aliments et de s’assurer ainsi, non seulement une aide sensible au bouclage des budgets mais aussi de faire bénéficier la famille d’une alimentaon saine et de qualité. La vie est cyclique, le temps est venu de retrouver les bon gestes que nos anciens praquaient mais … en ulisant l’évoluon technologique moderne. Ce n’est pas contradictoire ! LE TILAPIA Par Jérôme Lazard, chercheur au CIRAD de Montpellier Le tilapia est l’un des poissons les plus largement élevés dans le monde. Sa production augmente à un rythme accéléré : 400 000 t en 1990, 1 800 000 t en 2004. Comme la carpe, le tilapia est l’un des poissons ayant fait l’objet du plus grand nombre à des fins d’élevage d’introductions et de transferts à travers le monde. Il est produit actuellement dans une centaine de pays. La sous-famille des lapias est constuée d’une centaine d’espèces dont une, Oreo- chromis nilocus, représente 85-90% de la producon. Alors que le lapia est déjà bien connu en Afrique depuis des siècles (connent d’ori- gine de ce poisson), les pays développés ne l’ont découvert que depuis 2 décennies. La chair blanche du lapia est « goûteuse » et il compte parmi les 10 poissons les plus appréciés aux USA. Les filets présentent une jolie coloraon blanche ou très légèrement rose avec une chair ferme qui le reste àla cuisson. La qualité de la chair est souvent comparée à celle du poisson-chat américain, voire à celle de la morue. De nombreuses prospecves posionnent le lapia comme une des espèces suscepbles de remplacer certaines espèces marines en danger. L’approvisionnement en lapia du marché in- ternaonal est relavement aisé à program- mer du fait que l’essenel de la producon desnée à l’Europe ou aux Etats-Unis d’Amé- rique provient de l’élevage. On peut esmer, très globalement que la producon de lapia aujourd’hui répond aux exigences du déve- loppement durable. Le marché internaonal du lapia doit s’am- plifier de façon (très) significave selon les diverses projecons élaborées ces dernières années et de très nombreux invesssements privés (surtout) et publics sont programmés, au Nord comme au Sud, dans les prochaines années. Un poisson à croissance rapide Le lapia est un poisson à croissance rela- vement rapide qui se nourrit aux niveaux in- férieurs de la chaîne alimentaire. Le lapia est donc entrain de devenir une source majeure de produit aquaque, à la fois dans les pays développés et les pays en développement. Il ne semble pas y avoir de répercussion induite par l'approvisionne- ment des pays du Nord à parr des pays du Sud en termes de compéon de ressource alimentaire. Les systèmes de production De façon très schémaque, trois systèmes d’élevage du lapia peuvent être idenfiés. La pisciculture « vivrière rurale » met en œuvre des étangs très largement ré- pandus en zone tropicale et gérés de façon « extensive ». Les produits de cee pisciculture sont des- nés à l’autoconsommaon mais en pare également aux marchés locaux. La quanté produite do- mine les considéra- ons de qualité. La pisciculture arsanale de « pete production marchande » correspondant à des sys- tèmes semi intensifs qui sont omniprésents en Asie. Le lapia remplace progressivement les carpes dans ce type de système. L’aliment utilisé est constitué d’un (ou plu- sieurs) sous-produit(s) tel que le son de riz et autres déchets (et effluents d’élevage). L’aquaculture industrielle du lapia corres- pond à des systèmes intensifs ou hyper-inten- sifs avec une producon desnée au marché internaonal. Ces systèmes sont caractérisés par l’ulisaon de souches séleconnées et d’un aliment composé performant. Le lapia qui est commercialisé aux Etats-Unis ou en Europe provient essenellement de ce type d’aquaculture. L’ulisaon généralisée d’hormones mas- culinisantes (17alpha methyltestostérone) pour la producon de descendances mono sexes de lapias pose problème pour la com- mercialisaon, notamment en France où son ulisaon est interdite pour des poissons desnés à la consommaon. La recherche est à l’œuvre pour mere au point des techniques alternaves : voie gé- néque, voie environnementale. Le tilapia constitue certainement indiscuta- blement un premier choix en application familiale d’Aquaponie à but alimentaire. Pour situer toute l’importance de ce poisson. Jérôme La- zard, chercheur au CIRAD de Montpellier, nous a confié une étude sur le Tilapia en élevage professionnel. Il nous est apparu intéressant de le pu- blier pour sa richesse d’ensei- gnement applicable à notre cadre d’activité. Son régime alimentaire est très plasque (de la ferlisaon aux aliments composés), prin- cipalement basé sur l’ulisaon de produits et de sous-produits végétaux ou d’aliments composés à faible teneur en protéines (25 %). En foncon de son régime alimentaire, le lapia peut aeindre la taille marchande de 400 g en 8 mois. Le lapia peut être produit partout où l’eau est disponible, certaines es- pèces ayant même l’aptude de s’adapter à des eaux saumâtres/salées. La seule contrainte majeure est d’ordre thermique : 15°C mini- mum – 38°C maximum (opmum : 28-32°c). Compte tenu des bonnes conditions de commercialisaon du lapia dans les pays développés, on assiste actuellement à une tendance à l’installaon de fermes aquacoles de tilapia dans les pays du Nord en eaux réchauffées (géothermales, aval de centrales électriques, etc.) : elle est encore limitée, mais les projets se mulplient. Le manque de notoriété, frein au développement Un handicap majeur au développement de cee filière, parculièrement en Europe, est la relave absence de connaissance du produit de la part du consommateur : son origine, ses méthodes d’élevage et, plus que tout, la manière de le cuisiner. Comme pour les autres espèces « exoques », le lapia doit être « expliqué » au consommateur au moyen de campagnes publicitaires concrètes et claires. Cependant, le lapia provient fré- quemment de petes exploitaons qui ne s’intéressent guère aux acons promoon- nelles. Photo Vitafish

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cultures vivrièresLa rubrique "Culture vivrière" est consacrée aux techniques innovantes de culture et d’élevage destinées à l’autoproduction alimentaire « familiale ». Dans un monde de plus en plus difficile pour les ménages, il nous paraît essentiel d’informer notre lectorat de toutes les possibilités offertes à chacun, en milieu urbain (et autres), de produire , dans la mesure du possible, un maximum d’aliments et de s’assurer ainsi, non seulement une aide sensible au bouclage des budgets mais aussi de faire bénéficier la famille d’une alimentation saine et de qualité. La vie est cyclique, le temps est venu de retrouver les bon gestes que nos anciens pratiquaient mais … en utilisant l’évolution technologique moderne. Ce n’est pas contradictoire !

LE TILAPIAPar Jérôme Lazard, chercheur au CIRAD de Montpellier

Le tilapia est l’un des poissons les plus largement élevés dans le monde. Sa production augmente à un rythme accéléré : 400 000 t en 1990, 1 800 000 t en 2004. Comme la carpe, le tilapia est l’un des poissons ayant fait l’objet du plus grand nombre à des fins d’élevage d’introductions et de transferts à travers le monde. Il est produit actuellement dans une centaine de pays.

La sous-famille des tilapias est constituée d’une centaine d’espèces dont une, Oreo-chromis  niloticus, représente 85-90% de la production.

Alors que le tilapia est déjà bien connu en Afrique depuis des siècles (continent d’ori-gine de ce poisson), les pays développés ne l’ont découvert que depuis 2 décennies.

La chair blanche du tilapia est « goûteuse » et il compte parmi les 10 poissons les plus appréciés aux USA. Les filets présentent une jolie coloration blanche ou très légèrement rose avec une chair ferme qui le reste àla cuisson.

La qualité de la chair est souvent comparée à celle du poisson-chat américain, voire à celle de la morue.

De nombreuses prospectives positionnent le tilapia comme une des espèces susceptibles de remplacer certaines espèces marines en danger.

L’approvisionnement en tilapia du marché in-ternational est relativement aisé à program-mer du fait que l’essentiel de la production destinée à l’Europe ou aux Etats-Unis d’Amé-rique provient de l’élevage. On peut estimer, très globalement que la production de tilapia aujourd’hui répond aux exigences du déve-loppement durable.

Le marché international du tilapia doit s’am-plifier de façon (très) significative selon les diverses projections élaborées ces dernières années et de très nombreux investissements privés (surtout) et publics sont programmés, au Nord comme au Sud, dans les prochaines années.

Un poisson à croissance rapideLe tilapia est un poisson à croissance relati-vement rapide qui se nourrit aux niveaux in-férieurs de la chaîne alimentaire.

Le tilapia est donc entrain de devenir une source majeure de produit aquatique, à la fois dans les pays développés et les pays en développement. Il ne semble pas y avoir de répercussion induite par l'approvisionne-ment des pays du Nord à partir des pays du Sud en termes de compétition de ressource alimentaire.

Les systèmes de productionDe façon très schématique, trois systèmes d’élevage du tilapia peuvent être identifiés.

La pisciculture « vivrière rurale » met en œuvre des étangs très largement ré-

pandus en zone tropicale et gérés de façon « extensive ». Les produits

de cette pisciculture sont des-tinés à l’autoconsommation

mais en partie également aux marchés locaux. La

quantité produite do-mine les considéra-

tions de qualité.

La pisciculture artisanale de « petite production marchande » correspondant à des sys-tèmes semi intensifs qui sont omniprésents en Asie. Le tilapia remplace progressivement les carpes dans ce type de système. L’aliment utilisé est constitué d’un (ou plu-sieurs) sous-produit(s) tel que le son de riz et autres déchets (et effluents d’élevage).

L’aquaculture industrielle du tilapia corres-pond à des systèmes intensifs ou hyper-inten-sifs avec une production destinée au marché international. Ces systèmes sont caractérisés par l’utilisation de souches sélectionnées et d’un aliment composé performant. Le tilapia qui est commercialisé aux Etats-Unis ou en Europe provient essentiellement de ce type d’aquaculture.

L’utilisation généralisée d’hormones mas-culinisantes (17alpha methyltestostérone) pour la production de descendances mono sexes de tilapias pose problème pour la com-mercialisation, notamment en France où son utilisation est interdite pour des poissons destinés à la consommation.

La recherche est à l’œuvre pour mettre au point des techniques alternatives : voie gé-nétique, voie environnementale.

Le tilapia constitue certainement indiscuta-blement un premier choix en application familiale d’Aquaponie à but alimentaire. Pour situer toute l’importance de ce poisson. Jérôme La-zard, chercheur au CIRAD de Montpellier, nous a confié une étude sur le Tilapia en

élevage professionnel. Il nous est apparu intéressant de le pu-

blier pour sa richesse d’ensei-gnement applicable

à notre cadre d’activité.

Son régime alimentaire est très plastique (de la fertilisation aux aliments composés), prin-cipalement basé sur l’utilisation de produits et de sous-produits végétaux ou d’aliments composés à faible teneur en protéines (25 %). En fonction de son régime alimentaire, le tilapia peut atteindre la taille marchande de 400 g en 8 mois. Le tilapia peut être produit partout où l’eau est disponible, certaines es-pèces ayant même l’aptitude de s’adapter à des

eaux saumâtres/salées. La seule contrainte majeure est d’ordre thermique : 15°C mini-mum – 38°C maximum (optimum : 28-32°c).

Compte tenu des bonnes conditions de commercialisation du tilapia dans les pays développés, on assiste actuellement à une tendance à l’installation de fermes aquacoles de tilapia dans les pays du Nord en eaux réchauffées (géothermales, aval de centrales électriques, etc.) : elle est encore limitée, mais les projets se multiplient.

Le  manque  de  notoriété,  frein au développementUn handicap majeur au développement de cette filière, particulièrement en Europe, est la relative absence de connaissance du produit de la part du consommateur : son origine, ses méthodes d’élevage et, plus que tout, la manière de le cuisiner. Comme pour les autres espèces « exotiques », le tilapia doit être « expliqué » au consommateur au moyen de campagnes publicitaires concrètes et claires. Cependant, le tilapia provient fré-quemment de petites exploitations qui ne s’intéressent guère aux actions promotion-nelles.

Photo Vitafish

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Alimentation  et  composition corporelle des tilapiasLa composition des aliments usuellement utilisés pour l’élevage du tilapia Oreochromis niloticus est donnée dans le tableau 1. Du-rant la phase de grossissement (à partir de 35g), le tilapia requiert en élevage intensif un aliment comportant 25 à 35% sans né-cessité d’y incorporer des protéines d’origine animale.

Des essais réalisés en Israël (Viola and Arieli, 1983) avec supplémentation de l’ali-ment (25% de protéines) avec des huiles de diverses origines (végétales, animales terrestres et de poissons) à raison de 4 à 8 % ont tous conduit au même résultat : les lipides supplémentaires n’ont pas induit de meilleure croissance ni un meilleur taux de conversion. Par ailleurs, le stockage des lipides complémentaires s’effectue sous forme de dépôt périviscéral (comme pour le Pangasius).

La composition corporelle du tilapia du Nil en élevage avec un aliment à 30 % de pro-téines (20 % de farine de poisson) après 6 mois d’élevage et un poids moyen de 400 g, est donnée dans le tableau 2.

La teneur en lipides de la chair est de 8.4% contre 42.4% dans les viscères.

A titre de comparaison, la carpe commune présente une composition corporelle très voisine pour ce qui concerne les muscles (carcasse) et une teneur en lipides entre 3 et 4 fois inférieure au niveau des viscères.

ConclusionLes tilapias constituent le groupe de poissons qui a connu la plus forte croissance ces dix dernières années toutes espèces aquatiques confon-dues. Il est produit aujourd’hui dans plus de 100 pays.

Ses caractéristiques biologiques en font un poisson adaptable à tous les systèmes d’élevage et son régime alimentaire correspondant aux ni-veaux les plus bas de la chaîne ali-mentaire (phytoplancton, détritus) en fait un poisson peu coûteux à produire.

Son aspect lui permet en outre, à la diffé-rence des poissons chats, d’être commercia-lisé entier.

cultures vivrières

Le Tilapia est un poisson très intéressant pour l’élevage. Il a surtout l’avantage d’être très vi-goureux et résistant aux maladies, de très bien supporter la promiscuité. Il est maigre et très riche en protéines, sa chair est ferme et goûteuse. Il a

un très bon ratio de transformation alimen-taire, aux alentours de 1,6. Autrement dit, il faut 1,6 kg de nourriture pour obtenir 1 Kg de poisson. (En comparaison, le bœuf a un ratio de 7 à 8). Enfin, ce poisson est assez tolérant sur les variations physico-chimiques de l’eau.

C’est pourquoi il est très utilisé dans les fermes de production aquaponiques qui fleurissent un peu partout à travers le monde. La ferme expérimentale de l’uni-versité des Iles Vierges aux Etats-Unis élève avec succès ces poissons depuis 25 ans, ce qui offre aux « Aquaponistes » du monde entier une base solide d’informations et de données sur cette association vertueuse plantes tilapias.

C’est aussi le poisson idéal pour une petite unité de production/maison pour les pas-sionnés qui désirent, dans un même sys-tème, élever des poissons comestibles et des plantes alimentaires. On peut, avec une cuve d’élevage de 500 litres produire en moyenne 1 Kg de tilapia par semaine (50 Kg à l’année) et coupler cet élevage à un système hydro-ponique de 2 m2 qui peut produire tout au long de l’année force plantes aromatiques et quelques tomates.

Ce type de culture d’autoproduction per-mettant d’obtenir protéines animales et végétaux frais chez soi est très en vogue en Australie, ou il est désigné sous le nom de Backyard aquaponics.

Dans le prochain numéro de Cosmoponia, nous vous présenterons un jardin de ce type en culture d’intérieur sous lampes fluores-centes.

La température idéale pour le tilapia est comprise entre 28 et 32 °Celsius, mais il s‘ac-commode bien d’une température de 22 ou 23°C qui convient aux racines en hydroponie.

En application industrielle ou amateur, l’éle-vage du tilapia en Aquaponie est une très bonne alternative à la pêche. Cette produc-tion est économe en eau et en nourriture (très faible ratio de conversion alimentaire). De plus, une alimentation exclusivement vé-gétale peut lui convenir, à la différence de beaucoup d’autres poissons qui nécessitent d’être nourris avec une grande quantité de protéines animales, le plus souvent issues de la pêche en mer. Enfin, il n’y a pas d’effluents liquides qui sont déversés dans l’environne-

Léon-Hugo BONTE

Le Tilapia, poisson roi de l’Aquaponie

et de la "production maison"

ment, seulement des boues solides qui peu-vent être utilisées en culture en pleine terre ou compostées.

En Europe, l’élevage commercial du tilapia n’en est qu’à ses balbutiements. À notre connaissance, il n’y a que la société Vitafish, à Dottignies, en Belgique qui le pratique à grande échelle. Ce poisson est commercia-lisé sous la dénomination « Tilapia du Hai-naut » en filet ou entier.

Le développement d’un marché internatio-nal de ce poisson à des prix compétitifs pour le consommateur et rémunérateur pour le producteur laisse présager une augmenta-tion de la production de ce poisson.

Tilapias péchés dans le lac Hora, Ethiopie auteur Niall Crotty