Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le...

30
Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure, Université de Montréal 8 e édition des Journées d’étude de la Société de Formation et d’Éducation Continue 5 mai 2011

Transcript of Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le...

Page 1: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

Un modèle collaboratifde formation continue

Une stratégie valorisant les apprentissageset le développement professionnel

Joëlle MorrissetteProfesseure, Université de Montréal

8e édition des Journées d’étude de laSociété de Formation et d’Éducation Continue

5 mai 2011

Page 2: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

Plan de la présentation

Les fondements d’un modèle collaboratif de formation continue

Les zones de coconstruction de savoirs organisationnelsau sein d’une formation collaborative: la zone partagée la zone admise la zone contestée

Des exemples d’utilisation de ces trois zones: dans la formation continue d’enseignantes du primaire dans la formation initiale d’étudiant(e)s en soins infirmiers

Page 3: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

LES FONDEMENTS D’UNMODÈLE COLLABORATIF

DE FORMATION CONTINUE

Page 4: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

Les origines: l’approche collaborative en recherche

L’Approche collaborative allie recherche et formation continue (Desgagné, 1997; Desgagné et al., 2001; Morrissette & Desgagné, 2009).

Elle s’appuie sur une activité réflexive qui sert de« lieu » pour la construction d’un objet d’étude etpour le développement professionnel.

Elle mise sur la réflexivité des acteurs et leurssavoirs pratiques pour éclairer l’objet de recherche.

Page 5: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

Les visées d’uneapproche collaborative

Créer une culture collaborative dans un milieu de pratique, dans une organisation; mobiliser des équipes autour de projets de recherche et de développement professionnel.

Rapprocher la culture universitaire des cultures de pratique professionnelle, en vue d’une formation continue qui soit ajustée à la réalité de la pratique. 

Page 6: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

Les conditions d’un modèle collaboratif de formation continue

Partenariat et complémentarité (Desgagné, 1997; Saint-Arnaud, 1989):

Un modèle collaboratif suppose que les acteurs organisationnels s’engagent à explorer un aspect de leur pratique et que l’objet même de la formation porte sur leur compréhension en contexte du phénomène exploré.

Les partenaires se reconnaissent mutuellement un champ de compétence par rapport aux objectifs poursuivis.

Page 7: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

Flexibilité et compromis (Morrissette, 2011):

Les partenaires doivent négocier l’objet de la formation pour qu’il devienne un objet de « préoccupations mutuelles », i.e. pour qu’il soit significatif pour les acteurs organisationnels en vue de susciter leur plein engagement.

Les conditions d’un modèle collaboratif de formation continue

Page 8: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

Wenger (2005): en réaction à une offre de formation inter-entreprises standardisée, uniformisée, les communautés de pratique dans lesquelles on apprendde manière + ou - formelle par des processusde socialisation professionnelle.

Grosjean (2011): en réaction à une tendance vers une forme « d’extinction de la parole » pour des raisons de rationalisation, la mise en lumière de la création et de la circulation de savoirs organisationnels dans et par les interactions au sein des réunions de travail.

Les fondements d’un modèlecollaboratif de formation continue

Page 9: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

Les fondements d’un modèlecollaboratif de formation continue

Schön (1983): en réaction à la rationalité technique (formations prescriptives), la reconnaissance de la rationalité pratique et des savoirs d’action des acteurs.

Darré (1999): d’un rapport hiérarchique à un rapport égalitaire des acteurs, la construction de savoirs en réseaux de coopération.

Campenhoudt et al. (2005): pour une continuité entre les savoirs « ordinaires » et les savoirs issus de la recherche, la production d’un savoir négocié.

Page 10: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

Une conception non déficitairede l’acteur organisationnel

Il connaît les circonstances de son action et de celledes autres, une connaissance qu'il utilise dans la (re)production de l'action. Il contrôle de façon réflexive ce qu'il fait.

Il opère une « transposition pragmatique » (Perrenoud, 2006) entre les prescriptions de l’organisation et les possibilités pratiques.

Il développe des savoirs pratiques dans l’expérience – il « sait se livrer » à ses activités professionnelles –, à travers ses interactions avec les autres (idée de coordination).

Guignon & Morrissette (2006)

Page 11: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

Les défis d’un modèle collaboratif de formation continue

Les savoirs pratiques de l’acteur organisationnel nesont discursifs qu’en partie (Giddens, 1987).

Le formateur doit identifier des méthodes pour servir l’activité réflexive, pour aider à trouver « les mots pourle dire »:

le débat en groupe (Campenhoudt & al., 2005); le récit de pratique (Desgagné, Gervais & Larouche, 2001; Lainé,

1998); la bande vidéo commentée (Clot, 1999; Yvon & Garon, 2006); la méthode des cas (Mucchielli, 1968; Passeron & Revel, 2005).

Page 12: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

LES ZONES DE COCONSTRUCTION DE SAVOIRS ORGANISATIONNELS

AU SEIN D’UNE FORMATION COLLABORATIVE

MORRISSETTE (2009, 2010)

Page 13: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

L’émergence de trois zonesde coconstruction de savoir

Une formation collaborative qui mise sur le débat en groupe pour examiner les pratiques d’évaluation formative d’un groupe d’enseignantes du primaire (Morrissette, 2009, 2010).

Dans leurs délibérations autour de cas d’évaluation formative, la dynamique de groupe met en œuvre des processus de négociation qui laissent émerger troiszones de coconstruction de savoirs:

une zone partagée; une zone admise; une zone contestée.

Page 14: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

LA ZONE PARTAGÉE

Page 15: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

Des savoir-faire communs

Comment les identifier ? En repérant les consensus dans les discussions du groupe, soit les « manières de faire partagées ».

Ce sont des conventions d’une culture de métier, imbriquées aux pratiques usuelles. Elles sont liées au choix des instruments de travail, aux procédures à suivre, aux relations des acteurs les uns par rapport aux autres (dynamiques de travail), etc.

La culture de travail est (re)créée dans ces pratiques usuelles et dans l’ajustement entre les pratiques desuns par rapport aux pratiques des autres.

Page 16: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

Implications pour uneformation continue collaborative

Il faut pouvoir nommer ces savoir-faire communs car:

ils permettent d’identifier les éléments de formation initiale,de parrainage, pour les nouveaux arrivants, pour la relève ou pour ceux qui sont appelés à changer de poste;

ils peuvent servir de contenus de formations plus « classiques » (tutorat, mentorat, etc.) qui se révèlent adéquates à la transmission de ce savoir;

ils sont porteurs d’une identité professionnelle susceptible de créer une cohésion dans l’organisation ou l’un de ses secteurs d’activités.

Page 17: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

LA ZONE ADMISE

Page 18: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

Des savoir-faire « personnels »

Comment les identifier ? En repérant les pratiques qui ne soulèvent ni marque d’adhésion, ni d’objection, mais qui sont reconnues par le groupe, soit les « manières de faire admises ».

Ce sont des façons de faire innovantes tributaires de « franc-tireurs » (Becker, 1982), soit des acteurs qui se distinguent en développant de nouvelles idées. Leurs pratiques sont en cohérence avec les valeurs, les objectifs, les enjeux de la culture de travail, même si elles ne sont pas usuelles.

Page 19: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

Implications pour uneformation continue collaborative

Il faut pouvoir nommer ces savoir-faire « personnels » car:

ils peuvent être transmis (contamination positive), car les pairs leur accordent une crédibilité;

ils constituent un vivier pour de nouvelles idées qui peuvent permettre à chacun ou à un groupe de se développer sur leplan professionnel;

ils questionnent les habitudes, mais ils ne sont pas à imposer,car on doit être respectueux des contextes de travail de chacun;

ils sont développés par des créateurs acceptés, et donc des ressources intéressantes – des leaders – à identifier par les organisations.

Page 20: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

LA ZONE CONTESTÉE

Page 21: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

Des savoirs « s’accommoder »

Comment les identifier ? En repérant des désaccords persistants dans les discussions du groupe, soit les « manières de faire contestées ».

Ce sont des pratiques qui sortent des conventions, qui sont hors normes, et qui sont révélatrices de tensions et d’enjeux importants. Elles remettent en cause la culture des organisations, les valeurs et les objectifs partagés.

Comme elles font ressortir les dilemmes avec lesquels les acteurs doivent composer au quotidien, elles révèlent comment ils parviennent à s’ajuster à un contexte vu comme étant problématique.

Page 22: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

Implications pour uneformation continue collaborative

Il faut pouvoir nommer ces savoirs « s’accommoder » car:

ils montrent comment des contraintes peuvent être transformées en ressources pour l’action;

ils permettent d’identifier les résistances, et donc de mettre en place ce qui va les aplanir ou de remettre en cause certaines pratiques, voire certains objectifs fixés par l’organisation;

les discussions autour de ces savoir-faire deviennent un « lieu » d’ajustement où les acteurs négocient une position viable et acceptable en fonction des enjeux soulevés. On travaille surles problématiques en donnant une voix à tous les acteurs concernés.

Page 23: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

UN EXEMPLE D’UTILISATIONDE CES TROIS ZONES DANS LA

FORMATION INITIALE D’ÉTUDIANT(E)S EN SCIENCES

INFIRMIÈRES

Page 24: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

Mme Lambert-Chan, directrice du service de mesure et évaluation de la firme Brisson Legris

Mandat: dégager le profil de sortie de la formation initiale (DEC) en soins infirmiers en vue de sélectionner 35 des 500 candidats

La zone partagée a permis d’identifier les compétences de base de l’infirmier(ère) idéal(e), et donc le profil des étudiant(e)s recherchés.

La zone admise a permis d’identifier les compétences nécessaires dans certains contextes particuliers (nuances).

La zone contestée a permis de réfléchir aux enjeux de l’évolution de la profession infirmière, aux problèmes actuels et à leurs exigences.

Page 25: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

EN CONCLUSION

Page 26: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

Pour la mise en œuvre d’une formation continue collaborative

Susciter l’émergence:

d’une zone partagée, soit un espace d’interaction pour la stabilisation des pratiques qui favorise l’expression des conventions d’un groupe, des savoirs tacites collectifs;

d’une zone admise, soit un espace d’interaction pour la singularité des pratiques qui favorise l’expression des styles particuliers, des savoir-faire créatifs exemplaires;

d’une zone contestée, soit un espace d’interaction pour la confrontation des pratiques qui favorise l’expression de tensions créatrices, des savoirs « s’accommoder ».

Page 27: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

L’intérêt de ce modèle collaboratif pour la formation continue ?

Ce modèle (Morrissette, 2009, 2010) favorise l’émancipation des acteurs organisationnels (empowerment).

Le croisement des logiques d’action sert le développement d’une réflexivité critique.

Cela tient à la formation en groupe(s) et à la reconnaissance de la valeur pour l’organisation du point de vue de chaque acteur concerné:

« démocratie délibérative » (Callon & al., 2001); « acteurs compétents » (Giddens, 1987).

Page 28: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

Un équilibre à trouver ?

Entre des stratégies de formation traditionnelles où: on vise à combler les écarts, les manques; on prescrit des solutions, souvent standardisées; on adopte le modèle curatif.

Et un modèle de formation collaborative où: on cherche à comprendre les écarts, car ils sont instructifs

et porteurs de gains (productivité, amélioration du climat); on cherche à faire révéler les zones de savoirs, car on mise sur

l’expérience des acteurs; le diagnostic des problématiques est posé les acteurs qui ont

une vision de la culture et des contextes; les solutions sont coconstruites.

Page 29: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

Bref… s’inscrire dans un modèle collaboratif de formation continue

… c’est miser sur les savoirs qui existent déjà ausein d’une organisation, au travers des ressources humaines, pour aller plus loin…

---------------------

Je remercie Mme Sylvie Guignon qui fait de la recherche surle coaching en gestion. Son expertise et sa longue expérience en entreprise m’ont aidée à transférer ma contribution du monde

de l’éducation à celui des organisations de manière plus générale.

Merci de votre écoute !

Page 30: Un modèle collaboratif de formation continue Une stratégie valorisant les apprentissages et le développement professionnel Joëlle Morrissette Professeure,

RéférencesMorrissette, J. (2011). Vers un cadre d’analyse interactionniste des pratiques

professionnelles. Recherches qualitatives, 30(1), De l’usage des perspectives interactionnistes en recherche (J. Morrissette, S. Guignon & D. Demazière, dir.). [En ligne le 10 mai 2011]

Morrissette, J. (2011). Ouvrir la boîte noire de l’entretien de groupe. Recherches qualitatives, 29(3), 7-32. [En ligne] http://recherche-qualitative.qc.ca/numero29%283%29/RQ_29%283%29_Morrissette.pdf

Morrissette, J. (2010). Manières de faire l’évaluation formative des apprentissages: analyse interactionniste du savoir-faire d'enseignantes du primaire. Sarrebruck, CH : Les Éditions universitaires européennes.

Morrissette, J. & Desgagné, S. (2009). Le jeu des positions de savoir en recherche collaborative: une analyse. Recherches qualitatives, 28(2), p. 118-144. [En ligne], http://www.recherche-qualitative.qc.ca/numero28(2)/morrissette(28)2.pdf

Morrissette, J. (2009). La prise en compte de l’interaction dans une recherche collaborative: quelques avancées. In L. Mottier Lopez et V. Carrette (dir.), Recherches collaboratives: enjeux et modalités, Actes du 21e colloque de l'Association pour le développement des méthodologies d'évaluation en éducation (ADMEE-Europe).

Morrissette, J. (2009). Manières de faire l’évaluation formative des apprentissages selon un groupe d’enseignantes du primaire: une perspective interactionniste. Thèse de doctorat, Université Laval, Québec (QC).

Guignon, S. & Morrissette, J. (2006). Quand les acteurs se mettent en mots. Recherchesqualitatives, 26(2), 19-36. [En ligne] http://www.recherche-qualitative.qc.ca/numero26%282%29/guignon_et_morrissette_final2.pdf