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Pierre Hamel et Bernard Jouve

UN MODÈLE QUÉBÉCOIS ?Gouvernance et participation dans la gestion publique

Les Presses de l'Université de Montréal

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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada

Hamel, Pierre,Un modèle québécois ? : gouvernance et participation dans la gestion publiqueComprend des réf. bibliogr.

ISBN 2-7606-2024-7

1. Services publics - Québec (Province) - Gestion - Participation des citoyens.2. Santé, Services de - Administration - Québec (Province) - Participation descitoyens. 3. Administration scolaire - Québec (Province) - Participation des citoyen4. Société civile - Québec (Province). I. Jouve, Bernard, 1965- . II. Titre.

HD2768.C35Q8 2006 354.72'8O9714 C2006-941510-2

Dépôt légal : 3e trimestre 2006Bibliothèque et Archives nationales du Québec© Les Presses de l'Université de Montréal, 2006

Les Presses de l'Université de Montréal reconnaissent l'aide financière du gouverne-ment du Canada par l'entremise du Programme d'aide au développement de l'in-dustrie de l'édition (PADIÉ) pour leurs activités d'édition.

Les Presses de l'Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseildes Arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles duQuébec (SODEC).

Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Fédération canadienne dessciences humaines et sociales, dont les fonds proviennent du Conseil de recherches ensciences humaines du Canada.

Imprimé au Canada en septembre 2006

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Introduction

Depuis une quinzaine d'années, le thème de la participation des usagers à lagestion des services publics occupe une place particulière dans les agendasscientifique et politique. Sur fond de transformations majeures de la régulationdes États modernes, cet appel à une responsabilisation accrue des citoyensconstitue un des vecteurs de la recomposition de la puissance publique et de lamodification des relations entre l'État et la société civile (Gauchet, 2002 ;Blondiaux, 2005). À l'échelle internationale, à la fois dans les pays développéset en développement, c'est notamment par ce biais que l'on tente de mettre enplace de nouveaux mécanismes de gouvernance liant la puissance publique à lasociété civile. L'enjeu est de taille, car pour bon nombre d'analystes, nous sommesface à une situation dans laquelle les démocraties libérales sont de plus en pluscritiquées pour leur incapacité à décliner et à traduire dans les faits les principesmoraux, éthiques et philosophiques qui les sous-tendent et leur confèrent leurlégitimité. Depuis les travaux séminaux de Jùrgen Habermas (1975), on recon-naît que le mythe de la légitimité légale-rationnelle a vécu. Dorénavant, les admi-nistrations, les élus locaux, les décideurs de tout type, etc., ne peuvent s'enremettre d'une manière exclusive à ce registre de légitimité - faisant de la maî-trise de l'expertise technique et du droit l'alpha et l'oméga de toute politique -,pour imposer à la société civile des décisions par le haut (Dumoulin, La BrancheRobert et Warin, 2005).

Très nombreux sont les exemples de controverses, notamment dans ledomaine de l'environnement, qui plaident en faveur de l'émergence de forumshybrides dans lesquels expertises technique et profane sont appelées à coexisterpour déboucher sur des compromis acceptables par l'ensemble des parties

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prenantes (Callon et al., 2001). Pensons, par exemple, au projet de construc-tion de la centrale du Suroît qui, faute d'avoir prévu ce type de dispositif delégitimation, a dû être abandonné à la suite d'une mobilisation importante dela part de la société civile québécoise. En règle générale, dans les travaux scien-tifiques, la notion de gouvernance désigne l'émergence ou la mise en œuvrepar les pouvoirs publics de nouvelles mesures de concertation ou de partena-riat afin de mobiliser les ressources provenant d'acteurs économiques oud'acteurs sociaux rattachés à la société civile dans le but d'atteindre les finalitésque les États modernes ne parviennent plus à réaliser d'une manière isolée.Cette notion désigne ainsi une transition entre, d'un côté, un ordre politiquecampé sur la centralité des élus politiques et l'État et, de l'autre, un ordre poli-tique pluraliste, ouvert aux acteurs de la société civile et dans lequel la centra-lité politique est en cours de redéfinition (Pierre et Peters, 1999 ; Pierre, 2000).

LA GOUVERNANCE ET SES ENJEUX AU QUÉBEC

Toute réforme de l'État peut être analysée à travers le prisme de la participationdes usagers/citoyens à la gestion des services publics et de sa portée. Dans cetouvrage, il s'agit de se focaliser sur le rôle que joue la participation ainsi que lesformes qu'elle emprunte - incluant le sens que prennent les demandes de par-ticipation — par rapport aux processus de modernisation à l'œuvre dans latransformation de la gestion publique. On s'efforcera de saisir, en référence àses ambiguïtés, la contribution des usagers et des citoyens à la gestion et à lafourniture des services publics, tant d'un point de vue social, politique qu'ins-titutionnel.

Pour cela, il convient de prendre certaines précautions d'ordre méthodolo-gique et tenter de sortir du discours dominant ou encore de la pensée uniquequi conduisent à envisager la gouvernance, et donc la participation des acteursde la société civile aux affaires publiques, sous la forme d'une contrainte quitoucherait indistinctement tous les États modernes qui n'auraient d'autrechoix que de s'y adapter. Cette perspective est profondément réductionniste etnie l'existence de fortes variations entre États, notamment du fait de leurrégime politique très différent ou de la structuration à long terme des relationsentre la puissance publique et la société civile. Si les démocraties libérales, àpartir des années 1950, ont opté pour un mode d'intervention étatique qualifié

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de keynésien, plaçant l'État en situation surplombante par rapport à la sociétécivile, il convient également d'insister sur les tensions qui ont résulté de cetteasymétrie des relations. Les sociétés civiles des démocraties libérales se sontparfois engagées, par certains mouvements sociaux, dans des logiques de con-frontation par rapport à ce modèle d'organisation politique. C'est notammentle cas du Québec où le thème de la participation de la société civile à la gestiondes affaires publiques a été mis à l'ordre du jour bien avant celui de la gouver-nance.

Le pari méthodologique que nous avons fait dans ce livre est de retracerl'évolution, sur une quarantaine d'années, des formes institutionnelles de laparticipation des usagers/citoyens dans les secteurs de l'éducation et de la sant.publique au Québec. Il s'agit surtout d'avancer quelques éléments exploratoi-res sur la place que tient la participation des usagers/citoyens dans la réformede l'État afin d'en évaluer la portée réelle sur son fonctionnement, au-delà deses limites. On verra notamment que la participation est au cœur des relationsqui lient l'État québécois et la société civile, depuis les années 1970, conduisantpar le fait même à une nouvelle évaluation de ce qu'il est maintenant convenud'appeler le « modèle québécois » et qui, historiquement, s'est décliné sousplusieurs versions à partir de la Révolution tranquille.

Par conséquent, il convient de garder à l'esprit ce trait caractéristique del'histoire de la puissance publique au Québec afin de mieux comprendre pour-quoi le thème de la gouvernance et de la nécessaire reconfiguration des rap-ports État/société civile s'est progressivement imposé dans le programmepolitique à partir du milieu des années 1990. Il s'agit là, en effet, d'un des para-doxes évidents portés par certains réformateurs actuels qui font fi des expé-riences de participation antérieures et qui, au nom de la « gouvernance »,appellent de leurs vœux une transformation de l'État québécois dans le sensd'une plus grande implication, dans la gestion des services publics notamment,de la société civile dans les affaires publiques. Si la participation fait partie inté-grante du code génétique de l'État québécois, de quel projet le thème de la gou-vernance est-il porteur ?

Une des spécificités du Québec résulte dans la confrontation entre l'appareilbureaucratique de l'État et la société civile. Bien avant d'autres administrationspubliques, l'État au Québec a été contraint de s'ouvrir à la société civile et à sesreprésentants. On peut ainsi considérer que le Québec expérimente dès les

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années 1970 les formes les plus contemporaines de gouvernance en matière degestion publique. Lorsque le débat sur la gouvernance et la transformation del'État arrive au Québec au milieu des années 1990, cela fait déjà 20 ans que lasociété civile québécoise l'expérimente au jour le jour et a mis en place dessolutions concrètes et pragmatiques permettant la pluralisation et l'ouverturedu régime politique dans son ensemble. Comme Monsieur Jourdain avec laprose, le Québec pratiquait la gouvernance sans le savoir bien avant que ceterme ne devienne à la mode. Autrement dit, en matière de gouvernance, il nes'est produit rien de très innovant sur le fond. Dans de nombreux secteurs, leQuébec fait plutôt figure de modèle à imiter.

Comment alors comprendre le succès de la gouvernance en tant que pro-gramme d'action dans les sphères politique, économique, administrative etuniversitaire ? D'entrée de jeu, il faut souligner que la gouvernance a servi decadre idéologique — instrumentalisant du coup une partie des sciences sociales-, en particulier dans le but de justifier et de légitimer le passage du keynésia-nisme au néolibéralisme ou, pour le dire autrement, du Keynesian WelfareNational State au Schumpeterian Workfare Post-National Régime (Jessop,2000). Par conséquent, les nouveaux réformateurs ont remis en question lescompromis institutionnels qui ont présidé au Québec à la mise en place et àl'évolution de l'État-providence. Ainsi, dans le cadre d'une contradiction évi-dente, l'État québécois a été conduit à remettre en cause, au nom même de lagouvernance, les structures partenariales qui associent la société civile et sonappareil administratif.

LE THÈME DE LA PARTICIPATION

II est courant d'opposer la démocratie représentative et la démocratie partici-pative, du point de vue tant de la théorie que de la pratique. Il s'agit en effet desdeux grandes modalités utilisées au sein des démocraties libérales pour procé-der à l'intégration des préférences des individus, à la prise en compte de leursaspirations. Dans le cas de la démocratie représentative, l'agrégation se fait aumoyen du vote au suffrage universel sur la base de programmes électorauxdéfendant a priori des positions différentes et permettant au corps électoral defaire valoir ses choix en sélectionnant le parti ou la formation politique qui luiconvient. La démocratie participative repose, à l'inverse, sur la possibilité pour

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chaque citoyen de faire valoir ses préférences sans lui imposer de cadres géné-raux préalables par la mise en place de procédures et d'institutions au sein des-quelles il est libre de faire entendre sa voix, contribuant par le fait même à ladéfinition des choix collectifs. Il s'agit là de descriptions correspondant à desidéaux types que l'on trouve très rarement en l'état dans la vie politique contem-poraine.

La tension structurelle entre la démocratie représentative et la démocratieparticipative, dit autrement entre, d'un côté, le pouvoir des élus et de labureaucratie placée sous leur autorité et, de l'autre, le pouvoir des citoyensordinaires - en quelque sorte la dispute scientifique entre Max Weber et JiirgenHabermas (Sintomer, 1999) -, occupe une place particulière au Québec en rai-son de l'histoire de la construction de l'État. Celui-ci a dû faire face à unensemble de mouvements sociaux qui ont remis en question un intervention-nisme keynésien faisant fi de la participation politique en tant que vecteurd'expression de valeurs alternatives au consumérisme, à la rationalité technocra-tique, à la modernité exacerbée. Il ne s'agit donc pas d'une dynamique politiquerécente. Elle s'inscrit dans une continuité certaine, un « sentier de dépendance »,diraient les politologues (North, 1990 ; Pierson, 1996), en matière de revendi-cations, par rapport à des formes d'action collective remontant aux années1960. Plus fondamentalement, au Québec, la participation aux affaires publi-ques s'est focalisée en grande partie sur la question de la gestion des servicespublics à partir desquels la Révolution tranquille s'est construite, en particulierdans les domaines de l'éducation et de la santé. La laïcisation et la massificationde l'accès à ces deux secteurs de politique publique ont en effet été au cœur dela modernisation et de l'émancipation de la société québécoise pour laquelle lethème de la citoyenneté active est devenu progressivement un ressort et unmarqueur identitaire de première importance. Conviés à prendre en main leurdestin individuel et collectif à partir des années 1960, les Québécois et lesQuébécoises ont tôt fait de prendre au mot le gouvernement provincial enrevendiquant d'avoir un accès direct aux institutions étatiques à la base de lamodernisation engagée - l'éducation et la santé - en exigeant de participer àla gestion des établissements de première ligne. Il s'agissait très clairement detraduire dans les faits l'une des composantes du régime de citoyenneté québé-cois en voie de constitution qui, comme tout régime de citoyenneté (Jenson,1998), se définit, en partie, à partir des modalités d'accès aux institutions de

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l'État. C'est pourquoi, dès les années 1970, le thème de la participation occupeune place de premier ordre dans l'élaboration du modèle québécois. Il est un élé-ment constitutif du caractère distinct de la société québécoise en ce sens qu'ilcristallise un certain mode de médiation entre la société civile et l'État.

Il est symptomatique de constater que ces deux registres sont au cœur denombreux débats actuels au Québec. Ils attestent l'importance prise par la redé-finition du rôle de l'État et surtout de son mode d'interaction avec la sociétécivile.

En effet, du côté de la démocratie représentative, nombreuses sont les voix,en provenance de formations politiques sous-représentées ou totalementabsentes au sein de l'Assemblée nationale à Québec - mais c'est le cas aussi duDirecteur général des élections du Québec (Lévesque et Cloutier, 2001) -, àremettre en question le mode de scrutin qui prévaut actuellement lors des élec-tions générales. Héritage du régime politique anglais, le scrutin majoritaireuninominal à un tour favorise le bipartisme, empêche l'apparition sur la scènepolitique provinciale de formations politiques alternatives, quand il ne conduitpas, comme cela a été le cas en 1998, à la désignation d'un gouvernement mino-ritaire en nombre de suffrages. Plus généralement, toute réforme du mode descrutin, dans le sens de l'intégration d'une certaine dose de proportionnelle,s'intègre dans le débat sur l'équilibre politique entre les différentes commu-nautés linguistiques.

Quant à la démocratie participative, elle constitue également un sujetd'intérêt majeur pour une partie de la classe politique québécoise, des intellec-tuels et des mouvements sociaux. Par rapport à un système politique de plus enplus critiqué, au Québec comme dans l'ensemble des démocraties occidenta-les, à la fois sur les plans théorique et empirique (Bohman et al, 1997 ; Norris,1999), la participation des citoyens à la chose publique est envisagée par bonnombre d'analystes comme un des moyens permettant de lutter contre ladésaffection politique, qui se manifeste par la hausse de l'abstentionnisme lorsdes élections. Elle est vue aussi comme un dispositif privilégié pour renouer lelien politique et social (Jouve, 2005).

La participation des usagers/citoyens à la gestion des services publics auQuébec, et plus particulièrement à Montréal, dans les domaines de la santé etde l'éducation, se décline sur plusieurs registres. Elle correspond à la fois àl'expression d'aspirations identitaires, notamment dans le cas d'immigrants

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récemment arrivés sur le sol québécois, tout comme elle contribue à mainteniren place des activités qui seraient autrement abandonnées, étant donné les res-trictions ou la pénurie de fonds publics. À cet égard, si le rôle instrumental dela participation des citoyens - tel qu'il est envisagé par les pouvoirs publics -est de nature à susciter une évaluation négative de la part de celles et de ceuxqui se portent à la défense des institutions publiques et de leur fondement uni-versel, une telle contribution n'est jamais univoque. C'est que, même si lesparents d'élèves, par exemple, doivent puiser à même leurs ressources person-nelles afin de soutenir des activités parascolaires à vocation éducative, ilsn'acceptent de le faire qu'à la condition d'être associés de plus près à la gestionet au fonctionnement de l'école et d'y jouer un rôle plus important concernantla poursuite de la mission de l'école.

De ce point de vue, il apparaît que l'instrumentalisation de la participationdes parents à la gestion de l'école par les pouvoirs publics peut aller de pair avecdes négociations entre parents d'élèves, direction et enseignants par rapportaux priorités de l'école. En outre, les formes qu'emprunté la participation desparents sont aussi l'occasion quelquefois d'exprimer une solidarité entreparents venant de milieux défavorisés et parents issus des classes moyennes.

La participation des usagers/citoyens telle qu'elle a évolué au Québec depuisles années 1960 met aussi en lumière d'autres dimensions de la gestion des ser-vices publics que le discours technocratique sous-estimait ou n'était pas enmesure de prendre en compte, à savoir les exigences croissantes d'imputabilitépour les gestionnaires, de même qu'une responsabilité accrue de la part descitoyens, qui semblent devenues inévitables à la faveur d'une individualisationplus grande des rapports sociaux. À cet égard, la participation des citoyens à lagestion publique va au-delà d'une simple rétroaction à l'endroit des servicesobtenus ou rendus dans le but d'améliorer leur fourniture ou leur gestion pourmobiliser la communauté dans le sens d'un engagement collectif - expriménotamment par l'engagement de divers organismes communautaires - parrapport à la formulation et à la poursuite d'objectifs sociétaux. C'est ce qui sepasse au dire de certains avec la « réforme Couillard » où une contributiondirecte et responsabilisée des acteurs communautaires est requise aux côtés desprofessionnels de la santé et des gestionnaires des établissements de santé.

Il est trop tôt pour évaluer cette initiative et ses retombées du point de vued'une amélioration du système de santé et d'une redéfinition de la gestion

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décentralisée pour laquelle nous avons opté dans les années 1980 et 1990. Chosecertaine, avec cette approche, l'État s'engage d'une manière différente dans lepartenariat avec les organismes communautaires qu'il ne l'avait fait aupara-vant. Il ne s'agit plus simplement de partager les responsabilités par rapport àl'offre de services ou l'élaboration de projets. Ce sont les stratégies en ce qui atrait à la poursuite des finalités du système lui-même que les partenaires doiventnégocier.

Alors que le modèle québécois est l'objet de critiques et que certains aspirentà une sorte de retour aux sources en matière de gestion démocratique, il nousa semblé pertinent de nous concentrer, d'un point de vue méthodologique, surles secteurs de la santé et de l'éducation primaire qui ont été des pivots essen-tiels, avec le développement économique de la construction de l'État et de lamodernisation de la société. Les deux secteurs de l'éducation et de la santé ontfait l'objet de réformes à intervalles réguliers depuis les années 1960 et ontoccupé ces dernières années le centre du débat politique et médiatique. Rappe-lons que lors des dernières élections générales de 2003, la question du décro-chage scolaire et celle de l'état du système d'éducation en entier ont été aucentre de plusieurs controverses. En outre, le candidat Jean Charest s'étaitpubliquement engagé à réduire les temps d'accès aux hôpitaux publics dès lelendemain de son élection.

S'il ne s'agit pas ici de remettre en question l'importance évidente de cesproblèmes, nous avons opté pour un déplacement de la focale d'observation enmettant l'accent sur la nature de la participation des usagers/citoyens dans lescomités d'établissement d'écoles primaires de la Commission scolaire de Montréal(CSDM) et dans les conseils d'administration de certains Centres locaux desanté communautaire (CLSC) - intégrés aux Centres de santé et de servicessociaux (CSSS) en 2004 - de Montréal. Le choix de ces instances s'expliqueessentiellement par le fait que l'évolution du cadre légal au Québec a, commedans de nombreux États, conduit à institutionnaliser la participation des usa-gers/citoyens dans ce type de structure décisionnelle faisant intervenir une plu-ralité de types d'acteur, porteurs de logiques différentes, voire contradictoires,d'identités personnelles et collectives complémentaires et opposées. En ce sens,ces instances représentent des structures de gouvernance dont l'objectif est demutualiser les ressources et les formes de légitimité des acteurs en présence afinde générer une action publique partenariale.

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L'hypothèse défendue ici peut être résumée ainsi : en dépit de ses limites etde ses ambiguïtés, le recours à la participation des usagers et des citoyens auxaffaires publiques - de même que les demandes que ces derniers formulenteux-mêmes en ce sens - est révélateur des ajustements que tentent d'effectuerles instances publiques dans le contexte contemporain. La recherche de nou-veaux cadres opératoires pour la formulation de politiques publiques - quel'on résume en ayant recours à la notion de gouvernance -, ainsi que les pres-sions liées à la mondialisation, conduisent à modifier la forme et le contenu del'État-providence. On comprendra, ici, que la participation n'a pas la mêmesignification lorsqu'elle est évoquée par les pouvoirs publics à titre d'outil degouvernance et lorsqu'elle est formulée par les citoyens eux-mêmes commeexigence de modernisation et de démocratisation, voire de vecteur de lacitoyenneté en acte. Dans le premier cas, elle sert surtout à renouveler la légiti-mité des dirigeants. Dans le second, elle est tournée vers un approfondisse-ment ou un renouvellement de la démocratie.

Dans les faits, cependant, cette dernière distinction n'est pas toujours claire.La participation peut parfaitement être sollicitée par les citoyens et encouragéepar les dirigeants d'un commun accord ou, plus exactement, dans des proces-sus qui se recouvrent. Il découle de ce processus de congruence un certainnombre d'ambiguïtés sur le sens et la portée de la participation. Il est alors déli-cat de départager les intérêts en jeu, d'en saisir la portée et la signification.Dans ces conditions, la tentation est forte d'opter soit pour une lecture roman-tique de la participation, en lui attribuant des vertus qu'elle n'a pas, soit pourune analyse désenchantée, voire cynique, qui est tout aussi tronquée et qui nemet pas suffisamment en valeur sa capacité subversive. C'est dans cet entre-deux que se situe notre démarche qui prend appui sur la notion de gouver-nance telle qu'elle a été développée ces dernières années dans le champ dessciences sociales.

LE « MODÈLE QUÉBÉCOIS » ET SA REMISE EN QUESTION

II est certain que l'institutionnalisation de la participation des usagers et descitoyens à la gestion des services publics que nous avons connue au Québecdepuis les années 1960 et qui a contribué dans une large mesure à l'évolutiondu modèle québécois dans les années 1970 s'est passablement transformée à la

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faveur des changements contextuels et conjoncturels, mais compte tenu aussides rapports de force entre les acteurs en présence.

Si le Québec occupe une situation particulière dans ce contexte général, celaest dû pour une pour bonne part à l'histoire tardive de la construction de l'Étaten tant que vecteur d'émancipation sociale, politique, économique et cultu-relle de la société. En effet, par rapport à d'autres États occidentaux dont lesorigines remontent au milieu du XIXe siècle et dont les politiques se sont sédi-mentées à partir de cette période, ce n'est qu'avec la Révolution tranquille desannées 1960 et l'arrivée au pouvoir de l'« équipe du tonnerre » de Jean Lesageque le gouvernement provincial a vu ses moyens d'action et ses ambitionsinterventionnistes très nettement revus à la hausse.

Ce qu'il est convenu d'appeler le modèle québécois (Bourque, 2000 ; Lévesque,2002 ; Venne, 2003) revêt en effet diverses configurations institutionnelles, tra-duisant des compromis qui ont évolué dans le temps. De fait, il n'y a pas à pro-prement parler un seul modèle québécois. Il en existe plusieurs versions.

La construction de l'État au Québec, à savoir l'affirmation du palier provin-cial sous l'angle d'une instance nationale d'émancipation politique, économi-que, culturelle de la communauté francophone, s'est effectuée en premier lieudans les années 1950 sur la base d'un compromis entre réformateurs libéraux,acteurs syndicaux et certains segments de l'Église catholique (Clavette, 2005).Nourris des préceptes keynésiens et formés dans les prestigieuses universitésétrangères1 qui diffusent à l'époque ce corps de doctrine, à la fois un type par-ticulier de régulation macroéconomique et un mode spécifique de régulationentre l'État et la société civile, les réformateurs de l'époque s'emploient à bâtirune instance publique puissante. Il s'agit, en quelque sorte, de la « premièreversion du modèle québécois ». Cette version sera par la suite remaniée dansles années 1970 pour donner naissance, sous le coup de remises en questionorchestrées par des mouvements sociaux, à la « seconde version du modèlequébécois ».

i. Jacques Parizeau est le premier Canadien français à obtenir un doctorat en économie auQuébec dans les années 1950. Après avoir hésité entre une inscription à l'Institut d'études libresde science politique à Paris et la London School of Economies, son choix se portera sur laseconde, car dans les années 1950 elle est l'un des centres nerveux du keynésianisme à l'échelleinternationale.

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Dans sa première version, le modèle québécois est d'inspiration très claire-ment keynésienne, interventionniste, bureaucratique et centralisée. C'estd'ailleurs à l'encontre de cette configuration institutionnelle centrée sur l'Étatque certains mouvements sociaux des années 1970 ont lutté pour y insuffler plusde participation de la part de la société civile. La seconde version du modèlequébécois, qui résulte de ce rapport de force gagné par le secteur communau-taire, se pluralise en quelque sorte par l'ouverture de scènes décisionnelles àdifférents paliers de gouvernement, surtout dans les secteurs liés à la consom-mation collective. Les services publics, comme l'éducation et la santé, sont auxpremières loges.

On ne peut comprendre les réactions d'hostilité à certaines réformes dugouvernement de Jean Charest, notamment la création des Conférences régio-nales des élus qui place dans une situation de subordination d'anciennes struc-tures de gouvernance comme les Conseils régionaux de développementassociant élus et société civile, sans avoir en tête le contexte qui a présidé à lamise en place de la seconde version du modèle québécois. Il s'agissait alors detransformer un modèle étatique censé être le vecteur d'un projet collectifd'émancipation, mais dont le contrôle échappait en grande partie à la sociétécivile. La seconde version du modèle québécois constitue en quelque sorte uneexpérience réussie d'appropriation de l'État. Alors que la construction du gou-vernement provincial s'était opérée dans le cadre très classique d'une« étatisation de la société », dans les années 1970 les mouvements sociaux ren-versent la tendance et œuvrent dans le sens d'une « sociétisation de l'État »(Badie et Birnbaum, 1979). De ce fait, l'État n'est plus réduit à une machinebureaucratique émancipatrice, dont la légitimité est le résultat de ses outputs etde l'efficacité de ses politiques publiques (Duran, 1999), mais devient un élé-ment central du caractère distinct de la société québécoise, qui a réussi à impo-ser un nouveau compromis institutionnel. Dès lors, toucher aux structures degouvernance préexistantes au virage néolibéral, au-delà des enjeux de redéfini-tion des rôles et des ressources des acteurs politiques, économiques, syndicauxet communautaires, c'est remettre en question une partie de l'identité collec-tive québécoise.

Pourtant, la seconde version du modèle québécois a été appelée à évoluer àpartir du milieu des années 1990 sous le coup de la transformation de l'État-providence et de la crise des finances publiques2. Ainsi, le secteur communautaire,

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qui s'est fortement professionnalisé à partir des années 1980 (Hamel, 1993), nese limite plus aujourd'hui à accompagner ou remettre en question les politi-ques publiques. Devenu un partenaire à part entière de l'État dans de nom-breux domaines d'activité économique et sociale, son sort n'a jamais été aussiintimement relié à celui de l'État et à sa redéfinition. Dorénavant, la sociétécivile est appelée à cogérer la remise en question de l'État-providence, et notam-ment la pénurie des ressources budgétaires. Cela est particulièrement clair dansle cas des deux secteurs que nous avons choisi d'étudier dans cet ouvrage.

Ce constat n'induit pas mécaniquement une perte de sens de la démocratieparticipative, menacée d'instrumentalisation. Il s'agit d'un nouveau registred'action qui se rajoute à d'autres qui lui préexistent. C'est dans la tension entreces différents registres que se joue actuellement la transformation de la démo-cratie participative au Québec. De l'équilibre entre ceux-ci et de leur poidsrelatif dépendra dans les années qui viennent le contenu même des relationsentre l'État et la société civile. Cela nous a été révélé en partie par l'examenexploratoire que nous avons effectué de quelques-unes des formesqu'emprunté aujourd'hui la participation. Ainsi, l'engagement des parentsdans les conseils d'établissement ou celui de professionnels à titre de responsa-bles d'organismes communautaires dans les CSSS n'introduit pas moins denouvelles exigences de la part des usagers comme citoyens en ce qui a trait à latransparence des choix publics, mais aussi en ce qui concerne les formes et lesmodalités de l'intégration sociale. De ce point de vue, la participation peutcontribuer à une démocratisation de la gestion des services publics qui va au-delà d'un simple rapport formel d'extériorité. Ce sont les valeurs personnellesdes individus qui se mobilisent de même que celles de leur communauté quisont en cause. Dans ce contexte, on comprendra que la participation est deve-nue une composante incontournable de la gestion des services publics. Mêmesi son rôle, ses modalités d'expression et les enjeux qui lui sont sous-jacents ne

2. Dans les années 1990, on note une nouvelle phase de remise en question du modèle québécois.Les premières réflexions et mesures sont menées sous le gouvernement du Parti québécoisdirigé, à l'époque, par Lucien Bouchard qui, dans un contexte caractérisé par un stress fiscaltrès important, résultant notamment des décisions du gouvernement conservateur de BrianMulroney, prend des décisions allant à l'encontre des principes keynésiens et fortement inter-ventionnistes du modèle québécois dans sa première version. Parmi ces mesures, on se sou-viendra notamment de la loi interdisant le déficit budgétaire ou encore du Sommet del'économie et de l'emploi qui se soldera par le non-remplacement de 16 ooo postes d'infirmièrdans le secteur de la santé publique.

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sont pas cristallisés, la participation est devenue une composante indispensablede la gestion des services publics dans les démocraties libérales. À titre de traitcaractéristique du modèle québécois, cette participation s'avère de plus unenjeu majeur en ce qui concerne l'avenir des choix sociaux en matière de gestiondes services publics. C'est ce qu'il nous apparaissait nécessaire d'explorer à partird'une approche sociopolitique faisant appel à une problématique de la gouver-nance.

À l'heure actuelle, les critiques à l'encontre du modèle québécois émanentde deux registres idéologiques : i) un registre néolibéral qui oppose les tenantsde la radicalité dans le processus de changement aux tenants de la transfor-mation plus lente ; 2) un registre que l'on peut qualifier de progressiste quientend revenir aux acquis du modèle québécois dans sa seconde version desannées 1970.

i. Le Parti libéral du Québec (PLQ), dirigé par Jean Charest, entend opérerun processus de « réingénierie » dont l'objectif est le suivant : « II nes'agit pas d'affaiblir l'État québécois, mais au contraire de lui redonnertout son lustre, tout son prestige et toute sa pertinence » (Charest, 2003).Cette réforme souhaitée n'est d'ailleurs pas l'apanage du PLQ tant on laretrouve présente dans les discours de nombre de dirigeants du Parti qué-bécois (PQ), de Joseph Facal à André Boisclair et, bien entendu, au seindes rangs de l'Action démocratique du Québec (ADQ) de MarioDumont. Si consensus il y a au sein de la classe politique, du moins despartis de gouvernement, sur la nécessité de revoir le modèle québécois, lesdivergences portent plutôt sur le rythme et la radicalité des mesures àadopter. Autrement dit, faut-il, comme l'ont fait dès les années 1980 lesÉtats-Unis et la Grande-Bretagne ou encore le gouvernement conserva-teur de Brian Mulroney, puis dans les années 1990 l'Ontario, opter pourdes mesures draconiennes en matière de réduction des dépenses de l'État,de privatisation des services publics ou, au contraire, faire le choix d'unetransition plus lente, mieux maîtrisée ? En l'occurrence, tout est affaire depoint de vue sur la situation de l'État québécois et de ses relations avec lasociété civile. Faut-il un remède de cheval ou un traitement homéopa-thique ? La réponse à cette question n'est évidemment pas du ressort des

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sciences sociales, tant sa formulation fait appel à des dimensions idéold-giques fortes.

2. À cette critique néolibérale s'en ajoute une autre, exprimée par desacteurs issus de la société civile et des formations politiques situées à gau-che sur l'échiquier politique, comme Québec solidaire (QS), le nouveauparti créé en février 2006 « voué à la promotion du bien commun », àpartir de la fusion du groupe Option citoyenne et de l'ancien parti Uniondes forces progressistes. Les militants du nouveau parti considèrent que lemodèle québécois, du moins sa seconde version, a été dévoyé, que certainesde ses composantes adoptent des stratégies corporatistes au détriment dela recherche de l'intérêt général et qu'il s'est surtout technocratisé au pro-fit d'une élite qui l'instrumentalise, sans aucun contrôle démocratique(Courtemanche, 2003). Dans un essai de 1999, Henri Lamoureux établis-sait le diagnostic suivant :

Peu de personnes parmi celles qui s'activent dans les milieux syndicaux etcommunautaires osent aborder de front l'hypothèse d'une évolution des pra-tiques sociales dans le sens d'un néocorporatisme tout à fait contraire à l'éthi-que de l'action syndicale et communautaire telle qu'elle s'est affirmée à cejour. Or, tout observateur le moindrement averti peut assez facilement cons-tater dans les faits que ce glissement, cette dérive de sens, est en voie de seproduire. Il traduit l'importante, quoique généralement inconsciente, péné-tration du néolibéralisme comme idéologie de référence chez plusieurs lea-ders des mouvements sociaux. (Lamoureux, 1999: 21)

L'un des points de cristallisation de ces réflexions - incluant les controverspolitiques sous-jacentes relatives à la transformation du modèle québécois -concerne la démocratie et les registres à travers lesquels elle s'exprime. C'estd'ailleurs ce qui justifie ce livre, qui développe l'hypothèse selon laquelle c'estdans la tension entre la démocratie participative et la démocratie représenta-tive que se joue actuellement la transformation du modèle québécois, à traversla création de nouveaux modes de médiation et de gouvernance à la chosepublique, notamment dans le domaine de la production de services publicscomme la santé et l'éducation qui sont au fondement de l'émergence de l'Étatau Québec.

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PLAN ET QUESTIONS MÉTHODOLOGIQUES

Le premier chapitre du livre se fixe comme objectif d'établir un état des lieuxde la littérature sur la gouvernance et la transformation des États modernes. Ledeuxième chapitre présente une analyse historique à la fois de la constructionde la santé et de l'éducation en tant que secteurs de politiques publiques auQuébec et le rôle qu'ont joué les revendications participatives dans la structu-ration progressive des systèmes en place. On verra notamment qu'elles ont été,et sont toujours, au cœur des processus de réforme depuis les années 1980. Àune phase d'opposition de l'État à toute idée de faire participer activement lesusagers/citoyens à la gestion des services de première ligne succède une phased'intégration de cette logique. Cette conversion de l'État s'explique en partiepar la transformation du modèle québécois et, plus généralement, de l'État-providence et contient un risque évident d'instrumentalisation des acteursissus de la société civile dans les instances de participation du réseau de la santéet de l'éducation. Pour autant, l'accent mis par l'État québécois sur la respon-sabilisation accrue des représentants de la société civile dans ses structures par-tenariales, démarche que l'on peut appréhender comme répondant à unelogique d'habilitation (empowerment), est porteur d'autres dynamiquessociopolitiques majeures qui conduisent à ne pas faire de l'instrumentalisationde la participation le seul registre à l'œuvre actuellement. Le troisième chapitreélabore cette dimension à partir d'un matériau empirique très riche collecté àl'occasion de la recherche ayant présidé à l'élaboration de ce livre. Elle donne àvoir toute la complexité de la réforme de l'État dans laquelle aspiration identi-taire, gestion de la pénurie budgétaire, choc des légitimités professionnelles etprofanes, interculturalisme et don de soi au service de la société s'entrecho-quent.

D'un point de vue méthodologique, cet ouvrage repose sur l'analyse biblio-graphique des sources universitaires et administratives traitant de l'histoire dessecteurs de la santé publique et de l'éducation. Ce corpus a été complété parune série d'entretiens semi-directifs (une vingtaine) auprès de professionnelsde ces deux secteurs de politiques publiques, notamment dans les CSSS et lesétablissements scolaires primaires, mais aussi auprès de quelques autres caté-gories d'acteurs centraux pour le fonctionnement de ces réseaux, représentants

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Table des matières

Introduction 5La gouvernance et ses enjeux au Québec 6

Le thème de la participation 8

Le « modèle québécois » et sa remise en question 13Plan et questions méthodologiques 19

1 Transformations de l'État, participation et gouvernance 25Les transformations de l'État contemporain 26La gouvernance : les termes du débat 32Pour une utilisation raisonnée de la gouvernance 39

2 La participation des usagers dans les secteurs de la santé

et de l'éducation 43L'État québécois, la Révolution tranquille et la massification

des politiques sociales 44Le développement du réseau public de santé au Québec 50Évolution du cadre politicoadministratif dans le secteur

de l'éducation 71Les enjeux de la participation des usagers dans les domaines

de la santé et de l'éducation 86

3 Aléas et avatars de la participation 91Tensions structurelles entre ressources et légitimités 94Compétences civiques et structuration de la société 101Participation et gestion de la pénurie 107Participation et régime de citoyenneté québécois 117Revoir l'équilibre des forces dans les domaines de la santé

et de l'éducation 127

Bibliographie 135

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MARQUIS

M E M B R E D U G R O U P E S U B R I N I

Québec, Canada2006

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