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Tous droits réservés © HEC Montréal, 1975 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 12 oct. 2020 02:50 L'Actualité économique Un modèle intersectoriel de l’économie canadienne avec contrainte sur l’offre; une approche utilisant la programmation linéaire An Input-Output Model of the Canadian Economy with supply constraints: an approach using linear programming P. A. Dale, C. Dewaleyne, T. Gigantes et R. B. Hoffman Quelques extensions des modèles intersectoriels rectangulaires à coefficients modifiables Volume 51, numéro 1, janvier–mars 1975 URI : https://id.erudit.org/iderudit/800608ar DOI : https://doi.org/10.7202/800608ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) HEC Montréal ISSN 0001-771X (imprimé) 1710-3991 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Dale, P. A., Dewaleyne, C., Gigantes, T. & Hoffman, R. B. (1975). Un modèle intersectoriel de l’économie canadienne avec contrainte sur l’offre; une approche utilisant la programmation linéaire. L'Actualité économique, 51 (1), 96–111. https://doi.org/10.7202/800608ar Résumé de l'article This article describes a model, developed by the Structural Analysis Division of Statistics Canada, that helps analyse the economic implications of policy decisions in the environment of a supply-constrained economy. The Canadian input-output model is modified to introduce constraints on the uses of some commodity or industry products. These constraints take the form of limits on the availability of commodities for some uses, constraints that ensure that some minimum levels of final demand for each commodity are satisfied, and capacity constraints on the outputs of industries. Given these constraints, a linear function of the activity levels is maximized. The resulting solution gives a vector of activity levels, and also corresponding final demands that are optimal in terms of the objective function. The use of the model is illustrated by analyzing the 'optimal' allocation of industrial outputs in the face of a reduction in the availability of the commodity, 'crude mineral oils', for industrial uses. Two objective functions are used: total employment, and total wages, salaries and supplementary labour income. For each objective function, a ranking of the industries is defined by the solutions of the model. Experience with this model leads us to conclude that it is useful in indicating which industries are of primary interest in a specific shortage situation, rather than in setting exact values of cutbacks to impose on industries. In the conclusion, relaxation of the major assumptions underlying the model and some possible extensions are discussed.

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Tous droits réservés © HEC Montréal, 1975 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

Document généré le 12 oct. 2020 02:50

L'Actualité économique

Un modèle intersectoriel de l’économie canadienne aveccontrainte sur l’offre; une approche utilisant laprogrammation linéaireAn Input-Output Model of the Canadian Economy with supplyconstraints: an approach using linear programmingP. A. Dale, C. Dewaleyne, T. Gigantes et R. B. Hoffman

Quelques extensions des modèles intersectoriels rectangulaires àcoefficients modifiablesVolume 51, numéro 1, janvier–mars 1975

URI : https://id.erudit.org/iderudit/800608arDOI : https://doi.org/10.7202/800608ar

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)HEC Montréal

ISSN0001-771X (imprimé)1710-3991 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet articleDale, P. A., Dewaleyne, C., Gigantes, T. & Hoffman, R. B. (1975). Un modèleintersectoriel de l’économie canadienne avec contrainte sur l’offre; uneapproche utilisant la programmation linéaire. L'Actualité économique, 51 (1),96–111. https://doi.org/10.7202/800608ar

Résumé de l'articleThis article describes a model, developed by the Structural Analysis Division ofStatistics Canada, that helps analyse the economic implications of policydecisions in the environment of a supply-constrained economy. The Canadianinput-output model is modified to introduce constraints on the uses of somecommodity or industry products. These constraints take the form of limits onthe availability of commodities for some uses, constraints that ensure thatsome minimum levels of final demand for each commodity are satisfied, andcapacity constraints on the outputs of industries. Given these constraints, alinear function of the activity levels is maximized. The resulting solution givesa vector of activity levels, and also corresponding final demands that areoptimal in terms of the objective function.The use of the model is illustrated by analyzing the 'optimal' allocation ofindustrial outputs in the face of a reduction in the availability of thecommodity, 'crude mineral oils', for industrial uses. Two objective functionsare used: total employment, and total wages, salaries and supplementarylabour income. For each objective function, a ranking of the industries isdefined by the solutions of the model.Experience with this model leads us to conclude that it is useful in indicatingwhich industries are of primary interest in a specific shortage situation, ratherthan in setting exact values of cutbacks to impose on industries. In theconclusion, relaxation of the major assumptions underlying the model andsome possible extensions are discussed.

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Un modèle intersectoriel de l'économie canadienne avec contrainte sur l'offre ;

une approche utilisant la programmation linéaire *

1. Introduction Un certain nombre d'événements récents ont fait sentir la nécessité

de développer un outil d'analyse qui puisse aider à étudier les impli­cations économiques des décisions politiques, dans le cas où l'économie doit faire face à une offre limitée. La plupart des modèles existants de l'économie canadienne se révèlent, en effet, incapables de simuler des limitations de l'offre sur certains marchés, puisqu'ils supposent que, quel que soit le niveau de la demande finale, les productions se fixe­ront à des niveaux tels que cette demande sera toujours satisfaite.

Dans le modèle qui est décrit ici, on impose des contraintes aux utilisations de certains biens ou produits industriels. De plus, on recon­naît l'importance de l'interdépendance des différents secteurs de l'éco­nomie en incorporant explicitement dans le modèle les identités du modèle intersectoriel canadien. On maximise, ensuite, une fonction linéaire des niveaux d'activité (l'emploi total, par exemple).

Une des principales limitations du modèle provient du fait qu'il ne prend pas automatiquement en compte les relations de complémentarité entre les biens, ni les diverses substitutions qui peuvent se produire dans des situations de pénurie ; il ne résout pas non plus le problème qui consiste à répartir l'offre optimale entre les différentes catégories de demande.

Le modèle définit néanmoins un cadre utile d'analyse, et son utili­sation est illustrée ici par un exemple simulant le problème d'une pé­nurie de pétrole brut.

* Cette étude fait partie du programme de recherche effectué au sein de la Divi­sion de l'analyse structurelle de Statistique Canada. Les fonctions de la Division com­prennent la construction et l'utilisation de modèles structurels de l'économie canadienne. Ce travail est donc le résultat des efforts conjugués des membres de la Division. En particulier, les auteurs aimeraient remercier RJ. Armstrong, C. Gaston, P. Jordan, B. Mclnnis et G. Sayant de leur contribution.

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UN MODÈLE INTERSECTORIEL... 97

Dans la section suivante, le problème est posé dans l'espace des biens et services, et on donne une interprétation au problème dual. Dans la section 3, le problème est posé dans l'espace des industries et on discute la correspondance entre ces deux espaces. La section 4 décrit une application particulière et sa résolution, et la section 5 analyse les caractéristiques de la solution, montrant que le problème tel qu'il est posé, définit en fait une manière d'ordonner toutes les industries. Les sections 6 et 7 mentionnent brièvement un autre modèle analogue, et quelques caractéristiques générales du modèle initial.

2. Le problème dans Vespace des biens et services On trouvera, dans l'appendice, une courte description du modèle

intersectoriel canadien. Pour un exposé plus complet, le lecteur peut utiliser les ouvrages (2) et (4) donnés dans la liste de références.

Ce modèle ne possède aucune contrainte du côté de l'offre, c'est-à-dire que, quelles que soient les valeurs de la demande finale, il donne une solution q (ou g) qui représente la production totale par biens (ou par industries) qui doit être produite de manière à satisfaire cette demande finale et les demandes intermédiaires qu'elle induit.

Nous allons maintenant modifier ce modèle de sorte qu'il repré­sente une économie dont l'offre est sujette à certaines contraintes.

2.1. Les contraintes a) Supposons qu'il y ait des contraintes limitant la disponibilité

totale de NS biens ou services. On peut en fait les exprimer comme un ensemble de contraintes sur les utilisations intermédiaires de ces biens puisque nous allons aussi définir une égalité pour l'utilisation finale de ces biens, dans le prochain paragraphe1.

Si fe,j est la ième ligne de la matrice des intrants B2 le total des utili­sations intermédiaires du bien i peut s'écrire b^g, ou, utilisant l'équa­tion (A2) de l'appendice :

\Dq^SK (Cl) b) Les contraintes de type (Cl) vont avoir pour effet de dimi­

nuer la quantité de demande satisfaite pour au moins quelques biens.

1. Si on impose une limite supérieure au total des utilisations, finales + intermédiaires ^ T

et en même temps, si on place une égalité pour les utilisations finales : finales = f0

on peut alors écrire : /o + intermédiaires ^ T

et par suite : intermédiaires ̂ T — /0

ce qui revient donc à une limite supérieure imposée à la partie intermédiaire seulement. 2. On trouvera dans l'appendice la définition des notations utilisées.

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Pourtant, nous ne voulons pas que cette diminution soit trop impor­tante ; plus précisément, nous voulons nous assurer qu'un certain ni­veau de demande finale minimum, exprimé en termes de biens, sera toujours satisfait. Ces diverses limites inférieures que nous imposons à la demande finale peuvent s'exprimer comme limites sur les valeurs des q, en utilisant l'équation (A5) de l'appendice :

[I-(I-îi)BD]q m I (C2) • • • ^

On remarquera que cette formulation des contraintes (C2) permet d'introduire dans le problème l'ensemble des relations intersectorielles qui représentent l'interdépendance des divers secteurs économiques.

c) Il est à priori certain que les résultats que nous obtiendrons correspondront, pour certaines industries, à un accroissement de pro­duction. Toutefois, nous voulons éviter que le système ne trouve une solution optimale qui conduirait à une trop grande augmentation de production industrielle. Ce type de solution serait irréaliste puisque nous savons que, en raison des délais inévitables entre les décisions d'inves­tissements et les réalisations, les industries ne peuvent doubler instan­tanément leur capacité, et par suite leur production. Nous introduisons donc un autre ensemble de contraintes, limites supérieures imposées aux productions des industries : g — k, ou, utilisant (A2) pour passer à l'espace des biens :

Dq^k (C3)

d) Le quatrième ensemble de contraintes est celui que l'on trouve habituellement dans la plupart des problèmes de programmation li­néaire :

q^±0 (C4)

2.2. La fonction économique Celle-ci peut être toute fonction linéaire des productions de biens

et services q (l'emploi total, la production intérieure brute, etc.) :

Max cq les cA étant tous non négatifs.

2.3. Interprétation du dual On peut donner des variables duales Y l'interprétation économique

suivante : a) Les Y associés aux: contraintes (Cl) du primai indiquent, en

termes de la fonction économique, le gain marginal que l'on obtient lorsqu'on augmente la quantité disponible des biens pour lesquels il existe une pénurie.

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b) Les Y associés aux contraintes (G2) indiquent, en termes de la fonction économique, le coût social marginal qu'il faut supporter lorsqu'on veut satisfaire un certain niveau minimal de demande finale. Satisfaire- ce niveau revient, en effet, à utiliser certaines sources qui auraient pu, utilisées autrement, contribuer à un accroissement plus important de la fonction économique.

c) Les Y associés aux contraintes (C3) indiquent, en termes de la fonction économique, le coût marginal que la rigidité des structures économiques fait supporter à la société.

Puisque certaines des contraintes du primai sont discrétionnaires, il est intéressant de pouvoir les évaluer en termes de valeurs des variables duales associées.

2.4. La solution Si l'on a NI industries, NC biens et services, et NS biens pour les­

quels il y a pénurie, ce programme linéaire a donc : • NC variables principales • NS + NC + NI contraintes de type inégalité (sans compter les

NC contraintes (C4)) La solution optimale q consiste donc en un vecteur de production

par biens et donne aussi les valeurs correspondantes de la demande finale exprimée en termes de biens (le membre de gauche de (C2)). Les productions par industries peuvent être calculées au moyen de (A2).

3. Le problème dans F espace des industries, et la correspondance avec le problème précédent Le problème tel qu'on l'a décrit plus haut n'a pu être résolu par

l'ensemble classique de programmes de résolution des problèmes de programmation linéaire à notre disposition3.

De manière à obtenir une solution, on a décidé d'étudier un pro­blème analogue au premier, mais exprimé dans l'espace des industries.

3.1. Les contraintes La contrainte portant sur les utilisations intermédiaires du bien i

s'écrit maintenant :

big^Si (Cla)

3. Tout au long de cette étude, on a utilisé l'ensemble de programmes MPSX, dé­veloppé par IBM. Quelques-unes des caractéristiques du problème ci-dessus conduisirent, avec ces programmes, à des difficultés numériques qui n'ont pas été résolues.

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100 L'ACTUALITÉ ÉCONOMIQUE

Les limites inférieures imposées à la demande finale exprimée en termes de productions industrielles4 peuvent maintenant s'exprimer en fonction des g, en utilisant l'équation (A7) :

[I-D(I-v)B]g^lf (C2a)

Les limites supérieures imposées aux productions des industries (con­traintes de capacité) s'écrivent simplement :

g^k (C3a)

Et les contraintes habituelles de non négativité :

g ^ O (C4a)

3.2 La fonction économique Elle peut être maintenant toute fonction linéaire des productions

par industries g (emploi total, production intérieure brute, etc.) Max cg

les c{ étant non négatifs. On peut donner aux variables duales le même type d'interprétation

que dans le cas ci-dessus.

3.3. La solution Ce second programme linéaire a : © NI variables principales • iVS+(2*NI) contraintes de type inégalité (sans compter les

NI contraintes (C4a)) La solution optimale g est un vecteur de productions par industrie,

à partir duquel on peut calculer la demande finale dans l'espace des industries (le membre de gauche de (C2a) ).

3.4 La correspondance entre les deux problèmes Il est important de remarquer que le problème défini dans l'espace

des industries et décrit dans la section 3 n'est pas le même que celui défini dans l'espace des biens et décrit dans la section 2.

En particulier, si l'on considère les contraintes (C2) et (C2a) : [I-(I-l)BD\q^l (G2) [I-D(I-t)B]g^r (C2a)

4. Le problème étant défini dans l'espace des industries, la demande finale en termes de biens n'est pas déterminée de manière unique. Par suite, pour les NS biens sur les­quels porte la pénurie, nous ne pouvons définir nos contraintes que sur les utilisations intermédiaires.

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Si on multiplie le membre de gauche de (C2) par D, il s'écrit D[I— (I—\i)BD]q ou [/ —jD(/ — |i)jB]g, ce qui est exactement le membre de gauche de (C2a). Puisque tous les éléments de D sont non négatifs, cela montre que, si (C2) est vérifiée, et si on définit Z' par Dl, alors (C2a) est vérifiée aussi. Toutefois, la réciproque n'est pas vraie5.

En d'autres termes, si on appelle Q^om l'ensemble des solutions réali­sables dans l'espace des q et défini par (C2), et Qdnd l'ensemble des solutions réalisables défini par (C2a) et exprimé dans l'espace des q (après remplacement de g par Dq), on a :

Gcom Ç ûind

mais pas nécessairement l'inverse. Ces raisons expliquent pourquoi on écrit ici que le problème dans

l'espace des industries est analogue et non pas identique au problème exprimé dans l'espace des biens.

4. Un exemple d'application et sa résolution Dans l'exemple et les résultats décrits ci-dessous, on insistera davan­

tage sur les caractéristiques importantes de la solution de ce type de problème que sur les résultats numériques spécifiques de l'exemple choisi.

Les simulations que l'on a effectuées avec le modèle exprimé dans l'espace des industries analysent l'affectation optimale des productions industrielles dans le cas d'une réduction de la disponibilité du bien « pétrole brut » pour usages industriels. Puisque la seule industrie qui utilise le pétrole brut comme intrant direct est l'industrie des raffineries, une contrainte portant sur l'utilisation intermédiaire de ce bien peut être analysée de manière équivalente dans ce modèle en termes de contrainte sur la capacité productive de l'industrie des raffineries.

L'ensemble de données le plus complet que nous possédions se rap­porte à l'année 1966, et par suite nous allons entreprendre l'analyse comme si la pénurie se produisait en 1966. La signification des résultats peut alors être étendue à la période présente. De plus, pour les besoins de cette illustration, les hypothèses de fixité des coefficients d'intrants, de parts de marché et d'importations à leurs valeurs de 1966, ont été retenues. Les solutions obtenues ne seront donc optimales que par rap­port à la fonction économique choisie, et moyennant ces hypothèses. Dans la section 7, on discute de possibilités d'élargissement de ces hypothèses.

5. D étant une matrice de dimensions industries * biens, elle est en général rectan­gulaire et par suite ne possède pas d'inverse unique. Parmi toutes les matrices R telles que RD = /, nous savons que, comme D est non négative, R ne peut être non négative, et par conséquent, si (C2a) est vérifiée, cela n'entraîne pas nécessairement que (C2) est vérifiée.

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Les paramètres du problème sont : a) Les variables : la solution nous donnera les niveaux de pro­

duction industrielle pour les 211 industries définies dans la désagréga­tion la plus détaillée du modèle intersectoriel canadien.

A

b) Les contraintes : les matrices B, D et \i utilisées dans ces simu­lations sont les matrices d'intrants, de parts de marché et de parts d'importations, respectivement, telles qu'elles sont utilisées dans le mo­dèle intersectoriel canadien.

Les limites inférieures imposées à la demande finale exprimée en termes des 211 produits industriels ont été déterminées de sorte que chaque industrie ait à satisfaire une certaine proportion de son niveau de demande finale de 1966. Le choix de ces valeurs s'est révélé délicat à cause des problèmes d'interprétation de la notion de demande finale pour les produits industriels. En pratique, on a déterminé ces valeurs à partir de considérations sur les élasticités de demande pour ces pro­duits et d'autres considérations de nature sociale.

Quant aux contraintes de capacité, on les a définies en donnant à chacune des 211 productions industrielles une limite supérieure qui soit au moins égale à sa valeur en 1966.

Ensuite, on a effectué une série de simulations en diminuant gra­duellement la limite supérieure imposée à la production de l'industrie des raffineries (industrie #137) , en forçant ainsi le système à opérer une affectation de la production des raffineries parmi ses utilisateurs.

On a donc dans ce problème NS= 1 et iW = 211. c) La fonction économique : le choix de la fonction économique

est évidemment d'importance primordiale dans la détermination de la solution ; comme il est difficile d'obtenir un consensus au sujet du choix d'une fonction économique, nous avons décidé d'en utiliser plu­sieurs. Les deux fonctions retenues pour cet exemple sont l'emploi total et la rémunération totale des salariés. Nous définissons l'emploi total comme la somme pondérée des productions des industries, les poids étant, pour chaque industrie, la valeur en 1966 de l'emploi par unité de production. La rémunération totale des salariés est définie de ma­nière analogue, les poids étant cette fois, pour chaque industrie, le rapport de la rémunération à la production en 1966 e.

Ces définitions sont sujettes à deux principales limitations. D'abord, pour de nombreuses industries, les valeurs de ces rapports ont changé depuis 1966. L'utilisation des valeurs de 1966 est toutefois en accord avec l'utilisation des coefficients de 1966 ailleurs dans le modèle. En-

6. Les valeurs de ces deux ensembles de pondérations sont cohérentes avec les don­nées du modèle intersectoriel 1966. Toutefois, l'ensemble des poids représentant l'emploi par unité de production a été révisé récemment ; cette révision affecte principalement les industries du groupe de la construction.

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suite, la valeur marginale de ces rapports n'est pas égale à leur valeur moyenne7.

Etant donné ces limitations, il semble préférable de considérer les fonctions économiques en termes de leurs variations d'une solution à une autre, que d'étudier les valeurs qu'elles prennent.

5. Analyse de la solution 8

Dans la première simulation, nous plaçons la limite supérieure por­tant sur la capacité de l'industrie des raffineries à la valeur de sa pro­duction en 1966. Les limites de capacité des autres industries sont telles qu'elles peuvent produire plus qu'en 1966. La solution optimale que l'on obtient indique que, si on veut maximiser l'emploi ou la rému­nération totale, la configuration de la production et de la demande finale par industrie va être différente de ce qu'elle était en 1966. En particulier, la production des raffineries ira moins vers la demande finale, et plus vers les utilisations intermédiaires, et les autres industries reste­ront à leur niveau de capacité maximal.

Durant les simulations suivantes, la capacité des raffineries est ré­duite petit à petit. On obtient la solution optimale en maintenant toutes les industries à leur niveau de production de pleine capacité aussi long­temps qu'il est possible en réduisant la livraison des raffineries à la demande finale. Lorsque celle-ci atteint sa limite inférieure, la pénurie force alors une des industries à produire à un niveau inférieur à sa capacité maximale (c'est l'industrie qui a le plus petit rapport : emploi direct/utilisation directe du produit #137) . A mesure que la quantité de produits pétroliers disponibles continue de diminuer, le niveau de production de cette industrie ainsi que sa livraison à la demande finale vont diminuer, jusqu'à ce que cette dernière atteigne sa limite inférieure. A ce moment-là, une deuxième industrie sera forcée de produire au-dessous de sa capacité et de décroître ses livraisons à la demande finale, et ainsi de suite9. A la fin de ce processus, les industries produisent simplement à un niveau tel que la demande finale minimale soit satis­faite.

7. Cela est particulièrement vrai dans le cas de l'agriculture. On rencontre d'ailleurs d'autres problèmes de définition lorsqu'on veut affecter des pondérations à cette industrie. Toutefois, puisque, en général, on n'autorise qu'une très faible diminution de la demande finale pour les produits agricoles, cela tend à atténuer les effets d'une « mauvaise » va­leur de la pondération. On peut, d'ailleurs, effectuer une analyse de sensibilité pour voir comment les résultats varient lorsque ce poids (et d'autres aussi) change de valeur.

8. La programmation linéaire en elle-même est décrite en détail dans les ouvrages (1) et (3) . Pour ce qui se rapporte au type d'analyse décrit dans cette section, on peut se référer à ( l ) , chapitre 11 en particulier.

9. En termes de programmation linéaire, lorsque la pénurie s'accroît, la solution optimale de départ cesse d'être réalisable. On obtient une autre solution réalisable et optimale en faisant sortir de la base la variable d'écart appartenant à la contrainte (C2a) d'une industrie, et en y faisant entrer la variable d'écart appartenant à la contrainte (C3a) de l'industrie suivante.

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A chaque étape de ce processus, le critère permettant de choisir l'industrie qui sera la prochaine à cesser de produire à pleine capacité devient plus complexe car il dépend des paramètres de l'industrie #137 et de ceux des industries qui sont déjà au-dessous de la pleine capacité. Les paramètres en question sont les pondérations c% de la fonction éco­nomique, et les paramètres du membre de gauche des contraintes (C2a), soit Dy B et [x. Si on se souvient de la difficulté qu'on éprouve à donner

TABLEAU 1 1

VALEURS DE PLUSIEURS RAPPORTS POUR CERTAINES INDUSTRIES, ET CLASSEMENT CORRESPONDANT

(la fonction économique dans le programme linéaire étant l'emploi)

Industries (selon Tordre dans lequel

elles quittent leur valeur de capacité maximale dans le programme linéaire)

Rapport : emploi direct /

utilisation directe du produit #1372

(emploi/milliers de dollars)

Rapport : emplois direct et indirects/ utilisations directe

et indirectes du produit # 137 2

(emploi/milliers de dollars)

— Fabricants de dérivés divers du pétrole et du charbon

— Construction de routes, autoroutes, et de pistes d'atterrissage

— Fabricants de papier de couverture asphalté

— Eau (traitement, distribution) et autres services d'utilité publique

— Fabricants de produits chimiques industriels

— Agriculture — Constructions, divers — Transport aérien

.2489 (1) .4743 (2)

.5000 (3)

.5362 (4)

.6381 (5)

.6484 (6)

.7372 (7)

.8923 (8)

.4922 (1) .9333 (3)

.8689 (2)

1.0923 (5)

1.0641 (4) 1.1651 (6) 1.2178 (7) 1.2371 (8)

1. Dans chaque colonne, la valeur du rapport est suivie d'un nombre entre paren­thèses qui indique le rang occupé par l'industrie en question lorsque les 211 industriels sont ordonnées selon les valeurs croissantes du rapport. (Dans le système intersectoriel canadien, on définit 9 industries fictives dont la valeur ajoutée est nulle, et qui ont par conséquent des poids nuls dans les fonctions économiques retenues dans cette étude. Par suite, ces industries ont été traitées différemment et ne sont pas incluses dans l'ordon­nancement des industries).

2. Le rapport: emploi direct/utilisation directe du produit # 1 3 7 est défini, pour l'industrie /, par:

Le rapport : emplois direct et indirects / utilisations directe et indirectes du produit # 1 3 7 est défini, pour l'industrie /, par :

c[I - D(I - £)B]-J , / [ / - ! > ( / - jl)fl)-i#/ c étant le vecteur des coefficients d'emploi par unité de production.

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U N MODÈLE INTERSECTORIEL.. . 105

des valeurs aux limites, il est quelque peu rassurant de remarquer qu'elles n'affectent pas l'ordre dans lequel les industries se voient forcées de réduire leur production à un niveau inférieur à la pleine capacité.

Contrairement à ce qu'on pourrait penser à priori, cet ordre n'est pas déterminé par une comparaison entre toutes les industries des rapports : emploi direct (ou rémunération directe) / utilisation directe du produit #137, ni d'ailleurs par une comparaison des rapports : emplois direct et indirects / utilisations directe et indirectes du produit #137. Les tableaux 1 et 2 permettent de comparer l'ordre dans lequel sont classées les industries suivant ces 3 critères, ceci pour les 8 pre­mières industries qui quittent leur valeur de capacité dans le problème maximisant l'emploi, et celui maximisant la rémunération, respective­ment. Comme on l'a mentionné plus haut, les résultats décrits dans ces tableaux sont indépendants des valeurs retenues pour les limites. Il est intéressant de remarquer que, en pratique, les industries pour lesquelles Jes rapports dans les colonnes 2 et 3 ont des valeurs relativement faibles, sont généralement les premières au-dessous de leur capacité, dans le

TABLEAU 2 * VALEURS DE PLUSIEURS RAPPORTS POUR CERTAINES INDUSTRIES,

ET CLASSEMENT CORRESPONDANT (la fonction économique dans le programme linéaire étant la rémunération)

Rapport : rému-Industries Rapport : rému- nérations directe et

(selon Tordre dans lequel nération directe / indirectes / utilisa­elles quittent leur valeur de capacité utilisation directe tions directe et in­

maximale dans le programme linéaire) du produit #1372 directes du produit #1372

— Fabricants de dérivés divers du pétrole et du charbon 1.5320 (i) 2.9631 ( i )

— Agriculture 1.9266 (2) 5.2104 (2) — Eau (traitement, distribution) et

autres services d'utilité publique 3.0797 (3) 6.2352 (4) — Fabricants de papier de

couverture asphalté 3.1361 (4) 5.3229 (3) — Traitement du tabac en feuille 51.576 (>20) 7.5784 (7) — Construction de routes, autoroutes,

et de pistes d'atterrissage 4.2888 (5) 6.7963 (5) — Fabricants de produits chimiques

industriels 4.7052 (6) 7.1461 (6) — Pêche, chasse et piégeage 6.1758 (7) 9.7017 (10)

1. Voir note au bas du tableau 1. 2. Les rapports ont les mêmes définitions que dans le tableau 1, à la différence près

que c est maintenant le vecteur des rapports de la rémunération à la production. *

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106 L'ACTUALITÉ ECONOMIQUE

programme linéaire. Ce n'est toutefois pas le cas pour l'industrie « Trai­tement du tabac en feuille » dans le tableau 2. Dans ce cas, il y a une difïérence considérable entre l'ordre qu'on obtient en classant les indus­tries suivant leurs interrelations avec un sous-ensemble approprié d'in­dustries, et celui obtenu en les classant suivant leurs interrelations avec toutes les 210 autres.

TABLEAU 3

VALEURS1 DE QUELQUES AGRÉGATS ÉCONOMIQUES PROVENANT D'OPTIMISATIONS SUCCESSIVES, EFFECTUÉES AVEC DIFFÉRENTS NIVEAUX DE PÉNURIE

A. Problème maximisant l'emploi

Niveau de production des raffineries exprimé en pourcentage de sa valeur

dans la solution de contrôle

1Q0.0 ». (solution de contrôle)

98.12 97.00

Emploi total Rémunération totale des salariés Produit intérieur brut

100.0 100.0 100.0

99.99 99.98 99.98

98.83 98.63 98.68

B. Problème maximisant la rémunération totale des salariés

Niveau de production des raffineries exprimé en pourcentage de sa valeur

dans la solution de contrôle

100.0 2

(solution de contrôle)

98.12 97.00

Emploi total Rémunération totale des salariés Produit intérieur brut

100.0 100.0 100.0

99.98 99.98 99.97

98.77 98.73 98.73

1. Tous les résultats sont exprimés comme des pourcentages des valeurs dans la solution de contrôle.

2. Dans la solution de contrôle, la production des raffineries est égale à sa valeur en 1966. Dans cette solution, toutes les industries produisent à leur niveau de capacité maximal.

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UN MODELE INTERSECTORIEL... 107

La comparaison de la première colonne du tableau 1 avec celle du tableau 2 montre la sensibilité de l'ordre au choix de la fonction économique. Parmi les 8 premières industries qui quittent leur capacité, 6 sont les mêmes dans les deux tableaux, bien que l'ordre en lui-même varie quelque peu entre les deux.

Le tableau 3 donne une comparaison des changements dans la pro­duction des raffineries avec les changements dans l'emploi total et la rémunération totale (et aussi dans le produit intérieur brut), lorsque ces deux fonctions sont maximisées. Le processus de maximisation amène à un changement en pourcentage de ces valeurs inférieur à celui de la production des raffineries. Si la diminution de production des raffineries avait été simplement répartie proportionnellement entre toutes les indus­tries, ces changements en pourcentage auraient été tous égaux, puisque le système est linéaire. Les résultats décrits dans le tableau 3 dépendent, bien sûr, des valeurs choisies pour les limites.

La solution du programme linéaire nous dit seulement quels niveaux de demande finale pour chaque industrie il est optimal de satisfaire. Elle ne nous indique nullement comment il faut répartir cela entre les différentes catégories de demande finale (consommation, investissements, etc.). L'allocation de cette demande par industries entre les diverses catégories est un problème de décision politique. Bien évidemment, cette décision peut être aussi formalisée, et on peut poser le problème en termes d'une optimisation d'une certaine fonction. En particulier, on peut placer une limite inférieure à la quantité de produits d'une indus­trie allant dans chaque catégorie de demande finale donnée. L'excédent de production de cette industrie peut être ensuite distribué de manière à minimiser la somme d'une certaine fonction de l'écart entre le résultat final et un niveau désiré de demande finale pour chaque catégorie. On peut, par exemple, prendre comme niveau désiré la valeur observée en 1966.

6. Un autre problème analogue au précédent En plusieurs occasions, on a pu se rendre compte, dans ce qui pré­

cède, de l'importance du problème posé par le passage d'un espace à un autre. En particulier, il n'a jamais été possible, étant donné une solution optimale (qu'elle soit dans l'espace des biens ou dans celui des industries), d'en déduire un ensemble unique de valeurs pour les caté­gories de la demande finale. En fait, il se peut très bien que certains utilisateurs du modèle veuillent obtenir leurs résultats en termes de catégories de demande finale10, et en pratique, on peut penser qu'ils

10. Une décomposition classique de la demande finale en catégories distingue 40 catégories de consommation, 81 d'investissement, 12 de revenus et dépenses courantes des gouvernements, et 2 d'exportations.

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108 L'ACTUALITÉ ÉCONOMIQUE

préfèrent déterminer les limites inférieures imposées à la demande finale en termes de catégories plutôt qu'en termes de produits industriels ou même de biens. C'est pourquoi Û peut être intéressant de poser le pro­blème analogue au précédent mais dans l'espace des catégories de de­mande finale.

En utilisant l'équation (A10), on peut écrire les contraintes : • bJf^St (Clb)

• f^fo (C2b) • Jf^k (C3b) • / ^ 0 (C4b)

et la fonction économique s'exprimerait : Max cf On a vu précédemment que les problèmes exprimés dans les espaces

des biens ou des industries avaient comme hypothèses la fixité des ma­trices des intrants, des parts de marché, et les coefficients de parts d'ex­portations. Le modèle qu'on vient de définir repose sur l'hypothèse supplémentaire que la matrice de conversion de la demande finale est fixe aussi : la composition par biens de chaque catégorie est supposée constante.

A partir de la solution optimale /*, on peut obtenir la demande finale en termes de biens en utilisant (A9), et de là, les productions par biens et par industries correspondantes.

Ici encore se pose le problème de correspondance entre les différents espaces : le problème posé dans l'espace des catégories de demande finale est situé par rapport au problème posé dans l'espace des biens comme ce dernier est situé par rapport au problème posé dans l'espace des industries. L'ensemble des solutions réalisables défini par (C2b), après transfor­mation dans l'espace des biens par l'équation (A9), est inclus dans l'ensemble des solutions réalisables défini par (C2).

Bien que l'hypothèse supplémentaire sur laquelle repose ce problème (matrice E constante) semble forte et même inacceptable pour cer­taines utilisations, cette version du problème dans l'espace des catégories sera analysée dans nos travaux à venir, car pour de nombreux utilisa­teurs, l'avantage de pouvoir spécifier le problème en termes de caté­gories de demande finale est considérable.

7. Conclusion Le modèle décrit ci-dessus et dont le fonctionnement est illustré par

l'exemple d'une pénurie de pétrole brut, est une méthode d'affectation qui présente l'avantage de prendre en compte l'interdépendance des différents secteurs de l'économie.

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UN MODÈLE INTERSECTORIEL... 109

Notre expérience avec le modèle exprimé dans l'espace des indus­tries, nous conduit à l'évaluation suivante. Etant donné la difficulté qu'on éprouve à définir et interpréter les valeurs de la demande finale pour les produits industriels, nous hésiterions à utiliser les résultats du modèle pour déterminer, dans une situation pratique, les valeurs exactes des réductions à apporter à l'offre de biens aux industries. Pourtant, nous considérons que le modèle peut servir à désigner les industries qui présentent un intérêt spécial dans une situation donnée de pénurie, en particulier lorsqu'on compare les solutions obtenues avec plusieurs fonc­tions économiques appropriées. Le modèle classe, en effet, les industries dans un ordre établi suivant un critère qui n'est pas, à priori, évident.

De plus, certaines des hypothèses sur lesquelles le modèle repose, lui font ignorer un certain nombre de problèmes. Lorsque la pénurie s'accompagne d'un accroissement important des prix, il peut être inté­ressant de modifier en conséquence certaines des hypothèses inhérentes au modèle intersectoriel. Par exemple, de telles variations de prix peu­vent entraîner des substitutions dont les effets peuvent résulter en des changements dans les coefficients d'intrants ou de parts de marché. De plus, si la cause première de la pénurie est une réduction des impor­tations, il peut s'avérer utile de modifier les valeurs des coefficients de parts d'importations, et de résoudre ensuite le modèle.

Effectuer ces simulations paramétriques permet d'étudier l'impact de ces changements sur la solution, sur l'affectation optimale du bien sur lequel porte la pénurie, et sur l'ordre qu'on observe parmi les in­dustries.

Le modèle est maintenant utilisable pour des problèmes de même nature que l'exemple choisi, avec pénurie portant sur un ou plusieurs biens. On peut garder les paramètres structurels à leur valeur observée en 1966, ou les placer à un autre niveau que l'utilisateur a la possibilité de définir selon l'information qu'il possède et les caractéristiques de l'expérience qu'il veut effectuer.

P.A. DALE G. DEWALEYNE T. GIGANTES

R.B. HOFFMAN Statistique Canada.

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110 L'ACTUALITÉ ÉCONOMIQUE

APPENDICE

Description succincte du modèle intersectoriel canadien * On utilisera les notations suivantes :

• B : matrice des intrants intermédiaires ; bi} est la quantité de bien i que l'industrie ; utilise pour produire une unité.

• D : matrice des parts de marché ; dy est la part de la pro­duction domestique du bien ; produite par l'industrie i.

• g : vecteur de productions par industrie. • q : vecteur de productions par bien. • e : vecteur de demande finale intérieure par bien, o x : vecteur d'exportations par bien. • m : vecteur d'importations par bien. • \JL : vecteur de parts d'importation par bien. On a les deux identités : • offre totale par bien = utilisations intermédiaires + finales

q + m = Bg+ (e + x) (Al) o productions par industries = sommes pondérées des productions

par biens g = Dq (A2)

A

Et on définit une matrice \i de parts d'importations par (A3), qui exprime que pour chaque bien, les importations représentent une pro­portion fixe de son utilisation domestique totale2.

m = yL(Bg + e) (A3) En combinant (Al) et (A3), nous obtenons

q={I-Ù(Bg + e)+x (A4) et en utilisant (A2),

q=(I-VL)(BDq + e)+x et :

[ / - ( / - v)BD\q = (/ - lô* + x (A5) ce qui donne la solution : productions par biens en fonction de la demande finale exprimée en termes de biens :

q=[I-(I-V)BD]-l[(I-ÏL)e + x] (A6)

1. Une description plus complète est donnée dans les ouvrages (2) et (4) . 2. u est une matrice diagonale dont les éléments diagonaux sont ceux du vecteur JA.

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UN MODÈLE INTERSECTORIEL... I l l

Par ailleurs, à partir de (A4) et (A2), on aurait pu obtenir aussi :

g = D(I-fi{Bg + e)+Dx

et :

[I-D(I-VL)B\g=D(I-Vi)e + Dx (A7)

ce qui donne la solution : productions par industrie en fonction de la demande finale exprimée en termes de produits industriels :

g=[I-D{I-t)B\-*[D{r-t)e + Dx] (A8)

Si la demande finale est définie en termes de valeurs des catégo­ries / (consommation, investissement, dépenses courantes du gouverne­ment, exportations), la demande finale par biens peut s'exprimer :

{I-[i)e + x = Ef (A9)

en appelant E la matrice de conversion de la demande finale (chaque colonne de E représente la composition par biens d'une catégorie de demande finale).

Des équations (A9) et (A8), on peut déduire les productions par industries en fonction de / :

g=[I-D(I-ÎL)B]-1DEf = Jf (A10)

si on pose : / = [/ - D(I - \k)B\~xDE

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

(1) G. HADLEY, Linear Programming, Addison-Wesley, 1962. (2) R.B. HOFFMAN, Statistics Canada Input-Output Models, Ottawa,

mai 1973. (3) K. LANCASTER, Mathematical Economics, Macmillan Ltd., 1968. (4) The Input-Output Structure of the Canadian Economy, 1961. Sta­

tistique Canada, catalogue 15-501, publication irrégulière.