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Circulations de normes et réseaux d’acteurs dans la gouvernance internationale de l’environnement sous la direction de Sandrine Maljean-Dubois Circulations de normes et réseaux d’acteurs dans la gouvernance internationale de l’environnement 1 1

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Page 1: UMR en Droit International Comparé et Européen - DICE ......ISBN : 979-10-97578-00-8 UMR Droits International, Comparé et Européen (DICE) Espace René Cassin 3, avenue Robert Schuman

Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs dans la gouvernance internationale de lrsquoenvironnementsous la direction de Sandrine Maljean-Dubois

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Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs dans la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement

La gouvernance internationale de lrsquoenvironnement srsquoest construite par lrsquoeacutemergence pro-gressive drsquoespaces juridiques et institutionnels relativement autonomes et non hieacuterarchiseacutes Des laquo reacutegimes raquo speacutecialiseacutes ont ainsi prolifeacutereacute au greacute de lrsquoidentification de nouvelles me-naces et de nouveaux problegravemes agrave reacutesoudre Ils se comptent aujourdrsquohui par dizaines si bien que la question de la coheacuterence de ce paysage fragmenteacute srsquoest rapidement poseacutee La multiplication des reacutegimes entraine par deacutefinition des concurrences collisions doubles emplois de plus en plus freacutequents Agrave cela srsquoest ajouteacutee la prise de conscience que les en-jeux environnementaux sont eacutetroitement interconnecteacutes comme le montrent les relations entre la lutte contre les changements climatiques drsquoune part et la protection de la couche drsquoozone la conservation de la biodiversiteacute la deacutesertification la protection des forecircts ou des oceacuteans drsquoautre part Degraves lors une gouvernance trop fragmenteacutee ne peut ecirctre effective car elle risque de conduire agrave deacutefaire drsquoun cocircteacute ce que lrsquoon fait de lrsquoautre Les Eacutetats peuvent par ailleurs instrumentaliser la fragmentation jouant tel reacutegime contre tel autre en fonction de leurs inteacuterecircts nationaux Apregraves avoir mis en eacutevidence les pheacutenomegravenes de circulations de normes et drsquoacteurs entre ces reacutegimes les auteurs de cet ouvrage pluridisciplinaire reacutefleacute-chissent aux voies et moyens de les accompagner voire de les amplifier dans lrsquoobjectif de laquo deacute raquofragmenter la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement et drsquoassurer ainsi une meilleure effectiviteacute des politiques conduites

Cette recherche a eacuteteacute financeacutee par lrsquoAgence nationale de la recherche dans le cadre du projet CIRCULEX ltANR-12-GLOB-0001-03 CIRCULEXgt

Sandrine MALJEAN-DUBOIS est directrice de recherche au CNRS Elle dirige lrsquoUMR 7318 Aix-Marseille Universiteacute PauToulonCNRS laquo DICE raquo Droits international compareacute et europeacuteen Elle consacre ses activiteacutes drsquoenseignement et de recherche au droit international de lrsquoenvironnement et a dirigeacute de nombreux ouvrages collectifs et publieacute un grand nombre drsquoarticles scientifiques dans domaine

Elle est notamment lrsquoauteure de Quel droit pour lrsquoenvironnement (Hachette 2008) et avec Matthieu Wemaeumlre de La diplomatie climatique de Rio 1992 agrave Paris 2015 (Pedone 2015)

est une collection drsquoouvrages numeacuteriques du laboratoire Droits International Compareacute Europeacuteen (UMR DICE 7318 CNRS Aix-Marseille Universiteacute Universiteacute de Toulon Universiteacute de Pau et des pays de lrsquoAdour)

ISBN 979-10-97578-00-8

UMR Droits International Compareacute et Europeacuteen (DICE)Espace Reneacute Cassin3 avenue Robert Schuman13628 Aix-en-Provence

dice-editionsuniv-amufr

Reacutefeacuterences eacutelectroniques

Maljean-Dubois Sandrine (dir) Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs dans la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement Confluence des droits [en ligne] Aix-en-Provence Droits International Compareacute et europeacuteen 2017 (geacuteneacutereacute le ) Disponible sur Internet httpdiceuniv-amufrfrdicedicepublicationsconfluence-droits ISBN 979-10-97578-00-8

Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs dans la gouvernance internationale de

lrsquoenvironnement

Sommaire

Introduction

Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs La gouvernance internationale de lrsquoenvironnement entre fragmentation et deacutefragmentation9Sandrine Maljean-Dubois Directrice de recherche au CNRS coordinatrice du projet CIRCULEX Denis Pesche Sociologue Chercheur au CIRAD UMR Art Dev ndeg5281 Montpellier France

Partie 1 Circulation des finaliteacutes environnementales et sanitaires au sein des complexes de reacutegime

Chapitre 1 Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et diffusion37Jean-Freacutedeacuteric Morin Professeur agrave lrsquoUniversiteacute Laval Queacutebec Myriam Rochette eacutetudiante agrave lrsquoUniversiteacute Laval Queacutebec

Chapitre 2 Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute dans les conventions internationales lieacutees agrave la biodiversiteacute61Claire Lajaunie INSERM UMR DICE CERIC Pierre Mazzega CNRS Universiteacute de Toulouse

Chapitre 3 HFC histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali81Hugues Hellio Universiteacute drsquoArtois et UMR DICE CERIC

Chapitre 4 La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute le cas de la CITES de la CDB et du fond pour lrsquoenvironnement mondial95Guillaume Futhazar Doctorant UMR DICE CERICOT-MED

Partie 2 Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs dans les complexes de reacutegimes

Chapitre 1 Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes de gouvernance environnementale agrave lrsquoeacutechelle internationale117Daniel Compagnon Sciences Po Bordeaux Yves Montouroy Chercheur associeacute Science po Bordeaux Amandine Orsini Faculteacute Universitaire Saint-Louis Roman de Rafael Doctorant au LIPHA agrave lrsquoUniversiteacute Paris-Est

Chapitre 2 Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs dans un contexte de gouvernance internationale fragmenteacutee147Sophie Gambardella Docteur en droit UMR DICE CERIC

Chapitre 3 La transparence de la finance climat de la circulation du principe agrave la circulation de ses modaliteacutes drsquoapplication165Anne-Sophie Tabau Professeur agrave lrsquoUniversiteacute de la Reacuteunion

Chapitre 4 Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte du Fond Vert pour le climat187Vanessa Richard Chargeacutee de recherche au CNRS UMR DICE CERIC

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Introduction geacuteneacuterale

Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs La gouvernance internationale de lrsquoenvironnement entre

fragmentation et deacutefragmentation

Sandrine Maljean-Dubois1 et Denis Pesche2

La gouvernance internationale de lrsquoenvironnement srsquoest construite progressivement autour de

diffeacuterentes questions se traduisant par lrsquoeacutemergence de multiples espaces juridiques et institution-

nels relativement autonomes Les chercheurs et notamment Stephan Krasner ont produit la notion

de laquo reacutegime raquo pour les deacutecrire (Krasner 1983) Ce faisant ils ont probablement aussi contribueacute agrave

leur construction Originaire de la science politique la notion de laquo reacutegime raquo a eacuteteacute adopteacutee par les

juristes qui lrsquoont trouveacutee utile Cette expression permet de commodeacutement deacutesigner par exemple

une convention internationale de protection de lrsquoenvironnement les institutions creacuteeacutees en son sein

et lrsquoensemble de son droit deacuteriveacute ainsi que drsquoeacuteventuels meacutecanismes financiers En englobant sous

un mecircme vocable un ensemble de normes et drsquoinstitutions qui vont bien au-delagrave drsquoun traiteacute institu-

tif la notion de laquo reacutegime raquo permet ainsi de deacutecrire une reacutealiteacute qui nrsquoest pas ou tregraves imparfaitement

nommeacutee en droit et regroupe un ensemble parfois disparate drsquoorganisations drsquoorganes et de normes

internationales traitant drsquoune question donneacutee Sociologues politistes juristes eacuteconomistes se sont

attacheacutes agrave mieux cerner lrsquoeacutemergence et la formation de ces reacutegimes leur fonctionnement (par le

biais drsquoune deacutecomposition analytique en identifiant les variables et les laquo constituants raquo) ainsi que

leurs reacutesultats (Young 1989 Birnie Boyle 1992 Barret 2005)

Orienteacutes vers la reacutesolution drsquoun laquo problegraveme raquo soit problem driven3 ces reacutegimes speacutecialiseacutes ont

prolifeacutereacute au greacute de lrsquoidentification de nouvelles menaces et de nouveaux problegravemes agrave reacutesoudre Ils se

comptent aujourdrsquohui par dizaines si bien que la question de la coordination sinon de la coheacuterence

de ce paysage fragmenteacute srsquoest rapidement poseacutee La multiplication des reacutegimes a entraineacute par deacutefi-

nition des concurrences collisions doubles emplois de plus en plus freacutequents Agrave cela srsquoest ajouteacutee

la prise de conscience que les enjeux environnementaux sont eacutetroitement interconnecteacutes comme le

montrent les relations entre la lutte contre les changements climatiques drsquoune part et la protection

de la couche drsquoozone la conservation de la biodiversiteacute la deacutesertification la protection des forecircts ou

des oceacuteans drsquoautre part Degraves lors une gouvernance trop fragmenteacutee ne peut ecirctre effective car elle

risque de conduire agrave deacutefaire drsquoun cocircteacute ce que lrsquoon fait de lrsquoautre (Bierman 2012) En drsquoautres termes

laquo in order to govern processes of complex change complexity in the external world must be matched by complexity in the governance system raquo (Duit 2010)

1 Aix Marseille Univ Universiteacute de Toulon Univ Pau amp Pays Adour CNRS DICE CERIC Aix-en-Provence France 2 CIRAD UMR Art Dev ndeg5281 Montpellier France3 Avec ce que cela suppose par rapport au fait que les acteurs en preacutesence ne sont pas toujours drsquoaccord sur la formulation du problegraveme et lrsquoimportance agrave lui accorder

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

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Il faut ajouter que lrsquoenjeu de la coordination se pose non seulement agrave lrsquointeacuterieur de la gouver-

nance de lrsquoenvironnement mais aussi entre les reacutegimes environnementaux et ceux produits dans

drsquoautres domaines en particulier eacuteconomiques (Organisation mondiale du commerce investisse-

ments internationaux aide au deacuteveloppement droits de lrsquohomme etc) Dans un cas comme dans

lrsquoautre le danger est en outre que les Eacutetats nrsquoinstrumentalisent agrave des fins strateacutegiques cette fragmen-

tation poussant ou non tel forum contre tel autre bref nrsquoexploitent les possibiliteacutes offertes de forum shopping ou reacutegime shifting (Alter Meunier 2009) Il est devenu clair que lrsquoeffectiviteacute des politiques

environnementales deacutepend drsquoune coordination accrue de la gouvernance et des politiques interna-

tionales et cette eacutevidence srsquoest imposeacutee aux praticiens aussi bien qursquoaux chercheurs

Il eacutetait degraves lors inadapteacute et inopportun de reacutefleacutechir en termes drsquoespaces de production de normes

seacutepareacutees voire cloisonneacutees Il fallait deacutepasser lrsquouniteacute drsquoanalyse ou maille eacuteleacutementaire par deacutefinition

tregraves limiteacutee du laquo reacutegime raquo Il convenait de prendre en compte ndash et promouvoir ndash les relations coopeacute-

rations interactions coordinations et conflits entre des briques composant des systegravemes complexes

interagissant les uns avec les autres Le regard sur la gouvernance internationale changeait Les

chercheurs nrsquoy voyaient plus une multitude de reacutegimes autonomes mais un emboitement de sys-

tegravemes complexes agrave lrsquointeacuterieur drsquoun grand systegraveme complexe

La litteacuterature a drsquoabord porteacute sur les laquo interactions and interplays raquo (Young 1996 Rosendal

2001 Oberthuumlr Gehring 2006) souvent analyseacutees comme des relations bilateacuterales ndash entre deux

institutions ou deux acteurs puis sur les laquo issues linkages raquo que lrsquoon pourrait traduire comme les

laquo theacutematiques croiseacutees raquo (Biermann Pattberg 2008)

Ce nrsquoest qursquoensuite qursquoont eacuteteacute mis eacutevidence ce qursquoon a appeleacute des laquo complexes de reacutegimes raquo

offrant une vision holistique de reacuteseaux drsquoinstitutions marqueacutes par de tregraves nombreuses interactions

(Raustiala Victor 2004) Sociologues et politistes vont alors se demander notamment en quoi ces

fonctionnements en reacuteseaux affectent les strateacutegies des acteurs (Alter Meunier 2009 Drezner 2007)

Quant aux juristes leur premier mouvement est plutocirct critique Leur reacuteflexe naturel est drsquoabord de

srsquoinquieacuteter de la fragmentation du droit international La multiplication drsquoespaces normatifs ndash non

hieacuterarchiseacutes ndash est a priori preacutejudiciable agrave lrsquouniteacute voire agrave la simple coheacuterence du droit international

Elle risque drsquoentrainer des conflits de normes De fait la plupart des juristes ont travailleacute jusqursquoici

essentiellement sur la fragmentation4 La question a mecircme eacuteteacute agrave lrsquoordre du jour des travaux de la

Commission du droit international5 La laquo deacutefragmentation raquo de la gouvernance internationale agrave la

maniegravere dont en informatique on reacuteorganise complegravetement un disque dur en le deacutefragmentant

pour plus drsquoefficaciteacute a bien moins retenu lrsquoattention

Les membres de CIRCULEX un projet de recherche pluridisciplinaire financeacute par lrsquoAgence na-

tionale de la recherche franccedilaise dont cet ouvrage restitue une partie des reacutesultats ont placeacute les

circulations entre reacutegimes et complexes de reacutegimes et les processus de deacutefragmentation au cœur de

leurs travaux Ils sont partis du constat selon lequel une vaste unification laquo par le haut raquo par exemple

4 Voir lrsquoutile bibliographie sur la fragmentation reacuteunie par Margaret Young httpwwwoxfordbibliographiescomviewdocumentobo-9780199796953obo-9780199796953-0113xml consulteacute le 29 novembre 20165 Rapport du Groupe drsquoeacutetude de la Commission du droit international Fragmentation du droit international difficulteacutes deacutecoulant de la diversification et de lrsquoexpansion du droit international ACN4L702 28 juillet 2006

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

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par le biais de la creacuteation drsquoune organisation mondiale de lrsquoenvironnement etou par un modegravele de

hieacuterarchie des normes pyramidal nrsquoavait que peu de chances de se concreacutetiser tout au moins agrave court

et mecircme moyen terme au vu des reacutesistances eacutetatiques La fragmentation est finalement une donneacutee

et il est donc plus opportun de reacutefleacutechir agrave une ameacutelioration de lrsquoeffectiviteacute de la gouvernance dans

ce cadre contraint de tenter de laquo faire avec raquo ce paysage juridique et institutionnel eacuteclateacute en identi-

fiant et testant les moyens drsquoune mise en coheacuterence laquo agrave niveau raquo voire laquo par le bas raquo On ajoutera que

lrsquouniteacute originelle du droit international qui serait deacutetruite par un processus de fragmentation tient

du mythe La fragmentation est naturelle et inheacuterente au droit international Ainsi toute empreinte

de pragmatisme cette analyse systeacutemique conduit agrave se demander si les systegravemes complexes nrsquoont

pas aussi des caracteacuteristiques inteacuteressantes Finalement ne sont-ils pas plus flexibles plus eacutevolutifs

et plus reacutesilients que les systegravemes simples (Ostrom 2009 2012 Kim Mackey 2013) Comment

maximiser leurs potentialiteacutes positives en limitant leurs potentialiteacutes neacutegatives

Dans ce nouveau cadre drsquoanalyse le chercheur ne srsquointeacuteresse plus tant agrave ce qui seacutepare qursquoagrave

ce qui circule (des normes des acteurs) ce qui relie les reacutegimes voire les complexes de reacutegimes et

ce qui interagit entre les reacutegimes en faisant lrsquohypothegravese que ces circulations participent de la pro-

duction drsquoune laquo deacutefragmentation raquo qui pourrait prendre des formes diverses certaines eacutebaucheacutees

drsquoautres encore inexistantes

La litteacuterature de droit compareacute srsquointeacuteresse de longue date aux circulations et a bien mis en eacutevi-

dence les pheacutenomegravenes drsquoemprunts transferts juridiques fertilisations croiseacutees et hybridations mais

sans parvenir agrave rendre compte de la complexiteacute des pheacutenomegravenes Elle srsquoest attacheacutee agrave mettre en lu-

miegravere des mouvements normatifs allant du Nord au Sud et drsquoEacutetat agrave Eacutetat lagrave ougrave les relations sont en

reacutealiteacute multiples et multidirectionnelles donnant lieu agrave de veacuteritables actionsreacutetroactions et interac-

tions se deacuteployant agrave lrsquoeacutechelle horizontale entre Eacutetats du Nord et du Sud mais aussi entre les Eacutetats

du Nord eux-mecircmes ou entre les Eacutetats du Sud eux-mecircmes mais eacutegalement agrave lrsquoeacutechelle verticale du

droit international aux droits nationaux et des droits nationaux au droit international Sous lrsquoangle

macro-juridique ces relations ne sont pas non plus purement intereacutetatiques elles voient interagir

normes publiques et normes priveacutees comme le montre par exemple le deacuteveloppement des standards

et normes techniques

La perspective du pluralisme juridique analysant lrsquoordre juridique comme un systegraveme et srsquoatta-

chant agrave la laquo relevance raquo des normes qui le constituent les unes vis-agrave-vis des autres (Romano 1946)

voire aux valeurs qui lrsquoordonnent (Delmas-Marty 2011) est eacutegalement drsquointeacuterecirct pour expliquer lrsquoex-

pansion du droit international et les liens devant garantir lrsquouniteacute dans une socieacuteteacute internationale

polycentrique et deacutecentraliseacutee Cette theacuteorie met en eacutevidence le rocircle des processus de reacuteseautage

entre des systegravemes fonctionnels autonomes des organisations formelles et des reacutegimes autonomes

et srsquointerroge sur leur contribution agrave la mise en coheacuterence de lrsquoordre juridique international (Ost amp

Van de Kerchove 2002 Teubner amp Fisher-Lescano 2003-2004)

Les nombreuses theacuteories du droit global et leurs deacuteclinaisons en droit constitutionnel global et

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

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droit administratif global deacutenotent eacutegalement de lrsquoeffort de prendre en compte cette reacutealiteacute complexe

et nuanceacutee Bien qursquoelles ne soient pas centreacutees sur les processus de circulation elles les abordent

et eacutetudient et en cela ces approches trouvent leur place dans le cadre de CIRCULEX Lrsquoun de leurs

grands inteacuterecircts est de deacutepasser une approche stato-centreacutee pour srsquointeacuteresser agrave toutes les sources de

la normativiteacute y compris lorsqursquoelles eacutemanent drsquoacteurs non eacutetatiques tels que les firmes les ONGs

ou les individus

En science politique la question de la circulation a eacuteteacute traiteacutee sous lrsquoangle geacuteneacuteral de la diffusion

des politiques entre Eacutetats au sein drsquoun Eacutetat feacutedeacuteral ou entre deux Eacutetats souverains (Graham Shipan

and Volden 2013 Maggetti and Gilardi 2013 Shipan and Volden 2008 Smith 2013) La notion de

transfert de politiques (policy transfer) a eacuteteacute introduite pour insister sur une modaliteacute particuliegravere

de diffusion ougrave un rocircle cleacute et proactif est joueacute par certains acteurs dans les dynamiques de diffusion

(Benson and Jordan 2012 Delpeuch 2009 Dolowitz and Marsh 1996 Dolowitz and Marsh 2000

Dolowitz and Marsh 2012 Dumoulin and Saurugger 2010 Evans and Davies 1999 Marsh and

Evans 2012) Ce vaste domaine de recherche sur la diffusion et les transferts de politique srsquoest aussi

deacuteployeacute autour des politiques environnementales et plus particuliegraverement pour analyser la circula-

tion des instruments de politiques entre diffeacuterents pays ou reacutegions dans le monde (Busch Joumlrgens

and Tews 2005 Busch and Joumlrgens 2005 Hrabanski and Bidaud 2014 Hrabanski et al 2013 Jordan

et al 2003 Jordan and Huitema 2014) Dans la plupart de ces travaux les chercheurs insistent sur

lrsquoimportance des processus drsquoapprentissage et sur le fait que ce qui circule (les normes les ideacutees les

instruments de politiquehellip) est le plus souvent adapteacute et faccedilonneacute par ceux qui lrsquointegravegrent dans leur

processus politiques

Les chercheurs de CIRCULEX ont pris appui sur ces diffeacuterentes approches qursquoils ont geacuteneacuterale-

ment choisi de combiner pour mieux comprendre la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement

agrave lrsquointeacuterieur et entre les complexes de reacutegimes

Lrsquohypothegravese de deacutepart du projet CIRCULEX eacutetait donc qursquoil eacutetait possible de mettre en eacutevidence

par-delagrave une apparente fragmentation de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement des

circulations et permeacuteabiliteacutes dans et entre diffeacuterents reacuteseaux de normes et drsquoacteurs Cet angle drsquoap-

proche a permis drsquoarticuler dans un mecircme cadre theacuteorique les reacutegimes entendus dans leur sens clas-

sique (fondeacutes sur des traiteacutes internationaux) et les innovations institutionnelles et sociales reacutesultant

de lrsquointervention drsquoun ensemble tregraves divers drsquoacteurs agissant dans ou agrave cocircteacute de ces reacutegimes en sy-

nergie avec eux (ou pas) Il a aussi favoriseacute lrsquointerdisciplinariteacute en permettant de croiser les travaux

de sociologues politistes et eacuteconomistes portant principalement sur les acteurs et de juristes srsquoat-

tachant essentiellement aux normes Lrsquoun des objectifs eacutetait de reacutefleacutechir agrave lrsquoimpact des circulations

drsquoacteurs sur la circulation des normes Mais bien au-delagrave les chercheurs de CIRCULEX se sont

demandeacute quelles eacutetaient les conseacutequences de ces circulations en termes de leacutegitimiteacute et effectiviteacute

de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement Ils ont aussi tenteacute drsquoidentifier les leviers pos-

sibles de deacutefragmentation dans lrsquooptique de renforcer lrsquoeffectiviteacute des politiques environnementales

agrave lrsquoeacutechelle internationale

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

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1) Cartographies des circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

11 Un ordre juridique international naturellement fragmenteacute

Lrsquoordre juridique international est par essence un ordre juridique fragmenteacute La fragmentation

est une donneacutee qui deacutecoule du principe de lrsquoautonomie des traiteacutes Dans lrsquoordre juridique interna-

tional laquo chaque traiteacute est indeacutependant de tous les autres eacutetant lrsquoexpression de la volonteacute des parties

en vue de la reacutealisation drsquoun objet qui lui est propre Une fois reacuteunies les conditions de sa validiteacute

et de son entreacutee en vigueur il existe par lui-mecircme et produit les effets de droits qui lui sont speacutecifi-

quement attacheacutes raquo (Dupuy Kerbrat 2016) La fragmentation de lrsquoordre juridique international est

mecircme croissante en raison du double pheacutenomegravene drsquoexpansion et de diversification du droit inter-

national6

Cette caracteacuteristique est particuliegraverement nette dans le domaine de lrsquoenvironnement degraves lors

qursquoaucune organisation mondiale de lrsquoenvironnement nrsquoest venue chapeauter ou unifier les multi-

ples reacutegimes qui coexistent Agrave la fragmentation juridique correspond un compartimentage institu-

tionnel Construits dans lrsquourgence et sans reacuteflexion preacutealable drsquoensemble les espaces conventionnels

ne sont pas ndash sauf tregraves rares exceptions comme les systegravemes constitueacutes par une convention-cadre

et ses protocoles additionnels ndash hieacuterarchiseacutes Peu relieacutes entre eux ils constituent une juxtaposition

drsquoespaces parallegraveles plus qursquoils nrsquooffrent lrsquoimage drsquoun reacuteseau La fragmentation du droit internatio-

nal est eacutegalement source potentielle de difficulteacutes srsquoagissant des relations entre le droit international

de lrsquoenvironnement et les autres branches ou domaines du droit international notamment le droit

international eacuteconomique qui reacutegit en particulier les eacutechanges et investissements internationaux

Ainsi dans un systegraveme juridique international post-moderne caracteacuteriseacute par sa circulariteacute com-

poseacute de multiples laquo figures baroques formant des boucles eacutetranges raquo (de Sadeleer 2008) laquo Le conflit

normatif est endeacutemique raquo comme lrsquoaffirme un rapport de la Commission du droit international7 Par

leur nature transversale les architectures institutionnelles lieacutees au changement climatique ou agrave la

biodiversiteacute sont embleacutematiques des difficulteacutes dont souffre un ordre juridique international frag-

menteacute (Young 2012 Van Asselt Sindico Mehling 2008 de Lassus Saint-Geniegraves 2014)

12 Lrsquoappreacutehension de complexes de reacutegimes

La notion de complexe de reacutegimes eacutemerge dans lrsquooptique de souligner le fait qursquoune question

donneacutee peut faire lrsquoobjet de neacutegociations dans plusieurs aregravenes internationales mobiliser une diversiteacute

6 CDI Fragmentation du droit international difficulteacutes deacutecoulant de la diversification et de lrsquoexpansion du droit international Rapport du Groupe drsquoeacutetude de la Commission du droit international ACN4L702 ONU 28 juillet 2006 Parmi de tregraves nombreuses reacutefeacuterences doctrinales voir I Brownlie laquo Problems Concerning the Unity of International Law raquo in Le droit international agrave lrsquoheure de sa codification Etudes en lrsquohon-neur de Roberto Ago Vol I Milan Giuffregrave 1987 p 156 et ss A Gattini laquo Un regard proceacutedural sur la fragmentation du droit international raquo RGDIP 2006 pp 303-336 B Conforti laquo Uniteacute et fragmentation du droit international glissez mortels nrsquoappuyez pas raquo RGDIP vol1 2007 pp 5-18 7 CDI Fragmentation du droit international difficulteacutes deacutecoulant de la diversification et de lrsquoexpansion du droit international Rapport du groupe drsquoeacutetude de la CDI eacutetabli sous sa forme deacutefinitive par M Koskenniemi ACN4L682 13 avril 2006 sect 486

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

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drsquoorganisations nationales et internationales et relever de plusieurs traiteacutes internationaux Alors que

la notion de reacutegime est traditionnellement associeacutee agrave une question la notion de complexe de reacutegimes

permet de saisir la topographie complexe des lieux et moments ougrave une question se voit traiteacutee dans

diverses aregravenes agrave lrsquoeacutechelle internationale Les premiegraveres conceptualisations de la notion sont asso-

cieacutees agrave la question de la conservation des ressources geacuteneacutetiques veacutegeacutetales Pour Raustiala et Victor

laquo Rather than a single discrete regime governing Plant Genetic Resources ndash PGR the relevant rules are found in at least five clusters of international legal agreements-what we call elemental regimes-as well as in national rules within key states especially the United States and the European Union (EU) These elemental regimes overlap in scope subject and time events in one affect those in others We term the collective of these elements a regime complex an array of partially overlapping and nonhierarchical institutions governing a particular issue-area raquo (Raustiala amp Victor 2004) Parmi les organisations

acteurs engageacutes dans ces neacutegociations multiples Raustiala et Victor soulignent le rocircle croissant

drsquoagences nationales (par exemple des agences de lrsquoenvironnement) en plus des acteurs classiques

des reacutegimes ministegraveres des Affaires eacutetrangegravereshellip En effet on se situe bien dans une perspective ougrave

les Eacutetats agrave certains niveaux des complexes de reacutegimes peuvent ecirctre consideacutereacutes comme des acteurs

speacutecifiques mais agrave drsquoautres niveaux (ou drsquoautres peacuteriodes) suppose que lrsquoon rentre dans la boite

noire des Eacutetats pour mieux saisir les configurations agissant en leur sein et autour drsquoeux

Cette notion sera ensuite retravailleacutee pour la question du changement climatique avec lrsquoideacutee que

le complexe de reacutegimes est le reacutesultat drsquoun processus de fragmentation et les auteurs estiment que

les acteurs les plus puissants preacutefegraverent ce type de configuration dans les situations de divergence

drsquointeacuterecircts (Keohane and Victor 2011) Ces auteurs explorent ensuite les trois principales forces qui

geacutenegraverent de la fragmentation etou de lrsquointeacutegration la dispersion des inteacuterecircts les incertitudes et

les liens entre probleacutematiques Ces auteurs deacutefendent lrsquoideacutee que lrsquoexistence de complexe de reacutegimes

nrsquoest pas un problegraveme en soit et que cela peut mecircme ecirctre plus efficace pour la coordination car la

complexiteacute entraicircne de la flexibiliteacute entre diffeacuterentes questions et une adaptabiliteacute dans le temps

Par la suite Orsini et ses collegravegues discuteront la deacutefinition proposeacutee par Raustiala et Victor et

proposeront une nouvelle deacutefinition de la notion de complexe de reacutegimes laquo un reacuteseau de trois reacute-

gimes internationaux ou plus relatifs agrave une question commune comportant des membres communs

et qui geacutenegravere des interactions substantives normatives et opeacuterationnelles reconnues comme poten-

tiellement probleacutematiques si elles ne sont pas geacutereacutees en tant que telles raquo (Orsini Morin and Young

2013)

La notion de complexe de reacutegimes ne preacutejuge pas drsquoune quelconque coheacuterence interne Elle deacute-

signe simplement des espaces qui parce qursquoils sont consacreacutes au mecircme objet mecircme srsquoils lrsquoabordent

sous un angle diffeacuterent ou seulement partiellement interagissent Cependant la forme reacuteticulaire

du complexe caracteacuteriseacute par des interactions deacutepasse celle drsquoespaces fragmenteacutes ou cloisonneacutes sans

lien entre eux En somme elle conduit lrsquoanalyste agrave laquo changer de lunettes raquo en preacutesentant lrsquoavan-

tage de mettre lrsquoaccent sur ce qui relit plutocirct que sur ce qui seacutepare Crsquoest pourquoi cette notion de

laquo complexe raquo offre un cadre drsquoanalyse inteacuteressant pour rendre compte de maniegravere plus preacutecise drsquoune

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

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reacutealiteacute elle-mecircme complexe en appreacutehendant les circulations ndash agrave la fois de normes et drsquoacteurs ndash qui

ont lieu entre des espaces juridiques et institutionnels diffeacuterents Elle permet de deacutepasser le constat

premier ndash bien eacutetabli et relativement improductif ndash drsquoune relative fragmentation pour srsquointeacuteresser

aux relations interrelations et interactions

La dimension juridique des complexes de reacutegimes nrsquoa malheureusement pas eacuteteacute suffisamment

exploiteacutee jusqursquoici Pourtant certains principes et outils contribuent sinon agrave assurer lrsquouniteacute une

quecircte sans doute vaine mais tout au moins agrave lutter contre la fragmentation agrave laquo deacute raquofragmenter le

droit international et renforcer sa coheacuterence Certains outils ont preacuteciseacutement pour objet de mettre

en coheacuterence des reacutegimes diffeacuterents Outre les traditionnels (et souvent drsquoune utiliteacute pratique limi-

teacutee) principes de la lex posterior ou lex specialis on peut penser au principe drsquointeacutegration systeacutemique

eacutevoqueacute agrave lrsquoarticle 31sect3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traiteacutes En effet il doit

conduire lrsquointerpregravete agrave tenir laquo compte en mecircme temps que du contexte (hellip) de toute regravegle pertinente

de droit international applicable dans les relations entre les parties raquo Si sur le plan theacuteorique ce prin-

cipe apparaicirct comme un puissant facteur de coheacuterence en pratique sa porteacutee est limiteacutee Drsquoabord il

a eacuteteacute consideacutereacute que pour qursquoune regravegle conventionnelle soit interpreacuteteacutee agrave la lumiegravere drsquoune autre regravegle

conventionnelle il convenait que la seconde soit applicable agrave lrsquoensemble des parties agrave la premiegravere8

Cette exigence rarement remplie fait que lrsquoarticle 31sect3 c) permet essentiellement en pratique drsquoar-

ticuler une regravegle conventionnelle avec une regravegle coutumiegravere Ensuite les Eacutetats ont un peu tendance

agrave laquo oublier raquo cette exigence pour laisser libre cours agrave leurs penchants schizophreacuteniques ignorant ou

faisant mine drsquoignorer qursquoils deacutefont drsquoun cocircteacute ce qursquoils font de lrsquoautre Enfin le juge ou lrsquoarbitre sont

trop rarement saisis sur la scegravene internationale pour permettre de promouvoir cette coheacuterence Pour

ces raisons il est important de reacutefleacutechir agrave drsquoautres outils pour renforcer la coheacuterence des initiatives

internationales relatives au changement climatique et lrsquouniteacute du droit international du climat De ce

point de vue diffeacuterents moyens meacuteritent drsquoecirctre exploreacutes qursquoils soient de type normatif opeacuterationnel

ou institutionnel et visent la promotion voire la reconnaissance drsquoinitiatives compleacutementaires ou

encore une certaine forme de coordination

Dans CIRCULEX nous nous sommes interrogeacutes sur lrsquoutiliteacute heuristique du concept de laquo com-

plexes de reacutegimes raquo Srsquoagit-il drsquoun modegravele drsquoune theacuteorie drsquoun concept ou encore drsquoun outil Cette

notion a-t-elle une valeur descriptive etou explicative Qursquoest-ce que cette invention apporte agrave

lrsquoeacutetude du droit et des politiques internationales Au final les laquo complexes de reacutegimes raquo nous sont

apparus surtout comme permettant de visualiser la complexiteacute sans permettre drsquoen mesurer les

conseacutequences ni de reacutefleacutechir aux processus de deacutefragmentation CIRCULEX a donc utiliseacute le concept

de complexes de reacutegimes tandis que les conclusions du projet nourrissent agrave leur tour cette theacuteorie

CIRCULEX a notamment permis de mieux deacutecrire la reacutealiteacute des complexes de reacutegimes Lagrave ougrave il avait

eacuteteacute montreacute que les complexes de reacutegimes srsquoinscrivent dans un continuum allant de reacutegimes haute-

ment fragmenteacutes agrave hautement inteacutegreacutes CIRCULEX montre qursquoil est possible de distinguer dans ce

8 Par un groupe speacutecial de lrsquoOMC dans lrsquoaffaire des Produits technologiques en 2006 dont le rapport nrsquoa eacuteteacute ni infirmeacute ni confirmeacute par lrsquoOr-gane drsquoappel dans lrsquoaffaire Communauteacutes europeacuteennes et certains Eacutetats Membres ndash Mesures affectant le commerce des aeacuteronefs civils gros porteurs Rapport de lrsquoOrgane drsquoappel WTDS316ABR 18 mai 2011 p 406 Ce dernier incite toutefois agrave la prudence dans une telle situation

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

16

continuum des phases drsquoatomisation de compeacutetition de speacutecialisation drsquointeacutegration dans ce qui

ressemble au laquo cycle de vie raquo des complexes (Morin and Orsini 2013) Les travaux confirment toute-

fois que cette notion ndash par ailleurs tentaculaire ndash est plus descriptive qursquoanalytique

13 Lrsquoidentification des circulations

Les travaux reacutealiseacutes dans le cadre de CIRCULEX srsquoattachent tous agrave un titre ou un autre agrave la

compreacutehension de lrsquoarchitecture institutionnelle et normative des complexes de reacutegimes agrave partir

de la mise en eacutevidence de leurs conditions drsquoeacutemergence leurs caracteacuteristiques leurs conditions

drsquoefficaciteacute permettant de mieux approcher la notion de complexes de reacutegimes Si le point drsquoentreacutee

de lrsquoanalyse peut srsquoattacher avant tout agrave la circulation normative ou aux reacuteseaux drsquoacteurs en

reacutealiteacute ces deux faccedilons drsquoaborder la gouvernance globale de lrsquoenvironnement sont eacutetroitement

imbriqueacutees Qursquoil srsquoagisse drsquoacteurs ou de normes le projet a mis en eacutevidence les eacuteleacutements circulant

les vecteurs de circulation et la porteacutee de la circulation La notion de laquo circulation raquo au centre du

projet CIRCULEX preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre tregraves englobante Couvrant les notions de diffusion ou

transfert elle emprunte aux litteacuteratures sur les policy diffusion norm diffusion policy transfer norm transfer ainsi qursquoau framing Elle permet en cela de mieux penser un espace relationnel plus ouvert

bull Lrsquoobjet de la circulation

La gouvernance internationale de lrsquoenvironnement nrsquoest pas aussi fragmenteacutee qursquoelle le paraicirct

au premier abord La reacutealiteacute est beaucoup plus nuanceacutee Derriegravere une apparente fragmentation se

cachent de tregraves nombreuses circulations de normes et drsquoacteurs

Les eacuteleacutements ou mateacuteriaux circulant sont tregraves divers puisqursquoil srsquoagit de normes ou drsquoacteurs Agrave

lrsquointeacuterieur de chacune de ces cateacutegories on trouve eacutegalement une grande diversiteacute

Srsquoagissant des acteurs ce terme geacuteneacuterique permet de couvrir aussi bien les acteurs traditionnels

des relations internationales (les Eacutetats et leur prolongement constitueacute par les organisations inter-

gouvernementales) que les laquo nouveaux raquo acteurs internationaux que sont les collectiviteacutes locales

les entreprises les organisations non gouvernementales les individus en tant qursquoexperts etc Leur

laquo capaciteacute circulatoire raquo qui caracteacuterise leur capaciteacute agrave circuler est par deacutefinition variable Srsquoagis-

sant des acteurs non eacutetatiques leur capaciteacute circulatoire srsquoavegravere ecirctre une ressource structurante

pour saisir leur influence Les travaux conduits permettent de mieux comprendre comment circulent

ces acteurs drsquoun reacutegime agrave lrsquoautre et ce qursquoils retirent de leur capaciteacute agrave circuler Ils montrent la forte

imbrication entre acteurs publics et priveacutes Ils font ressortir aussi la diversiteacute des configurations par-

ticuliegraveres drsquoacteurs en fonction des contextes et enjeux tout en montrant que lrsquoinfluence des acteurs

eacuteconomiques nrsquoest pas neacutecessairement lagrave ougrave on lrsquoattend9

Srsquoagissant des normes leur varieacuteteacute est eacutegalement tregraves grande Tantocirct crsquoest lrsquoobjectif ou la finaliteacute

9 Notamment D Compagnon Y Montouroy A Orsini R de Rafael laquo Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en œuvre des normes de gouvernance environnementale agrave lrsquoeacutechelle internationale raquo cet ouvrage infra p 117

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

17

drsquoune norme qui circule (premiegravere partie) tantocirct une norme en tant que telle (seconde partie) Srsquoil

srsquoagit drsquoun objectif ou finaliteacute il peut ecirctre assez preacutecis et parfois mecircme quantifieacute (voir les objectifs

drsquoAiumlchi deacutefinis dans le cadre de la Convention sur la diversiteacute biologique10 la reacutegulation des hy-

drofluorocarbones entre le Protocole de Montreacuteal sur lrsquoozone et le reacutegime du climat11) ou au contraire

tregraves geacuteneacuteral (la prise en compte de lrsquoenvironnement dans les accords commerciaux12 ou de la santeacute

dans les accords environnementaux13) Mecircme lorsqursquoil srsquoagit drsquoune norme en tant que telle et non

drsquoun simple objectif la forme de cette norme peut varier Elle peut ecirctre plus ou moins geacuteneacuterale plus

ou moins abstraite allant de la meacutetanorme agrave la norme technique en passant par le principe geacuteneacuteral

ou la disposition preacutecise et quantifieacutee On aurait pu penser que la capaciteacute circulatoire de la norme

est fonction de son degreacute drsquoabstraction et de geacuteneacuteraliteacute plus elle est abstraite et geacuteneacuterale plus elle

est susceptible de circuler Plus elle sera reacutesonnante moins elle sera dissonante (Hermet 1994) Il

faudrait probablement davantage drsquoeacutetudes empiriques pour confirmer cette hypothegravese Agrave lrsquoissue du

projet CIRCULEX il semble plutocirct que drsquoautres facteurs jouent un rocircle plus deacuteterminant de la capa-

citeacute circulatoire le caractegravere central dans le complexe de reacutegimes de lrsquoinstitution eacutetant agrave la source de

la norme (telle la COP de la Convention sur la diversiteacute biologique dans le complexe de reacutegimes sur

la biodiversiteacute) la dynamique drsquoun secreacutetariat international la capaciteacute circulatoire drsquoacteurs cleacutes

tels que des experts ou des ONGs le contexte politique eacuteconomique ou social le contexte cognitif

etc

bull Les vecteurs de circulation

Les vecteurs de circulation seront geacuteneacuteralement des acteurs qui peuvent ecirctre comme on lrsquoa

vu les Eacutetats les organes des organisations intergouvernementales (COP secreacutetariats organes ex-

pertshellip) des acteurs infra eacutetatiques (tels que les reacuteseaux europeacuteens ou mondiaux de villes pour le cli-

mat) ou des acteurs non eacutetatiques (experts entreprises ONG juge international) Leurs modes drsquoin-

terconnexion sont varieacutes tout comme les modes de circulation des normes qui peuvent ecirctre quasi

spontaneacutes ou au contraire tregraves construits et volontaires Tantocirct crsquoest la puissance de certains acteurs

qui explique qursquoils soient des vecteurs efficaces de circulation (tels les Eacutetats-Unis et lrsquoUnion euro-

peacuteenne srsquoagissant de lrsquointeacutegration de normes environnementales dans les accords commerciaux14)

crsquoest leur dynamisme et leur capaciteacute agrave innover (tel le secreacutetariat de la CITES recherchant lrsquoaccegraves agrave

de nouvelles ressources financiegraveres15) Les ONGs peuvent agir seules ou en coalitions (transnational

advocacy network) Le rocircle des communauteacutes eacutepisteacutemiques (Haas 1989) et des boundary organisa-

tions (Hrabanski Pesche 2016) est eacutegalement agrave mentionner Tous peuvent faire des entrepreneurs

de normes efficaces qursquoils agissent par inteacuterecirct ou pour des raisons deacutesinteacuteresseacutees ou pour les deux

10 G Futhazar laquo La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute le cas de la CITES de la CDB et du fond pour lrsquoenvironnement mondial raquo cet ouvrage infra p9511 H Hellio laquo HFC histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali raquo cet ouvrage infra p 12 J-C Morin M Rochette laquo Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et diffusion raquo cet ou-vrage infra p 3713 C Lajaunie P Mazzega laquo Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute dans les conventions internationales lieacutees agrave la biodiversiteacute raquo cet ouvrage infra p 6114 J-F Morin M Rochette laquo Les dispositions environnementales des accords commerciaux Entre innovation et diffusion raquo cet ouvrage infra p 3715 G Futhazar laquo La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute le cas de la CITES de la CDB et du fond pour lrsquoenvironnement mondial raquo cet ouvrage infra p 95

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

18

agrave la fois (Florini 1996)

Les organisations internationales jouent ici un rocircle de levier par rapport agrave lrsquoaction isoleacutee drsquoEacutetats

(Keck Sikkink 1998) Les travaux montrent que parmi les modes de gouvernance elles utilisent

peu la gouvernance hieacuterarchique ou la deacuteleacutegation mais plus freacutequemment la collaboration voire

lrsquoorchestration Lrsquoorchestration est un mode inteacuteressant pour une organisation internationale dont

les objectifs sont ambitieux et les capaciteacutes faibles Elle consiste concregravetement agrave mobiliser des ac-

teurs intermeacutediaires sur une base volontaire en leur fournissant un soutien conceptuel et mateacuteriel

pour qursquoils amegravenent les acteurs cibles agrave se conformer agrave certains objectifs Comme la collaboration

crsquoest un mode de gouvernance adapteacute aux complexes de reacutegimes en ce qursquoelle permet drsquoassurer la

compleacutementariteacute de tirer avantage des speacutecialisations de mutualiser les ressources et de favoriser

lrsquoapprentissage mutuel (Abbott Genschel Snidal Zangl 2015)

Le caractegravere non hieacuterarchique comme eacuteleacutement fondamental de la deacutefinition des complexes de

reacutegimes est discuteacute Sans pouvoir parler de hieacuterarchie au sens strict force est de constater le rocircle par-

ticulier de certains acteurs voire de certains reacutegimes au sein des complexes Il est clair par exemple

que la Convention sur la biodiversiteacute joue un rocircle majeur ndash qursquoon peut qualifier de nodal ndash au sein

du complexe de reacutegimes sur la biodiversiteacute16 Srsquoagissant du reacutegime climat au contraire la COP de la

Convention-cadre des Nations Unies a occupeacute une position bien moins nodale Elle srsquoest enfermeacutee

ndash ou plutocirct a eacuteteacute enfermeacutee ndash dans une laquo isolation clinique raquo vis-agrave-vis des autres acteurs de la gou-

vernance internationale du climat hypotheacutequant par lagrave son effectiviteacute (Maljean-Dubois Wemaere

2015) LrsquoAccord de Paris qui reflegravete une vision plus ouverte pourrait jouer agrave lrsquoavenir le rocircle de cata-

lyseur ou drsquoorchestrateur qursquoelle nrsquoa pu jouer comme le suggegravere le deacuteblocage des neacutegociations sur

les hydrofluorocarbones dans le cadre du Protocole sur lrsquoozone17 Les recherches mettent en eacutevidence

aussi la laquo permeacuteabiliteacute raquo variable des reacutegimes ou sites de gouvernance deacutefinie comme leur aptitude

agrave accueillir et se laisser peacuteneacutetrer agrave favoriser les circulations de normes ou drsquoacteurs

bull La porteacutee des circulations

Les recherches conduites mettent en eacutevidence lrsquoimpact de la circulation sur les normes la ma-

niegravere dont en circulant en se combinant en srsquohybridant la norme mute eacutevolue et est preacuteciseacutee 18 elle

se construit comme norme complexe avec des sources multiples aussi bien publiques que priveacutees19

La circulation favorise le laquo pluralisme ordonneacute raquo cher agrave Mireille Delmas-Marty (Delmas-Marty

2006) Cette auteure a identifieacute trois moyens drsquoassurer ce laquo pluralisme ordonneacute raquo

- la coordination qui est le fait drsquoentrecroisements horizontaux (on parle aussi drsquointernormativiteacute

qui peut ecirctre de fait par lrsquoemprunt ou reacutesulter drsquoune interpreacutetation croiseacutee) Pour ecirctre admise dans

des pays de tradition juridique diffeacuterente elle doit preacuteserver une certaine souplesse qui suppose la

16 Voir C Lajaunie P Mazzega laquo Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute dans les conventions internationales lieacutees agrave la biodiversiteacute raquo cet ouvrage infra p 61 G Futhazar laquo La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute Le cas de la CITES de la CDB et du Fond pour lrsquoEnvironnement Mondial raquo cet ouvrage infra p 9517 Voir H Hellio laquo HFC histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali raquo cet ouvrage infra p 81 voir infra 2118 A-S Tabau laquo La transparence de la finance climat de la circulation du principe agrave la circulation de ses modaliteacutes drsquoapplication raquo cet ouvrage infra p 16519 Ibid

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

19

reconnaissance de marges nationales drsquoappreacuteciation

- lrsquoharmonisation qui implique un rapprochement plus fort mais sans preacutetendre agrave lrsquouniformiteacute

- et lrsquounification soit imposeacutee verticalement par transplantation unilateacuterale soit reacutesultant drsquoune

hybridation laquelle implique une reacuteciprociteacute de lrsquoeacutechange

Sans surprise les circulations eacutetudieacutees ici ndash qui sont pour lrsquoessentiel horizontales ndash relegravevent da-

vantage de la coordination que de lrsquoharmonisation et encore moins de lrsquounification

La circulation nrsquoest pas non plus sans conseacutequence sur la juridiciteacute et porteacutee de la norme Ainsi

les mouvements agrave lrsquoœuvre dans les complexes de reacutegimes teacutemoignent-ils des transformations agrave

lrsquoœuvre de la normativiteacute internationale Au-delagrave les chercheurs de CIRCULEX ont chercheacute aussi agrave

srsquointerroger sur leurs effets en terme drsquoeffectiviteacute et de leacutegitimiteacute des politiques conduites De ce point

de vue la circulation de normes etou drsquoacteurs peut produire des effets ambivalents Anne-Sophie

Tabau montre ainsi dans cet ouvrage comment les efforts en faveur de la circulation du principe

de transparence de la finance climat favorisent laquo la preacutecision de ses modaliteacutes drsquoapplication en

apportant une reacuteponse aux deacutefis techniques de la transparence de la finance climat raquo voire au-delagrave

de la finance climat mais laquo aboutissent eacutegalement agrave deacuteplacer le centre de graviteacute de la gouvernance

dans ce domaine du reacutegime climat entendu au sens strict vers un complexe de reacutegimes au peacuterimegravetre

moins deacutefini sous-estimant peut-ecirctre les enjeux politiques et sociaux de cette question ce qui est de

nature agrave soulever des interrogations en termes de leacutegitimiteacute et de responsabiliteacute (accountability) raquo20

Car crsquoest finalement lrsquoOCDE qui se trouve jouer le rocircle central de laquo connecteur raquo entre les multiples

espaces de reacutegulation de la finance climatique alors mecircme qursquoelle ne regroupe que 34 Eacutetats et

nrsquoassure pas la repreacutesentativiteacute geacuteographique chegravere agrave lrsquoONU21

2) Les voies drsquoune deacutefragmentation de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement

Srsquoattacher aux mouvements de normes et drsquoacteurs (agrave lrsquointeacuterieur et entre les reacutegimes agrave niveau

vers le haut vers le bas) permet drsquoaller au-delagrave de la vision neacutegative de la fragmentation pour srsquoat-

tacher plutocirct aux acteurs et processus de laquo deacutefragmentation raquo Une telle deacutefragmentation srsquoavegravere

neacutecessaire et nous avons tenteacute drsquoen mettre en eacutevidence les leviers

21 Une deacutefragmentation neacutecessaire

La fragmentation des reacutegimes internationaux offre un laquo terrain de jeu raquo stimulant pour les diffeacute-

rents acteurs Elle est exploiteacutee aussi bien par les acteurs priveacutes que par les Eacutetats du Nord ou du Sud

voire les organes et organisations internationaux (tels les secreacutetariats des conventions en recherche

20 A-S Tabau laquo La transparence de la finance climat de la circulation du principe agrave la circulation de ses modaliteacutes drsquoapplication raquo cet ouvrage infra p 16521 Ibid

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

20

de financements) qui y voient une opportuniteacute strateacutegique et deacuteploient des politiques juridiques

servant ce qursquoils considegraverent comme eacutetant de leurs inteacuterecircts Le forum shoppingreacutegime shifting peut

entrainer le nivellement par le bas lorsque les Eacutetats empecircchent agrave dessein les fora les plus efficaces de

se saisir drsquoune question (ozoneclimat) Le forum shopping peut aussi entrainer des deacutecisions contra-

dictoires de diffeacuterents organes de regraveglement des diffeacuterends (Alter et Meunier 2009 Drezner 2007)

Un nouveau contexte politique peut alors changer la donne Lrsquoexemple des hydrofluorocarbones le

montre bien

Ces gaz drsquoorigine syntheacutetique sont venus efficacement remplacer les substances ozonicides en

cours drsquoeacutelimination dans le cadre du Protocole de Montreacuteal (agrave la fois les CFC les chlorofluorocar-

bures et les HCFC comme fluides de reacutefrigeacuteration etou propulseurs drsquoaeacuterosols) Leurs eacutemissions

ont augmenteacute conseacutecutivement de 8-9 par an Non dangereux pour lrsquoozone ces gaz preacutesentent un

important enjeu pour le climat Ils ont en effet un pouvoir reacutechauffant de 14 000 agrave 23 000 fois plus

puissant que le CO2 Selon le Programme des Nations Unies pour lrsquoenvironnement le retrait total

de ces gaz au niveau mondial permettrait drsquoinfleacutechir la courbe du reacutechauffement de 05 degC drsquoici agrave

2050 100 milliards de tonnes drsquoeacutequivalents CO2 sont en jeu dix fois plus que les objectifs fixeacutes par le

Protocole de Kyoto22 Ces gaz sont couverts par le Protocole de Kyoto (annexe A) qui en preacutevoit la

reacuteduction des eacutemissions tandis que le Protocole de Montreacuteal conduit de facto agrave en augmenter lrsquoutili-

sation Depuis plus de six ans des discussions ont lieu sur lrsquoopportuniteacute de preacutevoir leur eacutelimination

dans le cadre du Protocole de Montreacuteal mais aucun consensus nrsquoa eacuteteacute atteint Beaucoup de pays du

Sud freinent car ils voient des motivations commerciales deacuteguiseacutees dans les initiatives en ce sens Ils

refusent de se voir imposer lrsquoeacutelimination des HFC alors mecircme qursquoils viennent de remplacer des subs-

tances ozonicides dans leurs processus de production Ils invoquent lrsquoargument selon lequel cela doit

ecirctre traiteacute par la CCNUCCC au regard du principe de speacutecialiteacute des organisations internationales

Les Eacutetats-Unis qui soutiennent fortement une reacutevision du Protocole de Montreacuteal imposant lrsquoeacuteli-

mination des HFC ont deacuteposeacute une proposition agrave ce sujet en mai 2014 qui a eacuteteacute examineacutee lors de

lrsquoavant-derniegravere COP-MOP agrave Paris en novembre 201523 Les Eacutetats feacutedeacutereacutes de Microneacutesie ont eacutega-

lement fait une proposition en ce sens Le Koweiumlt et lrsquoArabie Saoudite se sont opposeacutes agrave une telle

reacutevision consideacuterant que la question relegraveve de la seule CCNUCC24 Ils ont eacuteteacute rejoints en cela par

de nombreux pays du Sud Selon le Bulletin des neacutegociations de la Terre laquo on a entendu un deacuteleacute-

gueacute frustreacute observer lsquocrsquoest comme si lrsquoon jouait au ping-pong avec la CCNUCCrsquo raquo25 De son cocircteacute la

France a plaideacute en faveur de la formation drsquoun groupe de contact chargeacute drsquoexaminer les modaliteacutes du

traitement des HFC dans le cadre du Protocole suggeacuterant qursquoun accord sur les HFC pourrait contri-

buer agrave la reacuteussite de la COP climat 21 agrave Paris en 201526

22 laquo LrsquoUnion Europeacuteenne va eacuteliminer les lsquosupergazrsquo agrave effet de serre HFC raquo Le Monde 2012201323 laquo 2014 North American Amendment Proposal to Address HFCs under the Montreal Protocol raquo24 Bulletin des neacutegociations de la Terre 26e reacuteunion des Parties au Protocole de Montreacuteal et 10e reacuteunion de la Confeacuterence des Parties agrave la Conven-tion de Vienne 17-21112014 vol 19 ndeg102 1711201425 Ibid26 Ibid

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

21

Face au blocage on a vu se multiplier des initiatives HFCs en dehors de la CCNUCC et du Proto-

cole de Montreacuteal caracteacuteriseacutees par plus de souplesse sur le plan formel La laquo Coalition pour le climat

et lrsquoair pur raquo ou CCAC est tout agrave fait embleacutematique de ce point de vue qui a deacuteveloppeacute une initia-

tive dite laquo Promoting HFC Alternative Technology and Standards raquo27 De mecircme en septembre 2014

lors du Sommet climat du Secreacutetaire geacuteneacuteral de lrsquoONU a eacuteteacute adopteacute un laquo Joint Statement Phasing Down Climate Potent HFCs raquo par vingt pays et dix organisations intergouvernementales En effet

ce nrsquoest pas un traiteacute qui est agrave son origine mais un simple laquo framework raquo qui juridiquement laquo does not create any legally binding obligations between or among its Partners raquo (art III) mecircme si un certain

suivi est preacutevu Plus souple la CCAC est ouverte aux acteurs non eacutetatiques consideacutereacutes comme des

partenaires sur un pied drsquoeacutegaliteacute et non pas des laquo observateurs raquo comme crsquoest le cas agrave la CCNUCCC

De fait la CCAC preacutesente une reacuteelle utiliteacute aujourdrsquohui en compleacutement drsquoun Protocole de Kyoto tregraves

marginal et des accords de Copenhague-Cancun qui sont tregraves faibles Elle permet notamment une

coopeacuteration des Eacutetats-Unis et de la Chine et avec drsquoautres pays Elle preacutepare le terrain agrave une initia-

tive plus classique

En effet la question des HFC doit en reacutealiteacute ecirctre traiteacutee non par le reacutegime climat ou celui de

lrsquoozone mais par les deux reacutegimes de maniegravere coordonneacutee Le deacuteveloppement des HFC est certes

un problegraveme pour le climat mais qui est compliqueacute par lrsquoaction internationale en faveur de lrsquoeacutelimi-

nation de lrsquoozone Il est donc bien agrave lrsquointerface des deux reacutegimes Il nrsquoy a pourtant pas un mot agrave ce

sujet dans lrsquoAccord de Paris La question nrsquoa drsquoailleurs eacuteteacute eacutevoqueacutee que marginalement durant les

neacutegociations agrave travers les opportuniteacutes drsquoatteacutenuation En revanche lrsquoAccord de Paris a creacuteeacute le mo-mentum qui a finalement favoriseacute lrsquoadoption drsquoun accord lors de la Reacuteunion des Parties de Kigali du

Protocole de Montreacuteal en octobre 201628 Agrave terme lrsquoamendement de Kigali garantira une meilleure

coheacuterence de lrsquoaction internationale en faveur du climat et de lrsquoozone

22 Les leviers de deacutefragmentation

Nous avions deacutecideacute de mettre en eacutevidence les facteurs de circulations mais eacutegalement en neacutegatif

drsquoeacuteventuels difficulteacutes blocages ou verrous Lrsquoobjectif in fine eacutetait de parvenir agrave des propositions

concregravetes srsquoagissant des outils et processus agrave mobiliser pour deacutefragmenter la gouvernance

internationale Lrsquoeacutevolution du droit international des droits de lrsquohomme la mise en place de lrsquoIPBES

les neacutegociations internationales qui se sont deacuterouleacutees durant la reacutealisation de CIRCULEX sur les

changements climatiques (y compris agrave lrsquointeacuterieur celle sur les forecircts) et la biodiversiteacute marine au-

delagrave des zones de juridiction nationale ont offert des terrains privileacutegieacutes drsquoanalyse aux chercheurs

de CIRCULEX ainsi que la possibiliteacute de nourrir le deacutebat par des propositions concregravetes En

contrepoint de lrsquoimpeacuteratif drsquoordonner le multiple mis en eacutevidence par Mireille Delmas-Marty29 il

srsquoagit de prendre au seacuterieux le polycentrisme de la gouvernance internationale de voir les initiatives

multiples non comme des entreprises brouillonnes et concurrentes mais comme des moyens drsquoasseoir

27 Voir httpwwwuneporgccacInitiativestabid130287languageen-USDefaultaspxsthashvWdKJy35dpuf consulteacute le 5 aoucirct 201528 Voir H Hellio laquo HFC histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali raquo cet ouvrage infra p 8129 Voir supra

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

22

progressivement la confiance Ainsi laquo Proceeding by small steps to build confidence and generate patterns of reciprocity is not a timid second-best strategy raquo mais est plus adapteacute aux reacutealiteacutes de la vie

internationale qursquoune grande et seule approche (Keohane Victor 2016) agrave condition de mettre en

oeuvre une certaine fragmentation Trois types de leviers ndash juridiques opeacuterationnels institutionnels

ndash peuvent ecirctre utiliseacutes agrave cet effet

a) Les leviers juridiques

Diffeacuterents leviers juridiques agrave proprement parler sont mobilisables Lrsquoeacutenumeacuteration qui est faite

ici nrsquoa pas preacutetention agrave lrsquoexhaustiviteacute

bull Lrsquousage de laquo meacutetanormes raquo Mecircme si nous sommes lagrave dans une laquo logique du flou raquo (Delmas-Marty Izorche 2002) lrsquousage de

meacutetanormes peut permettre drsquoassurer une plus grande articulation sur le plan politique pour mettre

en œuvre diffeacuterents traiteacutes visant ou impactant le deacuteveloppement durable Il a eacuteteacute montreacute comment

de tels objectifs peuvent creacuteer de veacuteritables dynamiques en contribuant agrave reacuteorganiser la coopeacuteration

internationale dans des espaces juridiques et institutionnels diffeacuterents (Futhazar 2015) On pense de

ce point de vue aux 17 Objectifs de Deacuteveloppement Durable (ODD) qui ont eacuteteacute adopteacutes dans le sillon

de la deacuteclaration laquo LrsquoAvenir que nous voulons raquo du Sommet Rio + 20 (2012) lors du Sommet des Na-

tions Unies sur le Deacuteveloppement Durable qui a eu lieu agrave New York en septembre 2015 Ils peuvent

jouer un rocircle structurant pour la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement On constate drsquoail-

leurs que la deacutecision 1CP21 adopteacutee agrave Paris par la COP 21 srsquoy reacutefegravere Certains auteurs proposent

que la protection de lrsquointeacutegriteacute des systegravemes naturels dont deacutepend la vie sur Terre soit consideacutereacutee

comme meacutetanorme (Kim Bosselmann 2013) De son cocircteacute cet ouvrage explore la diffusion de meacute-

tanormes telles que le principe de lrsquoaccegraves et du partage des avantages entre les complexes de reacutegimes

biodiversiteacute droits de lrsquohomme et climat comme le montrent les travaux conduits dans le cadre de

BENELEX en lien avec CIRCULEX (Savaresi 2016) lrsquoexigence de synergie conventionnelle comme

norme interstitielle30 lrsquoexigence de transparence appliqueacutee agrave la finance climat31 ou encore celle

drsquoaccountability attacheacutee aux meacutecanismes de financement Vanessa Richard montre bien que lrsquoins-

titution du nouveau Fonds Vert pour le Climat (FVC) srsquoinscrit dans un paysage deacutejagrave bien rempli par

de nombreux meacutecanismes drsquoaccountability et en particulier les meacutecanismes de plainte des banques

multilateacuterales de deacuteveloppement notamment des banques internationales de deacuteveloppement Crsquoest

lrsquooccasion drsquoanalyser les circulations opeacutereacutees entre les standards drsquoaccountability et le design institu-

tionnel (donc des aspects plus proceacuteduraux) de ces meacutecanismes et ceux qui sont en train drsquoecirctre mis

en place par le FVC Or lrsquoapprentissage collectif ne va pas toujours vers du mieux ce ne sont pas

forceacutement les meilleures pratiques qui sont reprises des innovations sont opeacutereacutees en fonction du

30 G Futhazar laquo La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute Le cas de la CITES de la CDB et du Fond pour lrsquoEnvironnement Mondial raquo cet ouvrage infra p 9531 A-S Tabau laquo La transparence de la finance climat de la circulation du principe agrave la circulation de ses modaliteacutes drsquoapplication raquo cet ouvrage infra p 165

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

23

contexte des enjeuxhellip32 La mecircme remarque peut ecirctre faite agrave propos des meacutecanismes de non-respect

eacutelaboreacutes dans plusieurs conventions internationales de protection de lrsquoenvironnement La premiegravere

proceacutedure de ce type creacuteeacute en 1990 dans le cadre du Protocole de Montreacuteal sur lrsquoozone a inspireacute la

creacuteation de nombreuses autres proceacutedures Chacune preacutesente ses speacutecificiteacutes qui sont fonction du

contexte de lrsquoobjet de la Convention de son caractegravere global ou reacutegional etc Certaines innova-

tions (la possibiliteacute pour le secreacutetariat de la convention de deacuteclencher une proceacutedure la place ac-

cordeacutee aux membres du public certaines inspirations de nature juridictionnellehellip) ne se retrouvent

pas drsquoune proceacutedure agrave lrsquoautre Lrsquoeacutevolution nrsquoest pas lineacuteaire y compris au sein drsquoun mecircme reacutegime

Ainsi alors qursquoils srsquoinscrivent tous deux dans la mecircme convention-cadre la Convention-cadre des

Nations Unies sur les changements climatiques de 1992 le Protocole de Kyoto (1997) et lrsquoAccord de

Paris (2015) ne relegravevent pas de la mecircme inspiration Lagrave ougrave le Protocole de Kyoto a donneacute lieu agrave une

proceacutedure extrecircmement eacutelaboreacutee intrusive pouvant deacuteboucher sur de veacuteritables sanctions lrsquoAccord

de Paris donnera probablement naissance agrave une proceacutedure plus souple et respectueuse des souverai-

neteacutes Il est en effet preacutevu qursquoil fonctionnera laquo drsquoune maniegravere qui est transparente non accusatoire

et non punitive raquo33 Il faut dire qursquoentre temps la proceacutedure de non-respect du Protocole de Kyoto a

montreacute ses limites la crainte de sanctions a mecircme pousseacute le Canada agrave exercer son droit de retrait

du Protocole

bull La promotion du soutien mutuel Une voie inteacuteressante consiste en la promotion du principe du soutien mutuel entre espaces

normatifs (climatcommerce climatinvestissements climatbiodiversiteacute climatozone climatpreacute-

vention des catastrophes climatdroits de lrsquohomme etc) Srsquoil est reconnu le principe ndash dans lequel

on pourrait voir aussi une meacutetanorme ndash revient agrave consideacuterer qursquoil nrsquoy a en principe pas de conflit

puisque les parties doivent interpreacuteter et appliquer les regravegles provenant des deux espaces juridiques

drsquoune maniegravere mutuellement compatible Crsquoest un principe drsquoarticulation et de deacutefeacuterence (Boisson

de Chazournes Mbengue 2007) Il preacutesente lrsquoavantage drsquoeacuteviter aux Parties drsquoavoir agrave laquo eacutetablir un

ordre de prioriteacute clair et net et tenterait plutocirct de coordonner autant que faire se peut lrsquoapplication

simultaneacutee des deux traiteacutes raquo34 Ce nrsquoest pas agrave proprement parler une clause de conflit mais un

moyen de preacutevenir les conflits et dans une certaine mesure de les reacutesoudre si tant est qursquoil soit pos-

sible de ne pas faire preacutevaloir une regravegle sur une autre mais de les interpreacuteter de maniegravere compatible

Pour la Commission du droit international lrsquolaquo ideacutee tient agrave ce que les conflits peuvent et devraient

ecirctre reacutegleacutes entre les partenaires au fur et agrave mesure qursquoils se preacutesentent et dans le but de meacutenager les

inteacuterecircts des uns et des autres raquo35 Il ne garantit donc pas une issue positive de maniegravere absolue Car

en pratique des conflits peuvent eacutemerger dans la mesure ougrave le principe du soutien mutuel est moins

radical qursquoune regravegle de prioriteacute ou hieacuterarchie agrave aucun moment il ne signifie une modification des

droits et obligations des Eacutetats drsquoun cocircteacute ou de lrsquoautre Dans des domaines aussi conflictuels que les

32 V Richard laquo Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte du Fonds Vert pour le Climat raquo cet ou-vrage infra p 18733 Article 15sect234 CDI Fragmentation du droit international difficulteacutes deacutecoulant de la diversification et de lrsquoexpansion du droit international Rapport du Groupe drsquoeacutetude de la Commission du droit international eacutetabli sous sa forme deacutefinitive par Martti Koskenniemi op cit p 150 35 Ibid p 151

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

24

relations climatcommerce son invocation peut paraicirctre quelque peu incantatoire et revient finale-

ment agrave donner au juge un pouvoir drsquointerpreacutetation tregraves important car in fine crsquoest agrave lui drsquoappreacutecier

au cas par cas agrave quoi conduit le soutien mutuel Crsquoest drsquoautant plus vrai que le cycle de neacutegociations

de Doha dont crsquoest un des points agrave lrsquoordre du jour est en panne LrsquoAccord de Paris a de ce point de

vue manqueacute le coche On y cherchera en effet vainement une reacutefeacuterence au droit du commerce in-

ternational Envisageacutee comme une option elle a finalement disparu Crsquoest donc le statu quo qui preacute-

vaut soit une approche relativement deacutefeacuterente vis-agrave-vis du droit du commerce international (Mal-

jean-Dubois Wemaere 2015) Drsquoautres accords sont pourtant moins deacutefeacuterents et donc plus effectifs

tel le Protocole de Montreacuteal sur lrsquoozone36 Sachant combien le droit du commerce international et

en particulier la protection des droits de proprieacuteteacute intellectuelle peuvent affecter sa mise en œuvre

lrsquoAccord de Paris aurait pu inteacutegrer a minima une reacutefeacuterence au principe du soutien mutuel (Bois-

son de Chazournes Mbengue 2007) Ici le laquo schisme de reacutealiteacute raquo mis en eacutevidence par Amy Dahan

et Stefan Aykut reacutesultant drsquoun laquo deacutecalage croissant entre drsquoun cocircteacute une reacutealiteacute du monde celle de

la globalisation des marcheacutes de lrsquoexploitation effreacuteneacutee des ressources drsquoeacutenergie fossiles et des Eacutetats

pris dans une concurrence eacuteconomique feacuteroce et srsquoaccrochant plus que jamais agrave leur souveraineteacute

nationale et de lrsquoautre une sphegravere des neacutegociations et de la gouvernance qui veacutehicule lrsquoimaginaire

drsquoun lsquogrand reacutegulateur centralrsquo apte agrave deacutefinir et agrave distribuer des droits drsquoeacutemission mais de moins en

moins en prise avec cette reacutealiteacute exteacuterieure est particuliegraverement eacutevident et probleacutematique raquo (Dahan

Aykut 2015)

bull La promotion des initiatives de laquo coopeacuterations renforceacutees raquoMettre en place des systegravemes de coopeacuteration renforceacutee au sein des accords environnementaux

sur le modegravele de lrsquoUnion europeacuteenne37 permettrait de donner plus de flexibiliteacute agrave la gouvernance

internationale Il srsquoagit drsquooffrir aux pays qui le souhaitent la possibiliteacute drsquoaller au-delagrave du cadre com-

mun voire en les y incitant La coopeacuteration renforceacutee marqueacutee par le volontarisme peut avoir un

effet de levier sur les autres Eacutetats Aujourdrsquohui il nrsquoexiste pas agrave proprement parler de coopeacuteration

renforceacutee dans le cadre de la CCNUCC Son article 72 c) preacutevoit neacuteanmoins un meacutecanisme de coor-

dination entre plusieurs Eacutetats la COP pouvant faciliter laquo agrave la demande de deux Parties ou davantage

la coordination des mesures adopteacutees par elles pour faire face aux changements climatiques et agrave leurs

effets en tenant compte de la diversiteacute de situations de responsabiliteacutes et de moyens des Parties

ainsi que de leurs engagements respectifs au titre de la Convention raquo On retrouve une disposition

similaire dans le Protocole de Kyoto agrave lrsquoarticle 134 (d) Le terme de laquo mesures raquo viseacute par ces dispo-

sitions offre beaucoup de flexibiliteacute Tous les Eacutetats Parties agrave la Convention peuvent ainsi demander

agrave la COP agrave tout le moins de reconnaicirctre etou faciliter la coordination drsquoactions de coopeacuteration geacute-

neacuterales ou speacuteciales dans des secteurs varieacutes tels que lrsquoeacutenergie les transports la gestion des deacutechets

ou bien par exemple deacutecider drsquoaller plus loin dans le domaine de lrsquoatteacutenuation ou de lrsquoadaptation

que ce que preacutevoit les textes La COP devrait adopter une deacutecision agrave cette fin par consensus ce qui

36 Voir article 4 laquo Reacuteglementation des eacutechanges commerciaux avec les Etats non Parties au Protocole raquo et article 4A laquo Reacuteglementation des eacutechanges commerciaux avec les Parties raquo37 Voir art 20 TUE et 326-334 TFUE

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

25

suppose que lrsquoobjet de la coordination ou la demande de facilitation porte sur des aspects non conflic-

tuels aux yeux des autres Parties Mais en pratique les Eacutetats nrsquoont jamais eu recours agrave cette possibiliteacute

et gardeacute leurs partenariats bilateacuteraux reacutegionaux ou internationaux en dehors du champ convention-

nel Par ailleurs cette disposition mecircme si elle est flexible et peut ecirctre interpreacuteteacutee largement nrsquoin-

dique pas clairement lrsquoobjectif drsquoaller plus loin que les engagements conventionnels Crsquoeacutetait tout le

sens des nombreuses propositions doctrinales en faveur des clubs climatiques (J Hovi D F Sprinz

H Saeliglen A Underdal 2016) ou du minilateacuteralisme (Falkner 2015) LrsquoAccord de Paris reconnait de

ce point de vue la possibiliteacute laquo que certaines Parties deacutecident drsquoagir volontairement en concertation

dans la mise en œuvre de leurs contributions deacutetermineacutees au niveau national pour relever le niveau

drsquoambition de leurs mesures drsquoatteacutenuation et drsquoadaptation et pour promouvoir le deacuteveloppement

durable et lrsquointeacutegriteacute environnementale raquo38

bull La promotion des partenariats public-priveacute

Comme nous lrsquoavons eacutevoqueacute de nombreuses voix promeuvent aujourdrsquohui les approches laquo se-cond-best raquo plutocirct que des accords internationaux ambitieux probablement inatteignables Crsquoeacutetait en

particulier le cas durant les neacutegociations qui ont abouti agrave lrsquoAccord de Paris laquo They combine public and private solutions to climate change adopted at different scales- from the global to the transactio-nal raquo (Orts 2011 Hoffman 2011) De tels partenariats sont multiples srsquoadditionnent et parfois se

combinent et cela peut ecirctre un gage drsquoefficaciteacute De ce point de vue lrsquoaccord de Paris aurait pu mais

nrsquoa pas choisi de promouvoir des voire inciter aux partenariats public-priveacute de mecircme nature que les

partenariats de type II lanceacutes apregraves le Sommet de la Terre de Johannesburg en 2002 dans lrsquooptique de

compleacuteter et dynamiser lrsquoaction conduite sous ses auspices Cela aurait pu permettre de soutenir des

initiatives souples et flexibles qui peuvent srsquoaveacuterer tout agrave fait compleacutementaires drsquoune action conven-

tionnelle tels que la CCAC ou des accords sectoriels (Burkel 2014) En revanche les neacutegociateurs

y ont inclus un meacutecanisme de type laquo meacutecanisme pour un deacuteveloppement propre raquo mais qui reste

encore largement agrave deacutefinir39

bull La promotion de la normalisation techniqueLa normalisation technique repreacutesente un vecteur possible drsquoharmonisation comme lrsquoa montreacute

la meacutethodologie mise au point pour le comptage des eacutemissions par le GIEC devenue ensuite norme

internationale agrave lrsquoinitiative du World Ressources Institute (WRI) avec son Greenhouse Gas Protocol deacuteveloppeacutee par lrsquoISO et largement utiliseacutee aujourdrsquohui et par de tregraves nombreux acteurs40 Un autre

exemple topique est fourni par lrsquoeacutecolabellisation des bois tropicaux41

b) Les leviers opeacuterationnels

On peut penser eacutegalement agrave mobiliser des outils plus opeacuterationnels tels que lrsquoexpertise le controcircle

ou les financements

38 Article 6sect139 Article 640 Voir par exemple la norme ISO 14064-1 publieacutee en 2006 ou encore lrsquoISO 140692013 laquo Gaz agrave effet de serre mdash Quantification et rapport des eacutemissions de gaz agrave effet de serre pour les organisations mdash Directives drsquoapplication de lrsquoISO 14064-1 raquo 41 Voir D Compagnon Y Montouroy A Orsini R de Rafael laquo Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en œuvre des normes de gouvernance environnementale agrave lrsquoeacutechelle internationale raquo cet ouvrage infra p 117

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

26

bull Lrsquoexpertise

Le deacuteveloppement de lrsquoexpertise et des liens scientifiques peut permettre drsquoameacuteliorer la compreacute-

hension commune et la coheacuterence cognitive entre reacutegimes voire complexes de reacutegimes Par exemple

srsquoagissant des complexes de reacutegimes sur le climat et la biodiversiteacute lrsquoarticle 25 de la Convention sur la

biodiversiteacute et lrsquoarticle 9 de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques

preacutevoient lrsquoeacutetablissement drsquoun organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique (SBSTTA)

Sans surprise guideacute par les deacutecisions de la COP le SBSTTA de la COP sur la diversiteacute biologique a

eacuteteacute plus actif pour stimuler la reacuteflexion sur lrsquointerface entre les questions biodiversiteacute et climat Mais

les travaux de ces deux organes experts ont eacuteteacute trop compartimenteacutes pour permettre de prendre en

compte la complexiteacute de lrsquoenvironnement en geacuteneacuteral et des interactions entre biodiversiteacute et climat

en particulier On peut ecirctre drsquoaccord avec Morin et Orsini qui considegraverent qursquoune des voies les plus

prometteuses pour aborder la gestion agrave lrsquointerface de la biodiversiteacute et du climat est ce qursquoils ap-

pellent le knowledge management (Morin Louafi Orsini Oubenal 2016) De ce point de vue le GIEC

a rendu diffeacuterents rapports sur biodiversiteacute et climat mais sans faire de connexion claire avec les dis-

positions de la Convention sur la diversiteacute biologique (IPCC 1991 2000 2002) En tant que interface

lrsquoIPBES pourrait cependant jouer un rocircle plus important en srsquointeacuteressant aux articulations entre les

deux conventions et eacutetablissant par lagrave une passerelle entre elles Un tel rocircle pourrait ecirctre favoriseacute

par la circulation de diffeacuterents acteurs de lrsquoIPBES entre les complexes de reacutegimes sur le climat et la

biodiversiteacute (Hrabanski Oubenal and Pesche 2016) Clairement relieacutee aux organes conventionnels

la nouvelle plateforme peut potentiellement influencer grandement lrsquoeacutelaboration des politiques pu-

bliques Un rapprochement entre lrsquoIPBES et le GIEC serait eacutegalement bienvenu et il semble se mettre

en place En octobre 2014 le GIEC a ainsi affirmeacute que laquo it was seen as important to continue and further enhance cooperation with other UN bodies especially UNFCCC and assessment processes such as IPBES through the IPCC Secretariat raquo (IPCC 2014) Agrave la troisiegraveme reacuteunion de lrsquoIPBES en janvier

2015 Rajendra Pachauri qui eacutetait encore preacutesident du GIEC a suggeacutereacute que les bureaux respectifs du

GIEC et de lrsquoIPBES se reacuteunissent reacuteguliegraverement pour reacutefleacutechir agrave des questions substantielles relevant

de leurs eacutevaluations et programmes de travail respectifs42 Une coopeacuteration renforceacutee entre le GIEC

et lrsquoIPBES pourrait fournir une autre piste prometteuse pour favoriser la coheacuterence entre reacutegimes

(Morin Louafi Orsini Oubenal 2015) On pourrait mecircme imaginer des rapports conjoints

bull Les meacutecanismes de controcircleLrsquoharmonisation des meacutecanismes de controcircle peut eacutegalement ecirctre une voie de deacutefragmenta-

tion On peut prendre ici lrsquoexemple du climat En effet le suivi la communication et la veacuterification

(laquo MRV raquo) des engagements et mesures de mise en œuvre sont un eacuteleacutement central du reacutegime inter-

national sur le climat Le MRV des eacutemissions et des mesures prises y compris des financements a

deacutejagrave eacuteteacute largement deacuteveloppeacute dans le cadre des Accords de Cancuacuten mais il repose sur une diffeacuteren-

ciation entre pays du Nord et du Sud qui a eacutevolueacute dans lrsquoAccord de Paris Il est aussi mis en œuvre

42 Voir aussi la laquoLima 2014 Declaration on Biodiversity and Climate Change From Science to Policyraquo adopteacutee agrave lrsquooccasion de la COP 20 UNFCCC

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

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dans le cadre du Protocole de Kyoto43 pour les seuls pays deacuteveloppeacutes ayant des objectifs chiffreacutes

de reacuteduction jusqursquoen 2020 Cet acquis doit ecirctre adapteacute aux dispositions de lrsquoAccord de Paris pour

notamment lui donner un caractegravere agrave la fois dynamique et durable en tenant compte notamment

de la nature et du contenu des contributions nationales de tous les pays de la freacutequence des cycles

drsquoengagement et du meacutecanisme drsquoambition qui a pour objet drsquoinciter collectivement les pays agrave plus

drsquoambition pour leurs contributions futures

Les regravegles de transparence et de responsabilisation de lrsquoAccord de Paris seront drsquoautant plus so-

lides qursquoelles permettront de suivre les eacutemissions et drsquoeacutevaluer les progregraves reacutealiseacutes pour respecter les

contributions nationales sur la base drsquoun MRV harmoniseacute au sein du reacutegime climat et avec drsquoautres

regravegles de suivi des eacutemissions de GES couvertes par drsquoautres reacutegimes Outre le fait qursquoil est indispen-

sable de mesurer une tonne de CO2 eacutequivalent de la mecircme maniegravere pour avoir une ideacutee preacutecise des

trajectoires comme crsquoest le cas des eacutemissions de GES des transports maritimes internationaux dont

le MRV est actuellement discuteacute dans le cadre de lrsquoOMI suivant lrsquoimpulsion donneacutee par lrsquoUE les

meacutethodes de suivi des eacutemissions du reacutegime climat devraient ecirctre reprises dans drsquoautres reacutegimes qui

ne sont pas couverts aujourdrsquohui comme lrsquoOACI ou encore le Protocole de Montreacuteal pour les HFC

Lrsquoharmonisation peut eacutegalement venir de la reconnaissance mutuelle des regravegles de MRV poseacutees par

les diffeacuterents marcheacutes carbone nationaux ou reacutegionaux Il convient enfin de souligner le rocircle impor-

tant que pourrait jouer le secreacutetariat de la CCNUCC dans la compilation et lrsquoeacutevaluation des donneacutees

qui pourraient ecirctre collecteacutees agrave partir drsquoautres reacutegimes Les travaux du PNUE ndash notamment son

Emissions gap report annuel ndash participent deacutejagrave aujourdrsquohui agrave lrsquoeacutevaluation reacuteguliegravere de lrsquoadeacutequation

entre les efforts et les besoins agrave une eacutechelle globale deacutepassant la CCNUCC

Les travaux preacutesenteacutes dans cet ouvrage par Anne-Sophie Tabau et Vanessa Richard respective-

ment sur la transparence et lrsquoaccountability de la finance climatique explorent ce levier de deacutefrag-

mentation On peut se demander si la promotion de ces standards ne relegraveve pas drsquoailleurs drsquoun droit

administratif global (Peters 2015)

bull Les technologiesSrsquoagissant des technologies il conviendrait de deacutevelopper des synergies entre les meacutecanismes

existants dans les diffeacuterents reacutegimes et entre les complexes de reacutegimes Cette volonteacute drsquooptimiser

les synergies est au cœur de la proposition drsquoun Meacutecanisme de facilitation technologique dans le

cadre des Nations Unies qui vise un deacuteploiement agrave grande eacutechelle des technologies propres pour un

deacuteveloppement durable Cette initiative fait suite agrave la deacuteclaration adopteacutee lors du Sommet Rio+20

intituleacutee laquo Lrsquoavenir que nous voulons raquo qui y avait consacreacute un chapitre entier44 Srsquoagissant des bre-

vets et autres droits de proprieacuteteacute intellectuelle qui restent un sujet sensible ce Meacutecanisme devrait

notamment promouvoir les partenariats public-priveacute autour de systegravemes de collaboration mettant

lrsquoeacutemetteur et le reacutecepteur lrsquoun en face de lrsquoautre pour cibler les vraies opportuniteacutes de deacuteveloppe-

ment de marcheacutes tout en respectant lrsquoenvironnement et le climat Car au-delagrave de la facilitation

43 Prises sur le fondement des articles 5 7 et 8 du Protocole de Kyoto44 Voir sect269-276

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

28

institutionnelle indispensable pour plus drsquoefficaciteacute la discussion entre lrsquoeacutemetteur et le reacutecepteur

concerne drsquoabord les entreprises priveacutees

bull Les financements Les financements peuvent eacutegalement repreacutesenter un important levier de mise en coheacuterence

Le Fonds pour lrsquoEnvironnement Mondial a ici un rocircle agrave jouer car il est le principal meacutecanisme de

financement de plusieurs conventions internationales de protection de lrsquoenvironnement ce qui lrsquoa

conduit notamment agrave financer pour environ 20 de son budget des projets intersectoriels inteacuteressant

plusieurs conventions45 Dans cet ouvrage Guillaume Futhazar montre le rocircle drsquoun secreacutetariat qui va

se saisir drsquoune opportuniteacute en lrsquoespegravece lrsquoutilisation des liens existant entre la CITES et la Conven-

tion sur la Diversiteacute Biologique (CDB) afin drsquoacceacuteder aux ressources du Fonds pour lrsquoEnvironnement

Mondial (FEM) dans le but de financer des activiteacutes contribuant agrave la CITES Ici la circulation est

volontaire et instrumentaliseacutee46

Mais les fonds se sont aussi multiplieacutes dans un cadre conventionnel Crsquoest le cas par exemple du

reacutegime du climat qui a fait naicirctre plusieurs fonds que ce soit dans le cadre de la Convention comme

du Protocole alors mecircme que le FEM reste le meacutecanisme de financement de la Convention En reacutea-

liteacute crsquoest deacutesormais par le Fonds Vert pour le Climat que vont transiter lrsquoessentiel des financements

il serait important qursquoil ne deacuteveloppe pas une pratique isolationniste et puisse a minima ne pas

interfeacuterer neacutegativement avec les objectifs drsquoautres conventions environnementales comme la biodi-

versiteacute ou lrsquoozone Il devrait inscrire son activiteacute dans une approche holistique requeacuterant une coo-

peacuteration notamment avec les agences onusiennes la Banque mondiale et les principales conventions

environnementales (Boisson de Chazournes 2002-2003) Anne-Sophie Tabau tempegravere ces risques

en montrant ici que laquo la circulation du principe de la transparence met en eacutevidence une coheacuterence

mateacuterielle drsquoun ensemble de normes drsquoorigines et de nature varieacutees vis-agrave-vis drsquoun ensemble homo-

gegravene de destinataires et drsquoutilisateurs raquo47

c) Les leviers institutionnels

Favoriser la coopeacuteration que ce soit au niveau des COP ou des secreacutetariats est indispensable pour

assurer la deacutefragmentation Cette solution de bon sens se heurte toutefois agrave diffeacuterentes reacutesistances

Reacutesistances des organes conventionnels eux-mecircmes contre ce qui implique de contrer tous les feacuteo-

dalismes locaux qui se sont constitueacutes dans ce laquo royaume morceleacute raquo (Van Asselt Sindico Mehling

2008) Reacutesistance des Eacutetats qui craignent que les secreacutetariats nrsquoaillent trop loin et invoquent le prin-

cipe de speacutecialiteacute des organisations internationales pour bloquer toute coopeacuteration interconvention-

nelle dont ils risqueraient de perdre la maitrise Ainsi de lrsquoAustralie affirmant que laquo All cooperation

45 Le FEM est le meacutecanisme financier de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques La Convention sur la diversiteacute biologique de la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants de la Convention sur la deacutesertification de la reacute-cente Convention sur le mercure Enfin bien que nrsquoeacutetant pas lieacute formellement au Protocole de Montreacuteal sur lrsquoozone il en soutient aussi la mise en œuvre dans les eacuteconomies en transition Voir UNFCCC Guidance from the conference of the Parties and responses by the Global environment facility 20 Years 2014 46 G Futhazar laquo La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute Le cas de la CITES de la CDB et du Fond pour lrsquoEnvironnement Mondial raquo cet ouvrage infra p 9547 Cet ouvrage infra p 165

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

29

must respect the individual mandates and independent legal status of each convention raquo48

Malgreacute cela la coopeacuteration a tendance agrave se deacutevelopper Elle est mecircme parfois formaliseacutee que

ce soit au niveau des secreacutetariats par exemple par la conclusion drsquoun meacutemorandum drsquoaccord entre

deux secreacutetariats ou la creacuteation du Biodiversity liaison group ou des organes politiques comme la reacute-

union conjointe des COP sur les produits chimiquespolluants organiques persistantsmouvements

transfrontiegraveres de deacutechets (Conventions de Rotterdam Stockholm et Bacircle)49 les coopeacuterations entre

proceacutedures de non-respect agrave lrsquooccasion drsquoaffaires drsquointeacuterecirct commun (Scott 2011) ou encore le proces-

sus dit laquo de Kobeacute raquo Sophie Gambardella revient dans cet ouvrage sur ce dernier et montre combien

il est exemplaire Lanceacute volontairement par cinq organisations de pecircche dans le but drsquoameacuteliorer lrsquoef-

fectiviteacute de leurs politiques et activiteacutes le processus de Kobeacute a de fait permis une mise en commun

des expeacuteriences entrainant agrave la fois un renforcement et une harmonisation ou mise en coheacuterence

des meacutethodes et des normes de gestion En lrsquoespegravece la fragmentation institutionnelle dissimule laquo un

tissu organisationnel certes plus complexe mais peut-ecirctre plus riche en force de propositions et plus

creacuteatif pour une meilleure gestion des ressources biologiques raquo Le processus a faciliteacute la circulation

des acteurs (les reacuteseaux de scientifiques les associations de professionnelshellip) drsquoun forum agrave lrsquoautre Il

a eacuteteacute vecteur de dialogue et initiateur de projets communs Pour Sophie Gambardella laquo Le cloison-

nement institutionnel semble agrave travers le processus de Kobeacute srsquoeffriter au profit drsquoune permeacuteabiliteacute

des enceintes internationales permettant de se projeter vers une logique drsquoenrichissement mutuel

nourri par une circulation des acteurs et des normes de la gestion internationale des thonideacutes raquo50 Srsquoil

srsquoagit bien drsquoune coopeacuteration inteacutegreacutee crsquoest une coopeacuteration souple et non permanente qui prend

la forme de reacuteunions dont la reacutecurrence est fonction des besoins La coopeacuteration politique est bien

eacutevidemment plus productive que celle qui peut avoir lieu entre les secreacutetariats Cette derniegravere est in-

dispensable et ce constat pourrait conduire agrave proposer un regroupement ou laquo clustering raquo en creacuteant

par exemple un laquo atmospheric cluster raquo entre le secreacutetariat du climat et celui de lrsquoozone (Van Asselt

2007) lequel cluster pourrait agrave son tour renforcer ses liens avec le laquo biodiversity cluster raquo (Scott 2011)

Mais lrsquoexpeacuterience du Joint Liaison Group creacuteeacute en 2001 pour coordonner les actions des Parties aux

trois laquo Conventions de Rio raquo (climat biodiversiteacute deacutesertification) a montreacute les limites drsquoune coordi-

nation resteacutee formelle par manque de moyens et de volonteacute (Maes 2013) En 2009 le JLG notait que

laquo there remains a disconnect between the roles and mandates given to the JLG by each convention with this disconnect resulting in limitations when considering the implementation of the requested activities For example only activities that are mandated by all the governing bodies of each convention could be effectively implemented by the JLG raquo51 Ses travaux se heurtent aux reacutesistances des Eacutetats et aux op-

positions politiques agrave une deacutefragmentation des reacutegimes drsquoautant qursquoil nrsquoy a pas identiteacute de Parties

drsquoun reacutegime agrave lrsquoautre Par exemple les Eacutetats-Unis sont parties agrave la Convention climat mais pas agrave la

48 UNFCCC (SBSTA) Views on the paper on options for enhanced cooperation among the three Rio Conventions Submissions from Par-ties FCCCSBSTA2006MISC4 23 March 2016 p 3 (Submission from Australia)49 Compte-rendu des reacuteunions des Confeacuterences des Parties aux Conventions de Bacircle de Rotterdam et de Stockholm 4-15 mai 2015 Bulletin des neacutegociations de la Terre vol 15 ndeg230 1905201550 S Gambardella laquo Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs dans un contexte de gouvernance inter-nationale fragmenteacutee raquo cet ouvrage infra p 14751 Joint Liaison Group of the CBD the UNCCD and the UNFCCC Ninth meeting New York 14 May 2009 Report of the Meeting of the JLG of the CBD p 3

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

30

Convention sur la diversiteacute biologique ou au Protocole de Kyoto De fait le JLG nrsquoa eu qursquoun faible

impact sur les questions drsquointeacuterecirct commun agrave plusieurs reacutegimes (Scott 2011)

Conclusion

Agrave y regarder de plus pregraves la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement nrsquooffre pas lrsquoimage

drsquoune succession de reacutegimes fragmenteacutes et isoleacutes mais bien plutocirct celle de complexes de reacutegimes

avec de multiples centres de deacutecision indeacutependants mais en interactions reacuteguliegraveres que celles-ci

soient spontaneacutees ou construites informelles ou formaliseacutees et plus ou moins fortes et productives

La permeacuteabiliteacute de certains reacutegimes la capaciteacute circulatoire de certains acteurs favorisent lrsquoeacutemer-

gence de pratiques nouvelles et transforment la normativiteacute Lrsquoeacutetude de ces mouvements permet

drsquoidentifier un certain nombre de leviers de deacutefragmentation qui ne sont pas exclusifs les uns des

autres mais bien compleacutementaires Leur utilisation agrave dessein peut permettre drsquoameacuteliorer la gouver-

nance de cet ensemble complexe tirant parti de la souplesse de la flexibiliteacute et de la reacutesilience qui

le caracteacuterisent et minimisant les inconveacutenients drsquoune relative fragmentation La volonteacute politique

nrsquoest toutefois pas toujours au rendez-vous Pourtant lrsquoidentification des frontiegraveres planeacutetaires et

des liens qursquoelles entretiennent entre elles en font une question de survie de lrsquohumaniteacute (Biermann

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Partie 1 Circulation des finaliteacutes environnementales et sanitaires

au sein des complexes de reacutegime

chapitre 1Les dispositions environnementales

des accords commerciaux entre innovation et diffusion

Jean-Freacutedeacuteric Morin1 et Myriam Rochette2

Reacutesumeacute

Au cours des derniegraveres deacutecennies les interactions entre les enjeux commerciaux et environ-

nementaux nrsquoont cesseacute de croicirctre et de se densifier creacuteant un veacuteritable complexe institutionnel et

juridique Les accords commerciaux en particulier incluent un nombre croissant de dispositions

environnementales Loin de favoriser une uniformisation de ces accords cette multiplication a plu-

tocirct contribueacute au deacuteveloppement de diffeacuterentes approches Les Eacutetats-Unis et lrsquoUnion europeacuteenne

en particulier ont deacuteveloppeacute des approches tregraves diffeacuterentes dans leurs accords commerciaux Il est

neacuteanmoins possible drsquoobserver une certaine convergence entre les plus reacutecents accords ameacutericains

et europeacuteens Ce complexe de reacutegimes du commerce et de lrsquoenvironnement progresse ainsi dans

cette dynamique eacutevolutive entre lrsquoinnovation et la diffusion

Abstract

International trade agreements include an increasing number of environmental provisions They are however far from being homogeneous In particular numerous discrepancies can be observed between American and European agreements in the way they approach environmental protection Yet recent American and Europeans agreements seem to have been converging The trade and environment com-plex evolves at the edge of chaos or order driven by the twin forces of innovation and diffusion

1 Universiteacute Laval Queacutebec Canada2 Universiteacute Laval Queacutebec Canada

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

38

IntroductionLe reacutegime international du commerce a connu une eacutevolution non neacutegligeable dans les reacutecentes

anneacutees avec lrsquoinclusion drsquoun nombre toujours plus important drsquoenjeux non commerciaux Parallegravele-

ment agrave la hausse du nombre drsquoaccords commerciaux le nombre de dispositions environnementales

inteacutegreacutees agrave ceux-ci a connu une croissance exponentielle De nombreux accords comportent main-

tenant une section ou un chapitre entier sur la protection de lrsquoenvironnement

Les Eacutetats-Unis et lrsquoUnion europeacuteenne (UE)3 en particulier sont deux signataires drsquoun grand

nombre drsquoaccords commerciaux4 et incluent plusieurs dispositions lieacutees agrave lrsquoenvironnement dans

leurs accords respectifs Tous les deux sont de grands innovateurs en matiegravere de normes environne-

mentales Comme lrsquoindique le graphique 1 les Eacutetats-Unis sont de loin lrsquoEacutetat qui a eacutelaboreacute le plus

grand nombre de normes environnementales laquo innovantes raquo dans ses accords commerciaux crsquoest-agrave-

dire des normes qui ne se retrouvent dans aucun accord commercial anteacuterieur5 Par ailleurs le gra-

phique 1 illustre que lrsquoUE integravegre aussi dans ses accords un nombre eacuteleveacute drsquoinnovations normatives

en lien avec lrsquoenvironnement6 Alors que les Eacutetats-Unis ont deacuteveloppeacute plusieurs innovations norma-

tives relatives agrave la mise en œuvre et agrave la participation du public lrsquoUE a plutocirct innoveacute en en matiegravere

de coopeacuteration et de renforcement de capaciteacutes7

3 Aux fins de la preacutesente analyse nous consideacuterons lrsquoUE comme un acteur unique Ainsi nous avons seulement pris en compte les accords bilateacuteraux ougrave lrsquoUE est une partie agrave cet accord Ce faisant les accords intra-europeacuteens ayant pour seules parties les Eacutetats membres de lrsquoUE tel lrsquoaccord de Nice (Accord modifiant le traiteacute sur lrsquoUnion europeacuteenne les traiteacutes instituant les communauteacutes europeacuteennes et certains actes connexes) nrsquoont pas eacuteteacute pris en compte4 I Bastiaens et I Postnikov laquo Environmental provisions in EU and US Trade Agreements and Regulatory Change in the Developing World raquo 8th annual conference on the political economy of international organizations 2015 p 15 Nous entendons par innovations lrsquointroduction drsquoune disposition relativement speacutecifique qui apparaicirct pour la premiegravere fois dans un accord commercial international Les innovations sont des cateacutegories analytiques arbitrairement construites provenant drsquoun flux continu de leacutegegraveres modifications de normes existantes 6 I Bastiaens et I Postnikov supra note 2 agrave la p 27 Ibid agrave la p 4

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

39

Plusieurs normes environnementales initialement deacuteveloppeacutees par les Eacutetats-Unis et lrsquoUnion eu-

ropeacuteenne se retrouvent dans les accords signeacutes subseacutequemment par leurs partenaires commerciaux

Quelques dispositions caracteacuteristiques des accords ameacutericains sont mecircme inteacutegreacutees dans les accords

europeacuteens et vice-versa Ainsi bien que les Eacutetats-Unis et lrsquoUE aient des traditions normatives diffeacute-

rentes ils semblent converger vers un modegravele similaire

Ce chapitre traite de ces processus drsquoinnovation et de diffusion des normes environnementales

propres aux accords ameacutericains et europeacuteens Afin de reacutealiser cette recherche nous avons minu-

tieusement lu et codeacute 660 accords commerciaux bilateacuteraux et reacutegionaux conclus depuis 1947 Ceux-

ci incluent des accords de libre-eacutechange des accords drsquounions douaniegraveres et des accords sectoriel8

Nous avons identifieacute au sein de ces accords 310 cateacutegories de dispositions environnementales diffeacute-

rentes Pour assurer la fiabiliteacute de notre base de donneacutees intituleacutee TREND (TRade amp ENvironment

Database) chacun des 660 accord a eacuteteacute lu et analyseacute par deux codeurs de maniegravere indeacutependante et

leurs eacuteventuelles divergences ont eacuteteacute arbitreacutees par un troisiegraveme9

Ce chapitre est structureacute en trois parties La premiegravere fait eacutetat des dispositions caracteacuteristiques

des accords ameacutericains et souligne leurs diffeacuterences avec les accords europeacuteens La deuxiegraveme partie

traite de la diffusion chez les pays tiers des normes typiquement ameacutericaines et europeacuteennes La

troisiegraveme partie aborde finalement la convergence des normes environnementales dans les reacutecents

accords des Eacutetats-Unis et de lrsquoUE

1) Les innovations et les caracteacuteristiques des accords ameacutericains et europeacuteens

De prime abord les Eacutetats-Unis et lrsquoUE ont inteacutegreacute dans leurs accords commerciaux des normes

environnementales tregraves diffeacuterentes Comme lrsquoindique le graphique 2 un grand nombre de disposi-

tions environnementales se retrouvent seulement ou majoritairement dans des accords signeacutes par

lrsquoUE ou les Eacutetats-Unis Drsquoun cocircteacute lrsquoUE est la seule agrave avoir incorporeacute dans ses accords le principe

des responsabiliteacutes communes mais diffeacuterencieacutees lrsquoobligation de ratifier le Protocole de Kyoto et

des normes relatives agrave lrsquoutilisation drsquoindications geacuteographiques pour proteacuteger lrsquoenvironnement De

lrsquoautre les Eacutetats-Unis sont les seuls agrave inclure dans leurs accords une norme preacutevoyant la suspension

des avantages commerciaux lors de lrsquoeacutechec du paiement drsquoune compensation moneacutetaire en cas de

non-respect de la mise en œuvre drsquoune norme environnementale Ces nombreuses normes propres

agrave ces deux grands acteurs de la scegravene internationale deacutemontrent agrave la fois une certaine dissimilitude

entre les accords des Eacutetats-Unis et de lrsquoUE et lrsquoexistence de modegraveles laquo typiquement raquo ameacutericains ou

europeacuteens

8 Les lettres drsquoaccompagnements et les accords parallegraveles quant agrave eux ne furent inteacutegreacutes que srsquoils avaient eacuteteacute signeacutes agrave la mecircme date que lrsquoaccord principal Un grand nombre de ces accords furent emprunteacutes agrave la base de donneacutees Design of Trade Agreements (DESTA) database Duumlr A L Baccini et M Elsig laquo The design of international trade agreements Introducing a new dataset raquo The Review of International Orga-nizations vol 93 2014 p 353-3759 La grille de codage que nous avons deacuteveloppeacutee et utiliseacutee peut ecirctre teacuteleacutechargeacutee sur le site wwwtrendulavalca

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

40

La preacutesente partie porte sur ces divergences entre les normes environnementales propres aux

accords des Eacutetats-Unis et de lrsquoUE et les diffeacuterents objectifs initialement poursuivis par ceux-ci ayant

meneacute agrave ces diffeacuterences Il apparaicirct que les Eacutetats-Unis ont historiquement viseacute deux objectifs princi-

paux en incluant des normes environnementales dans leurs accords commerciaux reacuteduire le risque

de dumping environnemental de la part de leurs partenaires commerciaux et proteacuteger leur propre

souveraineteacute regraveglementaire En contrepartie lrsquoUE a plutocirct opteacute pour une approche coopeacuterative qui

vise une plus grande coheacuterence entre ses objectifs de commerce de protection de lrsquoenvironnement

et de deacuteveloppement notamment avec les anciennes colonies europeacuteennes et les candidats agrave lrsquoacces-

sion agrave lrsquoUE

11 Lrsquoapproche compeacutetitive ameacutericaine

Si les Eacutetats-Unis et lrsquoUE ont cultiveacute diffeacuterentes approches face agrave la protection environnementale

dans leurs accords commerciaux ce nrsquoest pas malgreacute ce que lrsquoon pourrait croire parce que lrsquoUE im-

pose des normes plus rigoureuses en matiegravere de protection environnementale En fait jusqursquoau deacute-

but des anneacutees 90 les Eacutetats-Unis eacutetaient encore consideacutereacutes comme des preacutecurseurs dans le domaine

de lrsquoenvironnement Agrave plusieurs eacutegards ils avaient des normes nationales plus strictes que celles

des autres pays incluant de la majoriteacute des pays europeacuteens10 Si les Eacutetats-Unis et lrsquoUE ont inteacutegreacute

diffeacuteremment la protection de lrsquoenvironnement agrave leurs agendas commerciaux respectifs crsquoest plutocirct

parce qursquoils visent des objectifs bien diffeacuterents

10 D Vogel The Politics of Precaution Regulating Health Safety and Environmental Risks in Europe and the United States Princeton Prince-ton University Press 2012 p2

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

41

Lrsquoobjectif premier des Eacutetats-Unis est de niveler les conditions de concurrence avec leurs parte-

naires commerciaux Les Eacutetats-Unis craignent en particulier que leurs standards environnementaux

eacuteleveacutes ne heurtent leurs exportations si leurs concurrents eacutetrangers ne sont pas sujets agrave des regravegle-

mentations eacutequivalentes aux leurs En drsquoautres mots ils appreacutehendent un sceacutenario ougrave leurs entre-

prises seraient victimes de dumping environnemental Ainsi le rehaussement des standards envi-

ronnementaux eacutetrangers constitue lrsquoun des objectifs cleacutes de la politique commerciale ameacutericaine

Cet objectif srsquoest manifesteacute pour la premiegravere fois dans lrsquoAccord de libre-eacutechange nord-ameacutericain

(ALENA) et dans son accord de coopeacuteration sur lrsquoenvironnement (ANACDE) conclu en 1992 Bien

que des accords ameacutericains anteacuterieurs inteacutegraient deacutejagrave quelques dispositions environnementales

notamment ceux signeacutes avec Israeumll en 1985 et le Canada en 1988 lrsquoALENA est reacuteellement venu chan-

ger la donne Cet accord constitue agrave ce jour celui comportant le plus drsquoinnovations environnemen-

tales parmi tous les accords eacutetudieacutes Il repreacutesente un gigantesque bond en avant dans lrsquointeacutegration

des questions environnementales agrave lrsquoagenda commercial11

La principale meacutethode utiliseacutee par les Eacutetats-Unis dans lrsquoALENA et lrsquoANACDE pour niveler les

conditions de concurrence fut drsquoemployer une approche juridique forte obligeant les parties agrave ap-

pliquer leurs propres lois et regraveglementations12 Les standards environnementaux mexicains nrsquoeacutetaient

pas neacutecessairement faibles mais le gouvernement ameacutericain les groupes environnementaux et les

syndicats craignaient que le Mexique ne les applique pas rigoureusement afin drsquoattirer des inves-

tisseurs eacutetrangers En indiquant que chaque Partie doit garantir une laquo application efficace de ses

lois et reacuteglementations environnementales raquo13 les Eacutetats-Unis ont voulu minimiser le risque drsquoune

telle situation Les accords ameacutericains qui suivirent lrsquoALENA ont utiliseacute la mecircme technique comme

le deacutemontre le graphique 3 Les accords avec le Peacuterou le Maroc la Jordanie et la Colombie par

exemple integravegrent tous plusieurs normes relatives agrave la mise en œuvre des lois et regraveglements natio-

naux Il est drsquoailleurs notable que la totaliteacute de ces normes soient apparues pour la premiegravere fois dans

un accord ameacutericain

11 R H Steinberg laquo Trade-Environment Negotiations in the EU NAFTA and WTO Regional Trajectories of Rule Development raquo Amer-ican Journal of International Law vol XCI(2) 1997 p 231-26712 Accord nord-ameacutericain de coopeacuteration dans le domaine de lrsquoenvironnement 14 septembre 1994 agrave lrsquoart 513 Ibid

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

42

LrsquoALENA et lrsquoANACDE eacutenoncent diffeacuterents moyens drsquoassurer lrsquoapplication des lois et regraveglemen-

tations environnementales Des actions gouvernementales comme la deacutesignation drsquoinspecteurs la

surveillance lrsquoenquecircte sur des infractions preacutesumeacutees et la promotion drsquoaudits environnementaux

sont des exemples drsquoactions proposeacutees pour assurer lrsquoapplication des lois environnementales14 Par

ailleurs lorsqursquoune Partie omet systeacutematiquement drsquoappliquer sa leacutegislation environnementale une

seacuterie de proceacutedures sont preacutevues dans lrsquoALEacuteNA pouvant eacuteventuellement mener agrave la creacuteation drsquoun

groupe speacutecial arbitral chargeacute drsquoexaminer la plainte15 Ce groupe speacutecial peut imposer une compen-

sation moneacutetaire16 et dans le cas de non-paiement de celle-ci une Partie peut mecircme utiliser des me-

sures de repreacutesailles comme la suspension drsquoavantages commerciaux17 Aujourdrsquohui encore seuls

les accords ameacutericains vont jusqursquoagrave preacutevoir la suspension drsquoavantages commerciaux pour deacutefaut

drsquoappliquer une mesure environnementale nationale

Une autre meacutethode employeacutee dans lrsquoALENA et lrsquoANACDE pour eacuteviter le dumping environnemental chez les partenaires commerciaux des Eacutetats-Unis est drsquoencourager les actions

des organisations non gouvernementales environnementales Plusieurs normes ont en effet eacuteteacute

incluses pour favoriser la participation de la socieacuteteacute civile Lrsquoune drsquoelles par exemple stipule qursquoune

personne priveacutee peut deacuteposer une demande drsquoenquecircte sur des alleacutegations drsquoinfractions aux lois et

14 Ibid 15 Ibid agrave lrsquoart 24 16 Ibid agrave lrsquoart 34 17 Ibid agrave lrsquoart 36

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

43

regraveglementations environnementales18 LrsquoANACDE preacutevoit eacutegalement la possibiliteacute pour les groupes

environnementaux drsquoenvoyer une communication au Secreacutetariat afin de deacutenoncer une Partie qui

nrsquoappliquerait efficacement sa leacutegislation environnementale19 Auquel cas si le Secreacutetariat considegravere

que la communication justifie la conduite drsquoune enquecircte il peut preacuteparer un dossier factuel sur le sujet20

Cette mesure creacutee ainsi un moyen de pression politique qui incite les Parties agrave lrsquoaccord agrave srsquoassurer de

lrsquoapplication de leurs lois environnementales nationales Ces normes donnant plus de pouvoir aux groupes

de la socieacuteteacute civile ressortent comme eacutetant typiquement ameacutericaines comme le montre le graphique 4

En plus drsquoeacuteviter le dumping environnemental les Eacutetats-Unis se sont donneacute lrsquoobjectif de proteacuteger

leur pouvoir regraveglementaire en matiegravere drsquoenvironnement Cet objectif deacutecoule du constat que plu-

sieurs mesures environnementales ameacutericaines furent contesteacutees sous le GATT Sur neuf diffeacuterends

engageacutes sous le GATTOMC en matiegravere drsquoenvironnement six ciblent les Eacutetats-Unis comme reacutepon-

dants21 En outre lors des neacutegociations de lrsquoALENA drsquoautres mesures environnementales ameacutericaines

eacutetaient critiqueacutees par certains de leurs partenaires commerciaux et risquaient drsquoecirctre contesteacutees sous

le GATT incluant des exigences de tests pour des produits chimiques22 Dans ce contexte il eacutetait

prioritaire pour les Eacutetats-Unis de tenter de se preacutemunir contre de futures deacutecisions qui pourraient

18 Ibid agrave lrsquoart 6 19 Accord nord-ameacutericain de coopeacuteration dans le domaine de lrsquoenvironnement supra note 10 agrave lrsquoart 14 20 Ibid agrave lrsquoart 15 21 Les affaires sont celles concernant lrsquointerdiction des importations de thons et de produits du thon en provenance du Canada les restric-tions agrave lrsquoimportation de thon les taxes sur les automobiles les normes concernant lrsquoessence nouvelle et ancienne formule et la prohibition agrave lrsquoimportation de certaines crevettes et de certains produits de crevettes 22 D Vogel supra note 8 agrave la p 6

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

44

leur ecirctre deacutefavorables

Agrave cette fin agrave la demande des neacutegociateurs ameacutericains lrsquoALENA incorpore plusieurs dispositions

proteacutegeant la souveraineteacute reacuteglementaire des Parties Lrsquoaccord indique speacutecifiquement que chaque

Partie a le droit drsquoeacutetablir le niveau de protection qursquoelle considegravere approprieacute23 De mecircme lrsquoarticle 104

preacutecise que des restrictions agrave lrsquoimportation peuvent ecirctre appliqueacutees pour respecter les accords mul-

tilateacuteraux sur lrsquoenvironnement que les Eacutetats-Unis ont deacutejagrave ratifieacutes24 Les obligations de la CITES du

Protocole de Montreacuteal et de la Convention de Bacircle en particulier doivent preacutevaloir en cas drsquoincom-

patibiliteacute avec des dispositions de lrsquoALENA Des accords ameacutericains reacutecents vont encore plus loin en

demandant aux Parties de choisir des panellistes ayant une expertise dans le domaine de lrsquoenviron-

nement en cas de diffeacuterend commercial lieacute agrave des mesures environnementales25

Toutes ces dispositions sont des innovations normatives ameacutericaines Apregraves lrsquoALENA elles ont

eacuteteacute reproduites dans la plupart des accords ameacutericains en utilisant souvent le mecircme libelleacute drsquoun ac-

cord agrave lrsquoautre Agrave ce jour la lutte au dumping environnemental et la preacuteservation de la souveraineteacute

reacuteglementaire ameacutericaine demeurent des objectifs cleacutes de la politique commerciale ameacutericaine

12 Lrsquoapproche coopeacuterative europeacuteenne

Au deacutebut des anneacutees 1990 le leadership mondial en matiegravere de regraveglementation environnemen-

tale srsquoest deacuteplaceacutee de lrsquoautre cocircteacute de lrsquoAtlantique26 Alors que les deacutecideurs politiques ameacutericains

ont alleacutegeacute leur regraveglementation lrsquoUE devenait plus encline agrave regraveglementer mecircme lorsque des risques

environnementaux nrsquoeacutetaient pas scientifiquement eacutetablis notamment gracircce au principe de preacutecau-

tion Ce faisant les accords commerciaux europeacuteens ont commenceacute agrave inteacutegrer davantage de normes

environnementales

Comme lrsquoindique le graphique 5 les normes environnementales de lrsquoUE sont disperseacutees agrave

travers diffeacuterents enjeux environnementaux Plutocirct que de formuler des normes geacuteneacuteriques qui

couvrent tous les enjeux environnementaux comme ont tendance agrave le faire les Eacutetats-Unis les accords

europeacuteens srsquoattaquent agrave des questions speacutecifiques comme les pecirccheries durables la deacuteforestation

lrsquoeacutenergie renouvelable la gestion des deacutesastres naturels la deacutesertification lrsquoadaptation aux change-

ments climatiques les deacutechets toxiques les gaz agrave effet de serre les perturbateurs endocriniens les

meacutetaux lourds et les organismes geacuteneacutetiquement modifieacutes Quelques-unes de ces dispositions sont

par ailleurs tregraves deacutetailleacutees et prescriptives

23 Accord de libre-eacutechange nord-ameacutericain 17 deacutecembre 1992 agrave lrsquoart 904 Voir aussi R H Steinberg supra note 9 agrave la p 245 24 Ibid agrave lrsquoart 104 25 Par exemple les accords entre les Eacutetats-Unis et le Peacuterou la Colombie et le Panama integravegrent ce type de norme 26 D Vogel supra note 8 agrave la p 4

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

45

En mecircme temps lrsquoUE nrsquoa pas adopteacute une approche uniforme et standardiseacutee pour tous ses par-

tenaires27 Au lieu de calquer des normes environnementales drsquoun accord agrave lrsquoautre lrsquoUE ajuste ses

accords en fonction du contexte politique eacuteconomique et environnemental de ses partenaires Par

conseacutequent certains accords europeacuteens incluent seulement un petit nombre de dispositions environ-

nementales tandis que drsquoautres en incluent un tregraves large eacuteventail Les pays avoisinants notamment

les candidats agrave lrsquoaccession agrave lrsquoUE ont typiquement eacuteteacute sujets agrave lrsquoadoption de plusieurs obligations

environnementales contraignantes28 Ceux-ci affectant plus directement lrsquoeacutecosystegraveme des membres

de lrsquoUE ils ont eacuteteacute ameneacutes agrave accepter un plus grand nombre de normes environnementales relatives

agrave la pollution atmospheacuterique transfrontiegravere et aux bassins fluviaux

Les accords de lrsquoUE avec ces pays preacuteparent en outre le terrain pour une plus grande coopeacuteration

Lrsquoaccord drsquoassociation avec la Bosnie-Herzeacutegovine par exemple indique que la coopeacuteration entre

les Parties doit avoir comme objectif de renforcer les structures administratives et les proceacutedures

pour assurer une planification strateacutegique des enjeux environnementaux et de la coordination

entre les diffeacuterents acteurs29 De plus les candidats agrave lrsquoaccession agrave lrsquoUE doivent deacutemontrer qursquoils

27 A Duumlr et L Lechner (eacutediteacute par J-F Morin T Novotna F Ponjaert and M Telograve) Business Interests and the Transatlantic Trade and Investment Partnership The Politics Transatlantic Trade Negotiations TTIP in a Globalized World London Ashgate 2015 p 6 28 S Jinnah et E Morgera laquo Environmental Provisions in American and EU Free Trade Agreements A Preliminary Comparison and Research Agenda raquo Review of European Community and International Environmental Law vol XXII(3) 2013 p 330 29 Accord de stabilisation et drsquoassociation entre les Communauteacutes europeacuteennes et leurs Eacutetats membres et la Bosnie-et-Herzeacutegovine 6 juin 2008 agrave lrsquoart 108

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

46

souscrivent aux valeurs europeacuteennes avant de pouvoir devenir membres incluant leur souci de

proteacuteger lrsquoenvironnement Ainsi quelques accords drsquoassociation incluent une disposition speacutecifiant

que le rapprochement de leurs lois aux normes europeacuteennes doit srsquoeacutetendre agrave la protection de

lrsquoenvironnement30 Il srsquoensuit que ces normes sur lrsquoharmonisation sont caracteacuteristiques des accords

europeacuteens comme le reacutevegravele le graphique 6

En contrepartie des accords neacutegocieacutes par lrsquoUE avec des pays plus eacuteloigneacutes preacutevoient des obli-

gations plus vagues et superficielles31 Par conseacutequent alors que les Eacutetats-Unis privileacutegient une

approche standardiseacutee les normes environnementales europeacuteennes varient significativement drsquoun

accord agrave lrsquoautre Selon notre grille drsquoanalyse la distance moyenne des accords ameacutericains affiche un

indice de Jaccard de 054 cette distance est eacutetendue agrave 082 pour les accords europeacuteens32

Mais dans tous les cas les accords europeacuteens mettent lrsquoaccent sur la coopeacuteration politique plu-

tocirct que la contrainte juridique Plusieurs accords de lrsquoUE integravegrent des normes geacuteneacuterales visant la

promotion drsquoun dialogue mais peu eacutetablissent des institutions intergouvernementales responsables

du suivi de lrsquoeacutevaluation et du regraveglement des diffeacuterends environnementaux LrsquoUE a ainsi la particu-

lariteacute drsquoinscrire ses normes environnementales dans une approche plus coopeacuterative que coercitive

30 Accord de libre-eacutechange entre les Communauteacutes europeacuteennes et leurs Eacutetats membres et la Reacutepublique de lrsquoHongrie 16 deacutecembre 1991 agrave lrsquoart 68 31 S Jinnah et E Morgera supra note 26 agrave la p 334 32 Lrsquoindice de Jaccard permet de comparer la similariteacute et la diversiteacute des accords ougrave un indice de 1 indique une grande diversiteacute entre les accords tandis qursquoun indice de 0 indique une complegravete similariteacute entre les accords

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

47

Cette distinction entre lrsquoapproche europeacuteenne et ameacutericaine srsquoexplique notamment par la rela-

tion diffeacuterente qursquoentretient lrsquoUE avec ses partenaires commerciaux Dans plusieurs cas lrsquoUE ne les

perccediloit pas comme des compeacutetiteurs avec qui des regravegles de concurrence doivent ecirctre eacutetablies mais

plutocirct comme des pays en deacuteveloppement voire drsquoanciennes colonies qui requiegraverent de lrsquoassistance

afin de mettre en place un niveau de protection environnementale efficace Tel qursquoindiqueacute dans le

graphique 7 un grand nombre drsquoaccords de lrsquoUE integravegre des dispositions relatives agrave lrsquoassistance

dans leurs accords Degraves 1999 lrsquoUE incluait dans son accord avec lrsquoAfrique du Sud des dispositions deacute-

tailleacutees speacutecifiant les actions qursquoelle devait entreprendre afin de renforcer les standards environne-

mentaux sud-africains Un article parmi drsquoautres par exemple stipule que la coopeacuteration doit viser

lrsquoameacutelioration des indicateurs de performances eacutenergeacutetiques en terme techniques eacuteconomiques et

financiers en particulier dans les secteurs de lrsquoeacutelectriciteacute et des combustibles liquides33 En compa-

raison lrsquoALENA inclut uniquement une vague disposition sur la formation des ressources humaines

et sur le deacuteveloppement dans le champ de lrsquoenvironnement34 Les accords ameacutericains plus reacutecents

incluent davantage de dispositions sur le renforcement des capaciteacutes mais elles sont loin drsquoecirctre aussi

preacutecises que celles se retrouvant dans les accords europeacuteens

33 Accord de commerce de deacuteveloppement et de coopeacuteration entre la Communauteacute europeacuteenne et lrsquoAfrique du Sud 4 deacutecembre 1999 agrave lrsquoart 57(2)(c) 34 Accord nord-ameacutericain de coopeacuteration dans le domaine de lrsquoenvironnement supra note 10 agrave lrsquoart 10

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

48

Ainsi la raison pour laquelle lrsquoUE a inseacutereacute des normes environnementales dans ses accords

nrsquoeacutetait pas la crainte drsquoun dumping environnemental mais plutocirct un deacutesir drsquoacceacuteder agrave un niveau de

coheacuterence plus eacuteleveacute entre ses objectifs de commerce de deacuteveloppement et de protection de lrsquoen-

vironnement Eacutetant donneacute la complexiteacute et les diffeacuterents niveaux de la construction europeacuteenne la

coheacuterence des politiques est depuis longtemps un enjeu drsquoimportance pour lrsquoUE35 De plus depuis le

traiteacute drsquoAmsterdam de 1997 le deacuteveloppement durable est formellement reconnu comme un objectif

fondamental de lrsquoUE et la protection environnementale se doit drsquoecirctre inteacutegreacutee dans toutes ses poli-

tiques et activiteacutes Ce faisant plusieurs accords commerciaux de lrsquoUE ne poursuivent pas uniquement

des objectifs commerciaux environnementaux et de deacuteveloppement mais recherchent plutocirct une

coheacuterence entre les politiques environnementales et des secteurs eacuteconomiques speacutecifiques comme

lrsquoagriculture lrsquoeacutenergie lrsquoexploitation miniegravere et le tourisme Cette preacuteoccupation pour la coheacuterence

entre les politiques environnementales et eacuteconomiques peut ecirctre observeacutee dans le graphique 8

Mis agrave part lrsquointeacuterecirct intrinsegraveque agrave lrsquoidentification de normes caracteacuteristiques aux accords des

Eacutetats-Unis et de lrsquoUE il convient de souligner que plusieurs normes ont eacuteteacute reprises par des pays

tiers Cette diffusion meacuterite une attention particuliegravere alors qursquoelle ne srsquoeffectue pas neacutecessairement

de la mecircme maniegravere pour les normes ameacutericaines et europeacuteennes La prochaine partie se penche

preacuteciseacutement sur cette question

35 J-F Morin et A Orsini laquo Policy Coherency and Regime Complexes The Case of Genetic Resources raquo Review of International Studies vol XL(2) 2014 p 319

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

49

2) La diffusion des normes ameacutericaines et europeacuteennes

Eacutevidemment rien nrsquoempecircche une norme introduite par un Eacutetat dans un accord commercial

drsquoecirctre reprise ensuite dans les accords de son partenaire avec des tiers Cette transmission peut

creacuteer une reacuteaction en chaicircne dans laquelle ces nouveaux accords favorisent agrave leur tour la diffusion

de cette norme agrave drsquoautres Eacutetats et ce jusqursquoagrave ce que tous les principaux joueurs du systegraveme com-

mercial lrsquoaient inteacutegreacutee36 Ce processus de diffusion signifie que les deacutecisions drsquoun Eacutetat ne deacutependent

pas seulement de facteurs nationaux et des pressions internationales mais eacutegalement de deacutecisions

prises anteacuterieurement par drsquoautres Eacutetats37 Cette situation srsquoest notamment produite en ce qui a trait

aux normes environnementales europeacuteennes et ameacutericaines certaines cateacutegories de dispositions

caracteacuteristiques des accords ameacutericains et europeacuteens ont circuleacute et ont eacuteteacute inteacutegreacutees dans les accords

de leurs pays partenaires puis dans ceux de pays tiers

21 Diffusion des normes ameacutericaines

Les Eacutetats-Unis consideacutereacutes comme des preacutecurseurs en matiegravere drsquointeacutegration de normes environ-

nementales dans des accords commerciaux internationaux ont vu plusieurs de leurs normes carac-

teacuteristiques reprises Des normes sur la lutte contre le dumping environnemental la participation

du public et la protection de la souveraineteacute reacuteglementaire ont eacuteteacute calqueacutees par plusieurs de leurs

partenaires

Plusieurs normes ameacutericaines relatives agrave lrsquoapplication du droit environnemental national ont

circuleacute agrave travers des accords conclus par les partenaires des Eacutetats-Unis Comme le montre le gra-phique 3 plusieurs accords de pays ayant preacuteceacutedemment signeacute un accord avec les Eacutetats-Unis re-

prennent ces normes souvent en utilisant le mecircme libelleacute que celui formuleacute par les neacutegociateurs

ameacutericains Par exemple le Mexique a incorporeacute lrsquoobligation de mettre en œuvre ses reacuteglementa-

tions environnementales nationales innovation de lrsquoALENA dans ses propres accords notamment

ceux avec la Bolivie et le Chili38 Des dispositions concernant lrsquoaccegraves priveacute aux garanties proceacutedu-

rales et aux sanctions approprieacutees preacutesentes dans la majoriteacute des accords ameacutericains ont eacutegalement

eacuteteacute reprises par la Colombie dans son accord avec la Coreacutee39

36 F Gilardi (eacutediteacute par W Carlsnaes T Risse et B Simmons) Transnational diffusion Norms ideas and policies Handbook of International Relations Thousand Oaks SAGE Publications 2012 p 3 37 F Gilardi supra note 34 agrave la p 13 38 Accord de libre-eacutechange commercial entre le Mexique et la Reacutepublique de Bolivie 10 septembre 1994 agrave lrsquoart 15-14 laquo [hellip] ninguna Parte deberaacute eliminar o comprometerse a eximir de la aplicacioacuten de esas medidas [aplicables al ambiente] Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre le Mexique et le Chili 17 avril 1998 agrave lrsquoart 9-15 39 Accord de libre-eacutechange entre le Canada et le Chili 5 deacutecembre 1996 agrave lrsquoart 5(2) laquo Each Party shall ensure that judicial quasi-judicial or administrative enforcement proceedings are available under its law to sanction or remedy violations of its environmental laws and regula-tions raquo Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre la Colombie et la Coreacutee 21 feacutevrier 2013 agrave lrsquoart 169 Voir aussi lrsquoaccord sur lrsquoenvironnement entre le Canada et la Colombie 21 novembre 2008 agrave lrsquoart 3

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

50

Les dispositions relatives agrave la participation du public innoveacutees en grande partie par les Eacutetats-

Unis se sont eacutegalement diffuseacutees agrave travers les accords de leurs partenaires tel que lrsquoillustre le gra-phique 4 Par exemple la reconnaissance de la participation du public dans lrsquoadoption de mesures

environnementales a eacuteteacute reprise dans les accords du Chili du Guatemala et de la Colombie40 La pos-

sibiliteacute pour un citoyen drsquoeacutemettre un commentaire en cas de violation drsquoune mesure environnemen-

tale se retrouve freacutequemment agrave lrsquointeacuterieur drsquoaccords du Peacuterou et du Canada41 Les dispositions rela-

tives agrave lrsquoeacutetablissement drsquoun contact direct entre des acteurs non eacutetatiques de chaque Partie ont aussi

eacuteteacute reprises par le Chili dans ses accords avec la Chine et Hong Kong42 En somme les normes rela-

tives agrave la participation du public ont eacuteteacute inteacutegreacutees par une multipliciteacute de partenaires des Eacutetats-Unis

Les normes concernant la protection drsquoun pouvoir regraveglementaire ont eacutegalement circuleacute au sein

des accords impliquant des partenaires ameacutericains Des normes relatives agrave la liberteacute des Eacutetats de

deacuteterminer le niveau de protection de lrsquoenvironnement en fonction de leurs prioriteacutes sont mainte-

nant incorporeacutees dans un grand nombre drsquoaccords de pays ayant preacutealablement signeacute des accords

avec les Eacutetats-Unis Une telle disposition se retrouve par exemple dans lrsquoaccord signeacute par le Peacuterou

avec le Venezuela apregraves lrsquoaccord du premier avec les Eacutetats-Unis43 Aussi une norme garantissant la

souveraineteacute des Eacutetats dans la mise en œuvre des mesures environnementales se retrouve dans les

accords signeacutes entre le Canada et la Colombie le Panama et le Canada le Chili et Hong Kong tous

des accords signeacutes apregraves un accord drsquoune des parties avec les Eacutetats-Unis qui comprenait cette mecircme

norme44

Par contre les normes relatives aux meacutecanismes de regraveglement des diffeacuterends caracteacuteristiques

des accords ameacutericains se sont peu diffuseacutees Celles concernant la suspension des avantages appa-

rues initialement dans lrsquoALENA se retrouvent uniquement dans des accords ameacutericains De mecircme

les normes relatives agrave la compensation moneacutetaire en cas de violation drsquoune mesure environne-

mentale se sont tregraves peu diffuseacutees et se retrouvent seulement dans des accords signeacutes par les Eacutetats-

Unis ou le Canada Les normes faisant reacutefeacuterence agrave la nomination drsquoexperts environnementaux se

retrouvent aussi majoritairement dans des accords ameacutericains et canadiens Ainsi peu de normes

environnementales lieacutees aux meacutecanismes de regraveglements de diffeacuterends se sont diffuseacutees dans le sys-

tegraveme commercial LrsquoUE par exemple srsquoappuie principalement sur un meacutecanisme de dialogue ougrave les

gouvernements et les acteurs de la socieacuteteacute civile de lrsquoUE et ses partenaires se rencontrent sur une

base reacuteguliegravere pour reacutesoudre leurs eacuteventuels deacutesaccords45 Le modegravele ameacutericain de regraveglement des

diffeacuterends ne semble pas correspondre aux pratiques ou aux aspirations des autres pays

40 Ibid agrave lrsquoart L-02(2)(b) laquo Provide interested persons and the other Party a reasonable opportunity to comment on such proposed mea-sures raquo Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre le Chili et la Colombie 27 novembre 2006 agrave lrsquoart 182(6) 41 Accord sur lrsquoenvironnement entre le Canada et la Reacutepublique du Peacuterou 29 mai 2008 agrave lrsquoart 3(2) 42 Accord de libre-eacutechange entre la Chine et le Chili 18 novembre 2005 agrave lrsquoart 4 du Meacutemorandum de coopeacuteration environnementale laquo [hellip] establezcan y desarrollen contactes entre ellas en el campo de la proteccioacuten ambiental y el desarrollo sostenible raquo Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre Hong Kong le Chili et la Chine 7 septembre 2012 agrave lrsquoart 143(2) 43 Accord de libre-eacutechange entre le Peacuterou et le Venezuela 7 janvier 2012 agrave lrsquoart 3(2) de lrsquoAnnexe III laquo Cada Parte podraacute fiar el nivel de proteccioacuten que considere apropiado [hellip] raquo 44 Accord de libre-eacutechange entre le Canada et la Colombie supra note 33 agrave lrsquoart 2(3) laquo [hellip] a Party has not failed to effectively enforce its environmental law in a particular case where the action or inaction in question by agencies or officials of that Party [hellip] raquo Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre le Canada et le Panama 14 mai 2010 agrave lrsquoart 1(2) Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre le Chili Hong Kong et la Chine supra note 36 agrave lrsquoart 142(3)45 I Bastiaens et I Postnikov supra note 2 agrave la p 5

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

51

22 Diffusion des normes europeacuteennes

Agrave lrsquoimage des normes ameacutericaines les normes typiquement europeacuteennes se diffusent

eacutegalement Des dispositions traitant drsquoenjeux environnementaux speacutecifiques drsquoassistance

technique et de coheacuterence circulent dans le systegraveme commercial et se retrouvent dans des

accords de pays ayant preacuteceacutedemment signeacute un accord avec lrsquoUE En mecircme temps toutes les

normes europeacuteennes ne connaissent pas une diffusion eacutequivalente comme celles ameacutericaines

Un grand nombre drsquoEacutetats se sont tout drsquoabord inspireacutes du modegravele europeacuteen en incorporant dans

leurs accords des normes portant sur des enjeux speacutecifiques environnementaux comme lrsquoindique le

graphique 5 Par exemple les normes relatives agrave la gestion des riviegraveres des bassins et des lacs trans-

frontiegraveres se retrouvaient au deacutepart majoritairement dans des accords europeacuteens mais sont main-

tenant inteacutegreacutees dans plusieurs autres accords46 Des normes relatives aux deacutechets domestiques

principalement preacutesentes et innoveacutees par des accords europeacuteens ont pareillement circuleacute47 En re-

vanche ce pheacutenomegravene ne srsquoeacutetend pas agrave tous les enjeux speacutecifiques environnementaux Par exemple

les normes relatives aux aliments organiques ou agrave la seacutecuriteacute nucleacuteaire se retrouvent toujours majo-

ritairement dans les accords signeacutes par lrsquoUE et peu dans ceux de ses pays partenaires

Ensuite les normes relatives agrave lrsquoassistance ont eacutegalement circuleacute agrave travers les accords de pays

partenaires de lrsquoUE comme le montre le graphique 7 Bien que la majoriteacute des dispositions relatives

agrave lrsquoassistance sont inteacutegreacutees dans des accords dont lrsquoUnion europeacuteenne est Partie certaines font

maintenant partie de la pratique drsquoautres pays Par exemple le Chili suite agrave son accord avec lrsquoUE a

inteacutegreacute des normes preacutevoyant le renforcement des capaciteacutes eacutetatiques et le transfert de technologie

environnementale dans ses accords avec la Turquie et la Malaisie48 Le Chili a eacutegalement repris les

normes europeacuteennes concernant lrsquoassistance technique la formation et le renforcement des capaci-

teacutes des acteurs non eacutetatiques dans son accord avec les Eacutetats-Unis49

Les normes europeacuteennes relatives agrave la coheacuterence des politiques se sont eacutegalement diffuseacutees

comme lrsquoindique le graphique 8 Par exemple la recherche de coheacuterence entre les politiques tou-

ristiques et lrsquoenvironnement est un objectif qui existait agrave lrsquoorigine que dans les accords europeacuteens et

qui se retrouvent maintenant dans drsquoautres accords50 La recherche drsquoune coheacuterence entre les poli-

tiques drsquoexploitation miniegravere et de protection environnementale a aussi eacuteteacute reprise dans des accords

46 Accord de libre-eacutechange entre la Colombie et le Panama 20 septembre 2013 agrave lrsquoart 96(3)(k) laquo En el Plan de Accioacuten Conjunto de coo-peracioacuten las Partes realizaran inter alia las siguientes actividades que se acuerden mutuamente [hellip] ejecutar proyectos bilaterales en gestioacuten integrada de cuencas hidrograacuteficas compartidas o transfronterizas raquo 47 Accord de libre-eacutechange entre Israeumll et le Mexique 10 avril 2000 agrave lrsquoannexe 2-02(1) laquo Restrictions on imports of waste and scrap of plastic rubber paper metal and glass that are maintained for ecological purposes raquo 48 Accord de libre-eacutechange entre le Chili et la Malaisie 18 avril 2012 agrave lrsquoart 95(3) laquo [hellip] through developing and endorsing mutually agreed special programmes and projects dealing inter alia with the transfer of knowledge and technology raquo Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre le Chili et la Turquie 14 juillet 2009 agrave lrsquoart 37(8) 49 Accord de libre-eacutechange entre les Eacutetats-Unis et le Chili 6 juin 2003 agrave lrsquoannexe 193 50 Accord de libre-eacutechange entre le Costa Rica Panama et EFTA 24 juin 2013 agrave lrsquoart 97(2) laquo The Parties shall endeavour to facilitate and promote the development of practices and programmes aiming at fostering appropriate economic returns from the conservation and sustain-able use of the environment such as ecotourism raquo

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

52

de partenaires tout comme les normes voulant srsquoassurer de la coheacuterence des politiques agricoles et

environnementales51

Malgreacute la grande diffusion du modegravele europeacuteen dans le systegraveme commercial certaines normes

europeacuteennes nrsquoont pas connu une diffusion aussi large que drsquoautres Crsquoest le cas des dispositions

climatiques proposeacutees dans un grand nombre drsquoaccords europeacuteens LrsquoUE est sans aucun doute le

principal instigateur de lrsquointeacutegration des questions climatiques aux neacutegociations commerciales Pour

autant plusieurs partenaires europeacuteens apregraves les avoir accepteacutees dans leurs accords avec lrsquoUE ne

srsquoempressent pas de les imiter dans leurs accords subseacutequents LrsquoUE peine donc agrave jouer un reacuteel rocircle

de meneur sur les questions climatiques puisque ces normes demeurent encore limiteacutees aux accords

dont elle est partie En drsquoautres mots lrsquoUE parvient difficilement agrave exporter ses normes en matiegravere de

changements climatiques soit lrsquoun des enjeux speacutecifiques auquel lrsquoUE srsquointeacuteresse le plus au-delagrave de

ses partenaires immeacutediats De cette maniegravere la question climatique est encore largement sous-deacuteve-

loppeacutee par rapport agrave drsquoautres enjeux environnementaux dans le reacutegime international du commerce

comme la protection des forecircts et la preacuteservation des espegraveces menaceacutees

La diffusion des approches ameacutericaines et europeacuteennes aux accords de leurs pays partenaires

semble avoir finalement eu pour effet de modifier le contenu de leurs propres accords Certaines

normes caracteacuteristiques des accords ameacutericains semblent tout particuliegraverement faire maintenant

partie des accords europeacuteens et vice-versa La prochaine section aborde cette possible convergence

agrave lrsquoaube drsquoune nouvelle geacuteneacuteration de grands partenariats reacutegionaux

3) La convergence des accords ameacutericains et europeacuteens

Bien que lrsquoUE ait succeacutedeacute aux Eacutetats-Unis en tant que meneur en matiegravere de regraveglementation envi-

ronnementale les Eacutetats-Unis nrsquoont pas abaisseacute leur approche environnementale lors de leurs reacutecentes

neacutegociations commerciales Les accords commerciaux ameacutericains peuvent encore ecirctre consideacutereacutes

comme eacutetant parmi les plus stricts en matiegravere drsquoenvironnement Les diffeacuterences qui subsistent entre

lrsquoEurope et les Eacutetats-Unis srsquoestompent neacuteanmoins alors qursquoils semblent mutuellement srsquoinspirer

Crsquoest ce que reacutevegravele le graphique 9 eacutelaboreacute agrave partir de mesures de distance de Jaccard Alors

que les premiers accords commerciaux europeacuteens affichent une forte diffeacuterence avec les accords

ameacutericains illustreacutee par une teinte jaune clair les normes environnementales des accords europeacuteens

signeacutes depuis 2008 sont similaires aux accords commerciaux ameacutericains signeacutes depuis 2003 comme

en teacutemoigne lrsquoindicateur de distance plus eacuteleveacute associeacute agrave une coloration rouge fonceacute

51 Accord de libre-eacutechange entre les Eacutetats-Unis et le Chili supra note 47 agrave lrsquoannexe 193(1)(b) laquo The United States will assists Chile in reducing contamination and pollution resulting from past mining practices by working with Chile to identify sources of pollution and explore cost-effective remediation methods raquo

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

53

31 Lrsquoeuropeacuteanisation des accords ameacutericains

Les Eacutetats-Unis ont reacutecemment adopteacute des accords inteacutegrant des normes typiques europeacuteennes

teacutemoignant drsquoune certaine convergence entre leurs dispositions environnementales Avant 2006 la

majoriteacute des accords ameacutericains incluaient peu de dispositions environnementales deacutetailleacutees sur des

enjeux speacutecifiques Cela changea toutefois en 2007 apregraves que les Deacutemocrates gagnegraverent le controcircle

du Seacutenat et de la Chambre des repreacutesentants Face agrave ce nouveau paysage politique lrsquoadministration

reacutepublicaine accepta de reacuteviser sa politique commerciale afin de renforcer la protection de lrsquoenviron-

nement dans ses accords commerciaux Les accords en attente drsquoecirctre ratifieacutes par le Congregraves furent

alors les premiers agrave ecirctre reacuteviseacutes en deacutebutant par lrsquoaccord avec le Peacuterou Cet accord integravegre des dis-

positions environnementales que le gouvernement ameacutericain qualifiait agrave lrsquoeacutepoque de reacutevolution-

naires52

En particulier lrsquoaccord Eacutetats-Unis-Peacuterou et les accords ratifieacutes par la suite requiegraverent la mise en

œuvre drsquoune seacuterie drsquoaccords multilateacuteraux sur lrsquoenvironnement De plus cette obligation est assu-

jettie aux mecircmes proceacutedures de regraveglement des diffeacuterends que les dispositions environnementales

Ce faisant les Eacutetats-Unis eacutetendent lrsquoaspect coercitif des regraveglements commerciaux aux accords envi-

ronnementaux des accords mieux connus pour leur gestion relativement souple de lors non-respect

52 Ustr laquo TPP in the Wild Fighting Illegal Trade raquo 2015 p 49

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

54

Cette mesure ne vise pas uniquement agrave niveler la concurrence avec les partenaires commerciaux

des Eacutetats-Unis mais plutocirct agrave assurer une mise en œuvre adeacutequate des accords multilateacuteraux qui re-

flegravetent les valeurs ameacutericaines Lrsquoincorporation du moratoire sur la chasse agrave la baleine par exemple

ne vise pas agrave assurer une concurrence loyale au sein de lrsquoindustrie baleiniegravere mais bien pour faire la

promotion drsquoune norme sociale en faveur de la protection des mammifegraveres marins qui est profon-

deacutement ancreacutee dans la socieacuteteacute ameacutericaine depuis 1970 Comme Jinnah et Morgera lrsquoont observeacute le

lien entre les accords commerciaux bilateacuteraux et les accords multilateacuteraux sur lrsquoenvironnement est

maintenant utiliseacute par le gouvernement ameacutericain pour apaiser les revendications des groupes en-

vironnementaux nationaux53 Cela suggegravere que les Eacutetats-Unis ont utiliseacute leurs accords commerciaux

pour promouvoir leurs normes environnementales et leurs valeurs comme le faisait deacutejagrave lrsquoUE

Lrsquoaccord Eacutetats-Unis-Peacuterou est eacutegalement le premier accord agrave inclure une annexe de huit pages

sur la gouvernance des forecircts qui a pour objectif de combattre lrsquoexploitation forestiegravere illeacutegale et le

commerce illeacutegal de la faune Cette annexe inclut des normes varieacutees speacutecifiques et prescriptives

incluant des peacutenaliteacutes des sanctions criminelles des inventaires des quotas des chaines de traccedilabiliteacute

et audit de producteurs54 Le reacutecent Partenariat Trans-Pacifique (TPP) inclut eacutegalement plusieurs autres

dispositions sur des enjeux environnementaux speacutecifiques dont des articles deacutetailleacutes sur les pecirccheries

la protection de la couche drsquoozone et la protection de lrsquoenvironnement marin contre la pollution

des navires Comme lrsquoindique le graphique 5 les Eacutetats-Unis suivent ainsi lrsquoapproche europeacuteenne

qui consiste agrave aborder des enjeux environnementaux speacutecifiques dans leurs accords commerciaux

Aucun accord ameacutericain ne requiert la mise en œuvre de la Convention sur la diversiteacute biolo-

gique Neacuteanmoins lrsquoaccord avec le Peacuterou inclut un article deacutedieacute agrave la diversiteacute biologique qui a pris

plusieurs analystes par surprise En vertu de cet accord les parties reconnaissent lrsquoimportance de la

preacuteservation des savoirs traditionnels des communauteacutes autochtones55 Dans un accord parallegravele les

Parties reconnaissent eacutegalement lrsquoimportance de lrsquoobtention du consentement eacuteclaireacute avant drsquoavoir

accegraves aux ressources geacuteneacutetiques et du partage de beacuteneacutefices provenant de lrsquoutilisation des ressources

geacuteneacutetiques en insistant sur la qualiteacute des brevets Consideacuterant que les Eacutetats-Unis ont toujours refu-

seacute de ratifier la Convention sur la diversiteacute biologique lrsquoinclusion de tels principes dans le contexte

drsquoun accord commercial est tregraves significative LrsquoUE quant agrave elle a depuis longtemps encourageacute le

principe du partage des beacuteneacutefices avec les fournisseurs des ressources geacuteneacutetiques et les deacutetenteurs

des savoirs traditionnels56 Cela indique une fois de plus une certaine convergence des accords ameacute-

ricains et europeacuteens

Les Eacutetats-Unis incluent aussi dans leurs accords reacutecents plusieurs dispositions relatives au ren-

forcement des capaciteacutes que ce soit dans un chapitre deacutevoueacute agrave lrsquoenvironnement dans un accord

parallegravele dans un accord de coopeacuteration ou dans une annexe Bien que certains accords ameacutericains

53 S Jinnah et E Morgera supra note 26 agrave la p 337

54 Ibid agrave la p 300 Voir aussi S Jinnah et J Kennedy laquo A New Era of Trade-Environment Politics Learning from US Leadership and its Consequences Abroad raquo Whitehead Journal of Diplomacy and International Relations vol XII(1) 2011 p 95-109

55 Accord de libre-eacutechange entre le Peacuterou et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique 12 avril 2006 agrave lrsquoart 1811(3)

56 Accord de libre-eacutechange entre lrsquoUnion europeacuteenne et la Coreacutee 6 octobre 2010 agrave lrsquoart 1040 Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre lrsquoUnion europeacuteenne et lrsquoUkraine 21 mars 2014 agrave lrsquoart 229 Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre lrsquoUnion europeacuteenne et le CARIFORUM 15 octobre 2008 agrave lrsquoart 150

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

55

plus anciens incluaient deacutejagrave des dispositions sur le renforcement des capaciteacutes aucune nrsquoeacutetait aus-

si preacutecise et deacutetailleacutee sur lrsquoassistance technique sur le transfert des technologies et sur lrsquoassistance

financiegravere que ne le sont les reacutecents accords Ainsi la mise en œuvre des obligations de renforce-

ment des capaciteacutes preacutevues par les accords ameacutericains avec lrsquoOman le Maroc le Chili et le Peacuterou

ont meneacute agrave eux seuls agrave la formation de plus de 8 200 personnes dans la gestion des ressources natu-

relles et la conservation de la biodiversiteacute agrave lrsquoadoption de plus de 700 mesures environnementales

agrave lrsquoorganisation de campagnes de sensibilisation du public atteignant plus de 11 000 000 personnes

et agrave lrsquoameacutelioration de la gestion des ressources naturelles drsquoune zone cumuleacutee de plus de 30 millions

drsquohectares57

Puisque la Coreacutee nrsquoest plus consideacutereacutee comme un pays en deacuteveloppement le reacutecent accord entre

celle-ci et les Eacutetats-Unis ne preacutevoit pas drsquoobligations sur le renforcement des capaciteacutes et le transfert

des technologies Neacuteanmoins il est lrsquoun des premiers traiteacutes ameacutericains agrave inclure une disposition sur

lrsquoharmonisation des reacuteglementations environnementales nationales Les deux parties se sont plus

preacuteciseacutement engageacutes agrave harmoniser leurs standards de performance environnementale des veacutehicules

motoriseacutes par la coopeacuteration bilateacuterale au sein du World Forum for Harmonization of Vehicle Regu-lations of the United Nations Economic Commission for Europe58 Ce type de mesure relative agrave lrsquohar-

monisation des normes nationales eacutetait jusqursquoalors une caracteacuteristique des accords europeacuteens qui

nrsquoeacutetait pas partageacutee par les accords ameacutericains

Ces dispositions environnementales inseacutereacutees dans les accords commerciaux ameacutericains depuis

2006 indiquent que les Eacutetats-Unis ne cherchent plus seulement agrave lutter contre le dumping environ-

nemental et preacuteserver leur souveraineteacute reacuteglementaire Bien que ces objectifs demeurent cruciaux

les Eacutetats-Unis cherchent maintenant aussi agrave atteindre une plus grande coheacuterence entre le commerce

lrsquoenvironnement et les objectifs de deacuteveloppement durable agrave lrsquoimage des accords europeacuteens

32 Lrsquoameacutericanisation des accords europeacuteens

Agrave lrsquoinstar des accords ameacutericains qui couvrent un eacuteventail de normes plus eacutetendu qursquoaupara-

vant les reacutecents accords europeacuteens gagnent en profondeur avec des regravegles de mise en œuvre plus

strictes En effet lrsquoUE a adopteacute une approche plus ameacutericaine lors de ses neacutegociations commerciales

depuis lrsquoadoption de la Strateacutegie globale de lrsquoEurope en 200659 Avant cela la plupart des accords

bilateacuteraux eacutetaient neacutegocieacutes dans le cadre de sa politique de voisinage ou avec des objectifs drsquoaide au

deacuteveloppement Agrave partir de 2006 cependant lrsquoeacutevidente stagnation des neacutegociations multilateacuterales agrave

lrsquoOMC a inciteacute lrsquoUE agrave appreacutehender les neacutegociations bilateacuterales comme un outil plus offensif LrsquoUE a

ainsi engageacute des pourparlers bilateacuteraux avec des eacuteconomies majeures afin de conclure des accords

plus ambitieux et aux beacuteneacutefices eacuteconomiques plus conseacutequents Lrsquoobjectif avoueacute de ces nouveaux

accords europeacuteens est de contribuer agrave la compeacutetitiviteacute de lrsquoEurope60 Cet eacutetat drsquoesprit a eu comme

57 Ustr laquo Standing Up for the Environnent Trade for a Greener World raquo 2015 p 13

58 Accord de libre-eacutechange entre les Eacutetats-Unis et la Coreacutee du Sud 30 juin 2007 agrave lrsquoart 97

59 Commission Europeacuteenne laquo Global Europe Competing in the World raquo 2006

60 Commission Europeacuteenne laquo Global Europe Competing in the World raquo supra note 57 agrave la p 1

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

56

conseacutequence drsquoamener lrsquoUE agrave inseacuterer des dispositions environnementales qui visent agrave lutter contre

le dumping environnemental de leurs concurrents eacutetrangers ce que les Eacutetats-Unis font depuis plus

de 25 ans

La signature en 2008 de lrsquoaccord entre lrsquoEurope et les Eacutetats des Caraiumlbes marqua un point tour-

nant agrave bien des eacutegards Crsquoest agrave partir de ce moment que lrsquoUE insegravere systeacutematiquement un chapitre ou

une section consacreacute agrave lrsquoenvironnement dans ses accords commerciaux Ce faisant lrsquoUE abandonne

son approche traditionnellement eacuteclectique et adapteacutee aux besoins et inteacuterecircts de ses partenaires

commerciaux au profit drsquoune approche plus systeacutematique avec un chapitre standardiseacute eacutevoluant

agrave la marge drsquoune neacutegociation agrave lrsquoautre61 Comparativement aux Ameacutericains qui preacuteconisent cette

meacutethode depuis lrsquoALENA la standardisation des neacutegociations commerciales est une reacutealiteacute relative-

ment nouvelle pour lrsquoUE comme lrsquoillustre le graphique 1062

Graphique 10 ndash Eacutevolution de la distance entre les accords europeacuteens relativement agrave leurs normes environnementales

61 S Jinnah et E Morgera supra note 26 agrave la p 337 62 Les accords europeacuteens signeacutes avant 1991 affichent une apparente forte similariteacute mais cela est uniquement ducirc au fait qursquoils incluent tregraves peu de normes environnementales Ils sont similaires dans leur relative ignorance de lrsquoenvironnement

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

57

Afin de concevoir son chapitre standardiseacute sur le deacuteveloppement durable lrsquoUE srsquoest largement

inspireacutee des expeacuteriences drsquoautres pays63 Une importante source drsquoinformations pour lrsquoUE fut lrsquoeacutetude

de lrsquoOCDE de 2007 intituleacutee Environment and Regional Trade Agreements64 analysant en deacutetail les

neacutegociations et lrsquoapplication des dispositions environnementales inteacutegreacutees dans divers accords com-

merciaux Par ailleurs lrsquoUE a commandeacute agrave Jacques Bourgeois Kamala Dawar et Simon Evenett une

eacutetude intituleacutee A Comparative analysis of Selected Provisions in Free Trade Agreements65 qui compare

notamment les dispositions environnementales de 27 accords commerciaux Dans ces deux rapports

et dans la vaste majoriteacute de la litteacuterature acadeacutemique lrsquoANACDE est preacutesenteacute comme une perceacutee

normative pour avoir introduit quelques-unes des normes environnementales les plus strictes du reacute-

gime international du commerce66 Ces eacutetudes ont ainsi contribueacute agrave faire des accords ameacutericains une

des principales sources drsquoinspiration pour la nouvelle geacuteneacuteration drsquoaccords de lrsquoUE encourageant la

convergence des accords ameacutericains et europeacuteens

LrsquoUE srsquoest notamment inspireacutee des accords ameacutericains pour ce qui a trait agrave lrsquoaspect environne-

mental de la protection des investissements Avant 2007 et le traiteacute de Lisbonne lrsquoinvestissement

eacutetranger ne faisait pas partie des compeacutetences de lrsquoUE et les accords commerciaux de lrsquoUE ne comp-

taient pas de chapitre sur lrsquoinvestissement Mecircme si les Eacutetats membres de lrsquoUE neacutegociaient des ac-

cords bilateacuteraux sur lrsquoinvestissement depuis de nombreuses anneacutees la grande majoriteacute drsquoentre eux

nrsquoincluent aucune mesure environnementale De fait le modegravele franccedilais allemand ou britannique

de traiteacute bilateacuteral sur lrsquoinvestissement nrsquoinclut pas drsquoexception environnementale Cela peut srsquoexpli-

quer par le fait que jusqursquoagrave reacutecemment les pays europeacuteens nrsquoavaient pas encore ducirc faire face agrave des

diffeacuterends environnementaux controverseacutes initieacutes par des investisseurs eacutetrangers En comparaison

la chapitre 11 de lrsquoALENA a donneacute lieu agrave plusieurs litiges lieacutes agrave la protection environnementale Ce

fut le cas dans les affaires de Glamis Golde Metalclad Ethyl Myers Sun Belt Methanex Crompton

Clayton St Maryrsquos VCNA Windsteam et Lone Pine67

Sans neacutecessairement avoir anticipeacute le nombre de diffeacuterends qui seraient traiteacutes les neacutegociateurs

de lrsquoALENA ont inclus une exception environnementale dans le chapitre 11 qui indique que rien dans

ce chapitre ne peut ecirctre mis en place pour empecirccher une Partie drsquoadopter de maintenir ou drsquoappliquer

une mesure qursquoelle considegravere comme neacutecessaire pour srsquoassurer que les activiteacutes drsquoinvestissements

sur son territoire sont entreprises drsquoune maniegravere conforme agrave la protection environnementale68 Il est

de plus preacutevu que les Parties ne doivent pas adoucir leurs mesures environnementales nationales

pour encourager les investisseurs eacutetrangers agrave venir srsquoeacutetablir chez elles69 Outre ces deux dispositions

63 R Zvelc (eacutediteacute par E Morgera) Environmental Integration in EU Trade Policy The Generalised System of Preferences Trade Sustainabil-ity Impact Assessments and Free Trade Agreements The External Environmental Policy of the European Union Cambridge Cambridge University Press 2012 p 194 64 Ocde laquo Environment and Regional Trade Agreements raquo 2007 65 J Bourgeois K Dawar et S J Evenett laquo A Comparative Analysis of Selected Provisions in Free Trade Agreements raquo DG Trade 2007 212 p 66 e g R H Steinberg supra note 9 67 G Gagneacute et J-F Morin laquo The Evolving American Policy on Investment Protection Origins Scope and Prospects raquo Journal of Interna-tional Economic Law vol IX (2) 2006 p 13 68 Accord de libre-eacutechange nord-ameacutericain supra note 18 agrave lrsquoart 11141 69 Ibid agrave lrsquoart 11142

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

58

drsquoautres normes relieacutees agrave lrsquoenvironnement ont eacuteteacute ajouteacutees dans les accords ameacutericains subseacutequents

agrave lrsquoALENA incluant une reacutefeacuterence aux accords multilateacuteraux sur lrsquoenvironnement la reconnais-

sance du pouvoir discreacutetionnaire des Parties et une deacutefinition du droit de lrsquoenvironnement Depuis

2003 et agrave la suite de diffeacuterends controverseacutes sous lrsquoALENA ougrave des investisseurs consideacuteraient qursquoils

devaient recevoir une compensation pour des regraveglementations environnementales qui avaient un

effet eacutequivalent agrave une expropriation les neacutegociateurs ameacutericains ont systeacutematiquement inclus une

mesure dans leurs accords clarifiant ce problegraveme Cette mesure preacutecise que laquo lors de rares circons-

tances [hellip] des actions regraveglementaires non discriminatoires conccedilues et appliqueacutees pour proteacuteger des

objectifs leacutegitimes du bien-ecirctre public comme la santeacute la seacutecuriteacute et lrsquoenvironnement ne constituent

pas des expropriations indirectes raquo70

Srsquoinspirant des accords ameacutericains lrsquoUE a inteacutegreacute quelques-unes de ces dispositions dans ses

plus reacutecents accords Les accords signeacutes apregraves 2008 reproduisent lrsquoobligation de maintenir le ni-

veau de protection environnementale et lrsquointerdiction drsquoassouplir les lois environnementales pour

attirer des investissements eacutetrangers Plus reacutecemment lrsquoUE a eacutegalement inteacutegreacute agrave ses accords une

clarification indiquant que les mesures prises dans lrsquointeacuterecirct du bien-ecirctre public ne constituent pas

des expropriations indirectes Ainsi il ressort que les leccedilons de lrsquoALENA et les mesures conccedilues par

les Eacutetats-Unis pour limiter les risques de demandes drsquoindemnisation ont eacuteteacute adopteacutees par lrsquoUE Un

autre eacuteleacutement que lrsquoUE a emprunteacute aux Eacutetats-Unis est le meacutecanisme utiliseacute pour srsquoassurer que les

Parties drsquoun accord appliquent bel et bien leurs propres lois environnementales Comme il est pos-

sible drsquoobserver dans le graphique 3 de reacutecents accords europeacuteens integravegrent ces normes Drsquoune

maniegravere similaire agrave lrsquoANACDE les accords signeacutes apregraves 2008 stipulent que les Parties ont le devoir

drsquoappliquer leurs lois environnementales Une demande de consultation peut ecirctre formuleacutee si une

Partie considegravere que lrsquoautre eacutechoue agrave faire respecter efficacement ses lois environnementales Lrsquoac-

cord entre le Canada et UE reproduit aussi une disposition deacutetailleacutee provenant de lrsquoaccord parallegravele

de lrsquoANACDE en lien avec lrsquoaccegraves aux garanties proceacutedurales et les recours permettant des actions

juridiques efficaces contre les violations des lois environnementales71

Afin de renforcer davantage le niveau de protection environnementale de ses partenaires com-

merciaux lrsquoUE a aussi calqueacute des dispositions relieacutees agrave la participation de la socieacuteteacute civile que lrsquoon

retrouvait traditionnellement dans des accords ameacutericains comme lrsquoindique le graphique 4 Depuis

son accord signeacute avec les Eacutetats des Caraiumlbes lrsquoUE integravegre une disposition mentionnant que les Par-

ties doivent consulter les diffeacuterentes parties prenantes lorsqursquoils introduisent de nouvelles mesures

environnementales Ils ajoutent aussi que les Parties doivent mettre en place un meacutecanisme permet-

tant aux mecircmes parties prenantes de soumettre des commentaires de demander des consultations

ou de faire des recommandations sur le respect des obligations environnementales Lrsquoaccord entre

lrsquoUE et la Moldavie par exemple indique que chaque Partie doit se reporter agrave un comiteacute consultatif

70 Accord de libre-eacutechange entre les Eacutetats-Unis et le Chili 6 juin 2003 agrave lrsquoAnnexe 10-D 4(b) 71 Accord eacuteconomique et commercial global entre le Canada et lrsquoUnion europeacuteenne agrave lrsquoart X6

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

59

sur le deacuteveloppement durable agrave propos de la mise en œuvre de cet accord commercial en question72

Comme les Eacutetats-Unis lrsquoUE ne tente pas uniquement de niveler la concurrence entre les Par-

ties agrave lrsquoaccord Elle a aussi lrsquoobjectif de proteacuteger sa capaciteacute regraveglementaire Bien que les diffeacuterends

environnementaux soient moins freacutequents de nos jours lrsquoUE a fait face agrave un nombre appreacuteciable de

plaintes concernant des mesures sanitaires et de santeacute publique Plusieurs ont contesteacute le principe de

preacutecaution dans les affaires relatives aux hormones de bœuf73 aux OGM74 et agrave lrsquoamiante75 De plus

plusieurs regraveglementations environnementales europeacuteennes pourraient ecirctre contesteacutees agrave lrsquoOMC dans

un avenir rapprocheacute notamment au sujet de ses exigences de recyclage eacutelectronique de son systegraveme

drsquoagreacutement des produits chimiques de sa limitation des eacutemissions de gaz agrave effet de serre des compa-

gnies aeacuteriennes eacutetrangegraveres et de ses restrictions des produits chimiques et des perturbateurs endocri-

niens Cependant en incluant des garde-fous additionnels dans ses accords bilateacuteraux commerciaux

lrsquoUE restreint les contestations Cela envoie eacutegalement un signal rassurant aux citoyens europeacuteens

notamment ceux qui srsquoopposent agrave lrsquoagenda libre-eacutechangiste de la Commission europeacuteenne

Bien sucircr des diffeacuterences persistent entre lrsquoapproche ameacutericaine et lrsquoapproche europeacuteenne Lrsquoune

des plus flagrantes est lrsquoinsistance des Eacutetats-Unis agrave permettre lrsquoutilisation du meacutecanisme de regravegle-

ment des diffeacuterends geacuteneacuteral de ses accords commerciaux pour les violations des dispositions envi-

ronnementales76 La diffusion de telles normes nrsquoa pas encore reacuteussi puisque ces dispositions ne se

retrouvent encore que dans les accords ameacutericains Mecircme dans les plus reacutecents accords europeacuteens

les diffeacuterends concernant des dispositions environnementales sont seulement sujets agrave des consulta-

tions gouvernementales Par contre lrsquointeacutegration dans les accords europeacuteens des normes concernant

la mise en œuvre et la participation des parties prenantes inspireacutees par les objectifs traditionnel-

lement ameacutericains et lrsquoextension dans les accords ameacutericains de dispositions sur des enjeux speacuteci-

fiques et le renforcement des capaciteacutes teacutemoignent de lrsquoexistence drsquoune reacuteelle convergence entre les

plus reacutecents accords ameacutericains et europeacuteens

Conclusion

Les preacuteceacutedentes pages deacutemontrent agrave quel point les neacutegociations commerciales ont eacutevolueacute agrave

travers le temps Au deacutepart lrsquoobjectif premier des neacutegociations commerciales eacutetait drsquoobtenir des

reacuteductions tarifaires ce qui nrsquoest plus le cas aujourdrsquohui Le mandat des neacutegociateurs commerciaux

englobe maintenant plusieurs autres domaines que le commerce incluant la protection environne-

mentale De ce fait les neacutegociations ne se deacuteroulent plus de la mecircme maniegravere Loin de fonctionner

en vase clos elles sont permeacuteables aux normes que drsquoautres Eacutetats deacuteveloppent agrave travers le complexe

institutionnel du commerce et de lrsquoenvironnement

72 Accord drsquoassociation entre lrsquoUnion europeacuteenne et la communauteacute europeacuteenne de lrsquoeacutenergie atomique et leurs Eacutetats membres drsquoune part et la reacutepublique de la Moldavie drsquoautre part 27 juin 2014 agrave lrsquoart 37673 OMC laquo Communauteacutes europeacuteennes ndash Mesures concernant les viandes et les produits carneacutes (hormones) raquo 1996 74 OMC laquo Communauteacutes europeacuteennes ndash Mesures affectant lrsquoapprobation et la commercialisation des produits biotechnologiques raquo 2003 75 OMC laquo Communauteacutes europeacuteennes ndash Mesures affectant lrsquoamiante et les produits en contenant raquo 1998 76 J Schott et C Cimino laquo Crafting a Transatlantic Trade and Investment Partnership What can be Done raquo Policy Brief 13-8 Washing-ton DC Peterson Institute for International Economics 2013 p 14 Voir aussi S I Akhtar et V C Jones Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP) Negotiations Washington Congressional Research Service 2014 p 377

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

60

Bien que traditionnellement les Eacutetats-Unis et lrsquoUE ont adopteacute des normes environnementales

diffeacuterentes dans leurs accords commerciaux il est maintenant possible drsquoobserver quelques simi-

lariteacutes entre les deux approches Malgreacute des distinctions apparentes entre les motivations initiales

pour lrsquointeacutegration de normes environnementales dans les accords ameacutericains et europeacuteens les deux

acteurs convergent progressivement vers un modegravele commun

Une diffusion des normes ameacutericaines et europeacuteennes agrave travers des accords de pays partenaires

est eacutegalement notable En effet une grande partie des normes typiquement ameacutericaines est reprise

par des Eacutetats qui ont neacutegocieacute un accord avec les Eacutetats-Unis et le mecircme pheacutenomegravene se produit avec

les normes caracteacuteristiques des accords europeacuteens Des dispositions relatives agrave la mise en œuvre agrave la

participation du public et agrave des enjeux environnementaux speacutecifiques sont aujourdrsquohui incorporeacutees

dans une majoriteacute drsquoaccords commerciaux Cependant quelques normes typiquement ameacutericaines

et europeacuteennes ont eu plus de difficulteacute agrave circuler comme crsquoest le cas des normes ameacutericaines trai-

tant des meacutecanismes de regraveglements des diffeacuterends et les normes europeacuteennes sur les changements

climatiques

Les neacutegociations de lrsquoaccord entre les Eacutetats-Unis et lrsquoUnion europeacuteenne quant au Partenariat

transatlantique sur le commerce et lrsquoinvestissement nous eacuteclaireront davantage sur la convergence

des normes environnementales ameacutericaines et europeacuteennes Deacutejagrave le mandat de neacutegociation confeacutereacute

agrave la Commission europeacuteenne par le Conseil comme le mandat confeacutereacute par le Congregraves agrave lrsquoadministra-

tion ameacutericaine converge agrave plusieurs eacutegards Les deux documents insistent principalement sur leur

point de convergence entre les Eacutetats-Unis et lrsquoEurope alors que les questions plus deacutelicates comme

le changement climatique et le principe de preacutecaution ont eacuteteacute savamment ignoreacutees La neacutegociation

de cet accord transatlantique sera peut-ecirctre lrsquooccasion drsquoaccentuer encore lrsquoapprentissage de part et

drsquoautre et drsquoinnover conjointement en eacutelaborant un modegravele commun

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

61

chapitre 2Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

dans les conventions internationales lieacutees agrave la biodiversiteacute

Claire Lajaunie1 et Pierre Mazzega2

Reacutesumeacute

Suivant une analogie avec lrsquoeacutepideacutemiologie nous eacutetudions la transmission la circulation et la

persistance des thegravemes de santeacute dans les conventions CBD CMS et CITES et les reacutesolutions ou deacute-

cisions de leurs Confeacuterences des Parties (COPs) gracircce agrave la fouille de textes qui reacutevegravele qursquoune frac-

tion des termes utiliseacutes est lieacutee aux questions de santeacute ndash santeacute humaine santeacute animale et santeacute des

eacutecosystegravemes ndash et agrave lrsquoenvironnement Une premiegravere analyse montre la diffusion de ces termes dans

les conventions et les reacutesolutions des COPs au cours du temps au travers drsquoun reacuteseau induit par

leur transmission entre textes La CBD joue un rocircle central comme source de termes lieacutes agrave la santeacute

et agrave lrsquoenvironnement Lrsquoutilisation drsquoune hieacuterarchisation des principaux concepts solliciteacutes lors de

la fouille de texte (micro-ontologies) nous conduit ensuite agrave mener une reacuteflexion sur la nature du

lien entre la connaissance veacutehiculeacutee dans les conventions et les eacutechelles des systegravemes eacutecologiques

qursquoelles entendent reacuteguler Enfin les eacuteleacutements essentiels de notre approche sont discuteacutes ainsi que les

perspectives de deacuteveloppement et de geacuteneacuteralisation agrave un corpus plus ample issu du droit internatio-

nal de lrsquoenvironnement

Abstract

Drawing an analogy to epidemiology we study the transmission circulation and persistence of

health issues in the CBD CMS and CITES Conventions and in the resolutions or decisions of their

Conferences of Parties (COPs) Text mining reveals that a fraction of the set of terms contained in

those texts is linked to health issues - human health animal health and ecosystem health - and the

environment A preliminary analysis shows how these terms are diffusing in the conventions and in

the resolutions of their COPs over time through a network induced by their transmission between

texts The CBD plays a central role as a source of terms related to health and the environment The

use of hierarchical organization of the main concepts used in the mining of the texts (micro-onto-

logies) then leads us to reflect on the nature of the relationship between knowledge conveyed in

conventions and scales of ecological systems they intend to regulate Finally the essential elements

of our approach are discussed as well as prospects for development and generalization to a broader

corpus of international environmental law

1 INSERM Aix Marseille Univ Universiteacute de Toulon Univ Pau amp Pays Adour CNRS DICE CERIC Aix-en-Provence France clairelajaunieinsermfr2 GET Geacuteosciences Environnement Toulouse UMR5563 CNRS IRD Universiteacute de Toulouse 14 av E Belin 31400 Toulouse France pierremazzegaciampgetompeu

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

62

1) Introduction

Inteacuteresseacutes par lrsquoeacutemergence des questions de santeacute au sein des conventions lieacutees agrave la biodiversiteacute

et en relation avec le thegraveme des maladies infectieuses nous avons commenceacute par nous interroger

sur lrsquoeacutevolution de lrsquousage de concepts et de termes lieacutes agrave cette theacutematique3 et sur la faccedilon dont ces

termes se transmettent agrave la fois drsquoune convention agrave lrsquoautre et drsquoune Confeacuterence des Parties (COP) agrave

lrsquoautre au sein drsquoune mecircme convention4 Nous avons eacutegalement associeacute cette eacutevolution agrave une seacuterie de

deacuteclarations drsquoengagements internationaux ou drsquoinitiatives exteacuterieures telles que lrsquoEacutevaluation des

Eacutecosystegravemes pour le Milleacutenaire5 afin de mettre en eacutevidence les influences de ces eacuteveacutenements sur la

faccedilon dont les questions de santeacute eacutemergent et sont preacutesenteacutees lors des COPs

Forts des reacutesultats de ce premier travail nous avons deacutecideacute drsquoentreprendre une analyse plus

preacutecise des processus drsquoeacutemergence des questions de santeacute en reacutealisant une fouille du corpus textuel

constitueacute des conventions CBD CMS et CITES ndash qui jouent le rocircle majeur dans cette dynamique

eacutecartant Ramsar et la convention UNFCCC dont lrsquoimportance est relativement marginale eu eacutegard

au thegraveme de la santeacute ndash et des reacutesolutions ou deacutecisions de leurs COPs6 respectives Certains termes

nous apparaissant se propager au sein des conventions comme par contagion il nous a sembleacute inteacute-

ressant de partir de ce pheacutenomegravene et drsquoexploiter lrsquoanalogie avec la transmission des pathogegravenes en

eacutepideacutemiologie Cette analogie srsquoavegravere constructive au sens ougrave lrsquoeacutepideacutemiologie eacutetudie la transmission

la circulation ou la persistance des agents pathogegravenes alors que notre objectif est de maniegravere simi-

laire de proposer une approche exploratoire de modeacutelisation des processus en jeu dans la transmis-

sion la circulation ou la persistance des termes de santeacute au sein drsquoune laquo population raquo constitueacutee par

lrsquoensemble des textes du corpus

Ici lorsque nous parlons de transmission nous cherchons agrave comprendre quelle est la convention

source principale de la transmission de termes au sein des COPs et en fonction du temps quelles

COPs jouent un rocircle moteur dans cette transmission La circulation est repreacutesenteacutee par la relation

drsquointermeacutediariteacute crsquoest-agrave-dire que nous examinons quelles COPs des trois conventions permettent

le passage de questions de santeacute drsquoune convention agrave une autre Enfin lrsquoeacutetude de la persistance nous

permet de repeacuterer lrsquoapparition de termes dans chaque convention et leur eacuteventuel maintien au cours

du temps dans les deacutecisions des COPs ulteacuterieures

Dans le preacutesent article nous preacutecisons comment nous avons constitueacute le corpus textuel et de

quelle maniegravere nous avons extrait les termes relevant de la theacutematique de la santeacute qui sont eacutegale-

ment en lien avec lrsquoenvironnement (Sec2) La fouille de texte nous permet ensuite drsquoidentifier les

eacuteleacutements drsquoontologie utiliseacutes et drsquoanalyser leur relation avec des eacutechelles eacutecologiques (Sec3) Le sui-

vi au cours du temps de lrsquooccurrence de termes speacutecifiques rend compte de leur persistance dans des

3 Dans cette eacutetude nous consideacuterons que la theacutematique de la santeacute est composeacutee de plusieurs thegravemes lieacutes agrave la santeacute et agrave lrsquoenvironnement biodiversiteacute maladies santeacute impact etc (Cf Sec3)4 C Lajaunie and P Mazzega laquo One Health and Biodiversity conventions The emergence of health issues in Biodiversity conventions raquo IUCN Academy of Environmental Law eJournal volume 7 2016a Issue 7 105-121 httpwwwiucnaelorgene-journalcurrent-issue-5 C Lajaunie S Morand and A Binot laquo The link between health and biodiversity in Southeast Asia through the example of infectious diseases raquo Environmental Justice vol 8(1) 2015 p 26-316 De mecircme la preacutesente eacutetude nous a conduits agrave reacutealiser une fouille de texte de la CBD et des reacutesolutions de ces COPs pour en identi-fier les thegravemes environnementaux majeurs Voir C Lajaunie and P Mazzega (2016) Mining CBD Brazilian Journal of International Law vol13(2) 277-292 doi 105102rdiv13i24058

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

63

seacuteries de COPs Les relations de transmission et de circulation de termes induisent un reacuteseau (Sec4)

dont les sommets sont un sous-ensemble (tous les textes nrsquoeacutetant pas laquo contamineacutes raquo) des textes du

corpus Lrsquoanalyse de ce reacuteseau met en eacutevidence le rocircle des textes comme source receveur ou inter-

meacutediaire de circulation terminologique La mecircme approche est ensuite deacuteveloppeacutee agrave un niveau de

repreacutesentation seacutemantique plus inteacutegrateur (en utilisant une hieacuterarchisation des concepts) celui des

thegravemes mettant en eacutevidence une dynamique plus stable drsquoeacutemergence et de circulation des thegravemes

de santeacute dans ces conventions Lrsquointeacuterecirct et le potentiel de notre approche sont discuteacutes en Sec5 et

les principales conclusions de ce travail sont preacutesenteacutees en section 6

2) Le corpus textuel et les termes de santeacute

Parmi les conventions lieacutees agrave biodiversiteacute nous avons choisi drsquoexaminer la Convention sur la

Diversiteacute Biologique (CBD 1992) la Convention sur la conservation des espegraveces migratrices appar-

tenant agrave la faune sauvage (CMS 1979) et la Convention sur le commerce international des espegraveces

de faune et de flore sauvages menaceacutees drsquoextinction (CITES 1973) Drsquoapregraves notre premiegravere eacutetude ces

trois conventions sont les premiegraveres conventions lieacutees agrave la biodiversiteacute agrave avoir vu lrsquoeacutemergence des

questions de santeacute et leur theacutematique est de fait en lien avec une vision holistique de la santeacute telle

que proposeacutee par lrsquoapproche One Health agrave lrsquointerface de la santeacute humaine de la santeacute animale et de

la santeacute de lrsquoenvironnement7 Les sites internet sur lesquels nous avons teacuteleacutechargeacute les textes du cor-

pus les dates des confeacuterences des parties (COPs) et le nombre de reacutesolutions adopteacutees par chacune

drsquoelles sont indiqueacutes en Table 1 ceci pour la CBD la CMS et la CITES

Dans cet article nous entendons par laquo reacutesolution raquo aussi bien des reacutesolutions proprement dites

que des deacutecisions ou parfois (cas de la CITES) des recommandations Le deacutetail de cette nomenclature

est preacutesenteacute en Annexe Le corpus que nous analysons ici rassemble les textes des trois Conventions

des 364 reacutesolutions issues des 12 COPs de la CBD tenues entre 1994 et 2014 des 175 reacutesolutions is-

sues des 11 COPs de la CMS tenues entre 1985 et 2914 et des 89 reacutesolutions issues des 16 COPs de la

CITES tenues entre 1976 et 2013

Les termes nominaux complexes sont extraits de chaque texte du corpus agrave lrsquoaide du logiciel

TermoStat8 qui compte leur nombre drsquooccurrence et eacutevalue leur degreacute de speacutecificiteacute9 relativement

agrave un tregraves large corpus de textes repreacutesentatif de lrsquousage commun actuel de lrsquoanglais Nous ne nous

inteacuteressons pas aux termes nominaux simples la plupart du temps trop geacuteneacuteraux mais aux termes

complexes - pour laquo diversiteacute biologique raquo par exemple le terme nominal est laquo diversiteacute raquo ndash car ils

sont plus directement en relation avec les theacutematiques des conventions Le rang des termes ordon-

neacutes par nombre drsquooccurrence ou speacutecificiteacute deacutecroissants donne un premier aperccedilu de la terminolo-

gie en usage dans les textes Cependant nous nrsquoutilisons pas par la suite ces deux mesures (nombre

drsquooccurrences et speacutecificiteacute) car lrsquoestimation du nombre drsquooccurrences est biaiseacutee par des effets de

7 C Lajaunie and P Mazzega laquo One Health and Biodiversity conventions The emergence of health issues in Biodiversity conventions raquo IUCN Academy of Environmental Law eJournal Issue 7 2016a 105-121 httpwwwiucnaelorgene-journalcurrent-issue-8 P Drouin laquo Term extraction using non-technical corpora as a point of leverage raquo Terminology 9(1) 2003 p 99-1179 P Lafon laquo Sur la variabiliteacute de la freacutequence des formes dans un corpus raquo Mots vol 1 1980 p 128-165

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

64

seacutemantique ou de pragmatique non deacutetectables par lrsquoanalyse terminologique simple (par exemple

lrsquousage des pronoms) Ainsi une occurrence drsquoun terme complexe au moins suffit agrave ce qursquoil soit pris

en compte dans notre analyse Une veacuterification manuelle a montreacute environ 5 drsquooccurrences non

deacutetecteacutees (erreur par omission a contrario tout terme deacutetecteacute est effectivement preacutesent dans le texte

analyseacute) Agrave partir du corpus nous obtenons une liste de 22172 termes nominaux complexes (ou ex-

pressions) de laquelle nous retirons 4316 expressions trop geacuteneacuterales (par ex laquo absolute certainty raquo

laquo international guidance raquo etc) trop speacutecifiques (par ex laquo third meeting raquo laquo next financial period raquo

etc) ou reacutesultant drsquoerreurs (erreurs lieacutees au deacutecoupage syntaxique ndash ou parsing ndash automatique des

textes conduisant par exemple agrave prendre un verbe pour un nom erreurs drsquoorthographe des docu-

ments source) Apregraves ce filtrage nous disposons de 8867 termes complexes distincts pour les textes

de la CBD 2565 pour ceux de la CMS et 3450 pour ceux de la CITES

Ensuite nous proceacutedons agrave lrsquoinspection de ces listes dans lesquelles nous identifions les termes

que nous consideacuterons comme eacutetant lieacutes agrave la santeacute (santeacute humaine santeacute animale santeacute des eacuteco-

systegravemes) La relation laquo est lieacute agrave raquo est conccedilue de maniegravere extensive et reacutesulte bien entendu drsquoune

interpreacutetation des textes et des eacutevolutions juridiques et politiques qursquoils expriment Prenons deux

exemples un terme tregraves geacuteneacuteral le laquo bien-ecirctre humain raquo et une expression speacutecifique la laquo gestion

future des pousseacutees de maladies aviaires raquo Le bien-ecirctre humain est directement lieacute aux questions

de santeacute au sens ougrave la santeacute a eacuteteacute deacutefinie par lrsquoOrganisation Mondiale de la Santeacute comme laquo un eacutetat

de complet bien-ecirctre physique mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de ma-

ladie ou drsquoinfirmiteacute raquo10 Ainsi les accords environnementaux internationaux ou les deacuteclarations in-

ternationales11 utilisent indiffeacuteremment la notion de santeacute humaine ou de bien-ecirctre humain notam-

ment lorsqursquoil srsquoagit des liens santeacuteenvironnement De son cocircteacute la gestion future des pousseacutees de

grippes aviaires est une question qui apparaicirct notamment dans la Reacutesolution 827 de la CMS (2005)

ougrave elle est eacutevoqueacutee en consideacuteration de lrsquoeacutevaluation des risques associeacutes agrave la conservation et agrave la dy-

namique des populations drsquooiseaux Cette reacutesolution appelle en fait agrave la mise en œuvre drsquoapproches

inteacutegreacutees pour faire face agrave la grippe aviaire dont les oiseaux sont les vecteurs Il srsquoagit de conjuguer

les connaissances des speacutecialistes de la faune sauvage et de la gestion des zones humides avec celles

des responsables de la santeacute publique et des zoonoses (veacuteteacuterinaires agriculteurs eacutepideacutemiologistes

virologues meacutedecins) Comme le laquo bien-ecirctre humain raquo la laquo gestion future des pousseacutees de grippes

aviaires raquo concerne la faune sauvage et ses liens avec la santeacute animale et humaine

Faire apparaicirctre ce type de relations de maniegravere explicite permet de voir le chemin critique du

deacuteveloppement de ces notions en relation avec la santeacute telles qursquoelles sont mentionneacutees et eacutevoluent

au sein des conventions sur la biodiversiteacute La Figure 1 montre les nombres de termes complexes no-

minaux et de termes lieacutes agrave la theacutematique de la santeacute que nous avons identifieacutes en fonction de la date

des COPs ceci pour les trois conventions Le rocircle preacutepondeacuterant de la CBD comme institution envi-

ronnementale prenant en consideacuteration et veacutehiculant des thegravemes lieacutes agrave la santeacute degraves la publication de

10 Preacuteambule agrave la constitution de lrsquoOrganisation Mondiale de la Santeacute adopteacute par la Confeacuterence internationale sur la Santeacute New York 19-22 juin 194611 Voir notamment le Preacuteambule de la Deacuteclaration de Stockholm (1972) ou le Preacuteambule de la Deacuteclaration de Rio (1992)

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

65

la Convention en 1992 y apparaicirct clairement Nous avons identifieacute 78 termes complexes relevant de

la theacutematique de la santeacute dans la convention CBD (Convention et reacutesolutions des COPs)

En ce qui concerne la CMS on constate des apparitions sporadiques agrave partir de la premiegravere COP

quantitativement peu significatives puis un pic en 2005 lieacute agrave une premiegravere reacutesolution sur les espegraveces

migratrices et la grippe aviaire hautement pathogegravene (Reacutesolution 827) qui coiumlncide eacutegalement avec

lrsquoadoption du Regraveglement Sanitaire International (OMS 2005) A partir de cette date on note une

certaine persistance des questions de santeacute avec notamment en 2008 une reacutesolution sur le deacutefi des

maladies eacutemergentes et en 2011 une reacutesolution qui met en eacutevidence le rocircle de la faune sauvage dans

les maladies infectieuses12 Nous avons ainsi deacutenombreacute 91 termes complexes distincts relatifs agrave la

theacutematique de la santeacute dans tous nos textes CMS

Enfin dans la CITES qui rappelons-le est un texte concernant le commerce des espegraveces en

danger les questions de santeacute sont moins preacutesentes On peut neacuteanmoins constater qursquoen 1994 une

reacutesolution srsquoest inteacuteresseacutee aux questions de maladies et de mortaliteacute13 (et sources lieacutees agrave la mortaliteacute

annuelle des espegraveces) puis en 1997 deux reacutesolutions significatives sont intervenues lrsquoune concernant

la coopeacuteration et la synergie avec la CBD et lrsquoautre ayant trait aux meacutedecines traditionnelles14 Ce

sont les dates de plus forte apparition de termes de santeacute on compte au total 50 termes complexes

distincts relatifs au thegraveme de la santeacute dans tous nos textes lieacutes agrave la CITES

La Table 2 preacutesente les termes complexes qui apparaissent dans le plus grand nombre de textes

du corpus Agrave partir de 2004 les enjeux de santeacute commencent agrave ecirctre diffuseacutes dans les reacutesolutions

des COPs de plusieurs conventions Les expressions laquo precautionary approach raquo laquo human health raquo

laquo human well-being raquo ou laquo risk assessment raquo montrent une reacuteelle persistance employeacutes degraves les reacute-

solutions de la COP02 CBD ils sont reacuteguliegraverement reacuteutiliseacutes dans les COPs ulteacuterieures Issus de la

convention CBD ces termes sont en quelque sorte transmis comme le seraient des pathogegravenes agrave

certaines COPs de la CMS (laquo human health raquo apparaicirct aussi dans la COP13 CITES) Il est cepen-

dant trop tocirct pour savoir srsquoils vont y persister Des dynamiques diffeacuterentes regraveglent lrsquousage drsquoautres

termes laquo Pest management raquo apparaicirct degraves la COP2 CBD se propage dans quelques COPs suivantes

de la Convention sur la diversiteacute biologique puis disparait laquo Avian influenza raquo apparaicirct en 2006

dans les reacutesolutions de la COP8 CBD se transmet aux COP9 (2008) et COP10 de la CMS (2011) et

depuis nrsquoest plus reacuteemployeacute dans les reacutesolutions des COPs CBD CMS ou CITES Cependant la

disparition de certains termes en tant que tels ne doit pas ecirctre analyseacutee drsquoembleacutee comme lrsquoindi-

cation drsquoun problegraveme reacutesolu ou drsquoune sous-theacutematique qui nrsquoest plus consideacutereacutee Des questions

de modes terminologiques preacutesident parfois au choix des termes ou encore des termes peuvent

ecirctre compris dans une notion plus globalisante dans tous ces cas la question de synonymie peut

ecirctre importante (par exemple avec lrsquoutilisation de bien-ecirctre plutocirct que bien-ecirctre) Certains termes

12 Voir aussi les reacutesolutions subseacutequentes CMS Reacutesolution 98 La reacuteponse au deacutefi des maladies eacutemergentes et reacute-eacutemergentes chez les espegraveces migratrices y compris la grippe aviaire H5N1 hautement pathogegravene 2008 ou CMS Reacutesolution 1022 Maladies de la faune sauvage et espegraveces migratrices 201113 CITES Reacutesolution 911 Utilisation des animaux vivants confisqueacutes appartenant agrave des espegraveces inscrites aux annexes COP9 199414 CITES COP10 Reacutesolution 104 Coopeacuteration et synergie avec la Convention sur la diversiteacute biologique Reacutesolution 1019 Les meacutedecines traditionnelles 1997

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

66

constituent en fait une sous-partie drsquoun thegraveme thegravemes pouvant ecirctre agrave leur tour rassembleacutes sous

des theacutematiques communes Comme nous allons le voir dans le sect4 il arrive qursquoun terme disparaisse

des reacutesolutions des COPs au profit drsquoun terme en fait plutocirct drsquoun thegraveme ou drsquoune theacutematique plus

geacuteneacuteral Crsquoest par exemple ce qui se passe pour le terme laquo Avian Influenza raquo qui nrsquoest plus reacuteem-

ployeacute apregraves 2011 et auquel se substitue la notion beaucoup plus syntheacutetique de laquo One Health raquo

3) Eacuteleacutements drsquoontologie juridique et eacutechelles eacutecologiques

Le suivi de lrsquoapparition de la circulation et de lrsquoeacuteventuelle persistance drsquoune expression parti-

culiegravere peut preacutesenter un inteacuterecirct en soi (par exemple pour les notions de laquo santeacute humaine raquo laquo ap-

proche eacutecosysteacutemique raquo) Mais outre que ce suivi est drsquoune fiabiliteacute relative la cible terminologique

srsquoavegravere souvent trop eacutetroite pour ecirctre repreacutesentative drsquoun thegraveme Si par exemple on srsquointeacuteresse agrave la

prise en compte de la santeacute humaine dans les conventions il serait preacutefeacuterable de consideacuterer comme

synonymes (relation de type laquo est eacutequivalent agrave raquo) les expressions laquo human health raquo et laquo human well-being raquo (voir ci-dessus) ce qui conduirait agrave agreacuteger leurs occurrences (cf Table 2) Si lrsquointeacuterecirct porte sur

la seacutecuriteacute biologique nous pourrions consideacuterer les expressions telles que laquo biosafety framework raquo

laquo national biosafety raquo (ainsi que laquo national biosafety framework raquo) laquo protocol on biosafety raquo ou en-

core laquo biosafety clearing-house raquo et les hieacuterarchiser via des relations ontologiques de type laquo concep-

tuellement plus eacutetroit raquo laquo conceptuellement plus large raquo15 ou de type laquo est une partie de raquo Notre

objectif nrsquoeacutetant de construire ni une ontologie geacuteneacuterale16 ni une ontologie de domaine (par ex onto-

logie leacutegale17 de lrsquoenvironnement18 de la santeacute19) notre approche pragmatique (tendance drsquoailleurs

actuelle20) consiste agrave eacutetablir des laquo micro-ontologies raquo hieacuterarchiseacutees par thegravemes jusqursquoau niveau des

termes complexes nominaux identifieacutes dans notre corpus

Nous distinguons 3 niveaux ontologiques pertinents pour notre analyse celui des termes (et

pour lesquels nous avons preacutesenteacute des reacutesultats dans la section preacuteceacutedente) celui des thegravemes et celui

de la theacutematique Les treize thegravemes que nous avons hieacuterarchiseacutes sous la laquo theacutematique santeacute raquo sont

biodiversiteacute maladies santeacute impact connaissance mortaliteacute pathogegravene processus (eacutecolo-

giques) ressource risque et menace seacutecuriteacute technologie alerte (warning) Chacun de ces mots

nrsquoest pas agrave consideacuterer ici sous lrsquoangle du champ seacutemantique qursquoil couvre dans la langue naturelle

mais comme un label attribueacute agrave une hieacuterarchie drsquoexpressions (que nous appelons micro-ontologie)

issues du corpus que nous analysons Ces thegravemes reprennent et organisent lrsquoensemble des termes

nominaux complexes que nous avons identifieacutes comme eacutetant lieacutes agrave la santeacute dans notre corpus Pour

15 R Boulet laquo Introduction drsquoindices structuraux pour lrsquoanalyse de reacuteseaux multiplexes raquo 2de Conf Modegraveles et lprimeAnalyse des Reacuteseaux Approches Matheacutematiques et Informatique (MIRAMI) Grenoble 19 - 21 oct 2011 httpmarami-2011imagfrdocumentsmarami11_Bouletpdf 16 T R Gruumlber laquo Ontology raquo In the Encyclopedia of Database Systems Liu Ling Oumlzsu M Tamer (Eds) Springer-Verlag Berlin Germa-ny 200917 G Sartor P Casanovas M Biasiotti M Fernaacutendez-Barrera (Eds) Approaches to legal ontologies Theories Domains Methodologies Springer Netherlands 2011 18 E Pafilis S P Frankild J Schnetzer L Fanini S Faulwetter C Pavloudi K Vasileiadou P Leary J Hammock K Schul C S Parr C Arvanitidis and L J Jensen laquo ENVIRONMENTS and EOL identification of environment ontology terms in text and the anno-tation of the Encyclopedia of Life raquo Bioinformatics 31(11) 2015 p 1872ndash1874 doi 101093bioinformaticsbtv04519 R J Fante laquo An ontology of health a characterization of human health and existence raquo Zygon 44 2009 p 65ndash84 doi 101111j1467-9744200900986x20 N Guarino and M Musen laquo Applied ontology the next decade begins raquo Applied Ontology 10 2015 p 1-4

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

67

illustrer notre propos deux micro-ontologies sont preacutesenteacutees en Figure 2 la hieacuterarchie du thegraveme

laquo santeacute raquo et celle du thegraveme laquo maladie raquo Le thegraveme laquo santeacute raquo rassemble les termes relevant de la santeacute

humaine de la santeacute animale et de la santeacute des eacutecosystegravemes Le terme laquo One Health raquo tend aujourdrsquohui

agrave devenir une expression geacuteneacuterique qui recouvre ces trois secteurs de la santeacute mais cette eacutevolution

terminologique et politique eacutemergente21 nrsquoest ni acheveacutee ni encore pleinement eacutetablie et stable Par

suite ce terme est mis au mecircme niveau ontologique que les termes laquo santeacute humaine raquo laquo santeacute ani-

male raquo laquo santeacute des eacutecosystegravemes raquo (et laquo santeacute globale raquo) place qui pourrait changer agrave lrsquoavenir Cer-

tains termes sont regroupeacutes comme synonymes (relation laquo est eacutequivalent agrave raquo) le maintien de leurs

distinctions seacutemantiques nrsquoeacutetant pas utile pour lrsquoanalyse que nous faisons de la transmission de la

circulation et de la pertinence des thegravemes de la santeacute dans les conventions consideacutereacutees

La deacutetermination de ces niveaux ontologiques nous a conduits agrave consideacuterer qursquoils avaient un

lien avec les eacutechelles eacutecologiques Cette intuition provient de lrsquoexploitation de lrsquoanalogie avec lrsquoeacutepi-

deacutemiologie et la dynamique des maladies infectieuses les interactions hocirctes-pathogegravenes varient en

fonction de lrsquoeacutechelle spatiale consideacutereacutee et du temps ce qui a une incidence directe sur la dynamique

des maladies et la persistance des pathogegravenes22

On peut ici comparer lrsquoeacutechelle eacutecologique consideacutereacutee avec les niveaux ontologiques au sens ougrave

les observations et les conditions de lrsquoanalyse vont diffeacuterer en fonction du niveau ontologique exa-

mineacute En effet en eacutecologie la notion drsquoeacutechelle est capitale tant au niveau spatial et temporel qursquoau

niveau de la deacutefinition de lrsquohabitat ou de la repreacutesentation de la structure du vivant23 Crsquoest agrave cette

derniegravere que fait reacutefeacuterence la CBD dans sa deacutefinition de la diversiteacute biologique Elle srsquointeacuteresse agrave la

variabiliteacute des organismes vivants en distinguant la diversiteacute au sein des espegraveces entre espegraveces ou

la diversiteacute des eacutecosystegravemes24 Il est naturel que lrsquoon retrouve lrsquoexpression de cette distinction dans

les niveaux ontologiques puisqursquoils reacutesultent notamment des termes nominaux complexes de la CBD

(convention avec le plus grand nombre de termes identifieacute)

Lrsquointeacuterecirct de ces eacuteleacutements ontologiques est de reacuteveacuteler au juriste une grille drsquoanalyse qui lui per-

mette drsquoeacutelaborer un droit reacuteflexif crsquoest-agrave-dire un droit contenant des proceacutedures drsquoeacutevaluation in-

terne et des modegraveles de deacutecision au sein des institutions qui contribuent agrave reacuteduire les dommages en-

vironnementaux et agrave ameacuteliorer les beacuteneacutefices des deacutecisions prises dans le champ environnemental25

Crsquoest eacutegalement une incitation agrave prendre en compte la notion drsquoeacutechelle dans la deacutefinition du droit

de lrsquoenvironnement qui en ignorant cette question risque de reproduire des solutions adapteacutees agrave

une certaine eacutechelle eacutecologique agrave un autre niveau auquel ces mecircmes solutions produiront des effets

21 C Lajaunie and P Mazzega laquo One Health and Biodiversity conventions The emergence of health issues in Biodiversity conventions raquo IUCN Academy of Environmental Law eJournal Issue 7 2016a 105-121 httpwwwiucnaelorgene-journalcurrent-issue-22 P H Thrall and J J Burdon laquo The spatial scale of pathogen dispersal Consequences for disease dynamics and persistence raquo Evo-lutionary Ecology Research 1 1999 p 681ndash70123 J Martin G Plattner E Porcher R Julliard J Touroult et L Poncet Synthegravese bibliographique des changements drsquoeacutechelles carto-graphiques et des relations eacutecologiques entre les espegraveces et leurs habitats Paris SPN-CESCO-MNHN MEDDE 2014 83 p24 Article 2 de la Convention sur la Diversiteacute biologique deacutefinition de la diversiteacute biologique25 E Orts laquo A reflexive model of environmental regulation raquo Business Ethics Quarterly 5(4) 1995 779-794

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

68

neacutegatifs2627

Dans la perspective de reacutepondre agrave la complexiteacute et agrave la dynamique des systegravemes socio-eacutecolo-

giques il nous apparaicirct essentiel avec J B Rhul28 de deacutevelopper un droit lui-mecircme adaptatif et dy-

namique et qui integravegre de faccedilon iteacuterative les avanceacutees scientifiques

4) Reacuteseaux de transmissioncirculation des thegravemes de la Santeacute

Dans notre corpus quelles sont les sources des termes lieacutes agrave la santeacute Quelles COPs ont le plus

drsquoinfluence pour diffuser ces termes ou au contraire pour les reprendre Selon quel scheacutema srsquoopegravere

la circulation de ces termes Les reacutesolutions de certaines COPs ont-elles plutocirct un rocircle intermeacutediaire

de transmission de termes Les termes lieacutes agrave la santeacute affectent-ils plusieurs conventions Les scheacute-

mas de transmission circulation et persistance des termes lieacutes agrave la santeacute diffeacuterent-ils selon lrsquoeacutechelle

drsquoagreacutegation terminologique ou seacutemantique utiliseacutee pour lrsquoanalyse

Pour reacutepondre agrave ces questions nous produisons et analysons des graphes (reacuteseaux) dont les

sommets sont soit le texte drsquoune des trois conventions soit les reacutesolutions des COPs au total 42

sommets29 Nous proceacutedons ensuite de la maniegravere suivante a) Graphe des termes agrave lrsquoeacutechelle de

reacutesolution des termes (nominaux complexes) nous creacuteons un lien de poids N entre deux COPs si N

termes leurs sont communs ce lien est orienteacute de la COP la plus ancienne vers la COP la plus reacute-

cente b) Graphe des thegravemes agrave lrsquoeacutechelle de reacutesolution des thegravemes un lien est creacuteeacute entre deux COPs

si chacune drsquoelles utilise au moins un terme (pas neacutecessairement le mecircme) de la micro-ontologie du

mecircme thegraveme le lien est pondeacutereacute par le nombre de thegravemes communs Quant agrave lui le niveau de la theacute-

matique santeacute (composeacutee ici de 13 thegravemes distincts) relegraveve plutocirct drsquoune analyse globale (voir Sec5)

et ne requiert pas lrsquoutilisation de graphes

41 Graphe des Termes

Pour lever toute ambiguumliteacute rappelons que crsquoest bien la terminologie des reacutesolutions des COPs

qui est analyseacutee et non le compte rendu exhaustif des travaux des COPs Neacuteanmoins la preacutesence

drsquoun terme speacutecifique dans une reacutesolution atteste bien de lrsquousage de ce mecircme terme dans la COP

consideacutereacutee A ce titre le lien terminologique creacuteeacute entre deux reacutesolutions prises lors de deux COPs

diffeacuterentes est repreacutesenteacute come un lien entre COPs (que nous pouvons aussi consideacuterer comme

un label pour un groupe de textes) La Figure 3A preacutesente les conventions et COPs ordonneacutees par

nombre deacutecroissant de liens sortants (nombre de termes complexes nominaux distincts passant drsquoune

COP source agrave une COP reacuteceptrice) Les COPs de la CBD apparaissent comme les principales sources

de termes lieacutes agrave la santeacute en particulier la COP2 CBD suivie des COP5 et COP7 Fait remarquable la

26 A S Garmestani and M H Benson laquo A framework for resilience-based governance of social-ecological systems raquo Ecology and Soci-ety 18(1) 2013 p 927 G S Cumming laquo Scale mismatches and reflexive law raquo Ecology and Society 18(1) 2013 p 1528 J B Ruhl laquo Thinking of environmental law as a complex adaptive system how to clean up the environment by making a mess of en-vironmental law raquo Houston Law Review vol 34 ndeg 4 1997 p 933-100229 Noter cependant que tous les sommets nrsquoapparaitront pas dans les figures certaines COPs nrsquoeacutetant pas lieacutees aux autres selon les regravegles de construction de nos graphes

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

69

COP2 CBD ne comporte que 5 termes lieacutes agrave la santeacute30 mais ces termes sont repris dans de

nombreuses reacutesolutions des COPs ulteacuterieures et sont donc persistants Le fait que la COP3

CBD se trouve au 6iegraveme rang montre que lrsquoanteacuteceacutedence temporelle nrsquoexplique pas agrave elle

seule ndash au sein de la Convention sur la biodiversiteacute biologique ndash cet ordre Les COPs les

plus reacuteceptrices de termes venant des autres textes sont par ordre deacutecroissant les reacutecentes

COP11 et COP12 CBD la COP11 CMS puis agrave eacutegaliteacute les COP10 CBD et COP10 et COP09 CMS

Les COP8 (2005 1er rang) COP9 (2008 3iegraveme rang) et dans une moindre mesure COP10 (5iegraveme

rang) de la CMS jouent un rocircle preacutepondeacuterant drsquointermeacutediaires comme le montre la Figure 3B ougrave sont

ordonneacutees les COPs par degreacute deacutecroissant drsquointermeacutediariteacute La COP13 CITES (2004) est au 4iegraveme rang

Bien que les COP9 et COP10 CITES comportent de nombreux termes lieacutes agrave la santeacute elles ne jouent

pas le rocircle drsquointermeacutediaires ni celui de sources car leur registre terminologique est resserreacute sur les

notions de grippe (aviaire) de maladies de la faune sauvage ou drsquourgence (emergency) notions peu

ou pas preacutesentes dans les reacutesolutions des autres COPs de la mecircme ou des autres conventions

42 Graphe des Thegravemes

La Figure 4A preacutesente les Conventions et COPs ordonneacutees par nombre deacutecroissant de liens

sortants (nombre de thegravemes distincts passant drsquoune COP source agrave une COP reacuteceptrice) Ce graphe

comporte 27 sommets et 294 liens Ce sont agrave nouveau les reacutesolutions des COPs CBD qui sont source

principale des thegravemes Le rang des COPs est modifieacute par rapport agrave lrsquoordre de la Figure 3A car main-

tenant un thegraveme donneacute est eacutequivalent agrave une liste de termes il suffit qursquoun terme de cette liste ap-

paraisse dans le texte A et un autre de cette mecircme liste dans le texte B pour qursquoexiste un lien entre

eux Le texte de la Convention sur la diversiteacute biologique qui nrsquoavait aucun terme de la theacutematique

santeacute commun avec les reacutesolutions des COPs CBD et celles des autres COPs (Fig3A) se retrouve au

deuxiegraveme rang des textes sources de thegravemes Ce changement indique clairement que lrsquoanalyse terme

agrave terme peut ecirctre drsquoune reacutesolution seacutemantique trop fine pour tracer les liens entre textes et leurs

influences mutuelles le niveau des thegravemes et des micro-ontologies plus inteacutegrateur reflegravete proba-

blement mieux les liens organiques drsquoinfluence entre textes

Notons eacutegalement que si lrsquoon tient compte de la pondeacuteration des liens par le nombre de thegravemes

communs entre COPs ce sont alors les COP6 COP7 et COP5 CBD qui occupent les premiers rangs

non seulement ces COPs veacutehiculent beaucoup de termes mais encore ces termes abordent une

diversiteacute de thegravemes (mais alors la CBD recule de rang) Par ordre deacutecroissant les reacutesolutions des

COPs reacuteceptrices du plus grand nombre de thegravemes sont celles des COP13 et COP10 de la CITES de

la COP11 CMS puis de la COP12 CITES et des COP10 COP9 et COP8 CMS ordre qui ne srsquoexplique

pas par la chronologie des COPs puisque par exemple la COP10 CITES a eu lieu en 1997 (soit avant

les COP4 agrave COP12 CBD)

30 Agrave savoir laquo adequate safety measure raquo laquo effective risk assessment raquo laquo human health raquo laquo human well-being raquo et laquo precautionary ap-proach raquo

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

70

La mecircme structure de graphe est preacutesenteacutee en Figure 4B mais cette fois-ci en ordonnant les COPs

par degreacute deacutecroissant drsquointermeacutediariteacute Ce sont les reacutesolutions des COP3 COP7 COP1 et COP8 CMS

(vient ensuite la COP10 CITES etc) qui laquo passent raquo le plus freacutequemment des thegravemes entre groupes

de COPs Comme observeacute preacuteceacutedemment ce ne sont pas les mecircmes COP CMS que celles qui jouent

un rocircle important drsquointermeacutediaire de termes (comparer avec Fig3B) Pour mesurer lrsquoimportance du

rocircle drsquointermeacutediaire le nombre de thegravemes (ou de termes) nrsquoest pas deacutecisif ainsi les reacutesolutions de la

CO3 CMS ne compte que deux termes tous deux lieacutes au thegraveme des laquo risques et menaces raquo Mais par

ce thegraveme elle relie des groupes de COPs qui sans cela seraient deacuteconnecteacutes les uns des autres

5) Discussion

Nous allons insister ici sur les trois points qui nous semblent essentiels tant pour preacuteciser la

meacutethode que dans la poursuite de notre travail

51 Termes thegravemes ou theacutematique

En ce qui concerne le choix des termes lieacutes agrave la santeacute (ici dans une acception comprenant san-

teacute humaine santeacute animale et santeacute des eacutecosystegravemes) il est important de rappeler que le preacuterequis

majeur reacuteside dans une bonne connaissance du domaine eacutetudieacute pour faire apparaicirctre les mots-cleacutes

couramment employeacutes31

En section 4 nous postulons lrsquoexistence drsquoune sorte de morphisme32 latent entre lrsquoorganisation

hieacuterarchique drsquoune ontologie du domaine de lrsquoenvironnement ou de lrsquoeacutecologie et la connaissance

que nous avons de lrsquoorganisation multi-eacutechelles des constituants physico-chimiques et biologiques

de lrsquoenvironnement en eacutecosystegravemes La mise en lumiegravere drsquoun tel morphisme permettrait drsquoadapter

les cadres cognitifs de la creacuteation leacutegislative (voire ses instruments) agrave la connaissance des systegravemes

que le droit entend reacuteguler La pertinence de ce postulat est renforceacutee par lrsquoobservation suivante

Avec la physique la recherche en eacutecologie a montreacute que lrsquoeacutechelle agrave laquelle un systegraveme est obser-

veacute deacutetermine le paradigme drsquoanalyse le plus approprieacute En dynamique des populations par exemple

les processus (mortaliteacute lieacutee agrave la vieillesse maladies accidents etc) affectant la vie des individus

preacutesentent un caractegravere eacuteminemment aleacuteatoire qui se trouve moyenneacute agrave lrsquoeacutechelle drsquoune population

entiegravere pour laquelle une approche agrave preacutepondeacuterance deacuteterministe est mieux adapteacutee Ce constat

a conduit agrave rechercher quelles sont les laquo eacutechelles intermeacutediaires de deacuteterminisme non trivial33 raquo

ce sont les eacutechelles drsquoobservation auxquelles lrsquoeacutevolution drsquoun systegraveme nrsquoest ni purement aleacuteatoire

(comme la longeacuteviteacute drsquoun individu unique) ni trop simplement stable et preacutedictible (comme lrsquoeacutevolu

31 R S Wagh laquo Knowledge Discovery from Legal Documents Dataset using Text Mining Techniques raquo International Journal of Comput-er Applications Volume 66ndashNo23 2013 p 32-3432 De maniegravere geacuteneacuterale en matheacutematique un morphisme est une fonction ou une opeacuteration permettant de passer drsquoun ensemble E agrave un autre ensemble F tout en laissant intactes les proprieacuteteacutes respectives des deux ensembles 33 M Pascual and S A Levin laquo From individuals to population densities searching for the intermediate scale of nontrivial determin-ism raquo Ecology 80 1999 p 2225ndash2236 M Pascual P Mazzega and SA Levin (2001) laquo Oscillatory dynamics and spatial scale in ecological systems the role of noise and unresolved pattern raquo Ecology 82(8) 2357-2369 httpdxdoiorg1018900012-9658(2001)0825b2357ODAS-ST5d20CO2httpdxdoiorg1018900012-9658(2001)082[2357ODASST]20CO2

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

71

tion deacutemographique drsquoune tregraves large population comptant par exemple des milliards drsquoindividus) A

ces eacutechelles drsquoagreacutegation lrsquoeacutevolution du systegraveme est simplifieacutee sans toutefois perdre les traits essen-

tiels qui la caracteacuterise et pour laquelle existe une meacutethodologie drsquoanalyse bien constitueacutee relevant

drsquoun paradigme scientifique preacutecis

De maniegravere analogue le choix drsquoutiliser un terme speacutecifique par rapport agrave un de ses synonymes dans

un segment de texte (phrase paragraphe etc) revecirct un caractegravere aleacuteatoire qui limite la significativiteacute

de ses occurrences La recherche de nombreux termes atteacutenue ce type de biais Agrave lrsquoautre extreacutemiteacute de

ce que nous pourrions appeler un spectre de reacutesolution seacutemantique le suivi drsquoune theacutematique ndash ici

la santeacute ndash rassemblant tous les deacuteterminants historiques et cognitifs de sa prise en compte dans les

conventions internationales de lrsquoenvironnement tend agrave masquer la varieacuteteacute des vecteurs (pathogegravenes)

et des chemins drsquoune eacutemergence qui finit par srsquoimposer comme eacutevidente Ici lrsquoeacutechelle seacutemantique non

triviale pourrait-ecirctre celle des thegravemes qui constituent autant de composantes drsquoune theacutematique plus

large Par construction les graphes induits par un seul thegraveme sont des graphes complets (tous les

sommets sont lieacutes) dont les liens sont orienteacutes par la succession temporelle des COPs toutes conventions

confondues Par exemple le graphe induit par le thegraveme de la laquo santeacute raquo (voir la micro-ontologie en Fig2A)

comporte les reacutesolutions des dix-neuf COPs suivantes CBDCOP02 agrave COP12 CMSCOP08 agrave COP11

CITESCOP10 agrave COP13 Le graphe induit par le thegraveme des laquo maladies raquo (voir micro-ontologie en

Fig2B) comporte les huit COPs CITESCOP09 COP10 CBDCOP05 COP06 COP07 et CMSCOP08

COP09 COP10 Ainsi le suivi de chaque thegraveme nous permet de deacutecomposer analytiquement la

circulation drsquoune theacutematique drsquoensemble en circulation de ses composantes (thegravemes) De mecircme gracircce

agrave lrsquoorganisation hieacuterarchique des micro-ontologies la circulation drsquoun thegraveme peut ecirctre deacutecomposeacutee

en circulation de ses sous-thegravemes constitutifs (ainsi par exemple santeacute animale santeacute humaine

santeacute des eacutecosystegravemes One Health et santeacute globale pour le thegraveme laquo santeacute raquo Fig2A) et ainsi de suite

ajustant le niveau drsquoanalyse seacutemantique au degreacute de reacutesolution requis par la probleacutematique traiteacutee

52 Limites de lrsquoapplicabiliteacute de modegraveles eacutepideacutemiologiques

Lrsquoanalogie entre circulation de termes ou de thegravemes dans les conventions et circulation de pa-

thogegravenes dans une population sollicite lrsquoimagination et engage agrave rechercher et quantifier des proces-

sus et des dynamiques speacutecifiques (transmission persistance etc) Cependant notre eacutetude montre

que les modegraveles eacutepideacutemiologiques eacutequationnels ne sont pas adapteacutes agrave notre probleacutematique et ceci

pour trois raisons

Premiegraverement nous ne disposons que de 42 textes (Conventions et COPs) Mecircme en eacutelargissant

le corpus analyseacute agrave drsquoautres conventions nous resterions bien en-deccedilagrave des dimensions des systegravemes

eacutepideacutemiologiques geacuteneacuteralement analyseacutes qui comportent des milliers voire des millions drsquoindividus

exposeacutes Ces modegraveles srsquoappliquent avec un certain succegraves agrave la diffusion terminologique lorsque le

nombre drsquoindividus et drsquoeacutevegravenements est tregraves important Par exemple dans leur eacutetude Skaza and

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

72

Blais34 indiquent qursquoau niveau mondial le flux de hashtags est drsquoenviron 500 millions par heure

eacutechangeacutes entre environ 320 millions drsquoutilisateurs de Twitter La trajectoire de circulation de termes

entre conventions ne peut pas ecirctre eacutetablie sur la base drsquoun nombre suffisant drsquoeacutevegravenements pour en

deacutegager les eacuteventuelles reacutegulariteacutes qursquoun modegravele est senseacute reproduire (et expliquer)

Deuxiegravemement comme Salah Brahim et al35 lrsquoont observeacute agrave propos des cascades de citations sur

les blogs les termes eux-mecircmes peuvent eacutevoluer au cours de leur circulation agrave la maniegravere dont les

virus mutent Crsquoest drsquoune certaine faccedilon ce que nous observons lorsque les termes laquo grippe aviaire raquo

et laquo maladie aviaire raquo apparaissent en 2005 avec la COP08 CMS (puis la COP08 CBD en 2006) et sont

ensuite subsumeacutes (opeacuteration ontologique et non eacutepideacutemiologique) agrave un ou plusieurs termes plus geacute-

neacuteriques Nous avons aussi remarqueacute dans un preacuteceacutedent travail36 que le terme de laquo santeacute environne-

mentale raquo apparu dans notre corpus avec la COP2 CBD (1995) tend agrave ecirctre progressivement employeacute

avec celui laquo santeacute des eacutecosystegravemes raquo qui joue le rocircle de synonyme dans la mecircme convention et dans

drsquoautres (CMS CITES Ramsar etc)

Crsquoest probablement agrave cette sorte de mutation que nous assistons avec la diffusion du terme One

Health qui vient maintenant englober sous un seul vocable les notions de santeacute humaine santeacute ani-

male et santeacute des eacutecosystegravemes Cependant cette eacutevolution est probablement aussi lieacutee agrave un troisiegraveme

effet que les modegraveles ne peuvent capturer la circulation et la transmission des termes ne srsquoeffectuent

pas uniquement entre textes des conventions mais aussi via la tenue des Confeacuterences des Parties

et drsquoautres eacutevegravenements auxquels participent les repreacutesentants de nombreuses organisations (e g

UNEP FAO WHO IUCN OIE etc) porteuses de leur culture propre et de leur ontologie singuliegravere37

53 Lrsquointeacutegration de nouvelles sources

Nous devons souligner le fait que les questions de santeacute sont aussi abordeacutees dans drsquoautres textes

qui ne sont pas issus directement des COPs mais de reacuteunions preacuteparatoires ou de comiteacutes scienti-

fiques Ainsi par exemple en ce qui concerne la CITES il est inteacuteressant de noter que le Comiteacute pour

les animaux de la CITES constatant le manque de discussions sur les maladies de la faune sauvage

lors des Confeacuterences des Parties a deacutecideacute drsquoinclure dans sa session de 2012 un point sur les relations

entre le commerce de la faune sauvage et les maladies de la faune sauvage Le comiteacute insiste sur trois

points en lien avec la CITES

laquo a) le commerce international des espegraveces animales sauvages et de leurs produits peut propager

des maladies de la faune sauvage

34 J Skaza and B Blais laquo Modeling the infectiousness of Twitter hashtags raquo Preprint submitted to Physica A 2016 arXiv160300074v1 [csSI] 29 Feb 201635 A Salah Brahim L Tabourier and B Le Grand laquo A data-driven analysis to question epidemic models for citation cascades on the blogosphere raquo Proc of the 7th Intern AAAI Conference on Weblogs and Social Media 2013 httpswwwaaaiorgocsindexphpICWSMhellip6394 36 C Lajaunie and P Mazzega laquo One Health and Biodiversity conventions The emergence of health issues in Biodiversity conventions raquo IUCN Academy of Environmental Law eJournal Issue 7 2016a 105-121 httpwwwiucnaelorgene-journalcurrent-issue-37 C Lajaunie and P Mazzega laquo Organization Networks as Information Integration System Case study on Environment and Health in Southeast Asia raquo ACSIJ Adv Computer Science 5 2016 p 28-39 httpwwwacsijorgacsijarticleview461374

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

73

b) les effets des maladies de la faune sauvage peuvent influencer les deacutecisions de la CITES par

exemple en lrsquoincitant agrave inscrire des espegraveces agrave ses annexes ou agrave eacutemettre des avis de commerce non

preacutejudiciable et

c) les restrictions commerciales prises pour des raisons sanitaires peuvent avoir une incidence

sur les programmes et les projets visant agrave garantir lrsquoutilisation durable des espegraveces sauvages raquo38

Ainsi le compte-rendu de cette session de 2012 preacutecise le mandat du Groupe de travail scienti-

fique pour la santeacute des eacutecosystegravemes et de la faune sauvage39 creacuteeacute par la CMS et dont le Secreacutetariat de

la CITES est un affilieacute cleacute Le contenu de ce mandat deacutetailleacute en annexe est cependant essentiel car il

mentionne que la vision et les objectifs du Groupe de travail reposent sur une approche scientifique

inteacutegreacutee dans le cadre de lrsquoinitiative laquo One Health raquo40

Cet exemple montre que pour avoir une ideacutee plus exhaustive de la circulation des termes de san-

teacute il faudrait sans doute dans un deuxiegraveme temps inteacutegrer les documents provenant de ces comiteacutes

scientifiques qui ont une part importante dans la reacuteflexion en amont des COPs et viennent preacuteciser

le contexte et lrsquoesprit des travaux scientifiques preacuteceacutedant lrsquoadoption des reacutesolutions des COPs

6) Conclusion

Ce travail nous a permis de mettre en eacutevidence le rocircle preacutepondeacuterant de la CBD dans la transmis-

sion des termes de santeacute vers les autres conventions consideacutereacutees degraves son adoption en 1992 La CBD

apparaicirct comme la principale source de transmission des termes de santeacute et lrsquoon peut voir dans le

temps quelles COPs facilitent le plus cette transmission

Il est inteacuteressant de noter que si les termes de santeacute apparaissent drsquoabord sporadiquement dans

la CMS crsquoest la convention qui malgreacute son champ beaucoup plus speacutecifique que la CBD va faciliter

la circulation des termes et thegravemes de santeacute entre conventions ce rocircle drsquointermeacutediaire permet de

relier des groupes de COPs qui nrsquoauraient a priori aucun lien et favorise le renforcement de la visi-

biliteacute des questions de santeacute sur une plus large assise internationale

Enfin en ce qui concerne la persistance des termes de santeacute crsquoest-agrave-dire leur apparition et leur

maintien dans le temps on voit qursquoelle est la plus importante en ce qui concerne la CBD qui men-

tionne des termes de santeacute depuis son adoption sans discontinuer et de faccedilon plus ou moins aiguumle

Pour la CMS crsquoest agrave partir de 2005 que les termes de santeacute deviennent persistants en relation avec

des mesures internationales comme lrsquoadoption du Regraveglement Sanitaire International alors que la

CITES voit apparaicirctre et disparaicirctre les termes de santeacute en fonction des theacutematiques des COPs Re-

marquons tout de mecircme que la prise en compte des travaux des comiteacutes scientifiques comme le Co

38 CITES Vingt-sixiegraveme session du Comiteacute pour les animaux Relations entre commerce et maladies des espegraveces sauvages AC26 Doc 23 (Rev 1) Genegraveve (Suisse) 15 ndash 20 mars 2012 et Dublin (Irlande) 22 ndash 24 mars 2012 sect639 Le document speacutecifie que le Groupe de travail malgreacute son nom le Groupe de travail se concentrera principalement voire entiegraverement sur les animaux40 Le Groupe de travail vise agrave laquo parvenir agrave une meilleure santeacute pour les eacutecosystegravemes la faune sauvage le beacutetail et lrsquohomme en encourageant une approche scientifique inteacutegreacutee dans le cadre de lrsquoinitiative ldquoOne Healthrdquo raquo Lrsquoannexe deacutetaillant le mandat de ce groupe de travail mentionne 6 fois lrsquoexpression laquo One Health raquo sur 5 pages Voir lrsquoannexe du document AC26 Doc 23 (Rev 1) citeacute ci-dessus

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

74

miteacute pour les animaux de la CITES ainsi que montreacute dans lrsquoexemple agrave la fin de la section 5 permet-

trait de modeacuterer ces reacutesultats La santeacute fait bien partie des preacuteoccupations de la CITES notamment

depuis sa participation au Groupe de travail scientifique sur les maladies de la faune sauvage41 en

2011 inviteacute par la CMS

Dans la suite de ce travail nous envisageons donc drsquoeacutetendre lrsquoeacutetude agrave drsquoautres textes que les

Conventions et reacutesolutions CMS CITES et CBD et nous souhaitons eacutelargir lrsquoanalyse agrave drsquoautres conven-

tions telles que la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques la convention

de Ramsar sur les zones humides ou encore la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la deacute-

sertification Comme nous lrsquoavons fait ici lrsquoutilisation de diverses eacutechelles de reacutesolution seacutemantique42

permettra drsquoajuster les techniques de fouille et de suivi agrave la speacutecificiteacute ou au contraire agrave la geacuteneacuteraliteacute des

thegravemes eacutetudieacutes ce qui srsquoavegravere drsquoautant plus neacutecessaire que les domaines environnementaux reacuteguleacutes

(changement climatique biodiversiteacute zones humides etc) sont tregraves diffeacuterencieacutes et que par ailleurs les

conventions peuvent utiliser des vocabulaires vernaculaires (voire des ontologies implicites distinctes)

Nous devrons eacutegalement nous inteacuteresser aux acteurs portant les diffeacuterentes theacutematiques termes

et thegravemes de santeacute afin de deacutegager le rocircle preacutepondeacuterant joueacute par certaines agences onusiennes ou

ONG par exemple43

Remerciements

Nous remercions M Norbert Pariente pour sa relecture critique et ses judicieux commentaires

de notre manuscrit Nous remercions pour leur soutien lrsquoANR GLOB ANR 12-GLOB-0001 Projet

Circulex laquo Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs dans la gouvernance internationale de lrsquoen-

vironnement raquo ndash PI Dr Sandrine Maljean-Dubois (CNRS) et lrsquoANR CPampES ANR 11 CPEL 002 Projet

BiodivHealthSEA laquo Impacts et perceptions locales des changements globaux santeacute biodiversiteacute et

zoonoses en Asie du Sud-Est raquo ndash PI Dr Serge Morand (CNRS CIRAD) LrsquoObservatoire Midi-Pyreacuteneacutees

encourage cette recherche au travers de lrsquoinitiative Environnement Santeacute et Socieacuteteacute dans le cadre

du projet laquo Eacutemergence des questions de santeacute dans les conventions internationales sur lrsquoenvironne-

ment raquo (2016) LrsquoInstitut Ecologie et Environnement (InEE) du CNRS soutient le Reacuteseau Theacutematique

Pluridisciplinaire International RTPI laquoBiodiversiteacute Santeacute et Socieacuteteacutes en Asie du Sud Estraquo Thaiumllande

(PI S Morand CNRSCIRAD) aux travaux duquel cette eacutetude contribue

41 Ce groupe de travail a eacuteteacute rebaptiseacute Groupe de travail scientifique pour la santeacute des eacutecosystegravemes et de la faune sauvage par la Reacutesolution 1022 de la CMS intituleacutee laquo Maladies de la faune sauvage et espegraveces migratrices raquo 201142 Depuis un travail a eacuteteacute reacutealiseacute dans la ligneacutee de la preacutesente eacutetude notamment en gardant la speacutecificiteacute seacutemantique des liens entre COPs au travers drsquoune structure de reacuteseau multiplexe - cf C Lajaunie Mazzega P and R Boulet (2017) Health in Biodiversity-Related Conventions Analysis of a Multiplex Terminological Network (1973-2016) In Big Data in Computational Social Science and Humanities Shu-Heng Chen Ed Springer in press43 Cf P Mazzega and C Lajaunie (2017) Modelling Organisation Networks Collaborating on Health and Environment within ASEAN In Complex Systems Theory and Applications Rebecca S Martinez (Editor) NOVA Publ Hauppauge NY- USA ISBN 978-1-53610-871-2 Chap 5 117-148

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

75

7) Annexe

Pour ce qui concerne la CBD nous utilisons les deacutecisions En effet laquo la Confeacuterence des Parties

est lrsquoorgane directeur de la Convention elle fait progresser la mise en œuvre de la Convention par

des deacutecisions prises lors de ses reacuteunions peacuteriodiques raquo [httpswwwcbdintcop] Les recomman-

dations ndash que nous ne consideacuterons pas dans cette eacutetude - sont proposeacutees par les divers organes tech-

niques avec reacuteunion des parties

Pour la CMS nous analysons les reacutesolutions qui elles-mecircmes incluent les deacutecisions comme le

preacutecise la reacutesolution UNEPCMSResolution 116 sect1

laquo Les reacutesolutions repreacutesentent une deacutecision des Parties adopteacutee lors drsquoune reacuteunion de la Confeacute-

rence des Parties concernant lrsquointerpreacutetation de la Convention ou lrsquoapplication de ses dispositions

Les reacutesolutions sont geacuteneacuteralement destineacutees agrave fournir une orientation de long terme agrave lrsquoeacutegard de la

Convention Les reacutesolutions comprennent des deacutecisions portant sur la faccedilon drsquointerpreacuteter et drsquoap-

pliquer les dispositions de la Convention la creacuteation de comiteacutes permanents lrsquoeacutetablissement de pro-

cessus de long terme et lrsquoeacutetablissement des budgets du Secreacutetariat (hellip) Les deacutecisions repreacutesentent

une deacutecision des Parties adopteacutee lors drsquoune reacuteunion de la Confeacuterence des Parties contenant des re-

commandations aux Parties ou des instructions agrave un comiteacute speacutecifique ou au Secreacutetariat Elles sont

geacuteneacuteralement destineacutees agrave rester en vigueur pendant une courte peacuteriode habituellement jusqursquoagrave ce

qursquoune tacircche particuliegravere ait eacuteteacute acheveacutee raquo

Lrsquointroduction sur le site de la CITES (httpswwwcitesorgengdecintrophp) eacutetablit les dis-

tinctions suivantes

laquo Agrave chacune de ses reacuteunions la Confeacuterence des Parties agrave la CITES considegravere les problegravemes de

mise en œuvre de la Convention et de son efficaciteacute Les reacutesultats de ses deacutelibeacuterations sont sous

forme de recommandations (article XI paragraphe 3) qui sont enregistreacutes soit dans les reacutesolutions

soit dans les deacutecisions de la Confeacuterence des Parties (hellip) Les reacutesolutions sont geacuteneacuteralement destineacutees

agrave fournir une orientation de long terme Les deacutecisions sont drsquoune nature diffeacuterente Typiquement

elles contiennent des instructions agrave un comiteacute speacutecifique ou au Secreacutetariat Cela signifie qursquoelles

doivent ecirctre mises en œuvre souvent pour un temps deacutetermineacute puis devenir obsolegravetes (hellip)Les deacuteci-

sions de la Confeacuterence des Parties nrsquoexistaient pas comme une seacuterie distincte de recommandations

jusqursquoagrave la neuviegraveme reacuteunion de la Confeacuterence des Parties (Fort Lauderdale 1994) La premiegravere liste

des deacutecisions preacutesenteacutee pour adoption lors de cette reacuteunion a eacuteteacute compileacutee agrave partir de toutes les re-

commandations qui avaient eacuteteacute adopteacutees mais nrsquoa pas eacuteteacute enregistreacutee dans les reacutesolutions et agrave partir

des instructions qui avaient eacuteteacute incluses dans les reacutesolutions mais nrsquoavait pas encore eacuteteacute mise en

œuvre Le but eacutetait de rendre ces textes plus accessibles en les compilant dans un seul document raquo

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

76

8) Tables

Table 1 Dates et nombre de reacutesolutions (entre parenthegraveses) des confeacuterences des parties de la

Convention sur le Biodiversiteacute (CBD) de la Convention sur les Espegraveces Migratrices (CMS) et de la

Convention sur le commerce des espegraveces menaceacutees (CITES) analyseacutees dans cette eacutetude Les textes

des Conventions et des reacutesolutions ont eacuteteacute teacuteleacutechargeacutes sur les sites indiqueacutes

CBDhttpswwwcbdint

CMShttpwwwcmsint

CITEShttpscitesorg

Convention 1992 1979 1973COP 01 1994 (13) 1985 (8) 1976 (0)COP 02 1995 (23) 1988 (7) 1979 (1)COP 03 1996 (27) 1991 (8) 1981 (1)COP 04 1998 (19) 1994 (7) 1983 (4)COP 05 2000 (29) 1997 (8) 1985 (2)COP 06 2002 (32) 1999 (10) 1987 (1)COP 07 2004 (36) 2002 (15) 1989 (1)COP 08 2006 (34) 2005 (29) 1992 (4)COP 09 2008 (36) 2008 (20) 1994 (11)COP 10 2010 (47) 2011 (29) 1997 (14)COP 11 2012 (33) 2014 (34) 2000 (15)COP 12 2014 (35) 2002 (8)COP 13 2004 (10)COP 14 2007 (6)COP 15 2010 (1)COP 16 2013 (10)

Table 2 Occurrences des termes lieacutes au thegraveme de la santeacute les plus freacutequents selon les dates des

COPs (ndeg en rouge pour les reacutesolutions des COPs de la CBD en bleu pour celles de la CMS en vert

pour celles de la CITES)

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

77

Figure 1 Nombre (diviseacute par 100) de termes nominaux complexes apregraves filtrage (fcnt en bleu)

et de termes lieacutes au thegraveme de la santeacute (HealthT en rouge) en fonction des dates de publication des

Conventions ou des reacutesolutions des COPs Haut CBD Milieu CMS Bas CITES

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

78

Figure 2 Thegravemes laquo santeacute raquo et laquo maladie raquo preacutesenteacutees sous forme de micro-ontologies (organisa-

tions hieacuterarchiques de termes complexes nominaux issus du corpus) Chacune de ces micro-ontologies

a une profondeur de quatre niveaux la composante drsquoun niveau pouvant ecirctre une classe pour un

niveau infeacuterieur Les termes apparaissant dans une mecircme boite sont consideacutereacutes du point de vue de

notre analyse comme des synonymes (expressions lieacutees par la relation laquo est eacutequivalent agrave raquo)

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

79

Figure 3 Graphe de transmission des termes lieacutes agrave la Santeacute Les sommets sont les Conventions

ou les COPs (avec leur ndeg CBD en vert CMS en mauve CITES en orangeacute) Un lien de poids N

orienteacute selon la flegraveche du temps existe entre COP_x et COP_y si N termes leurs sont communs (lien

non-orienteacute et pointilleacute pour des COPs simultaneacutees) A) Hieacuterarchisation des COPs par nombre deacute-

croissant de liens sortants (non pondeacutereacutes) B) Hieacuterarchisation des COPs par degreacute drsquointermeacutediariteacute

deacutecroissant Les chiffres griseacutes indiquent le rang normaliseacute dans la hieacuterarchisation

A) B)

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

80

Figure 4 Graphe orienteacute de transmission des thegravemes lieacutes agrave la Santeacute Les 27 sommets sont les

Conventions ou les COPs (avec leur ndeg CBD en vert CMS en mauve CITES en orangeacute) Un lien

de poids N orienteacute selon la flegraveche du temps existe entre COP_x et COP_y si N thegravemes leurs sont

communs (lien non-orienteacute et pointilleacute pour des COPs simultaneacutees) Les graphes comptent 294 liens

(non repreacutesenteacutes ici pour alleacuteger les figures) A) Hieacuterarchisation des COPs par nombre deacutecroissant

de liens sortants (non pondeacutereacutes) B) Hieacuterarchisation des COPs par degreacute drsquointermeacutediariteacute deacutecrois-

sant Les chiffres griseacutes indiquent le rang normaliseacute dans la hieacuterarchisation

A) B)

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

81

chapitre 3HFC histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave

lrsquoamendement de Kigali

Hugues Hellio1

Reacutesumeacute

Promus pour la protection de la couche drsquoozone mais relevant des gaz agrave effet de serre les

hydrofluorocarbones offrent une illustration preacutegnante des enjeux de circulations de normes et de

reacuteseaux drsquoacteurs de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement examineacutes par les recherches

CIRCULEX Confronteacute agrave plusieurs oppositions et contradictions le complexe de reacutegimes eacutetabli sur

leur base a longuement peineacute agrave promouvoir une solution juridique adeacutequate Dans cette attente les

enjeux couverts deacutevoilaient lrsquoeacutetat et les potentialiteacutes du droit international de lrsquoenvironnement ainsi

qursquoune conception ouverte aux dialogues de lrsquoarchitecture geacuteneacuterale du droit

Abstract

Promoted to protect the ozone layer but constituting greenhouse gas hydrofluorocarbons

offer pregnant illustration of the issues of legal circulations and actor networks of international

environmental governance examined by CIRCULEX research Facing several oppositions and

contradictions the regime complex established on their basis has long struggled to adequately

promote legal solution In this meantime the covered issues revealed the status and potential of

international environmental law as well as a design open to dialogues of the general architecture of

law

Le monde sans ozone

Deacutetecteacutes aux pocircles terrestres les trous dans la couche drsquoozone ont constitueacute une preacuteoccupation

environnementale extrecircmement importante des anneacutees 1980 Moleacutecule constitueacutee de trois atomes

drsquooxygegravene lrsquoozone (O3) est une substance dont les villes apprennent agrave limiter la concentration dans

leur atmosphegravere par journeacutee chaude et vent faible surtout en reacutegulant la circulation automobile

notamment Affectant la respiration et dangereuse pour la santeacute des populations au niveau du sol

lrsquoozone est indispensable en haute altitude Preacutesente agrave quelques dizaines de kilomegravetres au dessus

du sol lrsquoozone stratospheacuterique forme une couche peu dense qui assure une filtration naturelle des

rayonnements solaires ultra-violets (UVA et UVB) Cette absorption a eacuteteacute et demeure neacutecessaire agrave la

vie sur terre tant de lrsquohomme que de la faune et de la flore

1 Maicirctre de confeacuterences (HDR) de droit public Universiteacute drsquoArtois EA 2471 Centre Droit Eacutethique et Proceacutedures (CDEP) F-59500 Douai France En deacuteleacutegation CNRS 2016 UMR DICE - CERIC Aix-Marseille Universiteacute Working paper reacutealiseacute avec le soutien de lrsquoAgence nationale pour la recherche franccedilaise dans le cadre du projet ltANR-12-GLOB-0001-03 CIRCULEXgt

HFC Histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali

82

Dans les anneacutees 1970 des recherches scientifiques meneacutees en Antarctique ont mis en eacutevidence

une diminution peacuteriodique de lrsquoozonosphegravere au dessus du pocircle Sud Le mecircme constat a suivi pour

le pocircle Nord Entre production naturelle sous lrsquoeffet du rayonnement solaire sur le dioxygegravene (O2)

et deacutecomposition naturelle en son absence lrsquoeacutequilibre dynamique de lrsquoozone stratospheacuterique a eacuteteacute

affecteacute par la preacutesence drsquoautres substances qui deacutetruisent les moleacutecules drsquoozone par le jeu de reacuteac-

tions catalytiques Les substances responsables furent identifieacutees comme eacutetant des composeacutes chloreacutes

produits par lrsquohomme pour ses activiteacutes plus preacuteciseacutement les chlorofluorocarbones (CFC)2 Lrsquoidenti-

fication de la deacutegradation de lrsquoozonosphegravere et de sa cause fut lrsquooccasion drsquoune reacuteaction diplomatique

et juridique internationale

La solution Vienne-Montreacuteal

Fondeacutee sur les expertises scientifiques la reacuteaction de la communauteacute internationale pour la

protection de la couche drsquoozone est encore salueacutee comme un exemple historique de rapiditeacute et drsquoef-

ficaciteacute3

Le 22 mars 1985 est signeacutee la Convention de Vienne sur la protection de la couche drsquoozone

(Convention de Vienne) Adopteacutee sous lrsquoeacutegide du Programme des Nations Unies pour lrsquoenvironne-

ment (PNUE) cette convention-cadre eacutetablit une obligation geacuteneacuterale de prendre des mesures ap-

proprieacutees pour proteacuteger la santeacute humaine et lrsquoenvironnement contre les effets neacutefastes reacutesultant

ou susceptibles de reacutesulter des activiteacutes humaines qui modifient ou sont susceptibles de modifier

la couche drsquoozone (art 2) Surtout degraves le 16 septembre 1987 avant mecircme lrsquoentreacutee en vigueur de la

convention-cadre les Parties adoptent sur son fondement le Protocole de Montreacuteal relatif agrave des subs-

tances qui appauvrissent la couche drsquoozone (Protocole de Montreacuteal) Entreacute en vigueur le 1er janvier

1989 ajusteacute et amendeacute respectivement agrave six4 et agrave quatre5 reprises depuis le Protocole de Montreacuteal

cible preacuteciseacutement les CFC (art 2A) et les autres substances responsables de la deacutegradation de la

couche drsquoozone Son dispositif planifie lrsquointerdiction de production et de commercialisation de ces

substances sauf besoin impeacuterieux et en tenant compte de la situation particuliegravere des pays en deacuteve-

loppement (art 5)

La solution Vienne-Montreacuteal eacutetablit un reacutegime juridique international agrave lrsquoarchitecture

sophistiqueacutee Baseacute sur des obligations et commandements simples de marcheacute (limitation et prohibition

de production drsquoexportation drsquoimportation des substances consideacutereacutees entre les Parties et avec

les pays tiers) le reacutegime ozone promeut une coopeacuteration internationale empreinte drsquoinformation

et de transparence Il est en outre pourvu drsquoun meacutecanisme financier et drsquoincitation au transfert de

2 Inventeacutes dans les anneacutees 1930 les CFC ont eacuteteacute abondamment produits par lrsquoindustrie agrave partir des anneacutees 1950 en raison de leurs proprieacuteteacutes (ininflammables stables et inertes compressibles non solubles et peu oneacutereux agrave fabriquer) et de leur apparente innocuiteacute environnementale Ils eacutetaient principalement utiliseacutes dans lrsquoindustrie du froid comme agents dispersants et gaz propulseurs des bombes aeacuterosols et des mousses syntheacutetiques comme steacuterilisants et solvants de lrsquoindustrie eacutelectronique ou comme agents extincteurs3 Voy not K Litfin Ozone Discourses Science and Politics in Global Environmental Cooperation Columbia University Press 1994 257 p R E Benedick Ozone Diplomacy New Directions in Safeguarding the Planet Harvard University Press Cambridge 1998 (eacuted eacutelargie) 480 p O Yoshida The international legal reacutegime for the protection of the stratospheric ozone layer international law international reacutegimes and sustainable development Kluwer The Hague 2001 403 p D Kaniaru (ed) The Montreal Protocol celebrating 20 years of environmental progress ozone layer and climate protection Cameron May London 2007 355 p4 Lrsquoajustement du Protocole de Montreacuteal (art 2 sect 9) permet agrave ses Parties de reacutepondre rapidement aux nouvelles informations scientifiques et de parvenir agrave un accord pour acceacuteleacuterer les reacuteductions des volumes de la production et de la consommation des substances deacutejagrave reacuteglementeacutees par le Protocole Les ajustements sont automatiquement applicables agrave tous les pays qui ont ratifieacute le Protocole5 Amendement de Londres (1990) de Copenhague (1992) de Montreacuteal (1997) et de Beijing (1999)

Hugues HELLIO

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technologies au profit des Parties dont la situation particuliegravere le requiert Surtout il est doteacute drsquoun

meacutecanisme original de controcircle du non-respect inspireacute de la theacuteorie de la compliance qui a fait eacutecole

aupregraves de nombreux autres accords environnementaux multilateacuteraux Le reacutegime ozone a ainsi acquis

une vitaliteacute institutionnelle forte Elle se mesure agrave lrsquoaune des centaines de deacutecisions prises lors de

ses reacuteunions annuelles ainsi qursquoagrave lrsquoengagement de 197 Parties agrave son entreprise conventionnelle qui

atteint en 2009 la ratification universelle pour la premiegravere fois de lrsquohistoire de lrsquoOrganisation des

Nations Unies

Si la crainte drsquoune disparation complegravete de la couche drsquoozone nrsquoest plus de mise son eacutevolution

aux pocircles reste preacuteoccupante et sous surveillance La couche drsquoozone pourrait retrouver son eacutetat de

1980 au deacutebut de la seconde moitieacute du XXIe siegravecle Les reacutesultats obtenus en la matiegravere sont direc-

tement imputables agrave la mise au ban mondiale des CFC et des autres substances ozonicides Symeacute-

triquement ce bannissement est alleacute de pair avec la promotion drsquoautres moleacutecules aux proprieacuteteacutes

industrielles et drsquousages comparables mais qui srsquoavegraverent non nocives pour lrsquoozone Au premier rang

de ces substances regravegnent les hydrofluorocarbones (HFC)

Les enjeux des HFC

Les hydrofluorocarbones sont utiliseacutes en remplacement des CFC et des autres substances qui

appauvrissant la couche drsquoozone sont en voie drsquoeacutelimination au titre du reacutegime ozone Pour autant

leur consideacuteration ne se limite pas agrave ce reacutegime juridique Les HFC sont aussi pris en compte par

drsquoautres reacutegimes juridiques de protection internationale de lrsquoenvironnement Les HFC integravegrent

donc une pluraliteacute de reacutegimes juridiques internationaux qui deacuteveloppent des interactions6 et qui

par lagrave mecircme forment un complexe de reacutegimes7 Surtout la logique de consideacuteration des HFC par

ces autres reacutegimes est diameacutetralement opposeacutee agrave celle qui preacutevalait dans le reacutegime ozone Y prime la

recherche drsquoeacutelimination des HFC plutocirct que ce qui put ecirctre celle de leur promotion

Srsquoils sont sans effet sur lrsquoozone les HFC sont de tregraves puissants gaz agrave effet de serre entre 14 000 et

23 000 fois supeacuterieur au dioxyde de carbone (CO2) et leurs eacutemissions augmenteraient de 7 agrave 9 par

an Leur effet potentiel sur le climat serait ainsi consideacuterable Le retrait mondial des HFC permettrait

drsquoinfleacutechir la courbe du reacutechauffement de 05 degC drsquoici agrave 2050 Seraient en jeu 100 milliards de tonnes

6 Les interactions de reacutegimes qursquoelles soient verticales ou comme ici horizontales entre plusieurs reacutegimes eacutetablis au niveau international ont eacuteteacute analyseacutees notamment par Oran R Young Voy O R Young The institutional dimension of environmental change fit interplay and scale MIT Press Cambridge 2002 237 p speacutec pp 83-138 O R Young L A King et H Schroeder (ed) Institutions and environmental change principal findings applications and research frontiers MIT Press Cambridge 2008 400 p speacutec Th Gehring et S Oberthuumlr laquo Interplay Exploring Institutional interaction raquo pp 187-223 S Oberthuumlr et O S Stokke (ed) Managing Institutional Complexity Regime Interplay and Global Environmental Change MIT Press Cambridge 2011 376 p7 Pour J-F Morin laquo [p]arce que le nombre de reacutegimes internationaux est en constante augmentation et que chacun eacutevolue en prenant de lrsquoexpansion certains finissent par se chevaucher Il se creacutee alors des constellations de reacutegimes lieacutes les uns aux autres que lrsquoon appelle laquo complexes de reacutegimes laquo Les diffeacuterents reacutegimes qui composent un complexe peuvent se faire concurrence deacutevelopper des synergies ou encore entrer en conflit raquo cf J-F Morin laquo Les reacutegimes internationaux de lrsquoenvironnement raquo CERISCOPE Environnement 2014 lthttpceriscopesciences-pofrenvironnementcontentpart3les-regimes-internationaux-de-l-environnement consulteacutee le 161016gt Voy aussi A Orsini J-F Morin et O R Young laquo Regime complexes A buzz a boom or a boost for global governance raquo Global Governance A Review of Multilateralism and International Organizations 2013-1 vol 19 pp 27-39

HFC Histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali

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drsquoeacutequivalents CO2 crsquoest-agrave-dire dix fois plus que les objectifs fixeacutes par le Protocole de Kyoto8

Sans surprise le reacutegime international du climat construit en 1992 sur la base de la Conven-

tion-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a eacuteteacute saisi de la question

des HFC Plus preacuteciseacutement le Protocole de Kyoto de 1997 vise six gaz9 dont les HFC qui sont comp-

tabiliseacutes dans les eacutemissions de gaz agrave effet de serre et sujets agrave reacuteduction pour les Parties lieacutees par des

obligations chiffreacutees La question des HFC est en outre profondeacutement enracineacutee dans les dispositifs

du reacutegime climat Elle se retrouve par exemple au cœur des modaliteacutes et des financements du Meacute-

canisme de deacuteveloppement propre (MDP) du Protocole de Kyoto avec de surcroicirct les controverses

drsquoapplication lieacutees au HFC-2310 Reste qursquoen consideacuteration du champ drsquoapplication du Protocole de

Kyoto les reacutesultats obtenus pour les HFC sont tout aussi deacutecevants que ceux de lrsquoensemble du Pro-

tocole Ils laissent perdurer une situation fort dommageable pour le climat

Sans devoir constater lrsquoexistence drsquoengagements internationaux contradictoires au sens strict

le traitement reacuteserveacute aux HFC relevait de logiques antagonistes promus dans le reacutegime ozone ils

doivent ecirctre limiteacutes si ce nrsquoest proscrits dans le reacutegime climat

Le reacutegime ozone nrsquoest pas resteacute insensible au problegraveme poseacute par les HFC pour le climat Au

contraire degraves 1990 la deuxiegraveme Reacuteunion des Parties au Protocole de Montreacuteal a prieacute son Groupe de

lrsquoeacutevaluation scientifique drsquoinclure dans ses travaux une eacutevaluation du laquo potentiel de reacutechauffement

de la planegravete des produits chimiques de remplacement (par exemple HCFC et HFC) des substances

reacuteglementeacutees raquo11 Si les anneacutees suivantes nrsquoont pas deacutementi la preacuteoccupation preacutecoce affirmeacutee par le

reacutegime ozone aucun amendement sur le sort des HFC nrsquoeacutetait parvenu agrave eacutemerger

En marge de la voie multilateacuterale de protection de lrsquoenvironnement (reacutegime ozone et reacutegime

climat) drsquoautres initiatives sont apparues pour apporter une solution agrave la question des HFC for-

mant et formalisant en cela davantage le complexe de reacutegimes lieacutes aux HFC Les approches pluri- et

bilateacuterale doivent ecirctre signaleacutees Elles doivent beaucoup aux Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique Deacutejagrave quelques

semaines avant le G20 de Saint-Peacutetersbourg en 2013 les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et la Chine sont

convenus drsquoun accord portant preacuteciseacutement sur la reacuteduction des eacutemissions des HFC12 Au terme de

cette reacuteunion du G20 de septembre 2013 les chefs drsquoEacutetat et de gouvernement ont deacuteclareacute

laquo Nous encourageons eacutegalement les initiatives suppleacutementaires dans le cadre drsquoapproches multi-lateacuterales qui preacutevoient lrsquoutilisation de lrsquoexpertise et des institutions du Protocole de Montreacuteal afin de

8 Eacuteleacutements repris de S Maljean-Dubois et M Wemaeumlre laquo Lrsquoaccord agrave conclure agrave Paris en deacutecembre 2015 une opportuniteacute pour laquodeacuteraquofragmenter la gouvernance internationale du climat raquo RJE 2015-4 speacutec p 661 Pour plus drsquoeacuteleacutements chiffreacutes voy PNUE HFCs A Critical Link in Protecting Climate and the Ozone Layer UNEP 2011 36 p disp agrave lrsquoadresse ltwwwuneporgdewaPortals67pdfHFC_reportpdf consulteacutee le 161016gt9 Selon lrsquoannexe A du Protocole de Kyoto toute aussi importante que lrsquoAnnexe I de la CCNUCC qui deacutefinit les Parties lieacutees par des obligations chiffreacutees de reacuteduction ces gaz sont le dioxyde de carbone (CO

2) le meacutethane (CH

4) lrsquooxyde nitreux (N

2O) les hydrofluorocarbones

(HFC) les hydrocarbures perfluoreacutes (PFC) et lrsquohexafluorure de soufre (SF6)

10 Voy R de Rafael laquo Lrsquoimpact des dispositifs institutionnels sur lrsquoeacutevolution des meacutecanismes de projet eacutetude de cas du Meacutecanisme de Deacuteveloppement Propre raquo11 CR 2 PM Groupes drsquoeacutevaluation deacutecision II13 27ndash29 juin 199012 laquo China-US Agreement on Phase Down of Potent Greenhouse Gases raquo Communiqueacute de presse de la Maison Blanche 8 juin 2013 lthttpiipdigitalusembassygovstenglishtexttrans20130620130608275762htmlCPrss=trueaxzz2Vf1q WCLe consulteacutee le 161016gt Voy aussi ltwwwjournaldelenvironnementnetarticleaccord-sino-americain-sur-les-hfc35037 consulteacutee le 161016gt

Hugues HELLIO

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reacuteduire progressivement la production et la consommation drsquohydrofluorocarbones en examinant les alternatives eacuteconomiquement viables et techniquement faisables Nous continuerons drsquoinclure les hy-drofluorocarbones dans le champ de la CCNUCC et du Protocole de Kyoto concernant la comptabiliteacute et la deacuteclaration des niveaux drsquoeacutemission raquo13

Surtout degraves deacutebut 2012 les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique ont avec le Canada le Bangladesh le Mexique

la Suegravede et le Ghana notamment lanceacute une initiative originale de lutte contre les gaz agrave effet de serre

agrave courte dureacutee de vie parmi lesquels figurent les HFC Sous le nom de Coalition pour le climat et lrsquoair pur (CCAC) il srsquoagit drsquoun reacutegime international multiniveaux et ouvert qui reacuteunit aujourdrsquohui sur un

pied drsquoeacutegaliteacute formelle cinquante Eacutetats seize organisations intergouvernementales et quarante-cinq

organisations non-gouvernementales En outre la CCAC est non obligatoire et non contraignante

puisque laquo [l]a participation agrave la Coalition est volontaire et chaque partenaire deacutetermine individuel-

lement la nature de sa participation Aucune obligation leacutegalement contraignante ne deacutecoulera de ce

cadre ni entre ni parmi les partenaires raquo14

La CCAC nrsquoest pas une initiative de marginalisation du systegraveme onusien Au contraire crsquoest la

division de la technologie de lrsquoindustrie et de lrsquoeacuteconomie du Programme des Nations Unies pour

lrsquoenvironnement (PNUE) baseacutee agrave Paris qui en assure le secreacutetariat Or le PNUE assure deacutejagrave le secreacute-

tariat du reacutegime ozone et le reacutegime climat relegraveve de la famille onusienne Autant de ferments com-

muns pour conduire le Secreacutetaire geacuteneacuteral des Nations Unies agrave promouvoir lors du Sommet 2014 sur le Climat ndash Acceacuteleacuterer lrsquoaction qursquoil organisa une initiative concernant les hydrofluorocarbures en

lien explicite avec la CCAC15

A cette lumiegravere il est malvenu de penser que la question des HFC est deacutelaisseacutee A lrsquoinverse plu-

sieurs reacutegimes internationaux la considegraverent certains incidemment drsquoautres speacutecifiquement cer-

tains constitueacutes dans la plus pure tradition juridique internationale de lrsquoapregraves-seconde Guerre mon-

diale drsquoautres sur la base des eacutevolutions les plus reacutecentes de gouvernance mondiale et des sciences

humaines juridiques et sociales Les HFC ont eacuteteacute un eacuteleacutement majeur de formation du complexe de

reacutegimes Crsquoest par la question climatique qursquoils posent que ce complexe de reacutegimes srsquoest eacutetabli tous

les reacutegimes partagent la charge drsquoy apporter une reacuteponse

La recherche de la meilleure solution agrave apporter aux HFC a susciteacute la creacuteation drsquoun complexe

de reacutegimes En cela le rocircle des HFC est deacuteterminant et sans doute plus visible ndash antagonisme des

13 Deacuteclaration des chefs drsquoEacutetat et de gouvernement du G20 Sommet de Saint-Peacutetersbourg 5-6 septembre 2013 sect 101 14 Art 3 e) et f) du Cadre de la coalition pour le climat et lrsquoair pur pour reacuteduire les polluants climatiques de courte dureacutee de vie doc HLASEP20144A approuveacutee par lrsquoAssembleacutee de Haut Niveau le 22 septembre 2014 disponible ainsi que les informations compleacutementaires agrave lrsquoadresse lthttpccacoalitionunepecedityphonnetfr consulteacutee le 161016gt15 Lrsquoinitiative prend la forme du Joint Statement Phasing Down Climate Potent HFCs soutenu par une trentaine drsquoEacutetats et de plus nombreuses organisations intergouvernementales et non gouvernementales Elle est un soutien agrave un amendement de reacuteduction de la production et de la consommation des hydroflurorocarbones dans le cadre du Protocole de Montreacuteal se reacutefeacuterant ainsi mais deacutepassant aussi nettement lrsquoaffirmation timoreacutee par les chefs drsquoEacutetat et de gouvernement lors du Sommet de Rio +20 selon laquelle ils se deacuteclaraient laquo conscients que lrsquoeacutelimination graduelle des substances appauvrissant la couche drsquoozone entraicircne un rapide accroissement de lrsquoutilisation drsquohydrofluorocarbones et du rejet dans lrsquoatmosphegravere de ces substances qui ont un fort potentiel de reacutechauffement de la planegravete [et] favorables agrave une reacuteduction progressive de la consommation et de la production drsquohydrofluorocarbones raquo Lrsquoavenir que nous voulons doc ARES66288 speacutec sect 222 Voy Phasing Down Climate Potent HFCs Action Statement and Plan disp agrave lrsquoadresse lthttpwwwunorgclimatechangesummitwp-contentuploadssites2201407INDUSTRY-Phasing-Down-Climate-Potent-HFCs-Action-Statement-and-Planpdf consulteacutee le 161016gt

HFC Histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali

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approches ndash que ce que la circulation des normes et reacuteseaux drsquoacteurs peut laisser percevoir par ail-

leurs dans la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement Choyeacutes dans le reacutegime ozone les HFC

ont circuleacute jusqursquoau reacutegime climat ougrave ils sont particuliegraverement craints La proximiteacute theacutematique des

deux reacutegimes nrsquoest sans doute pas eacutetrangegravere agrave cette circulation ni agrave la consideacuteration plurielle qui en

reacutesulte et qui formalise les interactions du complexe de reacutegimes Relativement visible ce processus

de formation de complexe ne doit pas occulter lrsquoexistence drsquoautres eacuteleacutements en circulation qui en

partagent les effets

Circulations et formation de complexe

Peu porteacutees jusqursquoagrave reacutecemment agrave examiner les reacuteseaux drsquoacteurs les sciences juridiques ont sans

nul doute pris en compte le pheacutenomegravene de circulation des normes entre ordres juridiques16 Ainsi

le droit international de lrsquoenvironnement et la gouvernance y affeacuterente offrent un terrain drsquoanalyse

suppleacutementaire et aux speacutecificiteacutes accrues pour consideacuterer les enjeux couverts par les circulations

de normes et les reacuteseaux drsquoacteurs entre reacutegimes internationaux susceptibles de constituer des com-

plexes

Sans signalement preacutealable les normes et acteurs en circulation dans les complexes de reacutegimes

du droit international de lrsquoenvironnement peuvent se deacutecouvrir au hasard de lrsquoexamen Parfois pres-

sentie mais pas neacutecessairement attendue en un reacutegime donneacute lrsquoidentification preacutecise drsquoune circula-

tion est difficile tout comme celle de ses effets sur le reacutegime investi ou inversement celle des effets

de ce reacutegime sur les normes et acteurs en circulation En effet lrsquoexamen peut laisser deacutecouvrir al-

ternativement ou cumulativement lrsquoorigine de lrsquoeacuteleacutement en circulation ndash son reacutegime de deacutepart ndash sa

nature et sa force juridique y compris sa normativiteacute et sa porteacutee normative les difficulteacutes de circu-

lation rencontreacutees entre reacutegimes juridiques et leurs conseacutequences y compris en termes normatifs agrave

savoir une reproduction agrave lrsquoidentique dans un nouveau reacutegime une porteacutee accrue ou un gauchisse-

ment voire une novation De nombreux et complexes cas de figure se preacutesentent

Lrsquoeacuteleacutement en circulation peut relever des questions juridiques deacutetermineacutees comme la reacuteglemen-

tation des HFC Il peut aussi ecirctre une theacutematique plus large telle la protection de lrsquoenvironnement

dans les reacutegimes internationaux en charge du commerce mondial17 ou la santeacute dans les reacutegimes

relatifs agrave la biodiversiteacute18 Dans de tels cas que ce soit un thegraveme de reacuteglementation ou un domaine

implicite de compeacutetence la qualification drsquoobjet juridique peut paraicirctre pertinente Il reste que les

eacuteleacutements en circulation dans la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement peuvent tout autant

ecirctre de plus strictes normes juridiques voire des acteurs de cette gouvernance

Des normes juridiques circulent dans les complexes de reacutegimes du droit international de

16 Le droit compareacute analyse principalement ces aspects sous lrsquoangle des emprunts ou transferts juridiques des fertilisations croiseacutees et hybridations voy M-C Ponthoreau Droits constitutionnels compareacutes Economica Paris 2010 speacutec pp 143-17017 Voy J-F Morin et M Rochette laquo Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et diffusion raquo infra p 3718 Voy Cl Lajaunie et P Mazzega laquo Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute dans les Conventions internationales lieacutees agrave la biodiversiteacute raquo infra p 61

Hugues HELLIO

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lrsquoenvironnement A lrsquoinstar des speacutecificiteacutes connues de cette branche du droit international ces

normes ne revecirctent pas toutes les qualiteacutes attendues par la science juridique Certaines relegravevent

davantage du concept la chose est connue19 Srsquoimpose alors le qualificatif de soft law et avec lui

les incertitudes quant aux effets juridiques de la circulation Crsquoest le cas par exemple des objectifs

drsquoAichi20 Il nrsquoen va pas tregraves diffeacuteremment de la reacutefeacuterence aux droits de lrsquohomme dans le preacuteambule

de lrsquoAccord de Paris sur le climat Mais le degreacute de normativiteacute de lrsquoeacuteleacutement en circulation peut

aussi ecirctre plus eacuteleveacute comme en teacutemoigne deacutejagrave lrsquoapproche de preacutecaution promue par le processus

de Kobeacute dans les travaux des diffeacuterentes commissions en charge de la gestion internationale des

thonideacutes21 Plus lrsquoexpeacuterience et lrsquoacquis de ladite norme sont grands dans les reacutegimes internationaux

plus celle-ci est connue et ses meacuterites reconnus et plus sa reacuteception dans un reacutegime tiers pourra

ecirctre appreacutecieacutee voire rechercheacutee Crsquoest moins le cas des normes primaires deacutefinies initialement et

speacutecialement par chaque reacutegime au regard de ses fins que des normes proceacutedurales Ces derniegraveres

promeuvent des proceacutedures varieacutees telles par exemple celles dites de transparence22 de recours

aux experts des meacutecanismes de compliance voire mecircme de plaintes23 Leur circulation semble plus

aiseacutee et reacuteguliegravere mecircme si aucune garantie ne peut ecirctre apporteacutee quant aux effets juridiques de

la circulation sur lrsquointeacutegriteacute de la proceacutedure ou sur le fonctionnement du reacutegime Une adaptation

heureuse ou regrettable est somme toute toujours de mise lors de leur reacuteception dans un nouveau

reacutegime et la chose se reacutepegravete lors drsquoune circulation conseacutecutive vers un autre reacutegime

Des acteurs de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement circulent aussi au sein des

complexes de reacutegimes Eu eacutegard au caractegravere intereacutetatique des reacutegimes consideacutereacutes ces acteurs sont

en premier lieu les Eacutetats Parties de ces reacutegimes En fonction drsquointeacuterecircts nationaux propres ils peuvent

adopter dans un reacutegime donneacute une strateacutegie active ou plus reacuteserveacutee tisser des alliances durables

ou de circonstances qui perdurent dans un autre reacutegime ou sont sans lendemain Mais les acteurs

de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement ne sont pas seulement eacutetatiques Ils peuvent

aussi ecirctre une des nombreuses autres parties prenantes dont la circulation dans les complexes de

reacutegimes produit ou non des effets affecte ou non tel ou tel reacutegime Crsquoest le cas notamment des

organisations internationales comme la Banque mondiale et son rocircle drsquoacheteur des creacutedits carbone

internationaux ainsi que des acteurs priveacutes qui y ont un inteacuterecirct substantiel24 et des organisations

non-gouvernementales par exemple dans les reacutegimes biodiversiteacute et climat25 Il peut bien

eacutevidemment aussi srsquoagir de personnes physiques Le point ne doit pas ecirctre neacutegligeacute tant lrsquoexpeacuterience

19 H Ruiz Fabri et L Gradoni (dir) La circulation des concepts juridiques le droit international de lrsquoenvironnement entre mondialisation et fragmentation SLC Paris 2009 575 p20 Voy G Futhazar laquo La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute le cas de la CITES de la CDB et du fond pour lrsquoenvironnement mondial raquo supra p 9521 Voir S Gambardella laquo Le processus de Kobeacute Un vecteur de circulation des normes et des acteurs dans un contexte de gouvernance internationale fragmenteacutee raquo supra p 14722 Voy A-S Tabau laquo La transparence de la finance climat de la circulation du principe agrave la circulation de ses modaliteacutes drsquoapplication raquo supra p 16523 Voy V Richard laquo Emprunts speacutecificiteacutes et articultations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte du Fonds Vert pour le Climat raquo supra p 187 24 Voy D Compagnon Y Montouroy A Orsini et R de Rafael laquo Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en œuvre des normes de gouvernance environnementale agrave lrsquoeacutechelle internationale raquo supra p 117 25 Voy M Hrabanski laquo Cartographie des acteurs contestataires des reacutegimes biodiversiteacute et climat raquo Working paper CIRCULEX ndeg 5 non pub

HFC Histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali

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et le parcours professionnels de celles-ci au sein drsquoun complexe de reacutegimes peut leur confeacuterer une

influence eacuteleveacutee dans lrsquoun de ces reacutegimes Il peut srsquoagir tant des diplomates des fonctionnaires

internationaux que des consultants universitaires experts lobbyistes opposants ou militants drsquoONG

La cartographie complegravete des circulations de normes et des reacuteseaux drsquoacteurs dans leur varieacuteteacute

juridique ou personnelle dans lrsquohistoire et la diversiteacute des reacutegimes ainsi qursquoen fonction des effets

normatifs produits sur la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement reste eacutevidemment agrave eacuteta-

blir Chaque fragment proposeacute demeure toutefois preacutecieux pour la compreacutehension de lrsquoensemble

La gestion concerteacutee

Les sciences environnementales ont largement eacutetabli lrsquoimpeacuteratif de gestion concerteacutee fondeacutee

sur la coopeacuteration de toutes les parties inteacuteresseacutees agrave la cause consideacutereacutee De mecircme les interactions

conflictuelles entre reacutegimes internationaux ne trouveraient de solution juridique que dans la coopeacute-

ration de leurs institutions et de leurs Parties respectives agrave mecircme drsquoidentifier un compromis politi-

quement acceptable par tous La question des HFC en offre une preacutegnante illustration

Les HFC ont principalement braqueacute les regards et les attentions sur le reacutegime ozone Celui-ci ne

manque pas de deacuteveloppements reacuteguliers et de marques drsquoune concertation avec le reacutegime climat

Degraves 1998 le reacutegime ozone salue lrsquoadoption du Protocole de Kyoto qui vise les HFC et la deacutecision de

la quatriegraveme Confeacuterence des Parties de la CCNUCC qui invite les Parties les organismes compeacutetents

relevant du Protocole de Montreacuteal le Groupe drsquoexperts intergouvernemental sur lrsquoeacutevolution du cli-

mat (GIEC) les organisations intergouvernementales et non-gouvernementales agrave communiquer agrave

son secreacutetariat des informations sur les moyens disponibles ou susceptibles de le devenir pour limiter

les eacutemissions drsquohydrofluorocarbones26 Le reacutegime ozone srsquoen fait lrsquoeacutecho par une deacutecision symeacutetrique

reconnaissant le potentiel eacuteleveacute de reacutechauffement planeacutetaire des HFC et en demandant aux organes

compeacutetents du Protocole de Montreacuteal de fournir agrave son secreacutetariat les renseignements pertinents sur les

HFC drsquoorganiser un atelier avec le GIEC qui aidera les organes de la CCNUCC ainsi que de continuer agrave

rassembler les informations sur lrsquoeacuteventail complet des solutions de remplacement et de coopeacuterer avec

les organes compeacutetents du reacutegime climat27 En 2002 lrsquoappel du reacutegime climat agrave une concertation plus

pousseacutee passe par lrsquoinvitation faite au GIEC et au Groupe de lrsquoeacutevaluation technique et eacuteconomique du

Protocole de Montreacuteal agrave eacutetablir un rapport speacutecial unique inteacutegreacute et eacutequilibreacute renfermant des infor-

mations scientifiques et techniques ainsi que des informations propres agrave faciliter la prise de deacutecision28

26 COP 4 CCNUCC Relations entre les efforts faits pour proteacuteger la couche drsquoozone stratospheacuterique et les efforts faits pour preacuteserver le systegraveme climatique mondial questions touchant les hydrofluorocarbones et les hydrocarbures perfluoreacutes Deacutecision 13CP4 11 novembre 1998 Doc FCCCCP199816Add1 p 51 speacutec sect 2 La mecircme deacutecision encourage le GIEC et le Groupe de lrsquoeacutevaluation technique et eacuteconomique relevant du Protocole de Montreacuteal agrave organiser en 1999 un atelier qui aiderait le SBSTA agrave reacuteunir des informations sur les moyens disponibles ou susceptibles de le devenir pour limiter les eacutemissions drsquohydrofluorocarbones27 RP 10 PM Lrsquoapplication du Protocole de Montreacuteal dans le contexte du Protocole de Kyoto Deacutecision X16 23-24 novembre 199828 COP 8 CCNUCC Relations entre les efforts faits pour proteacuteger la couche drsquoozone stratospheacuterique et les efforts faits pour preacuteserver le systegraveme climatique mondial questions touchant les hydrofluorocarbones et les hydrocarbures perfluoreacutes Deacutecision 12CP8 1er novembre 2002 doc FCCCCP20027Add1 p 32

Hugues HELLIO

89

Le reacutegime ozone nrsquoa sans doute pas fait preuve de mauvaise volonteacute dans le traitement commun

des HFC Pour autant quels que soient les liens de coopeacuteration institutionnelle ou technique tisseacutes

avec le reacutegime climat le reacutegime ozone a peineacute agrave faire eacutemerger une solution politique Il en va ain-

si en 2010 suite pourtant agrave une deacuteclaration signeacutee par un grand nombre de Parties au Protocole de

Montreacuteal mais pas par toutes En visant expresseacutement les HFC les signataires y deacuteclarent leur in-

tention de laquo srsquoengager agrave prendre de nouvelles mesures au titre du Protocole de Montreacuteal pour assurer

la transition mondiale agrave des substances de remplacement eacutecologiquement rationnelles des HCFC et

des CFC raquo29 Tregraves sensibles aux effets des changements climatiques les Eacutetats feacutedeacutereacutes de Microneacutesie

portent depuis plusieurs anneacutees un projet drsquoinclusion des HFC dans les gaz reacuteglementeacutes du Proto-

cole de Montreacuteal au point de deacuteposer une proposition drsquoamendement en ce sens en avril 201330 Cette

proposition est suivie deux jours plus tard drsquoune autre similaire eacutemanant des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique

du Canada et du Mexique31 A la suite de lrsquoaccord sino-ameacutericain la proposition nord-ameacutericaine

vise sous reacuteserve drsquoacceptation par au moins vingt Parties agrave reacuteduire la production et la consomma-

tion de HFC de faccedilon progressive entre 2016 et 2050 Elle bute sur des oppositions politiques no-

tamment de lrsquoInde pourtant associeacutee agrave la Deacuteclaration du G20 de Saint-Peacutetersbourg Officiellement

lrsquoInde a pu consideacuterer que les HFC eacutetant sans effet sur la couche drsquoozone devaient ecirctre traiteacutes par

le reacutegime climat

Ainsi nonobstant les modaliteacutes drsquoajustement et drsquoamendement du Protocole de Montreacuteal le reacute-

gime ozone ne parvenait pas agrave eacutenoncer une reacuteponse politique et juridique agrave la question des HFC De

nouvelles oppositions se font jour agrave la proposition drsquoamendement lors des vingt-sixiegraveme et vingt-sep-

tiegraveme reacuteunions des Parties au Protocole de Montreacuteal tenues respectivement agrave Paris fin 2014 et agrave Du-

baiuml fin 2015 Elles sont davantage le fait de pays peacutetroliers telle lrsquoArabie Saoudite au nom toujours

du respect du principe de speacutecialiteacute des organisations internationales ainsi qursquoau regard de la dispo-

nibiliteacute des substances de remplacement et de leur mise en œuvre pratique Les pressions exerceacutees

tant par les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique agrave lrsquoorigine de la CCAC que par lrsquoUnion europeacuteenne ou la France

tregraves impliqueacutee dans le cadre de preacuteparation de la COP 21 CCNUCC de Paris nrsquoy suffisent pas

Srsquoil nrsquoa pas souffert des blocages politiques connus par le reacutegime ozone agrave propos de la question

des HFC le reacutegime climat nrsquoa pour sa part pas deacuteployeacute un activisme fort pour la reacutegler La COP 21 de

la CCNUCC eacutetait sans doute bien trop occupeacutee agrave trouver un accord pour poser sur la table parisienne

de neacutegociations le dossier des HFC dont le volume drsquoeacutemission demeure pour lrsquoheure reacuteduit (environ

1 des eacutemissions de gaz agrave effet de serre) et mecircme srsquoils sont potentiellement tregraves nuisibles LrsquoAccord

de Paris est sur ce point aussi parfaitement muet32 Tout au plus les HFC peuvent se retrouver dans

29 RP 22 PM Annexe III Deacuteclaration sur la transition mondiale agrave des substances autres que les hydrochlorofluorocarbones (HCFC) et les chlorofluorocarbones (CFC) 8-12 novembre 2010 (sans italique dans lrsquooriginal)30 Doc UNEPOzLProWG1334 16 avril 2013 31 Doc UNEPOzLProWG1333 18 avril 201332 Dans le mecircme sens il peut paraicirctre surprenant que lrsquoAccord de Paris eacutenonce des obligations diffeacuterencieacutees entre quatre cateacutegories de Parties (pays en deacuteveloppement pays en deacuteveloppement pays les moins avanceacutes petits Eacutetats insulaires en deacuteveloppement) sans jamais les deacutefinir Si la cateacutegorisation existante agrave lrsquoONU servira sans doute de base notons au hasard que Singapour relegraveve agrave la fois de la cateacutegorie onusienne des pays deacuteveloppeacutes (IDH 2011 = 0866) et des petits Eacutetats insulaire en deacuteveloppement selon le Deacutepartement des affaires eacuteconomiques et sociales de lrsquoONU

HFC Histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali

90

la comptabiliteacute des objectifs de reacuteduction de gaz agrave effet de serre preacutesenteacutes par les Parties les plus

impliqueacutees dans leur contribution deacutetermineacutee au niveau national (INDC pour lrsquoacronyme anglais) Si

crsquoest reacuteguliegraverement le cas la pratique nrsquoest pas pour autant uniforme Des Parties ne speacutecifient pas

les gaz viseacutes par leur INDC (par ex Chine Inde Eacutegypte Venezuela Eacutemirat Arabes Unis Pakistan)

et drsquoautres nrsquoeacutenoncent pas les HFC parmi ceux-ci (par ex Arabie Saoudite Indoneacutesie Malaisie Al-

geacuterie Nigeria)33 Toutefois comme les eacuteleacutements des INDC nrsquoont pas fait lrsquoobjet de neacutegociation lors

de la COP 21 de la CCNUCC il en va de mecircme de la question particuliegravere des eacutemissions de HFC

La gestion concerteacutee des HFC peinait ainsi agrave trouver une solution politique et juridique Pour-

tant lrsquoidentification des interactions physiques allait dans le sens drsquoune action commune largement

souhaiteacutee Ainsi il est agrave preacutesent aveacutereacute que les efforts deacuteployeacutes pour la protection de la couche drsquoozone

ont permis par sa reconstitution partielle de limiter le reacutechauffement climatique De mecircme lrsquooxyde

nitreux sous-produit de la production alimentaire est agrave la fois un puissant gaz agrave effet de serre et un

gaz destructeur drsquoozone34 En outre des alternatives technologiques aux HFC existent deacutejagrave mecircme si

elles sont pour lrsquoheure en quantiteacutes ou disponibiliteacutes limiteacutees Les difficulteacutes recenseacutees ici laissent

alors percevoir que la question des HFC est soumise agrave drsquoautres contraintes

Les lois de Pi

La quadrature du cercle que peut donner agrave voir la question des HFC entre reacutegime ozone et reacute-

gime climat est encore plus deacutelicate dans une perspective tri-dimensionnelle qui inclut des domaines

apparemment eacutetrangers agrave la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement jusqursquoici viseacutee Si des

solutions techniques existent au remplacement des HFC par des substances non-climatocides leur

utilisation pratique ne peut ecirctre envisageacutee qursquoen respect des lois de proprieacuteteacute intellectuelle

La situation des HFC en devient plus complexe encore En plus de relever de la gouvernance

internationale de lrsquoenvironnement le complexe de reacutegimes lieacute aux HFC peacutenegravetre le domaine de reacutegle-

mentation de la proprieacuteteacute intellectuelle comme le fait aussi le complexe de reacutegimes de la biodiversiteacute

au titre par exemple de la lutte contre la biopiraterie viseacutee par le Protocole de Nagoya

Lrsquoinclusion des aspects de proprieacuteteacute intellectuelle dans le complexe de reacutegimes rend neacutecessaire-

ment plus difficile encore lrsquoidentification drsquoune solution Le reacutegime ozone a examineacute les questions envi-

sageacutees ici en butant sur les fortes inquieacutetudes des pays en deacuteveloppement En teacutemoignent les eacutechanges

qui ont eu lieu lors de lrsquoAtelier sur la gestion des hydrofluorocarbones questions techniques agrave Bangkok en

avril 201535 La situation actuelle est tregraves diffeacuterente de celle connue pour les CFC au deacutebut du Protocole

de Montreacuteal Les substances de remplacement des HFC font lrsquoobjet de brevets reacutecents et leurs deacutetenteurs

entendent en tirer profit Les fournisseurs de ces substances sont peu nombreux En outre les incer-

33 Voy le site de la CCNUCC de soumission des INDC agrave lrsquoadresse lthttpwww4unfcccintSubmissionsINDCSubmission20Pagessubmissionsaspx consulteacutee le 161016 raquo et le tableau de comparaison proposeacute par le Center for Climate and Energy Solutions agrave lrsquoadresse lthttpwwwc2esorgindc-comparison consulteacutee le 161016gt34 Voy UNEP News La couche drsquoozone en voie de reconstitution septembre 2014 disp agrave lrsquoadresse lthttpwwwuneporg newscentredefaultaspx DocumentID =2796ampArticleID =10978ampl =fr consulteacutee le 161016gt35 Selon le rapport de lrsquoAtelier laquo [a]u cours des deux jours qursquoa dureacute lrsquoatelier la question de droits de proprieacuteteacute intellectuelle nrsquoa cesseacute de revenir sur le tapis raquo doc UNEPOzLProWorkshop82Add1 6 mai 2015 speacutec sect 77

Hugues HELLIO

91

titudes eacutetaient leacutegion quant au possible recours au Fond multilateacuteral pour lrsquoapplication du Protocole

de Montreacuteal afin de faciliter les transferts de technologies vers les pays en deacuteveloppement Surtout et

lrsquoeacuteleacutement est important pour la compreacutehension de lrsquoarchitecture juridique du complexe de reacutegimes et

lrsquoappreacuteciation de ses potentialiteacutes les regravegles nationales ou internationales relatives aux proprieacuteteacutes in-

tellectuelles sont perccedilues comme des obstacles suppleacutementaires qursquoil est bien difficile de surmonter

laquo La deuxiegraveme grande question eacutetait celle du maquis que repreacutesentaient les brevets qui consistait en une eacutepaisse toile de droits de proprieacuteteacute intellectuelle imbriqueacutes au travers de laquelle une socieacuteteacute de-vait se frayer un chemin pour pouvoir effectivement commercialiser une nouvelle technologie Avec la complexification croissante du contexte technologique commercial et reacuteglementaire ndash sceacutenario qui pourrait ecirctre celui de lrsquoeacutelimination des HFC ndash le risque de voir le maquis des brevets se deacutevelopper est plus grand raquo36

Dans lrsquoattente de la Reacuteunion des Parties au Protocole de Montreacuteal drsquooctobre 2016 agrave Kigali les

eacuteleacutements identifieacutes lors de lrsquoAtelier de 2015 agrave Dubaiuml pour demeurer optimistes37 ne levaient pas les

oppositions des pays en deacuteveloppement agrave un amendement du Protocole Ces derniers restaient dans

lrsquoattente leacutegitime de garanties sur la facilitation et le financement des transferts de technologies38

Le ciel demain

Comme le rappelait le Joint Statement Phasing Down Climate Potent HFCs promu par le Secreacute-

taire geacuteneacuteral des Nations Unies les HFC sont produits par lrsquohomme Mecircme srsquoils ont eacuteteacute utiles agrave la

protection de la couche drsquoozone les eacutemissions grandissantes de HFC font peser un risque si critique

sur le climat qursquoil importe drsquoen prohiber les eacutemissions sans dommage pour lrsquoenvironnement ou au

contraire et plus exactement agrave son grand profit

La chose a enfin eacuteteacute entendue Sous lrsquoinfluence certaine des autres reacutegimes concerneacutes le reacutegime

ozone est parvenu agrave jouer le rocircle deacuteterminant et attendu de lui au sein du complexe de reacutegimes pour

promouvoir une solution juridique et acceptable politiquement Encore souvent citeacute en modegravele du

droit international de lrsquoenvironnement le reacutegime ozone ne devait pas laisser se deacutevelopper les eacutemis-

sions de HFC qui pouvaient paraicirctre le reacutesultat de lrsquoune de ses mauvaises bonnes ideacutees surtout au

lendemain de lrsquoannonce de lrsquoentreacutee en vigueur de lrsquoAccord de Paris et sans en compromettre les reacute

36 Selon le rapport de lrsquoAtelier agrave la suite drsquoune unique intervention sur ce thegraveme et avec la reacutefeacuterence citeacutee C Shapiro laquo Navigating the patent thicket cross licenses patent pools and standard-setting raquo in A B Jaffe et al Innovation Policy and the Economy I MIT Press Cambridge 2001 pp 119ndash150 cf doc UNEPOzLProWorkshop82Add1 6 mai 2015 speacutec sect 78 37 laquo On a toutefois eacutegalement souligneacute qursquoil y avait des raisons drsquoecirctre optimiste a) Certaines substances essentielles telles que les reacutefrigeacuterants naturels ne sont pas breveteacutees b) Mecircme si les brevets ou le maquis de brevets entravent la commercialisation ou lrsquoutilisation de certaines technologies il y aura toujours de nouvelles inventions pour surmonter lrsquoobstacle c) On peut srsquoattendre agrave ce que des technologies concurrentes porteacutees en partie par de nouveaux marcheacutes et des signaux reacuteglementaires entraicircnent une baisse des prix des technologies breveteacutees d) Les brevets ne sont pas permanents ils viennent agrave expiration avec le temps e) Agrave moins drsquoun changement extraordinaire le Fonds multilateacuteral continuera drsquoecirctre mandateacute pour financer le transfert des technologies et notamment lrsquooctroi de licences autorisant lrsquoutilisation de technologies breveteacutees raquo doc UNEPOzLProWorkshop82Add1 6 mai 2015 speacutec sect 7838 laquo Le deacutebat qui a suivi a porteacute sur les moyens permettant au Fonds multilateacuteral de faciliter le transfert des technologies quelles deacutepenses acquittera-t-il et comment reacutepartir le coucirct de la transition Le message qursquoil faut en retenir est qursquoune meilleure compreacutehension de la question srsquoimpose Cependant il est eacutegalement apparu que de nouvelles approches pourraient ecirctre neacutecessaires pour faciliter le transfert des technologies notamment dans des secteurs ougrave les solutions de remplacement sont peu nombreuses raquo doc UNEPOzLProWorkshop82Add1 6 mai 2015 speacutec sect 79

HFC Histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali

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sultats futurs La solution enfin trouveacutee prend la forme de lrsquoAmendement de Kigali au Protocole de

Montreacuteal Il est adopteacute au petit matin du 15 octobre 2016 au terme de la derniegravere nuit de neacutegociation

de la vingt-huitiegraveme Reacuteunion des Parties au Protocole de Montreacuteal

LrsquoAmendement de Kigali preacutevoit qursquoagrave la fin des anneacutees 2040 toutes les Parties consommeront

seulement 15 agrave 20 de leur consommation actuelle drsquoHFC Pour ce faire lrsquoAmendement repose

comme lrsquoAccord de Paris drsquoune part sur des obligations de reacuteductions diffeacuterentieacutees et drsquoautre part

sur des engagements de financement et de transferts de technologies au profit des pays en deacuteve-

loppement Devant faire lrsquoobjet de preacutecisions lors de la reacuteunion de 2017 des Parties au Protocole de

Montreacuteal ces financements et transferts de technologies devraient srsquoappuyer tout agrave la fois sur le

Fond multilateacuteral pour lrsquoapplication du Protocole de Montreacuteal et sur des contributions compleacutemen-

taires et rapides promises par des Parties deacuteveloppeacutees agrave hauteur de 27 millions de dollars ainsi que

des contributions drsquoorganisations priveacutees caritatives pour 53 millions de dollars La diffeacuterenciation

des obligations impose aux Parties deacuteveloppeacutees de reacuteduire degraves 2019 de 10 leurs utilisation et pro-

duction de HFC et drsquoatteindre lrsquoobjectif final de lrsquoAmendement en 2039 La plupart des Parties en deacute-

veloppement suivront agrave partir de 2024 seules quelques autres Parties dont lrsquoInde des pays du Golfe

et le Pakistan ne deacutebuteront le gel des HFC qursquoen 2028 avant leur reacuteduction Diffeacuterenciation des

obligations et financements ont sans nul doute eacuteteacute deacuteterminants pour parvenir agrave la solution qui ne

pouvait ecirctre que politique et qui teacutemoigne aussi de la circulation au sein du complexe entre reacutegime

climat et reacutegime ozone des modaliteacutes juridiques du compromis acceptable par tous

Cette fin programmeacutee des HFC ne sonne pas le glas du complexe de reacutegimes formeacute sur leur base

Sans doute de nouvelles propositions de rapprochement institutionnel ndash clustering ndash pourraient ecirctre

faites pour perfectionner la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement Pour autant les causes

et circonstances de creacuteation de complexe de reacutegimes perdureront Si la fin du complexe de reacutegimes

aux contours eacutebaucheacutes ici peut arriver il est plus logique de gager que ce complexe sous une forme

en constante eacutevolution continuera drsquoexister et drsquoy connaicirctre les circulations de normes et reacuteseaux

drsquoacteurs Le complexe se perpeacutetuera sans doute sur la base de questions nouvelles qui ne manque-

ront pas de naicirctre de la complexification des situations drsquoespegravece Comme le repreacutesente Escher dans

la Cage drsquoescaliers39 les ouvertures du complexe de reacutegimes sont trop nombreuses pour qursquoun nouvel

animal un wentelteefje nrsquoy peacutenegravetre nrsquoy circule et ne srsquoy installe

Ces quelques propos sur les HFC se veulent une illustration des enjeux de circulations de normes

et reacuteseaux drsquoacteurs de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement En lrsquoabsence de repreacute-

sentation graphique ici celles proposeacutees dans les autres contributions offrent en image des ensei-

gnements notables quant aux enjeux deacutejagrave signaleacutes de fragmentation du droit international et drsquoar-

chitecture geacuteneacuterale du droit Sans doute le droit international est moins fragmenteacute que construit

en diffeacuterents reacutegimes Surtout ceux-ci ne manquent pas selon les circonstances besoins envies et

pratiques de constituer des complexes de reacutegimes aux interactions nombreuses ou incertaines dif-

39 M C Escher Trappenhuis lithographie 1951

Hugues HELLIO

93

ficiles ou effectives La circulation eacutetaye tout autant la conception que lrsquoon peut avoir du droit tisseacute

par les complexes de reacutegimes Loin drsquoune pyramide ordonneacutee le droit se redeacutecouvre en un reacuteseau

aux boucles eacutetranges Il eacutetait agrave preacutevoir que les fils de ce reacuteseau que certains graphiques mettent enfin

en lumiegravere aient une structure creuse propice aux dialogues ougrave se deacuteveloppent les circulations de

normes et les reacuteseaux drsquoacteurs dans la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement

HFC Histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali

94

95

chapitre 4La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

Le cas de la CITES de la CDB et du Fond pour lrsquoEnvironnement Mondial

Guillaume Futhazar1

La circulation des normes et des acteurs au sein des reacutegimes de la gouvernance globale de lrsquoen-

vironnement est un pheacutenomegravene faisant lrsquoobjet de nombreuses analyses Certains auteurs se sont

employeacutes agrave illustrer lrsquoimportance de conditions pouvant favoriser une telle circulation2 Drsquoautres ont

chercheacute agrave mesurer lrsquoampleur du pheacutenomegravene notamment en ce qui concerne des types speacutecifiques

drsquoacteurs par exemple les experts3 Des eacutetudes ont eacutegalement tenteacute drsquoeacutetablir diffeacuterentes typologies

de circulation de concepts juridiques4

Tregraves souvent lrsquoeacutetude de cette circulation va de pair avec la notion de laquo complexe de reacutegimes raquo

Cette notion deacutesigne une situation de chevauchement de plusieurs reacutegimes internationaux non hieacute-

rarchiseacutes qursquoelle soit du fait de leurs objets membres institutions ou normes pouvant entrainer

un ensemble drsquoeffets devant ecirctre geacutereacutes de faccedilon approprieacutee pour preacutevenir drsquoeacuteventuelles situations

probleacutematiques5 Cet eacutetat de fait ndash reacutesultat logique drsquoune prolifeacuteration de conventions et institutions

dans le domaine de lrsquoenvironnement ndash creacutee degraves lors un terrain propice agrave la circulation des normes et

des acteurs De tels complexes existent par exemple en ce qui concerne les ressources geacuteneacutetiques6

le climat7 ou encore les forecircts8

Agrave ce paysage de recherche deacutejagrave tregraves riche nous proposons drsquoajouter une analyse suppleacutemen-

taire prenant un angle drsquoapproche diffeacuterent Il ne srsquoagira pas ici de discuter des causes des effets ou

encore de lrsquoeacutetendue de la circulation des normes ou des acteurs mais de la faccedilon dont ce pheacutenomegravene

peut ecirctre consciemment mobiliseacute par quelques institutions de la gouvernance internationale de lrsquoen-

vironnement

Pour ce faire nous deacutetaillerons un cas preacutecis lrsquoutilisation des liens existant entre la CITES et la

Convention sur la Diversiteacute Biologique (CDB) afin drsquoacceacuteder aux ressources du Fonds pour lrsquoEnvi-

ronnement Mondial (FEM) dans le but de financer des activiteacutes contribuant agrave la CITES

1 Doctorant contractuel agrave lrsquoUniversiteacute Aix-MarseilleAix Marseille Univ Universiteacute de Toulon Univ Pau amp Pays Adour CNRS OT-Med DICE CERIC IMBE Aix-en-Provence France2 A Ovodenko R Keohane laquo Institutional Diffusion in Environmental Affairs raquo International Affairs vol 88 ndeg 3 2012 pp 522-5413 J-F Morin L Seacutelim A Orsini M Oubenal laquo Boundary Organizations in Regime Complexes A Social Network Profile of IPBES raquo

Journal of International Relation and Development original paper pp 1-354 L Gradoni laquo Systegravemes juridiques internationaux une esquisse raquo in Ruiz Fabri (H) Gradoni (L) (ed) La circulation des concepts juri-

diques le droit international de lrsquoenvironnement entre mondialisation et fragmentation Socieacuteteacute de Leacutegislation Compareacutee Paris 2009 575 p pp 27-51

5 A Orsini J-F Morin O Young laquo Regime Complexes A Buzz a Boom or a Boost for Global Governance raquo Global Governance vol 19 ndeg 1 2013 pp 27-39 p 29 laquo we propose an alternative definition of a regime complex as a network of three or more international regimes that relate to a common subject matter exhibit overlapping membership and generate substantive normative or operative interactions recognized as potentially problematic whether or not they are managed effectively raquo

6 K Raustiala D Victor laquo The Regime Complex for Plant Genetic Resources raquo International Organization vol 58 ndeg 2 2004 pp 277-309 Cet article est couramment citeacute comme eacutetant le premier agrave utiliser le terme laquo complexe de reacutegimes raquo

7 R Keohane D Victor laquo The Regime Complex for Climate Change raquo Perspectives on Politics vol 9 ndeg 1 2011 pp 7-23 8 H Van Asselt laquo Managing the fragmentation of international environmental law forest at the intersection of the climate and biodiver-

sity regimes raquo Journal of international law and politics vol 44 ndeg 4 2012 pp 1205-1278

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

96

Ce cas est inteacuteressant car il illustre deux tendances importantes dans le domaine de la gouver-

nance globale de la biodiversiteacute Drsquoune part la place grandissante du principe9 de synergie au sein

du laquo biodiversity cluster raquo10 et drsquoautre part la faccedilon dont le secreacutetariat drsquoun accord multilateacuteral sur

lrsquoenvironnement peut jouer un rocircle significatif pour lrsquoeffectiviteacute de ce dernier Mais avant de revenir

sur ces aspects il convient de situer lrsquoanalyse par une preacutesentation succincte des trois institutions

internationales en jeux la CITES la CDB et le FEM Nous conclurons cette introduction sur les di-

verses maniegraveres dont les rapprochements entre les conventions portant sur la biodiversiteacute ont ou-

vert de nouvelles voies drsquoaccegraves aux ressources du FEM

bull La CITES

La Convention sur le commerce international des espegraveces de faune et de flore sauvages mena-

ceacutees drsquoextinction (CITES)11 adopteacutee en 1973 agrave Washington a pour objet de reacuteglementer le commerce

international dans le but drsquoen limiter lrsquoimpact sur la biodiversiteacute La pression du commerce inter-

national est en effet consideacuterable et il suffit de constater le prix de certains produits12 ou encore les

ravages entraineacutes par le braconnage13 pour ecirctre convaincu de la neacutecessiteacute drsquoinstaurer une reacuteglemen-

tation adeacutequate dans le domaine

Le fonctionnement de cet accord srsquoappuie sur plusieurs principes

Tout drsquoabord les espegraveces menaceacutees et faisant lrsquoobjet drsquoun commerce international sont classeacutees

dans plusieurs annexes par deacutecision de la Confeacuterence des Parties (COP) Ces annexes sont au nombre

de trois et les obligations concernant le commerce drsquoune espegravece varient en fonction de lrsquoannexe dans

laquelle celle-ci est classeacutee Ainsi une espegravece classeacutee en annexe I est une espegravece qui est reconnue

comme eacutetant menaceacutee drsquoextinction Par conseacutequent son commerce ne peut se faire qursquoagrave la condition

drsquoun double permis eacutemis agrave la fois par lrsquoEacutetat exportateur et lrsquoEacutetat importateur En ce qui concerne

lrsquoannexe II y sont classeacutees les espegraveces qui ne sont pas actuellement menaceacutees mais qui pourraient

le devenir si la pression du commerce international sur celles-ci nrsquoest pas reacuteduite Par conseacutequent

les regravegles de commercialisation sont moins strictes seul un permis de lrsquoEacutetat exportateur est requis

Finalement lrsquoannexe III contient les espegraveces proteacutegeacutees sur le territoire drsquoun Eacutetat Les espegraveces y sont

listeacutees par demande unilateacuterale des Eacutetats les proteacutegeant afin drsquoobtenir une assistance dans le controcircle

de leur commerce

9 Nous entendons ici le terme laquo principe raquo comme eacutetant une regravegle ou une norme geacuteneacuterale de caractegravere non-juridique drsquoougrave peuvent ecirctre deacuteduite des regravegles juridiques cf Cornu (G) Vocabulaire juridique PUF Paris 2007 p 720

10 Le terme laquo Biodiversity Cluster raquo est utiliseacute pour deacutecrire le groupe des six conventions portant speacutecifiquement sur la biodiversiteacute agrave savoir la Convention sur la Diversiteacute Biologique la CITES la Convention sur les espegraveces migratrices le Traiteacute international sur les ressources phy-togeacuteneacutetiques pour lrsquoalimentation et lrsquoagriculture la Convention de Ramsar sur les zones humides et la Convention du patrimoine mondial Ce groupe fait lrsquoobjet de tregraves nombreuses eacutetudes Pour une bibliographie indicative et plus drsquoinformations voir UNEP-WCMC Promoting Synergies within the cluster of biodiversity-related multilateral environmental agreements UNEP-WCMC Cambridge 2012 95 p A ce groupe de six conventions la CDB ajoute aussi la Convention internationale pour la protection des veacutegeacutetaux

11 Convention sur le commerce international des espegraveces de faune et de flore sauvages menaceacutees drsquoextinction signeacutee le 3 mars 1973 agrave Washing-ton entreacutee en vigueur le 1er juillet 1975 UNTS vol 993 p 271

12 Le kilo de poudre de corne de rhinoceacuteros peut atteindre les 60 000 $ voir Azimi (R) laquo La lutte contre le trafic de cornes de rhinoceacuteros fait srsquoeffondrer le marcheacute de lrsquoart raquo Le Monde article du 6 janvier 2016 disponible en ligne [httpwwwlemondefrafriquearticle20160106la-lutte-contre-le-trafic-de-cornes-de-rhinoceros-fait-s-effondrer-le-marche-de-l-art_4842458_3212html] consulteacute le 17102016

13 Par exemple pregraves de 30 000 eacuteleacutephants sont tueacutes annuellement sur le continent africain voir Meyerfeld (B) laquo Le Kenya brucircle son stock drsquoivoire contre le braconnage des eacuteleacutephants raquo Le Monde article du 30 avril 2016 disponible en ligne [httpwwwlemondefrbiodiversitearticle20160430le-kenya-brule-son-stock-d-ivoire-contre-le-braconnage-des-elephants_4911293_1652692html] consulteacute le 17102016 Ce chiffre nrsquoest qursquoun exemple pour une espegravece donneacutee et la liste des espegraveces pouvant ecirctre citeacutees en tant qursquoillustrations des meacutefaits du bra-connage est malheureusement bien trop longue pour ecirctre contenue dans une simple note de bas de page

Guillaume FUTHAZAR

97

Ensuite pour assurer ce systegraveme chaque partie agrave la convention doit se doter drsquoorganes de ges-

tion et drsquoorganes scientifiques Les premiers doivent ecirctre compeacutetents pour eacutemettre les permis de

commerce et les seconds compeacutetents pour conseiller ces organes administratifs sur la deacutelivrance de

ces permis Lorsque lrsquoorgane de gestion eacutemet un permis il doit srsquoassurer de plusieurs eacuteleacutements par

exemple la preuve que le speacutecimen nrsquoa pas eacuteteacute obtenu illeacutegalement Lrsquoorgane scientifique doit quant

agrave lui srsquoassurer que la demande de commercialisation ne nuit pas agrave la survie de lrsquoespegravece inteacuteresseacutee

Consideacuterant ce systegraveme la mise en œuvre de la CITES est donc largement tributaire des capa-

citeacutes techniques et institutionnelles de ses membres Par exemple les organes scientifiques doivent

ecirctre composeacutes de personnes qualifieacutees agrave mecircme drsquoidentifier les espegraveces faisant lrsquoobjet drsquoun commerce

Aussi les nombreuses conditions de deacutelivrance de permis requiegraverent des organes de gestion de vastes

connaissances techniques et juridiques De plus il est neacutecessaire drsquoavoir agrave dispositions toutes les

donneacutees pertinentes sur les espegraveces listeacutees pour pouvoir prononcer des avis informeacutes et approprieacutes

Si la CITES beacuteneacuteficie sur ce dernier point drsquoorganes techniques et de lrsquoassistance de diverses

ONG et institutions internationales elle ne dispose pas de fonds deacutedieacutes agrave la reacutealisation drsquoactiviteacutes de

renforcement des capaciteacutes Pour son fonctionnement administratif elle srsquoappuie sur un fonds drsquoaf-

fectation speacutecial mais pour ce qui est des projets lieacutes agrave son application elle a recours agrave des fonds ex-

ternes geacuteneacuteralement affecteacutes agrave des projets et faisant lrsquoobjet de reacutesolutions ou deacutecisions de la COP14

On notera que lrsquoUnion europeacuteenne via les financements de la Commission fait partie des contribu-

teurs les plus importants avec des apports annuels deacutepassant reacuteguliegraverement le million drsquoeuros15

bull La Convention sur la diversiteacute biologique

La Convention sur la diversiteacute biologique (CDB)16 est une des trois conventions dites laquo de Rio raquo

adopteacutees en 1992 suite au laquo Sommet de la Terre raquo tenu au Breacutesil Cet accord fixe trois grands objec-

tifs la conservation de la biodiversiteacute son utilisation durable et le partage eacutequitable des beacuteneacutefices

issus de lrsquoutilisation des ressources geacuteneacutetiques La reacutealisation de ces objectifs passe par un nombre

important de dispositions contenues dans le texte de la convention On y trouve des mesures de

conservations in situ et ex-situ des mesures concernant lrsquoeacuteducation les transferts de technologies

les eacutetudes drsquoimpacthellip Agrave ce jour une vaste majoriteacute des Eacutetats de la planegravete a ratifieacute cet accord agrave lrsquoex-

ception notable des Eacutetats-Unis

Malgreacute un champ drsquoapplication tregraves vaste et une participation quasi universelle lrsquoaccord ne peut

pas ecirctre qualifieacute de succegraves En effet si lrsquoon se reacutefegravere agrave la quatriegraveme eacutedition du rapport laquo Perspectives

mondiales sur la biodiversiteacute raquo17 le constat sur lrsquoeacutetat actuel de la biodiversiteacute et des eacutecosystegravemes et

non-eacutequivoque

14 CITES CoP17 Doc 73 Annex 3 CITES external trust fund (QTL) Status of contribution as of 31 December 2014 15 Page internet CITES [httpscitesorgengdiscfundphp] consulteacute le 17102016 16 Convention sur la diversiteacute biologique signeacutee le 5 juin 1992 agrave Rio de Janeiro entreacutee en vigueur le 29 deacutecembre 1993 UNTS vol 1760

p 7917 4egraveme eacutedition des Perspectives mondiales de la diversiteacute biologique ndash Reacutesumeacute et conclusions Secreacutetariat de la Convention sur la diversiteacute

biologique Montreacuteal 2014 20 p

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

98

laquo sur la base des tendances actuelles les pressions sur la biodiversiteacute continueront de srsquoaccroicirctre

au moins jusqursquoen 2020 et [hellip] la biodiversiteacute poursuivra son deacuteclin raquo18

Bien entendu la notion de laquo succegraves raquo drsquoune convention ou plus globalement drsquoun reacutegime en-

vironnemental peut avoir plusieurs acceptions19 Nous lrsquoentendons ici comme le fait que les objectifs

afficheacutes drsquoune convention aient eacuteteacute atteints20 Or lrsquoarticle 1 de la CDB dispose laquo Les objectifs de la

preacutesente Convention [hellip] sont la conservation de la diversiteacute biologique lrsquoutilisation durable de ses

eacuteleacutements et le partage juste et eacutequitable des avantages deacutecoulant de lrsquoexploitation des ressources

geacuteneacutetiques raquo Le rapport de 2014 indique clairement que la reacutealisation de ces objectifs est pour le

moment compromise Cet eacutetat de fait est en partie ducirc agrave la nature mecircme de cette convention dont la

neacutegociation difficile21 a meneacute agrave lrsquoadoption de mesures vagues et non contraignantes22

Pour autant la convention nrsquoest pas simplement une lettre morte En teacutemoigne lrsquoadoption de

deux protocoles lrsquoun sur lrsquoaccegraves aux ressources et le partage des avantages23 et lrsquoautre sur la bioseacutecu-

riteacute24 ou encore la vaste diffusion qursquoont connue plusieurs des concepts et objectifs eacutelaboreacutes en son

sein25 Aussi et agrave la diffeacuterence de la CITES la CDB dispose drsquoun meacutecanisme financier pour assister

les pays en deacuteveloppement dans la reacutealisation dans leurs obligations26 Si les dispositions initiales de

la CDB pouvaient laisser un doute quant agrave lrsquoidentiteacute de ce meacutecanisme les premiegraveres deacutecisions de la

COP de la CDB vinrent clarifier le rocircle du FEM en tant que meacutecanisme financier

bull Le Fond pour lrsquoEnvironnement Mondial

Le Fond pour lrsquoEnvironnement Mondial (FEM) voit le jour en 1991 sous la forme drsquoun pro-

gramme de la Banque Mondiale ayant pour objet drsquoapporter une aide financiegravere aux projets promou-

vant le deacuteveloppement durable et la protection de lrsquoenvironnement27 Lrsquoaide financiegravere est apporteacutee

aux projets porteacutes par des pays en deacuteveloppement et des pays drsquoeacuteconomie en transition dans le but

drsquoen eacutetendre les beacuteneacutefices au-delagrave des simples frontiegraveres nationales Le FEM ne finance donc pas des

projets dans leur inteacutegraliteacute mais simplement ces coucircts dits laquo increacutementaux raquo

18 Ibid p 319 Le Prestre (P) Protection de lrsquoenvironnement et relations internationales les deacutefis de lrsquoeacutecopolitique mondiale Armand Colin Paris 2005

478p pp 330-342 20 Ibid p 33221 Pour un reacutecit deacutetailleacute voir F McConnel The Biodiversity Convention A Negotiating History Kluwer Law International Londres 1996 223 p

Le chapitre 18 (pp 82-99) sur les derniegraveres eacutetapes de la neacutegociation donne agrave voir les tregraves nombreux obstacles inheacuterents agrave toutes neacutegociations internationales

22 Comme lrsquoillustre lrsquousage systeacutematique de la formule laquo dans la mesure du possible et selon qursquoil conviendra raquo dans chaque article de la convention

23 Protocole de Nagoya sur lrsquoaccegraves et le partage des avantages adopteacute le 20 octobre 2010 entreacute en vigueur le 12 octobre 2014 24 Protocole de Cartagena sur la Bioseacutecuriteacute adopteacute le 29 janvier 2000 entreacute en vigueur le 11 septembre 200325 Par exemple les Principes et Directives drsquoAddis Abeda pour lrsquoutilisation durable de la diversiteacute biologique adopteacutes par la COP de la CDB

en 2004 ont ensuite eacuteteacute repris par la CITES Le Plan Strateacutegique pour la Biodiversiteacute est un autre exemple de diffusion sur lequel nous revien-drons plus en deacutetail dans cette eacutetude

26 Voir articles 21 (Meacutecanisme de financement) et 39 (Arrangements financiers provisoires) de la CDB27 Fond pour lrsquoenvironnement mondial Le FEM de A agrave Z middot Le Guide du Fonds pour lrsquoenvironnement mondial FEM Washington 2015 91 p

p 7

Guillaume FUTHAZAR

99

En 1994 le FEM connait une restructuration et devient une institution agrave part entiegravere Ses liens

avec la CDB sont formaliseacutes avec lrsquoadoption drsquoun Memorandum drsquoaccord entre la COP de la Conven-

tion et le Conseil du FEM28

Agrave ce jour le FEM remplit le rocircle de meacutecanisme financier pour cinq conventions diffeacuterentes la

CDB mais aussi la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques la Conven-

tion des Nations Unies sur la lutte contre la deacutesertification la Convention de Stockholm sur les pol-

luants organiques persistants et la Convention de Minamata sur le mercure29

Les ressources du FEM sont renouveleacutees tous les quatre ans par les Eacutetats contributeurs et sont

ensuite reparties selon de grandes lignes strateacutegiques eacutetablies sur la base des recommandations

faites par les COP des conventions pour lesquelles il est le meacutecanisme financier On note cependant

que les lignes directrices formuleacutees par la CDB srsquoeacuteloignent quelque peu de la logique geacuteneacuterale de

financement du FEM

En effet arguant de la neacutecessiteacute de lrsquoassistance financiegravere aux pays en deacuteveloppement afin de

proteacuteger la biodiversiteacute en tant que preacuteoccupation commune de lrsquohumaniteacute la COP de la CDB a ap-

peleacute agrave ce que les regravegles de financements du FEM ne reposent pas systeacutematiquement sur une logique

sine qua non de beacuteneacutefices transfrontaliers en ce qui concerne la biodiversiteacute30 Ainsi cet ameacutenage-

ment permet le financement entre autres de projets visant agrave lrsquoeacutelaboration de strateacutegies nationales

pour la biodiversiteacute dans certains pays en deacuteveloppement31

bull De nombreuses interconnexions

Une simple preacutesentation de ces trois eacuteleacutements ne permet pas de mettre en eacutevidence les diffeacuterents

liens pouvant exister entre eux En effet pourquoi eacutevoquer la CITES alors que le FEM est le meacuteca-

nisme financier de la CDB et qursquoen tant que tel celui-ci ne finance que des projets ayant pour but

de contribuer agrave lrsquoapplication de cette convention

Cette remarque est sans compter les tregraves nombreux liens srsquoeacutetant tisseacutes au fil des anneacutees entre les

diffeacuterentes conventions relatives agrave la biodiversiteacute Cet eacutelan global vers une synergie principalement

porteacutee par les institutions ad hoc des conventions32 cherche agrave rationaliser les activiteacutes de mise en

œuvre de chacune des conventions afin de promouvoir lrsquoharmonisation et eacuteviter les doublons preacute-

judiciables33

28 Le Meacutemorandum en question est inscrit en annexe agrave la deacutecision CDB III8 Meacutemorandum drsquoaccord entre la Confeacuterence des Parties agrave la Convention sur la diversiteacute biologique et le Conseil du Fonds pour lrsquoenvironnement mondial

29 Page internet FEM [httpswwwthegeforgaboutorganization] consulteacute le 1710201630 J-M Arbour S Lavalleacutee H Trudeau Droit international de lrsquoenvironnement 2e eacuted Editions Yvons Blais Cowansville 2012 1232 p

p 745 Cette tendance est visible degraves la cinquiegraveme COP avec la deacutecision V13 portant sur les orientations agrave propos du meacutecanisme de finan-cement

31 Nous reviendrons davantage sur ce point dans la prochaine section de notre analyse 32 UNEP-WCMC Promoting Synergies within the cluster of biodiversity-related multilateral environmental agreements opcit p 84 Le rap-

port souligne le fait que le processus de synergie nrsquoest pas encore suffisamment approprieacute par les parties aux conventions 33 Ibid p 24

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

100

Crsquoest dans ce contexte de rapprochement que le Secreacutetariat de la CITES a perccedilu plusieurs oppor-

tuniteacutes de financement pour les laquo activiteacutes CITES raquo Nous preacutesenterons dans une premiegravere partie les

diffeacuterentes strateacutegies mises en œuvre par le Secreacutetariat agrave cette fin (1) pour ensuite prendre du recul

et proposer une analyse juridique des pheacutenomegravenes ainsi deacutecrits (2)

Lrsquoensemble des deacuteveloppements de cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacute gracircce agrave une analyse deacutetailleacutee des dif-

feacuterents documents officiels mis agrave disposition par les institutions eacutetudieacutees Ce choix meacutethodologique

implique qursquoil peut il y a voir un eacutecart entre nos descriptions et les reacutealiteacutes concregravetes des reacutegimes

environnementaux Neacuteanmoins lrsquoimportant effort de transparence des institutions eacutetudieacutees tempegravere

ce risque

1) La mobilisation de strateacutegies innovantes drsquoaccegraves aux ressources du FEM par le Secreacutetariat de la CITES

Lrsquoeacutetude des pratiques du Secreacutetariat de la CITES agrave travers la documentation officielle dispo-

nible met en eacutevidence deux approches

La premiegravere est baseacutee sur lrsquoincorporation de certaines dispositions dans les Strateacutegies et plans

drsquoaction nationaux pour la biodiversiteacute (SPANB) dont la mise en œuvre peut srsquoappuyer sur les res-

sources du FEM (11) En somme si les SPANB preacutevoient explicitement des activiteacutes contribuant agrave

la mise en œuvre de la CITES ces activiteacutes pourront beacuteneacuteficier des ressources du FEM

La seconde reacutecemment abandonneacutee a chercheacute agrave faire du FEM le meacutecanisme financier de la

CITES sur la base de lrsquoincorporation du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et ses Objectifs

drsquoAichi dans laquo la vision de strateacutegie CITES 2008-2020 raquo34(12)

Tout au long de cette partie nous nous reacutefeacutererons au Secreacutetariat comme un acteur autonome alors

que les documents que nous citons indiquent pourtant que ce dernier a eacuteteacute mandateacute par les autres

organes de la convention pour agir de faccedilon preacutecise Cette situation peut porter agrave croire que lrsquousage

drsquoexpressions et de tournures soulignant la prise drsquoinitiative du Secreacutetariat est inapproprieacute Une

analyse plus deacutetailleacutee montre cependant que le Secreacutetariat de la CITES nrsquoa pas eacuteteacute qursquoun simple exeacute-

cutant La derniegravere partie de cette eacutetude deacuteveloppera davantage ce point (voir paragraphe 2) 22 a)

11 Une premiegravere strateacutegie lrsquoincorporation de dispositions relatives agrave la CITES dans les Strateacutegies et plans drsquoaction nationaux pour la biodiversiteacute

Pour comprendre la strateacutegie mise en œuvre par le Secreacutetariat de la CITES pour acceacuteder aux

ressources du FEM gracircce aux SPANB (b) il faut dans un premier temps preacutesenter ces instruments et

leurs modaliteacutes de financement (a)

34 CITES Reacutesolution Conf 163 Vision de la strateacutegie CITES pour 2008-2020

Guillaume FUTHAZAR

101

a Un instrument agrave lrsquoeacutelaboration et agrave la mise en œuvre complexes

Les SPANB sont preacutesenteacutes comme eacutetant les principaux instruments de mise en œuvre de la CDB

Preacutevus agrave lrsquoarticle 6 de lrsquoaccord ces instruments sont censeacutes eacutetablir agrave lrsquoeacutechelle nationale les grandes

lignes directrices drsquoapplication de la CDB35 La lecture de lrsquoarticle 6 doit ecirctre compleacuteteacutee par celle de

lrsquoarticle 10 (a) concernant lrsquointeacutegration des consideacuterations pertinentes dans le processus deacutecisionnel

national et lrsquoarticle 26 concernant la soumission peacuteriodique de rapports drsquoapplication

Pour autant sur la base de ces seuls articles la mise en œuvre de cette obligation reste vague

De tregraves nombreux outils ont donc eacuteteacute eacutelaboreacutes pour assister les parties agrave la CDB dans la confec-

tion de leurs strateacutegies nationales Ainsi aux cocircteacutes de tregraves nombreuses deacutecisions de COP proposant

des lignes directrices volontaires pour la reacutealisation de ces documents strateacutegiques36 on retrouve

drsquoabondantes eacutetudes produites par diffeacuterentes institutions engageacutees dans le domaine de la biodiver-

siteacute Recenseacutes sur le site internet de la CDB on peut citer notamment des guides techniques eacutema-

nant du Programme des Nations Unies pour lrsquoEnvironnement ou encore drsquoONG telles que BirdLife

International ou Fauna and Flora International37 Le site de la CDB comporte drsquoailleurs une section

laquo renforcement des capaciteacutes SPANB raquo pour assister les parties dans le respect de leur obligation par

la mise agrave disposition de modules deacutedieacutes ou par la tenue reacuteguliegravere drsquoateliers de travail

Un aperccedilu de quelques SPANB permet de comprendre la complexiteacute que peut repreacutesenter leur

eacutelaboration Par exemple le SPANB de la Guineacutee-Bissau soumis en mai 2016 est un document de

plus de 150 pages ougrave sont listeacutes plus de 120 types drsquoaction reacutepartis parmi 20 objectifs nationaux38

Le SPANB franccedilais est pour sa part moins imposant avec un peu plus drsquoune cinquantaine de pages

mais eacutetablit tout de mecircme vingt objectifs diffeacuterents tous eacutetant en lien direct avec les objectifs drsquoAichi

adopteacutes en 201039

Il faut enfin souligner que depuis lrsquoadoption du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique

et ses Objectifs drsquoAichi les parties agrave la CDB ont eacuteteacute inviteacutees agrave reacuteviser leurs SPANB afin que ceux-ci

soient aligneacutes avec le nouveau cadre strateacutegique de la convention40 Cette adaptation neacutecessaire deacute-

montre que les SPANB nrsquoont pas vocation agrave ecirctre des documents deacutefinitifs 2020 lrsquoanneacutee drsquoeacutecheacuteance de

lrsquoactuel Plan Strateacutegique verra probablement lrsquoadoption drsquoun nouveau plan suite au constat drsquoeacutechec

du preacuteceacutedent Alors les parties auront encore une fois agrave eacutelaborer un nouveau document

Mais la reacutedaction de ces documents nrsquoest pas la seule difficulteacute En effet qursquoimporte la qualiteacute

des SPANB si ceux-ci ne sont pas effectivement appliqueacutes agrave lrsquoeacutechelle nationale Il est donc primordial

35 Lrsquoarticle 6 de la CDB est un des rares articles ne comportant pas la formule laquo dans la mesure du possible et selon qursquoil conviendra raquo36 Le site de la CDB recense plus drsquoune vingtaine de lignes directrices issues des deacutecisions de la COP Voir [httpswwwcbdintnbsap

guidanceshtml] consulteacute le 1710201637 Voir [httpswwwcbdintnbsapguidance-toolsguidelinesshtml] consulteacute le 1710201638 Lrsquoensemble des SPANB soumis agrave la CDB sont disponibles agrave lrsquoadresse suivante [httpswwwcbdintnbsapsearchdefaultshtml] consul-

teacute le 1710201639 Idem 40 CDB deacutecision X2 Plan strateacutegique 2011-2020 et objectifs drsquoAichi relatifs agrave la diversiteacute biologique 3) c

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

102

drsquoapporter aux pays en deacuteveloppement les ressources neacutecessaires agrave lrsquoeacutelaboration de ces documents

mais aussi et surtout agrave leur mise en œuvre

Lrsquoassistance du FEM reacutepond agrave ce constat et permet aux pays deacuteveloppeacutes de beacuteneacuteficier de fonds

tant pour la reacutealisation des SPANB41 que pour leur application subseacutequente Cette approche est drsquoail-

leurs souligneacutee dans la laquo Strateacutegie pour la Biodiversiteacute-FEM6 raquo fixant les grandes orientations de

financement pour la peacuteriode 2014-201842

Le Secreacutetariat de la CDB fait eacutetat drsquoun grand nombre de SPANB reacutealiseacute gracircce aux financements

du FEM43 Cela fait donc autant drsquoopportuniteacutes drsquoaccegraves aux fonds pour des activiteacutes drsquoapplication de

ces SPANB Crsquoest ici qursquointervient la strateacutegie drsquoaccegraves aux fonds du Secreacutetariat de la CITES

b La prise en compte approprieacutee de la CITES dans les SPANB

La question de la coexistence et de la coordination des diffeacuterentes conventions portant sur la

biodiversiteacute est un enjeu central du laquo biodiversity cluster raquo44 Cette preacuteoccupation est drsquoailleurs appa-

rente degraves lrsquoadoption de la CDB en 1992 notamment au regard de son article 22 concernant les rela-

tions de la CDB avec les autres conventions internationales Neacuteanmoins ce seul article preacutecisant que

la convention nrsquoaffectera pas les droits et obligations issus drsquoautres traiteacutes nrsquoest pas suffisant en soi

pour permettre une harmonisation efficace entre les diffeacuterents accords De nombreuses initiatives

ont donc eacuteteacute meneacutees entre les diverses institutions pertinentes pour permettre une maximisation des

synergies

Dans le contexte de la CITES la COP a adopteacute degraves 1997 une reacutesolution faisant eacutetat de sa colla-

boration avec la CDB notamment via lrsquoexistence drsquoun meacutemorandum drsquoaccord entre les deux secreacute-

tariats45 Outre un appel agrave la consultation entre les diffeacuterentes parties afin drsquoeacuteviter toute duplication

cette reacutesolution fait deacutejagrave eacutetat des possibiliteacutes drsquoaccegraves aux fonds du FEM

Il faut cependant attendre 2010 et lrsquoadoption du nouveau Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute

Biologique pour constater un regain drsquoactiviteacute de la part des institutions de la CITES sur la question

de lrsquoaccegraves aux ressources du FEM Cela peut srsquoexpliquer en partie par la preacutesence dans le Plan Stra-

teacutegique drsquoune forte emphase sur la neacutecessiteacute de synergies entre les diffeacuterentes conventions portant

sur la biodiversiteacute notamment dans lrsquoeacutelaboration des SPANB46

41 Par exemple les SPANB de la Guineacutee-Bissau preacuteceacutedemment eacutevoqueacutes ont pu ecirctre eacutelaboreacutes gracircce agrave lrsquoassistance financiegravere du FEM 42 FEM The GEF-6 Biodiversity Strategy FEM Washington 2014 36p On retrouve cette approche de financement en amont et en aval dans

les preacuteceacutedentes laquo strateacutegies biodiversiteacute raquo du FEM 43 Le site internet de la CDB fait eacutetat de 130 pays eacuteligibles ayant acceacutedeacute aux fonds du FEM [httpswwwcbdintnbsapguidance-tools

financedefaultshtml] consulteacute le 1710201644 UNEP-WCMC Promoting Synergies within the cluster of biodiversity-related multilateral environmental agreements op cit45 CITES Reacutesolution Conf 104 (Rev CoP14) Coopeacuteration et synergie avec la Convention sur la diversiteacute biologique46 CDB Deacutecision XII op cit 3) f Le plan strateacutegique pour la Convention sur la diversiteacute biologique adopteacute en 2002 nrsquoeacutevoque pas une

seule fois les autres conventions relatives agrave la biodiversiteacute Voir CDB deacutecision VI26 Plan strateacutegique pour la Convention sur la diversiteacute biologique

Guillaume FUTHAZAR

103

Par exemple degraves feacutevrier 2011 une notification intituleacutee laquo CITES and National Biodiversity Strate-gies and Action Plans under the Convention on Biological Diversity raquo47 a eacuteteacute faite aux parties de la

CITES Cette notification fait suite agrave la deacutecision 1520 de la COP de la CITES48 appelant le Secreacutetariat

agrave explorer les diffeacuterentes voies de financement possibles pour fournir une assistance technique aux

membres de la convention

Ce document fait clairement eacutetat des possibiliteacutes de financements offertes aux pays en deacutevelop-

pement pour les activiteacutes concernant le commerce international drsquoespegraveces en danger si ces activiteacutes

sont directement incorporeacutees dans leurs SPANB Suivant cette logique le Secreacutetariat a donc eacutelaboreacute

un guide pratique pour le deacuteveloppement lrsquoeacutevaluation la reacutevision et la mise agrave jour des SPANB49

Ce guide paru en avril 2011 nrsquoa en soi aucune valeur juridique ni de porteacutee normative Une

lecture deacutetailleacutee du document montre que celui-ci est davantage un document drsquoinformation nrsquoayant

que tregraves peu de passages laquo normatifs raquo indiquant clairement les deacutemarches agrave effectuer pour modifier

de faccedilon approprieacutee des SPANB En tant qursquoindication normative on peut eacutevoquer la preacutesence drsquoune

laquo boite raquo sur la faccedilon drsquoincorporer les objectifs de la CITES dans les SPANB Si lrsquoon prend en consi-

deacuteration les trois pocircles de normativiteacute proposeacutes par Catherine Thibierge agrave savoir la valeur la por-

teacutee et la garantie normative il apparaicirct que ce guide est deacutenueacute de toute force normative50 Drsquoautres

critegraveres peuvent aussi ecirctre pris en compte pour analyser cette production du Secreacutetariat comme

ceux de la leacutegaliteacute de lrsquoeffectiviteacute et de la leacutegitimiteacute51 ou encore ceux de lrsquoobligation la preacutecision et

la deacuteleacutegation52 mais tous megravenent agrave une conclusion similaire cette production nrsquoest pas juridique et

est peu normative

Ce deacutefaut juridique et normatif rend donc difficile de mesurer lrsquoimpact reacuteel qursquoa pu avoir ce

guide pratique Cependant force est de constater ndash sans pour autant eacutetablir un lien formel de cau-

saliteacute ndash que plusieurs activiteacutes contribuant aux objectifs de la CITES ont beacuteneacuteficieacute des financements

du FEM gracircce agrave lrsquoincorporation de dispositions pertinentes dans les SPANB

Par exemple le Myanmar a beacuteneacuteficieacute de fonds pour un projet de renforcement de capaciteacutes

contribuant au projet CITES-MIKE53 (projet concernant le commerce illicite drsquoivoire drsquoeacuteleacutephants)

Ce financement fut possible gracircce agrave lrsquoincorporation dans le SPANB du Myanmar de dispositions

concernant lrsquoeacutetablissement drsquoun systegraveme de suivi pour le commerce illeacutegal drsquoespegravece en danger54 Le

nouveau SPANB du Myanmar soumis en janvier 2016 et reacutealiseacute gracircce aux fonds du FEM comporte

47 CITES and National Biodiversity Strategies and Action Plans under the Convention on Biological Diversity Notification ndeg 2011021 dispo-nible en ligne [httpscitesorgsitesdefaultfilesengnotif2011E021pdf] consulteacute le 17102016

48 CITES Deacutecision 1520 Financement des projets relatifs agrave la conservation et agrave la gestion drsquoespegraveces 49 Secreacutetariat de la CITES Contributing to the development review updating and revision of National Biodiversity Strategies and Action Plans

(NBSAPs) A Draft Guide for CITES Parties avril 2011 disponible en ligne [httpscitesorgsitesdefaultfilesengnotif2011E026Apdf] consulteacute le 17102016

50 C Thibierge et alii La force normative ndash Naissance drsquoun concept LGDJ Paris 2009 891p pp 821-831 51 F Ost M van de Kerchove De la pyramide au reacuteseau Pour une theacuteorie dialectique du droit Faculteacutes universitaires de Saint Louis

Bruxelles 2002 587 p pp 324-341 52 K Abbott R Keohane A Moravcsik et al laquo The concept of legalization raquo International Organization vol 54 ndeg 3 pp 401-419 53 Projet GEF5159 Strenghtening sustainability of protected area management approuveacute en 2013 Le projet reacutealiseacute gracircce agrave lrsquoappui du

Programme des Nations Unies pour le Deacuteveloppement (PNUD) a beacuteneacuteficieacute de plus de 6 millions de dollars de la part du FEM 54 Voir note 38 p 83 sect 5131

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

104

drsquoailleurs une disposition non eacutequivoque appelant agrave appliquer et faire respecter les dispositions de

la CITES55

On peut aussi citer un projet sud-africain approuveacute en 2012 visant agrave un renforcement des ca-

paciteacutes leacutegales pour lutter contre les crimes touchant les espegraveces sauvages56 Les financements ont

encore une fois eacuteteacute obtenus gracircce agrave lrsquoincorporation de dispositions pertinentes dans le SPANB de

lrsquoAfrique du Sud Or le SPANB sud-africain a eacuteteacute soumis en 2006 cinq anneacutees avant la diffusion des

lignes directrices du Secreacutetariat de la CITES Cela met donc en eacutevidence les difficulteacutes agrave mesurer

lrsquoimpact de ces lignes directrices

Aussi si lrsquoon tente une analyse geacuteneacuterale de lrsquoensemble des SPANB soumis depuis 2010 on

constate que toutes les parties agrave la CITES nrsquoont pas systeacutematiquement incorporeacute de dispositions

relatives au commerce illeacutegal drsquoespegravece en danger57 Beaucoup de SPANB eacutevoquent la CITES comme

eacutetant une convention pertinente applicable agrave lrsquoeacutechelle nationale mais tous nrsquoincorporent pas dans

leurs objectifs des reacutefeacuterences preacutecises concernant les moyens de mise en œuvre de cette convention

Aussi les SPANB eacutevoquent parfois la neacutecessiteacute de mener des actions contre le commerce illicite

drsquoespegravece sauvages et le braconnage sans pour autant faire de renvois clairs agrave la CITES58 ce qui rend

deacutelicat drsquoeacutetablir des liens formels entre ces documents et la convention

Lrsquoincorporation des objectifs de la CITES dans les SPANB nrsquoest donc pas neacutecessairement expli-

cite ou systeacutematique Ne srsquoappuyant sur aucune obligation cette strateacutegie apparaicirct comme incer-

taine car irreacutemeacutediablement lieacutee agrave la volonteacute et agrave la capaciteacute des Eacutetats agrave lrsquoappliquer

La seconde strateacutegie mise en œuvre par le Secreacutetariat bien qursquoelle ait eacuteteacute reacutecemment abandon-

neacutee aurait theacuteoriquement permis drsquoeacuteviter une telle incertitude

12 Une seconde strateacutegie La tentative ndash avorteacutee ndash drsquoaccegraves direct au FEM

Parallegravelement agrave lrsquoincorporation des objectifs de la CITES dans les SPANB de ces parties le Secreacute-

tariat de la CITES a chercheacute le moyen drsquoacceacuteder directement aux ressources du FEM Cette approche

a consisteacute en lrsquoincorporation des Objectifs drsquoAichi dans la vision strateacutegique de la CITES (a) mais

a eacuteteacute abandonneacutee sans explication deacutetailleacutee probablement en raison de la complexiteacute de sa mise en

œuvre pour le FEM et drsquoun renforcement reacutecent de la premiegravere strateacutegie (b)

a La diffusion du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et de ses Objectifs drsquoAichi comme eacutetape preacutealable agrave lrsquoaccegraves au FEM

Lrsquoadoption en 2010 du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et de ses Objectifs drsquoAichi

dans le cadre de la CDB fut suivie drsquoune tregraves large diffusion au sein du laquo biodiversity cluster raquo Dans

55 Voir note 38 p 87 action 1221 laquo Fully implement and enforce the requirements of the CITES Convention through national legislation raquo 56 Projet GEF4937 Strengthening Law Enforcement Capabilities to Combat Wildlife Crime for Conservation and Sustainable Use of Spe-

cies in South Africa approuveacute en 2012 Le projet reacutealiseacute gracircce agrave lrsquoappui du Programme des Nations Unies pour lrsquoEnvironnement (PNUE) a beacuteneacuteficieacute de plus de 25 millions de dollars de la part du FEM

57 Analyse reacutealiseacutee en mars 2016 sur la base de 71 SPANB soumis depuis 2010 58 Crsquoest le cas notamment de lrsquoaddendum du SPANB indien soumis en 2014 voir note 30 p 37

Guillaume FUTHAZAR

105

le cadre de lrsquoinitiative CIRCULEX nous avons reacutealiseacute une eacutetude de ce pheacutenomegravene qui a permis drsquoen

mettre en eacutevidence plusieurs aspects59 Drsquoune part le fait que cette diffusion a eacuteteacute grandement favo-

riseacutee par lrsquoaction des secreacutetariats des diffeacuterentes conventions portant sur la biodiversiteacute et drsquoautre

part que les effets cumuleacutes de cette diffusion pouvaient ecirctre tregraves importants Parmi ces effets nous

avons eacutevoqueacute lrsquoharmonisation des buts des conventions du laquo biodiversity cluster raquo et un possible ac-

cegraves aux ressources du FEM Ce dernier point a donneacute agrave voir les velleacuteiteacutes du Secreacutetariat de la CITES

concernant un accegraves plus direct au FEM

La logique avanceacutee eacutetait la suivante en incorporant dans la vision strateacutegique de la CITES des

dispositions indiquant que les activiteacutes de la convention contribuent agrave la reacutealisation de plusieurs Ob-

jectifs drsquoAichi il sera possible drsquoacceacuteder directement aux ressources du FEM celles-ci eacutetant deacutedieacutees

agrave la reacutealisation du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et ses Objectifs drsquoAichi

Cette incorporation dans la vision strateacutegique de la CITES avait eacuteteacute qualifieacutee de laquo premier pas raquo

vers un accegraves direct au FEM60 Lrsquoeacutetape suppleacutementaire aurait donc consisteacute en lrsquoadoption drsquoun meacutemo-

randum entre la COP de la CITES et le Conseil du FEM afin de preacuteciser les modaliteacutes de financement

pour les activiteacutes CITES La COP de la CITES avait drsquoailleurs indiqueacute au Secreacutetariat de continuer son

travail sur la question61

Le succegraves drsquoune telle approche aurait eacuteteacute un fait marquant pour le droit international de lrsquoenvi-

ronnement En effet le FEM est supposeacute ecirctre le meacutecanisme financier de conventions comportant des

dispositions lrsquoindiquant clairement On peut donc imaginer qursquoil eut eacuteteacute neacutecessaire pour les parties

de la CITES drsquoamender le texte de la convention pour que le FEM y soit incorporeacute en tant que meacuteca-

nisme financier Or la proceacutedure drsquoamendement de la CITES est complexe et les preacuteceacutedents amen-

dements ont pris plusieurs deacutecennies agrave entrer en vigueur62 Lrsquoincorporation de reacutefeacuterences adeacutequates

dans la vision strateacutegique de la CITES ainsi que lrsquoadoption drsquoun meacutemorandum apparaicirct comme des

outils plus souples et rapides pour parvenir agrave un effet comparable lrsquoaccegraves aux ressources

En somme une telle hypothegravese aurait eacuteteacute une illustration flagrante des avantages des normes

souples de la laquo soft law raquo sur les proceacutedeacutes traditionnels du droit international public Drsquoailleurs

celle-ci srsquoest deacutejagrave concreacutetiseacutee en ce qui concerne la Convention des Nations Unies sur la deacutesertifica-

tion dont le texte initial ne mentionne pas le FEM en tant que meacutecanisme financier63

Une telle issue nrsquoest cependant plus agrave lrsquoordre du jour

59 G Futhazar laquo The Diffusion of the Strategic Plan for Biodiversity and Its Aichi Biodiversity Targets within the Biodiversity Cluster An Illustration of Current Trends in the Global Governance of Biodiversity and Ecosystems raquo Oxford Yearbook of International Environemental Law vol 25 ndeg 1 2015 pp 133-166

60 CITES SC 65 Doc17 Accegraves au financement y compris au financement du FEM et meacutecanismes innovants sect 23 laquo En mentionnant le Plan drsquoaction pour la biodiversiteacute et les Objectifs drsquoAichi dans la Vision strateacutegique 2008-2020 de la CITES la Confeacuterence des Parties a ouvert la voie pour le secteur biodiversiteacute du FEM aux questions lieacutees aux espegraveces contribuant agrave la reacutealisation des objectifs drsquoAichi raquo

61 CITES Deacutecision 162 Accegraves aux financements accordeacutes par le Fonds pour lrsquoenvironnement mondial62 Lrsquoamendement de Gaborone devant permettre aux organisations reacutegionales drsquointeacutegration eacuteconomique drsquoecirctre des membres agrave part entiegravere

de la CITES a pris 30 ans pour entrer en vigueur Voir CITES notification ndeg 2013045 Entry into force of the amendment to Article XXI of the text of the Convention (Gaborone 30 April 1983)

63 Ce cas de figure est exposeacute par le Secreacutetariat de la CITES dans le document SC 61 Doc 16 Accegraves aux finances y compris financement par le FEM annexe II Process Followed by UNCCD to Designate GEF as its Financial Mechanism

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

106

b La complexiteacute du reacuteseau institutionnel du FEM comme hypothegravese justifiant lrsquoabandon

Alors que les reacuteunions du Conseil Permanent donnaient agrave croire que la prochaine COP de la

CITES allait ecirctre deacutecisive sur cette question la reacuteunion de janvier 2016 a mis fin de faccedilon abrupte agrave

une telle hypothegravese

En effet les conclusions du groupe de travail portant sur la question de lrsquoaccegraves au FEM furent

bregraveves et laconiques il nrsquoapparaicirct pas neacutecessaire de continuer la deacutemarche drsquoaccegraves direct au FEM64

Cette conclusion est drsquoautant plus surprenante que le document faisant eacutetat des travaux du groupe

de travail sur cette question nrsquoest pas disponible Les documents de travail eacutelaboreacutes pour la COP

17 nrsquoapportent pas plus drsquoinformation quant aux raisons drsquoun tel abandon65 Il semble alors que la

strateacutegie principale de la CITES pour lrsquoaccegraves aux ressources du FEM demeure lrsquousage de SPANB

comportant les dispositions approprieacutees Il est difficile drsquoeacutetablir avec certitude les raisons drsquoun tel

abandon en se basant uniquement sur la documentation officielle de la CITES de la CDB ou du FEM

Neacuteanmoins apregraves analyse des documents drsquoeacutevaluation du FEM une hypothegravese se dessine la trop

grande complexiteacute du reacuteseau institutionnel du FEM

Le FEM nrsquoattribue pas directement ses ressources aux acteurs en charge des projets financeacutes

Pour ce faire le fond passe par un ensemble drsquoagences drsquoapplication dont le nombre a augmenteacute au

fil des anneacutees Cette augmentation parallegravele agrave celles des conventions faisant du FEM leur meacutecanisme

financier a entraineacute la creacuteation drsquoun reacuteseau de plus en plus dense66 La cinquiegraveme eacutevaluation globale

des performances du GEF67 indique tregraves clairement que cette densiteacute est aujourdrsquohui probleacutematique

laquo Concernant son reacuteseau et en raison du nombre drsquoacteurs impliqueacutes le FEM deacutepasse actuelle-

ment le nombre de communications et drsquointeractions permettant un reacuteseau de communication effi-

cace et efficient raquo68

De plus paradoxalement lrsquoeffort de synergie des conventions lieacutees au FEM a entraineacute une sur-

charge administrative pour les organes du FEM qui ont maintenant agrave geacuterer des enjeux de coordina-

tion complexe dans des domaines mecirclant de nombreuses consideacuterations69

Lrsquoensemble de ces eacuteleacutements indiqueacutes par bureau indeacutependant drsquoeacutevaluation peut porter agrave croire

que lrsquoabandon de la strateacutegie drsquoaccegraves direct au FEM est le reacutesultat drsquoune prise en consideacuteration de cet

eacutetat de fait par le groupe en charge drsquoexaminer les possibiliteacutes drsquoaccegraves au fond drsquoautant plus que ce

64 CITES SC 66 Summary Record p 5 laquo Furthermore the FBSC recommended that the Secretariat need not implement Decision 162 a) raquo65 CITES CoP17 Doc 75 Accegraves aux finances y compris le financement par le FEM sect8 laquo Comiteacute a deacutecideacute de recommander agrave la Confeacuterence

des Parties agrave la preacutesente session de ne pas poursuivre la mise en œuvre de la deacutecision 162 raquo 66 Certains auteurs eacutevoquent drsquoailleurs la laquo galaxie du FEM raquo L Boisson de Chazournes laquo The Global Environment Facility Galaxy On

Linkages among Institutions raquo Max Planck United Nations Yearbook vol 3 1999 pp 242-28567 FEM Fith overall performance study of the GEF ndash At the crossroads for higher impact Global Environment Facility Independent Evalu-

ation Office Washington 2014 108 p 68 Ibid p 11 Traduction de lrsquoauteur laquo On the network the GEF is now over the limit of the number of communication and interaction that

allow for an effective and efficient communication network given the number of actors involved raquo69 Ibid p 36

Guillaume FUTHAZAR

107

groupe a eacuteteacute en liaison avec le Secreacutetariat du FEM et ses agents drsquoexeacutecution durant la dureacutee de son

mandat70 Lrsquoajout drsquoune convention dans un reacuteseau deacutejagrave satureacute (voir figure 1) aurait probablement

affaibli le fonctionnement geacuteneacuteral du FEM qui souffre deacutejagrave de nombreuses lacunes Par extension

cela aurait meneacute agrave une potentielle ineffectiviteacute de la strateacutegie le FEM risquant alors de ne pas pou-

voir fonctionner

Figure 1 Le reacuteseau institutionnel du FEM71 (source FEM Fith overall performance study of the GEF ndash At the crossroads for higher impact op cit p 37)

Pour autant le recours agrave cette approche aurait permis aux activiteacutes CITES drsquoobtenir des finan-

cements sans avoir agrave deacutependre de lrsquoincorporation de dispositions adeacutequates dans les SPANB Cela

aurait donc pallieacute agrave lrsquoincertitude concernant lrsquoapplication des lignes directrices de la CITES et permis

aux Eacutetats nrsquoayant pas encore mis agrave jour leur SPANB mais souhaitant tout de mecircme beacuteneacuteficier de

ressources pour des activiteacutes concernant le commerce drsquoespegraveces sauvages de beacuteneacuteficier drsquoun soutien

financier En somme cette seconde approche preacutesentait plus de garanties pour atteindre une plus

grande effectiviteacute de la CITES

Neacuteanmoins ndash et cela constitue peut-ecirctre un autre eacuteleacutement pouvant justifier lrsquoabandon de cette

approche ndash lrsquoharmonisation des SPANB semble connaitre un succegraves grandissant gracircce agrave lrsquointense

collaboration du FEM et du Secreacutetariat de la CITES Par exemple lrsquoadoption du laquo Global Wildlife Program raquo par le FEM a contribueacute agrave maintenir agrave lrsquoagenda international la question du trafic illeacutegal

drsquoespegraveces sauvages72 Le Secreacutetariat de la CITES fait eacutetat drsquoune vingtaine de projets ayant pu beacuteneacute-

ficier de soutien financier gracircce agrave ce programme73 Plus encore le Secreacutetariat fait partie du comiteacute

70 CITES CoP17 Doc 75 op cit sect8 71 Il serait aussi justifieacute drsquoajouter agrave ce scheacutema des flegraveches partant des pays beacuteneacuteficiaires vers les conventions car les orientations donneacutees

par les conventions au FEM sont apregraves tout le reacutesultat des neacutegociations entre Eacutetats membres 72 A cela on peut aussi eacutevoquer lrsquoadoption drsquoune reacutesolution des Nations unies sur le trafic illeacutegal drsquoespegraveces sauvages Assembleacutee geacuteneacuterale

des Nations Unies reacutesolution ARES69314 Lutte contre le trafic des espegraveces sauvages 30 juillet 2015 73 CITES CoP 17 Doc 75 op cit sect13 et p 11

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

108

directeur de ce programme en tant que membre laquo non-exeacutecutant raquo et y apporte ses connais-

sances et expeacuteriences dans le domaine74

Suivant une logique pragmatique de laquo coucircts-avantages raquo il apparaicirct donc que la poursuite de

la premiegravere approche semble plus efficace que de longues deacutemarches juridiques et institutionnelles

pour tenter drsquoacceacuteder directement aux ressources du FEM

Ces diffeacuterentes strateacutegies mises en œuvre par les institutions de la CITES se situent agrave la fron-

tiegravere floue de ce qui pourrait ecirctre consideacutereacute comme relevant de la discipline juridique Le premier cas

illustre lrsquousage drsquooutils deacutepourvus de force normative afin drsquoorienter la reacutealisation drsquoune obligation

conventionnelle exteacuterieure tandis que le second cas illustre les possibles conseacutequences de lrsquoaccumu-

lation de normes souples Neacuteanmoins en ce que ces pheacutenomegravenes ont pour but drsquoaccroicirctre lrsquoeffectiviteacute

drsquoune convention gracircce agrave lrsquoallocation approprieacutee de ressources il semble pertinent de les eacutetudier En

effet une telle eacutetude peut permettre drsquoidentifier de nouvelles pratiques participant potentiellement

au renforcement de lrsquoeffectiviteacute du droit international de lrsquoenvironnement

Il est alors utile de srsquointerroger de faccedilon plus geacuteneacuterale sur la porteacutee juridique des pheacutenomegravenes

que nous venons de deacutecrire

2) Quelle lecture juridique de tels pheacutenomegravenesthinsp

Srsquoinscrivant dans le cadre de lrsquoinitiative CIRCULEX cette eacutetude a pour objet de discuter drsquoun

pheacutenomegravene de circulation de norme dans la gouvernance globale de la biodiversiteacute Cependant bien

que lrsquoon distingue deux strateacutegies pour lrsquoaccegraves aux ressources du FEM srsquoappuyant toutes deux sur la

CDB la nature mecircme des objets ayant circuleacute reste indeacutetermineacutee Que signifie juridiquement drsquoin-

corporer dans un SPANB une reacutefeacuterence agrave la CITESthinsp De mecircme que sont ces Plans Strateacutegiques ou

Objectifs drsquoAichi ayant eacuteteacute incorporeacutes dans la vision strateacutegique de la CITESthinsp (21)

Au-delagrave de la caracteacuterisation juridique de cette circulation cette eacutetude propose eacutegalement de

reconsideacuterer les Secreacutetariats des accords multilateacuteraux sur lrsquoenvironnement Bien souvent ignoreacutes

par la discipline juridique ils font pourtant lrsquoobjet drsquoun nombre grandissant drsquoanalyses de la part

des sciences politiques La derniegravere partie de notre analyse tacircchera de deacutemontrer la pertinence de

la prise en compte de ces institutions pour les juristes tout en soulignant la neacutecessiteacute drsquoune lecture

transdisciplinaire de lrsquoactiviteacute de ces institutions (22)

21 La nature des objets en circulation

Nrsquoeacutetant ni des droits ni des obligations il semble que les eacuteleacutements que les institutions de la

CITES cherchent agrave laquo mettre en circulation raquo eacutechappent agrave la notion de norme75 Plusieurs concepts

juridiques permettent neacuteanmoins de saisir la nature de ces eacuteleacutements

74 Ibid sect1275 Entendu tant dans son acception juridique que dans sa deacutefinition geacuteneacuterale comme faisant reacutefeacuterence agrave la notion de regravegle agrave suivre

Guillaume FUTHAZAR

109

Tout drsquoabord la notion drsquoobjet et but des traiteacutes srsquoavegravere utile pour situer la seconde strateacutegie76

mise en œuvre par le Secreacutetariat (a)

Concernant la premiegravere strateacutegie77 nous pensons que celle-ci bien qursquoelle puisse avoir les appa-

rences drsquoun cas de circulation de normes relegraveve davantage de lrsquoapplication de normes particuliegraveres

les laquo normes interstitielles raquo Ce concept proposeacute par le professeur Lowe78 permet une lecture juri-

dique plus approprieacutee de cette strateacutegie (b)

a Les Plans Strateacutegiques et Objectifs comme indicateurs des buts des traiteacutes

Eacutevoqueacutee agrave plusieurs reprises dans la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traiteacutes et

faccedilonnant de faccedilon significative lrsquoapplication de certains de ses articles laquo lrsquoobjet et le but de traiteacute raquo

demeure une expression dont la deacutefinition exacte srsquoavegravere deacutelicate

Sur ce thegraveme on observe une opposition entre deux courants doctrinaux Drsquoune part la doctrine

anglo-saxonne pour qui lrsquoobjet et le but drsquoun traiteacute ne peuvent ecirctre consideacutereacutes seacutepareacutement mais for-

ment un tout permettant une interpreacutetation teacuteleacuteologique de lrsquoaccord international79 et drsquoautre part

la doctrine franccedilaise voyant une diffeacuterence nette entre la notion objet et de but comparable agrave celle

existant entre objet et cause en droit des obligations

Dans notre preacuteceacutedente eacutetude de la diffusion de la Strateacutegie pour la Biodiversiteacute et ses objectifs

drsquoAichi80 nous avons retenu la distinction opeacutereacutee par le courant francophone de la doctrine car

celle-ci permettait de qualifier juridiquement ce que sont ces objets qui ne sont pas assimilables en

tant que tels agrave des obligations conventionnelles

Dans le commentaire article par article des conventions de Vienne sur le droit des traiteacutes des

professeurs Corten et Klein est poseacutee la distinction suivante entre objet et but

laquo Le but renvoie agrave un lsquocritegravere fonctionnelrsquo en ce qursquoil met en relief la finaliteacute poursuivie par un traiteacute Quant agrave lrsquoobjet il fait appel agrave un lsquocritegravere mateacuterielrsquo axeacute sur le corpus de normes agrave eacutetablir pour reacutealiser lrsquoobjectif poursuivi par un traiteacute raquo81

Cette deacutefinition est similaire agrave celle donneacutee par le professeur Yasseen lors de son cours agrave lrsquoAca-

deacutemie de droit international de La Haye82

76 Pour rappel lrsquoaccegraves direct au FEM gracircce agrave lrsquoincorporation du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique dans la vision strateacutegique de la CITES

77 Lrsquoaccegraves aux ressources du FEM pour les activiteacutes CITES gracircce agrave lrsquoincorporation de reacutefeacuterences pertinentes dans les SPANB des pays en deacuteveloppement ou aux eacuteconomies en transition

78 V Lowe laquo The Politics of Law-Making Are the method and character of norm creation changing raquo in M Byers The role of law in in-ternational politics Essays in international relation and international law Oxford University Press Oxford 2000 354p pp 207-226

79 Sur les diffeacuterences entre les courants anglophone et francophone sur ce thegraveme voir I Buffard K Zemanek laquo The object and purpose of a treaty an enigma raquo op cit

80 G Futhazar laquo The diffusion of the Strategic Plan for Biodiversityhellip raquo op cit81 L Boisson de Chazournes A-M La Rosa M Mbengue laquo Article 18 raquo in O Corten P Klein (ed) Les conventions de Vienne sur le

droit des traiteacutes Commentaire article par article volume 1 Bruylant Bruxelles 2009 1073 pp 589-638 (nous soulignons) 82 K Yasseen laquo Lrsquointerpreacutetation des traiteacutes drsquoapregraves la Convention de Vienne sur le Droit des Traiteacutes raquo RCADI vol 151 1976 p 155

laquo Lrsquoobjet du traiteacute est ce que les parties ont fait les normes qursquoelles ont eacutenonceacutees les droits et les obligations qui en deacutecoulent tandis que le but du traiteacute est ce que les parties ont voulu atteindre raquo

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

110

Un autre auteur francophone le professeur Kolb propose neacuteanmoins une deacutefinition leacutegegraverement

diffeacuterente qui peut eacutegalement se reacuteveacuteler pertinente dans notre cas drsquoeacutetude Dans son ouvrage portant

sur lrsquohermeacuteneutique juridique en droit international83 il opegravere la distinction entre but et objet selon

les critegraveres suivants lrsquoobjet serait la matiegravere soumise agrave la reacuteglementation tandis que le but serait la

finaliteacute de la reacuteglementation84

Lrsquoensemble de ces deacutefinitions nous porte agrave voir dans la strateacutegie drsquoaccegraves direct aux ressources

du FEM une circulation des buts de la CDB

En effet si lrsquoon considegravere le contenu du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et notam-

ment ses objectifs drsquoAichi on peut y voir non pas de nouvelles obligations mais des finaliteacutes agrave at-

teindre dans le contexte de la CDB Cette remarque est eacutegalement valable pour la vision strateacutegique

de la CITES mise agrave jour en 201385 Ici encore pas de nouvelles regravegles mais la deacutefinition drsquoun but agrave

atteindre dans le contexte de la convention

Or la mise agrave jour de la vision strateacutegique indique parmi ces trois objectifs principaux que la

CITES contribue au Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et ses objectifs drsquoAichi86 On a

donc ici un alignement clair des buts voir une hieacuterarchie si lrsquoon considegravere que lrsquoalignement se reacutea-

lise sur la base du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et non pas sur une prise en compte

mutuelle

Cette circulation des buts de la CDB vers la CITES et plus geacuteneacuteralement vers les autres conven-

tions du laquo biodiversity cluster raquo bien qursquoelle nrsquoait finalement pas meneacute agrave un accegraves direct aux res-

sources du FEM appelle plusieurs remarques

Premiegraverement cette circulation peut avoir un impact important sur lrsquointerpreacutetation des traiteacutes

et met en eacutevidence le fait que les buts des traiteacutes sont davantage sujets agrave eacutevolution que leurs objets87

En effet les objets des conventions ayant incorporeacute les objectifs drsquoAichi dans leurs planifications

strateacutegiques nrsquoont eacutevidemment pas changeacute La CITES recouvre toujours exclusivement les questions

de commerce international des espegraveces sauvages menaceacutees drsquoextinction et la convention de Ram-

sar88 ayant elle aussi incorporeacute les Objectifs drsquoAichi dans son plan strateacutegique89 concerne toujours

la gestion des zones humides drsquoimportance internationale En revanche agrave la constance intrinsegraveque

83 R Kolb Interpreacutetation et creacuteation du droit international Esquisse drsquoune hermeacuteneutique juridique moderne pour le droit international Bruylant Bruxelles 2006 936 p

84 Ibid pp 532-533 85 CITES Reacutesolution Conf 163 op cit 86 Ibid lrsquoobjectif 34 du but 3 laquo contribuer agrave une reacuteduction substantielle du rythme de lrsquoappauvrissement de la diversiteacute biologique et agrave la

reacutealisation des buts et objectifs pertinents agreacutees au plan mondial en garantissant que la cites et les autres instruments et processus multi-lateacuteraux soient coheacuterents et se renforcent mutuellement raquo indique laquo La contribution de la CITES aux objectifs du Milleacutenaire pour le deacuteve-loppement pertinents aux buts de deacuteveloppement durable fixeacutes par le SMDD au Plan strateacutegique pour la diversiteacute biologique 2011-2020 et aux Objectifs drsquoAichi pour la biodiversiteacute pertinents ainsi qursquoaux reacutesultats pertinents de la Confeacuterence des Nations Unies sur le deacuteveloppement durable est renforceacutee en veillant agrave ce que le commerce international de la faune et de la flore sauvages soit pratiqueacute agrave un niveau durable raquo

87 Nous avons deacutejagrave eacutevoqueacutes ce point lors de notre analyse preacuteceacutedente voir G Futhazar laquo The diffusion of the Strategic Plan for Biodiver-sityhellip raquo op cit

88 Convention relative aux zones humides drsquoimportance internationale particuliegraverement comme habitats des oiseaux drsquoeau signeacutee le 2 feacutevrier 1971 agrave Ramsar entreacutee en vigueur le 21 deacutecembre 1975 UNTS vol 996 p 250

89 Convention de Ramsar Reacutesolution XII2 Le Plan strateacutegique Ramsar 2016-2020 appendice 2 Appendice 2 Synergies entre les Objectifs drsquoAichi pour la biodiversiteacute de la CDB et les objectifs de Ramsar

Guillaume FUTHAZAR

111

des objets srsquooppose lrsquoeacutevolution des buts qui comme le souligne la diffusion du Plan Strateacutegique pour

la Biodiversiteacute peuvent eacutevoluer notamment en ce qui concerne le degreacute de preacutecision de leur por-

teacutee90 Quant agrave lrsquoimpact drsquoune telle circulation sur lrsquointerpreacutetation des traiteacutes celui-ci deacutecoulerait de

lrsquoapplication de lrsquoarticle 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes91 appelant agrave prendre

en consideacuteration les buts et les objets drsquoun traiteacute ainsi que les pratiques ulteacuterieures des parties dans

lrsquoexercice drsquointerpreacutetation drsquoun traiteacute

Deuxiegravemement cette circulation met en eacutevidence la pluraliteacute des buts des traiteacutes Cette plura-

liteacute nrsquoest en soi pas un eacuteleacutement nouveau du droit international Degraves 1952 la Cour Internationale de

Justice soulignait deacutejagrave une telle possibiliteacute92 Cependant ce cas de circulation souligne une possible

distinction entre ces buts

En effet les documents strateacutegiques preacuteciteacutes eacutenoncent des seacuteries drsquoobjectifs que lrsquoon peut voir

comme des deacuteclinaisons de buts geacuteneacuteraux93 Par exemple le Plan strateacutegique pour la diversiteacute bio-

logique exprime de faccedilon relativement preacutecise94 des seacuteries drsquoobjectifs agrave atteindre afin de remplir les

buts geacuteneacuteraux de la convention De plus cette laquo partie exprimeacutee raquo est temporellement situeacutee et nrsquoest

valable que sur une peacuteriode deacutetermineacutee 2010-2020

On peut alors ecirctre ameneacute agrave voir des distinctions entre les buts drsquoune convention Drsquoune part des

buts immanents existants par eux-mecircmes en raison de la conclusion drsquoune convention et drsquoautre

part des buts laquo situeacutes raquo expressions ulteacuterieures de la volonteacute des parties contractantes quant agrave la fi-

naliteacute drsquoune convention sur une peacuteriode donneacutee Ces buts temporaires et plus preacutecis sont donc une

deacuteclinaison des buts geacuteneacuteraux mais peuvent neacuteanmoins servir le mecircme rocircle drsquoeacuteclairage lorsqursquoil

srsquoagit drsquointerpreacuteter les dispositions drsquoune convention

Troisiegravemement en ce que ces documents sont le reacutesultat de deacutecisions de COP et donc du consen-

sus exprimeacute par les Eacutetats membres des conventions ils permettent drsquoapporter une solution partielle

au problegraveme theacuteorique et pratique que pose lrsquoidentification de lrsquoobjet et du but95 Bien entendu ces

objectifs ne sont pas neacutecessairement lrsquoexpression de lrsquointeacutegraliteacute du ou des buts de la convention

mais peuvent avoir plus de leacutegitimiteacute agrave ecirctre consideacutereacutes comme des buts que ceux eacutetablis prima facie

par un interpregravete exteacuterieur

Finalement et pour conclure sur la lecture juridique de cette premiegravere approche on peut voir

dans cette circulation des buts une meacutethode de laquo deacutefragmentation raquo du droit international de la bio-

diversiteacute Cela est drsquoautant plus inteacuteressant que ce pheacutenomegravene srsquoeacuteloigne des analyses proposeacutees par

90 G Futhazar laquo The diffusion of the Strategic Plan for Biodiversityhellip raquo op cit pp 154-15891 Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes signeacutee le 23 mai 1969 agrave Vienne entreacutee en vigueur le 27 janvier 1980 UNTS vol 1155 p 353 92 Dans lrsquoaffaire Droits des ressortissants ameacutericains au Maroc la Cour utilise freacutequemment lrsquoexpression laquo les buts et lrsquoobjet raquo CIJ France

c Etats-Unis drsquoAmeacuterique arrecirct du 25 aoucirct 1952 Rec 1952 pp 175-214 93 Par exemple ceux eacutevoqueacutes agrave lrsquoarticle premier de la CDB 94 Le caractegravere vague des Objectifs drsquoAichi a fait lrsquoobjet de plusieurs analyses En ce sens voir L Campbell S Hagerman N Gray laquo Pro-

ducing Targets for Conservation Science and Politics at the Tenth Conference of the Parties to the Convention on Biological Diversity raquo Global Environmental Politics vol 14 ndeg 3 2014 pp 41-63

95 En effet lrsquoidentification de lrsquoobjet et du but drsquoun traiteacute neacutecessite une interpreacutetation de celui-ci Or lrsquointerpreacutetation doit ecirctre faite agrave la lu-miegravere de lrsquoobjet et du but du traiteacute interpreacutetation Certains auteurs proposent une issue agrave ce cercle vicieux en eacutetablissant un objet et un but prima facie Voir I Buffard K Zemanek laquo The object and purpose of a treaty an enigma raquo Austrian Review of International and European Law vol 3 1998 pp 311-343

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

112

la Commission du Droit International qui dans son rapport de 2006 sur la fragmentation du droit

international se focalise sur les meacutethodes de reacutesolution des conflits de normes96

b Lrsquoincorporation de reacutefeacuterences agrave la CITES dans les SPANB comme expression de la norme interstitielle de synergie

La premiegravere strateacutegie mise en œuvre par le Secreacutetariat peut precircter agrave confusion quant agrave la nature

des objets ayant circuleacute vers la CDB

Pour rappel cette premiegravere strateacutegie consiste agrave influencer la mise en œuvre drsquoune obligation

issue drsquoune convention (la reacutealisation des SPANB dans le contexte de la CDB) pour permettre de

renforcer lrsquoeffectiviteacute drsquoune autre convention (le financement drsquoactiviteacutes contribuant agrave la CITES)

Pour ce faire il est neacutecessaire que les Eacutetats membres agrave la fois de la CDB et de la CITES incorpo-

rent dans leurs SPANB des dispositions relatives agrave la CITES Quelle est alors la nature juridique de

cette incorporation

Est-ce ici aussi une circulation des buts de la CITES vers la CDBthinsp Dans ce cas ce ne serait pas

une circulation de laquo but vers but raquo comme dans le cas eacutevoqueacute preacuteceacutedemment mais de but vers objet

Si lrsquoon reprend les deacutefinitions citeacutees plus haut il semble en effet que les SPANB constituent un des

objets de la CDB agrave savoir laquo le corpus de normes agrave eacutetablir pour reacutealiser lrsquoobjectif poursuivi par un

traiteacute raquo97 Lrsquoobjet laquo SPANB raquo ayant incorporeacute le but de la CITES permettrait alors un financement

des certaines activiteacutes contribuant agrave la CITES

Cette lecture permettant une distinction eacuteleacutegante entre une circulation de laquo but vers but raquo et

de laquo but vers objet raquo ne reacutesiste cependant pas agrave une lecture plus deacutetailleacutee des SPANB fournis par les

Eacutetats membres de la CDB

En effet les SPANB nrsquoincorporent pas systeacutematiquement le but de la CITES ils peuvent parfois

en incorporer lrsquoobjet98 ou un des objets99 ou tout simplement appeler agrave une application totale de la

CITES100 Pour autant cette vaste pluraliteacute des reacutefeacuterences faites agrave la CITES permet drsquoatteindre un

reacutesultat similaire lrsquoaccegraves aux ressources du FEM pour les activiteacutes contribuant agrave la Convention

Il nrsquoest donc pas possible de parler de faccedilon geacuteneacuterale de la circulation de buts ou drsquoobjet de la

CITES vers la CDB

Il semble plutocirct que cette incorporation de dispositions adeacutequates dans les SPANB soit le reacutesul-

96 Commission du droit international Fragmentation du droit international difficulteacutes deacutecoulant de la diversification et de lrsquoexpansion du droit international ACN4L682 13 avril 2006 Le rapport indique drsquoailleurs que laquo Lrsquoensemble des relations entre reacutegimes nrsquoest actuellement qursquoun grand trou noir juridique raquo (p 276)

97 L Boisson de Chazournes A-M La Rosa M Mbengue laquo Article 18 raquo op cit 98 Par exemple les SPANB du Kirghizistan en date de 2016 appellent agrave ameacuteliorer le systegraveme de restriction agrave lrsquoimport et lrsquoexport drsquoespegravece en

danger en accord avec les dispositions de la CITES voir note 30 p 10 objectif 21499 Par exemple les SPANB de lrsquoUganda en date de 2015 appellent au renforcement des capaciteacutes des autoriteacutes de gestion voir note 30 p 102

objectif 335100 Une telle disposition est visible dans les SPANB de 2016 du Myanmar (op cit note 47) ou dans les SPANB des Maldives voir note 30

p 23 objectif 1

Guillaume FUTHAZAR

113

tat de lrsquoapplication drsquoune norme promue par les institutions des conventions du laquo biodiversity clus-ter raquo la synergie conventionnelle appelant tous les acteurs (Eacutetats institutions et ONG) agrave prendre

en consideacuteration lrsquoensemble des conventions applicables agrave la biodiversiteacute et aux eacutecosystegravemes tant

drsquoapplication de leurs obligations existantes que dans lrsquoeacutelaboration future de normes

Nrsquoeacutetant pas porteuse drsquoobligations en tant que telle cette norme preacutesente les caracteacuteristiques

drsquoune laquo norme interstitielle raquo Ce type de normes est deacutecrit par Lowe comme eacutetant deacutenueacute de force

normative mais pouvant neacuteanmoins influencer les normes primaires du droit international101 Agrave

lrsquoappui de cette deacutefinition Lowe preacutesente un ensemble drsquoarguments baseacute sur le concept de deacutevelop-

pement durable et son traitement par les juridictions internationales102

Il semble que la norme ou le principe de laquo synergie conventionnelle raquo remplisse les critegraveres

eacutenonceacutes par Lowe en ce qursquoelle est seule deacutenueacutee de toute force normative Cependant son appli-

cation dans le cas drsquoespegravece eacutetudieacute permettrait drsquoexpliquer les modifications apporteacutees aux SPANB

(normes primaires du droit international) par les Eacutetats

La question est maintenant de savoir si cette norme a circuleacute agrave savoir si elle est apparue dans

un reacutegime pour ensuite ecirctre reprise par un autre ou si elle a toujours eacuteteacute preacutesente mais a simple-

ment gagneacute en laquo force raquo au fil des anneacutees notamment gracircce aux activiteacutes des institutions ad hoc des

conventions

Comme nous lrsquoavons eacutevoqueacute en introduction lrsquoeffort de synergie entre les conventions a tou-

jours eacuteteacute visible Que ce soit par lrsquoadoption de reacutesolutions ou de deacutecisions portant sur le thegraveme ou la

tenue de reacuteunions interinstitutionnelles on aperccediloit une volonteacute claire tout du moins afficheacutee de

faire en sorte que la coexistence des conventions soit une force plutocirct qursquoun obstacle Plutocirct que drsquoen

attribuer la paterniteacute agrave un reacutegime on peut donc voir lrsquoexistence de cette norme comme le reacutesultat de

lrsquointeraction entre plusieurs conventions et institutions

Dans notre cas drsquoeacutetude cette norme a pu gagner en influence en force par lrsquoadoption succes-

sive de deacutecisions y faisant appel (les plans et visions strateacutegiques) et par lrsquoaction du Secreacutetariat de la

CITES pour que celle-ci soit mobiliseacutee agrave une fin preacutecise

Drsquoailleurs la circulation des buts que nous avons eacutevoqueacutee dans la section preacuteceacutedente peut elle

aussi ecirctre vue comme le reacutesultat de lrsquoinfluence de cette norme interstitielle

En somme ce cas drsquoeacutetude illustrant des enjeux tregraves pragmatiques drsquoaccegraves aux ressources met

en eacutevidence les mutations du droit international de la biodiversiteacute et notamment la force drsquoattrac-

tion tregraves forte exerceacutee par la CDB dans ce domaine Ces mutations donnent aussi agrave voir des pratiques

novatrices de deacutefragmentation et laissent entrevoir ce qursquoon lrsquoon pourrait qualifier de meacutetanorme du

101 V Lowe laquo The Politics of Law-Making Are the method and character of norm creation changing raquo op cit p 213 102 Certains auteurs tout en saluant lrsquoutiliteacute du concept proposeacute par Lowe ont neacuteanmoins remis en cause son analyse en ce qui concerne-

le deacuteveloppement durable Voir Barral (V) laquo Sustainable Development in International Law Nature and Operation of an Evolutive Legal Norm raquo European Journal of International Law vol 23 ndeg 2 2012 pp 377-400 Dans cet article lrsquoauteur deacutemontre la porteacutee reacutegulatrice et donc normative de la notion de deacuteveloppement durable

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

114

droit international de lrsquoenvironnement

Finalement ce cas interroge aussi sur la faccedilon dont la discipline juridique peut se saisir drsquoun

objet qursquoelle nrsquoa que peu eacutetudieacute le secreacutetariat des accords multilateacuteraux sur lrsquoenvironnement

22 Une illustration de lrsquoimportance drsquoinstitutions neacutegligeacutees par la discipline juridique

Pour conclure cette eacutetude nous proposons une discussion sur la faccedilon dont la discipline juri-

dique pourrait srsquointeacuteresser aux secreacutetariats en tant qursquoacteurs de lrsquoeffectiviteacute du droit international

de lrsquoenvironnement Pour cela nous reviendrons briegravevement sur lrsquoaction laquo autonome raquo du Secreacute-

tariat de la CITES pour deacutemontrer que les diverses strateacutegies mises en œuvre pour lrsquoaccegraves aux res-

sources du FEM sont de son fait et ne reacutesultent pas simplement des mandats lui ayant eacuteteacute donneacutes par

les autres institutions de la CITES (a) Gardant ces eacuteleacutements agrave lrsquoesprit nous nous interrogerons sur

la faccedilon dont les disciplines juridiques et politiques pourraient coopeacuterer voir srsquoinfluencer mutuelle-

ment pour lrsquoeacutetude de ces acteurs (b)

a Un secreacutetariat faisant preuve drsquoautonomie

Dans la premiegravere partie de cette eacutetude nous avons deacutecrit les strateacutegies mises en œuvre par les

institutions de la CITES pour acceacuteder aux ressources du FEM Ce paragraphe aura pour but de sou-

ligner lrsquoautonomie du Secreacutetariat dans lrsquoeacutelaboration et la mise en œuvre de ces strateacutegies

Cette question de lrsquoautonomie est importante car elle illustre que lrsquoeacutetude des moyens existant

pour favoriser lrsquoeffectiviteacute du droit international de lrsquoenvironnement peut srsquoeacutetendre agrave des institu-

tions qui sont geacuteneacuteralement ignoreacutees par la discipline juridique103 Si les secreacutetariats font preuve

drsquoautonomie et influent sur lrsquoeffectiviteacute du droit international il est neacutecessaire de les prendre en

consideacuteration

Dans notre cas drsquoespegravece et sur la base de la documentation officielle disponible les preuves de

lrsquoautonomie du Secreacutetariat sont apparentes degraves 2010 et lrsquoadoption de la deacutecision 1520104 Cette deacute-

cision appelle simplement le Secreacutetariat agrave explorer les diffeacuterentes possibiliteacutes pour srsquoassurer du fi-

nancement des activiteacutes drsquoassistance technique contribuant agrave la reacutegulation du commerce drsquoespegraveces

sauvages La notification produite lrsquoanneacutee suivante montre une forte focalisation du Secreacutetariat sur

les possibiliteacutes offertes par le FEM

103 Drsquoune faccedilon qui nrsquoest guegravere surprenante la doctrine srsquoest davantage inteacuteresseacutees agrave la nature des activiteacutes des organes deacutecisionnels notamment les COP Sur ce thegraveme voir notamment Churchill (R) Ulfstein (G) laquo Autonomous Institutional Arrangements in Multilateral Environmental Agreements A Little-noticed Phenomenon in International Law raquo AJIL vol 94 2000 pp 623-659 J Brunneacutee laquo COPing with consent Law-making under multilateral environmental agreements Leiden Journal of International Law vol 15 2002 pp 1-52 Sur les Secreacutetariats les ouvrages et articles se contentent geacuteneacuteralement de les eacutevoquer sans discuter de lrsquoimpact de leurs activiteacutes sur le droit inter-national On relegravevera toutefois un ouvrage discutant de leur statut juridique B Desai Multilateral environmental agreements legal status of the secretariats Cambridge University Press Cambridge 2010 330 p ainsi qursquoune leccedilon donneacutee agrave lrsquoacadeacutemie de La Haye E Giraud laquo Le secreacutetariat des institutions internationales raquo RCADI vol 79 1951 pp 369- 509

104 CITES Deacutecision 1520 op cit

Guillaume FUTHAZAR

115

Bien que le Secreacutetariat dans ces rapports agrave la COP et au comiteacute permanent fasse aussi mention

drsquoautres meacutecanismes de financement on constate que son activiteacute srsquoest principalement concentreacutee

sur la question de lrsquoaccegraves aux ressources du FEM On relegraveve par exemple sa participation agrave des reacuteu-

nions du FEM105 ou encore la forte emphase dans ses rapports sur les opportuniteacutes qursquooffre le FEM

En somme la forte attention des institutions de la CITES pour les ressources du FEM nrsquoest pas le

reacutesultat de directives donneacutees par les Eacutetats de la convention en ce sens mais bien plutocirct des choix

strateacutegiques opeacutereacutes par le Secreacutetariat

Dans une preacuteceacutedente eacutetude106 nous avons illustreacute le rocircle qursquoont joueacute les Secreacutetariats dans la

diffusion du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et ses Objectifs drsquoAichi Il apparaicirct que

le Secreacutetariat de la CITES a ici encore joueacute un rocircle important dans la mise en œuvre des strateacutegies

drsquoaccegraves aux ressources du FEM en ayant un rocircle drsquoimpulsion et en maintenant agrave lrsquoordre du jour tant

du cocircteacute du FEM que du cocircteacute de la CITES la question du financement des activiteacutes CITES

Drsquoailleurs si lrsquoon cherche agrave voir la pratique drsquoautres secreacutetariats sur cette question on constate

que celui de la CITES demeure le plus actif Par exemple dans le contexte de la CMS lrsquoaccegraves aux

ressources du FEM nrsquoa fait lrsquoobjet que de timides deacuteveloppements en comparaison agrave ce que lrsquoon peut

observer dans notre cas drsquoespegravece107

Cette autonomie du Secreacutetariat de la CITES nrsquoest pas en soi une deacutecouverte Beaucoup drsquoauteurs

ont insisteacute sur la forte influence et capaciteacute drsquoinitiative dont pouvait faire preuve cette institution

Par exemple le Secreacutetariat joue un rocircle drsquoexpert en ce qui concerne lrsquoinscription aux annexes de

certaines espegraveces et exerce une forte influence agrave travers cette fonction108 Drsquoautres auteurs ont mecircme

eacutetabli un parallegravele entre lrsquoinfluence du Secreacutetariat et le rocircle que peut avoir la Commission euro-

peacuteenne au sein de lrsquoUnion europeacuteenne109

La discipline juridique seule ne peut appreacutehender tous les eacuteleacutements neacutecessaires agrave lrsquoeacutetude com-

plegravete de ces institutions Il est neacutecessaire de srsquoappuyer sur les eacutetudes deacutejagrave reacutealiseacutees en sciences poli-

tiques pour tenter de deacutegager des questions de recherche permettant drsquoeacutetablir des deacutemarches trans-

disciplinaires

b Des institutions appelant des eacutetudes transdisciplinaires

Lrsquoeacutetude de lrsquoactiviteacute des secreacutetariats est assez reacutecente dans le contexte des sciences politiques

Si lrsquoon peut recenser des articles datant des anneacutees 1990110 agrave notre connaissance le premier ouvrage

collectif portant sur cette question est publieacute en 2009111

105 Le Secreacutetaire Geacuteneacuteral de la CITES eacutetait preacutesent lors de la 41egraveme reacuteunion du conseil du FEM en 2011 [httpscitesorgengnewssg201120111108_GEFphp] consulteacute le 17102016

106 G Futhazar laquo The diffusion of the Strategic Plan for Biodiversityhellip raquo op cit pp 143-147 107 UNEPCMSStC4418 Synergies et partenariats sect 16 108 S Jinnah Post-treaty Politics Secretariats Influence in Global Environmetal Governance MIT Press Londres 2014 245 p p 149 109 T Gehring E Ruffing laquo When arguments prevail over power the CITES procedure for the listing of endangered species raquo Global

Environmental Politics vol 8 ndeg 2 2008 pp 123-148 p 136 laquo By way of the listing procedure the CITES Secretariat acquires the role of an ex-clusive agenda-setter comparable to that of the European Commission raquo

110 R Standford laquo International environmental treaty secretariats a case of neglected potential raquo Environmental Impact Assessment Re-view vol 16 ndeg 3 1996 pp 3-12

111 F Biermann B Siebenhuumlner (ed) Managers of global change The influence of international environmental bureaucracies MIT Press

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

116

Dans celui-ci les diffeacuterentes eacutetudes proposeacutees srsquoattachent notamment agrave mesurer lrsquoinfluence des

Secreacutetariats et les raisons de cette influence Notamment le mandat donneacute agrave ces institutions est proposeacute

comme facteur pouvant expliquer cette influence112 Ce point est inteacuteressant pour les juristes car il concerne

in fine lrsquoapplication de lrsquoarticle drsquoune convention par ses propres institutions De plus dans la logique

geacuteneacuterale du projet CIRCULEX on peut aussi se demander si certaines dispositions nrsquoont pas circuleacute entre

les accords multilateacuteraux sur lrsquoenvironnement et quelles ont pu ecirctre les causes drsquoune telle circulation

Ici apparaicirct donc un point pertinent pour eacutetudier plus en deacutetail lrsquoinfluence du Secreacutetariat de la

CITES en comparaison avec celle des autres secreacutetariats des conventions portant sur la biodiversiteacute

Par exemple dans notre cas est-ce le mandat poseacute agrave lrsquoarticle XII de la CITES qui a permis au Secreacute-

tariat drsquoecirctre un acteur essentiel de la circulation dont nous avons fait eacutetat ou sont-ce les individus agrave

lrsquoœuvre dans ce Secreacutetariat Comment dresser des comparaisons avec les activiteacutes meneacutees par les

autres secreacutetariats du laquo biodiversity cluster raquo Sur ce dernier point nous nrsquoavons pas trouveacute drsquoeacutetude

proposant une analyse deacutetailleacutee

Par exemple nous avons eacutevoqueacute que dans le cas de la CMS le Secreacutetariat ne semble pas avoir

exploreacute avec autant de minutie les possibiliteacutes drsquoaccegraves aux ressources du FEM Est-ce en raison de

lrsquoabsence de deacutecision indiquant clairement au Secreacutetariat de mener des recherches sur les meacutethodes

innovantes drsquoaccegraves aux financementsthinsp Est-ce lrsquoarticle instituant ce Secreacutetariat qui ne lui permet pas

la mecircme autonomie que le Secreacutetariat de la CITES dans lrsquoorientation des strateacutegies de la CMSthinsp Ou

est-ce le simple fait du reacuteseau drsquoindividus œuvrant au sein de ce Secreacutetariat

Il est eacutevident que cette reacuteponse ne peut ecirctre reacutesolue par les juristes seuls car elle neacutecessite la mo-

bilisation drsquooutils eacutetrangers agrave la discipline (interviews ou analyses de reacuteseaux sociaux par exemple)

Neacuteanmoins une collaboration sur ce thegraveme pourrait permettre de mettre agrave jour des reacutesultats inteacuteres-

sants notamment sur la faccedilon dont les Secreacutetariats influent sur le cadre juridique les ayant instau-

reacutes Cette laquo reacutetroaction raquo drsquoune institution ayant un simple rocircle drsquoexeacutecutant administratif est tout

aussi inteacuteressante pour le droit que pour la science politique

Avec cette contribution nous espeacuterons avoir pu mettre en avant les ideacutees promues par le projet

de recherche CIRCULEX notamment le fait que la permeacuteabiliteacute de certains reacutegimes environnemen-

taux permet lrsquoeacutemergence de pratiques nouvelles dans la cadre de la gouvernance mondiale de la bio-

diversiteacute mais aussi que ces pratiques ont une signification juridique forte en raison de leur capaciteacute

agrave remettre en question les classifications classiques de la discipline

Cet eacutetat de fait neacutecessitera une reacuteflexion collective sur la faccedilon dont la discipline pourra appor-

ter des eacuteleacutements analytiques pertinents tout en conservant sa speacutecificiteacute

Cambridge 2009 367 p 112 Ibid p 52

Guillaume FUTHAZAR

117

Partie 2 Circulation des normes et reacuteseaux drsquoacteurs

dans les complexes de reacutegimes

chapitre 1Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la

circulation et la mise en œuvre des normes de gouvernance environnementale agrave lrsquoeacutechelle internationale1

Daniel Compagnon2 Yves Montouroy3 Amandine Orsini4 Roman de Rafael5

La multiplication des reacutegimes internationaux se traduit par lrsquoeacutemergence de laquo complexes de

reacutegimes raquo qui sont lieacutes agrave la fois par des interactions institutionnelles et par lrsquoexistence de laquo theacutema-

tiques croiseacutees raquo (issue-linkage) Un complexe peut ecirctre deacutefini comme laquo a network of three or more

international regimes that relate to a common subject matter exhibit overlapping membership and

generate substantive normative or operative interactions recognized as potentially problematic

whether or not they are managed effectively raquo (Orsini amp al 2013 29 laquo un reacuteseau drsquoau moins trois

reacutegimes internationaux qui se rattachent agrave une mecircme theacutematique ont des membres en commun et

deacuteveloppent des interactions concernant le fond des politiques les normes ou les opeacuterations con-

cregravetes interactions qui sont perccedilues comme sources potentielles de problegravemes qursquoelles fassent ou

non lrsquoobjet drsquoun traitement approprieacute raquo) Chaque complexe portant sur une theacutematique speacutecifique

srsquoinsegravere dans un reacuteseau de gouvernance plus large qui inclut drsquoautres arrangements institutionnels

et systegravemes de normes Les chevauchements theacutematiques entre complexes de reacutegimes et interactions

fortuites ou institutionnaliseacutees rendent davantage neacutecessaire la circulation des normes entre ces reacute-

gimes Cette circulation et ses modaliteacutes sont lrsquoobjet central de cette contribution

Les acteurs eacuteconomiques crsquoest-agrave-dire les acteurs non-eacutetatiques (ANE) dont lrsquoobjectif est le profit

comme les repreacutesentants des entreprises jouent un rocircle important mais largement neacutegligeacute par lrsquoanalyse

Ils contribuent en effet de faccedilon substantielle agrave la neacutegociation et agrave la mise en œuvre des politiques

1 Les travaux empiriques eacutevoqueacutes dans ce papier ont beacuteneacuteficieacute du soutien financier de lrsquoAgence nationale pour la recherche franccedilaise dans le cadre du projet ltANR-12-GLOB-0001-03 CIRCULEXgt2 Daniel Compagnon est professeur de sciences politique agrave Sciences Po Bordeaux Centre Emile Durkheim 3 Yves Montouroy est maicirctre de confeacuterences en science politique agrave lrsquoUniversiteacute des Antilles - Pocircle Guadeloupe chercheur associeacute au Centre Emile Durkheim de Sciences Po Bordeaux et au CReSPo de lrsquoUniversiteacute Saint Louis Bruxelles4 Amandine Orsini est professeure de relations internationales agrave lrsquoUniversiteacute Saint-Louis Bruxelles membre du CReSPo5 Roman de Rafael est doctorant agrave lrsquoUniversiteacute Paris-Est LIPHA (EA 7373) UPEC Creacuteteil

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

118

internationales dans diffeacuterents secteurs (Orsini et Compagnon 2013) Sur le volet mise en œuvre la

circulation des dispositions des reacutegimes internationaux par lrsquointermeacutediaire des acteurs eacuteconomiques

peut ecirctre eacuteclaireacutee par une litteacuterature sur le laquo policy transfer raquo ou sur les dynamiques de diffusion

et de transplantation de solutions drsquoaction publique (Delpeuch 2009 Dumoulin et Saugger 2010

Tulmets 2014) Au sein des processus de transfert de multiples acteurs publics mais eacutegalement priveacutes

et associatifs interagissent (Hassenteufel et Maillard 2013) pour influencer les contenus politiques

Ce travail comparatif srsquoappuie sur quatre eacutetudes meneacutees seacutepareacutement par les co-auteurs et qui il-

lustrent la diversiteacute des questions de recherche que soulegraveve la participation des acteurs eacuteconomiques

agrave la circulation des normes principes et regravegles internationaux non seulement pour ce qui est de la

neacutegociationdiffusion des reacutegimes internationaux mais aussi de leur mise en œuvre agrave travers des

eacutechelles diffeacuterentes Elles associent des approches quantitatives et qualitatives et se situent agrave diffeacute-

rentes eacutechelles de lrsquoorganisation sociopolitique Nous les avons rassembleacutees autour de deux axes

lrsquoeacutelaboration et la neacutegociation des reacutegimes internationaux agrave lrsquoeacutechelon international drsquoune part la

mise en œuvre de ces reacutegimes drsquoautre part

Une eacutetude reacutecente des neacutegociations climatiques (Hanegraaf 2015) perccediloit les entreprises comme

des acteurs politiques beacuteneacuteficiant drsquoun accegraves facile et rapide aux neacutegociations internationales no-

tamment du fait de lrsquoabsence de difficulteacutes de leur part agrave srsquoorganiser collectivement dans des coa-

litions de lobbying Drsquoautres auteurs font lrsquohypothegravese drsquoun renforcement des relations de pouvoir

preacuteexistantes favorisant lrsquoindustrie dans le contexte des complexes de reacutegimes (Drezner 2009) A

contrario une analyse preacuteliminaire (Orsini 2013) et plusieurs eacutetudes sur la question du pluralisme

en relations internationales montrent que la participation des entreprises est probablement moins

automatique qursquoannonceacutee Degraves 1998 Robert Keohane annonccedilait lui-mecircme un changement de confi-

guration des dynamiques internationales de participation du fait de lrsquoarriveacutee des nouvelles techno-

logies de communication avec laquo des politiques internationales de plus en plus controcircleacutees par des

groupes informels de scientifiques ou autres professionnels ou par des coalitions de cause comme

Amnesty International et Greenpeace raquo (Keohane 1998 94)

Enfin il existe une litteacuterature montrant comment la gestion des biens communs srsquoorganise dans

le cadre de dispositifs institutionnels polycentriques ougrave des organisations publiques et priveacutees agrave de

multiples eacutechelles affectent conjointement les beacuteneacutefices et les coucircts collectifs par le biais drsquoun sys-

tegraveme de gouvernance dont les centres de deacutecision sont multiples et indeacutependants les uns des autres

(Ostrom V Tiebout et Warren 1961 Ostrom E 1990 2005 2010)

Dans la premiegravere partie nous eacutetudions jusqursquoagrave quel point des acteurs eacuteconomiques participent

aux forums onusiens sur la gestion durable des forecircts puis comment drsquoautres acteurs eacuteconomiques

ont joueacute un rocircle deacutecisif dans la neacutegociation sur la reacuteduction des eacutemissions de CO2 du secteur aeacuterien agrave

lrsquoOrganisation de lrsquoAviation Civile Internationale (OACI) La deuxiegraveme partie est centreacutee sur la mise

en œuvre soit le rocircle eacutevolutif drsquoacteurs eacuteconomiques dans le meacutecanisme Forest Law Enforcement Go-vernance and Trade (FLEGT) de lrsquoUnion europeacuteenne drsquoune part puis sur la mise en œuvre opeacuteration-

nelle du Meacutecanisme de deacuteveloppement propre (MDP) introduit par le Protocole de Kyoto Drsquoautres

points communs caracteacuterisent ces travaux puisque deux drsquoentre eux touchent agrave la question des

forecircts tropicales reacuteservoirs de biodiversiteacute et puits de carbone alors que les deux autres renvoient

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

119

agrave lrsquoutilisation drsquoinstruments de marcheacute dans les politiques climatiques En comparant ces eacutetudes de

cas agrave premiegravere vue heacuteteacuterogegravenes tant par leur objet que leur meacutethodologie nous voulons faire ressor-

tir la diversiteacute des configurations particuliegraveres drsquoacteurs en fonction des contextes et enjeux tout en

montrant que lrsquoinfluence des acteurs eacuteconomiques nrsquoest pas neacutecessairement lagrave ougrave on lrsquoattend

1) Le poids des acteurs eacuteconomiques dans les neacutegociations internationales pour la gestion durable des forecircts et pour la reacutegulation des eacutemissions carbone dans lrsquoaviation civile

Cette premiegravere partie met en perspective le rocircle drsquoacteurs eacuteconomiques dans lrsquoadoption des

normes dans le cadre de neacutegociations multilateacuterales Dans la premiegravere sous-partie sur les forums in-

ternationaux sur les forecircts nous cherchons agrave mesurer le degreacute de participation de ces acteurs Lrsquoexis-

tence de complexes de reacutegimes change-t-elle la donne sur ce plan Le croisement entre theacutematiques

favorise-t-il ou non les acteurs eacuteconomiques qui sont les plus agrave mecircme de creacuteer des passerelles entre

theacutematiques internationales Peu drsquoeacutetudes adoptent une vue drsquoensemble questionnant cette circu-

lation sur plusieurs eacutechelles drsquoanalyse diffeacuterentes La premiegravere sous-partie vise agrave combler ce double

manque agrave partir du cas de la gestion durable des forecircts

La deuxiegraveme sous-partie eacutetudie le rocircle deacutecisif de la coalition des industries de lrsquoaeacuterien dans le

deacutebat qui agite lrsquoOACI depuis le milieu des anneacutees 2000 sur un eacuteventuel meacutecanisme de marcheacute pour

reacuteduire les eacutemissions de CO2 de lrsquoaviation internationale Lrsquoindustrie y apparaicirct comme un acteur

incontournable de la reacutegulation et un veacuteritable entrepreneur de normes

11 Circulation internationale la participation des acteurs non eacutetatiques aux forums internationaux sur la gestion durable des forecircts

Depuis les anneacutees 1990 la question de la gestion internationale des forecircts a eacuteteacute neacutegocieacutee dans

plus de huit forums internationaux (Gluumlck et al 2010) Nous nous inteacuteressons ici aux institutions qui

ont pour mandat principal drsquoeacutelaborer des politiques de gestion des forecircts agrave savoir

bull le Comiteacute de la FAO pour les forecircts (COFO) historiquement le premier forum agrave avoir dresseacute

lrsquoeacutetat des lieux des forecircts mondiales

bull le Forum des Nations unies sur les forecircts (UNFF) eacutetabli en 2001 pour coordonner les politiques

nationales et internationales dans ce domaine

bull Le Comiteacute international des bois tropicaux (ITTC) de lrsquoOrganisation internationale des bois

tropicaux (OIBT) qui reacuteglemente lrsquoexploitation commerciale de ces forecircts

Ce complexe institutionnel sur la gestion durable des forecircts est fragmenteacute Crsquoest donc un exemple

inteacuteressant pour appreacutehender les conseacutequences drsquoune complexification de lrsquoarchitecture internatio-

nale sur la circulation des acteurs eacuteconomiques Dans le cas drsquoeacutetude envisageacute les acteurs concerneacutes

sont les entreprises forestiegraveres les commerccedilants de bois ou les industries du papier Pour eacutevaluer

lrsquoimportance de la circulation de ces acteurs eacuteconomiques il srsquoagit de la comparer agrave celle drsquoautres

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

120

cateacutegories drsquoacteurs non eacutetatiques comme par exemple les ONG environnementales (ONGE) qui

sont aussi actives sur la theacutematique comme les ONGE speacutecialiseacutees dans la gestion des forecircts dans

la conservation des espegraveces ou plus geacuteneacuteralistes

Pour eacutevaluer cette circulation nous avons constitueacute une base de donneacutees en relevant leur parti-

cipation effective en tant qursquoobservateurs aux diffeacuterentes reacuteunions du complexe sur les forecircts et en

identifiant leur nature (acteurs eacuteconomiques ou ONGE) Cette participation nrsquoa eacuteteacute codeacutee que pour

un minimum de deux participations (pour rendre lrsquoanalyse plus pertinente) La base de donneacutees ain-

si constitueacutee commence agrave la 15e reacuteunion du COFO en mars 2001 et se termine par la 11e reacuteunion de

lrsquoUNFF en mai 2015 et comprend 40 reacuteunions internationales6 Notre meacutethode consiste donc agrave ex-

ploiter les listes de participants aux diffeacuterentes reacuteunions mentionneacutees ci-dessus de faccedilon agrave comparer

la participation que ce soit agrave des forums de neacutegociation ponctuels ou au complexe de reacutegimes Les

reacutesultats concernant la participation agrave des reacutegimes individuels sont preacutesenteacutes dans le Tableau 1 drsquoun

point de vue quantitatif et dans le Tableau 2 drsquoun point de vue qualitatif

Tableau 1 Pourcentage de participation des ONGE (en bleu) et des acteurs eacuteconomiques (en rouge) participant agrave au moins deux reacuteunions aux diffeacuterents reacutegimes constituant le complexe de reacutegimes sur les forecircts ndash 2001-2015

COFO

15

ITTC

30

UNFF

1

ITTC

31

UNFF

2

ITTC

32

ITTC

33

COFO

16

ITTC

34

UNFF

3

ITTC

35

UNFF

4

ITTC

36

ITTC

37

COFO

17

UNFF

5

ITTC

38

ITTC

39

ITTC

40

0 0 0 10 18 0 4 8 5 7 0 8 4 0 0 10 6 0 613 9 38 20 14 19 35 8 9 15 11 17 8 19 10 23 25 29 6

ITTC

41

COFO

18

UNFF

7

ITTC

42

ITTC

43

ITTC

44

COFO

19

UNFF

8

ITTC

45

COFO

20

ITTC

46

UNFF

9

ITTC

47

COFO

21

ITTC

48

UNFF

10

ITTC

49

COFO

22

ITTC

50

UNFF

11

0 8 4 7 4 0 4 0 0 7 0 0 0 13 0 0 4 10 0 012 19 13 7 4 6 27 21 13 10 8 25 12 13 33 15 7 15 16 0

Tableau 2 ANE les plus impliqueacutes dans les neacutegociations internationales delrsquoUNFF de lrsquoITTC et du COFO analyseacutees seacutepareacutement

5 ANE (acteurs eacuteconomiques en rouge et ONGE en bleu et total de la participation entre parenthegraveses) les plus impliqueacutes dans les neacutegociations UNFF (Nb de reacuteunions)

INTERNATIONAL UNION OF FOREST RESEARCH ORGANIZATIONS (9)

CONFEDERATION OF EUROPEAN FOREST OWNERS (9)

FRIENDS OF THE EARTH INTERNATIONAL (7)

INTERNATIONAL FORESTRY STUDENTS ASSOCIATION (6)

World Business Council for Sustainable Development (6)

5 ANE (ONGE en bleu et acteurs eacuteconomiques en rouge) les plus impliqueacutes dans les neacutegociations ITTC (Nb de reacuteunions)

TRAFFIC INTERNATIONAL (20)

6 Cette base de donneacutees est en accegraves libre sur le site web du projet ANR CIRCULEX qui a financeacute son eacutelaboration

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

121

TROPICAL FOREST FOUNDATION (17)

FOUNDATION FOR PEOPLE AND COMMUNITY DEVELOPMENT (13)

ASUMADU AND ASSOCIATES (13)

HUTAN GROUP (12)

5 ANE (ONG en bleu et acteurs eacuteconomiques en rouge) les plus impliqueacutes dans les neacutegociations COFO (Nb de reacuteunions)

INTERNATIONAL UNION OF FOREST RESEARCH ORGANIZATIONS (8)

CONFEDERATION OF EUROPEAN FOREST OWNERS (7)

INTERNATIONAL FORESTRY STUDENTS ASSOCIATION (7)

UNION OF FORESTERS OF SOUTHERN EUROPE (7)

PROGRAMME FOR THE ENDORSEMENT OF FOREST CERTIFICATION COUNCIL (7)

CENTER FOR INTERNATIONAL FORESTRY RESEARCH (7)

Sur la peacuteriode analyseacutee plus drsquoONGE que drsquoacteurs eacuteconomiques suivent les neacutegociations in-

ternationales sur les forecircts 16 en moyenne de participation pour les ONGE et cela quel que soit

le forum consideacutereacute pour seulement 4 en moyenne drsquoacteurs eacuteconomiques La proportion ONGE

acteurs eacuteconomiques est par ailleurs stable au cours du temps et ne montre aucune eacutevolution sen-

sible Seule tendance geacuteneacuterale les neacutegociations plus reacutecentes sont suivies par un pourcentage plus

important drsquoANE Cette derniegravere tendance indiquerait une leacutegegravere ameacutelioration de la repreacutesentation

des ANE au cours du temps Le Tableau 2 indique que les ONGE impliqueacutees sont plutocirct geacuteneacuteralistes

alors que les acteurs eacuteconomiques sont plus facilement speacutecialiseacutes sur la question des forecircts Les neacute-

gociations de lrsquoITTC sont celles qui attirent davantage les acteurs eacuteconomiques

Concernant la participation au complexe de reacutegimes agrave savoir le suivi des trois forums de neacutego-

ciation en parallegravele on constate que 40 des ANE multi-fora sont des ONGE contre 13 pour les

acteurs eacuteconomiques Le Tableau 3 donne le nom des principaux ANE impliqueacutes dans le complexe

de reacutegimes

Tableau 3 Principaux ANE (top 10 avec ONGE en bleu acteurs eacuteconomiques en rouge et total de participations entre parenthegraveses) impliqueacutes dans les neacutegociations internationales du complexe de reacute-gimes sur les forecircts

INTERNATIONAL UNION OF FOREST RESEARCH ORGANIZATIONS (23)

FRIENDS OF THE EARTH INTERNATIONAL (18)

FOREST STEWARDSHIP COUNCIL (14)

INTERNATIONAL FORESTRY STUDENTS ASSOCIATION (14)

WORLD WIDE FUND FOR NATURE (13)

CENTER FOR INTERNATIONAL FORESTRY RESEARCH (11)

PROGRAMME FOR THE ENDORSEMENT OF FOREST CERTIFICATION COUNCIL (11)

WORLD RESOURCES INSTITUTE (10)

THE NATURE CONSERVANCY (10)

INTERNATIONAL FEDERATION OF BUILDING AND WOOD WORKERS (9)

World Business Council for Sustainable Development (8)

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

122

GREENPEACE INTERNATIONAL (7)

GLOBAL FOREST COALITION (6)

INTERNATIONAL INSTITUTE FOR ENVIRONMENT AND DEVELOPMENT (6)

INTERAFRICAN FOREST INDUSTRIES ASSOCIATION (3)

Le Tableau 3 montre agrave nouveau la faible participation des acteurs eacuteconomiques dans le suivi du

complexe de reacutegimes comparativement agrave celle des ONGE

Non seulement le complexe de reacutegimes des forecircts constitue un cas inteacuteressant en lui-mecircme mais

il permet aussi drsquoexaminer le croisement des theacutematiques En effet depuis 2009 la gestion durable

des forecircts est comprise dans un ensemble institutionnel plus vaste incluant la lutte contre les chan-

gements climatiques Au cours des neacutegociations dans le cadre de la Convention cadre des Nations

Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) les questions de lrsquoutilisation des forecircts comme

puits de carbone ou de lrsquoimpact de la deacuteforestation sur les eacutemissions de gaz agrave effet de serre ont pris

de lrsquoampleur Crsquoest surtout apregraves la confeacuterence des Parties (COP) de Copenhague de 2009 qursquoelles

entrent sur lrsquoagenda des neacutegociations par le biais du meacutecanisme REDD+ (reacuteduction des eacutemissions

lieacutees agrave la deacuteforestation et agrave la deacutegradation des forecircts) Depuis la theacutematique des forecircts et celle des

changements climatiques sont de plus en plus mecircleacutees dans les neacutegociations internationales Dans

quelle mesure la participation des acteurs eacuteconomiques contribue au croisement des theacutematiques

forecircts et changement climatique

Pour reacutepondre agrave cette question nous analysons la participation des acteurs eacuteconomiques speacutecia-

liseacutes sur les questions de forecirct notamment le meacutecanisme REDD+ aux COP de la CCNUCC Lrsquoeacutetude

est baseacutee sur la comparaison de lrsquoidentiteacute des acteurs eacuteconomiques les plus actifs des neacutegociations

laquo forecircts raquo depuis 2001 avec lrsquoidentiteacute des acteurs eacuteconomiques ayant suivi les neacutegociations clima-

tiques depuis 2009 Pour obtenir une eacutevaluation de cette participation la mecircme analyse est faite pour

lrsquoensemble des autres cateacutegories drsquoANE et notamment les ONGE Pour ce faire une liste des ANE

les plus actifs (32 organisations) aux neacutegociations du complexe de reacutegimes sur les forecircts est eacutelabo-

reacutee sur la base des listes de participants aux neacutegociations sur les forecircts sur la peacuteriode 2001-2014 Les

ANE speacutecialiseacutes les plus actifs sur cette peacuteriode sont deacutefinis comme ceux ayant suivi au moins 15

des reacuteunions (soit 6 reacuteunions au moins) Dans un deuxiegraveme temps il convient de croiser ces reacutesul-

tats avec la liste des ANE ayant participeacute agrave une COP de la CCNUCC depuis 2009 et drsquoidentifier les

acteurs eacuteconomiques et les ONGE

Les reacutesultats montrent que 375 des ANE actifs dans les neacutegociations internationales sur les

forecircts se retrouvent dans lrsquoensemble des neacutegociations internationales du meacutecanisme REDD+ dans le

cadre de la CCNUCC alors que 155 suivent plus de la moitieacute des reacuteunions de ces mecircmes neacutegocia-

tions Environ 50 (531 soit 17) des ANE experts des questions de forecircts se retrouvent donc dans

les neacutegociations climatiques Crsquoest un niveau de participation tregraves significatif lorsque lrsquoon envisage

les difficulteacutes mateacuterielles et logistiques engendreacutees par la participation agrave des neacutegociations inter-

nationales Parmi ces 531 117 (soit 2 organisations) sont des acteurs eacuteconomiques le World

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

123

Business Council for Sustainable Development (WBCSD) qui a suivi toutes les neacutegociations depuis

2009 et la Confeacutedeacuteration des industries papetiegraveres europeacuteennes qui a suivi trois reacuteunions depuis

2009 Le Tableau 4 recense les ANE speacutecialiseacutes dans les questions forestiegraveres et qui ont suivi toutes

les neacutegociations climat A nouveau le nombre drsquoONGE geacuteneacuteralistes est significatif

Les reacutesultats suggegraverent qursquoil existe une capitalisation de lrsquoexpertise des ANE dans le domaine

environnemental puisque les experts sur les questions de forecircts participent aux discussions clima-

tiques sur REDD+ Cela signifie que le paysage institutionnel dans lequel srsquoinscrit le meacutecanisme

REDD+ est porteur de liens avec pour ce qui est des theacutematiques environnementales les institu-

tions speacutecialiseacutees dans les questions de forecircts Alors que les neacutegociations REDD+ beacuteneacuteficient drsquoune

partie de lrsquoexpertise sur les forecircts deacutetenue par les ONGE cette expertise provient peu des acteurs

eacuteconomiques qui agrave nouveau sont moins actifs sur la question des theacutematiques croiseacutees

Tableau 4 ANE speacutecialiseacutees dans les neacutegociations sur les forecircts participant agrave toutes les COP climat depuis 2009 (ONGE en bleu et industries en rouge)

INTERNATIONAL INSTITUTE FOR ENVIRONMENT AND DEVELOPMENT

GREENPEACE INTERNATIONAL

World Business Council for Sustainable Development

THE NATURE CONSERVANCY

WORLD RESOURCES INSTITUTE

FOREST STEWARDSHIP COUNCIL (FSC)

INTERNATIONAL FORESTRY STUDENTS ASSOCIATION

WORLD WIDE FUND FOR NATURE

TROPICAL FOREST FOUNDATION

FRIENDS OF THE EARTH INTERNATIONAL

Cette section a examineacute la circulation internationale des acteurs eacuteconomiques au sein des fo-

rums internationaux sur la gestion durable des forecircts et en ce qui concerne la theacutematique croiseacutee du

changement climatique comparativement agrave drsquoautres cateacutegories drsquoANE

Plusieurs conclusions intermeacutediaires peuvent ecirctre tireacutees pour cette section Premiegraverement la

participation des acteurs eacuteconomiques est limiteacutee tandis que la participation des ONGE est im-

portante Deuxiegravemement la participation des acteurs eacuteconomiques est encore plus faible dans le

cas drsquoun complexe de reacutegimes Elle est aussi faible concernant le croisement theacutematique entre les

forecircts et le changement climatique Cette eacutetude suggegravere ainsi qursquoen termes de complexification des

reacutegimes et de croisement des theacutematiques lrsquoeacutevolution en cours semble favoriser la participation des

ONGE plus que celle des entreprises Lrsquoinfluence des acteurs sur les Eacutetats nrsquoest pas proportionnelle

agrave lrsquoimportance de leur participation car elle deacutepend eacutegalement de la densiteacute de leurs actions mais

au vu de lrsquoeacutecart de participation en acteurs eacuteconomiques et ONGE il est possible de supputer que

les blocages qui perdurent lors des neacutegociations internationales sur les forecircts apparaissent drsquoabord

comme des blocages politiques et structurels au niveau des Eacutetats plus que comme le produit de la

participation des acteurs eacuteconomiques concerneacutes - au moins agrave lrsquoeacutechelon international Ces eacuteleacutements

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

124

ne permettent pas toutefois de comprendre pourquoi les ONGE sont davantage preacutesentes quand

la neacutegociation srsquoeffectue au niveau du complexe de reacutegimes Des recherches compleacutementaires sont

neacutecessaires sur ce point

12 Le cas de la reacutegulation internationale des eacutemissions carbone du secteur aeacuterien7

Bien que repreacutesentant encore une part modeste des eacutemissions globales de gaz agrave effet de serre

(GES)8 les eacutemissions de lrsquoaviation commerciale croissent de faccedilon plus rapide que la moyenne des

autres secteurs entre 1990 et 2010 cette croissance fut drsquoenviron 80 contre 40 pour la moyenne

de lrsquoeacuteconomie (Alice Bows-Larkin 2014) Selon les sceacutenarios consideacutereacutes lrsquoaccroissement du trafic

pourrait atteindre jusqursquoagrave +515 entre 2000 et 2050 bien que lrsquoestimation la plus courante soit +220

(Gudmundsson et Anger 2012) Suite agrave un deacutesaccord entre les Eacutetats quant agrave la reacutepartition des eacutemis-

sions du trafic international la CCNUCC a confieacute agrave lrsquoOrganisation de lrsquoAviation Civile Internationale

(OACI) en 1997 la responsabiliteacute de mettre en œuvre une reacuteduction des eacutemissions de GES de ce secteur

Bien que la question ait eacuteteacute porteacutee agrave lrsquoagenda du Conseil et de lrsquoAssembleacutee de lrsquoOACI degraves 1998

lrsquoabsence de progregraves significatif sur le sujet a inciteacute lrsquoUE agrave inteacutegrer dans la directive reacuteviseacutee sur le

marcheacute europeacuteen des droits drsquoeacutemission de CO2 (en anglais ETS) de 2008 les eacutemissions de tous les vols

entrant et sortant du territoire de lrsquoUnion Ce dispositif interpreacuteteacute hors UE comme une violation du

principe de souveraineteacute consacreacute par la Convention de Chicago et comme une mesure unilateacuterale

contraire aux usages de lrsquoOACI a eacuteteacute combattu par les Eacutetats non europeacuteens par le Secreacutetariat de

lrsquoOACI et par une grande partie de lrsquoindustrie regroupeacutee sous la banniegravere de lrsquoAir Transport Action

Group (ATAG)9 une vaste coalition dirigeacutee par lrsquoInternational Air Transport Association (IATA) la

principale association mondiale de compagnies aeacuteriennes

Epilogue provisoire de cet affrontement que nous analysons ailleurs (Compagnon agrave paraicirctre)

une reacutesolution adopteacutee par la 38e Assembleacutee de lrsquoOACI en octobre 2013 condamna reacutesolument ce

meacutecanisme reacutegional de lrsquoUE - subseacutequemment suspendu sauf pour les vols intracommunautaires - et

demanda au Conseil de lrsquoOACI drsquoeacutelaborer un projet de meacutecanisme global de marcheacute destineacute agrave ecirctre

formellement adopteacute lors par la 39e Assembleacutee en octobre 2016 pour ecirctre mis en œuvre effective-

ment agrave partir de 2020 Un tel meacutecanisme a eacuteteacute adopteacute le 6 octobre 2016 sur la base drsquoune participa-

tion volontaire des Eacutetats entre 2021 et 2026 puis de faccedilon obligatoire pour tous les Eacutetats dont le trafic

aeacuterien international atteindra ou deacutepassera alors 05 du total Contrairement agrave lrsquoETS de lrsquoUE il ne

srsquoagit pas drsquoun marcheacute de droits drsquoeacutemission mais drsquoun meacutecanisme contraignant de compensation

7 Nous remercions les personnes de lrsquoOACI de lrsquoUE de lrsquoadministration franccedilaise (DGAC) des ONG et de lrsquoindustrie en particulier IATA pour le temps qursquoelles nous ont consacreacute Lrsquoanonymat des inteacuteresseacutes est preacuteserveacute agrave leur demande8 Les acteurs de lrsquoaeacuterien reacutepegravetent comme un mantra le chiffre de 2 des eacutemissions totales selon les chiffres de lrsquoAgence Internationale de lrsquoEacutenergie du deacutebut des anneacutees 2000 Outre qursquoils sont largement deacutepasseacutes puisque les eacutemissions du secteur croissent plus vite que la moyenne cela ne concerne que le CO2 alors que les avions eacutemettent aussi de la vapeur drsquoeau (traineacutees) des oxydes drsquoazote (NO et NO2) et des particules Pour calculer le forccedilage radiatif du transport aeacuterien le GIEC applique un coefficient de 27 agrave lrsquoeffet des eacutemissions de CO2 ce qui met lrsquoimpact total plutocirct autour de 5 9 Outre IATA cette plateforme feacutedegravere lrsquoaeacuteronautique les aeacuteroports et les professionnels de lrsquoaeacuterien (y compris du tourisme) avec un slo-gan laquo commercial aviation speaking with one voice raquo Le directeur de lrsquoenvironnement de IATA sert eacutegalement de secreacutetaire geacuteneacuteral agrave ATAG

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

125

des eacutemissions offsetting (par achat de certificats hors aviation) de faccedilon agrave stabiliser les eacutemissions du

transport aeacuterien au niveau atteint en 2020 Parallegravelement srsquoeacutetait engageacutee agrave lrsquoOACI une neacutegociation

plus technique et discregravete sur lrsquoadoption drsquoune norme technique drsquoeacutemission de CO2 par les nouveaux

avions mis sur le marcheacute (qui ne sera pas traiteacutee en deacutetail ci-apregraves) eacutegalement adopteacutee par la mecircme

assembleacutee triennale Dans ces deux processus les acteurs priveacutes ont joueacute un rocircle deacuteterminant mais

non exclusif sans que lrsquoon puisse parler drsquoune captation de la deacutecision par les inteacuterecircts priveacutes

Lorsque deacutebut 1998 le Conseil requiert lrsquoavis technique de son Comiteacute de la Protection de lrsquoEn-

vironnement en Aviation (CAEP) ce dernier recommande sous lrsquoimpulsion de hauts fonctionnaires

des autoriteacutes de lrsquoaviation civile britannique et ameacutericaine10 le recours agrave un meacutecanisme drsquoeacutechange

de quotas drsquoeacutemissions reacuteputeacute vingt fois moins coucircteux que les autres options pour atteindre un ob-

jectif donneacute de reacuteduction Pour lrsquoun des principaux auteurs de ce travail crsquoest lrsquoexemple du marcheacute

de droits drsquoeacutemission drsquooxyde de soufre mis en œuvre aux Eacutetats-Unis dans le cadre du Clean Air Act qui a inspireacute ce choix et non la pression de lrsquoindustrie aeacuterienne qui nrsquoeacutetait pas encore mobiliseacutee sur

le sujet La 33e Assembleacutee de lrsquoOACI en septembre 1998 enteacuterine alors la participation de lrsquoaviation

civile internationale agrave un systegraveme ouvert drsquoeacutechange de droits drsquoeacutemissions tel qursquoil pourrait reacutesulter

du Protocole de Kyoto tout juste adopteacute et demande au Conseil drsquoen formuler les lignes directrices

Agrave cette fin le CAEP preacutesente agrave la 35e Assembleacutee de lrsquoOACI en octobre 2004 les conclusions de

lrsquoeacutetude laquo Designing a greenhouse gas emissions trading system for international aviation raquo reacutedigeacutee

par un consultant mais les deacutebats sont alors focaliseacutes sur les projets de la Commission europeacuteenne

drsquoinstituer un systegraveme de taxe ou redevance environnementales sur les avions atterrissant ou deacute-

collant de son territoire Hostile agrave un accroissement des taxes et redevances aeacuteroportuaires deacutejagrave eacutele-

veacutees dans les pays deacuteveloppeacutes IATA se rallie alors au concept de laquomesures baseacutees sur le marcheacuteraquo

(MBM) avanceacute par le CEAP mais la discussion du contenu agrave lui donner est repousseacutee agrave lrsquoAssembleacutee

de 2007 Le CAEP a poursuivi apregraves 2004 ses travaux drsquoexpertise sur la mise en œuvre drsquoun marcheacute

de droits drsquoeacutemission dans lrsquoaeacuterien et preacutesenta en octobre 2006 une note sur son champ drsquoapplication

geacuteographique et publia en feacutevrier 2007 des lignes directrices pour la mise en place drsquoun tel marcheacute

Toutefois agrave partir de fin 2008 lrsquoadoption de la directive 2008101CE suscita un blocage politique

complet agrave lrsquoOACI sur la question des eacutemissions de CO2 et provoqua la mobilisation des acteurs pri-

veacutes en particulier les compagnies aeacuteriennes ameacutericaines sous la houlette de leur association Airlines

for America (A4A)

Bien entendu ce conflit OACIUE a masqueacute drsquoautres freins agrave lrsquoadoption drsquoun tel meacutecanisme no-

tamment la volonteacute des Eacutetats du G77 drsquoimporter dans lrsquoaregravene de lrsquoaviation internationale le principe

de responsabiliteacute commune mais diffeacuterencieacutee (RCMD) et de la distinction entre pays de lrsquoAnnexe 1

et pays en deacuteveloppement derriegravere lesquels srsquoabritent certains pays eacutemergents refusant toute me-

sure contraignante de reacuteduction de leurs eacutemissions bien que le trafic aeacuterien y augmente bien plus

10 Tous deux eacutetaient co-rapporteurs du Groupe de Travail 5 du CAEP sur la question Entretien avec un ancien haut fonctionnaire de lrsquoavia-tion civile britannique ancien participant au CAEP Montreacuteal novembre 2015

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

126

vite qursquoen Europe ou aux USA11 De mecircme pendant les deux mandats de GW Bush qui avait reacutecuseacute

le protocole de Kyoto le marcheacute global de droits drsquoeacutemission nrsquoavait pas lrsquoappui de Washington qui

preacutefeacuterait insister sur lrsquoinnovation technologique - notamment les biocarburants - et un panier de

mesures opeacuterationnelles

En deacutecembre 2009 plusieurs compagnies ameacutericaines et A4A attaquent la mise en œuvre de

la directive par le gouvernement britannique En mai 2010 la Haute Cour de Justice administrative

de Londres (Queenrsquos bench Division) deacutecide du renvoi de lrsquoaffaire devant la Cour de Justice de lrsquoUE

(CJUE) pour une deacutecision preacutejudicielle sur la conformiteacute de la directive europeacuteenne au droit inter-

national aeacuterien Lrsquoarrecirct (C-36610) rendu par la Cour de Justice de lrsquoUnion Europeacuteenne (CJUE) le

21 deacutecembre 2011 confirme la leacutegaliteacute de la directive 2008101CE et la deacuteclare conforme au droit

aeacuterien international et agrave lrsquoaccord laquociel ouvertraquo entre les Eacutetats-Unis et lrsquoUE bien que cette interpreacute-

tation soit contesteacutee par de nombreux juristes hors Europe12

Les actions de lobbying srsquointensifient alors aupregraves du gouvernement et du Congregraves ameacutericain

conduisant agrave lrsquoadoption drsquoune loi bipartisane exoneacuterant les compagnies ameacutericaines de lrsquoobligation

drsquoappliquer lrsquoETS europeacuteen promulgueacutee par le Preacutesident Obama en novembre 2012 Lrsquoindustrie

reproche principalement agrave ce dispositif son coucirct drsquoadministration pour les compagnies (enregistre-

ment mesures des eacutemissions gestion de quotas reporting) et y voit lrsquoamorce drsquoune multiplication de

dispositifs nationaux et reacutegionaux heacuteteacuteroclites et redondants situation geacuteneacuteratrice de confusion et

de coucircts accrus13 De plus lrsquoETS dans sa version 2008 aurait instaureacute des distorsions de concurrence

sur les liaisons transcontinentales entre les compagnies devant transiter par lrsquoEurope et celles qui

pouvaient utiliser par exemple le hub de Dubaiuml

Suite aux sanctions commerciales mises en place par la Chine agrave lrsquoencontre drsquoAirbus en juin 2011

ce groupe a mobiliseacute ses relais en France Royaume Uni et Allemagne jusqursquoagrave obtenir que ces trois

gouvernements fassent pression sur la Commission europeacuteenne pour obtenir un premier infleacutechis-

sement en novembre 2012 avec la proposition dite laquostop the clockraquo soit une suspension de lrsquoappli-

cation de la directive jusqursquoagrave la 38e Assembleacutee OACI drsquooctobre 2013 avant que lrsquointervienne en avril

2014 la suspension pour tous les vols extra-europeacuteens jusqursquoau 1er janvier 2017 Ce que les compa-

gnies aeacuteriennes nrsquoavaient pu obtenir Airbus et son chantage agrave lrsquoemploi industriel lieacute aux commandes

chinoises y est parvenu A cet eacutegard et quelle qursquoaurait eacuteteacute lrsquoissue du deacutebat sur le systegraveme global de

MBM agrave lrsquoOACI un retour agrave lrsquoETS europeacuteen dans sa version de 2008 paraissaicirct politiquement exclu

Le projet de MBM global dont ont discuteacute les membres de lrsquoEnvironmental Advisory Group

(constitueacute de repreacutesentants eacutetatiques au Conseil plus IATA) de deacutecembre 2013 agrave janvier 2016 et qui

a eacuteteacute adopteacute par la 39e Assembleacutee est tregraves inspireacute des propositions de IATA Degraves sa reacuteunion geacuteneacuterale

annuelle (AGM) de Vancouver en 2007 lrsquoassociation avait adopteacute la laquo strateacutegie des 4 piliers raquo parmi

lesquels un meacutecanisme global de MBM Ayant pris livraison drsquoune eacutetude de McKinsey sur la crois-

sance agrave long terme de lrsquoindustrie en 2008 IATA a eacutelaboreacute une strateacutegie sur le changement climatique

11 Les donneacutees de lrsquoOACI pour 2014 font apparaicirctre que la Chine est passeacutee en tecircte devant les Eacutetats-Unis pour la part du trafic internatio-nal exprimeacutee en revenutonnekilomegravetre 12 Pour deux perspectives opposeacutees dans ce deacutebat juridique cf Koh 2012 et Bogojevic 201213 Entretiens seacutepareacutes avec des cadres dirigeants de IATA et de A4A Genegraveve avril mai et septembre 2015

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

127

en 2009 comprenant la neutraliteacute carbone de la croissance du trafic agrave partir de 2020 (CNG2020) et un

objectif plus lointain de reacuteduction de 50 des eacutemissions par rapport au niveau de 2005 agrave lrsquohorizon

2050 Elle est parvenue ensuite agrave faire adopter ces objectifs par lrsquoOACI A son 69e AGM en juin 2013

agrave Cape Town IATA a pris position en faveur drsquoun MBM global sous la forme drsquoun systegraveme obliga-

toire de compensation des eacutemissions (offsetting) et a demandeacute aux Eacutetats drsquoadopter un tel dispositif agrave

lrsquoOACI14 Pour les compagnies en effet la compensation est preacutefeacuterable parce que plus souple et moins

coucircteuse agrave geacuterer qursquoun marcheacute de droits drsquoeacutemissions et une trentaine de compagnies aeacuteriennes la

pratiquant deacutejagrave sur une base volontaire

En outre IATA justifie son positionnement par une communication tregraves au point et que vient

illustrer un scheacutema mis en avant dans tous ses documents sur le sujet (cf graphique ci-dessous)

Pour ATAG lrsquoaeacuterien ne doit pas ecirctre soumis agrave des efforts injustes car il a deacutejagrave contribueacute agrave la

reacuteduction des eacutemissions plus que drsquoautres secteurs Lrsquoindustrie avance que le progregraves technique a

permis de faire 70 drsquoeacuteconomie de carburant sur la consommation des turboreacuteacteurs depuis leur

introduction et compense 2 points sur les 5 de croissance annuelle du trafic et des eacutemissions Le

recours agrave une forme de MBM est indispensable au moins pour quelques deacutecennies pour respecter

lrsquoengagement drsquoune stabilisation des eacutemissions au niveau atteint en 2020 avant que le deacuteveloppe-

ment des carburants alternatifs et une nouvelle vague drsquoinnovations technologiques permettent une

laquo deacuteconnexion quasi complegravete raquo entre croissance du trafic et eacutevolution des eacutemissions Cette strateacutegie

soulegraveve pourtant de nombreuses questions de faisabiliteacute15 notamment quant agrave la disponibiliteacute future

des carburants sans carbone16

14 Cf lrsquointerview mettant en scegravene Tony Tyler preacutesident de IATA sur le site web de lrsquoorganisation ainsi que le document Resolution on the Implementation of the Aviation laquoCNG2020raquo Strategy adopteacutee par IATA agrave son 69e AGM agrave Cape Town15 Deux travaux scientifiques reacutecents jettent le doute sur la possibiliteacute de tenir lrsquoengagement de 2050 avec le seul panier de mesures pro-poseacute par lrsquoindustrie et lrsquoOACI (Matt Grote et al 2014 Bows-Larkin 2014) et sans controcircle de la demande16 Beaucoup drsquoobservateurs et pas seulement des ONG doutent du miracle annonceacute des carburants alternatifs (Bridger 2013 chap 2) Certains reacutegulateurs europeacuteens en doutent eacutegalement (Entretiens haut fonctionnaire Transports Paris avril 2014 ancien haut fonctionnaire travaillant pour lrsquoindustrie Paris aoucirct 2014)

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

128

La prise de position solennelle de IATA agrave Cape Town est souvent citeacutee comme un facteur deacute-

cisif du ralliement des Eacutetats-Unis au projet de MBM global dans la reacutesolution de la 38e Assembleacutee

de lrsquoOACI En effet les repreacutesentants ameacutericains srsquoaffirmaient sceptiques sur les chances drsquoun tel

systegraveme quelques mois auparavant notamment lors des discussions du Groupe de Haut Niveau reacute-

uni de deacutecembre 2012 agrave avril 2013 pour tenter de reacutesoudre le conflit entre lrsquoUE et lrsquoOACI Certains

observateurs ont pointeacute lrsquoactivisme de A4A et de IATA dans les couloirs de la 38e Assembleacutee pour

convaincre les deacuteleacutegueacutes des pays du Sud de voter contre lrsquoETS europeacuteen17 Ils soupccedilonnent eacutegalement

A4A drsquoecirctre derriegravere le lacircchage des Europeacuteens par la deacuteleacutegation ameacutericaine Que la numeacutero deux de

la deacuteleacutegation US agrave la 38e Assembleacutee et haut responsable de Federal Aviation Authority fut issue de

lrsquoindustrie et y soit retourneacutee peu apregraves est invoqueacute en appui agrave cette vision fantasmatique drsquoune

laquocaptureraquo de lrsquoaction publique par le priveacute18 Les dirigeants de lrsquoindustrie interrogeacutes estiment qursquoon

leur precircte un pouvoir qursquoils nrsquoont pas dans cette affaire19 Ils font remarquer que la FAA nrsquoest pas

la seule impliqueacutee dans le processus de deacutecision aux USA - la deacuteleacutegation ameacutericaine eacutetait conduite

en 2013 par Todd Stern repreacutesentant speacutecial du preacutesident Obama sur le climat ndash et que le premier

argument motivant les Eacutetats tiers eacutetait la question de la souveraineteacute sur lrsquoespace aeacuterien De mecircme

quand on eacutevoque le mode de calcul des obligations de chaque compagnie dans le dispositif adopteacute

en 2016 lequel favorise les compagnies ameacutericaines crsquoest le risque que le Congregraves ameacutericain refuse

drsquoappliquer ce dispositif qui est invoqueacute comme fondement de la position ameacutericaine agrave Montreacuteal20

Plus fondamentalement lrsquoindustrie est tregraves preacutesente dans les activiteacutes de lrsquoOACI agrave tous les ni-

veaux IATA est notamment membre des groupes de travail du CAEP observateur au Conseil as-

socieacutee aux groupes restreints constitueacutes par le Preacutesident du Conseil au fil des ans dont le Groupe

de Haut Niveau de 2013 Dans lrsquoEnvironmental Advisory Group elle a sieacutegeacute en tant que membre au

mecircme titre qursquoun Eacutetat et non plus comme observateur alors que les ONGE eacutegalement regroupeacutees

dans lrsquoInternational Coalition for Sustainable Aviation (ICSA) accreacutediteacutee agrave lrsquoOACI nrsquoeacutetaient pas in-

viteacutees Associeacutee de longue date agrave lrsquoeacutelaboration des regraveglementations de seacutecuriteacute et de sureteacute IATA

se rend utile aux deacuteleacutegations par son expertise et sa disponibiliteacute Crsquoest en partie un heacuteritage drsquoune

eacutepoque ougrave les compagnies aeacuteriennes eacutetaient souvent publiques et tregraves proches des autoriteacutes natio-

nales de reacutegulation y compris aux Eacutetats-Unis ougrave jusqursquoen 1978 la concurrence eacutetait tregraves organiseacutee

par lrsquoEacutetat Une sorte de laquo deacutependance au sentier raquo srsquoest creacuteeacutee qui place IATA au cœur du dispositif

deacutecisionnel de lrsquoOACI

Les dirigeants de lrsquoindustrie mettent en avant leur adheacutesion aux objectifs de deacuteveloppement

durable et reconnaissent lrsquourgence climatique car se montrer proactif sur la question crsquoest acqueacuterir

laquo le droit agrave continuer agrave croicirctre raquo (license to grow)21 autrement dit re-leacutegitimer aux yeux du public

une activiteacute critiqueacutee pour son impact environnemental Ce nrsquoest pas combattre toute forme de

17 Entretien haut fonctionnaire Transports Paris juillet 201418 Entretien repreacutesentant drsquoONG Bruxelles deacutecembre 2014 Certes Julie Oettinger est passeacutee de United Airlines agrave la Federal Aviation Administration le 7 juin 2010 en tant qursquoAssistant Administrator for Policy International Affairs and Environment Ella a quitteacute la FAA en novembre 2013 pour devenir Managing Director Legal and Regulatory affairs (Europe Middle East and Africa) pour Delta Air Lines Toutefois ce genre de trajectoire professionnelle est chose commune en Ameacuterique du Nord et ne prouve rien en soi19 Entretiens agrave Genegraveve cadre dirigeant de IATA mai 2015 responsable de A4A septembre 201520 Entretien membre de la deacuteleacutegation ameacutericaine agrave la 39e Assembleacutee Montreacuteal 7 octobre 201621 Lrsquoexpression est sortie spontaneacutement dans plusieurs entretiens avec des repreacutesentants de lrsquoindustrie

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

129

reacutegulation mais obtenir celle qui est le plus favorable agrave lrsquoeacutepanouissement de lrsquoindustrie (un standard

drsquoeacutemission de CO2 neacutegocieacute pour lrsquoaeacuteronautique un systegraveme de compensation pour les compagnies)

quitte agrave reporter dans le temps (apregraves 2020) ou vers drsquoautres secteurs (ceux qui geacutenegraverent les creacutedits

neacutegociables) le poids de lrsquoajustement Le non-dit de lrsquoopposition de IATA agrave lrsquoETS crsquoest que la

directive imposait de reacuteduire les eacutemissions par rapport au niveau enregistreacute en 2010 puis drsquoaccroicirctre

progressivement lrsquoeffort Avec un niveau tregraves bas du prix de la tonne carbone sur le marcheacute lrsquoimpact

financier eacutetait mesureacute au deacutebut22 mais le systegraveme eacutetait par essence plus contraignant que celui qui

est sorti de lrsquoAssembleacutee de 2016 surtout si les creacutedits eacuteligibles agrave la compensation sont agrave lrsquoavenir

deacutefinis de faccedilon extensive par exemple en incluant la REDD+

Les groupes de pressions industriels ne sont donc pas agrave lrsquoorigine de lrsquointroduction des MBM

dans le deacutebat sur la reacuteduction des eacutemissions de GES de lrsquoaviation commerciale agrave lrsquoOACI IATA

srsquoy est rallieacutee depuis 2007 par hostiliteacute aux projets de nouvelles taxes de lrsquoUE et sous lrsquoinfluence

de son nouveau directeur de lrsquoenvironnement convaincu que les compagnies aeacuteriennes devaient

adopter une strateacutegie proactive Toutefois IATA a manœuvreacute habilement en coalition avec cer-

tains acteurs eacutetatiques pour obtenir la condamnation de lrsquoETS europeacuteen consideacutereacute comme nui-

sible aux inteacuterecircts des compagnies aeacuteriennes et pour promouvoir la compensation comme type

souhaitable de MBM Lrsquoindustrie a ainsi mis en œuvre trois types de leadership (Fuchs 2007)

structurel du fait de sa position centrale dans le dispositif normatif de lrsquoOACI depuis lrsquoori-

gine instrumental dans ses alliances tactiques avec les Eacutetats srsquoopposant agrave lrsquoETS europeacuteen et

lors de lrsquointervention drsquoAirbus pour la suspension de son application discursif enfin en propo-

sant une strateacutegie coheacuterente et agrave long terme remportant lrsquoadheacutesion des Eacutetats-Unis et du secreacuteta-

riat de lrsquoOACI sans compter certaines ONG de lrsquoInternational Coalition for Sustainable Aviation

Toutefois il ne faut pas surestimer lrsquouniteacute drsquointeacuterecirct et drsquoaction de lrsquoindustrie Lors de lrsquoadoption

de la deacuteclaration de Cape Town en 2013 les repreacutesentants des compagnies chinoises avaient osten-

siblement quitteacute la salle Bien que rassemblant 256 compagnies dans 117 pays IATA reste domineacutee

par les membres occidentaux de lrsquoindustrie Crsquoeacutetait eacutegalement flagrant agrave la confeacuterence drsquoATAG lsquoGlo-bal Sustainable Aviation Summitrsquo en septembre 2015 les acteurs arabes asiatiques (hors Singapour)

et africains eacutetaient largement absents Dans les Global Aviation Dialogues (GLAD) organiseacutes par le

Secreacutetariat de lrsquoOACI dans les diffeacuterentes reacutegions du monde courant 2015 les reacuteticences des acteurs

aussi bien industriels que gouvernementaux agrave soutenir un MBM global eacutetaient palpables23 En deacute-

pit de la strateacutegie de communication bien huileacutee de IATA lrsquoindustrie est loin drsquoecirctre unanime sur la

question de mecircme que lrsquoETS europeacuteen avait susciteacute des divergences au sein des compagnies (euro-

peacuteennesautres) La capaciteacute des acteurs priveacutes agrave imposer les normes et instruments qui ont leur preacute-

feacuterence se heurte vite agrave des limites en lrsquoabsence drsquoun cadre drsquoaction publique neacutegocieacute par les Eacutetats

22 Selon une estimation de la DGAC franccedilaise lrsquoapplication de lrsquoETS europeacuteen agrave une compagnie chinoise aurait coucircteacute 51 euro par passager sur un vol AR Paris Peacutekin en 2012 et 65 euro en 2013 A titre de comparaison les taxes aeacuteroportuaires repreacutesentent plusieurs centaines drsquoeuros sur le coucirct du billet23 Par exemple au GLAD du Caire teacutemoignages venant de lrsquoindustrie comme drsquoun repreacutesentant drsquoONG (entretiens agrave Bruxelles aoucirct 2015 et Genegraveve septembre 2015)

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

130

2) Evolution du rocircle des ANE dans la mise en œuvre de la politique exteacuterieure de lrsquoUE contre le bois illeacutegal et du Meacutecanisme de Deacuteveloppement Propre

Lrsquoaction exteacuterieure de lrsquoUE contre le bois illeacutegal offre un autre exemple de la circulation in-

ternationale des normes environnementales et des acteurs entre les aregravenes politiques et dans le

complexe de reacutegimes touchant aux probleacutematiques de gestion durable des forecircts dans les pays fo-

restiers coopeacuterant avec lrsquoUE Elle se mobilise en lien avec les organisations internationales les

agences gouvernementales et les acteurs priveacutes tant au plan sectoriel au nom de la compeacutetiti-

viteacute de lrsquoexploitation forestiegravere qursquoau plan de la socieacuteteacute civile pour deacutefendre les populations lo-

cales et les droits des travailleurs dans la neacutegociation et la mise en œuvre de ce dispositif Plus

encore le FLEGT fait consensus en tant qursquoinstrument qui pourra fournir la base leacutegale indis-

pensable agrave la mise en œuvre locale des politiques internationales du changement climatique

Nous examinons ensuite la mise en œuvre du MDP lequel constitue un cas inteacuteressant drsquointeacutegration

des acteurs priveacutes dans lrsquoeacutevolution drsquoun dispositif institutionnel La mise en œuvre opeacuterationnelle du

MDP repose effectivement sur les acteurs priveacutes et lrsquoutilisation drsquoun instrument de marcheacute entraicircne

lrsquoeacutemergence drsquoune architecture institutionnelle complexe reposant sur la participation priveacutee

21 Les ANE dans lrsquoaction exteacuterieure de lrsquoUE contre le bois illeacutegal en Reacutepublique du Congo

Le commerce international de bois illeacutegal deacutesigne lrsquoexploitation des forecircts contrevenant au

cadre leacutegal national et la commercialisation du bois en deacutecoulant Entre 20 agrave 50 de lrsquoexploitation

mondiale de bois et 10 des importations mondiales seraient illeacutegales pour une valeur de 30 agrave 100

milliards de dollars de profit par an (Nelleman 2012) Il repreacutesente de 10 agrave 15 milliards de dollars de

pertes fiscales annuelles pour les Eacutetats deacutegrade les eacutecosystegravemes forestiers et creacutee une concurrence

deacuteloyale entre les firmes drsquoexploitations forestiegraveres (World Bank 2008 3186 Brack 2008 Lawson

MacFaul 2010 FAOOIBT 2010 8 Hoare 2015) Le problegraveme du bois illeacutegal a connu un traitement

international similaire agrave drsquoautres enjeux forestiers mondiaux Drsquoabord inteacutegreacute aux objectifs ambi-

tieux drsquoune convention internationale sur les forecircts (Smouts 2001 Humphreys 2006) il fut finale-

ment transfeacutereacute agrave des processus resserreacutes et maicirctriseacutes par les seuls Eacutetats voulant en faire une prioriteacute

de leur agenda politique Deacutenonceacute par la socieacuteteacute civile dans les anneacutees 1970 puis inscrit agrave lrsquoAccord

des Eacutetats membres de lrsquoOrganisation Internationale pour les Bois Tropicaux de 1983 comme pro-

blegraveme sectoriel majeur le bois illeacutegal en fut retireacute sous la pression des Eacutetats producteurs24 Il fut alors

inteacutegreacute aux forums et panels successifs sur les forecircts organiseacutes au sein de lrsquoONU dans les anneacutees

1990 sans grands reacutesultats Crsquoest finalement sous la pression drsquoONG ndash Global Forest Policy Project et Global Witness ndash et du secteur priveacute ameacutericain deacutenonccedilant une concurrence deacuteloyale qursquoil fut pris

en charge par les Eacutetats-Unis au sein de lrsquoIntergovernmental Panel on Forests en 1996 ougrave il rencontre

les mecircmes reacutesistances Les Eacutetats-Unis vont alors lrsquoinscrire agrave lrsquoordre du jour de la Confeacuterence du G8

24 Le vocable laquo bois non documenteacute raquo lui sera preacutefeacutereacute dans lrsquoAccord suivant (AIBT 1994 art 271 al c)

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

131

agrave Bali en 2001 A lrsquoissue de celle-ci ses membres publient la deacuteclaration Forest Law Enforcement and Governance (FLEG) pour ameacuteliorer la coopeacuteration et la gouvernance dans le domaine de la leacutegaliteacute

forestiegravere Cela deacutebouchera sur des mesures douaniegraveres agrave lrsquoexemple du Lacey act aux USA agrave partir de

2008 et du plan drsquoaction FLEGT de lrsquoUE adopteacute en 2003

Lrsquoaction exteacuterieure de lrsquoUE contre le bois illeacutegal poursuit le double objectif de lutter contre lrsquoil-

leacutegaliteacute en renforccedilant lrsquoautoriteacute des Eacutetats producteurs tout en poursuivant les efforts pour ameacuteliorer

la gestion durable des forecircts A cette fin le plan drsquoaction FLEGT deacutefinit un cadre de coopeacuteration ndash

lrsquoAccord de partenariat volontaire (APV) ndash dans lequel les Eacutetats producteurs deacutefinissent avec lrsquoUE

les moyens drsquoatteindre ces objectifs La meacutethodologie de lrsquoAPV suit quatre phases une premiegravere de

cadrage avec une ouverture aux parties prenantes une seconde de neacutegociation entre lrsquoUE et le pays

producteur une troisiegraveme de deacuteveloppement des systegravemes de traccedilabiliteacute de la leacutegaliteacute et enfin une

quatriegraveme de mise en œuvre

Nous examinons en particulier lrsquoAPV entre la Reacutepublique du Congo et lrsquoUE Appuyeacutes par lrsquoEu-

ropean Forest Institute (EFI) dans le cadre de la EU FLEGT Facility depuis 2007 qui fournit agrave lrsquoUE et

aux tiers lrsquoexpertise technique et politique et par la FAO dans le cadre du partenariat EU FAO FLE-

GT mis en place en 2008 pour appuyer les pays tiers lrsquoobjectif des neacutegociations est de preacuteciser le

cadre juridique applicable les responsabiliteacutes publiques et priveacutees et enfin les proceacutedures critegraveres et

indicateurs qui permettront de suivre le bois depuis les forecircts jusqursquoaux marcheacutes de consommation

Au terme de cette matrice de leacutegaliteacute seront deacutelivreacutees les autorisations FLEGT drsquoexportation de bois

vers lrsquoUE dispensant les opeacuterateurs de toute autre deacutemarche administrative et douaniegravere pour faire

entrer le bois sur le marcheacute europeacuteen De tels accords font intervenir diffeacuterents repreacutesentants des

institutions europeacuteennes (notamment la Direction Geacuteneacuterale Coopeacuteration Internationale et Deacutevelop-

pement comme neacutegociateur et le Service drsquoAction Exteacuterieure pour le suivi de la mise en œuvre dans

le pays) et drsquoEacutetats membres (en particulier les agences franccedilaise et britannique AFD et UK Aid qui

soutiennent financiegraverement les parties prenantes civiles agrave lrsquoaccord) Signeacute en 2010 apregraves une neacutegocia-

tion relativement rapide initieacutee en 2008 et parapheacute en 2009 lrsquoaccord ne sera finalement ratifieacute qursquoen

2012 Pour autant en 2016 aucun certificat ni autorisation FLEGT nrsquoa encore eacuteteacute eacutemis par le pays25

Toutefois la mise en œuvre du FLEGT va requeacuterir la participation des acteurs priveacutes concerneacutes

qui agrave lrsquoinstar des ONG se mobilisent pour en neacutegocier les formes concregravetes Ce travail de meacutediation

des repreacutesentants de la filiegravere forecirct-bois est apparu incontournable aux vues des objectifs de lrsquoAPV

et des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de lrsquoautoreacutegulation priveacutee Selon les autoriteacutes de lrsquoUE de tels

instruments relegravevent drsquoun compromis entre acteurs priveacutes volontaires qui ne porte que sur les sur-

faces forestiegraveres concerneacutees creacuteant ainsi des icirclots de durabiliteacute et de leacutegaliteacute sans effet sur le reste

du massif forestier et sa gouvernance Leur objectif est donc de les reacuteinseacuterer dans lrsquoagenda politique

et de poser la question de leur rocircle dans la loi forestiegravere Face agrave cette mise en cause le secteur srsquoest

mobiliseacute pour faire reconnaicirctre des investissements et la deacutefinition de nouvelles meacutethodes de gestion

25 Sur le dispositif APV Congo voir le site de lrsquoAPV FLEGT Congo (httpapvflegtcongoinfo) et du European Forest Institute EU FLEGT Facility (httpwwweuflegtefiintrepublic-congo) consulteacutes en feacutevrier 2016

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

132

souvent reacutealiseacutes sous la pression et le controcircle des ONGE et dans le cadre de partenariats transna-

tionaux

Cette mobilisation va au-delagrave du seul APV Congo Trois organisations se situent agrave lrsquointerface de

lrsquoUE et des pays producteurs lrsquoAssociation Technique Internationale des Bois Tropicaux (ATIBT)

lrsquoInterafrican Forest Industries Association (IFIA) et enfin lrsquoassociation lsquoLe Commerce du Boisrsquo26 En

tant qursquoespaces intermeacutediaires de meacutediation dans cette filiegravere mondialiseacutee ces organes de repreacutesen-

tation des firmes ont pour fonction drsquoinformer les membres neacutegocier avec les autoriteacutes publiques et

internaliser le changement Lrsquoinvestissement dans ces trois fonctions va deacutependre de la deacutependance

agrave la ressource concerneacutee par le FLEGT Ces organisations positionneacutees diffeacuteremment dans la filiegravere

partagent la probleacutematique poseacutee par le FLEGT quant agrave la pertinence de continuer agrave srsquoinscrire dans la

certification du Forest Stewardship Council27 En effet le nouveau dispositif leacutegal preacutevoit les mecircmes

cateacutegories drsquoobligations tout en fournissant un certificat de durabiliteacute et de leacutegaliteacute pour la commer-

cialisation Or si lrsquoaccord ne reconnaissait pas la certification priveacutee dans la grille de leacutegaliteacute cela

entraicircnera une double meacutethodologie avec des controcircles distincts et des coucircts suppleacutementaires Cela

eacutetant le FSC nrsquoapparaicirct pas meacutecaniquement isoleacute dans ce processus de mecircme que les entreprises

forestiegraveres certifieacutees ne tiennent pas forceacutement agrave renoncer agrave la certification malgreacute le coucirct suppleacute-

mentaire qursquoelle repreacutesente En effet lrsquoenjeu de la place de la certification est eacutegalement partageacute par

les entreprises du secteur qui reconnaissent ses apports en termes de meacutethode de gestion des fo-

recircts naturelles ou de communication quant agrave lrsquoimage du secteur sur les marcheacutes de consommation

europeacuteen et srsquoinquiegravetent du retour sur investissement pour les entreprises qui srsquoy sont engageacutees

Ainsi au-delagrave de lrsquoinformation aux membres quant aux nouveaux deacutefis que posent les pro-

ceacutedures FLEGT lrsquoaction conjointe de lrsquoATIBT et de lrsquoIFIA consiste agrave se mobiliser pour suivre les

neacutegociations et la mise en œuvre du dispositif tant au sein des institutions communautaires euro-

peacuteennes qursquoau Congo pour y inteacutegrer les efforts preacuteceacutedemment reacutealiseacutes en matiegravere de certification

de la gestion durable Cette mobilisation est notamment stimuleacutee par les reproches quant au deacutefaut

de communication de la part de la Commission au moment des premiegraveres neacutegociations et la surprise

que suscitent les pourparlers avec le Congo qui prennent au deacutepourvu un secteur priveacute peu preacutepa-

reacute agrave cette reacuteorientation et craignant que les choses lui eacutechappent Prenant conscience de lrsquoampleur

du changement agrave lrsquoœuvre elles cherchent moins agrave le bloquer qursquoagrave lrsquoaccompagner pour y inseacuterer

leurs propres demandes et perceptions de la situation en matiegravere de durabiliteacute et de compeacutetitiviteacute

Localiseacutees agrave Paris fusionneacutees sur les questions du FLEGT agrave partir de 2012 les deux eacutequipes portent

ensemble ces probleacutematiques aupregraves de leurs membres des institutions europeacuteennes et congolaises

jusqursquoagrave deacutesigner un repreacutesentant permanent au Congo deacutebut 2015 afin drsquoecirctre au plus pregraves de la mise

en œuvre de lrsquoaccord A chaque fois les deacutefis sont de faire reconnaicirctre les certifications priveacutees et

communiquer les attentes et perceptions du changement dans le pays producteur

26 LrsquoATIBT est notamment preacutesente aux neacutegociations internationales sur les forecircts et notamment 6 fois lors de reacuteunions du COFO ou de lrsquoITTC avant 2008 (voir premier cas drsquoeacutetude) LrsquoIFIA est preacutesente aux reacuteunions ITTC et UNFF avant 2008 3 fois27 Le FSC a participeacute activement aux neacutegociations internationales sur les forecircts notamment dans le cadre des trois forums deacuteveloppeacutes dans le premier cas

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

133

La mobilisation du secteur priveacute prend une autre forme avec lrsquoaction de lrsquoassociation Le Com-

merce du Bois Engageacutee dans lrsquoinformation et la repreacutesentation elle est eacutegalement devenue lrsquoOrga-

nisme de controcircle du Regraveglement Bois de lrsquoUE en France reconnu par la Commission pour veacuterifier

la mise en œuvre de lrsquoAPV et les importations franccedilaises de bois Pour ce faire elle srsquoest appuyeacutee

sur sa lsquoCharte environnementale de lrsquoachat et de la vente de boisrsquo adopteacutee par ses membres et de-

venue obligatoire en 2011 Elle a eacuteteacute discuteacutee avec le WWF Les Amis de la terre des associations

de consommateurs et les ministegraveres de lrsquoeacutecologie et de lrsquoagriculture Elle a eacuteteacute eacutegalement reconnue

par le gouvernement franccedilais Sa mise en œuvre effective par les entreprises est controcircleacutee par les

organismes indeacutependants FCBA Veritas et SGS28 Crsquoest une grille drsquoeacutevaluation de la responsabiliteacute

des entreprises dans les domaines de la vigilance de la leacutegaliteacute et de la durabiliteacute Avec les critegraveres

et indicateurs est fournie une meacutethodologie drsquoeacutevaluation des performances qui sont ensuite eacuteva-

lueacutees par les auditeurs priveacutes et indeacutependants En cas de non respect des proceacutedures correctives

peuvent ecirctre mises en place Le processus vise agrave mettre en place un instrument techniquement opeacute-

rationnel crsquoest-agrave-dire qui integravegre les contraintes reacuteglementaires et opeacuterationnelles face agrave la reacutealiteacute

du marcheacute et selon les regravegles deacutefinies par les autoriteacutes publiques communautaires et africaines

Ces organisations apparaissent donc comme des opeacuterateurs de transferts (Delpeuch 2009) agrave

lrsquointerface des aregravenes communautaires congolaises et sectorielles Leur rocircle oscille en permanence

entre celui drsquoun intermeacutediaire geacuteneacuteraliste cherchant agrave reacuteinseacuterer les attentes des autoriteacutes publiques

dans un discours plus large de responsabilisation du secteur et de gestion durable du patrimoine fo-

restier tout en neacutegociant sur la techniciteacute preacutecise de lrsquoaccord tels les courtiers analyseacutes par Olivier

Nay et Andy Smith (2002) Aussi cette mobilisation des acteurs priveacutes contribue au cadrage poli-

tique de cette coopeacuteration sur les forecircts

Par ailleurs au niveau infranational cette coopeacuteration donne agrave voir un rocircle central des experts

Leur rocircle est drsquoune part de deacutefinir les critegraveres et indicateurs techniques qui vont permettre drsquoassu-

rer la traccedilabiliteacute des bois sur le terrain et ainsi leur leacutegaliteacute tout au long de la chaicircne de neacutegoce et

de transformation du bois Drsquoautre part ils doivent rendre opeacuterationnel lrsquoaccord et tester le systegraveme

informatiseacute de traccedilabiliteacute Ils opegraverent dans le cadre de mandats attribueacutes agrave lrsquoissue drsquoappels drsquooffre

internationaux Lrsquoobjectif est de mobiliser leurs compeacutetences dans la deacutefinition des modaliteacutes et leur

neutraliteacute dans la veacuterification de celles-ci Trois eacuteleacutements de lrsquoAPV donnent agrave voir cette mobilisation

des experts la deacutefinition du logiciel informatique de traccedilabiliteacute correspondant aux critegraveres et indi-

cateurs adopteacutes avec lrsquoAPV la veacuterification de la mise en œuvre et le suivi de lrsquoagenda politique

Le deacuteveloppement drsquoun logiciel de traccedilabiliteacute de la leacutegaliteacute srsquoinscrit dans les proceacutedures drsquoattri-

bution des certificats et autorisations FLEGT Pour ce faire la Cellule de Leacutegaliteacute Forestiegravere et de la

Traccedilabiliteacute (CLFT) a eacuteteacute creacuteeacutee en 2010 au sein du ministegravere de lrsquoeacuteconomie forestiegravere et du deacutevelop-

pement durable Elle a vocation agrave coordonner puis mettre en œuvre la reacuteforme du secteur agrave tous les

niveaux de lrsquoadministration forestiegravere congolaise Elle veacuterifie et autorise les coupes de bois Pour ce

faire elle srsquoappuie sur le Systegraveme National de Traccedilabiliteacute et le Systegraveme Informatiseacute de Veacuterification

28 Cette organisme est preacutesent une fois dans les neacutegociations ITTC avant 2008

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

134

de la Leacutegaliteacute deacuteveloppeacute avec lrsquoAPV Lrsquoobjet de ce logiciel est drsquointeacutegrer flux de bois et leacutegislation

forestiegravere afin de permettre un controcircle de ce qui est commercialiseacute depuis les zones drsquoexploitation

Il srsquoagit notamment de fournir agrave la CLFT via le logiciel lrsquoensemble de la documentation requise par

lrsquoAPV afin de relier une grume commercialiseacutee agrave une souche en forecirct ce qui est lrsquoambition des certi-

ficats FLEGT La deacutefinition et le deacuteveloppement de ce logiciel par les experts sont toujours en cours

en 2016 alors que ce processus a deacutebuteacute avec la signature de lrsquoAPV en 2010 pour ecirctre opeacuterationnel

en 2013 agrave lrsquoentreacutee en vigueur du regraveglement europeacuteen Un tel retard srsquoexplique par lrsquoincapaciteacute du

prestataire initial Helveta29 agrave livrer le logiciel et la rupture du contrat en 2012

Plusieurs raisons sont avanceacutees pour expliquer cet eacutechec une eacutequipe drsquoinformaticiens face agrave la

complexiteacute du secteur forestier congolais la difficulteacute agrave adosser traccedilabiliteacute et leacutegaliteacute dans un mecircme

logiciel et le faire fonctionner sur le terrain le niveau drsquoexigences et la complexiteacute de lrsquoaccord les deacutelais

impartis agrave des projets agrave lrsquoeacutetat drsquooffre avec un deacutemarrage dans lrsquourgence Ces diffeacuterentes raisons invo-

queacutees sont cependant eacuteclairantes du choix fait par le gouvernement congolais de travailler deacutesormais

avec SGS pressenti degraves la rupture avec Helveta pour mettre en place ce logiciel SIVL Le gouverne-

ment congolais a passeacute un contrat de greacute agrave greacute avec SGS en-dehors des proceacutedures ordinaires drsquoappels

drsquooffres de lrsquoUE laquelle a cependant accepteacute de le financer pour proteacuteger la viabiliteacute de lrsquoAPV SGS a ducirc

proposer un projet et des solutions concregravetes en amont et srsquoest pour cela appuyeacute sur ce qursquoavait deacutejagrave pu

reacutealiser Helveta et sur sa propre expeacuterience dans la traccedilabiliteacute que ce soit au Congo Par exemple SGS

avait eacuteteacute mandateacute pour deacutefinir une meacutethodologie de suivi de la fiscaliteacute dans la filiegravere bois un logiciel

de traccedilabiliteacute des produits agricoles Legal Trace ou encore au Libeacuteria avec son systegraveme de traccedilabiliteacute

du bois LiberTrace Lrsquoeacutequipe technique est elle-mecircme piloteacutee par un forestier de SGS et appuyeacutee par

la CLFT ses experts administratifs forestiers et juridiques dont elle partage les locaux de Brazzaville

De mecircme la mise en œuvre de lrsquoensemble de lrsquoAPV srsquoinscrit dans un systegraveme de suivi et drsquoeacuteva-

luation par une observation indeacutependante de la socieacuteteacute civile (OI FLEGT) et un auditeur indeacutependant

du systegraveme LrsquoOI FLEGT est issue de la socieacuteteacute civile Crsquoest pour la peacuteriode consideacutereacutee lrsquoassociation

congolaise le Cercle drsquoAppui agrave la Gestion Durable des Forecircts Elle a eacuteteacute formeacutee par Forests Monitor30

et Ressource Extraction Monitoring au moment ougrave il remplissait ce rocircle entre 2006 et 2013 Elle est

aujourdrsquohui financeacutee agrave 80 par lrsquoUE et agrave 20 par lrsquoAgence Franccedilaise de Deacuteveloppement Elle est

composeacutee de 5 techniciens forestiers et un juriste soit une petite eacutequipe pour mener des missions

autonomes dans les deacutepartements congolais afin drsquoeacutevaluer le respect du code forestier et preacuteparer

ses rapports de terrains et preacuteconisations Elle a cependant un rocircle qui reste consultatif aupregraves du

ministegravere des forecircts mais sa position lui permet drsquoecirctre en eacutechange direct avec les autoriteacutes compeacute-

tentes leur soumettre ses rapports et discuter de lrsquoeacutetat drsquoavancement

Lrsquoauditeur indeacutependant du systegraveme a pour sa part une fonction formelle preacutevue dans lrsquoaccord de

controcircle sur le terrain du respect de lrsquoAPV En lrsquoeacutetat son rocircle est neutraliseacute et tient en lrsquoeacutetablissement

des futures mesures drsquoaudit puisque le SIVL nrsquoest pas opeacuterationnel Mandateacute par lrsquoUE dans le cadre

29 Helveta a participeacute deux fois aux neacutegociations de lrsquoITTC apregraves 200830 Forest Monitor a participeacute une fois agrave lrsquoUNFF

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

135

de lrsquooffre remporteacutee par Sofreco il est au Congo depuis septembre 2015 Lrsquoexpert concerneacute apparaicirct

comme un speacutecialiste de terrain de la gestion et de la leacutegaliteacute forestiegravere ayant travailleacute au Cameroun

agrave la gestion des flux drsquoune grande entreprise forestiegravere impliqueacute dans les systegravemes de veacuterifications

de la leacutegaliteacute au Ghana et en Reacutepublique Deacutemocratique du Congo et affecteacute en Cocircte drsquoIvoire pour

suivre des projets de reboisement

Au total si lrsquoaccord de partenariat volontaire Congo apparaicirct entiegraverement neacutegocieacute avec le gou-

vernement sur la base du code forestier en vigueur selon lrsquoeacutevolution des probleacutematiques du secteur

et avec lrsquoobjectif de reacutesoudre le problegraveme du bois illeacutegal lrsquoomnipreacutesence des acteurs priveacutes dans la

deacutefinition des modaliteacutes de mise en œuvre interroge sur le degreacute drsquoeffacement de lrsquoautoriteacute publique

Ainsi ce qui apparaissait initialement comme un transfert drsquoune politique europeacuteenne re-centrali-

sant lrsquoautoriteacute au beacuteneacutefice de lrsquoadministration drsquoEacutetat congolaise (Montouroy 2014) semble devenir

une matrice de la reacutegulation priveacutee du bois illeacutegal produite par des experts se deacuteplaccedilant entre les

pays producteurs et lrsquoUE diffusant des normes techniques drsquoautoreacutegulation eacutelaboreacutees par et pour le

secteur priveacute

Plus encore lrsquoUE cherche agrave faire du FLEGT une pierre angulaire des politiques internationales

du changement climatique de par les meacutecanismes opeacuterationnels qursquoil fournit au cadre leacutegal et les

meacutecanismes publicspriveacutes qursquoil faccedilonne pour assurer lrsquoefficaciteacute et lrsquoameacutelioration constante du meacute-

canisme Ces eacuteleacutements transfeacutereacutes de leacutegaliteacute et de gouvernance sont incontournables pour deacuteployer

le meacutecanisme financier REDD+ de lutte contre la deacuteforestation et pour le stockage du carbone par les

forecircts Aussi au Congo la plateforme CACO REDD (Cadre de Concertation des organisations de la

socieacuteteacute civile et des populations autochtones sur la REDD+) creacuteeacutee en 2012 offre lrsquoillustration de lrsquoin-

clusion des populations locales sur les deacutefis de leacutegaliteacute et de changement climatique sur les questions

forestiegraveres Elle est financeacutee par le Carbon Partnership Facility de la Banque mondiale et appuyeacutee par

lrsquoEFI dans le cadre de la EU REDD Facility et de lrsquoONG FERN deacutejagrave mobiliseacutes sur le FLEGT

22 Le rocircle des ANE dans la mise en œuvre du Meacutecanisme de Deacuteveloppement propre

Dans sa premiegravere peacuteriode drsquoengagement le Protocole de Kyoto contraint les pays de lrsquoAnnexe

I agrave des objectifs nationaux dont le cumul repreacutesente une diminution de 5 des eacutemissions de Gaz

agrave Effet de Serre (GES) en 2012 par rapport agrave 1990 Certaines flexibiliteacutes y sont instaureacutees dans un

objectif drsquoefficaciteacute eacuteconomique Un marcheacute des quotas intereacutetatique concernant les parties de lrsquoan-

nexe I est creacuteeacute ainsi que drsquoautres meacutecanismes de flexibiliteacute dont le Meacutecanisme de Deacuteveloppement

Propre (MDP) Le MDP permet aux pays de lrsquoannexe I drsquoacheter des creacutedits carbone issus de projets

deacuteveloppeacutes dans des pays non-annexe I

En 2016 7703 projets jugeacutes conformes agrave lrsquoensemble des critegraveres et des regravegles du MDP ont eacuteteacute

laquo enregistreacutes raquo aupregraves du secreacutetariat de la Convention cadre des Nations Unies pour le Changement

Climatique (CCNUCC) 1 656 millions de tonnes de CO2-eacutequivalent (TCO2e) auraient eacuteteacute eacuteviteacutees

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

136

entre 2004 et avril 201631 et transformeacutees en creacutedits carbone Cela repreacutesente environ trois ans et

quatre mois drsquoeacutemissions franccedilaises32 Le secreacutetariat de la CCNUCC se basent et qursquoils vont eacuteventuel-

lement amender pour enfin demander agrave la COP de Kyoto drsquoen valider ou non le contenu Ainsi les

modes de calcul des TCO2e eacuteviteacutees lrsquoensemble des preuves technico-financiegraveres les critegraveres sociaux

et environnementaux de ces cahiers des charges sont co-eacutelaboreacutes entre ANE et secreacutetariat de la CC-

NUCC 1 656 millions de tonnes de CO2-eacutequivalent (TCO2e) auraient eacuteteacute eacuteviteacutees entre 2004 et avril

201627 et transformeacutees en creacutedits carbone Cela repreacutesente environ trois ans et quatre mois drsquoeacutemis-

sions franccedilaises Le secreacutetariat de la CCNUCC estime les transferts financiers Nord-Sud unique-

ment lieacutes agrave lrsquoachat de creacutedits carbone entre 95 et 13 milliards de dollars sur la peacuteriode 2007-201133

(UNFCCC 2012) Il srsquoagit donc drsquoun meacutecanisme important par son ampleur qui permet un important

retour drsquoexpeacuterience pour la preacuteparation des outils qui seront probablement deacuteveloppeacutes dans le cadre

de lrsquoarticle 6 de lrsquoaccord de Paris

Lrsquoun des aspects majeurs de cette expeacuterience est qursquoelle illustre comment le choix initail drsquoins-

truments de marcheacute et lrsquoaspect polycentrique (Tieacutebout Ostrom Warren 1961 Ostrom 1990 2010

McGinnigs 2016) drsquoune architecture institutionnelle ouvrent une multitude de voies de communi-

cation formelles et informelles34 entre ANE et centres de deacutecision Lrsquoarchitecture institutionnelle du

MDP permet en effet aux ANE drsquoexprimer leurs inteacuterecircts aupregraves des centres de deacutecision politiques

et technico-opeacuterationnels qui controcirclent le MDP Nous observons que les ANE transforment les

normes qui encadrent ce meacutecanisme de maniegravere directe par la modification des regravegles techniques

du MDP et indirecte par le plaidoyer dans le cadre de controverses que certains ANE font eacutemerger

et par lrsquoinfluence et la mise en concurrence des aregravenes de deacutecision identifieacutees

Le MDP repose en effet sur un dispositif institutionnel qui transforme un bien commun rival

et non-exclusif soit la capaciteacute drsquoabsorption de gaz agrave effet de serre de lrsquoatmosphegravere (Ostrom 1990)

en une commoditeacute eacutechangeable sur un marcheacute ougrave se rencontrent offre et demande La demande est

constitueacutee par les besoins des Etats contraints par le Protocole de Kyoto et lrsquooffre est fournie agrave par-

tir de creacutedits carbone issus de projets deacuteveloppeacutes dans des pays Non-Annexe I Pour creacuteer ces creacute-

dits des projets transforment la reacuteduction de tCO2-eq qursquoils engendrent par rapport agrave un sceacutenario

de reacutefeacuterence en creacutedits carbone Cette moneacutetisation des tCO2-eq reacuteduites en creacutedits URCE (Uniteacute

de Reacuteduction Certifieacute des Emissions) est permise au terme drsquoun processus de certification aupregraves

de lrsquoinstance en charge des aspects techniques et opeacuterationnels du MDP lrsquoExecutive Board (EB) et

ses panels drsquoexperts heacutebergeacutes par le secreacutetariat de la CCNUCC Ce processus permet de prouver la

conformiteacute du projet et de ses creacutedits carbone avec des regravegles eacutedicteacutees dans le Protocole de Kyoto35

et opeacuterationnaliseacutees sous forme de cahiers des charges dans des laquo meacutethodologies raquo36 et drsquoautres do-

31 Source CDM pipeline DTU-UNEP32 497MTCO2e en 2013 selon le ministegravere de lrsquoenvironnement33 httpcdmunfcccintaboutdev_benABC_2012pdf34 Nous reprenons ici les termes formals et informals de Douglass North (1990 2005)35 Les principes drsquoadditionnaliteacute de MRV drsquoaudit par un tiers indeacutependant et de respect du principe de subsidiariteacute36 Chaque type de technologie et de type de projets est associeacute agrave une laquo meacutethodologie raquo veacuteritable cahier des charges indiquant comment cal-culer les sceacutenarios de reacutefeacuterences prouver lrsquoadditionnaliteacute drsquoun projet calculer les eacutemissions de TCO2e reacuteduite consulter les parties prenantes etc Elles sont toutes disponibles sur ce site httpscdmunfcccintmethodologiesindexhtml

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

137

cuments laquo guides raquo37 eacutelaboreacutes par lrsquoEB et les experts du secreacutetariat de la CCNUCC

Au cours de la mise en œuvre de ce processus de certification garantissant lrsquointeacutegriteacute de ce

dispositif lrsquoexpertise des ANE aupregraves de lrsquoEB est permise ouvrant ainsi un premier canal de cir-

culations drsquoideacutees et de normes Ce processus de certification crsquoest-agrave-dire lrsquoenregistrement puis la

veacuterification des TCO2e est un processus complexe coucircteux qui met en scegravene autour du MDP toute

une logistique drsquoacteurs priveacutes qui se comptent en dizaines de cabinets de conseil quelques cabinets

drsquoauditeurs laquo indeacutependants raquo38 preacuteseacutelectionneacutes par lrsquoEB et plusieurs centaines de deacuteveloppeurs de

projets (tregraves majoritairement des entreprises locales et des multinationales)

Graphique 2 Phases du cycle de projet MDP et intervenants

La certification du projet ou laquo enregistrement raquo dans le langage du secreacutetariat de la CCNUCC

est acteacutee lorsque que celui-ci apporte la preuve qursquoil va effectivement contribuer agrave eacuteviter des

tCO2-eq par rapport agrave un sceacutenario de reacutefeacuterence et qursquoil ne passerait pas un seuil de rentabiliteacute

habituel sans lrsquoapport de la finance carbone crsquoest le critegravere drsquoadditionnaliteacute Les preuves de cette

additionnaliteacute ainsi que les autres informations requises dans les meacutethodologies sont consigneacutees par

le deacuteveloppeur du projet accompagneacute par des consultants experts dans les proceacutedures du MDP dans

un document de projet le laquo Project Design Document raquo Une fois preacutepareacute le document de projet

est soumis agrave un cabinet drsquoaudit externe au secreacutetariat de la CCNUCC Ces auditeurs procegravedent agrave une

veacuterification des donneacutees du document effectuent une veacuterification sur site puis transmettent lrsquoaudit

au secreacutetariat de la CCNUCC qui procegravede agrave une derniegravere veacuterification avant drsquoenregistrer ou non le

projet Cet enregistrement ne sera confirmeacute que si le projet a eacuteteacute eacutegalement approuveacute par lrsquoautoriteacute

gouvernementale (lrsquoAutoriteacute Nationale Deacutesigneacutee AND) du pays hocircte dans lequel il est deacuteveloppeacute

ainsi que par une AND drsquoun pays Annexe-1 Ces AND ont parfois saisi cette occasion pour ajouter des

critegraveres nationaux au processus de certification et leurs exigences par exemple la Chine a introduit

un prix plancher drsquoachat des creacutedits carbone chinois39 Enfin un laps de temps est preacutevu pendant

lequel la documentation du projet est mise en ligne et soumise aux commentaires publics

37 Les outils de la CCNUCC pour certifier un projet laquo MDP raquo sont disponibles ici httpscdmunfcccintReferencePDDs_Formsindexhtml38 Les porteurs de projets paye les auditeurs seacutelectionneacutes par lrsquoEB Il y reste toujours des liens de deacutependances39 La Chine a introduit un prix plancher de 8eURCE entre 2008 et 2012

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

138

Une fois cette premiegravere eacutetape effectueacutee les tCO2 sont comptabiliseacutees toujours selon le cahier

des charges du secreacutetariat de la CCNUCC par le porteur du projet et ses consultants Elles sont

ensuite veacuterifieacutees par un cabinet drsquoaudit qui communique son rapport au secreacutetariat de la CCNUCC

dans un laquo Validation Report raquo La moneacutetisation des tCO2 en creacutedits carbone se fait donc agrave cette eacutetape

lrsquoentreprise qui a deacuteposeacute le dossier du projet puis comptabiliseacute les tCO2 eacuteviteacutees reccediloit apregraves accord

du secreacutetariat de la CCNUCC autant drsquoURCE que de tCO2 effectivement reacuteduites Lrsquoensemble de ces

eacutetapes depuis le deacutepocirct du projet en laquo consideacuteration pour le MDP raquo (Prior Consideration) jusqursquoagrave

lrsquoenregistrement pouvait en 2010 mettre jusqursquoagrave 600 jours puis une centaine en 2012 apregraves que des

reacuteformes de simplification administrative aient eacuteteacute mises en œuvre (UNEP Risoe)

Ainsi lrsquoexternalisation de lrsquoexpertise permet aux acteurs non eacutetatiques de tisser des liens et de

communiquer entre eux porteurs de projet (industriels entreprises eacutenergeacutetiques) entreprises finan-

ciegraveres acheteuses de creacutedits administrations nationales cabinets drsquoaudits et consultants entrent en

relation autour de la certification et de la moneacutetisation des creacutedits carbone des projets Une remon-

teacutee drsquoinformation depuis la base est en effet assureacutee par le biais du processus de certification lors

des rapports drsquoauditeurs au secreacutetariat de la CCNUCC lorsque les fonctionnaires du secreacutetariat de

la CCNUCC demandent des clarifications techniques aux auditeurs et lorsque des experts sollicitent

directement le secreacutetariat la CCNUCC pour des questions de clarification relatives agrave leur projet

Cette externalisation ne se limite pas qursquoau processus de certification les ANE peuvent eacutegalement

influencer le contenu des regravegles techniques et opeacuterationnelles de lrsquoEB par un processus de remonteacutee

drsquoinformations Un exemple de cette circulation entre ANE et EB est celui du processus drsquoeacutelaboration

des laquo meacutethodologies raquo crsquoest-agrave-dire des cahiers des charges auxquels les projets doivent se conformer

pour ecirctre labeacuteliseacutes Des acteurs priveacutes peuvent en effet proposer des amendements ou de nouvelles

meacutethodologies sur lesquels lrsquoExecutive Board et les experts du secreacutetariat de la CCNUCC se basent et

qursquoils vont eacuteventuellement amender pour enfin demander aux Etats du protocole de Kyoto (Meeting of the Parties) drsquoen valider ou non le contenu Ainsi les modes de calcul des TCO2e eacuteviteacutees lrsquoensemble

des preuves technico-financiegraveres les critegraveres sociaux et environnementaux de ces cahiers des charges

sont co-eacutelaboreacutes entre ANE et secreacutetariat de la CCNUCC

Drsquoautres canaux de circulation formels et informels40 sont utiliseacutes par les experts de la cer-

tification et par drsquoautres acteurs ONG centres de recherche syndicats drsquoentreprises tels que

IETA entreprises certaines organisations internationales telles que la Banque Mondiale En ef-

fet drsquoautres espaces drsquointeraction formels diffeacuterents du processus de certification ont eacuteteacute codi-

fieacutes41 pour favoriser le dialogue avec le secreacutetariat de la CCNUCC et lrsquoEB Ils ont eacuteteacute progressi-

vement introduits notamment apregraves que des demandes de la part des ANE aient eacuteteacute adresseacutees

en ce sens agrave lrsquoEB et agrave la COP (4CMP10 paragraphe 12) Les ANE peuvent demander audience

agrave lrsquoEB participer en tant qursquoobservateurs aux reacuteunions et eacutecrire agrave lrsquoEB par le biais de proceacutedures

40 Formel et informel doivent ici ecirctre entendus au sens de North (1990 2005) crsquoest agrave dire ce qui est preacutevu ou non dans le cadre des regravegles institutionnelles Les regravegles informelles sont issues des pratiques des acteurs quand les regravegles formelles font lrsquoobjet de conventions eacutecrites Il existe des relations entre les deux une pratique informelle pouvant ecirctre lrsquoobjet drsquoune formalisation ulteacuterieure 41 Procedure Direct Communication with stakeholders V02 Celles-ci viennent de faire lrsquoobjet drsquoune reacuteforme httpscdmunfcccintpressnewsroomlatestnewsreleases20150909_indexhtml

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de prises de contact transparentes (toute communication est mise en ligne) Enfin toujours dans

ce cadre laquo formel raquo lrsquoEB organise reacuteguliegraverement des sessions de travail (workshops) et des appels

agrave participation (calls for inputs) toujours dans un souci de co-eacutelaboration du MDP avec les ANE

La circulation des ideacutees et la transformation des normes ont eacutegalement lieu par des canaux in-

formels Les ANE utilisent lrsquoensemble des moyens de communication disponibles les forums pro-

fessionnels42 colloques de recherche publications et rapports43 reacuteseaux sociaux44 presse speacutecialiseacutee

et geacuteneacuteraliste45 sont autant de meacutedia et de lieux drsquoeacutechange permettant lrsquoinfluence des deacutecideurs par

les ANE

Enfin il est tregraves utile de quitter lrsquoeacutechelle des organisations pour comprendre que les carriegraveres

drsquoune eacutelite transnationale tregraves mobile participent agrave la circulation des ideacutees entre organisations

Lrsquoeacutetude des CV et des profils Linkedin (un reacuteseau social) montrent que les entreprises de conseil46

et drsquoaudit47 sont tregraves permeacuteables les administrations (AND ministegraveres de lrsquoenvironnement) les OI48

(World Bank PNUD et PNUE principalement) les ONG49 les Thinks-tanks50 et centres de recherche

sont aussi des milieux professionnels ougrave les passages de lrsquoun agrave lrsquoautre sont freacutequents Du cocircteacute des

entreprises de neacutegoce de quotas lrsquoeacutetude des carriegraveres individuelles reconverties apregraves le crash de

2012 montre des carriegraveres qui srsquoorientent vers la finance classique le conseil environnemental ou la

finance speacutecialiseacutee dans le secteur eacutenergeacutetique Enfin la composition tournante de lrsquoEB (renouvelle-

ment des experts tous les 2 ans) participe eacutegalement agrave cette circulation citons par exemple le cas de

L Schneider chercheur et consultant qui apporte entre 2009 et 2011 des preuves tangibles de pro-

blegravemes drsquointeacutegriteacute environnementale du MDP dans le cadre de la controverse des projets industriels

et qui siegravege actuellement comme suppleacuteant agrave lrsquoExecutive Board

Nous avons vu avec le processus de certification que le choix des instruments peut geacuteneacuterer des

canaux de communication crsquoest eacutegalement le cas du marcheacute sur lequel repose le MDP La poursuite des

objectifs environnementaux et eacuteconomiques de cet outil repose en effet sur le bon fonctionnement du

marcheacute des quotas qui neacutecessite un marcheacute liquide prouvant qursquoil existe une offre et une demande avec

des prix soutenus Afin de soutenir les prix des creacutedits issus du MDP par une demande plus eacuteleveacutee lrsquoUE

deacutecide en 2005 de permettre aux entreprises concerneacutees par son marcheacute de quotas51 drsquoutiliser une quan-

titeacute de ces creacutedits pour leurs mises en conformiteacute dans le cadre europeacuteen Sur lrsquoensemble de sa phase II

jusqursquoen 2012 135 des creacutedits utiliseacutes pour la mise en conformiteacute des industries soumises au marcheacute

42 Carbonexpo les forums autour des diffeacuterentes COP forums des professionnels de lrsquoeacutenergie43 OCDE la World Bank CDM Watch Ecosystem Marketplace lrsquoIGES Risoe center sont autant de laboratoires publiant des rapports par-ticuliegraverement attendus dans le milieu44 cf les groupes speacutecialiseacutes sur le CDM sur Linkedin 45 Point Carbon Reuters hellip 46 South Pole Perspective First Climate AES climate Solutions Sindicatum etc 47 Derst Norsk Veritas TUV SUD TUV Reinhland Loyd Register Quality Assurance Japan Quality Assurance Organisation etc Une liste est agrave jour ici httpscdmunfcccintDOElistindexhtml48 Sans conteste lrsquoOI la plus impliqueacute outre le secreacutetariat de la CCNUCC est la banque Mondiale les agences exeacutecutives de lrsquoONU eacutegale-ment - PNUD et PNUE notamment 49 Noeacute 21 GERES Friends of the Earth CDM Watch WWF International rivers sont particuliegraverement actifs 50 DTU Risoe CDC Climat World resource institute Resource for the future Stockholm Environnemental Institute 51 Le Systegraveme drsquoEchange de Quotas drsquoEmission de lrsquoUE (SEQE-UE) couvre environs 12 000 installations industrielle repreacutesentant 40 agrave 50 des GES Europeacuteens La quantiteacute de quota en circulation est calculeacutee de maniegravere agrave amener une reacuteduction des GES de -30 drsquoici 2030

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

140

des quotas europeacuteen pouvaient ecirctre des URCE (Trotignon 2012) Lrsquoobjectif de lrsquoUE eacutetait de reacuteduire les

coucircts de reacuteduction des GES pour les entreprises du marcheacute des quotas europeacuteen et de soutenir le MDP

Les entreprises eacutechangeant sur le marcheacute des quotas europeacuteen (entreprises banques drsquoinves-

tissement et intermeacutediaires financiers) jouent donc un rocircle central dans la reacutealisation des objectifs

du MDP par leur comportement eacuteconomique La recherche de rentabiliteacute et lrsquoaversion au risque des

acteurs financiers sur le marcheacute europeacuteen les ont conduites agrave se fournir en URCE Kyoto moins oneacute-

reux que les creacutedits carbone europeacuteens du SCEQE (Mansanet-Bataller et al 2011) pour couvrir leurs

besoins de mise en conformiteacute 70 drsquoentreprises laquo obligeacutees raquo sur le marcheacute des quotas europeacuteen

ont ainsi utiliseacute des URCE au cours de la phase II du SCEQE (Stephan Bellassen amp Alberola 2014)

Lrsquoanalyse montre que pour obtenir des creacutedits carbone URCE agrave des prix bas les entreprises se

sont tourneacutees vers des projets sucircrs crsquoest-agrave-dire qui seront certifieacutes par la CCNUCC et dont les eacutemis-

sions reacuteduites seront effectivement transformeacutees en URCE si possible en quantiteacute Lrsquoeacutetude de la base

de donneacutees du MDP tenue par le centre de recherche DTU au Danemark montre bien quels types

de projets sont majoritairement certifieacutes Ce sont des projets dits laquo industriels raquo (destruction de GES

puissants par combustion) des barrages hydrauliques des projets drsquoefficaciteacute eacutenergeacutetique dans de

grandes industries de torchage de meacutethane issus des deacutechegraveteries des mines de charbon ou des bas-

sins de rejets drsquoexploitation agricole et de stations drsquoeacutepuration (UNEP-DTU) Aussi les obligeacutes de lrsquo

SCEQE se sont fortement dirigeacutes vers des creacutedits laquo industriels raquo (Trotignon 2011) 41 des URCE

utiliseacutes pour la mise en conformiteacute europeacuteenne venaient ainsi de projets laquo HFC-23 raquo (Stephan Bel-

lassen amp Alberola 2014) deacutecrieacutes pour leur remise en cause de lrsquointeacutegriteacute environnementale du MDP

et du Protocole de Montreacuteal (LSchneider 2011 CDM Watch 2009 2011) et dont les coucircts de deacuteve-

loppement repreacutesentaient moins de 1 $ par URCE (Schneider 2011) Le comportement eacuteconomique

des entreprises du marcheacute europeacuteen et des acheteurs de creacutedits URCE a ainsi orienteacute le MDP vers

un meacutecanisme de reacuteduction de GES dans une logique de rentabiliteacute en laissant de cocircteacute la prise en

compte des critegraveres environnementaux et sociaux

Nous avons vu que le choix des instruments lrsquoexternalisation de lrsquoexpertise par le biais drsquoun

processus de certification et lrsquointroduction drsquoun meacutecanisme de marcheacute augmentent les possibiliteacutes

pour des acteurs non-eacutetatiques drsquoinfluencer le MDP via plusieurs centres de deacutecision dont les aires

de deacutecision sont imbriqueacutees Les acteurs non eacutetatiques agissent aupregraves de lrsquoEB des Eacutetats dans le

cadre des Meetings of the Parties et des AND et ainsi que de lrsquoUE (la Commission et particuliegraverement

la DG climat) qui a une action deacutecisive sur le marcheacute principal des creacutedits carbone issus du MDP

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

141

Ce polycentrisme conjugueacute au fait que le MDP est un outil novateur ayant la tacircche complexe de

concilier objectifs et comportements financiers drsquoune part et gestion drsquoun bien commun environne-

mental de lrsquoautre aboutit agrave de multiples controverses souleveacutees par les ONG environnementales Ces

controverses portent entre autres sur les cas de deacuteplacements de populations forceacutes pour des bar-

rages hydrauliques (International Rivers Haya 2010) drsquoeffets drsquoaubaine des projets industriels (Sch-

neider 2011) de financement drsquousines de charbon (exemple de Mundra en Inde deacutenonceacute par CDM

Watch) ou encore des problegravemes systeacutemiques comme la non-additionaliteacute supposeacutee de centaines

de projets (Lohmann 2009 Carbon Market Watch 2009-2014 Michaelova et Purohit 2007 Wara et

Victor 2009) Lrsquoune de ces controverses sur le HFC-23 nous permet de voir comment les diffeacuterents

centres de deacutecision sont mis en concurrence par les ANE et peuvent aboutir agrave une transformation

importante du MDP

La controverse des projets industriels laquo HFC-23 raquo donne un exemple des rocircles respectifs entre

ANE drsquoune part et Eacutetats de lrsquoautre Le HFC-23 est un gaz agrave effet de serre agrave la capaciteacute de reacutechauffe-

ment extrecircmement puissante eacutemis dans le cadre de la production drsquoun gaz reacutefrigeacuterant Lrsquoincineacuteration

du HFC-23 permet donc drsquoeacuteconomiser des quantiteacutes substantielles de gaz agrave effet de serre cependant

cela repreacutesente un coucirct net sans valorisation possible en lrsquoabsence de finance carbone La certifica-

tion MDP modifie totalement la donne Avec la vente des creacutedits carbone issus des GES eacuteviteacutes les

projets HFC-23 deviennent des projets extrecircmement rentables et productifs le coucirct de destruction

drsquoune TCO2e est infeacuterieur agrave 1 dollars US (Schneider 2011) pour un URCE vendu entre 8 et 12 euros

sur le marcheacute primaire jusqursquoen 2012 19 projets HFC-23 ont eacutemis 36 des URCE du MDP A cette

rentabiliteacute extraordinaire srsquoajoutent des effets pervers lieacutes Pour reacutesumer les industriels sont inciteacutes

agrave produire plus de HFC-23 (plus on en incinegravere plus on deacuteclare avoir eacuteviteacute des TCO2e) ce qui pose

problegraveme vis-agrave-vis des engagements du Protocole de Montreacuteal et de lrsquointeacutegriteacute environnementale du

MDP

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

142

Le lancement drsquoalerte en 2004 a lieu par le biais drsquoexperts du Protocole de Montreacuteal qui contactent

lrsquoEB et mettent en avant les effets pervers de ces projets LrsquoEB lance une consultation en 2004 ndash 2005

par des appels agrave communication et demande une orientation au sujet de ces projets de la part de la

COP du Protocole Une premiegravere reacuteforme de la meacutethodologie a finalement lieu en 2005 Non-reacutetroac-

tive elle verrouille la possibiliteacute drsquointeacutegrer le MDP pour ce type de projet agrave des usines nouvellement

construites et resserre les modaliteacutes de calcul des sceacutenarios de reacutefeacuterence Cette premiegravere reacuteforme

ne suffit pas aux ONG (CDM Watch Noeacute 21) qui continuent un travail de deacutenonciation qui connaicirct

son paroxysme entre 2010-2011 lorsqursquoune publication scientifique de L Schneider (2010) eacutetablit la

preuve de manipulation des industriels pour produire plus de HFC-23 et donc drsquoURCE Une cam-

pagne meacutediatique grand public via des communiqueacutes de presse des rapports ou encore le relais de

cet article vise lrsquoEB mais eacutegalement les institutions europeacuteennes qui maitrisent la demande du mar-

cheacute

Nous avons vu que le prix et la demande des URCE deacutependait de la demande des industries du

marcheacute de quotas europeacuteen (Chevalier 2012) et donc des institutions europeacuteennes encadrant celles-

ci La Commission Europeacuteenne et le Parlement Europeacuteen sont par conseacutequent viseacutes par les cam-

pagnes des ONG qui cherchent agrave reacuteintroduire plus drsquointeacutegriteacute environnementale dans le MDP Lors-

qursquoen 2010 la DG climat initie un appel agrave contributions agrave propos des orientations agrave prendre pour

sa future directive visant agrave controcircler la fongibiliteacute EUA-URCE la commissaire Connie Hedegaard

fait reacutefeacuterence agrave ces campagnes laquo The CDM has been successful in some aspects but has also given

rise to criticism eg with regard to environmental integrity(hellip)Since taking up office I have been

approached by many actors in the carbon market stressing the importance of more clarity on what

credits the EU ETS will accept post-201252 raquo Le cas du HFC-23 montre bien comment des ANE ont

joueacute un rocircle drsquoexpertise de lanceurs drsquoalerte et de protection drsquointeacuterecircts aupregraves de centres de deacutecision

politiques lrsquoEB et lrsquoUE qui prennent les deacutecisions relatives agrave lrsquoavenir du MDP

Le cas du Meacutecanisme de Deacuteveloppement Propre nous a permis drsquoillustrer comment le choix drsquoun

instrument laquo baseacute sur le marcheacute raquo peut favoriser la circulation drsquoinfluence et drsquoexpertise entre ANE

et centres de deacutecision politiques et technico-opeacuterationnels De nombreux vecteurs de communica-

tion formels et informels sont employeacutes par les ANE pour peser dans les processus de deacutecision Ces

vecteurs de communication sont drsquoautant plus nombreux que le choix de lrsquoinstrument de marcheacute fa-

vorise lrsquoexistence de plusieurs centres de deacutecision politiques que les ANE vont chercher agrave influencer

avec les moyens dont ils disposent et par les canaux de communication qursquoils identifient Dans ce

contexte lrsquoarchitecture polycentrique devient un espace ougrave les ANE dont le rocircle demeure consulta-

tif (ils ne sont pas inteacutegreacutes dans le processus de deacutecision du MDP) deacuteveloppent des strateacutegies afin

drsquoinfluencer lrsquoensemble des aregravenes de deacutecision qursquoils ont identifieacutees Lrsquoexistence de plusieurs aregravenes

de deacutecision peut ainsi srsquoaveacuterer utile comme nous lrsquoavons vu dans le cas du HFC-23 pour multiplier

les chances drsquoobtenir des reacutesultats et transformer le dispositif

52 httpeceuropaeuclimaconsultationsarticles0004_enhtm

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

143

ConclusionLa comparaison de nos quatre cas drsquoeacutetude a permis drsquoeacuteclairer la participation des acteurs eacuteco-

nomiques aux reacutegimes internationaux et dispositifs transnationaux de gouvernance environne-

mentale Lrsquoinfluence des acteurs eacuteconomiques sur les dispositifs normatifs est ineacutegale faible dans

les neacutegociations internationales sur la gestion durable des forecircts beaucoup plus forte en ce qui

concerne lrsquoeacutelaboration drsquoun instrument de marcheacute pour la reacuteduction des eacutemissions dans le secteur

aeacuterien centrale dans la mise en œuvre infranationale drsquoune politique de coopeacuteration sur le com-

merce du bois et dans la deacutefinition drsquooutils de marcheacute Dans le premier cas les ANE preacutesents sont

davantage des ONGE que des repreacutesentants de lrsquoindustrie contrairement au second ougrave lrsquoindustrie

est bien organiseacutee et structurellement influente depuis lrsquoorigine du reacutegime Le MDP repose sur la

structuration de reacuteseaux drsquoacteurs priveacutes de lrsquoexpertise carbone et a eacuteteacute lrsquoobjet drsquointenses confron-

tations entre ONG et entreprises qui ont appris agrave utiliser les rouages drsquoun outil en construction

Les acteurs eacuteconomiques participent agrave la diffusion des normes et instruments de gouvernance

environnementale en se rendant indispensables dans la mise en œuvre drsquoune politique internatio-

nale de lrsquoUE contre le bois illeacutegal ou dans la mise en œuvre des meacutecanismes de marcheacute du MDP en

contribuant de faccedilon significative au deacutebat sur les MBM dans lrsquoOACI au point de faire adopter leur

preacutefeacuterence pour un systegraveme de compensation Cependant la FLEGT est bien agrave lrsquoorigine un dispositif

destineacute agrave redonner le controcircle de la politique de gestion durable des forecircts aux autoriteacutes publiques

agrave partir drsquoune meacutefiance agrave lrsquoeacutegard de lrsquoautoreacutegulation de mecircme que rien ne peut se faire de deacutecisif agrave

lrsquoOACI sans un accord intergouvernemental Quant agrave lui le marcheacute du MDP est structurellement deacute-

pendant des choix institutionnels effectueacutes par lrsquoUnion europeacuteenne et par les Eacutetats au sein des COP

Ainsi les eacutetudes de cas portant sur les neacutegociations internationales montrent que les aregravenes

internationales favorisent des constellations drsquoacteurs divers et peuvent mener agrave un certain plura-

lisme tandis que les travaux portant sur la mise en œuvre des politiques mettent en avant la maniegravere

dont les acteurs eacuteconomiques deviennent des experts de la coproduction de meacutecanismes ajusteacutes aux

situations tant infranationales que sectorielles Au total cela permet de montrer de maniegravere trans-

versale que dans les neacutegociations comme dans la mise en œuvre des reacutegimes il y a une imbrication

des acteurs publics et priveacutes qui transparaicirct mecircme dans le deacuteroulement des carriegraveres individuelles

dans le cas du MDP qursquoil y a bien une influence des acteurs priveacutes sur le traitement du problegraveme et

non un retrait de lrsquoautoriteacute publique

Ces interactions complexes associant autoriteacutes politiques et acteurs priveacutes dont lrsquoissue nrsquoest

pas preacutedeacutetermineacutee font justice des interpreacutetations en terme de laquo capture raquo de la deacutecision publique

par le monde des affaires tout en attestant une ouverture agrave la circulation agrave geacuteomeacutetrie variable selon

les diffeacuterentes aregravenes de deacutecision Si les ONGE semblent mieux circuler que les acteurs eacuteconomiques

dans les neacutegociations sur la forecirct lrsquoindustrie utilise complegravetement les opportuniteacutes de circulation agrave

lrsquoOACI pour y pousser les solutions qui lrsquoavantagent Dans le cadre du FLEGT comme dans celui du

MDP il srsquoagit davantage drsquoune coproduction publiquepriveacutee des regravegles de mise en œuvre que drsquoune

circulation proprement dite Au total nous montrons comment les acteurs publics et priveacutes deacutefi-

nissent ensemble les contours drsquoune politique internationale qui se neacutegocie jusque dans les deacutetails

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

144

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Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

147

Chapitre 2Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des

normes et des acteurs dans un contexte de gouvernance internationale fragmenteacutee

Sophie Gambardella1

LrsquoHomme a de tous temps eu un rapport particulier agrave la mer Il fut agrave la fois impressionneacute

voire terrifieacute par son immensiteacute ainsi que par sa force et fascineacute par ses mystegraveres ainsi que par

son abondance Cette relation ambiguumle de lrsquoHomme avec ce milieu naturel trouve un eacutecho dans la

maniegravere dont le droit de la mer srsquoest construit LrsquoHomme a chercheacute agrave dompter un espace meacuteconnu

agrave partir de faux preacutesupposeacutes Le mythe du caractegravere ineacutepuisable des ressources a notamment acceacute-

leacutereacute la pression anthropique sur les mers et oceacuteans engendrant dans son sillon lrsquoeffondrement des

stocks de ressources Pourtant le droit international a eacuteteacute tregraves tocirct mobiliseacute pour encadrer les activi-

teacutes humaines en mer puisque degraves 1958 sont adopteacutees les conventions de Genegraveve2 Aujourdrsquohui la

gestion des ressources halieutiques est un domaine particuliegraverement embleacutematique de la physiono-

mie fragmenteacutee de lrsquoensemble de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement Les exigences

de la matiegravere et la volonteacute de tenir compte des speacutecificiteacutes des milieux ont alimenteacute la prolifeacuteration

des reacutegimes juridiques de gestion des ressources Degraves 1982 la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer3 a pris acte de la pertinence de lrsquoeacutechelle reacutegionale pour reacuteguler les activiteacutes en mer et

de la pratique existante en ce sens Drsquoun cocircteacute un reacutegionalisme geacuteographique srsquoeacutetait deacutejagrave deacuteveloppeacute

afin drsquoadapter les normes geacuteneacuterales agrave la situation particuliegravere de certains bassins comme les mers

fermeacutees ou semi-fermeacutees telles que la Meacutediterraneacutee ou encore la mer Noire Drsquoun autre cocircteacute un reacute-

gionalisme fonctionnel ducirc agrave la fois agrave la neacutecessiteacute pour les Eacutetats concerneacutes de deacutefendre des inteacuterecircts

communs mais aussi agrave la prise en compte de la speacutecificiteacute de certains milieux a continueacute de se propa-

ger Les organisations reacutegionales de gestion des pecircches par lesquelles la coopeacuteration reacutegionale srsquoest

concreacutetiseacutee sont aujourdrsquohui presque une cinquantaine avec pour certaines une compeacutetence geacuteo-

graphique et pour drsquoautres une compeacutetence pour la gestion drsquoun type drsquoespegravece tel que les saumons

ou encore les thonideacutes La Commission baleiniegravere internationale creacuteeacutee en 1946 est la plus ancienne

des organisations de ce type Sa compeacutetence est pour sa part lieacutee agrave une espegravece particuliegravere Drsquoautres

organisations ont une compeacutetence geacuteographiquement plus restreinte comme la Commission inter-

nationale des thonideacutes de lrsquoAtlantique et des mers adjacentes La participation agrave ces organisations

est ouverte agrave lrsquoensemble des Eacutetats inteacuteresseacutes qursquoils soient riverains ou non de lrsquoespace maritime geacutereacute

1 Docteur en droit publicAix-Marseille Universiteacute Universiteacute de Toulon Universiteacute de Pau amp Pays Adour CNRS UMR DICE 7318 CERIC Aix-en-Provence France2 En 1958 agrave Genegraveve sont adopteacutees quatre conventions relatives respectivement agrave la mer territoriale et la zone contigueuml agrave la haute mer au plateau continental agrave la pecircche et agrave la conservation des ressources biologiques Agrave cette eacutepoque la volonteacute des Eacutetats de srsquoapproprier les oceacuteans apparaicirct nettement Les conventions ont principalement pour objet de deacutelimiter lrsquoeacutetendue de la compeacutetence eacutetatique en mer pour une appro-priation exclusive des ressources3 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer adopteacutee le 10 deacutecembre 1982 agrave Montego Bay et entreacutee en vigueur le 16 novembre 1994 RTNU vol 1834 p 3

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

148

La construction institutionnelle de la gestion des ressources halieutiques a ainsi eacuteteacute degraves lrsquoorigine

eacuteclateacutee et a continueacute agrave eacutevoluer en ce sens dans la mesure ougrave de nouvelles organisations de gestion

des pecircches ont vu le jour dans les anneacutees 20004 Le pheacutenomegravene de fragmentation institutionnelle

et mateacuterielle trouve donc une illustration lumineuse dans le domaine de la gestion des ressources

halieutiques5 Srsquoil nous est impossible dans cette courte eacutetude de revenir sur lrsquoensemble des deacutebats

doctrinaux sur la fragmentation du droit international6 il nous paraicirct toutefois important de situer

notre eacutetude au sein de ces deacutebats

La fragmentation du droit international est entendue comme eacutetant laquo agrave la fois une activiteacute et son

produit la fragmentation signifie aussi bien une processus drsquoeacuteclatement ( le droit se fragmente )

que le reacutesultat de ce processus ( le droit est fragmenteacute ) raquo7 Or srsquoil nous semble que le droit inter-

national de lrsquoenvironnement a effectivement suivi un processus drsquoeacuteclatement le droit qui en reacutesulte

nrsquoapparaicirct toutefois pas comme eacutetant uniquement fragmenteacute Bien au contraire une certaine uniteacute

sur laquelle nous reviendrons au cours de notre eacutetude a rejailli de la fragmentation Cependant le

constat de la fragmentation du droit international de lrsquoenvironnement est inteacuteressant pour lrsquoana-

lyste dans la mesure ougrave il reste doublement eacuteclairant sur lrsquoeacutetat du droit international de lrsquoenviron-

nement Le droit international de lrsquoenvironnement est en premier lieu prolifique Le constat de sa

fragmentation nrsquoest possible que parce que le droit international a foisonneacute certes de maniegravere laquo deacute-

sordonneacute raquo en apparence mais surtout de maniegravere eacuteclatante ce qui atteste de la forte mobilisation

agrave lrsquoeacutechelle internationale pour les questions environnementales Dans le domaine de la gestion des

ressources biologiques marines le nombre eacuteleveacute drsquoorganisations internationales ayant compeacutetence

pour assurer une telle gestion atteste neacuteanmoins drsquoune forte mobilisation davantage jusqursquoagrave preacutesent

pour lrsquoadministration des ressources que pour leur conservation En second lieu le droit interna-

tional de lrsquoenvironnement est une terre feacuteconde pour la doctrine juridique Si lrsquoaffirmation selon la-

quelle le droit international est fragmenteacute sonne souvent parmi la doctrine internationaliste comme

eacutetant une diatribe de son eacutetat ndash laquo cette notion [de fragmentation] est toujours utiliseacutee agrave des fins de

contestation et de critique raquo8 ndash elle a aussi permis de faire naicirctre drsquoautres conceptions du droit inter-

national La fragmentation vient bouleverser malmener la conception pyramidale du droit dans la

mesure ougrave lrsquoabsence de hieacuterarchie entre les systegravemes juridiques rend plus difficile le projet de consti-

tutionnalisme mondial Degraves lors la fragmentation ouvre la voie agrave une conception plus horizontale

4 LrsquoOrganisation pour la conservation des ressources marines biologiques du Pacifique Sud-Est a vu le jour le 14 aoucirct 2000 la Commission pour la conservation et la gestion des stocks de poissons grands migrateurs dans lrsquooceacutean Pacifique central et oriental a eacuteteacute creacuteeacutee le 5 septembre 2000 et lrsquoOrganisation pour les pecirccheries de lrsquoAtlantique Sud-est a eacuteteacute mise en place le 20 avril 20015 Sur la fragmentation du droit international dans le domaine de la gestion des ressources halieutiques voir notamment les travaux de Margaret Young M Young laquo Fragmentation or Interaction The WTO Fisheries Subsidies and International Law raquo Worl Trade Review vol 8 issue 4 2009 pp 477-515 M Young Trading Fish Saving Fish The Interaction between Regimes in International Law Cambridge University Press 2011 408 p6 La litteacuterature sur la fragmentation du droit international est foisonnante nous ne citerons ici que quelques reacutefeacuterences essentielles I Brownlie laquo Problems Concerning the Unity of International Law raquo in Le droit international agrave lrsquoheure de sa codification Etudes en lrsquohonneur de Roberto Ago vol I Milan Giuffregrave 1987 pp 156 et ss PM Dupuy laquo Sur le maintien ou la disparition de lrsquouniteacute de lrsquoordre juridique internatio-nal raquo in Harmonie et contradiction en droit international Rencontres internationales de la Faculteacute des sciences juridiques politiques et sociales de Tunis Colloque des 11-13 avril 1996 Paris Pedone 1996 pp 17-54 A Gattini laquo Un regard proceacutedural sur la fragmentation du droit inter-national raquo RGDIP 2006 pp 303-336 KWellens et R Huesa-Vinaixa (Dirs) Lrsquoinfluence des sources sur lrsquouniteacute et la fragmentation du droit international Bruxelles Bruylant 2006 280 p B Conforti laquo Uniteacute et fragmentation du droit international glissez mortels nrsquoappuyez pas raquo RGDIP vol 1 2007 pp 5-18 M Young (Ed) Regime Interaction in International Law Facing Fragmentation Cambridge University Press 2012 348 pPour une eacutetude complegravete de la question voir AC Martineau laquo Le deacutebat sur la fragmentation du droit international une analyse critique raquo Bruxelles Bruylant 2015 584 p7 AC Martineau laquo Le deacutebat sur la fragmentation du droit international une analyse critique raquo Bruxelles Bruylant 2015 p 78 Ibid p 11

Sophie GAMBARDELLA

149

du droit Au sein de la doctrine le courant pluraliste srsquoest appliqueacute agrave regarder autrement la fragmen-

tation agrave y rechercher un nouveau mode de reacutegulation sans pour autant se deacutefaire compleacutetement

de la conception unitaire du droit Anne-Charlotte Martineau relegraveve que ce courant doctrinal a fait

drsquoailleurs naicirctre un nouveau vocabulaire laquo (on parle drsquo intervaliditeacute et de cross-fertilization

(hellip) [de] jeu des nuages [de] ballet des planegravetes ou encore [de] droit contrapuntique ) raquo9 En

matiegravere de gestion des ressources biologiques marines ce nouveau vocabulaire paraicirct tregraves adapteacute agrave

la physionomie stellaire de la construction institutionnelle10 Lrsquoeacutetude que nous nous proposons de

mener srsquoinscrit ainsi dans cette deacutemarche pluraliste dans la mesure ougrave si nous constatons bien une

fragmentation des reacutegimes de gestion des ressources halieutiques sans qursquoune hieacuterarchie ne soit

eacutetablie entre eux nous nous proposons de rechercher les mouvements de coordination entre ces

ensembles normatifs La deacutemarche srsquoapparente alors agrave celle de lrsquoastronome qui affucircte son œil pour

voir au-delagrave des milliers drsquoeacutetoiles apparaicirctre des constellations

Notre eacutetude reacutesulte du constat de lrsquoexistence de ponts de liens entre les diffeacuterents icirclots de

gouvernance de la biodiversiteacute marine Un processus de coordination spontaneacute de lrsquoaction de plu-

sieurs institutions internationales a particuliegraverement attireacute notre attention dans la mesure ougrave ce-

lui-ci semble ecirctre un vecteur de circulation agrave la fois de normes et drsquoacteurs Il srsquoagit du processus de

Kobe qui reacuteunit cinq organisations reacutegionales de gestion des thonideacutes ndash la Commission interameacuteri-

caine du thon tropical11 (IATTC) la Commission des pecircches pour le Pacifique occidental et central12

(WCPC) la Commission des thons de lrsquoOceacutean indien13 (IOTC) la Commission pour la conservation

du thon rouge du Sud14 (CCSBT) et la Commission internationale pour la conservation des thonideacutes

de lrsquoAtlantique15 (ICCAT) En 2007 ces cinq organisations ont initieacute le processus de Kobe par lequel

elles entendaient adopter une meacutethode de gestion durable des pecircches plus coheacuterente Par le biais de

trois reacuteunions conjointes tenues successivement en 2007 2009 et 2011 ces organisations reacutegionales

de gestion des pecircches ont deacutefini des lignes de conduite ont rationnaliseacute leurs donneacutees et ont mis en

commun des outils pour lutter efficacement contre les activiteacutes de pecircches illicites Par ailleurs afin

de peacuterenniser leurs efforts et drsquoassurer une coordination de leurs actions un comiteacute directeur char-

geacute de suivre la mise en œuvre des mesures adopteacutees lors de ces cycles de reacuteunions et de poursuivre

le travail drsquoharmonisation entre ces enceintes internationales a eacuteteacute eacutetabli Le processus de Kobe a

ainsi permis de lancer une reacuteflexion entre les acteurs des organisations reacutegionales de gestion des

pecircches sur les normes qursquoils produisent et sur la maniegravere drsquoameacuteliorer la qualiteacute de ces derniegraveres Il a

en drsquoautres termes mateacuterialiseacute un canal de circulation entre les icirclots de gouvernance des ressources

9 Ibid p 194 Lrsquoauteur fait reacutefeacuterence aux auteurs pluralistes qui ont fait naicirctre ce nouveau vocabulaire Sous la plume de Mireille Del-mas-Marty est par exemple apparue la meacutetaphore de laquo jeu des nuages raquo M Delmas-Marty Pour un droit commun Paris Le Seuil 1994 p 28410 La complexiteacute institutionnelle et mateacuterielle des reacutegimes de gestion des ressources biologiques marines a particuliegraverement bien eacuteteacute mise en exergue dans lrsquoarticle de James Hollway et Johan Koskinen laquo Multilevel embeddedness The case of the global fisheries governance com-plex raquo Social Networks ndeg 44 2016 pp 281-29411 Creacuteeacutee par la Convention relative agrave la creacuteation drsquoune Commission interameacutericaine du thon tropical signeacutee agrave Washington le 31 mai 1949 et entreacutee en vigueur le 3 mars 195012 Creacuteeacutee par la Convention relative agrave la conservation et agrave la gestion des stocks de grands migrateurs dans le Pacifique occidental et central signeacutee agrave Honolulu le 5 septembre 200013 Creacuteeacutee par lrsquoAccord portant creacuteation de la Commission des thons de lrsquooceacutean Indien signeacutee le 25 novembre 1993 et entreacutee en vigueur le 27 mars 199614 Creacuteeacutee par la Convention sur la conservation du thon rouge du sud signeacutee agrave Canberra et entreacutee en vigueur le 20 mai 199415 Creacuteeacutee par la Convention internationale pour la conservation des thonideacutes et espegraveces apparenteacutees de lrsquoAtlantique et des mers adjacentes signeacutee agrave Rio de Janeiro le 14 mai 1966 et entreacutee en vigueur le 21 mars 1969

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

150

halieutiques afin de creacuteer une uniteacute au moins de meacutethode entre les organisations reacutegionales de

gestion des pecircches du thon La relation spontaneacutee entre organisations dans le cadre de ce processus

a alors permis une circulation par ce canal non seulement des acteurs mais aussi des normes et une

confrontation de ces derniegraveres permettant drsquoameacuteliorer les meacutethodes de gestion et de conservation

des ressources halieutiques Drsquoun cocircteacute la coordination institutionnelle instaureacutee par le biais du

processus de Kobe a impulseacute une circulation des reacuteseaux drsquoacteurs de la gestion internationale des

thonideacutes deacutebouchant sur une mise en commun des expeacuteriences pour tendre vers un renforcement

des normes de gestion (1) Drsquoun autre cocircteacute lrsquoharmonisation des activiteacutes des organisations reacutegio-

nales de gestion des pecircches du thon de thonideacutes construite au travers des eacutechanges entre acteurs

de cette gestion a ouvert la voie agrave une circulation des normes entre enceintes internationales que

celles-ci soient scientifiques techniques ou juridiques (2) Il srsquoagit alors de porter un double regard

sur le processus en se penchant agrave la fois sur les acteurs mais aussi sur les normes agrave travers trois ques-

tionnements un premier sur la recherche de mouvement agrave lrsquointeacuterieur et en dehors du processus un

deuxiegraveme sur le sens du mouvement identifieacute ndash la circulation se fait-elle depuis le processus vers les

organisations reacutegionales de pecircche ou agrave lrsquoinverse ndash et enfin un dernier sur la porteacutee du mouvement

dans la recherche de protection de la biodiversiteacute

Agrave partir de cette eacutetude de cas lrsquoobjectif est de mener une analyse de ce type de laquo constellation

institutionnelle raquo pour deacuteterminer si le deacutesordre apparent de la fragmentation institutionnelle ne

dissimule pas un tissu organisationnel certes plus complexe mais peut-ecirctre plus riche en force de

propositions et plus creacuteatif pour une meilleure gestion des ressources biologiques Le cloisonnement

institutionnel semble agrave travers le processus de Kobe srsquoeffriter au profit drsquoune permeacuteabiliteacute des en-

ceintes internationales permettant de se projeter vers une logique drsquoenrichissement mutuel nourri

par une circulation des acteurs et des normes de la gestion internationale des thonideacutes

1) La coordination institutionnelle au sein du processus de Kobeacute comme vecteur de circulation des acteurs

Le processus de Kobe appeleacute aussi reacuteunion conjointe des organisations reacutegionales de gestion

des pecircches du thon est sans conteste un meacutecanisme de coordination drsquoinstitutions reacutegionales16 Or

la coordination institutionnelle ainsi initieacutee est apparue comme un vecteur de circulation des reacute-

seaux drsquoacteurs des organisations reacutegionales de gestion des thonideacutes Les organisations reacutegionales

de gestion des pecircches du thon qui participent au processus de Kobe ont toutes en commun leur

compeacutetence mateacuterielle la gestion et la conservation des thonideacutes mais elles interviennent chacune

sur une aire geacuteographique diffeacuterente de sorte que les reacuteseaux drsquoacteurs sont tregraves distincts drsquoune or-

ganisation agrave une autre Les Eacutetats membres des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du

thon ne sont bien eacutevidemment pas les mecircmes et il en deacutecoule que les reacuteseaux de scientifiques les

associations de professionnels de la pecircche sont aussi diffeacuterents en fonction de lrsquoespace maritime

geacutereacute Toutefois le processus de Kobe a permis agrave certains de ces acteurs de deacutepasser les frontiegraveres de

16 Site internet du processus de Kobe httpwwwtuna-orgorg

Sophie GAMBARDELLA

151

lrsquoenceinte de gestion de leurs espaces maritimes pour soit se retrouver au sein drsquoorganes ad hoc (11)

soit pour œuvrer agrave la fois au sein de plusieurs organisations reacutegionales de gestion des pecircches (12)

11 Une circulation des acteurs vers des organes ad hoc

Lors de la premiegravere reacuteunion conjointe des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du

thon tenue en 2007 agrave Kobe il fut deacutecideacute qursquoun travail technique serait engageacute entre chaque reacuteunion

conjointe au travers drsquoateliers intersessions En 2010 sont tenus quatre ateliers un atelier interna-

tional sur la gestion des pecirccheries de thonideacutes par ces organisations un atelier sur lrsquoameacutelioration et

lrsquoharmonisation des mesures de suivi et de controcircle un atelier sur les questions relatives aux prises

accessoires et un atelier sur le processus scientifique au sein des organisations reacutegionales de gestion

des pecircches du thon Une analyse sur la nature juridique des participants agrave ces ateliers est relative-

ment parlante quant au rocircle du processus de Kobe dans la circulation des acteurs des organisations

reacutegionales de gestion des pecircches du thon Deux remarques peuvent ecirctre faites sur les acteurs preacute-

sents lors de ces ateliers une drsquoordre quantitatif et lrsquoautre drsquoordre qualitatif

En ce qui concerne en premier lieu lrsquoaspect quantitatif le nombre de membres des organisations

reacutegionales de gestion des pecircches du thon preacutesents lors de ces ateliers est relativement variable et se

situe entre trente et quarante selon les thegravemes des ateliers Les membres de ces organisations sont

surtout preacutesents lors de lrsquoatelier relatif aux avis scientifiques17 domaine cleacute de la gestion des pecircches

et lors de celui relatif agrave la gestion de la surcapaciteacute de pecircche domaine sensible de la gestion des

pecircches18

La mobilisation des acteurs lors de lrsquoatelier relatifs aux avis scientifique nrsquoest pas surprenante

Quasiment lrsquoensemble des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon ont aujourdrsquohui

institutionnaliseacute au sein de leur structure un comiteacute scientifique19 Toutefois les difficulteacutes que ren-

contrent ces organes sont multiples donneacutees insuffisantes points de reacutefeacuterence pour les modeacutelisa-

tions non adapteacutes manque de moyens Or les experts des comiteacutes scientifiques ont une veacuteritable

volonteacute drsquoameacuteliorer les expertises qursquoils produisent afin de parvenir agrave une gestion rationnelle des

ressources La participation drsquoun grand nombre de membres des organisations reacutegionales de gestion

des pecircches du thon ndash les experts des comiteacutes scientifiques de chacune de ces organisations en reacutealiteacute

ndash agrave cet atelier srsquoinscrit ainsi dans la continuiteacute du travail engageacute au sein de chaque organisation Ces

laquo epistemic communities raquo comme les nomme Peter Haas20 jouent un rocircle central dans la gestion

des ressources biologiques marines La prise de deacutecision dans ce domaine repose en effet avant tout

sur les donneacutees scientifiques produites par les halieutes Les experts scientifiques conscients de leur

17 Rapport de la Reacuteunion conjointe drsquoexperts drsquoORGP thoniegraveres visant agrave mettre en commun les meilleures pratiques sur la formulation de lrsquoavis scientifique Barcelone (Espagne) du 31 mai au 2 juin 2010 Doc Nordm TRFMO2_W1-020201018 Rapport de lrsquoatelier international sur la gestion de la pecircche thoniegravere meneacutees par les ORGP Brisbane Australie ndash 29 juin-1er juillet 2010 Doc Ndeg TRFMO2_W4_1_FRA19 Sur le rocircle des comiteacutes scientifiques au sein des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon voir S Gambardella laquo Lrsquoex-pert scientifique un acteur multi-facettes du processus deacutecisionnel lrsquoexemple des Commissions reacutegionales de pecircche raquo Journal international de bioeacutethique 20141 vol 25 pp 91-10420 P Haas laquo Introduction Epistemic Communities and International Policy Coordination raquo International Organization vol 46 No 1 Knowledge Power and International Policy Coordination (Winter 1992) pp 1-35

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

152

rocircle ont ainsi coloniseacute les enceintes internationales comme si la gouvernance de lrsquoenvironnement

eacutetait aujourdrsquohui une gouvernance des experts Dans une vision purement instrumentale et prag-

matique du droit international une telle gouvernance pourrait ecirctre souhaitable dans des domaines

techniques tels que la gestion de lrsquoenvironnement mondial Toutefois les risques drsquoaboutir agrave une

tyrannie des experts nous conduisent agrave nous rallier agrave une position plus prudente telle que celle deacute-

fendue par Margaret Young laquo The powers of international organizations to confront that challen-

ges of fragmentation are not without their limits There is a risk of managerialism inherent in any

enhancement of the role of experts and institutionnal bodies In response [she has] argued that

regime interaction should be constrained by procedural safeguards to ensure openness transparen-

cy participation and ongoing scrutiny and review raquo21 Le formalisme juridique qui doit encadrer

lrsquoactiviteacute drsquoexpertise scientifique devient alors un rempart face aux risques eacuteventuels notamment de

disqualification des experts et donc drsquoabsence de leacutegitimiteacute des deacutecisions prises

Par ailleurs la question de la gestion de la surcapaciteacute tout comme celle relative aux avis scien-

tifique est au cœur de chacune des discussions meneacutees au sein des organisations reacutegionales de ges-

tion des pecircches du thon ce qui fait eacutecho au fort degreacute de participation de ces organisations agrave cet

atelier Les questions de traccedilabiliteacute des produits et de prises accessoires qui sont bien souvent peu

ou mal traiteacutees au sein des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon ont quant agrave elles

connu un moins grand succegraves aupregraves des membres A lrsquoinverse le nombre drsquoONG participantes est

quant agrave lui beaucoup plus sensible puisque lors de lrsquoatelier relatif aux avis scientifiques seules deux

ONG eacutetaient preacutesentes alors que les ateliers relatifs aux prises accessoires22 et agrave la surcapaciteacute de

pecircche ont reacuteuni quinze ONG Cette mecircme diffeacuterence dans le degreacute de participation en fonction du

thegraveme de lrsquoatelier se remarque drsquoailleurs pour un autre type drsquoacteurs les organisations intergou-

vernementales qui sont tregraves preacutesentes sur les mecircmes theacutematiques que les ONG Ces chiffres sont

reacuteveacutelateurs drsquoun des effets du processus du Kobe sur la permeacuteabiliteacute des enceintes internationales

De nombreuses ONG qui participent seulement aux activiteacutes drsquoune ou deux des cinq organisations

reacutegionales de gestion des pecircches du thon du processus de Kobe laquo en temps normal raquo sont ici preacute-

sentes dans la plupart des ateliers et plus particuliegraverement dans les ateliers relatifs aux questions de

conservation des espegraveces La coopeacuteration institutionnelle permet alors une plus grande participation

des ONG sur les questions relatives aux prises accessoires alors mecircme que cette probleacutematique est

commune agrave lrsquoensemble des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon Toutefois des

ONG qui nrsquoont pas les moyens financiers et humains drsquoassister agrave lrsquoensemble des reacuteunions des cinq

organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon peuvent par le biais de ce processus contri-

buer au travail technique sur des questions communes Le processus de Kobe devient alors feacutedeacutera-

teur pour ce type drsquoacteurs

21 M Young Trading Fish Saving Fish The Interaction between Regimes in International Law Cambridge University Press 2011 p 28722 Report of the international workshop on tuna RFMO management of issues relating to bycatch Brisbane Australia June 23-25 2010 Doc Ndeg T-RFMO2_W3_5rev1_ENG

Sophie GAMBARDELLA

153

Le processus de Kobe est sans conteste un vecteur de circulation des acteurs des organisations

reacutegionales de gestion des pecircches du thon vers des ateliers techniques Toutefois cette circulation est

tregraves largement conditionneacutee par la theacutematique de lrsquoatelier Si la theacutematique correspond aux priori-

teacutes internes des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon la circulation des membres

de ces organisations se fait En revanche si la theacutematique est secondaire au sein des organisations

reacutegionales de gestion des pecircches du thon la circulation des acteurs est moindre Or force est de

constater que les ateliers qui rencontrent le moins de succegraves sont ceux qui ont trait au controcircle des

activiteacutes de pecircche et agrave la protection de la biodiversiteacute au-delagrave des seuls thonideacutes ce qui montre que

la gestion des ressources halieutiques est encore aujourdrsquohui balbutiante face aux notions de gestion

inteacutegreacutee des oceacuteans ou drsquoapproche eacutecosysteacutemique des pecircches au sein des enceintes internationales

de gestion des pecircches La dimension laquo conservation des espegraveces raquo trouve neacuteanmoins une place au

sein du processus de Kobe et agrave travers la participation des ONG agrave ses ateliers que le droit internatio-

nal classique de la pecircche peine agrave lui donner

En ce qui concerne en second lieu la nature des acteurs il est tout agrave fait eacutetonnant que seuls

quatre types drsquoacteurs soient preacutesents dans ce type drsquoateliers ndash membres des organisations reacutegio-

nales de gestion des pecircches du thon Secreacutetariats des organisations reacutegionales de gestion des pecircches

du thon organisations intergouvernementales et ONG ndash alors mecircme qursquoau sein des organisations

reacutegionales de gestion des pecircches du thon certains acteurs priveacutes ont accegraves aux enceintes notam-

ment les associations de professionnels de la pecircche Il semble que ces acteurs soient preacuteoccupeacutes par

les questions traiteacutees au sein des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon mais qursquoils

nrsquoestiment pas neacutecessaire de participer agrave une reacuteflexion plus globale sur les meacutethodes de gestion des

ressources Quelle en est la raison Il y a fort agrave penser que la participation des acteurs priveacutes au sein

des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon est largement lieacutee agrave lrsquoadoption par ces

organisations des quotas de pecircche Dans ce cadre les acteurs du secteur priveacute ont des inteacuterecircts directs

agrave deacutefendre et exercent une pression comparable agrave celle des lobbies Toutefois lrsquoabsence de participa-

tion du secteur priveacute au processus de Kobe ne signifie pas que ce secteur nrsquoest pas impliqueacute dans les

suites du processus Bien au contraire Un projet de gestion durable des thonideacutes et de conservation

de la biodiversiteacute des zones marines au-delagrave de la juridiction nationale (ABNJ)23 programme financeacute

par le fonds pour lrsquoenvironnement mondial et mis en œuvre par la FAO a vu le jour dans le prolon-

gement du processus de Kobe24 Il se concentre notamment sur la collaboration entre le secteur priveacute

les organisations de la socieacuteteacute civile et les organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon

pour promouvoir lrsquoapproche de preacutecaution et lrsquoapproche eacutecosysteacutemique dans la gestion des pecircche-

ries thoniegraveres Le processus de Kobe nrsquoa pas permis une participation des acteurs priveacutes agrave ses activi-

teacutes mais il a en revanche eacuteteacute le moteur de la mise en relation de lrsquoensemble des acteurs de la gestion

internationale des thonideacutes pour une gestion plus rationnelle des ressources Ce rocircle de moteur du

processus de Kobe pour le deacuteveloppement de normes applicables aussi bien aux acteurs publics que

23 Site internet du projet httpwwwcommonoceansorg24 Le projet srsquoappuie notamment sur les eacutetudes reacutealiseacutees par les ateliers techniques du processus de Kobe tel que celui sur les prises acces-soires

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

154

priveacutes en dehors du filtre eacutetatique fait eacutecho aux preacuteconisations drsquoapprofondissement du rocircle drsquoor-

chestration des organisations internationales preacuteconiseacute par Kenneth Abott et Duncan Snidal25 En

effet le processus de Kobe a joueacute le rocircle de catalyseur des acteurs publics et priveacutes concerneacutes par la

question de la gestion durable des ressources thoniegraveres

Agrave ce stade de la reacuteflexion le processus de Kobe en tant que meacutecanisme de coopeacuteration insti-

tutionnelle a permis aux acteurs des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon de deacute-

passer les frontiegraveres de leurs institutions pour mener ensemble une reacuteflexion plus globale sur leur

travail Le processus a tout agrave la fois eacuteteacute vecteur drsquoun dialogue entre les organisations et initiateur de

projets associant lrsquoensemble des acteurs de la gestion internationale des thonideacutes

12 Une circulation des acteurs entre les organisations reacutegionales de gestion des thonideacutes

Le premier mouvement identifieacute au sein du processus de Kobe reste relativement classique dans

le cadre de la coopeacuteration institutionnelle puisque la circulation des acteurs se reacutealise des organisa-

tions reacutegionales de gestion des pecircches du thon dont ils sont issus vers un organe ad hoc creacuteeacute dans le

cadre du meacutecanisme de coopeacuteration Ce mouvement de circulation pourrait ecirctre appreacutehendeacute comme

un mouvement vertical car allant des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon vers

un organe de centralisation Un second mouvement en ce qui concerne les acteurs peut neacuteanmoins

ecirctre identifieacute Ce mouvement est certainement plus parlant quant agrave lrsquoinfluence du processus sur la

deacutefragmentation institutionnelle de la gestion internationale des thonideacutes En effet le processus de

Kobe a eacuteteacute vecteur drsquoune circulation horizontale des acteurs crsquoest agrave dire drsquoune circulation des acteurs

drsquoune organisation reacutegionale de gestion des pecircches du thon vers une autre organisation reacutegionale de

gestion des pecircches du thon

Lors de la premiegravere reacuteunion du processus de Kobe tenue en 2007 les cinq organisations reacutegio-

nales de gestion des pecircches du thon se sont entendues pour faire eacutetat lors de la deuxiegraveme reacuteunion

du processus en 2009 des progregraves reacutealiseacutes en ce qui concerne les lignes de conduite adopteacutees lors de

la premiegravere reacuteunion Chacune des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon a alors eu

lrsquooccasion de noter dans son rapport drsquoeacutevaluation que le processus de Kobe avait permis une par-

ticipation des scientifiques dans drsquoautres organisations reacutegionales que leur organisation drsquoorigine

malgreacute des calendriers difficilement conciliables Cette remarque des organisations reacutegionales de

gestion des pecircches du thon est riche drsquoenseignements Lrsquoabsence de circulation des acteurs nrsquoest pas

neacutecessairement le reacutesultat drsquoune absence de volonteacute Des obstacles simplement logistiques tels que

le chevauchement de calendrier peuvent entraver une telle circulation La rencontre des scienti-

fiques au sein drsquoateliers techniques a toutefois fait naicirctre une volonteacute de circulation chez les acteurs

Le processus de Kobe a de ce point de vue eacutetait un vecteur de la circulation horizontale des experts

25 K W Abbott and D Snidal laquo International Regulation Without International Government Improving International Organization Performance Through Orchestration raquo juin 2010 Disponible aux adresses suivantes httpsssrncomabstract =1487129 or httpdxdoiorg102139ssrn1487129

Sophie GAMBARDELLA

155

scientifiques Dans ce cas de figure la volonteacute de circulation des acteurs est une volonteacute individuelle

agrave lrsquoinitiative de chacun Le mouvement identifieacute est alors un mouvement de circulation horizontale

drsquoacteurs sur initiative individuelle Seule la volonteacute des individus contribue dans cette hypothegravese

agrave une deacutefragmentation institutionnelle Si on reprend les travaux de Kenneth Abbott et Duncan Sni-

dal le processus de Kobe relegraveve de ce point de vue de la laquo vieille gouvernance raquo dans la mesure ougrave

les experts scientifiques qui circulent entre les enceintes sont ceux qui ont eacuteteacute preacutealablement choisi

par les Eacutetats au niveau national Lrsquoexpertise laquo locale raquo ne trouve pas sa place dans ce scheacutema26 Cette

remarque rejoint drsquoailleurs le constat fait preacuteceacutedemment de lrsquoabsence de participation des entre-

prises priveacutees et des professionnels de la pecircche au sein du processus de Kobe Lrsquointeacuterecirct public est

deacutefini par les Eacutetats et lrsquoideacutee de la mise en place de meacutecanismes de reacuteveacutelation de lrsquointeacuterecirct public par le

biais notamment des parties prenantes agrave la gestion des ressources biologiques marines ne semble pas

faire son chemin La gestion internationale des ressources halieutiques reste avant tout une affaire

drsquoEacutetats

Le processus de Kobe a de surcroicirct fait naicirctre une volonteacute collective pour permettre la circula-

tion de certains acteurs Les organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon agrave travers le pro-

cessus de Kobe ont voulu mettre en commun certains moyens de controcircle des pecirccheries thoniegraveres

notamment par la mise en place drsquoune liste commune de navires autoriseacutes agrave pecirccher centraliseacutee au

niveau du processus Le controcircle du respect des deacutecisions prises au sein des organisations reacutegio-

nales de gestion des pecircches du thon est un veacuteritable deacutefi pour les organisations Les moyens pour

dissimuler les fraudes sont nombreux eacutetant donneacute lrsquoeacutetendue sur laquelle se deacuteroulent les activiteacutes de

pecircche Le travail de rationalisation des moyens de controcircle impulseacute au sein du processus de Kobe

a donc eacuteteacute essentiel et a eacuteteacute un vecteur de circulation drsquoun reacuteseau drsquoacteurs particuliers les obser-

vateurs Afin de renforcer la surveillance de lrsquoactiviteacute de pecircche au thon les organisations reacutegionales

ont mis en place un outil de controcircle continu en plus de lrsquoinspection qui demeure elle un moyen de

controcircle ponctuel Agrave lrsquoorigine la mise en place drsquoobservateurs eacutetait exclusivement agrave la charge des

Eacutetats qui devaient faire embarquer des observateurs agrave bord de leurs navires autoriseacutes agrave pecirccher dans

la zone de compeacutetence Le deacuteploiement drsquoobservateurs agrave bord des navires a eacutevidemment pour ob-

jectif de permettre un controcircle de lrsquoactiviteacute pendant son deacuteroulement Toutefois une telle opeacuteration

engage des coucircts suppleacutementaires qui doivent ecirctre supporteacutes soit par la Partie contractante soit di-

rectement par les navires La mise en place drsquoobservateurs reacuteduit donc la rentabiliteacute de lrsquoactiviteacute ce

qui explique le succegraves mitigeacute de cet outil de controcircle Certaines organisations reacutegionales de gestion

des pecircches du thon comme la Commission pour la conservation des thonideacutes de lrsquoAtlantique deacutesi-

reuses de garantir une couverture de surveillance de 100 et conscientes de lrsquoincapaciteacute en termes

de moyens de certaines Parties contractantes agrave deacuteployer un nombre suffisant drsquoobservateurs ont

alors mis en place un programme compleacutementaire drsquoobservateurs reacutegionaux Ces observateurs ne

deacutependent pas des Eacutetats mais de lrsquoorganisation reacutegionale et ils viennent srsquoajouter aux observateurs

traditionnels Lrsquoinitiative des organisations reacutegionales teacutemoigne de leur volonteacute de rendre efficace les

deacutecisions prises et de deacutepasser pour cela les obstacles purement mateacuteriels de certains Eacutetats Lors du

26 K W Abbott and D Snidal laquo Strengthening International Regulation Through Transnational New Governance raquo Vanderbilt Journal of Transnational Law vol 42 2009 pp 528 et 529

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

156

processus de Kobe les organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon ont degraves lors eacuteteacute invi-

teacutees agrave deacutevelopper des accords de maniegravere agrave ce que les observateurs autoriseacutes en haute mer puissent

opeacuterer efficacement dans les diffeacuterents bassins oceacuteaniques couverts par drsquoautres organisations reacutegio-

nales de gestion des pecircches du thon afin drsquoeacuteviter la duplication des observateurs Ces programmes

drsquoobservateurs fournissent les donneacutees requises aux organisations reacutegionales de gestion des pecircches

du thon desquelles deacutependent les zones ougrave se deacuteroulent les opeacuterations de pecircche Dans ce contexte

des reacuteseaux drsquoacteurs drsquoune organisation vont travailler agrave la fois dans les zones couvertes par leur

organisation drsquoorigine mais aussi dans les zones couvertes par drsquoautres organisations reacutegionales de

gestion des pecircches du thon Ces acteurs vont ainsi circuler entre les enceintes internationales afin

de renforcer le controcircle des mesures prises et ainsi leur efficaciteacute Lrsquoobservateur reacutegional peut donc

dans le mecircme temps travailler pour deux enceintes internationales Les frontiegraveres institutionnelles

sont donc ici tregraves flexibles puisqursquoune mise en commun des moyens humains se reacutealise La coopeacutera-

tion interinstitutionnelle est telle qursquoelle efface quasiment par la mise en place drsquoun reacuteseau suprana-

tional drsquoacteurs les cadres institutionnels

Lrsquoanalyse de la coopeacuteration interinstitutionnelle entre organisations reacutegionales de gestion des

pecircches du thon initieacutee par le processus de Kobe laisse entrevoir deux mouvements des acteurs de la

gestion internationale des thonideacutes Un premier mouvement de type vertical qui offre agrave ces acteurs

la possibiliteacute de franchir les frontiegraveres de leurs institutions pour converger vers un lieu commun afin

drsquoengager un dialogue sur le fonctionnement de leurs institutions Ce mouvement offre la possibi-

liteacute malgreacute un contexte institutionnel fragmenteacute de rechercher une coheacuterence globale entendue

comme une logique commune dans la gouvernance internationale des ressources agrave travers une har-

monisation des meacutethodes et des moyens de gestion Le second mouvement est de type horizontal Le

processus de Kobe ouvre alors la voie agrave une circulation des acteurs entre organisations reacutegionales de

gestion des pecircches du thon Lagrave encore une telle circulation de par son action de rationalisation des

moyens œuvre pour une meilleure coheacuterence dans la gouvernance internationale laquo eacuteclateacutee raquo des

ressources thoniegraveres Cette recherche de coheacuterence dans les gestions des ressources thoniegraveres passe

en fait par un rapprochement entre les organisations reacutegionales aussi bien du point de vue institu-

tionnel que normatif Le tissu organisationnel proposeacute par le processus de Kobe est donc un vecteur

de deacutecloisonnement des enceintes internationales de gestion des pecircches mais au-delagrave il est aussi un

vecteur de circulation des normes entre ces enceintes

2) Lrsquoharmonisation de la gestion des activiteacutes de pecircches au sein du processus de Kobeacute comme vecteur de circulation des normes

La coopeacuteration institutionnelle mise en place par le processus de Kobe tendait agrave une mise en

coheacuterence des activiteacutes des cinq organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon Or la recherche

de coheacuterence entre les cinq organisations pouvait reacutepondre agrave trois meacutethodes lrsquoharmonisation

lrsquouniformisation ou encore lrsquounification de leurs normes27 La distinction entre ces trois meacutethodes

27 A Jeammaud laquo Unification uniformisation harmonisation de quoi srsquoagit-il raquo in F OSMAN (Dir) Vers un code europeacuteen de la consom-mation Bruxelles Bruylant 1998 pp 35-55

Sophie GAMBARDELLA

157

consiste en reacutealiteacute en une diffeacuterence de degreacute dans le rapprochement des institutions drsquoun point

de vue mateacuteriel La coordination de lrsquoaction pouvait reacutesider en premier lieu dans une simple

recherche drsquoharmonisation des pratiques de pecircche Dans ce premier cas le rocircle du processus de

Kobe aurait eacuteteacute de laquo (hellip) mettre en concordance ou en correspondance Contrairement agrave lrsquounification et agrave lrsquouniformisation la logique qui preacuteside agrave lrsquoharmonisation nrsquoest pas celle drsquoidentiteacute mais drsquoentente raquo28

Les organisations reacutegionales de gestion des pecircches auraient ainsi pour objectif drsquoassurer qursquoaucun

conflit de normes ne surgisse en matiegravere de gestion et de conservation des ressources entre leurs

zones de compeacutetence En second lieu la coordination de lrsquoaction pouvait reacutepondre agrave la meacutethode

drsquouniformisation du droit Lrsquouniformisation est presque toujours29 entendue comme une meacutethode

se situant agrave un stade intermeacutediaire drsquointeacutegration juridique entre lrsquoharmonisation et lrsquounification

Uniformiser consiste agrave eacutetablir des regravegles identiques afin qursquoelles soient inteacutegreacutees dans des ordres

juridiques distincts Lrsquointeacutegration peut alors faire surgir des divergences dans la mise en œuvre ou

encore dans lrsquointerpreacutetation des regravegles Lrsquouniformisation pose ainsi contrairement agrave lrsquoharmonisation

les jalons drsquoun modegravele vertical agrave sens unique mais respectueux des speacutecificiteacutes des diffeacuterents reacutegimes

juridiques existants Selon cette meacutethode au sein du processus de Kobe auraient eacuteteacute eacutedicteacutees

des mesures communes aux cinq organisations reacutegionales de pecircche Toutefois les organisations

seraient resteacutees libres quant aux moyens de mise en œuvre de ces mesures Enfin lrsquounification

aurait consisteacute agrave gommer toutes les diffeacuterences de leacutegislation agrave deacutefinir un corpus juridique unique

aussi bien formellement que substantiellement agrave fondre lrsquoensemble des reacutegimes juridiques des cinq

organisations pour nrsquoen faire ressortir qursquoun applicable et interpreacutetable de maniegravere unique Au sein

du processus de Kobe il a eacuteteacute fait appel agrave la meacutethode drsquouniformisation pour certaines normes et agrave

la meacutethode drsquoharmonisation pour drsquoautres Le travail drsquoharmonisation a eacuteteacute initieacute degraves 2007 par une

recherche de mise en coheacuterence des meacutethodes de travail Les membres des cinq organisations se sont

particuliegraverement pencheacutes sur la question de lrsquoexpertise scientifique et plus particuliegraverement sur le

format des rapports produits par les comiteacutes scientifiques La volonteacute des organisations reacutegionales

de gestion des pecircches du thon fut de rendre ces rapports plus uniformes et plus accessibles afin de

mieux accompagner les deacutecideurs dans leur travail Ce travail drsquouniformisation des avis scientifiques

a ainsi permis la circulation de certaines normes scientifiques puis de certaines normes techniques

(21) De la mecircme maniegravere lrsquoharmonisation des activiteacutes des cinq organisations reacutegionales de gestion

des pecircches du thon neacutecessitait que ces derniegraveres srsquoappuient sur les mecircmes principes juridiques pour

adopter leurs normes de gestion Degraves lors la recherche drsquoharmonisation des activiteacutes a lagrave aussi eacuteteacute

un vecteur de circulation des normes mais de certaines normes juridiques particuliegraveres (22)

21 La circulation des normes scientifiques et techniques

Le travail de mise en coheacuterence des meacutethodes de gestion des pecirccheries thoniegraveres entre les cinq

organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon a deacuteboucheacute sur deux mouvements distincts

28 S Nadaud Codifier le droit civil europeacuteen Bruxelles Larcier 2008 p 5529 Le Professeur Kamdem considegravere agrave lrsquoinverse que lrsquouniformisation conduirait agrave un degreacute drsquointeacutegration juridique plus pousseacute que lrsquounifi-cation Voir en ce sens I F Kamdem laquo Harmonisation unification et uniformisation Plaidoyer pour un discours affineacute sur les moyens drsquointeacute-gration juridique raquo Revue juridique Theacutemis 2009 vol 43 ndeg 3 pp 605-649

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

158

de circulation des normes Le premier mouvement a consisteacute agrave creacuteer au niveau centraliseacute ndash crsquoest agrave

dire au sein du processus de Kobe ndash une norme scientifique de reacutefeacuterence et agrave la diffuser dans lrsquoen-

semble des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon La circulation srsquoopegravere alors drsquoune

uniteacute centrale vers des uniteacutes en orbite Le second mouvement plus original a consisteacute agrave extraire

une norme drsquoune uniteacute en orbite afin de la faire circuler au sein des autres uniteacutes en utilisant lrsquouniteacute

centrale comme courroie de transmission

En ce qui concerne le premier mouvement celui-ci a notamment concerneacute les avis scientifiques

Degraves la premiegravere reacuteunion mondiale des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon en

2007 le document des Lignes de conduite incluait des recommandations visant agrave standardiser la

preacutesentation des eacutevaluations de stocks et agrave baser les deacutecisions de gestion sur lrsquoavis scientifique y

compris lrsquoapplication de lrsquoapproche de preacutecaution Lrsquoobjectif fut alors de deacuteterminer agrave lrsquoeacutechelle du

processus de Kobe le format standard des avis scientifiques qui serait appliqueacute par les cinq organisa-

tions reacutegionales de gestion des pecircches du thon Plusieurs reacuteunions drsquoexperts des cinq organisations

ont eu lieu pour partager les meilleures pratiques en matiegravere de soumission de lrsquoavis scientifique Au

final il a eacuteteacute recommandeacute agrave lrsquoensemble des organisations drsquoutiliser le mecircme cadre de laquo modeacutelisation

eacutecosysteacutemique spatiale agrave haute reacutesolution raquo car il permettrait de mieux inteacutegrer les caracteacuteristiques

biologiques des stocks de thonideacutes et de leur environnement Par ailleurs il a aussi eacuteteacute convenu que

les reacutesultats des eacutevaluations des stocks dans les cinq organisations reacutegionales de gestion des pecircches

du thon devraient ecirctre preacutesenteacutes selon un format laquo quatre quadrants rouge-jaune-vert raquo deacutesigneacute

sous le nom de Diagramme de Kobe Une meacutethode et un format laquo Kobe raquo ont peu agrave peu vu le jour

Lrsquoeacutetape suivante qui est toujours en cours consistera agrave deacutefinir une laquo matrice de strateacutegie raquo30 crsquoest agrave

dire un format harmoniseacute pour les organes scientifiques des organisations reacutegionales aux fins de la

formulation drsquoun avis Sur la base des objectifs speacutecifieacutes par la Commission pour chaque pecirccherie

cette matrice preacutesentera les mesures de gestion speacutecifiques qui atteindraient lrsquoobjectif de gestion

viseacute avec une certaine probabiliteacute dans un certain deacutelai Le processus de Kobe est alors vecteur de la

circulation des meilleures pratiques au sein des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du

thon Les normes techniques et scientifiques reacutepondant aux critegraveres des meilleures pratiques et no-

tamment agrave la volonteacute de mettre en œuvre lrsquoapproche de preacutecaution et lrsquoapproche eacutecosysteacutemique des

pecircches reccediloivent une sorte de label de qualiteacute laquo Kobe raquo qui assurent leur diffusion dans lrsquoensemble

des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon Ce mouvement de circulation verticale

des normes scientifiques et techniques est primordial pour une meilleure efficaciteacute des systegravemes de

gestion des ressources dans la mesure ougrave il permet de lancer la reacuteflexion sur la maniegravere de renforcer

lrsquoaide agrave la deacutecision Lrsquouniformisation des rapports scientifiques produits par les comiteacutes scientifiques

des organisations reacutegionales facilitera neacutecessairement leur appreacutehension par les deacutecideurs

En ce qui concerne le second mouvement le processus de Kobe a pu faire office de courroie de

transmission de certaines normes techniques drsquoune organisation reacutegionale de gestion des pecircches du

30 Pour davantage drsquoinformations sur le diagramme de Kobe et la matrice de strateacutegie voir Rapport de la deuxiegraveme reacuteunion conjointe des organisations reacutegionales de gestion des pecircches de thonideacutes (ORGP) Saint-Seacutebastien Espagne 29 juin ndash 3 juillet 2009 Appendice 1

Sophie GAMBARDELLA

159

thon vers les autres organisations Par exemple lors de la seconde reacuteunion du processus de Kobe

tenue en 2010 il a eacuteteacute constateacute que certaines organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon

nrsquoavaient pas eacutetabli de normes en ce qui concerne le format les contenus la structure et la freacutequence

des messages VMS (vessel monitoring system) Le domaine des pecircches srsquoest en effet approprieacute un

outil de surveillance conccedilu agrave lrsquoorigine par lrsquoOrganisation internationale de teacuteleacutecommunications ma-

ritimes par satellite (Inmarsat) et lrsquoOrganisation maritime internationale (OMI) pour renforcer la

seacutecuriteacute en mer31 Cet outil appeleacute systegraveme de surveillance des navires (VMS) permet une surveil-

lance par satellite de la position des navires Les capitaines de navires doivent geacuteneacuteralement fournir

au centre de controcircle des pecircches de lrsquoEacutetat de leur pavillon lrsquoidentification du navire sa position

geacuteographique la date et lrsquoheure de la position geacuteographique transmise ainsi que pour les navires

inscrits sur la liste des navires autoriseacutes agrave pecirccher dans la zone de compeacutetence en question la vitesse

et le cap suivi Cette seacuterie drsquoinformations doit ecirctre transmise de maniegravere reacuteguliegravere selon une freacute-

quence imposeacutee Or lrsquoabsence de standards sur le format des messages transmis ne facilite pas leur

lecture et leur analyse et donc le controcircle des activiteacutes en mer Neacuteanmoins plutocirct que de reacutefleacutechir en

commun agrave une uniformisation de cette technique de controcircle au sein du processus de Kobe le choix

a eacuteteacute fait de diffuser les bonnes pratiques existantes en la matiegravere Le format retenu par la Commis-

sion internationale des thonideacutes de lrsquoAtlantique a eacuteteacute transmis aux autres organisations reacutegionales

de gestion des pecircches du thon en tant que modegravele agrave suivre au sein de leurs propres enceintes32 Un

an plus tard la Commission pour la conservation du thon rouge du sud a ainsi adopteacute le mecircme mo-

degravele de VMS que la Commission internationale pour la conservation des thonideacutes de lrsquoAtlantique Le

processus de Kobe nrsquoest alors plus geacuteneacuterateur de la norme scientifique ou technique qui doit circuler

il se contente de la choisir puis de la veacutehiculer La logique consiste agrave consideacuterer que la mise en coheacute-

rence des activiteacutes des cinq organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon ne neacutecessite pas

toujours de revenir sur le travail deacutejagrave opeacutereacute par les organisations reacutegionales Au contraire lorsque

certains meacutecanismes ont fait leurs preuves au sein drsquoune de ces organisations reacutegionales le proces-

sus de Kobe ne sert qursquoagrave permettre la diffusion de ces pratiques au sein de lrsquoensemble des organisa-

tions reacutegionales de gestion des pecircches du thon Le mouvement est alors un mouvement de circula-

tion indirectement horizontale puisque la norme passe avant sa diffusion au sein des quatre autres

organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon par le processus de Kobe Il faut par ailleurs

noter qursquoen pratique les normes techniques et scientifiques diffuseacutees sont majoritairement celle de

la Commission internationale des thonideacutes de lrsquoAtlantique Mecircme si elle nrsquoest pas la plus ancienne

des cinq organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon impliqueacutees dans le processus de

Kobe cette commission a reacutealiseacute un travail consideacuterable depuis de nombreuses anneacutees notamment

suite agrave lrsquoeffondrement des stocks de thon rouge de lrsquoAtlantique Est et de la Meacutediterraneacutee Elle a degraves

lors deacuteveloppeacute une pratique conseacutequente qui est mise en exergue par le processus de Kobe En ce

31 Cet outil a eacuteteacute mis en place dans les anneacutees 80 Pour plus drsquoinformations en ce sens voir Comiteacute des pecircches de la FAO Ameacuteliorer lrsquoeffi-caciteacute du suivi du controcircle et de la surveillance des navires de pecircche Document de la 25egraveme session du Comiteacute des pecircches tenu agrave Rome du 24 au 28 feacutevrier 2003 COFI20034 disponible agrave lrsquoadresse suivante httpwwwfaoorgDOCREPMEETING005Y8216Fhtm32 Recommandation [07-08] de lrsquoICCAT Recommandation de lrsquoICCAT concernant un format et un protocole drsquoeacutechange des donneacutees en ce qui concerne le systegraveme de surveillance des navires (VMS) dans la zone de la convention ICCAT pour la pecircche du thon rouge entreacutee en vigueur le 4 juin 2008

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

160

qui concerne les normes scientifiques et techniques le choix de lrsquouniformatisation a eacuteteacute fait au sein

du processus de Kobe pour assurer la coheacuterence de lrsquoaction entre les cinq organisations reacutegionales

Enfin il est inteacuteressant de noter que les travaux scientifiques reacutealiseacutes lors des ateliers interses-

sions mis en place par le processus de Kobe ont eux aussi vocation agrave circuler en dehors des enceintes

de gestion des pecircches et agrave ecirctre citeacutes comme moyen de preuve En effet dans la reacutecente affaire Eacutetats-Unis mdash Mesures concernant lrsquoimportation la commercialisation et la vente de thon et de produits du thon porteacutee devant lrsquoorgane de regraveglement des diffeacuterends de lrsquoOMC le Mexique pour deacutemontrer que

les meacutethodes de pecircche au thon autres que lrsquoencerclement des dauphins pouvaient avoir des effets neacute-

fastes sur ces derniers srsquoest appuyeacute sur de nombreuses eacutetudes dont des eacutetudes preacutesenteacutees lors de la

deuxiegraveme reacuteunion du processus de Kobe33 Les organes ad hoc du processus de Kobe sont ainsi creacutea-

teurs drsquoune litteacuterature qui circule au-delagrave des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon

dans des enceintes qui srsquoinscrivent davantage dans un laquo complexe de reacutegimes raquo34 Le processus de

Kobe apparaicirct degraves lors lagrave encore comme un vecteur de deacutecloisonnement des enceintes internatio-

nales et un moteur pour la circulation des normes techniques et scientifiques mais aussi juridiques

22 La circulation de normes juridiques

Le processus de Kobe nrsquoa pas vocation agrave ecirctre creacuteateur de normes juridiques neacuteanmoins il a

permis de mettre lrsquoaccent sur les carences des Eacutetats en termes de ratification des principaux textes

relatifs agrave la gestion des ressources halieutiques Quatre des cinq organisations reacutegionales de gestion

des pecircches du thon du processus de Kobe ont par exemple eacuteteacute eacutetablies avant lrsquoadoption de lrsquoAccord aux fins de lrsquoapplication des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 deacutecembre 1982 relatives agrave la conservation et agrave la gestion des stocks de poissons dont les deacuteplacements srsquoeffectuent tant agrave lrsquointeacuterieur qursquoau-delagrave de zones eacuteconomiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs (Ci-apregraves UNFSA)35 Toutefois leur rocircle est consideacuterablement

renforceacute dans lrsquoUNFSA et les organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon sont actuel-

lement consideacutereacutees comme laquo le raquo meacutecanisme opportun pour reacutepondre aux objectifs eacutetablis dans

la Convention sur le droit de la mer aux fins de la coopeacuteration en matiegravere de gestion des stocks de

poissons grands migrateurs Pourtant le nombre drsquoEacutetats parties agrave lrsquoUNFSA parmi les membres des

organisations reacutegionales thoniegraveres par rapport au nombre total des membres nrsquoest pas eacuteleveacute comme

le reacutevegravele le tableau suivant

33 ORD Etats-Unis ndash Mesures concernant lrsquoimportation la commercialisation et la vente de thon et de produits du thon Rapport du groupe speacutecial du 14 avril 2015 affaire ndeg DS381 sect713234 Sur la notion de laquo complexe de reacutegimes raquo voir notamment K Raustiala DG Victor laquo The regime complex for plant genetic resources raquo International Organization vol 58 2004 pp 277-309 R O Keohane D G Victor laquo The Regime Complex for Climate Change raquo Perspec-tives on Politics vol 9 ndeg 1 mars 2011 pp 7-23 A Orsini J-F Morin O Young laquo Regime Complexes A Buzz a Boom or a Boost for Global Governance raquo Global Governance A Review of Multilateralism and International Organizations January-March 2013 vol 19 ndeg 1 pp 27-3935 Accord aux fins de lrsquoapplication des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 deacutecembre 1982 relatives agrave la conservation et agrave la gestion des stocks de poissons dont les deacuteplacements srsquoeffectuent tant agrave lrsquointeacuterieur qursquoau-delagrave de zones eacuteconomiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs adopteacute le 4 aoucirct 1995 agrave New York et entreacute en vigueur le 11 deacutecembre 2001 RTNU vol 2167 p 3

Sophie GAMBARDELLA

161

Ratifications de lrsquoUNFSA par les Eacutetat membres des cinq organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon du Processus de Kobe

CCSBT IATTC ICCAT IOTC WCPFC

26 916 2748 1128 426

Neacuteanmoins cela nrsquoa pas empecirccheacute les organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon

drsquoutiliser de nombreux critegraveres pour les eacutevaluations des performances extraits des principes eacutetablis

dans lrsquoUNFSA Depuis lrsquoadoption de lrsquoUNFSA les organisations reacutegionales de gestion des pecircches du

thon ont eacutegalement souvent utiliseacute lrsquoAccord comme base juridique des mesures de conservation et de

gestion des stocks relevant de leur mandat notamment en mettant en œuvre lrsquoapproche de preacutecaution

qui a eacuteteacute rappeleacutee tout au long du processus de Kobe Les organisations reacutegionales de gestion des

pecircches du thon dans leurs rapports respectifs de mise en œuvre des lignes de Kobe ont toutes noteacute

leurs efforts pour lrsquoapplication effective de lrsquoapproche de preacutecaution et de lrsquoapproche eacutecosysteacutemique

alors mecircme que les Eacutetats nrsquoont pas ratifieacute le texte La diffusion de lrsquoapproche eacutecosysteacutemique est tregraves

inteacuteressante car elle ne trouve pas ses origines dans des textes relatifs agrave la pecircche Lrsquoapproche classique

de gestion et de conservation des ressources halieutiques consiste agrave proceacuteder agrave une reacutegulation de la

pecircche stock par stock sans eacutegard aux relations qursquoentretiennent ces derniers avec drsquoautres espegraveces

et drsquoautres stocks Or la Convention sur la diversiteacute biologique a ancreacute la notion drsquoeacutecosystegraveme dans

le droit international de lrsquoenvironnement et a ainsi changeacute lrsquoapproche de la protection des espegraveces

Selon cette Convention un eacutecosystegraveme doit ecirctre entendu comme laquo le complexe dynamique formeacute de communauteacutes de plantes drsquoanimaux et de micro-organismes et de leur environnement non vivant qui par leur interaction forment une uniteacute fonctionnelle raquo36 Partant de cette deacutefinition lrsquoapproche

eacutecosysteacutemique serait donc celle qui permettrait une gestion et une conservation des espegraveces qui

tiennent compte des interactions que ces derniegraveres ont avec le milieu et les autres espegraveces qui y

vivent Le Code de conduite pour une pecircche responsable est le premier texte en droit international de la

pecircche qui sensibilise les Eacutetats agrave cette ideacutee drsquointeraction entre les espegraveces Cette ideacutee drsquoapproche non

plus par stock mais bien par eacutecosystegraveme a par ailleurs eacuteteacute clairement affirmeacutee lors de la Confeacuterence

de Reykjavik sur une pecircche responsable dans lrsquoeacutecosystegraveme marin en 200137 Le processus de Kobe a

donc encourageacute la circulation au sein des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon drsquoune

norme juridique extraite du droit international de lrsquoenvironnement et donc en dehors du champ du

droit de la pecircche Le mouvement est ici drsquoautant plus inteacuteressant qursquoil consiste agrave extraire une norme

juridique du complexe de reacutegimes juridiques dans lequel srsquoinscrivent les organisations reacutegionales

de gestion des pecircches du thon pour la diffuser de maniegravere verticale au sein de ces organisations Le

36 Article 2 de la Convention sur la diversiteacute biologique adopteacutee agrave Rio le 5 juin 1992 et entreacutee en vigueur le 29 deacutecembre 1993 RTNU vol 1760 p 7937 La Confeacuterence de Reykjavik sur une pecircche responsable dans lrsquoeacutecosystegraveme marin qui srsquoest tenue du 1er au 4 octobre 2001 a eacuteteacute reacuteunie agrave lrsquoinitiative du gouvernement islandais et de la FAO et a deacuteboucheacute sur une deacuteclaration qui met au cœur de la gestion et de la conservation des ressources de la mer la notion drsquoeacutecosystegraveme

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

162

processus de Kobe joue lagrave encore le rocircle de courroie de transmission pour la diffusion de normes en

lrsquooccurrence juridiques

Par ailleurs lors de la deuxiegraveme reacuteunion du processus de Kobe les membres des organisations

reacutegionales de gestion des pecircches du thon ont eacuteteacute encourageacutes agrave envisager la signature et la ratification

de lrsquoAccord de la FAO sur les mesures du ressort de lrsquoEacutetat du port le plus tocirct possible Le cas eacutecheacuteant

les organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon ont eacuteteacute inviteacutees agrave adopter des mesures

de controcircle du ressort de lrsquoEacutetat du port qui soient conformes agrave lrsquoAccord de la FAO sur les mesures du ressort de lrsquoEacutetat du port38 et qui tiennent compte des caracteacuteristiques et circonstances speacutecifiques de

chaque organisation reacutegionale Le processus de Kobe sans ecirctre creacuteateur de normes permet lagrave en-

core une circulation de normes drsquoune enceinte internationale vers les cinq organisations reacutegionales

de gestion des pecircches du thon qui ont pris part au processus Comme cela est fait pour les normes

scientifiques et techniques une recherche est meneacutee dans les textes internationaux pour extraire les

meilleures pratiques afin de les diffuser au sein des organisations reacutegionales de gestion des pecircches

du thon Par ce biais des textes internationaux qui pourraient rester lettre morte en raison drsquoun

nombre de ratification insuffisant pour entrer en vigueur trouvent agrave ecirctre mis en œuvre par le biais

des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon Le meacutecanisme est ici tregraves inteacuteressant

dans la mesure ougrave le processus de Kobe permet au final de contourner les difficulteacutes qursquoimpose le

volontarisme eacutetatique agrave lrsquoeacutechelle universelle en enracinant les normes dans le paysage de la gestion

des thonideacutes agrave travers lrsquoeacutechelle reacutegionale

Le processus de Kobe permet ainsi drsquoidentifier les normes essentielles pour une gestion ration-

nelle des ressources de mettre en exergue les pratiques au sein des organisations reacutegionales de ges-

tion des pecircches du thon en ce sens et drsquoappuyer la mise en œuvre systeacutematique de ces normes Il serait

alors possible de se demander si le processus de Kobe ne procegravede pas finalement agrave la reconnaissance

de normes juridiques coutumiegraveres Cette voie de reacuteflexion ouvrirait de larges perspectives pour une

meilleure gestion des ressources dans la mesure ougrave mecircme en lrsquoabsence de ratification par ses Eacutetats

membres des textes internationaux affirmant la neacutecessiteacute de mettre en œuvre lrsquoapproche de preacutecau-

tion ou lrsquoapproche eacutecoysteacutemique des pecircches les organisations reacutegionales de gestion des pecircches du

thon seraient tenues de prendre leurs deacutecisions de gestion rationnelle selon ces standards Reste agrave se

demander si les Eacutetats accepteraient drsquoapprouver de telles normes de maniegravere systeacutematique au sein

des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon A lrsquoheure actuelle lrsquoaction du processus

de Kobe dans le deacuteveloppement des normes juridiques internationales au sein de reacutegimes juridiques

distincts srsquoinscrit dans la droite ligne des preacuteconisations faites par Kenneth Abbott et Duncan Snidal

pour renforcer le rocircle drsquoorchestration des organisations internationales39 Toutefois le processus de

Kobe peut difficilement ecirctre conccedilu comme une organisation internationale dans la mesure ougrave son

38 Accord sur les mesures du ressort de lrsquoEacutetat du port visant agrave preacutevenir contrecarrer et eacuteliminer la pecircche illicite non deacuteclareacutee et non reacuteglemen-teacutee adopteacutee par la Reacutesolution nordm 122009 du 22 novembre 2009 lors de la 36egraveme session de la Confeacuterence de la FAO tenue agrave Rome du 18 au 23 novembre 2009 et pas encore entreacute en vigueur39 K W Abbott and D Snidal laquo International Regulation Without International Government Improving International Organization Performance Through Orchestration raquo juin 2010 Disponible aux adresses suivantes httpsssrncomabstract =1487129 or httpdxdoiorg102139ssrn1487129

Sophie GAMBARDELLA

163

institutionnalisation nrsquoest pas durable ni permanente il srsquoagit davantage drsquoun cycle de reacuteunions

dont la reacutecurrence est fonction du besoin des cinq organisations reacutegionales Le processus de Kobe ne

vient pas remettre en question le formalisme juridique inheacuterent au droit international puisqursquoil se

contente de diffuser et non drsquoimposer la norme juridique Seule une reacuteception de cette norme au sein

des organisations reacutegionales par le biais du formalisme juridique attendu permettra de doter cette

norme de force obligatoire au sein du reacutegime juridique mis en place par lrsquoorganisation reacutegionale de

gestion des pecircches concerneacutee

Le processus de Kobe est un tissu organisationnel tout agrave fait atypique dans la mesure ougrave il se situe

entre le modegravele pyramidal et le modegravele en reacuteseau Il srsquoinscrit dans le reacuteseau creacuteeacute par la multiplication

des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon sans ecirctre pour autant une laquo super raquo or-

ganisation reacutegionale de gestion des pecircches du thon mais tout en travaillant pour une meilleure co-

heacuterence de la gouvernance internationale des thonideacutes De ce point de vue le processus de Kobe ne

srsquoinscrit pas dans un processus de constitutionnalisme mondial Au contraire il permet de prendre

acte du pluralisme juridique existant et de chercher agrave lrsquoagencer le mieux possible Pour parvenir agrave

cet objectif la recherche de permeacuteabiliteacute des frontiegraveres institutionnelles semble indispensable Deux

mouvements de circulation se sont deacutegageacutes tout au long de cette eacutetude aussi bien en ce qui concerne

les acteurs que les normes un mouvement vertical du processus de Kobe vers les organisations reacute-

gionales de gestion des pecircches du thon et un mouvement horizontal entre organisations reacutegionales

de gestion des pecircches du thon mais dans lequel le processus de Kobe joue le rocircle de courroie de trans-

mission Puis un troisiegraveme mouvement plus surprenant nous est apparu par lequel soit des infor-

mations circulaient du processus de Kobe vers des enceintes autres que les organisations reacutegionales

de gestion des pecircches du thon soit des normes eacutetaient extraites drsquoenceintes autres que les organisa-

tions reacutegionales de gestion des pecircches du thon pour ecirctre diffuseacutees au sein de ces organisations Le

processus de Kobe se preacutesente degraves lors comme une interface entre les diffeacuterentes institutions une

plateforme par laquelle normes et acteurs transitent en douceur vers drsquoautres enceintes La coopeacute-

ration institutionnelle est certainement un vecteur de circulation dans la mesure ougrave elle mobilise les

acteurs elle permet leur rencontre et stimule une dynamique Le deacutecloisonnement des institutions

internationales dans un contexte de fragmentation institutionnelle tel que celui de la gouvernance

internationale des ressources halieutiques peut ecirctre impulseacute par la mise en place de ce type de tis-

su organisationnel mais il faut neacuteanmoins garder agrave lrsquoesprit que la creacuteation de ce type de processus

marque lrsquoexistence drsquoune volonteacute preacutealable des enceintes internationales de coopeacuterer et de partager

Il reste que les reacutesultats du processus de Kobe semblent aller au-delagrave de lrsquoobjectif initial de mise en

coheacuterence des pratiques dans la mesure ougrave les frontiegraveres institutionnelles gagnent en permeacuteabiliteacute

Agrave travers le processus de Kobe il apparaicirct que la fragmentation de la gouvernance du droit in-

ternational de lrsquoenvironnement nrsquoest probleacutematique que dans une vision purement constitutionna-

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

164

liste ou pyramidale du droit rassurante en terme de seacutecuriteacute juridique Toutefois la physionomie en

reacuteseau de la gouvernance du droit international de lrsquoenvironnement nrsquoest pas pour autant synonyme

drsquoabandon de la seacutecuriteacute juridique degraves lors que le formalisme juridique nrsquoest pas complegravetement

eacutecarteacute au profit drsquoune approche uniquement instrumentale du droit Le rocircle de processus tels que le

processus de Kobe ne doit alors pas ecirctre reacuteduit agrave un simple rocircle drsquo laquo orchestration raquo40 des reacutegimes ju-

ridiques existants dans la mesure ougrave il est aussi porteur de valeurs de principes permettant drsquoordon-

ner les diffeacuterents ensembles normatifs tout en srsquoinscrivant dans le formalisme juridique classique

du droit international Le processus de Kobe ne nous invite pas agrave deacutepasser le volontarisme eacutetatique

au profit drsquoune sorte de tyrannie de lrsquoefficaciteacute normative Au contraire il mobilise au sein de lrsquoordre

juridique existant les leviers permettant de faire aboutir le volontarisme eacutetatique De ce point de vue

lagrave le processus de Kobe reacutepond davantage agrave la position des auteurs du laquo pluralisme ordonneacute raquo41 qursquoagrave

ceux du pluralisme laquo manageacuterial raquo Pourquoi refuser alors de srsquoaffranchir du formalisme juridique si

un tel deacutetachement permet drsquoobtenir un droit plus efficace Certainement parce que dans un ren-

foncement de notre esprit de juriste nous ne pouvons pas nous deacutefaire de lrsquoideacutee que nous devons

toujours veiller agrave la seacutecuriteacute juridique qui nous protegravege de la volatiliteacute des contextes eacuteconomiques

et politiques Or le formalisme juridique demeure un des garants de la seacutecuriteacute juridique Le forma-

lisme juridique preacuteconiseacute ne doit cependant pas ecirctre un preacutetexte pour rendre le droit impermeacuteable

aux autres disciplines Le droit doit au contraire accueillir se nourrir des autres disciplines pour ecirctre

performant mais aussi dans le mecircme temps srsquoen eacuteloigner pour ne pas perdre son identiteacute propre

La fragmentation de la gouvernance du droit international de lrsquoenvironnement invite degraves lors agrave

un subtil jeu drsquoeacutequilibre entre ouverture et fermeture des systegravemes juridiques agrave drsquoautres normes agrave

drsquoautres acteurs agrave une mise en tension constante entre vision reacutealiste du droit et vision formaliste

de celui-ci

La gouvernance fragmenteacutee est une gouvernance riche car plurielle en termes de nature des

acteurs et des normes drsquoinfluences culturelles et eacuteconomiques Cette pluraliteacute est sans conteste un

reacuteservoir de potentialiteacutes pour une meilleure protection de lrsquoenvironnement mondial Toutefois il

srsquoagit drsquoun objet complexe qui ne peut ecirctre simplifieacute en un seul modegravele en un seul cadre en un seul

courant theacuteorique Une telle reacuteduction de sa complexiteacute simplifierait le travail de lrsquoanalyste mais ris-

querait de priver la gouvernance fragmenteacutee de sa pluraliteacute et donc de ses potentialiteacutes

40 Ibid41 M Delmas-Marty Les forces imaginantes du droit (II) - Le Pluralisme ordonneacute Paris Seuil 2006 324 p

Sophie GAMBARDELLA

165

chapitre 3La transparence de la finance climat de la circulation du principe agrave la circulation de ses modaliteacutes drsquoapplication

Anne-Sophie Tabau1

Reacutesumeacute

Cette contribution deacutemontre que les efforts en faveur de la circulation du principe de trans-

parence de la finance climat induisent des effets ambivalents dans la mesure ougrave srsquoils favorisent la

preacutecision de ses modaliteacutes drsquoapplication en apportant une reacuteponse aux deacutefis techniques de la trans-

parence de la finance climat voire au-delagrave de la finance climat ils aboutissent eacutegalement agrave deacuteplacer

le centre de graviteacute de la gouvernance dans ce domaine du reacutegime climat entendu au sens strict vers

un complexe de reacutegimes au peacuterimegravetre moins deacutefini sous-estimant peut-ecirctre les enjeux politiques et

sociaux de cette question ce qui est de nature agrave soulever des interrogations en termes de leacutegitimiteacute

et de responsabiliteacute (accountability)

Introduction

Le reacutegime international de lutte contre les changements climatiques tel qursquoil srsquoest deacuteveloppeacute au

titre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et du

Protocole de Kyoto (PK) a constitueacute le support drsquoun effort de transparence particuliegraverement sophis-

tiqueacute

De maniegravere geacuteneacuterale la notion de laquo transparence raquo apparaicirct degraves lrsquoadoption de la CCNUCC mais

de faccedilon relativement borneacutee laquo Le meacutecanisme financier est constitueacute sur la base drsquoune repreacutesenta-

tion eacutequitable et eacutequilibreacutee de toutes les Parties dans le cadre drsquoun systegraveme de gestion transparent raquo2

En vertu du Protocole de Kyoto le concept est de nouveau utiliseacute mais cette fois-ci en lien avec les

informations que les parties viseacutees agrave lrsquoannexe I (pays deacuteveloppeacutes) doivent communiquer pour faire

eacutetat des mesures adopteacutees en vue drsquoatteindre leur objectif de reacuteduction drsquoeacutemission de gaz agrave effet de

serre (GES) (communications nationales)3 et permettre drsquoeacutevaluer leur niveau drsquoeacutemission de GES (in-

ventaires)4 ou encore pour garantir le bon fonctionnement du meacutecanisme pour un deacuteveloppement

propre5 La notion ne sera toutefois deacutefinie qursquoen 1999 dans une deacutecision de la COP speacutecifiquement

1 Professeur de droit public Universiteacute de la Reacuteunion membre du CRJ et membre associeacutee du CERIC2 Article 11 CCNUCC3 Art 2(1)(b) laquo Chacune des Parties viseacutees agrave lrsquoannexe I pour srsquoacquitter de ses engagements chiffreacutes en matiegravere de limitation et de reacuteduc-tion preacutevus agrave lrsquoarticle 3 de faccedilon agrave promouvoir le deacuteveloppement durable (hellip) coopegravere avec les autres Parties viseacutees pour renforcer lrsquoefficaciteacute individuelle et globale des politiques et mesures adopteacutees (hellip) A cette fin ces Parties prennent des dispositions en vue de partager le fruit de leur expeacuterience et drsquoeacutechanger des informations sur ces politiques et mesures notamment en mettant au point des moyens drsquoameacuteliorer leur comparabiliteacute leur transparence et leur efficaciteacute raquo Nous soulignons4 Art 3 (4) la COPMOP devra arrecircter des lignes directrices en matiegravere drsquoinventaires de GES compte tenu de la laquo neacutecessiteacute de communi-quer des donneacutees transparentes et veacuterifiables raquo5 Art 12(7) laquo La Confeacuterence des Parties agissant comme reacuteunion des Parties au preacutesent Protocole eacutelabore agrave sa premiegravere session des mo-daliteacutes et des proceacutedures visant agrave assurer la transparence lrsquoefficaciteacute et la responsabiliteacute gracircce agrave un audit et agrave une veacuterification indeacutependants des

La transparence de la finance climat

166

relative aux inventaires drsquoeacutemissions de GES laquo La transparence signifie que les hypothegraveses et les

meacutethodes utiliseacutees pour un inventaire doivent ecirctre clairement expliqueacutees afin que celui-ci puisse ecirctre

facilement reconstitueacute et eacutevalueacute par les utilisateurs des donneacutees notifieacutees La transparence des inven-

taires est indispensable au bon deacuteroulement du processus de communication et drsquoexamen des infor-

mations raquo6

Jusqursquoagrave reacutecemment cet effort de transparence ne concernait toutefois pas veacuteritablement la fi-

nance deacutedieacutee agrave la lutte contre les changements climatiques Ccedila nrsquoest en effet qursquoagrave partir du Plan

drsquoaction de Bali (2007) que lrsquoaccent a reacuteellement eacuteteacute mis sur la neacutecessiteacute de rendre la finance climat

laquo mesurable rapportable et veacuterifiable raquo (MRV) dans un contexte de renforcement de lrsquoambition

et drsquoeacutelargissement du reacutegime international de lutte contre les changements climatiques Lors de la

Confeacuterence de Copenhague de 2009 lrsquoengagement collectif des pays deacuteveloppeacutes de fournir aux pays

en deacuteveloppement un soutien financier de lrsquoordre de 100 milliards de dollars par an drsquoici 2020 nrsquoa fait

qursquoaccentuer les attentes en termes de transparence dans ce domaine

Si la neacutecessiteacute drsquoune transparence accrue de la finance climat a eacuteteacute justifieacutee au cours des neacutego-

ciations internationales afin drsquoen favoriser lrsquoeffectiviteacute et agrave lrsquoefficaciteacute cette question est au cœur

drsquoenjeux politiquement sensibles Au-delagrave du neacutecessaire laquo renforcement des capaciteacutes raquo de certains

pays pour leur permettre de participer agrave lrsquoeffort collectif (que ce soit en termes drsquoatteacutenuation drsquoadap-

tation ou de transparence de leur action) des consideacuterations drsquoeacutequiteacute ou encore de justice clima-

tique soulegravevent de deacutelicates interrogations sur la preacutevention et la reacuteparation des dommages lieacutes aux

changements climatiques vis-agrave-vis desquelles la finance climat nrsquoest forceacutement pas eacutetrangegravere

Sous lrsquoimpulsion de certaines parties7 le concept de transparence figure deacutesormais en bonne

place au sein de lrsquoAccord de Paris Un article speacutecifique y est consacreacute (Article 13) qui concerne agrave

la fois les actions des parties et le soutien fourni Or la mise en œuvre de cet article ne soulegravevera

pas les mecircmes difficulteacutes dans un cas et dans lrsquoautre En effet la transparence des actions des par-

ties pourra srsquoappuyer sur les lignes directrices deacuteveloppeacutees au titre du PK quitte agrave en permettre une

application plus flexible de maniegravere agrave tenir compte de lrsquoeacutelargissement des acteurs concerneacutes par cet

effort de transparence notamment pour y inclure les parties qui nrsquoeacutetaient pas viseacutees par lrsquoannexe I

du PK et de la CCNUCC En revanche les lignes directrices en matiegravere de transparence du soutien

et en particulier du soutien financier restent encore tregraves largement agrave construire

Les lignes directrices encadrant la soumission des rapports des parties en matiegravere de finance

climat adopteacutees lors des confeacuterences de Cancun en 2010 et de Durban en 2011 ont certes preacutevu que

les pays industrialiseacutes fournissent des informations sur les soutiens financiers verseacutes aux pays en

deacuteveloppement tandis que ces derniers eacutetaient eacutegalement inviteacutes agrave faire eacutetat du soutien financier

reccedilu ou encore neacutecessaire Toutefois lrsquoencadrement international est resteacute tregraves faible si bien qursquoen

pratique les informations communiqueacutees agrave ce jour varient nettement entre les parties

Neacuteanmoins ce systegraveme maintenu au titre de lrsquoAccord de Paris a vocation agrave ecirctre ameacutelioreacute au fil

du temps En effet la Confeacuterence de Cancun a eacutegalement mis en place le Comiteacute permanent sur le

activiteacutes raquo 6 FCCCCP19997 p 4 Nous soulignons7 Breacutesil Chine Inde Japon UE Suisse au nom du Groupe de lrsquointeacutegriteacute environnementale - FCCCADP2012MISC3

Anne-Sophie TABAU

167

financement (Standing committee on finance - SCF) avec pour mandat renouveleacute lors de la COP 218

de renforcer le systegraveme de MRV de la finance climat notamment en proceacutedant agrave lrsquoestimation peacuterio-

dique et globale des flux financiers dans ce domaine agrave partir de toutes les sources drsquoinformations

disponibles

Or les travaux conduits jusqursquoagrave preacutesent dans le cadre du SCF ont deacutemontreacute qursquoun important

degreacute drsquoincertitude demeurait dans ce domaine9 En effet la gouvernance de la finance climat est

tregraves fragmenteacutee en deacutepit de la mise en place du Fonds vert pour le climat (FVC) destineacute agrave la centra-

liser autant que possible10 Elle fait de surcroicirct intervenir une grande varieacuteteacute drsquoentiteacutes de natures

diverses et agrave diffeacuterents niveaux Crsquoest drsquoautant plus vrai que pour lrsquoheure les parties ne sont pas par-

venues agrave srsquoentendre sur une deacutefinition commune de la laquo finance climat raquo Les deacutebats qui opposent

les deacutebiteurs et les beacuteneacuteficiaires de ce soutien financier concernent en particulier le caractegravere public

etou priveacute de la finance prise en compte son caractegravere laquo nouveau et additionnel raquo notamment par

rapport agrave lrsquoaide publique au deacuteveloppement ainsi que lrsquoattribution de cette finance agrave lrsquoatteacutenuation

ou agrave lrsquoadaptation

Pour autant diverses meacutethodologies de laquo traccedilage raquo de la finance climat ont eacutemergeacute notamment

dans le cadre drsquoune initiative commune des banques multilateacuterales de deacuteveloppement mais aussi

des travaux de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) Plusieurs

organisation non gouvernementales (ONG) ou think tanks se sont eacutegalement pencheacutees sur la ques-

tion Le rapport publieacute en octobre 2015 par lrsquoOCDE (en collaboration avec le think tank Climate poli-cy initiative) sur la base drsquoinformations communiqueacutees par les principaux pays contributeurs et les

institutions financiegraveres agrave la demande de la preacutesidence peacuteruvienne de la COP 20 et de la preacutesidence

franccedilaise de la COP 21 tend mecircme agrave deacutemontrer que cet exercice de transparence a deacutesormais prin-

cipalement lieu en dehors de la CCNUCC sans pour autant fonctionner de maniegravere autonome vis-

agrave-vis des neacutegociations multilateacuterales ayant conduit agrave lrsquoadoption de lrsquoAccord de Paris ou de celles qui

devront avoir lieu pour en permettre la mise en œuvre

Ce constat teacutemoigne drsquoune circulation normative qursquoil srsquoagit de mieux comprendre Dans cette

perspective deux clarifications seacutemantiques doivent drsquoembleacutee ecirctre opeacutereacutees

Tout drsquoabord il est neacutecessaire de concevoir la transparence de la finance climat comme une

laquo meacutetanorme raquo11 afin de ne pas baser lrsquoanalyse sur une notion trop eacutetroite qui conduirait agrave exclure

certains espaces juridiques sous un preacutetexte rigide et purement formel lieacute agrave lrsquoabsence drsquoappellation

mot pour mot Neacuteanmoins il faut aussi admettre que cette laquo ouverture raquo preacutesente ses propres li-

mites dans la mesure ougrave tant la nature juridique que le contenu de cette laquo meacutetanorme raquo peut precircter

agrave discussion12 Ainsi le recours agrave la notion apparemment geacuteneacuterique de laquo transparence raquo correspond

en reacutealiteacute agrave la prise en compte drsquoideacutees reccedilues agrave propos de la bonne administration la confiance la

8 Deacutecision 1CP21 sect649 Voir en particulier SCF Biennial Assessment and Overview of Climate Finance Flows report 201410 Voir le diagramme (non exhaustif) de lrsquoarchitecture globale de la finance climat annexeacute agrave cette contribution11 S Maljean-Dubois M Wemaere laquo Lrsquoaccord agrave conclure agrave Paris en deacutecembre 2015 une opportuniteacute pour laquo deacute raquofragmenter la gouver-nance internationale du climat raquo RJE ndeg 4 201512 A Peters laquo The Transparency Turn of International Law raquo The Chinese Journal of Global Governance ndeg 1 2015 pp 3-15

La transparence de la finance climat

168

leacutegitimiteacute lrsquointelligibiliteacute la clarteacute ou encore la publiciteacute13 Plus largement des liens de causali-

teacute sont preacutesupposeacutes entre la transparence lrsquoefficaciteacute et lrsquoeffectiviteacute du soutien fourni mais aussi

entre la transparence et la responsabiliteacute (ou lrsquoaccountability) des acteurs de la finance climat14

En outre si lrsquoapproche adopteacutee entend repeacuterer les espaces juridiques concerneacutes par la circula-

tion de la transparence de la finance climat et eacutevaluer leurs liens afin de srsquointerroger sur les implica-

tions de cette circulation normative lrsquoordre juridique de reacutefeacuterence reste celui constitueacute par les traiteacutes

internationaux speacutecifiquement relatifs au climat (CCNUCC PK et Accord de Paris) et par le droit

qui en est deacuteriveacute (deacutecisions COP et COP agissant comme Reacuteunion des Parties au PK (COPMOP)

recommandations des organes subsidiaires hellip)15

Il ne srsquoagit donc pas tant de cartographier le complexe de reacutegimes de la transparence de la fi-

nance climat en envisageant lrsquoeacutevolution subie par chaque ordre juridique concerneacute que de deacutetermi-

ner si la circulation de la transparence de la finance climat aboutit agrave atteindre les objectifs poursuivis

par le laquo reacutegime climat raquo en la matiegravere

Pour reacutepondre agrave cette question il convient tout drsquoabord de srsquointerroger sur la singulariteacute de la

circulation de la transparence de la finance climat (1) avant de se pencher sur ses effets (2)

1 Les caracteacuteristiques de la circulation de la transparence de la finance climat

Il existe diverses typologies permettant de mieux appreacutehender les circulations normatives au

sein drsquoun complexe de reacutegimes16 Certaines drsquoentre elles mettent lrsquoaccent sur le caractegravere fortuit ou

intentionnel de cette circulation17 Au titre de la transparence de la finance climat il semble clair que

la circulation srsquoinscrit dans la deuxiegraveme cateacutegorie (11) et se manifeste agrave de nombreux eacutegards (12)

11 Lrsquoimpulsion de la circulation normative par le laquo reacutegime climat raquo

Lrsquoespace juridique de reacutefeacuterence crsquoest agrave dire le laquo reacutegime climat raquo accompagne la circulation de

la transparence de la finance climat agrave la fois implicitement et explicitement En effet drsquoune part

13 Ibid14 Voir agrave cet eacutegard drsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale les travaux initieacutes par B Kingsburry RB Stewart N Krisch laquo The Emergence of Glo-bal Administrative Law raquo Law and Contemporary Problems vol 68 ndeg 3 2005 pp 15-62 et en particulier les deacuteveloppements sur la laquo transpa-rence raquo comme norme du droit administratif global15 Ci-apregraves deacutesigneacute comme constituant le laquo reacutegime climat raquo16 Pour une preacutesentation drsquoensemble par des juristes voir notamment L Gradoni laquo Systegravemes juridiques internationaux une esquisse raquo in L Gradoni H Ruiz-Fabri (Dirs) La circulation des concepts juridiques le droit international de lrsquoenvironnement entre mondialisation et fragmentation Socieacuteteacute de Leacutegislation compareacutee 2009 pp 27-51 M A Young laquo Regime Interaction in Creating Implementing and Enforcing International Law raquo in M A Young (Ed) Regime interaction in International Law Facing Fragmentation Cambridge University Press 2012 pp 85-110 H van Asselt The Fragmentation of Global Climate Governance Consequences and Management of Regime Interactions Edward Elgar Cheltenham 2014 pp 44-6017 Ainsi O R Young The Institutional Dimension of Environmental Change Fit Interplay and Scale Cambridge MIT Press 2002 p 25 distingue les laquo interdeacutependances deacutelibeacutereacutees raquo (laquo deliberate interdependencies raquo) des laquo liens fonctionnels raquo (laquo functionnal linkages raquo) spontaneacutes Dans le mecircme ordre drsquoideacutee T Gehring et S Oberthur laquo Conceptual Foundations of Institutional Interaction raquo in T Gehring S Oberthur (Eds) Institutional Interaction in Global Environmental Governance Synergy and Conflict among International and EU Policies Cambridge MIT Press 2006 pp 19-52 distinguent drsquoune part les interactions reacutesultant drsquoune laquo demande drsquoassistance raquo (laquo request for assistance raquo) par une institution et drsquoautre part la diffusion de laquo modegravele politique raquo (laquo policy model raquo) qui ne suppose pas une telle deacutemarche en provenance du reacutegime de reacutefeacuterence

Anne-Sophie TABAU

169

le manque de preacutecision pour rendre cette norme pleinement opeacuterationnelle au sein du laquo reacutegime

climat raquo aboutit agrave laisser une grande marge de manœuvre favorable agrave une circulation normative

selon une dynamique ascendante ou bottom-up (a) Toutefois drsquoautre part le besoin de circulation

de la transparence de la finance climat est expresseacutement reconnu et mecircme organiseacute (b)

a Une impreacutecision des lignes directrices favorable agrave la circulation normative ascendante

Alors qursquoen vertu de la CCNUCC et du PK des regravegles particuliegraverement sophistiqueacutees ont eacuteteacute

deacuteveloppeacutees pour favoriser la transparence des informations relatives aux actions des parties viseacutees

agrave lrsquoannexe I par le biais de deacutecisions de la COP et de la COPMOP se reacutefeacuterant aux meacutethodologies

laquo commandeacutees raquo au GIEC force est de constater que lrsquoencadrement est moins strict srsquoagissant de la

transparence de la finance climat

En effet si depuis de nombreuses anneacutees les pays deacuteveloppeacutes se sont engageacutes agrave faire le rapport

du soutien financier qursquoils fournissent aux pays en deacuteveloppement dans le domaine des changements

climatiques18 en lrsquoabsence de deacutefinition internationale communeacutement admise les pays contributeurs

beacuteneacuteficient drsquoune large marge drsquoappreacuteciation sur ce qursquoils incluent au sein de la finance climat Cette

indeacutetermination est favorable agrave la circulation normative dans la mesure ougrave elle permet lrsquoeacutemergence

laquo par le bas raquo des donneacutees prises en compte mais aussi des modaliteacutes en permettant lrsquoeacutetablissement

Les lignes directrices actuellement applicables en matiegravere de rapport sur la finance climat19 ont

eacuteteacute adopteacutees par la COP en 2011 agrave Durban et en 2012 agrave Doha Par rapport agrave la pratique anteacuterieure

au sein de la CCNUCC lrsquoencadrement reacutesultant de ces lignes directrices a incontestablement eacuteteacute

accru Avant leur adoption les pays deacuteveloppeacutes eacutetaient simplement tenus de rapporter leur soutien

financier aux pays en deacuteveloppement dans les communications nationales qursquoils remettaient tous

les quatre ans au Secreacutetariat de la CCNUCC En comparaison les lignes directrices actuelles exigent

des parties viseacutees agrave lrsquoannexe II qursquoelles rapportent leur soutien financier agrave la fois dans leurs commu-

nications nationales et dans leur rapports biennaux qui comme leur nom lrsquoindique sont remis plus

freacutequemment En outre depuis 2012 les parties viseacutees agrave lrsquoannexe II doivent faire eacutetat de ce finance-

ment climat sous la forme drsquoun tableau standardiseacute (laquo common tabular format raquo)

Les pays beacuteneacuteficiaires de ces soutiens financiers (pays non viseacutes agrave lrsquoannexe I) doivent pour leur

part soumettre dans leurs communications nationales des informations relatives agrave leurs besoins de

soutien financier mais aussi des donneacutees relatives au soutien reccedilu de la part du Fonds pour lrsquoenviron-

nement mondial des parties viseacutees agrave lrsquoannexe II de la CCNUCC ou drsquoautres institutions bilateacuterales

et multilateacuterales En outre les parties non-viseacutees agrave lrsquoannexe I doivent mettre agrave jour ces informations

sur une base biannuelle20

18 Deacutecision 4CP5 deacutecision 2CP17 deacutecision 19CP1819 Ces lignes directrices sont celles applicables pour que les pays deacuteveloppeacutes fassent la deacutemonstration de leur respect de lrsquoobjectif collectif de 100 milliards de dollars par an drsquoici 2020 et mecircme au-delagrave puisque ce montant plancher ne sera pas reacuteeacutevalueacute avant 2025 La deacutecision 1CP21 preacutevoit toutefois que la reacutevision de ces lignes directrices devra ecirctre acheveacutee au plus tard en 2018 (sect98)20 Deacutecision 2CP17 (sect39-42)

La transparence de la finance climat

170

En deacutepit de ces progregraves les lignes directrices actuelles ne constituent pas un cadre suffisamment

robuste pour rendre compte de maniegravere fiable et comparable du soutien financier en matiegravere cli-

matique au titre de la CCNUCC Elles ne fournissent toujours pas de meacutethodologie pour le rapport

financier ou pour deacuteterminer ce qui constitue une finance speacutecifique au climat Les parties viseacutees

agrave lrsquoannexe II doivent certes fournir dans leur rapport une description de lrsquoapproche retenue pour

suivre (laquo tracking raquo) le soutien financier Elles doivent eacutegalement indiquer le montant des ressources

financiegraveres laquo nouvelles et additionnelles raquo qursquoelles ont fournies21 en clarifiant la faccedilon dont elles ont

deacutetermineacute que ces ressources eacutetaient effectivement laquo nouvelles et additionnelles raquo Toutefois lrsquoeacutetude

des rapports remis jusqursquoagrave preacutesent conduit agrave constater que de nombreuses parties deacuteveloppeacutees nrsquoont

pas fourni drsquoinformation complegravete que ce soit srsquoagissant des meacutethodologies de comptabilisation

ou de la deacutefinition du caractegravere nouveau et additionnel de la finance climat En outre les donneacutees

fournies ne sont pas actualiseacutees En effet il y a un eacutecart de plusieurs anneacutees entre le moment ougrave ces

informations sont communiqueacutees et la peacuteriode sur laquelle porte le rapport les premiers rapports

biennaux qui eacutetaient dus pour le 1er janvier 2014 ne concernaient ainsi que les anneacutees 2011 et 2012

Srsquoagissant des rapports des parties non viseacutees agrave lrsquoannexe I il convient aussi de relever qursquoil

nrsquoexiste pas de format standard concernant la finance climat reccedilue En outre seuls 15 Eacutetats ont ef-

fectivement remis leurs rapports biennaux mis agrave jour au Secreacutetariat

Ce faible encadrement international favorisant potentiellement lrsquoeacutemergence de la transparence

de la finance climat laquo par le bas raquo nrsquoa pas encore reacuteellement porteacute ses fruits Si plusieurs parties ont

utiliseacute les mecircmes reacutefeacuterentiels existant par ailleurs pour rapporter leur finance climat22 certaines

drsquoentre elles ont deacuteveloppeacute leur propre meacutethodologie ce qui nrsquoa fait qursquoamplifier les difficulteacutes de

comparaison Parmi les paramegravetres qui varient drsquoune partie agrave lrsquoautre se trouve par exemple le mo-

ment auquel est comptabiliseacute la finance climat ce qui peut alternativement ecirctre le cas au stade de sa

promesse ou agrave celui de sa deacutelivrance effective Ces variations concernent aussi les sources de finan-

cement prises en compte qui peuvent se limiter agrave lrsquoaide publique au deacuteveloppement ou srsquoeacutetendre agrave

drsquoautres flux financiers officiels comme agrave la finance priveacutee Les donneacutees rapporteacutees peuvent aussi

selon les parties concerner une activiteacute ou ecirctre agreacutegeacutees La faccedilon dont chaque partie deacutetermine la

part drsquoun projet deacutedieacutee speacutecifiquement agrave la lutte contre les changements climatiques est loin drsquoecirctre

transparente Enfin certaines parties utilisent leur propre deacutefinition de lrsquoadaptation Le rapport sur

la finance climat transitant par des fonds multilateacuteraux soulegraveve eacutegalement des interrogations quant

agrave son laquo double comptage raquo23 Tout ceci semble donc indiquer qursquoun encadrement plus strict de la

transparence de la finance climat est souhaitable

21 Article 4(3) de la CCNUCC22 Voir deacuteveloppements infra notamment sur les marqueurs de Rio23 Voir deacuteveloppements infra sur ce point speacutecifique qui soulegraveve la question drsquoune neacutecessaire obligation de rapport de la finance climat par les fonds climat et les institutions financiegraveres internationales qui en gegraverent ainsi que celle de la comparabiliteacute de ces diffeacuterents rapports

Anne-Sophie TABAU La transparence de la finance climat

171

b Des lignes directrices ayant vocation agrave ecirctre preacuteciseacutees gracircce agrave une circulation normative organiseacutee

Ce bilan peu concluant a vocation agrave srsquoameacuteliorer au fur et agrave mesure que les lignes directrices en-

cadrant la transparence de la finance climat seront preacuteciseacutees La tacircche en la matiegravere revient princi-

palement agrave deux organes subsidiaires de la CCNUCC lrsquoorgane subsidiaire de conseil scientifique et

technique (SBSTA) et le SCF soutenus par le Secreacutetariat Or pour ce faire lrsquoun comme lrsquoautre sont

inviteacutes au-delagrave drsquoune coordination interne au laquo reacutegime climat raquo agrave srsquoouvrir vers lrsquoexteacuterieur crsquoest-agrave-

dire y compris en dehors du laquo reacutegime climat raquo24

Ainsi au-delagrave des parties les organisations (organisations internationales ndash OI et ONG) beacuteneacute-

ficiant du statut drsquoobservateur et mecircme plus largement toutes les personnes inteacuteresseacutees ont eacuteteacute agrave

plusieurs reprises inviteacutees agrave soumettre des contributions sur la transparence de la finance climat

Par ailleurs des workshops laquo ouverts raquo ont eacuteteacute organiseacutes Les contenus des rapports du SCF sur les

flux financiers en matiegravere climatique ont eacuteteacute eacutetablis sur la base de laquo toutes les informations dispo-

nibles raquo et non pas seulement agrave partir des informations fournies par les parties dans leurs rapports

biennaux Le SCF comme le Secreacutetariat ont eacutegalement reacuteguliegraverement dresseacute lrsquoeacutetat de lrsquoart des meacutetho-

dologies relatives agrave lrsquoeacutevaluation et agrave la notification de la finance climat

Pour autant cela nrsquoa pas suffi pour faire eacutemerger une meacutethodologie ni mecircme des deacutefinitions

communes au cœur de la transparence de la finance climat En outre le rapport du SCF (Biennal assessment review) de 2014 nrsquoa pas eacuteteacute jugeacute suffisant par les preacutesidents de la COP 20 et de la COP

21 pour instaurer la confiance neacutecessaire entre les parties dans la perspective de la conclusion drsquoun

accord agrave Paris Ils ont ainsi deacutecideacute de demander en urgence seulement cinq mois avant la tenue de la

COP 21 un rapport agrave lrsquoOCDE eacutevaluant le montant des soutiens fournis par les pays deacuteveloppeacutes aux

pays en deacuteveloppement Lrsquoobjectif afficheacute eacutetait alors clairement de fournir une information claire et

rassurante en la matiegravere

Il srsquoagissait notamment de faire en sorte que ces derniers et parmi eux en particulier les pays

eacutemergents participent agrave lrsquoeffort global de lutte contre les changements climatiques Or agrave cet eacutegard

la deacutelivrance effective et donc la transparence de la finance climat constituait depuis la Confeacuterence

de Copenhague une condition sine qua non de lrsquoengagement de ces pays25

Le rapport de lrsquoOCDE publieacute le 7 octobre 2015 preacutesente lrsquoindeacuteniable atout de mettre en eacutevidence

les diffeacuterentes meacutethodes utiliseacutees par les pays contributeurs pour comptabiliser leur finance climat

En outre le rapport deacutecrit les difficulteacutes meacutethodologiques qui continuent de se poser en la matiegravere

Si cet effort de mise agrave plat de lrsquoeacutetat de la transparence de la finance climat est utile il semble aussi

venir remplacer le travail du mecircme ordre opeacutereacute par le SCF

24 La deacutecision 2CP17 a ainsi inviteacute le SBSTA agrave deacutevelopper les meacutethodologies de rapport du soutien financier compte tenu des meacutethodo-logies internationales existantes (sect19) Le mandat eacutetait censeacute srsquoachever en 2014 lors de la COP 20 mais a eacuteteacute prolongeacute drsquoun an agrave cette occasion La deacutecision 11CP20 reacuteaffirme mecircme le besoin drsquoouverture agrave lrsquoexteacuterieur agrave cette occasion en indiquant dans son sect2 que les parties et les orga-nisations observatrices sont inviteacutees agrave soumettre leur vue sur les meacutethodes de notification de lrsquoinformation financiegravere25 A-S Tabau M Lemoine laquo Willing Power Fearing Responsibilities Basic in Climate Negotiations raquo CCLR vol 6 ndeg 3 2012 pp 197-208

La transparence de la finance climat

172

Cela apparaicirct de maniegravere drsquoautant plus frappante qursquoen deacutepit de la reconnaissance de lrsquoinadeacute-

quation des meacutethodologies de comptabilisation de la finance climat le rapport de lrsquoOCDE annonce

des chiffres (52 milliards de dollars en 2013 et 63 milliards de dollars en 2014) lagrave ougrave le SCF annonccedilait

plus prudemment des fourchettes Le rapport de lrsquoOCDE manque eacutegalement de clarteacute sur la faccedilon

dont ont eacuteteacute produits les reacutesultats auxquels il aboutit Par exemple la question de savoir si lrsquoaccrois-

sement des financements publics en matiegravere climatique entre 2011 et 2014 est lieacute agrave une augmentation

des budgets correspondants ou simplement agrave un changement dans la meacutethode de comptabilisation

reste sans reacuteponse Il nrsquoen demeure pas moins que la meacutediatisation de ces chiffres a eacuteteacute bien plus

grande que lors de la publication de lrsquoeacutevaluation du SCF Cela srsquoexplique sans doute agrave la fois en rai-

son du calendrier agrave un mois de la COP 21 et de leur caractegravere plus simple agrave comprendre pour le

grand public

Or au-delagrave de cette laquo concurrence raquo institutionnelle et en deacutepit drsquoun mandat confieacute par les

preacutesidences peacuteruvienne et franccedilaise des COP 20 et 21 la leacutegitimiteacute de lrsquoOCDE est moindre que celle

du SCF du moins en termes de repreacutesentativiteacute des inteacuterecircts en preacutesence26 Si cette pratique drsquoun

nouveau genre teacutemoigne de lrsquoimportance du rocircle que peut jouer un preacutesident de COP en terme de

circulation normative et si son effet a eacuteteacute indeacuteniable sur les reacutesultats de la COP 21 elle meacuterite tout

de mecircme drsquoecirctre questionneacutee

12 Les manifestations de la circulation de la transparence de la finance climat

Les manifestations de la circulation normative qui reacutesultent de lrsquoimpulsion donneacutee par le

laquo reacutegime climat raquo en matiegravere de transparence de la finance climat peuvent ecirctre appreacutehendeacutees de

deux points de vue du point de vue intra-systeacutemique (a) et du point de vue inter-systeacutemique (b)

Le premier renseigne sur la circulation normative de la transparence de la finance climat agrave partir

de lrsquoespace juridique de reacutefeacuterence et de son point de vue Ce qui met en eacutevidence la circulation

normative est alors lrsquoobligation pour les parties de faire rapport sur le soutien fourni ou reccedilu27 En

cela la circulation normative correspond agrave la mise en œuvre drsquoune obligation laissant une marge

de manœuvre importante agrave ceux qui doivent la respecter28 Lrsquoadoption de cette perspective explique

eacutegalement que les compilations-synthegraveses du SCF et du Secreacutetariat mettent en exergue seulement

certaines manifestations de la circulation normative La seconde perspective renseigne sur lrsquoeacutetat des

lieux de lrsquoenchevecirctrement des espaces juridiques concerneacutes par la circulation de la transparence de

la finance climat Il est alors plus difficile ndash et sans doute aussi plus arbitraire ndash de mettre en eacutevidence

les manifestations de cette circulation normative Agrave cet eacutegard neacuteanmoins le recours agrave la notion de

transparence pour deacutesigner la laquo meacutetanorme raquo qui circule plutocirct qursquoagrave un reacutegime juridique deacutetermineacute

26 Voir deacuteveloppements infra27 Cf laquo interaction through commitment raquo dans la typologie de S Oberthur T Gehring (eds) Institutional Interaction in Global Envi-ronmental Governance Synergy and Conflict among International and EU Policies MIT Press 200628 Pour des conclusions en ce sens voir A-S Tabau La mise en oeuvre du Protocole de Kyoto en Europe interaction des controcircles internatio-nal et communautaire Bruylant 2011

Anne-Sophie TABAU La transparence de la finance climat

173

srsquoavegravere drsquoun certain secours Cette notion aux contours plus flous permet en effet de mettre en

eacutevidence non plus seulement les connexions institutionnelles ou opeacuterationnelles entre lrsquoobligation

de transparence de la finance climat issue du laquo reacutegime climat raquo et ses modaliteacutes drsquoapplication mais

aussi les proximiteacutes politiques ou encore conceptuelles entre les espaces juridiques consideacutereacutes29

a Une circulation normative au soutien de lrsquoobligation de rapporter la finance climat fournie ou reccedilue

En consideacuterant comme point de deacutepart de lrsquoanalyse que le laquo reacutegime climat raquo constitue lrsquoespace

juridique de reacutefeacuterence la transparence de la finance climat repreacutesente avant tout une obligation agrave

la charge des parties deacuteveloppeacutees compleacuteteacutee par une laquo obligation raquo30 des parties en deacuteveloppement

Toutefois la mise en œuvre de cet engagement suppose en amont lrsquoimplication drsquoautres acteurs et

drsquoautres espaces juridiques

Ainsi tout drsquoabord jusqursquoagrave preacutesent la plupart des pays deacuteveloppeacutes se sont principalement si

ne crsquoest exclusivement baseacutes pour eacutetablir leur rapport en matiegravere de finance climat sur les donneacutees

collecteacutees agrave partir du systegraveme des marqueurs de Rio mis au point par le Comiteacute drsquoaide au deacuteveloppe-

ment (DAC) de lrsquoOCDE Ces donneacutees qui sont notifieacutees agrave lrsquoOCDE par les pays donateurs et rendues

publiques en ligne sont en effet de lrsquoavis des Secreacutetariats des Conventions concerneacutees les seules

donneacutees comparables et harmoniseacutees au niveau international concernant lrsquoaide visant lrsquoatteinte des

objectifs des Conventions de Rio31 Depuis 1998 lrsquoOCDE a ainsi suivi lrsquoaide visant un objectif drsquoatteacute-

nuation des eacutemissions de GES agrave travers son laquo Systegraveme de notification des pays creacuteanciers raquo (laquo Cre-ditor Reporting System raquo ndash CRS) utilisant la meacutethodologie des marqueurs de Rio qui a eacuteteacute eacutetendu agrave

partir de 2010 agrave lrsquoobjectif drsquoadaptation Ces donneacutees et ces marqueurs jouent donc un rocircle important

dans la compreacutehension actuelle ndash et donc la transparence ndash de la finance climat

Srsquoagissant plus speacutecifiquement des donneacutees concernant la finance climat transitant par des fonds

multilateacuteraux de nombreuses parties se sont fondeacutees du moins pour leur 2e rapport biennal sur les

donneacutees que le DAC de lrsquoOCDE impute lui-mecircme aux contributions multilateacuterales Celles-ci sont

calculeacutees agrave partir de lrsquoestimation de la part deacutedieacutee au climat des activiteacutes de chaque agence multilateacute-

rale et de la participation de chaque pays au budget de cette organisation ce qui permet in fine drsquoes-

timer la part de finance climat de chaque pays transitant par lrsquoagence multilateacuterale consideacutereacutee Pour

certaines agences multilateacuterales cette part de leur activiteacute deacutedieacutee au climat est estimeacutee agrave partir des

marqueurs de Rio le coucirct total des projets ayant pour objectif principal le climat y est comptabiliseacute

Toutefois depuis 2012 les sept plus importantes banques multilateacuterales de deacuteveloppement rejointes

en 2015 par les 20 membres de lrsquoInternational Development Finance Club qui reacuteunit des banques de

deacuteveloppement nationales et infrareacutegionales utilisent une autre meacutethodologie32 Or crsquoest agrave celle-ci

29 Cf laquo Cognitive interaction raquo dans la typologie de S Oberthur et T Gehring op cit30 Lrsquousage des guillemets se justifie ici par le caractegravere peu contraignant de cette obligation31 OCDE laquo Eacutevolution de lrsquoaide en faveur de lrsquoenvironnement une composante du financement du deacuteveloppement durable (1991-2011) raquo Coopeacuteration pour le deacuteveloppement 2012 Comment inteacutegrer durabiliteacute et deacuteveloppement OCDE 2012 p 67 32 httpwww- wdsworldbankorgexternaldefaultWDSContentServerWDSPIB20150616090224b082f3a6012_0Ren deredPDF20140joint0rep0nks00climate0financepdf

La transparence de la finance climat

174

que se sont rallieacutees certaines parties dans la mesure ougrave elle semble plus rigoureuse et plus preacutecise

que les marqueurs de Rio

Enfin agrave la suite du rapport drsquoexperts de haut niveau sur la finance climat mandateacute par le Se-

creacutetaire geacuteneacuteral de lrsquoOrganisation des Nations Unies (ONU)33 insistant sur la neacutecessiteacute de prendre

en compte toutes les sources de financements pour atteindre lrsquoobjectif de 100 milliards de dollars

par an drsquoici 2020 les parties viseacutees agrave lrsquoannexe II ont chercheacute agrave mentionner dans leur rapports agrave la

CCNUCC des donneacutees relatives aux financement provenant drsquoacteurs priveacutes Or il nrsquoexiste pas agrave

lrsquoheure actuelle de meacutethodologie pour cela y compris en dehors du laquo reacutegime climat raquo En outre

la collecte des donneacutees est bien souvent difficile celles-ci eacutetant geacuteneacuteralement confidentielles Cela

nrsquoa pas empecirccheacute certaines ONG comme Climate Policy Inititiative de publier chaque anneacutee depuis

2012 un rapport (laquo Global Landscape of Climate Finance raquo) visant agrave faire eacutetat des flux financiers aussi

bien drsquoorigine publique que priveacutee en matiegravere climatique Toutefois la variation des reacutesultats drsquoune

anneacutee sur lrsquoautre nrsquoest pas claire lagrave aussi reacutesulte-t-elle drsquoun changement de meacutethodologie ou drsquoune

variation dans les montant investis par les acteurs priveacutes

Pour reacutesoudre ces difficulteacutes une laquo recherche collaborative sur le suivi de la finance climat pri-

veacutee raquo (laquo Research Collaborative on Tracking Private Climate Finance raquo) a eacuteteacute mise en place sous la

coordination du Secreacutetariat de lrsquoOCDE Crsquoest un reacuteseau ouvert aux gouvernements inteacuteresseacutes aux

institutions de recherches pertinentes et aux institutions financiegraveres internationales dont lrsquoobjectif

est de favoriser agrave court terme le partage des laquo meilleures donneacutees disponibles raquo et agrave plus long terme

le deacuteveloppement drsquoune meacutethodologie plus complegravete pour mesurer les flux financiers drsquoorigine pri-

veacutee en matiegravere climatique En outre ce reacuteseau entend devenir le lieu drsquoeacutetablissement des donneacutees

correspondantes

Du cocircteacute des pays beacuteneacuteficiaires de la finance climat les examens des deacutepenses publiques en ma-

tiegravere climatique (CPEIRs pour laquo Climate Public Expenditure Reviews raquo) du Programme des Nations

Unies pour le deacuteveloppement (PNUD) fournissent un outil pour mesurer la finance climat reccedilue lors

des exercices de planification budgeacutetaire geacuteneacuterale au niveau national dont les reacutesultats sont enre-

gistreacutes depuis 2012 dans une base de donneacutees Pour deacuteterminer la part drsquoune deacutepense publique qui

relegraveve du climat le PNUD utilise deux meacutethodes lrsquoindice de pertinence climatique et lrsquoapproche

par beacuteneacutefices La premiegravere srsquoappuie sur les marqueurs de Rio pour traduire lrsquoobjectif deacuteclareacute drsquoun

programme ou drsquoune deacutepense en pourcentage de pertinence climatique ce qui permet ensuite de

quantifier les deacutepenses publiques affecteacutees au climat Lrsquoapproche par les beacuteneacutefices quant agrave elle tra-

duit la sensibiliteacute drsquoun programme donneacute vis-agrave-vis des changements climatiques liant les beacuteneacutefices

attendus de lrsquoaction aux impacts des changements climatiques Cette seconde meacutethodologie permet

de comparer les reacutesultats escompteacutes drsquoun programme en cas de reacutealisation des changements clima-

tiques et en cas drsquoeacutevitement de ceux-ci

33 httpwwwunorgwcmwebdavsiteclimatechangesharedDocumentsAGF_reportsAGF20Reportpdf

Anne-Sophie TABAU La transparence de la finance climat

175

Si ces diffeacuterentes manifestations de la circulation de la transparence de la finance climat nrsquoont

pas toujours eacuteteacute deacuteveloppeacutees pour reacutepondre agrave une attente du laquo reacutegime climat raquo celui-ci a pris note

de leur existence notamment agrave travers les travaux du SCF Or tel nrsquoest pas le cas drsquoautres manifes-

tations de la circulation normative qui ne parviennent pas encore agrave laquo reacutetroagir raquo sur le laquo reacutegime

climat raquo

b Une circulation normative teacutemoignant drsquoune influence conceptuelle plus diffuse

Drsquoautres manifestations de la circulation normative de la laquo meacutetanorme raquo de transparence de

la finance climat srsquoavegraverent pertinentes mecircme si elles relegravevent aussi voire principalement drsquoautres

complexes de reacutegimes que celui du climat

Ainsi par exemple depuis 2009 la question des subventions aux eacutenergies fossiles est inscrite agrave

lrsquoagenda de plusieurs institutions internationales (G20 objectifs drsquoAiumlchi Deacuteclaration issue du Som-

met de Rio + 20hellip) Afin drsquoameacuteliorer la transparence dans ce domaine les membres du G20 se sont

entendus au Sommet de Saint-Peacutetersbourg en septembre 2013 sur une meacutethodologie permettant un

examen par les pairs sur la base du volontariat Les discussions agrave cet eacutegard dans le cadre du G20 se

sont tenues en collaboration avec lrsquoOCDE lrsquoAgence internationale de lrsquoeacutenergie le Fonds moneacutetaire

international et lrsquoOrganisation des pays exportateurs de peacutetrole Cette collaboration a permis une

circulation normative du mecircme ordre que celle relative agrave la transparence de la finance climat faisant

passer la question du stade de lrsquoengagement politique agrave celui de sa mise en œuvre

Or des liens conceptuels existent entre la finance climat et les subventions aux eacutenergies fossiles

Cela a notamment eacuteteacute souligneacute par certaines ONG concluant que ces derniegraveres eacutetaient 40 fois plus

eacuteleveacutees que la premiegravere et suggeacuterant une reacuteaffectation des ressources subventionnant les eacutenergies

fossiles vers la finance climat34 Si les chiffres avanceacutes pour parvenir agrave ce reacutesultat peuvent ecirctre dis-

cuteacutes ils contribuent en toute hypothegravese agrave deacutemontrer une circulation de type laquo cognitif raquo ou encore

de nature politique entre le principe de la transparence de la finance climat et celui des subventions

aux eacutenergies fossiles dans la mesure ougrave ce diagnostic nrsquoaurait pas eacuteteacute possible sans lrsquoune ni lrsquoautre

Une version intermeacutediaire de la deacutecision 1CP21 envisageait drsquoailleurs drsquoen prendre acte35 agrave

travers une disposition favorable au deacutesinvestissement dans les eacutenergies fossiles mais la version fi-

nale du texte ne contient plus de disposition expresse agrave cet eacutegard Pour autant la question pourrait

ressurgir dans la mesure ougrave la COP a deacutecideacute laquo drsquoengager agrave sa vingt-deuxiegraveme session un processus

visant agrave recenser les informations que doivent communiquer les Parties [sur les ressources finan-

ciegravere fournies aux pays en deacuteveloppement] en vue de formuler des recommandations pour examen

34 httppriceofoilorg20151111empty-promises-g20-subsidies-to-oil-gas-and-coal-production35 Tandis que le sect62 du draft Paris outcome dans sa version ndeg 2 du 10 deacutecembre 2015 agrave 21h00 eacutenonccedilait lrsquoideacutee (laquo Urges Parties to reduce international support for high-emission investments raquo) le sect63 lrsquointeacutegrait directement au titre de la transparence de la finance climat laquo Decides that when communicating information on a biennial basis to be provided in line with Article 6 paragraph 6 [ie quantitative and qualitative information related to financial ressources to assist developing country Parties] Parties shall consider as appropriate the following (hellip) (h) Information on efforts to reduce international support for high emission investments raquo

La transparence de la finance climat

176

et adoption par la Confeacuterence des Parties agissant comme reacuteunion des Parties agrave lrsquoAccord de Paris agrave

sa premiegravere session raquo36

Dans le mecircme ordre drsquoideacutee les deacutebats au sein du laquo reacutegime climat raquo sur la transparence de la

finance climat se sont tenus jusqursquoagrave preacutesent en parallegravele et de maniegravere relativement cloisonneacutee

par rapport agrave ceux qui se tenaient en matiegravere de transparence du financement de la coopeacuteration au

deacuteveloppement en deacutepit de la proximiteacute voire du chevauchement entre ces deux theacutematiques Cela

srsquoexplique notamment en raison des revendications reacutecurrentes des pays beacuteneacuteficiaires pour que la

finance climat soit laquo nouvelle et additionnelle raquo par rapport agrave celle consacreacutee agrave drsquoautre objectifs de

deacuteveloppement Ces Eacutetats ont degraves lors reacuteguliegraverement plaideacute pour le cloisonnement de ces deux

theacutematiques craignant que le laquo reacutegime climat raquo ne vienne laquo polluer raquo les deacutebats relatifs au deacuteve-

loppement Or lrsquoexpeacuterience acquise en matiegravere de transparence du financement de la coopeacuteration

au deacuteveloppement pourrait profiter au deacuteveloppement de la transparence de la finance climat sans

pour autant que les fonds attribueacutes au climat ne soient amputeacutes sur ceux consacreacutes aux seconds

Si la question de lrsquoeacutevaluation de lrsquoaide au deacuteveloppement est ancienne elle a pris un tournant

nouveau agrave partir de la Deacuteclaration de Paris de 2005 sur lrsquoefficaciteacute de lrsquoaide consacrant parmi les

engagements de partenariat entre contributeurs et beacuteneacuteficiaires lrsquoobjectif de transparence de lrsquoaide

Lrsquoopeacuterationnalisation de cet engagement srsquoest acceacuteleacutereacute agrave la suite du 3e forum de haut niveau sur lrsquoef-

ficaciteacute de lrsquoaide qui srsquoest tenu agrave Accra en 2008 et au cours duquel il a eacuteteacute convenu de mettre en place

lrsquoInitiative internationale pour la transparence de lrsquoaide (IITA ou en anglais IATI ndash international aid transparency initiative) LrsquoIITA fournit aux donateurs disposeacutes agrave faire connaicirctre leurs deacutepenses

drsquoaide actuelles et futures un format commun de publication des donneacutees en temps opportun de

maniegravere comparable et fiable Les flux de financement budgets reacutesultats lieux calendriers et des-

criptifs de projet sont introduits dans un gisement de donneacutees en ligne accessible agrave tous les usagers

qui cherchent agrave savoir ougrave quand et comment lrsquoaide a eacuteteacute deacutebourseacutee

Au cours drsquoun eacutevegravenement parallegravele organiseacute en marge drsquoune neacutegociation inter-session de la CC-

NUCC agrave Bonn en 2012 plusieurs ONG ont ainsi recommandeacute que lrsquoIITA soit utiliseacutee au service de la

transparence de la finance climat37 au prix de quelques ajustements dans son fonctionnement Ces

ONG soulignaient agrave cet eacutegard que laquo given that IATI is still in its early stages there is also an opportu-nity to influence its design to accommodate issues related to climate finance from the outset whereas the costs of retrofitting IATI for climate finance needs later would be high raquo Bien que ni les travaux du

SCF ni la compilation synthegravese du Secreacutetariat ne fassent mention de lrsquoIITA cet effort drsquoajustement

semble avoir eacuteteacute reacutealiseacute puisque le fonds pour lrsquoadaptation y a adheacutereacute38

La circulation normative apparaicirct eacutegalement dans les reacutesultats du 4e forum de haut niveau

36 sect56 deacutecision 1CP2137 httpwwwodiorgsitesodiorgukfilesodi-assetsevents-documents4904pdf Voir en particulier lrsquoeacutetude des ONG Publish What You Fund et Aidinfo M Fostater laquo Towards Climate Finance Transparency raquo 2012 httpwwwpublishwhatyoufundorgfilesTowards-Cli-mate-Finance-Transparency_Finalpdf 38 httpwwwadaptation-fundorgwp-contentuploads201501AFBB19Inf_720IATI20background20documentspdf

Anne-Sophie TABAU La transparence de la finance climat

177

sur lrsquoefficaciteacute de lrsquoaide qui srsquoest tenu agrave Busan en 2014 lorsqursquoil a eacuteteacute deacutecideacute de laquo promouvoir la co-

heacuterence la transparence et la preacutevisibiliteacute de lrsquoensemble de nos approches de la finance climatique

et de la coopeacuteration au deacuteveloppement au sens large ce qui inclut de a) continuer agrave soutenir les

politiques et la planification visant agrave parer au changement climatique en tant que partie inteacutegrante

des plans nationaux de deacuteveloppement des pays en deacuteveloppement et faire en sorte ndash le cas eacutecheacuteant

ndash que ces mesures soient financeacutees mises en œuvre et suivies de faccedilon transparente via les systegravemes des pays en deacuteveloppement b) continuer agrave partager les enseignements deacutegageacutes en matiegravere drsquoefficaciteacute du deacuteveloppement avec les entiteacutes traitant des activiteacutes lieacutees au climat et faire en sorte que la coopeacute-

ration au deacuteveloppement au sens large beacuteneacuteficie aussi des innovations provenant de la finance lieacutee

au climat raquo39 Neacuteanmoins la 3e confeacuterence sur le financement du deacuteveloppement drsquoAddis-Abeba de

juillet 2015 a renvoyeacute la question de la transparence de la finance climat au laquo reacutegime climat raquo40 ne

favorisant pas lrsquoeacutetablissement de tels liens

Il nrsquoest pas exclu qursquoagrave lrsquoavenir la transparence de la finance climat beacuteneacuteficie des avanceacutees reacuteali-

seacutees au titre de la transparence de lrsquoaide au deacuteveloppement laquo en geacuteneacuteral raquo Crsquoest drsquoautant plus pro-

bable que ni la deacutecision 1CP21 ni lrsquoAccord de Paris ne mentionnent plus la neacutecessiteacute du caractegravere

laquo nouveau et additionnel raquo de la finance climat Ce silence traduit le consensus croissant autour de

lrsquoideacutee que la vulneacuterabiliteacute face aux impacts des changements climatiques doit ecirctre appreacutehendeacutee de

maniegravere contextuelle en tenant compte de consideacuterations sociales et eacuteconomiques Ainsi la finance

climat notamment en matiegravere drsquoadaptation ne doit-elle pas seulement permettre la mise en place

de solutions techniques (ex construction de digues) mais aussi augmenter la capaciteacute de reacutesilience

des socieacuteteacutes agrave travers un soutien plus large au deacuteveloppement

Ces deux exemples teacutemoignent de ce que la circulation normative de la transparence de la fi-

nance climat va au-delagrave de lrsquoeacutelaboration de normes permettant sa mise en œuvre mais concerne eacutega-

lement les contours mecircme de cette laquo meacutetanorme raquo Lrsquoanalyse nrsquoest drsquoailleurs pas exhaustive et des

reacuteflexions pourraient eacutegalement ecirctre engageacutees par exemple srsquoagissant des liens entre la transparence

de la finance climat et la lutte contre la corruption41

2) Les effets de la circulation normative

Sous leurs abords techniques ces manifestations de la circulation de la transparence de la fi-

nance climat recegravelent en reacutealiteacute des enjeux politiques importants tandis qursquoau fur et agrave mesure de

sa circulation la norme mute (21) et laisse apparaicirctre des acteurs centraux dont la leacutegitimiteacute pour

srsquoemparer de cette question globale peut ecirctre questionneacutee (22)

39 Partenariat de Busan pour une coopeacuteration efficace au service du deacuteveloppement sect34 Nous soulignons40 laquo Nous sommes conscients de la neacutecessiteacute de se doter de meacutethodes transparentes drsquoeacutetablissement de rapports sur le financement dans le domaine du climat et nous nous feacutelicitons des travaux en cours dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les change-ments climatiques raquo (sect60) LrsquoODD 13 quant agrave lui se contente de reacuteiteacuterer lrsquoobjectif de 100 milliards de dollars par an pour la finance climat mais nrsquoeacutevoque pas la question de la transparence41 httpswwwtransparencyorgprogrammesdetailcgip

La transparence de la finance climat

178

21 Les mutations de la norme

Au cours de sa circulation la laquo meacutetanorme raquo de transparence de la finance climat eacutevolue et

se preacutecise Crsquoest le cas aussi bien sur le plan substantiel agrave travers lrsquoinfluence que cette circulation

produit sur les reacutesultats de cet effort de transparence que srsquoagissant drsquoaspects proceacuteduraux Deux

questions nouvelles surgissent alors qui doit participer agrave cet effort de transparence Et pourquoi

a Sur le produit de la transparence de la finance climat

Lrsquoinformation qui reacutesulte de tout processus de transparence contribue agrave confeacuterer du pouvoir agrave

certains acteurs Degraves lors les arbitrages qui consistent agrave deacuteterminer lrsquoinformation qui doit ecirctre four-

nie sont deacutecisifs Or en matiegravere de transparence de la finance climat ces arbitrages srsquoopegraverent au fur

et agrave mesure de la circulation normative dans la mesure ougrave ils eacutetaient trop controverseacutes pour ecirctre

reacutegleacutes en amont par le laquo reacutegime climat raquo Quelques exemples le deacutemontrent de maniegravere parlante

Si les marqueurs de Rio sont tregraves largement utiliseacutes par les parties pour faire eacutetat de leur soutien

financier en faveur des pays en deacuteveloppement mais aussi par drsquoautres acteurs participant agrave lrsquoeffort

de transparence de la finance climat il faut relever que cette meacutethodologie nrsquoa pas eacuteteacute initialement

eacutelaboreacutee pour controcircler des engagements financiers mais plutocirct pour permettre la production de

donneacutees permettant de suivre lrsquointeacutegration des objectifs des Conventions de Rio au sein de la coopeacute-

ration au deacuteveloppement Degraves lors les informations qui reacutesultent de leur utilisation sont davantage

de nature qualitative que quantitative Or cela a tregraves probablement contribueacute agrave ce que lrsquoAccord de

Paris preacutevoie que lrsquoinformation transmise preacutesente ces deux dimensions lagrave ougrave les lignes directrices

actuellement applicables preacutevoient la transmission drsquoinformation principalement quantitative et lieacutee

agrave lrsquoeacutetablissement drsquoun objectif chiffreacute en matiegravere de finance climat lors du Sommet de Copenhague

Par ailleurs comme cela a deacutejagrave eacuteteacute souligneacute lrsquoexigence du caractegravere laquo nouveau et additionnel raquo

de la finance climat nrsquoapparaicirct plus dans lrsquoAccord de Paris Or il srsquoagissait lagrave drsquoun aspect que les mar-

queurs de Rio ne permettaient justement pas drsquoidentifier Degraves lors des critiques ont pu ecirctre adres-

seacutees agrave lrsquoencontre de leur utilisation dans la mesure ougrave ils ne permettaient pas drsquoeacuteviter une simple

laquo re-labeacutelisation raquo des projets de deacuteveloppement en projet climat Cela a eacuteteacute reconnu par lrsquoOCDE

elle-mecircme ce qui lrsquoa conduite finalement agrave interroger la pertinence drsquoune distinction entre finance

climat et aide publique au deacuteveloppement42 Dans son rapport drsquooctobre 2015 lrsquoOCDE a drsquoailleurs

fait lrsquoarbitrage drsquoeacuteluder cette question pour la deacutefinition de la finance climat eacutecartant de fait une

preacuteoccupation exprimeacutee par les pays beacuteneacuteficiaires degraves la confeacuterence de Rio en 1992 et systeacutemati-

quement reacuteiteacutereacutee depuis du moins jusqursquoagrave la COP 21 Lrsquoabsence de mention du caractegravere laquo nouveau

et additionnel raquo de la finance climat dans lrsquoAccord de Paris peut donc surprendre mais deux expli-

cations sont envisageables La premiegravere tient aux meacutethodes de travail et au pouvoir de persuasion

de lrsquoOCDE La seconde explication tient au jeu des concessions reacuteciproques qui gouverne toute neacute-

gociation multilateacuterale Si le laquo caractegravere nouveau et additionnel raquo nrsquoapparaicirct plus en tant que tel il

42 OECD Initial roadmap for improved DAC measurement and monitoring of external development finance DCDDAC(2013)12 2013 p 10

Anne-Sophie TABAU La transparence de la finance climat

179

est tout de mecircme indiqueacute que la mobilisation des ressources par les pays deacuteveloppeacutes au profit des

pays en deacuteveloppement doit srsquoopeacuterer laquo dans la continuiteacute de leurs obligations au titre de la Conven-

tion raquo43 Par ailleurs lrsquoaccent est mis sur la laquo progression par rapport aux efforts anteacuterieurs raquo44 et

sur lrsquolaquo eacutequilibre entre lrsquoadaptation et lrsquoatteacutenuation raquo45 qui constituaient deux autres revendications

centrales des parties beacuteneacuteficiaires mecircme si ces expressions peuvent encore faire lrsquoobjet drsquointerpreacute-

tations divergentes

Ainsi lrsquoAccord de Paris ne deacutefinit pas preacuteciseacutement les projets susceptibles drsquoentrer dans la cateacute-

gorie de ceux financeacutes au titre de lrsquoadaptation Or sur ce point eacutegalement la circulation normative a

abouti agrave certains arbitrages que ce soit de la part de lrsquoOCDE ou de la part des banques multilateacuterales

de deacuteveloppement Plus exactement si les marqueurs de Rio et lrsquoinitiative des banques multilateacuterales

de deacuteveloppement adoptent une deacutefinition comparable de lrsquoadaptation les deux meacutethodologies dif-

fegraverent sur certains points importants46 La seconde exige en effet plus de documentation et drsquoanalyse

avant qursquoun projet ne soit consideacutereacute comme deacutedieacute agrave lrsquoadaptation au changement climatique tout

drsquoabord le contexte de chaque programme ou projet est eacutetabli en termes de risques de vulneacuterabiliteacutes

et drsquoimpacts lieacutes au changement climatique ensuite chaque programme ou projet est analyseacute agrave par-

tir de son intention de prendre en charge ces risques vulneacuterabiliteacutes et impacts enfin un lien direct

entre les risques vulneacuterabiliteacutes et impacts identifieacutes et les activiteacutes financeacutees par le programme ou le

projet doit ecirctre eacutetabli Degraves lors lrsquoapproche retenue par les banques multilateacuterales de deacuteveloppement

est plus restrictive que celle adopteacutee par lrsquoOCDE ce qui ne correspond pas agrave la logique de lrsquoinflexion

politique consentie par les pays en deacuteveloppement quant au caractegravere laquo nouveau et additionnel raquo

de la finance climat

b Sur le processus mecircme de la transparence de la finance climat

La transparence eacutetant un mode de gouvernance en soi47 le processus importe presqursquoautant en

lui-mecircme que les reacutesultats auxquels il aboutit La deacutetermination des acteurs qui doivent ecirctre trans-

parents et celle de lrsquoobjectif poursuivi par cette transparence confegraverent toute sa justification et son

inteacuterecirct au processus Or sur ces points fondamentaux eacutegalement il est possible de constater que la

circulation de la transparence de la finance climat conduit agrave certaines eacutevolutions par rapport agrave ce qui

eacutetait initialement envisageacute par le laquo reacutegime climat raquo

Le systegraveme des marqueurs de Rio a toujours souleveacute des difficulteacutes les Eacutetats membres de lrsquoOC-

DE ne les appliquant pas de la mecircme maniegravere pour cateacutegoriser les projets Cela ne deacuterive pas tant

drsquoune lacune du systegraveme en lui-mecircme que drsquoune dispariteacute dans son application agrave travers les pays

membres de lrsquoOCDE Drsquoailleurs le SCF a reconnu qursquoil y avait une marge drsquointerpreacutetation dans la

faccedilon dont les marqueurs de Rio sont appliqueacutes laissant certes une certaine flexibiliteacute mais pouvant

43 Article 9(1) de lrsquoAccord de Paris44 Article 9(3) de lrsquoAccord de Paris45 Article 9(4) de lrsquoAccord de Paris46 Pour une analyse deacutetailleacutee voir OECD OECD workshop with international financial institutions (IFIS) on tracking climate finance DC-DM(2013)1 201347 A Peters laquo The Transparency Turn of International Law raquo op cit

La transparence de la finance climat

180

eacutegalement conduire agrave des difficulteacutes en termes de comparaison entre les donneacutees des diffeacuterents fi-

nanceurs48 LrsquoOCDE elle-mecircme reconnaicirct eacutegalement que la meacutethodologie des marqueurs de Rio ne

permet pas de comparer et de syntheacutetiser les donneacutees provenant des diffeacuterents donateurs Degraves lors

la circulation de la transparence de la finance climat aboutit agrave preacuteciser lrsquoambition des objectifs de

la transparence de la finance climat LrsquoAccord de Paris reflegravete cette difficulteacute en indiquant que laquo le

cadre de transparence de lrsquoappui vise (hellip) dans la mesure du possible une vue drsquoensemble de lrsquoappui

financier global fourni pour eacutetayer le bilan mondial raquo49

Plus encore un autre parti pris du rapport de lrsquoOCDE drsquooctobre 2015 est de ne pas avoir deacutetailleacute

les contributions individuelles de chaque partie deacuteveloppeacutee ni drsquoailleurs identifieacute les beacuteneacuteficiaires

individuellement Or cet enseignement de la circulation normative transparaicirct eacutegalement dans lrsquoAc-

cord de Paris qui ne fixe qursquoun engagement collectif en matiegravere de finance climat et ce bien que le

cadre de la transparence de lrsquoappui vise tout de mecircme laquo agrave donner une image claire de lrsquoappui fourni

et de lrsquoappui reccedilu par chaque Partie raquo Il ne srsquoagira donc probablement pas de surveiller lrsquoatteinte

drsquoun engagement individuel comme cela aurait pourtant eacuteteacute justifieacute si le raisonnement suivi avait

eacuteteacute proche drsquoune logique de responsabiliteacute individuelle

La circulation de la transparence de la finance climat a eacutegalement permis de reacuteveacuteler que celle-ci

supposait lrsquoimplication proactive des agences multilateacuterales par lesquelles transitent une partie de

ces fonds50 Si les fonds multilateacuteraux qui font partie du meacutecanisme financier du laquo reacutegime climat raquo

sont drsquoores et deacutejagrave tenus de faire un rapport reacutegulier agrave la COP sur les ressources mobiliseacutees et deacute-

penseacutees la faccedilon dont ces rapports sont eacutetablis nrsquoest pas harmoniseacutee Par exemple seul le fonds

pour lrsquoadaptation utilise le systegraveme de lrsquoIITA Par ailleurs une partie de la finance climat transite

par drsquoautres fonds qui fonctionnent de maniegravere indeacutependante de la COP Or leur politique de trans-

parence varie eacutegalement Enfin certaines institutions financiegraveres internationales comme la Banque

mondiale gegraverent agrave la fois des fonds qui leurs sont propres et agissent en tant qursquoentiteacute opeacuteration-

nelle drsquoautres fonds relieacutes au laquo reacutegime climat raquo comme le Fonds vert pour le climat Or les donneacutees

communiqueacutees par ces institutions financiegraveres dont lrsquoactiviteacute va de surcroicirct au-delagrave de la lutte

contre les changements climatiques concernent lrsquoensemble de ces sources de financement rendant

difficile la dissociation de ces flux mecircleacutes ce qui peut conduire agrave les compter plusieurs fois Lors de

son exercice de synthegravese sur les meacutethodologies existantes en matiegravere de rapport sur la finance cli-

mat le Secreacutetariat du laquo reacutegime climat raquo a releveacute que laquo Since MDBs and other multilateral financial institutions do not report under the Convention many Parties proposed that these institutions be invited in order to provide clarity on data information on how general contributions by Parties were used for climate activities in developing countries In this regard one Party proposed to request a relevant Con-vention body to collaborate with these institutions so as to discuss the development of an appropriate reporting avenue raquo51 Si cette proposition nrsquoa pas trouveacute drsquoeacutecho dans lrsquoAccord de Paris elle pourrait

neacuteanmoins ecirctre suivie agrave lrsquoavenir

48 SCF Biennial Assessment and Overview of Climate Finance Flows report 201449 Article 13(6) de lrsquoAccord de Paris Nous soulignons50 httpwwwodiorgsitesodiorgukfilesodi-assetspublications-opinion-files9359pdf 51 FCCCTP20152 sect74

Anne-Sophie TABAU La transparence de la finance climat

181

22 Lrsquoeacutemergence drsquoacteurs centraux en dehors du laquo reacutegime climat raquo

Si lrsquoAccord de Paris a confirmeacute la tendance du laquo reacutegime climat raquo agrave brouiller les cateacutegories de

parties agrave travers des laquo contributions deacutetermineacutees au niveau national raquo en matiegravere de finance cli-

mat la distinction traditionnelle entre pays deacuteveloppeacutes et pays en deacuteveloppement a eacuteteacute globalement

maintenue Cela transparaicirct notamment en matiegravere de transparence dans la mesure ougrave seuls les

pays deacuteveloppeacutes sont tenus de faire eacutetat de leur soutien verseacute ou preacutevu Si un pays en deacuteveloppement

entend participer au soutien financier il devra eacutegalement se soumettre agrave cet effort de transparence

Les beacuteneacuteficiaires quant agrave eux sont clairement identifieacutes comme eacutetant les pays en deacuteveloppement et

en particulier les plus vulneacuterables Or la circulation de la transparence de la finance climat reacutevegravele

des acteurs au cœur du processus normatif en la matiegravere (a) dont lrsquoautoriteacute la leacutegitimiteacute et lrsquoaccoun-

tability doivent ecirctre examineacutes compte tenu de ce contexte (b)

a Les acteurs de la transparence de la finance climat reacuteveacuteleacutes par la circulation normative

A lrsquoimage de la gouvernance de la finance climat elle-mecircme52 lrsquoanalyse de la circulation nor-

mative de la laquo meacutetanorme raquo de transparence de la finance climat reacutevegravele que la gouvernance de cette

transparence est fragmenteacutee multi-niveaux et non hieacuterarchiseacutee Il semble donc pertinent de parler

agrave cet eacutegard de laquo complexe de reacutegimes raquo53 de la transparence de la finance climat

En effet tout drsquoabord la gouvernance de la transparence climat est fragmenteacutee dans la mesure

ougrave de nombreuses entiteacutes sont impliqueacutees dans la deacutefinition des lignes directrices et autres meacutethodo-

logies mais aussi dans la gestion des bases de donneacutees permettant cette transparence En outre sur

le plan juridique la nature de ces diffeacuterentes entiteacutes au titre du droit international varie et demeure

de surcroicirct dans certain cas incertaine Par exemple il nrsquoest pas sucircr que les fonds multilateacuteraux en

matiegravere climatique puissent tous ecirctre qualifieacutes drsquoorganisation internationale doteacutee drsquoune personna-

liteacute juridique La gouvernance de la transparence de la finance climat est eacutegalement multi-niveaux

dans la mesure ougrave les institutions impliqueacutees appartiennent agrave la fois agrave lrsquoordre juridique interne et

international Enfin cette derniegravere caracteacuteristique est lieacutee au caractegravere non hieacuterarchiseacute de la gouver-

nance de la transparence de la finance climat Autrement dit il nrsquoy a pas veacuteritablement drsquoautoriteacute

centrale deacuteleacuteguant de maniegravere coheacuterente et rationnelle les pouvoirs exeacutecutifs en la matiegravere ou les

fonctions entre les diffeacuterentes entiteacutes impliqueacutees

Il en reacutesulte trois pheacutenomegravenes Tout drsquoabord on constate un chevauchement fonctionnel entre

les institutions impliqueacutees Par exemple le travail de compilation-synthegravese est effectueacute agrave la fois par

le SCF et lrsquoOCDE la deacutefinition des projets compris dans le financement de lrsquoadaptation eacutemane agrave la

fois des banques multilateacuterales de deacuteveloppement et de lrsquoOCDE etc Or une telle intersection entre

52 L Boisson de Chazournes laquo Is There Room for Coherence in Climate Financial Assistance raquo Laws vol 4 2015 541-55853 RO Keohane DG Victor laquo The Regime Complex for Climate Change raquo Perspectives on Politics vol 9 ndeg 1 2011 pp 7-23 A Orsini JF Morin O Young laquo Regime Complexes A Buzz a Boom or a Boost for Global Governance raquo Global Governance A Review of Multilat-eralism and International Organization vol 19 ndeg 1 pp 27-39

La transparence de la finance climat

182

les compeacutetences de ces institutions ne favorise pas forceacutement lrsquoeacutemergence de regravegles communes mais

peut au contraire aboutir agrave la coexistence de regravegles contradictoires ou empecircchant la communica-

tion drsquoune information compreacutehensible par les beacuteneacuteficiaires Plus encore le complexe de reacutegimes

de la transparence de la finance climat comprend des acteurs impliqueacutes dans la deacutefinition des lignes

directrices et meacutethodologies en la matiegravere qui jouent eacutegalement un rocircle dans la fourniture de la fi-

nance climat Ces acteurs exercent degraves lors un rocircle double faisant apparaicirctre un cumul de pouvoirs

renforccedilant la place de ces institutions dans le complexe de reacutegimes En particulier les banques multi-

lateacuterales de deacuteveloppement drsquoautres institutions financiegraveres reacutegionales le PNUE ou encore le PNUD

sont agrave la fois des agences de mise en œuvre (implementing agencies) des diffeacuterents fonds climat et agrave

lrsquoorigine des modaliteacutes de deacutefinition et de rapport des flux financiers en matiegravere de climat Si un tel

modegravele peut favoriser une certaine inteacutegration et flexibiliteacute entre les acteurs en mecircme temps il peut

geacuteneacuterer des conflits drsquointeacuterecirct Enfin la majoriteacute des institutions impliqueacutees dans la deacutefinition des

modaliteacutes de transparence de la finance climat ne sont pas speacutecifiquement deacutedieacutees agrave la gouvernance

des changements climatiques mais incluent dans leur mandat cette question au sein drsquoautres preacuteoc-

cupations se rapportant plus largement au deacuteveloppement

En fin de compte ce bref panorama teacutemoigne de ce que la structure institutionnelle actuelle en

matiegravere de transparence de la finance climat srsquoinscrit dans un modegravele pluraliste au sein duquel le

droit international speacutecial ndash crsquoest agrave dire les traiteacutes internationaux en matiegraveres de climat ou eacutetablis-

sant des organisations internationales - interagit avec drsquoautres systegravemes normatifs qui incluent le

droit deacuteriveacute de certaines institutions internationales et des normes administratives nationales Tan-

dis que le fondement normatif peut ecirctre identifieacute au sein des traiteacutes internationaux relatifs au climat

leur mise en œuvre est de fait deacuteleacutegueacutee agrave des institutions internationales de diffeacuterentes sortes et agrave

des entiteacutes nationales agissant agrave travers des moyens internationaux (ex accords bilateacuteraux de coo-

peacuteration internationale) ou transnationaux

Or ces institutions agissent en prioriteacute agrave travers leurs propres regraveglementations et beacuteneacuteficient

drsquoune importante marge de manœuvre sur des questions sensibles politiquement comme la deacutefini-

tion du peacuterimegravetre de la finance climat Cela srsquoexplique en raison de la faiblesse des obligations in-

ternationales en la matiegravere et du caractegravere tregraves geacuteneacuteral des lignes directrices eacutetablies par le laquo reacutegime

climat raquo selon un processus impliquant plus classiquement les Eacutetats par voie de consensus

Dans ce paysage tregraves fragmenteacute heacuteteacuterogegravene et deacutesorganiseacute lrsquoOCDE semble toutefois consti-

tuer aujourdrsquohui lrsquoun des plus importants forums de discussion et drsquoexercice de la transparence de

la finance climat Drsquoailleurs le DAC ne srsquoen cache pas au contraire laquo A main objective of the Secre-tariatrsquos work on climate finance is to make the Development Assistance Committeersquos Rio markers the methodological reference point and main source of high-quality data for monitoring progress against international commitments to address climate change raquo54

54 OECD Initial roadmap for improved DAC measurement and monitoring op cit p 7

Anne-Sophie TABAU La transparence de la finance climat

183

Ainsi et bien qursquoil puisse paraicirctre inapproprieacute de penser la gouvernance globale en termes de

centraliteacute dans la mesure ougrave le principe mecircme de la gouvernance est de reposer non pas sur la cen-

tralisation et la hieacuterarchie mais sur une neacutebuleuse de meacutecanismes de reacutegulation lrsquoOCDE apparaicirct bel

et bien comme un nœud de la circulation de la transparence de la finance climat En drsquoautres termes

crsquoest un lieu ougrave se rencontrent les diffeacuterentes manifestations de cette circulation normative

En effet en deacutepit des lacunes identifieacutees tout drsquoabord les marqueurs de Rio eacutelaboreacutes par lrsquoOC-

DE sont non seulement utiliseacutes par une majoriteacute de parties viseacutees agrave lrsquoannexe II pour faire eacutetat au

laquo reacutegime climat raquo de leur soutien financier au pays en deacuteveloppement mais aussi par exemple

par le PNUD pour lrsquoexamen des deacutepenses publiques climatiques En outre lrsquoOCDE et les banques

multilateacuterales de deacuteveloppement coopegraverent afin de faire converger leurs meacutethodologies respectives

drsquoeacutevaluation de la finance climat Crsquoest encore sous les auspices de lrsquoOCDE qursquoa eacuteteacute constitueacutee la re-

cherche collaborative sur le suivi de la finance climat priveacutee Qui plus est lrsquoOCDE participe depuis

lrsquoorigine aux efforts de transparence de lrsquoaide au deacuteveloppement et a eacutelaboreacute avec lrsquoIITA un standard

commun reprenant les bonnes pratiques en matiegravere de notification et de publication des donneacutees55

LrsquoOCDE travaille eacutegalement en relation avec le G20 sur la question de la transparence des subven-

tions aux eacutenergies fossiles

Ce constat ne doit pas pour autant laisser entendre que lrsquoOCDE est la seule enceinte dans la-

quelle srsquoeacutelaborent les normes en matiegravere de transparence de la finance climat Elle est drsquoailleurs clai-

rement concurrenceacutee par drsquoautres acteurs sans doute mieux armeacutes en raison de leurs fonctions opeacute-

rationnelles comme les banques multilateacuterales de deacuteveloppement Il nrsquoen demeure pas moins que

lrsquoOCDE semble jouer un rocircle utile en prenant la place inoccupeacutee de laquo connecteur raquo dans le reacuteseau

de gouvernance de la transparence de la finance climat

b Des doutes sur la leacutegitimiteacute de lrsquoOCDE en tant qursquoacteur central agrave la question de lrsquoaccountability en matiegravere climatique

Ces systegravemes et meacutethodologies deacuteveloppeacutes sous les auspices de lrsquoOCDE sont indeacuteniablement

importants pour donner corps agrave la laquo meacutetanorme raquo de transparence de la finance climat

Neacuteanmoins la leacutegitimiteacute de lrsquoOCDE qui est essentiellement une organisation reacuteunissant les

pays donateurs pour deacutefinir ce qui doit ecirctre pris en compte agrave cet eacutegard peut precircter agrave la controverse

du moins si cette transparence de la finance climat vise lrsquoobjectif de renforcer la confiance entre les

parties agrave la CCNUCC dans la mesure ougrave les pays beacuteneacuteficiaires se trouvent de facto exclus de ces dis-

cussions

Au-delagrave lrsquoOCDE nrsquoa pas de lien laquo officiel raquo ou institutionnaliseacute en dehors de son statut

drsquoobservateur avec le laquo reacutegime climat raquo contrairement par exemple aux banques multilateacuterales de

55 Ce standard commun combine trois systegravemes et meacutecanismes compleacutementaires le Systegraveme de notification des pays creacuteanciers (SNPC) du CAD et lrsquoEnquecircte sur les deacutepenses preacutevisionnelles ndash deux instruments de notification de lrsquoOCDE qui centralisent des donneacutees statistiques deacutetailleacutees ndash et lrsquoInitiative internationale pour la transparence de lrsquoaide systegraveme ougrave srsquoaffichent les notifications agrave un registre fournissant les donneacutees courantes sur la gestion des activiteacutes des donneurs

La transparence de la finance climat

184

deacuteveloppement qui sont les administrateurs ou encore les entiteacutes opeacuterationnelles de certains fonds

du meacutecanisme financier du laquo reacutegime climat raquo

Enfin ce rocircle laquo drsquoorchestrateur raquo56 a eacuteteacute donneacute par la CCNUCC au SCF que lrsquoOCDE vient fina-

lement remplacer dans son mandat comme en teacutemoigne drsquoailleurs la deacutemarche des preacutesidents de la

COP 20 et de la COP 21 consistant agrave se tourner vers elle plutocirct que vers lui quand il srsquoest agi de faire

un bilan dans lrsquourgence sur lrsquoeacutetat de la finance climat afin drsquoeacuteviter un eacutechec agrave Paris

Si diffeacuterentes raisons expliquent lrsquoattractiviteacute de lrsquoOCDE comme site de gouvernance de la trans-

parence de la finance climat (son organisation ses meacutethodes de travail ses fonctions ou encore la

pertinence de ses travaux)57 la question meacuterite drsquoecirctre poseacutee ndash et lrsquoa drsquoailleurs eacuteteacute par certains Eacutetats58

ndash de savoir si cette Organisation qui ne reacuteunit que 34 Eacutetats peut preacutetendre organiser ou mecircme seule-

ment orchestrer une question non seulement globale mais qui est de surcroicirct fortement empreinte

drsquoenjeux opposant pays en deacuteveloppement et pays deacuteveloppeacutes sur fond de consideacuterations lieacutees agrave la

justice climatique agrave lrsquoeacutequiteacute ou encore agrave la responsabiliteacute en somme agrave lrsquoaccountablity

Certes lrsquoOCDE nrsquoimpose rien agrave qui ne figure pas parmi ses membres ou agrave qui nrsquoadhegravere pas

volontairement agrave ses prescriptions normatives lesquelles prennent drsquoailleurs geacuteneacuteralement simple-

ment la forme de recommandations Toutefois la leacutegitimiteacute de lrsquoOCDE en matiegravere de transparence de

la finance climat ne pose pas simplement la question de savoir si elle exerce ses pouvoirs agrave lrsquoeacutegard

de ceux qui lui en ont donneacute le mandat Elle peut eacutegalement ecirctre envisageacutee du point de vue de ceux

qui beacuteneacuteficient de cette laquo alieacutenation volontaire de liberteacute raquo

Or agrave cet eacutegard lrsquoOCDE peut-elle preacutetendre agrave une leacutegitimiteacute sinon politique du moins fonc-

tionnelle En drsquoautres termes les modes collaboratifs de production des standards deacuteveloppeacutes par

lrsquoOCDE en matiegravere de transparence de la finance climat leur qualiteacute et leur caractegravere objectif per-

mettent-ils drsquoasseoir la leacutegitimiteacute de lrsquoOCDE en tant qursquoacteur central du reacuteseau normatif en matiegravere

de transparence de la finance climat en favorisant lrsquoaccountability dans ce domaine

Cela ne pourra ecirctre eacutevalueacute qursquoagrave terme au regard de lrsquoinfluence normative qursquoelle saura impul-

ser sur le laquo reacutegime climat raquo en favorisant non pas seulement lrsquoameacutelioration de la transparence de

la finance climat59 mais aussi lrsquoaugmentation de cette finance climat par exemple en eacutetablissant des

liens entre la finance climat et la transparence des subventions aux eacutenergies fossiles sans pour au-

tant que cela nrsquoaboutisse agrave reacuteduire les efforts poursuivant drsquoautres objectifs de deacuteveloppement en

continuant de soutenir la transparence de lrsquoaide au deacuteveloppement

Conclusion

Le complexe de reacutegimes climat confirme lrsquoexistence drsquoune norme de transparence dont les theacuteo-

riciens du droit administratif global avaient poseacute lrsquohypothegravese Dans le cadre du complexe de reacutegimes

climat cette norme de transparence peut ainsi servir de critegravere drsquoappreacuteciation du processus deacuteci-

56 KW Abbott and al International Organizations as Orchestrators Cambridge University Press 2015 450p57 Voir N Bonucci J-M Thouvenin laquo LrsquoOCDE site de gouvernance globale raquo in SFDI Le pouvoir normatif de lrsquoOCDE Paris Pedone 2013 pp 28-3458 Voir en particulier la position critique de lrsquoInde et le document de discussion D Dasgupta Analysis of a Recent OECD Report Some Credible Facts Needed Climate Change Finance Unit Department of Economic Affairs Ministry of Finance Government of India 2015 15p59 Pour une synthegravese de ces efforts drsquoadaptation des marqueurs de Rio voir la contribution de lrsquoOCDE au SCF httpunfccc int lesdo-cumentationsubmissions_from_ observersapplicationpdf500pdf

Anne-Sophie TABAU

185

sionnel des engagements et de leur mise en œuvre60 Le caractegravere relativement indeacutefini du contenu

et de la nature de cette norme qui reacutepond neacuteanmoins agrave des attentes sociales fortes face agrave la gouver-

nance globale semble favoriser sa diffusion dans le complexe de reacutegimes climat

Pour appreacutecier les effets de cette circulation normative il srsquoest aveacutereacute particuliegraverement inteacuteres-

sant de se pencher plus en deacutetails sur lrsquoexpression de cette norme en matiegravere de finance climat dans

la mesure ougrave la circulation du principe de la transparence de la finance climat nrsquoa pas produit les

mecircmes conseacutequences que la circulation de ses modaliteacutes drsquoapplication

En effet drsquoune part la circulation du principe de la transparence permet de reacuteveacuteler les poten-

tialiteacutes de la norme appliqueacutee agrave la finance climat Ainsi la transparence de la finance climat a in-

duit une comparaison entre la finance climat et la finance deacutedieacutee aux eacutenergies fossiles ou agrave lrsquoaide

publique au deacuteveloppement rendant plus objective la pression pour que les financements soient

affecteacutes au climat sans pour autant que cela conduise agrave neacutegliger drsquoautres enjeux de deacuteveloppement

Il srsquoagit lagrave drsquoune manifestation de la deacutefragmentation du droit international qui ne deacuterive pas drsquoun

support juridique unifiant mais qui demeure impulseacutee par une exigence relativement souple issue

du laquo reacutegime climat raquo Cette deacutefragmentation nrsquoen est pas moins susceptible de produire des impacts

(juridiques politiques ou sociaux) dans la mesure ougrave la circulation du principe de la transparence

met en eacutevidence une coheacuterence mateacuterielle drsquoun ensemble de normes drsquoorigines et de nature varieacutees

vis-agrave-vis drsquoun ensemble homogegravene de destinataires et drsquoutilisateurs

Toutefois drsquoautre part degraves lors que le principe de transparence de la finance climat est rendu

opeacuterationnel les choix effectueacutes par les acteurs les plus influents (OCDE banques multilateacuterales

de deacuteveloppement) ndash en raison de leur anticipation drsquoun besoin normatif de leur expertise ou en-

core de leur force de persuasion ndash se diffusent eacutegalement Lrsquoeacutetude de cette circulation permet ainsi

de mettre en eacutevidence le processus drsquoeacutelaboration drsquoune norme complexe (ie en lrsquooccurrence celle

permettant la transparence de la finance climat) crsquoest-agrave-dire une norme composeacutee drsquoune succession

ou drsquoune juxtaposition de normes et les acteurs qui y jouent un rocircle central Or ces acteurs ne sont

pas neacutecessairement ceux qursquoune approche statique du droit international reconnaicirct comme les laquo leacute-

gislateurs raquo globaux soulevant des questions en termes de leacutegitimiteacute drsquoautoriteacute et drsquoaccountability

Plus largement lrsquoidentification des eacutetapes drsquoeacutelaboration drsquoune norme complexe que permet lrsquoeacutetude

de la circulation normative contribue agrave mieux appreacutecier la rationaliteacute de la norme produite ce qui

est utile agrave la fois pour son interpreacutetation et son appreacuteciation critique

Au-delagrave du complexe de reacutegimes climat ces conclusions sont inteacuteressantes pour laquo deacute-complexi-

fier raquo et donc mieux appreacutecier la gouvernance globale Elles tendent agrave souligner la pertinence drsquoune

approche dynamique des normes internationales en reacuteveacutelant leur caractegravere global (au-delagrave des Eacutetats)

mais aussi quant agrave la capaciteacute de cette circulation normative agrave deacute-fragmenter le droit international

et mieux identifier les contours drsquoun complexe de reacutegimes

60 A-S Tabau laquo Evaluation de lrsquoAccord de Paris agrave lrsquoaune drsquoune norme globale de transparence raquo RJE ndeg 1 2016

La transparence de la finance climat

186

187

Chapitre 4Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du

meacutecanisme de plainte du Fonds Vert pour le Climat

Vanessa Richard1

Deacutecideacute lors de la 16e Confeacuterence des Parties (COP) agrave la Convention-cadre des Nations Unies sur

le Changement Climatique (CCNUCC) agrave Cancuacuten en 20102 et creacuteeacute par la COP17 agrave Durban en 2011 le

Fonds Vert pour le Climat (FVC) est une organisation internationale agrave part entiegravere destineacutee agrave centra-

liser des financements additionnels afin laquo drsquoassurer le fonctionnement du meacutecanisme financier de la

Convention conformeacutement agrave lrsquoarticle 11 de celle-ci (hellip) pour soutenir des projets des programmes

des politiques et drsquoautres activiteacutes dans les pays en deacuteveloppement parties raquo3 Le FVC

laquo [d]ans lrsquooptique du deacuteveloppement durable (hellip) œuvre en faveur drsquoun nouveau paradigme

orienteacute vers des modes de deacuteveloppement agrave faible taux drsquoeacutemission et favorisant la reacutesilience face au

climat en offrant aux pays en deacuteveloppement un appui dans leur action visant agrave limiter ou reacuteduire

leurs eacutemissions de gaz agrave effet de serre et agrave srsquoadapter aux incidences des changements climatiques

compte tenu des besoins de ceux qui sont particuliegraverement exposeacutes aux effets neacutefastes de ces chan-

gements raquo4

Lrsquolaquo Instrument reacutegissant le Fonds vert pour le climat raquo preacutevoit que le Board (le Conseil) du FVC

laquo convient de principes et de normes fiduciaires tireacutes des meilleures pratiques les adopte et

veille agrave leur application aux entiteacutes du Fonds agrave la fonction drsquoadministrateur lieacutee au Fonds ainsi qursquoagrave

lrsquoensemble des activiteacutes projets et programmes financeacutes par le Fonds y compris les entiteacutes chargeacutees

de la mise en œuvre [hellip et convient de] garanties environnementales et sociales tireacutees des meilleures

pratiques et les adopte ces garanties sont appliqueacutees agrave tous les programmes et projets financeacutes agrave

lrsquoaide des ressources du Fonds raquo5

Afin de veacuterifier que les normes fiduciaires et les garanties environnementales et sociales sont

bien appliqueacutees le Board doit creacuteer laquo un meacutecanisme de recours indeacutependant qui lui rend des comptes

Ce meacutecanisme reccediloit les plaintes se rapportant au fonctionnement du Fonds procegravede agrave une eacutevalua-

tion et formule des recommandations raquo6

1 Chargeacutee de recherche au CNRS Aix-Marseille Universiteacute Universiteacute de Toulon CNRS UMR DICE Aix-en-Provence France Princi-pal Investigator du projet International Grievance Mechanisms and International Law amp Governance (IGMs) httpwwwigms-projectorg La recherche preacutesenteacutee ici a eacuteteacute financeacutee par le Conseil europeacuteen de la recherche dans le cadre du 7e Programme Cadre de lrsquoUnion europeacuteenne (FP2007-2013) ERC Grant Agreement ndeg 3125142 Deacutecision 1CP16 laquo Accords de Cancuacuten raquo sect1023 Deacutecision 3CP17 laquo Mise en place du Fonds vert pour le climat raquo sect34 Ibid Annexe laquo Instrument reacutegissant le Fonds vert pour le climat raquo sect25 Ibid sectsect 63 et 656 Ibid sect69

Vanessa RICHARD

188

La mise en place drsquoun tel meacutecanisme de plainte srsquoappuie sur une pratique de plus en plus reacute-

pandue au sein des institutions internationales et nationales financcedilant le deacuteveloppement consistant

agrave creacuteer des meacutecanismes drsquoaccountability (de laquo rendre des comptes raquo) faits sur mesure pour ce type

drsquoinstitutions et leurs activiteacutes Depuis 1993 et la creacuteation du Panel drsquoinspection de la Banque mon-

diale lrsquoideacutee drsquoinstituer des meacutecanismes de plainte non-juridictionnels au sein des banques multila-

teacuterales de deacuteveloppement (BMD) a en effet fait floregraves Ils sont communeacutement deacutesigneacutes sous le sigle

IAMs (pour International Accountability Mechanisms) Le Groupe Banque mondiale a mis en place

deux IAMs le Panel drsquoinspection pour les projets publics recevant le soutien de la Banque Interna-

tionale pour la Reconstruction et le Deacuteveloppement (BIRD) et de lrsquoAgence Internationale de Deacuteve-

loppement (AID) et le Compliance Advisor Ombudsman (CAO) creacuteeacute en 1999 pour les projets priveacutes

soutenus par la Socieacuteteacute Financiegravere Internationale (SFI) et lrsquoAgence Multilateacuterale de Garantie des In-

vestissements (AMGI) La Banque Interameacutericaine de Deacuteveloppement (BID) a creacuteeacute en 1994 un Meacuteca-

nisme Indeacutependant drsquoInspection remplaceacute en 2010 par le MICI (Mecanismo Independiente de Consul-ta e Investigacioacuten) La Banque Asiatique de Deacuteveloppement (ADB) a creacuteeacute une Fonction drsquoInspection

en 1995 remplaceacutee par un Accountability Mechanism (AM) depuis 2003 La Banque Europeacuteenne pour

la Reconstruction et le Deacuteveloppement (BERD) a institueacute un Meacutecanisme de Recours Indeacutependant en

2003 remplaceacute par le Meacutecanisme de Recours sur les Projets (PCM pour Project Complaint Mecha-nism) en 2010 Le Groupe Banque Africaine de Deacuteveloppement (BAfD) a creacuteeacute un Meacutecanisme Indeacute-

pendant drsquoInspection (MII) confieacute agrave lrsquoUniteacute de veacuterification de la conformiteacute et de meacutediation (CRMU

pour Compliance Review and Mediation Unit) en 2004 La Banque Europeacuteenne drsquoInvestissement (BEI)

a creacuteeacute son Meacutecanisme de Traitement des Plaintes (MTP) en 2008hellip On peut encore ajouter agrave cette

liste non-exhaustive la combinaison de lrsquoUniteacute chargeacutee du Respect des Normes sociales et environ-

nementales (URNES) avec le Meacutecanisme de Reacuteponse aux Parties prenantes (MRPP) creacuteeacutes par le

Programme des Nations Unies pour le Deacuteveloppement (PNUD) fin 2014 la creacuteation en 2003 par la

Banque Japonaise pour la Coopeacuteration Internationale (JBIC) drsquoun Examiner for Environmental Gui-delines la creacuteation la mecircme anneacutee par la Nippon Export and Investment Insurance (NEXI lrsquoagence de

creacutedit agrave lrsquoexportation du Japon) des Objection and Consultation Procedures on Guidelines of Environ-mental and Social Considerations in Trade Insurance la creacuteation en 2005 par la Overseas Private In-vestment Corporation (OPIC lrsquoagence de financement du deacuteveloppement des Eacutetats-Unis) drsquoun Office of Accountabilityhellip

Lrsquoun des rocircles des meacutecanismes drsquoaccountability des banques de deacuteveloppement est drsquoeacutevaluer agrave

la requecircte des personnes affecteacutees ou susceptibles drsquoecirctre affecteacutees par les activiteacutes de la banque la

conformiteacute du comportement de la banque vis-agrave-vis de ses propres regravegles internes (par exemple ses

politiques ou proceacutedures relatives agrave la diffusion de lrsquoinformation aux eacutetudes drsquoimpact environne-

mental et social aux droits des peuples autochtones etc) Ces politiques et proceacutedures opeacuteration-

nelles ne srsquoimposent pas aux Eacutetats ou entreprises emprunteurs mais au personnel de la banque (le

Management) et deacutefinissent un standard de comportement dans le processus deacutecisionnel relatif agrave

lrsquooctroi drsquoune assistance Dans lrsquohypothegravese ougrave il est constateacute que la banque a manqueacute agrave ses regravegles

internes il nrsquoen deacutecoule aucune responsabiliteacute juridique qui lui serait attribuable Le meacutecanisme

drsquoaccountability vise agrave donner la possibiliteacute drsquoadopter des mesures correctives afin de permettre au

projet de deacuteveloppement de se poursuivre dans de meilleures conditions Lrsquoobjectif nrsquoest donc pas

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

189

de constater lrsquoexistence de faits internationalement illicites et drsquoactionner une responsabiliteacute inter-

nationale Lrsquoun des traits les plus caracteacuteristiques de lrsquoaccountability des banques de deacuteveloppement

est qursquoelle se polarise non pas sur la violation drsquoune regravegle juridique mais sur le dommage actuel ou

potentiel Il nrsquoest degraves lors guegravere eacutetonnant qursquoagrave lrsquoexception du Panel drsquoinspection de la Banque mon-

diale7 les autres meacutecanismes drsquoaccountability articulent la proceacutedure de veacuterification de conformiteacute agrave

une proceacutedure dite laquo de reacutesolution des problegravemes raquo (problem-solving)

De faccedilon geacuteneacuterale les IAMs remplissent trois rocircles

- ils eacutevaluent sur requecircte des personnes affecteacutees ndash ou susceptibles drsquoecirctre affecteacutees ndash par les

activiteacutes de la banque le respect par le Management de la banque de ses propres regravegles internes

crsquoest-agrave-dire le respect de ses politiques et proceacutedures Dans lrsquohypothegravese ougrave le Management ne les

aurait pas respecteacutees cela nrsquoentraicircne pas la responsabiliteacute juridique de la banque mais elle doit

adopter des mesures correctives

- ils offrent une possibiliteacute de reacuteparation (au sens de redress) pour les impacts environnemen-

taux et sociaux baseacutee sur une approche de reacutesolution des problegravemes tailleacutee sur mesure pour les

parties prenantes utilisant des techniques comme la constatation de faits (fact-finding) la meacute-

diation la consultation la neacutegociationhellip Le MII de la BAfD et le MICI de lrsquoIDB8 excepteacutes lrsquoaccegraves

agrave la phase de reacutesolution des problegravemes (parfois appeleacutee phase de reacutesolution des diffeacuterends ou

phase de consultation) nrsquoest pas conditionneacute au fait que les plaignants invoquent une violation

par la banque de ses standards

- ils permettent agrave la banque de tirer des leccedilons des affaires en formulant par exemple des recom-

mandations sur les modifications des politiques ou proceacutedures neacutecessaires pour eacuteviter les situa-

tions de non-respect agrave lrsquoavenir De ce point de vue le CAO de la SFIAMGI a pendant longtemps

eacuteteacute le seul IAM dont la mission inclut expresseacutement la formulation

laquo d[rsquo]avis agrave lrsquointention du Preacutesident et drsquoIFC etou de la MIGA drsquoune maniegravere geacuteneacuterale sur les

questions environnementales et sociales en rapport avec les politiques les normes les directives les

proceacutedures les ressources et les dispositifs mis en place pour ameacuteliorer les performances des projets

drsquoIFC et de la MIGA raquo9

La reacutecente reacutevision du MII de la BAfD a cependant donneacute agrave la CRMU la possibiliteacute drsquooffrir des

conseils pour

7 La reacutevision de 2014 des Proceacutedures opeacuterationnelles du Panel drsquoinspection a vu la mise en place drsquoune Pilot approach to support early so-lutions tregraves controverseacutee qui vise agrave faciliter le dialogue entre le Management et les plaignants avant lrsquoenregistrement formel de la plainte Bien que cette laquo approche pilote pour une solution preacutecoce raquo ne soit pas supposeacutee empecirccher les plaignants drsquoacceacuteder agrave la proceacutedure de controcircle de conformiteacute si le dialogue eacutechoue la premiegravere utilisation de cette approche pilote a abouti agrave ce que certains des plaignants se voient barrer lrsquoac-cegraves au controcircle de conformiteacute Voir Panel drsquoinspection 2014 Updated Operating Procedures httpewebappsworldbankorgappsipPanel-MandateDocuments201420Updated20Operating20Procedurespdf Panel drsquoinspection Nigeria Lagos Metropolitan Development and Gov-ernance Project (Pilot - Not Registered) Case 91 plainte reccedilue le 30 septembre 2013 httpewebappsworldbankorgappsipPagesViewCaseaspxCaseId=94 Amnesty International laquo World Bank Investigate Inspection Panelrsquos Pilot Approach to Early Solutions and Its Application in Badia East Lagos Nigeria raquo 2 septembre 2014 httpswwwamnestyorgdownloadDocuments4000afr440202014enpdf (au 3 mai 2016)8 Ce dernier eacutetant consideacutereacute comme le moins accessible des IAMs des BMD9 CAO Directives Opeacuterationnelles 2013 sect511

Vanessa RICHARD

190

laquo apporter des ameacuteliorations systeacutemiques dans les politiques environnementales et sociales

[hellip] ameacuteliorer les impacts environnementaux et sociaux des projets [hellip] permettre agrave la Banque

drsquoavoir une meilleure compreacutehension de la faccedilon dont les obligations telles que contenues dans ses

politiques et proceacutedures en matiegravere de sauvegarde environnementale et sociale pourraient ecirctre sa-

tisfaites par les pays membres reacutegionaux en vue de preacuteserver les impacts du deacuteveloppement don-

ner des informations et recommandations sur les questions eacutemergentes observeacutees dans le cadre du

mandat de CRMU raquo10

En ce qui concerne les autres IAMs leur rocircle de diffusion des lessons learned nrsquoest pas distingueacute

de leur rocircle de veacuterificateur de conformiteacute etou de reacutesolution des problegravemes

Au final la reacutealiteacute et la leacutegitimiteacute de la veacuterification opeacutereacutee par ces meacutecanismes de plainte deacute-

pendent de trois facteurs essentiels les standards de comportement du bailleur doivent ecirctre robustes

et deacutefinir clairement ce qui relegraveve de la responsabiliteacute de la banque et ce qui est de la responsabiliteacute

de lrsquoemprunteur la proceacutedure doit ecirctre formuleacutee dans un langage accessible preacutevisible et suppose

drsquoecirctre transparente ouverte le plus largement possible les personnes travaillant dans ces meacuteca-

nismes doivent ecirctre indeacutependantes11

La creacuteation du meacutecanisme de recours indeacutependant (IRM pour Independent Redress Mechanism) du FVC srsquoinscrit donc dans un contexte normatif et institutionnel qui srsquoeacutetoffe depuis une trentaine

drsquoanneacutees dans le champ du financement du deacuteveloppement drsquoougrave lrsquointeacuterecirct qursquoil y a agrave explorer les

circulations opeacutereacutees entre les standards (aspects substantiels) et le design institutionnel (aspects pro-

ceacuteduraux) des meacutecanismes de plainte des banques multilateacuterales de deacuteveloppement et ceux qui sont

en train drsquoecirctre mis en place par le FVC

En outre ces questions de circulation des standards applicables et de proceacutedure pour de tels

meacutecanismes de plainte emportent des conseacutequences tout agrave fait actuelles et concregravetes Faute de sys-

tegravemes de traccedilage efficaces ou encore parce que les financements suivent des routes tortueuses (par

exemple une banque de deacuteveloppement precircte agrave une agence gouvernementale qui utilise ces fonds

pour financer des projets publics mais aussi le secteur bancaire afin qursquoil finance de lrsquoinvestisse-

ment priveacute en faveur de la lutte contre les changements climatiques qui va lui-mecircme financer des

travaux drsquoeacuteconomie drsquoeacutenergie par les particuliershellip) il est tregraves difficile de savoir ougrave vont au final

les financements climat et donc drsquoeacutevaluer leurs impacts environnementaux sociaux eacuteconomiques

culturels etc LrsquoAccord de Paris reconnaicirct que les Parties peuvent ecirctre affecteacutees non seulement par

le changement climatique mais aussi par les impacts des mesures adopteacutees pour y reacutepondre12 et rap-

pelle que son objectif est de renforcer la reacuteponse agrave la menace du changement climatique et ce dans le

10 MII Operating Rules and Procedures 2015 Ce texte nrsquoest pas au moment ougrave nous eacutecrivons accessible depuis le site de la BAfD ni dans sa version anglaise ni dans sa version franccedilaise Il est cependant disponible en anglais en allant directement agrave httpwwwafdborgfileadminuploadsafdbDocumentsCompliance-ReviewRevised_IRM_Operating_Rules_and_Procedures_2015pdf (au 5 juillet 2016)11 Dans le mecircme sens voir C Daniel K Genovese M van Huijstee S Singh (eds) Glass Half Full The State of Accountability in Devel-opment Finance Amsterdam SOMO janvier 2016 65 p httpgrievancemechanismsorgresourcesbrochuresIAM_DEF_WEBpdf (au 3 mai 2016)12 Deacutecision 1CP21 Annexe laquo Accord de Paris raquo Preacuteambule laquo Reconnaissant que les Parties peuvent ecirctre toucheacutees non seulement par les changements climatiques mais aussi par les effets des mesures de riposte agrave ces changements raquo

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

191

contexte du deacuteveloppement durable et des efforts pour eacuteradiquer la pauvreteacute13 Il est par conseacutequent

important drsquoarrimer la lutte contre le changement climatique au respect et la promotion des droits

humains du droit agrave la santeacute des droits des peuples indigegravenes des communauteacutes locales du droit au

deacuteveloppement14 y compris dans les aspects normatifs et institutionnels

Face agrave ces enjeux la capaciteacute des bailleurs de finance climat publics agrave eacutevaluer les demandes de

financement et agrave assurer le suivi de leurs impacts est questionnable drsquoautant qursquoagrave cocircteacute du finance-

ment de projets laquo reacuteels raquo ndash par exemple la construction drsquoun reacuteseau de transports publics urbains

pour favoriser lrsquoabandon de la voiture pour se deacuteplacer ndash une part importante des flux concerne le

development policy-lending15 lrsquoassistance technique (par exemple le financement drsquoune eacutetude sur la

privatisation de la distribution drsquoeacutelectriciteacute) ou encore les intermeacutediaires financiers16 Un rapport

reacutecent met en lumiegravere le fait que le degreacute de prise en compte de la lutte contre le changement clima-

tique dans les deacutecisions de financement comme le suivi des impacts sont deacutefaillants17 Par ailleurs

un corpus croissant drsquoeacutetudes montre que tant le Meacutecanisme de Deacuteveloppement Propre (MDP) que

la REDD+18 sont susceptibles de financer des projets qui ne beacuteneacuteficient pas aux populations voire

au contraire les placent dans une situation pire qursquoavant le projet19 Supposeacutes ecirctre tailleacutes sur mesure

pour la lutte contre le changement climatique et faisant partie du cadre juridique onusien ces meacute-

canismes de financement preacutesentent exactement les mecircmes failles dans la mise en œuvre des pro-

tections environnementales et sociales que nrsquoimporte quel autre projet financeacute par les institutions

drsquoaide au deacuteveloppement aux stades de la conception de lrsquoapprobation de la mise en œuvre et du

13 Ibid article 2sect1 laquo vise agrave renforcer la riposte mondiale agrave la menace des changements climatiques dans le contexte du deacuteveloppement durable et de la lutte contre la pauvreteacute raquo14 Ibid Preacuteambule laquo Conscientes que les changements climatiques sont un sujet de preacuteoccupation pour lrsquohumaniteacute tout entiegravere et que lorsqursquoelles prennent des mesures face agrave ces changements les Parties devraient respecter promouvoir et prendre en consideacuteration leurs obli-gations respectives concernant les droits de lrsquoHomme le droit agrave la santeacute les droits des peuples autochtones des communauteacutes locales des migrants des enfants des personnes handicapeacutees et des personnes en situation vulneacuterable et le droit au deacuteveloppement ainsi que lrsquoeacutegaliteacute des sexes lrsquoautonomisation des femmes et lrsquoeacutequiteacute entre les geacuteneacuterations raquo15 Financements destineacutes agrave reacuteformer des secteurs entiers de lrsquoeacuteconomie drsquoun pays Ils remplacent les precircts drsquoajustement structurel et les precircts drsquoajustement sectoriel16 H Mainhardt N Sinani laquo MDB Climate Change Scorecard Do the MDBs pass the 2 degree test raquo Bank Information Center and Sierra Club deacutecembre 2015 httpwwwbankinformationcenterorgwp-contentuploads201510MDB-Climate-Change-Scorecard-formattedpdf pp 3-4 (au 3 mai 2016) Selon Investopedia laquo Un intermeacutediaire financier est une entiteacute qui agit comme intermeacutediaire entre deux parties dans une transaction financiegravere Si les banques commerciales sont des intermeacutediaires financiers typiques cette cateacutegorie inclut drsquoautres insti-tutions financiegraveres comme les banques drsquoinvestissement les compagnies drsquoassurance les courtiers bancaires les fonds communs de placement et les fonds de pension raquo (traduit par nous) httpwwwinvestopediacomtermsffinancialintermediaryasp (au 5 juillet 2016)17 laquo MDB Climate Change Scorecard raquo op cit Voir eacutegalement J Redman A Durand M Camila Bustos J Baum T Roberts laquo Walking the Talk World Bank Energy-Related Policies and Financing 2000-2004 to 2010-2014 raquo joint briefing from Brown Universityrsquos Climate and Development Lab and the Institute for Policy Studies octobre 2015 httpwwwips-dcorgwp-contentuploads201510Walking-The-Talkpdf (au 3 mai 2016)18 Reducing Emissions from Deforestation and Forest Degradation Initiative19 Voir par exemple P Bond K Sharife F Allen B Amisi K Brunner R Castel-Branco D Dorsey G Gambirazzio T Hatha-way A Nel W Nham laquo The CDM cannot deliver the money to Africa Why the Clean Development Mechanism wonrsquot save the planet from climate change and how African civil society is resisting raquo 2012 EJOLT Report ndeg2 httpwwwejoltorgwordpresswp-contentup-loads201301121221_EJOLT_2_Highpdf (six eacutetudes de cas dans huit pays drsquoAfrique) sur lrsquoactuelle controverse du barrage de Santa Rita au Guatemala (projet MDP) voir S Dasgupta laquo ldquoGreenrdquo hydropower dam fuels charges of gross human rights violations raquo 27 mai 2015 httpnewsmongabaycom20150527-dasgupta-santa-rita-dam-human-rightshtml et Carbon Market Watch laquo Campaigns Santa Rita ndash Large hydro power project Guatemala raquo httpcarbonmarketwatchorgcategorysanta-rita-large-hydro-power-project-guatemala (au 3 mai 2016) Sur la REDD+ voir M Poudyala B S Ramamonjisoab N Hockleya O S Rakotonarivoa J M Gibbonsa R Mandimbiniainab A Raso-amananab J PG Jonesa laquo Can REDD+ social safeguards reach the lsquorightrsquo people Lessons from Madagascar raquo Global Environmental Change vol 37 mars 2016 pp 31-42

Vanessa RICHARD

192

suivi des projets20 Crsquoest dire si les enjeux du suivi et du controcircle sont importants et la creacuteation drsquoun

meacutecanisme drsquoaccountability pour le FVC participe agrave un objectif de bonne gouvernance et drsquoeffectivi-

teacute qui devrait a priori se retrouver dans ses modaliteacutes de fonctionnement

Les bases de ces modaliteacutes ont eacuteteacute jeteacutees lors de deux reacuteunions du Board de 2014 Lors de la 6e

reacuteunion agrave Bali (Indoneacutesie) du 19 au 21 feacutevrier 2014 la Deacutecision B0609 (Annexe V) a enteacuterineacute les

termes de reacutefeacuterence des diffeacuterents meacutecanismes de controcircle du FVC que sont la Independent Evalua-tion Unit ndash qui effectue des eacutevaluations peacuteriodiques des opeacuterations du FVC ndash la Independent Integrity Unit ndash compeacutetente en matiegravere de fraude et de corruption ndash et le Independent Redress Mechanism ndash qui

ne constitue pas un tribunal ou un meacutecanisme juridique21 il traite les demandes de reconsideacuteration

des refus de financement et les plaintes des communauteacutes et personnes directement affecteacutees par

des impacts neacutegatifs dus au fait que le projet ou programme financeacute par le Fonds nrsquoa pas respecteacute les

politiques et proceacutedures opeacuterationnelles du FVC ce qui comprend les garanties environnementales

et sociales22

Lors de la 7e reacuteunion agrave Songdo (Coreacutee du Sud) du 18 au 21 mai 2014 la Deacutecision B0702 a adopteacute

les laquo standards fiduciaires raquo et les laquo garanties environnementales et sociales provisoires raquo appliqueacutes

par le FVC23 Une troisiegraveme seacuterie de standards la Gender Policy du FVC sera adopteacutee lors de la 9e

reacuteunion en mars 201524

Commence alors agrave se dessiner le visage de lrsquoIRM Si beaucoup de ses traits restent flous il est

neacuteanmoins possible de distinguer les emprunts et les originaliteacutes du meacutecanisme et ce de trois points

de vue celui de la proceacutedure (1) celui des standards qui peuvent ecirctre invoqueacutes par les personnes

affecteacutees (2) et celui de lrsquoarticulation entre lrsquoIRM et les meacutecanismes de plainte deacutejagrave existants des en-

titeacutes accreacutediteacutees par le FVC pour geacuterer les financements (3)

1) La proceacutedure de lrsquoIRM entre innovation et emprunts sur le mode restrictif

Le meacutecanisme de plainte du FVC oscille entre innovation et emprunt aux proceacutedures de plainte

existant au sein des BMD Innovation drsquoune part car est mise en place une proceacutedure de requecircte

ouverte au promoteur drsquoun projet (un pays en deacuteveloppement) qui a demandeacute un financement et se

lrsquoest vu refuser Emprunt drsquoautre part agrave ce qui semble devenu une bonne pratique du financement

du deacuteveloppement crsquoest-agrave-dire la mise en place drsquoune proceacutedure de plainte ouverte aux personnes

affecteacutees par un projet ou programme financeacute par le FVC Dans les deux cas si les termes de reacutefeacuterence

20 Pour la seule Banque mondiale sur les impacts environnementaux des financements voir B Rich Foreclosing the Future The World Bank and the Politics of Environmental Destruction WashingtonCoveloLondon Island Press 2013 voir aussi Human Rights Watch At Your Own Risk Reprisals against Critics of World Bank Group Projects Juin 2015 httpwwwhrworgsitesdefaultfilesreportsworldBank0615_4Uppdf eacutegalement la seacuterie drsquoarticles drsquoinvestigation laquo Evicted and Abandoned The World Bankrsquos Broken Promise to the Poor raquo de lrsquoInternational Con-sortium of Investigative Journalism (ICIJ) httpwwwicijorgprojectworld-bank (au 3 mai 2016)21 Deacutecision B0609 Annexe V laquo Terms of Reference of the Independent Redress Mechanism raquo sect122 Ibid sect223 Deacutecision B0702 laquo Guiding Framework and Procedures for Accrediting National Regional and International Implementing Entities and Intermediaries Including the Fundrsquos Fiduciary Principles and Standards and Environmental and Social Safeguards raquo24 Deacutecision B0911 Annexe XIII laquo Gender Policy for the Green Climate Fund raquo

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

193

figurant agrave lrsquoAnnexe V de la Deacutecision B0609 dessinent les grandes lignes de ces proceacutedures on

ne dispose que partiellement de davantage de deacutetails sur leur fonctionnement concret Lors de la

derniegravere reacuteunion du Board agrave Songdo (28-30 juin 2016) il a en effet eacuteteacute constateacute que

laquo in the Work Plan for 2016 adopted by the Board at its twelfth meeting the Board decided to

address the interim procedures for redress at its thirteenth meeting The adopted Work Plan also

provides that the Board intends to approve the detailed guidelines and procedures for the IRM (De-

tailed Procedures) at its fifteenth meeting Such Detailed Procedures should address both functions

of the IRM It is suggested that at this stage only interim procedures relating to the IRMrsquos first func-

tion (ie reconsideration of funding decisions) are adopted by the Board With respect to the griev-

ance function of the IRM it may be more appropriate to instead develop the Detailed Procedures

as soon as practicable This because the specialized expertise within the Secretariat with respect to

this function of the IRM will exist only after the appointment of the head of the IRM In addition

given that the grievance function of the IRM cannot be engaged by communities and people until

after they have been directly affected by relevant adverse impacts there is no immediate need for

interim procedures (Emphasis added) raquo25

Le rapport final des deacutecisions adopteacutees lors de cette 13e reacuteunion du Board nrsquoest agrave lrsquoheure ougrave

nous eacutecrivons ces lignes pas encore disponible Les deacuteveloppements qui suivent sur la proceacutedure

provisoire applicable aux plaintes pour refus de financement se basent par conseacutequent sur le projet

de Interim Procedures for the Reconsideration of Funding Decisions26 preacutesenteacute dans un document preacute-

paratoire agrave la reacuteunion On peut cependant noter qursquoils apportent peu de deacutetails suppleacutementaires par

rapport aux dispositions des termes de reacutefeacuterence de lrsquoIRM

11 La plainte pour refus de financement une speacutecificiteacute du FVC

LrsquoIRM est compeacutetent pour eacutevaluer la plainte drsquoun pays en deacuteveloppement concerneacute par un pro-

jet ou programme dont le financement a eacuteteacute refuseacute Il srsquoagit lagrave drsquoune totale innovation qui deacutecoule

en premier lieu de la Deacutecision 5CP19 laquo Arrangements entre la Confeacuterence des Parties et le Fonds

vert pour le climat raquo

laquo 8 Le meacutecanisme de recours indeacutependant sera ouvert transparent et aiseacutement accessible et

aura entre autres pour tacircche de revoir les deacutecisions de financement

9 Le Fonds consignera dans ses rapports annuels agrave la Confeacuterence des Parties les recomman-

dations de son meacutecanisme de recours indeacutependant et toute mesure prise par le Conseil du Fonds

comme suite agrave ces recommandations La Confeacuterence des Parties peut formuler des directives sup-

pleacutementaires pour clarifier les politiques les prioriteacutes des programmes et les critegraveres drsquoadmissibiliteacute

qui influent sur les deacutecisions de financement raquo

25 13e Meeting of the Board 28-30 June 2016 Songdo Provisional agenda item 12 (f) Doc GCFB1317 laquo Interim Procedures for Redress Reconsideration of Funding Decisions raquo sectsect 7 et 8 26 Ibid Annexe II laquo Draft interim procedures for the reconsideration of funding decisions raquo

Vanessa RICHARD

194

Cette disposition nrsquoeacutetait pas incluse dans le projet de deacutecision proposeacute par le Preacutesident agrave Var-

sovie27 mais figurait en revanche dans le Draft arrangements between the Conference of the Parties and the Green Climate Fund proposeacute par le Standing Committee on Finance (SCF) de la CCNUCC28

La question de confier la reconsideacuteration des refus de financement agrave lrsquoIRM a eacuteteacute discuteacutee entre la 4e

et la 5e Reacuteunion du SCF Lors de la 4e Reacuteunion en juin 2013 le SCF nrsquoavait pu se mettre drsquoaccord sur

la question qui soulevait entre autres celles du conflit drsquointeacuterecircts lrsquoIRM eacutetant subordonneacute au Board

du FVC29 Lors de la 5e Reacuteunion en aoucirct 2013 le SCF constate que les discussion intersessions et les

consultations informelles conduites sous la houlette de M Raymond Landveld comme co-facilitateur

ont permis drsquoarriver agrave un accord30 Le deacutetail des discussions nrsquoest pas reacuteveacuteleacute Il est degraves lors difficile

de comprendre si cette innovation vient drsquoune meacuteprise sur ce qursquoest un meacutecanisme drsquoaccountability de ce type ou un ajout complegravetement reacutefleacutechi et deacutelibeacutereacute

La creacuteation de cette voie de recours est quoi qursquoil en soit coheacuterente avec la logique du FVC qui

est que laquo Le Fonds suit une approche laissant lrsquoinitiative aux pays et srsquoemploie agrave favoriser et agrave renfor-

cer lrsquoengagement dans le pays lui-mecircme avec le concours actif des institutions et parties prenantes

concerneacutees raquo31 Enfin cette voie de recours srsquoinscrit parfaitement dans la logique du cycle de sou-

mission approbation et suivi des programmes et projets32 puisqursquoelle permet drsquoeacutevaluer le controcircle

de conformiteacute opeacutereacute par le Secreacutetariat du FVC lorsqursquoil reccediloit une proposition de financement

En bref le Secreacutetariat publie reacuteguliegraverement des propositions de financement sur le site du FVC

sur instruction du Board mais les Autoriteacutes Nationales Deacutesigneacutees (AND) les entiteacutes exeacutecutives des

projets (implementing entities) et les intermeacutediaires peuvent eacutegalement soumettre au Secreacutetariat

des propositions pour un financement lesquelles doivent ecirctre approuveacutees La proposition de fi-

nancement doit avant tout faire lrsquoobjet drsquoune non-objection de la part de lrsquoAND du pays concerneacute

Le Secreacutetariat veacuterifie ensuite si la proposition respecte les garanties environnementales et sociales

provisoires la politique sur le genre et les standards fiduciaires33 Un panel technique consultatif (le

Technical Advisory Panel TAP) effectue ensuite une eacutevaluation de la proposition en tenant compte

du rapport du Secreacutetariat sur le respect des standards applicables34 La recommandation sur le finan-

cement du Secreacutetariat et lrsquoeacutevaluation du TAP sont ensuite transmis au Board35 qui peut approuver la

27 Report of the Green Climate Fund to the Conference of the Parties and guidance to the Green Climate Fund Proposal by the President Draft decision -CP19 Report of the Green Climate Fund to the Conference of the Parties and guidance to the Green Climate Fund Doc FCCCCP2013L12 22 novembre 201328 Report of the Standing Committee on Finance to the Conference of the Parties Doc FCCCCP20138 4 novembre 2013 Annexe III29 Report of the fourth meeting of the Standing Committee on Finance 15-17 juin 2013 Doc SCF2013311 sectsect 14-1830 Draft report of the fifth meeting of the Standing Committee on Finance 27-30 aoucirct 2013 Doc SCF201359 sectsect 34-3831 Instrument reacutegissant le Fonds vert pour le climat op cit sect332 Deacutecrit par la Deacutecision B0703 Annexe VII laquo Project and programme activity cycle raquo mai 201433 Une ONG note que le Secreacutetariat ayant peu de personnel laquo many of its tasks will likely be outsourced to consultants and implementing entities In light of these operational limitations the GCF may be exposed to contradictory demands from different stakeholders raquo Both ENDS laquo Feasibility report on the strengthening of citizen-based complaint review and referral mechanisms under the Green Climate Fund (GCF) raquo Briefing Paper httpwwwbothendsorguploaded_filesinlineitem120150528_Feasibility_report_TIpdf 2015 p 334 Les termes de reacutefeacuterence du Technical Advisory Panel sont deacutecrits in 9th Meeting of the Board Songdo (South Korea) 24-26 March 2015 Doc GCFB0923 Annexe XII laquo Terms of reference of the independent Technical Advisory Panel raquo35 Les premiers rapports recommandant un refus du financement proposeacute commencent agrave arriver voir agrave propos drsquoun projet sri lankais soutenu par le PNUD comme entiteacute accreacutediteacutee laquo Independent Technical Advisory Panelrsquos assessment of FP 016 raquo in TAP laquo Consideration of funding proposals ndash Addendum 12 Independent Technical Advisory Panelrsquos assessment raquo Doc GCFB1316Add12Rev01 23 juin 2016 pp 40-47

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

195

proposition de financement la rejeter ou demander des modifications Le Secreacutetariat informe lrsquoenti-

teacute exeacutecutive ou lrsquointermeacutediaire ainsi que lrsquoAND de la deacutecision En cas de rejet de la proposition le

Secreacutetariat informe le pays en deacuteveloppement concerneacute que conformeacutement agrave la Deacutecision B0609 il

peut demander la reconsideacuteration de la deacutecision aupregraves de lrsquoIRM

Selon les Draft interim procedures for the reconsideration of funding decisions lrsquoAND concerneacutee

a trente jours suivant la communication par le Secreacutetariat de la deacutecision de refus pour saisir lrsquoIRM36

Au sein de lrsquoIRM crsquoest la personne agrave la tecircte du meacutecanisme (lela Head de lrsquoIRM) qui est compeacutetent(e)

pour examiner les requecirctes en reconsideacuteration37 Ilelle veacuterifie lrsquoeacuteligibiliteacute de la requecircte qui doit

laquo include a description of the project or programme that has been denied funding and will need

to substantiate the reasons why the developing country believes that the denial was inconsistent

with the policies programme priorities and eligibility criteria of the Fund including those imple-

menting guidance provided by the Conference of the Parties raquo38

Il est ainsi rappeleacute les relations particuliegraveres qursquoont la COP et FVC

LrsquoIRM va ensuite utiliser en premier lieu des moyens informels afin de trouver une solution

laquo satisfaisante et amiable raquo39 agrave la requecircte Dans lrsquohypothegravese ougrave cette premiegravere phase nrsquoamegravenerait pas

de solution lrsquoIRM eacutevalue si le refus du FVC est entacheacute drsquoun manquement agrave ses politiques prioriteacutes

programmatiques et critegraveres drsquoeacuteligibiliteacute en tenant compte notamment de

laquo any issues raised by the Applicant in the Request the original funding proposal as submitted

to the Board including the assessments of the Secretariat and the independent Technical Advisory

Panel the decision of the Board and other relevant aspects of the Fundrsquos operations raquo40

LrsquoIRM communique enfin un rapport au Board qui inclut des recommandations sur les mesures correctives envisageables41 Sur la base de ce rapport le Board laquo may consider the request in view of the report and take steps to implement the recommendation of the IRM raquo42 Le laquo may consider [hellip] and take steps raquo suggegravere que le Board peut totalement ou partiellement ignorer les recommandations de lrsquoIRM La formulation du projet de Interim Procedures for the Reconsideration of Funding Decisions nrsquoeacuteclaire pas vraiment ce point laquo The Board may at its next meeting following receipt of the report consider the Request in view of the report and the recommendation of the Head of the IRM and take such steps as it considers appropriate raquo43

36 Draft interim procedures for the reconsideration of funding decisions op cit sect437 Ibid sectsect 6-938 Terms of Reference of the Independent Redress Mechanism op cit sect339 laquo a satisfactory and amicable resolution of the request raquo Terms of Reference of the Independent Redress Mechanism op cit sect4 et Draft interim procedures for the reconsideration of funding decisions op cit sect740 Draft interim procedures for the reconsideration of funding decisions op cit sect741 Terms of Reference of the Independent Redress Mechanism op cit sect4d) et Draft interim procedures for the reconsideration of funding decisions op cit sect942 Terms of Reference of the Independent Redress Mechanism op cit sect543 Draft interim procedures for the reconsideration of funding decisions op cit sect10

Vanessa RICHARD

196

12 La plainte des personnes affecteacutees des emprunts qui ne reflegravetent pas toujours les meilleures pratiques des IAMs

Si la proceacutedure de plainte innove complegravetement pour ce qui est de la plainte du pays en deacuteve-

loppement celle qui concerne les plaintes des personnes est creacuteeacutee on lrsquoa dit dans un paysage de

meacutecanismes de plainte similaires dont le FVC srsquoest inspireacute Cependant en quelques endroits la pro-

ceacutedure ne reflegravete pas les eacutevolutions reacutecentes des proceacutedures des IAMs ces derniegraveres eacutetant pourtant

baseacutees sur une expeacuterience en la matiegravere qui est tregraves eacutetoffeacutee pour certains de ces meacutecanismes ndash crsquoest

le cas par exemple du CAO qui a reccedilu depuis 1999 plus de cent cinquante plaintes Comme en ce qui

concerne la plainte pour refus de financement les termes de reacutefeacuterence donnent les grandes lignes de

la proceacutedure mais les modaliteacutes concregravetes de fonctionnement ne sont pas encore disponibles

Peut porter plainte un groupe de personnes (donc au moins deux personnes) qui ont eacuteteacute direc-

tement affecteacutees par des impacts neacutegatifs dus au fait qursquoun projet ou programme financeacute par le FVC

nrsquoa pas mis en œuvre les politiques et proceacutedures du FVC y compris les garanties environnementales

et sociales ou au fait que le FVC ou ses intermeacutediaires et entiteacutes exeacutecutives nrsquoont pas respecteacute ces

politiques44 La derniegravere partie de cette disposition pose des problegravemes drsquoarticulation avec les stan-

dards applicables par certaines entiteacutes exeacutecutives qui disposent deacutejagrave de leurs propres meacutecanismes de

plainte sur lesquels nous reviendrons dans la troisiegraveme partie de cette contribution

Apregraves lrsquoexamen de lrsquoeacuteligibiliteacute de la plainte la proceacutedure se deacuteroule ensuite comme suit

- dans un premier temps lrsquoIRM utilise tous moyens informels pour trouver une solution amiable

et satisfaisante (phase de reacutesolution des problegravemes)

- lorsque la reacutesolution des problegravemes a eacutechoueacute il eacutevalue si les plaignants ont eacuteteacute affecteacutes par des

impacts qui deacutecoulent drsquoun manquement aux politiques et proceacutedures du FVC

- sur la base de ses constatations lrsquoIRM formule des recommandations sur les mesures correc-

tives agrave adopter agrave lrsquointention du Board et peut eacutegalement recommander au Board des modifications

des politiques et proceacutedures applicables

- lrsquoIRM assure le suivi de la mise en œuvre des mesures correctives deacutecideacutees par le Board sur la

base de ses recommandations et rend compte de lrsquoavanceacutee de la mise en œuvre au Board45

Les emprunts faits aux meacutecanismes de plainte existants aboutissent agrave un curieux meacutelange

drsquoune part le FVC a retenu une approche restrictive de lrsquoaccegraves au meacutecanisme de plainte et agrave la phase

de controcircle de conformiteacute drsquoautre part une fois atteinte la phase de controcircle de conformiteacute le FVC

a doteacute lrsquoIRM des compeacutetences les plus eacutetendues que lrsquoon trouve dans des meacutecanismes similaires

Srsquoagissant des choix restrictifs il convient de noter en premier lieu que lrsquoaccegraves agrave tous les IAMs

existants est ouvert agrave la fois aux personnes affecteacutees et aux personnes susceptibles drsquoecirctre affecteacutees

44 Terms of Reference of the Independent Redress Mechanism op cit sect745 Ibid sectsect 7 et 8

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

197

Dans le cadre du projet International Grievance Mechanisms and International Law and Governance

(IGMs)46 sur lequel srsquoappuie la preacutesente contribution lrsquoeacutequipe a exploreacute cent cinquante sept af-

faires47 devant les IAMs du Groupe Banque mondiale de la BERD de lrsquoADB de la BAfD et de la BID

et intervieweacute dix-huit personnes qui travaillent ou ont travailleacute dans un IAM Tant les eacutetudes de cas

que les interviews deacutemontrent qursquoouvrir lrsquoaccegraves agrave un IAM aux personnes susceptibles drsquoecirctre affec-

teacutees permet drsquoalerter la banque de deacuteveloppement preacutecocement sur les protestations que le projet

soulegraveve Crsquoest donc un outil particuliegraverement utile pour deacutetecter des problegravemes dans la conception

du projet agrave un stade peu avanceacute lorsqursquoil y a un plus grand choix de deacutecisions correctives possibles

agrave moindre coucirct

En deuxiegraveme lieu le FVC conditionne lrsquoaccegraves agrave lrsquoensemble de la proceacutedure au fait que les plai-

gnants invoquent un manquement aux standards applicables Si lrsquoobjectif de la creacuteation drsquoun meacute-

canisme drsquoaccountability est drsquooffrir une voie de recours afin de trouver des solutions pour les per-

sonnes subissant les impacts neacutegatifs des projets financeacutes par le FVC alors il nrsquoy a aucune utiliteacute agrave

conditionner lrsquoaccegraves agrave la phase de reacutesolution des problegravemes agrave des alleacutegations de manquement Crsquoest

la raison pour laquelle le CAO de la SFIAMGI le PCM de la BERD lrsquoAM de lrsquoADB ou encore le MTP

de la BEI ne posent pas une telle condition

En troisiegraveme et dernier lieu la proceacutedure de lrsquoIRM oblige les plaignants agrave passer par une phase

de reacutesolution des problegravemes48 et conditionne la veacuterification de conformiteacute au fait que celle-ci nrsquoa

pas abouti Srsquoagissant de lrsquoobligation de passer par une phase de reacutesolution des problegravemes tous les

IAMs qui possegravedent une proceacutedure combinant reacutesolution des problegravemes et controcircle de conformiteacute

ont abandonneacute cette condition quand elle avait eacuteteacute preacutevue Mecircme le CAO historiquement beaucoup

plus tourneacute vers la reacutesolution des problegravemes que vers le controcircle de conformiteacute a abandonneacute cette

obligation dans la derniegravere version de ses Directives opeacuterationnelles49 tout comme lrsquoAM de lrsquoADB

lrsquoavait fait en 201250 et comme le MICI de la BID lrsquoa fait fin 201451 Leur pratique a en effet deacutemontreacute

que forcer les plaignants agrave passer par cette phase est inutile pour un certain nombre de raisons quand

les circonstances le permettent ils sont geacuteneacuteralement en faveur drsquoune solution neacutegocieacutee lorsqursquoils

souhaitent un controcircle de conformiteacute degraves le deacutebut ou lorsqursquoil y a trop de deacutefiance entre les parties

prenantes imposer une phase de reacutesolution des problegravemes nrsquoa aucun sens et constitue une perte de

temps les plaignants devraient par ailleurs pouvoir faire un choix eacuteclaireacute sur le type de proceacutedure

(reacutesolution des problegravemes etou controcircle de conformiteacute) qursquoils souhaitent deacuteclencher et il nrsquoy a au-

cune raison de ne pas respecter leur volonteacute Srsquoagissant de la condition selon laquelle la veacuterification de

conformiteacute ne peut ecirctre effectueacutee que dans le cas ougrave la reacutesolution des problegravemes a eacutechoueacute elle semble

contreproductive au regard drsquoune des principales raisons drsquoecirctre des IAMs tels que lrsquoIRM ameacuteliorer

lrsquoeffectiviteacute de la finance du deacuteveloppementclimat et permettre agrave lrsquoinstitution de tirer des leccedilons La

46 ERC Grant ndeg 312514 (2012-1016)47 Voir la base de donneacutees des affaires agrave httpwwwigms-projectorg48 Terms of Reference of the Independent Redress Mechanism op cit sectsect 7 et 1449 CAO Directives Opeacuterationnelles 2013 sect42150 Accountability Mechanism Policy 2012 OM Section L1BP sect3851 Policy of the Independent Consultation and Investigation Mechanism 2014 sectsect 7 and 14

Vanessa RICHARD

198

meilleure pratique agrave cet eacutegard est que quelle que soit lrsquoissue de la reacutesolution des problegravemes si lrsquoIRM

constate prima facie qursquoil existe des raisons de croire qursquoil y a eu des manquements aux standards

applicables un controcircle de conformiteacute devrait ecirctre effectueacute pour permettre au FVC de deacutecider de

mesures pour ameacuteliorer le projet ou programme en cause Agrave deacutefaut cela revient agrave priver lrsquoinstitu-

tion drsquoun examen indeacutependant et juste des deacuteficiences des projets et plus largement des problegravemes

systeacutemiques agrave lrsquoinstitution En outre la pratique des IAMs existants montre que dans un certain

nombre de cas la reacutesolution des problegravemes nrsquoaboutit que partiellement et certains plaignants sortent

insatisfaits de la solution neacutegocieacutee52 Qursquoen est-il alors du controcircle de conformiteacute

Une fois atteinte la phase de controcircle de conformiteacute en revanche le FVC a doteacute lrsquoIRM en srsquoap-

puyant sur les meilleures pratiques en la matiegravere Drsquoune part crsquoest lrsquoIRM qui recommande les me-

sures correctives sur la base du reacutesultat de ses investigations53 Drsquoautre part lrsquoIRM est compeacutetent

pour assurer le suivi de la mise en œuvre des mesures correctives Toutes les dix-huit personnes

intervieweacutees dans le cadre du projet IGMs qui ont contribueacute agrave la creacuteation ou la reacutevision drsquoIAMs

travaillent ou ont travailleacute pour un IAM ont souligneacute que ce suivi eacutetait une fonction majeure des

meacutecanismes drsquoaccountability qui rendait leur travail plus leacutegitime et plus effectif

2) Les standards applicables copier-coller et zones grises

LrsquoIRM controcircle la conformiteacute du comportement du FVC des entiteacutes exeacutecutives et des intermeacute-

diaires public comme priveacutes agrave lrsquoaune de standards qui font eacutegalement lrsquoobjet drsquoemprunts en termes

de substance quand ce nrsquoest pas directement du copier-coller Il est agrave noter que drsquoune maniegravere geacute-

neacuterale les ONG considegraverent que les standards des institutions financcedilant le deacuteveloppement et ceux

des meacutecanismes speacutecialiseacutes pour le climat sont deacutefaillants voire tregraves deacutefaillants dans la faccedilon dont

ils sont appliqueacutes qursquoil srsquoagisse de lutte effective contre le changement climatique ou de protection

des personnes affecteacutees54

LrsquoIRM veacuterifie la conformiteacute des projets au regard de trois ensembles de standards les Initial Fiduciary Principles and Standards55 les Interim Environmental and Social Safeguards (ESS)56 et la

Gender Policy57

52 Parmi de nombreux exemples voir en particulier AM Compliance Review Panel Greater Mekong Subregion Rehabilitation of the Rail-way in Cambodia Project Request for compliance review 28 aoucirct 2012 sectsect 80-85 CAO Indonesia Wilmar Group-03Jambi Assessment juillet 2012 p 353 Le Compliance Review Panel du meacutecanisme de plainte de lrsquoADB a reacutecemment perdu son pouvoir de formuler des recommandations Il peut uniquement faire des constatations et crsquoest le Management qui deacutefinit quelles mesures correctives sont approprieacutees Accountability Mechanism Policy op cit sectsect 79 et 8354 Pour une description des standards du Fonds pour lrsquoEnvironnement Mondial de la REDD et du MDP A Johl Y Lador laquo A human rights-based approach to climate finance International Policy Analysis raquo Friedrich-Ebert-Stiftung httpwwwcielorgPublicationsClimate-Finance_Feb2012pdf 2012 pp 7-13 (au 3 mai 2016) sur la robustesse des standards et strateacutegies des banques multilateacuterales de deacuteveloppement concernant le climat laquo MDB Climate Change Scorecard raquo op cit55 Deacutecision B0702 Annexe II op cit56 Ibid Annexe III57 Deacutecision B0911 Annexe XIII op cit

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

199

21 Le recours aux bonnes pratiques de gestion financiegravere et agrave la bonne gouvernance les Initial Fiduciary Principles and Standards

Baseacutes sur les bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion financiegravere les standards

fiduciaires applicables pour lrsquoheure comportent deux parties

Les laquo standards de base raquo58 concernent tout ce qui a trait agrave la capaciteacute geacuteneacuterale drsquoune entiteacute agrave

tenir correctement ses comptes et avoir une gouvernance jugeacutee bonne tant en matiegravere de reporting

de transparence drsquoinformation de supervision de lrsquousage drsquoindicateurs drsquoefficaciteacute de regravegles comp-

tables conformes aux standards reconnus de traccedilage des opeacuterations financiegraveres drsquoaudithellip

Les laquo standards fiduciaires speacutecialiseacutes raquo59 srsquoappliquent agrave un candidat ayant une proposition de

financement pour un projet ou programme Il srsquoagit de standards sur sa capaciteacute agrave inclure dans la

conception des projets les aspects techniques eacuteconomiques juridiques et possiblement environne-

mentaux sociaux et climatiques agrave geacuterer agrave suivre et eacutevaluer un projet agrave garantir lrsquoaccegraves du public agrave

lrsquoinformation sur les beacuteneacuteficiaires et les reacutesultatshellip Des regravegles compleacutementaires pour le on-lending60

et le blending61 srsquoappliqueront pour les intermeacutediaires et les entiteacutes exeacutecutives qui veulent utiliser ce

type drsquoinstrument financier avec des ressources du FVC

La Deacutecision B0702 Annexe II mentionne quelques sources formelles de certains standards

adopteacutes les deacuteclarations financiegraveres doivent suivre les Generally Accepted Accounting Principles (GAAP) et ecirctre reacutedigeacutees conformeacutement agrave des standards de comptabiliteacute reconnus tels que les Inter-national Financial Reporting Standards (IFRS) ou les International Public Sector Accounting Standards (IPSAS)62 Reacutefeacuterence est faite aux deacutefinitions drsquoorganisations professionnelles comme la Internatio-nal Federation of Accountants63 et le Committee of Sponsoring Organizations (COSO) of the Treadway Commission64

22 Le copier-coller les Interim Environmental and Social Safeguards (ESS)

En attendant de deacutevelopper ses propres standards environnementaux et sociaux le FVC a adop-

teacute provisoirement les Performance Standards on Environmental and Social Sustainability de la SFI65

(traduit en franccedilais par laquo normes de performance raquo derniegravere version 1er janvier 2012) et les Guidance Notes qui les accompagnent Les Performance standards sont au nombre de huit PS1 - Eacutevaluation et

gestion des risques et des impacts environnementaux et sociaux PS2 - Main-drsquoœuvre et conditions

de travail PS3 - Utilisation rationnelle des ressources et preacutevention de la pollution PS4 - Santeacute

58 Basic standards dans la version originale Les deacutecisions du Board sont disponibles uniquement en langue anglaise59 Specialized fiduciary standards60 Drsquoapregraves le lexique du Financial Times situation dans laquelle laquo une organisation precircte de lrsquoargent qursquoelle a emprunteacute agrave une autre organisation ou personne raquo (traduit par nous) httpmarketsftcomresearchLexiconTermterm=on_lending (au 3 mai 2016)61 Panachage consiste agrave panacher des ressources venant de plusieurs origines agrave travers des instruments financiers62 Initial Fiduciary Principles and Standards op cit sect11263 Ibid sect664 Ibid sect765 Voir httpwwwifcorgperformancestandards (au 6 juillet 2016)

Vanessa RICHARD

200

seacutecuriteacute et sucircreteacute des communauteacutes PS5 - Acquisition de terres et reacuteinstallation involontaire PS6 -

Conservation de la biodiversiteacute et gestion durable des ressources naturelles vivantes PS7 - Peuples

autochtones PS8 - Patrimoine culturel

Mecircme si ces standards nrsquoont rien de speacutecifique aux questions climatiques et ne srsquoarriment pas

particuliegraverement au cadre juridique onusien en la matiegravere cette solution a lrsquoavantage drsquoecirctre pra-

tique car les Performance Standards de la SFI sont geacuteneacuteralement consideacutereacutes comme le fin du fin des

standards environnementaux et sociaux pour un bailleur de fonds multilateacuteral Ils sont inspireacutes des

politiques et proceacutedures de la Banque mondiale mais vont plus loin et sont plus deacutetailleacutes En outre

ils sont conccedilus pour srsquoappliquer agrave des clients priveacutes mais peuvent eacutegalement ecirctre utiliseacutes pour des

entiteacutes publiques

Cela eacutetant dit le copier-coller a des limites eacutevidentes Entre autres zones grises les Performance Standards srsquoinscrivent pour la SFI dans un ensemble normatif qui comprend eacutegalement une Politique

de durabiliteacute environnementale et sociale66 laquelle deacutefinit le standard de comportement de la SFI

tandis que les Performance Standards deacutefinissent le comportement attendu du client pour beacuteneacuteficier

drsquoun financement Leur application directe au FVC comme aux entiteacutes exeacutecutives par lesquelles vont

transiter les fonds pose donc question

De plus la rigueur des exigences environnementales et sociales pour chaque projet deacutepend de la

faccedilon dont il a eacuteteacute cateacutegoriseacute cateacutegorie A pour les activiteacutes preacutesentant des risques etou des impacts

environnementaux etou sociaux qui sont heacuteteacuterogegravenes irreacuteversibles ou sans preacuteceacutedent cateacutegorie B

pour les activiteacutes preacutesentant des risques etou des impacts environnementaux etou sociaux poten-

tiels et limiteacutes qui sont moins nombreux geacuteneacuteralement speacutecifiques au site largement reacuteversibles et

faciles agrave traiter par des mesures drsquoatteacutenuation cateacutegorie C pour les activiteacutes preacutesentant des risques

etou des impacts environnementaux etou sociaux minimes ou nuls67 En ce qui concerne lrsquointer-

meacutediation financiegravere la Deacutecision B0702 Annexe III deacutefinit lagrave encore trois cateacutegories de risques de

la cateacutegorie I1 - haut niveau drsquointermeacutediation (lorsque le portefeuille existant ou proposeacute de lrsquointer-

meacutediaire inclut ou preacutevoit drsquoinclure une exposition financiegravere substantielle agrave des activiteacutes pouvant

preacutesenter des risques etou des impacts neacutegatifs environnementaux etou sociaux potentiels signi-

ficatifs qui sont heacuteteacuterogegravenes irreacuteversibles et sans preacuteceacutedent) agrave la cateacutegorie I368 Or pour lrsquoheure

les entiteacutes accreacutediteacutees ne disposent pas de directives du FVC sur la faccedilon de cateacutegoriser les projets

conformeacutement agrave la Deacutecision B070269

Enfin on dispose drsquoinformations sur les deacuteficiences des Performance Standards dans certains

domaines venant ndash justement ndash de lrsquoIAM de la SFI le CAO On pense en particulier ici aux deacutefail-

lances dans la maicirctrise des risques environnementaux et sociaux lieacutes au recours agrave des intermeacutediaires

66 SFI Politique de durabiliteacute environnementale et sociale 1er janvier 2012 httpwwwifcorgwpswcmconnectc240e2804a58cfbc-80818f8969adcc27SP_French_2012pdfMOD=AJPERES (au 6 juillet 2016)67 Deacutecision B0702 Annexe III sect2068 Ibid sect2169 Ibid sect22

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

201

financiers constateacutees par le CAO70 Entre lrsquoautomne 2010 et le printemps 2012 des alleacutegations graves

contre la socieacuteteacute Dinant (une socieacuteteacute hondurienne produisant de lrsquohuile de palme et de la nourri-

ture agrave laquelle la SFI avait accordeacute un corporate loan) ont eacuteteacute communiqueacutees agrave la SFI et au CAO Les

alleacutegations comprenaient des expulsions forceacutees des fermiers des violences contre les fermiers et

autour des plantations de Dinant dues au fait que des forces de seacutecuriteacutes priveacutees et publiques sont

sous lrsquoinfluence ou le controcircle de Dinant et le fait que la SFI nrsquoavait pas identifieacute et reacuteagi de faccedilon

approprieacutee agrave la situation Le CAO deacutecida de deacuteclencher une enquecircte afin de veacuterifier si la SFI avait

correctement exerceacute son devoir de vigilance lors de lrsquoexamen des risques sociaux attacheacutes au projet

si elle avait reacutepondu de faccedilon approprieacutee dans un contexte de conflit social et politique et si les poli-

tiques et proceacutedures de la SFI donnaient des conseils adeacutequats au personnel sur la faccedilon drsquoeacutevaluer et

de geacuterer les risques sociaux associeacutes aux projets dans des zones de conflit ou agrave risque de conflit Au

cours de lrsquoenquecircte le CAO deacutecouvrit que Dinant eacutetait lrsquoun des plus gros emprunteurs drsquoune banque

hondurienne la Banco Financiera Comercial Hondurentildea (Ficohsa) et que le Board de la SFI avait

approuveacute un placement (equity) dans Ficohsa Cela a conduit la dirigeante du CAO a deacuteclencher la

premiegravere enquecircte jamais faite par un meacutecanisme de plainte drsquoune BMD agrave propos du degreacute de super-

vision exerceacute par la banque sur des risques environnementaux et sociaux lieacutes agrave cet investissement

dans un intermeacutediaire financier Parallegravelement en 2012 le CAO a meneacute un audit sur un eacutechantillon

drsquoinvestissements de la SFI dans le secteur financier Lrsquoenquecircte dans lrsquoaffaire Ficohsa 0171 comme

lrsquoaudit montrent que les standards environnementaux et sociaux de la SFI sont mal adapteacutes aux en-

jeux de lrsquointermeacutediation72

laquo IFC does not have a methodology for determining whether its principle requirement on cli-

entsmdashthe implementation of an environmental and social management systemmdashachieves the core

objective of lsquodoing no harmrsquo or improving environmental and social outcomes at the subclient level

This means that IFC has no quantitative or qualitative basis on which to assert that its financial in-

termediation investments achieve such outcomes which are a crucial part of its strategy and central

to IFCrsquos Sustainability Framework raquo73

Les meacutethodologies adapteacutees drsquoeacutevaluation des risques manquent lrsquoopaciteacute reste la regravegle malgreacute

le fait que la SFI srsquoest suite au travail du CAO engageacutee agrave divulguer les sous-projets des clients ayant

obtenu un placement priveacute de la SFIhellip Il serait donc souhaitable que le FVC deacuteveloppe rapidement un

cadre sur mesure drsquoeacutevaluation des risques environnementaux et sociaux et de suivi de ces risques en

tenant compte non seulement des standards appliqueacutes par drsquoautres bailleurs de fonds multilateacuteraux

mais eacutegalement des rapports critiques qui en identifient les deacuteficiences

70 CAO Compliance Audit of IFCrsquos Financial Sector Investments 10 octobre 2012 httpwwwcao-ombudsmanorgnewsroomdocumentsFIAUDIThtm (au 5 mai 2016)71 CAO Honduras Ficohsa-01 CAO Vice President Request Investigation Report of IFC Environmental and Social Performance in relation to Investments in Banco Financiera Comercial Hondurena SA (Ficohsa) 6 aoucirct 2014 1st Monitoring Report janvier 201672 Pour un panorama de ces enjeux voir Oxfam International laquo Risky business intermediary lending and development finance raquo Ox-fam GB 2012 httpswwwoxfamorgsiteswwwoxfamorgfilesib-intermediary-lending-and-development-finance-180412-enpdf (au 5 mai 2016)73 Overview of the CAO Compliance Audit of IFCrsquos Financial Sector Investments httpwwwcao-ombudsmanorgnewsroomdocumentsFIAUDIThtm (au 5 mai 2016)

Vanessa RICHARD

202

23 Une Gender Policy drsquoinspiration onusienne

Adopteacutee lors de la 9e Reacuteunion du Board en mars 2015 la Gender Policy est explicitement inspireacutee

par la CCNUCC la Deacuteclaration Universelle des Droits de lrsquoHomme la Convention sur lrsquoeacutelimination

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des femmes les Objectifs du Milleacutenaire et les conventions

principales de lrsquoOrganisation Internationale du Travail Elle reconnaicirct les droits eacutegaux qursquoont les

femmes et les hommes agrave acceacuteder aux services du Fonds de faccedilon agrave srsquoadapter et agrave atteacutenuer les impacts

du changement climatique74 Cette politique impose que les projets soumis au FVC soient coheacuterents

avec les politiques et prioriteacutes nationales sur le genre et avec la Gender Policy75 Le FVC exige que

les femmes et les hommes aient la mecircme possibiliteacute drsquoecirctre inclus dans les consultations des parties

prenantes et la prise de deacutecision au cours de la preacuteparation de la mise en œuvre et de lrsquoeacutevaluation

des projets76

3) Lrsquoeacutepineuse articulation avec les meacutecanismes de plainte similaires

Les termes de reacutefeacuterence de lrsquoIRM stipulent que

laquo 18 The Fundrsquos IRM should closely cooperate with the relevant departments or units of imple-

menting entities and intermediaries

19 The relationship between the IRM and the corresponding body of implementing entities

or intermediaries will be covered in agreements which will be entered into by the Fund with these

implementing entities or intermediaries which will require these to cooperate with the Fundrsquos IRM

where required raquo

Du point de vue de lrsquoarticulation de ce nouveau meacutecanisme de plainte avec les meacutecanismes

existants la Deacutecision B0609 reconnaissait donc en feacutevrier 2014 que la deacutelimitation entre le rocircle et

les responsabiliteacutes de lrsquoIRM et ceux des meacutecanismes drsquoaccountability des entiteacutes exeacutecutives et des

intermeacutediaires devaient faire lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere La question a des conseacutequences

pratiques tregraves importantes mais nrsquoest toujours pas trancheacutee Le choix a sembleacute un temps srsquoorienter

vers le fait de laisser aux meacutecanismes de plainte des entiteacutes exeacutecutives lorsqursquoils existent le soin de

connaicirctre les plaintes en premiegravere instance pour ne recourir agrave lrsquoIRM que si aucune solution nrsquoa eacuteteacute

trouveacutee

Cette option soulegraveve beaucoup de questions sur la coheacuterence du controcircle de conformiteacute dans

la mesure ougrave les eacuteventuels manquements drsquoune entiteacute exeacutecutive seront examineacutes par lrsquoIAM de cette

entiteacute agrave lrsquoaune de ses propres standards opeacuterationnels environnementaux et sociaux tels qursquoeacutevalueacutes

au moment de son accreacuteditation par le FVC et que les meacutecanismes de plainte ont plus ou moins de

latitude pour aller un peu au-delagrave Par exemple la Banque Asiatique de Deacuteveloppement est accreacutediteacutee

74 Deacutecision B0911 Annexe XIII op cit sect375 Ibid sect1576 Ibid sect16

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

203

sur la base drsquoun examen de la compatibiliteacute de ses standards avec les Fiduciary Standards les Interim ESS et la Gender Policy du FVC Le meacutecanisme de plainte de la banque ne peut lui que connaicirctre

drsquoalleacutegations de manquement par la banque agrave ses propres politiques Quid de la violation des trois

politiques du FVC Elles ne seraient alors pas laquo examinables raquo par lrsquoAccountability Mechanism En

revanche agrave supposer que les experts de la CRMU de la BAfD puissent conserver la latitude dont

ils ont fait preuve dans lrsquoaffaire Medupi77 pour une violation alleacutegueacutee similaire la CRMU serait

potentiellement en mesure drsquoexaminer la conformiteacute du comportement de la banque avait les standards

du FVC plus ou moins directement Il ne semble pas possible de mettre en place une meacutethodologie de

veacuterification comparable agrave celle du country-system deacutejagrave mis en place par la Banque mondialehellip Celui-

ci consiste une fois eacutevalueacutee lrsquoeacutequivalence fonctionnelle des regraveglementations en vigueur drsquoun pays

par rapport aux conditionnaliteacutes de la Banque mondiale agrave laisser srsquoappliquer celles-ci plutocirct que

celles-lagrave conduisant le Panel drsquoinspection de la Banque mondiale dans lrsquoaffaire Eskom78 agrave opeacuterer un

double controcircle celui du respect de ses propres standards par la Banque mondiale en ce qui concerne

son devoir de vigilance auquel srsquoajoute le controcircle de la faccedilon dont a eacuteteacute eacutevalueacutee lrsquoeacutequivalence de la

regraveglementation sud-africaine afin de distinguer les zones ougrave celles-ci nrsquoeacutetaient pas eacutequivalentes et

ougrave la Banque aurait donc ducirc favoriser lrsquoapplication de ses propres standards environnementaux et

sociaux Rameneacute agrave la double couche de standards de lrsquoagence accreacutediteacutee et du FVC les meacutecanismes

de plainte des entiteacutes accreacutediteacutees seraient ameneacutes agrave veacuterifier le respect des standards propres agrave leur

entiteacute et la faccedilon dont la compatibiliteacute avec ceux du FVC a eacuteteacute eacutevalueacuteehellip ce qui eacutechappe agrave leur

pouvoir Dans lrsquohypothegravese ougrave lrsquoIRM serait une voie de recours de seconde chance les deacutelais seraient

aussi extrecircmement longs pour espeacuterer obtenir des mesures correctrices efficaces Il est par ailleurs

bien eacutevident que le risque de deacutecisions peu coheacuterentes entre elles voire contradictoires qui existe

deacutejagrave lorsque deux IAMs diffeacuterents sont saisis pour un mecircme projet conduirait un IRM laquo drsquoappel raquo agrave

arbitrer des choses qursquoil nrsquoest pas censeacute arbitrer

Il est agrave souligner que les entiteacutes accreacutediteacutees et le FVC signent au moment de lrsquoaccreacuteditation un

accord juridique (un contrat de droit priveacute pour les entiteacutes priveacutees un accord reacutegi par le droit inter-

national public pour les entiteacutes publiques)79 appeleacute Accreditation Master Agreement (AMA) LrsquoAMA

inclut des dispositions selon lesquelles les standards fiduciaires les ESS et la Gender Policy doivent

ecirctre respecteacutes par lrsquoentiteacute accreacutediteacutee Celle-ci doit eacutegalement coopeacuterer avec lrsquoIndependent Redress Mechanism80 Si est alleacutegueacutee une violation significative drsquoun standard environnemental drsquoune entiteacute

accreacutediteacutee sur un projet ayant reccedilu des financements FVC il y aura selon toute probabiliteacute agrave la fois

violation des standards de cette entiteacute et violation des standards du FVC qui srsquoimposent agrave elle juridi-

quement Faudrait-il alors deacuteclencher deux affaires lrsquoun devant le meacutecanisme de plainte de lrsquoentiteacute

77 CRMU Medupi Power Project (Republic of South Africa) Requecircte ndeg RQ20102 Compliance Review Report 19 deacutecembre 2011 Dans cette affaire la CRMU srsquoest appuyeacutee sur le Clean Energy Investment Framework (CEIF) de la BAfD sur le Southern Africa Regional Integration Strategy Paper 2011-2015 (RISP) et sur le projet de nouvelle Politique du Secteur de lrsquoEacutenergie qui ne sont pas en principe applicables par le meacutecanisme de plainte pour constater que le projet avait mis en tension les objectifs de fourniture drsquoeacutelectriciteacute avec les politiques environnementales de la banque ce qui avait geacuteneacutereacute des manquements partiels aux standards applicables78 Panel drsquoinspection South Africa Eskom Investment Support Project Case 65 Investigation Report 21 novembre 2011 Lrsquoaffaire Eskom devant le Panel drsquoinspection et lrsquoaffaire Medupi devant la CRMU portent sur le mecircme projet79 Deacutecision B0908 Annexe XI laquo Considerations for legal and formal arrangements with accredited entities raquo80 Ibid sect7

Vanessa RICHARD

204

accreacutediteacutee concerneacutee lrsquoautre devant lrsquoIRM Cela paraicirct contre-productif Il est leacutegitime de penser

qursquoil serait plus compreacutehensible et moins coucircteux que les plaintes concernant des projets financeacutes

par le FVC soient envoyeacutees agrave lrsquoIRM quelle que soit lrsquoentiteacute accreacutediteacutee concerneacutee81

La Deacutecision 7CP21 adopteacutee agrave Paris en deacutecembre dernier laquo Rapport du Fonds vert pour le climat

agrave la Confeacuterence des Parties et directives agrave lrsquointention du Fonds vert pour le climat raquo

laquo Engage vivement le Conseil du Fonds vert pour le climat agrave rendre drsquourgence opeacuterationnels le

Groupe indeacutependant de lrsquoeacutevaluation le Meacutecanisme de recours indeacutependant et le Groupe indeacutepen-

dant chargeacute de lrsquointeacutegriteacute et agrave rendre publiques les proceacutedures que les Parties et les personnes tou-

cheacutees doivent suivre lorsqursquoelles demandent reacuteparation en attendant que le Meacutecanisme de recours

indeacutependant soit opeacuterationnel raquo82

Comme mentionneacute plus haut agrave propos de la proceacutedure provisoire pour les plaintes en cas de re-

fus de financement le Board du FVC est quant agrave lui plus prudent sur le rythme de travail83 jusqursquoici

agrave marche forceacutee Le recrutement du chef de lrsquoIRM est en cours et conditionne la reacutedaction de proceacute-

dures deacutetailleacutees LrsquoAnnexe I du document preacuteparatoire Interim Procedures for Redress Reconsidera-tion of Funding Decisions sur le projet de deacutecision du Board pour la 13e Reacuteunion en effet

laquo Requests the head of the independent redress mechanism to prepare with the support of the

Secretariat for consideration by the Board no later than its sixteenth meeting the detailed guide-

lines and procedures for the independent redress mechanism referred to in paragraph 13 of Annex V

(Terms of reference of the independent redress mechanism) of document GCFB0619 titled ldquoReport

of the Sixth Meeting of the Board 19-21 February 2014rdquo in close consultation with similar or equiv-

alent mechanisms of accredited entities and other stakeholders raquo84

La question de lrsquoarticulation avec la galaxie des autres IAMs existants devrait donc ecirctre trancheacutee

au plus tard lors de la 16e Reacuteunion du Board Par ailleurs lrsquoagenda de travail du Board adopteacute lors

de la 11e Reacuteunion preacutevoit que des directives en matiegravere de cateacutegorisation des projets en fonction des

risques environnementaux et sociaux qursquoil preacutesentent seront adopteacutees lors de la prochaine (14e) Reacute-

union85 Aucune mention nrsquoest pour lrsquoheure faite de la reacutedaction de standards environnementaux et

sociaux reacuteellement sur mesure qui tiendraient compte des objectifs speacutecifiques du FVC et du cadre

juridique climatique dans lequel il srsquoinscrit

81 Both ENDS op cit82 sect2083 Interim Procedures for Redress Reconsideration of Funding Decisions Doc GCFB1317 op cit84 Ibid Annexe I laquo Draft decision of the Board raquo sectb)85 laquo Workplan for meetings of the Board in 2016 including outstanding items from previous meetings raquo Doc GCFB1102 11 octobre 2015 p 14

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

205

TABLE DES MATIEgraveRES

Sommaire7

Introduction geacuteneacuterale9 Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs La gouvernance internationale de lrsquoenvironnement entre fragmentation et deacutefragmentation Sandrine Maljean-Dubois et Denis Pesche

1) Cartographies des circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurshelliphelliphellip13

11 Un ordre juridique international naturellement fragmenteacute13

12 Lrsquoappreacutehension de complexes de reacutegimes13

13 Lrsquoidentification des circulations16

bull Lrsquoobjet de la circulation helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip16bull Les vecteurs de circulationhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip17bull La porteacutee des circulationshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip18

2) Les voies drsquoune deacutefragmentation de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnementhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip19

21 Une deacutefragmentation neacutecessairehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip19

22 Les leviers de deacutefragmentationhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip21a) Les leviers juridiqueshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip22b) Les leviers opeacuterationnelshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip25c) Les leviers institutionnelshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip28

Conclusionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip30

Indications bibliographiqueshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip31

206

Partie 137Circulation des finaliteacutes environnementales et sanitaires au sein des complexes de reacutegime chapitre 137Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et diffusion Jean-Freacutedeacuteric Morin et Myriam Rochette

Introductionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip38

1) Les innovations et les caracteacuteristiques des accords ameacutericains et europeacuteenshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip3911 Lrsquoapproche compeacutetitive ameacutericainehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip4012 Lrsquoapproche coopeacuterative europeacuteennehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip44

2) La diffusion des normes ameacutericaines et europeacuteenneshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip4921 Diffusion des normes ameacutericaineshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip49

22 Diffusion des normes europeacuteenneshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip51

3) La convergence des accords ameacutericains et europeacuteenshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip52

31 Lrsquoeuropeacuteanisation des accords ameacutericainshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip53

32 Lrsquoameacutericanisation des accords europeacuteenshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip55

Conclusionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip59

chapitre 261Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacutedans les conventions internationales lieacutees agrave la biodiversiteacute Claire Lajaunie et Pierre Mazzega

1) Introductionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip62

2) Le corpus textuel et les termes de santeacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip63

3) Eacuteleacutements drsquoontologie juridique et eacutechelles eacutecologiqueshelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip66

4) Reacuteseaux de transmissioncirculation des thegravemes de la Santeacutehelliphelliphelliphellip68

41 Graphe des Termeshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip68

42 Graphe des Thegravemeshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip69

207

5) Discussionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip70

51 Termes thegravemes ou theacutematique helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip70

52 Limites de lrsquoapplicabiliteacute de modegraveles eacutepideacutemiologiqueshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip71

53 Lrsquointeacutegration de nouvelles sourceshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip726) Conclusionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip737) Annexehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip758) Tableshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip76

chapitre 3helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip81HFC histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali Hugues Hellio

La solution Vienne-Montreacutealhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip82Les enjeux des HFC helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip83Circulations et formation de complexehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip86La gestion concerteacuteehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip88Les lois de Pi helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip90Le ciel demainhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip91

chapitre 4helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip95La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute Le cas de la CITES de la CDB et du Fond pour lrsquoEnvironnement Mondial Guillaume Futhazar La CITEShelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip96La Convention sur la diversiteacute biologiquehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip97Le Fond pour lrsquoEnvironnement Mondialhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip98De nombreuses interconnexions helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip99

1) La mobilisation de strateacutegies innovantes drsquoaccegraves aux ressources du FEM par le Secreacutetariat de la CITEShelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip10011 Une premiegravere strateacutegie lrsquoincorporation de dispositions relatives agrave la CITES dans les Strateacutegies et plans drsquoaction nationaux pour la biodiversiteacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip100a Un instrument agrave lrsquoeacutelaboration et agrave la mise en œuvre complexeshelliphelliphelliphelliphelliphellip101b La prise en compte approprieacutee de la CITES dans les SPANBhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip102

208

12 Une seconde strateacutegie La tentative ndash avorteacutee ndash drsquoaccegraves direct au FEMhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip104a La diffusion du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et de ses Objectifs drsquoAichi comme eacutetape preacutealable agrave lrsquoaccegraves au FEMhelliphelliphelliphelliphellip104b La complexiteacute du reacuteseau institutionnel du FEM comme hypothegravese justifiant lrsquoabandonhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip106

2) Quelle lecture juridique de tels pheacutenomegravenesthinsp helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip108

21 La nature des objets en circulationhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip108a Les Plans Strateacutegiques et Objectifs comme indicateurs des buts des traiteacuteshellip109b Lrsquoincorporation de reacutefeacuterences agrave la CITES dans les SPANB comme expression de la norme interstitielle de synergie helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip112

22 Une illustration de lrsquoimportance drsquoinstitutions neacutegligeacutees par la discipline juridiquehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip114

a Un secreacutetariat faisant preuve drsquoautonomiehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip114b Des institutions appelant des eacutetudes transdisciplinaireshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip115

Partie 2helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip117Circulation des normes et reacuteseaux drsquoacteurs dans les complexes de reacutegimes chapitre 1helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip117Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en œuvre des normes de gouvernance environnementale agrave lrsquoeacutechelle internationale Daniel Compagnon Yves Montouroy Amandine Orsini Roman de Rafael

1) Le poids des acteurs eacuteconomiques dans les neacutegociations internationales pour la gestion durable des forecircts et pour la

reacutegulation des eacutemissions carbone dans lrsquoaviation civilehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip119

11 Circulation internationale la participation des acteurs non eacutetatiques aux forums internationaux sur la gestion durable des forecirctshelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip119

12 Le cas de la reacutegulation internationale des eacutemissions carbone du secteur aeacuterienhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip124

2) Evolution du rocircle des ANE dans la mise en œuvre de la politique exteacuterieure de lrsquoUE contre le bois illeacutegal et du Meacutecanisme

de Deacuteveloppement Proprehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip130

209

21 Les ANE dans lrsquoaction exteacuterieure de lrsquoUE contre le bois illeacutegal en Reacutepublique du Congohelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip130

22 Le rocircle des ANE dans la mise en œuvre du Meacutecanisme de Deacuteveloppement proprehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip135

Conclusionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip143

Reacutefeacuterenceshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip144

Chapitre 2helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip147Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes

et des acteurs dans un contexte de gouvernance internationale fragmenteacutee

Sophie Gambardella

1) La coordination institutionnelle au sein du processus de Kobeacute comme vecteur de circulation des acteurshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip150

11 Une circulation des acteurs vers des organes ad hochelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip151

12 Une circulation des acteurs entre les organisations reacutegionales de gestion des thonideacuteshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip154

2) Lrsquoharmonisation de la gestion des activiteacutes de pecircches au sein du processus de Kobeacute comme vecteur de circulation des normeshelliphelliphelliphellip156

21 La circulation des normes scientifiques et techniqueshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip157

22 La circulation de normes juridiqueshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip160

Chapitre 3helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip165La transparence de la finance climat de la circulation du

principe agrave la circulation de ses modaliteacutes drsquoapplication Anne-Sophie Tabau

1 Les caracteacuteristiques de la circulation de la transparence de la finance climathelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip168

11 Lrsquoimpulsion de la circulation normative par le laquo reacutegime climat raquohelliphellip168a Une impreacutecision des lignes directrices favorable agrave la circulation normative

ascendantehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip169b Des lignes directrices ayant vocation agrave ecirctre preacuteciseacutees gracircce agrave une circulation

normative organiseacuteehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip171

210

12 Les manifestations de la circulation de la transparence de la finance climathelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip172

a Une circulation normative au soutien de lrsquoobligation de rapporter la finance climat fournie ou reccediluehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip173

b Une circulation normative teacutemoignant drsquoune influence conceptuelle plus diffusehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip175

2) Les effets de la circulation normativehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip177

21 Les mutations de la normehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip178a Sur le produit de la transparence de la finance climathelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip178b Sur le processus mecircme de la transparence de la finance climathelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip179

22 Lrsquoeacutemergence drsquoacteurs centraux en dehors du laquo reacutegime climat raquohelliphellip181a Les acteurs de la transparence de la finance climat reacuteveacuteleacutes par la circulation

normativehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip181b Des doutes sur la leacutegitimiteacute de lrsquoOCDE en tant qursquoacteur central agrave la question de lrsquoaccountability en matiegravere climatiquehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip183

Chapitre 4helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip187Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du

meacutecanisme de plainte du Fonds Vert pour le Climat Vanessa Richard

1) La proceacutedure de lrsquoIRM entre innovation et emprunts sur le mode restrictifhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip192

11 La plainte pour refus de financement une speacutecificiteacute du FVChelliphelliphelliphellip19312 La plainte des personnes affecteacutees des emprunts qui ne reflegravetent pas toujours les meilleures pratiques des IAMshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip196

2) Les standards applicables copier-coller et zones griseshelliphelliphelliphelliphelliphellip198

21 Le recours aux bonnes pratiques de gestion financiegravere et agrave la bonne gouvernance les Initial Fiduciary Principles and Standardshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip199

22 Le copier-coller les Interim Environmental and Social Safeguards (ESS)helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip199

23 Une Gender Policy drsquoinspiration onusiennehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip2023) Lrsquoeacutepineuse articulation avec les meacutecanismes de plainte similaireshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip202

211

212

UMR Droits International Compareacute et Europeacuteen (DICE)Espace Reneacute Cassin3 avenue Robert Schuman13628 Aix-en-Provence

dice-editionsuniv-amufr

Composition et mise en page Donia Landoulsi UMR DICE Aix-Marseille Universiteacute

Conception de la couverture Donia Landoulsi UMR DICE Aix-Marseille Universiteacute

Illustration de la couverture Laure Sabine Bampi artiste peintre

2egraveme trimestre 2016

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Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs dans la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement

La gouvernance internationale de lrsquoenvironnement srsquoest construite par lrsquoeacutemergence pro-gressive drsquoespaces juridiques et institutionnels relativement autonomes et non hieacuterarchiseacutes Des laquo reacutegimes raquo speacutecialiseacutes ont ainsi prolifeacutereacute au greacute de lrsquoidentification de nouvelles me-naces et de nouveaux problegravemes agrave reacutesoudre Ils se comptent aujourdrsquohui par dizaines si bien que la question de la coheacuterence de ce paysage fragmenteacute srsquoest rapidement poseacutee La multiplication des reacutegimes entraine par deacutefinition des concurrences collisions doubles emplois de plus en plus freacutequents Agrave cela srsquoest ajouteacutee la prise de conscience que les en-jeux environnementaux sont eacutetroitement interconnecteacutes comme le montrent les relations entre la lutte contre les changements climatiques drsquoune part et la protection de la couche drsquoozone la conservation de la biodiversiteacute la deacutesertification la protection des forecircts ou des oceacuteans drsquoautre part Degraves lors une gouvernance trop fragmenteacutee ne peut ecirctre effective car elle risque de conduire agrave deacutefaire drsquoun cocircteacute ce que lrsquoon fait de lrsquoautre Les Eacutetats peuvent par ailleurs instrumentaliser la fragmentation jouant tel reacutegime contre tel autre en fonction de leurs inteacuterecircts nationaux Apregraves avoir mis en eacutevidence les pheacutenomegravenes de circulations de normes et drsquoacteurs entre ces reacutegimes les auteurs de cet ouvrage pluridisciplinaire reacutefleacute-chissent aux voies et moyens de les accompagner voire de les amplifier dans lrsquoobjectif de laquo deacute raquofragmenter la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement et drsquoassurer ainsi une meilleure effectiviteacute des politiques conduites

Cette recherche a eacuteteacute financeacutee par lrsquoAgence nationale de la recherche dans le cadre du projet CIRCULEX ltANR-12-GLOB-0001-03 CIRCULEXgt

Sandrine MALJEAN-DUBOIS est directrice de recherche au CNRS Elle dirige lrsquoUMR 7318 Aix-Marseille Universiteacute PauToulonCNRS laquo DICE raquo Droits international compareacute et europeacuteen Elle consacre ses activiteacutes drsquoenseignement et de recherche au droit international de lrsquoenvironnement et a dirigeacute de nombreux ouvrages collectifs et publieacute un grand nombre drsquoarticles scientifiques dans domaine

Elle est notamment lrsquoauteure de Quel droit pour lrsquoenvironnement (Hachette 2008) et avec Matthieu Wemaeumlre de La diplomatie climatique de Rio 1992 agrave Paris 2015 (Pedone 2015)

est une collection drsquoouvrages numeacuteriques du laboratoire Droits International Compareacute Europeacuteen (UMR DICE 7318 CNRS Aix-Marseille Universiteacute Universiteacute de Toulon Universiteacute de Pau et des pays de lrsquoAdour)

Page 2: UMR en Droit International Comparé et Européen - DICE ......ISBN : 979-10-97578-00-8 UMR Droits International, Comparé et Européen (DICE) Espace René Cassin 3, avenue Robert Schuman

ISBN 979-10-97578-00-8

UMR Droits International Compareacute et Europeacuteen (DICE)Espace Reneacute Cassin3 avenue Robert Schuman13628 Aix-en-Provence

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Reacutefeacuterences eacutelectroniques

Maljean-Dubois Sandrine (dir) Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs dans la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement Confluence des droits [en ligne] Aix-en-Provence Droits International Compareacute et europeacuteen 2017 (geacuteneacutereacute le ) Disponible sur Internet httpdiceuniv-amufrfrdicedicepublicationsconfluence-droits ISBN 979-10-97578-00-8

Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs dans la gouvernance internationale de

lrsquoenvironnement

Sommaire

Introduction

Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs La gouvernance internationale de lrsquoenvironnement entre fragmentation et deacutefragmentation9Sandrine Maljean-Dubois Directrice de recherche au CNRS coordinatrice du projet CIRCULEX Denis Pesche Sociologue Chercheur au CIRAD UMR Art Dev ndeg5281 Montpellier France

Partie 1 Circulation des finaliteacutes environnementales et sanitaires au sein des complexes de reacutegime

Chapitre 1 Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et diffusion37Jean-Freacutedeacuteric Morin Professeur agrave lrsquoUniversiteacute Laval Queacutebec Myriam Rochette eacutetudiante agrave lrsquoUniversiteacute Laval Queacutebec

Chapitre 2 Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute dans les conventions internationales lieacutees agrave la biodiversiteacute61Claire Lajaunie INSERM UMR DICE CERIC Pierre Mazzega CNRS Universiteacute de Toulouse

Chapitre 3 HFC histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali81Hugues Hellio Universiteacute drsquoArtois et UMR DICE CERIC

Chapitre 4 La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute le cas de la CITES de la CDB et du fond pour lrsquoenvironnement mondial95Guillaume Futhazar Doctorant UMR DICE CERICOT-MED

Partie 2 Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs dans les complexes de reacutegimes

Chapitre 1 Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes de gouvernance environnementale agrave lrsquoeacutechelle internationale117Daniel Compagnon Sciences Po Bordeaux Yves Montouroy Chercheur associeacute Science po Bordeaux Amandine Orsini Faculteacute Universitaire Saint-Louis Roman de Rafael Doctorant au LIPHA agrave lrsquoUniversiteacute Paris-Est

Chapitre 2 Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs dans un contexte de gouvernance internationale fragmenteacutee147Sophie Gambardella Docteur en droit UMR DICE CERIC

Chapitre 3 La transparence de la finance climat de la circulation du principe agrave la circulation de ses modaliteacutes drsquoapplication165Anne-Sophie Tabau Professeur agrave lrsquoUniversiteacute de la Reacuteunion

Chapitre 4 Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte du Fond Vert pour le climat187Vanessa Richard Chargeacutee de recherche au CNRS UMR DICE CERIC

9

Introduction geacuteneacuterale

Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs La gouvernance internationale de lrsquoenvironnement entre

fragmentation et deacutefragmentation

Sandrine Maljean-Dubois1 et Denis Pesche2

La gouvernance internationale de lrsquoenvironnement srsquoest construite progressivement autour de

diffeacuterentes questions se traduisant par lrsquoeacutemergence de multiples espaces juridiques et institution-

nels relativement autonomes Les chercheurs et notamment Stephan Krasner ont produit la notion

de laquo reacutegime raquo pour les deacutecrire (Krasner 1983) Ce faisant ils ont probablement aussi contribueacute agrave

leur construction Originaire de la science politique la notion de laquo reacutegime raquo a eacuteteacute adopteacutee par les

juristes qui lrsquoont trouveacutee utile Cette expression permet de commodeacutement deacutesigner par exemple

une convention internationale de protection de lrsquoenvironnement les institutions creacuteeacutees en son sein

et lrsquoensemble de son droit deacuteriveacute ainsi que drsquoeacuteventuels meacutecanismes financiers En englobant sous

un mecircme vocable un ensemble de normes et drsquoinstitutions qui vont bien au-delagrave drsquoun traiteacute institu-

tif la notion de laquo reacutegime raquo permet ainsi de deacutecrire une reacutealiteacute qui nrsquoest pas ou tregraves imparfaitement

nommeacutee en droit et regroupe un ensemble parfois disparate drsquoorganisations drsquoorganes et de normes

internationales traitant drsquoune question donneacutee Sociologues politistes juristes eacuteconomistes se sont

attacheacutes agrave mieux cerner lrsquoeacutemergence et la formation de ces reacutegimes leur fonctionnement (par le

biais drsquoune deacutecomposition analytique en identifiant les variables et les laquo constituants raquo) ainsi que

leurs reacutesultats (Young 1989 Birnie Boyle 1992 Barret 2005)

Orienteacutes vers la reacutesolution drsquoun laquo problegraveme raquo soit problem driven3 ces reacutegimes speacutecialiseacutes ont

prolifeacutereacute au greacute de lrsquoidentification de nouvelles menaces et de nouveaux problegravemes agrave reacutesoudre Ils se

comptent aujourdrsquohui par dizaines si bien que la question de la coordination sinon de la coheacuterence

de ce paysage fragmenteacute srsquoest rapidement poseacutee La multiplication des reacutegimes a entraineacute par deacutefi-

nition des concurrences collisions doubles emplois de plus en plus freacutequents Agrave cela srsquoest ajouteacutee

la prise de conscience que les enjeux environnementaux sont eacutetroitement interconnecteacutes comme le

montrent les relations entre la lutte contre les changements climatiques drsquoune part et la protection

de la couche drsquoozone la conservation de la biodiversiteacute la deacutesertification la protection des forecircts ou

des oceacuteans drsquoautre part Degraves lors une gouvernance trop fragmenteacutee ne peut ecirctre effective car elle

risque de conduire agrave deacutefaire drsquoun cocircteacute ce que lrsquoon fait de lrsquoautre (Bierman 2012) En drsquoautres termes

laquo in order to govern processes of complex change complexity in the external world must be matched by complexity in the governance system raquo (Duit 2010)

1 Aix Marseille Univ Universiteacute de Toulon Univ Pau amp Pays Adour CNRS DICE CERIC Aix-en-Provence France 2 CIRAD UMR Art Dev ndeg5281 Montpellier France3 Avec ce que cela suppose par rapport au fait que les acteurs en preacutesence ne sont pas toujours drsquoaccord sur la formulation du problegraveme et lrsquoimportance agrave lui accorder

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

10

Il faut ajouter que lrsquoenjeu de la coordination se pose non seulement agrave lrsquointeacuterieur de la gouver-

nance de lrsquoenvironnement mais aussi entre les reacutegimes environnementaux et ceux produits dans

drsquoautres domaines en particulier eacuteconomiques (Organisation mondiale du commerce investisse-

ments internationaux aide au deacuteveloppement droits de lrsquohomme etc) Dans un cas comme dans

lrsquoautre le danger est en outre que les Eacutetats nrsquoinstrumentalisent agrave des fins strateacutegiques cette fragmen-

tation poussant ou non tel forum contre tel autre bref nrsquoexploitent les possibiliteacutes offertes de forum shopping ou reacutegime shifting (Alter Meunier 2009) Il est devenu clair que lrsquoeffectiviteacute des politiques

environnementales deacutepend drsquoune coordination accrue de la gouvernance et des politiques interna-

tionales et cette eacutevidence srsquoest imposeacutee aux praticiens aussi bien qursquoaux chercheurs

Il eacutetait degraves lors inadapteacute et inopportun de reacutefleacutechir en termes drsquoespaces de production de normes

seacutepareacutees voire cloisonneacutees Il fallait deacutepasser lrsquouniteacute drsquoanalyse ou maille eacuteleacutementaire par deacutefinition

tregraves limiteacutee du laquo reacutegime raquo Il convenait de prendre en compte ndash et promouvoir ndash les relations coopeacute-

rations interactions coordinations et conflits entre des briques composant des systegravemes complexes

interagissant les uns avec les autres Le regard sur la gouvernance internationale changeait Les

chercheurs nrsquoy voyaient plus une multitude de reacutegimes autonomes mais un emboitement de sys-

tegravemes complexes agrave lrsquointeacuterieur drsquoun grand systegraveme complexe

La litteacuterature a drsquoabord porteacute sur les laquo interactions and interplays raquo (Young 1996 Rosendal

2001 Oberthuumlr Gehring 2006) souvent analyseacutees comme des relations bilateacuterales ndash entre deux

institutions ou deux acteurs puis sur les laquo issues linkages raquo que lrsquoon pourrait traduire comme les

laquo theacutematiques croiseacutees raquo (Biermann Pattberg 2008)

Ce nrsquoest qursquoensuite qursquoont eacuteteacute mis eacutevidence ce qursquoon a appeleacute des laquo complexes de reacutegimes raquo

offrant une vision holistique de reacuteseaux drsquoinstitutions marqueacutes par de tregraves nombreuses interactions

(Raustiala Victor 2004) Sociologues et politistes vont alors se demander notamment en quoi ces

fonctionnements en reacuteseaux affectent les strateacutegies des acteurs (Alter Meunier 2009 Drezner 2007)

Quant aux juristes leur premier mouvement est plutocirct critique Leur reacuteflexe naturel est drsquoabord de

srsquoinquieacuteter de la fragmentation du droit international La multiplication drsquoespaces normatifs ndash non

hieacuterarchiseacutes ndash est a priori preacutejudiciable agrave lrsquouniteacute voire agrave la simple coheacuterence du droit international

Elle risque drsquoentrainer des conflits de normes De fait la plupart des juristes ont travailleacute jusqursquoici

essentiellement sur la fragmentation4 La question a mecircme eacuteteacute agrave lrsquoordre du jour des travaux de la

Commission du droit international5 La laquo deacutefragmentation raquo de la gouvernance internationale agrave la

maniegravere dont en informatique on reacuteorganise complegravetement un disque dur en le deacutefragmentant

pour plus drsquoefficaciteacute a bien moins retenu lrsquoattention

Les membres de CIRCULEX un projet de recherche pluridisciplinaire financeacute par lrsquoAgence na-

tionale de la recherche franccedilaise dont cet ouvrage restitue une partie des reacutesultats ont placeacute les

circulations entre reacutegimes et complexes de reacutegimes et les processus de deacutefragmentation au cœur de

leurs travaux Ils sont partis du constat selon lequel une vaste unification laquo par le haut raquo par exemple

4 Voir lrsquoutile bibliographie sur la fragmentation reacuteunie par Margaret Young httpwwwoxfordbibliographiescomviewdocumentobo-9780199796953obo-9780199796953-0113xml consulteacute le 29 novembre 20165 Rapport du Groupe drsquoeacutetude de la Commission du droit international Fragmentation du droit international difficulteacutes deacutecoulant de la diversification et de lrsquoexpansion du droit international ACN4L702 28 juillet 2006

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

11

par le biais de la creacuteation drsquoune organisation mondiale de lrsquoenvironnement etou par un modegravele de

hieacuterarchie des normes pyramidal nrsquoavait que peu de chances de se concreacutetiser tout au moins agrave court

et mecircme moyen terme au vu des reacutesistances eacutetatiques La fragmentation est finalement une donneacutee

et il est donc plus opportun de reacutefleacutechir agrave une ameacutelioration de lrsquoeffectiviteacute de la gouvernance dans

ce cadre contraint de tenter de laquo faire avec raquo ce paysage juridique et institutionnel eacuteclateacute en identi-

fiant et testant les moyens drsquoune mise en coheacuterence laquo agrave niveau raquo voire laquo par le bas raquo On ajoutera que

lrsquouniteacute originelle du droit international qui serait deacutetruite par un processus de fragmentation tient

du mythe La fragmentation est naturelle et inheacuterente au droit international Ainsi toute empreinte

de pragmatisme cette analyse systeacutemique conduit agrave se demander si les systegravemes complexes nrsquoont

pas aussi des caracteacuteristiques inteacuteressantes Finalement ne sont-ils pas plus flexibles plus eacutevolutifs

et plus reacutesilients que les systegravemes simples (Ostrom 2009 2012 Kim Mackey 2013) Comment

maximiser leurs potentialiteacutes positives en limitant leurs potentialiteacutes neacutegatives

Dans ce nouveau cadre drsquoanalyse le chercheur ne srsquointeacuteresse plus tant agrave ce qui seacutepare qursquoagrave

ce qui circule (des normes des acteurs) ce qui relie les reacutegimes voire les complexes de reacutegimes et

ce qui interagit entre les reacutegimes en faisant lrsquohypothegravese que ces circulations participent de la pro-

duction drsquoune laquo deacutefragmentation raquo qui pourrait prendre des formes diverses certaines eacutebaucheacutees

drsquoautres encore inexistantes

La litteacuterature de droit compareacute srsquointeacuteresse de longue date aux circulations et a bien mis en eacutevi-

dence les pheacutenomegravenes drsquoemprunts transferts juridiques fertilisations croiseacutees et hybridations mais

sans parvenir agrave rendre compte de la complexiteacute des pheacutenomegravenes Elle srsquoest attacheacutee agrave mettre en lu-

miegravere des mouvements normatifs allant du Nord au Sud et drsquoEacutetat agrave Eacutetat lagrave ougrave les relations sont en

reacutealiteacute multiples et multidirectionnelles donnant lieu agrave de veacuteritables actionsreacutetroactions et interac-

tions se deacuteployant agrave lrsquoeacutechelle horizontale entre Eacutetats du Nord et du Sud mais aussi entre les Eacutetats

du Nord eux-mecircmes ou entre les Eacutetats du Sud eux-mecircmes mais eacutegalement agrave lrsquoeacutechelle verticale du

droit international aux droits nationaux et des droits nationaux au droit international Sous lrsquoangle

macro-juridique ces relations ne sont pas non plus purement intereacutetatiques elles voient interagir

normes publiques et normes priveacutees comme le montre par exemple le deacuteveloppement des standards

et normes techniques

La perspective du pluralisme juridique analysant lrsquoordre juridique comme un systegraveme et srsquoatta-

chant agrave la laquo relevance raquo des normes qui le constituent les unes vis-agrave-vis des autres (Romano 1946)

voire aux valeurs qui lrsquoordonnent (Delmas-Marty 2011) est eacutegalement drsquointeacuterecirct pour expliquer lrsquoex-

pansion du droit international et les liens devant garantir lrsquouniteacute dans une socieacuteteacute internationale

polycentrique et deacutecentraliseacutee Cette theacuteorie met en eacutevidence le rocircle des processus de reacuteseautage

entre des systegravemes fonctionnels autonomes des organisations formelles et des reacutegimes autonomes

et srsquointerroge sur leur contribution agrave la mise en coheacuterence de lrsquoordre juridique international (Ost amp

Van de Kerchove 2002 Teubner amp Fisher-Lescano 2003-2004)

Les nombreuses theacuteories du droit global et leurs deacuteclinaisons en droit constitutionnel global et

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

12

droit administratif global deacutenotent eacutegalement de lrsquoeffort de prendre en compte cette reacutealiteacute complexe

et nuanceacutee Bien qursquoelles ne soient pas centreacutees sur les processus de circulation elles les abordent

et eacutetudient et en cela ces approches trouvent leur place dans le cadre de CIRCULEX Lrsquoun de leurs

grands inteacuterecircts est de deacutepasser une approche stato-centreacutee pour srsquointeacuteresser agrave toutes les sources de

la normativiteacute y compris lorsqursquoelles eacutemanent drsquoacteurs non eacutetatiques tels que les firmes les ONGs

ou les individus

En science politique la question de la circulation a eacuteteacute traiteacutee sous lrsquoangle geacuteneacuteral de la diffusion

des politiques entre Eacutetats au sein drsquoun Eacutetat feacutedeacuteral ou entre deux Eacutetats souverains (Graham Shipan

and Volden 2013 Maggetti and Gilardi 2013 Shipan and Volden 2008 Smith 2013) La notion de

transfert de politiques (policy transfer) a eacuteteacute introduite pour insister sur une modaliteacute particuliegravere

de diffusion ougrave un rocircle cleacute et proactif est joueacute par certains acteurs dans les dynamiques de diffusion

(Benson and Jordan 2012 Delpeuch 2009 Dolowitz and Marsh 1996 Dolowitz and Marsh 2000

Dolowitz and Marsh 2012 Dumoulin and Saurugger 2010 Evans and Davies 1999 Marsh and

Evans 2012) Ce vaste domaine de recherche sur la diffusion et les transferts de politique srsquoest aussi

deacuteployeacute autour des politiques environnementales et plus particuliegraverement pour analyser la circula-

tion des instruments de politiques entre diffeacuterents pays ou reacutegions dans le monde (Busch Joumlrgens

and Tews 2005 Busch and Joumlrgens 2005 Hrabanski and Bidaud 2014 Hrabanski et al 2013 Jordan

et al 2003 Jordan and Huitema 2014) Dans la plupart de ces travaux les chercheurs insistent sur

lrsquoimportance des processus drsquoapprentissage et sur le fait que ce qui circule (les normes les ideacutees les

instruments de politiquehellip) est le plus souvent adapteacute et faccedilonneacute par ceux qui lrsquointegravegrent dans leur

processus politiques

Les chercheurs de CIRCULEX ont pris appui sur ces diffeacuterentes approches qursquoils ont geacuteneacuterale-

ment choisi de combiner pour mieux comprendre la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement

agrave lrsquointeacuterieur et entre les complexes de reacutegimes

Lrsquohypothegravese de deacutepart du projet CIRCULEX eacutetait donc qursquoil eacutetait possible de mettre en eacutevidence

par-delagrave une apparente fragmentation de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement des

circulations et permeacuteabiliteacutes dans et entre diffeacuterents reacuteseaux de normes et drsquoacteurs Cet angle drsquoap-

proche a permis drsquoarticuler dans un mecircme cadre theacuteorique les reacutegimes entendus dans leur sens clas-

sique (fondeacutes sur des traiteacutes internationaux) et les innovations institutionnelles et sociales reacutesultant

de lrsquointervention drsquoun ensemble tregraves divers drsquoacteurs agissant dans ou agrave cocircteacute de ces reacutegimes en sy-

nergie avec eux (ou pas) Il a aussi favoriseacute lrsquointerdisciplinariteacute en permettant de croiser les travaux

de sociologues politistes et eacuteconomistes portant principalement sur les acteurs et de juristes srsquoat-

tachant essentiellement aux normes Lrsquoun des objectifs eacutetait de reacutefleacutechir agrave lrsquoimpact des circulations

drsquoacteurs sur la circulation des normes Mais bien au-delagrave les chercheurs de CIRCULEX se sont

demandeacute quelles eacutetaient les conseacutequences de ces circulations en termes de leacutegitimiteacute et effectiviteacute

de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement Ils ont aussi tenteacute drsquoidentifier les leviers pos-

sibles de deacutefragmentation dans lrsquooptique de renforcer lrsquoeffectiviteacute des politiques environnementales

agrave lrsquoeacutechelle internationale

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

13

1) Cartographies des circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

11 Un ordre juridique international naturellement fragmenteacute

Lrsquoordre juridique international est par essence un ordre juridique fragmenteacute La fragmentation

est une donneacutee qui deacutecoule du principe de lrsquoautonomie des traiteacutes Dans lrsquoordre juridique interna-

tional laquo chaque traiteacute est indeacutependant de tous les autres eacutetant lrsquoexpression de la volonteacute des parties

en vue de la reacutealisation drsquoun objet qui lui est propre Une fois reacuteunies les conditions de sa validiteacute

et de son entreacutee en vigueur il existe par lui-mecircme et produit les effets de droits qui lui sont speacutecifi-

quement attacheacutes raquo (Dupuy Kerbrat 2016) La fragmentation de lrsquoordre juridique international est

mecircme croissante en raison du double pheacutenomegravene drsquoexpansion et de diversification du droit inter-

national6

Cette caracteacuteristique est particuliegraverement nette dans le domaine de lrsquoenvironnement degraves lors

qursquoaucune organisation mondiale de lrsquoenvironnement nrsquoest venue chapeauter ou unifier les multi-

ples reacutegimes qui coexistent Agrave la fragmentation juridique correspond un compartimentage institu-

tionnel Construits dans lrsquourgence et sans reacuteflexion preacutealable drsquoensemble les espaces conventionnels

ne sont pas ndash sauf tregraves rares exceptions comme les systegravemes constitueacutes par une convention-cadre

et ses protocoles additionnels ndash hieacuterarchiseacutes Peu relieacutes entre eux ils constituent une juxtaposition

drsquoespaces parallegraveles plus qursquoils nrsquooffrent lrsquoimage drsquoun reacuteseau La fragmentation du droit internatio-

nal est eacutegalement source potentielle de difficulteacutes srsquoagissant des relations entre le droit international

de lrsquoenvironnement et les autres branches ou domaines du droit international notamment le droit

international eacuteconomique qui reacutegit en particulier les eacutechanges et investissements internationaux

Ainsi dans un systegraveme juridique international post-moderne caracteacuteriseacute par sa circulariteacute com-

poseacute de multiples laquo figures baroques formant des boucles eacutetranges raquo (de Sadeleer 2008) laquo Le conflit

normatif est endeacutemique raquo comme lrsquoaffirme un rapport de la Commission du droit international7 Par

leur nature transversale les architectures institutionnelles lieacutees au changement climatique ou agrave la

biodiversiteacute sont embleacutematiques des difficulteacutes dont souffre un ordre juridique international frag-

menteacute (Young 2012 Van Asselt Sindico Mehling 2008 de Lassus Saint-Geniegraves 2014)

12 Lrsquoappreacutehension de complexes de reacutegimes

La notion de complexe de reacutegimes eacutemerge dans lrsquooptique de souligner le fait qursquoune question

donneacutee peut faire lrsquoobjet de neacutegociations dans plusieurs aregravenes internationales mobiliser une diversiteacute

6 CDI Fragmentation du droit international difficulteacutes deacutecoulant de la diversification et de lrsquoexpansion du droit international Rapport du Groupe drsquoeacutetude de la Commission du droit international ACN4L702 ONU 28 juillet 2006 Parmi de tregraves nombreuses reacutefeacuterences doctrinales voir I Brownlie laquo Problems Concerning the Unity of International Law raquo in Le droit international agrave lrsquoheure de sa codification Etudes en lrsquohon-neur de Roberto Ago Vol I Milan Giuffregrave 1987 p 156 et ss A Gattini laquo Un regard proceacutedural sur la fragmentation du droit international raquo RGDIP 2006 pp 303-336 B Conforti laquo Uniteacute et fragmentation du droit international glissez mortels nrsquoappuyez pas raquo RGDIP vol1 2007 pp 5-18 7 CDI Fragmentation du droit international difficulteacutes deacutecoulant de la diversification et de lrsquoexpansion du droit international Rapport du groupe drsquoeacutetude de la CDI eacutetabli sous sa forme deacutefinitive par M Koskenniemi ACN4L682 13 avril 2006 sect 486

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

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drsquoorganisations nationales et internationales et relever de plusieurs traiteacutes internationaux Alors que

la notion de reacutegime est traditionnellement associeacutee agrave une question la notion de complexe de reacutegimes

permet de saisir la topographie complexe des lieux et moments ougrave une question se voit traiteacutee dans

diverses aregravenes agrave lrsquoeacutechelle internationale Les premiegraveres conceptualisations de la notion sont asso-

cieacutees agrave la question de la conservation des ressources geacuteneacutetiques veacutegeacutetales Pour Raustiala et Victor

laquo Rather than a single discrete regime governing Plant Genetic Resources ndash PGR the relevant rules are found in at least five clusters of international legal agreements-what we call elemental regimes-as well as in national rules within key states especially the United States and the European Union (EU) These elemental regimes overlap in scope subject and time events in one affect those in others We term the collective of these elements a regime complex an array of partially overlapping and nonhierarchical institutions governing a particular issue-area raquo (Raustiala amp Victor 2004) Parmi les organisations

acteurs engageacutes dans ces neacutegociations multiples Raustiala et Victor soulignent le rocircle croissant

drsquoagences nationales (par exemple des agences de lrsquoenvironnement) en plus des acteurs classiques

des reacutegimes ministegraveres des Affaires eacutetrangegravereshellip En effet on se situe bien dans une perspective ougrave

les Eacutetats agrave certains niveaux des complexes de reacutegimes peuvent ecirctre consideacutereacutes comme des acteurs

speacutecifiques mais agrave drsquoautres niveaux (ou drsquoautres peacuteriodes) suppose que lrsquoon rentre dans la boite

noire des Eacutetats pour mieux saisir les configurations agissant en leur sein et autour drsquoeux

Cette notion sera ensuite retravailleacutee pour la question du changement climatique avec lrsquoideacutee que

le complexe de reacutegimes est le reacutesultat drsquoun processus de fragmentation et les auteurs estiment que

les acteurs les plus puissants preacutefegraverent ce type de configuration dans les situations de divergence

drsquointeacuterecircts (Keohane and Victor 2011) Ces auteurs explorent ensuite les trois principales forces qui

geacutenegraverent de la fragmentation etou de lrsquointeacutegration la dispersion des inteacuterecircts les incertitudes et

les liens entre probleacutematiques Ces auteurs deacutefendent lrsquoideacutee que lrsquoexistence de complexe de reacutegimes

nrsquoest pas un problegraveme en soit et que cela peut mecircme ecirctre plus efficace pour la coordination car la

complexiteacute entraicircne de la flexibiliteacute entre diffeacuterentes questions et une adaptabiliteacute dans le temps

Par la suite Orsini et ses collegravegues discuteront la deacutefinition proposeacutee par Raustiala et Victor et

proposeront une nouvelle deacutefinition de la notion de complexe de reacutegimes laquo un reacuteseau de trois reacute-

gimes internationaux ou plus relatifs agrave une question commune comportant des membres communs

et qui geacutenegravere des interactions substantives normatives et opeacuterationnelles reconnues comme poten-

tiellement probleacutematiques si elles ne sont pas geacutereacutees en tant que telles raquo (Orsini Morin and Young

2013)

La notion de complexe de reacutegimes ne preacutejuge pas drsquoune quelconque coheacuterence interne Elle deacute-

signe simplement des espaces qui parce qursquoils sont consacreacutes au mecircme objet mecircme srsquoils lrsquoabordent

sous un angle diffeacuterent ou seulement partiellement interagissent Cependant la forme reacuteticulaire

du complexe caracteacuteriseacute par des interactions deacutepasse celle drsquoespaces fragmenteacutes ou cloisonneacutes sans

lien entre eux En somme elle conduit lrsquoanalyste agrave laquo changer de lunettes raquo en preacutesentant lrsquoavan-

tage de mettre lrsquoaccent sur ce qui relit plutocirct que sur ce qui seacutepare Crsquoest pourquoi cette notion de

laquo complexe raquo offre un cadre drsquoanalyse inteacuteressant pour rendre compte de maniegravere plus preacutecise drsquoune

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

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reacutealiteacute elle-mecircme complexe en appreacutehendant les circulations ndash agrave la fois de normes et drsquoacteurs ndash qui

ont lieu entre des espaces juridiques et institutionnels diffeacuterents Elle permet de deacutepasser le constat

premier ndash bien eacutetabli et relativement improductif ndash drsquoune relative fragmentation pour srsquointeacuteresser

aux relations interrelations et interactions

La dimension juridique des complexes de reacutegimes nrsquoa malheureusement pas eacuteteacute suffisamment

exploiteacutee jusqursquoici Pourtant certains principes et outils contribuent sinon agrave assurer lrsquouniteacute une

quecircte sans doute vaine mais tout au moins agrave lutter contre la fragmentation agrave laquo deacute raquofragmenter le

droit international et renforcer sa coheacuterence Certains outils ont preacuteciseacutement pour objet de mettre

en coheacuterence des reacutegimes diffeacuterents Outre les traditionnels (et souvent drsquoune utiliteacute pratique limi-

teacutee) principes de la lex posterior ou lex specialis on peut penser au principe drsquointeacutegration systeacutemique

eacutevoqueacute agrave lrsquoarticle 31sect3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traiteacutes En effet il doit

conduire lrsquointerpregravete agrave tenir laquo compte en mecircme temps que du contexte (hellip) de toute regravegle pertinente

de droit international applicable dans les relations entre les parties raquo Si sur le plan theacuteorique ce prin-

cipe apparaicirct comme un puissant facteur de coheacuterence en pratique sa porteacutee est limiteacutee Drsquoabord il

a eacuteteacute consideacutereacute que pour qursquoune regravegle conventionnelle soit interpreacuteteacutee agrave la lumiegravere drsquoune autre regravegle

conventionnelle il convenait que la seconde soit applicable agrave lrsquoensemble des parties agrave la premiegravere8

Cette exigence rarement remplie fait que lrsquoarticle 31sect3 c) permet essentiellement en pratique drsquoar-

ticuler une regravegle conventionnelle avec une regravegle coutumiegravere Ensuite les Eacutetats ont un peu tendance

agrave laquo oublier raquo cette exigence pour laisser libre cours agrave leurs penchants schizophreacuteniques ignorant ou

faisant mine drsquoignorer qursquoils deacutefont drsquoun cocircteacute ce qursquoils font de lrsquoautre Enfin le juge ou lrsquoarbitre sont

trop rarement saisis sur la scegravene internationale pour permettre de promouvoir cette coheacuterence Pour

ces raisons il est important de reacutefleacutechir agrave drsquoautres outils pour renforcer la coheacuterence des initiatives

internationales relatives au changement climatique et lrsquouniteacute du droit international du climat De ce

point de vue diffeacuterents moyens meacuteritent drsquoecirctre exploreacutes qursquoils soient de type normatif opeacuterationnel

ou institutionnel et visent la promotion voire la reconnaissance drsquoinitiatives compleacutementaires ou

encore une certaine forme de coordination

Dans CIRCULEX nous nous sommes interrogeacutes sur lrsquoutiliteacute heuristique du concept de laquo com-

plexes de reacutegimes raquo Srsquoagit-il drsquoun modegravele drsquoune theacuteorie drsquoun concept ou encore drsquoun outil Cette

notion a-t-elle une valeur descriptive etou explicative Qursquoest-ce que cette invention apporte agrave

lrsquoeacutetude du droit et des politiques internationales Au final les laquo complexes de reacutegimes raquo nous sont

apparus surtout comme permettant de visualiser la complexiteacute sans permettre drsquoen mesurer les

conseacutequences ni de reacutefleacutechir aux processus de deacutefragmentation CIRCULEX a donc utiliseacute le concept

de complexes de reacutegimes tandis que les conclusions du projet nourrissent agrave leur tour cette theacuteorie

CIRCULEX a notamment permis de mieux deacutecrire la reacutealiteacute des complexes de reacutegimes Lagrave ougrave il avait

eacuteteacute montreacute que les complexes de reacutegimes srsquoinscrivent dans un continuum allant de reacutegimes haute-

ment fragmenteacutes agrave hautement inteacutegreacutes CIRCULEX montre qursquoil est possible de distinguer dans ce

8 Par un groupe speacutecial de lrsquoOMC dans lrsquoaffaire des Produits technologiques en 2006 dont le rapport nrsquoa eacuteteacute ni infirmeacute ni confirmeacute par lrsquoOr-gane drsquoappel dans lrsquoaffaire Communauteacutes europeacuteennes et certains Eacutetats Membres ndash Mesures affectant le commerce des aeacuteronefs civils gros porteurs Rapport de lrsquoOrgane drsquoappel WTDS316ABR 18 mai 2011 p 406 Ce dernier incite toutefois agrave la prudence dans une telle situation

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

16

continuum des phases drsquoatomisation de compeacutetition de speacutecialisation drsquointeacutegration dans ce qui

ressemble au laquo cycle de vie raquo des complexes (Morin and Orsini 2013) Les travaux confirment toute-

fois que cette notion ndash par ailleurs tentaculaire ndash est plus descriptive qursquoanalytique

13 Lrsquoidentification des circulations

Les travaux reacutealiseacutes dans le cadre de CIRCULEX srsquoattachent tous agrave un titre ou un autre agrave la

compreacutehension de lrsquoarchitecture institutionnelle et normative des complexes de reacutegimes agrave partir

de la mise en eacutevidence de leurs conditions drsquoeacutemergence leurs caracteacuteristiques leurs conditions

drsquoefficaciteacute permettant de mieux approcher la notion de complexes de reacutegimes Si le point drsquoentreacutee

de lrsquoanalyse peut srsquoattacher avant tout agrave la circulation normative ou aux reacuteseaux drsquoacteurs en

reacutealiteacute ces deux faccedilons drsquoaborder la gouvernance globale de lrsquoenvironnement sont eacutetroitement

imbriqueacutees Qursquoil srsquoagisse drsquoacteurs ou de normes le projet a mis en eacutevidence les eacuteleacutements circulant

les vecteurs de circulation et la porteacutee de la circulation La notion de laquo circulation raquo au centre du

projet CIRCULEX preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre tregraves englobante Couvrant les notions de diffusion ou

transfert elle emprunte aux litteacuteratures sur les policy diffusion norm diffusion policy transfer norm transfer ainsi qursquoau framing Elle permet en cela de mieux penser un espace relationnel plus ouvert

bull Lrsquoobjet de la circulation

La gouvernance internationale de lrsquoenvironnement nrsquoest pas aussi fragmenteacutee qursquoelle le paraicirct

au premier abord La reacutealiteacute est beaucoup plus nuanceacutee Derriegravere une apparente fragmentation se

cachent de tregraves nombreuses circulations de normes et drsquoacteurs

Les eacuteleacutements ou mateacuteriaux circulant sont tregraves divers puisqursquoil srsquoagit de normes ou drsquoacteurs Agrave

lrsquointeacuterieur de chacune de ces cateacutegories on trouve eacutegalement une grande diversiteacute

Srsquoagissant des acteurs ce terme geacuteneacuterique permet de couvrir aussi bien les acteurs traditionnels

des relations internationales (les Eacutetats et leur prolongement constitueacute par les organisations inter-

gouvernementales) que les laquo nouveaux raquo acteurs internationaux que sont les collectiviteacutes locales

les entreprises les organisations non gouvernementales les individus en tant qursquoexperts etc Leur

laquo capaciteacute circulatoire raquo qui caracteacuterise leur capaciteacute agrave circuler est par deacutefinition variable Srsquoagis-

sant des acteurs non eacutetatiques leur capaciteacute circulatoire srsquoavegravere ecirctre une ressource structurante

pour saisir leur influence Les travaux conduits permettent de mieux comprendre comment circulent

ces acteurs drsquoun reacutegime agrave lrsquoautre et ce qursquoils retirent de leur capaciteacute agrave circuler Ils montrent la forte

imbrication entre acteurs publics et priveacutes Ils font ressortir aussi la diversiteacute des configurations par-

ticuliegraveres drsquoacteurs en fonction des contextes et enjeux tout en montrant que lrsquoinfluence des acteurs

eacuteconomiques nrsquoest pas neacutecessairement lagrave ougrave on lrsquoattend9

Srsquoagissant des normes leur varieacuteteacute est eacutegalement tregraves grande Tantocirct crsquoest lrsquoobjectif ou la finaliteacute

9 Notamment D Compagnon Y Montouroy A Orsini R de Rafael laquo Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en œuvre des normes de gouvernance environnementale agrave lrsquoeacutechelle internationale raquo cet ouvrage infra p 117

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

17

drsquoune norme qui circule (premiegravere partie) tantocirct une norme en tant que telle (seconde partie) Srsquoil

srsquoagit drsquoun objectif ou finaliteacute il peut ecirctre assez preacutecis et parfois mecircme quantifieacute (voir les objectifs

drsquoAiumlchi deacutefinis dans le cadre de la Convention sur la diversiteacute biologique10 la reacutegulation des hy-

drofluorocarbones entre le Protocole de Montreacuteal sur lrsquoozone et le reacutegime du climat11) ou au contraire

tregraves geacuteneacuteral (la prise en compte de lrsquoenvironnement dans les accords commerciaux12 ou de la santeacute

dans les accords environnementaux13) Mecircme lorsqursquoil srsquoagit drsquoune norme en tant que telle et non

drsquoun simple objectif la forme de cette norme peut varier Elle peut ecirctre plus ou moins geacuteneacuterale plus

ou moins abstraite allant de la meacutetanorme agrave la norme technique en passant par le principe geacuteneacuteral

ou la disposition preacutecise et quantifieacutee On aurait pu penser que la capaciteacute circulatoire de la norme

est fonction de son degreacute drsquoabstraction et de geacuteneacuteraliteacute plus elle est abstraite et geacuteneacuterale plus elle

est susceptible de circuler Plus elle sera reacutesonnante moins elle sera dissonante (Hermet 1994) Il

faudrait probablement davantage drsquoeacutetudes empiriques pour confirmer cette hypothegravese Agrave lrsquoissue du

projet CIRCULEX il semble plutocirct que drsquoautres facteurs jouent un rocircle plus deacuteterminant de la capa-

citeacute circulatoire le caractegravere central dans le complexe de reacutegimes de lrsquoinstitution eacutetant agrave la source de

la norme (telle la COP de la Convention sur la diversiteacute biologique dans le complexe de reacutegimes sur

la biodiversiteacute) la dynamique drsquoun secreacutetariat international la capaciteacute circulatoire drsquoacteurs cleacutes

tels que des experts ou des ONGs le contexte politique eacuteconomique ou social le contexte cognitif

etc

bull Les vecteurs de circulation

Les vecteurs de circulation seront geacuteneacuteralement des acteurs qui peuvent ecirctre comme on lrsquoa

vu les Eacutetats les organes des organisations intergouvernementales (COP secreacutetariats organes ex-

pertshellip) des acteurs infra eacutetatiques (tels que les reacuteseaux europeacuteens ou mondiaux de villes pour le cli-

mat) ou des acteurs non eacutetatiques (experts entreprises ONG juge international) Leurs modes drsquoin-

terconnexion sont varieacutes tout comme les modes de circulation des normes qui peuvent ecirctre quasi

spontaneacutes ou au contraire tregraves construits et volontaires Tantocirct crsquoest la puissance de certains acteurs

qui explique qursquoils soient des vecteurs efficaces de circulation (tels les Eacutetats-Unis et lrsquoUnion euro-

peacuteenne srsquoagissant de lrsquointeacutegration de normes environnementales dans les accords commerciaux14)

crsquoest leur dynamisme et leur capaciteacute agrave innover (tel le secreacutetariat de la CITES recherchant lrsquoaccegraves agrave

de nouvelles ressources financiegraveres15) Les ONGs peuvent agir seules ou en coalitions (transnational

advocacy network) Le rocircle des communauteacutes eacutepisteacutemiques (Haas 1989) et des boundary organisa-

tions (Hrabanski Pesche 2016) est eacutegalement agrave mentionner Tous peuvent faire des entrepreneurs

de normes efficaces qursquoils agissent par inteacuterecirct ou pour des raisons deacutesinteacuteresseacutees ou pour les deux

10 G Futhazar laquo La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute le cas de la CITES de la CDB et du fond pour lrsquoenvironnement mondial raquo cet ouvrage infra p9511 H Hellio laquo HFC histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali raquo cet ouvrage infra p 12 J-C Morin M Rochette laquo Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et diffusion raquo cet ou-vrage infra p 3713 C Lajaunie P Mazzega laquo Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute dans les conventions internationales lieacutees agrave la biodiversiteacute raquo cet ouvrage infra p 6114 J-F Morin M Rochette laquo Les dispositions environnementales des accords commerciaux Entre innovation et diffusion raquo cet ouvrage infra p 3715 G Futhazar laquo La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute le cas de la CITES de la CDB et du fond pour lrsquoenvironnement mondial raquo cet ouvrage infra p 95

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

18

agrave la fois (Florini 1996)

Les organisations internationales jouent ici un rocircle de levier par rapport agrave lrsquoaction isoleacutee drsquoEacutetats

(Keck Sikkink 1998) Les travaux montrent que parmi les modes de gouvernance elles utilisent

peu la gouvernance hieacuterarchique ou la deacuteleacutegation mais plus freacutequemment la collaboration voire

lrsquoorchestration Lrsquoorchestration est un mode inteacuteressant pour une organisation internationale dont

les objectifs sont ambitieux et les capaciteacutes faibles Elle consiste concregravetement agrave mobiliser des ac-

teurs intermeacutediaires sur une base volontaire en leur fournissant un soutien conceptuel et mateacuteriel

pour qursquoils amegravenent les acteurs cibles agrave se conformer agrave certains objectifs Comme la collaboration

crsquoest un mode de gouvernance adapteacute aux complexes de reacutegimes en ce qursquoelle permet drsquoassurer la

compleacutementariteacute de tirer avantage des speacutecialisations de mutualiser les ressources et de favoriser

lrsquoapprentissage mutuel (Abbott Genschel Snidal Zangl 2015)

Le caractegravere non hieacuterarchique comme eacuteleacutement fondamental de la deacutefinition des complexes de

reacutegimes est discuteacute Sans pouvoir parler de hieacuterarchie au sens strict force est de constater le rocircle par-

ticulier de certains acteurs voire de certains reacutegimes au sein des complexes Il est clair par exemple

que la Convention sur la biodiversiteacute joue un rocircle majeur ndash qursquoon peut qualifier de nodal ndash au sein

du complexe de reacutegimes sur la biodiversiteacute16 Srsquoagissant du reacutegime climat au contraire la COP de la

Convention-cadre des Nations Unies a occupeacute une position bien moins nodale Elle srsquoest enfermeacutee

ndash ou plutocirct a eacuteteacute enfermeacutee ndash dans une laquo isolation clinique raquo vis-agrave-vis des autres acteurs de la gou-

vernance internationale du climat hypotheacutequant par lagrave son effectiviteacute (Maljean-Dubois Wemaere

2015) LrsquoAccord de Paris qui reflegravete une vision plus ouverte pourrait jouer agrave lrsquoavenir le rocircle de cata-

lyseur ou drsquoorchestrateur qursquoelle nrsquoa pu jouer comme le suggegravere le deacuteblocage des neacutegociations sur

les hydrofluorocarbones dans le cadre du Protocole sur lrsquoozone17 Les recherches mettent en eacutevidence

aussi la laquo permeacuteabiliteacute raquo variable des reacutegimes ou sites de gouvernance deacutefinie comme leur aptitude

agrave accueillir et se laisser peacuteneacutetrer agrave favoriser les circulations de normes ou drsquoacteurs

bull La porteacutee des circulations

Les recherches conduites mettent en eacutevidence lrsquoimpact de la circulation sur les normes la ma-

niegravere dont en circulant en se combinant en srsquohybridant la norme mute eacutevolue et est preacuteciseacutee 18 elle

se construit comme norme complexe avec des sources multiples aussi bien publiques que priveacutees19

La circulation favorise le laquo pluralisme ordonneacute raquo cher agrave Mireille Delmas-Marty (Delmas-Marty

2006) Cette auteure a identifieacute trois moyens drsquoassurer ce laquo pluralisme ordonneacute raquo

- la coordination qui est le fait drsquoentrecroisements horizontaux (on parle aussi drsquointernormativiteacute

qui peut ecirctre de fait par lrsquoemprunt ou reacutesulter drsquoune interpreacutetation croiseacutee) Pour ecirctre admise dans

des pays de tradition juridique diffeacuterente elle doit preacuteserver une certaine souplesse qui suppose la

16 Voir C Lajaunie P Mazzega laquo Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute dans les conventions internationales lieacutees agrave la biodiversiteacute raquo cet ouvrage infra p 61 G Futhazar laquo La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute Le cas de la CITES de la CDB et du Fond pour lrsquoEnvironnement Mondial raquo cet ouvrage infra p 9517 Voir H Hellio laquo HFC histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali raquo cet ouvrage infra p 81 voir infra 2118 A-S Tabau laquo La transparence de la finance climat de la circulation du principe agrave la circulation de ses modaliteacutes drsquoapplication raquo cet ouvrage infra p 16519 Ibid

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

19

reconnaissance de marges nationales drsquoappreacuteciation

- lrsquoharmonisation qui implique un rapprochement plus fort mais sans preacutetendre agrave lrsquouniformiteacute

- et lrsquounification soit imposeacutee verticalement par transplantation unilateacuterale soit reacutesultant drsquoune

hybridation laquelle implique une reacuteciprociteacute de lrsquoeacutechange

Sans surprise les circulations eacutetudieacutees ici ndash qui sont pour lrsquoessentiel horizontales ndash relegravevent da-

vantage de la coordination que de lrsquoharmonisation et encore moins de lrsquounification

La circulation nrsquoest pas non plus sans conseacutequence sur la juridiciteacute et porteacutee de la norme Ainsi

les mouvements agrave lrsquoœuvre dans les complexes de reacutegimes teacutemoignent-ils des transformations agrave

lrsquoœuvre de la normativiteacute internationale Au-delagrave les chercheurs de CIRCULEX ont chercheacute aussi agrave

srsquointerroger sur leurs effets en terme drsquoeffectiviteacute et de leacutegitimiteacute des politiques conduites De ce point

de vue la circulation de normes etou drsquoacteurs peut produire des effets ambivalents Anne-Sophie

Tabau montre ainsi dans cet ouvrage comment les efforts en faveur de la circulation du principe

de transparence de la finance climat favorisent laquo la preacutecision de ses modaliteacutes drsquoapplication en

apportant une reacuteponse aux deacutefis techniques de la transparence de la finance climat raquo voire au-delagrave

de la finance climat mais laquo aboutissent eacutegalement agrave deacuteplacer le centre de graviteacute de la gouvernance

dans ce domaine du reacutegime climat entendu au sens strict vers un complexe de reacutegimes au peacuterimegravetre

moins deacutefini sous-estimant peut-ecirctre les enjeux politiques et sociaux de cette question ce qui est de

nature agrave soulever des interrogations en termes de leacutegitimiteacute et de responsabiliteacute (accountability) raquo20

Car crsquoest finalement lrsquoOCDE qui se trouve jouer le rocircle central de laquo connecteur raquo entre les multiples

espaces de reacutegulation de la finance climatique alors mecircme qursquoelle ne regroupe que 34 Eacutetats et

nrsquoassure pas la repreacutesentativiteacute geacuteographique chegravere agrave lrsquoONU21

2) Les voies drsquoune deacutefragmentation de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement

Srsquoattacher aux mouvements de normes et drsquoacteurs (agrave lrsquointeacuterieur et entre les reacutegimes agrave niveau

vers le haut vers le bas) permet drsquoaller au-delagrave de la vision neacutegative de la fragmentation pour srsquoat-

tacher plutocirct aux acteurs et processus de laquo deacutefragmentation raquo Une telle deacutefragmentation srsquoavegravere

neacutecessaire et nous avons tenteacute drsquoen mettre en eacutevidence les leviers

21 Une deacutefragmentation neacutecessaire

La fragmentation des reacutegimes internationaux offre un laquo terrain de jeu raquo stimulant pour les diffeacute-

rents acteurs Elle est exploiteacutee aussi bien par les acteurs priveacutes que par les Eacutetats du Nord ou du Sud

voire les organes et organisations internationaux (tels les secreacutetariats des conventions en recherche

20 A-S Tabau laquo La transparence de la finance climat de la circulation du principe agrave la circulation de ses modaliteacutes drsquoapplication raquo cet ouvrage infra p 16521 Ibid

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

20

de financements) qui y voient une opportuniteacute strateacutegique et deacuteploient des politiques juridiques

servant ce qursquoils considegraverent comme eacutetant de leurs inteacuterecircts Le forum shoppingreacutegime shifting peut

entrainer le nivellement par le bas lorsque les Eacutetats empecircchent agrave dessein les fora les plus efficaces de

se saisir drsquoune question (ozoneclimat) Le forum shopping peut aussi entrainer des deacutecisions contra-

dictoires de diffeacuterents organes de regraveglement des diffeacuterends (Alter et Meunier 2009 Drezner 2007)

Un nouveau contexte politique peut alors changer la donne Lrsquoexemple des hydrofluorocarbones le

montre bien

Ces gaz drsquoorigine syntheacutetique sont venus efficacement remplacer les substances ozonicides en

cours drsquoeacutelimination dans le cadre du Protocole de Montreacuteal (agrave la fois les CFC les chlorofluorocar-

bures et les HCFC comme fluides de reacutefrigeacuteration etou propulseurs drsquoaeacuterosols) Leurs eacutemissions

ont augmenteacute conseacutecutivement de 8-9 par an Non dangereux pour lrsquoozone ces gaz preacutesentent un

important enjeu pour le climat Ils ont en effet un pouvoir reacutechauffant de 14 000 agrave 23 000 fois plus

puissant que le CO2 Selon le Programme des Nations Unies pour lrsquoenvironnement le retrait total

de ces gaz au niveau mondial permettrait drsquoinfleacutechir la courbe du reacutechauffement de 05 degC drsquoici agrave

2050 100 milliards de tonnes drsquoeacutequivalents CO2 sont en jeu dix fois plus que les objectifs fixeacutes par le

Protocole de Kyoto22 Ces gaz sont couverts par le Protocole de Kyoto (annexe A) qui en preacutevoit la

reacuteduction des eacutemissions tandis que le Protocole de Montreacuteal conduit de facto agrave en augmenter lrsquoutili-

sation Depuis plus de six ans des discussions ont lieu sur lrsquoopportuniteacute de preacutevoir leur eacutelimination

dans le cadre du Protocole de Montreacuteal mais aucun consensus nrsquoa eacuteteacute atteint Beaucoup de pays du

Sud freinent car ils voient des motivations commerciales deacuteguiseacutees dans les initiatives en ce sens Ils

refusent de se voir imposer lrsquoeacutelimination des HFC alors mecircme qursquoils viennent de remplacer des subs-

tances ozonicides dans leurs processus de production Ils invoquent lrsquoargument selon lequel cela doit

ecirctre traiteacute par la CCNUCCC au regard du principe de speacutecialiteacute des organisations internationales

Les Eacutetats-Unis qui soutiennent fortement une reacutevision du Protocole de Montreacuteal imposant lrsquoeacuteli-

mination des HFC ont deacuteposeacute une proposition agrave ce sujet en mai 2014 qui a eacuteteacute examineacutee lors de

lrsquoavant-derniegravere COP-MOP agrave Paris en novembre 201523 Les Eacutetats feacutedeacutereacutes de Microneacutesie ont eacutega-

lement fait une proposition en ce sens Le Koweiumlt et lrsquoArabie Saoudite se sont opposeacutes agrave une telle

reacutevision consideacuterant que la question relegraveve de la seule CCNUCC24 Ils ont eacuteteacute rejoints en cela par

de nombreux pays du Sud Selon le Bulletin des neacutegociations de la Terre laquo on a entendu un deacuteleacute-

gueacute frustreacute observer lsquocrsquoest comme si lrsquoon jouait au ping-pong avec la CCNUCCrsquo raquo25 De son cocircteacute la

France a plaideacute en faveur de la formation drsquoun groupe de contact chargeacute drsquoexaminer les modaliteacutes du

traitement des HFC dans le cadre du Protocole suggeacuterant qursquoun accord sur les HFC pourrait contri-

buer agrave la reacuteussite de la COP climat 21 agrave Paris en 201526

22 laquo LrsquoUnion Europeacuteenne va eacuteliminer les lsquosupergazrsquo agrave effet de serre HFC raquo Le Monde 2012201323 laquo 2014 North American Amendment Proposal to Address HFCs under the Montreal Protocol raquo24 Bulletin des neacutegociations de la Terre 26e reacuteunion des Parties au Protocole de Montreacuteal et 10e reacuteunion de la Confeacuterence des Parties agrave la Conven-tion de Vienne 17-21112014 vol 19 ndeg102 1711201425 Ibid26 Ibid

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

21

Face au blocage on a vu se multiplier des initiatives HFCs en dehors de la CCNUCC et du Proto-

cole de Montreacuteal caracteacuteriseacutees par plus de souplesse sur le plan formel La laquo Coalition pour le climat

et lrsquoair pur raquo ou CCAC est tout agrave fait embleacutematique de ce point de vue qui a deacuteveloppeacute une initia-

tive dite laquo Promoting HFC Alternative Technology and Standards raquo27 De mecircme en septembre 2014

lors du Sommet climat du Secreacutetaire geacuteneacuteral de lrsquoONU a eacuteteacute adopteacute un laquo Joint Statement Phasing Down Climate Potent HFCs raquo par vingt pays et dix organisations intergouvernementales En effet

ce nrsquoest pas un traiteacute qui est agrave son origine mais un simple laquo framework raquo qui juridiquement laquo does not create any legally binding obligations between or among its Partners raquo (art III) mecircme si un certain

suivi est preacutevu Plus souple la CCAC est ouverte aux acteurs non eacutetatiques consideacutereacutes comme des

partenaires sur un pied drsquoeacutegaliteacute et non pas des laquo observateurs raquo comme crsquoest le cas agrave la CCNUCCC

De fait la CCAC preacutesente une reacuteelle utiliteacute aujourdrsquohui en compleacutement drsquoun Protocole de Kyoto tregraves

marginal et des accords de Copenhague-Cancun qui sont tregraves faibles Elle permet notamment une

coopeacuteration des Eacutetats-Unis et de la Chine et avec drsquoautres pays Elle preacutepare le terrain agrave une initia-

tive plus classique

En effet la question des HFC doit en reacutealiteacute ecirctre traiteacutee non par le reacutegime climat ou celui de

lrsquoozone mais par les deux reacutegimes de maniegravere coordonneacutee Le deacuteveloppement des HFC est certes

un problegraveme pour le climat mais qui est compliqueacute par lrsquoaction internationale en faveur de lrsquoeacutelimi-

nation de lrsquoozone Il est donc bien agrave lrsquointerface des deux reacutegimes Il nrsquoy a pourtant pas un mot agrave ce

sujet dans lrsquoAccord de Paris La question nrsquoa drsquoailleurs eacuteteacute eacutevoqueacutee que marginalement durant les

neacutegociations agrave travers les opportuniteacutes drsquoatteacutenuation En revanche lrsquoAccord de Paris a creacuteeacute le mo-mentum qui a finalement favoriseacute lrsquoadoption drsquoun accord lors de la Reacuteunion des Parties de Kigali du

Protocole de Montreacuteal en octobre 201628 Agrave terme lrsquoamendement de Kigali garantira une meilleure

coheacuterence de lrsquoaction internationale en faveur du climat et de lrsquoozone

22 Les leviers de deacutefragmentation

Nous avions deacutecideacute de mettre en eacutevidence les facteurs de circulations mais eacutegalement en neacutegatif

drsquoeacuteventuels difficulteacutes blocages ou verrous Lrsquoobjectif in fine eacutetait de parvenir agrave des propositions

concregravetes srsquoagissant des outils et processus agrave mobiliser pour deacutefragmenter la gouvernance

internationale Lrsquoeacutevolution du droit international des droits de lrsquohomme la mise en place de lrsquoIPBES

les neacutegociations internationales qui se sont deacuterouleacutees durant la reacutealisation de CIRCULEX sur les

changements climatiques (y compris agrave lrsquointeacuterieur celle sur les forecircts) et la biodiversiteacute marine au-

delagrave des zones de juridiction nationale ont offert des terrains privileacutegieacutes drsquoanalyse aux chercheurs

de CIRCULEX ainsi que la possibiliteacute de nourrir le deacutebat par des propositions concregravetes En

contrepoint de lrsquoimpeacuteratif drsquoordonner le multiple mis en eacutevidence par Mireille Delmas-Marty29 il

srsquoagit de prendre au seacuterieux le polycentrisme de la gouvernance internationale de voir les initiatives

multiples non comme des entreprises brouillonnes et concurrentes mais comme des moyens drsquoasseoir

27 Voir httpwwwuneporgccacInitiativestabid130287languageen-USDefaultaspxsthashvWdKJy35dpuf consulteacute le 5 aoucirct 201528 Voir H Hellio laquo HFC histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali raquo cet ouvrage infra p 8129 Voir supra

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

22

progressivement la confiance Ainsi laquo Proceeding by small steps to build confidence and generate patterns of reciprocity is not a timid second-best strategy raquo mais est plus adapteacute aux reacutealiteacutes de la vie

internationale qursquoune grande et seule approche (Keohane Victor 2016) agrave condition de mettre en

oeuvre une certaine fragmentation Trois types de leviers ndash juridiques opeacuterationnels institutionnels

ndash peuvent ecirctre utiliseacutes agrave cet effet

a) Les leviers juridiques

Diffeacuterents leviers juridiques agrave proprement parler sont mobilisables Lrsquoeacutenumeacuteration qui est faite

ici nrsquoa pas preacutetention agrave lrsquoexhaustiviteacute

bull Lrsquousage de laquo meacutetanormes raquo Mecircme si nous sommes lagrave dans une laquo logique du flou raquo (Delmas-Marty Izorche 2002) lrsquousage de

meacutetanormes peut permettre drsquoassurer une plus grande articulation sur le plan politique pour mettre

en œuvre diffeacuterents traiteacutes visant ou impactant le deacuteveloppement durable Il a eacuteteacute montreacute comment

de tels objectifs peuvent creacuteer de veacuteritables dynamiques en contribuant agrave reacuteorganiser la coopeacuteration

internationale dans des espaces juridiques et institutionnels diffeacuterents (Futhazar 2015) On pense de

ce point de vue aux 17 Objectifs de Deacuteveloppement Durable (ODD) qui ont eacuteteacute adopteacutes dans le sillon

de la deacuteclaration laquo LrsquoAvenir que nous voulons raquo du Sommet Rio + 20 (2012) lors du Sommet des Na-

tions Unies sur le Deacuteveloppement Durable qui a eu lieu agrave New York en septembre 2015 Ils peuvent

jouer un rocircle structurant pour la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement On constate drsquoail-

leurs que la deacutecision 1CP21 adopteacutee agrave Paris par la COP 21 srsquoy reacutefegravere Certains auteurs proposent

que la protection de lrsquointeacutegriteacute des systegravemes naturels dont deacutepend la vie sur Terre soit consideacutereacutee

comme meacutetanorme (Kim Bosselmann 2013) De son cocircteacute cet ouvrage explore la diffusion de meacute-

tanormes telles que le principe de lrsquoaccegraves et du partage des avantages entre les complexes de reacutegimes

biodiversiteacute droits de lrsquohomme et climat comme le montrent les travaux conduits dans le cadre de

BENELEX en lien avec CIRCULEX (Savaresi 2016) lrsquoexigence de synergie conventionnelle comme

norme interstitielle30 lrsquoexigence de transparence appliqueacutee agrave la finance climat31 ou encore celle

drsquoaccountability attacheacutee aux meacutecanismes de financement Vanessa Richard montre bien que lrsquoins-

titution du nouveau Fonds Vert pour le Climat (FVC) srsquoinscrit dans un paysage deacutejagrave bien rempli par

de nombreux meacutecanismes drsquoaccountability et en particulier les meacutecanismes de plainte des banques

multilateacuterales de deacuteveloppement notamment des banques internationales de deacuteveloppement Crsquoest

lrsquooccasion drsquoanalyser les circulations opeacutereacutees entre les standards drsquoaccountability et le design institu-

tionnel (donc des aspects plus proceacuteduraux) de ces meacutecanismes et ceux qui sont en train drsquoecirctre mis

en place par le FVC Or lrsquoapprentissage collectif ne va pas toujours vers du mieux ce ne sont pas

forceacutement les meilleures pratiques qui sont reprises des innovations sont opeacutereacutees en fonction du

30 G Futhazar laquo La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute Le cas de la CITES de la CDB et du Fond pour lrsquoEnvironnement Mondial raquo cet ouvrage infra p 9531 A-S Tabau laquo La transparence de la finance climat de la circulation du principe agrave la circulation de ses modaliteacutes drsquoapplication raquo cet ouvrage infra p 165

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

23

contexte des enjeuxhellip32 La mecircme remarque peut ecirctre faite agrave propos des meacutecanismes de non-respect

eacutelaboreacutes dans plusieurs conventions internationales de protection de lrsquoenvironnement La premiegravere

proceacutedure de ce type creacuteeacute en 1990 dans le cadre du Protocole de Montreacuteal sur lrsquoozone a inspireacute la

creacuteation de nombreuses autres proceacutedures Chacune preacutesente ses speacutecificiteacutes qui sont fonction du

contexte de lrsquoobjet de la Convention de son caractegravere global ou reacutegional etc Certaines innova-

tions (la possibiliteacute pour le secreacutetariat de la convention de deacuteclencher une proceacutedure la place ac-

cordeacutee aux membres du public certaines inspirations de nature juridictionnellehellip) ne se retrouvent

pas drsquoune proceacutedure agrave lrsquoautre Lrsquoeacutevolution nrsquoest pas lineacuteaire y compris au sein drsquoun mecircme reacutegime

Ainsi alors qursquoils srsquoinscrivent tous deux dans la mecircme convention-cadre la Convention-cadre des

Nations Unies sur les changements climatiques de 1992 le Protocole de Kyoto (1997) et lrsquoAccord de

Paris (2015) ne relegravevent pas de la mecircme inspiration Lagrave ougrave le Protocole de Kyoto a donneacute lieu agrave une

proceacutedure extrecircmement eacutelaboreacutee intrusive pouvant deacuteboucher sur de veacuteritables sanctions lrsquoAccord

de Paris donnera probablement naissance agrave une proceacutedure plus souple et respectueuse des souverai-

neteacutes Il est en effet preacutevu qursquoil fonctionnera laquo drsquoune maniegravere qui est transparente non accusatoire

et non punitive raquo33 Il faut dire qursquoentre temps la proceacutedure de non-respect du Protocole de Kyoto a

montreacute ses limites la crainte de sanctions a mecircme pousseacute le Canada agrave exercer son droit de retrait

du Protocole

bull La promotion du soutien mutuel Une voie inteacuteressante consiste en la promotion du principe du soutien mutuel entre espaces

normatifs (climatcommerce climatinvestissements climatbiodiversiteacute climatozone climatpreacute-

vention des catastrophes climatdroits de lrsquohomme etc) Srsquoil est reconnu le principe ndash dans lequel

on pourrait voir aussi une meacutetanorme ndash revient agrave consideacuterer qursquoil nrsquoy a en principe pas de conflit

puisque les parties doivent interpreacuteter et appliquer les regravegles provenant des deux espaces juridiques

drsquoune maniegravere mutuellement compatible Crsquoest un principe drsquoarticulation et de deacutefeacuterence (Boisson

de Chazournes Mbengue 2007) Il preacutesente lrsquoavantage drsquoeacuteviter aux Parties drsquoavoir agrave laquo eacutetablir un

ordre de prioriteacute clair et net et tenterait plutocirct de coordonner autant que faire se peut lrsquoapplication

simultaneacutee des deux traiteacutes raquo34 Ce nrsquoest pas agrave proprement parler une clause de conflit mais un

moyen de preacutevenir les conflits et dans une certaine mesure de les reacutesoudre si tant est qursquoil soit pos-

sible de ne pas faire preacutevaloir une regravegle sur une autre mais de les interpreacuteter de maniegravere compatible

Pour la Commission du droit international lrsquolaquo ideacutee tient agrave ce que les conflits peuvent et devraient

ecirctre reacutegleacutes entre les partenaires au fur et agrave mesure qursquoils se preacutesentent et dans le but de meacutenager les

inteacuterecircts des uns et des autres raquo35 Il ne garantit donc pas une issue positive de maniegravere absolue Car

en pratique des conflits peuvent eacutemerger dans la mesure ougrave le principe du soutien mutuel est moins

radical qursquoune regravegle de prioriteacute ou hieacuterarchie agrave aucun moment il ne signifie une modification des

droits et obligations des Eacutetats drsquoun cocircteacute ou de lrsquoautre Dans des domaines aussi conflictuels que les

32 V Richard laquo Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte du Fonds Vert pour le Climat raquo cet ou-vrage infra p 18733 Article 15sect234 CDI Fragmentation du droit international difficulteacutes deacutecoulant de la diversification et de lrsquoexpansion du droit international Rapport du Groupe drsquoeacutetude de la Commission du droit international eacutetabli sous sa forme deacutefinitive par Martti Koskenniemi op cit p 150 35 Ibid p 151

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

24

relations climatcommerce son invocation peut paraicirctre quelque peu incantatoire et revient finale-

ment agrave donner au juge un pouvoir drsquointerpreacutetation tregraves important car in fine crsquoest agrave lui drsquoappreacutecier

au cas par cas agrave quoi conduit le soutien mutuel Crsquoest drsquoautant plus vrai que le cycle de neacutegociations

de Doha dont crsquoest un des points agrave lrsquoordre du jour est en panne LrsquoAccord de Paris a de ce point de

vue manqueacute le coche On y cherchera en effet vainement une reacutefeacuterence au droit du commerce in-

ternational Envisageacutee comme une option elle a finalement disparu Crsquoest donc le statu quo qui preacute-

vaut soit une approche relativement deacutefeacuterente vis-agrave-vis du droit du commerce international (Mal-

jean-Dubois Wemaere 2015) Drsquoautres accords sont pourtant moins deacutefeacuterents et donc plus effectifs

tel le Protocole de Montreacuteal sur lrsquoozone36 Sachant combien le droit du commerce international et

en particulier la protection des droits de proprieacuteteacute intellectuelle peuvent affecter sa mise en œuvre

lrsquoAccord de Paris aurait pu inteacutegrer a minima une reacutefeacuterence au principe du soutien mutuel (Bois-

son de Chazournes Mbengue 2007) Ici le laquo schisme de reacutealiteacute raquo mis en eacutevidence par Amy Dahan

et Stefan Aykut reacutesultant drsquoun laquo deacutecalage croissant entre drsquoun cocircteacute une reacutealiteacute du monde celle de

la globalisation des marcheacutes de lrsquoexploitation effreacuteneacutee des ressources drsquoeacutenergie fossiles et des Eacutetats

pris dans une concurrence eacuteconomique feacuteroce et srsquoaccrochant plus que jamais agrave leur souveraineteacute

nationale et de lrsquoautre une sphegravere des neacutegociations et de la gouvernance qui veacutehicule lrsquoimaginaire

drsquoun lsquogrand reacutegulateur centralrsquo apte agrave deacutefinir et agrave distribuer des droits drsquoeacutemission mais de moins en

moins en prise avec cette reacutealiteacute exteacuterieure est particuliegraverement eacutevident et probleacutematique raquo (Dahan

Aykut 2015)

bull La promotion des initiatives de laquo coopeacuterations renforceacutees raquoMettre en place des systegravemes de coopeacuteration renforceacutee au sein des accords environnementaux

sur le modegravele de lrsquoUnion europeacuteenne37 permettrait de donner plus de flexibiliteacute agrave la gouvernance

internationale Il srsquoagit drsquooffrir aux pays qui le souhaitent la possibiliteacute drsquoaller au-delagrave du cadre com-

mun voire en les y incitant La coopeacuteration renforceacutee marqueacutee par le volontarisme peut avoir un

effet de levier sur les autres Eacutetats Aujourdrsquohui il nrsquoexiste pas agrave proprement parler de coopeacuteration

renforceacutee dans le cadre de la CCNUCC Son article 72 c) preacutevoit neacuteanmoins un meacutecanisme de coor-

dination entre plusieurs Eacutetats la COP pouvant faciliter laquo agrave la demande de deux Parties ou davantage

la coordination des mesures adopteacutees par elles pour faire face aux changements climatiques et agrave leurs

effets en tenant compte de la diversiteacute de situations de responsabiliteacutes et de moyens des Parties

ainsi que de leurs engagements respectifs au titre de la Convention raquo On retrouve une disposition

similaire dans le Protocole de Kyoto agrave lrsquoarticle 134 (d) Le terme de laquo mesures raquo viseacute par ces dispo-

sitions offre beaucoup de flexibiliteacute Tous les Eacutetats Parties agrave la Convention peuvent ainsi demander

agrave la COP agrave tout le moins de reconnaicirctre etou faciliter la coordination drsquoactions de coopeacuteration geacute-

neacuterales ou speacuteciales dans des secteurs varieacutes tels que lrsquoeacutenergie les transports la gestion des deacutechets

ou bien par exemple deacutecider drsquoaller plus loin dans le domaine de lrsquoatteacutenuation ou de lrsquoadaptation

que ce que preacutevoit les textes La COP devrait adopter une deacutecision agrave cette fin par consensus ce qui

36 Voir article 4 laquo Reacuteglementation des eacutechanges commerciaux avec les Etats non Parties au Protocole raquo et article 4A laquo Reacuteglementation des eacutechanges commerciaux avec les Parties raquo37 Voir art 20 TUE et 326-334 TFUE

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

25

suppose que lrsquoobjet de la coordination ou la demande de facilitation porte sur des aspects non conflic-

tuels aux yeux des autres Parties Mais en pratique les Eacutetats nrsquoont jamais eu recours agrave cette possibiliteacute

et gardeacute leurs partenariats bilateacuteraux reacutegionaux ou internationaux en dehors du champ convention-

nel Par ailleurs cette disposition mecircme si elle est flexible et peut ecirctre interpreacuteteacutee largement nrsquoin-

dique pas clairement lrsquoobjectif drsquoaller plus loin que les engagements conventionnels Crsquoeacutetait tout le

sens des nombreuses propositions doctrinales en faveur des clubs climatiques (J Hovi D F Sprinz

H Saeliglen A Underdal 2016) ou du minilateacuteralisme (Falkner 2015) LrsquoAccord de Paris reconnait de

ce point de vue la possibiliteacute laquo que certaines Parties deacutecident drsquoagir volontairement en concertation

dans la mise en œuvre de leurs contributions deacutetermineacutees au niveau national pour relever le niveau

drsquoambition de leurs mesures drsquoatteacutenuation et drsquoadaptation et pour promouvoir le deacuteveloppement

durable et lrsquointeacutegriteacute environnementale raquo38

bull La promotion des partenariats public-priveacute

Comme nous lrsquoavons eacutevoqueacute de nombreuses voix promeuvent aujourdrsquohui les approches laquo se-cond-best raquo plutocirct que des accords internationaux ambitieux probablement inatteignables Crsquoeacutetait en

particulier le cas durant les neacutegociations qui ont abouti agrave lrsquoAccord de Paris laquo They combine public and private solutions to climate change adopted at different scales- from the global to the transactio-nal raquo (Orts 2011 Hoffman 2011) De tels partenariats sont multiples srsquoadditionnent et parfois se

combinent et cela peut ecirctre un gage drsquoefficaciteacute De ce point de vue lrsquoaccord de Paris aurait pu mais

nrsquoa pas choisi de promouvoir des voire inciter aux partenariats public-priveacute de mecircme nature que les

partenariats de type II lanceacutes apregraves le Sommet de la Terre de Johannesburg en 2002 dans lrsquooptique de

compleacuteter et dynamiser lrsquoaction conduite sous ses auspices Cela aurait pu permettre de soutenir des

initiatives souples et flexibles qui peuvent srsquoaveacuterer tout agrave fait compleacutementaires drsquoune action conven-

tionnelle tels que la CCAC ou des accords sectoriels (Burkel 2014) En revanche les neacutegociateurs

y ont inclus un meacutecanisme de type laquo meacutecanisme pour un deacuteveloppement propre raquo mais qui reste

encore largement agrave deacutefinir39

bull La promotion de la normalisation techniqueLa normalisation technique repreacutesente un vecteur possible drsquoharmonisation comme lrsquoa montreacute

la meacutethodologie mise au point pour le comptage des eacutemissions par le GIEC devenue ensuite norme

internationale agrave lrsquoinitiative du World Ressources Institute (WRI) avec son Greenhouse Gas Protocol deacuteveloppeacutee par lrsquoISO et largement utiliseacutee aujourdrsquohui et par de tregraves nombreux acteurs40 Un autre

exemple topique est fourni par lrsquoeacutecolabellisation des bois tropicaux41

b) Les leviers opeacuterationnels

On peut penser eacutegalement agrave mobiliser des outils plus opeacuterationnels tels que lrsquoexpertise le controcircle

ou les financements

38 Article 6sect139 Article 640 Voir par exemple la norme ISO 14064-1 publieacutee en 2006 ou encore lrsquoISO 140692013 laquo Gaz agrave effet de serre mdash Quantification et rapport des eacutemissions de gaz agrave effet de serre pour les organisations mdash Directives drsquoapplication de lrsquoISO 14064-1 raquo 41 Voir D Compagnon Y Montouroy A Orsini R de Rafael laquo Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en œuvre des normes de gouvernance environnementale agrave lrsquoeacutechelle internationale raquo cet ouvrage infra p 117

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

26

bull Lrsquoexpertise

Le deacuteveloppement de lrsquoexpertise et des liens scientifiques peut permettre drsquoameacuteliorer la compreacute-

hension commune et la coheacuterence cognitive entre reacutegimes voire complexes de reacutegimes Par exemple

srsquoagissant des complexes de reacutegimes sur le climat et la biodiversiteacute lrsquoarticle 25 de la Convention sur la

biodiversiteacute et lrsquoarticle 9 de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques

preacutevoient lrsquoeacutetablissement drsquoun organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique (SBSTTA)

Sans surprise guideacute par les deacutecisions de la COP le SBSTTA de la COP sur la diversiteacute biologique a

eacuteteacute plus actif pour stimuler la reacuteflexion sur lrsquointerface entre les questions biodiversiteacute et climat Mais

les travaux de ces deux organes experts ont eacuteteacute trop compartimenteacutes pour permettre de prendre en

compte la complexiteacute de lrsquoenvironnement en geacuteneacuteral et des interactions entre biodiversiteacute et climat

en particulier On peut ecirctre drsquoaccord avec Morin et Orsini qui considegraverent qursquoune des voies les plus

prometteuses pour aborder la gestion agrave lrsquointerface de la biodiversiteacute et du climat est ce qursquoils ap-

pellent le knowledge management (Morin Louafi Orsini Oubenal 2016) De ce point de vue le GIEC

a rendu diffeacuterents rapports sur biodiversiteacute et climat mais sans faire de connexion claire avec les dis-

positions de la Convention sur la diversiteacute biologique (IPCC 1991 2000 2002) En tant que interface

lrsquoIPBES pourrait cependant jouer un rocircle plus important en srsquointeacuteressant aux articulations entre les

deux conventions et eacutetablissant par lagrave une passerelle entre elles Un tel rocircle pourrait ecirctre favoriseacute

par la circulation de diffeacuterents acteurs de lrsquoIPBES entre les complexes de reacutegimes sur le climat et la

biodiversiteacute (Hrabanski Oubenal and Pesche 2016) Clairement relieacutee aux organes conventionnels

la nouvelle plateforme peut potentiellement influencer grandement lrsquoeacutelaboration des politiques pu-

bliques Un rapprochement entre lrsquoIPBES et le GIEC serait eacutegalement bienvenu et il semble se mettre

en place En octobre 2014 le GIEC a ainsi affirmeacute que laquo it was seen as important to continue and further enhance cooperation with other UN bodies especially UNFCCC and assessment processes such as IPBES through the IPCC Secretariat raquo (IPCC 2014) Agrave la troisiegraveme reacuteunion de lrsquoIPBES en janvier

2015 Rajendra Pachauri qui eacutetait encore preacutesident du GIEC a suggeacutereacute que les bureaux respectifs du

GIEC et de lrsquoIPBES se reacuteunissent reacuteguliegraverement pour reacutefleacutechir agrave des questions substantielles relevant

de leurs eacutevaluations et programmes de travail respectifs42 Une coopeacuteration renforceacutee entre le GIEC

et lrsquoIPBES pourrait fournir une autre piste prometteuse pour favoriser la coheacuterence entre reacutegimes

(Morin Louafi Orsini Oubenal 2015) On pourrait mecircme imaginer des rapports conjoints

bull Les meacutecanismes de controcircleLrsquoharmonisation des meacutecanismes de controcircle peut eacutegalement ecirctre une voie de deacutefragmenta-

tion On peut prendre ici lrsquoexemple du climat En effet le suivi la communication et la veacuterification

(laquo MRV raquo) des engagements et mesures de mise en œuvre sont un eacuteleacutement central du reacutegime inter-

national sur le climat Le MRV des eacutemissions et des mesures prises y compris des financements a

deacutejagrave eacuteteacute largement deacuteveloppeacute dans le cadre des Accords de Cancuacuten mais il repose sur une diffeacuteren-

ciation entre pays du Nord et du Sud qui a eacutevolueacute dans lrsquoAccord de Paris Il est aussi mis en œuvre

42 Voir aussi la laquoLima 2014 Declaration on Biodiversity and Climate Change From Science to Policyraquo adopteacutee agrave lrsquooccasion de la COP 20 UNFCCC

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

27

dans le cadre du Protocole de Kyoto43 pour les seuls pays deacuteveloppeacutes ayant des objectifs chiffreacutes

de reacuteduction jusqursquoen 2020 Cet acquis doit ecirctre adapteacute aux dispositions de lrsquoAccord de Paris pour

notamment lui donner un caractegravere agrave la fois dynamique et durable en tenant compte notamment

de la nature et du contenu des contributions nationales de tous les pays de la freacutequence des cycles

drsquoengagement et du meacutecanisme drsquoambition qui a pour objet drsquoinciter collectivement les pays agrave plus

drsquoambition pour leurs contributions futures

Les regravegles de transparence et de responsabilisation de lrsquoAccord de Paris seront drsquoautant plus so-

lides qursquoelles permettront de suivre les eacutemissions et drsquoeacutevaluer les progregraves reacutealiseacutes pour respecter les

contributions nationales sur la base drsquoun MRV harmoniseacute au sein du reacutegime climat et avec drsquoautres

regravegles de suivi des eacutemissions de GES couvertes par drsquoautres reacutegimes Outre le fait qursquoil est indispen-

sable de mesurer une tonne de CO2 eacutequivalent de la mecircme maniegravere pour avoir une ideacutee preacutecise des

trajectoires comme crsquoest le cas des eacutemissions de GES des transports maritimes internationaux dont

le MRV est actuellement discuteacute dans le cadre de lrsquoOMI suivant lrsquoimpulsion donneacutee par lrsquoUE les

meacutethodes de suivi des eacutemissions du reacutegime climat devraient ecirctre reprises dans drsquoautres reacutegimes qui

ne sont pas couverts aujourdrsquohui comme lrsquoOACI ou encore le Protocole de Montreacuteal pour les HFC

Lrsquoharmonisation peut eacutegalement venir de la reconnaissance mutuelle des regravegles de MRV poseacutees par

les diffeacuterents marcheacutes carbone nationaux ou reacutegionaux Il convient enfin de souligner le rocircle impor-

tant que pourrait jouer le secreacutetariat de la CCNUCC dans la compilation et lrsquoeacutevaluation des donneacutees

qui pourraient ecirctre collecteacutees agrave partir drsquoautres reacutegimes Les travaux du PNUE ndash notamment son

Emissions gap report annuel ndash participent deacutejagrave aujourdrsquohui agrave lrsquoeacutevaluation reacuteguliegravere de lrsquoadeacutequation

entre les efforts et les besoins agrave une eacutechelle globale deacutepassant la CCNUCC

Les travaux preacutesenteacutes dans cet ouvrage par Anne-Sophie Tabau et Vanessa Richard respective-

ment sur la transparence et lrsquoaccountability de la finance climatique explorent ce levier de deacutefrag-

mentation On peut se demander si la promotion de ces standards ne relegraveve pas drsquoailleurs drsquoun droit

administratif global (Peters 2015)

bull Les technologiesSrsquoagissant des technologies il conviendrait de deacutevelopper des synergies entre les meacutecanismes

existants dans les diffeacuterents reacutegimes et entre les complexes de reacutegimes Cette volonteacute drsquooptimiser

les synergies est au cœur de la proposition drsquoun Meacutecanisme de facilitation technologique dans le

cadre des Nations Unies qui vise un deacuteploiement agrave grande eacutechelle des technologies propres pour un

deacuteveloppement durable Cette initiative fait suite agrave la deacuteclaration adopteacutee lors du Sommet Rio+20

intituleacutee laquo Lrsquoavenir que nous voulons raquo qui y avait consacreacute un chapitre entier44 Srsquoagissant des bre-

vets et autres droits de proprieacuteteacute intellectuelle qui restent un sujet sensible ce Meacutecanisme devrait

notamment promouvoir les partenariats public-priveacute autour de systegravemes de collaboration mettant

lrsquoeacutemetteur et le reacutecepteur lrsquoun en face de lrsquoautre pour cibler les vraies opportuniteacutes de deacuteveloppe-

ment de marcheacutes tout en respectant lrsquoenvironnement et le climat Car au-delagrave de la facilitation

43 Prises sur le fondement des articles 5 7 et 8 du Protocole de Kyoto44 Voir sect269-276

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

28

institutionnelle indispensable pour plus drsquoefficaciteacute la discussion entre lrsquoeacutemetteur et le reacutecepteur

concerne drsquoabord les entreprises priveacutees

bull Les financements Les financements peuvent eacutegalement repreacutesenter un important levier de mise en coheacuterence

Le Fonds pour lrsquoEnvironnement Mondial a ici un rocircle agrave jouer car il est le principal meacutecanisme de

financement de plusieurs conventions internationales de protection de lrsquoenvironnement ce qui lrsquoa

conduit notamment agrave financer pour environ 20 de son budget des projets intersectoriels inteacuteressant

plusieurs conventions45 Dans cet ouvrage Guillaume Futhazar montre le rocircle drsquoun secreacutetariat qui va

se saisir drsquoune opportuniteacute en lrsquoespegravece lrsquoutilisation des liens existant entre la CITES et la Conven-

tion sur la Diversiteacute Biologique (CDB) afin drsquoacceacuteder aux ressources du Fonds pour lrsquoEnvironnement

Mondial (FEM) dans le but de financer des activiteacutes contribuant agrave la CITES Ici la circulation est

volontaire et instrumentaliseacutee46

Mais les fonds se sont aussi multiplieacutes dans un cadre conventionnel Crsquoest le cas par exemple du

reacutegime du climat qui a fait naicirctre plusieurs fonds que ce soit dans le cadre de la Convention comme

du Protocole alors mecircme que le FEM reste le meacutecanisme de financement de la Convention En reacutea-

liteacute crsquoest deacutesormais par le Fonds Vert pour le Climat que vont transiter lrsquoessentiel des financements

il serait important qursquoil ne deacuteveloppe pas une pratique isolationniste et puisse a minima ne pas

interfeacuterer neacutegativement avec les objectifs drsquoautres conventions environnementales comme la biodi-

versiteacute ou lrsquoozone Il devrait inscrire son activiteacute dans une approche holistique requeacuterant une coo-

peacuteration notamment avec les agences onusiennes la Banque mondiale et les principales conventions

environnementales (Boisson de Chazournes 2002-2003) Anne-Sophie Tabau tempegravere ces risques

en montrant ici que laquo la circulation du principe de la transparence met en eacutevidence une coheacuterence

mateacuterielle drsquoun ensemble de normes drsquoorigines et de nature varieacutees vis-agrave-vis drsquoun ensemble homo-

gegravene de destinataires et drsquoutilisateurs raquo47

c) Les leviers institutionnels

Favoriser la coopeacuteration que ce soit au niveau des COP ou des secreacutetariats est indispensable pour

assurer la deacutefragmentation Cette solution de bon sens se heurte toutefois agrave diffeacuterentes reacutesistances

Reacutesistances des organes conventionnels eux-mecircmes contre ce qui implique de contrer tous les feacuteo-

dalismes locaux qui se sont constitueacutes dans ce laquo royaume morceleacute raquo (Van Asselt Sindico Mehling

2008) Reacutesistance des Eacutetats qui craignent que les secreacutetariats nrsquoaillent trop loin et invoquent le prin-

cipe de speacutecialiteacute des organisations internationales pour bloquer toute coopeacuteration interconvention-

nelle dont ils risqueraient de perdre la maitrise Ainsi de lrsquoAustralie affirmant que laquo All cooperation

45 Le FEM est le meacutecanisme financier de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques La Convention sur la diversiteacute biologique de la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants de la Convention sur la deacutesertification de la reacute-cente Convention sur le mercure Enfin bien que nrsquoeacutetant pas lieacute formellement au Protocole de Montreacuteal sur lrsquoozone il en soutient aussi la mise en œuvre dans les eacuteconomies en transition Voir UNFCCC Guidance from the conference of the Parties and responses by the Global environment facility 20 Years 2014 46 G Futhazar laquo La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute Le cas de la CITES de la CDB et du Fond pour lrsquoEnvironnement Mondial raquo cet ouvrage infra p 9547 Cet ouvrage infra p 165

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

29

must respect the individual mandates and independent legal status of each convention raquo48

Malgreacute cela la coopeacuteration a tendance agrave se deacutevelopper Elle est mecircme parfois formaliseacutee que

ce soit au niveau des secreacutetariats par exemple par la conclusion drsquoun meacutemorandum drsquoaccord entre

deux secreacutetariats ou la creacuteation du Biodiversity liaison group ou des organes politiques comme la reacute-

union conjointe des COP sur les produits chimiquespolluants organiques persistantsmouvements

transfrontiegraveres de deacutechets (Conventions de Rotterdam Stockholm et Bacircle)49 les coopeacuterations entre

proceacutedures de non-respect agrave lrsquooccasion drsquoaffaires drsquointeacuterecirct commun (Scott 2011) ou encore le proces-

sus dit laquo de Kobeacute raquo Sophie Gambardella revient dans cet ouvrage sur ce dernier et montre combien

il est exemplaire Lanceacute volontairement par cinq organisations de pecircche dans le but drsquoameacuteliorer lrsquoef-

fectiviteacute de leurs politiques et activiteacutes le processus de Kobeacute a de fait permis une mise en commun

des expeacuteriences entrainant agrave la fois un renforcement et une harmonisation ou mise en coheacuterence

des meacutethodes et des normes de gestion En lrsquoespegravece la fragmentation institutionnelle dissimule laquo un

tissu organisationnel certes plus complexe mais peut-ecirctre plus riche en force de propositions et plus

creacuteatif pour une meilleure gestion des ressources biologiques raquo Le processus a faciliteacute la circulation

des acteurs (les reacuteseaux de scientifiques les associations de professionnelshellip) drsquoun forum agrave lrsquoautre Il

a eacuteteacute vecteur de dialogue et initiateur de projets communs Pour Sophie Gambardella laquo Le cloison-

nement institutionnel semble agrave travers le processus de Kobeacute srsquoeffriter au profit drsquoune permeacuteabiliteacute

des enceintes internationales permettant de se projeter vers une logique drsquoenrichissement mutuel

nourri par une circulation des acteurs et des normes de la gestion internationale des thonideacutes raquo50 Srsquoil

srsquoagit bien drsquoune coopeacuteration inteacutegreacutee crsquoest une coopeacuteration souple et non permanente qui prend

la forme de reacuteunions dont la reacutecurrence est fonction des besoins La coopeacuteration politique est bien

eacutevidemment plus productive que celle qui peut avoir lieu entre les secreacutetariats Cette derniegravere est in-

dispensable et ce constat pourrait conduire agrave proposer un regroupement ou laquo clustering raquo en creacuteant

par exemple un laquo atmospheric cluster raquo entre le secreacutetariat du climat et celui de lrsquoozone (Van Asselt

2007) lequel cluster pourrait agrave son tour renforcer ses liens avec le laquo biodiversity cluster raquo (Scott 2011)

Mais lrsquoexpeacuterience du Joint Liaison Group creacuteeacute en 2001 pour coordonner les actions des Parties aux

trois laquo Conventions de Rio raquo (climat biodiversiteacute deacutesertification) a montreacute les limites drsquoune coordi-

nation resteacutee formelle par manque de moyens et de volonteacute (Maes 2013) En 2009 le JLG notait que

laquo there remains a disconnect between the roles and mandates given to the JLG by each convention with this disconnect resulting in limitations when considering the implementation of the requested activities For example only activities that are mandated by all the governing bodies of each convention could be effectively implemented by the JLG raquo51 Ses travaux se heurtent aux reacutesistances des Eacutetats et aux op-

positions politiques agrave une deacutefragmentation des reacutegimes drsquoautant qursquoil nrsquoy a pas identiteacute de Parties

drsquoun reacutegime agrave lrsquoautre Par exemple les Eacutetats-Unis sont parties agrave la Convention climat mais pas agrave la

48 UNFCCC (SBSTA) Views on the paper on options for enhanced cooperation among the three Rio Conventions Submissions from Par-ties FCCCSBSTA2006MISC4 23 March 2016 p 3 (Submission from Australia)49 Compte-rendu des reacuteunions des Confeacuterences des Parties aux Conventions de Bacircle de Rotterdam et de Stockholm 4-15 mai 2015 Bulletin des neacutegociations de la Terre vol 15 ndeg230 1905201550 S Gambardella laquo Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs dans un contexte de gouvernance inter-nationale fragmenteacutee raquo cet ouvrage infra p 14751 Joint Liaison Group of the CBD the UNCCD and the UNFCCC Ninth meeting New York 14 May 2009 Report of the Meeting of the JLG of the CBD p 3

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

30

Convention sur la diversiteacute biologique ou au Protocole de Kyoto De fait le JLG nrsquoa eu qursquoun faible

impact sur les questions drsquointeacuterecirct commun agrave plusieurs reacutegimes (Scott 2011)

Conclusion

Agrave y regarder de plus pregraves la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement nrsquooffre pas lrsquoimage

drsquoune succession de reacutegimes fragmenteacutes et isoleacutes mais bien plutocirct celle de complexes de reacutegimes

avec de multiples centres de deacutecision indeacutependants mais en interactions reacuteguliegraveres que celles-ci

soient spontaneacutees ou construites informelles ou formaliseacutees et plus ou moins fortes et productives

La permeacuteabiliteacute de certains reacutegimes la capaciteacute circulatoire de certains acteurs favorisent lrsquoeacutemer-

gence de pratiques nouvelles et transforment la normativiteacute Lrsquoeacutetude de ces mouvements permet

drsquoidentifier un certain nombre de leviers de deacutefragmentation qui ne sont pas exclusifs les uns des

autres mais bien compleacutementaires Leur utilisation agrave dessein peut permettre drsquoameacuteliorer la gouver-

nance de cet ensemble complexe tirant parti de la souplesse de la flexibiliteacute et de la reacutesilience qui

le caracteacuterisent et minimisant les inconveacutenients drsquoune relative fragmentation La volonteacute politique

nrsquoest toutefois pas toujours au rendez-vous Pourtant lrsquoidentification des frontiegraveres planeacutetaires et

des liens qursquoelles entretiennent entre elles en font une question de survie de lrsquohumaniteacute (Biermann

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Partie 1 Circulation des finaliteacutes environnementales et sanitaires

au sein des complexes de reacutegime

chapitre 1Les dispositions environnementales

des accords commerciaux entre innovation et diffusion

Jean-Freacutedeacuteric Morin1 et Myriam Rochette2

Reacutesumeacute

Au cours des derniegraveres deacutecennies les interactions entre les enjeux commerciaux et environ-

nementaux nrsquoont cesseacute de croicirctre et de se densifier creacuteant un veacuteritable complexe institutionnel et

juridique Les accords commerciaux en particulier incluent un nombre croissant de dispositions

environnementales Loin de favoriser une uniformisation de ces accords cette multiplication a plu-

tocirct contribueacute au deacuteveloppement de diffeacuterentes approches Les Eacutetats-Unis et lrsquoUnion europeacuteenne

en particulier ont deacuteveloppeacute des approches tregraves diffeacuterentes dans leurs accords commerciaux Il est

neacuteanmoins possible drsquoobserver une certaine convergence entre les plus reacutecents accords ameacutericains

et europeacuteens Ce complexe de reacutegimes du commerce et de lrsquoenvironnement progresse ainsi dans

cette dynamique eacutevolutive entre lrsquoinnovation et la diffusion

Abstract

International trade agreements include an increasing number of environmental provisions They are however far from being homogeneous In particular numerous discrepancies can be observed between American and European agreements in the way they approach environmental protection Yet recent American and Europeans agreements seem to have been converging The trade and environment com-plex evolves at the edge of chaos or order driven by the twin forces of innovation and diffusion

1 Universiteacute Laval Queacutebec Canada2 Universiteacute Laval Queacutebec Canada

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

38

IntroductionLe reacutegime international du commerce a connu une eacutevolution non neacutegligeable dans les reacutecentes

anneacutees avec lrsquoinclusion drsquoun nombre toujours plus important drsquoenjeux non commerciaux Parallegravele-

ment agrave la hausse du nombre drsquoaccords commerciaux le nombre de dispositions environnementales

inteacutegreacutees agrave ceux-ci a connu une croissance exponentielle De nombreux accords comportent main-

tenant une section ou un chapitre entier sur la protection de lrsquoenvironnement

Les Eacutetats-Unis et lrsquoUnion europeacuteenne (UE)3 en particulier sont deux signataires drsquoun grand

nombre drsquoaccords commerciaux4 et incluent plusieurs dispositions lieacutees agrave lrsquoenvironnement dans

leurs accords respectifs Tous les deux sont de grands innovateurs en matiegravere de normes environne-

mentales Comme lrsquoindique le graphique 1 les Eacutetats-Unis sont de loin lrsquoEacutetat qui a eacutelaboreacute le plus

grand nombre de normes environnementales laquo innovantes raquo dans ses accords commerciaux crsquoest-agrave-

dire des normes qui ne se retrouvent dans aucun accord commercial anteacuterieur5 Par ailleurs le gra-

phique 1 illustre que lrsquoUE integravegre aussi dans ses accords un nombre eacuteleveacute drsquoinnovations normatives

en lien avec lrsquoenvironnement6 Alors que les Eacutetats-Unis ont deacuteveloppeacute plusieurs innovations norma-

tives relatives agrave la mise en œuvre et agrave la participation du public lrsquoUE a plutocirct innoveacute en en matiegravere

de coopeacuteration et de renforcement de capaciteacutes7

3 Aux fins de la preacutesente analyse nous consideacuterons lrsquoUE comme un acteur unique Ainsi nous avons seulement pris en compte les accords bilateacuteraux ougrave lrsquoUE est une partie agrave cet accord Ce faisant les accords intra-europeacuteens ayant pour seules parties les Eacutetats membres de lrsquoUE tel lrsquoaccord de Nice (Accord modifiant le traiteacute sur lrsquoUnion europeacuteenne les traiteacutes instituant les communauteacutes europeacuteennes et certains actes connexes) nrsquoont pas eacuteteacute pris en compte4 I Bastiaens et I Postnikov laquo Environmental provisions in EU and US Trade Agreements and Regulatory Change in the Developing World raquo 8th annual conference on the political economy of international organizations 2015 p 15 Nous entendons par innovations lrsquointroduction drsquoune disposition relativement speacutecifique qui apparaicirct pour la premiegravere fois dans un accord commercial international Les innovations sont des cateacutegories analytiques arbitrairement construites provenant drsquoun flux continu de leacutegegraveres modifications de normes existantes 6 I Bastiaens et I Postnikov supra note 2 agrave la p 27 Ibid agrave la p 4

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

39

Plusieurs normes environnementales initialement deacuteveloppeacutees par les Eacutetats-Unis et lrsquoUnion eu-

ropeacuteenne se retrouvent dans les accords signeacutes subseacutequemment par leurs partenaires commerciaux

Quelques dispositions caracteacuteristiques des accords ameacutericains sont mecircme inteacutegreacutees dans les accords

europeacuteens et vice-versa Ainsi bien que les Eacutetats-Unis et lrsquoUE aient des traditions normatives diffeacute-

rentes ils semblent converger vers un modegravele similaire

Ce chapitre traite de ces processus drsquoinnovation et de diffusion des normes environnementales

propres aux accords ameacutericains et europeacuteens Afin de reacutealiser cette recherche nous avons minu-

tieusement lu et codeacute 660 accords commerciaux bilateacuteraux et reacutegionaux conclus depuis 1947 Ceux-

ci incluent des accords de libre-eacutechange des accords drsquounions douaniegraveres et des accords sectoriel8

Nous avons identifieacute au sein de ces accords 310 cateacutegories de dispositions environnementales diffeacute-

rentes Pour assurer la fiabiliteacute de notre base de donneacutees intituleacutee TREND (TRade amp ENvironment

Database) chacun des 660 accord a eacuteteacute lu et analyseacute par deux codeurs de maniegravere indeacutependante et

leurs eacuteventuelles divergences ont eacuteteacute arbitreacutees par un troisiegraveme9

Ce chapitre est structureacute en trois parties La premiegravere fait eacutetat des dispositions caracteacuteristiques

des accords ameacutericains et souligne leurs diffeacuterences avec les accords europeacuteens La deuxiegraveme partie

traite de la diffusion chez les pays tiers des normes typiquement ameacutericaines et europeacuteennes La

troisiegraveme partie aborde finalement la convergence des normes environnementales dans les reacutecents

accords des Eacutetats-Unis et de lrsquoUE

1) Les innovations et les caracteacuteristiques des accords ameacutericains et europeacuteens

De prime abord les Eacutetats-Unis et lrsquoUE ont inteacutegreacute dans leurs accords commerciaux des normes

environnementales tregraves diffeacuterentes Comme lrsquoindique le graphique 2 un grand nombre de disposi-

tions environnementales se retrouvent seulement ou majoritairement dans des accords signeacutes par

lrsquoUE ou les Eacutetats-Unis Drsquoun cocircteacute lrsquoUE est la seule agrave avoir incorporeacute dans ses accords le principe

des responsabiliteacutes communes mais diffeacuterencieacutees lrsquoobligation de ratifier le Protocole de Kyoto et

des normes relatives agrave lrsquoutilisation drsquoindications geacuteographiques pour proteacuteger lrsquoenvironnement De

lrsquoautre les Eacutetats-Unis sont les seuls agrave inclure dans leurs accords une norme preacutevoyant la suspension

des avantages commerciaux lors de lrsquoeacutechec du paiement drsquoune compensation moneacutetaire en cas de

non-respect de la mise en œuvre drsquoune norme environnementale Ces nombreuses normes propres

agrave ces deux grands acteurs de la scegravene internationale deacutemontrent agrave la fois une certaine dissimilitude

entre les accords des Eacutetats-Unis et de lrsquoUE et lrsquoexistence de modegraveles laquo typiquement raquo ameacutericains ou

europeacuteens

8 Les lettres drsquoaccompagnements et les accords parallegraveles quant agrave eux ne furent inteacutegreacutes que srsquoils avaient eacuteteacute signeacutes agrave la mecircme date que lrsquoaccord principal Un grand nombre de ces accords furent emprunteacutes agrave la base de donneacutees Design of Trade Agreements (DESTA) database Duumlr A L Baccini et M Elsig laquo The design of international trade agreements Introducing a new dataset raquo The Review of International Orga-nizations vol 93 2014 p 353-3759 La grille de codage que nous avons deacuteveloppeacutee et utiliseacutee peut ecirctre teacuteleacutechargeacutee sur le site wwwtrendulavalca

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

40

La preacutesente partie porte sur ces divergences entre les normes environnementales propres aux

accords des Eacutetats-Unis et de lrsquoUE et les diffeacuterents objectifs initialement poursuivis par ceux-ci ayant

meneacute agrave ces diffeacuterences Il apparaicirct que les Eacutetats-Unis ont historiquement viseacute deux objectifs princi-

paux en incluant des normes environnementales dans leurs accords commerciaux reacuteduire le risque

de dumping environnemental de la part de leurs partenaires commerciaux et proteacuteger leur propre

souveraineteacute regraveglementaire En contrepartie lrsquoUE a plutocirct opteacute pour une approche coopeacuterative qui

vise une plus grande coheacuterence entre ses objectifs de commerce de protection de lrsquoenvironnement

et de deacuteveloppement notamment avec les anciennes colonies europeacuteennes et les candidats agrave lrsquoacces-

sion agrave lrsquoUE

11 Lrsquoapproche compeacutetitive ameacutericaine

Si les Eacutetats-Unis et lrsquoUE ont cultiveacute diffeacuterentes approches face agrave la protection environnementale

dans leurs accords commerciaux ce nrsquoest pas malgreacute ce que lrsquoon pourrait croire parce que lrsquoUE im-

pose des normes plus rigoureuses en matiegravere de protection environnementale En fait jusqursquoau deacute-

but des anneacutees 90 les Eacutetats-Unis eacutetaient encore consideacutereacutes comme des preacutecurseurs dans le domaine

de lrsquoenvironnement Agrave plusieurs eacutegards ils avaient des normes nationales plus strictes que celles

des autres pays incluant de la majoriteacute des pays europeacuteens10 Si les Eacutetats-Unis et lrsquoUE ont inteacutegreacute

diffeacuteremment la protection de lrsquoenvironnement agrave leurs agendas commerciaux respectifs crsquoest plutocirct

parce qursquoils visent des objectifs bien diffeacuterents

10 D Vogel The Politics of Precaution Regulating Health Safety and Environmental Risks in Europe and the United States Princeton Prince-ton University Press 2012 p2

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

41

Lrsquoobjectif premier des Eacutetats-Unis est de niveler les conditions de concurrence avec leurs parte-

naires commerciaux Les Eacutetats-Unis craignent en particulier que leurs standards environnementaux

eacuteleveacutes ne heurtent leurs exportations si leurs concurrents eacutetrangers ne sont pas sujets agrave des regravegle-

mentations eacutequivalentes aux leurs En drsquoautres mots ils appreacutehendent un sceacutenario ougrave leurs entre-

prises seraient victimes de dumping environnemental Ainsi le rehaussement des standards envi-

ronnementaux eacutetrangers constitue lrsquoun des objectifs cleacutes de la politique commerciale ameacutericaine

Cet objectif srsquoest manifesteacute pour la premiegravere fois dans lrsquoAccord de libre-eacutechange nord-ameacutericain

(ALENA) et dans son accord de coopeacuteration sur lrsquoenvironnement (ANACDE) conclu en 1992 Bien

que des accords ameacutericains anteacuterieurs inteacutegraient deacutejagrave quelques dispositions environnementales

notamment ceux signeacutes avec Israeumll en 1985 et le Canada en 1988 lrsquoALENA est reacuteellement venu chan-

ger la donne Cet accord constitue agrave ce jour celui comportant le plus drsquoinnovations environnemen-

tales parmi tous les accords eacutetudieacutes Il repreacutesente un gigantesque bond en avant dans lrsquointeacutegration

des questions environnementales agrave lrsquoagenda commercial11

La principale meacutethode utiliseacutee par les Eacutetats-Unis dans lrsquoALENA et lrsquoANACDE pour niveler les

conditions de concurrence fut drsquoemployer une approche juridique forte obligeant les parties agrave ap-

pliquer leurs propres lois et regraveglementations12 Les standards environnementaux mexicains nrsquoeacutetaient

pas neacutecessairement faibles mais le gouvernement ameacutericain les groupes environnementaux et les

syndicats craignaient que le Mexique ne les applique pas rigoureusement afin drsquoattirer des inves-

tisseurs eacutetrangers En indiquant que chaque Partie doit garantir une laquo application efficace de ses

lois et reacuteglementations environnementales raquo13 les Eacutetats-Unis ont voulu minimiser le risque drsquoune

telle situation Les accords ameacutericains qui suivirent lrsquoALENA ont utiliseacute la mecircme technique comme

le deacutemontre le graphique 3 Les accords avec le Peacuterou le Maroc la Jordanie et la Colombie par

exemple integravegrent tous plusieurs normes relatives agrave la mise en œuvre des lois et regraveglements natio-

naux Il est drsquoailleurs notable que la totaliteacute de ces normes soient apparues pour la premiegravere fois dans

un accord ameacutericain

11 R H Steinberg laquo Trade-Environment Negotiations in the EU NAFTA and WTO Regional Trajectories of Rule Development raquo Amer-ican Journal of International Law vol XCI(2) 1997 p 231-26712 Accord nord-ameacutericain de coopeacuteration dans le domaine de lrsquoenvironnement 14 septembre 1994 agrave lrsquoart 513 Ibid

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

42

LrsquoALENA et lrsquoANACDE eacutenoncent diffeacuterents moyens drsquoassurer lrsquoapplication des lois et regraveglemen-

tations environnementales Des actions gouvernementales comme la deacutesignation drsquoinspecteurs la

surveillance lrsquoenquecircte sur des infractions preacutesumeacutees et la promotion drsquoaudits environnementaux

sont des exemples drsquoactions proposeacutees pour assurer lrsquoapplication des lois environnementales14 Par

ailleurs lorsqursquoune Partie omet systeacutematiquement drsquoappliquer sa leacutegislation environnementale une

seacuterie de proceacutedures sont preacutevues dans lrsquoALEacuteNA pouvant eacuteventuellement mener agrave la creacuteation drsquoun

groupe speacutecial arbitral chargeacute drsquoexaminer la plainte15 Ce groupe speacutecial peut imposer une compen-

sation moneacutetaire16 et dans le cas de non-paiement de celle-ci une Partie peut mecircme utiliser des me-

sures de repreacutesailles comme la suspension drsquoavantages commerciaux17 Aujourdrsquohui encore seuls

les accords ameacutericains vont jusqursquoagrave preacutevoir la suspension drsquoavantages commerciaux pour deacutefaut

drsquoappliquer une mesure environnementale nationale

Une autre meacutethode employeacutee dans lrsquoALENA et lrsquoANACDE pour eacuteviter le dumping environnemental chez les partenaires commerciaux des Eacutetats-Unis est drsquoencourager les actions

des organisations non gouvernementales environnementales Plusieurs normes ont en effet eacuteteacute

incluses pour favoriser la participation de la socieacuteteacute civile Lrsquoune drsquoelles par exemple stipule qursquoune

personne priveacutee peut deacuteposer une demande drsquoenquecircte sur des alleacutegations drsquoinfractions aux lois et

14 Ibid 15 Ibid agrave lrsquoart 24 16 Ibid agrave lrsquoart 34 17 Ibid agrave lrsquoart 36

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

43

regraveglementations environnementales18 LrsquoANACDE preacutevoit eacutegalement la possibiliteacute pour les groupes

environnementaux drsquoenvoyer une communication au Secreacutetariat afin de deacutenoncer une Partie qui

nrsquoappliquerait efficacement sa leacutegislation environnementale19 Auquel cas si le Secreacutetariat considegravere

que la communication justifie la conduite drsquoune enquecircte il peut preacuteparer un dossier factuel sur le sujet20

Cette mesure creacutee ainsi un moyen de pression politique qui incite les Parties agrave lrsquoaccord agrave srsquoassurer de

lrsquoapplication de leurs lois environnementales nationales Ces normes donnant plus de pouvoir aux groupes

de la socieacuteteacute civile ressortent comme eacutetant typiquement ameacutericaines comme le montre le graphique 4

En plus drsquoeacuteviter le dumping environnemental les Eacutetats-Unis se sont donneacute lrsquoobjectif de proteacuteger

leur pouvoir regraveglementaire en matiegravere drsquoenvironnement Cet objectif deacutecoule du constat que plu-

sieurs mesures environnementales ameacutericaines furent contesteacutees sous le GATT Sur neuf diffeacuterends

engageacutes sous le GATTOMC en matiegravere drsquoenvironnement six ciblent les Eacutetats-Unis comme reacutepon-

dants21 En outre lors des neacutegociations de lrsquoALENA drsquoautres mesures environnementales ameacutericaines

eacutetaient critiqueacutees par certains de leurs partenaires commerciaux et risquaient drsquoecirctre contesteacutees sous

le GATT incluant des exigences de tests pour des produits chimiques22 Dans ce contexte il eacutetait

prioritaire pour les Eacutetats-Unis de tenter de se preacutemunir contre de futures deacutecisions qui pourraient

18 Ibid agrave lrsquoart 6 19 Accord nord-ameacutericain de coopeacuteration dans le domaine de lrsquoenvironnement supra note 10 agrave lrsquoart 14 20 Ibid agrave lrsquoart 15 21 Les affaires sont celles concernant lrsquointerdiction des importations de thons et de produits du thon en provenance du Canada les restric-tions agrave lrsquoimportation de thon les taxes sur les automobiles les normes concernant lrsquoessence nouvelle et ancienne formule et la prohibition agrave lrsquoimportation de certaines crevettes et de certains produits de crevettes 22 D Vogel supra note 8 agrave la p 6

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

44

leur ecirctre deacutefavorables

Agrave cette fin agrave la demande des neacutegociateurs ameacutericains lrsquoALENA incorpore plusieurs dispositions

proteacutegeant la souveraineteacute reacuteglementaire des Parties Lrsquoaccord indique speacutecifiquement que chaque

Partie a le droit drsquoeacutetablir le niveau de protection qursquoelle considegravere approprieacute23 De mecircme lrsquoarticle 104

preacutecise que des restrictions agrave lrsquoimportation peuvent ecirctre appliqueacutees pour respecter les accords mul-

tilateacuteraux sur lrsquoenvironnement que les Eacutetats-Unis ont deacutejagrave ratifieacutes24 Les obligations de la CITES du

Protocole de Montreacuteal et de la Convention de Bacircle en particulier doivent preacutevaloir en cas drsquoincom-

patibiliteacute avec des dispositions de lrsquoALENA Des accords ameacutericains reacutecents vont encore plus loin en

demandant aux Parties de choisir des panellistes ayant une expertise dans le domaine de lrsquoenviron-

nement en cas de diffeacuterend commercial lieacute agrave des mesures environnementales25

Toutes ces dispositions sont des innovations normatives ameacutericaines Apregraves lrsquoALENA elles ont

eacuteteacute reproduites dans la plupart des accords ameacutericains en utilisant souvent le mecircme libelleacute drsquoun ac-

cord agrave lrsquoautre Agrave ce jour la lutte au dumping environnemental et la preacuteservation de la souveraineteacute

reacuteglementaire ameacutericaine demeurent des objectifs cleacutes de la politique commerciale ameacutericaine

12 Lrsquoapproche coopeacuterative europeacuteenne

Au deacutebut des anneacutees 1990 le leadership mondial en matiegravere de regraveglementation environnemen-

tale srsquoest deacuteplaceacutee de lrsquoautre cocircteacute de lrsquoAtlantique26 Alors que les deacutecideurs politiques ameacutericains

ont alleacutegeacute leur regraveglementation lrsquoUE devenait plus encline agrave regraveglementer mecircme lorsque des risques

environnementaux nrsquoeacutetaient pas scientifiquement eacutetablis notamment gracircce au principe de preacutecau-

tion Ce faisant les accords commerciaux europeacuteens ont commenceacute agrave inteacutegrer davantage de normes

environnementales

Comme lrsquoindique le graphique 5 les normes environnementales de lrsquoUE sont disperseacutees agrave

travers diffeacuterents enjeux environnementaux Plutocirct que de formuler des normes geacuteneacuteriques qui

couvrent tous les enjeux environnementaux comme ont tendance agrave le faire les Eacutetats-Unis les accords

europeacuteens srsquoattaquent agrave des questions speacutecifiques comme les pecirccheries durables la deacuteforestation

lrsquoeacutenergie renouvelable la gestion des deacutesastres naturels la deacutesertification lrsquoadaptation aux change-

ments climatiques les deacutechets toxiques les gaz agrave effet de serre les perturbateurs endocriniens les

meacutetaux lourds et les organismes geacuteneacutetiquement modifieacutes Quelques-unes de ces dispositions sont

par ailleurs tregraves deacutetailleacutees et prescriptives

23 Accord de libre-eacutechange nord-ameacutericain 17 deacutecembre 1992 agrave lrsquoart 904 Voir aussi R H Steinberg supra note 9 agrave la p 245 24 Ibid agrave lrsquoart 104 25 Par exemple les accords entre les Eacutetats-Unis et le Peacuterou la Colombie et le Panama integravegrent ce type de norme 26 D Vogel supra note 8 agrave la p 4

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

45

En mecircme temps lrsquoUE nrsquoa pas adopteacute une approche uniforme et standardiseacutee pour tous ses par-

tenaires27 Au lieu de calquer des normes environnementales drsquoun accord agrave lrsquoautre lrsquoUE ajuste ses

accords en fonction du contexte politique eacuteconomique et environnemental de ses partenaires Par

conseacutequent certains accords europeacuteens incluent seulement un petit nombre de dispositions environ-

nementales tandis que drsquoautres en incluent un tregraves large eacuteventail Les pays avoisinants notamment

les candidats agrave lrsquoaccession agrave lrsquoUE ont typiquement eacuteteacute sujets agrave lrsquoadoption de plusieurs obligations

environnementales contraignantes28 Ceux-ci affectant plus directement lrsquoeacutecosystegraveme des membres

de lrsquoUE ils ont eacuteteacute ameneacutes agrave accepter un plus grand nombre de normes environnementales relatives

agrave la pollution atmospheacuterique transfrontiegravere et aux bassins fluviaux

Les accords de lrsquoUE avec ces pays preacuteparent en outre le terrain pour une plus grande coopeacuteration

Lrsquoaccord drsquoassociation avec la Bosnie-Herzeacutegovine par exemple indique que la coopeacuteration entre

les Parties doit avoir comme objectif de renforcer les structures administratives et les proceacutedures

pour assurer une planification strateacutegique des enjeux environnementaux et de la coordination

entre les diffeacuterents acteurs29 De plus les candidats agrave lrsquoaccession agrave lrsquoUE doivent deacutemontrer qursquoils

27 A Duumlr et L Lechner (eacutediteacute par J-F Morin T Novotna F Ponjaert and M Telograve) Business Interests and the Transatlantic Trade and Investment Partnership The Politics Transatlantic Trade Negotiations TTIP in a Globalized World London Ashgate 2015 p 6 28 S Jinnah et E Morgera laquo Environmental Provisions in American and EU Free Trade Agreements A Preliminary Comparison and Research Agenda raquo Review of European Community and International Environmental Law vol XXII(3) 2013 p 330 29 Accord de stabilisation et drsquoassociation entre les Communauteacutes europeacuteennes et leurs Eacutetats membres et la Bosnie-et-Herzeacutegovine 6 juin 2008 agrave lrsquoart 108

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

46

souscrivent aux valeurs europeacuteennes avant de pouvoir devenir membres incluant leur souci de

proteacuteger lrsquoenvironnement Ainsi quelques accords drsquoassociation incluent une disposition speacutecifiant

que le rapprochement de leurs lois aux normes europeacuteennes doit srsquoeacutetendre agrave la protection de

lrsquoenvironnement30 Il srsquoensuit que ces normes sur lrsquoharmonisation sont caracteacuteristiques des accords

europeacuteens comme le reacutevegravele le graphique 6

En contrepartie des accords neacutegocieacutes par lrsquoUE avec des pays plus eacuteloigneacutes preacutevoient des obli-

gations plus vagues et superficielles31 Par conseacutequent alors que les Eacutetats-Unis privileacutegient une

approche standardiseacutee les normes environnementales europeacuteennes varient significativement drsquoun

accord agrave lrsquoautre Selon notre grille drsquoanalyse la distance moyenne des accords ameacutericains affiche un

indice de Jaccard de 054 cette distance est eacutetendue agrave 082 pour les accords europeacuteens32

Mais dans tous les cas les accords europeacuteens mettent lrsquoaccent sur la coopeacuteration politique plu-

tocirct que la contrainte juridique Plusieurs accords de lrsquoUE integravegrent des normes geacuteneacuterales visant la

promotion drsquoun dialogue mais peu eacutetablissent des institutions intergouvernementales responsables

du suivi de lrsquoeacutevaluation et du regraveglement des diffeacuterends environnementaux LrsquoUE a ainsi la particu-

lariteacute drsquoinscrire ses normes environnementales dans une approche plus coopeacuterative que coercitive

30 Accord de libre-eacutechange entre les Communauteacutes europeacuteennes et leurs Eacutetats membres et la Reacutepublique de lrsquoHongrie 16 deacutecembre 1991 agrave lrsquoart 68 31 S Jinnah et E Morgera supra note 26 agrave la p 334 32 Lrsquoindice de Jaccard permet de comparer la similariteacute et la diversiteacute des accords ougrave un indice de 1 indique une grande diversiteacute entre les accords tandis qursquoun indice de 0 indique une complegravete similariteacute entre les accords

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

47

Cette distinction entre lrsquoapproche europeacuteenne et ameacutericaine srsquoexplique notamment par la rela-

tion diffeacuterente qursquoentretient lrsquoUE avec ses partenaires commerciaux Dans plusieurs cas lrsquoUE ne les

perccediloit pas comme des compeacutetiteurs avec qui des regravegles de concurrence doivent ecirctre eacutetablies mais

plutocirct comme des pays en deacuteveloppement voire drsquoanciennes colonies qui requiegraverent de lrsquoassistance

afin de mettre en place un niveau de protection environnementale efficace Tel qursquoindiqueacute dans le

graphique 7 un grand nombre drsquoaccords de lrsquoUE integravegre des dispositions relatives agrave lrsquoassistance

dans leurs accords Degraves 1999 lrsquoUE incluait dans son accord avec lrsquoAfrique du Sud des dispositions deacute-

tailleacutees speacutecifiant les actions qursquoelle devait entreprendre afin de renforcer les standards environne-

mentaux sud-africains Un article parmi drsquoautres par exemple stipule que la coopeacuteration doit viser

lrsquoameacutelioration des indicateurs de performances eacutenergeacutetiques en terme techniques eacuteconomiques et

financiers en particulier dans les secteurs de lrsquoeacutelectriciteacute et des combustibles liquides33 En compa-

raison lrsquoALENA inclut uniquement une vague disposition sur la formation des ressources humaines

et sur le deacuteveloppement dans le champ de lrsquoenvironnement34 Les accords ameacutericains plus reacutecents

incluent davantage de dispositions sur le renforcement des capaciteacutes mais elles sont loin drsquoecirctre aussi

preacutecises que celles se retrouvant dans les accords europeacuteens

33 Accord de commerce de deacuteveloppement et de coopeacuteration entre la Communauteacute europeacuteenne et lrsquoAfrique du Sud 4 deacutecembre 1999 agrave lrsquoart 57(2)(c) 34 Accord nord-ameacutericain de coopeacuteration dans le domaine de lrsquoenvironnement supra note 10 agrave lrsquoart 10

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

48

Ainsi la raison pour laquelle lrsquoUE a inseacutereacute des normes environnementales dans ses accords

nrsquoeacutetait pas la crainte drsquoun dumping environnemental mais plutocirct un deacutesir drsquoacceacuteder agrave un niveau de

coheacuterence plus eacuteleveacute entre ses objectifs de commerce de deacuteveloppement et de protection de lrsquoen-

vironnement Eacutetant donneacute la complexiteacute et les diffeacuterents niveaux de la construction europeacuteenne la

coheacuterence des politiques est depuis longtemps un enjeu drsquoimportance pour lrsquoUE35 De plus depuis le

traiteacute drsquoAmsterdam de 1997 le deacuteveloppement durable est formellement reconnu comme un objectif

fondamental de lrsquoUE et la protection environnementale se doit drsquoecirctre inteacutegreacutee dans toutes ses poli-

tiques et activiteacutes Ce faisant plusieurs accords commerciaux de lrsquoUE ne poursuivent pas uniquement

des objectifs commerciaux environnementaux et de deacuteveloppement mais recherchent plutocirct une

coheacuterence entre les politiques environnementales et des secteurs eacuteconomiques speacutecifiques comme

lrsquoagriculture lrsquoeacutenergie lrsquoexploitation miniegravere et le tourisme Cette preacuteoccupation pour la coheacuterence

entre les politiques environnementales et eacuteconomiques peut ecirctre observeacutee dans le graphique 8

Mis agrave part lrsquointeacuterecirct intrinsegraveque agrave lrsquoidentification de normes caracteacuteristiques aux accords des

Eacutetats-Unis et de lrsquoUE il convient de souligner que plusieurs normes ont eacuteteacute reprises par des pays

tiers Cette diffusion meacuterite une attention particuliegravere alors qursquoelle ne srsquoeffectue pas neacutecessairement

de la mecircme maniegravere pour les normes ameacutericaines et europeacuteennes La prochaine partie se penche

preacuteciseacutement sur cette question

35 J-F Morin et A Orsini laquo Policy Coherency and Regime Complexes The Case of Genetic Resources raquo Review of International Studies vol XL(2) 2014 p 319

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

49

2) La diffusion des normes ameacutericaines et europeacuteennes

Eacutevidemment rien nrsquoempecircche une norme introduite par un Eacutetat dans un accord commercial

drsquoecirctre reprise ensuite dans les accords de son partenaire avec des tiers Cette transmission peut

creacuteer une reacuteaction en chaicircne dans laquelle ces nouveaux accords favorisent agrave leur tour la diffusion

de cette norme agrave drsquoautres Eacutetats et ce jusqursquoagrave ce que tous les principaux joueurs du systegraveme com-

mercial lrsquoaient inteacutegreacutee36 Ce processus de diffusion signifie que les deacutecisions drsquoun Eacutetat ne deacutependent

pas seulement de facteurs nationaux et des pressions internationales mais eacutegalement de deacutecisions

prises anteacuterieurement par drsquoautres Eacutetats37 Cette situation srsquoest notamment produite en ce qui a trait

aux normes environnementales europeacuteennes et ameacutericaines certaines cateacutegories de dispositions

caracteacuteristiques des accords ameacutericains et europeacuteens ont circuleacute et ont eacuteteacute inteacutegreacutees dans les accords

de leurs pays partenaires puis dans ceux de pays tiers

21 Diffusion des normes ameacutericaines

Les Eacutetats-Unis consideacutereacutes comme des preacutecurseurs en matiegravere drsquointeacutegration de normes environ-

nementales dans des accords commerciaux internationaux ont vu plusieurs de leurs normes carac-

teacuteristiques reprises Des normes sur la lutte contre le dumping environnemental la participation

du public et la protection de la souveraineteacute reacuteglementaire ont eacuteteacute calqueacutees par plusieurs de leurs

partenaires

Plusieurs normes ameacutericaines relatives agrave lrsquoapplication du droit environnemental national ont

circuleacute agrave travers des accords conclus par les partenaires des Eacutetats-Unis Comme le montre le gra-phique 3 plusieurs accords de pays ayant preacuteceacutedemment signeacute un accord avec les Eacutetats-Unis re-

prennent ces normes souvent en utilisant le mecircme libelleacute que celui formuleacute par les neacutegociateurs

ameacutericains Par exemple le Mexique a incorporeacute lrsquoobligation de mettre en œuvre ses reacuteglementa-

tions environnementales nationales innovation de lrsquoALENA dans ses propres accords notamment

ceux avec la Bolivie et le Chili38 Des dispositions concernant lrsquoaccegraves priveacute aux garanties proceacutedu-

rales et aux sanctions approprieacutees preacutesentes dans la majoriteacute des accords ameacutericains ont eacutegalement

eacuteteacute reprises par la Colombie dans son accord avec la Coreacutee39

36 F Gilardi (eacutediteacute par W Carlsnaes T Risse et B Simmons) Transnational diffusion Norms ideas and policies Handbook of International Relations Thousand Oaks SAGE Publications 2012 p 3 37 F Gilardi supra note 34 agrave la p 13 38 Accord de libre-eacutechange commercial entre le Mexique et la Reacutepublique de Bolivie 10 septembre 1994 agrave lrsquoart 15-14 laquo [hellip] ninguna Parte deberaacute eliminar o comprometerse a eximir de la aplicacioacuten de esas medidas [aplicables al ambiente] Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre le Mexique et le Chili 17 avril 1998 agrave lrsquoart 9-15 39 Accord de libre-eacutechange entre le Canada et le Chili 5 deacutecembre 1996 agrave lrsquoart 5(2) laquo Each Party shall ensure that judicial quasi-judicial or administrative enforcement proceedings are available under its law to sanction or remedy violations of its environmental laws and regula-tions raquo Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre la Colombie et la Coreacutee 21 feacutevrier 2013 agrave lrsquoart 169 Voir aussi lrsquoaccord sur lrsquoenvironnement entre le Canada et la Colombie 21 novembre 2008 agrave lrsquoart 3

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

50

Les dispositions relatives agrave la participation du public innoveacutees en grande partie par les Eacutetats-

Unis se sont eacutegalement diffuseacutees agrave travers les accords de leurs partenaires tel que lrsquoillustre le gra-phique 4 Par exemple la reconnaissance de la participation du public dans lrsquoadoption de mesures

environnementales a eacuteteacute reprise dans les accords du Chili du Guatemala et de la Colombie40 La pos-

sibiliteacute pour un citoyen drsquoeacutemettre un commentaire en cas de violation drsquoune mesure environnemen-

tale se retrouve freacutequemment agrave lrsquointeacuterieur drsquoaccords du Peacuterou et du Canada41 Les dispositions rela-

tives agrave lrsquoeacutetablissement drsquoun contact direct entre des acteurs non eacutetatiques de chaque Partie ont aussi

eacuteteacute reprises par le Chili dans ses accords avec la Chine et Hong Kong42 En somme les normes rela-

tives agrave la participation du public ont eacuteteacute inteacutegreacutees par une multipliciteacute de partenaires des Eacutetats-Unis

Les normes concernant la protection drsquoun pouvoir regraveglementaire ont eacutegalement circuleacute au sein

des accords impliquant des partenaires ameacutericains Des normes relatives agrave la liberteacute des Eacutetats de

deacuteterminer le niveau de protection de lrsquoenvironnement en fonction de leurs prioriteacutes sont mainte-

nant incorporeacutees dans un grand nombre drsquoaccords de pays ayant preacutealablement signeacute des accords

avec les Eacutetats-Unis Une telle disposition se retrouve par exemple dans lrsquoaccord signeacute par le Peacuterou

avec le Venezuela apregraves lrsquoaccord du premier avec les Eacutetats-Unis43 Aussi une norme garantissant la

souveraineteacute des Eacutetats dans la mise en œuvre des mesures environnementales se retrouve dans les

accords signeacutes entre le Canada et la Colombie le Panama et le Canada le Chili et Hong Kong tous

des accords signeacutes apregraves un accord drsquoune des parties avec les Eacutetats-Unis qui comprenait cette mecircme

norme44

Par contre les normes relatives aux meacutecanismes de regraveglement des diffeacuterends caracteacuteristiques

des accords ameacutericains se sont peu diffuseacutees Celles concernant la suspension des avantages appa-

rues initialement dans lrsquoALENA se retrouvent uniquement dans des accords ameacutericains De mecircme

les normes relatives agrave la compensation moneacutetaire en cas de violation drsquoune mesure environne-

mentale se sont tregraves peu diffuseacutees et se retrouvent seulement dans des accords signeacutes par les Eacutetats-

Unis ou le Canada Les normes faisant reacutefeacuterence agrave la nomination drsquoexperts environnementaux se

retrouvent aussi majoritairement dans des accords ameacutericains et canadiens Ainsi peu de normes

environnementales lieacutees aux meacutecanismes de regraveglements de diffeacuterends se sont diffuseacutees dans le sys-

tegraveme commercial LrsquoUE par exemple srsquoappuie principalement sur un meacutecanisme de dialogue ougrave les

gouvernements et les acteurs de la socieacuteteacute civile de lrsquoUE et ses partenaires se rencontrent sur une

base reacuteguliegravere pour reacutesoudre leurs eacuteventuels deacutesaccords45 Le modegravele ameacutericain de regraveglement des

diffeacuterends ne semble pas correspondre aux pratiques ou aux aspirations des autres pays

40 Ibid agrave lrsquoart L-02(2)(b) laquo Provide interested persons and the other Party a reasonable opportunity to comment on such proposed mea-sures raquo Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre le Chili et la Colombie 27 novembre 2006 agrave lrsquoart 182(6) 41 Accord sur lrsquoenvironnement entre le Canada et la Reacutepublique du Peacuterou 29 mai 2008 agrave lrsquoart 3(2) 42 Accord de libre-eacutechange entre la Chine et le Chili 18 novembre 2005 agrave lrsquoart 4 du Meacutemorandum de coopeacuteration environnementale laquo [hellip] establezcan y desarrollen contactes entre ellas en el campo de la proteccioacuten ambiental y el desarrollo sostenible raquo Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre Hong Kong le Chili et la Chine 7 septembre 2012 agrave lrsquoart 143(2) 43 Accord de libre-eacutechange entre le Peacuterou et le Venezuela 7 janvier 2012 agrave lrsquoart 3(2) de lrsquoAnnexe III laquo Cada Parte podraacute fiar el nivel de proteccioacuten que considere apropiado [hellip] raquo 44 Accord de libre-eacutechange entre le Canada et la Colombie supra note 33 agrave lrsquoart 2(3) laquo [hellip] a Party has not failed to effectively enforce its environmental law in a particular case where the action or inaction in question by agencies or officials of that Party [hellip] raquo Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre le Canada et le Panama 14 mai 2010 agrave lrsquoart 1(2) Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre le Chili Hong Kong et la Chine supra note 36 agrave lrsquoart 142(3)45 I Bastiaens et I Postnikov supra note 2 agrave la p 5

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

51

22 Diffusion des normes europeacuteennes

Agrave lrsquoimage des normes ameacutericaines les normes typiquement europeacuteennes se diffusent

eacutegalement Des dispositions traitant drsquoenjeux environnementaux speacutecifiques drsquoassistance

technique et de coheacuterence circulent dans le systegraveme commercial et se retrouvent dans des

accords de pays ayant preacuteceacutedemment signeacute un accord avec lrsquoUE En mecircme temps toutes les

normes europeacuteennes ne connaissent pas une diffusion eacutequivalente comme celles ameacutericaines

Un grand nombre drsquoEacutetats se sont tout drsquoabord inspireacutes du modegravele europeacuteen en incorporant dans

leurs accords des normes portant sur des enjeux speacutecifiques environnementaux comme lrsquoindique le

graphique 5 Par exemple les normes relatives agrave la gestion des riviegraveres des bassins et des lacs trans-

frontiegraveres se retrouvaient au deacutepart majoritairement dans des accords europeacuteens mais sont main-

tenant inteacutegreacutees dans plusieurs autres accords46 Des normes relatives aux deacutechets domestiques

principalement preacutesentes et innoveacutees par des accords europeacuteens ont pareillement circuleacute47 En re-

vanche ce pheacutenomegravene ne srsquoeacutetend pas agrave tous les enjeux speacutecifiques environnementaux Par exemple

les normes relatives aux aliments organiques ou agrave la seacutecuriteacute nucleacuteaire se retrouvent toujours majo-

ritairement dans les accords signeacutes par lrsquoUE et peu dans ceux de ses pays partenaires

Ensuite les normes relatives agrave lrsquoassistance ont eacutegalement circuleacute agrave travers les accords de pays

partenaires de lrsquoUE comme le montre le graphique 7 Bien que la majoriteacute des dispositions relatives

agrave lrsquoassistance sont inteacutegreacutees dans des accords dont lrsquoUnion europeacuteenne est Partie certaines font

maintenant partie de la pratique drsquoautres pays Par exemple le Chili suite agrave son accord avec lrsquoUE a

inteacutegreacute des normes preacutevoyant le renforcement des capaciteacutes eacutetatiques et le transfert de technologie

environnementale dans ses accords avec la Turquie et la Malaisie48 Le Chili a eacutegalement repris les

normes europeacuteennes concernant lrsquoassistance technique la formation et le renforcement des capaci-

teacutes des acteurs non eacutetatiques dans son accord avec les Eacutetats-Unis49

Les normes europeacuteennes relatives agrave la coheacuterence des politiques se sont eacutegalement diffuseacutees

comme lrsquoindique le graphique 8 Par exemple la recherche de coheacuterence entre les politiques tou-

ristiques et lrsquoenvironnement est un objectif qui existait agrave lrsquoorigine que dans les accords europeacuteens et

qui se retrouvent maintenant dans drsquoautres accords50 La recherche drsquoune coheacuterence entre les poli-

tiques drsquoexploitation miniegravere et de protection environnementale a aussi eacuteteacute reprise dans des accords

46 Accord de libre-eacutechange entre la Colombie et le Panama 20 septembre 2013 agrave lrsquoart 96(3)(k) laquo En el Plan de Accioacuten Conjunto de coo-peracioacuten las Partes realizaran inter alia las siguientes actividades que se acuerden mutuamente [hellip] ejecutar proyectos bilaterales en gestioacuten integrada de cuencas hidrograacuteficas compartidas o transfronterizas raquo 47 Accord de libre-eacutechange entre Israeumll et le Mexique 10 avril 2000 agrave lrsquoannexe 2-02(1) laquo Restrictions on imports of waste and scrap of plastic rubber paper metal and glass that are maintained for ecological purposes raquo 48 Accord de libre-eacutechange entre le Chili et la Malaisie 18 avril 2012 agrave lrsquoart 95(3) laquo [hellip] through developing and endorsing mutually agreed special programmes and projects dealing inter alia with the transfer of knowledge and technology raquo Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre le Chili et la Turquie 14 juillet 2009 agrave lrsquoart 37(8) 49 Accord de libre-eacutechange entre les Eacutetats-Unis et le Chili 6 juin 2003 agrave lrsquoannexe 193 50 Accord de libre-eacutechange entre le Costa Rica Panama et EFTA 24 juin 2013 agrave lrsquoart 97(2) laquo The Parties shall endeavour to facilitate and promote the development of practices and programmes aiming at fostering appropriate economic returns from the conservation and sustain-able use of the environment such as ecotourism raquo

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

52

de partenaires tout comme les normes voulant srsquoassurer de la coheacuterence des politiques agricoles et

environnementales51

Malgreacute la grande diffusion du modegravele europeacuteen dans le systegraveme commercial certaines normes

europeacuteennes nrsquoont pas connu une diffusion aussi large que drsquoautres Crsquoest le cas des dispositions

climatiques proposeacutees dans un grand nombre drsquoaccords europeacuteens LrsquoUE est sans aucun doute le

principal instigateur de lrsquointeacutegration des questions climatiques aux neacutegociations commerciales Pour

autant plusieurs partenaires europeacuteens apregraves les avoir accepteacutees dans leurs accords avec lrsquoUE ne

srsquoempressent pas de les imiter dans leurs accords subseacutequents LrsquoUE peine donc agrave jouer un reacuteel rocircle

de meneur sur les questions climatiques puisque ces normes demeurent encore limiteacutees aux accords

dont elle est partie En drsquoautres mots lrsquoUE parvient difficilement agrave exporter ses normes en matiegravere de

changements climatiques soit lrsquoun des enjeux speacutecifiques auquel lrsquoUE srsquointeacuteresse le plus au-delagrave de

ses partenaires immeacutediats De cette maniegravere la question climatique est encore largement sous-deacuteve-

loppeacutee par rapport agrave drsquoautres enjeux environnementaux dans le reacutegime international du commerce

comme la protection des forecircts et la preacuteservation des espegraveces menaceacutees

La diffusion des approches ameacutericaines et europeacuteennes aux accords de leurs pays partenaires

semble avoir finalement eu pour effet de modifier le contenu de leurs propres accords Certaines

normes caracteacuteristiques des accords ameacutericains semblent tout particuliegraverement faire maintenant

partie des accords europeacuteens et vice-versa La prochaine section aborde cette possible convergence

agrave lrsquoaube drsquoune nouvelle geacuteneacuteration de grands partenariats reacutegionaux

3) La convergence des accords ameacutericains et europeacuteens

Bien que lrsquoUE ait succeacutedeacute aux Eacutetats-Unis en tant que meneur en matiegravere de regraveglementation envi-

ronnementale les Eacutetats-Unis nrsquoont pas abaisseacute leur approche environnementale lors de leurs reacutecentes

neacutegociations commerciales Les accords commerciaux ameacutericains peuvent encore ecirctre consideacutereacutes

comme eacutetant parmi les plus stricts en matiegravere drsquoenvironnement Les diffeacuterences qui subsistent entre

lrsquoEurope et les Eacutetats-Unis srsquoestompent neacuteanmoins alors qursquoils semblent mutuellement srsquoinspirer

Crsquoest ce que reacutevegravele le graphique 9 eacutelaboreacute agrave partir de mesures de distance de Jaccard Alors

que les premiers accords commerciaux europeacuteens affichent une forte diffeacuterence avec les accords

ameacutericains illustreacutee par une teinte jaune clair les normes environnementales des accords europeacuteens

signeacutes depuis 2008 sont similaires aux accords commerciaux ameacutericains signeacutes depuis 2003 comme

en teacutemoigne lrsquoindicateur de distance plus eacuteleveacute associeacute agrave une coloration rouge fonceacute

51 Accord de libre-eacutechange entre les Eacutetats-Unis et le Chili supra note 47 agrave lrsquoannexe 193(1)(b) laquo The United States will assists Chile in reducing contamination and pollution resulting from past mining practices by working with Chile to identify sources of pollution and explore cost-effective remediation methods raquo

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

53

31 Lrsquoeuropeacuteanisation des accords ameacutericains

Les Eacutetats-Unis ont reacutecemment adopteacute des accords inteacutegrant des normes typiques europeacuteennes

teacutemoignant drsquoune certaine convergence entre leurs dispositions environnementales Avant 2006 la

majoriteacute des accords ameacutericains incluaient peu de dispositions environnementales deacutetailleacutees sur des

enjeux speacutecifiques Cela changea toutefois en 2007 apregraves que les Deacutemocrates gagnegraverent le controcircle

du Seacutenat et de la Chambre des repreacutesentants Face agrave ce nouveau paysage politique lrsquoadministration

reacutepublicaine accepta de reacuteviser sa politique commerciale afin de renforcer la protection de lrsquoenviron-

nement dans ses accords commerciaux Les accords en attente drsquoecirctre ratifieacutes par le Congregraves furent

alors les premiers agrave ecirctre reacuteviseacutes en deacutebutant par lrsquoaccord avec le Peacuterou Cet accord integravegre des dis-

positions environnementales que le gouvernement ameacutericain qualifiait agrave lrsquoeacutepoque de reacutevolution-

naires52

En particulier lrsquoaccord Eacutetats-Unis-Peacuterou et les accords ratifieacutes par la suite requiegraverent la mise en

œuvre drsquoune seacuterie drsquoaccords multilateacuteraux sur lrsquoenvironnement De plus cette obligation est assu-

jettie aux mecircmes proceacutedures de regraveglement des diffeacuterends que les dispositions environnementales

Ce faisant les Eacutetats-Unis eacutetendent lrsquoaspect coercitif des regraveglements commerciaux aux accords envi-

ronnementaux des accords mieux connus pour leur gestion relativement souple de lors non-respect

52 Ustr laquo TPP in the Wild Fighting Illegal Trade raquo 2015 p 49

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

54

Cette mesure ne vise pas uniquement agrave niveler la concurrence avec les partenaires commerciaux

des Eacutetats-Unis mais plutocirct agrave assurer une mise en œuvre adeacutequate des accords multilateacuteraux qui re-

flegravetent les valeurs ameacutericaines Lrsquoincorporation du moratoire sur la chasse agrave la baleine par exemple

ne vise pas agrave assurer une concurrence loyale au sein de lrsquoindustrie baleiniegravere mais bien pour faire la

promotion drsquoune norme sociale en faveur de la protection des mammifegraveres marins qui est profon-

deacutement ancreacutee dans la socieacuteteacute ameacutericaine depuis 1970 Comme Jinnah et Morgera lrsquoont observeacute le

lien entre les accords commerciaux bilateacuteraux et les accords multilateacuteraux sur lrsquoenvironnement est

maintenant utiliseacute par le gouvernement ameacutericain pour apaiser les revendications des groupes en-

vironnementaux nationaux53 Cela suggegravere que les Eacutetats-Unis ont utiliseacute leurs accords commerciaux

pour promouvoir leurs normes environnementales et leurs valeurs comme le faisait deacutejagrave lrsquoUE

Lrsquoaccord Eacutetats-Unis-Peacuterou est eacutegalement le premier accord agrave inclure une annexe de huit pages

sur la gouvernance des forecircts qui a pour objectif de combattre lrsquoexploitation forestiegravere illeacutegale et le

commerce illeacutegal de la faune Cette annexe inclut des normes varieacutees speacutecifiques et prescriptives

incluant des peacutenaliteacutes des sanctions criminelles des inventaires des quotas des chaines de traccedilabiliteacute

et audit de producteurs54 Le reacutecent Partenariat Trans-Pacifique (TPP) inclut eacutegalement plusieurs autres

dispositions sur des enjeux environnementaux speacutecifiques dont des articles deacutetailleacutes sur les pecirccheries

la protection de la couche drsquoozone et la protection de lrsquoenvironnement marin contre la pollution

des navires Comme lrsquoindique le graphique 5 les Eacutetats-Unis suivent ainsi lrsquoapproche europeacuteenne

qui consiste agrave aborder des enjeux environnementaux speacutecifiques dans leurs accords commerciaux

Aucun accord ameacutericain ne requiert la mise en œuvre de la Convention sur la diversiteacute biolo-

gique Neacuteanmoins lrsquoaccord avec le Peacuterou inclut un article deacutedieacute agrave la diversiteacute biologique qui a pris

plusieurs analystes par surprise En vertu de cet accord les parties reconnaissent lrsquoimportance de la

preacuteservation des savoirs traditionnels des communauteacutes autochtones55 Dans un accord parallegravele les

Parties reconnaissent eacutegalement lrsquoimportance de lrsquoobtention du consentement eacuteclaireacute avant drsquoavoir

accegraves aux ressources geacuteneacutetiques et du partage de beacuteneacutefices provenant de lrsquoutilisation des ressources

geacuteneacutetiques en insistant sur la qualiteacute des brevets Consideacuterant que les Eacutetats-Unis ont toujours refu-

seacute de ratifier la Convention sur la diversiteacute biologique lrsquoinclusion de tels principes dans le contexte

drsquoun accord commercial est tregraves significative LrsquoUE quant agrave elle a depuis longtemps encourageacute le

principe du partage des beacuteneacutefices avec les fournisseurs des ressources geacuteneacutetiques et les deacutetenteurs

des savoirs traditionnels56 Cela indique une fois de plus une certaine convergence des accords ameacute-

ricains et europeacuteens

Les Eacutetats-Unis incluent aussi dans leurs accords reacutecents plusieurs dispositions relatives au ren-

forcement des capaciteacutes que ce soit dans un chapitre deacutevoueacute agrave lrsquoenvironnement dans un accord

parallegravele dans un accord de coopeacuteration ou dans une annexe Bien que certains accords ameacutericains

53 S Jinnah et E Morgera supra note 26 agrave la p 337

54 Ibid agrave la p 300 Voir aussi S Jinnah et J Kennedy laquo A New Era of Trade-Environment Politics Learning from US Leadership and its Consequences Abroad raquo Whitehead Journal of Diplomacy and International Relations vol XII(1) 2011 p 95-109

55 Accord de libre-eacutechange entre le Peacuterou et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique 12 avril 2006 agrave lrsquoart 1811(3)

56 Accord de libre-eacutechange entre lrsquoUnion europeacuteenne et la Coreacutee 6 octobre 2010 agrave lrsquoart 1040 Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre lrsquoUnion europeacuteenne et lrsquoUkraine 21 mars 2014 agrave lrsquoart 229 Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre lrsquoUnion europeacuteenne et le CARIFORUM 15 octobre 2008 agrave lrsquoart 150

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

55

plus anciens incluaient deacutejagrave des dispositions sur le renforcement des capaciteacutes aucune nrsquoeacutetait aus-

si preacutecise et deacutetailleacutee sur lrsquoassistance technique sur le transfert des technologies et sur lrsquoassistance

financiegravere que ne le sont les reacutecents accords Ainsi la mise en œuvre des obligations de renforce-

ment des capaciteacutes preacutevues par les accords ameacutericains avec lrsquoOman le Maroc le Chili et le Peacuterou

ont meneacute agrave eux seuls agrave la formation de plus de 8 200 personnes dans la gestion des ressources natu-

relles et la conservation de la biodiversiteacute agrave lrsquoadoption de plus de 700 mesures environnementales

agrave lrsquoorganisation de campagnes de sensibilisation du public atteignant plus de 11 000 000 personnes

et agrave lrsquoameacutelioration de la gestion des ressources naturelles drsquoune zone cumuleacutee de plus de 30 millions

drsquohectares57

Puisque la Coreacutee nrsquoest plus consideacutereacutee comme un pays en deacuteveloppement le reacutecent accord entre

celle-ci et les Eacutetats-Unis ne preacutevoit pas drsquoobligations sur le renforcement des capaciteacutes et le transfert

des technologies Neacuteanmoins il est lrsquoun des premiers traiteacutes ameacutericains agrave inclure une disposition sur

lrsquoharmonisation des reacuteglementations environnementales nationales Les deux parties se sont plus

preacuteciseacutement engageacutes agrave harmoniser leurs standards de performance environnementale des veacutehicules

motoriseacutes par la coopeacuteration bilateacuterale au sein du World Forum for Harmonization of Vehicle Regu-lations of the United Nations Economic Commission for Europe58 Ce type de mesure relative agrave lrsquohar-

monisation des normes nationales eacutetait jusqursquoalors une caracteacuteristique des accords europeacuteens qui

nrsquoeacutetait pas partageacutee par les accords ameacutericains

Ces dispositions environnementales inseacutereacutees dans les accords commerciaux ameacutericains depuis

2006 indiquent que les Eacutetats-Unis ne cherchent plus seulement agrave lutter contre le dumping environ-

nemental et preacuteserver leur souveraineteacute reacuteglementaire Bien que ces objectifs demeurent cruciaux

les Eacutetats-Unis cherchent maintenant aussi agrave atteindre une plus grande coheacuterence entre le commerce

lrsquoenvironnement et les objectifs de deacuteveloppement durable agrave lrsquoimage des accords europeacuteens

32 Lrsquoameacutericanisation des accords europeacuteens

Agrave lrsquoinstar des accords ameacutericains qui couvrent un eacuteventail de normes plus eacutetendu qursquoaupara-

vant les reacutecents accords europeacuteens gagnent en profondeur avec des regravegles de mise en œuvre plus

strictes En effet lrsquoUE a adopteacute une approche plus ameacutericaine lors de ses neacutegociations commerciales

depuis lrsquoadoption de la Strateacutegie globale de lrsquoEurope en 200659 Avant cela la plupart des accords

bilateacuteraux eacutetaient neacutegocieacutes dans le cadre de sa politique de voisinage ou avec des objectifs drsquoaide au

deacuteveloppement Agrave partir de 2006 cependant lrsquoeacutevidente stagnation des neacutegociations multilateacuterales agrave

lrsquoOMC a inciteacute lrsquoUE agrave appreacutehender les neacutegociations bilateacuterales comme un outil plus offensif LrsquoUE a

ainsi engageacute des pourparlers bilateacuteraux avec des eacuteconomies majeures afin de conclure des accords

plus ambitieux et aux beacuteneacutefices eacuteconomiques plus conseacutequents Lrsquoobjectif avoueacute de ces nouveaux

accords europeacuteens est de contribuer agrave la compeacutetitiviteacute de lrsquoEurope60 Cet eacutetat drsquoesprit a eu comme

57 Ustr laquo Standing Up for the Environnent Trade for a Greener World raquo 2015 p 13

58 Accord de libre-eacutechange entre les Eacutetats-Unis et la Coreacutee du Sud 30 juin 2007 agrave lrsquoart 97

59 Commission Europeacuteenne laquo Global Europe Competing in the World raquo 2006

60 Commission Europeacuteenne laquo Global Europe Competing in the World raquo supra note 57 agrave la p 1

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

56

conseacutequence drsquoamener lrsquoUE agrave inseacuterer des dispositions environnementales qui visent agrave lutter contre

le dumping environnemental de leurs concurrents eacutetrangers ce que les Eacutetats-Unis font depuis plus

de 25 ans

La signature en 2008 de lrsquoaccord entre lrsquoEurope et les Eacutetats des Caraiumlbes marqua un point tour-

nant agrave bien des eacutegards Crsquoest agrave partir de ce moment que lrsquoUE insegravere systeacutematiquement un chapitre ou

une section consacreacute agrave lrsquoenvironnement dans ses accords commerciaux Ce faisant lrsquoUE abandonne

son approche traditionnellement eacuteclectique et adapteacutee aux besoins et inteacuterecircts de ses partenaires

commerciaux au profit drsquoune approche plus systeacutematique avec un chapitre standardiseacute eacutevoluant

agrave la marge drsquoune neacutegociation agrave lrsquoautre61 Comparativement aux Ameacutericains qui preacuteconisent cette

meacutethode depuis lrsquoALENA la standardisation des neacutegociations commerciales est une reacutealiteacute relative-

ment nouvelle pour lrsquoUE comme lrsquoillustre le graphique 1062

Graphique 10 ndash Eacutevolution de la distance entre les accords europeacuteens relativement agrave leurs normes environnementales

61 S Jinnah et E Morgera supra note 26 agrave la p 337 62 Les accords europeacuteens signeacutes avant 1991 affichent une apparente forte similariteacute mais cela est uniquement ducirc au fait qursquoils incluent tregraves peu de normes environnementales Ils sont similaires dans leur relative ignorance de lrsquoenvironnement

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

57

Afin de concevoir son chapitre standardiseacute sur le deacuteveloppement durable lrsquoUE srsquoest largement

inspireacutee des expeacuteriences drsquoautres pays63 Une importante source drsquoinformations pour lrsquoUE fut lrsquoeacutetude

de lrsquoOCDE de 2007 intituleacutee Environment and Regional Trade Agreements64 analysant en deacutetail les

neacutegociations et lrsquoapplication des dispositions environnementales inteacutegreacutees dans divers accords com-

merciaux Par ailleurs lrsquoUE a commandeacute agrave Jacques Bourgeois Kamala Dawar et Simon Evenett une

eacutetude intituleacutee A Comparative analysis of Selected Provisions in Free Trade Agreements65 qui compare

notamment les dispositions environnementales de 27 accords commerciaux Dans ces deux rapports

et dans la vaste majoriteacute de la litteacuterature acadeacutemique lrsquoANACDE est preacutesenteacute comme une perceacutee

normative pour avoir introduit quelques-unes des normes environnementales les plus strictes du reacute-

gime international du commerce66 Ces eacutetudes ont ainsi contribueacute agrave faire des accords ameacutericains une

des principales sources drsquoinspiration pour la nouvelle geacuteneacuteration drsquoaccords de lrsquoUE encourageant la

convergence des accords ameacutericains et europeacuteens

LrsquoUE srsquoest notamment inspireacutee des accords ameacutericains pour ce qui a trait agrave lrsquoaspect environne-

mental de la protection des investissements Avant 2007 et le traiteacute de Lisbonne lrsquoinvestissement

eacutetranger ne faisait pas partie des compeacutetences de lrsquoUE et les accords commerciaux de lrsquoUE ne comp-

taient pas de chapitre sur lrsquoinvestissement Mecircme si les Eacutetats membres de lrsquoUE neacutegociaient des ac-

cords bilateacuteraux sur lrsquoinvestissement depuis de nombreuses anneacutees la grande majoriteacute drsquoentre eux

nrsquoincluent aucune mesure environnementale De fait le modegravele franccedilais allemand ou britannique

de traiteacute bilateacuteral sur lrsquoinvestissement nrsquoinclut pas drsquoexception environnementale Cela peut srsquoexpli-

quer par le fait que jusqursquoagrave reacutecemment les pays europeacuteens nrsquoavaient pas encore ducirc faire face agrave des

diffeacuterends environnementaux controverseacutes initieacutes par des investisseurs eacutetrangers En comparaison

la chapitre 11 de lrsquoALENA a donneacute lieu agrave plusieurs litiges lieacutes agrave la protection environnementale Ce

fut le cas dans les affaires de Glamis Golde Metalclad Ethyl Myers Sun Belt Methanex Crompton

Clayton St Maryrsquos VCNA Windsteam et Lone Pine67

Sans neacutecessairement avoir anticipeacute le nombre de diffeacuterends qui seraient traiteacutes les neacutegociateurs

de lrsquoALENA ont inclus une exception environnementale dans le chapitre 11 qui indique que rien dans

ce chapitre ne peut ecirctre mis en place pour empecirccher une Partie drsquoadopter de maintenir ou drsquoappliquer

une mesure qursquoelle considegravere comme neacutecessaire pour srsquoassurer que les activiteacutes drsquoinvestissements

sur son territoire sont entreprises drsquoune maniegravere conforme agrave la protection environnementale68 Il est

de plus preacutevu que les Parties ne doivent pas adoucir leurs mesures environnementales nationales

pour encourager les investisseurs eacutetrangers agrave venir srsquoeacutetablir chez elles69 Outre ces deux dispositions

63 R Zvelc (eacutediteacute par E Morgera) Environmental Integration in EU Trade Policy The Generalised System of Preferences Trade Sustainabil-ity Impact Assessments and Free Trade Agreements The External Environmental Policy of the European Union Cambridge Cambridge University Press 2012 p 194 64 Ocde laquo Environment and Regional Trade Agreements raquo 2007 65 J Bourgeois K Dawar et S J Evenett laquo A Comparative Analysis of Selected Provisions in Free Trade Agreements raquo DG Trade 2007 212 p 66 e g R H Steinberg supra note 9 67 G Gagneacute et J-F Morin laquo The Evolving American Policy on Investment Protection Origins Scope and Prospects raquo Journal of Interna-tional Economic Law vol IX (2) 2006 p 13 68 Accord de libre-eacutechange nord-ameacutericain supra note 18 agrave lrsquoart 11141 69 Ibid agrave lrsquoart 11142

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

58

drsquoautres normes relieacutees agrave lrsquoenvironnement ont eacuteteacute ajouteacutees dans les accords ameacutericains subseacutequents

agrave lrsquoALENA incluant une reacutefeacuterence aux accords multilateacuteraux sur lrsquoenvironnement la reconnais-

sance du pouvoir discreacutetionnaire des Parties et une deacutefinition du droit de lrsquoenvironnement Depuis

2003 et agrave la suite de diffeacuterends controverseacutes sous lrsquoALENA ougrave des investisseurs consideacuteraient qursquoils

devaient recevoir une compensation pour des regraveglementations environnementales qui avaient un

effet eacutequivalent agrave une expropriation les neacutegociateurs ameacutericains ont systeacutematiquement inclus une

mesure dans leurs accords clarifiant ce problegraveme Cette mesure preacutecise que laquo lors de rares circons-

tances [hellip] des actions regraveglementaires non discriminatoires conccedilues et appliqueacutees pour proteacuteger des

objectifs leacutegitimes du bien-ecirctre public comme la santeacute la seacutecuriteacute et lrsquoenvironnement ne constituent

pas des expropriations indirectes raquo70

Srsquoinspirant des accords ameacutericains lrsquoUE a inteacutegreacute quelques-unes de ces dispositions dans ses

plus reacutecents accords Les accords signeacutes apregraves 2008 reproduisent lrsquoobligation de maintenir le ni-

veau de protection environnementale et lrsquointerdiction drsquoassouplir les lois environnementales pour

attirer des investissements eacutetrangers Plus reacutecemment lrsquoUE a eacutegalement inteacutegreacute agrave ses accords une

clarification indiquant que les mesures prises dans lrsquointeacuterecirct du bien-ecirctre public ne constituent pas

des expropriations indirectes Ainsi il ressort que les leccedilons de lrsquoALENA et les mesures conccedilues par

les Eacutetats-Unis pour limiter les risques de demandes drsquoindemnisation ont eacuteteacute adopteacutees par lrsquoUE Un

autre eacuteleacutement que lrsquoUE a emprunteacute aux Eacutetats-Unis est le meacutecanisme utiliseacute pour srsquoassurer que les

Parties drsquoun accord appliquent bel et bien leurs propres lois environnementales Comme il est pos-

sible drsquoobserver dans le graphique 3 de reacutecents accords europeacuteens integravegrent ces normes Drsquoune

maniegravere similaire agrave lrsquoANACDE les accords signeacutes apregraves 2008 stipulent que les Parties ont le devoir

drsquoappliquer leurs lois environnementales Une demande de consultation peut ecirctre formuleacutee si une

Partie considegravere que lrsquoautre eacutechoue agrave faire respecter efficacement ses lois environnementales Lrsquoac-

cord entre le Canada et UE reproduit aussi une disposition deacutetailleacutee provenant de lrsquoaccord parallegravele

de lrsquoANACDE en lien avec lrsquoaccegraves aux garanties proceacutedurales et les recours permettant des actions

juridiques efficaces contre les violations des lois environnementales71

Afin de renforcer davantage le niveau de protection environnementale de ses partenaires com-

merciaux lrsquoUE a aussi calqueacute des dispositions relieacutees agrave la participation de la socieacuteteacute civile que lrsquoon

retrouvait traditionnellement dans des accords ameacutericains comme lrsquoindique le graphique 4 Depuis

son accord signeacute avec les Eacutetats des Caraiumlbes lrsquoUE integravegre une disposition mentionnant que les Par-

ties doivent consulter les diffeacuterentes parties prenantes lorsqursquoils introduisent de nouvelles mesures

environnementales Ils ajoutent aussi que les Parties doivent mettre en place un meacutecanisme permet-

tant aux mecircmes parties prenantes de soumettre des commentaires de demander des consultations

ou de faire des recommandations sur le respect des obligations environnementales Lrsquoaccord entre

lrsquoUE et la Moldavie par exemple indique que chaque Partie doit se reporter agrave un comiteacute consultatif

70 Accord de libre-eacutechange entre les Eacutetats-Unis et le Chili 6 juin 2003 agrave lrsquoAnnexe 10-D 4(b) 71 Accord eacuteconomique et commercial global entre le Canada et lrsquoUnion europeacuteenne agrave lrsquoart X6

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

59

sur le deacuteveloppement durable agrave propos de la mise en œuvre de cet accord commercial en question72

Comme les Eacutetats-Unis lrsquoUE ne tente pas uniquement de niveler la concurrence entre les Par-

ties agrave lrsquoaccord Elle a aussi lrsquoobjectif de proteacuteger sa capaciteacute regraveglementaire Bien que les diffeacuterends

environnementaux soient moins freacutequents de nos jours lrsquoUE a fait face agrave un nombre appreacuteciable de

plaintes concernant des mesures sanitaires et de santeacute publique Plusieurs ont contesteacute le principe de

preacutecaution dans les affaires relatives aux hormones de bœuf73 aux OGM74 et agrave lrsquoamiante75 De plus

plusieurs regraveglementations environnementales europeacuteennes pourraient ecirctre contesteacutees agrave lrsquoOMC dans

un avenir rapprocheacute notamment au sujet de ses exigences de recyclage eacutelectronique de son systegraveme

drsquoagreacutement des produits chimiques de sa limitation des eacutemissions de gaz agrave effet de serre des compa-

gnies aeacuteriennes eacutetrangegraveres et de ses restrictions des produits chimiques et des perturbateurs endocri-

niens Cependant en incluant des garde-fous additionnels dans ses accords bilateacuteraux commerciaux

lrsquoUE restreint les contestations Cela envoie eacutegalement un signal rassurant aux citoyens europeacuteens

notamment ceux qui srsquoopposent agrave lrsquoagenda libre-eacutechangiste de la Commission europeacuteenne

Bien sucircr des diffeacuterences persistent entre lrsquoapproche ameacutericaine et lrsquoapproche europeacuteenne Lrsquoune

des plus flagrantes est lrsquoinsistance des Eacutetats-Unis agrave permettre lrsquoutilisation du meacutecanisme de regravegle-

ment des diffeacuterends geacuteneacuteral de ses accords commerciaux pour les violations des dispositions envi-

ronnementales76 La diffusion de telles normes nrsquoa pas encore reacuteussi puisque ces dispositions ne se

retrouvent encore que dans les accords ameacutericains Mecircme dans les plus reacutecents accords europeacuteens

les diffeacuterends concernant des dispositions environnementales sont seulement sujets agrave des consulta-

tions gouvernementales Par contre lrsquointeacutegration dans les accords europeacuteens des normes concernant

la mise en œuvre et la participation des parties prenantes inspireacutees par les objectifs traditionnel-

lement ameacutericains et lrsquoextension dans les accords ameacutericains de dispositions sur des enjeux speacuteci-

fiques et le renforcement des capaciteacutes teacutemoignent de lrsquoexistence drsquoune reacuteelle convergence entre les

plus reacutecents accords ameacutericains et europeacuteens

Conclusion

Les preacuteceacutedentes pages deacutemontrent agrave quel point les neacutegociations commerciales ont eacutevolueacute agrave

travers le temps Au deacutepart lrsquoobjectif premier des neacutegociations commerciales eacutetait drsquoobtenir des

reacuteductions tarifaires ce qui nrsquoest plus le cas aujourdrsquohui Le mandat des neacutegociateurs commerciaux

englobe maintenant plusieurs autres domaines que le commerce incluant la protection environne-

mentale De ce fait les neacutegociations ne se deacuteroulent plus de la mecircme maniegravere Loin de fonctionner

en vase clos elles sont permeacuteables aux normes que drsquoautres Eacutetats deacuteveloppent agrave travers le complexe

institutionnel du commerce et de lrsquoenvironnement

72 Accord drsquoassociation entre lrsquoUnion europeacuteenne et la communauteacute europeacuteenne de lrsquoeacutenergie atomique et leurs Eacutetats membres drsquoune part et la reacutepublique de la Moldavie drsquoautre part 27 juin 2014 agrave lrsquoart 37673 OMC laquo Communauteacutes europeacuteennes ndash Mesures concernant les viandes et les produits carneacutes (hormones) raquo 1996 74 OMC laquo Communauteacutes europeacuteennes ndash Mesures affectant lrsquoapprobation et la commercialisation des produits biotechnologiques raquo 2003 75 OMC laquo Communauteacutes europeacuteennes ndash Mesures affectant lrsquoamiante et les produits en contenant raquo 1998 76 J Schott et C Cimino laquo Crafting a Transatlantic Trade and Investment Partnership What can be Done raquo Policy Brief 13-8 Washing-ton DC Peterson Institute for International Economics 2013 p 14 Voir aussi S I Akhtar et V C Jones Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP) Negotiations Washington Congressional Research Service 2014 p 377

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

60

Bien que traditionnellement les Eacutetats-Unis et lrsquoUE ont adopteacute des normes environnementales

diffeacuterentes dans leurs accords commerciaux il est maintenant possible drsquoobserver quelques simi-

lariteacutes entre les deux approches Malgreacute des distinctions apparentes entre les motivations initiales

pour lrsquointeacutegration de normes environnementales dans les accords ameacutericains et europeacuteens les deux

acteurs convergent progressivement vers un modegravele commun

Une diffusion des normes ameacutericaines et europeacuteennes agrave travers des accords de pays partenaires

est eacutegalement notable En effet une grande partie des normes typiquement ameacutericaines est reprise

par des Eacutetats qui ont neacutegocieacute un accord avec les Eacutetats-Unis et le mecircme pheacutenomegravene se produit avec

les normes caracteacuteristiques des accords europeacuteens Des dispositions relatives agrave la mise en œuvre agrave la

participation du public et agrave des enjeux environnementaux speacutecifiques sont aujourdrsquohui incorporeacutees

dans une majoriteacute drsquoaccords commerciaux Cependant quelques normes typiquement ameacutericaines

et europeacuteennes ont eu plus de difficulteacute agrave circuler comme crsquoest le cas des normes ameacutericaines trai-

tant des meacutecanismes de regraveglements des diffeacuterends et les normes europeacuteennes sur les changements

climatiques

Les neacutegociations de lrsquoaccord entre les Eacutetats-Unis et lrsquoUnion europeacuteenne quant au Partenariat

transatlantique sur le commerce et lrsquoinvestissement nous eacuteclaireront davantage sur la convergence

des normes environnementales ameacutericaines et europeacuteennes Deacutejagrave le mandat de neacutegociation confeacutereacute

agrave la Commission europeacuteenne par le Conseil comme le mandat confeacutereacute par le Congregraves agrave lrsquoadministra-

tion ameacutericaine converge agrave plusieurs eacutegards Les deux documents insistent principalement sur leur

point de convergence entre les Eacutetats-Unis et lrsquoEurope alors que les questions plus deacutelicates comme

le changement climatique et le principe de preacutecaution ont eacuteteacute savamment ignoreacutees La neacutegociation

de cet accord transatlantique sera peut-ecirctre lrsquooccasion drsquoaccentuer encore lrsquoapprentissage de part et

drsquoautre et drsquoinnover conjointement en eacutelaborant un modegravele commun

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

61

chapitre 2Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

dans les conventions internationales lieacutees agrave la biodiversiteacute

Claire Lajaunie1 et Pierre Mazzega2

Reacutesumeacute

Suivant une analogie avec lrsquoeacutepideacutemiologie nous eacutetudions la transmission la circulation et la

persistance des thegravemes de santeacute dans les conventions CBD CMS et CITES et les reacutesolutions ou deacute-

cisions de leurs Confeacuterences des Parties (COPs) gracircce agrave la fouille de textes qui reacutevegravele qursquoune frac-

tion des termes utiliseacutes est lieacutee aux questions de santeacute ndash santeacute humaine santeacute animale et santeacute des

eacutecosystegravemes ndash et agrave lrsquoenvironnement Une premiegravere analyse montre la diffusion de ces termes dans

les conventions et les reacutesolutions des COPs au cours du temps au travers drsquoun reacuteseau induit par

leur transmission entre textes La CBD joue un rocircle central comme source de termes lieacutes agrave la santeacute

et agrave lrsquoenvironnement Lrsquoutilisation drsquoune hieacuterarchisation des principaux concepts solliciteacutes lors de

la fouille de texte (micro-ontologies) nous conduit ensuite agrave mener une reacuteflexion sur la nature du

lien entre la connaissance veacutehiculeacutee dans les conventions et les eacutechelles des systegravemes eacutecologiques

qursquoelles entendent reacuteguler Enfin les eacuteleacutements essentiels de notre approche sont discuteacutes ainsi que les

perspectives de deacuteveloppement et de geacuteneacuteralisation agrave un corpus plus ample issu du droit internatio-

nal de lrsquoenvironnement

Abstract

Drawing an analogy to epidemiology we study the transmission circulation and persistence of

health issues in the CBD CMS and CITES Conventions and in the resolutions or decisions of their

Conferences of Parties (COPs) Text mining reveals that a fraction of the set of terms contained in

those texts is linked to health issues - human health animal health and ecosystem health - and the

environment A preliminary analysis shows how these terms are diffusing in the conventions and in

the resolutions of their COPs over time through a network induced by their transmission between

texts The CBD plays a central role as a source of terms related to health and the environment The

use of hierarchical organization of the main concepts used in the mining of the texts (micro-onto-

logies) then leads us to reflect on the nature of the relationship between knowledge conveyed in

conventions and scales of ecological systems they intend to regulate Finally the essential elements

of our approach are discussed as well as prospects for development and generalization to a broader

corpus of international environmental law

1 INSERM Aix Marseille Univ Universiteacute de Toulon Univ Pau amp Pays Adour CNRS DICE CERIC Aix-en-Provence France clairelajaunieinsermfr2 GET Geacuteosciences Environnement Toulouse UMR5563 CNRS IRD Universiteacute de Toulouse 14 av E Belin 31400 Toulouse France pierremazzegaciampgetompeu

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

62

1) Introduction

Inteacuteresseacutes par lrsquoeacutemergence des questions de santeacute au sein des conventions lieacutees agrave la biodiversiteacute

et en relation avec le thegraveme des maladies infectieuses nous avons commenceacute par nous interroger

sur lrsquoeacutevolution de lrsquousage de concepts et de termes lieacutes agrave cette theacutematique3 et sur la faccedilon dont ces

termes se transmettent agrave la fois drsquoune convention agrave lrsquoautre et drsquoune Confeacuterence des Parties (COP) agrave

lrsquoautre au sein drsquoune mecircme convention4 Nous avons eacutegalement associeacute cette eacutevolution agrave une seacuterie de

deacuteclarations drsquoengagements internationaux ou drsquoinitiatives exteacuterieures telles que lrsquoEacutevaluation des

Eacutecosystegravemes pour le Milleacutenaire5 afin de mettre en eacutevidence les influences de ces eacuteveacutenements sur la

faccedilon dont les questions de santeacute eacutemergent et sont preacutesenteacutees lors des COPs

Forts des reacutesultats de ce premier travail nous avons deacutecideacute drsquoentreprendre une analyse plus

preacutecise des processus drsquoeacutemergence des questions de santeacute en reacutealisant une fouille du corpus textuel

constitueacute des conventions CBD CMS et CITES ndash qui jouent le rocircle majeur dans cette dynamique

eacutecartant Ramsar et la convention UNFCCC dont lrsquoimportance est relativement marginale eu eacutegard

au thegraveme de la santeacute ndash et des reacutesolutions ou deacutecisions de leurs COPs6 respectives Certains termes

nous apparaissant se propager au sein des conventions comme par contagion il nous a sembleacute inteacute-

ressant de partir de ce pheacutenomegravene et drsquoexploiter lrsquoanalogie avec la transmission des pathogegravenes en

eacutepideacutemiologie Cette analogie srsquoavegravere constructive au sens ougrave lrsquoeacutepideacutemiologie eacutetudie la transmission

la circulation ou la persistance des agents pathogegravenes alors que notre objectif est de maniegravere simi-

laire de proposer une approche exploratoire de modeacutelisation des processus en jeu dans la transmis-

sion la circulation ou la persistance des termes de santeacute au sein drsquoune laquo population raquo constitueacutee par

lrsquoensemble des textes du corpus

Ici lorsque nous parlons de transmission nous cherchons agrave comprendre quelle est la convention

source principale de la transmission de termes au sein des COPs et en fonction du temps quelles

COPs jouent un rocircle moteur dans cette transmission La circulation est repreacutesenteacutee par la relation

drsquointermeacutediariteacute crsquoest-agrave-dire que nous examinons quelles COPs des trois conventions permettent

le passage de questions de santeacute drsquoune convention agrave une autre Enfin lrsquoeacutetude de la persistance nous

permet de repeacuterer lrsquoapparition de termes dans chaque convention et leur eacuteventuel maintien au cours

du temps dans les deacutecisions des COPs ulteacuterieures

Dans le preacutesent article nous preacutecisons comment nous avons constitueacute le corpus textuel et de

quelle maniegravere nous avons extrait les termes relevant de la theacutematique de la santeacute qui sont eacutegale-

ment en lien avec lrsquoenvironnement (Sec2) La fouille de texte nous permet ensuite drsquoidentifier les

eacuteleacutements drsquoontologie utiliseacutes et drsquoanalyser leur relation avec des eacutechelles eacutecologiques (Sec3) Le sui-

vi au cours du temps de lrsquooccurrence de termes speacutecifiques rend compte de leur persistance dans des

3 Dans cette eacutetude nous consideacuterons que la theacutematique de la santeacute est composeacutee de plusieurs thegravemes lieacutes agrave la santeacute et agrave lrsquoenvironnement biodiversiteacute maladies santeacute impact etc (Cf Sec3)4 C Lajaunie and P Mazzega laquo One Health and Biodiversity conventions The emergence of health issues in Biodiversity conventions raquo IUCN Academy of Environmental Law eJournal volume 7 2016a Issue 7 105-121 httpwwwiucnaelorgene-journalcurrent-issue-5 C Lajaunie S Morand and A Binot laquo The link between health and biodiversity in Southeast Asia through the example of infectious diseases raquo Environmental Justice vol 8(1) 2015 p 26-316 De mecircme la preacutesente eacutetude nous a conduits agrave reacutealiser une fouille de texte de la CBD et des reacutesolutions de ces COPs pour en identi-fier les thegravemes environnementaux majeurs Voir C Lajaunie and P Mazzega (2016) Mining CBD Brazilian Journal of International Law vol13(2) 277-292 doi 105102rdiv13i24058

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

63

seacuteries de COPs Les relations de transmission et de circulation de termes induisent un reacuteseau (Sec4)

dont les sommets sont un sous-ensemble (tous les textes nrsquoeacutetant pas laquo contamineacutes raquo) des textes du

corpus Lrsquoanalyse de ce reacuteseau met en eacutevidence le rocircle des textes comme source receveur ou inter-

meacutediaire de circulation terminologique La mecircme approche est ensuite deacuteveloppeacutee agrave un niveau de

repreacutesentation seacutemantique plus inteacutegrateur (en utilisant une hieacuterarchisation des concepts) celui des

thegravemes mettant en eacutevidence une dynamique plus stable drsquoeacutemergence et de circulation des thegravemes

de santeacute dans ces conventions Lrsquointeacuterecirct et le potentiel de notre approche sont discuteacutes en Sec5 et

les principales conclusions de ce travail sont preacutesenteacutees en section 6

2) Le corpus textuel et les termes de santeacute

Parmi les conventions lieacutees agrave biodiversiteacute nous avons choisi drsquoexaminer la Convention sur la

Diversiteacute Biologique (CBD 1992) la Convention sur la conservation des espegraveces migratrices appar-

tenant agrave la faune sauvage (CMS 1979) et la Convention sur le commerce international des espegraveces

de faune et de flore sauvages menaceacutees drsquoextinction (CITES 1973) Drsquoapregraves notre premiegravere eacutetude ces

trois conventions sont les premiegraveres conventions lieacutees agrave la biodiversiteacute agrave avoir vu lrsquoeacutemergence des

questions de santeacute et leur theacutematique est de fait en lien avec une vision holistique de la santeacute telle

que proposeacutee par lrsquoapproche One Health agrave lrsquointerface de la santeacute humaine de la santeacute animale et de

la santeacute de lrsquoenvironnement7 Les sites internet sur lesquels nous avons teacuteleacutechargeacute les textes du cor-

pus les dates des confeacuterences des parties (COPs) et le nombre de reacutesolutions adopteacutees par chacune

drsquoelles sont indiqueacutes en Table 1 ceci pour la CBD la CMS et la CITES

Dans cet article nous entendons par laquo reacutesolution raquo aussi bien des reacutesolutions proprement dites

que des deacutecisions ou parfois (cas de la CITES) des recommandations Le deacutetail de cette nomenclature

est preacutesenteacute en Annexe Le corpus que nous analysons ici rassemble les textes des trois Conventions

des 364 reacutesolutions issues des 12 COPs de la CBD tenues entre 1994 et 2014 des 175 reacutesolutions is-

sues des 11 COPs de la CMS tenues entre 1985 et 2914 et des 89 reacutesolutions issues des 16 COPs de la

CITES tenues entre 1976 et 2013

Les termes nominaux complexes sont extraits de chaque texte du corpus agrave lrsquoaide du logiciel

TermoStat8 qui compte leur nombre drsquooccurrence et eacutevalue leur degreacute de speacutecificiteacute9 relativement

agrave un tregraves large corpus de textes repreacutesentatif de lrsquousage commun actuel de lrsquoanglais Nous ne nous

inteacuteressons pas aux termes nominaux simples la plupart du temps trop geacuteneacuteraux mais aux termes

complexes - pour laquo diversiteacute biologique raquo par exemple le terme nominal est laquo diversiteacute raquo ndash car ils

sont plus directement en relation avec les theacutematiques des conventions Le rang des termes ordon-

neacutes par nombre drsquooccurrence ou speacutecificiteacute deacutecroissants donne un premier aperccedilu de la terminolo-

gie en usage dans les textes Cependant nous nrsquoutilisons pas par la suite ces deux mesures (nombre

drsquooccurrences et speacutecificiteacute) car lrsquoestimation du nombre drsquooccurrences est biaiseacutee par des effets de

7 C Lajaunie and P Mazzega laquo One Health and Biodiversity conventions The emergence of health issues in Biodiversity conventions raquo IUCN Academy of Environmental Law eJournal Issue 7 2016a 105-121 httpwwwiucnaelorgene-journalcurrent-issue-8 P Drouin laquo Term extraction using non-technical corpora as a point of leverage raquo Terminology 9(1) 2003 p 99-1179 P Lafon laquo Sur la variabiliteacute de la freacutequence des formes dans un corpus raquo Mots vol 1 1980 p 128-165

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

64

seacutemantique ou de pragmatique non deacutetectables par lrsquoanalyse terminologique simple (par exemple

lrsquousage des pronoms) Ainsi une occurrence drsquoun terme complexe au moins suffit agrave ce qursquoil soit pris

en compte dans notre analyse Une veacuterification manuelle a montreacute environ 5 drsquooccurrences non

deacutetecteacutees (erreur par omission a contrario tout terme deacutetecteacute est effectivement preacutesent dans le texte

analyseacute) Agrave partir du corpus nous obtenons une liste de 22172 termes nominaux complexes (ou ex-

pressions) de laquelle nous retirons 4316 expressions trop geacuteneacuterales (par ex laquo absolute certainty raquo

laquo international guidance raquo etc) trop speacutecifiques (par ex laquo third meeting raquo laquo next financial period raquo

etc) ou reacutesultant drsquoerreurs (erreurs lieacutees au deacutecoupage syntaxique ndash ou parsing ndash automatique des

textes conduisant par exemple agrave prendre un verbe pour un nom erreurs drsquoorthographe des docu-

ments source) Apregraves ce filtrage nous disposons de 8867 termes complexes distincts pour les textes

de la CBD 2565 pour ceux de la CMS et 3450 pour ceux de la CITES

Ensuite nous proceacutedons agrave lrsquoinspection de ces listes dans lesquelles nous identifions les termes

que nous consideacuterons comme eacutetant lieacutes agrave la santeacute (santeacute humaine santeacute animale santeacute des eacuteco-

systegravemes) La relation laquo est lieacute agrave raquo est conccedilue de maniegravere extensive et reacutesulte bien entendu drsquoune

interpreacutetation des textes et des eacutevolutions juridiques et politiques qursquoils expriment Prenons deux

exemples un terme tregraves geacuteneacuteral le laquo bien-ecirctre humain raquo et une expression speacutecifique la laquo gestion

future des pousseacutees de maladies aviaires raquo Le bien-ecirctre humain est directement lieacute aux questions

de santeacute au sens ougrave la santeacute a eacuteteacute deacutefinie par lrsquoOrganisation Mondiale de la Santeacute comme laquo un eacutetat

de complet bien-ecirctre physique mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de ma-

ladie ou drsquoinfirmiteacute raquo10 Ainsi les accords environnementaux internationaux ou les deacuteclarations in-

ternationales11 utilisent indiffeacuteremment la notion de santeacute humaine ou de bien-ecirctre humain notam-

ment lorsqursquoil srsquoagit des liens santeacuteenvironnement De son cocircteacute la gestion future des pousseacutees de

grippes aviaires est une question qui apparaicirct notamment dans la Reacutesolution 827 de la CMS (2005)

ougrave elle est eacutevoqueacutee en consideacuteration de lrsquoeacutevaluation des risques associeacutes agrave la conservation et agrave la dy-

namique des populations drsquooiseaux Cette reacutesolution appelle en fait agrave la mise en œuvre drsquoapproches

inteacutegreacutees pour faire face agrave la grippe aviaire dont les oiseaux sont les vecteurs Il srsquoagit de conjuguer

les connaissances des speacutecialistes de la faune sauvage et de la gestion des zones humides avec celles

des responsables de la santeacute publique et des zoonoses (veacuteteacuterinaires agriculteurs eacutepideacutemiologistes

virologues meacutedecins) Comme le laquo bien-ecirctre humain raquo la laquo gestion future des pousseacutees de grippes

aviaires raquo concerne la faune sauvage et ses liens avec la santeacute animale et humaine

Faire apparaicirctre ce type de relations de maniegravere explicite permet de voir le chemin critique du

deacuteveloppement de ces notions en relation avec la santeacute telles qursquoelles sont mentionneacutees et eacutevoluent

au sein des conventions sur la biodiversiteacute La Figure 1 montre les nombres de termes complexes no-

minaux et de termes lieacutes agrave la theacutematique de la santeacute que nous avons identifieacutes en fonction de la date

des COPs ceci pour les trois conventions Le rocircle preacutepondeacuterant de la CBD comme institution envi-

ronnementale prenant en consideacuteration et veacutehiculant des thegravemes lieacutes agrave la santeacute degraves la publication de

10 Preacuteambule agrave la constitution de lrsquoOrganisation Mondiale de la Santeacute adopteacute par la Confeacuterence internationale sur la Santeacute New York 19-22 juin 194611 Voir notamment le Preacuteambule de la Deacuteclaration de Stockholm (1972) ou le Preacuteambule de la Deacuteclaration de Rio (1992)

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

65

la Convention en 1992 y apparaicirct clairement Nous avons identifieacute 78 termes complexes relevant de

la theacutematique de la santeacute dans la convention CBD (Convention et reacutesolutions des COPs)

En ce qui concerne la CMS on constate des apparitions sporadiques agrave partir de la premiegravere COP

quantitativement peu significatives puis un pic en 2005 lieacute agrave une premiegravere reacutesolution sur les espegraveces

migratrices et la grippe aviaire hautement pathogegravene (Reacutesolution 827) qui coiumlncide eacutegalement avec

lrsquoadoption du Regraveglement Sanitaire International (OMS 2005) A partir de cette date on note une

certaine persistance des questions de santeacute avec notamment en 2008 une reacutesolution sur le deacutefi des

maladies eacutemergentes et en 2011 une reacutesolution qui met en eacutevidence le rocircle de la faune sauvage dans

les maladies infectieuses12 Nous avons ainsi deacutenombreacute 91 termes complexes distincts relatifs agrave la

theacutematique de la santeacute dans tous nos textes CMS

Enfin dans la CITES qui rappelons-le est un texte concernant le commerce des espegraveces en

danger les questions de santeacute sont moins preacutesentes On peut neacuteanmoins constater qursquoen 1994 une

reacutesolution srsquoest inteacuteresseacutee aux questions de maladies et de mortaliteacute13 (et sources lieacutees agrave la mortaliteacute

annuelle des espegraveces) puis en 1997 deux reacutesolutions significatives sont intervenues lrsquoune concernant

la coopeacuteration et la synergie avec la CBD et lrsquoautre ayant trait aux meacutedecines traditionnelles14 Ce

sont les dates de plus forte apparition de termes de santeacute on compte au total 50 termes complexes

distincts relatifs au thegraveme de la santeacute dans tous nos textes lieacutes agrave la CITES

La Table 2 preacutesente les termes complexes qui apparaissent dans le plus grand nombre de textes

du corpus Agrave partir de 2004 les enjeux de santeacute commencent agrave ecirctre diffuseacutes dans les reacutesolutions

des COPs de plusieurs conventions Les expressions laquo precautionary approach raquo laquo human health raquo

laquo human well-being raquo ou laquo risk assessment raquo montrent une reacuteelle persistance employeacutes degraves les reacute-

solutions de la COP02 CBD ils sont reacuteguliegraverement reacuteutiliseacutes dans les COPs ulteacuterieures Issus de la

convention CBD ces termes sont en quelque sorte transmis comme le seraient des pathogegravenes agrave

certaines COPs de la CMS (laquo human health raquo apparaicirct aussi dans la COP13 CITES) Il est cepen-

dant trop tocirct pour savoir srsquoils vont y persister Des dynamiques diffeacuterentes regraveglent lrsquousage drsquoautres

termes laquo Pest management raquo apparaicirct degraves la COP2 CBD se propage dans quelques COPs suivantes

de la Convention sur la diversiteacute biologique puis disparait laquo Avian influenza raquo apparaicirct en 2006

dans les reacutesolutions de la COP8 CBD se transmet aux COP9 (2008) et COP10 de la CMS (2011) et

depuis nrsquoest plus reacuteemployeacute dans les reacutesolutions des COPs CBD CMS ou CITES Cependant la

disparition de certains termes en tant que tels ne doit pas ecirctre analyseacutee drsquoembleacutee comme lrsquoindi-

cation drsquoun problegraveme reacutesolu ou drsquoune sous-theacutematique qui nrsquoest plus consideacutereacutee Des questions

de modes terminologiques preacutesident parfois au choix des termes ou encore des termes peuvent

ecirctre compris dans une notion plus globalisante dans tous ces cas la question de synonymie peut

ecirctre importante (par exemple avec lrsquoutilisation de bien-ecirctre plutocirct que bien-ecirctre) Certains termes

12 Voir aussi les reacutesolutions subseacutequentes CMS Reacutesolution 98 La reacuteponse au deacutefi des maladies eacutemergentes et reacute-eacutemergentes chez les espegraveces migratrices y compris la grippe aviaire H5N1 hautement pathogegravene 2008 ou CMS Reacutesolution 1022 Maladies de la faune sauvage et espegraveces migratrices 201113 CITES Reacutesolution 911 Utilisation des animaux vivants confisqueacutes appartenant agrave des espegraveces inscrites aux annexes COP9 199414 CITES COP10 Reacutesolution 104 Coopeacuteration et synergie avec la Convention sur la diversiteacute biologique Reacutesolution 1019 Les meacutedecines traditionnelles 1997

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

66

constituent en fait une sous-partie drsquoun thegraveme thegravemes pouvant ecirctre agrave leur tour rassembleacutes sous

des theacutematiques communes Comme nous allons le voir dans le sect4 il arrive qursquoun terme disparaisse

des reacutesolutions des COPs au profit drsquoun terme en fait plutocirct drsquoun thegraveme ou drsquoune theacutematique plus

geacuteneacuteral Crsquoest par exemple ce qui se passe pour le terme laquo Avian Influenza raquo qui nrsquoest plus reacuteem-

ployeacute apregraves 2011 et auquel se substitue la notion beaucoup plus syntheacutetique de laquo One Health raquo

3) Eacuteleacutements drsquoontologie juridique et eacutechelles eacutecologiques

Le suivi de lrsquoapparition de la circulation et de lrsquoeacuteventuelle persistance drsquoune expression parti-

culiegravere peut preacutesenter un inteacuterecirct en soi (par exemple pour les notions de laquo santeacute humaine raquo laquo ap-

proche eacutecosysteacutemique raquo) Mais outre que ce suivi est drsquoune fiabiliteacute relative la cible terminologique

srsquoavegravere souvent trop eacutetroite pour ecirctre repreacutesentative drsquoun thegraveme Si par exemple on srsquointeacuteresse agrave la

prise en compte de la santeacute humaine dans les conventions il serait preacutefeacuterable de consideacuterer comme

synonymes (relation de type laquo est eacutequivalent agrave raquo) les expressions laquo human health raquo et laquo human well-being raquo (voir ci-dessus) ce qui conduirait agrave agreacuteger leurs occurrences (cf Table 2) Si lrsquointeacuterecirct porte sur

la seacutecuriteacute biologique nous pourrions consideacuterer les expressions telles que laquo biosafety framework raquo

laquo national biosafety raquo (ainsi que laquo national biosafety framework raquo) laquo protocol on biosafety raquo ou en-

core laquo biosafety clearing-house raquo et les hieacuterarchiser via des relations ontologiques de type laquo concep-

tuellement plus eacutetroit raquo laquo conceptuellement plus large raquo15 ou de type laquo est une partie de raquo Notre

objectif nrsquoeacutetant de construire ni une ontologie geacuteneacuterale16 ni une ontologie de domaine (par ex onto-

logie leacutegale17 de lrsquoenvironnement18 de la santeacute19) notre approche pragmatique (tendance drsquoailleurs

actuelle20) consiste agrave eacutetablir des laquo micro-ontologies raquo hieacuterarchiseacutees par thegravemes jusqursquoau niveau des

termes complexes nominaux identifieacutes dans notre corpus

Nous distinguons 3 niveaux ontologiques pertinents pour notre analyse celui des termes (et

pour lesquels nous avons preacutesenteacute des reacutesultats dans la section preacuteceacutedente) celui des thegravemes et celui

de la theacutematique Les treize thegravemes que nous avons hieacuterarchiseacutes sous la laquo theacutematique santeacute raquo sont

biodiversiteacute maladies santeacute impact connaissance mortaliteacute pathogegravene processus (eacutecolo-

giques) ressource risque et menace seacutecuriteacute technologie alerte (warning) Chacun de ces mots

nrsquoest pas agrave consideacuterer ici sous lrsquoangle du champ seacutemantique qursquoil couvre dans la langue naturelle

mais comme un label attribueacute agrave une hieacuterarchie drsquoexpressions (que nous appelons micro-ontologie)

issues du corpus que nous analysons Ces thegravemes reprennent et organisent lrsquoensemble des termes

nominaux complexes que nous avons identifieacutes comme eacutetant lieacutes agrave la santeacute dans notre corpus Pour

15 R Boulet laquo Introduction drsquoindices structuraux pour lrsquoanalyse de reacuteseaux multiplexes raquo 2de Conf Modegraveles et lprimeAnalyse des Reacuteseaux Approches Matheacutematiques et Informatique (MIRAMI) Grenoble 19 - 21 oct 2011 httpmarami-2011imagfrdocumentsmarami11_Bouletpdf 16 T R Gruumlber laquo Ontology raquo In the Encyclopedia of Database Systems Liu Ling Oumlzsu M Tamer (Eds) Springer-Verlag Berlin Germa-ny 200917 G Sartor P Casanovas M Biasiotti M Fernaacutendez-Barrera (Eds) Approaches to legal ontologies Theories Domains Methodologies Springer Netherlands 2011 18 E Pafilis S P Frankild J Schnetzer L Fanini S Faulwetter C Pavloudi K Vasileiadou P Leary J Hammock K Schul C S Parr C Arvanitidis and L J Jensen laquo ENVIRONMENTS and EOL identification of environment ontology terms in text and the anno-tation of the Encyclopedia of Life raquo Bioinformatics 31(11) 2015 p 1872ndash1874 doi 101093bioinformaticsbtv04519 R J Fante laquo An ontology of health a characterization of human health and existence raquo Zygon 44 2009 p 65ndash84 doi 101111j1467-9744200900986x20 N Guarino and M Musen laquo Applied ontology the next decade begins raquo Applied Ontology 10 2015 p 1-4

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

67

illustrer notre propos deux micro-ontologies sont preacutesenteacutees en Figure 2 la hieacuterarchie du thegraveme

laquo santeacute raquo et celle du thegraveme laquo maladie raquo Le thegraveme laquo santeacute raquo rassemble les termes relevant de la santeacute

humaine de la santeacute animale et de la santeacute des eacutecosystegravemes Le terme laquo One Health raquo tend aujourdrsquohui

agrave devenir une expression geacuteneacuterique qui recouvre ces trois secteurs de la santeacute mais cette eacutevolution

terminologique et politique eacutemergente21 nrsquoest ni acheveacutee ni encore pleinement eacutetablie et stable Par

suite ce terme est mis au mecircme niveau ontologique que les termes laquo santeacute humaine raquo laquo santeacute ani-

male raquo laquo santeacute des eacutecosystegravemes raquo (et laquo santeacute globale raquo) place qui pourrait changer agrave lrsquoavenir Cer-

tains termes sont regroupeacutes comme synonymes (relation laquo est eacutequivalent agrave raquo) le maintien de leurs

distinctions seacutemantiques nrsquoeacutetant pas utile pour lrsquoanalyse que nous faisons de la transmission de la

circulation et de la pertinence des thegravemes de la santeacute dans les conventions consideacutereacutees

La deacutetermination de ces niveaux ontologiques nous a conduits agrave consideacuterer qursquoils avaient un

lien avec les eacutechelles eacutecologiques Cette intuition provient de lrsquoexploitation de lrsquoanalogie avec lrsquoeacutepi-

deacutemiologie et la dynamique des maladies infectieuses les interactions hocirctes-pathogegravenes varient en

fonction de lrsquoeacutechelle spatiale consideacutereacutee et du temps ce qui a une incidence directe sur la dynamique

des maladies et la persistance des pathogegravenes22

On peut ici comparer lrsquoeacutechelle eacutecologique consideacutereacutee avec les niveaux ontologiques au sens ougrave

les observations et les conditions de lrsquoanalyse vont diffeacuterer en fonction du niveau ontologique exa-

mineacute En effet en eacutecologie la notion drsquoeacutechelle est capitale tant au niveau spatial et temporel qursquoau

niveau de la deacutefinition de lrsquohabitat ou de la repreacutesentation de la structure du vivant23 Crsquoest agrave cette

derniegravere que fait reacutefeacuterence la CBD dans sa deacutefinition de la diversiteacute biologique Elle srsquointeacuteresse agrave la

variabiliteacute des organismes vivants en distinguant la diversiteacute au sein des espegraveces entre espegraveces ou

la diversiteacute des eacutecosystegravemes24 Il est naturel que lrsquoon retrouve lrsquoexpression de cette distinction dans

les niveaux ontologiques puisqursquoils reacutesultent notamment des termes nominaux complexes de la CBD

(convention avec le plus grand nombre de termes identifieacute)

Lrsquointeacuterecirct de ces eacuteleacutements ontologiques est de reacuteveacuteler au juriste une grille drsquoanalyse qui lui per-

mette drsquoeacutelaborer un droit reacuteflexif crsquoest-agrave-dire un droit contenant des proceacutedures drsquoeacutevaluation in-

terne et des modegraveles de deacutecision au sein des institutions qui contribuent agrave reacuteduire les dommages en-

vironnementaux et agrave ameacuteliorer les beacuteneacutefices des deacutecisions prises dans le champ environnemental25

Crsquoest eacutegalement une incitation agrave prendre en compte la notion drsquoeacutechelle dans la deacutefinition du droit

de lrsquoenvironnement qui en ignorant cette question risque de reproduire des solutions adapteacutees agrave

une certaine eacutechelle eacutecologique agrave un autre niveau auquel ces mecircmes solutions produiront des effets

21 C Lajaunie and P Mazzega laquo One Health and Biodiversity conventions The emergence of health issues in Biodiversity conventions raquo IUCN Academy of Environmental Law eJournal Issue 7 2016a 105-121 httpwwwiucnaelorgene-journalcurrent-issue-22 P H Thrall and J J Burdon laquo The spatial scale of pathogen dispersal Consequences for disease dynamics and persistence raquo Evo-lutionary Ecology Research 1 1999 p 681ndash70123 J Martin G Plattner E Porcher R Julliard J Touroult et L Poncet Synthegravese bibliographique des changements drsquoeacutechelles carto-graphiques et des relations eacutecologiques entre les espegraveces et leurs habitats Paris SPN-CESCO-MNHN MEDDE 2014 83 p24 Article 2 de la Convention sur la Diversiteacute biologique deacutefinition de la diversiteacute biologique25 E Orts laquo A reflexive model of environmental regulation raquo Business Ethics Quarterly 5(4) 1995 779-794

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

68

neacutegatifs2627

Dans la perspective de reacutepondre agrave la complexiteacute et agrave la dynamique des systegravemes socio-eacutecolo-

giques il nous apparaicirct essentiel avec J B Rhul28 de deacutevelopper un droit lui-mecircme adaptatif et dy-

namique et qui integravegre de faccedilon iteacuterative les avanceacutees scientifiques

4) Reacuteseaux de transmissioncirculation des thegravemes de la Santeacute

Dans notre corpus quelles sont les sources des termes lieacutes agrave la santeacute Quelles COPs ont le plus

drsquoinfluence pour diffuser ces termes ou au contraire pour les reprendre Selon quel scheacutema srsquoopegravere

la circulation de ces termes Les reacutesolutions de certaines COPs ont-elles plutocirct un rocircle intermeacutediaire

de transmission de termes Les termes lieacutes agrave la santeacute affectent-ils plusieurs conventions Les scheacute-

mas de transmission circulation et persistance des termes lieacutes agrave la santeacute diffeacuterent-ils selon lrsquoeacutechelle

drsquoagreacutegation terminologique ou seacutemantique utiliseacutee pour lrsquoanalyse

Pour reacutepondre agrave ces questions nous produisons et analysons des graphes (reacuteseaux) dont les

sommets sont soit le texte drsquoune des trois conventions soit les reacutesolutions des COPs au total 42

sommets29 Nous proceacutedons ensuite de la maniegravere suivante a) Graphe des termes agrave lrsquoeacutechelle de

reacutesolution des termes (nominaux complexes) nous creacuteons un lien de poids N entre deux COPs si N

termes leurs sont communs ce lien est orienteacute de la COP la plus ancienne vers la COP la plus reacute-

cente b) Graphe des thegravemes agrave lrsquoeacutechelle de reacutesolution des thegravemes un lien est creacuteeacute entre deux COPs

si chacune drsquoelles utilise au moins un terme (pas neacutecessairement le mecircme) de la micro-ontologie du

mecircme thegraveme le lien est pondeacutereacute par le nombre de thegravemes communs Quant agrave lui le niveau de la theacute-

matique santeacute (composeacutee ici de 13 thegravemes distincts) relegraveve plutocirct drsquoune analyse globale (voir Sec5)

et ne requiert pas lrsquoutilisation de graphes

41 Graphe des Termes

Pour lever toute ambiguumliteacute rappelons que crsquoest bien la terminologie des reacutesolutions des COPs

qui est analyseacutee et non le compte rendu exhaustif des travaux des COPs Neacuteanmoins la preacutesence

drsquoun terme speacutecifique dans une reacutesolution atteste bien de lrsquousage de ce mecircme terme dans la COP

consideacutereacutee A ce titre le lien terminologique creacuteeacute entre deux reacutesolutions prises lors de deux COPs

diffeacuterentes est repreacutesenteacute come un lien entre COPs (que nous pouvons aussi consideacuterer comme

un label pour un groupe de textes) La Figure 3A preacutesente les conventions et COPs ordonneacutees par

nombre deacutecroissant de liens sortants (nombre de termes complexes nominaux distincts passant drsquoune

COP source agrave une COP reacuteceptrice) Les COPs de la CBD apparaissent comme les principales sources

de termes lieacutes agrave la santeacute en particulier la COP2 CBD suivie des COP5 et COP7 Fait remarquable la

26 A S Garmestani and M H Benson laquo A framework for resilience-based governance of social-ecological systems raquo Ecology and Soci-ety 18(1) 2013 p 927 G S Cumming laquo Scale mismatches and reflexive law raquo Ecology and Society 18(1) 2013 p 1528 J B Ruhl laquo Thinking of environmental law as a complex adaptive system how to clean up the environment by making a mess of en-vironmental law raquo Houston Law Review vol 34 ndeg 4 1997 p 933-100229 Noter cependant que tous les sommets nrsquoapparaitront pas dans les figures certaines COPs nrsquoeacutetant pas lieacutees aux autres selon les regravegles de construction de nos graphes

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

69

COP2 CBD ne comporte que 5 termes lieacutes agrave la santeacute30 mais ces termes sont repris dans de

nombreuses reacutesolutions des COPs ulteacuterieures et sont donc persistants Le fait que la COP3

CBD se trouve au 6iegraveme rang montre que lrsquoanteacuteceacutedence temporelle nrsquoexplique pas agrave elle

seule ndash au sein de la Convention sur la biodiversiteacute biologique ndash cet ordre Les COPs les

plus reacuteceptrices de termes venant des autres textes sont par ordre deacutecroissant les reacutecentes

COP11 et COP12 CBD la COP11 CMS puis agrave eacutegaliteacute les COP10 CBD et COP10 et COP09 CMS

Les COP8 (2005 1er rang) COP9 (2008 3iegraveme rang) et dans une moindre mesure COP10 (5iegraveme

rang) de la CMS jouent un rocircle preacutepondeacuterant drsquointermeacutediaires comme le montre la Figure 3B ougrave sont

ordonneacutees les COPs par degreacute deacutecroissant drsquointermeacutediariteacute La COP13 CITES (2004) est au 4iegraveme rang

Bien que les COP9 et COP10 CITES comportent de nombreux termes lieacutes agrave la santeacute elles ne jouent

pas le rocircle drsquointermeacutediaires ni celui de sources car leur registre terminologique est resserreacute sur les

notions de grippe (aviaire) de maladies de la faune sauvage ou drsquourgence (emergency) notions peu

ou pas preacutesentes dans les reacutesolutions des autres COPs de la mecircme ou des autres conventions

42 Graphe des Thegravemes

La Figure 4A preacutesente les Conventions et COPs ordonneacutees par nombre deacutecroissant de liens

sortants (nombre de thegravemes distincts passant drsquoune COP source agrave une COP reacuteceptrice) Ce graphe

comporte 27 sommets et 294 liens Ce sont agrave nouveau les reacutesolutions des COPs CBD qui sont source

principale des thegravemes Le rang des COPs est modifieacute par rapport agrave lrsquoordre de la Figure 3A car main-

tenant un thegraveme donneacute est eacutequivalent agrave une liste de termes il suffit qursquoun terme de cette liste ap-

paraisse dans le texte A et un autre de cette mecircme liste dans le texte B pour qursquoexiste un lien entre

eux Le texte de la Convention sur la diversiteacute biologique qui nrsquoavait aucun terme de la theacutematique

santeacute commun avec les reacutesolutions des COPs CBD et celles des autres COPs (Fig3A) se retrouve au

deuxiegraveme rang des textes sources de thegravemes Ce changement indique clairement que lrsquoanalyse terme

agrave terme peut ecirctre drsquoune reacutesolution seacutemantique trop fine pour tracer les liens entre textes et leurs

influences mutuelles le niveau des thegravemes et des micro-ontologies plus inteacutegrateur reflegravete proba-

blement mieux les liens organiques drsquoinfluence entre textes

Notons eacutegalement que si lrsquoon tient compte de la pondeacuteration des liens par le nombre de thegravemes

communs entre COPs ce sont alors les COP6 COP7 et COP5 CBD qui occupent les premiers rangs

non seulement ces COPs veacutehiculent beaucoup de termes mais encore ces termes abordent une

diversiteacute de thegravemes (mais alors la CBD recule de rang) Par ordre deacutecroissant les reacutesolutions des

COPs reacuteceptrices du plus grand nombre de thegravemes sont celles des COP13 et COP10 de la CITES de

la COP11 CMS puis de la COP12 CITES et des COP10 COP9 et COP8 CMS ordre qui ne srsquoexplique

pas par la chronologie des COPs puisque par exemple la COP10 CITES a eu lieu en 1997 (soit avant

les COP4 agrave COP12 CBD)

30 Agrave savoir laquo adequate safety measure raquo laquo effective risk assessment raquo laquo human health raquo laquo human well-being raquo et laquo precautionary ap-proach raquo

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

70

La mecircme structure de graphe est preacutesenteacutee en Figure 4B mais cette fois-ci en ordonnant les COPs

par degreacute deacutecroissant drsquointermeacutediariteacute Ce sont les reacutesolutions des COP3 COP7 COP1 et COP8 CMS

(vient ensuite la COP10 CITES etc) qui laquo passent raquo le plus freacutequemment des thegravemes entre groupes

de COPs Comme observeacute preacuteceacutedemment ce ne sont pas les mecircmes COP CMS que celles qui jouent

un rocircle important drsquointermeacutediaire de termes (comparer avec Fig3B) Pour mesurer lrsquoimportance du

rocircle drsquointermeacutediaire le nombre de thegravemes (ou de termes) nrsquoest pas deacutecisif ainsi les reacutesolutions de la

CO3 CMS ne compte que deux termes tous deux lieacutes au thegraveme des laquo risques et menaces raquo Mais par

ce thegraveme elle relie des groupes de COPs qui sans cela seraient deacuteconnecteacutes les uns des autres

5) Discussion

Nous allons insister ici sur les trois points qui nous semblent essentiels tant pour preacuteciser la

meacutethode que dans la poursuite de notre travail

51 Termes thegravemes ou theacutematique

En ce qui concerne le choix des termes lieacutes agrave la santeacute (ici dans une acception comprenant san-

teacute humaine santeacute animale et santeacute des eacutecosystegravemes) il est important de rappeler que le preacuterequis

majeur reacuteside dans une bonne connaissance du domaine eacutetudieacute pour faire apparaicirctre les mots-cleacutes

couramment employeacutes31

En section 4 nous postulons lrsquoexistence drsquoune sorte de morphisme32 latent entre lrsquoorganisation

hieacuterarchique drsquoune ontologie du domaine de lrsquoenvironnement ou de lrsquoeacutecologie et la connaissance

que nous avons de lrsquoorganisation multi-eacutechelles des constituants physico-chimiques et biologiques

de lrsquoenvironnement en eacutecosystegravemes La mise en lumiegravere drsquoun tel morphisme permettrait drsquoadapter

les cadres cognitifs de la creacuteation leacutegislative (voire ses instruments) agrave la connaissance des systegravemes

que le droit entend reacuteguler La pertinence de ce postulat est renforceacutee par lrsquoobservation suivante

Avec la physique la recherche en eacutecologie a montreacute que lrsquoeacutechelle agrave laquelle un systegraveme est obser-

veacute deacutetermine le paradigme drsquoanalyse le plus approprieacute En dynamique des populations par exemple

les processus (mortaliteacute lieacutee agrave la vieillesse maladies accidents etc) affectant la vie des individus

preacutesentent un caractegravere eacuteminemment aleacuteatoire qui se trouve moyenneacute agrave lrsquoeacutechelle drsquoune population

entiegravere pour laquelle une approche agrave preacutepondeacuterance deacuteterministe est mieux adapteacutee Ce constat

a conduit agrave rechercher quelles sont les laquo eacutechelles intermeacutediaires de deacuteterminisme non trivial33 raquo

ce sont les eacutechelles drsquoobservation auxquelles lrsquoeacutevolution drsquoun systegraveme nrsquoest ni purement aleacuteatoire

(comme la longeacuteviteacute drsquoun individu unique) ni trop simplement stable et preacutedictible (comme lrsquoeacutevolu

31 R S Wagh laquo Knowledge Discovery from Legal Documents Dataset using Text Mining Techniques raquo International Journal of Comput-er Applications Volume 66ndashNo23 2013 p 32-3432 De maniegravere geacuteneacuterale en matheacutematique un morphisme est une fonction ou une opeacuteration permettant de passer drsquoun ensemble E agrave un autre ensemble F tout en laissant intactes les proprieacuteteacutes respectives des deux ensembles 33 M Pascual and S A Levin laquo From individuals to population densities searching for the intermediate scale of nontrivial determin-ism raquo Ecology 80 1999 p 2225ndash2236 M Pascual P Mazzega and SA Levin (2001) laquo Oscillatory dynamics and spatial scale in ecological systems the role of noise and unresolved pattern raquo Ecology 82(8) 2357-2369 httpdxdoiorg1018900012-9658(2001)0825b2357ODAS-ST5d20CO2httpdxdoiorg1018900012-9658(2001)082[2357ODASST]20CO2

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

71

tion deacutemographique drsquoune tregraves large population comptant par exemple des milliards drsquoindividus) A

ces eacutechelles drsquoagreacutegation lrsquoeacutevolution du systegraveme est simplifieacutee sans toutefois perdre les traits essen-

tiels qui la caracteacuterise et pour laquelle existe une meacutethodologie drsquoanalyse bien constitueacutee relevant

drsquoun paradigme scientifique preacutecis

De maniegravere analogue le choix drsquoutiliser un terme speacutecifique par rapport agrave un de ses synonymes dans

un segment de texte (phrase paragraphe etc) revecirct un caractegravere aleacuteatoire qui limite la significativiteacute

de ses occurrences La recherche de nombreux termes atteacutenue ce type de biais Agrave lrsquoautre extreacutemiteacute de

ce que nous pourrions appeler un spectre de reacutesolution seacutemantique le suivi drsquoune theacutematique ndash ici

la santeacute ndash rassemblant tous les deacuteterminants historiques et cognitifs de sa prise en compte dans les

conventions internationales de lrsquoenvironnement tend agrave masquer la varieacuteteacute des vecteurs (pathogegravenes)

et des chemins drsquoune eacutemergence qui finit par srsquoimposer comme eacutevidente Ici lrsquoeacutechelle seacutemantique non

triviale pourrait-ecirctre celle des thegravemes qui constituent autant de composantes drsquoune theacutematique plus

large Par construction les graphes induits par un seul thegraveme sont des graphes complets (tous les

sommets sont lieacutes) dont les liens sont orienteacutes par la succession temporelle des COPs toutes conventions

confondues Par exemple le graphe induit par le thegraveme de la laquo santeacute raquo (voir la micro-ontologie en Fig2A)

comporte les reacutesolutions des dix-neuf COPs suivantes CBDCOP02 agrave COP12 CMSCOP08 agrave COP11

CITESCOP10 agrave COP13 Le graphe induit par le thegraveme des laquo maladies raquo (voir micro-ontologie en

Fig2B) comporte les huit COPs CITESCOP09 COP10 CBDCOP05 COP06 COP07 et CMSCOP08

COP09 COP10 Ainsi le suivi de chaque thegraveme nous permet de deacutecomposer analytiquement la

circulation drsquoune theacutematique drsquoensemble en circulation de ses composantes (thegravemes) De mecircme gracircce

agrave lrsquoorganisation hieacuterarchique des micro-ontologies la circulation drsquoun thegraveme peut ecirctre deacutecomposeacutee

en circulation de ses sous-thegravemes constitutifs (ainsi par exemple santeacute animale santeacute humaine

santeacute des eacutecosystegravemes One Health et santeacute globale pour le thegraveme laquo santeacute raquo Fig2A) et ainsi de suite

ajustant le niveau drsquoanalyse seacutemantique au degreacute de reacutesolution requis par la probleacutematique traiteacutee

52 Limites de lrsquoapplicabiliteacute de modegraveles eacutepideacutemiologiques

Lrsquoanalogie entre circulation de termes ou de thegravemes dans les conventions et circulation de pa-

thogegravenes dans une population sollicite lrsquoimagination et engage agrave rechercher et quantifier des proces-

sus et des dynamiques speacutecifiques (transmission persistance etc) Cependant notre eacutetude montre

que les modegraveles eacutepideacutemiologiques eacutequationnels ne sont pas adapteacutes agrave notre probleacutematique et ceci

pour trois raisons

Premiegraverement nous ne disposons que de 42 textes (Conventions et COPs) Mecircme en eacutelargissant

le corpus analyseacute agrave drsquoautres conventions nous resterions bien en-deccedilagrave des dimensions des systegravemes

eacutepideacutemiologiques geacuteneacuteralement analyseacutes qui comportent des milliers voire des millions drsquoindividus

exposeacutes Ces modegraveles srsquoappliquent avec un certain succegraves agrave la diffusion terminologique lorsque le

nombre drsquoindividus et drsquoeacutevegravenements est tregraves important Par exemple dans leur eacutetude Skaza and

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

72

Blais34 indiquent qursquoau niveau mondial le flux de hashtags est drsquoenviron 500 millions par heure

eacutechangeacutes entre environ 320 millions drsquoutilisateurs de Twitter La trajectoire de circulation de termes

entre conventions ne peut pas ecirctre eacutetablie sur la base drsquoun nombre suffisant drsquoeacutevegravenements pour en

deacutegager les eacuteventuelles reacutegulariteacutes qursquoun modegravele est senseacute reproduire (et expliquer)

Deuxiegravemement comme Salah Brahim et al35 lrsquoont observeacute agrave propos des cascades de citations sur

les blogs les termes eux-mecircmes peuvent eacutevoluer au cours de leur circulation agrave la maniegravere dont les

virus mutent Crsquoest drsquoune certaine faccedilon ce que nous observons lorsque les termes laquo grippe aviaire raquo

et laquo maladie aviaire raquo apparaissent en 2005 avec la COP08 CMS (puis la COP08 CBD en 2006) et sont

ensuite subsumeacutes (opeacuteration ontologique et non eacutepideacutemiologique) agrave un ou plusieurs termes plus geacute-

neacuteriques Nous avons aussi remarqueacute dans un preacuteceacutedent travail36 que le terme de laquo santeacute environne-

mentale raquo apparu dans notre corpus avec la COP2 CBD (1995) tend agrave ecirctre progressivement employeacute

avec celui laquo santeacute des eacutecosystegravemes raquo qui joue le rocircle de synonyme dans la mecircme convention et dans

drsquoautres (CMS CITES Ramsar etc)

Crsquoest probablement agrave cette sorte de mutation que nous assistons avec la diffusion du terme One

Health qui vient maintenant englober sous un seul vocable les notions de santeacute humaine santeacute ani-

male et santeacute des eacutecosystegravemes Cependant cette eacutevolution est probablement aussi lieacutee agrave un troisiegraveme

effet que les modegraveles ne peuvent capturer la circulation et la transmission des termes ne srsquoeffectuent

pas uniquement entre textes des conventions mais aussi via la tenue des Confeacuterences des Parties

et drsquoautres eacutevegravenements auxquels participent les repreacutesentants de nombreuses organisations (e g

UNEP FAO WHO IUCN OIE etc) porteuses de leur culture propre et de leur ontologie singuliegravere37

53 Lrsquointeacutegration de nouvelles sources

Nous devons souligner le fait que les questions de santeacute sont aussi abordeacutees dans drsquoautres textes

qui ne sont pas issus directement des COPs mais de reacuteunions preacuteparatoires ou de comiteacutes scienti-

fiques Ainsi par exemple en ce qui concerne la CITES il est inteacuteressant de noter que le Comiteacute pour

les animaux de la CITES constatant le manque de discussions sur les maladies de la faune sauvage

lors des Confeacuterences des Parties a deacutecideacute drsquoinclure dans sa session de 2012 un point sur les relations

entre le commerce de la faune sauvage et les maladies de la faune sauvage Le comiteacute insiste sur trois

points en lien avec la CITES

laquo a) le commerce international des espegraveces animales sauvages et de leurs produits peut propager

des maladies de la faune sauvage

34 J Skaza and B Blais laquo Modeling the infectiousness of Twitter hashtags raquo Preprint submitted to Physica A 2016 arXiv160300074v1 [csSI] 29 Feb 201635 A Salah Brahim L Tabourier and B Le Grand laquo A data-driven analysis to question epidemic models for citation cascades on the blogosphere raquo Proc of the 7th Intern AAAI Conference on Weblogs and Social Media 2013 httpswwwaaaiorgocsindexphpICWSMhellip6394 36 C Lajaunie and P Mazzega laquo One Health and Biodiversity conventions The emergence of health issues in Biodiversity conventions raquo IUCN Academy of Environmental Law eJournal Issue 7 2016a 105-121 httpwwwiucnaelorgene-journalcurrent-issue-37 C Lajaunie and P Mazzega laquo Organization Networks as Information Integration System Case study on Environment and Health in Southeast Asia raquo ACSIJ Adv Computer Science 5 2016 p 28-39 httpwwwacsijorgacsijarticleview461374

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

73

b) les effets des maladies de la faune sauvage peuvent influencer les deacutecisions de la CITES par

exemple en lrsquoincitant agrave inscrire des espegraveces agrave ses annexes ou agrave eacutemettre des avis de commerce non

preacutejudiciable et

c) les restrictions commerciales prises pour des raisons sanitaires peuvent avoir une incidence

sur les programmes et les projets visant agrave garantir lrsquoutilisation durable des espegraveces sauvages raquo38

Ainsi le compte-rendu de cette session de 2012 preacutecise le mandat du Groupe de travail scienti-

fique pour la santeacute des eacutecosystegravemes et de la faune sauvage39 creacuteeacute par la CMS et dont le Secreacutetariat de

la CITES est un affilieacute cleacute Le contenu de ce mandat deacutetailleacute en annexe est cependant essentiel car il

mentionne que la vision et les objectifs du Groupe de travail reposent sur une approche scientifique

inteacutegreacutee dans le cadre de lrsquoinitiative laquo One Health raquo40

Cet exemple montre que pour avoir une ideacutee plus exhaustive de la circulation des termes de san-

teacute il faudrait sans doute dans un deuxiegraveme temps inteacutegrer les documents provenant de ces comiteacutes

scientifiques qui ont une part importante dans la reacuteflexion en amont des COPs et viennent preacuteciser

le contexte et lrsquoesprit des travaux scientifiques preacuteceacutedant lrsquoadoption des reacutesolutions des COPs

6) Conclusion

Ce travail nous a permis de mettre en eacutevidence le rocircle preacutepondeacuterant de la CBD dans la transmis-

sion des termes de santeacute vers les autres conventions consideacutereacutees degraves son adoption en 1992 La CBD

apparaicirct comme la principale source de transmission des termes de santeacute et lrsquoon peut voir dans le

temps quelles COPs facilitent le plus cette transmission

Il est inteacuteressant de noter que si les termes de santeacute apparaissent drsquoabord sporadiquement dans

la CMS crsquoest la convention qui malgreacute son champ beaucoup plus speacutecifique que la CBD va faciliter

la circulation des termes et thegravemes de santeacute entre conventions ce rocircle drsquointermeacutediaire permet de

relier des groupes de COPs qui nrsquoauraient a priori aucun lien et favorise le renforcement de la visi-

biliteacute des questions de santeacute sur une plus large assise internationale

Enfin en ce qui concerne la persistance des termes de santeacute crsquoest-agrave-dire leur apparition et leur

maintien dans le temps on voit qursquoelle est la plus importante en ce qui concerne la CBD qui men-

tionne des termes de santeacute depuis son adoption sans discontinuer et de faccedilon plus ou moins aiguumle

Pour la CMS crsquoest agrave partir de 2005 que les termes de santeacute deviennent persistants en relation avec

des mesures internationales comme lrsquoadoption du Regraveglement Sanitaire International alors que la

CITES voit apparaicirctre et disparaicirctre les termes de santeacute en fonction des theacutematiques des COPs Re-

marquons tout de mecircme que la prise en compte des travaux des comiteacutes scientifiques comme le Co

38 CITES Vingt-sixiegraveme session du Comiteacute pour les animaux Relations entre commerce et maladies des espegraveces sauvages AC26 Doc 23 (Rev 1) Genegraveve (Suisse) 15 ndash 20 mars 2012 et Dublin (Irlande) 22 ndash 24 mars 2012 sect639 Le document speacutecifie que le Groupe de travail malgreacute son nom le Groupe de travail se concentrera principalement voire entiegraverement sur les animaux40 Le Groupe de travail vise agrave laquo parvenir agrave une meilleure santeacute pour les eacutecosystegravemes la faune sauvage le beacutetail et lrsquohomme en encourageant une approche scientifique inteacutegreacutee dans le cadre de lrsquoinitiative ldquoOne Healthrdquo raquo Lrsquoannexe deacutetaillant le mandat de ce groupe de travail mentionne 6 fois lrsquoexpression laquo One Health raquo sur 5 pages Voir lrsquoannexe du document AC26 Doc 23 (Rev 1) citeacute ci-dessus

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

74

miteacute pour les animaux de la CITES ainsi que montreacute dans lrsquoexemple agrave la fin de la section 5 permet-

trait de modeacuterer ces reacutesultats La santeacute fait bien partie des preacuteoccupations de la CITES notamment

depuis sa participation au Groupe de travail scientifique sur les maladies de la faune sauvage41 en

2011 inviteacute par la CMS

Dans la suite de ce travail nous envisageons donc drsquoeacutetendre lrsquoeacutetude agrave drsquoautres textes que les

Conventions et reacutesolutions CMS CITES et CBD et nous souhaitons eacutelargir lrsquoanalyse agrave drsquoautres conven-

tions telles que la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques la convention

de Ramsar sur les zones humides ou encore la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la deacute-

sertification Comme nous lrsquoavons fait ici lrsquoutilisation de diverses eacutechelles de reacutesolution seacutemantique42

permettra drsquoajuster les techniques de fouille et de suivi agrave la speacutecificiteacute ou au contraire agrave la geacuteneacuteraliteacute des

thegravemes eacutetudieacutes ce qui srsquoavegravere drsquoautant plus neacutecessaire que les domaines environnementaux reacuteguleacutes

(changement climatique biodiversiteacute zones humides etc) sont tregraves diffeacuterencieacutes et que par ailleurs les

conventions peuvent utiliser des vocabulaires vernaculaires (voire des ontologies implicites distinctes)

Nous devrons eacutegalement nous inteacuteresser aux acteurs portant les diffeacuterentes theacutematiques termes

et thegravemes de santeacute afin de deacutegager le rocircle preacutepondeacuterant joueacute par certaines agences onusiennes ou

ONG par exemple43

Remerciements

Nous remercions M Norbert Pariente pour sa relecture critique et ses judicieux commentaires

de notre manuscrit Nous remercions pour leur soutien lrsquoANR GLOB ANR 12-GLOB-0001 Projet

Circulex laquo Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs dans la gouvernance internationale de lrsquoen-

vironnement raquo ndash PI Dr Sandrine Maljean-Dubois (CNRS) et lrsquoANR CPampES ANR 11 CPEL 002 Projet

BiodivHealthSEA laquo Impacts et perceptions locales des changements globaux santeacute biodiversiteacute et

zoonoses en Asie du Sud-Est raquo ndash PI Dr Serge Morand (CNRS CIRAD) LrsquoObservatoire Midi-Pyreacuteneacutees

encourage cette recherche au travers de lrsquoinitiative Environnement Santeacute et Socieacuteteacute dans le cadre

du projet laquo Eacutemergence des questions de santeacute dans les conventions internationales sur lrsquoenvironne-

ment raquo (2016) LrsquoInstitut Ecologie et Environnement (InEE) du CNRS soutient le Reacuteseau Theacutematique

Pluridisciplinaire International RTPI laquoBiodiversiteacute Santeacute et Socieacuteteacutes en Asie du Sud Estraquo Thaiumllande

(PI S Morand CNRSCIRAD) aux travaux duquel cette eacutetude contribue

41 Ce groupe de travail a eacuteteacute rebaptiseacute Groupe de travail scientifique pour la santeacute des eacutecosystegravemes et de la faune sauvage par la Reacutesolution 1022 de la CMS intituleacutee laquo Maladies de la faune sauvage et espegraveces migratrices raquo 201142 Depuis un travail a eacuteteacute reacutealiseacute dans la ligneacutee de la preacutesente eacutetude notamment en gardant la speacutecificiteacute seacutemantique des liens entre COPs au travers drsquoune structure de reacuteseau multiplexe - cf C Lajaunie Mazzega P and R Boulet (2017) Health in Biodiversity-Related Conventions Analysis of a Multiplex Terminological Network (1973-2016) In Big Data in Computational Social Science and Humanities Shu-Heng Chen Ed Springer in press43 Cf P Mazzega and C Lajaunie (2017) Modelling Organisation Networks Collaborating on Health and Environment within ASEAN In Complex Systems Theory and Applications Rebecca S Martinez (Editor) NOVA Publ Hauppauge NY- USA ISBN 978-1-53610-871-2 Chap 5 117-148

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

75

7) Annexe

Pour ce qui concerne la CBD nous utilisons les deacutecisions En effet laquo la Confeacuterence des Parties

est lrsquoorgane directeur de la Convention elle fait progresser la mise en œuvre de la Convention par

des deacutecisions prises lors de ses reacuteunions peacuteriodiques raquo [httpswwwcbdintcop] Les recomman-

dations ndash que nous ne consideacuterons pas dans cette eacutetude - sont proposeacutees par les divers organes tech-

niques avec reacuteunion des parties

Pour la CMS nous analysons les reacutesolutions qui elles-mecircmes incluent les deacutecisions comme le

preacutecise la reacutesolution UNEPCMSResolution 116 sect1

laquo Les reacutesolutions repreacutesentent une deacutecision des Parties adopteacutee lors drsquoune reacuteunion de la Confeacute-

rence des Parties concernant lrsquointerpreacutetation de la Convention ou lrsquoapplication de ses dispositions

Les reacutesolutions sont geacuteneacuteralement destineacutees agrave fournir une orientation de long terme agrave lrsquoeacutegard de la

Convention Les reacutesolutions comprennent des deacutecisions portant sur la faccedilon drsquointerpreacuteter et drsquoap-

pliquer les dispositions de la Convention la creacuteation de comiteacutes permanents lrsquoeacutetablissement de pro-

cessus de long terme et lrsquoeacutetablissement des budgets du Secreacutetariat (hellip) Les deacutecisions repreacutesentent

une deacutecision des Parties adopteacutee lors drsquoune reacuteunion de la Confeacuterence des Parties contenant des re-

commandations aux Parties ou des instructions agrave un comiteacute speacutecifique ou au Secreacutetariat Elles sont

geacuteneacuteralement destineacutees agrave rester en vigueur pendant une courte peacuteriode habituellement jusqursquoagrave ce

qursquoune tacircche particuliegravere ait eacuteteacute acheveacutee raquo

Lrsquointroduction sur le site de la CITES (httpswwwcitesorgengdecintrophp) eacutetablit les dis-

tinctions suivantes

laquo Agrave chacune de ses reacuteunions la Confeacuterence des Parties agrave la CITES considegravere les problegravemes de

mise en œuvre de la Convention et de son efficaciteacute Les reacutesultats de ses deacutelibeacuterations sont sous

forme de recommandations (article XI paragraphe 3) qui sont enregistreacutes soit dans les reacutesolutions

soit dans les deacutecisions de la Confeacuterence des Parties (hellip) Les reacutesolutions sont geacuteneacuteralement destineacutees

agrave fournir une orientation de long terme Les deacutecisions sont drsquoune nature diffeacuterente Typiquement

elles contiennent des instructions agrave un comiteacute speacutecifique ou au Secreacutetariat Cela signifie qursquoelles

doivent ecirctre mises en œuvre souvent pour un temps deacutetermineacute puis devenir obsolegravetes (hellip)Les deacuteci-

sions de la Confeacuterence des Parties nrsquoexistaient pas comme une seacuterie distincte de recommandations

jusqursquoagrave la neuviegraveme reacuteunion de la Confeacuterence des Parties (Fort Lauderdale 1994) La premiegravere liste

des deacutecisions preacutesenteacutee pour adoption lors de cette reacuteunion a eacuteteacute compileacutee agrave partir de toutes les re-

commandations qui avaient eacuteteacute adopteacutees mais nrsquoa pas eacuteteacute enregistreacutee dans les reacutesolutions et agrave partir

des instructions qui avaient eacuteteacute incluses dans les reacutesolutions mais nrsquoavait pas encore eacuteteacute mise en

œuvre Le but eacutetait de rendre ces textes plus accessibles en les compilant dans un seul document raquo

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

76

8) Tables

Table 1 Dates et nombre de reacutesolutions (entre parenthegraveses) des confeacuterences des parties de la

Convention sur le Biodiversiteacute (CBD) de la Convention sur les Espegraveces Migratrices (CMS) et de la

Convention sur le commerce des espegraveces menaceacutees (CITES) analyseacutees dans cette eacutetude Les textes

des Conventions et des reacutesolutions ont eacuteteacute teacuteleacutechargeacutes sur les sites indiqueacutes

CBDhttpswwwcbdint

CMShttpwwwcmsint

CITEShttpscitesorg

Convention 1992 1979 1973COP 01 1994 (13) 1985 (8) 1976 (0)COP 02 1995 (23) 1988 (7) 1979 (1)COP 03 1996 (27) 1991 (8) 1981 (1)COP 04 1998 (19) 1994 (7) 1983 (4)COP 05 2000 (29) 1997 (8) 1985 (2)COP 06 2002 (32) 1999 (10) 1987 (1)COP 07 2004 (36) 2002 (15) 1989 (1)COP 08 2006 (34) 2005 (29) 1992 (4)COP 09 2008 (36) 2008 (20) 1994 (11)COP 10 2010 (47) 2011 (29) 1997 (14)COP 11 2012 (33) 2014 (34) 2000 (15)COP 12 2014 (35) 2002 (8)COP 13 2004 (10)COP 14 2007 (6)COP 15 2010 (1)COP 16 2013 (10)

Table 2 Occurrences des termes lieacutes au thegraveme de la santeacute les plus freacutequents selon les dates des

COPs (ndeg en rouge pour les reacutesolutions des COPs de la CBD en bleu pour celles de la CMS en vert

pour celles de la CITES)

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

77

Figure 1 Nombre (diviseacute par 100) de termes nominaux complexes apregraves filtrage (fcnt en bleu)

et de termes lieacutes au thegraveme de la santeacute (HealthT en rouge) en fonction des dates de publication des

Conventions ou des reacutesolutions des COPs Haut CBD Milieu CMS Bas CITES

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

78

Figure 2 Thegravemes laquo santeacute raquo et laquo maladie raquo preacutesenteacutees sous forme de micro-ontologies (organisa-

tions hieacuterarchiques de termes complexes nominaux issus du corpus) Chacune de ces micro-ontologies

a une profondeur de quatre niveaux la composante drsquoun niveau pouvant ecirctre une classe pour un

niveau infeacuterieur Les termes apparaissant dans une mecircme boite sont consideacutereacutes du point de vue de

notre analyse comme des synonymes (expressions lieacutees par la relation laquo est eacutequivalent agrave raquo)

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

79

Figure 3 Graphe de transmission des termes lieacutes agrave la Santeacute Les sommets sont les Conventions

ou les COPs (avec leur ndeg CBD en vert CMS en mauve CITES en orangeacute) Un lien de poids N

orienteacute selon la flegraveche du temps existe entre COP_x et COP_y si N termes leurs sont communs (lien

non-orienteacute et pointilleacute pour des COPs simultaneacutees) A) Hieacuterarchisation des COPs par nombre deacute-

croissant de liens sortants (non pondeacutereacutes) B) Hieacuterarchisation des COPs par degreacute drsquointermeacutediariteacute

deacutecroissant Les chiffres griseacutes indiquent le rang normaliseacute dans la hieacuterarchisation

A) B)

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

80

Figure 4 Graphe orienteacute de transmission des thegravemes lieacutes agrave la Santeacute Les 27 sommets sont les

Conventions ou les COPs (avec leur ndeg CBD en vert CMS en mauve CITES en orangeacute) Un lien

de poids N orienteacute selon la flegraveche du temps existe entre COP_x et COP_y si N thegravemes leurs sont

communs (lien non-orienteacute et pointilleacute pour des COPs simultaneacutees) Les graphes comptent 294 liens

(non repreacutesenteacutes ici pour alleacuteger les figures) A) Hieacuterarchisation des COPs par nombre deacutecroissant

de liens sortants (non pondeacutereacutes) B) Hieacuterarchisation des COPs par degreacute drsquointermeacutediariteacute deacutecrois-

sant Les chiffres griseacutes indiquent le rang normaliseacute dans la hieacuterarchisation

A) B)

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

81

chapitre 3HFC histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave

lrsquoamendement de Kigali

Hugues Hellio1

Reacutesumeacute

Promus pour la protection de la couche drsquoozone mais relevant des gaz agrave effet de serre les

hydrofluorocarbones offrent une illustration preacutegnante des enjeux de circulations de normes et de

reacuteseaux drsquoacteurs de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement examineacutes par les recherches

CIRCULEX Confronteacute agrave plusieurs oppositions et contradictions le complexe de reacutegimes eacutetabli sur

leur base a longuement peineacute agrave promouvoir une solution juridique adeacutequate Dans cette attente les

enjeux couverts deacutevoilaient lrsquoeacutetat et les potentialiteacutes du droit international de lrsquoenvironnement ainsi

qursquoune conception ouverte aux dialogues de lrsquoarchitecture geacuteneacuterale du droit

Abstract

Promoted to protect the ozone layer but constituting greenhouse gas hydrofluorocarbons

offer pregnant illustration of the issues of legal circulations and actor networks of international

environmental governance examined by CIRCULEX research Facing several oppositions and

contradictions the regime complex established on their basis has long struggled to adequately

promote legal solution In this meantime the covered issues revealed the status and potential of

international environmental law as well as a design open to dialogues of the general architecture of

law

Le monde sans ozone

Deacutetecteacutes aux pocircles terrestres les trous dans la couche drsquoozone ont constitueacute une preacuteoccupation

environnementale extrecircmement importante des anneacutees 1980 Moleacutecule constitueacutee de trois atomes

drsquooxygegravene lrsquoozone (O3) est une substance dont les villes apprennent agrave limiter la concentration dans

leur atmosphegravere par journeacutee chaude et vent faible surtout en reacutegulant la circulation automobile

notamment Affectant la respiration et dangereuse pour la santeacute des populations au niveau du sol

lrsquoozone est indispensable en haute altitude Preacutesente agrave quelques dizaines de kilomegravetres au dessus

du sol lrsquoozone stratospheacuterique forme une couche peu dense qui assure une filtration naturelle des

rayonnements solaires ultra-violets (UVA et UVB) Cette absorption a eacuteteacute et demeure neacutecessaire agrave la

vie sur terre tant de lrsquohomme que de la faune et de la flore

1 Maicirctre de confeacuterences (HDR) de droit public Universiteacute drsquoArtois EA 2471 Centre Droit Eacutethique et Proceacutedures (CDEP) F-59500 Douai France En deacuteleacutegation CNRS 2016 UMR DICE - CERIC Aix-Marseille Universiteacute Working paper reacutealiseacute avec le soutien de lrsquoAgence nationale pour la recherche franccedilaise dans le cadre du projet ltANR-12-GLOB-0001-03 CIRCULEXgt

HFC Histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali

82

Dans les anneacutees 1970 des recherches scientifiques meneacutees en Antarctique ont mis en eacutevidence

une diminution peacuteriodique de lrsquoozonosphegravere au dessus du pocircle Sud Le mecircme constat a suivi pour

le pocircle Nord Entre production naturelle sous lrsquoeffet du rayonnement solaire sur le dioxygegravene (O2)

et deacutecomposition naturelle en son absence lrsquoeacutequilibre dynamique de lrsquoozone stratospheacuterique a eacuteteacute

affecteacute par la preacutesence drsquoautres substances qui deacutetruisent les moleacutecules drsquoozone par le jeu de reacuteac-

tions catalytiques Les substances responsables furent identifieacutees comme eacutetant des composeacutes chloreacutes

produits par lrsquohomme pour ses activiteacutes plus preacuteciseacutement les chlorofluorocarbones (CFC)2 Lrsquoidenti-

fication de la deacutegradation de lrsquoozonosphegravere et de sa cause fut lrsquooccasion drsquoune reacuteaction diplomatique

et juridique internationale

La solution Vienne-Montreacuteal

Fondeacutee sur les expertises scientifiques la reacuteaction de la communauteacute internationale pour la

protection de la couche drsquoozone est encore salueacutee comme un exemple historique de rapiditeacute et drsquoef-

ficaciteacute3

Le 22 mars 1985 est signeacutee la Convention de Vienne sur la protection de la couche drsquoozone

(Convention de Vienne) Adopteacutee sous lrsquoeacutegide du Programme des Nations Unies pour lrsquoenvironne-

ment (PNUE) cette convention-cadre eacutetablit une obligation geacuteneacuterale de prendre des mesures ap-

proprieacutees pour proteacuteger la santeacute humaine et lrsquoenvironnement contre les effets neacutefastes reacutesultant

ou susceptibles de reacutesulter des activiteacutes humaines qui modifient ou sont susceptibles de modifier

la couche drsquoozone (art 2) Surtout degraves le 16 septembre 1987 avant mecircme lrsquoentreacutee en vigueur de la

convention-cadre les Parties adoptent sur son fondement le Protocole de Montreacuteal relatif agrave des subs-

tances qui appauvrissent la couche drsquoozone (Protocole de Montreacuteal) Entreacute en vigueur le 1er janvier

1989 ajusteacute et amendeacute respectivement agrave six4 et agrave quatre5 reprises depuis le Protocole de Montreacuteal

cible preacuteciseacutement les CFC (art 2A) et les autres substances responsables de la deacutegradation de la

couche drsquoozone Son dispositif planifie lrsquointerdiction de production et de commercialisation de ces

substances sauf besoin impeacuterieux et en tenant compte de la situation particuliegravere des pays en deacuteve-

loppement (art 5)

La solution Vienne-Montreacuteal eacutetablit un reacutegime juridique international agrave lrsquoarchitecture

sophistiqueacutee Baseacute sur des obligations et commandements simples de marcheacute (limitation et prohibition

de production drsquoexportation drsquoimportation des substances consideacutereacutees entre les Parties et avec

les pays tiers) le reacutegime ozone promeut une coopeacuteration internationale empreinte drsquoinformation

et de transparence Il est en outre pourvu drsquoun meacutecanisme financier et drsquoincitation au transfert de

2 Inventeacutes dans les anneacutees 1930 les CFC ont eacuteteacute abondamment produits par lrsquoindustrie agrave partir des anneacutees 1950 en raison de leurs proprieacuteteacutes (ininflammables stables et inertes compressibles non solubles et peu oneacutereux agrave fabriquer) et de leur apparente innocuiteacute environnementale Ils eacutetaient principalement utiliseacutes dans lrsquoindustrie du froid comme agents dispersants et gaz propulseurs des bombes aeacuterosols et des mousses syntheacutetiques comme steacuterilisants et solvants de lrsquoindustrie eacutelectronique ou comme agents extincteurs3 Voy not K Litfin Ozone Discourses Science and Politics in Global Environmental Cooperation Columbia University Press 1994 257 p R E Benedick Ozone Diplomacy New Directions in Safeguarding the Planet Harvard University Press Cambridge 1998 (eacuted eacutelargie) 480 p O Yoshida The international legal reacutegime for the protection of the stratospheric ozone layer international law international reacutegimes and sustainable development Kluwer The Hague 2001 403 p D Kaniaru (ed) The Montreal Protocol celebrating 20 years of environmental progress ozone layer and climate protection Cameron May London 2007 355 p4 Lrsquoajustement du Protocole de Montreacuteal (art 2 sect 9) permet agrave ses Parties de reacutepondre rapidement aux nouvelles informations scientifiques et de parvenir agrave un accord pour acceacuteleacuterer les reacuteductions des volumes de la production et de la consommation des substances deacutejagrave reacuteglementeacutees par le Protocole Les ajustements sont automatiquement applicables agrave tous les pays qui ont ratifieacute le Protocole5 Amendement de Londres (1990) de Copenhague (1992) de Montreacuteal (1997) et de Beijing (1999)

Hugues HELLIO

83

technologies au profit des Parties dont la situation particuliegravere le requiert Surtout il est doteacute drsquoun

meacutecanisme original de controcircle du non-respect inspireacute de la theacuteorie de la compliance qui a fait eacutecole

aupregraves de nombreux autres accords environnementaux multilateacuteraux Le reacutegime ozone a ainsi acquis

une vitaliteacute institutionnelle forte Elle se mesure agrave lrsquoaune des centaines de deacutecisions prises lors de

ses reacuteunions annuelles ainsi qursquoagrave lrsquoengagement de 197 Parties agrave son entreprise conventionnelle qui

atteint en 2009 la ratification universelle pour la premiegravere fois de lrsquohistoire de lrsquoOrganisation des

Nations Unies

Si la crainte drsquoune disparation complegravete de la couche drsquoozone nrsquoest plus de mise son eacutevolution

aux pocircles reste preacuteoccupante et sous surveillance La couche drsquoozone pourrait retrouver son eacutetat de

1980 au deacutebut de la seconde moitieacute du XXIe siegravecle Les reacutesultats obtenus en la matiegravere sont direc-

tement imputables agrave la mise au ban mondiale des CFC et des autres substances ozonicides Symeacute-

triquement ce bannissement est alleacute de pair avec la promotion drsquoautres moleacutecules aux proprieacuteteacutes

industrielles et drsquousages comparables mais qui srsquoavegraverent non nocives pour lrsquoozone Au premier rang

de ces substances regravegnent les hydrofluorocarbones (HFC)

Les enjeux des HFC

Les hydrofluorocarbones sont utiliseacutes en remplacement des CFC et des autres substances qui

appauvrissant la couche drsquoozone sont en voie drsquoeacutelimination au titre du reacutegime ozone Pour autant

leur consideacuteration ne se limite pas agrave ce reacutegime juridique Les HFC sont aussi pris en compte par

drsquoautres reacutegimes juridiques de protection internationale de lrsquoenvironnement Les HFC integravegrent

donc une pluraliteacute de reacutegimes juridiques internationaux qui deacuteveloppent des interactions6 et qui

par lagrave mecircme forment un complexe de reacutegimes7 Surtout la logique de consideacuteration des HFC par

ces autres reacutegimes est diameacutetralement opposeacutee agrave celle qui preacutevalait dans le reacutegime ozone Y prime la

recherche drsquoeacutelimination des HFC plutocirct que ce qui put ecirctre celle de leur promotion

Srsquoils sont sans effet sur lrsquoozone les HFC sont de tregraves puissants gaz agrave effet de serre entre 14 000 et

23 000 fois supeacuterieur au dioxyde de carbone (CO2) et leurs eacutemissions augmenteraient de 7 agrave 9 par

an Leur effet potentiel sur le climat serait ainsi consideacuterable Le retrait mondial des HFC permettrait

drsquoinfleacutechir la courbe du reacutechauffement de 05 degC drsquoici agrave 2050 Seraient en jeu 100 milliards de tonnes

6 Les interactions de reacutegimes qursquoelles soient verticales ou comme ici horizontales entre plusieurs reacutegimes eacutetablis au niveau international ont eacuteteacute analyseacutees notamment par Oran R Young Voy O R Young The institutional dimension of environmental change fit interplay and scale MIT Press Cambridge 2002 237 p speacutec pp 83-138 O R Young L A King et H Schroeder (ed) Institutions and environmental change principal findings applications and research frontiers MIT Press Cambridge 2008 400 p speacutec Th Gehring et S Oberthuumlr laquo Interplay Exploring Institutional interaction raquo pp 187-223 S Oberthuumlr et O S Stokke (ed) Managing Institutional Complexity Regime Interplay and Global Environmental Change MIT Press Cambridge 2011 376 p7 Pour J-F Morin laquo [p]arce que le nombre de reacutegimes internationaux est en constante augmentation et que chacun eacutevolue en prenant de lrsquoexpansion certains finissent par se chevaucher Il se creacutee alors des constellations de reacutegimes lieacutes les uns aux autres que lrsquoon appelle laquo complexes de reacutegimes laquo Les diffeacuterents reacutegimes qui composent un complexe peuvent se faire concurrence deacutevelopper des synergies ou encore entrer en conflit raquo cf J-F Morin laquo Les reacutegimes internationaux de lrsquoenvironnement raquo CERISCOPE Environnement 2014 lthttpceriscopesciences-pofrenvironnementcontentpart3les-regimes-internationaux-de-l-environnement consulteacutee le 161016gt Voy aussi A Orsini J-F Morin et O R Young laquo Regime complexes A buzz a boom or a boost for global governance raquo Global Governance A Review of Multilateralism and International Organizations 2013-1 vol 19 pp 27-39

HFC Histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali

84

drsquoeacutequivalents CO2 crsquoest-agrave-dire dix fois plus que les objectifs fixeacutes par le Protocole de Kyoto8

Sans surprise le reacutegime international du climat construit en 1992 sur la base de la Conven-

tion-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a eacuteteacute saisi de la question

des HFC Plus preacuteciseacutement le Protocole de Kyoto de 1997 vise six gaz9 dont les HFC qui sont comp-

tabiliseacutes dans les eacutemissions de gaz agrave effet de serre et sujets agrave reacuteduction pour les Parties lieacutees par des

obligations chiffreacutees La question des HFC est en outre profondeacutement enracineacutee dans les dispositifs

du reacutegime climat Elle se retrouve par exemple au cœur des modaliteacutes et des financements du Meacute-

canisme de deacuteveloppement propre (MDP) du Protocole de Kyoto avec de surcroicirct les controverses

drsquoapplication lieacutees au HFC-2310 Reste qursquoen consideacuteration du champ drsquoapplication du Protocole de

Kyoto les reacutesultats obtenus pour les HFC sont tout aussi deacutecevants que ceux de lrsquoensemble du Pro-

tocole Ils laissent perdurer une situation fort dommageable pour le climat

Sans devoir constater lrsquoexistence drsquoengagements internationaux contradictoires au sens strict

le traitement reacuteserveacute aux HFC relevait de logiques antagonistes promus dans le reacutegime ozone ils

doivent ecirctre limiteacutes si ce nrsquoest proscrits dans le reacutegime climat

Le reacutegime ozone nrsquoest pas resteacute insensible au problegraveme poseacute par les HFC pour le climat Au

contraire degraves 1990 la deuxiegraveme Reacuteunion des Parties au Protocole de Montreacuteal a prieacute son Groupe de

lrsquoeacutevaluation scientifique drsquoinclure dans ses travaux une eacutevaluation du laquo potentiel de reacutechauffement

de la planegravete des produits chimiques de remplacement (par exemple HCFC et HFC) des substances

reacuteglementeacutees raquo11 Si les anneacutees suivantes nrsquoont pas deacutementi la preacuteoccupation preacutecoce affirmeacutee par le

reacutegime ozone aucun amendement sur le sort des HFC nrsquoeacutetait parvenu agrave eacutemerger

En marge de la voie multilateacuterale de protection de lrsquoenvironnement (reacutegime ozone et reacutegime

climat) drsquoautres initiatives sont apparues pour apporter une solution agrave la question des HFC for-

mant et formalisant en cela davantage le complexe de reacutegimes lieacutes aux HFC Les approches pluri- et

bilateacuterale doivent ecirctre signaleacutees Elles doivent beaucoup aux Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique Deacutejagrave quelques

semaines avant le G20 de Saint-Peacutetersbourg en 2013 les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et la Chine sont

convenus drsquoun accord portant preacuteciseacutement sur la reacuteduction des eacutemissions des HFC12 Au terme de

cette reacuteunion du G20 de septembre 2013 les chefs drsquoEacutetat et de gouvernement ont deacuteclareacute

laquo Nous encourageons eacutegalement les initiatives suppleacutementaires dans le cadre drsquoapproches multi-lateacuterales qui preacutevoient lrsquoutilisation de lrsquoexpertise et des institutions du Protocole de Montreacuteal afin de

8 Eacuteleacutements repris de S Maljean-Dubois et M Wemaeumlre laquo Lrsquoaccord agrave conclure agrave Paris en deacutecembre 2015 une opportuniteacute pour laquodeacuteraquofragmenter la gouvernance internationale du climat raquo RJE 2015-4 speacutec p 661 Pour plus drsquoeacuteleacutements chiffreacutes voy PNUE HFCs A Critical Link in Protecting Climate and the Ozone Layer UNEP 2011 36 p disp agrave lrsquoadresse ltwwwuneporgdewaPortals67pdfHFC_reportpdf consulteacutee le 161016gt9 Selon lrsquoannexe A du Protocole de Kyoto toute aussi importante que lrsquoAnnexe I de la CCNUCC qui deacutefinit les Parties lieacutees par des obligations chiffreacutees de reacuteduction ces gaz sont le dioxyde de carbone (CO

2) le meacutethane (CH

4) lrsquooxyde nitreux (N

2O) les hydrofluorocarbones

(HFC) les hydrocarbures perfluoreacutes (PFC) et lrsquohexafluorure de soufre (SF6)

10 Voy R de Rafael laquo Lrsquoimpact des dispositifs institutionnels sur lrsquoeacutevolution des meacutecanismes de projet eacutetude de cas du Meacutecanisme de Deacuteveloppement Propre raquo11 CR 2 PM Groupes drsquoeacutevaluation deacutecision II13 27ndash29 juin 199012 laquo China-US Agreement on Phase Down of Potent Greenhouse Gases raquo Communiqueacute de presse de la Maison Blanche 8 juin 2013 lthttpiipdigitalusembassygovstenglishtexttrans20130620130608275762htmlCPrss=trueaxzz2Vf1q WCLe consulteacutee le 161016gt Voy aussi ltwwwjournaldelenvironnementnetarticleaccord-sino-americain-sur-les-hfc35037 consulteacutee le 161016gt

Hugues HELLIO

85

reacuteduire progressivement la production et la consommation drsquohydrofluorocarbones en examinant les alternatives eacuteconomiquement viables et techniquement faisables Nous continuerons drsquoinclure les hy-drofluorocarbones dans le champ de la CCNUCC et du Protocole de Kyoto concernant la comptabiliteacute et la deacuteclaration des niveaux drsquoeacutemission raquo13

Surtout degraves deacutebut 2012 les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique ont avec le Canada le Bangladesh le Mexique

la Suegravede et le Ghana notamment lanceacute une initiative originale de lutte contre les gaz agrave effet de serre

agrave courte dureacutee de vie parmi lesquels figurent les HFC Sous le nom de Coalition pour le climat et lrsquoair pur (CCAC) il srsquoagit drsquoun reacutegime international multiniveaux et ouvert qui reacuteunit aujourdrsquohui sur un

pied drsquoeacutegaliteacute formelle cinquante Eacutetats seize organisations intergouvernementales et quarante-cinq

organisations non-gouvernementales En outre la CCAC est non obligatoire et non contraignante

puisque laquo [l]a participation agrave la Coalition est volontaire et chaque partenaire deacutetermine individuel-

lement la nature de sa participation Aucune obligation leacutegalement contraignante ne deacutecoulera de ce

cadre ni entre ni parmi les partenaires raquo14

La CCAC nrsquoest pas une initiative de marginalisation du systegraveme onusien Au contraire crsquoest la

division de la technologie de lrsquoindustrie et de lrsquoeacuteconomie du Programme des Nations Unies pour

lrsquoenvironnement (PNUE) baseacutee agrave Paris qui en assure le secreacutetariat Or le PNUE assure deacutejagrave le secreacute-

tariat du reacutegime ozone et le reacutegime climat relegraveve de la famille onusienne Autant de ferments com-

muns pour conduire le Secreacutetaire geacuteneacuteral des Nations Unies agrave promouvoir lors du Sommet 2014 sur le Climat ndash Acceacuteleacuterer lrsquoaction qursquoil organisa une initiative concernant les hydrofluorocarbures en

lien explicite avec la CCAC15

A cette lumiegravere il est malvenu de penser que la question des HFC est deacutelaisseacutee A lrsquoinverse plu-

sieurs reacutegimes internationaux la considegraverent certains incidemment drsquoautres speacutecifiquement cer-

tains constitueacutes dans la plus pure tradition juridique internationale de lrsquoapregraves-seconde Guerre mon-

diale drsquoautres sur la base des eacutevolutions les plus reacutecentes de gouvernance mondiale et des sciences

humaines juridiques et sociales Les HFC ont eacuteteacute un eacuteleacutement majeur de formation du complexe de

reacutegimes Crsquoest par la question climatique qursquoils posent que ce complexe de reacutegimes srsquoest eacutetabli tous

les reacutegimes partagent la charge drsquoy apporter une reacuteponse

La recherche de la meilleure solution agrave apporter aux HFC a susciteacute la creacuteation drsquoun complexe

de reacutegimes En cela le rocircle des HFC est deacuteterminant et sans doute plus visible ndash antagonisme des

13 Deacuteclaration des chefs drsquoEacutetat et de gouvernement du G20 Sommet de Saint-Peacutetersbourg 5-6 septembre 2013 sect 101 14 Art 3 e) et f) du Cadre de la coalition pour le climat et lrsquoair pur pour reacuteduire les polluants climatiques de courte dureacutee de vie doc HLASEP20144A approuveacutee par lrsquoAssembleacutee de Haut Niveau le 22 septembre 2014 disponible ainsi que les informations compleacutementaires agrave lrsquoadresse lthttpccacoalitionunepecedityphonnetfr consulteacutee le 161016gt15 Lrsquoinitiative prend la forme du Joint Statement Phasing Down Climate Potent HFCs soutenu par une trentaine drsquoEacutetats et de plus nombreuses organisations intergouvernementales et non gouvernementales Elle est un soutien agrave un amendement de reacuteduction de la production et de la consommation des hydroflurorocarbones dans le cadre du Protocole de Montreacuteal se reacutefeacuterant ainsi mais deacutepassant aussi nettement lrsquoaffirmation timoreacutee par les chefs drsquoEacutetat et de gouvernement lors du Sommet de Rio +20 selon laquelle ils se deacuteclaraient laquo conscients que lrsquoeacutelimination graduelle des substances appauvrissant la couche drsquoozone entraicircne un rapide accroissement de lrsquoutilisation drsquohydrofluorocarbones et du rejet dans lrsquoatmosphegravere de ces substances qui ont un fort potentiel de reacutechauffement de la planegravete [et] favorables agrave une reacuteduction progressive de la consommation et de la production drsquohydrofluorocarbones raquo Lrsquoavenir que nous voulons doc ARES66288 speacutec sect 222 Voy Phasing Down Climate Potent HFCs Action Statement and Plan disp agrave lrsquoadresse lthttpwwwunorgclimatechangesummitwp-contentuploadssites2201407INDUSTRY-Phasing-Down-Climate-Potent-HFCs-Action-Statement-and-Planpdf consulteacutee le 161016gt

HFC Histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali

86

approches ndash que ce que la circulation des normes et reacuteseaux drsquoacteurs peut laisser percevoir par ail-

leurs dans la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement Choyeacutes dans le reacutegime ozone les HFC

ont circuleacute jusqursquoau reacutegime climat ougrave ils sont particuliegraverement craints La proximiteacute theacutematique des

deux reacutegimes nrsquoest sans doute pas eacutetrangegravere agrave cette circulation ni agrave la consideacuteration plurielle qui en

reacutesulte et qui formalise les interactions du complexe de reacutegimes Relativement visible ce processus

de formation de complexe ne doit pas occulter lrsquoexistence drsquoautres eacuteleacutements en circulation qui en

partagent les effets

Circulations et formation de complexe

Peu porteacutees jusqursquoagrave reacutecemment agrave examiner les reacuteseaux drsquoacteurs les sciences juridiques ont sans

nul doute pris en compte le pheacutenomegravene de circulation des normes entre ordres juridiques16 Ainsi

le droit international de lrsquoenvironnement et la gouvernance y affeacuterente offrent un terrain drsquoanalyse

suppleacutementaire et aux speacutecificiteacutes accrues pour consideacuterer les enjeux couverts par les circulations

de normes et les reacuteseaux drsquoacteurs entre reacutegimes internationaux susceptibles de constituer des com-

plexes

Sans signalement preacutealable les normes et acteurs en circulation dans les complexes de reacutegimes

du droit international de lrsquoenvironnement peuvent se deacutecouvrir au hasard de lrsquoexamen Parfois pres-

sentie mais pas neacutecessairement attendue en un reacutegime donneacute lrsquoidentification preacutecise drsquoune circula-

tion est difficile tout comme celle de ses effets sur le reacutegime investi ou inversement celle des effets

de ce reacutegime sur les normes et acteurs en circulation En effet lrsquoexamen peut laisser deacutecouvrir al-

ternativement ou cumulativement lrsquoorigine de lrsquoeacuteleacutement en circulation ndash son reacutegime de deacutepart ndash sa

nature et sa force juridique y compris sa normativiteacute et sa porteacutee normative les difficulteacutes de circu-

lation rencontreacutees entre reacutegimes juridiques et leurs conseacutequences y compris en termes normatifs agrave

savoir une reproduction agrave lrsquoidentique dans un nouveau reacutegime une porteacutee accrue ou un gauchisse-

ment voire une novation De nombreux et complexes cas de figure se preacutesentent

Lrsquoeacuteleacutement en circulation peut relever des questions juridiques deacutetermineacutees comme la reacuteglemen-

tation des HFC Il peut aussi ecirctre une theacutematique plus large telle la protection de lrsquoenvironnement

dans les reacutegimes internationaux en charge du commerce mondial17 ou la santeacute dans les reacutegimes

relatifs agrave la biodiversiteacute18 Dans de tels cas que ce soit un thegraveme de reacuteglementation ou un domaine

implicite de compeacutetence la qualification drsquoobjet juridique peut paraicirctre pertinente Il reste que les

eacuteleacutements en circulation dans la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement peuvent tout autant

ecirctre de plus strictes normes juridiques voire des acteurs de cette gouvernance

Des normes juridiques circulent dans les complexes de reacutegimes du droit international de

16 Le droit compareacute analyse principalement ces aspects sous lrsquoangle des emprunts ou transferts juridiques des fertilisations croiseacutees et hybridations voy M-C Ponthoreau Droits constitutionnels compareacutes Economica Paris 2010 speacutec pp 143-17017 Voy J-F Morin et M Rochette laquo Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et diffusion raquo infra p 3718 Voy Cl Lajaunie et P Mazzega laquo Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute dans les Conventions internationales lieacutees agrave la biodiversiteacute raquo infra p 61

Hugues HELLIO

87

lrsquoenvironnement A lrsquoinstar des speacutecificiteacutes connues de cette branche du droit international ces

normes ne revecirctent pas toutes les qualiteacutes attendues par la science juridique Certaines relegravevent

davantage du concept la chose est connue19 Srsquoimpose alors le qualificatif de soft law et avec lui

les incertitudes quant aux effets juridiques de la circulation Crsquoest le cas par exemple des objectifs

drsquoAichi20 Il nrsquoen va pas tregraves diffeacuteremment de la reacutefeacuterence aux droits de lrsquohomme dans le preacuteambule

de lrsquoAccord de Paris sur le climat Mais le degreacute de normativiteacute de lrsquoeacuteleacutement en circulation peut

aussi ecirctre plus eacuteleveacute comme en teacutemoigne deacutejagrave lrsquoapproche de preacutecaution promue par le processus

de Kobeacute dans les travaux des diffeacuterentes commissions en charge de la gestion internationale des

thonideacutes21 Plus lrsquoexpeacuterience et lrsquoacquis de ladite norme sont grands dans les reacutegimes internationaux

plus celle-ci est connue et ses meacuterites reconnus et plus sa reacuteception dans un reacutegime tiers pourra

ecirctre appreacutecieacutee voire rechercheacutee Crsquoest moins le cas des normes primaires deacutefinies initialement et

speacutecialement par chaque reacutegime au regard de ses fins que des normes proceacutedurales Ces derniegraveres

promeuvent des proceacutedures varieacutees telles par exemple celles dites de transparence22 de recours

aux experts des meacutecanismes de compliance voire mecircme de plaintes23 Leur circulation semble plus

aiseacutee et reacuteguliegravere mecircme si aucune garantie ne peut ecirctre apporteacutee quant aux effets juridiques de

la circulation sur lrsquointeacutegriteacute de la proceacutedure ou sur le fonctionnement du reacutegime Une adaptation

heureuse ou regrettable est somme toute toujours de mise lors de leur reacuteception dans un nouveau

reacutegime et la chose se reacutepegravete lors drsquoune circulation conseacutecutive vers un autre reacutegime

Des acteurs de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement circulent aussi au sein des

complexes de reacutegimes Eu eacutegard au caractegravere intereacutetatique des reacutegimes consideacutereacutes ces acteurs sont

en premier lieu les Eacutetats Parties de ces reacutegimes En fonction drsquointeacuterecircts nationaux propres ils peuvent

adopter dans un reacutegime donneacute une strateacutegie active ou plus reacuteserveacutee tisser des alliances durables

ou de circonstances qui perdurent dans un autre reacutegime ou sont sans lendemain Mais les acteurs

de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement ne sont pas seulement eacutetatiques Ils peuvent

aussi ecirctre une des nombreuses autres parties prenantes dont la circulation dans les complexes de

reacutegimes produit ou non des effets affecte ou non tel ou tel reacutegime Crsquoest le cas notamment des

organisations internationales comme la Banque mondiale et son rocircle drsquoacheteur des creacutedits carbone

internationaux ainsi que des acteurs priveacutes qui y ont un inteacuterecirct substantiel24 et des organisations

non-gouvernementales par exemple dans les reacutegimes biodiversiteacute et climat25 Il peut bien

eacutevidemment aussi srsquoagir de personnes physiques Le point ne doit pas ecirctre neacutegligeacute tant lrsquoexpeacuterience

19 H Ruiz Fabri et L Gradoni (dir) La circulation des concepts juridiques le droit international de lrsquoenvironnement entre mondialisation et fragmentation SLC Paris 2009 575 p20 Voy G Futhazar laquo La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute le cas de la CITES de la CDB et du fond pour lrsquoenvironnement mondial raquo supra p 9521 Voir S Gambardella laquo Le processus de Kobeacute Un vecteur de circulation des normes et des acteurs dans un contexte de gouvernance internationale fragmenteacutee raquo supra p 14722 Voy A-S Tabau laquo La transparence de la finance climat de la circulation du principe agrave la circulation de ses modaliteacutes drsquoapplication raquo supra p 16523 Voy V Richard laquo Emprunts speacutecificiteacutes et articultations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte du Fonds Vert pour le Climat raquo supra p 187 24 Voy D Compagnon Y Montouroy A Orsini et R de Rafael laquo Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en œuvre des normes de gouvernance environnementale agrave lrsquoeacutechelle internationale raquo supra p 117 25 Voy M Hrabanski laquo Cartographie des acteurs contestataires des reacutegimes biodiversiteacute et climat raquo Working paper CIRCULEX ndeg 5 non pub

HFC Histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali

88

et le parcours professionnels de celles-ci au sein drsquoun complexe de reacutegimes peut leur confeacuterer une

influence eacuteleveacutee dans lrsquoun de ces reacutegimes Il peut srsquoagir tant des diplomates des fonctionnaires

internationaux que des consultants universitaires experts lobbyistes opposants ou militants drsquoONG

La cartographie complegravete des circulations de normes et des reacuteseaux drsquoacteurs dans leur varieacuteteacute

juridique ou personnelle dans lrsquohistoire et la diversiteacute des reacutegimes ainsi qursquoen fonction des effets

normatifs produits sur la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement reste eacutevidemment agrave eacuteta-

blir Chaque fragment proposeacute demeure toutefois preacutecieux pour la compreacutehension de lrsquoensemble

La gestion concerteacutee

Les sciences environnementales ont largement eacutetabli lrsquoimpeacuteratif de gestion concerteacutee fondeacutee

sur la coopeacuteration de toutes les parties inteacuteresseacutees agrave la cause consideacutereacutee De mecircme les interactions

conflictuelles entre reacutegimes internationaux ne trouveraient de solution juridique que dans la coopeacute-

ration de leurs institutions et de leurs Parties respectives agrave mecircme drsquoidentifier un compromis politi-

quement acceptable par tous La question des HFC en offre une preacutegnante illustration

Les HFC ont principalement braqueacute les regards et les attentions sur le reacutegime ozone Celui-ci ne

manque pas de deacuteveloppements reacuteguliers et de marques drsquoune concertation avec le reacutegime climat

Degraves 1998 le reacutegime ozone salue lrsquoadoption du Protocole de Kyoto qui vise les HFC et la deacutecision de

la quatriegraveme Confeacuterence des Parties de la CCNUCC qui invite les Parties les organismes compeacutetents

relevant du Protocole de Montreacuteal le Groupe drsquoexperts intergouvernemental sur lrsquoeacutevolution du cli-

mat (GIEC) les organisations intergouvernementales et non-gouvernementales agrave communiquer agrave

son secreacutetariat des informations sur les moyens disponibles ou susceptibles de le devenir pour limiter

les eacutemissions drsquohydrofluorocarbones26 Le reacutegime ozone srsquoen fait lrsquoeacutecho par une deacutecision symeacutetrique

reconnaissant le potentiel eacuteleveacute de reacutechauffement planeacutetaire des HFC et en demandant aux organes

compeacutetents du Protocole de Montreacuteal de fournir agrave son secreacutetariat les renseignements pertinents sur les

HFC drsquoorganiser un atelier avec le GIEC qui aidera les organes de la CCNUCC ainsi que de continuer agrave

rassembler les informations sur lrsquoeacuteventail complet des solutions de remplacement et de coopeacuterer avec

les organes compeacutetents du reacutegime climat27 En 2002 lrsquoappel du reacutegime climat agrave une concertation plus

pousseacutee passe par lrsquoinvitation faite au GIEC et au Groupe de lrsquoeacutevaluation technique et eacuteconomique du

Protocole de Montreacuteal agrave eacutetablir un rapport speacutecial unique inteacutegreacute et eacutequilibreacute renfermant des infor-

mations scientifiques et techniques ainsi que des informations propres agrave faciliter la prise de deacutecision28

26 COP 4 CCNUCC Relations entre les efforts faits pour proteacuteger la couche drsquoozone stratospheacuterique et les efforts faits pour preacuteserver le systegraveme climatique mondial questions touchant les hydrofluorocarbones et les hydrocarbures perfluoreacutes Deacutecision 13CP4 11 novembre 1998 Doc FCCCCP199816Add1 p 51 speacutec sect 2 La mecircme deacutecision encourage le GIEC et le Groupe de lrsquoeacutevaluation technique et eacuteconomique relevant du Protocole de Montreacuteal agrave organiser en 1999 un atelier qui aiderait le SBSTA agrave reacuteunir des informations sur les moyens disponibles ou susceptibles de le devenir pour limiter les eacutemissions drsquohydrofluorocarbones27 RP 10 PM Lrsquoapplication du Protocole de Montreacuteal dans le contexte du Protocole de Kyoto Deacutecision X16 23-24 novembre 199828 COP 8 CCNUCC Relations entre les efforts faits pour proteacuteger la couche drsquoozone stratospheacuterique et les efforts faits pour preacuteserver le systegraveme climatique mondial questions touchant les hydrofluorocarbones et les hydrocarbures perfluoreacutes Deacutecision 12CP8 1er novembre 2002 doc FCCCCP20027Add1 p 32

Hugues HELLIO

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Le reacutegime ozone nrsquoa sans doute pas fait preuve de mauvaise volonteacute dans le traitement commun

des HFC Pour autant quels que soient les liens de coopeacuteration institutionnelle ou technique tisseacutes

avec le reacutegime climat le reacutegime ozone a peineacute agrave faire eacutemerger une solution politique Il en va ain-

si en 2010 suite pourtant agrave une deacuteclaration signeacutee par un grand nombre de Parties au Protocole de

Montreacuteal mais pas par toutes En visant expresseacutement les HFC les signataires y deacuteclarent leur in-

tention de laquo srsquoengager agrave prendre de nouvelles mesures au titre du Protocole de Montreacuteal pour assurer

la transition mondiale agrave des substances de remplacement eacutecologiquement rationnelles des HCFC et

des CFC raquo29 Tregraves sensibles aux effets des changements climatiques les Eacutetats feacutedeacutereacutes de Microneacutesie

portent depuis plusieurs anneacutees un projet drsquoinclusion des HFC dans les gaz reacuteglementeacutes du Proto-

cole de Montreacuteal au point de deacuteposer une proposition drsquoamendement en ce sens en avril 201330 Cette

proposition est suivie deux jours plus tard drsquoune autre similaire eacutemanant des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique

du Canada et du Mexique31 A la suite de lrsquoaccord sino-ameacutericain la proposition nord-ameacutericaine

vise sous reacuteserve drsquoacceptation par au moins vingt Parties agrave reacuteduire la production et la consomma-

tion de HFC de faccedilon progressive entre 2016 et 2050 Elle bute sur des oppositions politiques no-

tamment de lrsquoInde pourtant associeacutee agrave la Deacuteclaration du G20 de Saint-Peacutetersbourg Officiellement

lrsquoInde a pu consideacuterer que les HFC eacutetant sans effet sur la couche drsquoozone devaient ecirctre traiteacutes par

le reacutegime climat

Ainsi nonobstant les modaliteacutes drsquoajustement et drsquoamendement du Protocole de Montreacuteal le reacute-

gime ozone ne parvenait pas agrave eacutenoncer une reacuteponse politique et juridique agrave la question des HFC De

nouvelles oppositions se font jour agrave la proposition drsquoamendement lors des vingt-sixiegraveme et vingt-sep-

tiegraveme reacuteunions des Parties au Protocole de Montreacuteal tenues respectivement agrave Paris fin 2014 et agrave Du-

baiuml fin 2015 Elles sont davantage le fait de pays peacutetroliers telle lrsquoArabie Saoudite au nom toujours

du respect du principe de speacutecialiteacute des organisations internationales ainsi qursquoau regard de la dispo-

nibiliteacute des substances de remplacement et de leur mise en œuvre pratique Les pressions exerceacutees

tant par les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique agrave lrsquoorigine de la CCAC que par lrsquoUnion europeacuteenne ou la France

tregraves impliqueacutee dans le cadre de preacuteparation de la COP 21 CCNUCC de Paris nrsquoy suffisent pas

Srsquoil nrsquoa pas souffert des blocages politiques connus par le reacutegime ozone agrave propos de la question

des HFC le reacutegime climat nrsquoa pour sa part pas deacuteployeacute un activisme fort pour la reacutegler La COP 21 de

la CCNUCC eacutetait sans doute bien trop occupeacutee agrave trouver un accord pour poser sur la table parisienne

de neacutegociations le dossier des HFC dont le volume drsquoeacutemission demeure pour lrsquoheure reacuteduit (environ

1 des eacutemissions de gaz agrave effet de serre) et mecircme srsquoils sont potentiellement tregraves nuisibles LrsquoAccord

de Paris est sur ce point aussi parfaitement muet32 Tout au plus les HFC peuvent se retrouver dans

29 RP 22 PM Annexe III Deacuteclaration sur la transition mondiale agrave des substances autres que les hydrochlorofluorocarbones (HCFC) et les chlorofluorocarbones (CFC) 8-12 novembre 2010 (sans italique dans lrsquooriginal)30 Doc UNEPOzLProWG1334 16 avril 2013 31 Doc UNEPOzLProWG1333 18 avril 201332 Dans le mecircme sens il peut paraicirctre surprenant que lrsquoAccord de Paris eacutenonce des obligations diffeacuterencieacutees entre quatre cateacutegories de Parties (pays en deacuteveloppement pays en deacuteveloppement pays les moins avanceacutes petits Eacutetats insulaires en deacuteveloppement) sans jamais les deacutefinir Si la cateacutegorisation existante agrave lrsquoONU servira sans doute de base notons au hasard que Singapour relegraveve agrave la fois de la cateacutegorie onusienne des pays deacuteveloppeacutes (IDH 2011 = 0866) et des petits Eacutetats insulaire en deacuteveloppement selon le Deacutepartement des affaires eacuteconomiques et sociales de lrsquoONU

HFC Histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali

90

la comptabiliteacute des objectifs de reacuteduction de gaz agrave effet de serre preacutesenteacutes par les Parties les plus

impliqueacutees dans leur contribution deacutetermineacutee au niveau national (INDC pour lrsquoacronyme anglais) Si

crsquoest reacuteguliegraverement le cas la pratique nrsquoest pas pour autant uniforme Des Parties ne speacutecifient pas

les gaz viseacutes par leur INDC (par ex Chine Inde Eacutegypte Venezuela Eacutemirat Arabes Unis Pakistan)

et drsquoautres nrsquoeacutenoncent pas les HFC parmi ceux-ci (par ex Arabie Saoudite Indoneacutesie Malaisie Al-

geacuterie Nigeria)33 Toutefois comme les eacuteleacutements des INDC nrsquoont pas fait lrsquoobjet de neacutegociation lors

de la COP 21 de la CCNUCC il en va de mecircme de la question particuliegravere des eacutemissions de HFC

La gestion concerteacutee des HFC peinait ainsi agrave trouver une solution politique et juridique Pour-

tant lrsquoidentification des interactions physiques allait dans le sens drsquoune action commune largement

souhaiteacutee Ainsi il est agrave preacutesent aveacutereacute que les efforts deacuteployeacutes pour la protection de la couche drsquoozone

ont permis par sa reconstitution partielle de limiter le reacutechauffement climatique De mecircme lrsquooxyde

nitreux sous-produit de la production alimentaire est agrave la fois un puissant gaz agrave effet de serre et un

gaz destructeur drsquoozone34 En outre des alternatives technologiques aux HFC existent deacutejagrave mecircme si

elles sont pour lrsquoheure en quantiteacutes ou disponibiliteacutes limiteacutees Les difficulteacutes recenseacutees ici laissent

alors percevoir que la question des HFC est soumise agrave drsquoautres contraintes

Les lois de Pi

La quadrature du cercle que peut donner agrave voir la question des HFC entre reacutegime ozone et reacute-

gime climat est encore plus deacutelicate dans une perspective tri-dimensionnelle qui inclut des domaines

apparemment eacutetrangers agrave la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement jusqursquoici viseacutee Si des

solutions techniques existent au remplacement des HFC par des substances non-climatocides leur

utilisation pratique ne peut ecirctre envisageacutee qursquoen respect des lois de proprieacuteteacute intellectuelle

La situation des HFC en devient plus complexe encore En plus de relever de la gouvernance

internationale de lrsquoenvironnement le complexe de reacutegimes lieacute aux HFC peacutenegravetre le domaine de reacutegle-

mentation de la proprieacuteteacute intellectuelle comme le fait aussi le complexe de reacutegimes de la biodiversiteacute

au titre par exemple de la lutte contre la biopiraterie viseacutee par le Protocole de Nagoya

Lrsquoinclusion des aspects de proprieacuteteacute intellectuelle dans le complexe de reacutegimes rend neacutecessaire-

ment plus difficile encore lrsquoidentification drsquoune solution Le reacutegime ozone a examineacute les questions envi-

sageacutees ici en butant sur les fortes inquieacutetudes des pays en deacuteveloppement En teacutemoignent les eacutechanges

qui ont eu lieu lors de lrsquoAtelier sur la gestion des hydrofluorocarbones questions techniques agrave Bangkok en

avril 201535 La situation actuelle est tregraves diffeacuterente de celle connue pour les CFC au deacutebut du Protocole

de Montreacuteal Les substances de remplacement des HFC font lrsquoobjet de brevets reacutecents et leurs deacutetenteurs

entendent en tirer profit Les fournisseurs de ces substances sont peu nombreux En outre les incer-

33 Voy le site de la CCNUCC de soumission des INDC agrave lrsquoadresse lthttpwww4unfcccintSubmissionsINDCSubmission20Pagessubmissionsaspx consulteacutee le 161016 raquo et le tableau de comparaison proposeacute par le Center for Climate and Energy Solutions agrave lrsquoadresse lthttpwwwc2esorgindc-comparison consulteacutee le 161016gt34 Voy UNEP News La couche drsquoozone en voie de reconstitution septembre 2014 disp agrave lrsquoadresse lthttpwwwuneporg newscentredefaultaspx DocumentID =2796ampArticleID =10978ampl =fr consulteacutee le 161016gt35 Selon le rapport de lrsquoAtelier laquo [a]u cours des deux jours qursquoa dureacute lrsquoatelier la question de droits de proprieacuteteacute intellectuelle nrsquoa cesseacute de revenir sur le tapis raquo doc UNEPOzLProWorkshop82Add1 6 mai 2015 speacutec sect 77

Hugues HELLIO

91

titudes eacutetaient leacutegion quant au possible recours au Fond multilateacuteral pour lrsquoapplication du Protocole

de Montreacuteal afin de faciliter les transferts de technologies vers les pays en deacuteveloppement Surtout et

lrsquoeacuteleacutement est important pour la compreacutehension de lrsquoarchitecture juridique du complexe de reacutegimes et

lrsquoappreacuteciation de ses potentialiteacutes les regravegles nationales ou internationales relatives aux proprieacuteteacutes in-

tellectuelles sont perccedilues comme des obstacles suppleacutementaires qursquoil est bien difficile de surmonter

laquo La deuxiegraveme grande question eacutetait celle du maquis que repreacutesentaient les brevets qui consistait en une eacutepaisse toile de droits de proprieacuteteacute intellectuelle imbriqueacutes au travers de laquelle une socieacuteteacute de-vait se frayer un chemin pour pouvoir effectivement commercialiser une nouvelle technologie Avec la complexification croissante du contexte technologique commercial et reacuteglementaire ndash sceacutenario qui pourrait ecirctre celui de lrsquoeacutelimination des HFC ndash le risque de voir le maquis des brevets se deacutevelopper est plus grand raquo36

Dans lrsquoattente de la Reacuteunion des Parties au Protocole de Montreacuteal drsquooctobre 2016 agrave Kigali les

eacuteleacutements identifieacutes lors de lrsquoAtelier de 2015 agrave Dubaiuml pour demeurer optimistes37 ne levaient pas les

oppositions des pays en deacuteveloppement agrave un amendement du Protocole Ces derniers restaient dans

lrsquoattente leacutegitime de garanties sur la facilitation et le financement des transferts de technologies38

Le ciel demain

Comme le rappelait le Joint Statement Phasing Down Climate Potent HFCs promu par le Secreacute-

taire geacuteneacuteral des Nations Unies les HFC sont produits par lrsquohomme Mecircme srsquoils ont eacuteteacute utiles agrave la

protection de la couche drsquoozone les eacutemissions grandissantes de HFC font peser un risque si critique

sur le climat qursquoil importe drsquoen prohiber les eacutemissions sans dommage pour lrsquoenvironnement ou au

contraire et plus exactement agrave son grand profit

La chose a enfin eacuteteacute entendue Sous lrsquoinfluence certaine des autres reacutegimes concerneacutes le reacutegime

ozone est parvenu agrave jouer le rocircle deacuteterminant et attendu de lui au sein du complexe de reacutegimes pour

promouvoir une solution juridique et acceptable politiquement Encore souvent citeacute en modegravele du

droit international de lrsquoenvironnement le reacutegime ozone ne devait pas laisser se deacutevelopper les eacutemis-

sions de HFC qui pouvaient paraicirctre le reacutesultat de lrsquoune de ses mauvaises bonnes ideacutees surtout au

lendemain de lrsquoannonce de lrsquoentreacutee en vigueur de lrsquoAccord de Paris et sans en compromettre les reacute

36 Selon le rapport de lrsquoAtelier agrave la suite drsquoune unique intervention sur ce thegraveme et avec la reacutefeacuterence citeacutee C Shapiro laquo Navigating the patent thicket cross licenses patent pools and standard-setting raquo in A B Jaffe et al Innovation Policy and the Economy I MIT Press Cambridge 2001 pp 119ndash150 cf doc UNEPOzLProWorkshop82Add1 6 mai 2015 speacutec sect 78 37 laquo On a toutefois eacutegalement souligneacute qursquoil y avait des raisons drsquoecirctre optimiste a) Certaines substances essentielles telles que les reacutefrigeacuterants naturels ne sont pas breveteacutees b) Mecircme si les brevets ou le maquis de brevets entravent la commercialisation ou lrsquoutilisation de certaines technologies il y aura toujours de nouvelles inventions pour surmonter lrsquoobstacle c) On peut srsquoattendre agrave ce que des technologies concurrentes porteacutees en partie par de nouveaux marcheacutes et des signaux reacuteglementaires entraicircnent une baisse des prix des technologies breveteacutees d) Les brevets ne sont pas permanents ils viennent agrave expiration avec le temps e) Agrave moins drsquoun changement extraordinaire le Fonds multilateacuteral continuera drsquoecirctre mandateacute pour financer le transfert des technologies et notamment lrsquooctroi de licences autorisant lrsquoutilisation de technologies breveteacutees raquo doc UNEPOzLProWorkshop82Add1 6 mai 2015 speacutec sect 7838 laquo Le deacutebat qui a suivi a porteacute sur les moyens permettant au Fonds multilateacuteral de faciliter le transfert des technologies quelles deacutepenses acquittera-t-il et comment reacutepartir le coucirct de la transition Le message qursquoil faut en retenir est qursquoune meilleure compreacutehension de la question srsquoimpose Cependant il est eacutegalement apparu que de nouvelles approches pourraient ecirctre neacutecessaires pour faciliter le transfert des technologies notamment dans des secteurs ougrave les solutions de remplacement sont peu nombreuses raquo doc UNEPOzLProWorkshop82Add1 6 mai 2015 speacutec sect 79

HFC Histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali

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sultats futurs La solution enfin trouveacutee prend la forme de lrsquoAmendement de Kigali au Protocole de

Montreacuteal Il est adopteacute au petit matin du 15 octobre 2016 au terme de la derniegravere nuit de neacutegociation

de la vingt-huitiegraveme Reacuteunion des Parties au Protocole de Montreacuteal

LrsquoAmendement de Kigali preacutevoit qursquoagrave la fin des anneacutees 2040 toutes les Parties consommeront

seulement 15 agrave 20 de leur consommation actuelle drsquoHFC Pour ce faire lrsquoAmendement repose

comme lrsquoAccord de Paris drsquoune part sur des obligations de reacuteductions diffeacuterentieacutees et drsquoautre part

sur des engagements de financement et de transferts de technologies au profit des pays en deacuteve-

loppement Devant faire lrsquoobjet de preacutecisions lors de la reacuteunion de 2017 des Parties au Protocole de

Montreacuteal ces financements et transferts de technologies devraient srsquoappuyer tout agrave la fois sur le

Fond multilateacuteral pour lrsquoapplication du Protocole de Montreacuteal et sur des contributions compleacutemen-

taires et rapides promises par des Parties deacuteveloppeacutees agrave hauteur de 27 millions de dollars ainsi que

des contributions drsquoorganisations priveacutees caritatives pour 53 millions de dollars La diffeacuterenciation

des obligations impose aux Parties deacuteveloppeacutees de reacuteduire degraves 2019 de 10 leurs utilisation et pro-

duction de HFC et drsquoatteindre lrsquoobjectif final de lrsquoAmendement en 2039 La plupart des Parties en deacute-

veloppement suivront agrave partir de 2024 seules quelques autres Parties dont lrsquoInde des pays du Golfe

et le Pakistan ne deacutebuteront le gel des HFC qursquoen 2028 avant leur reacuteduction Diffeacuterenciation des

obligations et financements ont sans nul doute eacuteteacute deacuteterminants pour parvenir agrave la solution qui ne

pouvait ecirctre que politique et qui teacutemoigne aussi de la circulation au sein du complexe entre reacutegime

climat et reacutegime ozone des modaliteacutes juridiques du compromis acceptable par tous

Cette fin programmeacutee des HFC ne sonne pas le glas du complexe de reacutegimes formeacute sur leur base

Sans doute de nouvelles propositions de rapprochement institutionnel ndash clustering ndash pourraient ecirctre

faites pour perfectionner la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement Pour autant les causes

et circonstances de creacuteation de complexe de reacutegimes perdureront Si la fin du complexe de reacutegimes

aux contours eacutebaucheacutes ici peut arriver il est plus logique de gager que ce complexe sous une forme

en constante eacutevolution continuera drsquoexister et drsquoy connaicirctre les circulations de normes et reacuteseaux

drsquoacteurs Le complexe se perpeacutetuera sans doute sur la base de questions nouvelles qui ne manque-

ront pas de naicirctre de la complexification des situations drsquoespegravece Comme le repreacutesente Escher dans

la Cage drsquoescaliers39 les ouvertures du complexe de reacutegimes sont trop nombreuses pour qursquoun nouvel

animal un wentelteefje nrsquoy peacutenegravetre nrsquoy circule et ne srsquoy installe

Ces quelques propos sur les HFC se veulent une illustration des enjeux de circulations de normes

et reacuteseaux drsquoacteurs de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement En lrsquoabsence de repreacute-

sentation graphique ici celles proposeacutees dans les autres contributions offrent en image des ensei-

gnements notables quant aux enjeux deacutejagrave signaleacutes de fragmentation du droit international et drsquoar-

chitecture geacuteneacuterale du droit Sans doute le droit international est moins fragmenteacute que construit

en diffeacuterents reacutegimes Surtout ceux-ci ne manquent pas selon les circonstances besoins envies et

pratiques de constituer des complexes de reacutegimes aux interactions nombreuses ou incertaines dif-

39 M C Escher Trappenhuis lithographie 1951

Hugues HELLIO

93

ficiles ou effectives La circulation eacutetaye tout autant la conception que lrsquoon peut avoir du droit tisseacute

par les complexes de reacutegimes Loin drsquoune pyramide ordonneacutee le droit se redeacutecouvre en un reacuteseau

aux boucles eacutetranges Il eacutetait agrave preacutevoir que les fils de ce reacuteseau que certains graphiques mettent enfin

en lumiegravere aient une structure creuse propice aux dialogues ougrave se deacuteveloppent les circulations de

normes et les reacuteseaux drsquoacteurs dans la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement

HFC Histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali

94

95

chapitre 4La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

Le cas de la CITES de la CDB et du Fond pour lrsquoEnvironnement Mondial

Guillaume Futhazar1

La circulation des normes et des acteurs au sein des reacutegimes de la gouvernance globale de lrsquoen-

vironnement est un pheacutenomegravene faisant lrsquoobjet de nombreuses analyses Certains auteurs se sont

employeacutes agrave illustrer lrsquoimportance de conditions pouvant favoriser une telle circulation2 Drsquoautres ont

chercheacute agrave mesurer lrsquoampleur du pheacutenomegravene notamment en ce qui concerne des types speacutecifiques

drsquoacteurs par exemple les experts3 Des eacutetudes ont eacutegalement tenteacute drsquoeacutetablir diffeacuterentes typologies

de circulation de concepts juridiques4

Tregraves souvent lrsquoeacutetude de cette circulation va de pair avec la notion de laquo complexe de reacutegimes raquo

Cette notion deacutesigne une situation de chevauchement de plusieurs reacutegimes internationaux non hieacute-

rarchiseacutes qursquoelle soit du fait de leurs objets membres institutions ou normes pouvant entrainer

un ensemble drsquoeffets devant ecirctre geacutereacutes de faccedilon approprieacutee pour preacutevenir drsquoeacuteventuelles situations

probleacutematiques5 Cet eacutetat de fait ndash reacutesultat logique drsquoune prolifeacuteration de conventions et institutions

dans le domaine de lrsquoenvironnement ndash creacutee degraves lors un terrain propice agrave la circulation des normes et

des acteurs De tels complexes existent par exemple en ce qui concerne les ressources geacuteneacutetiques6

le climat7 ou encore les forecircts8

Agrave ce paysage de recherche deacutejagrave tregraves riche nous proposons drsquoajouter une analyse suppleacutemen-

taire prenant un angle drsquoapproche diffeacuterent Il ne srsquoagira pas ici de discuter des causes des effets ou

encore de lrsquoeacutetendue de la circulation des normes ou des acteurs mais de la faccedilon dont ce pheacutenomegravene

peut ecirctre consciemment mobiliseacute par quelques institutions de la gouvernance internationale de lrsquoen-

vironnement

Pour ce faire nous deacutetaillerons un cas preacutecis lrsquoutilisation des liens existant entre la CITES et la

Convention sur la Diversiteacute Biologique (CDB) afin drsquoacceacuteder aux ressources du Fonds pour lrsquoEnvi-

ronnement Mondial (FEM) dans le but de financer des activiteacutes contribuant agrave la CITES

1 Doctorant contractuel agrave lrsquoUniversiteacute Aix-MarseilleAix Marseille Univ Universiteacute de Toulon Univ Pau amp Pays Adour CNRS OT-Med DICE CERIC IMBE Aix-en-Provence France2 A Ovodenko R Keohane laquo Institutional Diffusion in Environmental Affairs raquo International Affairs vol 88 ndeg 3 2012 pp 522-5413 J-F Morin L Seacutelim A Orsini M Oubenal laquo Boundary Organizations in Regime Complexes A Social Network Profile of IPBES raquo

Journal of International Relation and Development original paper pp 1-354 L Gradoni laquo Systegravemes juridiques internationaux une esquisse raquo in Ruiz Fabri (H) Gradoni (L) (ed) La circulation des concepts juri-

diques le droit international de lrsquoenvironnement entre mondialisation et fragmentation Socieacuteteacute de Leacutegislation Compareacutee Paris 2009 575 p pp 27-51

5 A Orsini J-F Morin O Young laquo Regime Complexes A Buzz a Boom or a Boost for Global Governance raquo Global Governance vol 19 ndeg 1 2013 pp 27-39 p 29 laquo we propose an alternative definition of a regime complex as a network of three or more international regimes that relate to a common subject matter exhibit overlapping membership and generate substantive normative or operative interactions recognized as potentially problematic whether or not they are managed effectively raquo

6 K Raustiala D Victor laquo The Regime Complex for Plant Genetic Resources raquo International Organization vol 58 ndeg 2 2004 pp 277-309 Cet article est couramment citeacute comme eacutetant le premier agrave utiliser le terme laquo complexe de reacutegimes raquo

7 R Keohane D Victor laquo The Regime Complex for Climate Change raquo Perspectives on Politics vol 9 ndeg 1 2011 pp 7-23 8 H Van Asselt laquo Managing the fragmentation of international environmental law forest at the intersection of the climate and biodiver-

sity regimes raquo Journal of international law and politics vol 44 ndeg 4 2012 pp 1205-1278

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

96

Ce cas est inteacuteressant car il illustre deux tendances importantes dans le domaine de la gouver-

nance globale de la biodiversiteacute Drsquoune part la place grandissante du principe9 de synergie au sein

du laquo biodiversity cluster raquo10 et drsquoautre part la faccedilon dont le secreacutetariat drsquoun accord multilateacuteral sur

lrsquoenvironnement peut jouer un rocircle significatif pour lrsquoeffectiviteacute de ce dernier Mais avant de revenir

sur ces aspects il convient de situer lrsquoanalyse par une preacutesentation succincte des trois institutions

internationales en jeux la CITES la CDB et le FEM Nous conclurons cette introduction sur les di-

verses maniegraveres dont les rapprochements entre les conventions portant sur la biodiversiteacute ont ou-

vert de nouvelles voies drsquoaccegraves aux ressources du FEM

bull La CITES

La Convention sur le commerce international des espegraveces de faune et de flore sauvages mena-

ceacutees drsquoextinction (CITES)11 adopteacutee en 1973 agrave Washington a pour objet de reacuteglementer le commerce

international dans le but drsquoen limiter lrsquoimpact sur la biodiversiteacute La pression du commerce inter-

national est en effet consideacuterable et il suffit de constater le prix de certains produits12 ou encore les

ravages entraineacutes par le braconnage13 pour ecirctre convaincu de la neacutecessiteacute drsquoinstaurer une reacuteglemen-

tation adeacutequate dans le domaine

Le fonctionnement de cet accord srsquoappuie sur plusieurs principes

Tout drsquoabord les espegraveces menaceacutees et faisant lrsquoobjet drsquoun commerce international sont classeacutees

dans plusieurs annexes par deacutecision de la Confeacuterence des Parties (COP) Ces annexes sont au nombre

de trois et les obligations concernant le commerce drsquoune espegravece varient en fonction de lrsquoannexe dans

laquelle celle-ci est classeacutee Ainsi une espegravece classeacutee en annexe I est une espegravece qui est reconnue

comme eacutetant menaceacutee drsquoextinction Par conseacutequent son commerce ne peut se faire qursquoagrave la condition

drsquoun double permis eacutemis agrave la fois par lrsquoEacutetat exportateur et lrsquoEacutetat importateur En ce qui concerne

lrsquoannexe II y sont classeacutees les espegraveces qui ne sont pas actuellement menaceacutees mais qui pourraient

le devenir si la pression du commerce international sur celles-ci nrsquoest pas reacuteduite Par conseacutequent

les regravegles de commercialisation sont moins strictes seul un permis de lrsquoEacutetat exportateur est requis

Finalement lrsquoannexe III contient les espegraveces proteacutegeacutees sur le territoire drsquoun Eacutetat Les espegraveces y sont

listeacutees par demande unilateacuterale des Eacutetats les proteacutegeant afin drsquoobtenir une assistance dans le controcircle

de leur commerce

9 Nous entendons ici le terme laquo principe raquo comme eacutetant une regravegle ou une norme geacuteneacuterale de caractegravere non-juridique drsquoougrave peuvent ecirctre deacuteduite des regravegles juridiques cf Cornu (G) Vocabulaire juridique PUF Paris 2007 p 720

10 Le terme laquo Biodiversity Cluster raquo est utiliseacute pour deacutecrire le groupe des six conventions portant speacutecifiquement sur la biodiversiteacute agrave savoir la Convention sur la Diversiteacute Biologique la CITES la Convention sur les espegraveces migratrices le Traiteacute international sur les ressources phy-togeacuteneacutetiques pour lrsquoalimentation et lrsquoagriculture la Convention de Ramsar sur les zones humides et la Convention du patrimoine mondial Ce groupe fait lrsquoobjet de tregraves nombreuses eacutetudes Pour une bibliographie indicative et plus drsquoinformations voir UNEP-WCMC Promoting Synergies within the cluster of biodiversity-related multilateral environmental agreements UNEP-WCMC Cambridge 2012 95 p A ce groupe de six conventions la CDB ajoute aussi la Convention internationale pour la protection des veacutegeacutetaux

11 Convention sur le commerce international des espegraveces de faune et de flore sauvages menaceacutees drsquoextinction signeacutee le 3 mars 1973 agrave Washing-ton entreacutee en vigueur le 1er juillet 1975 UNTS vol 993 p 271

12 Le kilo de poudre de corne de rhinoceacuteros peut atteindre les 60 000 $ voir Azimi (R) laquo La lutte contre le trafic de cornes de rhinoceacuteros fait srsquoeffondrer le marcheacute de lrsquoart raquo Le Monde article du 6 janvier 2016 disponible en ligne [httpwwwlemondefrafriquearticle20160106la-lutte-contre-le-trafic-de-cornes-de-rhinoceros-fait-s-effondrer-le-marche-de-l-art_4842458_3212html] consulteacute le 17102016

13 Par exemple pregraves de 30 000 eacuteleacutephants sont tueacutes annuellement sur le continent africain voir Meyerfeld (B) laquo Le Kenya brucircle son stock drsquoivoire contre le braconnage des eacuteleacutephants raquo Le Monde article du 30 avril 2016 disponible en ligne [httpwwwlemondefrbiodiversitearticle20160430le-kenya-brule-son-stock-d-ivoire-contre-le-braconnage-des-elephants_4911293_1652692html] consulteacute le 17102016 Ce chiffre nrsquoest qursquoun exemple pour une espegravece donneacutee et la liste des espegraveces pouvant ecirctre citeacutees en tant qursquoillustrations des meacutefaits du bra-connage est malheureusement bien trop longue pour ecirctre contenue dans une simple note de bas de page

Guillaume FUTHAZAR

97

Ensuite pour assurer ce systegraveme chaque partie agrave la convention doit se doter drsquoorganes de ges-

tion et drsquoorganes scientifiques Les premiers doivent ecirctre compeacutetents pour eacutemettre les permis de

commerce et les seconds compeacutetents pour conseiller ces organes administratifs sur la deacutelivrance de

ces permis Lorsque lrsquoorgane de gestion eacutemet un permis il doit srsquoassurer de plusieurs eacuteleacutements par

exemple la preuve que le speacutecimen nrsquoa pas eacuteteacute obtenu illeacutegalement Lrsquoorgane scientifique doit quant

agrave lui srsquoassurer que la demande de commercialisation ne nuit pas agrave la survie de lrsquoespegravece inteacuteresseacutee

Consideacuterant ce systegraveme la mise en œuvre de la CITES est donc largement tributaire des capa-

citeacutes techniques et institutionnelles de ses membres Par exemple les organes scientifiques doivent

ecirctre composeacutes de personnes qualifieacutees agrave mecircme drsquoidentifier les espegraveces faisant lrsquoobjet drsquoun commerce

Aussi les nombreuses conditions de deacutelivrance de permis requiegraverent des organes de gestion de vastes

connaissances techniques et juridiques De plus il est neacutecessaire drsquoavoir agrave dispositions toutes les

donneacutees pertinentes sur les espegraveces listeacutees pour pouvoir prononcer des avis informeacutes et approprieacutes

Si la CITES beacuteneacuteficie sur ce dernier point drsquoorganes techniques et de lrsquoassistance de diverses

ONG et institutions internationales elle ne dispose pas de fonds deacutedieacutes agrave la reacutealisation drsquoactiviteacutes de

renforcement des capaciteacutes Pour son fonctionnement administratif elle srsquoappuie sur un fonds drsquoaf-

fectation speacutecial mais pour ce qui est des projets lieacutes agrave son application elle a recours agrave des fonds ex-

ternes geacuteneacuteralement affecteacutes agrave des projets et faisant lrsquoobjet de reacutesolutions ou deacutecisions de la COP14

On notera que lrsquoUnion europeacuteenne via les financements de la Commission fait partie des contribu-

teurs les plus importants avec des apports annuels deacutepassant reacuteguliegraverement le million drsquoeuros15

bull La Convention sur la diversiteacute biologique

La Convention sur la diversiteacute biologique (CDB)16 est une des trois conventions dites laquo de Rio raquo

adopteacutees en 1992 suite au laquo Sommet de la Terre raquo tenu au Breacutesil Cet accord fixe trois grands objec-

tifs la conservation de la biodiversiteacute son utilisation durable et le partage eacutequitable des beacuteneacutefices

issus de lrsquoutilisation des ressources geacuteneacutetiques La reacutealisation de ces objectifs passe par un nombre

important de dispositions contenues dans le texte de la convention On y trouve des mesures de

conservations in situ et ex-situ des mesures concernant lrsquoeacuteducation les transferts de technologies

les eacutetudes drsquoimpacthellip Agrave ce jour une vaste majoriteacute des Eacutetats de la planegravete a ratifieacute cet accord agrave lrsquoex-

ception notable des Eacutetats-Unis

Malgreacute un champ drsquoapplication tregraves vaste et une participation quasi universelle lrsquoaccord ne peut

pas ecirctre qualifieacute de succegraves En effet si lrsquoon se reacutefegravere agrave la quatriegraveme eacutedition du rapport laquo Perspectives

mondiales sur la biodiversiteacute raquo17 le constat sur lrsquoeacutetat actuel de la biodiversiteacute et des eacutecosystegravemes et

non-eacutequivoque

14 CITES CoP17 Doc 73 Annex 3 CITES external trust fund (QTL) Status of contribution as of 31 December 2014 15 Page internet CITES [httpscitesorgengdiscfundphp] consulteacute le 17102016 16 Convention sur la diversiteacute biologique signeacutee le 5 juin 1992 agrave Rio de Janeiro entreacutee en vigueur le 29 deacutecembre 1993 UNTS vol 1760

p 7917 4egraveme eacutedition des Perspectives mondiales de la diversiteacute biologique ndash Reacutesumeacute et conclusions Secreacutetariat de la Convention sur la diversiteacute

biologique Montreacuteal 2014 20 p

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

98

laquo sur la base des tendances actuelles les pressions sur la biodiversiteacute continueront de srsquoaccroicirctre

au moins jusqursquoen 2020 et [hellip] la biodiversiteacute poursuivra son deacuteclin raquo18

Bien entendu la notion de laquo succegraves raquo drsquoune convention ou plus globalement drsquoun reacutegime en-

vironnemental peut avoir plusieurs acceptions19 Nous lrsquoentendons ici comme le fait que les objectifs

afficheacutes drsquoune convention aient eacuteteacute atteints20 Or lrsquoarticle 1 de la CDB dispose laquo Les objectifs de la

preacutesente Convention [hellip] sont la conservation de la diversiteacute biologique lrsquoutilisation durable de ses

eacuteleacutements et le partage juste et eacutequitable des avantages deacutecoulant de lrsquoexploitation des ressources

geacuteneacutetiques raquo Le rapport de 2014 indique clairement que la reacutealisation de ces objectifs est pour le

moment compromise Cet eacutetat de fait est en partie ducirc agrave la nature mecircme de cette convention dont la

neacutegociation difficile21 a meneacute agrave lrsquoadoption de mesures vagues et non contraignantes22

Pour autant la convention nrsquoest pas simplement une lettre morte En teacutemoigne lrsquoadoption de

deux protocoles lrsquoun sur lrsquoaccegraves aux ressources et le partage des avantages23 et lrsquoautre sur la bioseacutecu-

riteacute24 ou encore la vaste diffusion qursquoont connue plusieurs des concepts et objectifs eacutelaboreacutes en son

sein25 Aussi et agrave la diffeacuterence de la CITES la CDB dispose drsquoun meacutecanisme financier pour assister

les pays en deacuteveloppement dans la reacutealisation dans leurs obligations26 Si les dispositions initiales de

la CDB pouvaient laisser un doute quant agrave lrsquoidentiteacute de ce meacutecanisme les premiegraveres deacutecisions de la

COP de la CDB vinrent clarifier le rocircle du FEM en tant que meacutecanisme financier

bull Le Fond pour lrsquoEnvironnement Mondial

Le Fond pour lrsquoEnvironnement Mondial (FEM) voit le jour en 1991 sous la forme drsquoun pro-

gramme de la Banque Mondiale ayant pour objet drsquoapporter une aide financiegravere aux projets promou-

vant le deacuteveloppement durable et la protection de lrsquoenvironnement27 Lrsquoaide financiegravere est apporteacutee

aux projets porteacutes par des pays en deacuteveloppement et des pays drsquoeacuteconomie en transition dans le but

drsquoen eacutetendre les beacuteneacutefices au-delagrave des simples frontiegraveres nationales Le FEM ne finance donc pas des

projets dans leur inteacutegraliteacute mais simplement ces coucircts dits laquo increacutementaux raquo

18 Ibid p 319 Le Prestre (P) Protection de lrsquoenvironnement et relations internationales les deacutefis de lrsquoeacutecopolitique mondiale Armand Colin Paris 2005

478p pp 330-342 20 Ibid p 33221 Pour un reacutecit deacutetailleacute voir F McConnel The Biodiversity Convention A Negotiating History Kluwer Law International Londres 1996 223 p

Le chapitre 18 (pp 82-99) sur les derniegraveres eacutetapes de la neacutegociation donne agrave voir les tregraves nombreux obstacles inheacuterents agrave toutes neacutegociations internationales

22 Comme lrsquoillustre lrsquousage systeacutematique de la formule laquo dans la mesure du possible et selon qursquoil conviendra raquo dans chaque article de la convention

23 Protocole de Nagoya sur lrsquoaccegraves et le partage des avantages adopteacute le 20 octobre 2010 entreacute en vigueur le 12 octobre 2014 24 Protocole de Cartagena sur la Bioseacutecuriteacute adopteacute le 29 janvier 2000 entreacute en vigueur le 11 septembre 200325 Par exemple les Principes et Directives drsquoAddis Abeda pour lrsquoutilisation durable de la diversiteacute biologique adopteacutes par la COP de la CDB

en 2004 ont ensuite eacuteteacute repris par la CITES Le Plan Strateacutegique pour la Biodiversiteacute est un autre exemple de diffusion sur lequel nous revien-drons plus en deacutetail dans cette eacutetude

26 Voir articles 21 (Meacutecanisme de financement) et 39 (Arrangements financiers provisoires) de la CDB27 Fond pour lrsquoenvironnement mondial Le FEM de A agrave Z middot Le Guide du Fonds pour lrsquoenvironnement mondial FEM Washington 2015 91 p

p 7

Guillaume FUTHAZAR

99

En 1994 le FEM connait une restructuration et devient une institution agrave part entiegravere Ses liens

avec la CDB sont formaliseacutes avec lrsquoadoption drsquoun Memorandum drsquoaccord entre la COP de la Conven-

tion et le Conseil du FEM28

Agrave ce jour le FEM remplit le rocircle de meacutecanisme financier pour cinq conventions diffeacuterentes la

CDB mais aussi la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques la Conven-

tion des Nations Unies sur la lutte contre la deacutesertification la Convention de Stockholm sur les pol-

luants organiques persistants et la Convention de Minamata sur le mercure29

Les ressources du FEM sont renouveleacutees tous les quatre ans par les Eacutetats contributeurs et sont

ensuite reparties selon de grandes lignes strateacutegiques eacutetablies sur la base des recommandations

faites par les COP des conventions pour lesquelles il est le meacutecanisme financier On note cependant

que les lignes directrices formuleacutees par la CDB srsquoeacuteloignent quelque peu de la logique geacuteneacuterale de

financement du FEM

En effet arguant de la neacutecessiteacute de lrsquoassistance financiegravere aux pays en deacuteveloppement afin de

proteacuteger la biodiversiteacute en tant que preacuteoccupation commune de lrsquohumaniteacute la COP de la CDB a ap-

peleacute agrave ce que les regravegles de financements du FEM ne reposent pas systeacutematiquement sur une logique

sine qua non de beacuteneacutefices transfrontaliers en ce qui concerne la biodiversiteacute30 Ainsi cet ameacutenage-

ment permet le financement entre autres de projets visant agrave lrsquoeacutelaboration de strateacutegies nationales

pour la biodiversiteacute dans certains pays en deacuteveloppement31

bull De nombreuses interconnexions

Une simple preacutesentation de ces trois eacuteleacutements ne permet pas de mettre en eacutevidence les diffeacuterents

liens pouvant exister entre eux En effet pourquoi eacutevoquer la CITES alors que le FEM est le meacuteca-

nisme financier de la CDB et qursquoen tant que tel celui-ci ne finance que des projets ayant pour but

de contribuer agrave lrsquoapplication de cette convention

Cette remarque est sans compter les tregraves nombreux liens srsquoeacutetant tisseacutes au fil des anneacutees entre les

diffeacuterentes conventions relatives agrave la biodiversiteacute Cet eacutelan global vers une synergie principalement

porteacutee par les institutions ad hoc des conventions32 cherche agrave rationaliser les activiteacutes de mise en

œuvre de chacune des conventions afin de promouvoir lrsquoharmonisation et eacuteviter les doublons preacute-

judiciables33

28 Le Meacutemorandum en question est inscrit en annexe agrave la deacutecision CDB III8 Meacutemorandum drsquoaccord entre la Confeacuterence des Parties agrave la Convention sur la diversiteacute biologique et le Conseil du Fonds pour lrsquoenvironnement mondial

29 Page internet FEM [httpswwwthegeforgaboutorganization] consulteacute le 1710201630 J-M Arbour S Lavalleacutee H Trudeau Droit international de lrsquoenvironnement 2e eacuted Editions Yvons Blais Cowansville 2012 1232 p

p 745 Cette tendance est visible degraves la cinquiegraveme COP avec la deacutecision V13 portant sur les orientations agrave propos du meacutecanisme de finan-cement

31 Nous reviendrons davantage sur ce point dans la prochaine section de notre analyse 32 UNEP-WCMC Promoting Synergies within the cluster of biodiversity-related multilateral environmental agreements opcit p 84 Le rap-

port souligne le fait que le processus de synergie nrsquoest pas encore suffisamment approprieacute par les parties aux conventions 33 Ibid p 24

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

100

Crsquoest dans ce contexte de rapprochement que le Secreacutetariat de la CITES a perccedilu plusieurs oppor-

tuniteacutes de financement pour les laquo activiteacutes CITES raquo Nous preacutesenterons dans une premiegravere partie les

diffeacuterentes strateacutegies mises en œuvre par le Secreacutetariat agrave cette fin (1) pour ensuite prendre du recul

et proposer une analyse juridique des pheacutenomegravenes ainsi deacutecrits (2)

Lrsquoensemble des deacuteveloppements de cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacute gracircce agrave une analyse deacutetailleacutee des dif-

feacuterents documents officiels mis agrave disposition par les institutions eacutetudieacutees Ce choix meacutethodologique

implique qursquoil peut il y a voir un eacutecart entre nos descriptions et les reacutealiteacutes concregravetes des reacutegimes

environnementaux Neacuteanmoins lrsquoimportant effort de transparence des institutions eacutetudieacutees tempegravere

ce risque

1) La mobilisation de strateacutegies innovantes drsquoaccegraves aux ressources du FEM par le Secreacutetariat de la CITES

Lrsquoeacutetude des pratiques du Secreacutetariat de la CITES agrave travers la documentation officielle dispo-

nible met en eacutevidence deux approches

La premiegravere est baseacutee sur lrsquoincorporation de certaines dispositions dans les Strateacutegies et plans

drsquoaction nationaux pour la biodiversiteacute (SPANB) dont la mise en œuvre peut srsquoappuyer sur les res-

sources du FEM (11) En somme si les SPANB preacutevoient explicitement des activiteacutes contribuant agrave

la mise en œuvre de la CITES ces activiteacutes pourront beacuteneacuteficier des ressources du FEM

La seconde reacutecemment abandonneacutee a chercheacute agrave faire du FEM le meacutecanisme financier de la

CITES sur la base de lrsquoincorporation du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et ses Objectifs

drsquoAichi dans laquo la vision de strateacutegie CITES 2008-2020 raquo34(12)

Tout au long de cette partie nous nous reacutefeacutererons au Secreacutetariat comme un acteur autonome alors

que les documents que nous citons indiquent pourtant que ce dernier a eacuteteacute mandateacute par les autres

organes de la convention pour agir de faccedilon preacutecise Cette situation peut porter agrave croire que lrsquousage

drsquoexpressions et de tournures soulignant la prise drsquoinitiative du Secreacutetariat est inapproprieacute Une

analyse plus deacutetailleacutee montre cependant que le Secreacutetariat de la CITES nrsquoa pas eacuteteacute qursquoun simple exeacute-

cutant La derniegravere partie de cette eacutetude deacuteveloppera davantage ce point (voir paragraphe 2) 22 a)

11 Une premiegravere strateacutegie lrsquoincorporation de dispositions relatives agrave la CITES dans les Strateacutegies et plans drsquoaction nationaux pour la biodiversiteacute

Pour comprendre la strateacutegie mise en œuvre par le Secreacutetariat de la CITES pour acceacuteder aux

ressources du FEM gracircce aux SPANB (b) il faut dans un premier temps preacutesenter ces instruments et

leurs modaliteacutes de financement (a)

34 CITES Reacutesolution Conf 163 Vision de la strateacutegie CITES pour 2008-2020

Guillaume FUTHAZAR

101

a Un instrument agrave lrsquoeacutelaboration et agrave la mise en œuvre complexes

Les SPANB sont preacutesenteacutes comme eacutetant les principaux instruments de mise en œuvre de la CDB

Preacutevus agrave lrsquoarticle 6 de lrsquoaccord ces instruments sont censeacutes eacutetablir agrave lrsquoeacutechelle nationale les grandes

lignes directrices drsquoapplication de la CDB35 La lecture de lrsquoarticle 6 doit ecirctre compleacuteteacutee par celle de

lrsquoarticle 10 (a) concernant lrsquointeacutegration des consideacuterations pertinentes dans le processus deacutecisionnel

national et lrsquoarticle 26 concernant la soumission peacuteriodique de rapports drsquoapplication

Pour autant sur la base de ces seuls articles la mise en œuvre de cette obligation reste vague

De tregraves nombreux outils ont donc eacuteteacute eacutelaboreacutes pour assister les parties agrave la CDB dans la confec-

tion de leurs strateacutegies nationales Ainsi aux cocircteacutes de tregraves nombreuses deacutecisions de COP proposant

des lignes directrices volontaires pour la reacutealisation de ces documents strateacutegiques36 on retrouve

drsquoabondantes eacutetudes produites par diffeacuterentes institutions engageacutees dans le domaine de la biodiver-

siteacute Recenseacutes sur le site internet de la CDB on peut citer notamment des guides techniques eacutema-

nant du Programme des Nations Unies pour lrsquoEnvironnement ou encore drsquoONG telles que BirdLife

International ou Fauna and Flora International37 Le site de la CDB comporte drsquoailleurs une section

laquo renforcement des capaciteacutes SPANB raquo pour assister les parties dans le respect de leur obligation par

la mise agrave disposition de modules deacutedieacutes ou par la tenue reacuteguliegravere drsquoateliers de travail

Un aperccedilu de quelques SPANB permet de comprendre la complexiteacute que peut repreacutesenter leur

eacutelaboration Par exemple le SPANB de la Guineacutee-Bissau soumis en mai 2016 est un document de

plus de 150 pages ougrave sont listeacutes plus de 120 types drsquoaction reacutepartis parmi 20 objectifs nationaux38

Le SPANB franccedilais est pour sa part moins imposant avec un peu plus drsquoune cinquantaine de pages

mais eacutetablit tout de mecircme vingt objectifs diffeacuterents tous eacutetant en lien direct avec les objectifs drsquoAichi

adopteacutes en 201039

Il faut enfin souligner que depuis lrsquoadoption du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique

et ses Objectifs drsquoAichi les parties agrave la CDB ont eacuteteacute inviteacutees agrave reacuteviser leurs SPANB afin que ceux-ci

soient aligneacutes avec le nouveau cadre strateacutegique de la convention40 Cette adaptation neacutecessaire deacute-

montre que les SPANB nrsquoont pas vocation agrave ecirctre des documents deacutefinitifs 2020 lrsquoanneacutee drsquoeacutecheacuteance de

lrsquoactuel Plan Strateacutegique verra probablement lrsquoadoption drsquoun nouveau plan suite au constat drsquoeacutechec

du preacuteceacutedent Alors les parties auront encore une fois agrave eacutelaborer un nouveau document

Mais la reacutedaction de ces documents nrsquoest pas la seule difficulteacute En effet qursquoimporte la qualiteacute

des SPANB si ceux-ci ne sont pas effectivement appliqueacutes agrave lrsquoeacutechelle nationale Il est donc primordial

35 Lrsquoarticle 6 de la CDB est un des rares articles ne comportant pas la formule laquo dans la mesure du possible et selon qursquoil conviendra raquo36 Le site de la CDB recense plus drsquoune vingtaine de lignes directrices issues des deacutecisions de la COP Voir [httpswwwcbdintnbsap

guidanceshtml] consulteacute le 1710201637 Voir [httpswwwcbdintnbsapguidance-toolsguidelinesshtml] consulteacute le 1710201638 Lrsquoensemble des SPANB soumis agrave la CDB sont disponibles agrave lrsquoadresse suivante [httpswwwcbdintnbsapsearchdefaultshtml] consul-

teacute le 1710201639 Idem 40 CDB deacutecision X2 Plan strateacutegique 2011-2020 et objectifs drsquoAichi relatifs agrave la diversiteacute biologique 3) c

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

102

drsquoapporter aux pays en deacuteveloppement les ressources neacutecessaires agrave lrsquoeacutelaboration de ces documents

mais aussi et surtout agrave leur mise en œuvre

Lrsquoassistance du FEM reacutepond agrave ce constat et permet aux pays deacuteveloppeacutes de beacuteneacuteficier de fonds

tant pour la reacutealisation des SPANB41 que pour leur application subseacutequente Cette approche est drsquoail-

leurs souligneacutee dans la laquo Strateacutegie pour la Biodiversiteacute-FEM6 raquo fixant les grandes orientations de

financement pour la peacuteriode 2014-201842

Le Secreacutetariat de la CDB fait eacutetat drsquoun grand nombre de SPANB reacutealiseacute gracircce aux financements

du FEM43 Cela fait donc autant drsquoopportuniteacutes drsquoaccegraves aux fonds pour des activiteacutes drsquoapplication de

ces SPANB Crsquoest ici qursquointervient la strateacutegie drsquoaccegraves aux fonds du Secreacutetariat de la CITES

b La prise en compte approprieacutee de la CITES dans les SPANB

La question de la coexistence et de la coordination des diffeacuterentes conventions portant sur la

biodiversiteacute est un enjeu central du laquo biodiversity cluster raquo44 Cette preacuteoccupation est drsquoailleurs appa-

rente degraves lrsquoadoption de la CDB en 1992 notamment au regard de son article 22 concernant les rela-

tions de la CDB avec les autres conventions internationales Neacuteanmoins ce seul article preacutecisant que

la convention nrsquoaffectera pas les droits et obligations issus drsquoautres traiteacutes nrsquoest pas suffisant en soi

pour permettre une harmonisation efficace entre les diffeacuterents accords De nombreuses initiatives

ont donc eacuteteacute meneacutees entre les diverses institutions pertinentes pour permettre une maximisation des

synergies

Dans le contexte de la CITES la COP a adopteacute degraves 1997 une reacutesolution faisant eacutetat de sa colla-

boration avec la CDB notamment via lrsquoexistence drsquoun meacutemorandum drsquoaccord entre les deux secreacute-

tariats45 Outre un appel agrave la consultation entre les diffeacuterentes parties afin drsquoeacuteviter toute duplication

cette reacutesolution fait deacutejagrave eacutetat des possibiliteacutes drsquoaccegraves aux fonds du FEM

Il faut cependant attendre 2010 et lrsquoadoption du nouveau Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute

Biologique pour constater un regain drsquoactiviteacute de la part des institutions de la CITES sur la question

de lrsquoaccegraves aux ressources du FEM Cela peut srsquoexpliquer en partie par la preacutesence dans le Plan Stra-

teacutegique drsquoune forte emphase sur la neacutecessiteacute de synergies entre les diffeacuterentes conventions portant

sur la biodiversiteacute notamment dans lrsquoeacutelaboration des SPANB46

41 Par exemple les SPANB de la Guineacutee-Bissau preacuteceacutedemment eacutevoqueacutes ont pu ecirctre eacutelaboreacutes gracircce agrave lrsquoassistance financiegravere du FEM 42 FEM The GEF-6 Biodiversity Strategy FEM Washington 2014 36p On retrouve cette approche de financement en amont et en aval dans

les preacuteceacutedentes laquo strateacutegies biodiversiteacute raquo du FEM 43 Le site internet de la CDB fait eacutetat de 130 pays eacuteligibles ayant acceacutedeacute aux fonds du FEM [httpswwwcbdintnbsapguidance-tools

financedefaultshtml] consulteacute le 1710201644 UNEP-WCMC Promoting Synergies within the cluster of biodiversity-related multilateral environmental agreements op cit45 CITES Reacutesolution Conf 104 (Rev CoP14) Coopeacuteration et synergie avec la Convention sur la diversiteacute biologique46 CDB Deacutecision XII op cit 3) f Le plan strateacutegique pour la Convention sur la diversiteacute biologique adopteacute en 2002 nrsquoeacutevoque pas une

seule fois les autres conventions relatives agrave la biodiversiteacute Voir CDB deacutecision VI26 Plan strateacutegique pour la Convention sur la diversiteacute biologique

Guillaume FUTHAZAR

103

Par exemple degraves feacutevrier 2011 une notification intituleacutee laquo CITES and National Biodiversity Strate-gies and Action Plans under the Convention on Biological Diversity raquo47 a eacuteteacute faite aux parties de la

CITES Cette notification fait suite agrave la deacutecision 1520 de la COP de la CITES48 appelant le Secreacutetariat

agrave explorer les diffeacuterentes voies de financement possibles pour fournir une assistance technique aux

membres de la convention

Ce document fait clairement eacutetat des possibiliteacutes de financements offertes aux pays en deacutevelop-

pement pour les activiteacutes concernant le commerce international drsquoespegraveces en danger si ces activiteacutes

sont directement incorporeacutees dans leurs SPANB Suivant cette logique le Secreacutetariat a donc eacutelaboreacute

un guide pratique pour le deacuteveloppement lrsquoeacutevaluation la reacutevision et la mise agrave jour des SPANB49

Ce guide paru en avril 2011 nrsquoa en soi aucune valeur juridique ni de porteacutee normative Une

lecture deacutetailleacutee du document montre que celui-ci est davantage un document drsquoinformation nrsquoayant

que tregraves peu de passages laquo normatifs raquo indiquant clairement les deacutemarches agrave effectuer pour modifier

de faccedilon approprieacutee des SPANB En tant qursquoindication normative on peut eacutevoquer la preacutesence drsquoune

laquo boite raquo sur la faccedilon drsquoincorporer les objectifs de la CITES dans les SPANB Si lrsquoon prend en consi-

deacuteration les trois pocircles de normativiteacute proposeacutes par Catherine Thibierge agrave savoir la valeur la por-

teacutee et la garantie normative il apparaicirct que ce guide est deacutenueacute de toute force normative50 Drsquoautres

critegraveres peuvent aussi ecirctre pris en compte pour analyser cette production du Secreacutetariat comme

ceux de la leacutegaliteacute de lrsquoeffectiviteacute et de la leacutegitimiteacute51 ou encore ceux de lrsquoobligation la preacutecision et

la deacuteleacutegation52 mais tous megravenent agrave une conclusion similaire cette production nrsquoest pas juridique et

est peu normative

Ce deacutefaut juridique et normatif rend donc difficile de mesurer lrsquoimpact reacuteel qursquoa pu avoir ce

guide pratique Cependant force est de constater ndash sans pour autant eacutetablir un lien formel de cau-

saliteacute ndash que plusieurs activiteacutes contribuant aux objectifs de la CITES ont beacuteneacuteficieacute des financements

du FEM gracircce agrave lrsquoincorporation de dispositions pertinentes dans les SPANB

Par exemple le Myanmar a beacuteneacuteficieacute de fonds pour un projet de renforcement de capaciteacutes

contribuant au projet CITES-MIKE53 (projet concernant le commerce illicite drsquoivoire drsquoeacuteleacutephants)

Ce financement fut possible gracircce agrave lrsquoincorporation dans le SPANB du Myanmar de dispositions

concernant lrsquoeacutetablissement drsquoun systegraveme de suivi pour le commerce illeacutegal drsquoespegravece en danger54 Le

nouveau SPANB du Myanmar soumis en janvier 2016 et reacutealiseacute gracircce aux fonds du FEM comporte

47 CITES and National Biodiversity Strategies and Action Plans under the Convention on Biological Diversity Notification ndeg 2011021 dispo-nible en ligne [httpscitesorgsitesdefaultfilesengnotif2011E021pdf] consulteacute le 17102016

48 CITES Deacutecision 1520 Financement des projets relatifs agrave la conservation et agrave la gestion drsquoespegraveces 49 Secreacutetariat de la CITES Contributing to the development review updating and revision of National Biodiversity Strategies and Action Plans

(NBSAPs) A Draft Guide for CITES Parties avril 2011 disponible en ligne [httpscitesorgsitesdefaultfilesengnotif2011E026Apdf] consulteacute le 17102016

50 C Thibierge et alii La force normative ndash Naissance drsquoun concept LGDJ Paris 2009 891p pp 821-831 51 F Ost M van de Kerchove De la pyramide au reacuteseau Pour une theacuteorie dialectique du droit Faculteacutes universitaires de Saint Louis

Bruxelles 2002 587 p pp 324-341 52 K Abbott R Keohane A Moravcsik et al laquo The concept of legalization raquo International Organization vol 54 ndeg 3 pp 401-419 53 Projet GEF5159 Strenghtening sustainability of protected area management approuveacute en 2013 Le projet reacutealiseacute gracircce agrave lrsquoappui du

Programme des Nations Unies pour le Deacuteveloppement (PNUD) a beacuteneacuteficieacute de plus de 6 millions de dollars de la part du FEM 54 Voir note 38 p 83 sect 5131

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

104

drsquoailleurs une disposition non eacutequivoque appelant agrave appliquer et faire respecter les dispositions de

la CITES55

On peut aussi citer un projet sud-africain approuveacute en 2012 visant agrave un renforcement des ca-

paciteacutes leacutegales pour lutter contre les crimes touchant les espegraveces sauvages56 Les financements ont

encore une fois eacuteteacute obtenus gracircce agrave lrsquoincorporation de dispositions pertinentes dans le SPANB de

lrsquoAfrique du Sud Or le SPANB sud-africain a eacuteteacute soumis en 2006 cinq anneacutees avant la diffusion des

lignes directrices du Secreacutetariat de la CITES Cela met donc en eacutevidence les difficulteacutes agrave mesurer

lrsquoimpact de ces lignes directrices

Aussi si lrsquoon tente une analyse geacuteneacuterale de lrsquoensemble des SPANB soumis depuis 2010 on

constate que toutes les parties agrave la CITES nrsquoont pas systeacutematiquement incorporeacute de dispositions

relatives au commerce illeacutegal drsquoespegravece en danger57 Beaucoup de SPANB eacutevoquent la CITES comme

eacutetant une convention pertinente applicable agrave lrsquoeacutechelle nationale mais tous nrsquoincorporent pas dans

leurs objectifs des reacutefeacuterences preacutecises concernant les moyens de mise en œuvre de cette convention

Aussi les SPANB eacutevoquent parfois la neacutecessiteacute de mener des actions contre le commerce illicite

drsquoespegravece sauvages et le braconnage sans pour autant faire de renvois clairs agrave la CITES58 ce qui rend

deacutelicat drsquoeacutetablir des liens formels entre ces documents et la convention

Lrsquoincorporation des objectifs de la CITES dans les SPANB nrsquoest donc pas neacutecessairement expli-

cite ou systeacutematique Ne srsquoappuyant sur aucune obligation cette strateacutegie apparaicirct comme incer-

taine car irreacutemeacutediablement lieacutee agrave la volonteacute et agrave la capaciteacute des Eacutetats agrave lrsquoappliquer

La seconde strateacutegie mise en œuvre par le Secreacutetariat bien qursquoelle ait eacuteteacute reacutecemment abandon-

neacutee aurait theacuteoriquement permis drsquoeacuteviter une telle incertitude

12 Une seconde strateacutegie La tentative ndash avorteacutee ndash drsquoaccegraves direct au FEM

Parallegravelement agrave lrsquoincorporation des objectifs de la CITES dans les SPANB de ces parties le Secreacute-

tariat de la CITES a chercheacute le moyen drsquoacceacuteder directement aux ressources du FEM Cette approche

a consisteacute en lrsquoincorporation des Objectifs drsquoAichi dans la vision strateacutegique de la CITES (a) mais

a eacuteteacute abandonneacutee sans explication deacutetailleacutee probablement en raison de la complexiteacute de sa mise en

œuvre pour le FEM et drsquoun renforcement reacutecent de la premiegravere strateacutegie (b)

a La diffusion du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et de ses Objectifs drsquoAichi comme eacutetape preacutealable agrave lrsquoaccegraves au FEM

Lrsquoadoption en 2010 du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et de ses Objectifs drsquoAichi

dans le cadre de la CDB fut suivie drsquoune tregraves large diffusion au sein du laquo biodiversity cluster raquo Dans

55 Voir note 38 p 87 action 1221 laquo Fully implement and enforce the requirements of the CITES Convention through national legislation raquo 56 Projet GEF4937 Strengthening Law Enforcement Capabilities to Combat Wildlife Crime for Conservation and Sustainable Use of Spe-

cies in South Africa approuveacute en 2012 Le projet reacutealiseacute gracircce agrave lrsquoappui du Programme des Nations Unies pour lrsquoEnvironnement (PNUE) a beacuteneacuteficieacute de plus de 25 millions de dollars de la part du FEM

57 Analyse reacutealiseacutee en mars 2016 sur la base de 71 SPANB soumis depuis 2010 58 Crsquoest le cas notamment de lrsquoaddendum du SPANB indien soumis en 2014 voir note 30 p 37

Guillaume FUTHAZAR

105

le cadre de lrsquoinitiative CIRCULEX nous avons reacutealiseacute une eacutetude de ce pheacutenomegravene qui a permis drsquoen

mettre en eacutevidence plusieurs aspects59 Drsquoune part le fait que cette diffusion a eacuteteacute grandement favo-

riseacutee par lrsquoaction des secreacutetariats des diffeacuterentes conventions portant sur la biodiversiteacute et drsquoautre

part que les effets cumuleacutes de cette diffusion pouvaient ecirctre tregraves importants Parmi ces effets nous

avons eacutevoqueacute lrsquoharmonisation des buts des conventions du laquo biodiversity cluster raquo et un possible ac-

cegraves aux ressources du FEM Ce dernier point a donneacute agrave voir les velleacuteiteacutes du Secreacutetariat de la CITES

concernant un accegraves plus direct au FEM

La logique avanceacutee eacutetait la suivante en incorporant dans la vision strateacutegique de la CITES des

dispositions indiquant que les activiteacutes de la convention contribuent agrave la reacutealisation de plusieurs Ob-

jectifs drsquoAichi il sera possible drsquoacceacuteder directement aux ressources du FEM celles-ci eacutetant deacutedieacutees

agrave la reacutealisation du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et ses Objectifs drsquoAichi

Cette incorporation dans la vision strateacutegique de la CITES avait eacuteteacute qualifieacutee de laquo premier pas raquo

vers un accegraves direct au FEM60 Lrsquoeacutetape suppleacutementaire aurait donc consisteacute en lrsquoadoption drsquoun meacutemo-

randum entre la COP de la CITES et le Conseil du FEM afin de preacuteciser les modaliteacutes de financement

pour les activiteacutes CITES La COP de la CITES avait drsquoailleurs indiqueacute au Secreacutetariat de continuer son

travail sur la question61

Le succegraves drsquoune telle approche aurait eacuteteacute un fait marquant pour le droit international de lrsquoenvi-

ronnement En effet le FEM est supposeacute ecirctre le meacutecanisme financier de conventions comportant des

dispositions lrsquoindiquant clairement On peut donc imaginer qursquoil eut eacuteteacute neacutecessaire pour les parties

de la CITES drsquoamender le texte de la convention pour que le FEM y soit incorporeacute en tant que meacuteca-

nisme financier Or la proceacutedure drsquoamendement de la CITES est complexe et les preacuteceacutedents amen-

dements ont pris plusieurs deacutecennies agrave entrer en vigueur62 Lrsquoincorporation de reacutefeacuterences adeacutequates

dans la vision strateacutegique de la CITES ainsi que lrsquoadoption drsquoun meacutemorandum apparaicirct comme des

outils plus souples et rapides pour parvenir agrave un effet comparable lrsquoaccegraves aux ressources

En somme une telle hypothegravese aurait eacuteteacute une illustration flagrante des avantages des normes

souples de la laquo soft law raquo sur les proceacutedeacutes traditionnels du droit international public Drsquoailleurs

celle-ci srsquoest deacutejagrave concreacutetiseacutee en ce qui concerne la Convention des Nations Unies sur la deacutesertifica-

tion dont le texte initial ne mentionne pas le FEM en tant que meacutecanisme financier63

Une telle issue nrsquoest cependant plus agrave lrsquoordre du jour

59 G Futhazar laquo The Diffusion of the Strategic Plan for Biodiversity and Its Aichi Biodiversity Targets within the Biodiversity Cluster An Illustration of Current Trends in the Global Governance of Biodiversity and Ecosystems raquo Oxford Yearbook of International Environemental Law vol 25 ndeg 1 2015 pp 133-166

60 CITES SC 65 Doc17 Accegraves au financement y compris au financement du FEM et meacutecanismes innovants sect 23 laquo En mentionnant le Plan drsquoaction pour la biodiversiteacute et les Objectifs drsquoAichi dans la Vision strateacutegique 2008-2020 de la CITES la Confeacuterence des Parties a ouvert la voie pour le secteur biodiversiteacute du FEM aux questions lieacutees aux espegraveces contribuant agrave la reacutealisation des objectifs drsquoAichi raquo

61 CITES Deacutecision 162 Accegraves aux financements accordeacutes par le Fonds pour lrsquoenvironnement mondial62 Lrsquoamendement de Gaborone devant permettre aux organisations reacutegionales drsquointeacutegration eacuteconomique drsquoecirctre des membres agrave part entiegravere

de la CITES a pris 30 ans pour entrer en vigueur Voir CITES notification ndeg 2013045 Entry into force of the amendment to Article XXI of the text of the Convention (Gaborone 30 April 1983)

63 Ce cas de figure est exposeacute par le Secreacutetariat de la CITES dans le document SC 61 Doc 16 Accegraves aux finances y compris financement par le FEM annexe II Process Followed by UNCCD to Designate GEF as its Financial Mechanism

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

106

b La complexiteacute du reacuteseau institutionnel du FEM comme hypothegravese justifiant lrsquoabandon

Alors que les reacuteunions du Conseil Permanent donnaient agrave croire que la prochaine COP de la

CITES allait ecirctre deacutecisive sur cette question la reacuteunion de janvier 2016 a mis fin de faccedilon abrupte agrave

une telle hypothegravese

En effet les conclusions du groupe de travail portant sur la question de lrsquoaccegraves au FEM furent

bregraveves et laconiques il nrsquoapparaicirct pas neacutecessaire de continuer la deacutemarche drsquoaccegraves direct au FEM64

Cette conclusion est drsquoautant plus surprenante que le document faisant eacutetat des travaux du groupe

de travail sur cette question nrsquoest pas disponible Les documents de travail eacutelaboreacutes pour la COP

17 nrsquoapportent pas plus drsquoinformation quant aux raisons drsquoun tel abandon65 Il semble alors que la

strateacutegie principale de la CITES pour lrsquoaccegraves aux ressources du FEM demeure lrsquousage de SPANB

comportant les dispositions approprieacutees Il est difficile drsquoeacutetablir avec certitude les raisons drsquoun tel

abandon en se basant uniquement sur la documentation officielle de la CITES de la CDB ou du FEM

Neacuteanmoins apregraves analyse des documents drsquoeacutevaluation du FEM une hypothegravese se dessine la trop

grande complexiteacute du reacuteseau institutionnel du FEM

Le FEM nrsquoattribue pas directement ses ressources aux acteurs en charge des projets financeacutes

Pour ce faire le fond passe par un ensemble drsquoagences drsquoapplication dont le nombre a augmenteacute au

fil des anneacutees Cette augmentation parallegravele agrave celles des conventions faisant du FEM leur meacutecanisme

financier a entraineacute la creacuteation drsquoun reacuteseau de plus en plus dense66 La cinquiegraveme eacutevaluation globale

des performances du GEF67 indique tregraves clairement que cette densiteacute est aujourdrsquohui probleacutematique

laquo Concernant son reacuteseau et en raison du nombre drsquoacteurs impliqueacutes le FEM deacutepasse actuelle-

ment le nombre de communications et drsquointeractions permettant un reacuteseau de communication effi-

cace et efficient raquo68

De plus paradoxalement lrsquoeffort de synergie des conventions lieacutees au FEM a entraineacute une sur-

charge administrative pour les organes du FEM qui ont maintenant agrave geacuterer des enjeux de coordina-

tion complexe dans des domaines mecirclant de nombreuses consideacuterations69

Lrsquoensemble de ces eacuteleacutements indiqueacutes par bureau indeacutependant drsquoeacutevaluation peut porter agrave croire

que lrsquoabandon de la strateacutegie drsquoaccegraves direct au FEM est le reacutesultat drsquoune prise en consideacuteration de cet

eacutetat de fait par le groupe en charge drsquoexaminer les possibiliteacutes drsquoaccegraves au fond drsquoautant plus que ce

64 CITES SC 66 Summary Record p 5 laquo Furthermore the FBSC recommended that the Secretariat need not implement Decision 162 a) raquo65 CITES CoP17 Doc 75 Accegraves aux finances y compris le financement par le FEM sect8 laquo Comiteacute a deacutecideacute de recommander agrave la Confeacuterence

des Parties agrave la preacutesente session de ne pas poursuivre la mise en œuvre de la deacutecision 162 raquo 66 Certains auteurs eacutevoquent drsquoailleurs la laquo galaxie du FEM raquo L Boisson de Chazournes laquo The Global Environment Facility Galaxy On

Linkages among Institutions raquo Max Planck United Nations Yearbook vol 3 1999 pp 242-28567 FEM Fith overall performance study of the GEF ndash At the crossroads for higher impact Global Environment Facility Independent Evalu-

ation Office Washington 2014 108 p 68 Ibid p 11 Traduction de lrsquoauteur laquo On the network the GEF is now over the limit of the number of communication and interaction that

allow for an effective and efficient communication network given the number of actors involved raquo69 Ibid p 36

Guillaume FUTHAZAR

107

groupe a eacuteteacute en liaison avec le Secreacutetariat du FEM et ses agents drsquoexeacutecution durant la dureacutee de son

mandat70 Lrsquoajout drsquoune convention dans un reacuteseau deacutejagrave satureacute (voir figure 1) aurait probablement

affaibli le fonctionnement geacuteneacuteral du FEM qui souffre deacutejagrave de nombreuses lacunes Par extension

cela aurait meneacute agrave une potentielle ineffectiviteacute de la strateacutegie le FEM risquant alors de ne pas pou-

voir fonctionner

Figure 1 Le reacuteseau institutionnel du FEM71 (source FEM Fith overall performance study of the GEF ndash At the crossroads for higher impact op cit p 37)

Pour autant le recours agrave cette approche aurait permis aux activiteacutes CITES drsquoobtenir des finan-

cements sans avoir agrave deacutependre de lrsquoincorporation de dispositions adeacutequates dans les SPANB Cela

aurait donc pallieacute agrave lrsquoincertitude concernant lrsquoapplication des lignes directrices de la CITES et permis

aux Eacutetats nrsquoayant pas encore mis agrave jour leur SPANB mais souhaitant tout de mecircme beacuteneacuteficier de

ressources pour des activiteacutes concernant le commerce drsquoespegraveces sauvages de beacuteneacuteficier drsquoun soutien

financier En somme cette seconde approche preacutesentait plus de garanties pour atteindre une plus

grande effectiviteacute de la CITES

Neacuteanmoins ndash et cela constitue peut-ecirctre un autre eacuteleacutement pouvant justifier lrsquoabandon de cette

approche ndash lrsquoharmonisation des SPANB semble connaitre un succegraves grandissant gracircce agrave lrsquointense

collaboration du FEM et du Secreacutetariat de la CITES Par exemple lrsquoadoption du laquo Global Wildlife Program raquo par le FEM a contribueacute agrave maintenir agrave lrsquoagenda international la question du trafic illeacutegal

drsquoespegraveces sauvages72 Le Secreacutetariat de la CITES fait eacutetat drsquoune vingtaine de projets ayant pu beacuteneacute-

ficier de soutien financier gracircce agrave ce programme73 Plus encore le Secreacutetariat fait partie du comiteacute

70 CITES CoP17 Doc 75 op cit sect8 71 Il serait aussi justifieacute drsquoajouter agrave ce scheacutema des flegraveches partant des pays beacuteneacuteficiaires vers les conventions car les orientations donneacutees

par les conventions au FEM sont apregraves tout le reacutesultat des neacutegociations entre Eacutetats membres 72 A cela on peut aussi eacutevoquer lrsquoadoption drsquoune reacutesolution des Nations unies sur le trafic illeacutegal drsquoespegraveces sauvages Assembleacutee geacuteneacuterale

des Nations Unies reacutesolution ARES69314 Lutte contre le trafic des espegraveces sauvages 30 juillet 2015 73 CITES CoP 17 Doc 75 op cit sect13 et p 11

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

108

directeur de ce programme en tant que membre laquo non-exeacutecutant raquo et y apporte ses connais-

sances et expeacuteriences dans le domaine74

Suivant une logique pragmatique de laquo coucircts-avantages raquo il apparaicirct donc que la poursuite de

la premiegravere approche semble plus efficace que de longues deacutemarches juridiques et institutionnelles

pour tenter drsquoacceacuteder directement aux ressources du FEM

Ces diffeacuterentes strateacutegies mises en œuvre par les institutions de la CITES se situent agrave la fron-

tiegravere floue de ce qui pourrait ecirctre consideacutereacute comme relevant de la discipline juridique Le premier cas

illustre lrsquousage drsquooutils deacutepourvus de force normative afin drsquoorienter la reacutealisation drsquoune obligation

conventionnelle exteacuterieure tandis que le second cas illustre les possibles conseacutequences de lrsquoaccumu-

lation de normes souples Neacuteanmoins en ce que ces pheacutenomegravenes ont pour but drsquoaccroicirctre lrsquoeffectiviteacute

drsquoune convention gracircce agrave lrsquoallocation approprieacutee de ressources il semble pertinent de les eacutetudier En

effet une telle eacutetude peut permettre drsquoidentifier de nouvelles pratiques participant potentiellement

au renforcement de lrsquoeffectiviteacute du droit international de lrsquoenvironnement

Il est alors utile de srsquointerroger de faccedilon plus geacuteneacuterale sur la porteacutee juridique des pheacutenomegravenes

que nous venons de deacutecrire

2) Quelle lecture juridique de tels pheacutenomegravenesthinsp

Srsquoinscrivant dans le cadre de lrsquoinitiative CIRCULEX cette eacutetude a pour objet de discuter drsquoun

pheacutenomegravene de circulation de norme dans la gouvernance globale de la biodiversiteacute Cependant bien

que lrsquoon distingue deux strateacutegies pour lrsquoaccegraves aux ressources du FEM srsquoappuyant toutes deux sur la

CDB la nature mecircme des objets ayant circuleacute reste indeacutetermineacutee Que signifie juridiquement drsquoin-

corporer dans un SPANB une reacutefeacuterence agrave la CITESthinsp De mecircme que sont ces Plans Strateacutegiques ou

Objectifs drsquoAichi ayant eacuteteacute incorporeacutes dans la vision strateacutegique de la CITESthinsp (21)

Au-delagrave de la caracteacuterisation juridique de cette circulation cette eacutetude propose eacutegalement de

reconsideacuterer les Secreacutetariats des accords multilateacuteraux sur lrsquoenvironnement Bien souvent ignoreacutes

par la discipline juridique ils font pourtant lrsquoobjet drsquoun nombre grandissant drsquoanalyses de la part

des sciences politiques La derniegravere partie de notre analyse tacircchera de deacutemontrer la pertinence de

la prise en compte de ces institutions pour les juristes tout en soulignant la neacutecessiteacute drsquoune lecture

transdisciplinaire de lrsquoactiviteacute de ces institutions (22)

21 La nature des objets en circulation

Nrsquoeacutetant ni des droits ni des obligations il semble que les eacuteleacutements que les institutions de la

CITES cherchent agrave laquo mettre en circulation raquo eacutechappent agrave la notion de norme75 Plusieurs concepts

juridiques permettent neacuteanmoins de saisir la nature de ces eacuteleacutements

74 Ibid sect1275 Entendu tant dans son acception juridique que dans sa deacutefinition geacuteneacuterale comme faisant reacutefeacuterence agrave la notion de regravegle agrave suivre

Guillaume FUTHAZAR

109

Tout drsquoabord la notion drsquoobjet et but des traiteacutes srsquoavegravere utile pour situer la seconde strateacutegie76

mise en œuvre par le Secreacutetariat (a)

Concernant la premiegravere strateacutegie77 nous pensons que celle-ci bien qursquoelle puisse avoir les appa-

rences drsquoun cas de circulation de normes relegraveve davantage de lrsquoapplication de normes particuliegraveres

les laquo normes interstitielles raquo Ce concept proposeacute par le professeur Lowe78 permet une lecture juri-

dique plus approprieacutee de cette strateacutegie (b)

a Les Plans Strateacutegiques et Objectifs comme indicateurs des buts des traiteacutes

Eacutevoqueacutee agrave plusieurs reprises dans la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traiteacutes et

faccedilonnant de faccedilon significative lrsquoapplication de certains de ses articles laquo lrsquoobjet et le but de traiteacute raquo

demeure une expression dont la deacutefinition exacte srsquoavegravere deacutelicate

Sur ce thegraveme on observe une opposition entre deux courants doctrinaux Drsquoune part la doctrine

anglo-saxonne pour qui lrsquoobjet et le but drsquoun traiteacute ne peuvent ecirctre consideacutereacutes seacutepareacutement mais for-

ment un tout permettant une interpreacutetation teacuteleacuteologique de lrsquoaccord international79 et drsquoautre part

la doctrine franccedilaise voyant une diffeacuterence nette entre la notion objet et de but comparable agrave celle

existant entre objet et cause en droit des obligations

Dans notre preacuteceacutedente eacutetude de la diffusion de la Strateacutegie pour la Biodiversiteacute et ses objectifs

drsquoAichi80 nous avons retenu la distinction opeacutereacutee par le courant francophone de la doctrine car

celle-ci permettait de qualifier juridiquement ce que sont ces objets qui ne sont pas assimilables en

tant que tels agrave des obligations conventionnelles

Dans le commentaire article par article des conventions de Vienne sur le droit des traiteacutes des

professeurs Corten et Klein est poseacutee la distinction suivante entre objet et but

laquo Le but renvoie agrave un lsquocritegravere fonctionnelrsquo en ce qursquoil met en relief la finaliteacute poursuivie par un traiteacute Quant agrave lrsquoobjet il fait appel agrave un lsquocritegravere mateacuterielrsquo axeacute sur le corpus de normes agrave eacutetablir pour reacutealiser lrsquoobjectif poursuivi par un traiteacute raquo81

Cette deacutefinition est similaire agrave celle donneacutee par le professeur Yasseen lors de son cours agrave lrsquoAca-

deacutemie de droit international de La Haye82

76 Pour rappel lrsquoaccegraves direct au FEM gracircce agrave lrsquoincorporation du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique dans la vision strateacutegique de la CITES

77 Lrsquoaccegraves aux ressources du FEM pour les activiteacutes CITES gracircce agrave lrsquoincorporation de reacutefeacuterences pertinentes dans les SPANB des pays en deacuteveloppement ou aux eacuteconomies en transition

78 V Lowe laquo The Politics of Law-Making Are the method and character of norm creation changing raquo in M Byers The role of law in in-ternational politics Essays in international relation and international law Oxford University Press Oxford 2000 354p pp 207-226

79 Sur les diffeacuterences entre les courants anglophone et francophone sur ce thegraveme voir I Buffard K Zemanek laquo The object and purpose of a treaty an enigma raquo op cit

80 G Futhazar laquo The diffusion of the Strategic Plan for Biodiversityhellip raquo op cit81 L Boisson de Chazournes A-M La Rosa M Mbengue laquo Article 18 raquo in O Corten P Klein (ed) Les conventions de Vienne sur le

droit des traiteacutes Commentaire article par article volume 1 Bruylant Bruxelles 2009 1073 pp 589-638 (nous soulignons) 82 K Yasseen laquo Lrsquointerpreacutetation des traiteacutes drsquoapregraves la Convention de Vienne sur le Droit des Traiteacutes raquo RCADI vol 151 1976 p 155

laquo Lrsquoobjet du traiteacute est ce que les parties ont fait les normes qursquoelles ont eacutenonceacutees les droits et les obligations qui en deacutecoulent tandis que le but du traiteacute est ce que les parties ont voulu atteindre raquo

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

110

Un autre auteur francophone le professeur Kolb propose neacuteanmoins une deacutefinition leacutegegraverement

diffeacuterente qui peut eacutegalement se reacuteveacuteler pertinente dans notre cas drsquoeacutetude Dans son ouvrage portant

sur lrsquohermeacuteneutique juridique en droit international83 il opegravere la distinction entre but et objet selon

les critegraveres suivants lrsquoobjet serait la matiegravere soumise agrave la reacuteglementation tandis que le but serait la

finaliteacute de la reacuteglementation84

Lrsquoensemble de ces deacutefinitions nous porte agrave voir dans la strateacutegie drsquoaccegraves direct aux ressources

du FEM une circulation des buts de la CDB

En effet si lrsquoon considegravere le contenu du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et notam-

ment ses objectifs drsquoAichi on peut y voir non pas de nouvelles obligations mais des finaliteacutes agrave at-

teindre dans le contexte de la CDB Cette remarque est eacutegalement valable pour la vision strateacutegique

de la CITES mise agrave jour en 201385 Ici encore pas de nouvelles regravegles mais la deacutefinition drsquoun but agrave

atteindre dans le contexte de la convention

Or la mise agrave jour de la vision strateacutegique indique parmi ces trois objectifs principaux que la

CITES contribue au Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et ses objectifs drsquoAichi86 On a

donc ici un alignement clair des buts voir une hieacuterarchie si lrsquoon considegravere que lrsquoalignement se reacutea-

lise sur la base du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et non pas sur une prise en compte

mutuelle

Cette circulation des buts de la CDB vers la CITES et plus geacuteneacuteralement vers les autres conven-

tions du laquo biodiversity cluster raquo bien qursquoelle nrsquoait finalement pas meneacute agrave un accegraves direct aux res-

sources du FEM appelle plusieurs remarques

Premiegraverement cette circulation peut avoir un impact important sur lrsquointerpreacutetation des traiteacutes

et met en eacutevidence le fait que les buts des traiteacutes sont davantage sujets agrave eacutevolution que leurs objets87

En effet les objets des conventions ayant incorporeacute les objectifs drsquoAichi dans leurs planifications

strateacutegiques nrsquoont eacutevidemment pas changeacute La CITES recouvre toujours exclusivement les questions

de commerce international des espegraveces sauvages menaceacutees drsquoextinction et la convention de Ram-

sar88 ayant elle aussi incorporeacute les Objectifs drsquoAichi dans son plan strateacutegique89 concerne toujours

la gestion des zones humides drsquoimportance internationale En revanche agrave la constance intrinsegraveque

83 R Kolb Interpreacutetation et creacuteation du droit international Esquisse drsquoune hermeacuteneutique juridique moderne pour le droit international Bruylant Bruxelles 2006 936 p

84 Ibid pp 532-533 85 CITES Reacutesolution Conf 163 op cit 86 Ibid lrsquoobjectif 34 du but 3 laquo contribuer agrave une reacuteduction substantielle du rythme de lrsquoappauvrissement de la diversiteacute biologique et agrave la

reacutealisation des buts et objectifs pertinents agreacutees au plan mondial en garantissant que la cites et les autres instruments et processus multi-lateacuteraux soient coheacuterents et se renforcent mutuellement raquo indique laquo La contribution de la CITES aux objectifs du Milleacutenaire pour le deacuteve-loppement pertinents aux buts de deacuteveloppement durable fixeacutes par le SMDD au Plan strateacutegique pour la diversiteacute biologique 2011-2020 et aux Objectifs drsquoAichi pour la biodiversiteacute pertinents ainsi qursquoaux reacutesultats pertinents de la Confeacuterence des Nations Unies sur le deacuteveloppement durable est renforceacutee en veillant agrave ce que le commerce international de la faune et de la flore sauvages soit pratiqueacute agrave un niveau durable raquo

87 Nous avons deacutejagrave eacutevoqueacutes ce point lors de notre analyse preacuteceacutedente voir G Futhazar laquo The diffusion of the Strategic Plan for Biodiver-sityhellip raquo op cit

88 Convention relative aux zones humides drsquoimportance internationale particuliegraverement comme habitats des oiseaux drsquoeau signeacutee le 2 feacutevrier 1971 agrave Ramsar entreacutee en vigueur le 21 deacutecembre 1975 UNTS vol 996 p 250

89 Convention de Ramsar Reacutesolution XII2 Le Plan strateacutegique Ramsar 2016-2020 appendice 2 Appendice 2 Synergies entre les Objectifs drsquoAichi pour la biodiversiteacute de la CDB et les objectifs de Ramsar

Guillaume FUTHAZAR

111

des objets srsquooppose lrsquoeacutevolution des buts qui comme le souligne la diffusion du Plan Strateacutegique pour

la Biodiversiteacute peuvent eacutevoluer notamment en ce qui concerne le degreacute de preacutecision de leur por-

teacutee90 Quant agrave lrsquoimpact drsquoune telle circulation sur lrsquointerpreacutetation des traiteacutes celui-ci deacutecoulerait de

lrsquoapplication de lrsquoarticle 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes91 appelant agrave prendre

en consideacuteration les buts et les objets drsquoun traiteacute ainsi que les pratiques ulteacuterieures des parties dans

lrsquoexercice drsquointerpreacutetation drsquoun traiteacute

Deuxiegravemement cette circulation met en eacutevidence la pluraliteacute des buts des traiteacutes Cette plura-

liteacute nrsquoest en soi pas un eacuteleacutement nouveau du droit international Degraves 1952 la Cour Internationale de

Justice soulignait deacutejagrave une telle possibiliteacute92 Cependant ce cas de circulation souligne une possible

distinction entre ces buts

En effet les documents strateacutegiques preacuteciteacutes eacutenoncent des seacuteries drsquoobjectifs que lrsquoon peut voir

comme des deacuteclinaisons de buts geacuteneacuteraux93 Par exemple le Plan strateacutegique pour la diversiteacute bio-

logique exprime de faccedilon relativement preacutecise94 des seacuteries drsquoobjectifs agrave atteindre afin de remplir les

buts geacuteneacuteraux de la convention De plus cette laquo partie exprimeacutee raquo est temporellement situeacutee et nrsquoest

valable que sur une peacuteriode deacutetermineacutee 2010-2020

On peut alors ecirctre ameneacute agrave voir des distinctions entre les buts drsquoune convention Drsquoune part des

buts immanents existants par eux-mecircmes en raison de la conclusion drsquoune convention et drsquoautre

part des buts laquo situeacutes raquo expressions ulteacuterieures de la volonteacute des parties contractantes quant agrave la fi-

naliteacute drsquoune convention sur une peacuteriode donneacutee Ces buts temporaires et plus preacutecis sont donc une

deacuteclinaison des buts geacuteneacuteraux mais peuvent neacuteanmoins servir le mecircme rocircle drsquoeacuteclairage lorsqursquoil

srsquoagit drsquointerpreacuteter les dispositions drsquoune convention

Troisiegravemement en ce que ces documents sont le reacutesultat de deacutecisions de COP et donc du consen-

sus exprimeacute par les Eacutetats membres des conventions ils permettent drsquoapporter une solution partielle

au problegraveme theacuteorique et pratique que pose lrsquoidentification de lrsquoobjet et du but95 Bien entendu ces

objectifs ne sont pas neacutecessairement lrsquoexpression de lrsquointeacutegraliteacute du ou des buts de la convention

mais peuvent avoir plus de leacutegitimiteacute agrave ecirctre consideacutereacutes comme des buts que ceux eacutetablis prima facie

par un interpregravete exteacuterieur

Finalement et pour conclure sur la lecture juridique de cette premiegravere approche on peut voir

dans cette circulation des buts une meacutethode de laquo deacutefragmentation raquo du droit international de la bio-

diversiteacute Cela est drsquoautant plus inteacuteressant que ce pheacutenomegravene srsquoeacuteloigne des analyses proposeacutees par

90 G Futhazar laquo The diffusion of the Strategic Plan for Biodiversityhellip raquo op cit pp 154-15891 Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes signeacutee le 23 mai 1969 agrave Vienne entreacutee en vigueur le 27 janvier 1980 UNTS vol 1155 p 353 92 Dans lrsquoaffaire Droits des ressortissants ameacutericains au Maroc la Cour utilise freacutequemment lrsquoexpression laquo les buts et lrsquoobjet raquo CIJ France

c Etats-Unis drsquoAmeacuterique arrecirct du 25 aoucirct 1952 Rec 1952 pp 175-214 93 Par exemple ceux eacutevoqueacutes agrave lrsquoarticle premier de la CDB 94 Le caractegravere vague des Objectifs drsquoAichi a fait lrsquoobjet de plusieurs analyses En ce sens voir L Campbell S Hagerman N Gray laquo Pro-

ducing Targets for Conservation Science and Politics at the Tenth Conference of the Parties to the Convention on Biological Diversity raquo Global Environmental Politics vol 14 ndeg 3 2014 pp 41-63

95 En effet lrsquoidentification de lrsquoobjet et du but drsquoun traiteacute neacutecessite une interpreacutetation de celui-ci Or lrsquointerpreacutetation doit ecirctre faite agrave la lu-miegravere de lrsquoobjet et du but du traiteacute interpreacutetation Certains auteurs proposent une issue agrave ce cercle vicieux en eacutetablissant un objet et un but prima facie Voir I Buffard K Zemanek laquo The object and purpose of a treaty an enigma raquo Austrian Review of International and European Law vol 3 1998 pp 311-343

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

112

la Commission du Droit International qui dans son rapport de 2006 sur la fragmentation du droit

international se focalise sur les meacutethodes de reacutesolution des conflits de normes96

b Lrsquoincorporation de reacutefeacuterences agrave la CITES dans les SPANB comme expression de la norme interstitielle de synergie

La premiegravere strateacutegie mise en œuvre par le Secreacutetariat peut precircter agrave confusion quant agrave la nature

des objets ayant circuleacute vers la CDB

Pour rappel cette premiegravere strateacutegie consiste agrave influencer la mise en œuvre drsquoune obligation

issue drsquoune convention (la reacutealisation des SPANB dans le contexte de la CDB) pour permettre de

renforcer lrsquoeffectiviteacute drsquoune autre convention (le financement drsquoactiviteacutes contribuant agrave la CITES)

Pour ce faire il est neacutecessaire que les Eacutetats membres agrave la fois de la CDB et de la CITES incorpo-

rent dans leurs SPANB des dispositions relatives agrave la CITES Quelle est alors la nature juridique de

cette incorporation

Est-ce ici aussi une circulation des buts de la CITES vers la CDBthinsp Dans ce cas ce ne serait pas

une circulation de laquo but vers but raquo comme dans le cas eacutevoqueacute preacuteceacutedemment mais de but vers objet

Si lrsquoon reprend les deacutefinitions citeacutees plus haut il semble en effet que les SPANB constituent un des

objets de la CDB agrave savoir laquo le corpus de normes agrave eacutetablir pour reacutealiser lrsquoobjectif poursuivi par un

traiteacute raquo97 Lrsquoobjet laquo SPANB raquo ayant incorporeacute le but de la CITES permettrait alors un financement

des certaines activiteacutes contribuant agrave la CITES

Cette lecture permettant une distinction eacuteleacutegante entre une circulation de laquo but vers but raquo et

de laquo but vers objet raquo ne reacutesiste cependant pas agrave une lecture plus deacutetailleacutee des SPANB fournis par les

Eacutetats membres de la CDB

En effet les SPANB nrsquoincorporent pas systeacutematiquement le but de la CITES ils peuvent parfois

en incorporer lrsquoobjet98 ou un des objets99 ou tout simplement appeler agrave une application totale de la

CITES100 Pour autant cette vaste pluraliteacute des reacutefeacuterences faites agrave la CITES permet drsquoatteindre un

reacutesultat similaire lrsquoaccegraves aux ressources du FEM pour les activiteacutes contribuant agrave la Convention

Il nrsquoest donc pas possible de parler de faccedilon geacuteneacuterale de la circulation de buts ou drsquoobjet de la

CITES vers la CDB

Il semble plutocirct que cette incorporation de dispositions adeacutequates dans les SPANB soit le reacutesul-

96 Commission du droit international Fragmentation du droit international difficulteacutes deacutecoulant de la diversification et de lrsquoexpansion du droit international ACN4L682 13 avril 2006 Le rapport indique drsquoailleurs que laquo Lrsquoensemble des relations entre reacutegimes nrsquoest actuellement qursquoun grand trou noir juridique raquo (p 276)

97 L Boisson de Chazournes A-M La Rosa M Mbengue laquo Article 18 raquo op cit 98 Par exemple les SPANB du Kirghizistan en date de 2016 appellent agrave ameacuteliorer le systegraveme de restriction agrave lrsquoimport et lrsquoexport drsquoespegravece en

danger en accord avec les dispositions de la CITES voir note 30 p 10 objectif 21499 Par exemple les SPANB de lrsquoUganda en date de 2015 appellent au renforcement des capaciteacutes des autoriteacutes de gestion voir note 30 p 102

objectif 335100 Une telle disposition est visible dans les SPANB de 2016 du Myanmar (op cit note 47) ou dans les SPANB des Maldives voir note 30

p 23 objectif 1

Guillaume FUTHAZAR

113

tat de lrsquoapplication drsquoune norme promue par les institutions des conventions du laquo biodiversity clus-ter raquo la synergie conventionnelle appelant tous les acteurs (Eacutetats institutions et ONG) agrave prendre

en consideacuteration lrsquoensemble des conventions applicables agrave la biodiversiteacute et aux eacutecosystegravemes tant

drsquoapplication de leurs obligations existantes que dans lrsquoeacutelaboration future de normes

Nrsquoeacutetant pas porteuse drsquoobligations en tant que telle cette norme preacutesente les caracteacuteristiques

drsquoune laquo norme interstitielle raquo Ce type de normes est deacutecrit par Lowe comme eacutetant deacutenueacute de force

normative mais pouvant neacuteanmoins influencer les normes primaires du droit international101 Agrave

lrsquoappui de cette deacutefinition Lowe preacutesente un ensemble drsquoarguments baseacute sur le concept de deacutevelop-

pement durable et son traitement par les juridictions internationales102

Il semble que la norme ou le principe de laquo synergie conventionnelle raquo remplisse les critegraveres

eacutenonceacutes par Lowe en ce qursquoelle est seule deacutenueacutee de toute force normative Cependant son appli-

cation dans le cas drsquoespegravece eacutetudieacute permettrait drsquoexpliquer les modifications apporteacutees aux SPANB

(normes primaires du droit international) par les Eacutetats

La question est maintenant de savoir si cette norme a circuleacute agrave savoir si elle est apparue dans

un reacutegime pour ensuite ecirctre reprise par un autre ou si elle a toujours eacuteteacute preacutesente mais a simple-

ment gagneacute en laquo force raquo au fil des anneacutees notamment gracircce aux activiteacutes des institutions ad hoc des

conventions

Comme nous lrsquoavons eacutevoqueacute en introduction lrsquoeffort de synergie entre les conventions a tou-

jours eacuteteacute visible Que ce soit par lrsquoadoption de reacutesolutions ou de deacutecisions portant sur le thegraveme ou la

tenue de reacuteunions interinstitutionnelles on aperccediloit une volonteacute claire tout du moins afficheacutee de

faire en sorte que la coexistence des conventions soit une force plutocirct qursquoun obstacle Plutocirct que drsquoen

attribuer la paterniteacute agrave un reacutegime on peut donc voir lrsquoexistence de cette norme comme le reacutesultat de

lrsquointeraction entre plusieurs conventions et institutions

Dans notre cas drsquoeacutetude cette norme a pu gagner en influence en force par lrsquoadoption succes-

sive de deacutecisions y faisant appel (les plans et visions strateacutegiques) et par lrsquoaction du Secreacutetariat de la

CITES pour que celle-ci soit mobiliseacutee agrave une fin preacutecise

Drsquoailleurs la circulation des buts que nous avons eacutevoqueacutee dans la section preacuteceacutedente peut elle

aussi ecirctre vue comme le reacutesultat de lrsquoinfluence de cette norme interstitielle

En somme ce cas drsquoeacutetude illustrant des enjeux tregraves pragmatiques drsquoaccegraves aux ressources met

en eacutevidence les mutations du droit international de la biodiversiteacute et notamment la force drsquoattrac-

tion tregraves forte exerceacutee par la CDB dans ce domaine Ces mutations donnent aussi agrave voir des pratiques

novatrices de deacutefragmentation et laissent entrevoir ce qursquoon lrsquoon pourrait qualifier de meacutetanorme du

101 V Lowe laquo The Politics of Law-Making Are the method and character of norm creation changing raquo op cit p 213 102 Certains auteurs tout en saluant lrsquoutiliteacute du concept proposeacute par Lowe ont neacuteanmoins remis en cause son analyse en ce qui concerne-

le deacuteveloppement durable Voir Barral (V) laquo Sustainable Development in International Law Nature and Operation of an Evolutive Legal Norm raquo European Journal of International Law vol 23 ndeg 2 2012 pp 377-400 Dans cet article lrsquoauteur deacutemontre la porteacutee reacutegulatrice et donc normative de la notion de deacuteveloppement durable

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

114

droit international de lrsquoenvironnement

Finalement ce cas interroge aussi sur la faccedilon dont la discipline juridique peut se saisir drsquoun

objet qursquoelle nrsquoa que peu eacutetudieacute le secreacutetariat des accords multilateacuteraux sur lrsquoenvironnement

22 Une illustration de lrsquoimportance drsquoinstitutions neacutegligeacutees par la discipline juridique

Pour conclure cette eacutetude nous proposons une discussion sur la faccedilon dont la discipline juri-

dique pourrait srsquointeacuteresser aux secreacutetariats en tant qursquoacteurs de lrsquoeffectiviteacute du droit international

de lrsquoenvironnement Pour cela nous reviendrons briegravevement sur lrsquoaction laquo autonome raquo du Secreacute-

tariat de la CITES pour deacutemontrer que les diverses strateacutegies mises en œuvre pour lrsquoaccegraves aux res-

sources du FEM sont de son fait et ne reacutesultent pas simplement des mandats lui ayant eacuteteacute donneacutes par

les autres institutions de la CITES (a) Gardant ces eacuteleacutements agrave lrsquoesprit nous nous interrogerons sur

la faccedilon dont les disciplines juridiques et politiques pourraient coopeacuterer voir srsquoinfluencer mutuelle-

ment pour lrsquoeacutetude de ces acteurs (b)

a Un secreacutetariat faisant preuve drsquoautonomie

Dans la premiegravere partie de cette eacutetude nous avons deacutecrit les strateacutegies mises en œuvre par les

institutions de la CITES pour acceacuteder aux ressources du FEM Ce paragraphe aura pour but de sou-

ligner lrsquoautonomie du Secreacutetariat dans lrsquoeacutelaboration et la mise en œuvre de ces strateacutegies

Cette question de lrsquoautonomie est importante car elle illustre que lrsquoeacutetude des moyens existant

pour favoriser lrsquoeffectiviteacute du droit international de lrsquoenvironnement peut srsquoeacutetendre agrave des institu-

tions qui sont geacuteneacuteralement ignoreacutees par la discipline juridique103 Si les secreacutetariats font preuve

drsquoautonomie et influent sur lrsquoeffectiviteacute du droit international il est neacutecessaire de les prendre en

consideacuteration

Dans notre cas drsquoespegravece et sur la base de la documentation officielle disponible les preuves de

lrsquoautonomie du Secreacutetariat sont apparentes degraves 2010 et lrsquoadoption de la deacutecision 1520104 Cette deacute-

cision appelle simplement le Secreacutetariat agrave explorer les diffeacuterentes possibiliteacutes pour srsquoassurer du fi-

nancement des activiteacutes drsquoassistance technique contribuant agrave la reacutegulation du commerce drsquoespegraveces

sauvages La notification produite lrsquoanneacutee suivante montre une forte focalisation du Secreacutetariat sur

les possibiliteacutes offertes par le FEM

103 Drsquoune faccedilon qui nrsquoest guegravere surprenante la doctrine srsquoest davantage inteacuteresseacutees agrave la nature des activiteacutes des organes deacutecisionnels notamment les COP Sur ce thegraveme voir notamment Churchill (R) Ulfstein (G) laquo Autonomous Institutional Arrangements in Multilateral Environmental Agreements A Little-noticed Phenomenon in International Law raquo AJIL vol 94 2000 pp 623-659 J Brunneacutee laquo COPing with consent Law-making under multilateral environmental agreements Leiden Journal of International Law vol 15 2002 pp 1-52 Sur les Secreacutetariats les ouvrages et articles se contentent geacuteneacuteralement de les eacutevoquer sans discuter de lrsquoimpact de leurs activiteacutes sur le droit inter-national On relegravevera toutefois un ouvrage discutant de leur statut juridique B Desai Multilateral environmental agreements legal status of the secretariats Cambridge University Press Cambridge 2010 330 p ainsi qursquoune leccedilon donneacutee agrave lrsquoacadeacutemie de La Haye E Giraud laquo Le secreacutetariat des institutions internationales raquo RCADI vol 79 1951 pp 369- 509

104 CITES Deacutecision 1520 op cit

Guillaume FUTHAZAR

115

Bien que le Secreacutetariat dans ces rapports agrave la COP et au comiteacute permanent fasse aussi mention

drsquoautres meacutecanismes de financement on constate que son activiteacute srsquoest principalement concentreacutee

sur la question de lrsquoaccegraves aux ressources du FEM On relegraveve par exemple sa participation agrave des reacuteu-

nions du FEM105 ou encore la forte emphase dans ses rapports sur les opportuniteacutes qursquooffre le FEM

En somme la forte attention des institutions de la CITES pour les ressources du FEM nrsquoest pas le

reacutesultat de directives donneacutees par les Eacutetats de la convention en ce sens mais bien plutocirct des choix

strateacutegiques opeacutereacutes par le Secreacutetariat

Dans une preacuteceacutedente eacutetude106 nous avons illustreacute le rocircle qursquoont joueacute les Secreacutetariats dans la

diffusion du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et ses Objectifs drsquoAichi Il apparaicirct que

le Secreacutetariat de la CITES a ici encore joueacute un rocircle important dans la mise en œuvre des strateacutegies

drsquoaccegraves aux ressources du FEM en ayant un rocircle drsquoimpulsion et en maintenant agrave lrsquoordre du jour tant

du cocircteacute du FEM que du cocircteacute de la CITES la question du financement des activiteacutes CITES

Drsquoailleurs si lrsquoon cherche agrave voir la pratique drsquoautres secreacutetariats sur cette question on constate

que celui de la CITES demeure le plus actif Par exemple dans le contexte de la CMS lrsquoaccegraves aux

ressources du FEM nrsquoa fait lrsquoobjet que de timides deacuteveloppements en comparaison agrave ce que lrsquoon peut

observer dans notre cas drsquoespegravece107

Cette autonomie du Secreacutetariat de la CITES nrsquoest pas en soi une deacutecouverte Beaucoup drsquoauteurs

ont insisteacute sur la forte influence et capaciteacute drsquoinitiative dont pouvait faire preuve cette institution

Par exemple le Secreacutetariat joue un rocircle drsquoexpert en ce qui concerne lrsquoinscription aux annexes de

certaines espegraveces et exerce une forte influence agrave travers cette fonction108 Drsquoautres auteurs ont mecircme

eacutetabli un parallegravele entre lrsquoinfluence du Secreacutetariat et le rocircle que peut avoir la Commission euro-

peacuteenne au sein de lrsquoUnion europeacuteenne109

La discipline juridique seule ne peut appreacutehender tous les eacuteleacutements neacutecessaires agrave lrsquoeacutetude com-

plegravete de ces institutions Il est neacutecessaire de srsquoappuyer sur les eacutetudes deacutejagrave reacutealiseacutees en sciences poli-

tiques pour tenter de deacutegager des questions de recherche permettant drsquoeacutetablir des deacutemarches trans-

disciplinaires

b Des institutions appelant des eacutetudes transdisciplinaires

Lrsquoeacutetude de lrsquoactiviteacute des secreacutetariats est assez reacutecente dans le contexte des sciences politiques

Si lrsquoon peut recenser des articles datant des anneacutees 1990110 agrave notre connaissance le premier ouvrage

collectif portant sur cette question est publieacute en 2009111

105 Le Secreacutetaire Geacuteneacuteral de la CITES eacutetait preacutesent lors de la 41egraveme reacuteunion du conseil du FEM en 2011 [httpscitesorgengnewssg201120111108_GEFphp] consulteacute le 17102016

106 G Futhazar laquo The diffusion of the Strategic Plan for Biodiversityhellip raquo op cit pp 143-147 107 UNEPCMSStC4418 Synergies et partenariats sect 16 108 S Jinnah Post-treaty Politics Secretariats Influence in Global Environmetal Governance MIT Press Londres 2014 245 p p 149 109 T Gehring E Ruffing laquo When arguments prevail over power the CITES procedure for the listing of endangered species raquo Global

Environmental Politics vol 8 ndeg 2 2008 pp 123-148 p 136 laquo By way of the listing procedure the CITES Secretariat acquires the role of an ex-clusive agenda-setter comparable to that of the European Commission raquo

110 R Standford laquo International environmental treaty secretariats a case of neglected potential raquo Environmental Impact Assessment Re-view vol 16 ndeg 3 1996 pp 3-12

111 F Biermann B Siebenhuumlner (ed) Managers of global change The influence of international environmental bureaucracies MIT Press

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

116

Dans celui-ci les diffeacuterentes eacutetudes proposeacutees srsquoattachent notamment agrave mesurer lrsquoinfluence des

Secreacutetariats et les raisons de cette influence Notamment le mandat donneacute agrave ces institutions est proposeacute

comme facteur pouvant expliquer cette influence112 Ce point est inteacuteressant pour les juristes car il concerne

in fine lrsquoapplication de lrsquoarticle drsquoune convention par ses propres institutions De plus dans la logique

geacuteneacuterale du projet CIRCULEX on peut aussi se demander si certaines dispositions nrsquoont pas circuleacute entre

les accords multilateacuteraux sur lrsquoenvironnement et quelles ont pu ecirctre les causes drsquoune telle circulation

Ici apparaicirct donc un point pertinent pour eacutetudier plus en deacutetail lrsquoinfluence du Secreacutetariat de la

CITES en comparaison avec celle des autres secreacutetariats des conventions portant sur la biodiversiteacute

Par exemple dans notre cas est-ce le mandat poseacute agrave lrsquoarticle XII de la CITES qui a permis au Secreacute-

tariat drsquoecirctre un acteur essentiel de la circulation dont nous avons fait eacutetat ou sont-ce les individus agrave

lrsquoœuvre dans ce Secreacutetariat Comment dresser des comparaisons avec les activiteacutes meneacutees par les

autres secreacutetariats du laquo biodiversity cluster raquo Sur ce dernier point nous nrsquoavons pas trouveacute drsquoeacutetude

proposant une analyse deacutetailleacutee

Par exemple nous avons eacutevoqueacute que dans le cas de la CMS le Secreacutetariat ne semble pas avoir

exploreacute avec autant de minutie les possibiliteacutes drsquoaccegraves aux ressources du FEM Est-ce en raison de

lrsquoabsence de deacutecision indiquant clairement au Secreacutetariat de mener des recherches sur les meacutethodes

innovantes drsquoaccegraves aux financementsthinsp Est-ce lrsquoarticle instituant ce Secreacutetariat qui ne lui permet pas

la mecircme autonomie que le Secreacutetariat de la CITES dans lrsquoorientation des strateacutegies de la CMSthinsp Ou

est-ce le simple fait du reacuteseau drsquoindividus œuvrant au sein de ce Secreacutetariat

Il est eacutevident que cette reacuteponse ne peut ecirctre reacutesolue par les juristes seuls car elle neacutecessite la mo-

bilisation drsquooutils eacutetrangers agrave la discipline (interviews ou analyses de reacuteseaux sociaux par exemple)

Neacuteanmoins une collaboration sur ce thegraveme pourrait permettre de mettre agrave jour des reacutesultats inteacuteres-

sants notamment sur la faccedilon dont les Secreacutetariats influent sur le cadre juridique les ayant instau-

reacutes Cette laquo reacutetroaction raquo drsquoune institution ayant un simple rocircle drsquoexeacutecutant administratif est tout

aussi inteacuteressante pour le droit que pour la science politique

Avec cette contribution nous espeacuterons avoir pu mettre en avant les ideacutees promues par le projet

de recherche CIRCULEX notamment le fait que la permeacuteabiliteacute de certains reacutegimes environnemen-

taux permet lrsquoeacutemergence de pratiques nouvelles dans la cadre de la gouvernance mondiale de la bio-

diversiteacute mais aussi que ces pratiques ont une signification juridique forte en raison de leur capaciteacute

agrave remettre en question les classifications classiques de la discipline

Cet eacutetat de fait neacutecessitera une reacuteflexion collective sur la faccedilon dont la discipline pourra appor-

ter des eacuteleacutements analytiques pertinents tout en conservant sa speacutecificiteacute

Cambridge 2009 367 p 112 Ibid p 52

Guillaume FUTHAZAR

117

Partie 2 Circulation des normes et reacuteseaux drsquoacteurs

dans les complexes de reacutegimes

chapitre 1Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la

circulation et la mise en œuvre des normes de gouvernance environnementale agrave lrsquoeacutechelle internationale1

Daniel Compagnon2 Yves Montouroy3 Amandine Orsini4 Roman de Rafael5

La multiplication des reacutegimes internationaux se traduit par lrsquoeacutemergence de laquo complexes de

reacutegimes raquo qui sont lieacutes agrave la fois par des interactions institutionnelles et par lrsquoexistence de laquo theacutema-

tiques croiseacutees raquo (issue-linkage) Un complexe peut ecirctre deacutefini comme laquo a network of three or more

international regimes that relate to a common subject matter exhibit overlapping membership and

generate substantive normative or operative interactions recognized as potentially problematic

whether or not they are managed effectively raquo (Orsini amp al 2013 29 laquo un reacuteseau drsquoau moins trois

reacutegimes internationaux qui se rattachent agrave une mecircme theacutematique ont des membres en commun et

deacuteveloppent des interactions concernant le fond des politiques les normes ou les opeacuterations con-

cregravetes interactions qui sont perccedilues comme sources potentielles de problegravemes qursquoelles fassent ou

non lrsquoobjet drsquoun traitement approprieacute raquo) Chaque complexe portant sur une theacutematique speacutecifique

srsquoinsegravere dans un reacuteseau de gouvernance plus large qui inclut drsquoautres arrangements institutionnels

et systegravemes de normes Les chevauchements theacutematiques entre complexes de reacutegimes et interactions

fortuites ou institutionnaliseacutees rendent davantage neacutecessaire la circulation des normes entre ces reacute-

gimes Cette circulation et ses modaliteacutes sont lrsquoobjet central de cette contribution

Les acteurs eacuteconomiques crsquoest-agrave-dire les acteurs non-eacutetatiques (ANE) dont lrsquoobjectif est le profit

comme les repreacutesentants des entreprises jouent un rocircle important mais largement neacutegligeacute par lrsquoanalyse

Ils contribuent en effet de faccedilon substantielle agrave la neacutegociation et agrave la mise en œuvre des politiques

1 Les travaux empiriques eacutevoqueacutes dans ce papier ont beacuteneacuteficieacute du soutien financier de lrsquoAgence nationale pour la recherche franccedilaise dans le cadre du projet ltANR-12-GLOB-0001-03 CIRCULEXgt2 Daniel Compagnon est professeur de sciences politique agrave Sciences Po Bordeaux Centre Emile Durkheim 3 Yves Montouroy est maicirctre de confeacuterences en science politique agrave lrsquoUniversiteacute des Antilles - Pocircle Guadeloupe chercheur associeacute au Centre Emile Durkheim de Sciences Po Bordeaux et au CReSPo de lrsquoUniversiteacute Saint Louis Bruxelles4 Amandine Orsini est professeure de relations internationales agrave lrsquoUniversiteacute Saint-Louis Bruxelles membre du CReSPo5 Roman de Rafael est doctorant agrave lrsquoUniversiteacute Paris-Est LIPHA (EA 7373) UPEC Creacuteteil

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

118

internationales dans diffeacuterents secteurs (Orsini et Compagnon 2013) Sur le volet mise en œuvre la

circulation des dispositions des reacutegimes internationaux par lrsquointermeacutediaire des acteurs eacuteconomiques

peut ecirctre eacuteclaireacutee par une litteacuterature sur le laquo policy transfer raquo ou sur les dynamiques de diffusion

et de transplantation de solutions drsquoaction publique (Delpeuch 2009 Dumoulin et Saugger 2010

Tulmets 2014) Au sein des processus de transfert de multiples acteurs publics mais eacutegalement priveacutes

et associatifs interagissent (Hassenteufel et Maillard 2013) pour influencer les contenus politiques

Ce travail comparatif srsquoappuie sur quatre eacutetudes meneacutees seacutepareacutement par les co-auteurs et qui il-

lustrent la diversiteacute des questions de recherche que soulegraveve la participation des acteurs eacuteconomiques

agrave la circulation des normes principes et regravegles internationaux non seulement pour ce qui est de la

neacutegociationdiffusion des reacutegimes internationaux mais aussi de leur mise en œuvre agrave travers des

eacutechelles diffeacuterentes Elles associent des approches quantitatives et qualitatives et se situent agrave diffeacute-

rentes eacutechelles de lrsquoorganisation sociopolitique Nous les avons rassembleacutees autour de deux axes

lrsquoeacutelaboration et la neacutegociation des reacutegimes internationaux agrave lrsquoeacutechelon international drsquoune part la

mise en œuvre de ces reacutegimes drsquoautre part

Une eacutetude reacutecente des neacutegociations climatiques (Hanegraaf 2015) perccediloit les entreprises comme

des acteurs politiques beacuteneacuteficiant drsquoun accegraves facile et rapide aux neacutegociations internationales no-

tamment du fait de lrsquoabsence de difficulteacutes de leur part agrave srsquoorganiser collectivement dans des coa-

litions de lobbying Drsquoautres auteurs font lrsquohypothegravese drsquoun renforcement des relations de pouvoir

preacuteexistantes favorisant lrsquoindustrie dans le contexte des complexes de reacutegimes (Drezner 2009) A

contrario une analyse preacuteliminaire (Orsini 2013) et plusieurs eacutetudes sur la question du pluralisme

en relations internationales montrent que la participation des entreprises est probablement moins

automatique qursquoannonceacutee Degraves 1998 Robert Keohane annonccedilait lui-mecircme un changement de confi-

guration des dynamiques internationales de participation du fait de lrsquoarriveacutee des nouvelles techno-

logies de communication avec laquo des politiques internationales de plus en plus controcircleacutees par des

groupes informels de scientifiques ou autres professionnels ou par des coalitions de cause comme

Amnesty International et Greenpeace raquo (Keohane 1998 94)

Enfin il existe une litteacuterature montrant comment la gestion des biens communs srsquoorganise dans

le cadre de dispositifs institutionnels polycentriques ougrave des organisations publiques et priveacutees agrave de

multiples eacutechelles affectent conjointement les beacuteneacutefices et les coucircts collectifs par le biais drsquoun sys-

tegraveme de gouvernance dont les centres de deacutecision sont multiples et indeacutependants les uns des autres

(Ostrom V Tiebout et Warren 1961 Ostrom E 1990 2005 2010)

Dans la premiegravere partie nous eacutetudions jusqursquoagrave quel point des acteurs eacuteconomiques participent

aux forums onusiens sur la gestion durable des forecircts puis comment drsquoautres acteurs eacuteconomiques

ont joueacute un rocircle deacutecisif dans la neacutegociation sur la reacuteduction des eacutemissions de CO2 du secteur aeacuterien agrave

lrsquoOrganisation de lrsquoAviation Civile Internationale (OACI) La deuxiegraveme partie est centreacutee sur la mise

en œuvre soit le rocircle eacutevolutif drsquoacteurs eacuteconomiques dans le meacutecanisme Forest Law Enforcement Go-vernance and Trade (FLEGT) de lrsquoUnion europeacuteenne drsquoune part puis sur la mise en œuvre opeacuteration-

nelle du Meacutecanisme de deacuteveloppement propre (MDP) introduit par le Protocole de Kyoto Drsquoautres

points communs caracteacuterisent ces travaux puisque deux drsquoentre eux touchent agrave la question des

forecircts tropicales reacuteservoirs de biodiversiteacute et puits de carbone alors que les deux autres renvoient

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

119

agrave lrsquoutilisation drsquoinstruments de marcheacute dans les politiques climatiques En comparant ces eacutetudes de

cas agrave premiegravere vue heacuteteacuterogegravenes tant par leur objet que leur meacutethodologie nous voulons faire ressor-

tir la diversiteacute des configurations particuliegraveres drsquoacteurs en fonction des contextes et enjeux tout en

montrant que lrsquoinfluence des acteurs eacuteconomiques nrsquoest pas neacutecessairement lagrave ougrave on lrsquoattend

1) Le poids des acteurs eacuteconomiques dans les neacutegociations internationales pour la gestion durable des forecircts et pour la reacutegulation des eacutemissions carbone dans lrsquoaviation civile

Cette premiegravere partie met en perspective le rocircle drsquoacteurs eacuteconomiques dans lrsquoadoption des

normes dans le cadre de neacutegociations multilateacuterales Dans la premiegravere sous-partie sur les forums in-

ternationaux sur les forecircts nous cherchons agrave mesurer le degreacute de participation de ces acteurs Lrsquoexis-

tence de complexes de reacutegimes change-t-elle la donne sur ce plan Le croisement entre theacutematiques

favorise-t-il ou non les acteurs eacuteconomiques qui sont les plus agrave mecircme de creacuteer des passerelles entre

theacutematiques internationales Peu drsquoeacutetudes adoptent une vue drsquoensemble questionnant cette circu-

lation sur plusieurs eacutechelles drsquoanalyse diffeacuterentes La premiegravere sous-partie vise agrave combler ce double

manque agrave partir du cas de la gestion durable des forecircts

La deuxiegraveme sous-partie eacutetudie le rocircle deacutecisif de la coalition des industries de lrsquoaeacuterien dans le

deacutebat qui agite lrsquoOACI depuis le milieu des anneacutees 2000 sur un eacuteventuel meacutecanisme de marcheacute pour

reacuteduire les eacutemissions de CO2 de lrsquoaviation internationale Lrsquoindustrie y apparaicirct comme un acteur

incontournable de la reacutegulation et un veacuteritable entrepreneur de normes

11 Circulation internationale la participation des acteurs non eacutetatiques aux forums internationaux sur la gestion durable des forecircts

Depuis les anneacutees 1990 la question de la gestion internationale des forecircts a eacuteteacute neacutegocieacutee dans

plus de huit forums internationaux (Gluumlck et al 2010) Nous nous inteacuteressons ici aux institutions qui

ont pour mandat principal drsquoeacutelaborer des politiques de gestion des forecircts agrave savoir

bull le Comiteacute de la FAO pour les forecircts (COFO) historiquement le premier forum agrave avoir dresseacute

lrsquoeacutetat des lieux des forecircts mondiales

bull le Forum des Nations unies sur les forecircts (UNFF) eacutetabli en 2001 pour coordonner les politiques

nationales et internationales dans ce domaine

bull Le Comiteacute international des bois tropicaux (ITTC) de lrsquoOrganisation internationale des bois

tropicaux (OIBT) qui reacuteglemente lrsquoexploitation commerciale de ces forecircts

Ce complexe institutionnel sur la gestion durable des forecircts est fragmenteacute Crsquoest donc un exemple

inteacuteressant pour appreacutehender les conseacutequences drsquoune complexification de lrsquoarchitecture internatio-

nale sur la circulation des acteurs eacuteconomiques Dans le cas drsquoeacutetude envisageacute les acteurs concerneacutes

sont les entreprises forestiegraveres les commerccedilants de bois ou les industries du papier Pour eacutevaluer

lrsquoimportance de la circulation de ces acteurs eacuteconomiques il srsquoagit de la comparer agrave celle drsquoautres

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

120

cateacutegories drsquoacteurs non eacutetatiques comme par exemple les ONG environnementales (ONGE) qui

sont aussi actives sur la theacutematique comme les ONGE speacutecialiseacutees dans la gestion des forecircts dans

la conservation des espegraveces ou plus geacuteneacuteralistes

Pour eacutevaluer cette circulation nous avons constitueacute une base de donneacutees en relevant leur parti-

cipation effective en tant qursquoobservateurs aux diffeacuterentes reacuteunions du complexe sur les forecircts et en

identifiant leur nature (acteurs eacuteconomiques ou ONGE) Cette participation nrsquoa eacuteteacute codeacutee que pour

un minimum de deux participations (pour rendre lrsquoanalyse plus pertinente) La base de donneacutees ain-

si constitueacutee commence agrave la 15e reacuteunion du COFO en mars 2001 et se termine par la 11e reacuteunion de

lrsquoUNFF en mai 2015 et comprend 40 reacuteunions internationales6 Notre meacutethode consiste donc agrave ex-

ploiter les listes de participants aux diffeacuterentes reacuteunions mentionneacutees ci-dessus de faccedilon agrave comparer

la participation que ce soit agrave des forums de neacutegociation ponctuels ou au complexe de reacutegimes Les

reacutesultats concernant la participation agrave des reacutegimes individuels sont preacutesenteacutes dans le Tableau 1 drsquoun

point de vue quantitatif et dans le Tableau 2 drsquoun point de vue qualitatif

Tableau 1 Pourcentage de participation des ONGE (en bleu) et des acteurs eacuteconomiques (en rouge) participant agrave au moins deux reacuteunions aux diffeacuterents reacutegimes constituant le complexe de reacutegimes sur les forecircts ndash 2001-2015

COFO

15

ITTC

30

UNFF

1

ITTC

31

UNFF

2

ITTC

32

ITTC

33

COFO

16

ITTC

34

UNFF

3

ITTC

35

UNFF

4

ITTC

36

ITTC

37

COFO

17

UNFF

5

ITTC

38

ITTC

39

ITTC

40

0 0 0 10 18 0 4 8 5 7 0 8 4 0 0 10 6 0 613 9 38 20 14 19 35 8 9 15 11 17 8 19 10 23 25 29 6

ITTC

41

COFO

18

UNFF

7

ITTC

42

ITTC

43

ITTC

44

COFO

19

UNFF

8

ITTC

45

COFO

20

ITTC

46

UNFF

9

ITTC

47

COFO

21

ITTC

48

UNFF

10

ITTC

49

COFO

22

ITTC

50

UNFF

11

0 8 4 7 4 0 4 0 0 7 0 0 0 13 0 0 4 10 0 012 19 13 7 4 6 27 21 13 10 8 25 12 13 33 15 7 15 16 0

Tableau 2 ANE les plus impliqueacutes dans les neacutegociations internationales delrsquoUNFF de lrsquoITTC et du COFO analyseacutees seacutepareacutement

5 ANE (acteurs eacuteconomiques en rouge et ONGE en bleu et total de la participation entre parenthegraveses) les plus impliqueacutes dans les neacutegociations UNFF (Nb de reacuteunions)

INTERNATIONAL UNION OF FOREST RESEARCH ORGANIZATIONS (9)

CONFEDERATION OF EUROPEAN FOREST OWNERS (9)

FRIENDS OF THE EARTH INTERNATIONAL (7)

INTERNATIONAL FORESTRY STUDENTS ASSOCIATION (6)

World Business Council for Sustainable Development (6)

5 ANE (ONGE en bleu et acteurs eacuteconomiques en rouge) les plus impliqueacutes dans les neacutegociations ITTC (Nb de reacuteunions)

TRAFFIC INTERNATIONAL (20)

6 Cette base de donneacutees est en accegraves libre sur le site web du projet ANR CIRCULEX qui a financeacute son eacutelaboration

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

121

TROPICAL FOREST FOUNDATION (17)

FOUNDATION FOR PEOPLE AND COMMUNITY DEVELOPMENT (13)

ASUMADU AND ASSOCIATES (13)

HUTAN GROUP (12)

5 ANE (ONG en bleu et acteurs eacuteconomiques en rouge) les plus impliqueacutes dans les neacutegociations COFO (Nb de reacuteunions)

INTERNATIONAL UNION OF FOREST RESEARCH ORGANIZATIONS (8)

CONFEDERATION OF EUROPEAN FOREST OWNERS (7)

INTERNATIONAL FORESTRY STUDENTS ASSOCIATION (7)

UNION OF FORESTERS OF SOUTHERN EUROPE (7)

PROGRAMME FOR THE ENDORSEMENT OF FOREST CERTIFICATION COUNCIL (7)

CENTER FOR INTERNATIONAL FORESTRY RESEARCH (7)

Sur la peacuteriode analyseacutee plus drsquoONGE que drsquoacteurs eacuteconomiques suivent les neacutegociations in-

ternationales sur les forecircts 16 en moyenne de participation pour les ONGE et cela quel que soit

le forum consideacutereacute pour seulement 4 en moyenne drsquoacteurs eacuteconomiques La proportion ONGE

acteurs eacuteconomiques est par ailleurs stable au cours du temps et ne montre aucune eacutevolution sen-

sible Seule tendance geacuteneacuterale les neacutegociations plus reacutecentes sont suivies par un pourcentage plus

important drsquoANE Cette derniegravere tendance indiquerait une leacutegegravere ameacutelioration de la repreacutesentation

des ANE au cours du temps Le Tableau 2 indique que les ONGE impliqueacutees sont plutocirct geacuteneacuteralistes

alors que les acteurs eacuteconomiques sont plus facilement speacutecialiseacutes sur la question des forecircts Les neacute-

gociations de lrsquoITTC sont celles qui attirent davantage les acteurs eacuteconomiques

Concernant la participation au complexe de reacutegimes agrave savoir le suivi des trois forums de neacutego-

ciation en parallegravele on constate que 40 des ANE multi-fora sont des ONGE contre 13 pour les

acteurs eacuteconomiques Le Tableau 3 donne le nom des principaux ANE impliqueacutes dans le complexe

de reacutegimes

Tableau 3 Principaux ANE (top 10 avec ONGE en bleu acteurs eacuteconomiques en rouge et total de participations entre parenthegraveses) impliqueacutes dans les neacutegociations internationales du complexe de reacute-gimes sur les forecircts

INTERNATIONAL UNION OF FOREST RESEARCH ORGANIZATIONS (23)

FRIENDS OF THE EARTH INTERNATIONAL (18)

FOREST STEWARDSHIP COUNCIL (14)

INTERNATIONAL FORESTRY STUDENTS ASSOCIATION (14)

WORLD WIDE FUND FOR NATURE (13)

CENTER FOR INTERNATIONAL FORESTRY RESEARCH (11)

PROGRAMME FOR THE ENDORSEMENT OF FOREST CERTIFICATION COUNCIL (11)

WORLD RESOURCES INSTITUTE (10)

THE NATURE CONSERVANCY (10)

INTERNATIONAL FEDERATION OF BUILDING AND WOOD WORKERS (9)

World Business Council for Sustainable Development (8)

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

122

GREENPEACE INTERNATIONAL (7)

GLOBAL FOREST COALITION (6)

INTERNATIONAL INSTITUTE FOR ENVIRONMENT AND DEVELOPMENT (6)

INTERAFRICAN FOREST INDUSTRIES ASSOCIATION (3)

Le Tableau 3 montre agrave nouveau la faible participation des acteurs eacuteconomiques dans le suivi du

complexe de reacutegimes comparativement agrave celle des ONGE

Non seulement le complexe de reacutegimes des forecircts constitue un cas inteacuteressant en lui-mecircme mais

il permet aussi drsquoexaminer le croisement des theacutematiques En effet depuis 2009 la gestion durable

des forecircts est comprise dans un ensemble institutionnel plus vaste incluant la lutte contre les chan-

gements climatiques Au cours des neacutegociations dans le cadre de la Convention cadre des Nations

Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) les questions de lrsquoutilisation des forecircts comme

puits de carbone ou de lrsquoimpact de la deacuteforestation sur les eacutemissions de gaz agrave effet de serre ont pris

de lrsquoampleur Crsquoest surtout apregraves la confeacuterence des Parties (COP) de Copenhague de 2009 qursquoelles

entrent sur lrsquoagenda des neacutegociations par le biais du meacutecanisme REDD+ (reacuteduction des eacutemissions

lieacutees agrave la deacuteforestation et agrave la deacutegradation des forecircts) Depuis la theacutematique des forecircts et celle des

changements climatiques sont de plus en plus mecircleacutees dans les neacutegociations internationales Dans

quelle mesure la participation des acteurs eacuteconomiques contribue au croisement des theacutematiques

forecircts et changement climatique

Pour reacutepondre agrave cette question nous analysons la participation des acteurs eacuteconomiques speacutecia-

liseacutes sur les questions de forecirct notamment le meacutecanisme REDD+ aux COP de la CCNUCC Lrsquoeacutetude

est baseacutee sur la comparaison de lrsquoidentiteacute des acteurs eacuteconomiques les plus actifs des neacutegociations

laquo forecircts raquo depuis 2001 avec lrsquoidentiteacute des acteurs eacuteconomiques ayant suivi les neacutegociations clima-

tiques depuis 2009 Pour obtenir une eacutevaluation de cette participation la mecircme analyse est faite pour

lrsquoensemble des autres cateacutegories drsquoANE et notamment les ONGE Pour ce faire une liste des ANE

les plus actifs (32 organisations) aux neacutegociations du complexe de reacutegimes sur les forecircts est eacutelabo-

reacutee sur la base des listes de participants aux neacutegociations sur les forecircts sur la peacuteriode 2001-2014 Les

ANE speacutecialiseacutes les plus actifs sur cette peacuteriode sont deacutefinis comme ceux ayant suivi au moins 15

des reacuteunions (soit 6 reacuteunions au moins) Dans un deuxiegraveme temps il convient de croiser ces reacutesul-

tats avec la liste des ANE ayant participeacute agrave une COP de la CCNUCC depuis 2009 et drsquoidentifier les

acteurs eacuteconomiques et les ONGE

Les reacutesultats montrent que 375 des ANE actifs dans les neacutegociations internationales sur les

forecircts se retrouvent dans lrsquoensemble des neacutegociations internationales du meacutecanisme REDD+ dans le

cadre de la CCNUCC alors que 155 suivent plus de la moitieacute des reacuteunions de ces mecircmes neacutegocia-

tions Environ 50 (531 soit 17) des ANE experts des questions de forecircts se retrouvent donc dans

les neacutegociations climatiques Crsquoest un niveau de participation tregraves significatif lorsque lrsquoon envisage

les difficulteacutes mateacuterielles et logistiques engendreacutees par la participation agrave des neacutegociations inter-

nationales Parmi ces 531 117 (soit 2 organisations) sont des acteurs eacuteconomiques le World

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

123

Business Council for Sustainable Development (WBCSD) qui a suivi toutes les neacutegociations depuis

2009 et la Confeacutedeacuteration des industries papetiegraveres europeacuteennes qui a suivi trois reacuteunions depuis

2009 Le Tableau 4 recense les ANE speacutecialiseacutes dans les questions forestiegraveres et qui ont suivi toutes

les neacutegociations climat A nouveau le nombre drsquoONGE geacuteneacuteralistes est significatif

Les reacutesultats suggegraverent qursquoil existe une capitalisation de lrsquoexpertise des ANE dans le domaine

environnemental puisque les experts sur les questions de forecircts participent aux discussions clima-

tiques sur REDD+ Cela signifie que le paysage institutionnel dans lequel srsquoinscrit le meacutecanisme

REDD+ est porteur de liens avec pour ce qui est des theacutematiques environnementales les institu-

tions speacutecialiseacutees dans les questions de forecircts Alors que les neacutegociations REDD+ beacuteneacuteficient drsquoune

partie de lrsquoexpertise sur les forecircts deacutetenue par les ONGE cette expertise provient peu des acteurs

eacuteconomiques qui agrave nouveau sont moins actifs sur la question des theacutematiques croiseacutees

Tableau 4 ANE speacutecialiseacutees dans les neacutegociations sur les forecircts participant agrave toutes les COP climat depuis 2009 (ONGE en bleu et industries en rouge)

INTERNATIONAL INSTITUTE FOR ENVIRONMENT AND DEVELOPMENT

GREENPEACE INTERNATIONAL

World Business Council for Sustainable Development

THE NATURE CONSERVANCY

WORLD RESOURCES INSTITUTE

FOREST STEWARDSHIP COUNCIL (FSC)

INTERNATIONAL FORESTRY STUDENTS ASSOCIATION

WORLD WIDE FUND FOR NATURE

TROPICAL FOREST FOUNDATION

FRIENDS OF THE EARTH INTERNATIONAL

Cette section a examineacute la circulation internationale des acteurs eacuteconomiques au sein des fo-

rums internationaux sur la gestion durable des forecircts et en ce qui concerne la theacutematique croiseacutee du

changement climatique comparativement agrave drsquoautres cateacutegories drsquoANE

Plusieurs conclusions intermeacutediaires peuvent ecirctre tireacutees pour cette section Premiegraverement la

participation des acteurs eacuteconomiques est limiteacutee tandis que la participation des ONGE est im-

portante Deuxiegravemement la participation des acteurs eacuteconomiques est encore plus faible dans le

cas drsquoun complexe de reacutegimes Elle est aussi faible concernant le croisement theacutematique entre les

forecircts et le changement climatique Cette eacutetude suggegravere ainsi qursquoen termes de complexification des

reacutegimes et de croisement des theacutematiques lrsquoeacutevolution en cours semble favoriser la participation des

ONGE plus que celle des entreprises Lrsquoinfluence des acteurs sur les Eacutetats nrsquoest pas proportionnelle

agrave lrsquoimportance de leur participation car elle deacutepend eacutegalement de la densiteacute de leurs actions mais

au vu de lrsquoeacutecart de participation en acteurs eacuteconomiques et ONGE il est possible de supputer que

les blocages qui perdurent lors des neacutegociations internationales sur les forecircts apparaissent drsquoabord

comme des blocages politiques et structurels au niveau des Eacutetats plus que comme le produit de la

participation des acteurs eacuteconomiques concerneacutes - au moins agrave lrsquoeacutechelon international Ces eacuteleacutements

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

124

ne permettent pas toutefois de comprendre pourquoi les ONGE sont davantage preacutesentes quand

la neacutegociation srsquoeffectue au niveau du complexe de reacutegimes Des recherches compleacutementaires sont

neacutecessaires sur ce point

12 Le cas de la reacutegulation internationale des eacutemissions carbone du secteur aeacuterien7

Bien que repreacutesentant encore une part modeste des eacutemissions globales de gaz agrave effet de serre

(GES)8 les eacutemissions de lrsquoaviation commerciale croissent de faccedilon plus rapide que la moyenne des

autres secteurs entre 1990 et 2010 cette croissance fut drsquoenviron 80 contre 40 pour la moyenne

de lrsquoeacuteconomie (Alice Bows-Larkin 2014) Selon les sceacutenarios consideacutereacutes lrsquoaccroissement du trafic

pourrait atteindre jusqursquoagrave +515 entre 2000 et 2050 bien que lrsquoestimation la plus courante soit +220

(Gudmundsson et Anger 2012) Suite agrave un deacutesaccord entre les Eacutetats quant agrave la reacutepartition des eacutemis-

sions du trafic international la CCNUCC a confieacute agrave lrsquoOrganisation de lrsquoAviation Civile Internationale

(OACI) en 1997 la responsabiliteacute de mettre en œuvre une reacuteduction des eacutemissions de GES de ce secteur

Bien que la question ait eacuteteacute porteacutee agrave lrsquoagenda du Conseil et de lrsquoAssembleacutee de lrsquoOACI degraves 1998

lrsquoabsence de progregraves significatif sur le sujet a inciteacute lrsquoUE agrave inteacutegrer dans la directive reacuteviseacutee sur le

marcheacute europeacuteen des droits drsquoeacutemission de CO2 (en anglais ETS) de 2008 les eacutemissions de tous les vols

entrant et sortant du territoire de lrsquoUnion Ce dispositif interpreacuteteacute hors UE comme une violation du

principe de souveraineteacute consacreacute par la Convention de Chicago et comme une mesure unilateacuterale

contraire aux usages de lrsquoOACI a eacuteteacute combattu par les Eacutetats non europeacuteens par le Secreacutetariat de

lrsquoOACI et par une grande partie de lrsquoindustrie regroupeacutee sous la banniegravere de lrsquoAir Transport Action

Group (ATAG)9 une vaste coalition dirigeacutee par lrsquoInternational Air Transport Association (IATA) la

principale association mondiale de compagnies aeacuteriennes

Epilogue provisoire de cet affrontement que nous analysons ailleurs (Compagnon agrave paraicirctre)

une reacutesolution adopteacutee par la 38e Assembleacutee de lrsquoOACI en octobre 2013 condamna reacutesolument ce

meacutecanisme reacutegional de lrsquoUE - subseacutequemment suspendu sauf pour les vols intracommunautaires - et

demanda au Conseil de lrsquoOACI drsquoeacutelaborer un projet de meacutecanisme global de marcheacute destineacute agrave ecirctre

formellement adopteacute lors par la 39e Assembleacutee en octobre 2016 pour ecirctre mis en œuvre effective-

ment agrave partir de 2020 Un tel meacutecanisme a eacuteteacute adopteacute le 6 octobre 2016 sur la base drsquoune participa-

tion volontaire des Eacutetats entre 2021 et 2026 puis de faccedilon obligatoire pour tous les Eacutetats dont le trafic

aeacuterien international atteindra ou deacutepassera alors 05 du total Contrairement agrave lrsquoETS de lrsquoUE il ne

srsquoagit pas drsquoun marcheacute de droits drsquoeacutemission mais drsquoun meacutecanisme contraignant de compensation

7 Nous remercions les personnes de lrsquoOACI de lrsquoUE de lrsquoadministration franccedilaise (DGAC) des ONG et de lrsquoindustrie en particulier IATA pour le temps qursquoelles nous ont consacreacute Lrsquoanonymat des inteacuteresseacutes est preacuteserveacute agrave leur demande8 Les acteurs de lrsquoaeacuterien reacutepegravetent comme un mantra le chiffre de 2 des eacutemissions totales selon les chiffres de lrsquoAgence Internationale de lrsquoEacutenergie du deacutebut des anneacutees 2000 Outre qursquoils sont largement deacutepasseacutes puisque les eacutemissions du secteur croissent plus vite que la moyenne cela ne concerne que le CO2 alors que les avions eacutemettent aussi de la vapeur drsquoeau (traineacutees) des oxydes drsquoazote (NO et NO2) et des particules Pour calculer le forccedilage radiatif du transport aeacuterien le GIEC applique un coefficient de 27 agrave lrsquoeffet des eacutemissions de CO2 ce qui met lrsquoimpact total plutocirct autour de 5 9 Outre IATA cette plateforme feacutedegravere lrsquoaeacuteronautique les aeacuteroports et les professionnels de lrsquoaeacuterien (y compris du tourisme) avec un slo-gan laquo commercial aviation speaking with one voice raquo Le directeur de lrsquoenvironnement de IATA sert eacutegalement de secreacutetaire geacuteneacuteral agrave ATAG

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

125

des eacutemissions offsetting (par achat de certificats hors aviation) de faccedilon agrave stabiliser les eacutemissions du

transport aeacuterien au niveau atteint en 2020 Parallegravelement srsquoeacutetait engageacutee agrave lrsquoOACI une neacutegociation

plus technique et discregravete sur lrsquoadoption drsquoune norme technique drsquoeacutemission de CO2 par les nouveaux

avions mis sur le marcheacute (qui ne sera pas traiteacutee en deacutetail ci-apregraves) eacutegalement adopteacutee par la mecircme

assembleacutee triennale Dans ces deux processus les acteurs priveacutes ont joueacute un rocircle deacuteterminant mais

non exclusif sans que lrsquoon puisse parler drsquoune captation de la deacutecision par les inteacuterecircts priveacutes

Lorsque deacutebut 1998 le Conseil requiert lrsquoavis technique de son Comiteacute de la Protection de lrsquoEn-

vironnement en Aviation (CAEP) ce dernier recommande sous lrsquoimpulsion de hauts fonctionnaires

des autoriteacutes de lrsquoaviation civile britannique et ameacutericaine10 le recours agrave un meacutecanisme drsquoeacutechange

de quotas drsquoeacutemissions reacuteputeacute vingt fois moins coucircteux que les autres options pour atteindre un ob-

jectif donneacute de reacuteduction Pour lrsquoun des principaux auteurs de ce travail crsquoest lrsquoexemple du marcheacute

de droits drsquoeacutemission drsquooxyde de soufre mis en œuvre aux Eacutetats-Unis dans le cadre du Clean Air Act qui a inspireacute ce choix et non la pression de lrsquoindustrie aeacuterienne qui nrsquoeacutetait pas encore mobiliseacutee sur

le sujet La 33e Assembleacutee de lrsquoOACI en septembre 1998 enteacuterine alors la participation de lrsquoaviation

civile internationale agrave un systegraveme ouvert drsquoeacutechange de droits drsquoeacutemissions tel qursquoil pourrait reacutesulter

du Protocole de Kyoto tout juste adopteacute et demande au Conseil drsquoen formuler les lignes directrices

Agrave cette fin le CAEP preacutesente agrave la 35e Assembleacutee de lrsquoOACI en octobre 2004 les conclusions de

lrsquoeacutetude laquo Designing a greenhouse gas emissions trading system for international aviation raquo reacutedigeacutee

par un consultant mais les deacutebats sont alors focaliseacutes sur les projets de la Commission europeacuteenne

drsquoinstituer un systegraveme de taxe ou redevance environnementales sur les avions atterrissant ou deacute-

collant de son territoire Hostile agrave un accroissement des taxes et redevances aeacuteroportuaires deacutejagrave eacutele-

veacutees dans les pays deacuteveloppeacutes IATA se rallie alors au concept de laquomesures baseacutees sur le marcheacuteraquo

(MBM) avanceacute par le CEAP mais la discussion du contenu agrave lui donner est repousseacutee agrave lrsquoAssembleacutee

de 2007 Le CAEP a poursuivi apregraves 2004 ses travaux drsquoexpertise sur la mise en œuvre drsquoun marcheacute

de droits drsquoeacutemission dans lrsquoaeacuterien et preacutesenta en octobre 2006 une note sur son champ drsquoapplication

geacuteographique et publia en feacutevrier 2007 des lignes directrices pour la mise en place drsquoun tel marcheacute

Toutefois agrave partir de fin 2008 lrsquoadoption de la directive 2008101CE suscita un blocage politique

complet agrave lrsquoOACI sur la question des eacutemissions de CO2 et provoqua la mobilisation des acteurs pri-

veacutes en particulier les compagnies aeacuteriennes ameacutericaines sous la houlette de leur association Airlines

for America (A4A)

Bien entendu ce conflit OACIUE a masqueacute drsquoautres freins agrave lrsquoadoption drsquoun tel meacutecanisme no-

tamment la volonteacute des Eacutetats du G77 drsquoimporter dans lrsquoaregravene de lrsquoaviation internationale le principe

de responsabiliteacute commune mais diffeacuterencieacutee (RCMD) et de la distinction entre pays de lrsquoAnnexe 1

et pays en deacuteveloppement derriegravere lesquels srsquoabritent certains pays eacutemergents refusant toute me-

sure contraignante de reacuteduction de leurs eacutemissions bien que le trafic aeacuterien y augmente bien plus

10 Tous deux eacutetaient co-rapporteurs du Groupe de Travail 5 du CAEP sur la question Entretien avec un ancien haut fonctionnaire de lrsquoavia-tion civile britannique ancien participant au CAEP Montreacuteal novembre 2015

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

126

vite qursquoen Europe ou aux USA11 De mecircme pendant les deux mandats de GW Bush qui avait reacutecuseacute

le protocole de Kyoto le marcheacute global de droits drsquoeacutemission nrsquoavait pas lrsquoappui de Washington qui

preacutefeacuterait insister sur lrsquoinnovation technologique - notamment les biocarburants - et un panier de

mesures opeacuterationnelles

En deacutecembre 2009 plusieurs compagnies ameacutericaines et A4A attaquent la mise en œuvre de

la directive par le gouvernement britannique En mai 2010 la Haute Cour de Justice administrative

de Londres (Queenrsquos bench Division) deacutecide du renvoi de lrsquoaffaire devant la Cour de Justice de lrsquoUE

(CJUE) pour une deacutecision preacutejudicielle sur la conformiteacute de la directive europeacuteenne au droit inter-

national aeacuterien Lrsquoarrecirct (C-36610) rendu par la Cour de Justice de lrsquoUnion Europeacuteenne (CJUE) le

21 deacutecembre 2011 confirme la leacutegaliteacute de la directive 2008101CE et la deacuteclare conforme au droit

aeacuterien international et agrave lrsquoaccord laquociel ouvertraquo entre les Eacutetats-Unis et lrsquoUE bien que cette interpreacute-

tation soit contesteacutee par de nombreux juristes hors Europe12

Les actions de lobbying srsquointensifient alors aupregraves du gouvernement et du Congregraves ameacutericain

conduisant agrave lrsquoadoption drsquoune loi bipartisane exoneacuterant les compagnies ameacutericaines de lrsquoobligation

drsquoappliquer lrsquoETS europeacuteen promulgueacutee par le Preacutesident Obama en novembre 2012 Lrsquoindustrie

reproche principalement agrave ce dispositif son coucirct drsquoadministration pour les compagnies (enregistre-

ment mesures des eacutemissions gestion de quotas reporting) et y voit lrsquoamorce drsquoune multiplication de

dispositifs nationaux et reacutegionaux heacuteteacuteroclites et redondants situation geacuteneacuteratrice de confusion et

de coucircts accrus13 De plus lrsquoETS dans sa version 2008 aurait instaureacute des distorsions de concurrence

sur les liaisons transcontinentales entre les compagnies devant transiter par lrsquoEurope et celles qui

pouvaient utiliser par exemple le hub de Dubaiuml

Suite aux sanctions commerciales mises en place par la Chine agrave lrsquoencontre drsquoAirbus en juin 2011

ce groupe a mobiliseacute ses relais en France Royaume Uni et Allemagne jusqursquoagrave obtenir que ces trois

gouvernements fassent pression sur la Commission europeacuteenne pour obtenir un premier infleacutechis-

sement en novembre 2012 avec la proposition dite laquostop the clockraquo soit une suspension de lrsquoappli-

cation de la directive jusqursquoagrave la 38e Assembleacutee OACI drsquooctobre 2013 avant que lrsquointervienne en avril

2014 la suspension pour tous les vols extra-europeacuteens jusqursquoau 1er janvier 2017 Ce que les compa-

gnies aeacuteriennes nrsquoavaient pu obtenir Airbus et son chantage agrave lrsquoemploi industriel lieacute aux commandes

chinoises y est parvenu A cet eacutegard et quelle qursquoaurait eacuteteacute lrsquoissue du deacutebat sur le systegraveme global de

MBM agrave lrsquoOACI un retour agrave lrsquoETS europeacuteen dans sa version de 2008 paraissaicirct politiquement exclu

Le projet de MBM global dont ont discuteacute les membres de lrsquoEnvironmental Advisory Group

(constitueacute de repreacutesentants eacutetatiques au Conseil plus IATA) de deacutecembre 2013 agrave janvier 2016 et qui

a eacuteteacute adopteacute par la 39e Assembleacutee est tregraves inspireacute des propositions de IATA Degraves sa reacuteunion geacuteneacuterale

annuelle (AGM) de Vancouver en 2007 lrsquoassociation avait adopteacute la laquo strateacutegie des 4 piliers raquo parmi

lesquels un meacutecanisme global de MBM Ayant pris livraison drsquoune eacutetude de McKinsey sur la crois-

sance agrave long terme de lrsquoindustrie en 2008 IATA a eacutelaboreacute une strateacutegie sur le changement climatique

11 Les donneacutees de lrsquoOACI pour 2014 font apparaicirctre que la Chine est passeacutee en tecircte devant les Eacutetats-Unis pour la part du trafic internatio-nal exprimeacutee en revenutonnekilomegravetre 12 Pour deux perspectives opposeacutees dans ce deacutebat juridique cf Koh 2012 et Bogojevic 201213 Entretiens seacutepareacutes avec des cadres dirigeants de IATA et de A4A Genegraveve avril mai et septembre 2015

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

127

en 2009 comprenant la neutraliteacute carbone de la croissance du trafic agrave partir de 2020 (CNG2020) et un

objectif plus lointain de reacuteduction de 50 des eacutemissions par rapport au niveau de 2005 agrave lrsquohorizon

2050 Elle est parvenue ensuite agrave faire adopter ces objectifs par lrsquoOACI A son 69e AGM en juin 2013

agrave Cape Town IATA a pris position en faveur drsquoun MBM global sous la forme drsquoun systegraveme obliga-

toire de compensation des eacutemissions (offsetting) et a demandeacute aux Eacutetats drsquoadopter un tel dispositif agrave

lrsquoOACI14 Pour les compagnies en effet la compensation est preacutefeacuterable parce que plus souple et moins

coucircteuse agrave geacuterer qursquoun marcheacute de droits drsquoeacutemissions et une trentaine de compagnies aeacuteriennes la

pratiquant deacutejagrave sur une base volontaire

En outre IATA justifie son positionnement par une communication tregraves au point et que vient

illustrer un scheacutema mis en avant dans tous ses documents sur le sujet (cf graphique ci-dessous)

Pour ATAG lrsquoaeacuterien ne doit pas ecirctre soumis agrave des efforts injustes car il a deacutejagrave contribueacute agrave la

reacuteduction des eacutemissions plus que drsquoautres secteurs Lrsquoindustrie avance que le progregraves technique a

permis de faire 70 drsquoeacuteconomie de carburant sur la consommation des turboreacuteacteurs depuis leur

introduction et compense 2 points sur les 5 de croissance annuelle du trafic et des eacutemissions Le

recours agrave une forme de MBM est indispensable au moins pour quelques deacutecennies pour respecter

lrsquoengagement drsquoune stabilisation des eacutemissions au niveau atteint en 2020 avant que le deacuteveloppe-

ment des carburants alternatifs et une nouvelle vague drsquoinnovations technologiques permettent une

laquo deacuteconnexion quasi complegravete raquo entre croissance du trafic et eacutevolution des eacutemissions Cette strateacutegie

soulegraveve pourtant de nombreuses questions de faisabiliteacute15 notamment quant agrave la disponibiliteacute future

des carburants sans carbone16

14 Cf lrsquointerview mettant en scegravene Tony Tyler preacutesident de IATA sur le site web de lrsquoorganisation ainsi que le document Resolution on the Implementation of the Aviation laquoCNG2020raquo Strategy adopteacutee par IATA agrave son 69e AGM agrave Cape Town15 Deux travaux scientifiques reacutecents jettent le doute sur la possibiliteacute de tenir lrsquoengagement de 2050 avec le seul panier de mesures pro-poseacute par lrsquoindustrie et lrsquoOACI (Matt Grote et al 2014 Bows-Larkin 2014) et sans controcircle de la demande16 Beaucoup drsquoobservateurs et pas seulement des ONG doutent du miracle annonceacute des carburants alternatifs (Bridger 2013 chap 2) Certains reacutegulateurs europeacuteens en doutent eacutegalement (Entretiens haut fonctionnaire Transports Paris avril 2014 ancien haut fonctionnaire travaillant pour lrsquoindustrie Paris aoucirct 2014)

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

128

La prise de position solennelle de IATA agrave Cape Town est souvent citeacutee comme un facteur deacute-

cisif du ralliement des Eacutetats-Unis au projet de MBM global dans la reacutesolution de la 38e Assembleacutee

de lrsquoOACI En effet les repreacutesentants ameacutericains srsquoaffirmaient sceptiques sur les chances drsquoun tel

systegraveme quelques mois auparavant notamment lors des discussions du Groupe de Haut Niveau reacute-

uni de deacutecembre 2012 agrave avril 2013 pour tenter de reacutesoudre le conflit entre lrsquoUE et lrsquoOACI Certains

observateurs ont pointeacute lrsquoactivisme de A4A et de IATA dans les couloirs de la 38e Assembleacutee pour

convaincre les deacuteleacutegueacutes des pays du Sud de voter contre lrsquoETS europeacuteen17 Ils soupccedilonnent eacutegalement

A4A drsquoecirctre derriegravere le lacircchage des Europeacuteens par la deacuteleacutegation ameacutericaine Que la numeacutero deux de

la deacuteleacutegation US agrave la 38e Assembleacutee et haut responsable de Federal Aviation Authority fut issue de

lrsquoindustrie et y soit retourneacutee peu apregraves est invoqueacute en appui agrave cette vision fantasmatique drsquoune

laquocaptureraquo de lrsquoaction publique par le priveacute18 Les dirigeants de lrsquoindustrie interrogeacutes estiment qursquoon

leur precircte un pouvoir qursquoils nrsquoont pas dans cette affaire19 Ils font remarquer que la FAA nrsquoest pas

la seule impliqueacutee dans le processus de deacutecision aux USA - la deacuteleacutegation ameacutericaine eacutetait conduite

en 2013 par Todd Stern repreacutesentant speacutecial du preacutesident Obama sur le climat ndash et que le premier

argument motivant les Eacutetats tiers eacutetait la question de la souveraineteacute sur lrsquoespace aeacuterien De mecircme

quand on eacutevoque le mode de calcul des obligations de chaque compagnie dans le dispositif adopteacute

en 2016 lequel favorise les compagnies ameacutericaines crsquoest le risque que le Congregraves ameacutericain refuse

drsquoappliquer ce dispositif qui est invoqueacute comme fondement de la position ameacutericaine agrave Montreacuteal20

Plus fondamentalement lrsquoindustrie est tregraves preacutesente dans les activiteacutes de lrsquoOACI agrave tous les ni-

veaux IATA est notamment membre des groupes de travail du CAEP observateur au Conseil as-

socieacutee aux groupes restreints constitueacutes par le Preacutesident du Conseil au fil des ans dont le Groupe

de Haut Niveau de 2013 Dans lrsquoEnvironmental Advisory Group elle a sieacutegeacute en tant que membre au

mecircme titre qursquoun Eacutetat et non plus comme observateur alors que les ONGE eacutegalement regroupeacutees

dans lrsquoInternational Coalition for Sustainable Aviation (ICSA) accreacutediteacutee agrave lrsquoOACI nrsquoeacutetaient pas in-

viteacutees Associeacutee de longue date agrave lrsquoeacutelaboration des regraveglementations de seacutecuriteacute et de sureteacute IATA

se rend utile aux deacuteleacutegations par son expertise et sa disponibiliteacute Crsquoest en partie un heacuteritage drsquoune

eacutepoque ougrave les compagnies aeacuteriennes eacutetaient souvent publiques et tregraves proches des autoriteacutes natio-

nales de reacutegulation y compris aux Eacutetats-Unis ougrave jusqursquoen 1978 la concurrence eacutetait tregraves organiseacutee

par lrsquoEacutetat Une sorte de laquo deacutependance au sentier raquo srsquoest creacuteeacutee qui place IATA au cœur du dispositif

deacutecisionnel de lrsquoOACI

Les dirigeants de lrsquoindustrie mettent en avant leur adheacutesion aux objectifs de deacuteveloppement

durable et reconnaissent lrsquourgence climatique car se montrer proactif sur la question crsquoest acqueacuterir

laquo le droit agrave continuer agrave croicirctre raquo (license to grow)21 autrement dit re-leacutegitimer aux yeux du public

une activiteacute critiqueacutee pour son impact environnemental Ce nrsquoest pas combattre toute forme de

17 Entretien haut fonctionnaire Transports Paris juillet 201418 Entretien repreacutesentant drsquoONG Bruxelles deacutecembre 2014 Certes Julie Oettinger est passeacutee de United Airlines agrave la Federal Aviation Administration le 7 juin 2010 en tant qursquoAssistant Administrator for Policy International Affairs and Environment Ella a quitteacute la FAA en novembre 2013 pour devenir Managing Director Legal and Regulatory affairs (Europe Middle East and Africa) pour Delta Air Lines Toutefois ce genre de trajectoire professionnelle est chose commune en Ameacuterique du Nord et ne prouve rien en soi19 Entretiens agrave Genegraveve cadre dirigeant de IATA mai 2015 responsable de A4A septembre 201520 Entretien membre de la deacuteleacutegation ameacutericaine agrave la 39e Assembleacutee Montreacuteal 7 octobre 201621 Lrsquoexpression est sortie spontaneacutement dans plusieurs entretiens avec des repreacutesentants de lrsquoindustrie

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

129

reacutegulation mais obtenir celle qui est le plus favorable agrave lrsquoeacutepanouissement de lrsquoindustrie (un standard

drsquoeacutemission de CO2 neacutegocieacute pour lrsquoaeacuteronautique un systegraveme de compensation pour les compagnies)

quitte agrave reporter dans le temps (apregraves 2020) ou vers drsquoautres secteurs (ceux qui geacutenegraverent les creacutedits

neacutegociables) le poids de lrsquoajustement Le non-dit de lrsquoopposition de IATA agrave lrsquoETS crsquoest que la

directive imposait de reacuteduire les eacutemissions par rapport au niveau enregistreacute en 2010 puis drsquoaccroicirctre

progressivement lrsquoeffort Avec un niveau tregraves bas du prix de la tonne carbone sur le marcheacute lrsquoimpact

financier eacutetait mesureacute au deacutebut22 mais le systegraveme eacutetait par essence plus contraignant que celui qui

est sorti de lrsquoAssembleacutee de 2016 surtout si les creacutedits eacuteligibles agrave la compensation sont agrave lrsquoavenir

deacutefinis de faccedilon extensive par exemple en incluant la REDD+

Les groupes de pressions industriels ne sont donc pas agrave lrsquoorigine de lrsquointroduction des MBM

dans le deacutebat sur la reacuteduction des eacutemissions de GES de lrsquoaviation commerciale agrave lrsquoOACI IATA

srsquoy est rallieacutee depuis 2007 par hostiliteacute aux projets de nouvelles taxes de lrsquoUE et sous lrsquoinfluence

de son nouveau directeur de lrsquoenvironnement convaincu que les compagnies aeacuteriennes devaient

adopter une strateacutegie proactive Toutefois IATA a manœuvreacute habilement en coalition avec cer-

tains acteurs eacutetatiques pour obtenir la condamnation de lrsquoETS europeacuteen consideacutereacute comme nui-

sible aux inteacuterecircts des compagnies aeacuteriennes et pour promouvoir la compensation comme type

souhaitable de MBM Lrsquoindustrie a ainsi mis en œuvre trois types de leadership (Fuchs 2007)

structurel du fait de sa position centrale dans le dispositif normatif de lrsquoOACI depuis lrsquoori-

gine instrumental dans ses alliances tactiques avec les Eacutetats srsquoopposant agrave lrsquoETS europeacuteen et

lors de lrsquointervention drsquoAirbus pour la suspension de son application discursif enfin en propo-

sant une strateacutegie coheacuterente et agrave long terme remportant lrsquoadheacutesion des Eacutetats-Unis et du secreacuteta-

riat de lrsquoOACI sans compter certaines ONG de lrsquoInternational Coalition for Sustainable Aviation

Toutefois il ne faut pas surestimer lrsquouniteacute drsquointeacuterecirct et drsquoaction de lrsquoindustrie Lors de lrsquoadoption

de la deacuteclaration de Cape Town en 2013 les repreacutesentants des compagnies chinoises avaient osten-

siblement quitteacute la salle Bien que rassemblant 256 compagnies dans 117 pays IATA reste domineacutee

par les membres occidentaux de lrsquoindustrie Crsquoeacutetait eacutegalement flagrant agrave la confeacuterence drsquoATAG lsquoGlo-bal Sustainable Aviation Summitrsquo en septembre 2015 les acteurs arabes asiatiques (hors Singapour)

et africains eacutetaient largement absents Dans les Global Aviation Dialogues (GLAD) organiseacutes par le

Secreacutetariat de lrsquoOACI dans les diffeacuterentes reacutegions du monde courant 2015 les reacuteticences des acteurs

aussi bien industriels que gouvernementaux agrave soutenir un MBM global eacutetaient palpables23 En deacute-

pit de la strateacutegie de communication bien huileacutee de IATA lrsquoindustrie est loin drsquoecirctre unanime sur la

question de mecircme que lrsquoETS europeacuteen avait susciteacute des divergences au sein des compagnies (euro-

peacuteennesautres) La capaciteacute des acteurs priveacutes agrave imposer les normes et instruments qui ont leur preacute-

feacuterence se heurte vite agrave des limites en lrsquoabsence drsquoun cadre drsquoaction publique neacutegocieacute par les Eacutetats

22 Selon une estimation de la DGAC franccedilaise lrsquoapplication de lrsquoETS europeacuteen agrave une compagnie chinoise aurait coucircteacute 51 euro par passager sur un vol AR Paris Peacutekin en 2012 et 65 euro en 2013 A titre de comparaison les taxes aeacuteroportuaires repreacutesentent plusieurs centaines drsquoeuros sur le coucirct du billet23 Par exemple au GLAD du Caire teacutemoignages venant de lrsquoindustrie comme drsquoun repreacutesentant drsquoONG (entretiens agrave Bruxelles aoucirct 2015 et Genegraveve septembre 2015)

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

130

2) Evolution du rocircle des ANE dans la mise en œuvre de la politique exteacuterieure de lrsquoUE contre le bois illeacutegal et du Meacutecanisme de Deacuteveloppement Propre

Lrsquoaction exteacuterieure de lrsquoUE contre le bois illeacutegal offre un autre exemple de la circulation in-

ternationale des normes environnementales et des acteurs entre les aregravenes politiques et dans le

complexe de reacutegimes touchant aux probleacutematiques de gestion durable des forecircts dans les pays fo-

restiers coopeacuterant avec lrsquoUE Elle se mobilise en lien avec les organisations internationales les

agences gouvernementales et les acteurs priveacutes tant au plan sectoriel au nom de la compeacutetiti-

viteacute de lrsquoexploitation forestiegravere qursquoau plan de la socieacuteteacute civile pour deacutefendre les populations lo-

cales et les droits des travailleurs dans la neacutegociation et la mise en œuvre de ce dispositif Plus

encore le FLEGT fait consensus en tant qursquoinstrument qui pourra fournir la base leacutegale indis-

pensable agrave la mise en œuvre locale des politiques internationales du changement climatique

Nous examinons ensuite la mise en œuvre du MDP lequel constitue un cas inteacuteressant drsquointeacutegration

des acteurs priveacutes dans lrsquoeacutevolution drsquoun dispositif institutionnel La mise en œuvre opeacuterationnelle du

MDP repose effectivement sur les acteurs priveacutes et lrsquoutilisation drsquoun instrument de marcheacute entraicircne

lrsquoeacutemergence drsquoune architecture institutionnelle complexe reposant sur la participation priveacutee

21 Les ANE dans lrsquoaction exteacuterieure de lrsquoUE contre le bois illeacutegal en Reacutepublique du Congo

Le commerce international de bois illeacutegal deacutesigne lrsquoexploitation des forecircts contrevenant au

cadre leacutegal national et la commercialisation du bois en deacutecoulant Entre 20 agrave 50 de lrsquoexploitation

mondiale de bois et 10 des importations mondiales seraient illeacutegales pour une valeur de 30 agrave 100

milliards de dollars de profit par an (Nelleman 2012) Il repreacutesente de 10 agrave 15 milliards de dollars de

pertes fiscales annuelles pour les Eacutetats deacutegrade les eacutecosystegravemes forestiers et creacutee une concurrence

deacuteloyale entre les firmes drsquoexploitations forestiegraveres (World Bank 2008 3186 Brack 2008 Lawson

MacFaul 2010 FAOOIBT 2010 8 Hoare 2015) Le problegraveme du bois illeacutegal a connu un traitement

international similaire agrave drsquoautres enjeux forestiers mondiaux Drsquoabord inteacutegreacute aux objectifs ambi-

tieux drsquoune convention internationale sur les forecircts (Smouts 2001 Humphreys 2006) il fut finale-

ment transfeacutereacute agrave des processus resserreacutes et maicirctriseacutes par les seuls Eacutetats voulant en faire une prioriteacute

de leur agenda politique Deacutenonceacute par la socieacuteteacute civile dans les anneacutees 1970 puis inscrit agrave lrsquoAccord

des Eacutetats membres de lrsquoOrganisation Internationale pour les Bois Tropicaux de 1983 comme pro-

blegraveme sectoriel majeur le bois illeacutegal en fut retireacute sous la pression des Eacutetats producteurs24 Il fut alors

inteacutegreacute aux forums et panels successifs sur les forecircts organiseacutes au sein de lrsquoONU dans les anneacutees

1990 sans grands reacutesultats Crsquoest finalement sous la pression drsquoONG ndash Global Forest Policy Project et Global Witness ndash et du secteur priveacute ameacutericain deacutenonccedilant une concurrence deacuteloyale qursquoil fut pris

en charge par les Eacutetats-Unis au sein de lrsquoIntergovernmental Panel on Forests en 1996 ougrave il rencontre

les mecircmes reacutesistances Les Eacutetats-Unis vont alors lrsquoinscrire agrave lrsquoordre du jour de la Confeacuterence du G8

24 Le vocable laquo bois non documenteacute raquo lui sera preacutefeacutereacute dans lrsquoAccord suivant (AIBT 1994 art 271 al c)

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

131

agrave Bali en 2001 A lrsquoissue de celle-ci ses membres publient la deacuteclaration Forest Law Enforcement and Governance (FLEG) pour ameacuteliorer la coopeacuteration et la gouvernance dans le domaine de la leacutegaliteacute

forestiegravere Cela deacutebouchera sur des mesures douaniegraveres agrave lrsquoexemple du Lacey act aux USA agrave partir de

2008 et du plan drsquoaction FLEGT de lrsquoUE adopteacute en 2003

Lrsquoaction exteacuterieure de lrsquoUE contre le bois illeacutegal poursuit le double objectif de lutter contre lrsquoil-

leacutegaliteacute en renforccedilant lrsquoautoriteacute des Eacutetats producteurs tout en poursuivant les efforts pour ameacuteliorer

la gestion durable des forecircts A cette fin le plan drsquoaction FLEGT deacutefinit un cadre de coopeacuteration ndash

lrsquoAccord de partenariat volontaire (APV) ndash dans lequel les Eacutetats producteurs deacutefinissent avec lrsquoUE

les moyens drsquoatteindre ces objectifs La meacutethodologie de lrsquoAPV suit quatre phases une premiegravere de

cadrage avec une ouverture aux parties prenantes une seconde de neacutegociation entre lrsquoUE et le pays

producteur une troisiegraveme de deacuteveloppement des systegravemes de traccedilabiliteacute de la leacutegaliteacute et enfin une

quatriegraveme de mise en œuvre

Nous examinons en particulier lrsquoAPV entre la Reacutepublique du Congo et lrsquoUE Appuyeacutes par lrsquoEu-

ropean Forest Institute (EFI) dans le cadre de la EU FLEGT Facility depuis 2007 qui fournit agrave lrsquoUE et

aux tiers lrsquoexpertise technique et politique et par la FAO dans le cadre du partenariat EU FAO FLE-

GT mis en place en 2008 pour appuyer les pays tiers lrsquoobjectif des neacutegociations est de preacuteciser le

cadre juridique applicable les responsabiliteacutes publiques et priveacutees et enfin les proceacutedures critegraveres et

indicateurs qui permettront de suivre le bois depuis les forecircts jusqursquoaux marcheacutes de consommation

Au terme de cette matrice de leacutegaliteacute seront deacutelivreacutees les autorisations FLEGT drsquoexportation de bois

vers lrsquoUE dispensant les opeacuterateurs de toute autre deacutemarche administrative et douaniegravere pour faire

entrer le bois sur le marcheacute europeacuteen De tels accords font intervenir diffeacuterents repreacutesentants des

institutions europeacuteennes (notamment la Direction Geacuteneacuterale Coopeacuteration Internationale et Deacutevelop-

pement comme neacutegociateur et le Service drsquoAction Exteacuterieure pour le suivi de la mise en œuvre dans

le pays) et drsquoEacutetats membres (en particulier les agences franccedilaise et britannique AFD et UK Aid qui

soutiennent financiegraverement les parties prenantes civiles agrave lrsquoaccord) Signeacute en 2010 apregraves une neacutegocia-

tion relativement rapide initieacutee en 2008 et parapheacute en 2009 lrsquoaccord ne sera finalement ratifieacute qursquoen

2012 Pour autant en 2016 aucun certificat ni autorisation FLEGT nrsquoa encore eacuteteacute eacutemis par le pays25

Toutefois la mise en œuvre du FLEGT va requeacuterir la participation des acteurs priveacutes concerneacutes

qui agrave lrsquoinstar des ONG se mobilisent pour en neacutegocier les formes concregravetes Ce travail de meacutediation

des repreacutesentants de la filiegravere forecirct-bois est apparu incontournable aux vues des objectifs de lrsquoAPV

et des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de lrsquoautoreacutegulation priveacutee Selon les autoriteacutes de lrsquoUE de tels

instruments relegravevent drsquoun compromis entre acteurs priveacutes volontaires qui ne porte que sur les sur-

faces forestiegraveres concerneacutees creacuteant ainsi des icirclots de durabiliteacute et de leacutegaliteacute sans effet sur le reste

du massif forestier et sa gouvernance Leur objectif est donc de les reacuteinseacuterer dans lrsquoagenda politique

et de poser la question de leur rocircle dans la loi forestiegravere Face agrave cette mise en cause le secteur srsquoest

mobiliseacute pour faire reconnaicirctre des investissements et la deacutefinition de nouvelles meacutethodes de gestion

25 Sur le dispositif APV Congo voir le site de lrsquoAPV FLEGT Congo (httpapvflegtcongoinfo) et du European Forest Institute EU FLEGT Facility (httpwwweuflegtefiintrepublic-congo) consulteacutes en feacutevrier 2016

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

132

souvent reacutealiseacutes sous la pression et le controcircle des ONGE et dans le cadre de partenariats transna-

tionaux

Cette mobilisation va au-delagrave du seul APV Congo Trois organisations se situent agrave lrsquointerface de

lrsquoUE et des pays producteurs lrsquoAssociation Technique Internationale des Bois Tropicaux (ATIBT)

lrsquoInterafrican Forest Industries Association (IFIA) et enfin lrsquoassociation lsquoLe Commerce du Boisrsquo26 En

tant qursquoespaces intermeacutediaires de meacutediation dans cette filiegravere mondialiseacutee ces organes de repreacutesen-

tation des firmes ont pour fonction drsquoinformer les membres neacutegocier avec les autoriteacutes publiques et

internaliser le changement Lrsquoinvestissement dans ces trois fonctions va deacutependre de la deacutependance

agrave la ressource concerneacutee par le FLEGT Ces organisations positionneacutees diffeacuteremment dans la filiegravere

partagent la probleacutematique poseacutee par le FLEGT quant agrave la pertinence de continuer agrave srsquoinscrire dans la

certification du Forest Stewardship Council27 En effet le nouveau dispositif leacutegal preacutevoit les mecircmes

cateacutegories drsquoobligations tout en fournissant un certificat de durabiliteacute et de leacutegaliteacute pour la commer-

cialisation Or si lrsquoaccord ne reconnaissait pas la certification priveacutee dans la grille de leacutegaliteacute cela

entraicircnera une double meacutethodologie avec des controcircles distincts et des coucircts suppleacutementaires Cela

eacutetant le FSC nrsquoapparaicirct pas meacutecaniquement isoleacute dans ce processus de mecircme que les entreprises

forestiegraveres certifieacutees ne tiennent pas forceacutement agrave renoncer agrave la certification malgreacute le coucirct suppleacute-

mentaire qursquoelle repreacutesente En effet lrsquoenjeu de la place de la certification est eacutegalement partageacute par

les entreprises du secteur qui reconnaissent ses apports en termes de meacutethode de gestion des fo-

recircts naturelles ou de communication quant agrave lrsquoimage du secteur sur les marcheacutes de consommation

europeacuteen et srsquoinquiegravetent du retour sur investissement pour les entreprises qui srsquoy sont engageacutees

Ainsi au-delagrave de lrsquoinformation aux membres quant aux nouveaux deacutefis que posent les pro-

ceacutedures FLEGT lrsquoaction conjointe de lrsquoATIBT et de lrsquoIFIA consiste agrave se mobiliser pour suivre les

neacutegociations et la mise en œuvre du dispositif tant au sein des institutions communautaires euro-

peacuteennes qursquoau Congo pour y inteacutegrer les efforts preacuteceacutedemment reacutealiseacutes en matiegravere de certification

de la gestion durable Cette mobilisation est notamment stimuleacutee par les reproches quant au deacutefaut

de communication de la part de la Commission au moment des premiegraveres neacutegociations et la surprise

que suscitent les pourparlers avec le Congo qui prennent au deacutepourvu un secteur priveacute peu preacutepa-

reacute agrave cette reacuteorientation et craignant que les choses lui eacutechappent Prenant conscience de lrsquoampleur

du changement agrave lrsquoœuvre elles cherchent moins agrave le bloquer qursquoagrave lrsquoaccompagner pour y inseacuterer

leurs propres demandes et perceptions de la situation en matiegravere de durabiliteacute et de compeacutetitiviteacute

Localiseacutees agrave Paris fusionneacutees sur les questions du FLEGT agrave partir de 2012 les deux eacutequipes portent

ensemble ces probleacutematiques aupregraves de leurs membres des institutions europeacuteennes et congolaises

jusqursquoagrave deacutesigner un repreacutesentant permanent au Congo deacutebut 2015 afin drsquoecirctre au plus pregraves de la mise

en œuvre de lrsquoaccord A chaque fois les deacutefis sont de faire reconnaicirctre les certifications priveacutees et

communiquer les attentes et perceptions du changement dans le pays producteur

26 LrsquoATIBT est notamment preacutesente aux neacutegociations internationales sur les forecircts et notamment 6 fois lors de reacuteunions du COFO ou de lrsquoITTC avant 2008 (voir premier cas drsquoeacutetude) LrsquoIFIA est preacutesente aux reacuteunions ITTC et UNFF avant 2008 3 fois27 Le FSC a participeacute activement aux neacutegociations internationales sur les forecircts notamment dans le cadre des trois forums deacuteveloppeacutes dans le premier cas

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

133

La mobilisation du secteur priveacute prend une autre forme avec lrsquoaction de lrsquoassociation Le Com-

merce du Bois Engageacutee dans lrsquoinformation et la repreacutesentation elle est eacutegalement devenue lrsquoOrga-

nisme de controcircle du Regraveglement Bois de lrsquoUE en France reconnu par la Commission pour veacuterifier

la mise en œuvre de lrsquoAPV et les importations franccedilaises de bois Pour ce faire elle srsquoest appuyeacutee

sur sa lsquoCharte environnementale de lrsquoachat et de la vente de boisrsquo adopteacutee par ses membres et de-

venue obligatoire en 2011 Elle a eacuteteacute discuteacutee avec le WWF Les Amis de la terre des associations

de consommateurs et les ministegraveres de lrsquoeacutecologie et de lrsquoagriculture Elle a eacuteteacute eacutegalement reconnue

par le gouvernement franccedilais Sa mise en œuvre effective par les entreprises est controcircleacutee par les

organismes indeacutependants FCBA Veritas et SGS28 Crsquoest une grille drsquoeacutevaluation de la responsabiliteacute

des entreprises dans les domaines de la vigilance de la leacutegaliteacute et de la durabiliteacute Avec les critegraveres

et indicateurs est fournie une meacutethodologie drsquoeacutevaluation des performances qui sont ensuite eacuteva-

lueacutees par les auditeurs priveacutes et indeacutependants En cas de non respect des proceacutedures correctives

peuvent ecirctre mises en place Le processus vise agrave mettre en place un instrument techniquement opeacute-

rationnel crsquoest-agrave-dire qui integravegre les contraintes reacuteglementaires et opeacuterationnelles face agrave la reacutealiteacute

du marcheacute et selon les regravegles deacutefinies par les autoriteacutes publiques communautaires et africaines

Ces organisations apparaissent donc comme des opeacuterateurs de transferts (Delpeuch 2009) agrave

lrsquointerface des aregravenes communautaires congolaises et sectorielles Leur rocircle oscille en permanence

entre celui drsquoun intermeacutediaire geacuteneacuteraliste cherchant agrave reacuteinseacuterer les attentes des autoriteacutes publiques

dans un discours plus large de responsabilisation du secteur et de gestion durable du patrimoine fo-

restier tout en neacutegociant sur la techniciteacute preacutecise de lrsquoaccord tels les courtiers analyseacutes par Olivier

Nay et Andy Smith (2002) Aussi cette mobilisation des acteurs priveacutes contribue au cadrage poli-

tique de cette coopeacuteration sur les forecircts

Par ailleurs au niveau infranational cette coopeacuteration donne agrave voir un rocircle central des experts

Leur rocircle est drsquoune part de deacutefinir les critegraveres et indicateurs techniques qui vont permettre drsquoassu-

rer la traccedilabiliteacute des bois sur le terrain et ainsi leur leacutegaliteacute tout au long de la chaicircne de neacutegoce et

de transformation du bois Drsquoautre part ils doivent rendre opeacuterationnel lrsquoaccord et tester le systegraveme

informatiseacute de traccedilabiliteacute Ils opegraverent dans le cadre de mandats attribueacutes agrave lrsquoissue drsquoappels drsquooffre

internationaux Lrsquoobjectif est de mobiliser leurs compeacutetences dans la deacutefinition des modaliteacutes et leur

neutraliteacute dans la veacuterification de celles-ci Trois eacuteleacutements de lrsquoAPV donnent agrave voir cette mobilisation

des experts la deacutefinition du logiciel informatique de traccedilabiliteacute correspondant aux critegraveres et indi-

cateurs adopteacutes avec lrsquoAPV la veacuterification de la mise en œuvre et le suivi de lrsquoagenda politique

Le deacuteveloppement drsquoun logiciel de traccedilabiliteacute de la leacutegaliteacute srsquoinscrit dans les proceacutedures drsquoattri-

bution des certificats et autorisations FLEGT Pour ce faire la Cellule de Leacutegaliteacute Forestiegravere et de la

Traccedilabiliteacute (CLFT) a eacuteteacute creacuteeacutee en 2010 au sein du ministegravere de lrsquoeacuteconomie forestiegravere et du deacutevelop-

pement durable Elle a vocation agrave coordonner puis mettre en œuvre la reacuteforme du secteur agrave tous les

niveaux de lrsquoadministration forestiegravere congolaise Elle veacuterifie et autorise les coupes de bois Pour ce

faire elle srsquoappuie sur le Systegraveme National de Traccedilabiliteacute et le Systegraveme Informatiseacute de Veacuterification

28 Cette organisme est preacutesent une fois dans les neacutegociations ITTC avant 2008

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

134

de la Leacutegaliteacute deacuteveloppeacute avec lrsquoAPV Lrsquoobjet de ce logiciel est drsquointeacutegrer flux de bois et leacutegislation

forestiegravere afin de permettre un controcircle de ce qui est commercialiseacute depuis les zones drsquoexploitation

Il srsquoagit notamment de fournir agrave la CLFT via le logiciel lrsquoensemble de la documentation requise par

lrsquoAPV afin de relier une grume commercialiseacutee agrave une souche en forecirct ce qui est lrsquoambition des certi-

ficats FLEGT La deacutefinition et le deacuteveloppement de ce logiciel par les experts sont toujours en cours

en 2016 alors que ce processus a deacutebuteacute avec la signature de lrsquoAPV en 2010 pour ecirctre opeacuterationnel

en 2013 agrave lrsquoentreacutee en vigueur du regraveglement europeacuteen Un tel retard srsquoexplique par lrsquoincapaciteacute du

prestataire initial Helveta29 agrave livrer le logiciel et la rupture du contrat en 2012

Plusieurs raisons sont avanceacutees pour expliquer cet eacutechec une eacutequipe drsquoinformaticiens face agrave la

complexiteacute du secteur forestier congolais la difficulteacute agrave adosser traccedilabiliteacute et leacutegaliteacute dans un mecircme

logiciel et le faire fonctionner sur le terrain le niveau drsquoexigences et la complexiteacute de lrsquoaccord les deacutelais

impartis agrave des projets agrave lrsquoeacutetat drsquooffre avec un deacutemarrage dans lrsquourgence Ces diffeacuterentes raisons invo-

queacutees sont cependant eacuteclairantes du choix fait par le gouvernement congolais de travailler deacutesormais

avec SGS pressenti degraves la rupture avec Helveta pour mettre en place ce logiciel SIVL Le gouverne-

ment congolais a passeacute un contrat de greacute agrave greacute avec SGS en-dehors des proceacutedures ordinaires drsquoappels

drsquooffres de lrsquoUE laquelle a cependant accepteacute de le financer pour proteacuteger la viabiliteacute de lrsquoAPV SGS a ducirc

proposer un projet et des solutions concregravetes en amont et srsquoest pour cela appuyeacute sur ce qursquoavait deacutejagrave pu

reacutealiser Helveta et sur sa propre expeacuterience dans la traccedilabiliteacute que ce soit au Congo Par exemple SGS

avait eacuteteacute mandateacute pour deacutefinir une meacutethodologie de suivi de la fiscaliteacute dans la filiegravere bois un logiciel

de traccedilabiliteacute des produits agricoles Legal Trace ou encore au Libeacuteria avec son systegraveme de traccedilabiliteacute

du bois LiberTrace Lrsquoeacutequipe technique est elle-mecircme piloteacutee par un forestier de SGS et appuyeacutee par

la CLFT ses experts administratifs forestiers et juridiques dont elle partage les locaux de Brazzaville

De mecircme la mise en œuvre de lrsquoensemble de lrsquoAPV srsquoinscrit dans un systegraveme de suivi et drsquoeacuteva-

luation par une observation indeacutependante de la socieacuteteacute civile (OI FLEGT) et un auditeur indeacutependant

du systegraveme LrsquoOI FLEGT est issue de la socieacuteteacute civile Crsquoest pour la peacuteriode consideacutereacutee lrsquoassociation

congolaise le Cercle drsquoAppui agrave la Gestion Durable des Forecircts Elle a eacuteteacute formeacutee par Forests Monitor30

et Ressource Extraction Monitoring au moment ougrave il remplissait ce rocircle entre 2006 et 2013 Elle est

aujourdrsquohui financeacutee agrave 80 par lrsquoUE et agrave 20 par lrsquoAgence Franccedilaise de Deacuteveloppement Elle est

composeacutee de 5 techniciens forestiers et un juriste soit une petite eacutequipe pour mener des missions

autonomes dans les deacutepartements congolais afin drsquoeacutevaluer le respect du code forestier et preacuteparer

ses rapports de terrains et preacuteconisations Elle a cependant un rocircle qui reste consultatif aupregraves du

ministegravere des forecircts mais sa position lui permet drsquoecirctre en eacutechange direct avec les autoriteacutes compeacute-

tentes leur soumettre ses rapports et discuter de lrsquoeacutetat drsquoavancement

Lrsquoauditeur indeacutependant du systegraveme a pour sa part une fonction formelle preacutevue dans lrsquoaccord de

controcircle sur le terrain du respect de lrsquoAPV En lrsquoeacutetat son rocircle est neutraliseacute et tient en lrsquoeacutetablissement

des futures mesures drsquoaudit puisque le SIVL nrsquoest pas opeacuterationnel Mandateacute par lrsquoUE dans le cadre

29 Helveta a participeacute deux fois aux neacutegociations de lrsquoITTC apregraves 200830 Forest Monitor a participeacute une fois agrave lrsquoUNFF

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

135

de lrsquooffre remporteacutee par Sofreco il est au Congo depuis septembre 2015 Lrsquoexpert concerneacute apparaicirct

comme un speacutecialiste de terrain de la gestion et de la leacutegaliteacute forestiegravere ayant travailleacute au Cameroun

agrave la gestion des flux drsquoune grande entreprise forestiegravere impliqueacute dans les systegravemes de veacuterifications

de la leacutegaliteacute au Ghana et en Reacutepublique Deacutemocratique du Congo et affecteacute en Cocircte drsquoIvoire pour

suivre des projets de reboisement

Au total si lrsquoaccord de partenariat volontaire Congo apparaicirct entiegraverement neacutegocieacute avec le gou-

vernement sur la base du code forestier en vigueur selon lrsquoeacutevolution des probleacutematiques du secteur

et avec lrsquoobjectif de reacutesoudre le problegraveme du bois illeacutegal lrsquoomnipreacutesence des acteurs priveacutes dans la

deacutefinition des modaliteacutes de mise en œuvre interroge sur le degreacute drsquoeffacement de lrsquoautoriteacute publique

Ainsi ce qui apparaissait initialement comme un transfert drsquoune politique europeacuteenne re-centrali-

sant lrsquoautoriteacute au beacuteneacutefice de lrsquoadministration drsquoEacutetat congolaise (Montouroy 2014) semble devenir

une matrice de la reacutegulation priveacutee du bois illeacutegal produite par des experts se deacuteplaccedilant entre les

pays producteurs et lrsquoUE diffusant des normes techniques drsquoautoreacutegulation eacutelaboreacutees par et pour le

secteur priveacute

Plus encore lrsquoUE cherche agrave faire du FLEGT une pierre angulaire des politiques internationales

du changement climatique de par les meacutecanismes opeacuterationnels qursquoil fournit au cadre leacutegal et les

meacutecanismes publicspriveacutes qursquoil faccedilonne pour assurer lrsquoefficaciteacute et lrsquoameacutelioration constante du meacute-

canisme Ces eacuteleacutements transfeacutereacutes de leacutegaliteacute et de gouvernance sont incontournables pour deacuteployer

le meacutecanisme financier REDD+ de lutte contre la deacuteforestation et pour le stockage du carbone par les

forecircts Aussi au Congo la plateforme CACO REDD (Cadre de Concertation des organisations de la

socieacuteteacute civile et des populations autochtones sur la REDD+) creacuteeacutee en 2012 offre lrsquoillustration de lrsquoin-

clusion des populations locales sur les deacutefis de leacutegaliteacute et de changement climatique sur les questions

forestiegraveres Elle est financeacutee par le Carbon Partnership Facility de la Banque mondiale et appuyeacutee par

lrsquoEFI dans le cadre de la EU REDD Facility et de lrsquoONG FERN deacutejagrave mobiliseacutes sur le FLEGT

22 Le rocircle des ANE dans la mise en œuvre du Meacutecanisme de Deacuteveloppement propre

Dans sa premiegravere peacuteriode drsquoengagement le Protocole de Kyoto contraint les pays de lrsquoAnnexe

I agrave des objectifs nationaux dont le cumul repreacutesente une diminution de 5 des eacutemissions de Gaz

agrave Effet de Serre (GES) en 2012 par rapport agrave 1990 Certaines flexibiliteacutes y sont instaureacutees dans un

objectif drsquoefficaciteacute eacuteconomique Un marcheacute des quotas intereacutetatique concernant les parties de lrsquoan-

nexe I est creacuteeacute ainsi que drsquoautres meacutecanismes de flexibiliteacute dont le Meacutecanisme de Deacuteveloppement

Propre (MDP) Le MDP permet aux pays de lrsquoannexe I drsquoacheter des creacutedits carbone issus de projets

deacuteveloppeacutes dans des pays non-annexe I

En 2016 7703 projets jugeacutes conformes agrave lrsquoensemble des critegraveres et des regravegles du MDP ont eacuteteacute

laquo enregistreacutes raquo aupregraves du secreacutetariat de la Convention cadre des Nations Unies pour le Changement

Climatique (CCNUCC) 1 656 millions de tonnes de CO2-eacutequivalent (TCO2e) auraient eacuteteacute eacuteviteacutees

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

136

entre 2004 et avril 201631 et transformeacutees en creacutedits carbone Cela repreacutesente environ trois ans et

quatre mois drsquoeacutemissions franccedilaises32 Le secreacutetariat de la CCNUCC se basent et qursquoils vont eacuteventuel-

lement amender pour enfin demander agrave la COP de Kyoto drsquoen valider ou non le contenu Ainsi les

modes de calcul des TCO2e eacuteviteacutees lrsquoensemble des preuves technico-financiegraveres les critegraveres sociaux

et environnementaux de ces cahiers des charges sont co-eacutelaboreacutes entre ANE et secreacutetariat de la CC-

NUCC 1 656 millions de tonnes de CO2-eacutequivalent (TCO2e) auraient eacuteteacute eacuteviteacutees entre 2004 et avril

201627 et transformeacutees en creacutedits carbone Cela repreacutesente environ trois ans et quatre mois drsquoeacutemis-

sions franccedilaises Le secreacutetariat de la CCNUCC estime les transferts financiers Nord-Sud unique-

ment lieacutes agrave lrsquoachat de creacutedits carbone entre 95 et 13 milliards de dollars sur la peacuteriode 2007-201133

(UNFCCC 2012) Il srsquoagit donc drsquoun meacutecanisme important par son ampleur qui permet un important

retour drsquoexpeacuterience pour la preacuteparation des outils qui seront probablement deacuteveloppeacutes dans le cadre

de lrsquoarticle 6 de lrsquoaccord de Paris

Lrsquoun des aspects majeurs de cette expeacuterience est qursquoelle illustre comment le choix initail drsquoins-

truments de marcheacute et lrsquoaspect polycentrique (Tieacutebout Ostrom Warren 1961 Ostrom 1990 2010

McGinnigs 2016) drsquoune architecture institutionnelle ouvrent une multitude de voies de communi-

cation formelles et informelles34 entre ANE et centres de deacutecision Lrsquoarchitecture institutionnelle du

MDP permet en effet aux ANE drsquoexprimer leurs inteacuterecircts aupregraves des centres de deacutecision politiques

et technico-opeacuterationnels qui controcirclent le MDP Nous observons que les ANE transforment les

normes qui encadrent ce meacutecanisme de maniegravere directe par la modification des regravegles techniques

du MDP et indirecte par le plaidoyer dans le cadre de controverses que certains ANE font eacutemerger

et par lrsquoinfluence et la mise en concurrence des aregravenes de deacutecision identifieacutees

Le MDP repose en effet sur un dispositif institutionnel qui transforme un bien commun rival

et non-exclusif soit la capaciteacute drsquoabsorption de gaz agrave effet de serre de lrsquoatmosphegravere (Ostrom 1990)

en une commoditeacute eacutechangeable sur un marcheacute ougrave se rencontrent offre et demande La demande est

constitueacutee par les besoins des Etats contraints par le Protocole de Kyoto et lrsquooffre est fournie agrave par-

tir de creacutedits carbone issus de projets deacuteveloppeacutes dans des pays Non-Annexe I Pour creacuteer ces creacute-

dits des projets transforment la reacuteduction de tCO2-eq qursquoils engendrent par rapport agrave un sceacutenario

de reacutefeacuterence en creacutedits carbone Cette moneacutetisation des tCO2-eq reacuteduites en creacutedits URCE (Uniteacute

de Reacuteduction Certifieacute des Emissions) est permise au terme drsquoun processus de certification aupregraves

de lrsquoinstance en charge des aspects techniques et opeacuterationnels du MDP lrsquoExecutive Board (EB) et

ses panels drsquoexperts heacutebergeacutes par le secreacutetariat de la CCNUCC Ce processus permet de prouver la

conformiteacute du projet et de ses creacutedits carbone avec des regravegles eacutedicteacutees dans le Protocole de Kyoto35

et opeacuterationnaliseacutees sous forme de cahiers des charges dans des laquo meacutethodologies raquo36 et drsquoautres do-

31 Source CDM pipeline DTU-UNEP32 497MTCO2e en 2013 selon le ministegravere de lrsquoenvironnement33 httpcdmunfcccintaboutdev_benABC_2012pdf34 Nous reprenons ici les termes formals et informals de Douglass North (1990 2005)35 Les principes drsquoadditionnaliteacute de MRV drsquoaudit par un tiers indeacutependant et de respect du principe de subsidiariteacute36 Chaque type de technologie et de type de projets est associeacute agrave une laquo meacutethodologie raquo veacuteritable cahier des charges indiquant comment cal-culer les sceacutenarios de reacutefeacuterences prouver lrsquoadditionnaliteacute drsquoun projet calculer les eacutemissions de TCO2e reacuteduite consulter les parties prenantes etc Elles sont toutes disponibles sur ce site httpscdmunfcccintmethodologiesindexhtml

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

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cuments laquo guides raquo37 eacutelaboreacutes par lrsquoEB et les experts du secreacutetariat de la CCNUCC

Au cours de la mise en œuvre de ce processus de certification garantissant lrsquointeacutegriteacute de ce

dispositif lrsquoexpertise des ANE aupregraves de lrsquoEB est permise ouvrant ainsi un premier canal de cir-

culations drsquoideacutees et de normes Ce processus de certification crsquoest-agrave-dire lrsquoenregistrement puis la

veacuterification des TCO2e est un processus complexe coucircteux qui met en scegravene autour du MDP toute

une logistique drsquoacteurs priveacutes qui se comptent en dizaines de cabinets de conseil quelques cabinets

drsquoauditeurs laquo indeacutependants raquo38 preacuteseacutelectionneacutes par lrsquoEB et plusieurs centaines de deacuteveloppeurs de

projets (tregraves majoritairement des entreprises locales et des multinationales)

Graphique 2 Phases du cycle de projet MDP et intervenants

La certification du projet ou laquo enregistrement raquo dans le langage du secreacutetariat de la CCNUCC

est acteacutee lorsque que celui-ci apporte la preuve qursquoil va effectivement contribuer agrave eacuteviter des

tCO2-eq par rapport agrave un sceacutenario de reacutefeacuterence et qursquoil ne passerait pas un seuil de rentabiliteacute

habituel sans lrsquoapport de la finance carbone crsquoest le critegravere drsquoadditionnaliteacute Les preuves de cette

additionnaliteacute ainsi que les autres informations requises dans les meacutethodologies sont consigneacutees par

le deacuteveloppeur du projet accompagneacute par des consultants experts dans les proceacutedures du MDP dans

un document de projet le laquo Project Design Document raquo Une fois preacutepareacute le document de projet

est soumis agrave un cabinet drsquoaudit externe au secreacutetariat de la CCNUCC Ces auditeurs procegravedent agrave une

veacuterification des donneacutees du document effectuent une veacuterification sur site puis transmettent lrsquoaudit

au secreacutetariat de la CCNUCC qui procegravede agrave une derniegravere veacuterification avant drsquoenregistrer ou non le

projet Cet enregistrement ne sera confirmeacute que si le projet a eacuteteacute eacutegalement approuveacute par lrsquoautoriteacute

gouvernementale (lrsquoAutoriteacute Nationale Deacutesigneacutee AND) du pays hocircte dans lequel il est deacuteveloppeacute

ainsi que par une AND drsquoun pays Annexe-1 Ces AND ont parfois saisi cette occasion pour ajouter des

critegraveres nationaux au processus de certification et leurs exigences par exemple la Chine a introduit

un prix plancher drsquoachat des creacutedits carbone chinois39 Enfin un laps de temps est preacutevu pendant

lequel la documentation du projet est mise en ligne et soumise aux commentaires publics

37 Les outils de la CCNUCC pour certifier un projet laquo MDP raquo sont disponibles ici httpscdmunfcccintReferencePDDs_Formsindexhtml38 Les porteurs de projets paye les auditeurs seacutelectionneacutes par lrsquoEB Il y reste toujours des liens de deacutependances39 La Chine a introduit un prix plancher de 8eURCE entre 2008 et 2012

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

138

Une fois cette premiegravere eacutetape effectueacutee les tCO2 sont comptabiliseacutees toujours selon le cahier

des charges du secreacutetariat de la CCNUCC par le porteur du projet et ses consultants Elles sont

ensuite veacuterifieacutees par un cabinet drsquoaudit qui communique son rapport au secreacutetariat de la CCNUCC

dans un laquo Validation Report raquo La moneacutetisation des tCO2 en creacutedits carbone se fait donc agrave cette eacutetape

lrsquoentreprise qui a deacuteposeacute le dossier du projet puis comptabiliseacute les tCO2 eacuteviteacutees reccediloit apregraves accord

du secreacutetariat de la CCNUCC autant drsquoURCE que de tCO2 effectivement reacuteduites Lrsquoensemble de ces

eacutetapes depuis le deacutepocirct du projet en laquo consideacuteration pour le MDP raquo (Prior Consideration) jusqursquoagrave

lrsquoenregistrement pouvait en 2010 mettre jusqursquoagrave 600 jours puis une centaine en 2012 apregraves que des

reacuteformes de simplification administrative aient eacuteteacute mises en œuvre (UNEP Risoe)

Ainsi lrsquoexternalisation de lrsquoexpertise permet aux acteurs non eacutetatiques de tisser des liens et de

communiquer entre eux porteurs de projet (industriels entreprises eacutenergeacutetiques) entreprises finan-

ciegraveres acheteuses de creacutedits administrations nationales cabinets drsquoaudits et consultants entrent en

relation autour de la certification et de la moneacutetisation des creacutedits carbone des projets Une remon-

teacutee drsquoinformation depuis la base est en effet assureacutee par le biais du processus de certification lors

des rapports drsquoauditeurs au secreacutetariat de la CCNUCC lorsque les fonctionnaires du secreacutetariat de

la CCNUCC demandent des clarifications techniques aux auditeurs et lorsque des experts sollicitent

directement le secreacutetariat la CCNUCC pour des questions de clarification relatives agrave leur projet

Cette externalisation ne se limite pas qursquoau processus de certification les ANE peuvent eacutegalement

influencer le contenu des regravegles techniques et opeacuterationnelles de lrsquoEB par un processus de remonteacutee

drsquoinformations Un exemple de cette circulation entre ANE et EB est celui du processus drsquoeacutelaboration

des laquo meacutethodologies raquo crsquoest-agrave-dire des cahiers des charges auxquels les projets doivent se conformer

pour ecirctre labeacuteliseacutes Des acteurs priveacutes peuvent en effet proposer des amendements ou de nouvelles

meacutethodologies sur lesquels lrsquoExecutive Board et les experts du secreacutetariat de la CCNUCC se basent et

qursquoils vont eacuteventuellement amender pour enfin demander aux Etats du protocole de Kyoto (Meeting of the Parties) drsquoen valider ou non le contenu Ainsi les modes de calcul des TCO2e eacuteviteacutees lrsquoensemble

des preuves technico-financiegraveres les critegraveres sociaux et environnementaux de ces cahiers des charges

sont co-eacutelaboreacutes entre ANE et secreacutetariat de la CCNUCC

Drsquoautres canaux de circulation formels et informels40 sont utiliseacutes par les experts de la cer-

tification et par drsquoautres acteurs ONG centres de recherche syndicats drsquoentreprises tels que

IETA entreprises certaines organisations internationales telles que la Banque Mondiale En ef-

fet drsquoautres espaces drsquointeraction formels diffeacuterents du processus de certification ont eacuteteacute codi-

fieacutes41 pour favoriser le dialogue avec le secreacutetariat de la CCNUCC et lrsquoEB Ils ont eacuteteacute progressi-

vement introduits notamment apregraves que des demandes de la part des ANE aient eacuteteacute adresseacutees

en ce sens agrave lrsquoEB et agrave la COP (4CMP10 paragraphe 12) Les ANE peuvent demander audience

agrave lrsquoEB participer en tant qursquoobservateurs aux reacuteunions et eacutecrire agrave lrsquoEB par le biais de proceacutedures

40 Formel et informel doivent ici ecirctre entendus au sens de North (1990 2005) crsquoest agrave dire ce qui est preacutevu ou non dans le cadre des regravegles institutionnelles Les regravegles informelles sont issues des pratiques des acteurs quand les regravegles formelles font lrsquoobjet de conventions eacutecrites Il existe des relations entre les deux une pratique informelle pouvant ecirctre lrsquoobjet drsquoune formalisation ulteacuterieure 41 Procedure Direct Communication with stakeholders V02 Celles-ci viennent de faire lrsquoobjet drsquoune reacuteforme httpscdmunfcccintpressnewsroomlatestnewsreleases20150909_indexhtml

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

139

de prises de contact transparentes (toute communication est mise en ligne) Enfin toujours dans

ce cadre laquo formel raquo lrsquoEB organise reacuteguliegraverement des sessions de travail (workshops) et des appels

agrave participation (calls for inputs) toujours dans un souci de co-eacutelaboration du MDP avec les ANE

La circulation des ideacutees et la transformation des normes ont eacutegalement lieu par des canaux in-

formels Les ANE utilisent lrsquoensemble des moyens de communication disponibles les forums pro-

fessionnels42 colloques de recherche publications et rapports43 reacuteseaux sociaux44 presse speacutecialiseacutee

et geacuteneacuteraliste45 sont autant de meacutedia et de lieux drsquoeacutechange permettant lrsquoinfluence des deacutecideurs par

les ANE

Enfin il est tregraves utile de quitter lrsquoeacutechelle des organisations pour comprendre que les carriegraveres

drsquoune eacutelite transnationale tregraves mobile participent agrave la circulation des ideacutees entre organisations

Lrsquoeacutetude des CV et des profils Linkedin (un reacuteseau social) montrent que les entreprises de conseil46

et drsquoaudit47 sont tregraves permeacuteables les administrations (AND ministegraveres de lrsquoenvironnement) les OI48

(World Bank PNUD et PNUE principalement) les ONG49 les Thinks-tanks50 et centres de recherche

sont aussi des milieux professionnels ougrave les passages de lrsquoun agrave lrsquoautre sont freacutequents Du cocircteacute des

entreprises de neacutegoce de quotas lrsquoeacutetude des carriegraveres individuelles reconverties apregraves le crash de

2012 montre des carriegraveres qui srsquoorientent vers la finance classique le conseil environnemental ou la

finance speacutecialiseacutee dans le secteur eacutenergeacutetique Enfin la composition tournante de lrsquoEB (renouvelle-

ment des experts tous les 2 ans) participe eacutegalement agrave cette circulation citons par exemple le cas de

L Schneider chercheur et consultant qui apporte entre 2009 et 2011 des preuves tangibles de pro-

blegravemes drsquointeacutegriteacute environnementale du MDP dans le cadre de la controverse des projets industriels

et qui siegravege actuellement comme suppleacuteant agrave lrsquoExecutive Board

Nous avons vu avec le processus de certification que le choix des instruments peut geacuteneacuterer des

canaux de communication crsquoest eacutegalement le cas du marcheacute sur lequel repose le MDP La poursuite des

objectifs environnementaux et eacuteconomiques de cet outil repose en effet sur le bon fonctionnement du

marcheacute des quotas qui neacutecessite un marcheacute liquide prouvant qursquoil existe une offre et une demande avec

des prix soutenus Afin de soutenir les prix des creacutedits issus du MDP par une demande plus eacuteleveacutee lrsquoUE

deacutecide en 2005 de permettre aux entreprises concerneacutees par son marcheacute de quotas51 drsquoutiliser une quan-

titeacute de ces creacutedits pour leurs mises en conformiteacute dans le cadre europeacuteen Sur lrsquoensemble de sa phase II

jusqursquoen 2012 135 des creacutedits utiliseacutes pour la mise en conformiteacute des industries soumises au marcheacute

42 Carbonexpo les forums autour des diffeacuterentes COP forums des professionnels de lrsquoeacutenergie43 OCDE la World Bank CDM Watch Ecosystem Marketplace lrsquoIGES Risoe center sont autant de laboratoires publiant des rapports par-ticuliegraverement attendus dans le milieu44 cf les groupes speacutecialiseacutes sur le CDM sur Linkedin 45 Point Carbon Reuters hellip 46 South Pole Perspective First Climate AES climate Solutions Sindicatum etc 47 Derst Norsk Veritas TUV SUD TUV Reinhland Loyd Register Quality Assurance Japan Quality Assurance Organisation etc Une liste est agrave jour ici httpscdmunfcccintDOElistindexhtml48 Sans conteste lrsquoOI la plus impliqueacute outre le secreacutetariat de la CCNUCC est la banque Mondiale les agences exeacutecutives de lrsquoONU eacutegale-ment - PNUD et PNUE notamment 49 Noeacute 21 GERES Friends of the Earth CDM Watch WWF International rivers sont particuliegraverement actifs 50 DTU Risoe CDC Climat World resource institute Resource for the future Stockholm Environnemental Institute 51 Le Systegraveme drsquoEchange de Quotas drsquoEmission de lrsquoUE (SEQE-UE) couvre environs 12 000 installations industrielle repreacutesentant 40 agrave 50 des GES Europeacuteens La quantiteacute de quota en circulation est calculeacutee de maniegravere agrave amener une reacuteduction des GES de -30 drsquoici 2030

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

140

des quotas europeacuteen pouvaient ecirctre des URCE (Trotignon 2012) Lrsquoobjectif de lrsquoUE eacutetait de reacuteduire les

coucircts de reacuteduction des GES pour les entreprises du marcheacute des quotas europeacuteen et de soutenir le MDP

Les entreprises eacutechangeant sur le marcheacute des quotas europeacuteen (entreprises banques drsquoinves-

tissement et intermeacutediaires financiers) jouent donc un rocircle central dans la reacutealisation des objectifs

du MDP par leur comportement eacuteconomique La recherche de rentabiliteacute et lrsquoaversion au risque des

acteurs financiers sur le marcheacute europeacuteen les ont conduites agrave se fournir en URCE Kyoto moins oneacute-

reux que les creacutedits carbone europeacuteens du SCEQE (Mansanet-Bataller et al 2011) pour couvrir leurs

besoins de mise en conformiteacute 70 drsquoentreprises laquo obligeacutees raquo sur le marcheacute des quotas europeacuteen

ont ainsi utiliseacute des URCE au cours de la phase II du SCEQE (Stephan Bellassen amp Alberola 2014)

Lrsquoanalyse montre que pour obtenir des creacutedits carbone URCE agrave des prix bas les entreprises se

sont tourneacutees vers des projets sucircrs crsquoest-agrave-dire qui seront certifieacutes par la CCNUCC et dont les eacutemis-

sions reacuteduites seront effectivement transformeacutees en URCE si possible en quantiteacute Lrsquoeacutetude de la base

de donneacutees du MDP tenue par le centre de recherche DTU au Danemark montre bien quels types

de projets sont majoritairement certifieacutes Ce sont des projets dits laquo industriels raquo (destruction de GES

puissants par combustion) des barrages hydrauliques des projets drsquoefficaciteacute eacutenergeacutetique dans de

grandes industries de torchage de meacutethane issus des deacutechegraveteries des mines de charbon ou des bas-

sins de rejets drsquoexploitation agricole et de stations drsquoeacutepuration (UNEP-DTU) Aussi les obligeacutes de lrsquo

SCEQE se sont fortement dirigeacutes vers des creacutedits laquo industriels raquo (Trotignon 2011) 41 des URCE

utiliseacutes pour la mise en conformiteacute europeacuteenne venaient ainsi de projets laquo HFC-23 raquo (Stephan Bel-

lassen amp Alberola 2014) deacutecrieacutes pour leur remise en cause de lrsquointeacutegriteacute environnementale du MDP

et du Protocole de Montreacuteal (LSchneider 2011 CDM Watch 2009 2011) et dont les coucircts de deacuteve-

loppement repreacutesentaient moins de 1 $ par URCE (Schneider 2011) Le comportement eacuteconomique

des entreprises du marcheacute europeacuteen et des acheteurs de creacutedits URCE a ainsi orienteacute le MDP vers

un meacutecanisme de reacuteduction de GES dans une logique de rentabiliteacute en laissant de cocircteacute la prise en

compte des critegraveres environnementaux et sociaux

Nous avons vu que le choix des instruments lrsquoexternalisation de lrsquoexpertise par le biais drsquoun

processus de certification et lrsquointroduction drsquoun meacutecanisme de marcheacute augmentent les possibiliteacutes

pour des acteurs non-eacutetatiques drsquoinfluencer le MDP via plusieurs centres de deacutecision dont les aires

de deacutecision sont imbriqueacutees Les acteurs non eacutetatiques agissent aupregraves de lrsquoEB des Eacutetats dans le

cadre des Meetings of the Parties et des AND et ainsi que de lrsquoUE (la Commission et particuliegraverement

la DG climat) qui a une action deacutecisive sur le marcheacute principal des creacutedits carbone issus du MDP

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

141

Ce polycentrisme conjugueacute au fait que le MDP est un outil novateur ayant la tacircche complexe de

concilier objectifs et comportements financiers drsquoune part et gestion drsquoun bien commun environne-

mental de lrsquoautre aboutit agrave de multiples controverses souleveacutees par les ONG environnementales Ces

controverses portent entre autres sur les cas de deacuteplacements de populations forceacutes pour des bar-

rages hydrauliques (International Rivers Haya 2010) drsquoeffets drsquoaubaine des projets industriels (Sch-

neider 2011) de financement drsquousines de charbon (exemple de Mundra en Inde deacutenonceacute par CDM

Watch) ou encore des problegravemes systeacutemiques comme la non-additionaliteacute supposeacutee de centaines

de projets (Lohmann 2009 Carbon Market Watch 2009-2014 Michaelova et Purohit 2007 Wara et

Victor 2009) Lrsquoune de ces controverses sur le HFC-23 nous permet de voir comment les diffeacuterents

centres de deacutecision sont mis en concurrence par les ANE et peuvent aboutir agrave une transformation

importante du MDP

La controverse des projets industriels laquo HFC-23 raquo donne un exemple des rocircles respectifs entre

ANE drsquoune part et Eacutetats de lrsquoautre Le HFC-23 est un gaz agrave effet de serre agrave la capaciteacute de reacutechauffe-

ment extrecircmement puissante eacutemis dans le cadre de la production drsquoun gaz reacutefrigeacuterant Lrsquoincineacuteration

du HFC-23 permet donc drsquoeacuteconomiser des quantiteacutes substantielles de gaz agrave effet de serre cependant

cela repreacutesente un coucirct net sans valorisation possible en lrsquoabsence de finance carbone La certifica-

tion MDP modifie totalement la donne Avec la vente des creacutedits carbone issus des GES eacuteviteacutes les

projets HFC-23 deviennent des projets extrecircmement rentables et productifs le coucirct de destruction

drsquoune TCO2e est infeacuterieur agrave 1 dollars US (Schneider 2011) pour un URCE vendu entre 8 et 12 euros

sur le marcheacute primaire jusqursquoen 2012 19 projets HFC-23 ont eacutemis 36 des URCE du MDP A cette

rentabiliteacute extraordinaire srsquoajoutent des effets pervers lieacutes Pour reacutesumer les industriels sont inciteacutes

agrave produire plus de HFC-23 (plus on en incinegravere plus on deacuteclare avoir eacuteviteacute des TCO2e) ce qui pose

problegraveme vis-agrave-vis des engagements du Protocole de Montreacuteal et de lrsquointeacutegriteacute environnementale du

MDP

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

142

Le lancement drsquoalerte en 2004 a lieu par le biais drsquoexperts du Protocole de Montreacuteal qui contactent

lrsquoEB et mettent en avant les effets pervers de ces projets LrsquoEB lance une consultation en 2004 ndash 2005

par des appels agrave communication et demande une orientation au sujet de ces projets de la part de la

COP du Protocole Une premiegravere reacuteforme de la meacutethodologie a finalement lieu en 2005 Non-reacutetroac-

tive elle verrouille la possibiliteacute drsquointeacutegrer le MDP pour ce type de projet agrave des usines nouvellement

construites et resserre les modaliteacutes de calcul des sceacutenarios de reacutefeacuterence Cette premiegravere reacuteforme

ne suffit pas aux ONG (CDM Watch Noeacute 21) qui continuent un travail de deacutenonciation qui connaicirct

son paroxysme entre 2010-2011 lorsqursquoune publication scientifique de L Schneider (2010) eacutetablit la

preuve de manipulation des industriels pour produire plus de HFC-23 et donc drsquoURCE Une cam-

pagne meacutediatique grand public via des communiqueacutes de presse des rapports ou encore le relais de

cet article vise lrsquoEB mais eacutegalement les institutions europeacuteennes qui maitrisent la demande du mar-

cheacute

Nous avons vu que le prix et la demande des URCE deacutependait de la demande des industries du

marcheacute de quotas europeacuteen (Chevalier 2012) et donc des institutions europeacuteennes encadrant celles-

ci La Commission Europeacuteenne et le Parlement Europeacuteen sont par conseacutequent viseacutes par les cam-

pagnes des ONG qui cherchent agrave reacuteintroduire plus drsquointeacutegriteacute environnementale dans le MDP Lors-

qursquoen 2010 la DG climat initie un appel agrave contributions agrave propos des orientations agrave prendre pour

sa future directive visant agrave controcircler la fongibiliteacute EUA-URCE la commissaire Connie Hedegaard

fait reacutefeacuterence agrave ces campagnes laquo The CDM has been successful in some aspects but has also given

rise to criticism eg with regard to environmental integrity(hellip)Since taking up office I have been

approached by many actors in the carbon market stressing the importance of more clarity on what

credits the EU ETS will accept post-201252 raquo Le cas du HFC-23 montre bien comment des ANE ont

joueacute un rocircle drsquoexpertise de lanceurs drsquoalerte et de protection drsquointeacuterecircts aupregraves de centres de deacutecision

politiques lrsquoEB et lrsquoUE qui prennent les deacutecisions relatives agrave lrsquoavenir du MDP

Le cas du Meacutecanisme de Deacuteveloppement Propre nous a permis drsquoillustrer comment le choix drsquoun

instrument laquo baseacute sur le marcheacute raquo peut favoriser la circulation drsquoinfluence et drsquoexpertise entre ANE

et centres de deacutecision politiques et technico-opeacuterationnels De nombreux vecteurs de communica-

tion formels et informels sont employeacutes par les ANE pour peser dans les processus de deacutecision Ces

vecteurs de communication sont drsquoautant plus nombreux que le choix de lrsquoinstrument de marcheacute fa-

vorise lrsquoexistence de plusieurs centres de deacutecision politiques que les ANE vont chercher agrave influencer

avec les moyens dont ils disposent et par les canaux de communication qursquoils identifient Dans ce

contexte lrsquoarchitecture polycentrique devient un espace ougrave les ANE dont le rocircle demeure consulta-

tif (ils ne sont pas inteacutegreacutes dans le processus de deacutecision du MDP) deacuteveloppent des strateacutegies afin

drsquoinfluencer lrsquoensemble des aregravenes de deacutecision qursquoils ont identifieacutees Lrsquoexistence de plusieurs aregravenes

de deacutecision peut ainsi srsquoaveacuterer utile comme nous lrsquoavons vu dans le cas du HFC-23 pour multiplier

les chances drsquoobtenir des reacutesultats et transformer le dispositif

52 httpeceuropaeuclimaconsultationsarticles0004_enhtm

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

143

ConclusionLa comparaison de nos quatre cas drsquoeacutetude a permis drsquoeacuteclairer la participation des acteurs eacuteco-

nomiques aux reacutegimes internationaux et dispositifs transnationaux de gouvernance environne-

mentale Lrsquoinfluence des acteurs eacuteconomiques sur les dispositifs normatifs est ineacutegale faible dans

les neacutegociations internationales sur la gestion durable des forecircts beaucoup plus forte en ce qui

concerne lrsquoeacutelaboration drsquoun instrument de marcheacute pour la reacuteduction des eacutemissions dans le secteur

aeacuterien centrale dans la mise en œuvre infranationale drsquoune politique de coopeacuteration sur le com-

merce du bois et dans la deacutefinition drsquooutils de marcheacute Dans le premier cas les ANE preacutesents sont

davantage des ONGE que des repreacutesentants de lrsquoindustrie contrairement au second ougrave lrsquoindustrie

est bien organiseacutee et structurellement influente depuis lrsquoorigine du reacutegime Le MDP repose sur la

structuration de reacuteseaux drsquoacteurs priveacutes de lrsquoexpertise carbone et a eacuteteacute lrsquoobjet drsquointenses confron-

tations entre ONG et entreprises qui ont appris agrave utiliser les rouages drsquoun outil en construction

Les acteurs eacuteconomiques participent agrave la diffusion des normes et instruments de gouvernance

environnementale en se rendant indispensables dans la mise en œuvre drsquoune politique internatio-

nale de lrsquoUE contre le bois illeacutegal ou dans la mise en œuvre des meacutecanismes de marcheacute du MDP en

contribuant de faccedilon significative au deacutebat sur les MBM dans lrsquoOACI au point de faire adopter leur

preacutefeacuterence pour un systegraveme de compensation Cependant la FLEGT est bien agrave lrsquoorigine un dispositif

destineacute agrave redonner le controcircle de la politique de gestion durable des forecircts aux autoriteacutes publiques

agrave partir drsquoune meacutefiance agrave lrsquoeacutegard de lrsquoautoreacutegulation de mecircme que rien ne peut se faire de deacutecisif agrave

lrsquoOACI sans un accord intergouvernemental Quant agrave lui le marcheacute du MDP est structurellement deacute-

pendant des choix institutionnels effectueacutes par lrsquoUnion europeacuteenne et par les Eacutetats au sein des COP

Ainsi les eacutetudes de cas portant sur les neacutegociations internationales montrent que les aregravenes

internationales favorisent des constellations drsquoacteurs divers et peuvent mener agrave un certain plura-

lisme tandis que les travaux portant sur la mise en œuvre des politiques mettent en avant la maniegravere

dont les acteurs eacuteconomiques deviennent des experts de la coproduction de meacutecanismes ajusteacutes aux

situations tant infranationales que sectorielles Au total cela permet de montrer de maniegravere trans-

versale que dans les neacutegociations comme dans la mise en œuvre des reacutegimes il y a une imbrication

des acteurs publics et priveacutes qui transparaicirct mecircme dans le deacuteroulement des carriegraveres individuelles

dans le cas du MDP qursquoil y a bien une influence des acteurs priveacutes sur le traitement du problegraveme et

non un retrait de lrsquoautoriteacute publique

Ces interactions complexes associant autoriteacutes politiques et acteurs priveacutes dont lrsquoissue nrsquoest

pas preacutedeacutetermineacutee font justice des interpreacutetations en terme de laquo capture raquo de la deacutecision publique

par le monde des affaires tout en attestant une ouverture agrave la circulation agrave geacuteomeacutetrie variable selon

les diffeacuterentes aregravenes de deacutecision Si les ONGE semblent mieux circuler que les acteurs eacuteconomiques

dans les neacutegociations sur la forecirct lrsquoindustrie utilise complegravetement les opportuniteacutes de circulation agrave

lrsquoOACI pour y pousser les solutions qui lrsquoavantagent Dans le cadre du FLEGT comme dans celui du

MDP il srsquoagit davantage drsquoune coproduction publiquepriveacutee des regravegles de mise en œuvre que drsquoune

circulation proprement dite Au total nous montrons comment les acteurs publics et priveacutes deacutefi-

nissent ensemble les contours drsquoune politique internationale qui se neacutegocie jusque dans les deacutetails

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

144

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Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

147

Chapitre 2Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des

normes et des acteurs dans un contexte de gouvernance internationale fragmenteacutee

Sophie Gambardella1

LrsquoHomme a de tous temps eu un rapport particulier agrave la mer Il fut agrave la fois impressionneacute

voire terrifieacute par son immensiteacute ainsi que par sa force et fascineacute par ses mystegraveres ainsi que par

son abondance Cette relation ambiguumle de lrsquoHomme avec ce milieu naturel trouve un eacutecho dans la

maniegravere dont le droit de la mer srsquoest construit LrsquoHomme a chercheacute agrave dompter un espace meacuteconnu

agrave partir de faux preacutesupposeacutes Le mythe du caractegravere ineacutepuisable des ressources a notamment acceacute-

leacutereacute la pression anthropique sur les mers et oceacuteans engendrant dans son sillon lrsquoeffondrement des

stocks de ressources Pourtant le droit international a eacuteteacute tregraves tocirct mobiliseacute pour encadrer les activi-

teacutes humaines en mer puisque degraves 1958 sont adopteacutees les conventions de Genegraveve2 Aujourdrsquohui la

gestion des ressources halieutiques est un domaine particuliegraverement embleacutematique de la physiono-

mie fragmenteacutee de lrsquoensemble de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement Les exigences

de la matiegravere et la volonteacute de tenir compte des speacutecificiteacutes des milieux ont alimenteacute la prolifeacuteration

des reacutegimes juridiques de gestion des ressources Degraves 1982 la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer3 a pris acte de la pertinence de lrsquoeacutechelle reacutegionale pour reacuteguler les activiteacutes en mer et

de la pratique existante en ce sens Drsquoun cocircteacute un reacutegionalisme geacuteographique srsquoeacutetait deacutejagrave deacuteveloppeacute

afin drsquoadapter les normes geacuteneacuterales agrave la situation particuliegravere de certains bassins comme les mers

fermeacutees ou semi-fermeacutees telles que la Meacutediterraneacutee ou encore la mer Noire Drsquoun autre cocircteacute un reacute-

gionalisme fonctionnel ducirc agrave la fois agrave la neacutecessiteacute pour les Eacutetats concerneacutes de deacutefendre des inteacuterecircts

communs mais aussi agrave la prise en compte de la speacutecificiteacute de certains milieux a continueacute de se propa-

ger Les organisations reacutegionales de gestion des pecircches par lesquelles la coopeacuteration reacutegionale srsquoest

concreacutetiseacutee sont aujourdrsquohui presque une cinquantaine avec pour certaines une compeacutetence geacuteo-

graphique et pour drsquoautres une compeacutetence pour la gestion drsquoun type drsquoespegravece tel que les saumons

ou encore les thonideacutes La Commission baleiniegravere internationale creacuteeacutee en 1946 est la plus ancienne

des organisations de ce type Sa compeacutetence est pour sa part lieacutee agrave une espegravece particuliegravere Drsquoautres

organisations ont une compeacutetence geacuteographiquement plus restreinte comme la Commission inter-

nationale des thonideacutes de lrsquoAtlantique et des mers adjacentes La participation agrave ces organisations

est ouverte agrave lrsquoensemble des Eacutetats inteacuteresseacutes qursquoils soient riverains ou non de lrsquoespace maritime geacutereacute

1 Docteur en droit publicAix-Marseille Universiteacute Universiteacute de Toulon Universiteacute de Pau amp Pays Adour CNRS UMR DICE 7318 CERIC Aix-en-Provence France2 En 1958 agrave Genegraveve sont adopteacutees quatre conventions relatives respectivement agrave la mer territoriale et la zone contigueuml agrave la haute mer au plateau continental agrave la pecircche et agrave la conservation des ressources biologiques Agrave cette eacutepoque la volonteacute des Eacutetats de srsquoapproprier les oceacuteans apparaicirct nettement Les conventions ont principalement pour objet de deacutelimiter lrsquoeacutetendue de la compeacutetence eacutetatique en mer pour une appro-priation exclusive des ressources3 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer adopteacutee le 10 deacutecembre 1982 agrave Montego Bay et entreacutee en vigueur le 16 novembre 1994 RTNU vol 1834 p 3

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

148

La construction institutionnelle de la gestion des ressources halieutiques a ainsi eacuteteacute degraves lrsquoorigine

eacuteclateacutee et a continueacute agrave eacutevoluer en ce sens dans la mesure ougrave de nouvelles organisations de gestion

des pecircches ont vu le jour dans les anneacutees 20004 Le pheacutenomegravene de fragmentation institutionnelle

et mateacuterielle trouve donc une illustration lumineuse dans le domaine de la gestion des ressources

halieutiques5 Srsquoil nous est impossible dans cette courte eacutetude de revenir sur lrsquoensemble des deacutebats

doctrinaux sur la fragmentation du droit international6 il nous paraicirct toutefois important de situer

notre eacutetude au sein de ces deacutebats

La fragmentation du droit international est entendue comme eacutetant laquo agrave la fois une activiteacute et son

produit la fragmentation signifie aussi bien une processus drsquoeacuteclatement ( le droit se fragmente )

que le reacutesultat de ce processus ( le droit est fragmenteacute ) raquo7 Or srsquoil nous semble que le droit inter-

national de lrsquoenvironnement a effectivement suivi un processus drsquoeacuteclatement le droit qui en reacutesulte

nrsquoapparaicirct toutefois pas comme eacutetant uniquement fragmenteacute Bien au contraire une certaine uniteacute

sur laquelle nous reviendrons au cours de notre eacutetude a rejailli de la fragmentation Cependant le

constat de la fragmentation du droit international de lrsquoenvironnement est inteacuteressant pour lrsquoana-

lyste dans la mesure ougrave il reste doublement eacuteclairant sur lrsquoeacutetat du droit international de lrsquoenviron-

nement Le droit international de lrsquoenvironnement est en premier lieu prolifique Le constat de sa

fragmentation nrsquoest possible que parce que le droit international a foisonneacute certes de maniegravere laquo deacute-

sordonneacute raquo en apparence mais surtout de maniegravere eacuteclatante ce qui atteste de la forte mobilisation

agrave lrsquoeacutechelle internationale pour les questions environnementales Dans le domaine de la gestion des

ressources biologiques marines le nombre eacuteleveacute drsquoorganisations internationales ayant compeacutetence

pour assurer une telle gestion atteste neacuteanmoins drsquoune forte mobilisation davantage jusqursquoagrave preacutesent

pour lrsquoadministration des ressources que pour leur conservation En second lieu le droit interna-

tional de lrsquoenvironnement est une terre feacuteconde pour la doctrine juridique Si lrsquoaffirmation selon la-

quelle le droit international est fragmenteacute sonne souvent parmi la doctrine internationaliste comme

eacutetant une diatribe de son eacutetat ndash laquo cette notion [de fragmentation] est toujours utiliseacutee agrave des fins de

contestation et de critique raquo8 ndash elle a aussi permis de faire naicirctre drsquoautres conceptions du droit inter-

national La fragmentation vient bouleverser malmener la conception pyramidale du droit dans la

mesure ougrave lrsquoabsence de hieacuterarchie entre les systegravemes juridiques rend plus difficile le projet de consti-

tutionnalisme mondial Degraves lors la fragmentation ouvre la voie agrave une conception plus horizontale

4 LrsquoOrganisation pour la conservation des ressources marines biologiques du Pacifique Sud-Est a vu le jour le 14 aoucirct 2000 la Commission pour la conservation et la gestion des stocks de poissons grands migrateurs dans lrsquooceacutean Pacifique central et oriental a eacuteteacute creacuteeacutee le 5 septembre 2000 et lrsquoOrganisation pour les pecirccheries de lrsquoAtlantique Sud-est a eacuteteacute mise en place le 20 avril 20015 Sur la fragmentation du droit international dans le domaine de la gestion des ressources halieutiques voir notamment les travaux de Margaret Young M Young laquo Fragmentation or Interaction The WTO Fisheries Subsidies and International Law raquo Worl Trade Review vol 8 issue 4 2009 pp 477-515 M Young Trading Fish Saving Fish The Interaction between Regimes in International Law Cambridge University Press 2011 408 p6 La litteacuterature sur la fragmentation du droit international est foisonnante nous ne citerons ici que quelques reacutefeacuterences essentielles I Brownlie laquo Problems Concerning the Unity of International Law raquo in Le droit international agrave lrsquoheure de sa codification Etudes en lrsquohonneur de Roberto Ago vol I Milan Giuffregrave 1987 pp 156 et ss PM Dupuy laquo Sur le maintien ou la disparition de lrsquouniteacute de lrsquoordre juridique internatio-nal raquo in Harmonie et contradiction en droit international Rencontres internationales de la Faculteacute des sciences juridiques politiques et sociales de Tunis Colloque des 11-13 avril 1996 Paris Pedone 1996 pp 17-54 A Gattini laquo Un regard proceacutedural sur la fragmentation du droit inter-national raquo RGDIP 2006 pp 303-336 KWellens et R Huesa-Vinaixa (Dirs) Lrsquoinfluence des sources sur lrsquouniteacute et la fragmentation du droit international Bruxelles Bruylant 2006 280 p B Conforti laquo Uniteacute et fragmentation du droit international glissez mortels nrsquoappuyez pas raquo RGDIP vol 1 2007 pp 5-18 M Young (Ed) Regime Interaction in International Law Facing Fragmentation Cambridge University Press 2012 348 pPour une eacutetude complegravete de la question voir AC Martineau laquo Le deacutebat sur la fragmentation du droit international une analyse critique raquo Bruxelles Bruylant 2015 584 p7 AC Martineau laquo Le deacutebat sur la fragmentation du droit international une analyse critique raquo Bruxelles Bruylant 2015 p 78 Ibid p 11

Sophie GAMBARDELLA

149

du droit Au sein de la doctrine le courant pluraliste srsquoest appliqueacute agrave regarder autrement la fragmen-

tation agrave y rechercher un nouveau mode de reacutegulation sans pour autant se deacutefaire compleacutetement

de la conception unitaire du droit Anne-Charlotte Martineau relegraveve que ce courant doctrinal a fait

drsquoailleurs naicirctre un nouveau vocabulaire laquo (on parle drsquo intervaliditeacute et de cross-fertilization

(hellip) [de] jeu des nuages [de] ballet des planegravetes ou encore [de] droit contrapuntique ) raquo9 En

matiegravere de gestion des ressources biologiques marines ce nouveau vocabulaire paraicirct tregraves adapteacute agrave

la physionomie stellaire de la construction institutionnelle10 Lrsquoeacutetude que nous nous proposons de

mener srsquoinscrit ainsi dans cette deacutemarche pluraliste dans la mesure ougrave si nous constatons bien une

fragmentation des reacutegimes de gestion des ressources halieutiques sans qursquoune hieacuterarchie ne soit

eacutetablie entre eux nous nous proposons de rechercher les mouvements de coordination entre ces

ensembles normatifs La deacutemarche srsquoapparente alors agrave celle de lrsquoastronome qui affucircte son œil pour

voir au-delagrave des milliers drsquoeacutetoiles apparaicirctre des constellations

Notre eacutetude reacutesulte du constat de lrsquoexistence de ponts de liens entre les diffeacuterents icirclots de

gouvernance de la biodiversiteacute marine Un processus de coordination spontaneacute de lrsquoaction de plu-

sieurs institutions internationales a particuliegraverement attireacute notre attention dans la mesure ougrave ce-

lui-ci semble ecirctre un vecteur de circulation agrave la fois de normes et drsquoacteurs Il srsquoagit du processus de

Kobe qui reacuteunit cinq organisations reacutegionales de gestion des thonideacutes ndash la Commission interameacuteri-

caine du thon tropical11 (IATTC) la Commission des pecircches pour le Pacifique occidental et central12

(WCPC) la Commission des thons de lrsquoOceacutean indien13 (IOTC) la Commission pour la conservation

du thon rouge du Sud14 (CCSBT) et la Commission internationale pour la conservation des thonideacutes

de lrsquoAtlantique15 (ICCAT) En 2007 ces cinq organisations ont initieacute le processus de Kobe par lequel

elles entendaient adopter une meacutethode de gestion durable des pecircches plus coheacuterente Par le biais de

trois reacuteunions conjointes tenues successivement en 2007 2009 et 2011 ces organisations reacutegionales

de gestion des pecircches ont deacutefini des lignes de conduite ont rationnaliseacute leurs donneacutees et ont mis en

commun des outils pour lutter efficacement contre les activiteacutes de pecircches illicites Par ailleurs afin

de peacuterenniser leurs efforts et drsquoassurer une coordination de leurs actions un comiteacute directeur char-

geacute de suivre la mise en œuvre des mesures adopteacutees lors de ces cycles de reacuteunions et de poursuivre

le travail drsquoharmonisation entre ces enceintes internationales a eacuteteacute eacutetabli Le processus de Kobe a

ainsi permis de lancer une reacuteflexion entre les acteurs des organisations reacutegionales de gestion des

pecircches sur les normes qursquoils produisent et sur la maniegravere drsquoameacuteliorer la qualiteacute de ces derniegraveres Il a

en drsquoautres termes mateacuterialiseacute un canal de circulation entre les icirclots de gouvernance des ressources

9 Ibid p 194 Lrsquoauteur fait reacutefeacuterence aux auteurs pluralistes qui ont fait naicirctre ce nouveau vocabulaire Sous la plume de Mireille Del-mas-Marty est par exemple apparue la meacutetaphore de laquo jeu des nuages raquo M Delmas-Marty Pour un droit commun Paris Le Seuil 1994 p 28410 La complexiteacute institutionnelle et mateacuterielle des reacutegimes de gestion des ressources biologiques marines a particuliegraverement bien eacuteteacute mise en exergue dans lrsquoarticle de James Hollway et Johan Koskinen laquo Multilevel embeddedness The case of the global fisheries governance com-plex raquo Social Networks ndeg 44 2016 pp 281-29411 Creacuteeacutee par la Convention relative agrave la creacuteation drsquoune Commission interameacutericaine du thon tropical signeacutee agrave Washington le 31 mai 1949 et entreacutee en vigueur le 3 mars 195012 Creacuteeacutee par la Convention relative agrave la conservation et agrave la gestion des stocks de grands migrateurs dans le Pacifique occidental et central signeacutee agrave Honolulu le 5 septembre 200013 Creacuteeacutee par lrsquoAccord portant creacuteation de la Commission des thons de lrsquooceacutean Indien signeacutee le 25 novembre 1993 et entreacutee en vigueur le 27 mars 199614 Creacuteeacutee par la Convention sur la conservation du thon rouge du sud signeacutee agrave Canberra et entreacutee en vigueur le 20 mai 199415 Creacuteeacutee par la Convention internationale pour la conservation des thonideacutes et espegraveces apparenteacutees de lrsquoAtlantique et des mers adjacentes signeacutee agrave Rio de Janeiro le 14 mai 1966 et entreacutee en vigueur le 21 mars 1969

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

150

halieutiques afin de creacuteer une uniteacute au moins de meacutethode entre les organisations reacutegionales de

gestion des pecircches du thon La relation spontaneacutee entre organisations dans le cadre de ce processus

a alors permis une circulation par ce canal non seulement des acteurs mais aussi des normes et une

confrontation de ces derniegraveres permettant drsquoameacuteliorer les meacutethodes de gestion et de conservation

des ressources halieutiques Drsquoun cocircteacute la coordination institutionnelle instaureacutee par le biais du

processus de Kobe a impulseacute une circulation des reacuteseaux drsquoacteurs de la gestion internationale des

thonideacutes deacutebouchant sur une mise en commun des expeacuteriences pour tendre vers un renforcement

des normes de gestion (1) Drsquoun autre cocircteacute lrsquoharmonisation des activiteacutes des organisations reacutegio-

nales de gestion des pecircches du thon de thonideacutes construite au travers des eacutechanges entre acteurs

de cette gestion a ouvert la voie agrave une circulation des normes entre enceintes internationales que

celles-ci soient scientifiques techniques ou juridiques (2) Il srsquoagit alors de porter un double regard

sur le processus en se penchant agrave la fois sur les acteurs mais aussi sur les normes agrave travers trois ques-

tionnements un premier sur la recherche de mouvement agrave lrsquointeacuterieur et en dehors du processus un

deuxiegraveme sur le sens du mouvement identifieacute ndash la circulation se fait-elle depuis le processus vers les

organisations reacutegionales de pecircche ou agrave lrsquoinverse ndash et enfin un dernier sur la porteacutee du mouvement

dans la recherche de protection de la biodiversiteacute

Agrave partir de cette eacutetude de cas lrsquoobjectif est de mener une analyse de ce type de laquo constellation

institutionnelle raquo pour deacuteterminer si le deacutesordre apparent de la fragmentation institutionnelle ne

dissimule pas un tissu organisationnel certes plus complexe mais peut-ecirctre plus riche en force de

propositions et plus creacuteatif pour une meilleure gestion des ressources biologiques Le cloisonnement

institutionnel semble agrave travers le processus de Kobe srsquoeffriter au profit drsquoune permeacuteabiliteacute des en-

ceintes internationales permettant de se projeter vers une logique drsquoenrichissement mutuel nourri

par une circulation des acteurs et des normes de la gestion internationale des thonideacutes

1) La coordination institutionnelle au sein du processus de Kobeacute comme vecteur de circulation des acteurs

Le processus de Kobe appeleacute aussi reacuteunion conjointe des organisations reacutegionales de gestion

des pecircches du thon est sans conteste un meacutecanisme de coordination drsquoinstitutions reacutegionales16 Or

la coordination institutionnelle ainsi initieacutee est apparue comme un vecteur de circulation des reacute-

seaux drsquoacteurs des organisations reacutegionales de gestion des thonideacutes Les organisations reacutegionales

de gestion des pecircches du thon qui participent au processus de Kobe ont toutes en commun leur

compeacutetence mateacuterielle la gestion et la conservation des thonideacutes mais elles interviennent chacune

sur une aire geacuteographique diffeacuterente de sorte que les reacuteseaux drsquoacteurs sont tregraves distincts drsquoune or-

ganisation agrave une autre Les Eacutetats membres des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du

thon ne sont bien eacutevidemment pas les mecircmes et il en deacutecoule que les reacuteseaux de scientifiques les

associations de professionnels de la pecircche sont aussi diffeacuterents en fonction de lrsquoespace maritime

geacutereacute Toutefois le processus de Kobe a permis agrave certains de ces acteurs de deacutepasser les frontiegraveres de

16 Site internet du processus de Kobe httpwwwtuna-orgorg

Sophie GAMBARDELLA

151

lrsquoenceinte de gestion de leurs espaces maritimes pour soit se retrouver au sein drsquoorganes ad hoc (11)

soit pour œuvrer agrave la fois au sein de plusieurs organisations reacutegionales de gestion des pecircches (12)

11 Une circulation des acteurs vers des organes ad hoc

Lors de la premiegravere reacuteunion conjointe des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du

thon tenue en 2007 agrave Kobe il fut deacutecideacute qursquoun travail technique serait engageacute entre chaque reacuteunion

conjointe au travers drsquoateliers intersessions En 2010 sont tenus quatre ateliers un atelier interna-

tional sur la gestion des pecirccheries de thonideacutes par ces organisations un atelier sur lrsquoameacutelioration et

lrsquoharmonisation des mesures de suivi et de controcircle un atelier sur les questions relatives aux prises

accessoires et un atelier sur le processus scientifique au sein des organisations reacutegionales de gestion

des pecircches du thon Une analyse sur la nature juridique des participants agrave ces ateliers est relative-

ment parlante quant au rocircle du processus de Kobe dans la circulation des acteurs des organisations

reacutegionales de gestion des pecircches du thon Deux remarques peuvent ecirctre faites sur les acteurs preacute-

sents lors de ces ateliers une drsquoordre quantitatif et lrsquoautre drsquoordre qualitatif

En ce qui concerne en premier lieu lrsquoaspect quantitatif le nombre de membres des organisations

reacutegionales de gestion des pecircches du thon preacutesents lors de ces ateliers est relativement variable et se

situe entre trente et quarante selon les thegravemes des ateliers Les membres de ces organisations sont

surtout preacutesents lors de lrsquoatelier relatif aux avis scientifiques17 domaine cleacute de la gestion des pecircches

et lors de celui relatif agrave la gestion de la surcapaciteacute de pecircche domaine sensible de la gestion des

pecircches18

La mobilisation des acteurs lors de lrsquoatelier relatifs aux avis scientifique nrsquoest pas surprenante

Quasiment lrsquoensemble des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon ont aujourdrsquohui

institutionnaliseacute au sein de leur structure un comiteacute scientifique19 Toutefois les difficulteacutes que ren-

contrent ces organes sont multiples donneacutees insuffisantes points de reacutefeacuterence pour les modeacutelisa-

tions non adapteacutes manque de moyens Or les experts des comiteacutes scientifiques ont une veacuteritable

volonteacute drsquoameacuteliorer les expertises qursquoils produisent afin de parvenir agrave une gestion rationnelle des

ressources La participation drsquoun grand nombre de membres des organisations reacutegionales de gestion

des pecircches du thon ndash les experts des comiteacutes scientifiques de chacune de ces organisations en reacutealiteacute

ndash agrave cet atelier srsquoinscrit ainsi dans la continuiteacute du travail engageacute au sein de chaque organisation Ces

laquo epistemic communities raquo comme les nomme Peter Haas20 jouent un rocircle central dans la gestion

des ressources biologiques marines La prise de deacutecision dans ce domaine repose en effet avant tout

sur les donneacutees scientifiques produites par les halieutes Les experts scientifiques conscients de leur

17 Rapport de la Reacuteunion conjointe drsquoexperts drsquoORGP thoniegraveres visant agrave mettre en commun les meilleures pratiques sur la formulation de lrsquoavis scientifique Barcelone (Espagne) du 31 mai au 2 juin 2010 Doc Nordm TRFMO2_W1-020201018 Rapport de lrsquoatelier international sur la gestion de la pecircche thoniegravere meneacutees par les ORGP Brisbane Australie ndash 29 juin-1er juillet 2010 Doc Ndeg TRFMO2_W4_1_FRA19 Sur le rocircle des comiteacutes scientifiques au sein des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon voir S Gambardella laquo Lrsquoex-pert scientifique un acteur multi-facettes du processus deacutecisionnel lrsquoexemple des Commissions reacutegionales de pecircche raquo Journal international de bioeacutethique 20141 vol 25 pp 91-10420 P Haas laquo Introduction Epistemic Communities and International Policy Coordination raquo International Organization vol 46 No 1 Knowledge Power and International Policy Coordination (Winter 1992) pp 1-35

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

152

rocircle ont ainsi coloniseacute les enceintes internationales comme si la gouvernance de lrsquoenvironnement

eacutetait aujourdrsquohui une gouvernance des experts Dans une vision purement instrumentale et prag-

matique du droit international une telle gouvernance pourrait ecirctre souhaitable dans des domaines

techniques tels que la gestion de lrsquoenvironnement mondial Toutefois les risques drsquoaboutir agrave une

tyrannie des experts nous conduisent agrave nous rallier agrave une position plus prudente telle que celle deacute-

fendue par Margaret Young laquo The powers of international organizations to confront that challen-

ges of fragmentation are not without their limits There is a risk of managerialism inherent in any

enhancement of the role of experts and institutionnal bodies In response [she has] argued that

regime interaction should be constrained by procedural safeguards to ensure openness transparen-

cy participation and ongoing scrutiny and review raquo21 Le formalisme juridique qui doit encadrer

lrsquoactiviteacute drsquoexpertise scientifique devient alors un rempart face aux risques eacuteventuels notamment de

disqualification des experts et donc drsquoabsence de leacutegitimiteacute des deacutecisions prises

Par ailleurs la question de la gestion de la surcapaciteacute tout comme celle relative aux avis scien-

tifique est au cœur de chacune des discussions meneacutees au sein des organisations reacutegionales de ges-

tion des pecircches du thon ce qui fait eacutecho au fort degreacute de participation de ces organisations agrave cet

atelier Les questions de traccedilabiliteacute des produits et de prises accessoires qui sont bien souvent peu

ou mal traiteacutees au sein des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon ont quant agrave elles

connu un moins grand succegraves aupregraves des membres A lrsquoinverse le nombre drsquoONG participantes est

quant agrave lui beaucoup plus sensible puisque lors de lrsquoatelier relatif aux avis scientifiques seules deux

ONG eacutetaient preacutesentes alors que les ateliers relatifs aux prises accessoires22 et agrave la surcapaciteacute de

pecircche ont reacuteuni quinze ONG Cette mecircme diffeacuterence dans le degreacute de participation en fonction du

thegraveme de lrsquoatelier se remarque drsquoailleurs pour un autre type drsquoacteurs les organisations intergou-

vernementales qui sont tregraves preacutesentes sur les mecircmes theacutematiques que les ONG Ces chiffres sont

reacuteveacutelateurs drsquoun des effets du processus du Kobe sur la permeacuteabiliteacute des enceintes internationales

De nombreuses ONG qui participent seulement aux activiteacutes drsquoune ou deux des cinq organisations

reacutegionales de gestion des pecircches du thon du processus de Kobe laquo en temps normal raquo sont ici preacute-

sentes dans la plupart des ateliers et plus particuliegraverement dans les ateliers relatifs aux questions de

conservation des espegraveces La coopeacuteration institutionnelle permet alors une plus grande participation

des ONG sur les questions relatives aux prises accessoires alors mecircme que cette probleacutematique est

commune agrave lrsquoensemble des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon Toutefois des

ONG qui nrsquoont pas les moyens financiers et humains drsquoassister agrave lrsquoensemble des reacuteunions des cinq

organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon peuvent par le biais de ce processus contri-

buer au travail technique sur des questions communes Le processus de Kobe devient alors feacutedeacutera-

teur pour ce type drsquoacteurs

21 M Young Trading Fish Saving Fish The Interaction between Regimes in International Law Cambridge University Press 2011 p 28722 Report of the international workshop on tuna RFMO management of issues relating to bycatch Brisbane Australia June 23-25 2010 Doc Ndeg T-RFMO2_W3_5rev1_ENG

Sophie GAMBARDELLA

153

Le processus de Kobe est sans conteste un vecteur de circulation des acteurs des organisations

reacutegionales de gestion des pecircches du thon vers des ateliers techniques Toutefois cette circulation est

tregraves largement conditionneacutee par la theacutematique de lrsquoatelier Si la theacutematique correspond aux priori-

teacutes internes des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon la circulation des membres

de ces organisations se fait En revanche si la theacutematique est secondaire au sein des organisations

reacutegionales de gestion des pecircches du thon la circulation des acteurs est moindre Or force est de

constater que les ateliers qui rencontrent le moins de succegraves sont ceux qui ont trait au controcircle des

activiteacutes de pecircche et agrave la protection de la biodiversiteacute au-delagrave des seuls thonideacutes ce qui montre que

la gestion des ressources halieutiques est encore aujourdrsquohui balbutiante face aux notions de gestion

inteacutegreacutee des oceacuteans ou drsquoapproche eacutecosysteacutemique des pecircches au sein des enceintes internationales

de gestion des pecircches La dimension laquo conservation des espegraveces raquo trouve neacuteanmoins une place au

sein du processus de Kobe et agrave travers la participation des ONG agrave ses ateliers que le droit internatio-

nal classique de la pecircche peine agrave lui donner

En ce qui concerne en second lieu la nature des acteurs il est tout agrave fait eacutetonnant que seuls

quatre types drsquoacteurs soient preacutesents dans ce type drsquoateliers ndash membres des organisations reacutegio-

nales de gestion des pecircches du thon Secreacutetariats des organisations reacutegionales de gestion des pecircches

du thon organisations intergouvernementales et ONG ndash alors mecircme qursquoau sein des organisations

reacutegionales de gestion des pecircches du thon certains acteurs priveacutes ont accegraves aux enceintes notam-

ment les associations de professionnels de la pecircche Il semble que ces acteurs soient preacuteoccupeacutes par

les questions traiteacutees au sein des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon mais qursquoils

nrsquoestiment pas neacutecessaire de participer agrave une reacuteflexion plus globale sur les meacutethodes de gestion des

ressources Quelle en est la raison Il y a fort agrave penser que la participation des acteurs priveacutes au sein

des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon est largement lieacutee agrave lrsquoadoption par ces

organisations des quotas de pecircche Dans ce cadre les acteurs du secteur priveacute ont des inteacuterecircts directs

agrave deacutefendre et exercent une pression comparable agrave celle des lobbies Toutefois lrsquoabsence de participa-

tion du secteur priveacute au processus de Kobe ne signifie pas que ce secteur nrsquoest pas impliqueacute dans les

suites du processus Bien au contraire Un projet de gestion durable des thonideacutes et de conservation

de la biodiversiteacute des zones marines au-delagrave de la juridiction nationale (ABNJ)23 programme financeacute

par le fonds pour lrsquoenvironnement mondial et mis en œuvre par la FAO a vu le jour dans le prolon-

gement du processus de Kobe24 Il se concentre notamment sur la collaboration entre le secteur priveacute

les organisations de la socieacuteteacute civile et les organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon

pour promouvoir lrsquoapproche de preacutecaution et lrsquoapproche eacutecosysteacutemique dans la gestion des pecircche-

ries thoniegraveres Le processus de Kobe nrsquoa pas permis une participation des acteurs priveacutes agrave ses activi-

teacutes mais il a en revanche eacuteteacute le moteur de la mise en relation de lrsquoensemble des acteurs de la gestion

internationale des thonideacutes pour une gestion plus rationnelle des ressources Ce rocircle de moteur du

processus de Kobe pour le deacuteveloppement de normes applicables aussi bien aux acteurs publics que

23 Site internet du projet httpwwwcommonoceansorg24 Le projet srsquoappuie notamment sur les eacutetudes reacutealiseacutees par les ateliers techniques du processus de Kobe tel que celui sur les prises acces-soires

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

154

priveacutes en dehors du filtre eacutetatique fait eacutecho aux preacuteconisations drsquoapprofondissement du rocircle drsquoor-

chestration des organisations internationales preacuteconiseacute par Kenneth Abott et Duncan Snidal25 En

effet le processus de Kobe a joueacute le rocircle de catalyseur des acteurs publics et priveacutes concerneacutes par la

question de la gestion durable des ressources thoniegraveres

Agrave ce stade de la reacuteflexion le processus de Kobe en tant que meacutecanisme de coopeacuteration insti-

tutionnelle a permis aux acteurs des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon de deacute-

passer les frontiegraveres de leurs institutions pour mener ensemble une reacuteflexion plus globale sur leur

travail Le processus a tout agrave la fois eacuteteacute vecteur drsquoun dialogue entre les organisations et initiateur de

projets associant lrsquoensemble des acteurs de la gestion internationale des thonideacutes

12 Une circulation des acteurs entre les organisations reacutegionales de gestion des thonideacutes

Le premier mouvement identifieacute au sein du processus de Kobe reste relativement classique dans

le cadre de la coopeacuteration institutionnelle puisque la circulation des acteurs se reacutealise des organisa-

tions reacutegionales de gestion des pecircches du thon dont ils sont issus vers un organe ad hoc creacuteeacute dans le

cadre du meacutecanisme de coopeacuteration Ce mouvement de circulation pourrait ecirctre appreacutehendeacute comme

un mouvement vertical car allant des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon vers

un organe de centralisation Un second mouvement en ce qui concerne les acteurs peut neacuteanmoins

ecirctre identifieacute Ce mouvement est certainement plus parlant quant agrave lrsquoinfluence du processus sur la

deacutefragmentation institutionnelle de la gestion internationale des thonideacutes En effet le processus de

Kobe a eacuteteacute vecteur drsquoune circulation horizontale des acteurs crsquoest agrave dire drsquoune circulation des acteurs

drsquoune organisation reacutegionale de gestion des pecircches du thon vers une autre organisation reacutegionale de

gestion des pecircches du thon

Lors de la premiegravere reacuteunion du processus de Kobe tenue en 2007 les cinq organisations reacutegio-

nales de gestion des pecircches du thon se sont entendues pour faire eacutetat lors de la deuxiegraveme reacuteunion

du processus en 2009 des progregraves reacutealiseacutes en ce qui concerne les lignes de conduite adopteacutees lors de

la premiegravere reacuteunion Chacune des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon a alors eu

lrsquooccasion de noter dans son rapport drsquoeacutevaluation que le processus de Kobe avait permis une par-

ticipation des scientifiques dans drsquoautres organisations reacutegionales que leur organisation drsquoorigine

malgreacute des calendriers difficilement conciliables Cette remarque des organisations reacutegionales de

gestion des pecircches du thon est riche drsquoenseignements Lrsquoabsence de circulation des acteurs nrsquoest pas

neacutecessairement le reacutesultat drsquoune absence de volonteacute Des obstacles simplement logistiques tels que

le chevauchement de calendrier peuvent entraver une telle circulation La rencontre des scienti-

fiques au sein drsquoateliers techniques a toutefois fait naicirctre une volonteacute de circulation chez les acteurs

Le processus de Kobe a de ce point de vue eacutetait un vecteur de la circulation horizontale des experts

25 K W Abbott and D Snidal laquo International Regulation Without International Government Improving International Organization Performance Through Orchestration raquo juin 2010 Disponible aux adresses suivantes httpsssrncomabstract =1487129 or httpdxdoiorg102139ssrn1487129

Sophie GAMBARDELLA

155

scientifiques Dans ce cas de figure la volonteacute de circulation des acteurs est une volonteacute individuelle

agrave lrsquoinitiative de chacun Le mouvement identifieacute est alors un mouvement de circulation horizontale

drsquoacteurs sur initiative individuelle Seule la volonteacute des individus contribue dans cette hypothegravese

agrave une deacutefragmentation institutionnelle Si on reprend les travaux de Kenneth Abbott et Duncan Sni-

dal le processus de Kobe relegraveve de ce point de vue de la laquo vieille gouvernance raquo dans la mesure ougrave

les experts scientifiques qui circulent entre les enceintes sont ceux qui ont eacuteteacute preacutealablement choisi

par les Eacutetats au niveau national Lrsquoexpertise laquo locale raquo ne trouve pas sa place dans ce scheacutema26 Cette

remarque rejoint drsquoailleurs le constat fait preacuteceacutedemment de lrsquoabsence de participation des entre-

prises priveacutees et des professionnels de la pecircche au sein du processus de Kobe Lrsquointeacuterecirct public est

deacutefini par les Eacutetats et lrsquoideacutee de la mise en place de meacutecanismes de reacuteveacutelation de lrsquointeacuterecirct public par le

biais notamment des parties prenantes agrave la gestion des ressources biologiques marines ne semble pas

faire son chemin La gestion internationale des ressources halieutiques reste avant tout une affaire

drsquoEacutetats

Le processus de Kobe a de surcroicirct fait naicirctre une volonteacute collective pour permettre la circula-

tion de certains acteurs Les organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon agrave travers le pro-

cessus de Kobe ont voulu mettre en commun certains moyens de controcircle des pecirccheries thoniegraveres

notamment par la mise en place drsquoune liste commune de navires autoriseacutes agrave pecirccher centraliseacutee au

niveau du processus Le controcircle du respect des deacutecisions prises au sein des organisations reacutegio-

nales de gestion des pecircches du thon est un veacuteritable deacutefi pour les organisations Les moyens pour

dissimuler les fraudes sont nombreux eacutetant donneacute lrsquoeacutetendue sur laquelle se deacuteroulent les activiteacutes de

pecircche Le travail de rationalisation des moyens de controcircle impulseacute au sein du processus de Kobe

a donc eacuteteacute essentiel et a eacuteteacute un vecteur de circulation drsquoun reacuteseau drsquoacteurs particuliers les obser-

vateurs Afin de renforcer la surveillance de lrsquoactiviteacute de pecircche au thon les organisations reacutegionales

ont mis en place un outil de controcircle continu en plus de lrsquoinspection qui demeure elle un moyen de

controcircle ponctuel Agrave lrsquoorigine la mise en place drsquoobservateurs eacutetait exclusivement agrave la charge des

Eacutetats qui devaient faire embarquer des observateurs agrave bord de leurs navires autoriseacutes agrave pecirccher dans

la zone de compeacutetence Le deacuteploiement drsquoobservateurs agrave bord des navires a eacutevidemment pour ob-

jectif de permettre un controcircle de lrsquoactiviteacute pendant son deacuteroulement Toutefois une telle opeacuteration

engage des coucircts suppleacutementaires qui doivent ecirctre supporteacutes soit par la Partie contractante soit di-

rectement par les navires La mise en place drsquoobservateurs reacuteduit donc la rentabiliteacute de lrsquoactiviteacute ce

qui explique le succegraves mitigeacute de cet outil de controcircle Certaines organisations reacutegionales de gestion

des pecircches du thon comme la Commission pour la conservation des thonideacutes de lrsquoAtlantique deacutesi-

reuses de garantir une couverture de surveillance de 100 et conscientes de lrsquoincapaciteacute en termes

de moyens de certaines Parties contractantes agrave deacuteployer un nombre suffisant drsquoobservateurs ont

alors mis en place un programme compleacutementaire drsquoobservateurs reacutegionaux Ces observateurs ne

deacutependent pas des Eacutetats mais de lrsquoorganisation reacutegionale et ils viennent srsquoajouter aux observateurs

traditionnels Lrsquoinitiative des organisations reacutegionales teacutemoigne de leur volonteacute de rendre efficace les

deacutecisions prises et de deacutepasser pour cela les obstacles purement mateacuteriels de certains Eacutetats Lors du

26 K W Abbott and D Snidal laquo Strengthening International Regulation Through Transnational New Governance raquo Vanderbilt Journal of Transnational Law vol 42 2009 pp 528 et 529

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

156

processus de Kobe les organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon ont degraves lors eacuteteacute invi-

teacutees agrave deacutevelopper des accords de maniegravere agrave ce que les observateurs autoriseacutes en haute mer puissent

opeacuterer efficacement dans les diffeacuterents bassins oceacuteaniques couverts par drsquoautres organisations reacutegio-

nales de gestion des pecircches du thon afin drsquoeacuteviter la duplication des observateurs Ces programmes

drsquoobservateurs fournissent les donneacutees requises aux organisations reacutegionales de gestion des pecircches

du thon desquelles deacutependent les zones ougrave se deacuteroulent les opeacuterations de pecircche Dans ce contexte

des reacuteseaux drsquoacteurs drsquoune organisation vont travailler agrave la fois dans les zones couvertes par leur

organisation drsquoorigine mais aussi dans les zones couvertes par drsquoautres organisations reacutegionales de

gestion des pecircches du thon Ces acteurs vont ainsi circuler entre les enceintes internationales afin

de renforcer le controcircle des mesures prises et ainsi leur efficaciteacute Lrsquoobservateur reacutegional peut donc

dans le mecircme temps travailler pour deux enceintes internationales Les frontiegraveres institutionnelles

sont donc ici tregraves flexibles puisqursquoune mise en commun des moyens humains se reacutealise La coopeacutera-

tion interinstitutionnelle est telle qursquoelle efface quasiment par la mise en place drsquoun reacuteseau suprana-

tional drsquoacteurs les cadres institutionnels

Lrsquoanalyse de la coopeacuteration interinstitutionnelle entre organisations reacutegionales de gestion des

pecircches du thon initieacutee par le processus de Kobe laisse entrevoir deux mouvements des acteurs de la

gestion internationale des thonideacutes Un premier mouvement de type vertical qui offre agrave ces acteurs

la possibiliteacute de franchir les frontiegraveres de leurs institutions pour converger vers un lieu commun afin

drsquoengager un dialogue sur le fonctionnement de leurs institutions Ce mouvement offre la possibi-

liteacute malgreacute un contexte institutionnel fragmenteacute de rechercher une coheacuterence globale entendue

comme une logique commune dans la gouvernance internationale des ressources agrave travers une har-

monisation des meacutethodes et des moyens de gestion Le second mouvement est de type horizontal Le

processus de Kobe ouvre alors la voie agrave une circulation des acteurs entre organisations reacutegionales de

gestion des pecircches du thon Lagrave encore une telle circulation de par son action de rationalisation des

moyens œuvre pour une meilleure coheacuterence dans la gouvernance internationale laquo eacuteclateacutee raquo des

ressources thoniegraveres Cette recherche de coheacuterence dans les gestions des ressources thoniegraveres passe

en fait par un rapprochement entre les organisations reacutegionales aussi bien du point de vue institu-

tionnel que normatif Le tissu organisationnel proposeacute par le processus de Kobe est donc un vecteur

de deacutecloisonnement des enceintes internationales de gestion des pecircches mais au-delagrave il est aussi un

vecteur de circulation des normes entre ces enceintes

2) Lrsquoharmonisation de la gestion des activiteacutes de pecircches au sein du processus de Kobeacute comme vecteur de circulation des normes

La coopeacuteration institutionnelle mise en place par le processus de Kobe tendait agrave une mise en

coheacuterence des activiteacutes des cinq organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon Or la recherche

de coheacuterence entre les cinq organisations pouvait reacutepondre agrave trois meacutethodes lrsquoharmonisation

lrsquouniformisation ou encore lrsquounification de leurs normes27 La distinction entre ces trois meacutethodes

27 A Jeammaud laquo Unification uniformisation harmonisation de quoi srsquoagit-il raquo in F OSMAN (Dir) Vers un code europeacuteen de la consom-mation Bruxelles Bruylant 1998 pp 35-55

Sophie GAMBARDELLA

157

consiste en reacutealiteacute en une diffeacuterence de degreacute dans le rapprochement des institutions drsquoun point

de vue mateacuteriel La coordination de lrsquoaction pouvait reacutesider en premier lieu dans une simple

recherche drsquoharmonisation des pratiques de pecircche Dans ce premier cas le rocircle du processus de

Kobe aurait eacuteteacute de laquo (hellip) mettre en concordance ou en correspondance Contrairement agrave lrsquounification et agrave lrsquouniformisation la logique qui preacuteside agrave lrsquoharmonisation nrsquoest pas celle drsquoidentiteacute mais drsquoentente raquo28

Les organisations reacutegionales de gestion des pecircches auraient ainsi pour objectif drsquoassurer qursquoaucun

conflit de normes ne surgisse en matiegravere de gestion et de conservation des ressources entre leurs

zones de compeacutetence En second lieu la coordination de lrsquoaction pouvait reacutepondre agrave la meacutethode

drsquouniformisation du droit Lrsquouniformisation est presque toujours29 entendue comme une meacutethode

se situant agrave un stade intermeacutediaire drsquointeacutegration juridique entre lrsquoharmonisation et lrsquounification

Uniformiser consiste agrave eacutetablir des regravegles identiques afin qursquoelles soient inteacutegreacutees dans des ordres

juridiques distincts Lrsquointeacutegration peut alors faire surgir des divergences dans la mise en œuvre ou

encore dans lrsquointerpreacutetation des regravegles Lrsquouniformisation pose ainsi contrairement agrave lrsquoharmonisation

les jalons drsquoun modegravele vertical agrave sens unique mais respectueux des speacutecificiteacutes des diffeacuterents reacutegimes

juridiques existants Selon cette meacutethode au sein du processus de Kobe auraient eacuteteacute eacutedicteacutees

des mesures communes aux cinq organisations reacutegionales de pecircche Toutefois les organisations

seraient resteacutees libres quant aux moyens de mise en œuvre de ces mesures Enfin lrsquounification

aurait consisteacute agrave gommer toutes les diffeacuterences de leacutegislation agrave deacutefinir un corpus juridique unique

aussi bien formellement que substantiellement agrave fondre lrsquoensemble des reacutegimes juridiques des cinq

organisations pour nrsquoen faire ressortir qursquoun applicable et interpreacutetable de maniegravere unique Au sein

du processus de Kobe il a eacuteteacute fait appel agrave la meacutethode drsquouniformisation pour certaines normes et agrave

la meacutethode drsquoharmonisation pour drsquoautres Le travail drsquoharmonisation a eacuteteacute initieacute degraves 2007 par une

recherche de mise en coheacuterence des meacutethodes de travail Les membres des cinq organisations se sont

particuliegraverement pencheacutes sur la question de lrsquoexpertise scientifique et plus particuliegraverement sur le

format des rapports produits par les comiteacutes scientifiques La volonteacute des organisations reacutegionales

de gestion des pecircches du thon fut de rendre ces rapports plus uniformes et plus accessibles afin de

mieux accompagner les deacutecideurs dans leur travail Ce travail drsquouniformisation des avis scientifiques

a ainsi permis la circulation de certaines normes scientifiques puis de certaines normes techniques

(21) De la mecircme maniegravere lrsquoharmonisation des activiteacutes des cinq organisations reacutegionales de gestion

des pecircches du thon neacutecessitait que ces derniegraveres srsquoappuient sur les mecircmes principes juridiques pour

adopter leurs normes de gestion Degraves lors la recherche drsquoharmonisation des activiteacutes a lagrave aussi eacuteteacute

un vecteur de circulation des normes mais de certaines normes juridiques particuliegraveres (22)

21 La circulation des normes scientifiques et techniques

Le travail de mise en coheacuterence des meacutethodes de gestion des pecirccheries thoniegraveres entre les cinq

organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon a deacuteboucheacute sur deux mouvements distincts

28 S Nadaud Codifier le droit civil europeacuteen Bruxelles Larcier 2008 p 5529 Le Professeur Kamdem considegravere agrave lrsquoinverse que lrsquouniformisation conduirait agrave un degreacute drsquointeacutegration juridique plus pousseacute que lrsquounifi-cation Voir en ce sens I F Kamdem laquo Harmonisation unification et uniformisation Plaidoyer pour un discours affineacute sur les moyens drsquointeacute-gration juridique raquo Revue juridique Theacutemis 2009 vol 43 ndeg 3 pp 605-649

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

158

de circulation des normes Le premier mouvement a consisteacute agrave creacuteer au niveau centraliseacute ndash crsquoest agrave

dire au sein du processus de Kobe ndash une norme scientifique de reacutefeacuterence et agrave la diffuser dans lrsquoen-

semble des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon La circulation srsquoopegravere alors drsquoune

uniteacute centrale vers des uniteacutes en orbite Le second mouvement plus original a consisteacute agrave extraire

une norme drsquoune uniteacute en orbite afin de la faire circuler au sein des autres uniteacutes en utilisant lrsquouniteacute

centrale comme courroie de transmission

En ce qui concerne le premier mouvement celui-ci a notamment concerneacute les avis scientifiques

Degraves la premiegravere reacuteunion mondiale des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon en

2007 le document des Lignes de conduite incluait des recommandations visant agrave standardiser la

preacutesentation des eacutevaluations de stocks et agrave baser les deacutecisions de gestion sur lrsquoavis scientifique y

compris lrsquoapplication de lrsquoapproche de preacutecaution Lrsquoobjectif fut alors de deacuteterminer agrave lrsquoeacutechelle du

processus de Kobe le format standard des avis scientifiques qui serait appliqueacute par les cinq organisa-

tions reacutegionales de gestion des pecircches du thon Plusieurs reacuteunions drsquoexperts des cinq organisations

ont eu lieu pour partager les meilleures pratiques en matiegravere de soumission de lrsquoavis scientifique Au

final il a eacuteteacute recommandeacute agrave lrsquoensemble des organisations drsquoutiliser le mecircme cadre de laquo modeacutelisation

eacutecosysteacutemique spatiale agrave haute reacutesolution raquo car il permettrait de mieux inteacutegrer les caracteacuteristiques

biologiques des stocks de thonideacutes et de leur environnement Par ailleurs il a aussi eacuteteacute convenu que

les reacutesultats des eacutevaluations des stocks dans les cinq organisations reacutegionales de gestion des pecircches

du thon devraient ecirctre preacutesenteacutes selon un format laquo quatre quadrants rouge-jaune-vert raquo deacutesigneacute

sous le nom de Diagramme de Kobe Une meacutethode et un format laquo Kobe raquo ont peu agrave peu vu le jour

Lrsquoeacutetape suivante qui est toujours en cours consistera agrave deacutefinir une laquo matrice de strateacutegie raquo30 crsquoest agrave

dire un format harmoniseacute pour les organes scientifiques des organisations reacutegionales aux fins de la

formulation drsquoun avis Sur la base des objectifs speacutecifieacutes par la Commission pour chaque pecirccherie

cette matrice preacutesentera les mesures de gestion speacutecifiques qui atteindraient lrsquoobjectif de gestion

viseacute avec une certaine probabiliteacute dans un certain deacutelai Le processus de Kobe est alors vecteur de la

circulation des meilleures pratiques au sein des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du

thon Les normes techniques et scientifiques reacutepondant aux critegraveres des meilleures pratiques et no-

tamment agrave la volonteacute de mettre en œuvre lrsquoapproche de preacutecaution et lrsquoapproche eacutecosysteacutemique des

pecircches reccediloivent une sorte de label de qualiteacute laquo Kobe raquo qui assurent leur diffusion dans lrsquoensemble

des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon Ce mouvement de circulation verticale

des normes scientifiques et techniques est primordial pour une meilleure efficaciteacute des systegravemes de

gestion des ressources dans la mesure ougrave il permet de lancer la reacuteflexion sur la maniegravere de renforcer

lrsquoaide agrave la deacutecision Lrsquouniformisation des rapports scientifiques produits par les comiteacutes scientifiques

des organisations reacutegionales facilitera neacutecessairement leur appreacutehension par les deacutecideurs

En ce qui concerne le second mouvement le processus de Kobe a pu faire office de courroie de

transmission de certaines normes techniques drsquoune organisation reacutegionale de gestion des pecircches du

30 Pour davantage drsquoinformations sur le diagramme de Kobe et la matrice de strateacutegie voir Rapport de la deuxiegraveme reacuteunion conjointe des organisations reacutegionales de gestion des pecircches de thonideacutes (ORGP) Saint-Seacutebastien Espagne 29 juin ndash 3 juillet 2009 Appendice 1

Sophie GAMBARDELLA

159

thon vers les autres organisations Par exemple lors de la seconde reacuteunion du processus de Kobe

tenue en 2010 il a eacuteteacute constateacute que certaines organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon

nrsquoavaient pas eacutetabli de normes en ce qui concerne le format les contenus la structure et la freacutequence

des messages VMS (vessel monitoring system) Le domaine des pecircches srsquoest en effet approprieacute un

outil de surveillance conccedilu agrave lrsquoorigine par lrsquoOrganisation internationale de teacuteleacutecommunications ma-

ritimes par satellite (Inmarsat) et lrsquoOrganisation maritime internationale (OMI) pour renforcer la

seacutecuriteacute en mer31 Cet outil appeleacute systegraveme de surveillance des navires (VMS) permet une surveil-

lance par satellite de la position des navires Les capitaines de navires doivent geacuteneacuteralement fournir

au centre de controcircle des pecircches de lrsquoEacutetat de leur pavillon lrsquoidentification du navire sa position

geacuteographique la date et lrsquoheure de la position geacuteographique transmise ainsi que pour les navires

inscrits sur la liste des navires autoriseacutes agrave pecirccher dans la zone de compeacutetence en question la vitesse

et le cap suivi Cette seacuterie drsquoinformations doit ecirctre transmise de maniegravere reacuteguliegravere selon une freacute-

quence imposeacutee Or lrsquoabsence de standards sur le format des messages transmis ne facilite pas leur

lecture et leur analyse et donc le controcircle des activiteacutes en mer Neacuteanmoins plutocirct que de reacutefleacutechir en

commun agrave une uniformisation de cette technique de controcircle au sein du processus de Kobe le choix

a eacuteteacute fait de diffuser les bonnes pratiques existantes en la matiegravere Le format retenu par la Commis-

sion internationale des thonideacutes de lrsquoAtlantique a eacuteteacute transmis aux autres organisations reacutegionales

de gestion des pecircches du thon en tant que modegravele agrave suivre au sein de leurs propres enceintes32 Un

an plus tard la Commission pour la conservation du thon rouge du sud a ainsi adopteacute le mecircme mo-

degravele de VMS que la Commission internationale pour la conservation des thonideacutes de lrsquoAtlantique Le

processus de Kobe nrsquoest alors plus geacuteneacuterateur de la norme scientifique ou technique qui doit circuler

il se contente de la choisir puis de la veacutehiculer La logique consiste agrave consideacuterer que la mise en coheacute-

rence des activiteacutes des cinq organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon ne neacutecessite pas

toujours de revenir sur le travail deacutejagrave opeacutereacute par les organisations reacutegionales Au contraire lorsque

certains meacutecanismes ont fait leurs preuves au sein drsquoune de ces organisations reacutegionales le proces-

sus de Kobe ne sert qursquoagrave permettre la diffusion de ces pratiques au sein de lrsquoensemble des organisa-

tions reacutegionales de gestion des pecircches du thon Le mouvement est alors un mouvement de circula-

tion indirectement horizontale puisque la norme passe avant sa diffusion au sein des quatre autres

organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon par le processus de Kobe Il faut par ailleurs

noter qursquoen pratique les normes techniques et scientifiques diffuseacutees sont majoritairement celle de

la Commission internationale des thonideacutes de lrsquoAtlantique Mecircme si elle nrsquoest pas la plus ancienne

des cinq organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon impliqueacutees dans le processus de

Kobe cette commission a reacutealiseacute un travail consideacuterable depuis de nombreuses anneacutees notamment

suite agrave lrsquoeffondrement des stocks de thon rouge de lrsquoAtlantique Est et de la Meacutediterraneacutee Elle a degraves

lors deacuteveloppeacute une pratique conseacutequente qui est mise en exergue par le processus de Kobe En ce

31 Cet outil a eacuteteacute mis en place dans les anneacutees 80 Pour plus drsquoinformations en ce sens voir Comiteacute des pecircches de la FAO Ameacuteliorer lrsquoeffi-caciteacute du suivi du controcircle et de la surveillance des navires de pecircche Document de la 25egraveme session du Comiteacute des pecircches tenu agrave Rome du 24 au 28 feacutevrier 2003 COFI20034 disponible agrave lrsquoadresse suivante httpwwwfaoorgDOCREPMEETING005Y8216Fhtm32 Recommandation [07-08] de lrsquoICCAT Recommandation de lrsquoICCAT concernant un format et un protocole drsquoeacutechange des donneacutees en ce qui concerne le systegraveme de surveillance des navires (VMS) dans la zone de la convention ICCAT pour la pecircche du thon rouge entreacutee en vigueur le 4 juin 2008

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

160

qui concerne les normes scientifiques et techniques le choix de lrsquouniformatisation a eacuteteacute fait au sein

du processus de Kobe pour assurer la coheacuterence de lrsquoaction entre les cinq organisations reacutegionales

Enfin il est inteacuteressant de noter que les travaux scientifiques reacutealiseacutes lors des ateliers interses-

sions mis en place par le processus de Kobe ont eux aussi vocation agrave circuler en dehors des enceintes

de gestion des pecircches et agrave ecirctre citeacutes comme moyen de preuve En effet dans la reacutecente affaire Eacutetats-Unis mdash Mesures concernant lrsquoimportation la commercialisation et la vente de thon et de produits du thon porteacutee devant lrsquoorgane de regraveglement des diffeacuterends de lrsquoOMC le Mexique pour deacutemontrer que

les meacutethodes de pecircche au thon autres que lrsquoencerclement des dauphins pouvaient avoir des effets neacute-

fastes sur ces derniers srsquoest appuyeacute sur de nombreuses eacutetudes dont des eacutetudes preacutesenteacutees lors de la

deuxiegraveme reacuteunion du processus de Kobe33 Les organes ad hoc du processus de Kobe sont ainsi creacutea-

teurs drsquoune litteacuterature qui circule au-delagrave des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon

dans des enceintes qui srsquoinscrivent davantage dans un laquo complexe de reacutegimes raquo34 Le processus de

Kobe apparaicirct degraves lors lagrave encore comme un vecteur de deacutecloisonnement des enceintes internatio-

nales et un moteur pour la circulation des normes techniques et scientifiques mais aussi juridiques

22 La circulation de normes juridiques

Le processus de Kobe nrsquoa pas vocation agrave ecirctre creacuteateur de normes juridiques neacuteanmoins il a

permis de mettre lrsquoaccent sur les carences des Eacutetats en termes de ratification des principaux textes

relatifs agrave la gestion des ressources halieutiques Quatre des cinq organisations reacutegionales de gestion

des pecircches du thon du processus de Kobe ont par exemple eacuteteacute eacutetablies avant lrsquoadoption de lrsquoAccord aux fins de lrsquoapplication des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 deacutecembre 1982 relatives agrave la conservation et agrave la gestion des stocks de poissons dont les deacuteplacements srsquoeffectuent tant agrave lrsquointeacuterieur qursquoau-delagrave de zones eacuteconomiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs (Ci-apregraves UNFSA)35 Toutefois leur rocircle est consideacuterablement

renforceacute dans lrsquoUNFSA et les organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon sont actuel-

lement consideacutereacutees comme laquo le raquo meacutecanisme opportun pour reacutepondre aux objectifs eacutetablis dans

la Convention sur le droit de la mer aux fins de la coopeacuteration en matiegravere de gestion des stocks de

poissons grands migrateurs Pourtant le nombre drsquoEacutetats parties agrave lrsquoUNFSA parmi les membres des

organisations reacutegionales thoniegraveres par rapport au nombre total des membres nrsquoest pas eacuteleveacute comme

le reacutevegravele le tableau suivant

33 ORD Etats-Unis ndash Mesures concernant lrsquoimportation la commercialisation et la vente de thon et de produits du thon Rapport du groupe speacutecial du 14 avril 2015 affaire ndeg DS381 sect713234 Sur la notion de laquo complexe de reacutegimes raquo voir notamment K Raustiala DG Victor laquo The regime complex for plant genetic resources raquo International Organization vol 58 2004 pp 277-309 R O Keohane D G Victor laquo The Regime Complex for Climate Change raquo Perspec-tives on Politics vol 9 ndeg 1 mars 2011 pp 7-23 A Orsini J-F Morin O Young laquo Regime Complexes A Buzz a Boom or a Boost for Global Governance raquo Global Governance A Review of Multilateralism and International Organizations January-March 2013 vol 19 ndeg 1 pp 27-3935 Accord aux fins de lrsquoapplication des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 deacutecembre 1982 relatives agrave la conservation et agrave la gestion des stocks de poissons dont les deacuteplacements srsquoeffectuent tant agrave lrsquointeacuterieur qursquoau-delagrave de zones eacuteconomiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs adopteacute le 4 aoucirct 1995 agrave New York et entreacute en vigueur le 11 deacutecembre 2001 RTNU vol 2167 p 3

Sophie GAMBARDELLA

161

Ratifications de lrsquoUNFSA par les Eacutetat membres des cinq organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon du Processus de Kobe

CCSBT IATTC ICCAT IOTC WCPFC

26 916 2748 1128 426

Neacuteanmoins cela nrsquoa pas empecirccheacute les organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon

drsquoutiliser de nombreux critegraveres pour les eacutevaluations des performances extraits des principes eacutetablis

dans lrsquoUNFSA Depuis lrsquoadoption de lrsquoUNFSA les organisations reacutegionales de gestion des pecircches du

thon ont eacutegalement souvent utiliseacute lrsquoAccord comme base juridique des mesures de conservation et de

gestion des stocks relevant de leur mandat notamment en mettant en œuvre lrsquoapproche de preacutecaution

qui a eacuteteacute rappeleacutee tout au long du processus de Kobe Les organisations reacutegionales de gestion des

pecircches du thon dans leurs rapports respectifs de mise en œuvre des lignes de Kobe ont toutes noteacute

leurs efforts pour lrsquoapplication effective de lrsquoapproche de preacutecaution et de lrsquoapproche eacutecosysteacutemique

alors mecircme que les Eacutetats nrsquoont pas ratifieacute le texte La diffusion de lrsquoapproche eacutecosysteacutemique est tregraves

inteacuteressante car elle ne trouve pas ses origines dans des textes relatifs agrave la pecircche Lrsquoapproche classique

de gestion et de conservation des ressources halieutiques consiste agrave proceacuteder agrave une reacutegulation de la

pecircche stock par stock sans eacutegard aux relations qursquoentretiennent ces derniers avec drsquoautres espegraveces

et drsquoautres stocks Or la Convention sur la diversiteacute biologique a ancreacute la notion drsquoeacutecosystegraveme dans

le droit international de lrsquoenvironnement et a ainsi changeacute lrsquoapproche de la protection des espegraveces

Selon cette Convention un eacutecosystegraveme doit ecirctre entendu comme laquo le complexe dynamique formeacute de communauteacutes de plantes drsquoanimaux et de micro-organismes et de leur environnement non vivant qui par leur interaction forment une uniteacute fonctionnelle raquo36 Partant de cette deacutefinition lrsquoapproche

eacutecosysteacutemique serait donc celle qui permettrait une gestion et une conservation des espegraveces qui

tiennent compte des interactions que ces derniegraveres ont avec le milieu et les autres espegraveces qui y

vivent Le Code de conduite pour une pecircche responsable est le premier texte en droit international de la

pecircche qui sensibilise les Eacutetats agrave cette ideacutee drsquointeraction entre les espegraveces Cette ideacutee drsquoapproche non

plus par stock mais bien par eacutecosystegraveme a par ailleurs eacuteteacute clairement affirmeacutee lors de la Confeacuterence

de Reykjavik sur une pecircche responsable dans lrsquoeacutecosystegraveme marin en 200137 Le processus de Kobe a

donc encourageacute la circulation au sein des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon drsquoune

norme juridique extraite du droit international de lrsquoenvironnement et donc en dehors du champ du

droit de la pecircche Le mouvement est ici drsquoautant plus inteacuteressant qursquoil consiste agrave extraire une norme

juridique du complexe de reacutegimes juridiques dans lequel srsquoinscrivent les organisations reacutegionales

de gestion des pecircches du thon pour la diffuser de maniegravere verticale au sein de ces organisations Le

36 Article 2 de la Convention sur la diversiteacute biologique adopteacutee agrave Rio le 5 juin 1992 et entreacutee en vigueur le 29 deacutecembre 1993 RTNU vol 1760 p 7937 La Confeacuterence de Reykjavik sur une pecircche responsable dans lrsquoeacutecosystegraveme marin qui srsquoest tenue du 1er au 4 octobre 2001 a eacuteteacute reacuteunie agrave lrsquoinitiative du gouvernement islandais et de la FAO et a deacuteboucheacute sur une deacuteclaration qui met au cœur de la gestion et de la conservation des ressources de la mer la notion drsquoeacutecosystegraveme

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

162

processus de Kobe joue lagrave encore le rocircle de courroie de transmission pour la diffusion de normes en

lrsquooccurrence juridiques

Par ailleurs lors de la deuxiegraveme reacuteunion du processus de Kobe les membres des organisations

reacutegionales de gestion des pecircches du thon ont eacuteteacute encourageacutes agrave envisager la signature et la ratification

de lrsquoAccord de la FAO sur les mesures du ressort de lrsquoEacutetat du port le plus tocirct possible Le cas eacutecheacuteant

les organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon ont eacuteteacute inviteacutees agrave adopter des mesures

de controcircle du ressort de lrsquoEacutetat du port qui soient conformes agrave lrsquoAccord de la FAO sur les mesures du ressort de lrsquoEacutetat du port38 et qui tiennent compte des caracteacuteristiques et circonstances speacutecifiques de

chaque organisation reacutegionale Le processus de Kobe sans ecirctre creacuteateur de normes permet lagrave en-

core une circulation de normes drsquoune enceinte internationale vers les cinq organisations reacutegionales

de gestion des pecircches du thon qui ont pris part au processus Comme cela est fait pour les normes

scientifiques et techniques une recherche est meneacutee dans les textes internationaux pour extraire les

meilleures pratiques afin de les diffuser au sein des organisations reacutegionales de gestion des pecircches

du thon Par ce biais des textes internationaux qui pourraient rester lettre morte en raison drsquoun

nombre de ratification insuffisant pour entrer en vigueur trouvent agrave ecirctre mis en œuvre par le biais

des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon Le meacutecanisme est ici tregraves inteacuteressant

dans la mesure ougrave le processus de Kobe permet au final de contourner les difficulteacutes qursquoimpose le

volontarisme eacutetatique agrave lrsquoeacutechelle universelle en enracinant les normes dans le paysage de la gestion

des thonideacutes agrave travers lrsquoeacutechelle reacutegionale

Le processus de Kobe permet ainsi drsquoidentifier les normes essentielles pour une gestion ration-

nelle des ressources de mettre en exergue les pratiques au sein des organisations reacutegionales de ges-

tion des pecircches du thon en ce sens et drsquoappuyer la mise en œuvre systeacutematique de ces normes Il serait

alors possible de se demander si le processus de Kobe ne procegravede pas finalement agrave la reconnaissance

de normes juridiques coutumiegraveres Cette voie de reacuteflexion ouvrirait de larges perspectives pour une

meilleure gestion des ressources dans la mesure ougrave mecircme en lrsquoabsence de ratification par ses Eacutetats

membres des textes internationaux affirmant la neacutecessiteacute de mettre en œuvre lrsquoapproche de preacutecau-

tion ou lrsquoapproche eacutecoysteacutemique des pecircches les organisations reacutegionales de gestion des pecircches du

thon seraient tenues de prendre leurs deacutecisions de gestion rationnelle selon ces standards Reste agrave se

demander si les Eacutetats accepteraient drsquoapprouver de telles normes de maniegravere systeacutematique au sein

des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon A lrsquoheure actuelle lrsquoaction du processus

de Kobe dans le deacuteveloppement des normes juridiques internationales au sein de reacutegimes juridiques

distincts srsquoinscrit dans la droite ligne des preacuteconisations faites par Kenneth Abbott et Duncan Snidal

pour renforcer le rocircle drsquoorchestration des organisations internationales39 Toutefois le processus de

Kobe peut difficilement ecirctre conccedilu comme une organisation internationale dans la mesure ougrave son

38 Accord sur les mesures du ressort de lrsquoEacutetat du port visant agrave preacutevenir contrecarrer et eacuteliminer la pecircche illicite non deacuteclareacutee et non reacuteglemen-teacutee adopteacutee par la Reacutesolution nordm 122009 du 22 novembre 2009 lors de la 36egraveme session de la Confeacuterence de la FAO tenue agrave Rome du 18 au 23 novembre 2009 et pas encore entreacute en vigueur39 K W Abbott and D Snidal laquo International Regulation Without International Government Improving International Organization Performance Through Orchestration raquo juin 2010 Disponible aux adresses suivantes httpsssrncomabstract =1487129 or httpdxdoiorg102139ssrn1487129

Sophie GAMBARDELLA

163

institutionnalisation nrsquoest pas durable ni permanente il srsquoagit davantage drsquoun cycle de reacuteunions

dont la reacutecurrence est fonction du besoin des cinq organisations reacutegionales Le processus de Kobe ne

vient pas remettre en question le formalisme juridique inheacuterent au droit international puisqursquoil se

contente de diffuser et non drsquoimposer la norme juridique Seule une reacuteception de cette norme au sein

des organisations reacutegionales par le biais du formalisme juridique attendu permettra de doter cette

norme de force obligatoire au sein du reacutegime juridique mis en place par lrsquoorganisation reacutegionale de

gestion des pecircches concerneacutee

Le processus de Kobe est un tissu organisationnel tout agrave fait atypique dans la mesure ougrave il se situe

entre le modegravele pyramidal et le modegravele en reacuteseau Il srsquoinscrit dans le reacuteseau creacuteeacute par la multiplication

des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon sans ecirctre pour autant une laquo super raquo or-

ganisation reacutegionale de gestion des pecircches du thon mais tout en travaillant pour une meilleure co-

heacuterence de la gouvernance internationale des thonideacutes De ce point de vue le processus de Kobe ne

srsquoinscrit pas dans un processus de constitutionnalisme mondial Au contraire il permet de prendre

acte du pluralisme juridique existant et de chercher agrave lrsquoagencer le mieux possible Pour parvenir agrave

cet objectif la recherche de permeacuteabiliteacute des frontiegraveres institutionnelles semble indispensable Deux

mouvements de circulation se sont deacutegageacutes tout au long de cette eacutetude aussi bien en ce qui concerne

les acteurs que les normes un mouvement vertical du processus de Kobe vers les organisations reacute-

gionales de gestion des pecircches du thon et un mouvement horizontal entre organisations reacutegionales

de gestion des pecircches du thon mais dans lequel le processus de Kobe joue le rocircle de courroie de trans-

mission Puis un troisiegraveme mouvement plus surprenant nous est apparu par lequel soit des infor-

mations circulaient du processus de Kobe vers des enceintes autres que les organisations reacutegionales

de gestion des pecircches du thon soit des normes eacutetaient extraites drsquoenceintes autres que les organisa-

tions reacutegionales de gestion des pecircches du thon pour ecirctre diffuseacutees au sein de ces organisations Le

processus de Kobe se preacutesente degraves lors comme une interface entre les diffeacuterentes institutions une

plateforme par laquelle normes et acteurs transitent en douceur vers drsquoautres enceintes La coopeacute-

ration institutionnelle est certainement un vecteur de circulation dans la mesure ougrave elle mobilise les

acteurs elle permet leur rencontre et stimule une dynamique Le deacutecloisonnement des institutions

internationales dans un contexte de fragmentation institutionnelle tel que celui de la gouvernance

internationale des ressources halieutiques peut ecirctre impulseacute par la mise en place de ce type de tis-

su organisationnel mais il faut neacuteanmoins garder agrave lrsquoesprit que la creacuteation de ce type de processus

marque lrsquoexistence drsquoune volonteacute preacutealable des enceintes internationales de coopeacuterer et de partager

Il reste que les reacutesultats du processus de Kobe semblent aller au-delagrave de lrsquoobjectif initial de mise en

coheacuterence des pratiques dans la mesure ougrave les frontiegraveres institutionnelles gagnent en permeacuteabiliteacute

Agrave travers le processus de Kobe il apparaicirct que la fragmentation de la gouvernance du droit in-

ternational de lrsquoenvironnement nrsquoest probleacutematique que dans une vision purement constitutionna-

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

164

liste ou pyramidale du droit rassurante en terme de seacutecuriteacute juridique Toutefois la physionomie en

reacuteseau de la gouvernance du droit international de lrsquoenvironnement nrsquoest pas pour autant synonyme

drsquoabandon de la seacutecuriteacute juridique degraves lors que le formalisme juridique nrsquoest pas complegravetement

eacutecarteacute au profit drsquoune approche uniquement instrumentale du droit Le rocircle de processus tels que le

processus de Kobe ne doit alors pas ecirctre reacuteduit agrave un simple rocircle drsquo laquo orchestration raquo40 des reacutegimes ju-

ridiques existants dans la mesure ougrave il est aussi porteur de valeurs de principes permettant drsquoordon-

ner les diffeacuterents ensembles normatifs tout en srsquoinscrivant dans le formalisme juridique classique

du droit international Le processus de Kobe ne nous invite pas agrave deacutepasser le volontarisme eacutetatique

au profit drsquoune sorte de tyrannie de lrsquoefficaciteacute normative Au contraire il mobilise au sein de lrsquoordre

juridique existant les leviers permettant de faire aboutir le volontarisme eacutetatique De ce point de vue

lagrave le processus de Kobe reacutepond davantage agrave la position des auteurs du laquo pluralisme ordonneacute raquo41 qursquoagrave

ceux du pluralisme laquo manageacuterial raquo Pourquoi refuser alors de srsquoaffranchir du formalisme juridique si

un tel deacutetachement permet drsquoobtenir un droit plus efficace Certainement parce que dans un ren-

foncement de notre esprit de juriste nous ne pouvons pas nous deacutefaire de lrsquoideacutee que nous devons

toujours veiller agrave la seacutecuriteacute juridique qui nous protegravege de la volatiliteacute des contextes eacuteconomiques

et politiques Or le formalisme juridique demeure un des garants de la seacutecuriteacute juridique Le forma-

lisme juridique preacuteconiseacute ne doit cependant pas ecirctre un preacutetexte pour rendre le droit impermeacuteable

aux autres disciplines Le droit doit au contraire accueillir se nourrir des autres disciplines pour ecirctre

performant mais aussi dans le mecircme temps srsquoen eacuteloigner pour ne pas perdre son identiteacute propre

La fragmentation de la gouvernance du droit international de lrsquoenvironnement invite degraves lors agrave

un subtil jeu drsquoeacutequilibre entre ouverture et fermeture des systegravemes juridiques agrave drsquoautres normes agrave

drsquoautres acteurs agrave une mise en tension constante entre vision reacutealiste du droit et vision formaliste

de celui-ci

La gouvernance fragmenteacutee est une gouvernance riche car plurielle en termes de nature des

acteurs et des normes drsquoinfluences culturelles et eacuteconomiques Cette pluraliteacute est sans conteste un

reacuteservoir de potentialiteacutes pour une meilleure protection de lrsquoenvironnement mondial Toutefois il

srsquoagit drsquoun objet complexe qui ne peut ecirctre simplifieacute en un seul modegravele en un seul cadre en un seul

courant theacuteorique Une telle reacuteduction de sa complexiteacute simplifierait le travail de lrsquoanalyste mais ris-

querait de priver la gouvernance fragmenteacutee de sa pluraliteacute et donc de ses potentialiteacutes

40 Ibid41 M Delmas-Marty Les forces imaginantes du droit (II) - Le Pluralisme ordonneacute Paris Seuil 2006 324 p

Sophie GAMBARDELLA

165

chapitre 3La transparence de la finance climat de la circulation du principe agrave la circulation de ses modaliteacutes drsquoapplication

Anne-Sophie Tabau1

Reacutesumeacute

Cette contribution deacutemontre que les efforts en faveur de la circulation du principe de trans-

parence de la finance climat induisent des effets ambivalents dans la mesure ougrave srsquoils favorisent la

preacutecision de ses modaliteacutes drsquoapplication en apportant une reacuteponse aux deacutefis techniques de la trans-

parence de la finance climat voire au-delagrave de la finance climat ils aboutissent eacutegalement agrave deacuteplacer

le centre de graviteacute de la gouvernance dans ce domaine du reacutegime climat entendu au sens strict vers

un complexe de reacutegimes au peacuterimegravetre moins deacutefini sous-estimant peut-ecirctre les enjeux politiques et

sociaux de cette question ce qui est de nature agrave soulever des interrogations en termes de leacutegitimiteacute

et de responsabiliteacute (accountability)

Introduction

Le reacutegime international de lutte contre les changements climatiques tel qursquoil srsquoest deacuteveloppeacute au

titre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et du

Protocole de Kyoto (PK) a constitueacute le support drsquoun effort de transparence particuliegraverement sophis-

tiqueacute

De maniegravere geacuteneacuterale la notion de laquo transparence raquo apparaicirct degraves lrsquoadoption de la CCNUCC mais

de faccedilon relativement borneacutee laquo Le meacutecanisme financier est constitueacute sur la base drsquoune repreacutesenta-

tion eacutequitable et eacutequilibreacutee de toutes les Parties dans le cadre drsquoun systegraveme de gestion transparent raquo2

En vertu du Protocole de Kyoto le concept est de nouveau utiliseacute mais cette fois-ci en lien avec les

informations que les parties viseacutees agrave lrsquoannexe I (pays deacuteveloppeacutes) doivent communiquer pour faire

eacutetat des mesures adopteacutees en vue drsquoatteindre leur objectif de reacuteduction drsquoeacutemission de gaz agrave effet de

serre (GES) (communications nationales)3 et permettre drsquoeacutevaluer leur niveau drsquoeacutemission de GES (in-

ventaires)4 ou encore pour garantir le bon fonctionnement du meacutecanisme pour un deacuteveloppement

propre5 La notion ne sera toutefois deacutefinie qursquoen 1999 dans une deacutecision de la COP speacutecifiquement

1 Professeur de droit public Universiteacute de la Reacuteunion membre du CRJ et membre associeacutee du CERIC2 Article 11 CCNUCC3 Art 2(1)(b) laquo Chacune des Parties viseacutees agrave lrsquoannexe I pour srsquoacquitter de ses engagements chiffreacutes en matiegravere de limitation et de reacuteduc-tion preacutevus agrave lrsquoarticle 3 de faccedilon agrave promouvoir le deacuteveloppement durable (hellip) coopegravere avec les autres Parties viseacutees pour renforcer lrsquoefficaciteacute individuelle et globale des politiques et mesures adopteacutees (hellip) A cette fin ces Parties prennent des dispositions en vue de partager le fruit de leur expeacuterience et drsquoeacutechanger des informations sur ces politiques et mesures notamment en mettant au point des moyens drsquoameacuteliorer leur comparabiliteacute leur transparence et leur efficaciteacute raquo Nous soulignons4 Art 3 (4) la COPMOP devra arrecircter des lignes directrices en matiegravere drsquoinventaires de GES compte tenu de la laquo neacutecessiteacute de communi-quer des donneacutees transparentes et veacuterifiables raquo5 Art 12(7) laquo La Confeacuterence des Parties agissant comme reacuteunion des Parties au preacutesent Protocole eacutelabore agrave sa premiegravere session des mo-daliteacutes et des proceacutedures visant agrave assurer la transparence lrsquoefficaciteacute et la responsabiliteacute gracircce agrave un audit et agrave une veacuterification indeacutependants des

La transparence de la finance climat

166

relative aux inventaires drsquoeacutemissions de GES laquo La transparence signifie que les hypothegraveses et les

meacutethodes utiliseacutees pour un inventaire doivent ecirctre clairement expliqueacutees afin que celui-ci puisse ecirctre

facilement reconstitueacute et eacutevalueacute par les utilisateurs des donneacutees notifieacutees La transparence des inven-

taires est indispensable au bon deacuteroulement du processus de communication et drsquoexamen des infor-

mations raquo6

Jusqursquoagrave reacutecemment cet effort de transparence ne concernait toutefois pas veacuteritablement la fi-

nance deacutedieacutee agrave la lutte contre les changements climatiques Ccedila nrsquoest en effet qursquoagrave partir du Plan

drsquoaction de Bali (2007) que lrsquoaccent a reacuteellement eacuteteacute mis sur la neacutecessiteacute de rendre la finance climat

laquo mesurable rapportable et veacuterifiable raquo (MRV) dans un contexte de renforcement de lrsquoambition

et drsquoeacutelargissement du reacutegime international de lutte contre les changements climatiques Lors de la

Confeacuterence de Copenhague de 2009 lrsquoengagement collectif des pays deacuteveloppeacutes de fournir aux pays

en deacuteveloppement un soutien financier de lrsquoordre de 100 milliards de dollars par an drsquoici 2020 nrsquoa fait

qursquoaccentuer les attentes en termes de transparence dans ce domaine

Si la neacutecessiteacute drsquoune transparence accrue de la finance climat a eacuteteacute justifieacutee au cours des neacutego-

ciations internationales afin drsquoen favoriser lrsquoeffectiviteacute et agrave lrsquoefficaciteacute cette question est au cœur

drsquoenjeux politiquement sensibles Au-delagrave du neacutecessaire laquo renforcement des capaciteacutes raquo de certains

pays pour leur permettre de participer agrave lrsquoeffort collectif (que ce soit en termes drsquoatteacutenuation drsquoadap-

tation ou de transparence de leur action) des consideacuterations drsquoeacutequiteacute ou encore de justice clima-

tique soulegravevent de deacutelicates interrogations sur la preacutevention et la reacuteparation des dommages lieacutes aux

changements climatiques vis-agrave-vis desquelles la finance climat nrsquoest forceacutement pas eacutetrangegravere

Sous lrsquoimpulsion de certaines parties7 le concept de transparence figure deacutesormais en bonne

place au sein de lrsquoAccord de Paris Un article speacutecifique y est consacreacute (Article 13) qui concerne agrave

la fois les actions des parties et le soutien fourni Or la mise en œuvre de cet article ne soulegravevera

pas les mecircmes difficulteacutes dans un cas et dans lrsquoautre En effet la transparence des actions des par-

ties pourra srsquoappuyer sur les lignes directrices deacuteveloppeacutees au titre du PK quitte agrave en permettre une

application plus flexible de maniegravere agrave tenir compte de lrsquoeacutelargissement des acteurs concerneacutes par cet

effort de transparence notamment pour y inclure les parties qui nrsquoeacutetaient pas viseacutees par lrsquoannexe I

du PK et de la CCNUCC En revanche les lignes directrices en matiegravere de transparence du soutien

et en particulier du soutien financier restent encore tregraves largement agrave construire

Les lignes directrices encadrant la soumission des rapports des parties en matiegravere de finance

climat adopteacutees lors des confeacuterences de Cancun en 2010 et de Durban en 2011 ont certes preacutevu que

les pays industrialiseacutes fournissent des informations sur les soutiens financiers verseacutes aux pays en

deacuteveloppement tandis que ces derniers eacutetaient eacutegalement inviteacutes agrave faire eacutetat du soutien financier

reccedilu ou encore neacutecessaire Toutefois lrsquoencadrement international est resteacute tregraves faible si bien qursquoen

pratique les informations communiqueacutees agrave ce jour varient nettement entre les parties

Neacuteanmoins ce systegraveme maintenu au titre de lrsquoAccord de Paris a vocation agrave ecirctre ameacutelioreacute au fil

du temps En effet la Confeacuterence de Cancun a eacutegalement mis en place le Comiteacute permanent sur le

activiteacutes raquo 6 FCCCCP19997 p 4 Nous soulignons7 Breacutesil Chine Inde Japon UE Suisse au nom du Groupe de lrsquointeacutegriteacute environnementale - FCCCADP2012MISC3

Anne-Sophie TABAU

167

financement (Standing committee on finance - SCF) avec pour mandat renouveleacute lors de la COP 218

de renforcer le systegraveme de MRV de la finance climat notamment en proceacutedant agrave lrsquoestimation peacuterio-

dique et globale des flux financiers dans ce domaine agrave partir de toutes les sources drsquoinformations

disponibles

Or les travaux conduits jusqursquoagrave preacutesent dans le cadre du SCF ont deacutemontreacute qursquoun important

degreacute drsquoincertitude demeurait dans ce domaine9 En effet la gouvernance de la finance climat est

tregraves fragmenteacutee en deacutepit de la mise en place du Fonds vert pour le climat (FVC) destineacute agrave la centra-

liser autant que possible10 Elle fait de surcroicirct intervenir une grande varieacuteteacute drsquoentiteacutes de natures

diverses et agrave diffeacuterents niveaux Crsquoest drsquoautant plus vrai que pour lrsquoheure les parties ne sont pas par-

venues agrave srsquoentendre sur une deacutefinition commune de la laquo finance climat raquo Les deacutebats qui opposent

les deacutebiteurs et les beacuteneacuteficiaires de ce soutien financier concernent en particulier le caractegravere public

etou priveacute de la finance prise en compte son caractegravere laquo nouveau et additionnel raquo notamment par

rapport agrave lrsquoaide publique au deacuteveloppement ainsi que lrsquoattribution de cette finance agrave lrsquoatteacutenuation

ou agrave lrsquoadaptation

Pour autant diverses meacutethodologies de laquo traccedilage raquo de la finance climat ont eacutemergeacute notamment

dans le cadre drsquoune initiative commune des banques multilateacuterales de deacuteveloppement mais aussi

des travaux de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) Plusieurs

organisation non gouvernementales (ONG) ou think tanks se sont eacutegalement pencheacutees sur la ques-

tion Le rapport publieacute en octobre 2015 par lrsquoOCDE (en collaboration avec le think tank Climate poli-cy initiative) sur la base drsquoinformations communiqueacutees par les principaux pays contributeurs et les

institutions financiegraveres agrave la demande de la preacutesidence peacuteruvienne de la COP 20 et de la preacutesidence

franccedilaise de la COP 21 tend mecircme agrave deacutemontrer que cet exercice de transparence a deacutesormais prin-

cipalement lieu en dehors de la CCNUCC sans pour autant fonctionner de maniegravere autonome vis-

agrave-vis des neacutegociations multilateacuterales ayant conduit agrave lrsquoadoption de lrsquoAccord de Paris ou de celles qui

devront avoir lieu pour en permettre la mise en œuvre

Ce constat teacutemoigne drsquoune circulation normative qursquoil srsquoagit de mieux comprendre Dans cette

perspective deux clarifications seacutemantiques doivent drsquoembleacutee ecirctre opeacutereacutees

Tout drsquoabord il est neacutecessaire de concevoir la transparence de la finance climat comme une

laquo meacutetanorme raquo11 afin de ne pas baser lrsquoanalyse sur une notion trop eacutetroite qui conduirait agrave exclure

certains espaces juridiques sous un preacutetexte rigide et purement formel lieacute agrave lrsquoabsence drsquoappellation

mot pour mot Neacuteanmoins il faut aussi admettre que cette laquo ouverture raquo preacutesente ses propres li-

mites dans la mesure ougrave tant la nature juridique que le contenu de cette laquo meacutetanorme raquo peut precircter

agrave discussion12 Ainsi le recours agrave la notion apparemment geacuteneacuterique de laquo transparence raquo correspond

en reacutealiteacute agrave la prise en compte drsquoideacutees reccedilues agrave propos de la bonne administration la confiance la

8 Deacutecision 1CP21 sect649 Voir en particulier SCF Biennial Assessment and Overview of Climate Finance Flows report 201410 Voir le diagramme (non exhaustif) de lrsquoarchitecture globale de la finance climat annexeacute agrave cette contribution11 S Maljean-Dubois M Wemaere laquo Lrsquoaccord agrave conclure agrave Paris en deacutecembre 2015 une opportuniteacute pour laquo deacute raquofragmenter la gouver-nance internationale du climat raquo RJE ndeg 4 201512 A Peters laquo The Transparency Turn of International Law raquo The Chinese Journal of Global Governance ndeg 1 2015 pp 3-15

La transparence de la finance climat

168

leacutegitimiteacute lrsquointelligibiliteacute la clarteacute ou encore la publiciteacute13 Plus largement des liens de causali-

teacute sont preacutesupposeacutes entre la transparence lrsquoefficaciteacute et lrsquoeffectiviteacute du soutien fourni mais aussi

entre la transparence et la responsabiliteacute (ou lrsquoaccountability) des acteurs de la finance climat14

En outre si lrsquoapproche adopteacutee entend repeacuterer les espaces juridiques concerneacutes par la circula-

tion de la transparence de la finance climat et eacutevaluer leurs liens afin de srsquointerroger sur les implica-

tions de cette circulation normative lrsquoordre juridique de reacutefeacuterence reste celui constitueacute par les traiteacutes

internationaux speacutecifiquement relatifs au climat (CCNUCC PK et Accord de Paris) et par le droit

qui en est deacuteriveacute (deacutecisions COP et COP agissant comme Reacuteunion des Parties au PK (COPMOP)

recommandations des organes subsidiaires hellip)15

Il ne srsquoagit donc pas tant de cartographier le complexe de reacutegimes de la transparence de la fi-

nance climat en envisageant lrsquoeacutevolution subie par chaque ordre juridique concerneacute que de deacutetermi-

ner si la circulation de la transparence de la finance climat aboutit agrave atteindre les objectifs poursuivis

par le laquo reacutegime climat raquo en la matiegravere

Pour reacutepondre agrave cette question il convient tout drsquoabord de srsquointerroger sur la singulariteacute de la

circulation de la transparence de la finance climat (1) avant de se pencher sur ses effets (2)

1 Les caracteacuteristiques de la circulation de la transparence de la finance climat

Il existe diverses typologies permettant de mieux appreacutehender les circulations normatives au

sein drsquoun complexe de reacutegimes16 Certaines drsquoentre elles mettent lrsquoaccent sur le caractegravere fortuit ou

intentionnel de cette circulation17 Au titre de la transparence de la finance climat il semble clair que

la circulation srsquoinscrit dans la deuxiegraveme cateacutegorie (11) et se manifeste agrave de nombreux eacutegards (12)

11 Lrsquoimpulsion de la circulation normative par le laquo reacutegime climat raquo

Lrsquoespace juridique de reacutefeacuterence crsquoest agrave dire le laquo reacutegime climat raquo accompagne la circulation de

la transparence de la finance climat agrave la fois implicitement et explicitement En effet drsquoune part

13 Ibid14 Voir agrave cet eacutegard drsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale les travaux initieacutes par B Kingsburry RB Stewart N Krisch laquo The Emergence of Glo-bal Administrative Law raquo Law and Contemporary Problems vol 68 ndeg 3 2005 pp 15-62 et en particulier les deacuteveloppements sur la laquo transpa-rence raquo comme norme du droit administratif global15 Ci-apregraves deacutesigneacute comme constituant le laquo reacutegime climat raquo16 Pour une preacutesentation drsquoensemble par des juristes voir notamment L Gradoni laquo Systegravemes juridiques internationaux une esquisse raquo in L Gradoni H Ruiz-Fabri (Dirs) La circulation des concepts juridiques le droit international de lrsquoenvironnement entre mondialisation et fragmentation Socieacuteteacute de Leacutegislation compareacutee 2009 pp 27-51 M A Young laquo Regime Interaction in Creating Implementing and Enforcing International Law raquo in M A Young (Ed) Regime interaction in International Law Facing Fragmentation Cambridge University Press 2012 pp 85-110 H van Asselt The Fragmentation of Global Climate Governance Consequences and Management of Regime Interactions Edward Elgar Cheltenham 2014 pp 44-6017 Ainsi O R Young The Institutional Dimension of Environmental Change Fit Interplay and Scale Cambridge MIT Press 2002 p 25 distingue les laquo interdeacutependances deacutelibeacutereacutees raquo (laquo deliberate interdependencies raquo) des laquo liens fonctionnels raquo (laquo functionnal linkages raquo) spontaneacutes Dans le mecircme ordre drsquoideacutee T Gehring et S Oberthur laquo Conceptual Foundations of Institutional Interaction raquo in T Gehring S Oberthur (Eds) Institutional Interaction in Global Environmental Governance Synergy and Conflict among International and EU Policies Cambridge MIT Press 2006 pp 19-52 distinguent drsquoune part les interactions reacutesultant drsquoune laquo demande drsquoassistance raquo (laquo request for assistance raquo) par une institution et drsquoautre part la diffusion de laquo modegravele politique raquo (laquo policy model raquo) qui ne suppose pas une telle deacutemarche en provenance du reacutegime de reacutefeacuterence

Anne-Sophie TABAU

169

le manque de preacutecision pour rendre cette norme pleinement opeacuterationnelle au sein du laquo reacutegime

climat raquo aboutit agrave laisser une grande marge de manœuvre favorable agrave une circulation normative

selon une dynamique ascendante ou bottom-up (a) Toutefois drsquoautre part le besoin de circulation

de la transparence de la finance climat est expresseacutement reconnu et mecircme organiseacute (b)

a Une impreacutecision des lignes directrices favorable agrave la circulation normative ascendante

Alors qursquoen vertu de la CCNUCC et du PK des regravegles particuliegraverement sophistiqueacutees ont eacuteteacute

deacuteveloppeacutees pour favoriser la transparence des informations relatives aux actions des parties viseacutees

agrave lrsquoannexe I par le biais de deacutecisions de la COP et de la COPMOP se reacutefeacuterant aux meacutethodologies

laquo commandeacutees raquo au GIEC force est de constater que lrsquoencadrement est moins strict srsquoagissant de la

transparence de la finance climat

En effet si depuis de nombreuses anneacutees les pays deacuteveloppeacutes se sont engageacutes agrave faire le rapport

du soutien financier qursquoils fournissent aux pays en deacuteveloppement dans le domaine des changements

climatiques18 en lrsquoabsence de deacutefinition internationale communeacutement admise les pays contributeurs

beacuteneacuteficient drsquoune large marge drsquoappreacuteciation sur ce qursquoils incluent au sein de la finance climat Cette

indeacutetermination est favorable agrave la circulation normative dans la mesure ougrave elle permet lrsquoeacutemergence

laquo par le bas raquo des donneacutees prises en compte mais aussi des modaliteacutes en permettant lrsquoeacutetablissement

Les lignes directrices actuellement applicables en matiegravere de rapport sur la finance climat19 ont

eacuteteacute adopteacutees par la COP en 2011 agrave Durban et en 2012 agrave Doha Par rapport agrave la pratique anteacuterieure

au sein de la CCNUCC lrsquoencadrement reacutesultant de ces lignes directrices a incontestablement eacuteteacute

accru Avant leur adoption les pays deacuteveloppeacutes eacutetaient simplement tenus de rapporter leur soutien

financier aux pays en deacuteveloppement dans les communications nationales qursquoils remettaient tous

les quatre ans au Secreacutetariat de la CCNUCC En comparaison les lignes directrices actuelles exigent

des parties viseacutees agrave lrsquoannexe II qursquoelles rapportent leur soutien financier agrave la fois dans leurs commu-

nications nationales et dans leur rapports biennaux qui comme leur nom lrsquoindique sont remis plus

freacutequemment En outre depuis 2012 les parties viseacutees agrave lrsquoannexe II doivent faire eacutetat de ce finance-

ment climat sous la forme drsquoun tableau standardiseacute (laquo common tabular format raquo)

Les pays beacuteneacuteficiaires de ces soutiens financiers (pays non viseacutes agrave lrsquoannexe I) doivent pour leur

part soumettre dans leurs communications nationales des informations relatives agrave leurs besoins de

soutien financier mais aussi des donneacutees relatives au soutien reccedilu de la part du Fonds pour lrsquoenviron-

nement mondial des parties viseacutees agrave lrsquoannexe II de la CCNUCC ou drsquoautres institutions bilateacuterales

et multilateacuterales En outre les parties non-viseacutees agrave lrsquoannexe I doivent mettre agrave jour ces informations

sur une base biannuelle20

18 Deacutecision 4CP5 deacutecision 2CP17 deacutecision 19CP1819 Ces lignes directrices sont celles applicables pour que les pays deacuteveloppeacutes fassent la deacutemonstration de leur respect de lrsquoobjectif collectif de 100 milliards de dollars par an drsquoici 2020 et mecircme au-delagrave puisque ce montant plancher ne sera pas reacuteeacutevalueacute avant 2025 La deacutecision 1CP21 preacutevoit toutefois que la reacutevision de ces lignes directrices devra ecirctre acheveacutee au plus tard en 2018 (sect98)20 Deacutecision 2CP17 (sect39-42)

La transparence de la finance climat

170

En deacutepit de ces progregraves les lignes directrices actuelles ne constituent pas un cadre suffisamment

robuste pour rendre compte de maniegravere fiable et comparable du soutien financier en matiegravere cli-

matique au titre de la CCNUCC Elles ne fournissent toujours pas de meacutethodologie pour le rapport

financier ou pour deacuteterminer ce qui constitue une finance speacutecifique au climat Les parties viseacutees

agrave lrsquoannexe II doivent certes fournir dans leur rapport une description de lrsquoapproche retenue pour

suivre (laquo tracking raquo) le soutien financier Elles doivent eacutegalement indiquer le montant des ressources

financiegraveres laquo nouvelles et additionnelles raquo qursquoelles ont fournies21 en clarifiant la faccedilon dont elles ont

deacutetermineacute que ces ressources eacutetaient effectivement laquo nouvelles et additionnelles raquo Toutefois lrsquoeacutetude

des rapports remis jusqursquoagrave preacutesent conduit agrave constater que de nombreuses parties deacuteveloppeacutees nrsquoont

pas fourni drsquoinformation complegravete que ce soit srsquoagissant des meacutethodologies de comptabilisation

ou de la deacutefinition du caractegravere nouveau et additionnel de la finance climat En outre les donneacutees

fournies ne sont pas actualiseacutees En effet il y a un eacutecart de plusieurs anneacutees entre le moment ougrave ces

informations sont communiqueacutees et la peacuteriode sur laquelle porte le rapport les premiers rapports

biennaux qui eacutetaient dus pour le 1er janvier 2014 ne concernaient ainsi que les anneacutees 2011 et 2012

Srsquoagissant des rapports des parties non viseacutees agrave lrsquoannexe I il convient aussi de relever qursquoil

nrsquoexiste pas de format standard concernant la finance climat reccedilue En outre seuls 15 Eacutetats ont ef-

fectivement remis leurs rapports biennaux mis agrave jour au Secreacutetariat

Ce faible encadrement international favorisant potentiellement lrsquoeacutemergence de la transparence

de la finance climat laquo par le bas raquo nrsquoa pas encore reacuteellement porteacute ses fruits Si plusieurs parties ont

utiliseacute les mecircmes reacutefeacuterentiels existant par ailleurs pour rapporter leur finance climat22 certaines

drsquoentre elles ont deacuteveloppeacute leur propre meacutethodologie ce qui nrsquoa fait qursquoamplifier les difficulteacutes de

comparaison Parmi les paramegravetres qui varient drsquoune partie agrave lrsquoautre se trouve par exemple le mo-

ment auquel est comptabiliseacute la finance climat ce qui peut alternativement ecirctre le cas au stade de sa

promesse ou agrave celui de sa deacutelivrance effective Ces variations concernent aussi les sources de finan-

cement prises en compte qui peuvent se limiter agrave lrsquoaide publique au deacuteveloppement ou srsquoeacutetendre agrave

drsquoautres flux financiers officiels comme agrave la finance priveacutee Les donneacutees rapporteacutees peuvent aussi

selon les parties concerner une activiteacute ou ecirctre agreacutegeacutees La faccedilon dont chaque partie deacutetermine la

part drsquoun projet deacutedieacutee speacutecifiquement agrave la lutte contre les changements climatiques est loin drsquoecirctre

transparente Enfin certaines parties utilisent leur propre deacutefinition de lrsquoadaptation Le rapport sur

la finance climat transitant par des fonds multilateacuteraux soulegraveve eacutegalement des interrogations quant

agrave son laquo double comptage raquo23 Tout ceci semble donc indiquer qursquoun encadrement plus strict de la

transparence de la finance climat est souhaitable

21 Article 4(3) de la CCNUCC22 Voir deacuteveloppements infra notamment sur les marqueurs de Rio23 Voir deacuteveloppements infra sur ce point speacutecifique qui soulegraveve la question drsquoune neacutecessaire obligation de rapport de la finance climat par les fonds climat et les institutions financiegraveres internationales qui en gegraverent ainsi que celle de la comparabiliteacute de ces diffeacuterents rapports

Anne-Sophie TABAU La transparence de la finance climat

171

b Des lignes directrices ayant vocation agrave ecirctre preacuteciseacutees gracircce agrave une circulation normative organiseacutee

Ce bilan peu concluant a vocation agrave srsquoameacuteliorer au fur et agrave mesure que les lignes directrices en-

cadrant la transparence de la finance climat seront preacuteciseacutees La tacircche en la matiegravere revient princi-

palement agrave deux organes subsidiaires de la CCNUCC lrsquoorgane subsidiaire de conseil scientifique et

technique (SBSTA) et le SCF soutenus par le Secreacutetariat Or pour ce faire lrsquoun comme lrsquoautre sont

inviteacutes au-delagrave drsquoune coordination interne au laquo reacutegime climat raquo agrave srsquoouvrir vers lrsquoexteacuterieur crsquoest-agrave-

dire y compris en dehors du laquo reacutegime climat raquo24

Ainsi au-delagrave des parties les organisations (organisations internationales ndash OI et ONG) beacuteneacute-

ficiant du statut drsquoobservateur et mecircme plus largement toutes les personnes inteacuteresseacutees ont eacuteteacute agrave

plusieurs reprises inviteacutees agrave soumettre des contributions sur la transparence de la finance climat

Par ailleurs des workshops laquo ouverts raquo ont eacuteteacute organiseacutes Les contenus des rapports du SCF sur les

flux financiers en matiegravere climatique ont eacuteteacute eacutetablis sur la base de laquo toutes les informations dispo-

nibles raquo et non pas seulement agrave partir des informations fournies par les parties dans leurs rapports

biennaux Le SCF comme le Secreacutetariat ont eacutegalement reacuteguliegraverement dresseacute lrsquoeacutetat de lrsquoart des meacutetho-

dologies relatives agrave lrsquoeacutevaluation et agrave la notification de la finance climat

Pour autant cela nrsquoa pas suffi pour faire eacutemerger une meacutethodologie ni mecircme des deacutefinitions

communes au cœur de la transparence de la finance climat En outre le rapport du SCF (Biennal assessment review) de 2014 nrsquoa pas eacuteteacute jugeacute suffisant par les preacutesidents de la COP 20 et de la COP

21 pour instaurer la confiance neacutecessaire entre les parties dans la perspective de la conclusion drsquoun

accord agrave Paris Ils ont ainsi deacutecideacute de demander en urgence seulement cinq mois avant la tenue de la

COP 21 un rapport agrave lrsquoOCDE eacutevaluant le montant des soutiens fournis par les pays deacuteveloppeacutes aux

pays en deacuteveloppement Lrsquoobjectif afficheacute eacutetait alors clairement de fournir une information claire et

rassurante en la matiegravere

Il srsquoagissait notamment de faire en sorte que ces derniers et parmi eux en particulier les pays

eacutemergents participent agrave lrsquoeffort global de lutte contre les changements climatiques Or agrave cet eacutegard

la deacutelivrance effective et donc la transparence de la finance climat constituait depuis la Confeacuterence

de Copenhague une condition sine qua non de lrsquoengagement de ces pays25

Le rapport de lrsquoOCDE publieacute le 7 octobre 2015 preacutesente lrsquoindeacuteniable atout de mettre en eacutevidence

les diffeacuterentes meacutethodes utiliseacutees par les pays contributeurs pour comptabiliser leur finance climat

En outre le rapport deacutecrit les difficulteacutes meacutethodologiques qui continuent de se poser en la matiegravere

Si cet effort de mise agrave plat de lrsquoeacutetat de la transparence de la finance climat est utile il semble aussi

venir remplacer le travail du mecircme ordre opeacutereacute par le SCF

24 La deacutecision 2CP17 a ainsi inviteacute le SBSTA agrave deacutevelopper les meacutethodologies de rapport du soutien financier compte tenu des meacutethodo-logies internationales existantes (sect19) Le mandat eacutetait censeacute srsquoachever en 2014 lors de la COP 20 mais a eacuteteacute prolongeacute drsquoun an agrave cette occasion La deacutecision 11CP20 reacuteaffirme mecircme le besoin drsquoouverture agrave lrsquoexteacuterieur agrave cette occasion en indiquant dans son sect2 que les parties et les orga-nisations observatrices sont inviteacutees agrave soumettre leur vue sur les meacutethodes de notification de lrsquoinformation financiegravere25 A-S Tabau M Lemoine laquo Willing Power Fearing Responsibilities Basic in Climate Negotiations raquo CCLR vol 6 ndeg 3 2012 pp 197-208

La transparence de la finance climat

172

Cela apparaicirct de maniegravere drsquoautant plus frappante qursquoen deacutepit de la reconnaissance de lrsquoinadeacute-

quation des meacutethodologies de comptabilisation de la finance climat le rapport de lrsquoOCDE annonce

des chiffres (52 milliards de dollars en 2013 et 63 milliards de dollars en 2014) lagrave ougrave le SCF annonccedilait

plus prudemment des fourchettes Le rapport de lrsquoOCDE manque eacutegalement de clarteacute sur la faccedilon

dont ont eacuteteacute produits les reacutesultats auxquels il aboutit Par exemple la question de savoir si lrsquoaccrois-

sement des financements publics en matiegravere climatique entre 2011 et 2014 est lieacute agrave une augmentation

des budgets correspondants ou simplement agrave un changement dans la meacutethode de comptabilisation

reste sans reacuteponse Il nrsquoen demeure pas moins que la meacutediatisation de ces chiffres a eacuteteacute bien plus

grande que lors de la publication de lrsquoeacutevaluation du SCF Cela srsquoexplique sans doute agrave la fois en rai-

son du calendrier agrave un mois de la COP 21 et de leur caractegravere plus simple agrave comprendre pour le

grand public

Or au-delagrave de cette laquo concurrence raquo institutionnelle et en deacutepit drsquoun mandat confieacute par les

preacutesidences peacuteruvienne et franccedilaise des COP 20 et 21 la leacutegitimiteacute de lrsquoOCDE est moindre que celle

du SCF du moins en termes de repreacutesentativiteacute des inteacuterecircts en preacutesence26 Si cette pratique drsquoun

nouveau genre teacutemoigne de lrsquoimportance du rocircle que peut jouer un preacutesident de COP en terme de

circulation normative et si son effet a eacuteteacute indeacuteniable sur les reacutesultats de la COP 21 elle meacuterite tout

de mecircme drsquoecirctre questionneacutee

12 Les manifestations de la circulation de la transparence de la finance climat

Les manifestations de la circulation normative qui reacutesultent de lrsquoimpulsion donneacutee par le

laquo reacutegime climat raquo en matiegravere de transparence de la finance climat peuvent ecirctre appreacutehendeacutees de

deux points de vue du point de vue intra-systeacutemique (a) et du point de vue inter-systeacutemique (b)

Le premier renseigne sur la circulation normative de la transparence de la finance climat agrave partir

de lrsquoespace juridique de reacutefeacuterence et de son point de vue Ce qui met en eacutevidence la circulation

normative est alors lrsquoobligation pour les parties de faire rapport sur le soutien fourni ou reccedilu27 En

cela la circulation normative correspond agrave la mise en œuvre drsquoune obligation laissant une marge

de manœuvre importante agrave ceux qui doivent la respecter28 Lrsquoadoption de cette perspective explique

eacutegalement que les compilations-synthegraveses du SCF et du Secreacutetariat mettent en exergue seulement

certaines manifestations de la circulation normative La seconde perspective renseigne sur lrsquoeacutetat des

lieux de lrsquoenchevecirctrement des espaces juridiques concerneacutes par la circulation de la transparence de

la finance climat Il est alors plus difficile ndash et sans doute aussi plus arbitraire ndash de mettre en eacutevidence

les manifestations de cette circulation normative Agrave cet eacutegard neacuteanmoins le recours agrave la notion de

transparence pour deacutesigner la laquo meacutetanorme raquo qui circule plutocirct qursquoagrave un reacutegime juridique deacutetermineacute

26 Voir deacuteveloppements infra27 Cf laquo interaction through commitment raquo dans la typologie de S Oberthur T Gehring (eds) Institutional Interaction in Global Envi-ronmental Governance Synergy and Conflict among International and EU Policies MIT Press 200628 Pour des conclusions en ce sens voir A-S Tabau La mise en oeuvre du Protocole de Kyoto en Europe interaction des controcircles internatio-nal et communautaire Bruylant 2011

Anne-Sophie TABAU La transparence de la finance climat

173

srsquoavegravere drsquoun certain secours Cette notion aux contours plus flous permet en effet de mettre en

eacutevidence non plus seulement les connexions institutionnelles ou opeacuterationnelles entre lrsquoobligation

de transparence de la finance climat issue du laquo reacutegime climat raquo et ses modaliteacutes drsquoapplication mais

aussi les proximiteacutes politiques ou encore conceptuelles entre les espaces juridiques consideacutereacutes29

a Une circulation normative au soutien de lrsquoobligation de rapporter la finance climat fournie ou reccedilue

En consideacuterant comme point de deacutepart de lrsquoanalyse que le laquo reacutegime climat raquo constitue lrsquoespace

juridique de reacutefeacuterence la transparence de la finance climat repreacutesente avant tout une obligation agrave

la charge des parties deacuteveloppeacutees compleacuteteacutee par une laquo obligation raquo30 des parties en deacuteveloppement

Toutefois la mise en œuvre de cet engagement suppose en amont lrsquoimplication drsquoautres acteurs et

drsquoautres espaces juridiques

Ainsi tout drsquoabord jusqursquoagrave preacutesent la plupart des pays deacuteveloppeacutes se sont principalement si

ne crsquoest exclusivement baseacutes pour eacutetablir leur rapport en matiegravere de finance climat sur les donneacutees

collecteacutees agrave partir du systegraveme des marqueurs de Rio mis au point par le Comiteacute drsquoaide au deacuteveloppe-

ment (DAC) de lrsquoOCDE Ces donneacutees qui sont notifieacutees agrave lrsquoOCDE par les pays donateurs et rendues

publiques en ligne sont en effet de lrsquoavis des Secreacutetariats des Conventions concerneacutees les seules

donneacutees comparables et harmoniseacutees au niveau international concernant lrsquoaide visant lrsquoatteinte des

objectifs des Conventions de Rio31 Depuis 1998 lrsquoOCDE a ainsi suivi lrsquoaide visant un objectif drsquoatteacute-

nuation des eacutemissions de GES agrave travers son laquo Systegraveme de notification des pays creacuteanciers raquo (laquo Cre-ditor Reporting System raquo ndash CRS) utilisant la meacutethodologie des marqueurs de Rio qui a eacuteteacute eacutetendu agrave

partir de 2010 agrave lrsquoobjectif drsquoadaptation Ces donneacutees et ces marqueurs jouent donc un rocircle important

dans la compreacutehension actuelle ndash et donc la transparence ndash de la finance climat

Srsquoagissant plus speacutecifiquement des donneacutees concernant la finance climat transitant par des fonds

multilateacuteraux de nombreuses parties se sont fondeacutees du moins pour leur 2e rapport biennal sur les

donneacutees que le DAC de lrsquoOCDE impute lui-mecircme aux contributions multilateacuterales Celles-ci sont

calculeacutees agrave partir de lrsquoestimation de la part deacutedieacutee au climat des activiteacutes de chaque agence multilateacute-

rale et de la participation de chaque pays au budget de cette organisation ce qui permet in fine drsquoes-

timer la part de finance climat de chaque pays transitant par lrsquoagence multilateacuterale consideacutereacutee Pour

certaines agences multilateacuterales cette part de leur activiteacute deacutedieacutee au climat est estimeacutee agrave partir des

marqueurs de Rio le coucirct total des projets ayant pour objectif principal le climat y est comptabiliseacute

Toutefois depuis 2012 les sept plus importantes banques multilateacuterales de deacuteveloppement rejointes

en 2015 par les 20 membres de lrsquoInternational Development Finance Club qui reacuteunit des banques de

deacuteveloppement nationales et infrareacutegionales utilisent une autre meacutethodologie32 Or crsquoest agrave celle-ci

29 Cf laquo Cognitive interaction raquo dans la typologie de S Oberthur et T Gehring op cit30 Lrsquousage des guillemets se justifie ici par le caractegravere peu contraignant de cette obligation31 OCDE laquo Eacutevolution de lrsquoaide en faveur de lrsquoenvironnement une composante du financement du deacuteveloppement durable (1991-2011) raquo Coopeacuteration pour le deacuteveloppement 2012 Comment inteacutegrer durabiliteacute et deacuteveloppement OCDE 2012 p 67 32 httpwww- wdsworldbankorgexternaldefaultWDSContentServerWDSPIB20150616090224b082f3a6012_0Ren deredPDF20140joint0rep0nks00climate0financepdf

La transparence de la finance climat

174

que se sont rallieacutees certaines parties dans la mesure ougrave elle semble plus rigoureuse et plus preacutecise

que les marqueurs de Rio

Enfin agrave la suite du rapport drsquoexperts de haut niveau sur la finance climat mandateacute par le Se-

creacutetaire geacuteneacuteral de lrsquoOrganisation des Nations Unies (ONU)33 insistant sur la neacutecessiteacute de prendre

en compte toutes les sources de financements pour atteindre lrsquoobjectif de 100 milliards de dollars

par an drsquoici 2020 les parties viseacutees agrave lrsquoannexe II ont chercheacute agrave mentionner dans leur rapports agrave la

CCNUCC des donneacutees relatives aux financement provenant drsquoacteurs priveacutes Or il nrsquoexiste pas agrave

lrsquoheure actuelle de meacutethodologie pour cela y compris en dehors du laquo reacutegime climat raquo En outre

la collecte des donneacutees est bien souvent difficile celles-ci eacutetant geacuteneacuteralement confidentielles Cela

nrsquoa pas empecirccheacute certaines ONG comme Climate Policy Inititiative de publier chaque anneacutee depuis

2012 un rapport (laquo Global Landscape of Climate Finance raquo) visant agrave faire eacutetat des flux financiers aussi

bien drsquoorigine publique que priveacutee en matiegravere climatique Toutefois la variation des reacutesultats drsquoune

anneacutee sur lrsquoautre nrsquoest pas claire lagrave aussi reacutesulte-t-elle drsquoun changement de meacutethodologie ou drsquoune

variation dans les montant investis par les acteurs priveacutes

Pour reacutesoudre ces difficulteacutes une laquo recherche collaborative sur le suivi de la finance climat pri-

veacutee raquo (laquo Research Collaborative on Tracking Private Climate Finance raquo) a eacuteteacute mise en place sous la

coordination du Secreacutetariat de lrsquoOCDE Crsquoest un reacuteseau ouvert aux gouvernements inteacuteresseacutes aux

institutions de recherches pertinentes et aux institutions financiegraveres internationales dont lrsquoobjectif

est de favoriser agrave court terme le partage des laquo meilleures donneacutees disponibles raquo et agrave plus long terme

le deacuteveloppement drsquoune meacutethodologie plus complegravete pour mesurer les flux financiers drsquoorigine pri-

veacutee en matiegravere climatique En outre ce reacuteseau entend devenir le lieu drsquoeacutetablissement des donneacutees

correspondantes

Du cocircteacute des pays beacuteneacuteficiaires de la finance climat les examens des deacutepenses publiques en ma-

tiegravere climatique (CPEIRs pour laquo Climate Public Expenditure Reviews raquo) du Programme des Nations

Unies pour le deacuteveloppement (PNUD) fournissent un outil pour mesurer la finance climat reccedilue lors

des exercices de planification budgeacutetaire geacuteneacuterale au niveau national dont les reacutesultats sont enre-

gistreacutes depuis 2012 dans une base de donneacutees Pour deacuteterminer la part drsquoune deacutepense publique qui

relegraveve du climat le PNUD utilise deux meacutethodes lrsquoindice de pertinence climatique et lrsquoapproche

par beacuteneacutefices La premiegravere srsquoappuie sur les marqueurs de Rio pour traduire lrsquoobjectif deacuteclareacute drsquoun

programme ou drsquoune deacutepense en pourcentage de pertinence climatique ce qui permet ensuite de

quantifier les deacutepenses publiques affecteacutees au climat Lrsquoapproche par les beacuteneacutefices quant agrave elle tra-

duit la sensibiliteacute drsquoun programme donneacute vis-agrave-vis des changements climatiques liant les beacuteneacutefices

attendus de lrsquoaction aux impacts des changements climatiques Cette seconde meacutethodologie permet

de comparer les reacutesultats escompteacutes drsquoun programme en cas de reacutealisation des changements clima-

tiques et en cas drsquoeacutevitement de ceux-ci

33 httpwwwunorgwcmwebdavsiteclimatechangesharedDocumentsAGF_reportsAGF20Reportpdf

Anne-Sophie TABAU La transparence de la finance climat

175

Si ces diffeacuterentes manifestations de la circulation de la transparence de la finance climat nrsquoont

pas toujours eacuteteacute deacuteveloppeacutees pour reacutepondre agrave une attente du laquo reacutegime climat raquo celui-ci a pris note

de leur existence notamment agrave travers les travaux du SCF Or tel nrsquoest pas le cas drsquoautres manifes-

tations de la circulation normative qui ne parviennent pas encore agrave laquo reacutetroagir raquo sur le laquo reacutegime

climat raquo

b Une circulation normative teacutemoignant drsquoune influence conceptuelle plus diffuse

Drsquoautres manifestations de la circulation normative de la laquo meacutetanorme raquo de transparence de

la finance climat srsquoavegraverent pertinentes mecircme si elles relegravevent aussi voire principalement drsquoautres

complexes de reacutegimes que celui du climat

Ainsi par exemple depuis 2009 la question des subventions aux eacutenergies fossiles est inscrite agrave

lrsquoagenda de plusieurs institutions internationales (G20 objectifs drsquoAiumlchi Deacuteclaration issue du Som-

met de Rio + 20hellip) Afin drsquoameacuteliorer la transparence dans ce domaine les membres du G20 se sont

entendus au Sommet de Saint-Peacutetersbourg en septembre 2013 sur une meacutethodologie permettant un

examen par les pairs sur la base du volontariat Les discussions agrave cet eacutegard dans le cadre du G20 se

sont tenues en collaboration avec lrsquoOCDE lrsquoAgence internationale de lrsquoeacutenergie le Fonds moneacutetaire

international et lrsquoOrganisation des pays exportateurs de peacutetrole Cette collaboration a permis une

circulation normative du mecircme ordre que celle relative agrave la transparence de la finance climat faisant

passer la question du stade de lrsquoengagement politique agrave celui de sa mise en œuvre

Or des liens conceptuels existent entre la finance climat et les subventions aux eacutenergies fossiles

Cela a notamment eacuteteacute souligneacute par certaines ONG concluant que ces derniegraveres eacutetaient 40 fois plus

eacuteleveacutees que la premiegravere et suggeacuterant une reacuteaffectation des ressources subventionnant les eacutenergies

fossiles vers la finance climat34 Si les chiffres avanceacutes pour parvenir agrave ce reacutesultat peuvent ecirctre dis-

cuteacutes ils contribuent en toute hypothegravese agrave deacutemontrer une circulation de type laquo cognitif raquo ou encore

de nature politique entre le principe de la transparence de la finance climat et celui des subventions

aux eacutenergies fossiles dans la mesure ougrave ce diagnostic nrsquoaurait pas eacuteteacute possible sans lrsquoune ni lrsquoautre

Une version intermeacutediaire de la deacutecision 1CP21 envisageait drsquoailleurs drsquoen prendre acte35 agrave

travers une disposition favorable au deacutesinvestissement dans les eacutenergies fossiles mais la version fi-

nale du texte ne contient plus de disposition expresse agrave cet eacutegard Pour autant la question pourrait

ressurgir dans la mesure ougrave la COP a deacutecideacute laquo drsquoengager agrave sa vingt-deuxiegraveme session un processus

visant agrave recenser les informations que doivent communiquer les Parties [sur les ressources finan-

ciegravere fournies aux pays en deacuteveloppement] en vue de formuler des recommandations pour examen

34 httppriceofoilorg20151111empty-promises-g20-subsidies-to-oil-gas-and-coal-production35 Tandis que le sect62 du draft Paris outcome dans sa version ndeg 2 du 10 deacutecembre 2015 agrave 21h00 eacutenonccedilait lrsquoideacutee (laquo Urges Parties to reduce international support for high-emission investments raquo) le sect63 lrsquointeacutegrait directement au titre de la transparence de la finance climat laquo Decides that when communicating information on a biennial basis to be provided in line with Article 6 paragraph 6 [ie quantitative and qualitative information related to financial ressources to assist developing country Parties] Parties shall consider as appropriate the following (hellip) (h) Information on efforts to reduce international support for high emission investments raquo

La transparence de la finance climat

176

et adoption par la Confeacuterence des Parties agissant comme reacuteunion des Parties agrave lrsquoAccord de Paris agrave

sa premiegravere session raquo36

Dans le mecircme ordre drsquoideacutee les deacutebats au sein du laquo reacutegime climat raquo sur la transparence de la

finance climat se sont tenus jusqursquoagrave preacutesent en parallegravele et de maniegravere relativement cloisonneacutee

par rapport agrave ceux qui se tenaient en matiegravere de transparence du financement de la coopeacuteration au

deacuteveloppement en deacutepit de la proximiteacute voire du chevauchement entre ces deux theacutematiques Cela

srsquoexplique notamment en raison des revendications reacutecurrentes des pays beacuteneacuteficiaires pour que la

finance climat soit laquo nouvelle et additionnelle raquo par rapport agrave celle consacreacutee agrave drsquoautre objectifs de

deacuteveloppement Ces Eacutetats ont degraves lors reacuteguliegraverement plaideacute pour le cloisonnement de ces deux

theacutematiques craignant que le laquo reacutegime climat raquo ne vienne laquo polluer raquo les deacutebats relatifs au deacuteve-

loppement Or lrsquoexpeacuterience acquise en matiegravere de transparence du financement de la coopeacuteration

au deacuteveloppement pourrait profiter au deacuteveloppement de la transparence de la finance climat sans

pour autant que les fonds attribueacutes au climat ne soient amputeacutes sur ceux consacreacutes aux seconds

Si la question de lrsquoeacutevaluation de lrsquoaide au deacuteveloppement est ancienne elle a pris un tournant

nouveau agrave partir de la Deacuteclaration de Paris de 2005 sur lrsquoefficaciteacute de lrsquoaide consacrant parmi les

engagements de partenariat entre contributeurs et beacuteneacuteficiaires lrsquoobjectif de transparence de lrsquoaide

Lrsquoopeacuterationnalisation de cet engagement srsquoest acceacuteleacutereacute agrave la suite du 3e forum de haut niveau sur lrsquoef-

ficaciteacute de lrsquoaide qui srsquoest tenu agrave Accra en 2008 et au cours duquel il a eacuteteacute convenu de mettre en place

lrsquoInitiative internationale pour la transparence de lrsquoaide (IITA ou en anglais IATI ndash international aid transparency initiative) LrsquoIITA fournit aux donateurs disposeacutes agrave faire connaicirctre leurs deacutepenses

drsquoaide actuelles et futures un format commun de publication des donneacutees en temps opportun de

maniegravere comparable et fiable Les flux de financement budgets reacutesultats lieux calendriers et des-

criptifs de projet sont introduits dans un gisement de donneacutees en ligne accessible agrave tous les usagers

qui cherchent agrave savoir ougrave quand et comment lrsquoaide a eacuteteacute deacutebourseacutee

Au cours drsquoun eacutevegravenement parallegravele organiseacute en marge drsquoune neacutegociation inter-session de la CC-

NUCC agrave Bonn en 2012 plusieurs ONG ont ainsi recommandeacute que lrsquoIITA soit utiliseacutee au service de la

transparence de la finance climat37 au prix de quelques ajustements dans son fonctionnement Ces

ONG soulignaient agrave cet eacutegard que laquo given that IATI is still in its early stages there is also an opportu-nity to influence its design to accommodate issues related to climate finance from the outset whereas the costs of retrofitting IATI for climate finance needs later would be high raquo Bien que ni les travaux du

SCF ni la compilation synthegravese du Secreacutetariat ne fassent mention de lrsquoIITA cet effort drsquoajustement

semble avoir eacuteteacute reacutealiseacute puisque le fonds pour lrsquoadaptation y a adheacutereacute38

La circulation normative apparaicirct eacutegalement dans les reacutesultats du 4e forum de haut niveau

36 sect56 deacutecision 1CP2137 httpwwwodiorgsitesodiorgukfilesodi-assetsevents-documents4904pdf Voir en particulier lrsquoeacutetude des ONG Publish What You Fund et Aidinfo M Fostater laquo Towards Climate Finance Transparency raquo 2012 httpwwwpublishwhatyoufundorgfilesTowards-Cli-mate-Finance-Transparency_Finalpdf 38 httpwwwadaptation-fundorgwp-contentuploads201501AFBB19Inf_720IATI20background20documentspdf

Anne-Sophie TABAU La transparence de la finance climat

177

sur lrsquoefficaciteacute de lrsquoaide qui srsquoest tenu agrave Busan en 2014 lorsqursquoil a eacuteteacute deacutecideacute de laquo promouvoir la co-

heacuterence la transparence et la preacutevisibiliteacute de lrsquoensemble de nos approches de la finance climatique

et de la coopeacuteration au deacuteveloppement au sens large ce qui inclut de a) continuer agrave soutenir les

politiques et la planification visant agrave parer au changement climatique en tant que partie inteacutegrante

des plans nationaux de deacuteveloppement des pays en deacuteveloppement et faire en sorte ndash le cas eacutecheacuteant

ndash que ces mesures soient financeacutees mises en œuvre et suivies de faccedilon transparente via les systegravemes des pays en deacuteveloppement b) continuer agrave partager les enseignements deacutegageacutes en matiegravere drsquoefficaciteacute du deacuteveloppement avec les entiteacutes traitant des activiteacutes lieacutees au climat et faire en sorte que la coopeacute-

ration au deacuteveloppement au sens large beacuteneacuteficie aussi des innovations provenant de la finance lieacutee

au climat raquo39 Neacuteanmoins la 3e confeacuterence sur le financement du deacuteveloppement drsquoAddis-Abeba de

juillet 2015 a renvoyeacute la question de la transparence de la finance climat au laquo reacutegime climat raquo40 ne

favorisant pas lrsquoeacutetablissement de tels liens

Il nrsquoest pas exclu qursquoagrave lrsquoavenir la transparence de la finance climat beacuteneacuteficie des avanceacutees reacuteali-

seacutees au titre de la transparence de lrsquoaide au deacuteveloppement laquo en geacuteneacuteral raquo Crsquoest drsquoautant plus pro-

bable que ni la deacutecision 1CP21 ni lrsquoAccord de Paris ne mentionnent plus la neacutecessiteacute du caractegravere

laquo nouveau et additionnel raquo de la finance climat Ce silence traduit le consensus croissant autour de

lrsquoideacutee que la vulneacuterabiliteacute face aux impacts des changements climatiques doit ecirctre appreacutehendeacutee de

maniegravere contextuelle en tenant compte de consideacuterations sociales et eacuteconomiques Ainsi la finance

climat notamment en matiegravere drsquoadaptation ne doit-elle pas seulement permettre la mise en place

de solutions techniques (ex construction de digues) mais aussi augmenter la capaciteacute de reacutesilience

des socieacuteteacutes agrave travers un soutien plus large au deacuteveloppement

Ces deux exemples teacutemoignent de ce que la circulation normative de la transparence de la fi-

nance climat va au-delagrave de lrsquoeacutelaboration de normes permettant sa mise en œuvre mais concerne eacutega-

lement les contours mecircme de cette laquo meacutetanorme raquo Lrsquoanalyse nrsquoest drsquoailleurs pas exhaustive et des

reacuteflexions pourraient eacutegalement ecirctre engageacutees par exemple srsquoagissant des liens entre la transparence

de la finance climat et la lutte contre la corruption41

2) Les effets de la circulation normative

Sous leurs abords techniques ces manifestations de la circulation de la transparence de la fi-

nance climat recegravelent en reacutealiteacute des enjeux politiques importants tandis qursquoau fur et agrave mesure de

sa circulation la norme mute (21) et laisse apparaicirctre des acteurs centraux dont la leacutegitimiteacute pour

srsquoemparer de cette question globale peut ecirctre questionneacutee (22)

39 Partenariat de Busan pour une coopeacuteration efficace au service du deacuteveloppement sect34 Nous soulignons40 laquo Nous sommes conscients de la neacutecessiteacute de se doter de meacutethodes transparentes drsquoeacutetablissement de rapports sur le financement dans le domaine du climat et nous nous feacutelicitons des travaux en cours dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les change-ments climatiques raquo (sect60) LrsquoODD 13 quant agrave lui se contente de reacuteiteacuterer lrsquoobjectif de 100 milliards de dollars par an pour la finance climat mais nrsquoeacutevoque pas la question de la transparence41 httpswwwtransparencyorgprogrammesdetailcgip

La transparence de la finance climat

178

21 Les mutations de la norme

Au cours de sa circulation la laquo meacutetanorme raquo de transparence de la finance climat eacutevolue et

se preacutecise Crsquoest le cas aussi bien sur le plan substantiel agrave travers lrsquoinfluence que cette circulation

produit sur les reacutesultats de cet effort de transparence que srsquoagissant drsquoaspects proceacuteduraux Deux

questions nouvelles surgissent alors qui doit participer agrave cet effort de transparence Et pourquoi

a Sur le produit de la transparence de la finance climat

Lrsquoinformation qui reacutesulte de tout processus de transparence contribue agrave confeacuterer du pouvoir agrave

certains acteurs Degraves lors les arbitrages qui consistent agrave deacuteterminer lrsquoinformation qui doit ecirctre four-

nie sont deacutecisifs Or en matiegravere de transparence de la finance climat ces arbitrages srsquoopegraverent au fur

et agrave mesure de la circulation normative dans la mesure ougrave ils eacutetaient trop controverseacutes pour ecirctre

reacutegleacutes en amont par le laquo reacutegime climat raquo Quelques exemples le deacutemontrent de maniegravere parlante

Si les marqueurs de Rio sont tregraves largement utiliseacutes par les parties pour faire eacutetat de leur soutien

financier en faveur des pays en deacuteveloppement mais aussi par drsquoautres acteurs participant agrave lrsquoeffort

de transparence de la finance climat il faut relever que cette meacutethodologie nrsquoa pas eacuteteacute initialement

eacutelaboreacutee pour controcircler des engagements financiers mais plutocirct pour permettre la production de

donneacutees permettant de suivre lrsquointeacutegration des objectifs des Conventions de Rio au sein de la coopeacute-

ration au deacuteveloppement Degraves lors les informations qui reacutesultent de leur utilisation sont davantage

de nature qualitative que quantitative Or cela a tregraves probablement contribueacute agrave ce que lrsquoAccord de

Paris preacutevoie que lrsquoinformation transmise preacutesente ces deux dimensions lagrave ougrave les lignes directrices

actuellement applicables preacutevoient la transmission drsquoinformation principalement quantitative et lieacutee

agrave lrsquoeacutetablissement drsquoun objectif chiffreacute en matiegravere de finance climat lors du Sommet de Copenhague

Par ailleurs comme cela a deacutejagrave eacuteteacute souligneacute lrsquoexigence du caractegravere laquo nouveau et additionnel raquo

de la finance climat nrsquoapparaicirct plus dans lrsquoAccord de Paris Or il srsquoagissait lagrave drsquoun aspect que les mar-

queurs de Rio ne permettaient justement pas drsquoidentifier Degraves lors des critiques ont pu ecirctre adres-

seacutees agrave lrsquoencontre de leur utilisation dans la mesure ougrave ils ne permettaient pas drsquoeacuteviter une simple

laquo re-labeacutelisation raquo des projets de deacuteveloppement en projet climat Cela a eacuteteacute reconnu par lrsquoOCDE

elle-mecircme ce qui lrsquoa conduite finalement agrave interroger la pertinence drsquoune distinction entre finance

climat et aide publique au deacuteveloppement42 Dans son rapport drsquooctobre 2015 lrsquoOCDE a drsquoailleurs

fait lrsquoarbitrage drsquoeacuteluder cette question pour la deacutefinition de la finance climat eacutecartant de fait une

preacuteoccupation exprimeacutee par les pays beacuteneacuteficiaires degraves la confeacuterence de Rio en 1992 et systeacutemati-

quement reacuteiteacutereacutee depuis du moins jusqursquoagrave la COP 21 Lrsquoabsence de mention du caractegravere laquo nouveau

et additionnel raquo de la finance climat dans lrsquoAccord de Paris peut donc surprendre mais deux expli-

cations sont envisageables La premiegravere tient aux meacutethodes de travail et au pouvoir de persuasion

de lrsquoOCDE La seconde explication tient au jeu des concessions reacuteciproques qui gouverne toute neacute-

gociation multilateacuterale Si le laquo caractegravere nouveau et additionnel raquo nrsquoapparaicirct plus en tant que tel il

42 OECD Initial roadmap for improved DAC measurement and monitoring of external development finance DCDDAC(2013)12 2013 p 10

Anne-Sophie TABAU La transparence de la finance climat

179

est tout de mecircme indiqueacute que la mobilisation des ressources par les pays deacuteveloppeacutes au profit des

pays en deacuteveloppement doit srsquoopeacuterer laquo dans la continuiteacute de leurs obligations au titre de la Conven-

tion raquo43 Par ailleurs lrsquoaccent est mis sur la laquo progression par rapport aux efforts anteacuterieurs raquo44 et

sur lrsquolaquo eacutequilibre entre lrsquoadaptation et lrsquoatteacutenuation raquo45 qui constituaient deux autres revendications

centrales des parties beacuteneacuteficiaires mecircme si ces expressions peuvent encore faire lrsquoobjet drsquointerpreacute-

tations divergentes

Ainsi lrsquoAccord de Paris ne deacutefinit pas preacuteciseacutement les projets susceptibles drsquoentrer dans la cateacute-

gorie de ceux financeacutes au titre de lrsquoadaptation Or sur ce point eacutegalement la circulation normative a

abouti agrave certains arbitrages que ce soit de la part de lrsquoOCDE ou de la part des banques multilateacuterales

de deacuteveloppement Plus exactement si les marqueurs de Rio et lrsquoinitiative des banques multilateacuterales

de deacuteveloppement adoptent une deacutefinition comparable de lrsquoadaptation les deux meacutethodologies dif-

fegraverent sur certains points importants46 La seconde exige en effet plus de documentation et drsquoanalyse

avant qursquoun projet ne soit consideacutereacute comme deacutedieacute agrave lrsquoadaptation au changement climatique tout

drsquoabord le contexte de chaque programme ou projet est eacutetabli en termes de risques de vulneacuterabiliteacutes

et drsquoimpacts lieacutes au changement climatique ensuite chaque programme ou projet est analyseacute agrave par-

tir de son intention de prendre en charge ces risques vulneacuterabiliteacutes et impacts enfin un lien direct

entre les risques vulneacuterabiliteacutes et impacts identifieacutes et les activiteacutes financeacutees par le programme ou le

projet doit ecirctre eacutetabli Degraves lors lrsquoapproche retenue par les banques multilateacuterales de deacuteveloppement

est plus restrictive que celle adopteacutee par lrsquoOCDE ce qui ne correspond pas agrave la logique de lrsquoinflexion

politique consentie par les pays en deacuteveloppement quant au caractegravere laquo nouveau et additionnel raquo

de la finance climat

b Sur le processus mecircme de la transparence de la finance climat

La transparence eacutetant un mode de gouvernance en soi47 le processus importe presqursquoautant en

lui-mecircme que les reacutesultats auxquels il aboutit La deacutetermination des acteurs qui doivent ecirctre trans-

parents et celle de lrsquoobjectif poursuivi par cette transparence confegraverent toute sa justification et son

inteacuterecirct au processus Or sur ces points fondamentaux eacutegalement il est possible de constater que la

circulation de la transparence de la finance climat conduit agrave certaines eacutevolutions par rapport agrave ce qui

eacutetait initialement envisageacute par le laquo reacutegime climat raquo

Le systegraveme des marqueurs de Rio a toujours souleveacute des difficulteacutes les Eacutetats membres de lrsquoOC-

DE ne les appliquant pas de la mecircme maniegravere pour cateacutegoriser les projets Cela ne deacuterive pas tant

drsquoune lacune du systegraveme en lui-mecircme que drsquoune dispariteacute dans son application agrave travers les pays

membres de lrsquoOCDE Drsquoailleurs le SCF a reconnu qursquoil y avait une marge drsquointerpreacutetation dans la

faccedilon dont les marqueurs de Rio sont appliqueacutes laissant certes une certaine flexibiliteacute mais pouvant

43 Article 9(1) de lrsquoAccord de Paris44 Article 9(3) de lrsquoAccord de Paris45 Article 9(4) de lrsquoAccord de Paris46 Pour une analyse deacutetailleacutee voir OECD OECD workshop with international financial institutions (IFIS) on tracking climate finance DC-DM(2013)1 201347 A Peters laquo The Transparency Turn of International Law raquo op cit

La transparence de la finance climat

180

eacutegalement conduire agrave des difficulteacutes en termes de comparaison entre les donneacutees des diffeacuterents fi-

nanceurs48 LrsquoOCDE elle-mecircme reconnaicirct eacutegalement que la meacutethodologie des marqueurs de Rio ne

permet pas de comparer et de syntheacutetiser les donneacutees provenant des diffeacuterents donateurs Degraves lors

la circulation de la transparence de la finance climat aboutit agrave preacuteciser lrsquoambition des objectifs de

la transparence de la finance climat LrsquoAccord de Paris reflegravete cette difficulteacute en indiquant que laquo le

cadre de transparence de lrsquoappui vise (hellip) dans la mesure du possible une vue drsquoensemble de lrsquoappui

financier global fourni pour eacutetayer le bilan mondial raquo49

Plus encore un autre parti pris du rapport de lrsquoOCDE drsquooctobre 2015 est de ne pas avoir deacutetailleacute

les contributions individuelles de chaque partie deacuteveloppeacutee ni drsquoailleurs identifieacute les beacuteneacuteficiaires

individuellement Or cet enseignement de la circulation normative transparaicirct eacutegalement dans lrsquoAc-

cord de Paris qui ne fixe qursquoun engagement collectif en matiegravere de finance climat et ce bien que le

cadre de la transparence de lrsquoappui vise tout de mecircme laquo agrave donner une image claire de lrsquoappui fourni

et de lrsquoappui reccedilu par chaque Partie raquo Il ne srsquoagira donc probablement pas de surveiller lrsquoatteinte

drsquoun engagement individuel comme cela aurait pourtant eacuteteacute justifieacute si le raisonnement suivi avait

eacuteteacute proche drsquoune logique de responsabiliteacute individuelle

La circulation de la transparence de la finance climat a eacutegalement permis de reacuteveacuteler que celle-ci

supposait lrsquoimplication proactive des agences multilateacuterales par lesquelles transitent une partie de

ces fonds50 Si les fonds multilateacuteraux qui font partie du meacutecanisme financier du laquo reacutegime climat raquo

sont drsquoores et deacutejagrave tenus de faire un rapport reacutegulier agrave la COP sur les ressources mobiliseacutees et deacute-

penseacutees la faccedilon dont ces rapports sont eacutetablis nrsquoest pas harmoniseacutee Par exemple seul le fonds

pour lrsquoadaptation utilise le systegraveme de lrsquoIITA Par ailleurs une partie de la finance climat transite

par drsquoautres fonds qui fonctionnent de maniegravere indeacutependante de la COP Or leur politique de trans-

parence varie eacutegalement Enfin certaines institutions financiegraveres internationales comme la Banque

mondiale gegraverent agrave la fois des fonds qui leurs sont propres et agissent en tant qursquoentiteacute opeacuteration-

nelle drsquoautres fonds relieacutes au laquo reacutegime climat raquo comme le Fonds vert pour le climat Or les donneacutees

communiqueacutees par ces institutions financiegraveres dont lrsquoactiviteacute va de surcroicirct au-delagrave de la lutte

contre les changements climatiques concernent lrsquoensemble de ces sources de financement rendant

difficile la dissociation de ces flux mecircleacutes ce qui peut conduire agrave les compter plusieurs fois Lors de

son exercice de synthegravese sur les meacutethodologies existantes en matiegravere de rapport sur la finance cli-

mat le Secreacutetariat du laquo reacutegime climat raquo a releveacute que laquo Since MDBs and other multilateral financial institutions do not report under the Convention many Parties proposed that these institutions be invited in order to provide clarity on data information on how general contributions by Parties were used for climate activities in developing countries In this regard one Party proposed to request a relevant Con-vention body to collaborate with these institutions so as to discuss the development of an appropriate reporting avenue raquo51 Si cette proposition nrsquoa pas trouveacute drsquoeacutecho dans lrsquoAccord de Paris elle pourrait

neacuteanmoins ecirctre suivie agrave lrsquoavenir

48 SCF Biennial Assessment and Overview of Climate Finance Flows report 201449 Article 13(6) de lrsquoAccord de Paris Nous soulignons50 httpwwwodiorgsitesodiorgukfilesodi-assetspublications-opinion-files9359pdf 51 FCCCTP20152 sect74

Anne-Sophie TABAU La transparence de la finance climat

181

22 Lrsquoeacutemergence drsquoacteurs centraux en dehors du laquo reacutegime climat raquo

Si lrsquoAccord de Paris a confirmeacute la tendance du laquo reacutegime climat raquo agrave brouiller les cateacutegories de

parties agrave travers des laquo contributions deacutetermineacutees au niveau national raquo en matiegravere de finance cli-

mat la distinction traditionnelle entre pays deacuteveloppeacutes et pays en deacuteveloppement a eacuteteacute globalement

maintenue Cela transparaicirct notamment en matiegravere de transparence dans la mesure ougrave seuls les

pays deacuteveloppeacutes sont tenus de faire eacutetat de leur soutien verseacute ou preacutevu Si un pays en deacuteveloppement

entend participer au soutien financier il devra eacutegalement se soumettre agrave cet effort de transparence

Les beacuteneacuteficiaires quant agrave eux sont clairement identifieacutes comme eacutetant les pays en deacuteveloppement et

en particulier les plus vulneacuterables Or la circulation de la transparence de la finance climat reacutevegravele

des acteurs au cœur du processus normatif en la matiegravere (a) dont lrsquoautoriteacute la leacutegitimiteacute et lrsquoaccoun-

tability doivent ecirctre examineacutes compte tenu de ce contexte (b)

a Les acteurs de la transparence de la finance climat reacuteveacuteleacutes par la circulation normative

A lrsquoimage de la gouvernance de la finance climat elle-mecircme52 lrsquoanalyse de la circulation nor-

mative de la laquo meacutetanorme raquo de transparence de la finance climat reacutevegravele que la gouvernance de cette

transparence est fragmenteacutee multi-niveaux et non hieacuterarchiseacutee Il semble donc pertinent de parler

agrave cet eacutegard de laquo complexe de reacutegimes raquo53 de la transparence de la finance climat

En effet tout drsquoabord la gouvernance de la transparence climat est fragmenteacutee dans la mesure

ougrave de nombreuses entiteacutes sont impliqueacutees dans la deacutefinition des lignes directrices et autres meacutethodo-

logies mais aussi dans la gestion des bases de donneacutees permettant cette transparence En outre sur

le plan juridique la nature de ces diffeacuterentes entiteacutes au titre du droit international varie et demeure

de surcroicirct dans certain cas incertaine Par exemple il nrsquoest pas sucircr que les fonds multilateacuteraux en

matiegravere climatique puissent tous ecirctre qualifieacutes drsquoorganisation internationale doteacutee drsquoune personna-

liteacute juridique La gouvernance de la transparence de la finance climat est eacutegalement multi-niveaux

dans la mesure ougrave les institutions impliqueacutees appartiennent agrave la fois agrave lrsquoordre juridique interne et

international Enfin cette derniegravere caracteacuteristique est lieacutee au caractegravere non hieacuterarchiseacute de la gouver-

nance de la transparence de la finance climat Autrement dit il nrsquoy a pas veacuteritablement drsquoautoriteacute

centrale deacuteleacuteguant de maniegravere coheacuterente et rationnelle les pouvoirs exeacutecutifs en la matiegravere ou les

fonctions entre les diffeacuterentes entiteacutes impliqueacutees

Il en reacutesulte trois pheacutenomegravenes Tout drsquoabord on constate un chevauchement fonctionnel entre

les institutions impliqueacutees Par exemple le travail de compilation-synthegravese est effectueacute agrave la fois par

le SCF et lrsquoOCDE la deacutefinition des projets compris dans le financement de lrsquoadaptation eacutemane agrave la

fois des banques multilateacuterales de deacuteveloppement et de lrsquoOCDE etc Or une telle intersection entre

52 L Boisson de Chazournes laquo Is There Room for Coherence in Climate Financial Assistance raquo Laws vol 4 2015 541-55853 RO Keohane DG Victor laquo The Regime Complex for Climate Change raquo Perspectives on Politics vol 9 ndeg 1 2011 pp 7-23 A Orsini JF Morin O Young laquo Regime Complexes A Buzz a Boom or a Boost for Global Governance raquo Global Governance A Review of Multilat-eralism and International Organization vol 19 ndeg 1 pp 27-39

La transparence de la finance climat

182

les compeacutetences de ces institutions ne favorise pas forceacutement lrsquoeacutemergence de regravegles communes mais

peut au contraire aboutir agrave la coexistence de regravegles contradictoires ou empecircchant la communica-

tion drsquoune information compreacutehensible par les beacuteneacuteficiaires Plus encore le complexe de reacutegimes

de la transparence de la finance climat comprend des acteurs impliqueacutes dans la deacutefinition des lignes

directrices et meacutethodologies en la matiegravere qui jouent eacutegalement un rocircle dans la fourniture de la fi-

nance climat Ces acteurs exercent degraves lors un rocircle double faisant apparaicirctre un cumul de pouvoirs

renforccedilant la place de ces institutions dans le complexe de reacutegimes En particulier les banques multi-

lateacuterales de deacuteveloppement drsquoautres institutions financiegraveres reacutegionales le PNUE ou encore le PNUD

sont agrave la fois des agences de mise en œuvre (implementing agencies) des diffeacuterents fonds climat et agrave

lrsquoorigine des modaliteacutes de deacutefinition et de rapport des flux financiers en matiegravere de climat Si un tel

modegravele peut favoriser une certaine inteacutegration et flexibiliteacute entre les acteurs en mecircme temps il peut

geacuteneacuterer des conflits drsquointeacuterecirct Enfin la majoriteacute des institutions impliqueacutees dans la deacutefinition des

modaliteacutes de transparence de la finance climat ne sont pas speacutecifiquement deacutedieacutees agrave la gouvernance

des changements climatiques mais incluent dans leur mandat cette question au sein drsquoautres preacuteoc-

cupations se rapportant plus largement au deacuteveloppement

En fin de compte ce bref panorama teacutemoigne de ce que la structure institutionnelle actuelle en

matiegravere de transparence de la finance climat srsquoinscrit dans un modegravele pluraliste au sein duquel le

droit international speacutecial ndash crsquoest agrave dire les traiteacutes internationaux en matiegraveres de climat ou eacutetablis-

sant des organisations internationales - interagit avec drsquoautres systegravemes normatifs qui incluent le

droit deacuteriveacute de certaines institutions internationales et des normes administratives nationales Tan-

dis que le fondement normatif peut ecirctre identifieacute au sein des traiteacutes internationaux relatifs au climat

leur mise en œuvre est de fait deacuteleacutegueacutee agrave des institutions internationales de diffeacuterentes sortes et agrave

des entiteacutes nationales agissant agrave travers des moyens internationaux (ex accords bilateacuteraux de coo-

peacuteration internationale) ou transnationaux

Or ces institutions agissent en prioriteacute agrave travers leurs propres regraveglementations et beacuteneacuteficient

drsquoune importante marge de manœuvre sur des questions sensibles politiquement comme la deacutefini-

tion du peacuterimegravetre de la finance climat Cela srsquoexplique en raison de la faiblesse des obligations in-

ternationales en la matiegravere et du caractegravere tregraves geacuteneacuteral des lignes directrices eacutetablies par le laquo reacutegime

climat raquo selon un processus impliquant plus classiquement les Eacutetats par voie de consensus

Dans ce paysage tregraves fragmenteacute heacuteteacuterogegravene et deacutesorganiseacute lrsquoOCDE semble toutefois consti-

tuer aujourdrsquohui lrsquoun des plus importants forums de discussion et drsquoexercice de la transparence de

la finance climat Drsquoailleurs le DAC ne srsquoen cache pas au contraire laquo A main objective of the Secre-tariatrsquos work on climate finance is to make the Development Assistance Committeersquos Rio markers the methodological reference point and main source of high-quality data for monitoring progress against international commitments to address climate change raquo54

54 OECD Initial roadmap for improved DAC measurement and monitoring op cit p 7

Anne-Sophie TABAU La transparence de la finance climat

183

Ainsi et bien qursquoil puisse paraicirctre inapproprieacute de penser la gouvernance globale en termes de

centraliteacute dans la mesure ougrave le principe mecircme de la gouvernance est de reposer non pas sur la cen-

tralisation et la hieacuterarchie mais sur une neacutebuleuse de meacutecanismes de reacutegulation lrsquoOCDE apparaicirct bel

et bien comme un nœud de la circulation de la transparence de la finance climat En drsquoautres termes

crsquoest un lieu ougrave se rencontrent les diffeacuterentes manifestations de cette circulation normative

En effet en deacutepit des lacunes identifieacutees tout drsquoabord les marqueurs de Rio eacutelaboreacutes par lrsquoOC-

DE sont non seulement utiliseacutes par une majoriteacute de parties viseacutees agrave lrsquoannexe II pour faire eacutetat au

laquo reacutegime climat raquo de leur soutien financier au pays en deacuteveloppement mais aussi par exemple

par le PNUD pour lrsquoexamen des deacutepenses publiques climatiques En outre lrsquoOCDE et les banques

multilateacuterales de deacuteveloppement coopegraverent afin de faire converger leurs meacutethodologies respectives

drsquoeacutevaluation de la finance climat Crsquoest encore sous les auspices de lrsquoOCDE qursquoa eacuteteacute constitueacutee la re-

cherche collaborative sur le suivi de la finance climat priveacutee Qui plus est lrsquoOCDE participe depuis

lrsquoorigine aux efforts de transparence de lrsquoaide au deacuteveloppement et a eacutelaboreacute avec lrsquoIITA un standard

commun reprenant les bonnes pratiques en matiegravere de notification et de publication des donneacutees55

LrsquoOCDE travaille eacutegalement en relation avec le G20 sur la question de la transparence des subven-

tions aux eacutenergies fossiles

Ce constat ne doit pas pour autant laisser entendre que lrsquoOCDE est la seule enceinte dans la-

quelle srsquoeacutelaborent les normes en matiegravere de transparence de la finance climat Elle est drsquoailleurs clai-

rement concurrenceacutee par drsquoautres acteurs sans doute mieux armeacutes en raison de leurs fonctions opeacute-

rationnelles comme les banques multilateacuterales de deacuteveloppement Il nrsquoen demeure pas moins que

lrsquoOCDE semble jouer un rocircle utile en prenant la place inoccupeacutee de laquo connecteur raquo dans le reacuteseau

de gouvernance de la transparence de la finance climat

b Des doutes sur la leacutegitimiteacute de lrsquoOCDE en tant qursquoacteur central agrave la question de lrsquoaccountability en matiegravere climatique

Ces systegravemes et meacutethodologies deacuteveloppeacutes sous les auspices de lrsquoOCDE sont indeacuteniablement

importants pour donner corps agrave la laquo meacutetanorme raquo de transparence de la finance climat

Neacuteanmoins la leacutegitimiteacute de lrsquoOCDE qui est essentiellement une organisation reacuteunissant les

pays donateurs pour deacutefinir ce qui doit ecirctre pris en compte agrave cet eacutegard peut precircter agrave la controverse

du moins si cette transparence de la finance climat vise lrsquoobjectif de renforcer la confiance entre les

parties agrave la CCNUCC dans la mesure ougrave les pays beacuteneacuteficiaires se trouvent de facto exclus de ces dis-

cussions

Au-delagrave lrsquoOCDE nrsquoa pas de lien laquo officiel raquo ou institutionnaliseacute en dehors de son statut

drsquoobservateur avec le laquo reacutegime climat raquo contrairement par exemple aux banques multilateacuterales de

55 Ce standard commun combine trois systegravemes et meacutecanismes compleacutementaires le Systegraveme de notification des pays creacuteanciers (SNPC) du CAD et lrsquoEnquecircte sur les deacutepenses preacutevisionnelles ndash deux instruments de notification de lrsquoOCDE qui centralisent des donneacutees statistiques deacutetailleacutees ndash et lrsquoInitiative internationale pour la transparence de lrsquoaide systegraveme ougrave srsquoaffichent les notifications agrave un registre fournissant les donneacutees courantes sur la gestion des activiteacutes des donneurs

La transparence de la finance climat

184

deacuteveloppement qui sont les administrateurs ou encore les entiteacutes opeacuterationnelles de certains fonds

du meacutecanisme financier du laquo reacutegime climat raquo

Enfin ce rocircle laquo drsquoorchestrateur raquo56 a eacuteteacute donneacute par la CCNUCC au SCF que lrsquoOCDE vient fina-

lement remplacer dans son mandat comme en teacutemoigne drsquoailleurs la deacutemarche des preacutesidents de la

COP 20 et de la COP 21 consistant agrave se tourner vers elle plutocirct que vers lui quand il srsquoest agi de faire

un bilan dans lrsquourgence sur lrsquoeacutetat de la finance climat afin drsquoeacuteviter un eacutechec agrave Paris

Si diffeacuterentes raisons expliquent lrsquoattractiviteacute de lrsquoOCDE comme site de gouvernance de la trans-

parence de la finance climat (son organisation ses meacutethodes de travail ses fonctions ou encore la

pertinence de ses travaux)57 la question meacuterite drsquoecirctre poseacutee ndash et lrsquoa drsquoailleurs eacuteteacute par certains Eacutetats58

ndash de savoir si cette Organisation qui ne reacuteunit que 34 Eacutetats peut preacutetendre organiser ou mecircme seule-

ment orchestrer une question non seulement globale mais qui est de surcroicirct fortement empreinte

drsquoenjeux opposant pays en deacuteveloppement et pays deacuteveloppeacutes sur fond de consideacuterations lieacutees agrave la

justice climatique agrave lrsquoeacutequiteacute ou encore agrave la responsabiliteacute en somme agrave lrsquoaccountablity

Certes lrsquoOCDE nrsquoimpose rien agrave qui ne figure pas parmi ses membres ou agrave qui nrsquoadhegravere pas

volontairement agrave ses prescriptions normatives lesquelles prennent drsquoailleurs geacuteneacuteralement simple-

ment la forme de recommandations Toutefois la leacutegitimiteacute de lrsquoOCDE en matiegravere de transparence de

la finance climat ne pose pas simplement la question de savoir si elle exerce ses pouvoirs agrave lrsquoeacutegard

de ceux qui lui en ont donneacute le mandat Elle peut eacutegalement ecirctre envisageacutee du point de vue de ceux

qui beacuteneacuteficient de cette laquo alieacutenation volontaire de liberteacute raquo

Or agrave cet eacutegard lrsquoOCDE peut-elle preacutetendre agrave une leacutegitimiteacute sinon politique du moins fonc-

tionnelle En drsquoautres termes les modes collaboratifs de production des standards deacuteveloppeacutes par

lrsquoOCDE en matiegravere de transparence de la finance climat leur qualiteacute et leur caractegravere objectif per-

mettent-ils drsquoasseoir la leacutegitimiteacute de lrsquoOCDE en tant qursquoacteur central du reacuteseau normatif en matiegravere

de transparence de la finance climat en favorisant lrsquoaccountability dans ce domaine

Cela ne pourra ecirctre eacutevalueacute qursquoagrave terme au regard de lrsquoinfluence normative qursquoelle saura impul-

ser sur le laquo reacutegime climat raquo en favorisant non pas seulement lrsquoameacutelioration de la transparence de

la finance climat59 mais aussi lrsquoaugmentation de cette finance climat par exemple en eacutetablissant des

liens entre la finance climat et la transparence des subventions aux eacutenergies fossiles sans pour au-

tant que cela nrsquoaboutisse agrave reacuteduire les efforts poursuivant drsquoautres objectifs de deacuteveloppement en

continuant de soutenir la transparence de lrsquoaide au deacuteveloppement

Conclusion

Le complexe de reacutegimes climat confirme lrsquoexistence drsquoune norme de transparence dont les theacuteo-

riciens du droit administratif global avaient poseacute lrsquohypothegravese Dans le cadre du complexe de reacutegimes

climat cette norme de transparence peut ainsi servir de critegravere drsquoappreacuteciation du processus deacuteci-

56 KW Abbott and al International Organizations as Orchestrators Cambridge University Press 2015 450p57 Voir N Bonucci J-M Thouvenin laquo LrsquoOCDE site de gouvernance globale raquo in SFDI Le pouvoir normatif de lrsquoOCDE Paris Pedone 2013 pp 28-3458 Voir en particulier la position critique de lrsquoInde et le document de discussion D Dasgupta Analysis of a Recent OECD Report Some Credible Facts Needed Climate Change Finance Unit Department of Economic Affairs Ministry of Finance Government of India 2015 15p59 Pour une synthegravese de ces efforts drsquoadaptation des marqueurs de Rio voir la contribution de lrsquoOCDE au SCF httpunfccc int lesdo-cumentationsubmissions_from_ observersapplicationpdf500pdf

Anne-Sophie TABAU

185

sionnel des engagements et de leur mise en œuvre60 Le caractegravere relativement indeacutefini du contenu

et de la nature de cette norme qui reacutepond neacuteanmoins agrave des attentes sociales fortes face agrave la gouver-

nance globale semble favoriser sa diffusion dans le complexe de reacutegimes climat

Pour appreacutecier les effets de cette circulation normative il srsquoest aveacutereacute particuliegraverement inteacuteres-

sant de se pencher plus en deacutetails sur lrsquoexpression de cette norme en matiegravere de finance climat dans

la mesure ougrave la circulation du principe de la transparence de la finance climat nrsquoa pas produit les

mecircmes conseacutequences que la circulation de ses modaliteacutes drsquoapplication

En effet drsquoune part la circulation du principe de la transparence permet de reacuteveacuteler les poten-

tialiteacutes de la norme appliqueacutee agrave la finance climat Ainsi la transparence de la finance climat a in-

duit une comparaison entre la finance climat et la finance deacutedieacutee aux eacutenergies fossiles ou agrave lrsquoaide

publique au deacuteveloppement rendant plus objective la pression pour que les financements soient

affecteacutes au climat sans pour autant que cela conduise agrave neacutegliger drsquoautres enjeux de deacuteveloppement

Il srsquoagit lagrave drsquoune manifestation de la deacutefragmentation du droit international qui ne deacuterive pas drsquoun

support juridique unifiant mais qui demeure impulseacutee par une exigence relativement souple issue

du laquo reacutegime climat raquo Cette deacutefragmentation nrsquoen est pas moins susceptible de produire des impacts

(juridiques politiques ou sociaux) dans la mesure ougrave la circulation du principe de la transparence

met en eacutevidence une coheacuterence mateacuterielle drsquoun ensemble de normes drsquoorigines et de nature varieacutees

vis-agrave-vis drsquoun ensemble homogegravene de destinataires et drsquoutilisateurs

Toutefois drsquoautre part degraves lors que le principe de transparence de la finance climat est rendu

opeacuterationnel les choix effectueacutes par les acteurs les plus influents (OCDE banques multilateacuterales

de deacuteveloppement) ndash en raison de leur anticipation drsquoun besoin normatif de leur expertise ou en-

core de leur force de persuasion ndash se diffusent eacutegalement Lrsquoeacutetude de cette circulation permet ainsi

de mettre en eacutevidence le processus drsquoeacutelaboration drsquoune norme complexe (ie en lrsquooccurrence celle

permettant la transparence de la finance climat) crsquoest-agrave-dire une norme composeacutee drsquoune succession

ou drsquoune juxtaposition de normes et les acteurs qui y jouent un rocircle central Or ces acteurs ne sont

pas neacutecessairement ceux qursquoune approche statique du droit international reconnaicirct comme les laquo leacute-

gislateurs raquo globaux soulevant des questions en termes de leacutegitimiteacute drsquoautoriteacute et drsquoaccountability

Plus largement lrsquoidentification des eacutetapes drsquoeacutelaboration drsquoune norme complexe que permet lrsquoeacutetude

de la circulation normative contribue agrave mieux appreacutecier la rationaliteacute de la norme produite ce qui

est utile agrave la fois pour son interpreacutetation et son appreacuteciation critique

Au-delagrave du complexe de reacutegimes climat ces conclusions sont inteacuteressantes pour laquo deacute-complexi-

fier raquo et donc mieux appreacutecier la gouvernance globale Elles tendent agrave souligner la pertinence drsquoune

approche dynamique des normes internationales en reacuteveacutelant leur caractegravere global (au-delagrave des Eacutetats)

mais aussi quant agrave la capaciteacute de cette circulation normative agrave deacute-fragmenter le droit international

et mieux identifier les contours drsquoun complexe de reacutegimes

60 A-S Tabau laquo Evaluation de lrsquoAccord de Paris agrave lrsquoaune drsquoune norme globale de transparence raquo RJE ndeg 1 2016

La transparence de la finance climat

186

187

Chapitre 4Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du

meacutecanisme de plainte du Fonds Vert pour le Climat

Vanessa Richard1

Deacutecideacute lors de la 16e Confeacuterence des Parties (COP) agrave la Convention-cadre des Nations Unies sur

le Changement Climatique (CCNUCC) agrave Cancuacuten en 20102 et creacuteeacute par la COP17 agrave Durban en 2011 le

Fonds Vert pour le Climat (FVC) est une organisation internationale agrave part entiegravere destineacutee agrave centra-

liser des financements additionnels afin laquo drsquoassurer le fonctionnement du meacutecanisme financier de la

Convention conformeacutement agrave lrsquoarticle 11 de celle-ci (hellip) pour soutenir des projets des programmes

des politiques et drsquoautres activiteacutes dans les pays en deacuteveloppement parties raquo3 Le FVC

laquo [d]ans lrsquooptique du deacuteveloppement durable (hellip) œuvre en faveur drsquoun nouveau paradigme

orienteacute vers des modes de deacuteveloppement agrave faible taux drsquoeacutemission et favorisant la reacutesilience face au

climat en offrant aux pays en deacuteveloppement un appui dans leur action visant agrave limiter ou reacuteduire

leurs eacutemissions de gaz agrave effet de serre et agrave srsquoadapter aux incidences des changements climatiques

compte tenu des besoins de ceux qui sont particuliegraverement exposeacutes aux effets neacutefastes de ces chan-

gements raquo4

Lrsquolaquo Instrument reacutegissant le Fonds vert pour le climat raquo preacutevoit que le Board (le Conseil) du FVC

laquo convient de principes et de normes fiduciaires tireacutes des meilleures pratiques les adopte et

veille agrave leur application aux entiteacutes du Fonds agrave la fonction drsquoadministrateur lieacutee au Fonds ainsi qursquoagrave

lrsquoensemble des activiteacutes projets et programmes financeacutes par le Fonds y compris les entiteacutes chargeacutees

de la mise en œuvre [hellip et convient de] garanties environnementales et sociales tireacutees des meilleures

pratiques et les adopte ces garanties sont appliqueacutees agrave tous les programmes et projets financeacutes agrave

lrsquoaide des ressources du Fonds raquo5

Afin de veacuterifier que les normes fiduciaires et les garanties environnementales et sociales sont

bien appliqueacutees le Board doit creacuteer laquo un meacutecanisme de recours indeacutependant qui lui rend des comptes

Ce meacutecanisme reccediloit les plaintes se rapportant au fonctionnement du Fonds procegravede agrave une eacutevalua-

tion et formule des recommandations raquo6

1 Chargeacutee de recherche au CNRS Aix-Marseille Universiteacute Universiteacute de Toulon CNRS UMR DICE Aix-en-Provence France Princi-pal Investigator du projet International Grievance Mechanisms and International Law amp Governance (IGMs) httpwwwigms-projectorg La recherche preacutesenteacutee ici a eacuteteacute financeacutee par le Conseil europeacuteen de la recherche dans le cadre du 7e Programme Cadre de lrsquoUnion europeacuteenne (FP2007-2013) ERC Grant Agreement ndeg 3125142 Deacutecision 1CP16 laquo Accords de Cancuacuten raquo sect1023 Deacutecision 3CP17 laquo Mise en place du Fonds vert pour le climat raquo sect34 Ibid Annexe laquo Instrument reacutegissant le Fonds vert pour le climat raquo sect25 Ibid sectsect 63 et 656 Ibid sect69

Vanessa RICHARD

188

La mise en place drsquoun tel meacutecanisme de plainte srsquoappuie sur une pratique de plus en plus reacute-

pandue au sein des institutions internationales et nationales financcedilant le deacuteveloppement consistant

agrave creacuteer des meacutecanismes drsquoaccountability (de laquo rendre des comptes raquo) faits sur mesure pour ce type

drsquoinstitutions et leurs activiteacutes Depuis 1993 et la creacuteation du Panel drsquoinspection de la Banque mon-

diale lrsquoideacutee drsquoinstituer des meacutecanismes de plainte non-juridictionnels au sein des banques multila-

teacuterales de deacuteveloppement (BMD) a en effet fait floregraves Ils sont communeacutement deacutesigneacutes sous le sigle

IAMs (pour International Accountability Mechanisms) Le Groupe Banque mondiale a mis en place

deux IAMs le Panel drsquoinspection pour les projets publics recevant le soutien de la Banque Interna-

tionale pour la Reconstruction et le Deacuteveloppement (BIRD) et de lrsquoAgence Internationale de Deacuteve-

loppement (AID) et le Compliance Advisor Ombudsman (CAO) creacuteeacute en 1999 pour les projets priveacutes

soutenus par la Socieacuteteacute Financiegravere Internationale (SFI) et lrsquoAgence Multilateacuterale de Garantie des In-

vestissements (AMGI) La Banque Interameacutericaine de Deacuteveloppement (BID) a creacuteeacute en 1994 un Meacuteca-

nisme Indeacutependant drsquoInspection remplaceacute en 2010 par le MICI (Mecanismo Independiente de Consul-ta e Investigacioacuten) La Banque Asiatique de Deacuteveloppement (ADB) a creacuteeacute une Fonction drsquoInspection

en 1995 remplaceacutee par un Accountability Mechanism (AM) depuis 2003 La Banque Europeacuteenne pour

la Reconstruction et le Deacuteveloppement (BERD) a institueacute un Meacutecanisme de Recours Indeacutependant en

2003 remplaceacute par le Meacutecanisme de Recours sur les Projets (PCM pour Project Complaint Mecha-nism) en 2010 Le Groupe Banque Africaine de Deacuteveloppement (BAfD) a creacuteeacute un Meacutecanisme Indeacute-

pendant drsquoInspection (MII) confieacute agrave lrsquoUniteacute de veacuterification de la conformiteacute et de meacutediation (CRMU

pour Compliance Review and Mediation Unit) en 2004 La Banque Europeacuteenne drsquoInvestissement (BEI)

a creacuteeacute son Meacutecanisme de Traitement des Plaintes (MTP) en 2008hellip On peut encore ajouter agrave cette

liste non-exhaustive la combinaison de lrsquoUniteacute chargeacutee du Respect des Normes sociales et environ-

nementales (URNES) avec le Meacutecanisme de Reacuteponse aux Parties prenantes (MRPP) creacuteeacutes par le

Programme des Nations Unies pour le Deacuteveloppement (PNUD) fin 2014 la creacuteation en 2003 par la

Banque Japonaise pour la Coopeacuteration Internationale (JBIC) drsquoun Examiner for Environmental Gui-delines la creacuteation la mecircme anneacutee par la Nippon Export and Investment Insurance (NEXI lrsquoagence de

creacutedit agrave lrsquoexportation du Japon) des Objection and Consultation Procedures on Guidelines of Environ-mental and Social Considerations in Trade Insurance la creacuteation en 2005 par la Overseas Private In-vestment Corporation (OPIC lrsquoagence de financement du deacuteveloppement des Eacutetats-Unis) drsquoun Office of Accountabilityhellip

Lrsquoun des rocircles des meacutecanismes drsquoaccountability des banques de deacuteveloppement est drsquoeacutevaluer agrave

la requecircte des personnes affecteacutees ou susceptibles drsquoecirctre affecteacutees par les activiteacutes de la banque la

conformiteacute du comportement de la banque vis-agrave-vis de ses propres regravegles internes (par exemple ses

politiques ou proceacutedures relatives agrave la diffusion de lrsquoinformation aux eacutetudes drsquoimpact environne-

mental et social aux droits des peuples autochtones etc) Ces politiques et proceacutedures opeacuteration-

nelles ne srsquoimposent pas aux Eacutetats ou entreprises emprunteurs mais au personnel de la banque (le

Management) et deacutefinissent un standard de comportement dans le processus deacutecisionnel relatif agrave

lrsquooctroi drsquoune assistance Dans lrsquohypothegravese ougrave il est constateacute que la banque a manqueacute agrave ses regravegles

internes il nrsquoen deacutecoule aucune responsabiliteacute juridique qui lui serait attribuable Le meacutecanisme

drsquoaccountability vise agrave donner la possibiliteacute drsquoadopter des mesures correctives afin de permettre au

projet de deacuteveloppement de se poursuivre dans de meilleures conditions Lrsquoobjectif nrsquoest donc pas

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

189

de constater lrsquoexistence de faits internationalement illicites et drsquoactionner une responsabiliteacute inter-

nationale Lrsquoun des traits les plus caracteacuteristiques de lrsquoaccountability des banques de deacuteveloppement

est qursquoelle se polarise non pas sur la violation drsquoune regravegle juridique mais sur le dommage actuel ou

potentiel Il nrsquoest degraves lors guegravere eacutetonnant qursquoagrave lrsquoexception du Panel drsquoinspection de la Banque mon-

diale7 les autres meacutecanismes drsquoaccountability articulent la proceacutedure de veacuterification de conformiteacute agrave

une proceacutedure dite laquo de reacutesolution des problegravemes raquo (problem-solving)

De faccedilon geacuteneacuterale les IAMs remplissent trois rocircles

- ils eacutevaluent sur requecircte des personnes affecteacutees ndash ou susceptibles drsquoecirctre affecteacutees ndash par les

activiteacutes de la banque le respect par le Management de la banque de ses propres regravegles internes

crsquoest-agrave-dire le respect de ses politiques et proceacutedures Dans lrsquohypothegravese ougrave le Management ne les

aurait pas respecteacutees cela nrsquoentraicircne pas la responsabiliteacute juridique de la banque mais elle doit

adopter des mesures correctives

- ils offrent une possibiliteacute de reacuteparation (au sens de redress) pour les impacts environnemen-

taux et sociaux baseacutee sur une approche de reacutesolution des problegravemes tailleacutee sur mesure pour les

parties prenantes utilisant des techniques comme la constatation de faits (fact-finding) la meacute-

diation la consultation la neacutegociationhellip Le MII de la BAfD et le MICI de lrsquoIDB8 excepteacutes lrsquoaccegraves

agrave la phase de reacutesolution des problegravemes (parfois appeleacutee phase de reacutesolution des diffeacuterends ou

phase de consultation) nrsquoest pas conditionneacute au fait que les plaignants invoquent une violation

par la banque de ses standards

- ils permettent agrave la banque de tirer des leccedilons des affaires en formulant par exemple des recom-

mandations sur les modifications des politiques ou proceacutedures neacutecessaires pour eacuteviter les situa-

tions de non-respect agrave lrsquoavenir De ce point de vue le CAO de la SFIAMGI a pendant longtemps

eacuteteacute le seul IAM dont la mission inclut expresseacutement la formulation

laquo d[rsquo]avis agrave lrsquointention du Preacutesident et drsquoIFC etou de la MIGA drsquoune maniegravere geacuteneacuterale sur les

questions environnementales et sociales en rapport avec les politiques les normes les directives les

proceacutedures les ressources et les dispositifs mis en place pour ameacuteliorer les performances des projets

drsquoIFC et de la MIGA raquo9

La reacutecente reacutevision du MII de la BAfD a cependant donneacute agrave la CRMU la possibiliteacute drsquooffrir des

conseils pour

7 La reacutevision de 2014 des Proceacutedures opeacuterationnelles du Panel drsquoinspection a vu la mise en place drsquoune Pilot approach to support early so-lutions tregraves controverseacutee qui vise agrave faciliter le dialogue entre le Management et les plaignants avant lrsquoenregistrement formel de la plainte Bien que cette laquo approche pilote pour une solution preacutecoce raquo ne soit pas supposeacutee empecirccher les plaignants drsquoacceacuteder agrave la proceacutedure de controcircle de conformiteacute si le dialogue eacutechoue la premiegravere utilisation de cette approche pilote a abouti agrave ce que certains des plaignants se voient barrer lrsquoac-cegraves au controcircle de conformiteacute Voir Panel drsquoinspection 2014 Updated Operating Procedures httpewebappsworldbankorgappsipPanel-MandateDocuments201420Updated20Operating20Procedurespdf Panel drsquoinspection Nigeria Lagos Metropolitan Development and Gov-ernance Project (Pilot - Not Registered) Case 91 plainte reccedilue le 30 septembre 2013 httpewebappsworldbankorgappsipPagesViewCaseaspxCaseId=94 Amnesty International laquo World Bank Investigate Inspection Panelrsquos Pilot Approach to Early Solutions and Its Application in Badia East Lagos Nigeria raquo 2 septembre 2014 httpswwwamnestyorgdownloadDocuments4000afr440202014enpdf (au 3 mai 2016)8 Ce dernier eacutetant consideacutereacute comme le moins accessible des IAMs des BMD9 CAO Directives Opeacuterationnelles 2013 sect511

Vanessa RICHARD

190

laquo apporter des ameacuteliorations systeacutemiques dans les politiques environnementales et sociales

[hellip] ameacuteliorer les impacts environnementaux et sociaux des projets [hellip] permettre agrave la Banque

drsquoavoir une meilleure compreacutehension de la faccedilon dont les obligations telles que contenues dans ses

politiques et proceacutedures en matiegravere de sauvegarde environnementale et sociale pourraient ecirctre sa-

tisfaites par les pays membres reacutegionaux en vue de preacuteserver les impacts du deacuteveloppement don-

ner des informations et recommandations sur les questions eacutemergentes observeacutees dans le cadre du

mandat de CRMU raquo10

En ce qui concerne les autres IAMs leur rocircle de diffusion des lessons learned nrsquoest pas distingueacute

de leur rocircle de veacuterificateur de conformiteacute etou de reacutesolution des problegravemes

Au final la reacutealiteacute et la leacutegitimiteacute de la veacuterification opeacutereacutee par ces meacutecanismes de plainte deacute-

pendent de trois facteurs essentiels les standards de comportement du bailleur doivent ecirctre robustes

et deacutefinir clairement ce qui relegraveve de la responsabiliteacute de la banque et ce qui est de la responsabiliteacute

de lrsquoemprunteur la proceacutedure doit ecirctre formuleacutee dans un langage accessible preacutevisible et suppose

drsquoecirctre transparente ouverte le plus largement possible les personnes travaillant dans ces meacuteca-

nismes doivent ecirctre indeacutependantes11

La creacuteation du meacutecanisme de recours indeacutependant (IRM pour Independent Redress Mechanism) du FVC srsquoinscrit donc dans un contexte normatif et institutionnel qui srsquoeacutetoffe depuis une trentaine

drsquoanneacutees dans le champ du financement du deacuteveloppement drsquoougrave lrsquointeacuterecirct qursquoil y a agrave explorer les

circulations opeacutereacutees entre les standards (aspects substantiels) et le design institutionnel (aspects pro-

ceacuteduraux) des meacutecanismes de plainte des banques multilateacuterales de deacuteveloppement et ceux qui sont

en train drsquoecirctre mis en place par le FVC

En outre ces questions de circulation des standards applicables et de proceacutedure pour de tels

meacutecanismes de plainte emportent des conseacutequences tout agrave fait actuelles et concregravetes Faute de sys-

tegravemes de traccedilage efficaces ou encore parce que les financements suivent des routes tortueuses (par

exemple une banque de deacuteveloppement precircte agrave une agence gouvernementale qui utilise ces fonds

pour financer des projets publics mais aussi le secteur bancaire afin qursquoil finance de lrsquoinvestisse-

ment priveacute en faveur de la lutte contre les changements climatiques qui va lui-mecircme financer des

travaux drsquoeacuteconomie drsquoeacutenergie par les particuliershellip) il est tregraves difficile de savoir ougrave vont au final

les financements climat et donc drsquoeacutevaluer leurs impacts environnementaux sociaux eacuteconomiques

culturels etc LrsquoAccord de Paris reconnaicirct que les Parties peuvent ecirctre affecteacutees non seulement par

le changement climatique mais aussi par les impacts des mesures adopteacutees pour y reacutepondre12 et rap-

pelle que son objectif est de renforcer la reacuteponse agrave la menace du changement climatique et ce dans le

10 MII Operating Rules and Procedures 2015 Ce texte nrsquoest pas au moment ougrave nous eacutecrivons accessible depuis le site de la BAfD ni dans sa version anglaise ni dans sa version franccedilaise Il est cependant disponible en anglais en allant directement agrave httpwwwafdborgfileadminuploadsafdbDocumentsCompliance-ReviewRevised_IRM_Operating_Rules_and_Procedures_2015pdf (au 5 juillet 2016)11 Dans le mecircme sens voir C Daniel K Genovese M van Huijstee S Singh (eds) Glass Half Full The State of Accountability in Devel-opment Finance Amsterdam SOMO janvier 2016 65 p httpgrievancemechanismsorgresourcesbrochuresIAM_DEF_WEBpdf (au 3 mai 2016)12 Deacutecision 1CP21 Annexe laquo Accord de Paris raquo Preacuteambule laquo Reconnaissant que les Parties peuvent ecirctre toucheacutees non seulement par les changements climatiques mais aussi par les effets des mesures de riposte agrave ces changements raquo

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

191

contexte du deacuteveloppement durable et des efforts pour eacuteradiquer la pauvreteacute13 Il est par conseacutequent

important drsquoarrimer la lutte contre le changement climatique au respect et la promotion des droits

humains du droit agrave la santeacute des droits des peuples indigegravenes des communauteacutes locales du droit au

deacuteveloppement14 y compris dans les aspects normatifs et institutionnels

Face agrave ces enjeux la capaciteacute des bailleurs de finance climat publics agrave eacutevaluer les demandes de

financement et agrave assurer le suivi de leurs impacts est questionnable drsquoautant qursquoagrave cocircteacute du finance-

ment de projets laquo reacuteels raquo ndash par exemple la construction drsquoun reacuteseau de transports publics urbains

pour favoriser lrsquoabandon de la voiture pour se deacuteplacer ndash une part importante des flux concerne le

development policy-lending15 lrsquoassistance technique (par exemple le financement drsquoune eacutetude sur la

privatisation de la distribution drsquoeacutelectriciteacute) ou encore les intermeacutediaires financiers16 Un rapport

reacutecent met en lumiegravere le fait que le degreacute de prise en compte de la lutte contre le changement clima-

tique dans les deacutecisions de financement comme le suivi des impacts sont deacutefaillants17 Par ailleurs

un corpus croissant drsquoeacutetudes montre que tant le Meacutecanisme de Deacuteveloppement Propre (MDP) que

la REDD+18 sont susceptibles de financer des projets qui ne beacuteneacuteficient pas aux populations voire

au contraire les placent dans une situation pire qursquoavant le projet19 Supposeacutes ecirctre tailleacutes sur mesure

pour la lutte contre le changement climatique et faisant partie du cadre juridique onusien ces meacute-

canismes de financement preacutesentent exactement les mecircmes failles dans la mise en œuvre des pro-

tections environnementales et sociales que nrsquoimporte quel autre projet financeacute par les institutions

drsquoaide au deacuteveloppement aux stades de la conception de lrsquoapprobation de la mise en œuvre et du

13 Ibid article 2sect1 laquo vise agrave renforcer la riposte mondiale agrave la menace des changements climatiques dans le contexte du deacuteveloppement durable et de la lutte contre la pauvreteacute raquo14 Ibid Preacuteambule laquo Conscientes que les changements climatiques sont un sujet de preacuteoccupation pour lrsquohumaniteacute tout entiegravere et que lorsqursquoelles prennent des mesures face agrave ces changements les Parties devraient respecter promouvoir et prendre en consideacuteration leurs obli-gations respectives concernant les droits de lrsquoHomme le droit agrave la santeacute les droits des peuples autochtones des communauteacutes locales des migrants des enfants des personnes handicapeacutees et des personnes en situation vulneacuterable et le droit au deacuteveloppement ainsi que lrsquoeacutegaliteacute des sexes lrsquoautonomisation des femmes et lrsquoeacutequiteacute entre les geacuteneacuterations raquo15 Financements destineacutes agrave reacuteformer des secteurs entiers de lrsquoeacuteconomie drsquoun pays Ils remplacent les precircts drsquoajustement structurel et les precircts drsquoajustement sectoriel16 H Mainhardt N Sinani laquo MDB Climate Change Scorecard Do the MDBs pass the 2 degree test raquo Bank Information Center and Sierra Club deacutecembre 2015 httpwwwbankinformationcenterorgwp-contentuploads201510MDB-Climate-Change-Scorecard-formattedpdf pp 3-4 (au 3 mai 2016) Selon Investopedia laquo Un intermeacutediaire financier est une entiteacute qui agit comme intermeacutediaire entre deux parties dans une transaction financiegravere Si les banques commerciales sont des intermeacutediaires financiers typiques cette cateacutegorie inclut drsquoautres insti-tutions financiegraveres comme les banques drsquoinvestissement les compagnies drsquoassurance les courtiers bancaires les fonds communs de placement et les fonds de pension raquo (traduit par nous) httpwwwinvestopediacomtermsffinancialintermediaryasp (au 5 juillet 2016)17 laquo MDB Climate Change Scorecard raquo op cit Voir eacutegalement J Redman A Durand M Camila Bustos J Baum T Roberts laquo Walking the Talk World Bank Energy-Related Policies and Financing 2000-2004 to 2010-2014 raquo joint briefing from Brown Universityrsquos Climate and Development Lab and the Institute for Policy Studies octobre 2015 httpwwwips-dcorgwp-contentuploads201510Walking-The-Talkpdf (au 3 mai 2016)18 Reducing Emissions from Deforestation and Forest Degradation Initiative19 Voir par exemple P Bond K Sharife F Allen B Amisi K Brunner R Castel-Branco D Dorsey G Gambirazzio T Hatha-way A Nel W Nham laquo The CDM cannot deliver the money to Africa Why the Clean Development Mechanism wonrsquot save the planet from climate change and how African civil society is resisting raquo 2012 EJOLT Report ndeg2 httpwwwejoltorgwordpresswp-contentup-loads201301121221_EJOLT_2_Highpdf (six eacutetudes de cas dans huit pays drsquoAfrique) sur lrsquoactuelle controverse du barrage de Santa Rita au Guatemala (projet MDP) voir S Dasgupta laquo ldquoGreenrdquo hydropower dam fuels charges of gross human rights violations raquo 27 mai 2015 httpnewsmongabaycom20150527-dasgupta-santa-rita-dam-human-rightshtml et Carbon Market Watch laquo Campaigns Santa Rita ndash Large hydro power project Guatemala raquo httpcarbonmarketwatchorgcategorysanta-rita-large-hydro-power-project-guatemala (au 3 mai 2016) Sur la REDD+ voir M Poudyala B S Ramamonjisoab N Hockleya O S Rakotonarivoa J M Gibbonsa R Mandimbiniainab A Raso-amananab J PG Jonesa laquo Can REDD+ social safeguards reach the lsquorightrsquo people Lessons from Madagascar raquo Global Environmental Change vol 37 mars 2016 pp 31-42

Vanessa RICHARD

192

suivi des projets20 Crsquoest dire si les enjeux du suivi et du controcircle sont importants et la creacuteation drsquoun

meacutecanisme drsquoaccountability pour le FVC participe agrave un objectif de bonne gouvernance et drsquoeffectivi-

teacute qui devrait a priori se retrouver dans ses modaliteacutes de fonctionnement

Les bases de ces modaliteacutes ont eacuteteacute jeteacutees lors de deux reacuteunions du Board de 2014 Lors de la 6e

reacuteunion agrave Bali (Indoneacutesie) du 19 au 21 feacutevrier 2014 la Deacutecision B0609 (Annexe V) a enteacuterineacute les

termes de reacutefeacuterence des diffeacuterents meacutecanismes de controcircle du FVC que sont la Independent Evalua-tion Unit ndash qui effectue des eacutevaluations peacuteriodiques des opeacuterations du FVC ndash la Independent Integrity Unit ndash compeacutetente en matiegravere de fraude et de corruption ndash et le Independent Redress Mechanism ndash qui

ne constitue pas un tribunal ou un meacutecanisme juridique21 il traite les demandes de reconsideacuteration

des refus de financement et les plaintes des communauteacutes et personnes directement affecteacutees par

des impacts neacutegatifs dus au fait que le projet ou programme financeacute par le Fonds nrsquoa pas respecteacute les

politiques et proceacutedures opeacuterationnelles du FVC ce qui comprend les garanties environnementales

et sociales22

Lors de la 7e reacuteunion agrave Songdo (Coreacutee du Sud) du 18 au 21 mai 2014 la Deacutecision B0702 a adopteacute

les laquo standards fiduciaires raquo et les laquo garanties environnementales et sociales provisoires raquo appliqueacutes

par le FVC23 Une troisiegraveme seacuterie de standards la Gender Policy du FVC sera adopteacutee lors de la 9e

reacuteunion en mars 201524

Commence alors agrave se dessiner le visage de lrsquoIRM Si beaucoup de ses traits restent flous il est

neacuteanmoins possible de distinguer les emprunts et les originaliteacutes du meacutecanisme et ce de trois points

de vue celui de la proceacutedure (1) celui des standards qui peuvent ecirctre invoqueacutes par les personnes

affecteacutees (2) et celui de lrsquoarticulation entre lrsquoIRM et les meacutecanismes de plainte deacutejagrave existants des en-

titeacutes accreacutediteacutees par le FVC pour geacuterer les financements (3)

1) La proceacutedure de lrsquoIRM entre innovation et emprunts sur le mode restrictif

Le meacutecanisme de plainte du FVC oscille entre innovation et emprunt aux proceacutedures de plainte

existant au sein des BMD Innovation drsquoune part car est mise en place une proceacutedure de requecircte

ouverte au promoteur drsquoun projet (un pays en deacuteveloppement) qui a demandeacute un financement et se

lrsquoest vu refuser Emprunt drsquoautre part agrave ce qui semble devenu une bonne pratique du financement

du deacuteveloppement crsquoest-agrave-dire la mise en place drsquoune proceacutedure de plainte ouverte aux personnes

affecteacutees par un projet ou programme financeacute par le FVC Dans les deux cas si les termes de reacutefeacuterence

20 Pour la seule Banque mondiale sur les impacts environnementaux des financements voir B Rich Foreclosing the Future The World Bank and the Politics of Environmental Destruction WashingtonCoveloLondon Island Press 2013 voir aussi Human Rights Watch At Your Own Risk Reprisals against Critics of World Bank Group Projects Juin 2015 httpwwwhrworgsitesdefaultfilesreportsworldBank0615_4Uppdf eacutegalement la seacuterie drsquoarticles drsquoinvestigation laquo Evicted and Abandoned The World Bankrsquos Broken Promise to the Poor raquo de lrsquoInternational Con-sortium of Investigative Journalism (ICIJ) httpwwwicijorgprojectworld-bank (au 3 mai 2016)21 Deacutecision B0609 Annexe V laquo Terms of Reference of the Independent Redress Mechanism raquo sect122 Ibid sect223 Deacutecision B0702 laquo Guiding Framework and Procedures for Accrediting National Regional and International Implementing Entities and Intermediaries Including the Fundrsquos Fiduciary Principles and Standards and Environmental and Social Safeguards raquo24 Deacutecision B0911 Annexe XIII laquo Gender Policy for the Green Climate Fund raquo

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

193

figurant agrave lrsquoAnnexe V de la Deacutecision B0609 dessinent les grandes lignes de ces proceacutedures on

ne dispose que partiellement de davantage de deacutetails sur leur fonctionnement concret Lors de la

derniegravere reacuteunion du Board agrave Songdo (28-30 juin 2016) il a en effet eacuteteacute constateacute que

laquo in the Work Plan for 2016 adopted by the Board at its twelfth meeting the Board decided to

address the interim procedures for redress at its thirteenth meeting The adopted Work Plan also

provides that the Board intends to approve the detailed guidelines and procedures for the IRM (De-

tailed Procedures) at its fifteenth meeting Such Detailed Procedures should address both functions

of the IRM It is suggested that at this stage only interim procedures relating to the IRMrsquos first func-

tion (ie reconsideration of funding decisions) are adopted by the Board With respect to the griev-

ance function of the IRM it may be more appropriate to instead develop the Detailed Procedures

as soon as practicable This because the specialized expertise within the Secretariat with respect to

this function of the IRM will exist only after the appointment of the head of the IRM In addition

given that the grievance function of the IRM cannot be engaged by communities and people until

after they have been directly affected by relevant adverse impacts there is no immediate need for

interim procedures (Emphasis added) raquo25

Le rapport final des deacutecisions adopteacutees lors de cette 13e reacuteunion du Board nrsquoest agrave lrsquoheure ougrave

nous eacutecrivons ces lignes pas encore disponible Les deacuteveloppements qui suivent sur la proceacutedure

provisoire applicable aux plaintes pour refus de financement se basent par conseacutequent sur le projet

de Interim Procedures for the Reconsideration of Funding Decisions26 preacutesenteacute dans un document preacute-

paratoire agrave la reacuteunion On peut cependant noter qursquoils apportent peu de deacutetails suppleacutementaires par

rapport aux dispositions des termes de reacutefeacuterence de lrsquoIRM

11 La plainte pour refus de financement une speacutecificiteacute du FVC

LrsquoIRM est compeacutetent pour eacutevaluer la plainte drsquoun pays en deacuteveloppement concerneacute par un pro-

jet ou programme dont le financement a eacuteteacute refuseacute Il srsquoagit lagrave drsquoune totale innovation qui deacutecoule

en premier lieu de la Deacutecision 5CP19 laquo Arrangements entre la Confeacuterence des Parties et le Fonds

vert pour le climat raquo

laquo 8 Le meacutecanisme de recours indeacutependant sera ouvert transparent et aiseacutement accessible et

aura entre autres pour tacircche de revoir les deacutecisions de financement

9 Le Fonds consignera dans ses rapports annuels agrave la Confeacuterence des Parties les recomman-

dations de son meacutecanisme de recours indeacutependant et toute mesure prise par le Conseil du Fonds

comme suite agrave ces recommandations La Confeacuterence des Parties peut formuler des directives sup-

pleacutementaires pour clarifier les politiques les prioriteacutes des programmes et les critegraveres drsquoadmissibiliteacute

qui influent sur les deacutecisions de financement raquo

25 13e Meeting of the Board 28-30 June 2016 Songdo Provisional agenda item 12 (f) Doc GCFB1317 laquo Interim Procedures for Redress Reconsideration of Funding Decisions raquo sectsect 7 et 8 26 Ibid Annexe II laquo Draft interim procedures for the reconsideration of funding decisions raquo

Vanessa RICHARD

194

Cette disposition nrsquoeacutetait pas incluse dans le projet de deacutecision proposeacute par le Preacutesident agrave Var-

sovie27 mais figurait en revanche dans le Draft arrangements between the Conference of the Parties and the Green Climate Fund proposeacute par le Standing Committee on Finance (SCF) de la CCNUCC28

La question de confier la reconsideacuteration des refus de financement agrave lrsquoIRM a eacuteteacute discuteacutee entre la 4e

et la 5e Reacuteunion du SCF Lors de la 4e Reacuteunion en juin 2013 le SCF nrsquoavait pu se mettre drsquoaccord sur

la question qui soulevait entre autres celles du conflit drsquointeacuterecircts lrsquoIRM eacutetant subordonneacute au Board

du FVC29 Lors de la 5e Reacuteunion en aoucirct 2013 le SCF constate que les discussion intersessions et les

consultations informelles conduites sous la houlette de M Raymond Landveld comme co-facilitateur

ont permis drsquoarriver agrave un accord30 Le deacutetail des discussions nrsquoest pas reacuteveacuteleacute Il est degraves lors difficile

de comprendre si cette innovation vient drsquoune meacuteprise sur ce qursquoest un meacutecanisme drsquoaccountability de ce type ou un ajout complegravetement reacutefleacutechi et deacutelibeacutereacute

La creacuteation de cette voie de recours est quoi qursquoil en soit coheacuterente avec la logique du FVC qui

est que laquo Le Fonds suit une approche laissant lrsquoinitiative aux pays et srsquoemploie agrave favoriser et agrave renfor-

cer lrsquoengagement dans le pays lui-mecircme avec le concours actif des institutions et parties prenantes

concerneacutees raquo31 Enfin cette voie de recours srsquoinscrit parfaitement dans la logique du cycle de sou-

mission approbation et suivi des programmes et projets32 puisqursquoelle permet drsquoeacutevaluer le controcircle

de conformiteacute opeacutereacute par le Secreacutetariat du FVC lorsqursquoil reccediloit une proposition de financement

En bref le Secreacutetariat publie reacuteguliegraverement des propositions de financement sur le site du FVC

sur instruction du Board mais les Autoriteacutes Nationales Deacutesigneacutees (AND) les entiteacutes exeacutecutives des

projets (implementing entities) et les intermeacutediaires peuvent eacutegalement soumettre au Secreacutetariat

des propositions pour un financement lesquelles doivent ecirctre approuveacutees La proposition de fi-

nancement doit avant tout faire lrsquoobjet drsquoune non-objection de la part de lrsquoAND du pays concerneacute

Le Secreacutetariat veacuterifie ensuite si la proposition respecte les garanties environnementales et sociales

provisoires la politique sur le genre et les standards fiduciaires33 Un panel technique consultatif (le

Technical Advisory Panel TAP) effectue ensuite une eacutevaluation de la proposition en tenant compte

du rapport du Secreacutetariat sur le respect des standards applicables34 La recommandation sur le finan-

cement du Secreacutetariat et lrsquoeacutevaluation du TAP sont ensuite transmis au Board35 qui peut approuver la

27 Report of the Green Climate Fund to the Conference of the Parties and guidance to the Green Climate Fund Proposal by the President Draft decision -CP19 Report of the Green Climate Fund to the Conference of the Parties and guidance to the Green Climate Fund Doc FCCCCP2013L12 22 novembre 201328 Report of the Standing Committee on Finance to the Conference of the Parties Doc FCCCCP20138 4 novembre 2013 Annexe III29 Report of the fourth meeting of the Standing Committee on Finance 15-17 juin 2013 Doc SCF2013311 sectsect 14-1830 Draft report of the fifth meeting of the Standing Committee on Finance 27-30 aoucirct 2013 Doc SCF201359 sectsect 34-3831 Instrument reacutegissant le Fonds vert pour le climat op cit sect332 Deacutecrit par la Deacutecision B0703 Annexe VII laquo Project and programme activity cycle raquo mai 201433 Une ONG note que le Secreacutetariat ayant peu de personnel laquo many of its tasks will likely be outsourced to consultants and implementing entities In light of these operational limitations the GCF may be exposed to contradictory demands from different stakeholders raquo Both ENDS laquo Feasibility report on the strengthening of citizen-based complaint review and referral mechanisms under the Green Climate Fund (GCF) raquo Briefing Paper httpwwwbothendsorguploaded_filesinlineitem120150528_Feasibility_report_TIpdf 2015 p 334 Les termes de reacutefeacuterence du Technical Advisory Panel sont deacutecrits in 9th Meeting of the Board Songdo (South Korea) 24-26 March 2015 Doc GCFB0923 Annexe XII laquo Terms of reference of the independent Technical Advisory Panel raquo35 Les premiers rapports recommandant un refus du financement proposeacute commencent agrave arriver voir agrave propos drsquoun projet sri lankais soutenu par le PNUD comme entiteacute accreacutediteacutee laquo Independent Technical Advisory Panelrsquos assessment of FP 016 raquo in TAP laquo Consideration of funding proposals ndash Addendum 12 Independent Technical Advisory Panelrsquos assessment raquo Doc GCFB1316Add12Rev01 23 juin 2016 pp 40-47

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

195

proposition de financement la rejeter ou demander des modifications Le Secreacutetariat informe lrsquoenti-

teacute exeacutecutive ou lrsquointermeacutediaire ainsi que lrsquoAND de la deacutecision En cas de rejet de la proposition le

Secreacutetariat informe le pays en deacuteveloppement concerneacute que conformeacutement agrave la Deacutecision B0609 il

peut demander la reconsideacuteration de la deacutecision aupregraves de lrsquoIRM

Selon les Draft interim procedures for the reconsideration of funding decisions lrsquoAND concerneacutee

a trente jours suivant la communication par le Secreacutetariat de la deacutecision de refus pour saisir lrsquoIRM36

Au sein de lrsquoIRM crsquoest la personne agrave la tecircte du meacutecanisme (lela Head de lrsquoIRM) qui est compeacutetent(e)

pour examiner les requecirctes en reconsideacuteration37 Ilelle veacuterifie lrsquoeacuteligibiliteacute de la requecircte qui doit

laquo include a description of the project or programme that has been denied funding and will need

to substantiate the reasons why the developing country believes that the denial was inconsistent

with the policies programme priorities and eligibility criteria of the Fund including those imple-

menting guidance provided by the Conference of the Parties raquo38

Il est ainsi rappeleacute les relations particuliegraveres qursquoont la COP et FVC

LrsquoIRM va ensuite utiliser en premier lieu des moyens informels afin de trouver une solution

laquo satisfaisante et amiable raquo39 agrave la requecircte Dans lrsquohypothegravese ougrave cette premiegravere phase nrsquoamegravenerait pas

de solution lrsquoIRM eacutevalue si le refus du FVC est entacheacute drsquoun manquement agrave ses politiques prioriteacutes

programmatiques et critegraveres drsquoeacuteligibiliteacute en tenant compte notamment de

laquo any issues raised by the Applicant in the Request the original funding proposal as submitted

to the Board including the assessments of the Secretariat and the independent Technical Advisory

Panel the decision of the Board and other relevant aspects of the Fundrsquos operations raquo40

LrsquoIRM communique enfin un rapport au Board qui inclut des recommandations sur les mesures correctives envisageables41 Sur la base de ce rapport le Board laquo may consider the request in view of the report and take steps to implement the recommendation of the IRM raquo42 Le laquo may consider [hellip] and take steps raquo suggegravere que le Board peut totalement ou partiellement ignorer les recommandations de lrsquoIRM La formulation du projet de Interim Procedures for the Reconsideration of Funding Decisions nrsquoeacuteclaire pas vraiment ce point laquo The Board may at its next meeting following receipt of the report consider the Request in view of the report and the recommendation of the Head of the IRM and take such steps as it considers appropriate raquo43

36 Draft interim procedures for the reconsideration of funding decisions op cit sect437 Ibid sectsect 6-938 Terms of Reference of the Independent Redress Mechanism op cit sect339 laquo a satisfactory and amicable resolution of the request raquo Terms of Reference of the Independent Redress Mechanism op cit sect4 et Draft interim procedures for the reconsideration of funding decisions op cit sect740 Draft interim procedures for the reconsideration of funding decisions op cit sect741 Terms of Reference of the Independent Redress Mechanism op cit sect4d) et Draft interim procedures for the reconsideration of funding decisions op cit sect942 Terms of Reference of the Independent Redress Mechanism op cit sect543 Draft interim procedures for the reconsideration of funding decisions op cit sect10

Vanessa RICHARD

196

12 La plainte des personnes affecteacutees des emprunts qui ne reflegravetent pas toujours les meilleures pratiques des IAMs

Si la proceacutedure de plainte innove complegravetement pour ce qui est de la plainte du pays en deacuteve-

loppement celle qui concerne les plaintes des personnes est creacuteeacutee on lrsquoa dit dans un paysage de

meacutecanismes de plainte similaires dont le FVC srsquoest inspireacute Cependant en quelques endroits la pro-

ceacutedure ne reflegravete pas les eacutevolutions reacutecentes des proceacutedures des IAMs ces derniegraveres eacutetant pourtant

baseacutees sur une expeacuterience en la matiegravere qui est tregraves eacutetoffeacutee pour certains de ces meacutecanismes ndash crsquoest

le cas par exemple du CAO qui a reccedilu depuis 1999 plus de cent cinquante plaintes Comme en ce qui

concerne la plainte pour refus de financement les termes de reacutefeacuterence donnent les grandes lignes de

la proceacutedure mais les modaliteacutes concregravetes de fonctionnement ne sont pas encore disponibles

Peut porter plainte un groupe de personnes (donc au moins deux personnes) qui ont eacuteteacute direc-

tement affecteacutees par des impacts neacutegatifs dus au fait qursquoun projet ou programme financeacute par le FVC

nrsquoa pas mis en œuvre les politiques et proceacutedures du FVC y compris les garanties environnementales

et sociales ou au fait que le FVC ou ses intermeacutediaires et entiteacutes exeacutecutives nrsquoont pas respecteacute ces

politiques44 La derniegravere partie de cette disposition pose des problegravemes drsquoarticulation avec les stan-

dards applicables par certaines entiteacutes exeacutecutives qui disposent deacutejagrave de leurs propres meacutecanismes de

plainte sur lesquels nous reviendrons dans la troisiegraveme partie de cette contribution

Apregraves lrsquoexamen de lrsquoeacuteligibiliteacute de la plainte la proceacutedure se deacuteroule ensuite comme suit

- dans un premier temps lrsquoIRM utilise tous moyens informels pour trouver une solution amiable

et satisfaisante (phase de reacutesolution des problegravemes)

- lorsque la reacutesolution des problegravemes a eacutechoueacute il eacutevalue si les plaignants ont eacuteteacute affecteacutes par des

impacts qui deacutecoulent drsquoun manquement aux politiques et proceacutedures du FVC

- sur la base de ses constatations lrsquoIRM formule des recommandations sur les mesures correc-

tives agrave adopter agrave lrsquointention du Board et peut eacutegalement recommander au Board des modifications

des politiques et proceacutedures applicables

- lrsquoIRM assure le suivi de la mise en œuvre des mesures correctives deacutecideacutees par le Board sur la

base de ses recommandations et rend compte de lrsquoavanceacutee de la mise en œuvre au Board45

Les emprunts faits aux meacutecanismes de plainte existants aboutissent agrave un curieux meacutelange

drsquoune part le FVC a retenu une approche restrictive de lrsquoaccegraves au meacutecanisme de plainte et agrave la phase

de controcircle de conformiteacute drsquoautre part une fois atteinte la phase de controcircle de conformiteacute le FVC

a doteacute lrsquoIRM des compeacutetences les plus eacutetendues que lrsquoon trouve dans des meacutecanismes similaires

Srsquoagissant des choix restrictifs il convient de noter en premier lieu que lrsquoaccegraves agrave tous les IAMs

existants est ouvert agrave la fois aux personnes affecteacutees et aux personnes susceptibles drsquoecirctre affecteacutees

44 Terms of Reference of the Independent Redress Mechanism op cit sect745 Ibid sectsect 7 et 8

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

197

Dans le cadre du projet International Grievance Mechanisms and International Law and Governance

(IGMs)46 sur lequel srsquoappuie la preacutesente contribution lrsquoeacutequipe a exploreacute cent cinquante sept af-

faires47 devant les IAMs du Groupe Banque mondiale de la BERD de lrsquoADB de la BAfD et de la BID

et intervieweacute dix-huit personnes qui travaillent ou ont travailleacute dans un IAM Tant les eacutetudes de cas

que les interviews deacutemontrent qursquoouvrir lrsquoaccegraves agrave un IAM aux personnes susceptibles drsquoecirctre affec-

teacutees permet drsquoalerter la banque de deacuteveloppement preacutecocement sur les protestations que le projet

soulegraveve Crsquoest donc un outil particuliegraverement utile pour deacutetecter des problegravemes dans la conception

du projet agrave un stade peu avanceacute lorsqursquoil y a un plus grand choix de deacutecisions correctives possibles

agrave moindre coucirct

En deuxiegraveme lieu le FVC conditionne lrsquoaccegraves agrave lrsquoensemble de la proceacutedure au fait que les plai-

gnants invoquent un manquement aux standards applicables Si lrsquoobjectif de la creacuteation drsquoun meacute-

canisme drsquoaccountability est drsquooffrir une voie de recours afin de trouver des solutions pour les per-

sonnes subissant les impacts neacutegatifs des projets financeacutes par le FVC alors il nrsquoy a aucune utiliteacute agrave

conditionner lrsquoaccegraves agrave la phase de reacutesolution des problegravemes agrave des alleacutegations de manquement Crsquoest

la raison pour laquelle le CAO de la SFIAMGI le PCM de la BERD lrsquoAM de lrsquoADB ou encore le MTP

de la BEI ne posent pas une telle condition

En troisiegraveme et dernier lieu la proceacutedure de lrsquoIRM oblige les plaignants agrave passer par une phase

de reacutesolution des problegravemes48 et conditionne la veacuterification de conformiteacute au fait que celle-ci nrsquoa

pas abouti Srsquoagissant de lrsquoobligation de passer par une phase de reacutesolution des problegravemes tous les

IAMs qui possegravedent une proceacutedure combinant reacutesolution des problegravemes et controcircle de conformiteacute

ont abandonneacute cette condition quand elle avait eacuteteacute preacutevue Mecircme le CAO historiquement beaucoup

plus tourneacute vers la reacutesolution des problegravemes que vers le controcircle de conformiteacute a abandonneacute cette

obligation dans la derniegravere version de ses Directives opeacuterationnelles49 tout comme lrsquoAM de lrsquoADB

lrsquoavait fait en 201250 et comme le MICI de la BID lrsquoa fait fin 201451 Leur pratique a en effet deacutemontreacute

que forcer les plaignants agrave passer par cette phase est inutile pour un certain nombre de raisons quand

les circonstances le permettent ils sont geacuteneacuteralement en faveur drsquoune solution neacutegocieacutee lorsqursquoils

souhaitent un controcircle de conformiteacute degraves le deacutebut ou lorsqursquoil y a trop de deacutefiance entre les parties

prenantes imposer une phase de reacutesolution des problegravemes nrsquoa aucun sens et constitue une perte de

temps les plaignants devraient par ailleurs pouvoir faire un choix eacuteclaireacute sur le type de proceacutedure

(reacutesolution des problegravemes etou controcircle de conformiteacute) qursquoils souhaitent deacuteclencher et il nrsquoy a au-

cune raison de ne pas respecter leur volonteacute Srsquoagissant de la condition selon laquelle la veacuterification de

conformiteacute ne peut ecirctre effectueacutee que dans le cas ougrave la reacutesolution des problegravemes a eacutechoueacute elle semble

contreproductive au regard drsquoune des principales raisons drsquoecirctre des IAMs tels que lrsquoIRM ameacuteliorer

lrsquoeffectiviteacute de la finance du deacuteveloppementclimat et permettre agrave lrsquoinstitution de tirer des leccedilons La

46 ERC Grant ndeg 312514 (2012-1016)47 Voir la base de donneacutees des affaires agrave httpwwwigms-projectorg48 Terms of Reference of the Independent Redress Mechanism op cit sectsect 7 et 1449 CAO Directives Opeacuterationnelles 2013 sect42150 Accountability Mechanism Policy 2012 OM Section L1BP sect3851 Policy of the Independent Consultation and Investigation Mechanism 2014 sectsect 7 and 14

Vanessa RICHARD

198

meilleure pratique agrave cet eacutegard est que quelle que soit lrsquoissue de la reacutesolution des problegravemes si lrsquoIRM

constate prima facie qursquoil existe des raisons de croire qursquoil y a eu des manquements aux standards

applicables un controcircle de conformiteacute devrait ecirctre effectueacute pour permettre au FVC de deacutecider de

mesures pour ameacuteliorer le projet ou programme en cause Agrave deacutefaut cela revient agrave priver lrsquoinstitu-

tion drsquoun examen indeacutependant et juste des deacuteficiences des projets et plus largement des problegravemes

systeacutemiques agrave lrsquoinstitution En outre la pratique des IAMs existants montre que dans un certain

nombre de cas la reacutesolution des problegravemes nrsquoaboutit que partiellement et certains plaignants sortent

insatisfaits de la solution neacutegocieacutee52 Qursquoen est-il alors du controcircle de conformiteacute

Une fois atteinte la phase de controcircle de conformiteacute en revanche le FVC a doteacute lrsquoIRM en srsquoap-

puyant sur les meilleures pratiques en la matiegravere Drsquoune part crsquoest lrsquoIRM qui recommande les me-

sures correctives sur la base du reacutesultat de ses investigations53 Drsquoautre part lrsquoIRM est compeacutetent

pour assurer le suivi de la mise en œuvre des mesures correctives Toutes les dix-huit personnes

intervieweacutees dans le cadre du projet IGMs qui ont contribueacute agrave la creacuteation ou la reacutevision drsquoIAMs

travaillent ou ont travailleacute pour un IAM ont souligneacute que ce suivi eacutetait une fonction majeure des

meacutecanismes drsquoaccountability qui rendait leur travail plus leacutegitime et plus effectif

2) Les standards applicables copier-coller et zones grises

LrsquoIRM controcircle la conformiteacute du comportement du FVC des entiteacutes exeacutecutives et des intermeacute-

diaires public comme priveacutes agrave lrsquoaune de standards qui font eacutegalement lrsquoobjet drsquoemprunts en termes

de substance quand ce nrsquoest pas directement du copier-coller Il est agrave noter que drsquoune maniegravere geacute-

neacuterale les ONG considegraverent que les standards des institutions financcedilant le deacuteveloppement et ceux

des meacutecanismes speacutecialiseacutes pour le climat sont deacutefaillants voire tregraves deacutefaillants dans la faccedilon dont

ils sont appliqueacutes qursquoil srsquoagisse de lutte effective contre le changement climatique ou de protection

des personnes affecteacutees54

LrsquoIRM veacuterifie la conformiteacute des projets au regard de trois ensembles de standards les Initial Fiduciary Principles and Standards55 les Interim Environmental and Social Safeguards (ESS)56 et la

Gender Policy57

52 Parmi de nombreux exemples voir en particulier AM Compliance Review Panel Greater Mekong Subregion Rehabilitation of the Rail-way in Cambodia Project Request for compliance review 28 aoucirct 2012 sectsect 80-85 CAO Indonesia Wilmar Group-03Jambi Assessment juillet 2012 p 353 Le Compliance Review Panel du meacutecanisme de plainte de lrsquoADB a reacutecemment perdu son pouvoir de formuler des recommandations Il peut uniquement faire des constatations et crsquoest le Management qui deacutefinit quelles mesures correctives sont approprieacutees Accountability Mechanism Policy op cit sectsect 79 et 8354 Pour une description des standards du Fonds pour lrsquoEnvironnement Mondial de la REDD et du MDP A Johl Y Lador laquo A human rights-based approach to climate finance International Policy Analysis raquo Friedrich-Ebert-Stiftung httpwwwcielorgPublicationsClimate-Finance_Feb2012pdf 2012 pp 7-13 (au 3 mai 2016) sur la robustesse des standards et strateacutegies des banques multilateacuterales de deacuteveloppement concernant le climat laquo MDB Climate Change Scorecard raquo op cit55 Deacutecision B0702 Annexe II op cit56 Ibid Annexe III57 Deacutecision B0911 Annexe XIII op cit

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

199

21 Le recours aux bonnes pratiques de gestion financiegravere et agrave la bonne gouvernance les Initial Fiduciary Principles and Standards

Baseacutes sur les bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion financiegravere les standards

fiduciaires applicables pour lrsquoheure comportent deux parties

Les laquo standards de base raquo58 concernent tout ce qui a trait agrave la capaciteacute geacuteneacuterale drsquoune entiteacute agrave

tenir correctement ses comptes et avoir une gouvernance jugeacutee bonne tant en matiegravere de reporting

de transparence drsquoinformation de supervision de lrsquousage drsquoindicateurs drsquoefficaciteacute de regravegles comp-

tables conformes aux standards reconnus de traccedilage des opeacuterations financiegraveres drsquoaudithellip

Les laquo standards fiduciaires speacutecialiseacutes raquo59 srsquoappliquent agrave un candidat ayant une proposition de

financement pour un projet ou programme Il srsquoagit de standards sur sa capaciteacute agrave inclure dans la

conception des projets les aspects techniques eacuteconomiques juridiques et possiblement environne-

mentaux sociaux et climatiques agrave geacuterer agrave suivre et eacutevaluer un projet agrave garantir lrsquoaccegraves du public agrave

lrsquoinformation sur les beacuteneacuteficiaires et les reacutesultatshellip Des regravegles compleacutementaires pour le on-lending60

et le blending61 srsquoappliqueront pour les intermeacutediaires et les entiteacutes exeacutecutives qui veulent utiliser ce

type drsquoinstrument financier avec des ressources du FVC

La Deacutecision B0702 Annexe II mentionne quelques sources formelles de certains standards

adopteacutes les deacuteclarations financiegraveres doivent suivre les Generally Accepted Accounting Principles (GAAP) et ecirctre reacutedigeacutees conformeacutement agrave des standards de comptabiliteacute reconnus tels que les Inter-national Financial Reporting Standards (IFRS) ou les International Public Sector Accounting Standards (IPSAS)62 Reacutefeacuterence est faite aux deacutefinitions drsquoorganisations professionnelles comme la Internatio-nal Federation of Accountants63 et le Committee of Sponsoring Organizations (COSO) of the Treadway Commission64

22 Le copier-coller les Interim Environmental and Social Safeguards (ESS)

En attendant de deacutevelopper ses propres standards environnementaux et sociaux le FVC a adop-

teacute provisoirement les Performance Standards on Environmental and Social Sustainability de la SFI65

(traduit en franccedilais par laquo normes de performance raquo derniegravere version 1er janvier 2012) et les Guidance Notes qui les accompagnent Les Performance standards sont au nombre de huit PS1 - Eacutevaluation et

gestion des risques et des impacts environnementaux et sociaux PS2 - Main-drsquoœuvre et conditions

de travail PS3 - Utilisation rationnelle des ressources et preacutevention de la pollution PS4 - Santeacute

58 Basic standards dans la version originale Les deacutecisions du Board sont disponibles uniquement en langue anglaise59 Specialized fiduciary standards60 Drsquoapregraves le lexique du Financial Times situation dans laquelle laquo une organisation precircte de lrsquoargent qursquoelle a emprunteacute agrave une autre organisation ou personne raquo (traduit par nous) httpmarketsftcomresearchLexiconTermterm=on_lending (au 3 mai 2016)61 Panachage consiste agrave panacher des ressources venant de plusieurs origines agrave travers des instruments financiers62 Initial Fiduciary Principles and Standards op cit sect11263 Ibid sect664 Ibid sect765 Voir httpwwwifcorgperformancestandards (au 6 juillet 2016)

Vanessa RICHARD

200

seacutecuriteacute et sucircreteacute des communauteacutes PS5 - Acquisition de terres et reacuteinstallation involontaire PS6 -

Conservation de la biodiversiteacute et gestion durable des ressources naturelles vivantes PS7 - Peuples

autochtones PS8 - Patrimoine culturel

Mecircme si ces standards nrsquoont rien de speacutecifique aux questions climatiques et ne srsquoarriment pas

particuliegraverement au cadre juridique onusien en la matiegravere cette solution a lrsquoavantage drsquoecirctre pra-

tique car les Performance Standards de la SFI sont geacuteneacuteralement consideacutereacutes comme le fin du fin des

standards environnementaux et sociaux pour un bailleur de fonds multilateacuteral Ils sont inspireacutes des

politiques et proceacutedures de la Banque mondiale mais vont plus loin et sont plus deacutetailleacutes En outre

ils sont conccedilus pour srsquoappliquer agrave des clients priveacutes mais peuvent eacutegalement ecirctre utiliseacutes pour des

entiteacutes publiques

Cela eacutetant dit le copier-coller a des limites eacutevidentes Entre autres zones grises les Performance Standards srsquoinscrivent pour la SFI dans un ensemble normatif qui comprend eacutegalement une Politique

de durabiliteacute environnementale et sociale66 laquelle deacutefinit le standard de comportement de la SFI

tandis que les Performance Standards deacutefinissent le comportement attendu du client pour beacuteneacuteficier

drsquoun financement Leur application directe au FVC comme aux entiteacutes exeacutecutives par lesquelles vont

transiter les fonds pose donc question

De plus la rigueur des exigences environnementales et sociales pour chaque projet deacutepend de la

faccedilon dont il a eacuteteacute cateacutegoriseacute cateacutegorie A pour les activiteacutes preacutesentant des risques etou des impacts

environnementaux etou sociaux qui sont heacuteteacuterogegravenes irreacuteversibles ou sans preacuteceacutedent cateacutegorie B

pour les activiteacutes preacutesentant des risques etou des impacts environnementaux etou sociaux poten-

tiels et limiteacutes qui sont moins nombreux geacuteneacuteralement speacutecifiques au site largement reacuteversibles et

faciles agrave traiter par des mesures drsquoatteacutenuation cateacutegorie C pour les activiteacutes preacutesentant des risques

etou des impacts environnementaux etou sociaux minimes ou nuls67 En ce qui concerne lrsquointer-

meacutediation financiegravere la Deacutecision B0702 Annexe III deacutefinit lagrave encore trois cateacutegories de risques de

la cateacutegorie I1 - haut niveau drsquointermeacutediation (lorsque le portefeuille existant ou proposeacute de lrsquointer-

meacutediaire inclut ou preacutevoit drsquoinclure une exposition financiegravere substantielle agrave des activiteacutes pouvant

preacutesenter des risques etou des impacts neacutegatifs environnementaux etou sociaux potentiels signi-

ficatifs qui sont heacuteteacuterogegravenes irreacuteversibles et sans preacuteceacutedent) agrave la cateacutegorie I368 Or pour lrsquoheure

les entiteacutes accreacutediteacutees ne disposent pas de directives du FVC sur la faccedilon de cateacutegoriser les projets

conformeacutement agrave la Deacutecision B070269

Enfin on dispose drsquoinformations sur les deacuteficiences des Performance Standards dans certains

domaines venant ndash justement ndash de lrsquoIAM de la SFI le CAO On pense en particulier ici aux deacutefail-

lances dans la maicirctrise des risques environnementaux et sociaux lieacutes au recours agrave des intermeacutediaires

66 SFI Politique de durabiliteacute environnementale et sociale 1er janvier 2012 httpwwwifcorgwpswcmconnectc240e2804a58cfbc-80818f8969adcc27SP_French_2012pdfMOD=AJPERES (au 6 juillet 2016)67 Deacutecision B0702 Annexe III sect2068 Ibid sect2169 Ibid sect22

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

201

financiers constateacutees par le CAO70 Entre lrsquoautomne 2010 et le printemps 2012 des alleacutegations graves

contre la socieacuteteacute Dinant (une socieacuteteacute hondurienne produisant de lrsquohuile de palme et de la nourri-

ture agrave laquelle la SFI avait accordeacute un corporate loan) ont eacuteteacute communiqueacutees agrave la SFI et au CAO Les

alleacutegations comprenaient des expulsions forceacutees des fermiers des violences contre les fermiers et

autour des plantations de Dinant dues au fait que des forces de seacutecuriteacutes priveacutees et publiques sont

sous lrsquoinfluence ou le controcircle de Dinant et le fait que la SFI nrsquoavait pas identifieacute et reacuteagi de faccedilon

approprieacutee agrave la situation Le CAO deacutecida de deacuteclencher une enquecircte afin de veacuterifier si la SFI avait

correctement exerceacute son devoir de vigilance lors de lrsquoexamen des risques sociaux attacheacutes au projet

si elle avait reacutepondu de faccedilon approprieacutee dans un contexte de conflit social et politique et si les poli-

tiques et proceacutedures de la SFI donnaient des conseils adeacutequats au personnel sur la faccedilon drsquoeacutevaluer et

de geacuterer les risques sociaux associeacutes aux projets dans des zones de conflit ou agrave risque de conflit Au

cours de lrsquoenquecircte le CAO deacutecouvrit que Dinant eacutetait lrsquoun des plus gros emprunteurs drsquoune banque

hondurienne la Banco Financiera Comercial Hondurentildea (Ficohsa) et que le Board de la SFI avait

approuveacute un placement (equity) dans Ficohsa Cela a conduit la dirigeante du CAO a deacuteclencher la

premiegravere enquecircte jamais faite par un meacutecanisme de plainte drsquoune BMD agrave propos du degreacute de super-

vision exerceacute par la banque sur des risques environnementaux et sociaux lieacutes agrave cet investissement

dans un intermeacutediaire financier Parallegravelement en 2012 le CAO a meneacute un audit sur un eacutechantillon

drsquoinvestissements de la SFI dans le secteur financier Lrsquoenquecircte dans lrsquoaffaire Ficohsa 0171 comme

lrsquoaudit montrent que les standards environnementaux et sociaux de la SFI sont mal adapteacutes aux en-

jeux de lrsquointermeacutediation72

laquo IFC does not have a methodology for determining whether its principle requirement on cli-

entsmdashthe implementation of an environmental and social management systemmdashachieves the core

objective of lsquodoing no harmrsquo or improving environmental and social outcomes at the subclient level

This means that IFC has no quantitative or qualitative basis on which to assert that its financial in-

termediation investments achieve such outcomes which are a crucial part of its strategy and central

to IFCrsquos Sustainability Framework raquo73

Les meacutethodologies adapteacutees drsquoeacutevaluation des risques manquent lrsquoopaciteacute reste la regravegle malgreacute

le fait que la SFI srsquoest suite au travail du CAO engageacutee agrave divulguer les sous-projets des clients ayant

obtenu un placement priveacute de la SFIhellip Il serait donc souhaitable que le FVC deacuteveloppe rapidement un

cadre sur mesure drsquoeacutevaluation des risques environnementaux et sociaux et de suivi de ces risques en

tenant compte non seulement des standards appliqueacutes par drsquoautres bailleurs de fonds multilateacuteraux

mais eacutegalement des rapports critiques qui en identifient les deacuteficiences

70 CAO Compliance Audit of IFCrsquos Financial Sector Investments 10 octobre 2012 httpwwwcao-ombudsmanorgnewsroomdocumentsFIAUDIThtm (au 5 mai 2016)71 CAO Honduras Ficohsa-01 CAO Vice President Request Investigation Report of IFC Environmental and Social Performance in relation to Investments in Banco Financiera Comercial Hondurena SA (Ficohsa) 6 aoucirct 2014 1st Monitoring Report janvier 201672 Pour un panorama de ces enjeux voir Oxfam International laquo Risky business intermediary lending and development finance raquo Ox-fam GB 2012 httpswwwoxfamorgsiteswwwoxfamorgfilesib-intermediary-lending-and-development-finance-180412-enpdf (au 5 mai 2016)73 Overview of the CAO Compliance Audit of IFCrsquos Financial Sector Investments httpwwwcao-ombudsmanorgnewsroomdocumentsFIAUDIThtm (au 5 mai 2016)

Vanessa RICHARD

202

23 Une Gender Policy drsquoinspiration onusienne

Adopteacutee lors de la 9e Reacuteunion du Board en mars 2015 la Gender Policy est explicitement inspireacutee

par la CCNUCC la Deacuteclaration Universelle des Droits de lrsquoHomme la Convention sur lrsquoeacutelimination

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des femmes les Objectifs du Milleacutenaire et les conventions

principales de lrsquoOrganisation Internationale du Travail Elle reconnaicirct les droits eacutegaux qursquoont les

femmes et les hommes agrave acceacuteder aux services du Fonds de faccedilon agrave srsquoadapter et agrave atteacutenuer les impacts

du changement climatique74 Cette politique impose que les projets soumis au FVC soient coheacuterents

avec les politiques et prioriteacutes nationales sur le genre et avec la Gender Policy75 Le FVC exige que

les femmes et les hommes aient la mecircme possibiliteacute drsquoecirctre inclus dans les consultations des parties

prenantes et la prise de deacutecision au cours de la preacuteparation de la mise en œuvre et de lrsquoeacutevaluation

des projets76

3) Lrsquoeacutepineuse articulation avec les meacutecanismes de plainte similaires

Les termes de reacutefeacuterence de lrsquoIRM stipulent que

laquo 18 The Fundrsquos IRM should closely cooperate with the relevant departments or units of imple-

menting entities and intermediaries

19 The relationship between the IRM and the corresponding body of implementing entities

or intermediaries will be covered in agreements which will be entered into by the Fund with these

implementing entities or intermediaries which will require these to cooperate with the Fundrsquos IRM

where required raquo

Du point de vue de lrsquoarticulation de ce nouveau meacutecanisme de plainte avec les meacutecanismes

existants la Deacutecision B0609 reconnaissait donc en feacutevrier 2014 que la deacutelimitation entre le rocircle et

les responsabiliteacutes de lrsquoIRM et ceux des meacutecanismes drsquoaccountability des entiteacutes exeacutecutives et des

intermeacutediaires devaient faire lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere La question a des conseacutequences

pratiques tregraves importantes mais nrsquoest toujours pas trancheacutee Le choix a sembleacute un temps srsquoorienter

vers le fait de laisser aux meacutecanismes de plainte des entiteacutes exeacutecutives lorsqursquoils existent le soin de

connaicirctre les plaintes en premiegravere instance pour ne recourir agrave lrsquoIRM que si aucune solution nrsquoa eacuteteacute

trouveacutee

Cette option soulegraveve beaucoup de questions sur la coheacuterence du controcircle de conformiteacute dans

la mesure ougrave les eacuteventuels manquements drsquoune entiteacute exeacutecutive seront examineacutes par lrsquoIAM de cette

entiteacute agrave lrsquoaune de ses propres standards opeacuterationnels environnementaux et sociaux tels qursquoeacutevalueacutes

au moment de son accreacuteditation par le FVC et que les meacutecanismes de plainte ont plus ou moins de

latitude pour aller un peu au-delagrave Par exemple la Banque Asiatique de Deacuteveloppement est accreacutediteacutee

74 Deacutecision B0911 Annexe XIII op cit sect375 Ibid sect1576 Ibid sect16

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

203

sur la base drsquoun examen de la compatibiliteacute de ses standards avec les Fiduciary Standards les Interim ESS et la Gender Policy du FVC Le meacutecanisme de plainte de la banque ne peut lui que connaicirctre

drsquoalleacutegations de manquement par la banque agrave ses propres politiques Quid de la violation des trois

politiques du FVC Elles ne seraient alors pas laquo examinables raquo par lrsquoAccountability Mechanism En

revanche agrave supposer que les experts de la CRMU de la BAfD puissent conserver la latitude dont

ils ont fait preuve dans lrsquoaffaire Medupi77 pour une violation alleacutegueacutee similaire la CRMU serait

potentiellement en mesure drsquoexaminer la conformiteacute du comportement de la banque avait les standards

du FVC plus ou moins directement Il ne semble pas possible de mettre en place une meacutethodologie de

veacuterification comparable agrave celle du country-system deacutejagrave mis en place par la Banque mondialehellip Celui-

ci consiste une fois eacutevalueacutee lrsquoeacutequivalence fonctionnelle des regraveglementations en vigueur drsquoun pays

par rapport aux conditionnaliteacutes de la Banque mondiale agrave laisser srsquoappliquer celles-ci plutocirct que

celles-lagrave conduisant le Panel drsquoinspection de la Banque mondiale dans lrsquoaffaire Eskom78 agrave opeacuterer un

double controcircle celui du respect de ses propres standards par la Banque mondiale en ce qui concerne

son devoir de vigilance auquel srsquoajoute le controcircle de la faccedilon dont a eacuteteacute eacutevalueacutee lrsquoeacutequivalence de la

regraveglementation sud-africaine afin de distinguer les zones ougrave celles-ci nrsquoeacutetaient pas eacutequivalentes et

ougrave la Banque aurait donc ducirc favoriser lrsquoapplication de ses propres standards environnementaux et

sociaux Rameneacute agrave la double couche de standards de lrsquoagence accreacutediteacutee et du FVC les meacutecanismes

de plainte des entiteacutes accreacutediteacutees seraient ameneacutes agrave veacuterifier le respect des standards propres agrave leur

entiteacute et la faccedilon dont la compatibiliteacute avec ceux du FVC a eacuteteacute eacutevalueacuteehellip ce qui eacutechappe agrave leur

pouvoir Dans lrsquohypothegravese ougrave lrsquoIRM serait une voie de recours de seconde chance les deacutelais seraient

aussi extrecircmement longs pour espeacuterer obtenir des mesures correctrices efficaces Il est par ailleurs

bien eacutevident que le risque de deacutecisions peu coheacuterentes entre elles voire contradictoires qui existe

deacutejagrave lorsque deux IAMs diffeacuterents sont saisis pour un mecircme projet conduirait un IRM laquo drsquoappel raquo agrave

arbitrer des choses qursquoil nrsquoest pas censeacute arbitrer

Il est agrave souligner que les entiteacutes accreacutediteacutees et le FVC signent au moment de lrsquoaccreacuteditation un

accord juridique (un contrat de droit priveacute pour les entiteacutes priveacutees un accord reacutegi par le droit inter-

national public pour les entiteacutes publiques)79 appeleacute Accreditation Master Agreement (AMA) LrsquoAMA

inclut des dispositions selon lesquelles les standards fiduciaires les ESS et la Gender Policy doivent

ecirctre respecteacutes par lrsquoentiteacute accreacutediteacutee Celle-ci doit eacutegalement coopeacuterer avec lrsquoIndependent Redress Mechanism80 Si est alleacutegueacutee une violation significative drsquoun standard environnemental drsquoune entiteacute

accreacutediteacutee sur un projet ayant reccedilu des financements FVC il y aura selon toute probabiliteacute agrave la fois

violation des standards de cette entiteacute et violation des standards du FVC qui srsquoimposent agrave elle juridi-

quement Faudrait-il alors deacuteclencher deux affaires lrsquoun devant le meacutecanisme de plainte de lrsquoentiteacute

77 CRMU Medupi Power Project (Republic of South Africa) Requecircte ndeg RQ20102 Compliance Review Report 19 deacutecembre 2011 Dans cette affaire la CRMU srsquoest appuyeacutee sur le Clean Energy Investment Framework (CEIF) de la BAfD sur le Southern Africa Regional Integration Strategy Paper 2011-2015 (RISP) et sur le projet de nouvelle Politique du Secteur de lrsquoEacutenergie qui ne sont pas en principe applicables par le meacutecanisme de plainte pour constater que le projet avait mis en tension les objectifs de fourniture drsquoeacutelectriciteacute avec les politiques environnementales de la banque ce qui avait geacuteneacutereacute des manquements partiels aux standards applicables78 Panel drsquoinspection South Africa Eskom Investment Support Project Case 65 Investigation Report 21 novembre 2011 Lrsquoaffaire Eskom devant le Panel drsquoinspection et lrsquoaffaire Medupi devant la CRMU portent sur le mecircme projet79 Deacutecision B0908 Annexe XI laquo Considerations for legal and formal arrangements with accredited entities raquo80 Ibid sect7

Vanessa RICHARD

204

accreacutediteacutee concerneacutee lrsquoautre devant lrsquoIRM Cela paraicirct contre-productif Il est leacutegitime de penser

qursquoil serait plus compreacutehensible et moins coucircteux que les plaintes concernant des projets financeacutes

par le FVC soient envoyeacutees agrave lrsquoIRM quelle que soit lrsquoentiteacute accreacutediteacutee concerneacutee81

La Deacutecision 7CP21 adopteacutee agrave Paris en deacutecembre dernier laquo Rapport du Fonds vert pour le climat

agrave la Confeacuterence des Parties et directives agrave lrsquointention du Fonds vert pour le climat raquo

laquo Engage vivement le Conseil du Fonds vert pour le climat agrave rendre drsquourgence opeacuterationnels le

Groupe indeacutependant de lrsquoeacutevaluation le Meacutecanisme de recours indeacutependant et le Groupe indeacutepen-

dant chargeacute de lrsquointeacutegriteacute et agrave rendre publiques les proceacutedures que les Parties et les personnes tou-

cheacutees doivent suivre lorsqursquoelles demandent reacuteparation en attendant que le Meacutecanisme de recours

indeacutependant soit opeacuterationnel raquo82

Comme mentionneacute plus haut agrave propos de la proceacutedure provisoire pour les plaintes en cas de re-

fus de financement le Board du FVC est quant agrave lui plus prudent sur le rythme de travail83 jusqursquoici

agrave marche forceacutee Le recrutement du chef de lrsquoIRM est en cours et conditionne la reacutedaction de proceacute-

dures deacutetailleacutees LrsquoAnnexe I du document preacuteparatoire Interim Procedures for Redress Reconsidera-tion of Funding Decisions sur le projet de deacutecision du Board pour la 13e Reacuteunion en effet

laquo Requests the head of the independent redress mechanism to prepare with the support of the

Secretariat for consideration by the Board no later than its sixteenth meeting the detailed guide-

lines and procedures for the independent redress mechanism referred to in paragraph 13 of Annex V

(Terms of reference of the independent redress mechanism) of document GCFB0619 titled ldquoReport

of the Sixth Meeting of the Board 19-21 February 2014rdquo in close consultation with similar or equiv-

alent mechanisms of accredited entities and other stakeholders raquo84

La question de lrsquoarticulation avec la galaxie des autres IAMs existants devrait donc ecirctre trancheacutee

au plus tard lors de la 16e Reacuteunion du Board Par ailleurs lrsquoagenda de travail du Board adopteacute lors

de la 11e Reacuteunion preacutevoit que des directives en matiegravere de cateacutegorisation des projets en fonction des

risques environnementaux et sociaux qursquoil preacutesentent seront adopteacutees lors de la prochaine (14e) Reacute-

union85 Aucune mention nrsquoest pour lrsquoheure faite de la reacutedaction de standards environnementaux et

sociaux reacuteellement sur mesure qui tiendraient compte des objectifs speacutecifiques du FVC et du cadre

juridique climatique dans lequel il srsquoinscrit

81 Both ENDS op cit82 sect2083 Interim Procedures for Redress Reconsideration of Funding Decisions Doc GCFB1317 op cit84 Ibid Annexe I laquo Draft decision of the Board raquo sectb)85 laquo Workplan for meetings of the Board in 2016 including outstanding items from previous meetings raquo Doc GCFB1102 11 octobre 2015 p 14

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

205

TABLE DES MATIEgraveRES

Sommaire7

Introduction geacuteneacuterale9 Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs La gouvernance internationale de lrsquoenvironnement entre fragmentation et deacutefragmentation Sandrine Maljean-Dubois et Denis Pesche

1) Cartographies des circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurshelliphelliphellip13

11 Un ordre juridique international naturellement fragmenteacute13

12 Lrsquoappreacutehension de complexes de reacutegimes13

13 Lrsquoidentification des circulations16

bull Lrsquoobjet de la circulation helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip16bull Les vecteurs de circulationhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip17bull La porteacutee des circulationshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip18

2) Les voies drsquoune deacutefragmentation de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnementhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip19

21 Une deacutefragmentation neacutecessairehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip19

22 Les leviers de deacutefragmentationhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip21a) Les leviers juridiqueshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip22b) Les leviers opeacuterationnelshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip25c) Les leviers institutionnelshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip28

Conclusionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip30

Indications bibliographiqueshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip31

206

Partie 137Circulation des finaliteacutes environnementales et sanitaires au sein des complexes de reacutegime chapitre 137Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et diffusion Jean-Freacutedeacuteric Morin et Myriam Rochette

Introductionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip38

1) Les innovations et les caracteacuteristiques des accords ameacutericains et europeacuteenshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip3911 Lrsquoapproche compeacutetitive ameacutericainehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip4012 Lrsquoapproche coopeacuterative europeacuteennehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip44

2) La diffusion des normes ameacutericaines et europeacuteenneshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip4921 Diffusion des normes ameacutericaineshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip49

22 Diffusion des normes europeacuteenneshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip51

3) La convergence des accords ameacutericains et europeacuteenshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip52

31 Lrsquoeuropeacuteanisation des accords ameacutericainshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip53

32 Lrsquoameacutericanisation des accords europeacuteenshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip55

Conclusionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip59

chapitre 261Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacutedans les conventions internationales lieacutees agrave la biodiversiteacute Claire Lajaunie et Pierre Mazzega

1) Introductionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip62

2) Le corpus textuel et les termes de santeacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip63

3) Eacuteleacutements drsquoontologie juridique et eacutechelles eacutecologiqueshelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip66

4) Reacuteseaux de transmissioncirculation des thegravemes de la Santeacutehelliphelliphelliphellip68

41 Graphe des Termeshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip68

42 Graphe des Thegravemeshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip69

207

5) Discussionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip70

51 Termes thegravemes ou theacutematique helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip70

52 Limites de lrsquoapplicabiliteacute de modegraveles eacutepideacutemiologiqueshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip71

53 Lrsquointeacutegration de nouvelles sourceshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip726) Conclusionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip737) Annexehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip758) Tableshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip76

chapitre 3helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip81HFC histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali Hugues Hellio

La solution Vienne-Montreacutealhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip82Les enjeux des HFC helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip83Circulations et formation de complexehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip86La gestion concerteacuteehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip88Les lois de Pi helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip90Le ciel demainhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip91

chapitre 4helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip95La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute Le cas de la CITES de la CDB et du Fond pour lrsquoEnvironnement Mondial Guillaume Futhazar La CITEShelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip96La Convention sur la diversiteacute biologiquehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip97Le Fond pour lrsquoEnvironnement Mondialhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip98De nombreuses interconnexions helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip99

1) La mobilisation de strateacutegies innovantes drsquoaccegraves aux ressources du FEM par le Secreacutetariat de la CITEShelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip10011 Une premiegravere strateacutegie lrsquoincorporation de dispositions relatives agrave la CITES dans les Strateacutegies et plans drsquoaction nationaux pour la biodiversiteacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip100a Un instrument agrave lrsquoeacutelaboration et agrave la mise en œuvre complexeshelliphelliphelliphelliphelliphellip101b La prise en compte approprieacutee de la CITES dans les SPANBhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip102

208

12 Une seconde strateacutegie La tentative ndash avorteacutee ndash drsquoaccegraves direct au FEMhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip104a La diffusion du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et de ses Objectifs drsquoAichi comme eacutetape preacutealable agrave lrsquoaccegraves au FEMhelliphelliphelliphelliphellip104b La complexiteacute du reacuteseau institutionnel du FEM comme hypothegravese justifiant lrsquoabandonhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip106

2) Quelle lecture juridique de tels pheacutenomegravenesthinsp helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip108

21 La nature des objets en circulationhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip108a Les Plans Strateacutegiques et Objectifs comme indicateurs des buts des traiteacuteshellip109b Lrsquoincorporation de reacutefeacuterences agrave la CITES dans les SPANB comme expression de la norme interstitielle de synergie helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip112

22 Une illustration de lrsquoimportance drsquoinstitutions neacutegligeacutees par la discipline juridiquehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip114

a Un secreacutetariat faisant preuve drsquoautonomiehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip114b Des institutions appelant des eacutetudes transdisciplinaireshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip115

Partie 2helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip117Circulation des normes et reacuteseaux drsquoacteurs dans les complexes de reacutegimes chapitre 1helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip117Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en œuvre des normes de gouvernance environnementale agrave lrsquoeacutechelle internationale Daniel Compagnon Yves Montouroy Amandine Orsini Roman de Rafael

1) Le poids des acteurs eacuteconomiques dans les neacutegociations internationales pour la gestion durable des forecircts et pour la

reacutegulation des eacutemissions carbone dans lrsquoaviation civilehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip119

11 Circulation internationale la participation des acteurs non eacutetatiques aux forums internationaux sur la gestion durable des forecirctshelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip119

12 Le cas de la reacutegulation internationale des eacutemissions carbone du secteur aeacuterienhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip124

2) Evolution du rocircle des ANE dans la mise en œuvre de la politique exteacuterieure de lrsquoUE contre le bois illeacutegal et du Meacutecanisme

de Deacuteveloppement Proprehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip130

209

21 Les ANE dans lrsquoaction exteacuterieure de lrsquoUE contre le bois illeacutegal en Reacutepublique du Congohelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip130

22 Le rocircle des ANE dans la mise en œuvre du Meacutecanisme de Deacuteveloppement proprehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip135

Conclusionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip143

Reacutefeacuterenceshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip144

Chapitre 2helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip147Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes

et des acteurs dans un contexte de gouvernance internationale fragmenteacutee

Sophie Gambardella

1) La coordination institutionnelle au sein du processus de Kobeacute comme vecteur de circulation des acteurshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip150

11 Une circulation des acteurs vers des organes ad hochelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip151

12 Une circulation des acteurs entre les organisations reacutegionales de gestion des thonideacuteshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip154

2) Lrsquoharmonisation de la gestion des activiteacutes de pecircches au sein du processus de Kobeacute comme vecteur de circulation des normeshelliphelliphelliphellip156

21 La circulation des normes scientifiques et techniqueshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip157

22 La circulation de normes juridiqueshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip160

Chapitre 3helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip165La transparence de la finance climat de la circulation du

principe agrave la circulation de ses modaliteacutes drsquoapplication Anne-Sophie Tabau

1 Les caracteacuteristiques de la circulation de la transparence de la finance climathelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip168

11 Lrsquoimpulsion de la circulation normative par le laquo reacutegime climat raquohelliphellip168a Une impreacutecision des lignes directrices favorable agrave la circulation normative

ascendantehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip169b Des lignes directrices ayant vocation agrave ecirctre preacuteciseacutees gracircce agrave une circulation

normative organiseacuteehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip171

210

12 Les manifestations de la circulation de la transparence de la finance climathelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip172

a Une circulation normative au soutien de lrsquoobligation de rapporter la finance climat fournie ou reccediluehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip173

b Une circulation normative teacutemoignant drsquoune influence conceptuelle plus diffusehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip175

2) Les effets de la circulation normativehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip177

21 Les mutations de la normehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip178a Sur le produit de la transparence de la finance climathelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip178b Sur le processus mecircme de la transparence de la finance climathelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip179

22 Lrsquoeacutemergence drsquoacteurs centraux en dehors du laquo reacutegime climat raquohelliphellip181a Les acteurs de la transparence de la finance climat reacuteveacuteleacutes par la circulation

normativehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip181b Des doutes sur la leacutegitimiteacute de lrsquoOCDE en tant qursquoacteur central agrave la question de lrsquoaccountability en matiegravere climatiquehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip183

Chapitre 4helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip187Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du

meacutecanisme de plainte du Fonds Vert pour le Climat Vanessa Richard

1) La proceacutedure de lrsquoIRM entre innovation et emprunts sur le mode restrictifhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip192

11 La plainte pour refus de financement une speacutecificiteacute du FVChelliphelliphelliphellip19312 La plainte des personnes affecteacutees des emprunts qui ne reflegravetent pas toujours les meilleures pratiques des IAMshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip196

2) Les standards applicables copier-coller et zones griseshelliphelliphelliphelliphelliphellip198

21 Le recours aux bonnes pratiques de gestion financiegravere et agrave la bonne gouvernance les Initial Fiduciary Principles and Standardshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip199

22 Le copier-coller les Interim Environmental and Social Safeguards (ESS)helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip199

23 Une Gender Policy drsquoinspiration onusiennehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip2023) Lrsquoeacutepineuse articulation avec les meacutecanismes de plainte similaireshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip202

211

212

UMR Droits International Compareacute et Europeacuteen (DICE)Espace Reneacute Cassin3 avenue Robert Schuman13628 Aix-en-Provence

dice-editionsuniv-amufr

Composition et mise en page Donia Landoulsi UMR DICE Aix-Marseille Universiteacute

Conception de la couverture Donia Landoulsi UMR DICE Aix-Marseille Universiteacute

Illustration de la couverture Laure Sabine Bampi artiste peintre

2egraveme trimestre 2016

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Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs dans la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement

La gouvernance internationale de lrsquoenvironnement srsquoest construite par lrsquoeacutemergence pro-gressive drsquoespaces juridiques et institutionnels relativement autonomes et non hieacuterarchiseacutes Des laquo reacutegimes raquo speacutecialiseacutes ont ainsi prolifeacutereacute au greacute de lrsquoidentification de nouvelles me-naces et de nouveaux problegravemes agrave reacutesoudre Ils se comptent aujourdrsquohui par dizaines si bien que la question de la coheacuterence de ce paysage fragmenteacute srsquoest rapidement poseacutee La multiplication des reacutegimes entraine par deacutefinition des concurrences collisions doubles emplois de plus en plus freacutequents Agrave cela srsquoest ajouteacutee la prise de conscience que les en-jeux environnementaux sont eacutetroitement interconnecteacutes comme le montrent les relations entre la lutte contre les changements climatiques drsquoune part et la protection de la couche drsquoozone la conservation de la biodiversiteacute la deacutesertification la protection des forecircts ou des oceacuteans drsquoautre part Degraves lors une gouvernance trop fragmenteacutee ne peut ecirctre effective car elle risque de conduire agrave deacutefaire drsquoun cocircteacute ce que lrsquoon fait de lrsquoautre Les Eacutetats peuvent par ailleurs instrumentaliser la fragmentation jouant tel reacutegime contre tel autre en fonction de leurs inteacuterecircts nationaux Apregraves avoir mis en eacutevidence les pheacutenomegravenes de circulations de normes et drsquoacteurs entre ces reacutegimes les auteurs de cet ouvrage pluridisciplinaire reacutefleacute-chissent aux voies et moyens de les accompagner voire de les amplifier dans lrsquoobjectif de laquo deacute raquofragmenter la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement et drsquoassurer ainsi une meilleure effectiviteacute des politiques conduites

Cette recherche a eacuteteacute financeacutee par lrsquoAgence nationale de la recherche dans le cadre du projet CIRCULEX ltANR-12-GLOB-0001-03 CIRCULEXgt

Sandrine MALJEAN-DUBOIS est directrice de recherche au CNRS Elle dirige lrsquoUMR 7318 Aix-Marseille Universiteacute PauToulonCNRS laquo DICE raquo Droits international compareacute et europeacuteen Elle consacre ses activiteacutes drsquoenseignement et de recherche au droit international de lrsquoenvironnement et a dirigeacute de nombreux ouvrages collectifs et publieacute un grand nombre drsquoarticles scientifiques dans domaine

Elle est notamment lrsquoauteure de Quel droit pour lrsquoenvironnement (Hachette 2008) et avec Matthieu Wemaeumlre de La diplomatie climatique de Rio 1992 agrave Paris 2015 (Pedone 2015)

est une collection drsquoouvrages numeacuteriques du laboratoire Droits International Compareacute Europeacuteen (UMR DICE 7318 CNRS Aix-Marseille Universiteacute Universiteacute de Toulon Universiteacute de Pau et des pays de lrsquoAdour)

Page 3: UMR en Droit International Comparé et Européen - DICE ......ISBN : 979-10-97578-00-8 UMR Droits International, Comparé et Européen (DICE) Espace René Cassin 3, avenue Robert Schuman

Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs dans la gouvernance internationale de

lrsquoenvironnement

Sommaire

Introduction

Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs La gouvernance internationale de lrsquoenvironnement entre fragmentation et deacutefragmentation9Sandrine Maljean-Dubois Directrice de recherche au CNRS coordinatrice du projet CIRCULEX Denis Pesche Sociologue Chercheur au CIRAD UMR Art Dev ndeg5281 Montpellier France

Partie 1 Circulation des finaliteacutes environnementales et sanitaires au sein des complexes de reacutegime

Chapitre 1 Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et diffusion37Jean-Freacutedeacuteric Morin Professeur agrave lrsquoUniversiteacute Laval Queacutebec Myriam Rochette eacutetudiante agrave lrsquoUniversiteacute Laval Queacutebec

Chapitre 2 Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute dans les conventions internationales lieacutees agrave la biodiversiteacute61Claire Lajaunie INSERM UMR DICE CERIC Pierre Mazzega CNRS Universiteacute de Toulouse

Chapitre 3 HFC histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali81Hugues Hellio Universiteacute drsquoArtois et UMR DICE CERIC

Chapitre 4 La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute le cas de la CITES de la CDB et du fond pour lrsquoenvironnement mondial95Guillaume Futhazar Doctorant UMR DICE CERICOT-MED

Partie 2 Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs dans les complexes de reacutegimes

Chapitre 1 Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes de gouvernance environnementale agrave lrsquoeacutechelle internationale117Daniel Compagnon Sciences Po Bordeaux Yves Montouroy Chercheur associeacute Science po Bordeaux Amandine Orsini Faculteacute Universitaire Saint-Louis Roman de Rafael Doctorant au LIPHA agrave lrsquoUniversiteacute Paris-Est

Chapitre 2 Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs dans un contexte de gouvernance internationale fragmenteacutee147Sophie Gambardella Docteur en droit UMR DICE CERIC

Chapitre 3 La transparence de la finance climat de la circulation du principe agrave la circulation de ses modaliteacutes drsquoapplication165Anne-Sophie Tabau Professeur agrave lrsquoUniversiteacute de la Reacuteunion

Chapitre 4 Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte du Fond Vert pour le climat187Vanessa Richard Chargeacutee de recherche au CNRS UMR DICE CERIC

9

Introduction geacuteneacuterale

Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs La gouvernance internationale de lrsquoenvironnement entre

fragmentation et deacutefragmentation

Sandrine Maljean-Dubois1 et Denis Pesche2

La gouvernance internationale de lrsquoenvironnement srsquoest construite progressivement autour de

diffeacuterentes questions se traduisant par lrsquoeacutemergence de multiples espaces juridiques et institution-

nels relativement autonomes Les chercheurs et notamment Stephan Krasner ont produit la notion

de laquo reacutegime raquo pour les deacutecrire (Krasner 1983) Ce faisant ils ont probablement aussi contribueacute agrave

leur construction Originaire de la science politique la notion de laquo reacutegime raquo a eacuteteacute adopteacutee par les

juristes qui lrsquoont trouveacutee utile Cette expression permet de commodeacutement deacutesigner par exemple

une convention internationale de protection de lrsquoenvironnement les institutions creacuteeacutees en son sein

et lrsquoensemble de son droit deacuteriveacute ainsi que drsquoeacuteventuels meacutecanismes financiers En englobant sous

un mecircme vocable un ensemble de normes et drsquoinstitutions qui vont bien au-delagrave drsquoun traiteacute institu-

tif la notion de laquo reacutegime raquo permet ainsi de deacutecrire une reacutealiteacute qui nrsquoest pas ou tregraves imparfaitement

nommeacutee en droit et regroupe un ensemble parfois disparate drsquoorganisations drsquoorganes et de normes

internationales traitant drsquoune question donneacutee Sociologues politistes juristes eacuteconomistes se sont

attacheacutes agrave mieux cerner lrsquoeacutemergence et la formation de ces reacutegimes leur fonctionnement (par le

biais drsquoune deacutecomposition analytique en identifiant les variables et les laquo constituants raquo) ainsi que

leurs reacutesultats (Young 1989 Birnie Boyle 1992 Barret 2005)

Orienteacutes vers la reacutesolution drsquoun laquo problegraveme raquo soit problem driven3 ces reacutegimes speacutecialiseacutes ont

prolifeacutereacute au greacute de lrsquoidentification de nouvelles menaces et de nouveaux problegravemes agrave reacutesoudre Ils se

comptent aujourdrsquohui par dizaines si bien que la question de la coordination sinon de la coheacuterence

de ce paysage fragmenteacute srsquoest rapidement poseacutee La multiplication des reacutegimes a entraineacute par deacutefi-

nition des concurrences collisions doubles emplois de plus en plus freacutequents Agrave cela srsquoest ajouteacutee

la prise de conscience que les enjeux environnementaux sont eacutetroitement interconnecteacutes comme le

montrent les relations entre la lutte contre les changements climatiques drsquoune part et la protection

de la couche drsquoozone la conservation de la biodiversiteacute la deacutesertification la protection des forecircts ou

des oceacuteans drsquoautre part Degraves lors une gouvernance trop fragmenteacutee ne peut ecirctre effective car elle

risque de conduire agrave deacutefaire drsquoun cocircteacute ce que lrsquoon fait de lrsquoautre (Bierman 2012) En drsquoautres termes

laquo in order to govern processes of complex change complexity in the external world must be matched by complexity in the governance system raquo (Duit 2010)

1 Aix Marseille Univ Universiteacute de Toulon Univ Pau amp Pays Adour CNRS DICE CERIC Aix-en-Provence France 2 CIRAD UMR Art Dev ndeg5281 Montpellier France3 Avec ce que cela suppose par rapport au fait que les acteurs en preacutesence ne sont pas toujours drsquoaccord sur la formulation du problegraveme et lrsquoimportance agrave lui accorder

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

10

Il faut ajouter que lrsquoenjeu de la coordination se pose non seulement agrave lrsquointeacuterieur de la gouver-

nance de lrsquoenvironnement mais aussi entre les reacutegimes environnementaux et ceux produits dans

drsquoautres domaines en particulier eacuteconomiques (Organisation mondiale du commerce investisse-

ments internationaux aide au deacuteveloppement droits de lrsquohomme etc) Dans un cas comme dans

lrsquoautre le danger est en outre que les Eacutetats nrsquoinstrumentalisent agrave des fins strateacutegiques cette fragmen-

tation poussant ou non tel forum contre tel autre bref nrsquoexploitent les possibiliteacutes offertes de forum shopping ou reacutegime shifting (Alter Meunier 2009) Il est devenu clair que lrsquoeffectiviteacute des politiques

environnementales deacutepend drsquoune coordination accrue de la gouvernance et des politiques interna-

tionales et cette eacutevidence srsquoest imposeacutee aux praticiens aussi bien qursquoaux chercheurs

Il eacutetait degraves lors inadapteacute et inopportun de reacutefleacutechir en termes drsquoespaces de production de normes

seacutepareacutees voire cloisonneacutees Il fallait deacutepasser lrsquouniteacute drsquoanalyse ou maille eacuteleacutementaire par deacutefinition

tregraves limiteacutee du laquo reacutegime raquo Il convenait de prendre en compte ndash et promouvoir ndash les relations coopeacute-

rations interactions coordinations et conflits entre des briques composant des systegravemes complexes

interagissant les uns avec les autres Le regard sur la gouvernance internationale changeait Les

chercheurs nrsquoy voyaient plus une multitude de reacutegimes autonomes mais un emboitement de sys-

tegravemes complexes agrave lrsquointeacuterieur drsquoun grand systegraveme complexe

La litteacuterature a drsquoabord porteacute sur les laquo interactions and interplays raquo (Young 1996 Rosendal

2001 Oberthuumlr Gehring 2006) souvent analyseacutees comme des relations bilateacuterales ndash entre deux

institutions ou deux acteurs puis sur les laquo issues linkages raquo que lrsquoon pourrait traduire comme les

laquo theacutematiques croiseacutees raquo (Biermann Pattberg 2008)

Ce nrsquoest qursquoensuite qursquoont eacuteteacute mis eacutevidence ce qursquoon a appeleacute des laquo complexes de reacutegimes raquo

offrant une vision holistique de reacuteseaux drsquoinstitutions marqueacutes par de tregraves nombreuses interactions

(Raustiala Victor 2004) Sociologues et politistes vont alors se demander notamment en quoi ces

fonctionnements en reacuteseaux affectent les strateacutegies des acteurs (Alter Meunier 2009 Drezner 2007)

Quant aux juristes leur premier mouvement est plutocirct critique Leur reacuteflexe naturel est drsquoabord de

srsquoinquieacuteter de la fragmentation du droit international La multiplication drsquoespaces normatifs ndash non

hieacuterarchiseacutes ndash est a priori preacutejudiciable agrave lrsquouniteacute voire agrave la simple coheacuterence du droit international

Elle risque drsquoentrainer des conflits de normes De fait la plupart des juristes ont travailleacute jusqursquoici

essentiellement sur la fragmentation4 La question a mecircme eacuteteacute agrave lrsquoordre du jour des travaux de la

Commission du droit international5 La laquo deacutefragmentation raquo de la gouvernance internationale agrave la

maniegravere dont en informatique on reacuteorganise complegravetement un disque dur en le deacutefragmentant

pour plus drsquoefficaciteacute a bien moins retenu lrsquoattention

Les membres de CIRCULEX un projet de recherche pluridisciplinaire financeacute par lrsquoAgence na-

tionale de la recherche franccedilaise dont cet ouvrage restitue une partie des reacutesultats ont placeacute les

circulations entre reacutegimes et complexes de reacutegimes et les processus de deacutefragmentation au cœur de

leurs travaux Ils sont partis du constat selon lequel une vaste unification laquo par le haut raquo par exemple

4 Voir lrsquoutile bibliographie sur la fragmentation reacuteunie par Margaret Young httpwwwoxfordbibliographiescomviewdocumentobo-9780199796953obo-9780199796953-0113xml consulteacute le 29 novembre 20165 Rapport du Groupe drsquoeacutetude de la Commission du droit international Fragmentation du droit international difficulteacutes deacutecoulant de la diversification et de lrsquoexpansion du droit international ACN4L702 28 juillet 2006

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

11

par le biais de la creacuteation drsquoune organisation mondiale de lrsquoenvironnement etou par un modegravele de

hieacuterarchie des normes pyramidal nrsquoavait que peu de chances de se concreacutetiser tout au moins agrave court

et mecircme moyen terme au vu des reacutesistances eacutetatiques La fragmentation est finalement une donneacutee

et il est donc plus opportun de reacutefleacutechir agrave une ameacutelioration de lrsquoeffectiviteacute de la gouvernance dans

ce cadre contraint de tenter de laquo faire avec raquo ce paysage juridique et institutionnel eacuteclateacute en identi-

fiant et testant les moyens drsquoune mise en coheacuterence laquo agrave niveau raquo voire laquo par le bas raquo On ajoutera que

lrsquouniteacute originelle du droit international qui serait deacutetruite par un processus de fragmentation tient

du mythe La fragmentation est naturelle et inheacuterente au droit international Ainsi toute empreinte

de pragmatisme cette analyse systeacutemique conduit agrave se demander si les systegravemes complexes nrsquoont

pas aussi des caracteacuteristiques inteacuteressantes Finalement ne sont-ils pas plus flexibles plus eacutevolutifs

et plus reacutesilients que les systegravemes simples (Ostrom 2009 2012 Kim Mackey 2013) Comment

maximiser leurs potentialiteacutes positives en limitant leurs potentialiteacutes neacutegatives

Dans ce nouveau cadre drsquoanalyse le chercheur ne srsquointeacuteresse plus tant agrave ce qui seacutepare qursquoagrave

ce qui circule (des normes des acteurs) ce qui relie les reacutegimes voire les complexes de reacutegimes et

ce qui interagit entre les reacutegimes en faisant lrsquohypothegravese que ces circulations participent de la pro-

duction drsquoune laquo deacutefragmentation raquo qui pourrait prendre des formes diverses certaines eacutebaucheacutees

drsquoautres encore inexistantes

La litteacuterature de droit compareacute srsquointeacuteresse de longue date aux circulations et a bien mis en eacutevi-

dence les pheacutenomegravenes drsquoemprunts transferts juridiques fertilisations croiseacutees et hybridations mais

sans parvenir agrave rendre compte de la complexiteacute des pheacutenomegravenes Elle srsquoest attacheacutee agrave mettre en lu-

miegravere des mouvements normatifs allant du Nord au Sud et drsquoEacutetat agrave Eacutetat lagrave ougrave les relations sont en

reacutealiteacute multiples et multidirectionnelles donnant lieu agrave de veacuteritables actionsreacutetroactions et interac-

tions se deacuteployant agrave lrsquoeacutechelle horizontale entre Eacutetats du Nord et du Sud mais aussi entre les Eacutetats

du Nord eux-mecircmes ou entre les Eacutetats du Sud eux-mecircmes mais eacutegalement agrave lrsquoeacutechelle verticale du

droit international aux droits nationaux et des droits nationaux au droit international Sous lrsquoangle

macro-juridique ces relations ne sont pas non plus purement intereacutetatiques elles voient interagir

normes publiques et normes priveacutees comme le montre par exemple le deacuteveloppement des standards

et normes techniques

La perspective du pluralisme juridique analysant lrsquoordre juridique comme un systegraveme et srsquoatta-

chant agrave la laquo relevance raquo des normes qui le constituent les unes vis-agrave-vis des autres (Romano 1946)

voire aux valeurs qui lrsquoordonnent (Delmas-Marty 2011) est eacutegalement drsquointeacuterecirct pour expliquer lrsquoex-

pansion du droit international et les liens devant garantir lrsquouniteacute dans une socieacuteteacute internationale

polycentrique et deacutecentraliseacutee Cette theacuteorie met en eacutevidence le rocircle des processus de reacuteseautage

entre des systegravemes fonctionnels autonomes des organisations formelles et des reacutegimes autonomes

et srsquointerroge sur leur contribution agrave la mise en coheacuterence de lrsquoordre juridique international (Ost amp

Van de Kerchove 2002 Teubner amp Fisher-Lescano 2003-2004)

Les nombreuses theacuteories du droit global et leurs deacuteclinaisons en droit constitutionnel global et

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

12

droit administratif global deacutenotent eacutegalement de lrsquoeffort de prendre en compte cette reacutealiteacute complexe

et nuanceacutee Bien qursquoelles ne soient pas centreacutees sur les processus de circulation elles les abordent

et eacutetudient et en cela ces approches trouvent leur place dans le cadre de CIRCULEX Lrsquoun de leurs

grands inteacuterecircts est de deacutepasser une approche stato-centreacutee pour srsquointeacuteresser agrave toutes les sources de

la normativiteacute y compris lorsqursquoelles eacutemanent drsquoacteurs non eacutetatiques tels que les firmes les ONGs

ou les individus

En science politique la question de la circulation a eacuteteacute traiteacutee sous lrsquoangle geacuteneacuteral de la diffusion

des politiques entre Eacutetats au sein drsquoun Eacutetat feacutedeacuteral ou entre deux Eacutetats souverains (Graham Shipan

and Volden 2013 Maggetti and Gilardi 2013 Shipan and Volden 2008 Smith 2013) La notion de

transfert de politiques (policy transfer) a eacuteteacute introduite pour insister sur une modaliteacute particuliegravere

de diffusion ougrave un rocircle cleacute et proactif est joueacute par certains acteurs dans les dynamiques de diffusion

(Benson and Jordan 2012 Delpeuch 2009 Dolowitz and Marsh 1996 Dolowitz and Marsh 2000

Dolowitz and Marsh 2012 Dumoulin and Saurugger 2010 Evans and Davies 1999 Marsh and

Evans 2012) Ce vaste domaine de recherche sur la diffusion et les transferts de politique srsquoest aussi

deacuteployeacute autour des politiques environnementales et plus particuliegraverement pour analyser la circula-

tion des instruments de politiques entre diffeacuterents pays ou reacutegions dans le monde (Busch Joumlrgens

and Tews 2005 Busch and Joumlrgens 2005 Hrabanski and Bidaud 2014 Hrabanski et al 2013 Jordan

et al 2003 Jordan and Huitema 2014) Dans la plupart de ces travaux les chercheurs insistent sur

lrsquoimportance des processus drsquoapprentissage et sur le fait que ce qui circule (les normes les ideacutees les

instruments de politiquehellip) est le plus souvent adapteacute et faccedilonneacute par ceux qui lrsquointegravegrent dans leur

processus politiques

Les chercheurs de CIRCULEX ont pris appui sur ces diffeacuterentes approches qursquoils ont geacuteneacuterale-

ment choisi de combiner pour mieux comprendre la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement

agrave lrsquointeacuterieur et entre les complexes de reacutegimes

Lrsquohypothegravese de deacutepart du projet CIRCULEX eacutetait donc qursquoil eacutetait possible de mettre en eacutevidence

par-delagrave une apparente fragmentation de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement des

circulations et permeacuteabiliteacutes dans et entre diffeacuterents reacuteseaux de normes et drsquoacteurs Cet angle drsquoap-

proche a permis drsquoarticuler dans un mecircme cadre theacuteorique les reacutegimes entendus dans leur sens clas-

sique (fondeacutes sur des traiteacutes internationaux) et les innovations institutionnelles et sociales reacutesultant

de lrsquointervention drsquoun ensemble tregraves divers drsquoacteurs agissant dans ou agrave cocircteacute de ces reacutegimes en sy-

nergie avec eux (ou pas) Il a aussi favoriseacute lrsquointerdisciplinariteacute en permettant de croiser les travaux

de sociologues politistes et eacuteconomistes portant principalement sur les acteurs et de juristes srsquoat-

tachant essentiellement aux normes Lrsquoun des objectifs eacutetait de reacutefleacutechir agrave lrsquoimpact des circulations

drsquoacteurs sur la circulation des normes Mais bien au-delagrave les chercheurs de CIRCULEX se sont

demandeacute quelles eacutetaient les conseacutequences de ces circulations en termes de leacutegitimiteacute et effectiviteacute

de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement Ils ont aussi tenteacute drsquoidentifier les leviers pos-

sibles de deacutefragmentation dans lrsquooptique de renforcer lrsquoeffectiviteacute des politiques environnementales

agrave lrsquoeacutechelle internationale

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

13

1) Cartographies des circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

11 Un ordre juridique international naturellement fragmenteacute

Lrsquoordre juridique international est par essence un ordre juridique fragmenteacute La fragmentation

est une donneacutee qui deacutecoule du principe de lrsquoautonomie des traiteacutes Dans lrsquoordre juridique interna-

tional laquo chaque traiteacute est indeacutependant de tous les autres eacutetant lrsquoexpression de la volonteacute des parties

en vue de la reacutealisation drsquoun objet qui lui est propre Une fois reacuteunies les conditions de sa validiteacute

et de son entreacutee en vigueur il existe par lui-mecircme et produit les effets de droits qui lui sont speacutecifi-

quement attacheacutes raquo (Dupuy Kerbrat 2016) La fragmentation de lrsquoordre juridique international est

mecircme croissante en raison du double pheacutenomegravene drsquoexpansion et de diversification du droit inter-

national6

Cette caracteacuteristique est particuliegraverement nette dans le domaine de lrsquoenvironnement degraves lors

qursquoaucune organisation mondiale de lrsquoenvironnement nrsquoest venue chapeauter ou unifier les multi-

ples reacutegimes qui coexistent Agrave la fragmentation juridique correspond un compartimentage institu-

tionnel Construits dans lrsquourgence et sans reacuteflexion preacutealable drsquoensemble les espaces conventionnels

ne sont pas ndash sauf tregraves rares exceptions comme les systegravemes constitueacutes par une convention-cadre

et ses protocoles additionnels ndash hieacuterarchiseacutes Peu relieacutes entre eux ils constituent une juxtaposition

drsquoespaces parallegraveles plus qursquoils nrsquooffrent lrsquoimage drsquoun reacuteseau La fragmentation du droit internatio-

nal est eacutegalement source potentielle de difficulteacutes srsquoagissant des relations entre le droit international

de lrsquoenvironnement et les autres branches ou domaines du droit international notamment le droit

international eacuteconomique qui reacutegit en particulier les eacutechanges et investissements internationaux

Ainsi dans un systegraveme juridique international post-moderne caracteacuteriseacute par sa circulariteacute com-

poseacute de multiples laquo figures baroques formant des boucles eacutetranges raquo (de Sadeleer 2008) laquo Le conflit

normatif est endeacutemique raquo comme lrsquoaffirme un rapport de la Commission du droit international7 Par

leur nature transversale les architectures institutionnelles lieacutees au changement climatique ou agrave la

biodiversiteacute sont embleacutematiques des difficulteacutes dont souffre un ordre juridique international frag-

menteacute (Young 2012 Van Asselt Sindico Mehling 2008 de Lassus Saint-Geniegraves 2014)

12 Lrsquoappreacutehension de complexes de reacutegimes

La notion de complexe de reacutegimes eacutemerge dans lrsquooptique de souligner le fait qursquoune question

donneacutee peut faire lrsquoobjet de neacutegociations dans plusieurs aregravenes internationales mobiliser une diversiteacute

6 CDI Fragmentation du droit international difficulteacutes deacutecoulant de la diversification et de lrsquoexpansion du droit international Rapport du Groupe drsquoeacutetude de la Commission du droit international ACN4L702 ONU 28 juillet 2006 Parmi de tregraves nombreuses reacutefeacuterences doctrinales voir I Brownlie laquo Problems Concerning the Unity of International Law raquo in Le droit international agrave lrsquoheure de sa codification Etudes en lrsquohon-neur de Roberto Ago Vol I Milan Giuffregrave 1987 p 156 et ss A Gattini laquo Un regard proceacutedural sur la fragmentation du droit international raquo RGDIP 2006 pp 303-336 B Conforti laquo Uniteacute et fragmentation du droit international glissez mortels nrsquoappuyez pas raquo RGDIP vol1 2007 pp 5-18 7 CDI Fragmentation du droit international difficulteacutes deacutecoulant de la diversification et de lrsquoexpansion du droit international Rapport du groupe drsquoeacutetude de la CDI eacutetabli sous sa forme deacutefinitive par M Koskenniemi ACN4L682 13 avril 2006 sect 486

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

14

drsquoorganisations nationales et internationales et relever de plusieurs traiteacutes internationaux Alors que

la notion de reacutegime est traditionnellement associeacutee agrave une question la notion de complexe de reacutegimes

permet de saisir la topographie complexe des lieux et moments ougrave une question se voit traiteacutee dans

diverses aregravenes agrave lrsquoeacutechelle internationale Les premiegraveres conceptualisations de la notion sont asso-

cieacutees agrave la question de la conservation des ressources geacuteneacutetiques veacutegeacutetales Pour Raustiala et Victor

laquo Rather than a single discrete regime governing Plant Genetic Resources ndash PGR the relevant rules are found in at least five clusters of international legal agreements-what we call elemental regimes-as well as in national rules within key states especially the United States and the European Union (EU) These elemental regimes overlap in scope subject and time events in one affect those in others We term the collective of these elements a regime complex an array of partially overlapping and nonhierarchical institutions governing a particular issue-area raquo (Raustiala amp Victor 2004) Parmi les organisations

acteurs engageacutes dans ces neacutegociations multiples Raustiala et Victor soulignent le rocircle croissant

drsquoagences nationales (par exemple des agences de lrsquoenvironnement) en plus des acteurs classiques

des reacutegimes ministegraveres des Affaires eacutetrangegravereshellip En effet on se situe bien dans une perspective ougrave

les Eacutetats agrave certains niveaux des complexes de reacutegimes peuvent ecirctre consideacutereacutes comme des acteurs

speacutecifiques mais agrave drsquoautres niveaux (ou drsquoautres peacuteriodes) suppose que lrsquoon rentre dans la boite

noire des Eacutetats pour mieux saisir les configurations agissant en leur sein et autour drsquoeux

Cette notion sera ensuite retravailleacutee pour la question du changement climatique avec lrsquoideacutee que

le complexe de reacutegimes est le reacutesultat drsquoun processus de fragmentation et les auteurs estiment que

les acteurs les plus puissants preacutefegraverent ce type de configuration dans les situations de divergence

drsquointeacuterecircts (Keohane and Victor 2011) Ces auteurs explorent ensuite les trois principales forces qui

geacutenegraverent de la fragmentation etou de lrsquointeacutegration la dispersion des inteacuterecircts les incertitudes et

les liens entre probleacutematiques Ces auteurs deacutefendent lrsquoideacutee que lrsquoexistence de complexe de reacutegimes

nrsquoest pas un problegraveme en soit et que cela peut mecircme ecirctre plus efficace pour la coordination car la

complexiteacute entraicircne de la flexibiliteacute entre diffeacuterentes questions et une adaptabiliteacute dans le temps

Par la suite Orsini et ses collegravegues discuteront la deacutefinition proposeacutee par Raustiala et Victor et

proposeront une nouvelle deacutefinition de la notion de complexe de reacutegimes laquo un reacuteseau de trois reacute-

gimes internationaux ou plus relatifs agrave une question commune comportant des membres communs

et qui geacutenegravere des interactions substantives normatives et opeacuterationnelles reconnues comme poten-

tiellement probleacutematiques si elles ne sont pas geacutereacutees en tant que telles raquo (Orsini Morin and Young

2013)

La notion de complexe de reacutegimes ne preacutejuge pas drsquoune quelconque coheacuterence interne Elle deacute-

signe simplement des espaces qui parce qursquoils sont consacreacutes au mecircme objet mecircme srsquoils lrsquoabordent

sous un angle diffeacuterent ou seulement partiellement interagissent Cependant la forme reacuteticulaire

du complexe caracteacuteriseacute par des interactions deacutepasse celle drsquoespaces fragmenteacutes ou cloisonneacutes sans

lien entre eux En somme elle conduit lrsquoanalyste agrave laquo changer de lunettes raquo en preacutesentant lrsquoavan-

tage de mettre lrsquoaccent sur ce qui relit plutocirct que sur ce qui seacutepare Crsquoest pourquoi cette notion de

laquo complexe raquo offre un cadre drsquoanalyse inteacuteressant pour rendre compte de maniegravere plus preacutecise drsquoune

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

15

reacutealiteacute elle-mecircme complexe en appreacutehendant les circulations ndash agrave la fois de normes et drsquoacteurs ndash qui

ont lieu entre des espaces juridiques et institutionnels diffeacuterents Elle permet de deacutepasser le constat

premier ndash bien eacutetabli et relativement improductif ndash drsquoune relative fragmentation pour srsquointeacuteresser

aux relations interrelations et interactions

La dimension juridique des complexes de reacutegimes nrsquoa malheureusement pas eacuteteacute suffisamment

exploiteacutee jusqursquoici Pourtant certains principes et outils contribuent sinon agrave assurer lrsquouniteacute une

quecircte sans doute vaine mais tout au moins agrave lutter contre la fragmentation agrave laquo deacute raquofragmenter le

droit international et renforcer sa coheacuterence Certains outils ont preacuteciseacutement pour objet de mettre

en coheacuterence des reacutegimes diffeacuterents Outre les traditionnels (et souvent drsquoune utiliteacute pratique limi-

teacutee) principes de la lex posterior ou lex specialis on peut penser au principe drsquointeacutegration systeacutemique

eacutevoqueacute agrave lrsquoarticle 31sect3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traiteacutes En effet il doit

conduire lrsquointerpregravete agrave tenir laquo compte en mecircme temps que du contexte (hellip) de toute regravegle pertinente

de droit international applicable dans les relations entre les parties raquo Si sur le plan theacuteorique ce prin-

cipe apparaicirct comme un puissant facteur de coheacuterence en pratique sa porteacutee est limiteacutee Drsquoabord il

a eacuteteacute consideacutereacute que pour qursquoune regravegle conventionnelle soit interpreacuteteacutee agrave la lumiegravere drsquoune autre regravegle

conventionnelle il convenait que la seconde soit applicable agrave lrsquoensemble des parties agrave la premiegravere8

Cette exigence rarement remplie fait que lrsquoarticle 31sect3 c) permet essentiellement en pratique drsquoar-

ticuler une regravegle conventionnelle avec une regravegle coutumiegravere Ensuite les Eacutetats ont un peu tendance

agrave laquo oublier raquo cette exigence pour laisser libre cours agrave leurs penchants schizophreacuteniques ignorant ou

faisant mine drsquoignorer qursquoils deacutefont drsquoun cocircteacute ce qursquoils font de lrsquoautre Enfin le juge ou lrsquoarbitre sont

trop rarement saisis sur la scegravene internationale pour permettre de promouvoir cette coheacuterence Pour

ces raisons il est important de reacutefleacutechir agrave drsquoautres outils pour renforcer la coheacuterence des initiatives

internationales relatives au changement climatique et lrsquouniteacute du droit international du climat De ce

point de vue diffeacuterents moyens meacuteritent drsquoecirctre exploreacutes qursquoils soient de type normatif opeacuterationnel

ou institutionnel et visent la promotion voire la reconnaissance drsquoinitiatives compleacutementaires ou

encore une certaine forme de coordination

Dans CIRCULEX nous nous sommes interrogeacutes sur lrsquoutiliteacute heuristique du concept de laquo com-

plexes de reacutegimes raquo Srsquoagit-il drsquoun modegravele drsquoune theacuteorie drsquoun concept ou encore drsquoun outil Cette

notion a-t-elle une valeur descriptive etou explicative Qursquoest-ce que cette invention apporte agrave

lrsquoeacutetude du droit et des politiques internationales Au final les laquo complexes de reacutegimes raquo nous sont

apparus surtout comme permettant de visualiser la complexiteacute sans permettre drsquoen mesurer les

conseacutequences ni de reacutefleacutechir aux processus de deacutefragmentation CIRCULEX a donc utiliseacute le concept

de complexes de reacutegimes tandis que les conclusions du projet nourrissent agrave leur tour cette theacuteorie

CIRCULEX a notamment permis de mieux deacutecrire la reacutealiteacute des complexes de reacutegimes Lagrave ougrave il avait

eacuteteacute montreacute que les complexes de reacutegimes srsquoinscrivent dans un continuum allant de reacutegimes haute-

ment fragmenteacutes agrave hautement inteacutegreacutes CIRCULEX montre qursquoil est possible de distinguer dans ce

8 Par un groupe speacutecial de lrsquoOMC dans lrsquoaffaire des Produits technologiques en 2006 dont le rapport nrsquoa eacuteteacute ni infirmeacute ni confirmeacute par lrsquoOr-gane drsquoappel dans lrsquoaffaire Communauteacutes europeacuteennes et certains Eacutetats Membres ndash Mesures affectant le commerce des aeacuteronefs civils gros porteurs Rapport de lrsquoOrgane drsquoappel WTDS316ABR 18 mai 2011 p 406 Ce dernier incite toutefois agrave la prudence dans une telle situation

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

16

continuum des phases drsquoatomisation de compeacutetition de speacutecialisation drsquointeacutegration dans ce qui

ressemble au laquo cycle de vie raquo des complexes (Morin and Orsini 2013) Les travaux confirment toute-

fois que cette notion ndash par ailleurs tentaculaire ndash est plus descriptive qursquoanalytique

13 Lrsquoidentification des circulations

Les travaux reacutealiseacutes dans le cadre de CIRCULEX srsquoattachent tous agrave un titre ou un autre agrave la

compreacutehension de lrsquoarchitecture institutionnelle et normative des complexes de reacutegimes agrave partir

de la mise en eacutevidence de leurs conditions drsquoeacutemergence leurs caracteacuteristiques leurs conditions

drsquoefficaciteacute permettant de mieux approcher la notion de complexes de reacutegimes Si le point drsquoentreacutee

de lrsquoanalyse peut srsquoattacher avant tout agrave la circulation normative ou aux reacuteseaux drsquoacteurs en

reacutealiteacute ces deux faccedilons drsquoaborder la gouvernance globale de lrsquoenvironnement sont eacutetroitement

imbriqueacutees Qursquoil srsquoagisse drsquoacteurs ou de normes le projet a mis en eacutevidence les eacuteleacutements circulant

les vecteurs de circulation et la porteacutee de la circulation La notion de laquo circulation raquo au centre du

projet CIRCULEX preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre tregraves englobante Couvrant les notions de diffusion ou

transfert elle emprunte aux litteacuteratures sur les policy diffusion norm diffusion policy transfer norm transfer ainsi qursquoau framing Elle permet en cela de mieux penser un espace relationnel plus ouvert

bull Lrsquoobjet de la circulation

La gouvernance internationale de lrsquoenvironnement nrsquoest pas aussi fragmenteacutee qursquoelle le paraicirct

au premier abord La reacutealiteacute est beaucoup plus nuanceacutee Derriegravere une apparente fragmentation se

cachent de tregraves nombreuses circulations de normes et drsquoacteurs

Les eacuteleacutements ou mateacuteriaux circulant sont tregraves divers puisqursquoil srsquoagit de normes ou drsquoacteurs Agrave

lrsquointeacuterieur de chacune de ces cateacutegories on trouve eacutegalement une grande diversiteacute

Srsquoagissant des acteurs ce terme geacuteneacuterique permet de couvrir aussi bien les acteurs traditionnels

des relations internationales (les Eacutetats et leur prolongement constitueacute par les organisations inter-

gouvernementales) que les laquo nouveaux raquo acteurs internationaux que sont les collectiviteacutes locales

les entreprises les organisations non gouvernementales les individus en tant qursquoexperts etc Leur

laquo capaciteacute circulatoire raquo qui caracteacuterise leur capaciteacute agrave circuler est par deacutefinition variable Srsquoagis-

sant des acteurs non eacutetatiques leur capaciteacute circulatoire srsquoavegravere ecirctre une ressource structurante

pour saisir leur influence Les travaux conduits permettent de mieux comprendre comment circulent

ces acteurs drsquoun reacutegime agrave lrsquoautre et ce qursquoils retirent de leur capaciteacute agrave circuler Ils montrent la forte

imbrication entre acteurs publics et priveacutes Ils font ressortir aussi la diversiteacute des configurations par-

ticuliegraveres drsquoacteurs en fonction des contextes et enjeux tout en montrant que lrsquoinfluence des acteurs

eacuteconomiques nrsquoest pas neacutecessairement lagrave ougrave on lrsquoattend9

Srsquoagissant des normes leur varieacuteteacute est eacutegalement tregraves grande Tantocirct crsquoest lrsquoobjectif ou la finaliteacute

9 Notamment D Compagnon Y Montouroy A Orsini R de Rafael laquo Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en œuvre des normes de gouvernance environnementale agrave lrsquoeacutechelle internationale raquo cet ouvrage infra p 117

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

17

drsquoune norme qui circule (premiegravere partie) tantocirct une norme en tant que telle (seconde partie) Srsquoil

srsquoagit drsquoun objectif ou finaliteacute il peut ecirctre assez preacutecis et parfois mecircme quantifieacute (voir les objectifs

drsquoAiumlchi deacutefinis dans le cadre de la Convention sur la diversiteacute biologique10 la reacutegulation des hy-

drofluorocarbones entre le Protocole de Montreacuteal sur lrsquoozone et le reacutegime du climat11) ou au contraire

tregraves geacuteneacuteral (la prise en compte de lrsquoenvironnement dans les accords commerciaux12 ou de la santeacute

dans les accords environnementaux13) Mecircme lorsqursquoil srsquoagit drsquoune norme en tant que telle et non

drsquoun simple objectif la forme de cette norme peut varier Elle peut ecirctre plus ou moins geacuteneacuterale plus

ou moins abstraite allant de la meacutetanorme agrave la norme technique en passant par le principe geacuteneacuteral

ou la disposition preacutecise et quantifieacutee On aurait pu penser que la capaciteacute circulatoire de la norme

est fonction de son degreacute drsquoabstraction et de geacuteneacuteraliteacute plus elle est abstraite et geacuteneacuterale plus elle

est susceptible de circuler Plus elle sera reacutesonnante moins elle sera dissonante (Hermet 1994) Il

faudrait probablement davantage drsquoeacutetudes empiriques pour confirmer cette hypothegravese Agrave lrsquoissue du

projet CIRCULEX il semble plutocirct que drsquoautres facteurs jouent un rocircle plus deacuteterminant de la capa-

citeacute circulatoire le caractegravere central dans le complexe de reacutegimes de lrsquoinstitution eacutetant agrave la source de

la norme (telle la COP de la Convention sur la diversiteacute biologique dans le complexe de reacutegimes sur

la biodiversiteacute) la dynamique drsquoun secreacutetariat international la capaciteacute circulatoire drsquoacteurs cleacutes

tels que des experts ou des ONGs le contexte politique eacuteconomique ou social le contexte cognitif

etc

bull Les vecteurs de circulation

Les vecteurs de circulation seront geacuteneacuteralement des acteurs qui peuvent ecirctre comme on lrsquoa

vu les Eacutetats les organes des organisations intergouvernementales (COP secreacutetariats organes ex-

pertshellip) des acteurs infra eacutetatiques (tels que les reacuteseaux europeacuteens ou mondiaux de villes pour le cli-

mat) ou des acteurs non eacutetatiques (experts entreprises ONG juge international) Leurs modes drsquoin-

terconnexion sont varieacutes tout comme les modes de circulation des normes qui peuvent ecirctre quasi

spontaneacutes ou au contraire tregraves construits et volontaires Tantocirct crsquoest la puissance de certains acteurs

qui explique qursquoils soient des vecteurs efficaces de circulation (tels les Eacutetats-Unis et lrsquoUnion euro-

peacuteenne srsquoagissant de lrsquointeacutegration de normes environnementales dans les accords commerciaux14)

crsquoest leur dynamisme et leur capaciteacute agrave innover (tel le secreacutetariat de la CITES recherchant lrsquoaccegraves agrave

de nouvelles ressources financiegraveres15) Les ONGs peuvent agir seules ou en coalitions (transnational

advocacy network) Le rocircle des communauteacutes eacutepisteacutemiques (Haas 1989) et des boundary organisa-

tions (Hrabanski Pesche 2016) est eacutegalement agrave mentionner Tous peuvent faire des entrepreneurs

de normes efficaces qursquoils agissent par inteacuterecirct ou pour des raisons deacutesinteacuteresseacutees ou pour les deux

10 G Futhazar laquo La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute le cas de la CITES de la CDB et du fond pour lrsquoenvironnement mondial raquo cet ouvrage infra p9511 H Hellio laquo HFC histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali raquo cet ouvrage infra p 12 J-C Morin M Rochette laquo Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et diffusion raquo cet ou-vrage infra p 3713 C Lajaunie P Mazzega laquo Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute dans les conventions internationales lieacutees agrave la biodiversiteacute raquo cet ouvrage infra p 6114 J-F Morin M Rochette laquo Les dispositions environnementales des accords commerciaux Entre innovation et diffusion raquo cet ouvrage infra p 3715 G Futhazar laquo La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute le cas de la CITES de la CDB et du fond pour lrsquoenvironnement mondial raquo cet ouvrage infra p 95

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

18

agrave la fois (Florini 1996)

Les organisations internationales jouent ici un rocircle de levier par rapport agrave lrsquoaction isoleacutee drsquoEacutetats

(Keck Sikkink 1998) Les travaux montrent que parmi les modes de gouvernance elles utilisent

peu la gouvernance hieacuterarchique ou la deacuteleacutegation mais plus freacutequemment la collaboration voire

lrsquoorchestration Lrsquoorchestration est un mode inteacuteressant pour une organisation internationale dont

les objectifs sont ambitieux et les capaciteacutes faibles Elle consiste concregravetement agrave mobiliser des ac-

teurs intermeacutediaires sur une base volontaire en leur fournissant un soutien conceptuel et mateacuteriel

pour qursquoils amegravenent les acteurs cibles agrave se conformer agrave certains objectifs Comme la collaboration

crsquoest un mode de gouvernance adapteacute aux complexes de reacutegimes en ce qursquoelle permet drsquoassurer la

compleacutementariteacute de tirer avantage des speacutecialisations de mutualiser les ressources et de favoriser

lrsquoapprentissage mutuel (Abbott Genschel Snidal Zangl 2015)

Le caractegravere non hieacuterarchique comme eacuteleacutement fondamental de la deacutefinition des complexes de

reacutegimes est discuteacute Sans pouvoir parler de hieacuterarchie au sens strict force est de constater le rocircle par-

ticulier de certains acteurs voire de certains reacutegimes au sein des complexes Il est clair par exemple

que la Convention sur la biodiversiteacute joue un rocircle majeur ndash qursquoon peut qualifier de nodal ndash au sein

du complexe de reacutegimes sur la biodiversiteacute16 Srsquoagissant du reacutegime climat au contraire la COP de la

Convention-cadre des Nations Unies a occupeacute une position bien moins nodale Elle srsquoest enfermeacutee

ndash ou plutocirct a eacuteteacute enfermeacutee ndash dans une laquo isolation clinique raquo vis-agrave-vis des autres acteurs de la gou-

vernance internationale du climat hypotheacutequant par lagrave son effectiviteacute (Maljean-Dubois Wemaere

2015) LrsquoAccord de Paris qui reflegravete une vision plus ouverte pourrait jouer agrave lrsquoavenir le rocircle de cata-

lyseur ou drsquoorchestrateur qursquoelle nrsquoa pu jouer comme le suggegravere le deacuteblocage des neacutegociations sur

les hydrofluorocarbones dans le cadre du Protocole sur lrsquoozone17 Les recherches mettent en eacutevidence

aussi la laquo permeacuteabiliteacute raquo variable des reacutegimes ou sites de gouvernance deacutefinie comme leur aptitude

agrave accueillir et se laisser peacuteneacutetrer agrave favoriser les circulations de normes ou drsquoacteurs

bull La porteacutee des circulations

Les recherches conduites mettent en eacutevidence lrsquoimpact de la circulation sur les normes la ma-

niegravere dont en circulant en se combinant en srsquohybridant la norme mute eacutevolue et est preacuteciseacutee 18 elle

se construit comme norme complexe avec des sources multiples aussi bien publiques que priveacutees19

La circulation favorise le laquo pluralisme ordonneacute raquo cher agrave Mireille Delmas-Marty (Delmas-Marty

2006) Cette auteure a identifieacute trois moyens drsquoassurer ce laquo pluralisme ordonneacute raquo

- la coordination qui est le fait drsquoentrecroisements horizontaux (on parle aussi drsquointernormativiteacute

qui peut ecirctre de fait par lrsquoemprunt ou reacutesulter drsquoune interpreacutetation croiseacutee) Pour ecirctre admise dans

des pays de tradition juridique diffeacuterente elle doit preacuteserver une certaine souplesse qui suppose la

16 Voir C Lajaunie P Mazzega laquo Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute dans les conventions internationales lieacutees agrave la biodiversiteacute raquo cet ouvrage infra p 61 G Futhazar laquo La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute Le cas de la CITES de la CDB et du Fond pour lrsquoEnvironnement Mondial raquo cet ouvrage infra p 9517 Voir H Hellio laquo HFC histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali raquo cet ouvrage infra p 81 voir infra 2118 A-S Tabau laquo La transparence de la finance climat de la circulation du principe agrave la circulation de ses modaliteacutes drsquoapplication raquo cet ouvrage infra p 16519 Ibid

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

19

reconnaissance de marges nationales drsquoappreacuteciation

- lrsquoharmonisation qui implique un rapprochement plus fort mais sans preacutetendre agrave lrsquouniformiteacute

- et lrsquounification soit imposeacutee verticalement par transplantation unilateacuterale soit reacutesultant drsquoune

hybridation laquelle implique une reacuteciprociteacute de lrsquoeacutechange

Sans surprise les circulations eacutetudieacutees ici ndash qui sont pour lrsquoessentiel horizontales ndash relegravevent da-

vantage de la coordination que de lrsquoharmonisation et encore moins de lrsquounification

La circulation nrsquoest pas non plus sans conseacutequence sur la juridiciteacute et porteacutee de la norme Ainsi

les mouvements agrave lrsquoœuvre dans les complexes de reacutegimes teacutemoignent-ils des transformations agrave

lrsquoœuvre de la normativiteacute internationale Au-delagrave les chercheurs de CIRCULEX ont chercheacute aussi agrave

srsquointerroger sur leurs effets en terme drsquoeffectiviteacute et de leacutegitimiteacute des politiques conduites De ce point

de vue la circulation de normes etou drsquoacteurs peut produire des effets ambivalents Anne-Sophie

Tabau montre ainsi dans cet ouvrage comment les efforts en faveur de la circulation du principe

de transparence de la finance climat favorisent laquo la preacutecision de ses modaliteacutes drsquoapplication en

apportant une reacuteponse aux deacutefis techniques de la transparence de la finance climat raquo voire au-delagrave

de la finance climat mais laquo aboutissent eacutegalement agrave deacuteplacer le centre de graviteacute de la gouvernance

dans ce domaine du reacutegime climat entendu au sens strict vers un complexe de reacutegimes au peacuterimegravetre

moins deacutefini sous-estimant peut-ecirctre les enjeux politiques et sociaux de cette question ce qui est de

nature agrave soulever des interrogations en termes de leacutegitimiteacute et de responsabiliteacute (accountability) raquo20

Car crsquoest finalement lrsquoOCDE qui se trouve jouer le rocircle central de laquo connecteur raquo entre les multiples

espaces de reacutegulation de la finance climatique alors mecircme qursquoelle ne regroupe que 34 Eacutetats et

nrsquoassure pas la repreacutesentativiteacute geacuteographique chegravere agrave lrsquoONU21

2) Les voies drsquoune deacutefragmentation de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement

Srsquoattacher aux mouvements de normes et drsquoacteurs (agrave lrsquointeacuterieur et entre les reacutegimes agrave niveau

vers le haut vers le bas) permet drsquoaller au-delagrave de la vision neacutegative de la fragmentation pour srsquoat-

tacher plutocirct aux acteurs et processus de laquo deacutefragmentation raquo Une telle deacutefragmentation srsquoavegravere

neacutecessaire et nous avons tenteacute drsquoen mettre en eacutevidence les leviers

21 Une deacutefragmentation neacutecessaire

La fragmentation des reacutegimes internationaux offre un laquo terrain de jeu raquo stimulant pour les diffeacute-

rents acteurs Elle est exploiteacutee aussi bien par les acteurs priveacutes que par les Eacutetats du Nord ou du Sud

voire les organes et organisations internationaux (tels les secreacutetariats des conventions en recherche

20 A-S Tabau laquo La transparence de la finance climat de la circulation du principe agrave la circulation de ses modaliteacutes drsquoapplication raquo cet ouvrage infra p 16521 Ibid

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

20

de financements) qui y voient une opportuniteacute strateacutegique et deacuteploient des politiques juridiques

servant ce qursquoils considegraverent comme eacutetant de leurs inteacuterecircts Le forum shoppingreacutegime shifting peut

entrainer le nivellement par le bas lorsque les Eacutetats empecircchent agrave dessein les fora les plus efficaces de

se saisir drsquoune question (ozoneclimat) Le forum shopping peut aussi entrainer des deacutecisions contra-

dictoires de diffeacuterents organes de regraveglement des diffeacuterends (Alter et Meunier 2009 Drezner 2007)

Un nouveau contexte politique peut alors changer la donne Lrsquoexemple des hydrofluorocarbones le

montre bien

Ces gaz drsquoorigine syntheacutetique sont venus efficacement remplacer les substances ozonicides en

cours drsquoeacutelimination dans le cadre du Protocole de Montreacuteal (agrave la fois les CFC les chlorofluorocar-

bures et les HCFC comme fluides de reacutefrigeacuteration etou propulseurs drsquoaeacuterosols) Leurs eacutemissions

ont augmenteacute conseacutecutivement de 8-9 par an Non dangereux pour lrsquoozone ces gaz preacutesentent un

important enjeu pour le climat Ils ont en effet un pouvoir reacutechauffant de 14 000 agrave 23 000 fois plus

puissant que le CO2 Selon le Programme des Nations Unies pour lrsquoenvironnement le retrait total

de ces gaz au niveau mondial permettrait drsquoinfleacutechir la courbe du reacutechauffement de 05 degC drsquoici agrave

2050 100 milliards de tonnes drsquoeacutequivalents CO2 sont en jeu dix fois plus que les objectifs fixeacutes par le

Protocole de Kyoto22 Ces gaz sont couverts par le Protocole de Kyoto (annexe A) qui en preacutevoit la

reacuteduction des eacutemissions tandis que le Protocole de Montreacuteal conduit de facto agrave en augmenter lrsquoutili-

sation Depuis plus de six ans des discussions ont lieu sur lrsquoopportuniteacute de preacutevoir leur eacutelimination

dans le cadre du Protocole de Montreacuteal mais aucun consensus nrsquoa eacuteteacute atteint Beaucoup de pays du

Sud freinent car ils voient des motivations commerciales deacuteguiseacutees dans les initiatives en ce sens Ils

refusent de se voir imposer lrsquoeacutelimination des HFC alors mecircme qursquoils viennent de remplacer des subs-

tances ozonicides dans leurs processus de production Ils invoquent lrsquoargument selon lequel cela doit

ecirctre traiteacute par la CCNUCCC au regard du principe de speacutecialiteacute des organisations internationales

Les Eacutetats-Unis qui soutiennent fortement une reacutevision du Protocole de Montreacuteal imposant lrsquoeacuteli-

mination des HFC ont deacuteposeacute une proposition agrave ce sujet en mai 2014 qui a eacuteteacute examineacutee lors de

lrsquoavant-derniegravere COP-MOP agrave Paris en novembre 201523 Les Eacutetats feacutedeacutereacutes de Microneacutesie ont eacutega-

lement fait une proposition en ce sens Le Koweiumlt et lrsquoArabie Saoudite se sont opposeacutes agrave une telle

reacutevision consideacuterant que la question relegraveve de la seule CCNUCC24 Ils ont eacuteteacute rejoints en cela par

de nombreux pays du Sud Selon le Bulletin des neacutegociations de la Terre laquo on a entendu un deacuteleacute-

gueacute frustreacute observer lsquocrsquoest comme si lrsquoon jouait au ping-pong avec la CCNUCCrsquo raquo25 De son cocircteacute la

France a plaideacute en faveur de la formation drsquoun groupe de contact chargeacute drsquoexaminer les modaliteacutes du

traitement des HFC dans le cadre du Protocole suggeacuterant qursquoun accord sur les HFC pourrait contri-

buer agrave la reacuteussite de la COP climat 21 agrave Paris en 201526

22 laquo LrsquoUnion Europeacuteenne va eacuteliminer les lsquosupergazrsquo agrave effet de serre HFC raquo Le Monde 2012201323 laquo 2014 North American Amendment Proposal to Address HFCs under the Montreal Protocol raquo24 Bulletin des neacutegociations de la Terre 26e reacuteunion des Parties au Protocole de Montreacuteal et 10e reacuteunion de la Confeacuterence des Parties agrave la Conven-tion de Vienne 17-21112014 vol 19 ndeg102 1711201425 Ibid26 Ibid

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

21

Face au blocage on a vu se multiplier des initiatives HFCs en dehors de la CCNUCC et du Proto-

cole de Montreacuteal caracteacuteriseacutees par plus de souplesse sur le plan formel La laquo Coalition pour le climat

et lrsquoair pur raquo ou CCAC est tout agrave fait embleacutematique de ce point de vue qui a deacuteveloppeacute une initia-

tive dite laquo Promoting HFC Alternative Technology and Standards raquo27 De mecircme en septembre 2014

lors du Sommet climat du Secreacutetaire geacuteneacuteral de lrsquoONU a eacuteteacute adopteacute un laquo Joint Statement Phasing Down Climate Potent HFCs raquo par vingt pays et dix organisations intergouvernementales En effet

ce nrsquoest pas un traiteacute qui est agrave son origine mais un simple laquo framework raquo qui juridiquement laquo does not create any legally binding obligations between or among its Partners raquo (art III) mecircme si un certain

suivi est preacutevu Plus souple la CCAC est ouverte aux acteurs non eacutetatiques consideacutereacutes comme des

partenaires sur un pied drsquoeacutegaliteacute et non pas des laquo observateurs raquo comme crsquoest le cas agrave la CCNUCCC

De fait la CCAC preacutesente une reacuteelle utiliteacute aujourdrsquohui en compleacutement drsquoun Protocole de Kyoto tregraves

marginal et des accords de Copenhague-Cancun qui sont tregraves faibles Elle permet notamment une

coopeacuteration des Eacutetats-Unis et de la Chine et avec drsquoautres pays Elle preacutepare le terrain agrave une initia-

tive plus classique

En effet la question des HFC doit en reacutealiteacute ecirctre traiteacutee non par le reacutegime climat ou celui de

lrsquoozone mais par les deux reacutegimes de maniegravere coordonneacutee Le deacuteveloppement des HFC est certes

un problegraveme pour le climat mais qui est compliqueacute par lrsquoaction internationale en faveur de lrsquoeacutelimi-

nation de lrsquoozone Il est donc bien agrave lrsquointerface des deux reacutegimes Il nrsquoy a pourtant pas un mot agrave ce

sujet dans lrsquoAccord de Paris La question nrsquoa drsquoailleurs eacuteteacute eacutevoqueacutee que marginalement durant les

neacutegociations agrave travers les opportuniteacutes drsquoatteacutenuation En revanche lrsquoAccord de Paris a creacuteeacute le mo-mentum qui a finalement favoriseacute lrsquoadoption drsquoun accord lors de la Reacuteunion des Parties de Kigali du

Protocole de Montreacuteal en octobre 201628 Agrave terme lrsquoamendement de Kigali garantira une meilleure

coheacuterence de lrsquoaction internationale en faveur du climat et de lrsquoozone

22 Les leviers de deacutefragmentation

Nous avions deacutecideacute de mettre en eacutevidence les facteurs de circulations mais eacutegalement en neacutegatif

drsquoeacuteventuels difficulteacutes blocages ou verrous Lrsquoobjectif in fine eacutetait de parvenir agrave des propositions

concregravetes srsquoagissant des outils et processus agrave mobiliser pour deacutefragmenter la gouvernance

internationale Lrsquoeacutevolution du droit international des droits de lrsquohomme la mise en place de lrsquoIPBES

les neacutegociations internationales qui se sont deacuterouleacutees durant la reacutealisation de CIRCULEX sur les

changements climatiques (y compris agrave lrsquointeacuterieur celle sur les forecircts) et la biodiversiteacute marine au-

delagrave des zones de juridiction nationale ont offert des terrains privileacutegieacutes drsquoanalyse aux chercheurs

de CIRCULEX ainsi que la possibiliteacute de nourrir le deacutebat par des propositions concregravetes En

contrepoint de lrsquoimpeacuteratif drsquoordonner le multiple mis en eacutevidence par Mireille Delmas-Marty29 il

srsquoagit de prendre au seacuterieux le polycentrisme de la gouvernance internationale de voir les initiatives

multiples non comme des entreprises brouillonnes et concurrentes mais comme des moyens drsquoasseoir

27 Voir httpwwwuneporgccacInitiativestabid130287languageen-USDefaultaspxsthashvWdKJy35dpuf consulteacute le 5 aoucirct 201528 Voir H Hellio laquo HFC histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali raquo cet ouvrage infra p 8129 Voir supra

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

22

progressivement la confiance Ainsi laquo Proceeding by small steps to build confidence and generate patterns of reciprocity is not a timid second-best strategy raquo mais est plus adapteacute aux reacutealiteacutes de la vie

internationale qursquoune grande et seule approche (Keohane Victor 2016) agrave condition de mettre en

oeuvre une certaine fragmentation Trois types de leviers ndash juridiques opeacuterationnels institutionnels

ndash peuvent ecirctre utiliseacutes agrave cet effet

a) Les leviers juridiques

Diffeacuterents leviers juridiques agrave proprement parler sont mobilisables Lrsquoeacutenumeacuteration qui est faite

ici nrsquoa pas preacutetention agrave lrsquoexhaustiviteacute

bull Lrsquousage de laquo meacutetanormes raquo Mecircme si nous sommes lagrave dans une laquo logique du flou raquo (Delmas-Marty Izorche 2002) lrsquousage de

meacutetanormes peut permettre drsquoassurer une plus grande articulation sur le plan politique pour mettre

en œuvre diffeacuterents traiteacutes visant ou impactant le deacuteveloppement durable Il a eacuteteacute montreacute comment

de tels objectifs peuvent creacuteer de veacuteritables dynamiques en contribuant agrave reacuteorganiser la coopeacuteration

internationale dans des espaces juridiques et institutionnels diffeacuterents (Futhazar 2015) On pense de

ce point de vue aux 17 Objectifs de Deacuteveloppement Durable (ODD) qui ont eacuteteacute adopteacutes dans le sillon

de la deacuteclaration laquo LrsquoAvenir que nous voulons raquo du Sommet Rio + 20 (2012) lors du Sommet des Na-

tions Unies sur le Deacuteveloppement Durable qui a eu lieu agrave New York en septembre 2015 Ils peuvent

jouer un rocircle structurant pour la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement On constate drsquoail-

leurs que la deacutecision 1CP21 adopteacutee agrave Paris par la COP 21 srsquoy reacutefegravere Certains auteurs proposent

que la protection de lrsquointeacutegriteacute des systegravemes naturels dont deacutepend la vie sur Terre soit consideacutereacutee

comme meacutetanorme (Kim Bosselmann 2013) De son cocircteacute cet ouvrage explore la diffusion de meacute-

tanormes telles que le principe de lrsquoaccegraves et du partage des avantages entre les complexes de reacutegimes

biodiversiteacute droits de lrsquohomme et climat comme le montrent les travaux conduits dans le cadre de

BENELEX en lien avec CIRCULEX (Savaresi 2016) lrsquoexigence de synergie conventionnelle comme

norme interstitielle30 lrsquoexigence de transparence appliqueacutee agrave la finance climat31 ou encore celle

drsquoaccountability attacheacutee aux meacutecanismes de financement Vanessa Richard montre bien que lrsquoins-

titution du nouveau Fonds Vert pour le Climat (FVC) srsquoinscrit dans un paysage deacutejagrave bien rempli par

de nombreux meacutecanismes drsquoaccountability et en particulier les meacutecanismes de plainte des banques

multilateacuterales de deacuteveloppement notamment des banques internationales de deacuteveloppement Crsquoest

lrsquooccasion drsquoanalyser les circulations opeacutereacutees entre les standards drsquoaccountability et le design institu-

tionnel (donc des aspects plus proceacuteduraux) de ces meacutecanismes et ceux qui sont en train drsquoecirctre mis

en place par le FVC Or lrsquoapprentissage collectif ne va pas toujours vers du mieux ce ne sont pas

forceacutement les meilleures pratiques qui sont reprises des innovations sont opeacutereacutees en fonction du

30 G Futhazar laquo La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute Le cas de la CITES de la CDB et du Fond pour lrsquoEnvironnement Mondial raquo cet ouvrage infra p 9531 A-S Tabau laquo La transparence de la finance climat de la circulation du principe agrave la circulation de ses modaliteacutes drsquoapplication raquo cet ouvrage infra p 165

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

23

contexte des enjeuxhellip32 La mecircme remarque peut ecirctre faite agrave propos des meacutecanismes de non-respect

eacutelaboreacutes dans plusieurs conventions internationales de protection de lrsquoenvironnement La premiegravere

proceacutedure de ce type creacuteeacute en 1990 dans le cadre du Protocole de Montreacuteal sur lrsquoozone a inspireacute la

creacuteation de nombreuses autres proceacutedures Chacune preacutesente ses speacutecificiteacutes qui sont fonction du

contexte de lrsquoobjet de la Convention de son caractegravere global ou reacutegional etc Certaines innova-

tions (la possibiliteacute pour le secreacutetariat de la convention de deacuteclencher une proceacutedure la place ac-

cordeacutee aux membres du public certaines inspirations de nature juridictionnellehellip) ne se retrouvent

pas drsquoune proceacutedure agrave lrsquoautre Lrsquoeacutevolution nrsquoest pas lineacuteaire y compris au sein drsquoun mecircme reacutegime

Ainsi alors qursquoils srsquoinscrivent tous deux dans la mecircme convention-cadre la Convention-cadre des

Nations Unies sur les changements climatiques de 1992 le Protocole de Kyoto (1997) et lrsquoAccord de

Paris (2015) ne relegravevent pas de la mecircme inspiration Lagrave ougrave le Protocole de Kyoto a donneacute lieu agrave une

proceacutedure extrecircmement eacutelaboreacutee intrusive pouvant deacuteboucher sur de veacuteritables sanctions lrsquoAccord

de Paris donnera probablement naissance agrave une proceacutedure plus souple et respectueuse des souverai-

neteacutes Il est en effet preacutevu qursquoil fonctionnera laquo drsquoune maniegravere qui est transparente non accusatoire

et non punitive raquo33 Il faut dire qursquoentre temps la proceacutedure de non-respect du Protocole de Kyoto a

montreacute ses limites la crainte de sanctions a mecircme pousseacute le Canada agrave exercer son droit de retrait

du Protocole

bull La promotion du soutien mutuel Une voie inteacuteressante consiste en la promotion du principe du soutien mutuel entre espaces

normatifs (climatcommerce climatinvestissements climatbiodiversiteacute climatozone climatpreacute-

vention des catastrophes climatdroits de lrsquohomme etc) Srsquoil est reconnu le principe ndash dans lequel

on pourrait voir aussi une meacutetanorme ndash revient agrave consideacuterer qursquoil nrsquoy a en principe pas de conflit

puisque les parties doivent interpreacuteter et appliquer les regravegles provenant des deux espaces juridiques

drsquoune maniegravere mutuellement compatible Crsquoest un principe drsquoarticulation et de deacutefeacuterence (Boisson

de Chazournes Mbengue 2007) Il preacutesente lrsquoavantage drsquoeacuteviter aux Parties drsquoavoir agrave laquo eacutetablir un

ordre de prioriteacute clair et net et tenterait plutocirct de coordonner autant que faire se peut lrsquoapplication

simultaneacutee des deux traiteacutes raquo34 Ce nrsquoest pas agrave proprement parler une clause de conflit mais un

moyen de preacutevenir les conflits et dans une certaine mesure de les reacutesoudre si tant est qursquoil soit pos-

sible de ne pas faire preacutevaloir une regravegle sur une autre mais de les interpreacuteter de maniegravere compatible

Pour la Commission du droit international lrsquolaquo ideacutee tient agrave ce que les conflits peuvent et devraient

ecirctre reacutegleacutes entre les partenaires au fur et agrave mesure qursquoils se preacutesentent et dans le but de meacutenager les

inteacuterecircts des uns et des autres raquo35 Il ne garantit donc pas une issue positive de maniegravere absolue Car

en pratique des conflits peuvent eacutemerger dans la mesure ougrave le principe du soutien mutuel est moins

radical qursquoune regravegle de prioriteacute ou hieacuterarchie agrave aucun moment il ne signifie une modification des

droits et obligations des Eacutetats drsquoun cocircteacute ou de lrsquoautre Dans des domaines aussi conflictuels que les

32 V Richard laquo Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte du Fonds Vert pour le Climat raquo cet ou-vrage infra p 18733 Article 15sect234 CDI Fragmentation du droit international difficulteacutes deacutecoulant de la diversification et de lrsquoexpansion du droit international Rapport du Groupe drsquoeacutetude de la Commission du droit international eacutetabli sous sa forme deacutefinitive par Martti Koskenniemi op cit p 150 35 Ibid p 151

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

24

relations climatcommerce son invocation peut paraicirctre quelque peu incantatoire et revient finale-

ment agrave donner au juge un pouvoir drsquointerpreacutetation tregraves important car in fine crsquoest agrave lui drsquoappreacutecier

au cas par cas agrave quoi conduit le soutien mutuel Crsquoest drsquoautant plus vrai que le cycle de neacutegociations

de Doha dont crsquoest un des points agrave lrsquoordre du jour est en panne LrsquoAccord de Paris a de ce point de

vue manqueacute le coche On y cherchera en effet vainement une reacutefeacuterence au droit du commerce in-

ternational Envisageacutee comme une option elle a finalement disparu Crsquoest donc le statu quo qui preacute-

vaut soit une approche relativement deacutefeacuterente vis-agrave-vis du droit du commerce international (Mal-

jean-Dubois Wemaere 2015) Drsquoautres accords sont pourtant moins deacutefeacuterents et donc plus effectifs

tel le Protocole de Montreacuteal sur lrsquoozone36 Sachant combien le droit du commerce international et

en particulier la protection des droits de proprieacuteteacute intellectuelle peuvent affecter sa mise en œuvre

lrsquoAccord de Paris aurait pu inteacutegrer a minima une reacutefeacuterence au principe du soutien mutuel (Bois-

son de Chazournes Mbengue 2007) Ici le laquo schisme de reacutealiteacute raquo mis en eacutevidence par Amy Dahan

et Stefan Aykut reacutesultant drsquoun laquo deacutecalage croissant entre drsquoun cocircteacute une reacutealiteacute du monde celle de

la globalisation des marcheacutes de lrsquoexploitation effreacuteneacutee des ressources drsquoeacutenergie fossiles et des Eacutetats

pris dans une concurrence eacuteconomique feacuteroce et srsquoaccrochant plus que jamais agrave leur souveraineteacute

nationale et de lrsquoautre une sphegravere des neacutegociations et de la gouvernance qui veacutehicule lrsquoimaginaire

drsquoun lsquogrand reacutegulateur centralrsquo apte agrave deacutefinir et agrave distribuer des droits drsquoeacutemission mais de moins en

moins en prise avec cette reacutealiteacute exteacuterieure est particuliegraverement eacutevident et probleacutematique raquo (Dahan

Aykut 2015)

bull La promotion des initiatives de laquo coopeacuterations renforceacutees raquoMettre en place des systegravemes de coopeacuteration renforceacutee au sein des accords environnementaux

sur le modegravele de lrsquoUnion europeacuteenne37 permettrait de donner plus de flexibiliteacute agrave la gouvernance

internationale Il srsquoagit drsquooffrir aux pays qui le souhaitent la possibiliteacute drsquoaller au-delagrave du cadre com-

mun voire en les y incitant La coopeacuteration renforceacutee marqueacutee par le volontarisme peut avoir un

effet de levier sur les autres Eacutetats Aujourdrsquohui il nrsquoexiste pas agrave proprement parler de coopeacuteration

renforceacutee dans le cadre de la CCNUCC Son article 72 c) preacutevoit neacuteanmoins un meacutecanisme de coor-

dination entre plusieurs Eacutetats la COP pouvant faciliter laquo agrave la demande de deux Parties ou davantage

la coordination des mesures adopteacutees par elles pour faire face aux changements climatiques et agrave leurs

effets en tenant compte de la diversiteacute de situations de responsabiliteacutes et de moyens des Parties

ainsi que de leurs engagements respectifs au titre de la Convention raquo On retrouve une disposition

similaire dans le Protocole de Kyoto agrave lrsquoarticle 134 (d) Le terme de laquo mesures raquo viseacute par ces dispo-

sitions offre beaucoup de flexibiliteacute Tous les Eacutetats Parties agrave la Convention peuvent ainsi demander

agrave la COP agrave tout le moins de reconnaicirctre etou faciliter la coordination drsquoactions de coopeacuteration geacute-

neacuterales ou speacuteciales dans des secteurs varieacutes tels que lrsquoeacutenergie les transports la gestion des deacutechets

ou bien par exemple deacutecider drsquoaller plus loin dans le domaine de lrsquoatteacutenuation ou de lrsquoadaptation

que ce que preacutevoit les textes La COP devrait adopter une deacutecision agrave cette fin par consensus ce qui

36 Voir article 4 laquo Reacuteglementation des eacutechanges commerciaux avec les Etats non Parties au Protocole raquo et article 4A laquo Reacuteglementation des eacutechanges commerciaux avec les Parties raquo37 Voir art 20 TUE et 326-334 TFUE

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

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suppose que lrsquoobjet de la coordination ou la demande de facilitation porte sur des aspects non conflic-

tuels aux yeux des autres Parties Mais en pratique les Eacutetats nrsquoont jamais eu recours agrave cette possibiliteacute

et gardeacute leurs partenariats bilateacuteraux reacutegionaux ou internationaux en dehors du champ convention-

nel Par ailleurs cette disposition mecircme si elle est flexible et peut ecirctre interpreacuteteacutee largement nrsquoin-

dique pas clairement lrsquoobjectif drsquoaller plus loin que les engagements conventionnels Crsquoeacutetait tout le

sens des nombreuses propositions doctrinales en faveur des clubs climatiques (J Hovi D F Sprinz

H Saeliglen A Underdal 2016) ou du minilateacuteralisme (Falkner 2015) LrsquoAccord de Paris reconnait de

ce point de vue la possibiliteacute laquo que certaines Parties deacutecident drsquoagir volontairement en concertation

dans la mise en œuvre de leurs contributions deacutetermineacutees au niveau national pour relever le niveau

drsquoambition de leurs mesures drsquoatteacutenuation et drsquoadaptation et pour promouvoir le deacuteveloppement

durable et lrsquointeacutegriteacute environnementale raquo38

bull La promotion des partenariats public-priveacute

Comme nous lrsquoavons eacutevoqueacute de nombreuses voix promeuvent aujourdrsquohui les approches laquo se-cond-best raquo plutocirct que des accords internationaux ambitieux probablement inatteignables Crsquoeacutetait en

particulier le cas durant les neacutegociations qui ont abouti agrave lrsquoAccord de Paris laquo They combine public and private solutions to climate change adopted at different scales- from the global to the transactio-nal raquo (Orts 2011 Hoffman 2011) De tels partenariats sont multiples srsquoadditionnent et parfois se

combinent et cela peut ecirctre un gage drsquoefficaciteacute De ce point de vue lrsquoaccord de Paris aurait pu mais

nrsquoa pas choisi de promouvoir des voire inciter aux partenariats public-priveacute de mecircme nature que les

partenariats de type II lanceacutes apregraves le Sommet de la Terre de Johannesburg en 2002 dans lrsquooptique de

compleacuteter et dynamiser lrsquoaction conduite sous ses auspices Cela aurait pu permettre de soutenir des

initiatives souples et flexibles qui peuvent srsquoaveacuterer tout agrave fait compleacutementaires drsquoune action conven-

tionnelle tels que la CCAC ou des accords sectoriels (Burkel 2014) En revanche les neacutegociateurs

y ont inclus un meacutecanisme de type laquo meacutecanisme pour un deacuteveloppement propre raquo mais qui reste

encore largement agrave deacutefinir39

bull La promotion de la normalisation techniqueLa normalisation technique repreacutesente un vecteur possible drsquoharmonisation comme lrsquoa montreacute

la meacutethodologie mise au point pour le comptage des eacutemissions par le GIEC devenue ensuite norme

internationale agrave lrsquoinitiative du World Ressources Institute (WRI) avec son Greenhouse Gas Protocol deacuteveloppeacutee par lrsquoISO et largement utiliseacutee aujourdrsquohui et par de tregraves nombreux acteurs40 Un autre

exemple topique est fourni par lrsquoeacutecolabellisation des bois tropicaux41

b) Les leviers opeacuterationnels

On peut penser eacutegalement agrave mobiliser des outils plus opeacuterationnels tels que lrsquoexpertise le controcircle

ou les financements

38 Article 6sect139 Article 640 Voir par exemple la norme ISO 14064-1 publieacutee en 2006 ou encore lrsquoISO 140692013 laquo Gaz agrave effet de serre mdash Quantification et rapport des eacutemissions de gaz agrave effet de serre pour les organisations mdash Directives drsquoapplication de lrsquoISO 14064-1 raquo 41 Voir D Compagnon Y Montouroy A Orsini R de Rafael laquo Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en œuvre des normes de gouvernance environnementale agrave lrsquoeacutechelle internationale raquo cet ouvrage infra p 117

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

26

bull Lrsquoexpertise

Le deacuteveloppement de lrsquoexpertise et des liens scientifiques peut permettre drsquoameacuteliorer la compreacute-

hension commune et la coheacuterence cognitive entre reacutegimes voire complexes de reacutegimes Par exemple

srsquoagissant des complexes de reacutegimes sur le climat et la biodiversiteacute lrsquoarticle 25 de la Convention sur la

biodiversiteacute et lrsquoarticle 9 de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques

preacutevoient lrsquoeacutetablissement drsquoun organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique (SBSTTA)

Sans surprise guideacute par les deacutecisions de la COP le SBSTTA de la COP sur la diversiteacute biologique a

eacuteteacute plus actif pour stimuler la reacuteflexion sur lrsquointerface entre les questions biodiversiteacute et climat Mais

les travaux de ces deux organes experts ont eacuteteacute trop compartimenteacutes pour permettre de prendre en

compte la complexiteacute de lrsquoenvironnement en geacuteneacuteral et des interactions entre biodiversiteacute et climat

en particulier On peut ecirctre drsquoaccord avec Morin et Orsini qui considegraverent qursquoune des voies les plus

prometteuses pour aborder la gestion agrave lrsquointerface de la biodiversiteacute et du climat est ce qursquoils ap-

pellent le knowledge management (Morin Louafi Orsini Oubenal 2016) De ce point de vue le GIEC

a rendu diffeacuterents rapports sur biodiversiteacute et climat mais sans faire de connexion claire avec les dis-

positions de la Convention sur la diversiteacute biologique (IPCC 1991 2000 2002) En tant que interface

lrsquoIPBES pourrait cependant jouer un rocircle plus important en srsquointeacuteressant aux articulations entre les

deux conventions et eacutetablissant par lagrave une passerelle entre elles Un tel rocircle pourrait ecirctre favoriseacute

par la circulation de diffeacuterents acteurs de lrsquoIPBES entre les complexes de reacutegimes sur le climat et la

biodiversiteacute (Hrabanski Oubenal and Pesche 2016) Clairement relieacutee aux organes conventionnels

la nouvelle plateforme peut potentiellement influencer grandement lrsquoeacutelaboration des politiques pu-

bliques Un rapprochement entre lrsquoIPBES et le GIEC serait eacutegalement bienvenu et il semble se mettre

en place En octobre 2014 le GIEC a ainsi affirmeacute que laquo it was seen as important to continue and further enhance cooperation with other UN bodies especially UNFCCC and assessment processes such as IPBES through the IPCC Secretariat raquo (IPCC 2014) Agrave la troisiegraveme reacuteunion de lrsquoIPBES en janvier

2015 Rajendra Pachauri qui eacutetait encore preacutesident du GIEC a suggeacutereacute que les bureaux respectifs du

GIEC et de lrsquoIPBES se reacuteunissent reacuteguliegraverement pour reacutefleacutechir agrave des questions substantielles relevant

de leurs eacutevaluations et programmes de travail respectifs42 Une coopeacuteration renforceacutee entre le GIEC

et lrsquoIPBES pourrait fournir une autre piste prometteuse pour favoriser la coheacuterence entre reacutegimes

(Morin Louafi Orsini Oubenal 2015) On pourrait mecircme imaginer des rapports conjoints

bull Les meacutecanismes de controcircleLrsquoharmonisation des meacutecanismes de controcircle peut eacutegalement ecirctre une voie de deacutefragmenta-

tion On peut prendre ici lrsquoexemple du climat En effet le suivi la communication et la veacuterification

(laquo MRV raquo) des engagements et mesures de mise en œuvre sont un eacuteleacutement central du reacutegime inter-

national sur le climat Le MRV des eacutemissions et des mesures prises y compris des financements a

deacutejagrave eacuteteacute largement deacuteveloppeacute dans le cadre des Accords de Cancuacuten mais il repose sur une diffeacuteren-

ciation entre pays du Nord et du Sud qui a eacutevolueacute dans lrsquoAccord de Paris Il est aussi mis en œuvre

42 Voir aussi la laquoLima 2014 Declaration on Biodiversity and Climate Change From Science to Policyraquo adopteacutee agrave lrsquooccasion de la COP 20 UNFCCC

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

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dans le cadre du Protocole de Kyoto43 pour les seuls pays deacuteveloppeacutes ayant des objectifs chiffreacutes

de reacuteduction jusqursquoen 2020 Cet acquis doit ecirctre adapteacute aux dispositions de lrsquoAccord de Paris pour

notamment lui donner un caractegravere agrave la fois dynamique et durable en tenant compte notamment

de la nature et du contenu des contributions nationales de tous les pays de la freacutequence des cycles

drsquoengagement et du meacutecanisme drsquoambition qui a pour objet drsquoinciter collectivement les pays agrave plus

drsquoambition pour leurs contributions futures

Les regravegles de transparence et de responsabilisation de lrsquoAccord de Paris seront drsquoautant plus so-

lides qursquoelles permettront de suivre les eacutemissions et drsquoeacutevaluer les progregraves reacutealiseacutes pour respecter les

contributions nationales sur la base drsquoun MRV harmoniseacute au sein du reacutegime climat et avec drsquoautres

regravegles de suivi des eacutemissions de GES couvertes par drsquoautres reacutegimes Outre le fait qursquoil est indispen-

sable de mesurer une tonne de CO2 eacutequivalent de la mecircme maniegravere pour avoir une ideacutee preacutecise des

trajectoires comme crsquoest le cas des eacutemissions de GES des transports maritimes internationaux dont

le MRV est actuellement discuteacute dans le cadre de lrsquoOMI suivant lrsquoimpulsion donneacutee par lrsquoUE les

meacutethodes de suivi des eacutemissions du reacutegime climat devraient ecirctre reprises dans drsquoautres reacutegimes qui

ne sont pas couverts aujourdrsquohui comme lrsquoOACI ou encore le Protocole de Montreacuteal pour les HFC

Lrsquoharmonisation peut eacutegalement venir de la reconnaissance mutuelle des regravegles de MRV poseacutees par

les diffeacuterents marcheacutes carbone nationaux ou reacutegionaux Il convient enfin de souligner le rocircle impor-

tant que pourrait jouer le secreacutetariat de la CCNUCC dans la compilation et lrsquoeacutevaluation des donneacutees

qui pourraient ecirctre collecteacutees agrave partir drsquoautres reacutegimes Les travaux du PNUE ndash notamment son

Emissions gap report annuel ndash participent deacutejagrave aujourdrsquohui agrave lrsquoeacutevaluation reacuteguliegravere de lrsquoadeacutequation

entre les efforts et les besoins agrave une eacutechelle globale deacutepassant la CCNUCC

Les travaux preacutesenteacutes dans cet ouvrage par Anne-Sophie Tabau et Vanessa Richard respective-

ment sur la transparence et lrsquoaccountability de la finance climatique explorent ce levier de deacutefrag-

mentation On peut se demander si la promotion de ces standards ne relegraveve pas drsquoailleurs drsquoun droit

administratif global (Peters 2015)

bull Les technologiesSrsquoagissant des technologies il conviendrait de deacutevelopper des synergies entre les meacutecanismes

existants dans les diffeacuterents reacutegimes et entre les complexes de reacutegimes Cette volonteacute drsquooptimiser

les synergies est au cœur de la proposition drsquoun Meacutecanisme de facilitation technologique dans le

cadre des Nations Unies qui vise un deacuteploiement agrave grande eacutechelle des technologies propres pour un

deacuteveloppement durable Cette initiative fait suite agrave la deacuteclaration adopteacutee lors du Sommet Rio+20

intituleacutee laquo Lrsquoavenir que nous voulons raquo qui y avait consacreacute un chapitre entier44 Srsquoagissant des bre-

vets et autres droits de proprieacuteteacute intellectuelle qui restent un sujet sensible ce Meacutecanisme devrait

notamment promouvoir les partenariats public-priveacute autour de systegravemes de collaboration mettant

lrsquoeacutemetteur et le reacutecepteur lrsquoun en face de lrsquoautre pour cibler les vraies opportuniteacutes de deacuteveloppe-

ment de marcheacutes tout en respectant lrsquoenvironnement et le climat Car au-delagrave de la facilitation

43 Prises sur le fondement des articles 5 7 et 8 du Protocole de Kyoto44 Voir sect269-276

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

28

institutionnelle indispensable pour plus drsquoefficaciteacute la discussion entre lrsquoeacutemetteur et le reacutecepteur

concerne drsquoabord les entreprises priveacutees

bull Les financements Les financements peuvent eacutegalement repreacutesenter un important levier de mise en coheacuterence

Le Fonds pour lrsquoEnvironnement Mondial a ici un rocircle agrave jouer car il est le principal meacutecanisme de

financement de plusieurs conventions internationales de protection de lrsquoenvironnement ce qui lrsquoa

conduit notamment agrave financer pour environ 20 de son budget des projets intersectoriels inteacuteressant

plusieurs conventions45 Dans cet ouvrage Guillaume Futhazar montre le rocircle drsquoun secreacutetariat qui va

se saisir drsquoune opportuniteacute en lrsquoespegravece lrsquoutilisation des liens existant entre la CITES et la Conven-

tion sur la Diversiteacute Biologique (CDB) afin drsquoacceacuteder aux ressources du Fonds pour lrsquoEnvironnement

Mondial (FEM) dans le but de financer des activiteacutes contribuant agrave la CITES Ici la circulation est

volontaire et instrumentaliseacutee46

Mais les fonds se sont aussi multiplieacutes dans un cadre conventionnel Crsquoest le cas par exemple du

reacutegime du climat qui a fait naicirctre plusieurs fonds que ce soit dans le cadre de la Convention comme

du Protocole alors mecircme que le FEM reste le meacutecanisme de financement de la Convention En reacutea-

liteacute crsquoest deacutesormais par le Fonds Vert pour le Climat que vont transiter lrsquoessentiel des financements

il serait important qursquoil ne deacuteveloppe pas une pratique isolationniste et puisse a minima ne pas

interfeacuterer neacutegativement avec les objectifs drsquoautres conventions environnementales comme la biodi-

versiteacute ou lrsquoozone Il devrait inscrire son activiteacute dans une approche holistique requeacuterant une coo-

peacuteration notamment avec les agences onusiennes la Banque mondiale et les principales conventions

environnementales (Boisson de Chazournes 2002-2003) Anne-Sophie Tabau tempegravere ces risques

en montrant ici que laquo la circulation du principe de la transparence met en eacutevidence une coheacuterence

mateacuterielle drsquoun ensemble de normes drsquoorigines et de nature varieacutees vis-agrave-vis drsquoun ensemble homo-

gegravene de destinataires et drsquoutilisateurs raquo47

c) Les leviers institutionnels

Favoriser la coopeacuteration que ce soit au niveau des COP ou des secreacutetariats est indispensable pour

assurer la deacutefragmentation Cette solution de bon sens se heurte toutefois agrave diffeacuterentes reacutesistances

Reacutesistances des organes conventionnels eux-mecircmes contre ce qui implique de contrer tous les feacuteo-

dalismes locaux qui se sont constitueacutes dans ce laquo royaume morceleacute raquo (Van Asselt Sindico Mehling

2008) Reacutesistance des Eacutetats qui craignent que les secreacutetariats nrsquoaillent trop loin et invoquent le prin-

cipe de speacutecialiteacute des organisations internationales pour bloquer toute coopeacuteration interconvention-

nelle dont ils risqueraient de perdre la maitrise Ainsi de lrsquoAustralie affirmant que laquo All cooperation

45 Le FEM est le meacutecanisme financier de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques La Convention sur la diversiteacute biologique de la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants de la Convention sur la deacutesertification de la reacute-cente Convention sur le mercure Enfin bien que nrsquoeacutetant pas lieacute formellement au Protocole de Montreacuteal sur lrsquoozone il en soutient aussi la mise en œuvre dans les eacuteconomies en transition Voir UNFCCC Guidance from the conference of the Parties and responses by the Global environment facility 20 Years 2014 46 G Futhazar laquo La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute Le cas de la CITES de la CDB et du Fond pour lrsquoEnvironnement Mondial raquo cet ouvrage infra p 9547 Cet ouvrage infra p 165

Sandrine MALJEAN-DUBOIS et Denis PESCHE

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must respect the individual mandates and independent legal status of each convention raquo48

Malgreacute cela la coopeacuteration a tendance agrave se deacutevelopper Elle est mecircme parfois formaliseacutee que

ce soit au niveau des secreacutetariats par exemple par la conclusion drsquoun meacutemorandum drsquoaccord entre

deux secreacutetariats ou la creacuteation du Biodiversity liaison group ou des organes politiques comme la reacute-

union conjointe des COP sur les produits chimiquespolluants organiques persistantsmouvements

transfrontiegraveres de deacutechets (Conventions de Rotterdam Stockholm et Bacircle)49 les coopeacuterations entre

proceacutedures de non-respect agrave lrsquooccasion drsquoaffaires drsquointeacuterecirct commun (Scott 2011) ou encore le proces-

sus dit laquo de Kobeacute raquo Sophie Gambardella revient dans cet ouvrage sur ce dernier et montre combien

il est exemplaire Lanceacute volontairement par cinq organisations de pecircche dans le but drsquoameacuteliorer lrsquoef-

fectiviteacute de leurs politiques et activiteacutes le processus de Kobeacute a de fait permis une mise en commun

des expeacuteriences entrainant agrave la fois un renforcement et une harmonisation ou mise en coheacuterence

des meacutethodes et des normes de gestion En lrsquoespegravece la fragmentation institutionnelle dissimule laquo un

tissu organisationnel certes plus complexe mais peut-ecirctre plus riche en force de propositions et plus

creacuteatif pour une meilleure gestion des ressources biologiques raquo Le processus a faciliteacute la circulation

des acteurs (les reacuteseaux de scientifiques les associations de professionnelshellip) drsquoun forum agrave lrsquoautre Il

a eacuteteacute vecteur de dialogue et initiateur de projets communs Pour Sophie Gambardella laquo Le cloison-

nement institutionnel semble agrave travers le processus de Kobeacute srsquoeffriter au profit drsquoune permeacuteabiliteacute

des enceintes internationales permettant de se projeter vers une logique drsquoenrichissement mutuel

nourri par une circulation des acteurs et des normes de la gestion internationale des thonideacutes raquo50 Srsquoil

srsquoagit bien drsquoune coopeacuteration inteacutegreacutee crsquoest une coopeacuteration souple et non permanente qui prend

la forme de reacuteunions dont la reacutecurrence est fonction des besoins La coopeacuteration politique est bien

eacutevidemment plus productive que celle qui peut avoir lieu entre les secreacutetariats Cette derniegravere est in-

dispensable et ce constat pourrait conduire agrave proposer un regroupement ou laquo clustering raquo en creacuteant

par exemple un laquo atmospheric cluster raquo entre le secreacutetariat du climat et celui de lrsquoozone (Van Asselt

2007) lequel cluster pourrait agrave son tour renforcer ses liens avec le laquo biodiversity cluster raquo (Scott 2011)

Mais lrsquoexpeacuterience du Joint Liaison Group creacuteeacute en 2001 pour coordonner les actions des Parties aux

trois laquo Conventions de Rio raquo (climat biodiversiteacute deacutesertification) a montreacute les limites drsquoune coordi-

nation resteacutee formelle par manque de moyens et de volonteacute (Maes 2013) En 2009 le JLG notait que

laquo there remains a disconnect between the roles and mandates given to the JLG by each convention with this disconnect resulting in limitations when considering the implementation of the requested activities For example only activities that are mandated by all the governing bodies of each convention could be effectively implemented by the JLG raquo51 Ses travaux se heurtent aux reacutesistances des Eacutetats et aux op-

positions politiques agrave une deacutefragmentation des reacutegimes drsquoautant qursquoil nrsquoy a pas identiteacute de Parties

drsquoun reacutegime agrave lrsquoautre Par exemple les Eacutetats-Unis sont parties agrave la Convention climat mais pas agrave la

48 UNFCCC (SBSTA) Views on the paper on options for enhanced cooperation among the three Rio Conventions Submissions from Par-ties FCCCSBSTA2006MISC4 23 March 2016 p 3 (Submission from Australia)49 Compte-rendu des reacuteunions des Confeacuterences des Parties aux Conventions de Bacircle de Rotterdam et de Stockholm 4-15 mai 2015 Bulletin des neacutegociations de la Terre vol 15 ndeg230 1905201550 S Gambardella laquo Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs dans un contexte de gouvernance inter-nationale fragmenteacutee raquo cet ouvrage infra p 14751 Joint Liaison Group of the CBD the UNCCD and the UNFCCC Ninth meeting New York 14 May 2009 Report of the Meeting of the JLG of the CBD p 3

Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

30

Convention sur la diversiteacute biologique ou au Protocole de Kyoto De fait le JLG nrsquoa eu qursquoun faible

impact sur les questions drsquointeacuterecirct commun agrave plusieurs reacutegimes (Scott 2011)

Conclusion

Agrave y regarder de plus pregraves la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement nrsquooffre pas lrsquoimage

drsquoune succession de reacutegimes fragmenteacutes et isoleacutes mais bien plutocirct celle de complexes de reacutegimes

avec de multiples centres de deacutecision indeacutependants mais en interactions reacuteguliegraveres que celles-ci

soient spontaneacutees ou construites informelles ou formaliseacutees et plus ou moins fortes et productives

La permeacuteabiliteacute de certains reacutegimes la capaciteacute circulatoire de certains acteurs favorisent lrsquoeacutemer-

gence de pratiques nouvelles et transforment la normativiteacute Lrsquoeacutetude de ces mouvements permet

drsquoidentifier un certain nombre de leviers de deacutefragmentation qui ne sont pas exclusifs les uns des

autres mais bien compleacutementaires Leur utilisation agrave dessein peut permettre drsquoameacuteliorer la gouver-

nance de cet ensemble complexe tirant parti de la souplesse de la flexibiliteacute et de la reacutesilience qui

le caracteacuterisent et minimisant les inconveacutenients drsquoune relative fragmentation La volonteacute politique

nrsquoest toutefois pas toujours au rendez-vous Pourtant lrsquoidentification des frontiegraveres planeacutetaires et

des liens qursquoelles entretiennent entre elles en font une question de survie de lrsquohumaniteacute (Biermann

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Introduction geacuteneacuterale Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs

36

37

Partie 1 Circulation des finaliteacutes environnementales et sanitaires

au sein des complexes de reacutegime

chapitre 1Les dispositions environnementales

des accords commerciaux entre innovation et diffusion

Jean-Freacutedeacuteric Morin1 et Myriam Rochette2

Reacutesumeacute

Au cours des derniegraveres deacutecennies les interactions entre les enjeux commerciaux et environ-

nementaux nrsquoont cesseacute de croicirctre et de se densifier creacuteant un veacuteritable complexe institutionnel et

juridique Les accords commerciaux en particulier incluent un nombre croissant de dispositions

environnementales Loin de favoriser une uniformisation de ces accords cette multiplication a plu-

tocirct contribueacute au deacuteveloppement de diffeacuterentes approches Les Eacutetats-Unis et lrsquoUnion europeacuteenne

en particulier ont deacuteveloppeacute des approches tregraves diffeacuterentes dans leurs accords commerciaux Il est

neacuteanmoins possible drsquoobserver une certaine convergence entre les plus reacutecents accords ameacutericains

et europeacuteens Ce complexe de reacutegimes du commerce et de lrsquoenvironnement progresse ainsi dans

cette dynamique eacutevolutive entre lrsquoinnovation et la diffusion

Abstract

International trade agreements include an increasing number of environmental provisions They are however far from being homogeneous In particular numerous discrepancies can be observed between American and European agreements in the way they approach environmental protection Yet recent American and Europeans agreements seem to have been converging The trade and environment com-plex evolves at the edge of chaos or order driven by the twin forces of innovation and diffusion

1 Universiteacute Laval Queacutebec Canada2 Universiteacute Laval Queacutebec Canada

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

38

IntroductionLe reacutegime international du commerce a connu une eacutevolution non neacutegligeable dans les reacutecentes

anneacutees avec lrsquoinclusion drsquoun nombre toujours plus important drsquoenjeux non commerciaux Parallegravele-

ment agrave la hausse du nombre drsquoaccords commerciaux le nombre de dispositions environnementales

inteacutegreacutees agrave ceux-ci a connu une croissance exponentielle De nombreux accords comportent main-

tenant une section ou un chapitre entier sur la protection de lrsquoenvironnement

Les Eacutetats-Unis et lrsquoUnion europeacuteenne (UE)3 en particulier sont deux signataires drsquoun grand

nombre drsquoaccords commerciaux4 et incluent plusieurs dispositions lieacutees agrave lrsquoenvironnement dans

leurs accords respectifs Tous les deux sont de grands innovateurs en matiegravere de normes environne-

mentales Comme lrsquoindique le graphique 1 les Eacutetats-Unis sont de loin lrsquoEacutetat qui a eacutelaboreacute le plus

grand nombre de normes environnementales laquo innovantes raquo dans ses accords commerciaux crsquoest-agrave-

dire des normes qui ne se retrouvent dans aucun accord commercial anteacuterieur5 Par ailleurs le gra-

phique 1 illustre que lrsquoUE integravegre aussi dans ses accords un nombre eacuteleveacute drsquoinnovations normatives

en lien avec lrsquoenvironnement6 Alors que les Eacutetats-Unis ont deacuteveloppeacute plusieurs innovations norma-

tives relatives agrave la mise en œuvre et agrave la participation du public lrsquoUE a plutocirct innoveacute en en matiegravere

de coopeacuteration et de renforcement de capaciteacutes7

3 Aux fins de la preacutesente analyse nous consideacuterons lrsquoUE comme un acteur unique Ainsi nous avons seulement pris en compte les accords bilateacuteraux ougrave lrsquoUE est une partie agrave cet accord Ce faisant les accords intra-europeacuteens ayant pour seules parties les Eacutetats membres de lrsquoUE tel lrsquoaccord de Nice (Accord modifiant le traiteacute sur lrsquoUnion europeacuteenne les traiteacutes instituant les communauteacutes europeacuteennes et certains actes connexes) nrsquoont pas eacuteteacute pris en compte4 I Bastiaens et I Postnikov laquo Environmental provisions in EU and US Trade Agreements and Regulatory Change in the Developing World raquo 8th annual conference on the political economy of international organizations 2015 p 15 Nous entendons par innovations lrsquointroduction drsquoune disposition relativement speacutecifique qui apparaicirct pour la premiegravere fois dans un accord commercial international Les innovations sont des cateacutegories analytiques arbitrairement construites provenant drsquoun flux continu de leacutegegraveres modifications de normes existantes 6 I Bastiaens et I Postnikov supra note 2 agrave la p 27 Ibid agrave la p 4

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

39

Plusieurs normes environnementales initialement deacuteveloppeacutees par les Eacutetats-Unis et lrsquoUnion eu-

ropeacuteenne se retrouvent dans les accords signeacutes subseacutequemment par leurs partenaires commerciaux

Quelques dispositions caracteacuteristiques des accords ameacutericains sont mecircme inteacutegreacutees dans les accords

europeacuteens et vice-versa Ainsi bien que les Eacutetats-Unis et lrsquoUE aient des traditions normatives diffeacute-

rentes ils semblent converger vers un modegravele similaire

Ce chapitre traite de ces processus drsquoinnovation et de diffusion des normes environnementales

propres aux accords ameacutericains et europeacuteens Afin de reacutealiser cette recherche nous avons minu-

tieusement lu et codeacute 660 accords commerciaux bilateacuteraux et reacutegionaux conclus depuis 1947 Ceux-

ci incluent des accords de libre-eacutechange des accords drsquounions douaniegraveres et des accords sectoriel8

Nous avons identifieacute au sein de ces accords 310 cateacutegories de dispositions environnementales diffeacute-

rentes Pour assurer la fiabiliteacute de notre base de donneacutees intituleacutee TREND (TRade amp ENvironment

Database) chacun des 660 accord a eacuteteacute lu et analyseacute par deux codeurs de maniegravere indeacutependante et

leurs eacuteventuelles divergences ont eacuteteacute arbitreacutees par un troisiegraveme9

Ce chapitre est structureacute en trois parties La premiegravere fait eacutetat des dispositions caracteacuteristiques

des accords ameacutericains et souligne leurs diffeacuterences avec les accords europeacuteens La deuxiegraveme partie

traite de la diffusion chez les pays tiers des normes typiquement ameacutericaines et europeacuteennes La

troisiegraveme partie aborde finalement la convergence des normes environnementales dans les reacutecents

accords des Eacutetats-Unis et de lrsquoUE

1) Les innovations et les caracteacuteristiques des accords ameacutericains et europeacuteens

De prime abord les Eacutetats-Unis et lrsquoUE ont inteacutegreacute dans leurs accords commerciaux des normes

environnementales tregraves diffeacuterentes Comme lrsquoindique le graphique 2 un grand nombre de disposi-

tions environnementales se retrouvent seulement ou majoritairement dans des accords signeacutes par

lrsquoUE ou les Eacutetats-Unis Drsquoun cocircteacute lrsquoUE est la seule agrave avoir incorporeacute dans ses accords le principe

des responsabiliteacutes communes mais diffeacuterencieacutees lrsquoobligation de ratifier le Protocole de Kyoto et

des normes relatives agrave lrsquoutilisation drsquoindications geacuteographiques pour proteacuteger lrsquoenvironnement De

lrsquoautre les Eacutetats-Unis sont les seuls agrave inclure dans leurs accords une norme preacutevoyant la suspension

des avantages commerciaux lors de lrsquoeacutechec du paiement drsquoune compensation moneacutetaire en cas de

non-respect de la mise en œuvre drsquoune norme environnementale Ces nombreuses normes propres

agrave ces deux grands acteurs de la scegravene internationale deacutemontrent agrave la fois une certaine dissimilitude

entre les accords des Eacutetats-Unis et de lrsquoUE et lrsquoexistence de modegraveles laquo typiquement raquo ameacutericains ou

europeacuteens

8 Les lettres drsquoaccompagnements et les accords parallegraveles quant agrave eux ne furent inteacutegreacutes que srsquoils avaient eacuteteacute signeacutes agrave la mecircme date que lrsquoaccord principal Un grand nombre de ces accords furent emprunteacutes agrave la base de donneacutees Design of Trade Agreements (DESTA) database Duumlr A L Baccini et M Elsig laquo The design of international trade agreements Introducing a new dataset raquo The Review of International Orga-nizations vol 93 2014 p 353-3759 La grille de codage que nous avons deacuteveloppeacutee et utiliseacutee peut ecirctre teacuteleacutechargeacutee sur le site wwwtrendulavalca

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

40

La preacutesente partie porte sur ces divergences entre les normes environnementales propres aux

accords des Eacutetats-Unis et de lrsquoUE et les diffeacuterents objectifs initialement poursuivis par ceux-ci ayant

meneacute agrave ces diffeacuterences Il apparaicirct que les Eacutetats-Unis ont historiquement viseacute deux objectifs princi-

paux en incluant des normes environnementales dans leurs accords commerciaux reacuteduire le risque

de dumping environnemental de la part de leurs partenaires commerciaux et proteacuteger leur propre

souveraineteacute regraveglementaire En contrepartie lrsquoUE a plutocirct opteacute pour une approche coopeacuterative qui

vise une plus grande coheacuterence entre ses objectifs de commerce de protection de lrsquoenvironnement

et de deacuteveloppement notamment avec les anciennes colonies europeacuteennes et les candidats agrave lrsquoacces-

sion agrave lrsquoUE

11 Lrsquoapproche compeacutetitive ameacutericaine

Si les Eacutetats-Unis et lrsquoUE ont cultiveacute diffeacuterentes approches face agrave la protection environnementale

dans leurs accords commerciaux ce nrsquoest pas malgreacute ce que lrsquoon pourrait croire parce que lrsquoUE im-

pose des normes plus rigoureuses en matiegravere de protection environnementale En fait jusqursquoau deacute-

but des anneacutees 90 les Eacutetats-Unis eacutetaient encore consideacutereacutes comme des preacutecurseurs dans le domaine

de lrsquoenvironnement Agrave plusieurs eacutegards ils avaient des normes nationales plus strictes que celles

des autres pays incluant de la majoriteacute des pays europeacuteens10 Si les Eacutetats-Unis et lrsquoUE ont inteacutegreacute

diffeacuteremment la protection de lrsquoenvironnement agrave leurs agendas commerciaux respectifs crsquoest plutocirct

parce qursquoils visent des objectifs bien diffeacuterents

10 D Vogel The Politics of Precaution Regulating Health Safety and Environmental Risks in Europe and the United States Princeton Prince-ton University Press 2012 p2

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

41

Lrsquoobjectif premier des Eacutetats-Unis est de niveler les conditions de concurrence avec leurs parte-

naires commerciaux Les Eacutetats-Unis craignent en particulier que leurs standards environnementaux

eacuteleveacutes ne heurtent leurs exportations si leurs concurrents eacutetrangers ne sont pas sujets agrave des regravegle-

mentations eacutequivalentes aux leurs En drsquoautres mots ils appreacutehendent un sceacutenario ougrave leurs entre-

prises seraient victimes de dumping environnemental Ainsi le rehaussement des standards envi-

ronnementaux eacutetrangers constitue lrsquoun des objectifs cleacutes de la politique commerciale ameacutericaine

Cet objectif srsquoest manifesteacute pour la premiegravere fois dans lrsquoAccord de libre-eacutechange nord-ameacutericain

(ALENA) et dans son accord de coopeacuteration sur lrsquoenvironnement (ANACDE) conclu en 1992 Bien

que des accords ameacutericains anteacuterieurs inteacutegraient deacutejagrave quelques dispositions environnementales

notamment ceux signeacutes avec Israeumll en 1985 et le Canada en 1988 lrsquoALENA est reacuteellement venu chan-

ger la donne Cet accord constitue agrave ce jour celui comportant le plus drsquoinnovations environnemen-

tales parmi tous les accords eacutetudieacutes Il repreacutesente un gigantesque bond en avant dans lrsquointeacutegration

des questions environnementales agrave lrsquoagenda commercial11

La principale meacutethode utiliseacutee par les Eacutetats-Unis dans lrsquoALENA et lrsquoANACDE pour niveler les

conditions de concurrence fut drsquoemployer une approche juridique forte obligeant les parties agrave ap-

pliquer leurs propres lois et regraveglementations12 Les standards environnementaux mexicains nrsquoeacutetaient

pas neacutecessairement faibles mais le gouvernement ameacutericain les groupes environnementaux et les

syndicats craignaient que le Mexique ne les applique pas rigoureusement afin drsquoattirer des inves-

tisseurs eacutetrangers En indiquant que chaque Partie doit garantir une laquo application efficace de ses

lois et reacuteglementations environnementales raquo13 les Eacutetats-Unis ont voulu minimiser le risque drsquoune

telle situation Les accords ameacutericains qui suivirent lrsquoALENA ont utiliseacute la mecircme technique comme

le deacutemontre le graphique 3 Les accords avec le Peacuterou le Maroc la Jordanie et la Colombie par

exemple integravegrent tous plusieurs normes relatives agrave la mise en œuvre des lois et regraveglements natio-

naux Il est drsquoailleurs notable que la totaliteacute de ces normes soient apparues pour la premiegravere fois dans

un accord ameacutericain

11 R H Steinberg laquo Trade-Environment Negotiations in the EU NAFTA and WTO Regional Trajectories of Rule Development raquo Amer-ican Journal of International Law vol XCI(2) 1997 p 231-26712 Accord nord-ameacutericain de coopeacuteration dans le domaine de lrsquoenvironnement 14 septembre 1994 agrave lrsquoart 513 Ibid

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

42

LrsquoALENA et lrsquoANACDE eacutenoncent diffeacuterents moyens drsquoassurer lrsquoapplication des lois et regraveglemen-

tations environnementales Des actions gouvernementales comme la deacutesignation drsquoinspecteurs la

surveillance lrsquoenquecircte sur des infractions preacutesumeacutees et la promotion drsquoaudits environnementaux

sont des exemples drsquoactions proposeacutees pour assurer lrsquoapplication des lois environnementales14 Par

ailleurs lorsqursquoune Partie omet systeacutematiquement drsquoappliquer sa leacutegislation environnementale une

seacuterie de proceacutedures sont preacutevues dans lrsquoALEacuteNA pouvant eacuteventuellement mener agrave la creacuteation drsquoun

groupe speacutecial arbitral chargeacute drsquoexaminer la plainte15 Ce groupe speacutecial peut imposer une compen-

sation moneacutetaire16 et dans le cas de non-paiement de celle-ci une Partie peut mecircme utiliser des me-

sures de repreacutesailles comme la suspension drsquoavantages commerciaux17 Aujourdrsquohui encore seuls

les accords ameacutericains vont jusqursquoagrave preacutevoir la suspension drsquoavantages commerciaux pour deacutefaut

drsquoappliquer une mesure environnementale nationale

Une autre meacutethode employeacutee dans lrsquoALENA et lrsquoANACDE pour eacuteviter le dumping environnemental chez les partenaires commerciaux des Eacutetats-Unis est drsquoencourager les actions

des organisations non gouvernementales environnementales Plusieurs normes ont en effet eacuteteacute

incluses pour favoriser la participation de la socieacuteteacute civile Lrsquoune drsquoelles par exemple stipule qursquoune

personne priveacutee peut deacuteposer une demande drsquoenquecircte sur des alleacutegations drsquoinfractions aux lois et

14 Ibid 15 Ibid agrave lrsquoart 24 16 Ibid agrave lrsquoart 34 17 Ibid agrave lrsquoart 36

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

43

regraveglementations environnementales18 LrsquoANACDE preacutevoit eacutegalement la possibiliteacute pour les groupes

environnementaux drsquoenvoyer une communication au Secreacutetariat afin de deacutenoncer une Partie qui

nrsquoappliquerait efficacement sa leacutegislation environnementale19 Auquel cas si le Secreacutetariat considegravere

que la communication justifie la conduite drsquoune enquecircte il peut preacuteparer un dossier factuel sur le sujet20

Cette mesure creacutee ainsi un moyen de pression politique qui incite les Parties agrave lrsquoaccord agrave srsquoassurer de

lrsquoapplication de leurs lois environnementales nationales Ces normes donnant plus de pouvoir aux groupes

de la socieacuteteacute civile ressortent comme eacutetant typiquement ameacutericaines comme le montre le graphique 4

En plus drsquoeacuteviter le dumping environnemental les Eacutetats-Unis se sont donneacute lrsquoobjectif de proteacuteger

leur pouvoir regraveglementaire en matiegravere drsquoenvironnement Cet objectif deacutecoule du constat que plu-

sieurs mesures environnementales ameacutericaines furent contesteacutees sous le GATT Sur neuf diffeacuterends

engageacutes sous le GATTOMC en matiegravere drsquoenvironnement six ciblent les Eacutetats-Unis comme reacutepon-

dants21 En outre lors des neacutegociations de lrsquoALENA drsquoautres mesures environnementales ameacutericaines

eacutetaient critiqueacutees par certains de leurs partenaires commerciaux et risquaient drsquoecirctre contesteacutees sous

le GATT incluant des exigences de tests pour des produits chimiques22 Dans ce contexte il eacutetait

prioritaire pour les Eacutetats-Unis de tenter de se preacutemunir contre de futures deacutecisions qui pourraient

18 Ibid agrave lrsquoart 6 19 Accord nord-ameacutericain de coopeacuteration dans le domaine de lrsquoenvironnement supra note 10 agrave lrsquoart 14 20 Ibid agrave lrsquoart 15 21 Les affaires sont celles concernant lrsquointerdiction des importations de thons et de produits du thon en provenance du Canada les restric-tions agrave lrsquoimportation de thon les taxes sur les automobiles les normes concernant lrsquoessence nouvelle et ancienne formule et la prohibition agrave lrsquoimportation de certaines crevettes et de certains produits de crevettes 22 D Vogel supra note 8 agrave la p 6

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

44

leur ecirctre deacutefavorables

Agrave cette fin agrave la demande des neacutegociateurs ameacutericains lrsquoALENA incorpore plusieurs dispositions

proteacutegeant la souveraineteacute reacuteglementaire des Parties Lrsquoaccord indique speacutecifiquement que chaque

Partie a le droit drsquoeacutetablir le niveau de protection qursquoelle considegravere approprieacute23 De mecircme lrsquoarticle 104

preacutecise que des restrictions agrave lrsquoimportation peuvent ecirctre appliqueacutees pour respecter les accords mul-

tilateacuteraux sur lrsquoenvironnement que les Eacutetats-Unis ont deacutejagrave ratifieacutes24 Les obligations de la CITES du

Protocole de Montreacuteal et de la Convention de Bacircle en particulier doivent preacutevaloir en cas drsquoincom-

patibiliteacute avec des dispositions de lrsquoALENA Des accords ameacutericains reacutecents vont encore plus loin en

demandant aux Parties de choisir des panellistes ayant une expertise dans le domaine de lrsquoenviron-

nement en cas de diffeacuterend commercial lieacute agrave des mesures environnementales25

Toutes ces dispositions sont des innovations normatives ameacutericaines Apregraves lrsquoALENA elles ont

eacuteteacute reproduites dans la plupart des accords ameacutericains en utilisant souvent le mecircme libelleacute drsquoun ac-

cord agrave lrsquoautre Agrave ce jour la lutte au dumping environnemental et la preacuteservation de la souveraineteacute

reacuteglementaire ameacutericaine demeurent des objectifs cleacutes de la politique commerciale ameacutericaine

12 Lrsquoapproche coopeacuterative europeacuteenne

Au deacutebut des anneacutees 1990 le leadership mondial en matiegravere de regraveglementation environnemen-

tale srsquoest deacuteplaceacutee de lrsquoautre cocircteacute de lrsquoAtlantique26 Alors que les deacutecideurs politiques ameacutericains

ont alleacutegeacute leur regraveglementation lrsquoUE devenait plus encline agrave regraveglementer mecircme lorsque des risques

environnementaux nrsquoeacutetaient pas scientifiquement eacutetablis notamment gracircce au principe de preacutecau-

tion Ce faisant les accords commerciaux europeacuteens ont commenceacute agrave inteacutegrer davantage de normes

environnementales

Comme lrsquoindique le graphique 5 les normes environnementales de lrsquoUE sont disperseacutees agrave

travers diffeacuterents enjeux environnementaux Plutocirct que de formuler des normes geacuteneacuteriques qui

couvrent tous les enjeux environnementaux comme ont tendance agrave le faire les Eacutetats-Unis les accords

europeacuteens srsquoattaquent agrave des questions speacutecifiques comme les pecirccheries durables la deacuteforestation

lrsquoeacutenergie renouvelable la gestion des deacutesastres naturels la deacutesertification lrsquoadaptation aux change-

ments climatiques les deacutechets toxiques les gaz agrave effet de serre les perturbateurs endocriniens les

meacutetaux lourds et les organismes geacuteneacutetiquement modifieacutes Quelques-unes de ces dispositions sont

par ailleurs tregraves deacutetailleacutees et prescriptives

23 Accord de libre-eacutechange nord-ameacutericain 17 deacutecembre 1992 agrave lrsquoart 904 Voir aussi R H Steinberg supra note 9 agrave la p 245 24 Ibid agrave lrsquoart 104 25 Par exemple les accords entre les Eacutetats-Unis et le Peacuterou la Colombie et le Panama integravegrent ce type de norme 26 D Vogel supra note 8 agrave la p 4

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

45

En mecircme temps lrsquoUE nrsquoa pas adopteacute une approche uniforme et standardiseacutee pour tous ses par-

tenaires27 Au lieu de calquer des normes environnementales drsquoun accord agrave lrsquoautre lrsquoUE ajuste ses

accords en fonction du contexte politique eacuteconomique et environnemental de ses partenaires Par

conseacutequent certains accords europeacuteens incluent seulement un petit nombre de dispositions environ-

nementales tandis que drsquoautres en incluent un tregraves large eacuteventail Les pays avoisinants notamment

les candidats agrave lrsquoaccession agrave lrsquoUE ont typiquement eacuteteacute sujets agrave lrsquoadoption de plusieurs obligations

environnementales contraignantes28 Ceux-ci affectant plus directement lrsquoeacutecosystegraveme des membres

de lrsquoUE ils ont eacuteteacute ameneacutes agrave accepter un plus grand nombre de normes environnementales relatives

agrave la pollution atmospheacuterique transfrontiegravere et aux bassins fluviaux

Les accords de lrsquoUE avec ces pays preacuteparent en outre le terrain pour une plus grande coopeacuteration

Lrsquoaccord drsquoassociation avec la Bosnie-Herzeacutegovine par exemple indique que la coopeacuteration entre

les Parties doit avoir comme objectif de renforcer les structures administratives et les proceacutedures

pour assurer une planification strateacutegique des enjeux environnementaux et de la coordination

entre les diffeacuterents acteurs29 De plus les candidats agrave lrsquoaccession agrave lrsquoUE doivent deacutemontrer qursquoils

27 A Duumlr et L Lechner (eacutediteacute par J-F Morin T Novotna F Ponjaert and M Telograve) Business Interests and the Transatlantic Trade and Investment Partnership The Politics Transatlantic Trade Negotiations TTIP in a Globalized World London Ashgate 2015 p 6 28 S Jinnah et E Morgera laquo Environmental Provisions in American and EU Free Trade Agreements A Preliminary Comparison and Research Agenda raquo Review of European Community and International Environmental Law vol XXII(3) 2013 p 330 29 Accord de stabilisation et drsquoassociation entre les Communauteacutes europeacuteennes et leurs Eacutetats membres et la Bosnie-et-Herzeacutegovine 6 juin 2008 agrave lrsquoart 108

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

46

souscrivent aux valeurs europeacuteennes avant de pouvoir devenir membres incluant leur souci de

proteacuteger lrsquoenvironnement Ainsi quelques accords drsquoassociation incluent une disposition speacutecifiant

que le rapprochement de leurs lois aux normes europeacuteennes doit srsquoeacutetendre agrave la protection de

lrsquoenvironnement30 Il srsquoensuit que ces normes sur lrsquoharmonisation sont caracteacuteristiques des accords

europeacuteens comme le reacutevegravele le graphique 6

En contrepartie des accords neacutegocieacutes par lrsquoUE avec des pays plus eacuteloigneacutes preacutevoient des obli-

gations plus vagues et superficielles31 Par conseacutequent alors que les Eacutetats-Unis privileacutegient une

approche standardiseacutee les normes environnementales europeacuteennes varient significativement drsquoun

accord agrave lrsquoautre Selon notre grille drsquoanalyse la distance moyenne des accords ameacutericains affiche un

indice de Jaccard de 054 cette distance est eacutetendue agrave 082 pour les accords europeacuteens32

Mais dans tous les cas les accords europeacuteens mettent lrsquoaccent sur la coopeacuteration politique plu-

tocirct que la contrainte juridique Plusieurs accords de lrsquoUE integravegrent des normes geacuteneacuterales visant la

promotion drsquoun dialogue mais peu eacutetablissent des institutions intergouvernementales responsables

du suivi de lrsquoeacutevaluation et du regraveglement des diffeacuterends environnementaux LrsquoUE a ainsi la particu-

lariteacute drsquoinscrire ses normes environnementales dans une approche plus coopeacuterative que coercitive

30 Accord de libre-eacutechange entre les Communauteacutes europeacuteennes et leurs Eacutetats membres et la Reacutepublique de lrsquoHongrie 16 deacutecembre 1991 agrave lrsquoart 68 31 S Jinnah et E Morgera supra note 26 agrave la p 334 32 Lrsquoindice de Jaccard permet de comparer la similariteacute et la diversiteacute des accords ougrave un indice de 1 indique une grande diversiteacute entre les accords tandis qursquoun indice de 0 indique une complegravete similariteacute entre les accords

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

47

Cette distinction entre lrsquoapproche europeacuteenne et ameacutericaine srsquoexplique notamment par la rela-

tion diffeacuterente qursquoentretient lrsquoUE avec ses partenaires commerciaux Dans plusieurs cas lrsquoUE ne les

perccediloit pas comme des compeacutetiteurs avec qui des regravegles de concurrence doivent ecirctre eacutetablies mais

plutocirct comme des pays en deacuteveloppement voire drsquoanciennes colonies qui requiegraverent de lrsquoassistance

afin de mettre en place un niveau de protection environnementale efficace Tel qursquoindiqueacute dans le

graphique 7 un grand nombre drsquoaccords de lrsquoUE integravegre des dispositions relatives agrave lrsquoassistance

dans leurs accords Degraves 1999 lrsquoUE incluait dans son accord avec lrsquoAfrique du Sud des dispositions deacute-

tailleacutees speacutecifiant les actions qursquoelle devait entreprendre afin de renforcer les standards environne-

mentaux sud-africains Un article parmi drsquoautres par exemple stipule que la coopeacuteration doit viser

lrsquoameacutelioration des indicateurs de performances eacutenergeacutetiques en terme techniques eacuteconomiques et

financiers en particulier dans les secteurs de lrsquoeacutelectriciteacute et des combustibles liquides33 En compa-

raison lrsquoALENA inclut uniquement une vague disposition sur la formation des ressources humaines

et sur le deacuteveloppement dans le champ de lrsquoenvironnement34 Les accords ameacutericains plus reacutecents

incluent davantage de dispositions sur le renforcement des capaciteacutes mais elles sont loin drsquoecirctre aussi

preacutecises que celles se retrouvant dans les accords europeacuteens

33 Accord de commerce de deacuteveloppement et de coopeacuteration entre la Communauteacute europeacuteenne et lrsquoAfrique du Sud 4 deacutecembre 1999 agrave lrsquoart 57(2)(c) 34 Accord nord-ameacutericain de coopeacuteration dans le domaine de lrsquoenvironnement supra note 10 agrave lrsquoart 10

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

48

Ainsi la raison pour laquelle lrsquoUE a inseacutereacute des normes environnementales dans ses accords

nrsquoeacutetait pas la crainte drsquoun dumping environnemental mais plutocirct un deacutesir drsquoacceacuteder agrave un niveau de

coheacuterence plus eacuteleveacute entre ses objectifs de commerce de deacuteveloppement et de protection de lrsquoen-

vironnement Eacutetant donneacute la complexiteacute et les diffeacuterents niveaux de la construction europeacuteenne la

coheacuterence des politiques est depuis longtemps un enjeu drsquoimportance pour lrsquoUE35 De plus depuis le

traiteacute drsquoAmsterdam de 1997 le deacuteveloppement durable est formellement reconnu comme un objectif

fondamental de lrsquoUE et la protection environnementale se doit drsquoecirctre inteacutegreacutee dans toutes ses poli-

tiques et activiteacutes Ce faisant plusieurs accords commerciaux de lrsquoUE ne poursuivent pas uniquement

des objectifs commerciaux environnementaux et de deacuteveloppement mais recherchent plutocirct une

coheacuterence entre les politiques environnementales et des secteurs eacuteconomiques speacutecifiques comme

lrsquoagriculture lrsquoeacutenergie lrsquoexploitation miniegravere et le tourisme Cette preacuteoccupation pour la coheacuterence

entre les politiques environnementales et eacuteconomiques peut ecirctre observeacutee dans le graphique 8

Mis agrave part lrsquointeacuterecirct intrinsegraveque agrave lrsquoidentification de normes caracteacuteristiques aux accords des

Eacutetats-Unis et de lrsquoUE il convient de souligner que plusieurs normes ont eacuteteacute reprises par des pays

tiers Cette diffusion meacuterite une attention particuliegravere alors qursquoelle ne srsquoeffectue pas neacutecessairement

de la mecircme maniegravere pour les normes ameacutericaines et europeacuteennes La prochaine partie se penche

preacuteciseacutement sur cette question

35 J-F Morin et A Orsini laquo Policy Coherency and Regime Complexes The Case of Genetic Resources raquo Review of International Studies vol XL(2) 2014 p 319

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

49

2) La diffusion des normes ameacutericaines et europeacuteennes

Eacutevidemment rien nrsquoempecircche une norme introduite par un Eacutetat dans un accord commercial

drsquoecirctre reprise ensuite dans les accords de son partenaire avec des tiers Cette transmission peut

creacuteer une reacuteaction en chaicircne dans laquelle ces nouveaux accords favorisent agrave leur tour la diffusion

de cette norme agrave drsquoautres Eacutetats et ce jusqursquoagrave ce que tous les principaux joueurs du systegraveme com-

mercial lrsquoaient inteacutegreacutee36 Ce processus de diffusion signifie que les deacutecisions drsquoun Eacutetat ne deacutependent

pas seulement de facteurs nationaux et des pressions internationales mais eacutegalement de deacutecisions

prises anteacuterieurement par drsquoautres Eacutetats37 Cette situation srsquoest notamment produite en ce qui a trait

aux normes environnementales europeacuteennes et ameacutericaines certaines cateacutegories de dispositions

caracteacuteristiques des accords ameacutericains et europeacuteens ont circuleacute et ont eacuteteacute inteacutegreacutees dans les accords

de leurs pays partenaires puis dans ceux de pays tiers

21 Diffusion des normes ameacutericaines

Les Eacutetats-Unis consideacutereacutes comme des preacutecurseurs en matiegravere drsquointeacutegration de normes environ-

nementales dans des accords commerciaux internationaux ont vu plusieurs de leurs normes carac-

teacuteristiques reprises Des normes sur la lutte contre le dumping environnemental la participation

du public et la protection de la souveraineteacute reacuteglementaire ont eacuteteacute calqueacutees par plusieurs de leurs

partenaires

Plusieurs normes ameacutericaines relatives agrave lrsquoapplication du droit environnemental national ont

circuleacute agrave travers des accords conclus par les partenaires des Eacutetats-Unis Comme le montre le gra-phique 3 plusieurs accords de pays ayant preacuteceacutedemment signeacute un accord avec les Eacutetats-Unis re-

prennent ces normes souvent en utilisant le mecircme libelleacute que celui formuleacute par les neacutegociateurs

ameacutericains Par exemple le Mexique a incorporeacute lrsquoobligation de mettre en œuvre ses reacuteglementa-

tions environnementales nationales innovation de lrsquoALENA dans ses propres accords notamment

ceux avec la Bolivie et le Chili38 Des dispositions concernant lrsquoaccegraves priveacute aux garanties proceacutedu-

rales et aux sanctions approprieacutees preacutesentes dans la majoriteacute des accords ameacutericains ont eacutegalement

eacuteteacute reprises par la Colombie dans son accord avec la Coreacutee39

36 F Gilardi (eacutediteacute par W Carlsnaes T Risse et B Simmons) Transnational diffusion Norms ideas and policies Handbook of International Relations Thousand Oaks SAGE Publications 2012 p 3 37 F Gilardi supra note 34 agrave la p 13 38 Accord de libre-eacutechange commercial entre le Mexique et la Reacutepublique de Bolivie 10 septembre 1994 agrave lrsquoart 15-14 laquo [hellip] ninguna Parte deberaacute eliminar o comprometerse a eximir de la aplicacioacuten de esas medidas [aplicables al ambiente] Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre le Mexique et le Chili 17 avril 1998 agrave lrsquoart 9-15 39 Accord de libre-eacutechange entre le Canada et le Chili 5 deacutecembre 1996 agrave lrsquoart 5(2) laquo Each Party shall ensure that judicial quasi-judicial or administrative enforcement proceedings are available under its law to sanction or remedy violations of its environmental laws and regula-tions raquo Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre la Colombie et la Coreacutee 21 feacutevrier 2013 agrave lrsquoart 169 Voir aussi lrsquoaccord sur lrsquoenvironnement entre le Canada et la Colombie 21 novembre 2008 agrave lrsquoart 3

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

50

Les dispositions relatives agrave la participation du public innoveacutees en grande partie par les Eacutetats-

Unis se sont eacutegalement diffuseacutees agrave travers les accords de leurs partenaires tel que lrsquoillustre le gra-phique 4 Par exemple la reconnaissance de la participation du public dans lrsquoadoption de mesures

environnementales a eacuteteacute reprise dans les accords du Chili du Guatemala et de la Colombie40 La pos-

sibiliteacute pour un citoyen drsquoeacutemettre un commentaire en cas de violation drsquoune mesure environnemen-

tale se retrouve freacutequemment agrave lrsquointeacuterieur drsquoaccords du Peacuterou et du Canada41 Les dispositions rela-

tives agrave lrsquoeacutetablissement drsquoun contact direct entre des acteurs non eacutetatiques de chaque Partie ont aussi

eacuteteacute reprises par le Chili dans ses accords avec la Chine et Hong Kong42 En somme les normes rela-

tives agrave la participation du public ont eacuteteacute inteacutegreacutees par une multipliciteacute de partenaires des Eacutetats-Unis

Les normes concernant la protection drsquoun pouvoir regraveglementaire ont eacutegalement circuleacute au sein

des accords impliquant des partenaires ameacutericains Des normes relatives agrave la liberteacute des Eacutetats de

deacuteterminer le niveau de protection de lrsquoenvironnement en fonction de leurs prioriteacutes sont mainte-

nant incorporeacutees dans un grand nombre drsquoaccords de pays ayant preacutealablement signeacute des accords

avec les Eacutetats-Unis Une telle disposition se retrouve par exemple dans lrsquoaccord signeacute par le Peacuterou

avec le Venezuela apregraves lrsquoaccord du premier avec les Eacutetats-Unis43 Aussi une norme garantissant la

souveraineteacute des Eacutetats dans la mise en œuvre des mesures environnementales se retrouve dans les

accords signeacutes entre le Canada et la Colombie le Panama et le Canada le Chili et Hong Kong tous

des accords signeacutes apregraves un accord drsquoune des parties avec les Eacutetats-Unis qui comprenait cette mecircme

norme44

Par contre les normes relatives aux meacutecanismes de regraveglement des diffeacuterends caracteacuteristiques

des accords ameacutericains se sont peu diffuseacutees Celles concernant la suspension des avantages appa-

rues initialement dans lrsquoALENA se retrouvent uniquement dans des accords ameacutericains De mecircme

les normes relatives agrave la compensation moneacutetaire en cas de violation drsquoune mesure environne-

mentale se sont tregraves peu diffuseacutees et se retrouvent seulement dans des accords signeacutes par les Eacutetats-

Unis ou le Canada Les normes faisant reacutefeacuterence agrave la nomination drsquoexperts environnementaux se

retrouvent aussi majoritairement dans des accords ameacutericains et canadiens Ainsi peu de normes

environnementales lieacutees aux meacutecanismes de regraveglements de diffeacuterends se sont diffuseacutees dans le sys-

tegraveme commercial LrsquoUE par exemple srsquoappuie principalement sur un meacutecanisme de dialogue ougrave les

gouvernements et les acteurs de la socieacuteteacute civile de lrsquoUE et ses partenaires se rencontrent sur une

base reacuteguliegravere pour reacutesoudre leurs eacuteventuels deacutesaccords45 Le modegravele ameacutericain de regraveglement des

diffeacuterends ne semble pas correspondre aux pratiques ou aux aspirations des autres pays

40 Ibid agrave lrsquoart L-02(2)(b) laquo Provide interested persons and the other Party a reasonable opportunity to comment on such proposed mea-sures raquo Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre le Chili et la Colombie 27 novembre 2006 agrave lrsquoart 182(6) 41 Accord sur lrsquoenvironnement entre le Canada et la Reacutepublique du Peacuterou 29 mai 2008 agrave lrsquoart 3(2) 42 Accord de libre-eacutechange entre la Chine et le Chili 18 novembre 2005 agrave lrsquoart 4 du Meacutemorandum de coopeacuteration environnementale laquo [hellip] establezcan y desarrollen contactes entre ellas en el campo de la proteccioacuten ambiental y el desarrollo sostenible raquo Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre Hong Kong le Chili et la Chine 7 septembre 2012 agrave lrsquoart 143(2) 43 Accord de libre-eacutechange entre le Peacuterou et le Venezuela 7 janvier 2012 agrave lrsquoart 3(2) de lrsquoAnnexe III laquo Cada Parte podraacute fiar el nivel de proteccioacuten que considere apropiado [hellip] raquo 44 Accord de libre-eacutechange entre le Canada et la Colombie supra note 33 agrave lrsquoart 2(3) laquo [hellip] a Party has not failed to effectively enforce its environmental law in a particular case where the action or inaction in question by agencies or officials of that Party [hellip] raquo Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre le Canada et le Panama 14 mai 2010 agrave lrsquoart 1(2) Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre le Chili Hong Kong et la Chine supra note 36 agrave lrsquoart 142(3)45 I Bastiaens et I Postnikov supra note 2 agrave la p 5

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

51

22 Diffusion des normes europeacuteennes

Agrave lrsquoimage des normes ameacutericaines les normes typiquement europeacuteennes se diffusent

eacutegalement Des dispositions traitant drsquoenjeux environnementaux speacutecifiques drsquoassistance

technique et de coheacuterence circulent dans le systegraveme commercial et se retrouvent dans des

accords de pays ayant preacuteceacutedemment signeacute un accord avec lrsquoUE En mecircme temps toutes les

normes europeacuteennes ne connaissent pas une diffusion eacutequivalente comme celles ameacutericaines

Un grand nombre drsquoEacutetats se sont tout drsquoabord inspireacutes du modegravele europeacuteen en incorporant dans

leurs accords des normes portant sur des enjeux speacutecifiques environnementaux comme lrsquoindique le

graphique 5 Par exemple les normes relatives agrave la gestion des riviegraveres des bassins et des lacs trans-

frontiegraveres se retrouvaient au deacutepart majoritairement dans des accords europeacuteens mais sont main-

tenant inteacutegreacutees dans plusieurs autres accords46 Des normes relatives aux deacutechets domestiques

principalement preacutesentes et innoveacutees par des accords europeacuteens ont pareillement circuleacute47 En re-

vanche ce pheacutenomegravene ne srsquoeacutetend pas agrave tous les enjeux speacutecifiques environnementaux Par exemple

les normes relatives aux aliments organiques ou agrave la seacutecuriteacute nucleacuteaire se retrouvent toujours majo-

ritairement dans les accords signeacutes par lrsquoUE et peu dans ceux de ses pays partenaires

Ensuite les normes relatives agrave lrsquoassistance ont eacutegalement circuleacute agrave travers les accords de pays

partenaires de lrsquoUE comme le montre le graphique 7 Bien que la majoriteacute des dispositions relatives

agrave lrsquoassistance sont inteacutegreacutees dans des accords dont lrsquoUnion europeacuteenne est Partie certaines font

maintenant partie de la pratique drsquoautres pays Par exemple le Chili suite agrave son accord avec lrsquoUE a

inteacutegreacute des normes preacutevoyant le renforcement des capaciteacutes eacutetatiques et le transfert de technologie

environnementale dans ses accords avec la Turquie et la Malaisie48 Le Chili a eacutegalement repris les

normes europeacuteennes concernant lrsquoassistance technique la formation et le renforcement des capaci-

teacutes des acteurs non eacutetatiques dans son accord avec les Eacutetats-Unis49

Les normes europeacuteennes relatives agrave la coheacuterence des politiques se sont eacutegalement diffuseacutees

comme lrsquoindique le graphique 8 Par exemple la recherche de coheacuterence entre les politiques tou-

ristiques et lrsquoenvironnement est un objectif qui existait agrave lrsquoorigine que dans les accords europeacuteens et

qui se retrouvent maintenant dans drsquoautres accords50 La recherche drsquoune coheacuterence entre les poli-

tiques drsquoexploitation miniegravere et de protection environnementale a aussi eacuteteacute reprise dans des accords

46 Accord de libre-eacutechange entre la Colombie et le Panama 20 septembre 2013 agrave lrsquoart 96(3)(k) laquo En el Plan de Accioacuten Conjunto de coo-peracioacuten las Partes realizaran inter alia las siguientes actividades que se acuerden mutuamente [hellip] ejecutar proyectos bilaterales en gestioacuten integrada de cuencas hidrograacuteficas compartidas o transfronterizas raquo 47 Accord de libre-eacutechange entre Israeumll et le Mexique 10 avril 2000 agrave lrsquoannexe 2-02(1) laquo Restrictions on imports of waste and scrap of plastic rubber paper metal and glass that are maintained for ecological purposes raquo 48 Accord de libre-eacutechange entre le Chili et la Malaisie 18 avril 2012 agrave lrsquoart 95(3) laquo [hellip] through developing and endorsing mutually agreed special programmes and projects dealing inter alia with the transfer of knowledge and technology raquo Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre le Chili et la Turquie 14 juillet 2009 agrave lrsquoart 37(8) 49 Accord de libre-eacutechange entre les Eacutetats-Unis et le Chili 6 juin 2003 agrave lrsquoannexe 193 50 Accord de libre-eacutechange entre le Costa Rica Panama et EFTA 24 juin 2013 agrave lrsquoart 97(2) laquo The Parties shall endeavour to facilitate and promote the development of practices and programmes aiming at fostering appropriate economic returns from the conservation and sustain-able use of the environment such as ecotourism raquo

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

52

de partenaires tout comme les normes voulant srsquoassurer de la coheacuterence des politiques agricoles et

environnementales51

Malgreacute la grande diffusion du modegravele europeacuteen dans le systegraveme commercial certaines normes

europeacuteennes nrsquoont pas connu une diffusion aussi large que drsquoautres Crsquoest le cas des dispositions

climatiques proposeacutees dans un grand nombre drsquoaccords europeacuteens LrsquoUE est sans aucun doute le

principal instigateur de lrsquointeacutegration des questions climatiques aux neacutegociations commerciales Pour

autant plusieurs partenaires europeacuteens apregraves les avoir accepteacutees dans leurs accords avec lrsquoUE ne

srsquoempressent pas de les imiter dans leurs accords subseacutequents LrsquoUE peine donc agrave jouer un reacuteel rocircle

de meneur sur les questions climatiques puisque ces normes demeurent encore limiteacutees aux accords

dont elle est partie En drsquoautres mots lrsquoUE parvient difficilement agrave exporter ses normes en matiegravere de

changements climatiques soit lrsquoun des enjeux speacutecifiques auquel lrsquoUE srsquointeacuteresse le plus au-delagrave de

ses partenaires immeacutediats De cette maniegravere la question climatique est encore largement sous-deacuteve-

loppeacutee par rapport agrave drsquoautres enjeux environnementaux dans le reacutegime international du commerce

comme la protection des forecircts et la preacuteservation des espegraveces menaceacutees

La diffusion des approches ameacutericaines et europeacuteennes aux accords de leurs pays partenaires

semble avoir finalement eu pour effet de modifier le contenu de leurs propres accords Certaines

normes caracteacuteristiques des accords ameacutericains semblent tout particuliegraverement faire maintenant

partie des accords europeacuteens et vice-versa La prochaine section aborde cette possible convergence

agrave lrsquoaube drsquoune nouvelle geacuteneacuteration de grands partenariats reacutegionaux

3) La convergence des accords ameacutericains et europeacuteens

Bien que lrsquoUE ait succeacutedeacute aux Eacutetats-Unis en tant que meneur en matiegravere de regraveglementation envi-

ronnementale les Eacutetats-Unis nrsquoont pas abaisseacute leur approche environnementale lors de leurs reacutecentes

neacutegociations commerciales Les accords commerciaux ameacutericains peuvent encore ecirctre consideacutereacutes

comme eacutetant parmi les plus stricts en matiegravere drsquoenvironnement Les diffeacuterences qui subsistent entre

lrsquoEurope et les Eacutetats-Unis srsquoestompent neacuteanmoins alors qursquoils semblent mutuellement srsquoinspirer

Crsquoest ce que reacutevegravele le graphique 9 eacutelaboreacute agrave partir de mesures de distance de Jaccard Alors

que les premiers accords commerciaux europeacuteens affichent une forte diffeacuterence avec les accords

ameacutericains illustreacutee par une teinte jaune clair les normes environnementales des accords europeacuteens

signeacutes depuis 2008 sont similaires aux accords commerciaux ameacutericains signeacutes depuis 2003 comme

en teacutemoigne lrsquoindicateur de distance plus eacuteleveacute associeacute agrave une coloration rouge fonceacute

51 Accord de libre-eacutechange entre les Eacutetats-Unis et le Chili supra note 47 agrave lrsquoannexe 193(1)(b) laquo The United States will assists Chile in reducing contamination and pollution resulting from past mining practices by working with Chile to identify sources of pollution and explore cost-effective remediation methods raquo

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

53

31 Lrsquoeuropeacuteanisation des accords ameacutericains

Les Eacutetats-Unis ont reacutecemment adopteacute des accords inteacutegrant des normes typiques europeacuteennes

teacutemoignant drsquoune certaine convergence entre leurs dispositions environnementales Avant 2006 la

majoriteacute des accords ameacutericains incluaient peu de dispositions environnementales deacutetailleacutees sur des

enjeux speacutecifiques Cela changea toutefois en 2007 apregraves que les Deacutemocrates gagnegraverent le controcircle

du Seacutenat et de la Chambre des repreacutesentants Face agrave ce nouveau paysage politique lrsquoadministration

reacutepublicaine accepta de reacuteviser sa politique commerciale afin de renforcer la protection de lrsquoenviron-

nement dans ses accords commerciaux Les accords en attente drsquoecirctre ratifieacutes par le Congregraves furent

alors les premiers agrave ecirctre reacuteviseacutes en deacutebutant par lrsquoaccord avec le Peacuterou Cet accord integravegre des dis-

positions environnementales que le gouvernement ameacutericain qualifiait agrave lrsquoeacutepoque de reacutevolution-

naires52

En particulier lrsquoaccord Eacutetats-Unis-Peacuterou et les accords ratifieacutes par la suite requiegraverent la mise en

œuvre drsquoune seacuterie drsquoaccords multilateacuteraux sur lrsquoenvironnement De plus cette obligation est assu-

jettie aux mecircmes proceacutedures de regraveglement des diffeacuterends que les dispositions environnementales

Ce faisant les Eacutetats-Unis eacutetendent lrsquoaspect coercitif des regraveglements commerciaux aux accords envi-

ronnementaux des accords mieux connus pour leur gestion relativement souple de lors non-respect

52 Ustr laquo TPP in the Wild Fighting Illegal Trade raquo 2015 p 49

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

54

Cette mesure ne vise pas uniquement agrave niveler la concurrence avec les partenaires commerciaux

des Eacutetats-Unis mais plutocirct agrave assurer une mise en œuvre adeacutequate des accords multilateacuteraux qui re-

flegravetent les valeurs ameacutericaines Lrsquoincorporation du moratoire sur la chasse agrave la baleine par exemple

ne vise pas agrave assurer une concurrence loyale au sein de lrsquoindustrie baleiniegravere mais bien pour faire la

promotion drsquoune norme sociale en faveur de la protection des mammifegraveres marins qui est profon-

deacutement ancreacutee dans la socieacuteteacute ameacutericaine depuis 1970 Comme Jinnah et Morgera lrsquoont observeacute le

lien entre les accords commerciaux bilateacuteraux et les accords multilateacuteraux sur lrsquoenvironnement est

maintenant utiliseacute par le gouvernement ameacutericain pour apaiser les revendications des groupes en-

vironnementaux nationaux53 Cela suggegravere que les Eacutetats-Unis ont utiliseacute leurs accords commerciaux

pour promouvoir leurs normes environnementales et leurs valeurs comme le faisait deacutejagrave lrsquoUE

Lrsquoaccord Eacutetats-Unis-Peacuterou est eacutegalement le premier accord agrave inclure une annexe de huit pages

sur la gouvernance des forecircts qui a pour objectif de combattre lrsquoexploitation forestiegravere illeacutegale et le

commerce illeacutegal de la faune Cette annexe inclut des normes varieacutees speacutecifiques et prescriptives

incluant des peacutenaliteacutes des sanctions criminelles des inventaires des quotas des chaines de traccedilabiliteacute

et audit de producteurs54 Le reacutecent Partenariat Trans-Pacifique (TPP) inclut eacutegalement plusieurs autres

dispositions sur des enjeux environnementaux speacutecifiques dont des articles deacutetailleacutes sur les pecirccheries

la protection de la couche drsquoozone et la protection de lrsquoenvironnement marin contre la pollution

des navires Comme lrsquoindique le graphique 5 les Eacutetats-Unis suivent ainsi lrsquoapproche europeacuteenne

qui consiste agrave aborder des enjeux environnementaux speacutecifiques dans leurs accords commerciaux

Aucun accord ameacutericain ne requiert la mise en œuvre de la Convention sur la diversiteacute biolo-

gique Neacuteanmoins lrsquoaccord avec le Peacuterou inclut un article deacutedieacute agrave la diversiteacute biologique qui a pris

plusieurs analystes par surprise En vertu de cet accord les parties reconnaissent lrsquoimportance de la

preacuteservation des savoirs traditionnels des communauteacutes autochtones55 Dans un accord parallegravele les

Parties reconnaissent eacutegalement lrsquoimportance de lrsquoobtention du consentement eacuteclaireacute avant drsquoavoir

accegraves aux ressources geacuteneacutetiques et du partage de beacuteneacutefices provenant de lrsquoutilisation des ressources

geacuteneacutetiques en insistant sur la qualiteacute des brevets Consideacuterant que les Eacutetats-Unis ont toujours refu-

seacute de ratifier la Convention sur la diversiteacute biologique lrsquoinclusion de tels principes dans le contexte

drsquoun accord commercial est tregraves significative LrsquoUE quant agrave elle a depuis longtemps encourageacute le

principe du partage des beacuteneacutefices avec les fournisseurs des ressources geacuteneacutetiques et les deacutetenteurs

des savoirs traditionnels56 Cela indique une fois de plus une certaine convergence des accords ameacute-

ricains et europeacuteens

Les Eacutetats-Unis incluent aussi dans leurs accords reacutecents plusieurs dispositions relatives au ren-

forcement des capaciteacutes que ce soit dans un chapitre deacutevoueacute agrave lrsquoenvironnement dans un accord

parallegravele dans un accord de coopeacuteration ou dans une annexe Bien que certains accords ameacutericains

53 S Jinnah et E Morgera supra note 26 agrave la p 337

54 Ibid agrave la p 300 Voir aussi S Jinnah et J Kennedy laquo A New Era of Trade-Environment Politics Learning from US Leadership and its Consequences Abroad raquo Whitehead Journal of Diplomacy and International Relations vol XII(1) 2011 p 95-109

55 Accord de libre-eacutechange entre le Peacuterou et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique 12 avril 2006 agrave lrsquoart 1811(3)

56 Accord de libre-eacutechange entre lrsquoUnion europeacuteenne et la Coreacutee 6 octobre 2010 agrave lrsquoart 1040 Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre lrsquoUnion europeacuteenne et lrsquoUkraine 21 mars 2014 agrave lrsquoart 229 Voir aussi lrsquoaccord de libre-eacutechange entre lrsquoUnion europeacuteenne et le CARIFORUM 15 octobre 2008 agrave lrsquoart 150

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

55

plus anciens incluaient deacutejagrave des dispositions sur le renforcement des capaciteacutes aucune nrsquoeacutetait aus-

si preacutecise et deacutetailleacutee sur lrsquoassistance technique sur le transfert des technologies et sur lrsquoassistance

financiegravere que ne le sont les reacutecents accords Ainsi la mise en œuvre des obligations de renforce-

ment des capaciteacutes preacutevues par les accords ameacutericains avec lrsquoOman le Maroc le Chili et le Peacuterou

ont meneacute agrave eux seuls agrave la formation de plus de 8 200 personnes dans la gestion des ressources natu-

relles et la conservation de la biodiversiteacute agrave lrsquoadoption de plus de 700 mesures environnementales

agrave lrsquoorganisation de campagnes de sensibilisation du public atteignant plus de 11 000 000 personnes

et agrave lrsquoameacutelioration de la gestion des ressources naturelles drsquoune zone cumuleacutee de plus de 30 millions

drsquohectares57

Puisque la Coreacutee nrsquoest plus consideacutereacutee comme un pays en deacuteveloppement le reacutecent accord entre

celle-ci et les Eacutetats-Unis ne preacutevoit pas drsquoobligations sur le renforcement des capaciteacutes et le transfert

des technologies Neacuteanmoins il est lrsquoun des premiers traiteacutes ameacutericains agrave inclure une disposition sur

lrsquoharmonisation des reacuteglementations environnementales nationales Les deux parties se sont plus

preacuteciseacutement engageacutes agrave harmoniser leurs standards de performance environnementale des veacutehicules

motoriseacutes par la coopeacuteration bilateacuterale au sein du World Forum for Harmonization of Vehicle Regu-lations of the United Nations Economic Commission for Europe58 Ce type de mesure relative agrave lrsquohar-

monisation des normes nationales eacutetait jusqursquoalors une caracteacuteristique des accords europeacuteens qui

nrsquoeacutetait pas partageacutee par les accords ameacutericains

Ces dispositions environnementales inseacutereacutees dans les accords commerciaux ameacutericains depuis

2006 indiquent que les Eacutetats-Unis ne cherchent plus seulement agrave lutter contre le dumping environ-

nemental et preacuteserver leur souveraineteacute reacuteglementaire Bien que ces objectifs demeurent cruciaux

les Eacutetats-Unis cherchent maintenant aussi agrave atteindre une plus grande coheacuterence entre le commerce

lrsquoenvironnement et les objectifs de deacuteveloppement durable agrave lrsquoimage des accords europeacuteens

32 Lrsquoameacutericanisation des accords europeacuteens

Agrave lrsquoinstar des accords ameacutericains qui couvrent un eacuteventail de normes plus eacutetendu qursquoaupara-

vant les reacutecents accords europeacuteens gagnent en profondeur avec des regravegles de mise en œuvre plus

strictes En effet lrsquoUE a adopteacute une approche plus ameacutericaine lors de ses neacutegociations commerciales

depuis lrsquoadoption de la Strateacutegie globale de lrsquoEurope en 200659 Avant cela la plupart des accords

bilateacuteraux eacutetaient neacutegocieacutes dans le cadre de sa politique de voisinage ou avec des objectifs drsquoaide au

deacuteveloppement Agrave partir de 2006 cependant lrsquoeacutevidente stagnation des neacutegociations multilateacuterales agrave

lrsquoOMC a inciteacute lrsquoUE agrave appreacutehender les neacutegociations bilateacuterales comme un outil plus offensif LrsquoUE a

ainsi engageacute des pourparlers bilateacuteraux avec des eacuteconomies majeures afin de conclure des accords

plus ambitieux et aux beacuteneacutefices eacuteconomiques plus conseacutequents Lrsquoobjectif avoueacute de ces nouveaux

accords europeacuteens est de contribuer agrave la compeacutetitiviteacute de lrsquoEurope60 Cet eacutetat drsquoesprit a eu comme

57 Ustr laquo Standing Up for the Environnent Trade for a Greener World raquo 2015 p 13

58 Accord de libre-eacutechange entre les Eacutetats-Unis et la Coreacutee du Sud 30 juin 2007 agrave lrsquoart 97

59 Commission Europeacuteenne laquo Global Europe Competing in the World raquo 2006

60 Commission Europeacuteenne laquo Global Europe Competing in the World raquo supra note 57 agrave la p 1

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

56

conseacutequence drsquoamener lrsquoUE agrave inseacuterer des dispositions environnementales qui visent agrave lutter contre

le dumping environnemental de leurs concurrents eacutetrangers ce que les Eacutetats-Unis font depuis plus

de 25 ans

La signature en 2008 de lrsquoaccord entre lrsquoEurope et les Eacutetats des Caraiumlbes marqua un point tour-

nant agrave bien des eacutegards Crsquoest agrave partir de ce moment que lrsquoUE insegravere systeacutematiquement un chapitre ou

une section consacreacute agrave lrsquoenvironnement dans ses accords commerciaux Ce faisant lrsquoUE abandonne

son approche traditionnellement eacuteclectique et adapteacutee aux besoins et inteacuterecircts de ses partenaires

commerciaux au profit drsquoune approche plus systeacutematique avec un chapitre standardiseacute eacutevoluant

agrave la marge drsquoune neacutegociation agrave lrsquoautre61 Comparativement aux Ameacutericains qui preacuteconisent cette

meacutethode depuis lrsquoALENA la standardisation des neacutegociations commerciales est une reacutealiteacute relative-

ment nouvelle pour lrsquoUE comme lrsquoillustre le graphique 1062

Graphique 10 ndash Eacutevolution de la distance entre les accords europeacuteens relativement agrave leurs normes environnementales

61 S Jinnah et E Morgera supra note 26 agrave la p 337 62 Les accords europeacuteens signeacutes avant 1991 affichent une apparente forte similariteacute mais cela est uniquement ducirc au fait qursquoils incluent tregraves peu de normes environnementales Ils sont similaires dans leur relative ignorance de lrsquoenvironnement

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

57

Afin de concevoir son chapitre standardiseacute sur le deacuteveloppement durable lrsquoUE srsquoest largement

inspireacutee des expeacuteriences drsquoautres pays63 Une importante source drsquoinformations pour lrsquoUE fut lrsquoeacutetude

de lrsquoOCDE de 2007 intituleacutee Environment and Regional Trade Agreements64 analysant en deacutetail les

neacutegociations et lrsquoapplication des dispositions environnementales inteacutegreacutees dans divers accords com-

merciaux Par ailleurs lrsquoUE a commandeacute agrave Jacques Bourgeois Kamala Dawar et Simon Evenett une

eacutetude intituleacutee A Comparative analysis of Selected Provisions in Free Trade Agreements65 qui compare

notamment les dispositions environnementales de 27 accords commerciaux Dans ces deux rapports

et dans la vaste majoriteacute de la litteacuterature acadeacutemique lrsquoANACDE est preacutesenteacute comme une perceacutee

normative pour avoir introduit quelques-unes des normes environnementales les plus strictes du reacute-

gime international du commerce66 Ces eacutetudes ont ainsi contribueacute agrave faire des accords ameacutericains une

des principales sources drsquoinspiration pour la nouvelle geacuteneacuteration drsquoaccords de lrsquoUE encourageant la

convergence des accords ameacutericains et europeacuteens

LrsquoUE srsquoest notamment inspireacutee des accords ameacutericains pour ce qui a trait agrave lrsquoaspect environne-

mental de la protection des investissements Avant 2007 et le traiteacute de Lisbonne lrsquoinvestissement

eacutetranger ne faisait pas partie des compeacutetences de lrsquoUE et les accords commerciaux de lrsquoUE ne comp-

taient pas de chapitre sur lrsquoinvestissement Mecircme si les Eacutetats membres de lrsquoUE neacutegociaient des ac-

cords bilateacuteraux sur lrsquoinvestissement depuis de nombreuses anneacutees la grande majoriteacute drsquoentre eux

nrsquoincluent aucune mesure environnementale De fait le modegravele franccedilais allemand ou britannique

de traiteacute bilateacuteral sur lrsquoinvestissement nrsquoinclut pas drsquoexception environnementale Cela peut srsquoexpli-

quer par le fait que jusqursquoagrave reacutecemment les pays europeacuteens nrsquoavaient pas encore ducirc faire face agrave des

diffeacuterends environnementaux controverseacutes initieacutes par des investisseurs eacutetrangers En comparaison

la chapitre 11 de lrsquoALENA a donneacute lieu agrave plusieurs litiges lieacutes agrave la protection environnementale Ce

fut le cas dans les affaires de Glamis Golde Metalclad Ethyl Myers Sun Belt Methanex Crompton

Clayton St Maryrsquos VCNA Windsteam et Lone Pine67

Sans neacutecessairement avoir anticipeacute le nombre de diffeacuterends qui seraient traiteacutes les neacutegociateurs

de lrsquoALENA ont inclus une exception environnementale dans le chapitre 11 qui indique que rien dans

ce chapitre ne peut ecirctre mis en place pour empecirccher une Partie drsquoadopter de maintenir ou drsquoappliquer

une mesure qursquoelle considegravere comme neacutecessaire pour srsquoassurer que les activiteacutes drsquoinvestissements

sur son territoire sont entreprises drsquoune maniegravere conforme agrave la protection environnementale68 Il est

de plus preacutevu que les Parties ne doivent pas adoucir leurs mesures environnementales nationales

pour encourager les investisseurs eacutetrangers agrave venir srsquoeacutetablir chez elles69 Outre ces deux dispositions

63 R Zvelc (eacutediteacute par E Morgera) Environmental Integration in EU Trade Policy The Generalised System of Preferences Trade Sustainabil-ity Impact Assessments and Free Trade Agreements The External Environmental Policy of the European Union Cambridge Cambridge University Press 2012 p 194 64 Ocde laquo Environment and Regional Trade Agreements raquo 2007 65 J Bourgeois K Dawar et S J Evenett laquo A Comparative Analysis of Selected Provisions in Free Trade Agreements raquo DG Trade 2007 212 p 66 e g R H Steinberg supra note 9 67 G Gagneacute et J-F Morin laquo The Evolving American Policy on Investment Protection Origins Scope and Prospects raquo Journal of Interna-tional Economic Law vol IX (2) 2006 p 13 68 Accord de libre-eacutechange nord-ameacutericain supra note 18 agrave lrsquoart 11141 69 Ibid agrave lrsquoart 11142

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

58

drsquoautres normes relieacutees agrave lrsquoenvironnement ont eacuteteacute ajouteacutees dans les accords ameacutericains subseacutequents

agrave lrsquoALENA incluant une reacutefeacuterence aux accords multilateacuteraux sur lrsquoenvironnement la reconnais-

sance du pouvoir discreacutetionnaire des Parties et une deacutefinition du droit de lrsquoenvironnement Depuis

2003 et agrave la suite de diffeacuterends controverseacutes sous lrsquoALENA ougrave des investisseurs consideacuteraient qursquoils

devaient recevoir une compensation pour des regraveglementations environnementales qui avaient un

effet eacutequivalent agrave une expropriation les neacutegociateurs ameacutericains ont systeacutematiquement inclus une

mesure dans leurs accords clarifiant ce problegraveme Cette mesure preacutecise que laquo lors de rares circons-

tances [hellip] des actions regraveglementaires non discriminatoires conccedilues et appliqueacutees pour proteacuteger des

objectifs leacutegitimes du bien-ecirctre public comme la santeacute la seacutecuriteacute et lrsquoenvironnement ne constituent

pas des expropriations indirectes raquo70

Srsquoinspirant des accords ameacutericains lrsquoUE a inteacutegreacute quelques-unes de ces dispositions dans ses

plus reacutecents accords Les accords signeacutes apregraves 2008 reproduisent lrsquoobligation de maintenir le ni-

veau de protection environnementale et lrsquointerdiction drsquoassouplir les lois environnementales pour

attirer des investissements eacutetrangers Plus reacutecemment lrsquoUE a eacutegalement inteacutegreacute agrave ses accords une

clarification indiquant que les mesures prises dans lrsquointeacuterecirct du bien-ecirctre public ne constituent pas

des expropriations indirectes Ainsi il ressort que les leccedilons de lrsquoALENA et les mesures conccedilues par

les Eacutetats-Unis pour limiter les risques de demandes drsquoindemnisation ont eacuteteacute adopteacutees par lrsquoUE Un

autre eacuteleacutement que lrsquoUE a emprunteacute aux Eacutetats-Unis est le meacutecanisme utiliseacute pour srsquoassurer que les

Parties drsquoun accord appliquent bel et bien leurs propres lois environnementales Comme il est pos-

sible drsquoobserver dans le graphique 3 de reacutecents accords europeacuteens integravegrent ces normes Drsquoune

maniegravere similaire agrave lrsquoANACDE les accords signeacutes apregraves 2008 stipulent que les Parties ont le devoir

drsquoappliquer leurs lois environnementales Une demande de consultation peut ecirctre formuleacutee si une

Partie considegravere que lrsquoautre eacutechoue agrave faire respecter efficacement ses lois environnementales Lrsquoac-

cord entre le Canada et UE reproduit aussi une disposition deacutetailleacutee provenant de lrsquoaccord parallegravele

de lrsquoANACDE en lien avec lrsquoaccegraves aux garanties proceacutedurales et les recours permettant des actions

juridiques efficaces contre les violations des lois environnementales71

Afin de renforcer davantage le niveau de protection environnementale de ses partenaires com-

merciaux lrsquoUE a aussi calqueacute des dispositions relieacutees agrave la participation de la socieacuteteacute civile que lrsquoon

retrouvait traditionnellement dans des accords ameacutericains comme lrsquoindique le graphique 4 Depuis

son accord signeacute avec les Eacutetats des Caraiumlbes lrsquoUE integravegre une disposition mentionnant que les Par-

ties doivent consulter les diffeacuterentes parties prenantes lorsqursquoils introduisent de nouvelles mesures

environnementales Ils ajoutent aussi que les Parties doivent mettre en place un meacutecanisme permet-

tant aux mecircmes parties prenantes de soumettre des commentaires de demander des consultations

ou de faire des recommandations sur le respect des obligations environnementales Lrsquoaccord entre

lrsquoUE et la Moldavie par exemple indique que chaque Partie doit se reporter agrave un comiteacute consultatif

70 Accord de libre-eacutechange entre les Eacutetats-Unis et le Chili 6 juin 2003 agrave lrsquoAnnexe 10-D 4(b) 71 Accord eacuteconomique et commercial global entre le Canada et lrsquoUnion europeacuteenne agrave lrsquoart X6

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

59

sur le deacuteveloppement durable agrave propos de la mise en œuvre de cet accord commercial en question72

Comme les Eacutetats-Unis lrsquoUE ne tente pas uniquement de niveler la concurrence entre les Par-

ties agrave lrsquoaccord Elle a aussi lrsquoobjectif de proteacuteger sa capaciteacute regraveglementaire Bien que les diffeacuterends

environnementaux soient moins freacutequents de nos jours lrsquoUE a fait face agrave un nombre appreacuteciable de

plaintes concernant des mesures sanitaires et de santeacute publique Plusieurs ont contesteacute le principe de

preacutecaution dans les affaires relatives aux hormones de bœuf73 aux OGM74 et agrave lrsquoamiante75 De plus

plusieurs regraveglementations environnementales europeacuteennes pourraient ecirctre contesteacutees agrave lrsquoOMC dans

un avenir rapprocheacute notamment au sujet de ses exigences de recyclage eacutelectronique de son systegraveme

drsquoagreacutement des produits chimiques de sa limitation des eacutemissions de gaz agrave effet de serre des compa-

gnies aeacuteriennes eacutetrangegraveres et de ses restrictions des produits chimiques et des perturbateurs endocri-

niens Cependant en incluant des garde-fous additionnels dans ses accords bilateacuteraux commerciaux

lrsquoUE restreint les contestations Cela envoie eacutegalement un signal rassurant aux citoyens europeacuteens

notamment ceux qui srsquoopposent agrave lrsquoagenda libre-eacutechangiste de la Commission europeacuteenne

Bien sucircr des diffeacuterences persistent entre lrsquoapproche ameacutericaine et lrsquoapproche europeacuteenne Lrsquoune

des plus flagrantes est lrsquoinsistance des Eacutetats-Unis agrave permettre lrsquoutilisation du meacutecanisme de regravegle-

ment des diffeacuterends geacuteneacuteral de ses accords commerciaux pour les violations des dispositions envi-

ronnementales76 La diffusion de telles normes nrsquoa pas encore reacuteussi puisque ces dispositions ne se

retrouvent encore que dans les accords ameacutericains Mecircme dans les plus reacutecents accords europeacuteens

les diffeacuterends concernant des dispositions environnementales sont seulement sujets agrave des consulta-

tions gouvernementales Par contre lrsquointeacutegration dans les accords europeacuteens des normes concernant

la mise en œuvre et la participation des parties prenantes inspireacutees par les objectifs traditionnel-

lement ameacutericains et lrsquoextension dans les accords ameacutericains de dispositions sur des enjeux speacuteci-

fiques et le renforcement des capaciteacutes teacutemoignent de lrsquoexistence drsquoune reacuteelle convergence entre les

plus reacutecents accords ameacutericains et europeacuteens

Conclusion

Les preacuteceacutedentes pages deacutemontrent agrave quel point les neacutegociations commerciales ont eacutevolueacute agrave

travers le temps Au deacutepart lrsquoobjectif premier des neacutegociations commerciales eacutetait drsquoobtenir des

reacuteductions tarifaires ce qui nrsquoest plus le cas aujourdrsquohui Le mandat des neacutegociateurs commerciaux

englobe maintenant plusieurs autres domaines que le commerce incluant la protection environne-

mentale De ce fait les neacutegociations ne se deacuteroulent plus de la mecircme maniegravere Loin de fonctionner

en vase clos elles sont permeacuteables aux normes que drsquoautres Eacutetats deacuteveloppent agrave travers le complexe

institutionnel du commerce et de lrsquoenvironnement

72 Accord drsquoassociation entre lrsquoUnion europeacuteenne et la communauteacute europeacuteenne de lrsquoeacutenergie atomique et leurs Eacutetats membres drsquoune part et la reacutepublique de la Moldavie drsquoautre part 27 juin 2014 agrave lrsquoart 37673 OMC laquo Communauteacutes europeacuteennes ndash Mesures concernant les viandes et les produits carneacutes (hormones) raquo 1996 74 OMC laquo Communauteacutes europeacuteennes ndash Mesures affectant lrsquoapprobation et la commercialisation des produits biotechnologiques raquo 2003 75 OMC laquo Communauteacutes europeacuteennes ndash Mesures affectant lrsquoamiante et les produits en contenant raquo 1998 76 J Schott et C Cimino laquo Crafting a Transatlantic Trade and Investment Partnership What can be Done raquo Policy Brief 13-8 Washing-ton DC Peterson Institute for International Economics 2013 p 14 Voir aussi S I Akhtar et V C Jones Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP) Negotiations Washington Congressional Research Service 2014 p 377

Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et adaptation

60

Bien que traditionnellement les Eacutetats-Unis et lrsquoUE ont adopteacute des normes environnementales

diffeacuterentes dans leurs accords commerciaux il est maintenant possible drsquoobserver quelques simi-

lariteacutes entre les deux approches Malgreacute des distinctions apparentes entre les motivations initiales

pour lrsquointeacutegration de normes environnementales dans les accords ameacutericains et europeacuteens les deux

acteurs convergent progressivement vers un modegravele commun

Une diffusion des normes ameacutericaines et europeacuteennes agrave travers des accords de pays partenaires

est eacutegalement notable En effet une grande partie des normes typiquement ameacutericaines est reprise

par des Eacutetats qui ont neacutegocieacute un accord avec les Eacutetats-Unis et le mecircme pheacutenomegravene se produit avec

les normes caracteacuteristiques des accords europeacuteens Des dispositions relatives agrave la mise en œuvre agrave la

participation du public et agrave des enjeux environnementaux speacutecifiques sont aujourdrsquohui incorporeacutees

dans une majoriteacute drsquoaccords commerciaux Cependant quelques normes typiquement ameacutericaines

et europeacuteennes ont eu plus de difficulteacute agrave circuler comme crsquoest le cas des normes ameacutericaines trai-

tant des meacutecanismes de regraveglements des diffeacuterends et les normes europeacuteennes sur les changements

climatiques

Les neacutegociations de lrsquoaccord entre les Eacutetats-Unis et lrsquoUnion europeacuteenne quant au Partenariat

transatlantique sur le commerce et lrsquoinvestissement nous eacuteclaireront davantage sur la convergence

des normes environnementales ameacutericaines et europeacuteennes Deacutejagrave le mandat de neacutegociation confeacutereacute

agrave la Commission europeacuteenne par le Conseil comme le mandat confeacutereacute par le Congregraves agrave lrsquoadministra-

tion ameacutericaine converge agrave plusieurs eacutegards Les deux documents insistent principalement sur leur

point de convergence entre les Eacutetats-Unis et lrsquoEurope alors que les questions plus deacutelicates comme

le changement climatique et le principe de preacutecaution ont eacuteteacute savamment ignoreacutees La neacutegociation

de cet accord transatlantique sera peut-ecirctre lrsquooccasion drsquoaccentuer encore lrsquoapprentissage de part et

drsquoautre et drsquoinnover conjointement en eacutelaborant un modegravele commun

Jean-Freacutedeacuteric MORIN et Myriam ROCHETTE

61

chapitre 2Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

dans les conventions internationales lieacutees agrave la biodiversiteacute

Claire Lajaunie1 et Pierre Mazzega2

Reacutesumeacute

Suivant une analogie avec lrsquoeacutepideacutemiologie nous eacutetudions la transmission la circulation et la

persistance des thegravemes de santeacute dans les conventions CBD CMS et CITES et les reacutesolutions ou deacute-

cisions de leurs Confeacuterences des Parties (COPs) gracircce agrave la fouille de textes qui reacutevegravele qursquoune frac-

tion des termes utiliseacutes est lieacutee aux questions de santeacute ndash santeacute humaine santeacute animale et santeacute des

eacutecosystegravemes ndash et agrave lrsquoenvironnement Une premiegravere analyse montre la diffusion de ces termes dans

les conventions et les reacutesolutions des COPs au cours du temps au travers drsquoun reacuteseau induit par

leur transmission entre textes La CBD joue un rocircle central comme source de termes lieacutes agrave la santeacute

et agrave lrsquoenvironnement Lrsquoutilisation drsquoune hieacuterarchisation des principaux concepts solliciteacutes lors de

la fouille de texte (micro-ontologies) nous conduit ensuite agrave mener une reacuteflexion sur la nature du

lien entre la connaissance veacutehiculeacutee dans les conventions et les eacutechelles des systegravemes eacutecologiques

qursquoelles entendent reacuteguler Enfin les eacuteleacutements essentiels de notre approche sont discuteacutes ainsi que les

perspectives de deacuteveloppement et de geacuteneacuteralisation agrave un corpus plus ample issu du droit internatio-

nal de lrsquoenvironnement

Abstract

Drawing an analogy to epidemiology we study the transmission circulation and persistence of

health issues in the CBD CMS and CITES Conventions and in the resolutions or decisions of their

Conferences of Parties (COPs) Text mining reveals that a fraction of the set of terms contained in

those texts is linked to health issues - human health animal health and ecosystem health - and the

environment A preliminary analysis shows how these terms are diffusing in the conventions and in

the resolutions of their COPs over time through a network induced by their transmission between

texts The CBD plays a central role as a source of terms related to health and the environment The

use of hierarchical organization of the main concepts used in the mining of the texts (micro-onto-

logies) then leads us to reflect on the nature of the relationship between knowledge conveyed in

conventions and scales of ecological systems they intend to regulate Finally the essential elements

of our approach are discussed as well as prospects for development and generalization to a broader

corpus of international environmental law

1 INSERM Aix Marseille Univ Universiteacute de Toulon Univ Pau amp Pays Adour CNRS DICE CERIC Aix-en-Provence France clairelajaunieinsermfr2 GET Geacuteosciences Environnement Toulouse UMR5563 CNRS IRD Universiteacute de Toulouse 14 av E Belin 31400 Toulouse France pierremazzegaciampgetompeu

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

62

1) Introduction

Inteacuteresseacutes par lrsquoeacutemergence des questions de santeacute au sein des conventions lieacutees agrave la biodiversiteacute

et en relation avec le thegraveme des maladies infectieuses nous avons commenceacute par nous interroger

sur lrsquoeacutevolution de lrsquousage de concepts et de termes lieacutes agrave cette theacutematique3 et sur la faccedilon dont ces

termes se transmettent agrave la fois drsquoune convention agrave lrsquoautre et drsquoune Confeacuterence des Parties (COP) agrave

lrsquoautre au sein drsquoune mecircme convention4 Nous avons eacutegalement associeacute cette eacutevolution agrave une seacuterie de

deacuteclarations drsquoengagements internationaux ou drsquoinitiatives exteacuterieures telles que lrsquoEacutevaluation des

Eacutecosystegravemes pour le Milleacutenaire5 afin de mettre en eacutevidence les influences de ces eacuteveacutenements sur la

faccedilon dont les questions de santeacute eacutemergent et sont preacutesenteacutees lors des COPs

Forts des reacutesultats de ce premier travail nous avons deacutecideacute drsquoentreprendre une analyse plus

preacutecise des processus drsquoeacutemergence des questions de santeacute en reacutealisant une fouille du corpus textuel

constitueacute des conventions CBD CMS et CITES ndash qui jouent le rocircle majeur dans cette dynamique

eacutecartant Ramsar et la convention UNFCCC dont lrsquoimportance est relativement marginale eu eacutegard

au thegraveme de la santeacute ndash et des reacutesolutions ou deacutecisions de leurs COPs6 respectives Certains termes

nous apparaissant se propager au sein des conventions comme par contagion il nous a sembleacute inteacute-

ressant de partir de ce pheacutenomegravene et drsquoexploiter lrsquoanalogie avec la transmission des pathogegravenes en

eacutepideacutemiologie Cette analogie srsquoavegravere constructive au sens ougrave lrsquoeacutepideacutemiologie eacutetudie la transmission

la circulation ou la persistance des agents pathogegravenes alors que notre objectif est de maniegravere simi-

laire de proposer une approche exploratoire de modeacutelisation des processus en jeu dans la transmis-

sion la circulation ou la persistance des termes de santeacute au sein drsquoune laquo population raquo constitueacutee par

lrsquoensemble des textes du corpus

Ici lorsque nous parlons de transmission nous cherchons agrave comprendre quelle est la convention

source principale de la transmission de termes au sein des COPs et en fonction du temps quelles

COPs jouent un rocircle moteur dans cette transmission La circulation est repreacutesenteacutee par la relation

drsquointermeacutediariteacute crsquoest-agrave-dire que nous examinons quelles COPs des trois conventions permettent

le passage de questions de santeacute drsquoune convention agrave une autre Enfin lrsquoeacutetude de la persistance nous

permet de repeacuterer lrsquoapparition de termes dans chaque convention et leur eacuteventuel maintien au cours

du temps dans les deacutecisions des COPs ulteacuterieures

Dans le preacutesent article nous preacutecisons comment nous avons constitueacute le corpus textuel et de

quelle maniegravere nous avons extrait les termes relevant de la theacutematique de la santeacute qui sont eacutegale-

ment en lien avec lrsquoenvironnement (Sec2) La fouille de texte nous permet ensuite drsquoidentifier les

eacuteleacutements drsquoontologie utiliseacutes et drsquoanalyser leur relation avec des eacutechelles eacutecologiques (Sec3) Le sui-

vi au cours du temps de lrsquooccurrence de termes speacutecifiques rend compte de leur persistance dans des

3 Dans cette eacutetude nous consideacuterons que la theacutematique de la santeacute est composeacutee de plusieurs thegravemes lieacutes agrave la santeacute et agrave lrsquoenvironnement biodiversiteacute maladies santeacute impact etc (Cf Sec3)4 C Lajaunie and P Mazzega laquo One Health and Biodiversity conventions The emergence of health issues in Biodiversity conventions raquo IUCN Academy of Environmental Law eJournal volume 7 2016a Issue 7 105-121 httpwwwiucnaelorgene-journalcurrent-issue-5 C Lajaunie S Morand and A Binot laquo The link between health and biodiversity in Southeast Asia through the example of infectious diseases raquo Environmental Justice vol 8(1) 2015 p 26-316 De mecircme la preacutesente eacutetude nous a conduits agrave reacutealiser une fouille de texte de la CBD et des reacutesolutions de ces COPs pour en identi-fier les thegravemes environnementaux majeurs Voir C Lajaunie and P Mazzega (2016) Mining CBD Brazilian Journal of International Law vol13(2) 277-292 doi 105102rdiv13i24058

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

63

seacuteries de COPs Les relations de transmission et de circulation de termes induisent un reacuteseau (Sec4)

dont les sommets sont un sous-ensemble (tous les textes nrsquoeacutetant pas laquo contamineacutes raquo) des textes du

corpus Lrsquoanalyse de ce reacuteseau met en eacutevidence le rocircle des textes comme source receveur ou inter-

meacutediaire de circulation terminologique La mecircme approche est ensuite deacuteveloppeacutee agrave un niveau de

repreacutesentation seacutemantique plus inteacutegrateur (en utilisant une hieacuterarchisation des concepts) celui des

thegravemes mettant en eacutevidence une dynamique plus stable drsquoeacutemergence et de circulation des thegravemes

de santeacute dans ces conventions Lrsquointeacuterecirct et le potentiel de notre approche sont discuteacutes en Sec5 et

les principales conclusions de ce travail sont preacutesenteacutees en section 6

2) Le corpus textuel et les termes de santeacute

Parmi les conventions lieacutees agrave biodiversiteacute nous avons choisi drsquoexaminer la Convention sur la

Diversiteacute Biologique (CBD 1992) la Convention sur la conservation des espegraveces migratrices appar-

tenant agrave la faune sauvage (CMS 1979) et la Convention sur le commerce international des espegraveces

de faune et de flore sauvages menaceacutees drsquoextinction (CITES 1973) Drsquoapregraves notre premiegravere eacutetude ces

trois conventions sont les premiegraveres conventions lieacutees agrave la biodiversiteacute agrave avoir vu lrsquoeacutemergence des

questions de santeacute et leur theacutematique est de fait en lien avec une vision holistique de la santeacute telle

que proposeacutee par lrsquoapproche One Health agrave lrsquointerface de la santeacute humaine de la santeacute animale et de

la santeacute de lrsquoenvironnement7 Les sites internet sur lesquels nous avons teacuteleacutechargeacute les textes du cor-

pus les dates des confeacuterences des parties (COPs) et le nombre de reacutesolutions adopteacutees par chacune

drsquoelles sont indiqueacutes en Table 1 ceci pour la CBD la CMS et la CITES

Dans cet article nous entendons par laquo reacutesolution raquo aussi bien des reacutesolutions proprement dites

que des deacutecisions ou parfois (cas de la CITES) des recommandations Le deacutetail de cette nomenclature

est preacutesenteacute en Annexe Le corpus que nous analysons ici rassemble les textes des trois Conventions

des 364 reacutesolutions issues des 12 COPs de la CBD tenues entre 1994 et 2014 des 175 reacutesolutions is-

sues des 11 COPs de la CMS tenues entre 1985 et 2914 et des 89 reacutesolutions issues des 16 COPs de la

CITES tenues entre 1976 et 2013

Les termes nominaux complexes sont extraits de chaque texte du corpus agrave lrsquoaide du logiciel

TermoStat8 qui compte leur nombre drsquooccurrence et eacutevalue leur degreacute de speacutecificiteacute9 relativement

agrave un tregraves large corpus de textes repreacutesentatif de lrsquousage commun actuel de lrsquoanglais Nous ne nous

inteacuteressons pas aux termes nominaux simples la plupart du temps trop geacuteneacuteraux mais aux termes

complexes - pour laquo diversiteacute biologique raquo par exemple le terme nominal est laquo diversiteacute raquo ndash car ils

sont plus directement en relation avec les theacutematiques des conventions Le rang des termes ordon-

neacutes par nombre drsquooccurrence ou speacutecificiteacute deacutecroissants donne un premier aperccedilu de la terminolo-

gie en usage dans les textes Cependant nous nrsquoutilisons pas par la suite ces deux mesures (nombre

drsquooccurrences et speacutecificiteacute) car lrsquoestimation du nombre drsquooccurrences est biaiseacutee par des effets de

7 C Lajaunie and P Mazzega laquo One Health and Biodiversity conventions The emergence of health issues in Biodiversity conventions raquo IUCN Academy of Environmental Law eJournal Issue 7 2016a 105-121 httpwwwiucnaelorgene-journalcurrent-issue-8 P Drouin laquo Term extraction using non-technical corpora as a point of leverage raquo Terminology 9(1) 2003 p 99-1179 P Lafon laquo Sur la variabiliteacute de la freacutequence des formes dans un corpus raquo Mots vol 1 1980 p 128-165

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

64

seacutemantique ou de pragmatique non deacutetectables par lrsquoanalyse terminologique simple (par exemple

lrsquousage des pronoms) Ainsi une occurrence drsquoun terme complexe au moins suffit agrave ce qursquoil soit pris

en compte dans notre analyse Une veacuterification manuelle a montreacute environ 5 drsquooccurrences non

deacutetecteacutees (erreur par omission a contrario tout terme deacutetecteacute est effectivement preacutesent dans le texte

analyseacute) Agrave partir du corpus nous obtenons une liste de 22172 termes nominaux complexes (ou ex-

pressions) de laquelle nous retirons 4316 expressions trop geacuteneacuterales (par ex laquo absolute certainty raquo

laquo international guidance raquo etc) trop speacutecifiques (par ex laquo third meeting raquo laquo next financial period raquo

etc) ou reacutesultant drsquoerreurs (erreurs lieacutees au deacutecoupage syntaxique ndash ou parsing ndash automatique des

textes conduisant par exemple agrave prendre un verbe pour un nom erreurs drsquoorthographe des docu-

ments source) Apregraves ce filtrage nous disposons de 8867 termes complexes distincts pour les textes

de la CBD 2565 pour ceux de la CMS et 3450 pour ceux de la CITES

Ensuite nous proceacutedons agrave lrsquoinspection de ces listes dans lesquelles nous identifions les termes

que nous consideacuterons comme eacutetant lieacutes agrave la santeacute (santeacute humaine santeacute animale santeacute des eacuteco-

systegravemes) La relation laquo est lieacute agrave raquo est conccedilue de maniegravere extensive et reacutesulte bien entendu drsquoune

interpreacutetation des textes et des eacutevolutions juridiques et politiques qursquoils expriment Prenons deux

exemples un terme tregraves geacuteneacuteral le laquo bien-ecirctre humain raquo et une expression speacutecifique la laquo gestion

future des pousseacutees de maladies aviaires raquo Le bien-ecirctre humain est directement lieacute aux questions

de santeacute au sens ougrave la santeacute a eacuteteacute deacutefinie par lrsquoOrganisation Mondiale de la Santeacute comme laquo un eacutetat

de complet bien-ecirctre physique mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de ma-

ladie ou drsquoinfirmiteacute raquo10 Ainsi les accords environnementaux internationaux ou les deacuteclarations in-

ternationales11 utilisent indiffeacuteremment la notion de santeacute humaine ou de bien-ecirctre humain notam-

ment lorsqursquoil srsquoagit des liens santeacuteenvironnement De son cocircteacute la gestion future des pousseacutees de

grippes aviaires est une question qui apparaicirct notamment dans la Reacutesolution 827 de la CMS (2005)

ougrave elle est eacutevoqueacutee en consideacuteration de lrsquoeacutevaluation des risques associeacutes agrave la conservation et agrave la dy-

namique des populations drsquooiseaux Cette reacutesolution appelle en fait agrave la mise en œuvre drsquoapproches

inteacutegreacutees pour faire face agrave la grippe aviaire dont les oiseaux sont les vecteurs Il srsquoagit de conjuguer

les connaissances des speacutecialistes de la faune sauvage et de la gestion des zones humides avec celles

des responsables de la santeacute publique et des zoonoses (veacuteteacuterinaires agriculteurs eacutepideacutemiologistes

virologues meacutedecins) Comme le laquo bien-ecirctre humain raquo la laquo gestion future des pousseacutees de grippes

aviaires raquo concerne la faune sauvage et ses liens avec la santeacute animale et humaine

Faire apparaicirctre ce type de relations de maniegravere explicite permet de voir le chemin critique du

deacuteveloppement de ces notions en relation avec la santeacute telles qursquoelles sont mentionneacutees et eacutevoluent

au sein des conventions sur la biodiversiteacute La Figure 1 montre les nombres de termes complexes no-

minaux et de termes lieacutes agrave la theacutematique de la santeacute que nous avons identifieacutes en fonction de la date

des COPs ceci pour les trois conventions Le rocircle preacutepondeacuterant de la CBD comme institution envi-

ronnementale prenant en consideacuteration et veacutehiculant des thegravemes lieacutes agrave la santeacute degraves la publication de

10 Preacuteambule agrave la constitution de lrsquoOrganisation Mondiale de la Santeacute adopteacute par la Confeacuterence internationale sur la Santeacute New York 19-22 juin 194611 Voir notamment le Preacuteambule de la Deacuteclaration de Stockholm (1972) ou le Preacuteambule de la Deacuteclaration de Rio (1992)

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

65

la Convention en 1992 y apparaicirct clairement Nous avons identifieacute 78 termes complexes relevant de

la theacutematique de la santeacute dans la convention CBD (Convention et reacutesolutions des COPs)

En ce qui concerne la CMS on constate des apparitions sporadiques agrave partir de la premiegravere COP

quantitativement peu significatives puis un pic en 2005 lieacute agrave une premiegravere reacutesolution sur les espegraveces

migratrices et la grippe aviaire hautement pathogegravene (Reacutesolution 827) qui coiumlncide eacutegalement avec

lrsquoadoption du Regraveglement Sanitaire International (OMS 2005) A partir de cette date on note une

certaine persistance des questions de santeacute avec notamment en 2008 une reacutesolution sur le deacutefi des

maladies eacutemergentes et en 2011 une reacutesolution qui met en eacutevidence le rocircle de la faune sauvage dans

les maladies infectieuses12 Nous avons ainsi deacutenombreacute 91 termes complexes distincts relatifs agrave la

theacutematique de la santeacute dans tous nos textes CMS

Enfin dans la CITES qui rappelons-le est un texte concernant le commerce des espegraveces en

danger les questions de santeacute sont moins preacutesentes On peut neacuteanmoins constater qursquoen 1994 une

reacutesolution srsquoest inteacuteresseacutee aux questions de maladies et de mortaliteacute13 (et sources lieacutees agrave la mortaliteacute

annuelle des espegraveces) puis en 1997 deux reacutesolutions significatives sont intervenues lrsquoune concernant

la coopeacuteration et la synergie avec la CBD et lrsquoautre ayant trait aux meacutedecines traditionnelles14 Ce

sont les dates de plus forte apparition de termes de santeacute on compte au total 50 termes complexes

distincts relatifs au thegraveme de la santeacute dans tous nos textes lieacutes agrave la CITES

La Table 2 preacutesente les termes complexes qui apparaissent dans le plus grand nombre de textes

du corpus Agrave partir de 2004 les enjeux de santeacute commencent agrave ecirctre diffuseacutes dans les reacutesolutions

des COPs de plusieurs conventions Les expressions laquo precautionary approach raquo laquo human health raquo

laquo human well-being raquo ou laquo risk assessment raquo montrent une reacuteelle persistance employeacutes degraves les reacute-

solutions de la COP02 CBD ils sont reacuteguliegraverement reacuteutiliseacutes dans les COPs ulteacuterieures Issus de la

convention CBD ces termes sont en quelque sorte transmis comme le seraient des pathogegravenes agrave

certaines COPs de la CMS (laquo human health raquo apparaicirct aussi dans la COP13 CITES) Il est cepen-

dant trop tocirct pour savoir srsquoils vont y persister Des dynamiques diffeacuterentes regraveglent lrsquousage drsquoautres

termes laquo Pest management raquo apparaicirct degraves la COP2 CBD se propage dans quelques COPs suivantes

de la Convention sur la diversiteacute biologique puis disparait laquo Avian influenza raquo apparaicirct en 2006

dans les reacutesolutions de la COP8 CBD se transmet aux COP9 (2008) et COP10 de la CMS (2011) et

depuis nrsquoest plus reacuteemployeacute dans les reacutesolutions des COPs CBD CMS ou CITES Cependant la

disparition de certains termes en tant que tels ne doit pas ecirctre analyseacutee drsquoembleacutee comme lrsquoindi-

cation drsquoun problegraveme reacutesolu ou drsquoune sous-theacutematique qui nrsquoest plus consideacutereacutee Des questions

de modes terminologiques preacutesident parfois au choix des termes ou encore des termes peuvent

ecirctre compris dans une notion plus globalisante dans tous ces cas la question de synonymie peut

ecirctre importante (par exemple avec lrsquoutilisation de bien-ecirctre plutocirct que bien-ecirctre) Certains termes

12 Voir aussi les reacutesolutions subseacutequentes CMS Reacutesolution 98 La reacuteponse au deacutefi des maladies eacutemergentes et reacute-eacutemergentes chez les espegraveces migratrices y compris la grippe aviaire H5N1 hautement pathogegravene 2008 ou CMS Reacutesolution 1022 Maladies de la faune sauvage et espegraveces migratrices 201113 CITES Reacutesolution 911 Utilisation des animaux vivants confisqueacutes appartenant agrave des espegraveces inscrites aux annexes COP9 199414 CITES COP10 Reacutesolution 104 Coopeacuteration et synergie avec la Convention sur la diversiteacute biologique Reacutesolution 1019 Les meacutedecines traditionnelles 1997

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

66

constituent en fait une sous-partie drsquoun thegraveme thegravemes pouvant ecirctre agrave leur tour rassembleacutes sous

des theacutematiques communes Comme nous allons le voir dans le sect4 il arrive qursquoun terme disparaisse

des reacutesolutions des COPs au profit drsquoun terme en fait plutocirct drsquoun thegraveme ou drsquoune theacutematique plus

geacuteneacuteral Crsquoest par exemple ce qui se passe pour le terme laquo Avian Influenza raquo qui nrsquoest plus reacuteem-

ployeacute apregraves 2011 et auquel se substitue la notion beaucoup plus syntheacutetique de laquo One Health raquo

3) Eacuteleacutements drsquoontologie juridique et eacutechelles eacutecologiques

Le suivi de lrsquoapparition de la circulation et de lrsquoeacuteventuelle persistance drsquoune expression parti-

culiegravere peut preacutesenter un inteacuterecirct en soi (par exemple pour les notions de laquo santeacute humaine raquo laquo ap-

proche eacutecosysteacutemique raquo) Mais outre que ce suivi est drsquoune fiabiliteacute relative la cible terminologique

srsquoavegravere souvent trop eacutetroite pour ecirctre repreacutesentative drsquoun thegraveme Si par exemple on srsquointeacuteresse agrave la

prise en compte de la santeacute humaine dans les conventions il serait preacutefeacuterable de consideacuterer comme

synonymes (relation de type laquo est eacutequivalent agrave raquo) les expressions laquo human health raquo et laquo human well-being raquo (voir ci-dessus) ce qui conduirait agrave agreacuteger leurs occurrences (cf Table 2) Si lrsquointeacuterecirct porte sur

la seacutecuriteacute biologique nous pourrions consideacuterer les expressions telles que laquo biosafety framework raquo

laquo national biosafety raquo (ainsi que laquo national biosafety framework raquo) laquo protocol on biosafety raquo ou en-

core laquo biosafety clearing-house raquo et les hieacuterarchiser via des relations ontologiques de type laquo concep-

tuellement plus eacutetroit raquo laquo conceptuellement plus large raquo15 ou de type laquo est une partie de raquo Notre

objectif nrsquoeacutetant de construire ni une ontologie geacuteneacuterale16 ni une ontologie de domaine (par ex onto-

logie leacutegale17 de lrsquoenvironnement18 de la santeacute19) notre approche pragmatique (tendance drsquoailleurs

actuelle20) consiste agrave eacutetablir des laquo micro-ontologies raquo hieacuterarchiseacutees par thegravemes jusqursquoau niveau des

termes complexes nominaux identifieacutes dans notre corpus

Nous distinguons 3 niveaux ontologiques pertinents pour notre analyse celui des termes (et

pour lesquels nous avons preacutesenteacute des reacutesultats dans la section preacuteceacutedente) celui des thegravemes et celui

de la theacutematique Les treize thegravemes que nous avons hieacuterarchiseacutes sous la laquo theacutematique santeacute raquo sont

biodiversiteacute maladies santeacute impact connaissance mortaliteacute pathogegravene processus (eacutecolo-

giques) ressource risque et menace seacutecuriteacute technologie alerte (warning) Chacun de ces mots

nrsquoest pas agrave consideacuterer ici sous lrsquoangle du champ seacutemantique qursquoil couvre dans la langue naturelle

mais comme un label attribueacute agrave une hieacuterarchie drsquoexpressions (que nous appelons micro-ontologie)

issues du corpus que nous analysons Ces thegravemes reprennent et organisent lrsquoensemble des termes

nominaux complexes que nous avons identifieacutes comme eacutetant lieacutes agrave la santeacute dans notre corpus Pour

15 R Boulet laquo Introduction drsquoindices structuraux pour lrsquoanalyse de reacuteseaux multiplexes raquo 2de Conf Modegraveles et lprimeAnalyse des Reacuteseaux Approches Matheacutematiques et Informatique (MIRAMI) Grenoble 19 - 21 oct 2011 httpmarami-2011imagfrdocumentsmarami11_Bouletpdf 16 T R Gruumlber laquo Ontology raquo In the Encyclopedia of Database Systems Liu Ling Oumlzsu M Tamer (Eds) Springer-Verlag Berlin Germa-ny 200917 G Sartor P Casanovas M Biasiotti M Fernaacutendez-Barrera (Eds) Approaches to legal ontologies Theories Domains Methodologies Springer Netherlands 2011 18 E Pafilis S P Frankild J Schnetzer L Fanini S Faulwetter C Pavloudi K Vasileiadou P Leary J Hammock K Schul C S Parr C Arvanitidis and L J Jensen laquo ENVIRONMENTS and EOL identification of environment ontology terms in text and the anno-tation of the Encyclopedia of Life raquo Bioinformatics 31(11) 2015 p 1872ndash1874 doi 101093bioinformaticsbtv04519 R J Fante laquo An ontology of health a characterization of human health and existence raquo Zygon 44 2009 p 65ndash84 doi 101111j1467-9744200900986x20 N Guarino and M Musen laquo Applied ontology the next decade begins raquo Applied Ontology 10 2015 p 1-4

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

67

illustrer notre propos deux micro-ontologies sont preacutesenteacutees en Figure 2 la hieacuterarchie du thegraveme

laquo santeacute raquo et celle du thegraveme laquo maladie raquo Le thegraveme laquo santeacute raquo rassemble les termes relevant de la santeacute

humaine de la santeacute animale et de la santeacute des eacutecosystegravemes Le terme laquo One Health raquo tend aujourdrsquohui

agrave devenir une expression geacuteneacuterique qui recouvre ces trois secteurs de la santeacute mais cette eacutevolution

terminologique et politique eacutemergente21 nrsquoest ni acheveacutee ni encore pleinement eacutetablie et stable Par

suite ce terme est mis au mecircme niveau ontologique que les termes laquo santeacute humaine raquo laquo santeacute ani-

male raquo laquo santeacute des eacutecosystegravemes raquo (et laquo santeacute globale raquo) place qui pourrait changer agrave lrsquoavenir Cer-

tains termes sont regroupeacutes comme synonymes (relation laquo est eacutequivalent agrave raquo) le maintien de leurs

distinctions seacutemantiques nrsquoeacutetant pas utile pour lrsquoanalyse que nous faisons de la transmission de la

circulation et de la pertinence des thegravemes de la santeacute dans les conventions consideacutereacutees

La deacutetermination de ces niveaux ontologiques nous a conduits agrave consideacuterer qursquoils avaient un

lien avec les eacutechelles eacutecologiques Cette intuition provient de lrsquoexploitation de lrsquoanalogie avec lrsquoeacutepi-

deacutemiologie et la dynamique des maladies infectieuses les interactions hocirctes-pathogegravenes varient en

fonction de lrsquoeacutechelle spatiale consideacutereacutee et du temps ce qui a une incidence directe sur la dynamique

des maladies et la persistance des pathogegravenes22

On peut ici comparer lrsquoeacutechelle eacutecologique consideacutereacutee avec les niveaux ontologiques au sens ougrave

les observations et les conditions de lrsquoanalyse vont diffeacuterer en fonction du niveau ontologique exa-

mineacute En effet en eacutecologie la notion drsquoeacutechelle est capitale tant au niveau spatial et temporel qursquoau

niveau de la deacutefinition de lrsquohabitat ou de la repreacutesentation de la structure du vivant23 Crsquoest agrave cette

derniegravere que fait reacutefeacuterence la CBD dans sa deacutefinition de la diversiteacute biologique Elle srsquointeacuteresse agrave la

variabiliteacute des organismes vivants en distinguant la diversiteacute au sein des espegraveces entre espegraveces ou

la diversiteacute des eacutecosystegravemes24 Il est naturel que lrsquoon retrouve lrsquoexpression de cette distinction dans

les niveaux ontologiques puisqursquoils reacutesultent notamment des termes nominaux complexes de la CBD

(convention avec le plus grand nombre de termes identifieacute)

Lrsquointeacuterecirct de ces eacuteleacutements ontologiques est de reacuteveacuteler au juriste une grille drsquoanalyse qui lui per-

mette drsquoeacutelaborer un droit reacuteflexif crsquoest-agrave-dire un droit contenant des proceacutedures drsquoeacutevaluation in-

terne et des modegraveles de deacutecision au sein des institutions qui contribuent agrave reacuteduire les dommages en-

vironnementaux et agrave ameacuteliorer les beacuteneacutefices des deacutecisions prises dans le champ environnemental25

Crsquoest eacutegalement une incitation agrave prendre en compte la notion drsquoeacutechelle dans la deacutefinition du droit

de lrsquoenvironnement qui en ignorant cette question risque de reproduire des solutions adapteacutees agrave

une certaine eacutechelle eacutecologique agrave un autre niveau auquel ces mecircmes solutions produiront des effets

21 C Lajaunie and P Mazzega laquo One Health and Biodiversity conventions The emergence of health issues in Biodiversity conventions raquo IUCN Academy of Environmental Law eJournal Issue 7 2016a 105-121 httpwwwiucnaelorgene-journalcurrent-issue-22 P H Thrall and J J Burdon laquo The spatial scale of pathogen dispersal Consequences for disease dynamics and persistence raquo Evo-lutionary Ecology Research 1 1999 p 681ndash70123 J Martin G Plattner E Porcher R Julliard J Touroult et L Poncet Synthegravese bibliographique des changements drsquoeacutechelles carto-graphiques et des relations eacutecologiques entre les espegraveces et leurs habitats Paris SPN-CESCO-MNHN MEDDE 2014 83 p24 Article 2 de la Convention sur la Diversiteacute biologique deacutefinition de la diversiteacute biologique25 E Orts laquo A reflexive model of environmental regulation raquo Business Ethics Quarterly 5(4) 1995 779-794

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

68

neacutegatifs2627

Dans la perspective de reacutepondre agrave la complexiteacute et agrave la dynamique des systegravemes socio-eacutecolo-

giques il nous apparaicirct essentiel avec J B Rhul28 de deacutevelopper un droit lui-mecircme adaptatif et dy-

namique et qui integravegre de faccedilon iteacuterative les avanceacutees scientifiques

4) Reacuteseaux de transmissioncirculation des thegravemes de la Santeacute

Dans notre corpus quelles sont les sources des termes lieacutes agrave la santeacute Quelles COPs ont le plus

drsquoinfluence pour diffuser ces termes ou au contraire pour les reprendre Selon quel scheacutema srsquoopegravere

la circulation de ces termes Les reacutesolutions de certaines COPs ont-elles plutocirct un rocircle intermeacutediaire

de transmission de termes Les termes lieacutes agrave la santeacute affectent-ils plusieurs conventions Les scheacute-

mas de transmission circulation et persistance des termes lieacutes agrave la santeacute diffeacuterent-ils selon lrsquoeacutechelle

drsquoagreacutegation terminologique ou seacutemantique utiliseacutee pour lrsquoanalyse

Pour reacutepondre agrave ces questions nous produisons et analysons des graphes (reacuteseaux) dont les

sommets sont soit le texte drsquoune des trois conventions soit les reacutesolutions des COPs au total 42

sommets29 Nous proceacutedons ensuite de la maniegravere suivante a) Graphe des termes agrave lrsquoeacutechelle de

reacutesolution des termes (nominaux complexes) nous creacuteons un lien de poids N entre deux COPs si N

termes leurs sont communs ce lien est orienteacute de la COP la plus ancienne vers la COP la plus reacute-

cente b) Graphe des thegravemes agrave lrsquoeacutechelle de reacutesolution des thegravemes un lien est creacuteeacute entre deux COPs

si chacune drsquoelles utilise au moins un terme (pas neacutecessairement le mecircme) de la micro-ontologie du

mecircme thegraveme le lien est pondeacutereacute par le nombre de thegravemes communs Quant agrave lui le niveau de la theacute-

matique santeacute (composeacutee ici de 13 thegravemes distincts) relegraveve plutocirct drsquoune analyse globale (voir Sec5)

et ne requiert pas lrsquoutilisation de graphes

41 Graphe des Termes

Pour lever toute ambiguumliteacute rappelons que crsquoest bien la terminologie des reacutesolutions des COPs

qui est analyseacutee et non le compte rendu exhaustif des travaux des COPs Neacuteanmoins la preacutesence

drsquoun terme speacutecifique dans une reacutesolution atteste bien de lrsquousage de ce mecircme terme dans la COP

consideacutereacutee A ce titre le lien terminologique creacuteeacute entre deux reacutesolutions prises lors de deux COPs

diffeacuterentes est repreacutesenteacute come un lien entre COPs (que nous pouvons aussi consideacuterer comme

un label pour un groupe de textes) La Figure 3A preacutesente les conventions et COPs ordonneacutees par

nombre deacutecroissant de liens sortants (nombre de termes complexes nominaux distincts passant drsquoune

COP source agrave une COP reacuteceptrice) Les COPs de la CBD apparaissent comme les principales sources

de termes lieacutes agrave la santeacute en particulier la COP2 CBD suivie des COP5 et COP7 Fait remarquable la

26 A S Garmestani and M H Benson laquo A framework for resilience-based governance of social-ecological systems raquo Ecology and Soci-ety 18(1) 2013 p 927 G S Cumming laquo Scale mismatches and reflexive law raquo Ecology and Society 18(1) 2013 p 1528 J B Ruhl laquo Thinking of environmental law as a complex adaptive system how to clean up the environment by making a mess of en-vironmental law raquo Houston Law Review vol 34 ndeg 4 1997 p 933-100229 Noter cependant que tous les sommets nrsquoapparaitront pas dans les figures certaines COPs nrsquoeacutetant pas lieacutees aux autres selon les regravegles de construction de nos graphes

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

69

COP2 CBD ne comporte que 5 termes lieacutes agrave la santeacute30 mais ces termes sont repris dans de

nombreuses reacutesolutions des COPs ulteacuterieures et sont donc persistants Le fait que la COP3

CBD se trouve au 6iegraveme rang montre que lrsquoanteacuteceacutedence temporelle nrsquoexplique pas agrave elle

seule ndash au sein de la Convention sur la biodiversiteacute biologique ndash cet ordre Les COPs les

plus reacuteceptrices de termes venant des autres textes sont par ordre deacutecroissant les reacutecentes

COP11 et COP12 CBD la COP11 CMS puis agrave eacutegaliteacute les COP10 CBD et COP10 et COP09 CMS

Les COP8 (2005 1er rang) COP9 (2008 3iegraveme rang) et dans une moindre mesure COP10 (5iegraveme

rang) de la CMS jouent un rocircle preacutepondeacuterant drsquointermeacutediaires comme le montre la Figure 3B ougrave sont

ordonneacutees les COPs par degreacute deacutecroissant drsquointermeacutediariteacute La COP13 CITES (2004) est au 4iegraveme rang

Bien que les COP9 et COP10 CITES comportent de nombreux termes lieacutes agrave la santeacute elles ne jouent

pas le rocircle drsquointermeacutediaires ni celui de sources car leur registre terminologique est resserreacute sur les

notions de grippe (aviaire) de maladies de la faune sauvage ou drsquourgence (emergency) notions peu

ou pas preacutesentes dans les reacutesolutions des autres COPs de la mecircme ou des autres conventions

42 Graphe des Thegravemes

La Figure 4A preacutesente les Conventions et COPs ordonneacutees par nombre deacutecroissant de liens

sortants (nombre de thegravemes distincts passant drsquoune COP source agrave une COP reacuteceptrice) Ce graphe

comporte 27 sommets et 294 liens Ce sont agrave nouveau les reacutesolutions des COPs CBD qui sont source

principale des thegravemes Le rang des COPs est modifieacute par rapport agrave lrsquoordre de la Figure 3A car main-

tenant un thegraveme donneacute est eacutequivalent agrave une liste de termes il suffit qursquoun terme de cette liste ap-

paraisse dans le texte A et un autre de cette mecircme liste dans le texte B pour qursquoexiste un lien entre

eux Le texte de la Convention sur la diversiteacute biologique qui nrsquoavait aucun terme de la theacutematique

santeacute commun avec les reacutesolutions des COPs CBD et celles des autres COPs (Fig3A) se retrouve au

deuxiegraveme rang des textes sources de thegravemes Ce changement indique clairement que lrsquoanalyse terme

agrave terme peut ecirctre drsquoune reacutesolution seacutemantique trop fine pour tracer les liens entre textes et leurs

influences mutuelles le niveau des thegravemes et des micro-ontologies plus inteacutegrateur reflegravete proba-

blement mieux les liens organiques drsquoinfluence entre textes

Notons eacutegalement que si lrsquoon tient compte de la pondeacuteration des liens par le nombre de thegravemes

communs entre COPs ce sont alors les COP6 COP7 et COP5 CBD qui occupent les premiers rangs

non seulement ces COPs veacutehiculent beaucoup de termes mais encore ces termes abordent une

diversiteacute de thegravemes (mais alors la CBD recule de rang) Par ordre deacutecroissant les reacutesolutions des

COPs reacuteceptrices du plus grand nombre de thegravemes sont celles des COP13 et COP10 de la CITES de

la COP11 CMS puis de la COP12 CITES et des COP10 COP9 et COP8 CMS ordre qui ne srsquoexplique

pas par la chronologie des COPs puisque par exemple la COP10 CITES a eu lieu en 1997 (soit avant

les COP4 agrave COP12 CBD)

30 Agrave savoir laquo adequate safety measure raquo laquo effective risk assessment raquo laquo human health raquo laquo human well-being raquo et laquo precautionary ap-proach raquo

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

70

La mecircme structure de graphe est preacutesenteacutee en Figure 4B mais cette fois-ci en ordonnant les COPs

par degreacute deacutecroissant drsquointermeacutediariteacute Ce sont les reacutesolutions des COP3 COP7 COP1 et COP8 CMS

(vient ensuite la COP10 CITES etc) qui laquo passent raquo le plus freacutequemment des thegravemes entre groupes

de COPs Comme observeacute preacuteceacutedemment ce ne sont pas les mecircmes COP CMS que celles qui jouent

un rocircle important drsquointermeacutediaire de termes (comparer avec Fig3B) Pour mesurer lrsquoimportance du

rocircle drsquointermeacutediaire le nombre de thegravemes (ou de termes) nrsquoest pas deacutecisif ainsi les reacutesolutions de la

CO3 CMS ne compte que deux termes tous deux lieacutes au thegraveme des laquo risques et menaces raquo Mais par

ce thegraveme elle relie des groupes de COPs qui sans cela seraient deacuteconnecteacutes les uns des autres

5) Discussion

Nous allons insister ici sur les trois points qui nous semblent essentiels tant pour preacuteciser la

meacutethode que dans la poursuite de notre travail

51 Termes thegravemes ou theacutematique

En ce qui concerne le choix des termes lieacutes agrave la santeacute (ici dans une acception comprenant san-

teacute humaine santeacute animale et santeacute des eacutecosystegravemes) il est important de rappeler que le preacuterequis

majeur reacuteside dans une bonne connaissance du domaine eacutetudieacute pour faire apparaicirctre les mots-cleacutes

couramment employeacutes31

En section 4 nous postulons lrsquoexistence drsquoune sorte de morphisme32 latent entre lrsquoorganisation

hieacuterarchique drsquoune ontologie du domaine de lrsquoenvironnement ou de lrsquoeacutecologie et la connaissance

que nous avons de lrsquoorganisation multi-eacutechelles des constituants physico-chimiques et biologiques

de lrsquoenvironnement en eacutecosystegravemes La mise en lumiegravere drsquoun tel morphisme permettrait drsquoadapter

les cadres cognitifs de la creacuteation leacutegislative (voire ses instruments) agrave la connaissance des systegravemes

que le droit entend reacuteguler La pertinence de ce postulat est renforceacutee par lrsquoobservation suivante

Avec la physique la recherche en eacutecologie a montreacute que lrsquoeacutechelle agrave laquelle un systegraveme est obser-

veacute deacutetermine le paradigme drsquoanalyse le plus approprieacute En dynamique des populations par exemple

les processus (mortaliteacute lieacutee agrave la vieillesse maladies accidents etc) affectant la vie des individus

preacutesentent un caractegravere eacuteminemment aleacuteatoire qui se trouve moyenneacute agrave lrsquoeacutechelle drsquoune population

entiegravere pour laquelle une approche agrave preacutepondeacuterance deacuteterministe est mieux adapteacutee Ce constat

a conduit agrave rechercher quelles sont les laquo eacutechelles intermeacutediaires de deacuteterminisme non trivial33 raquo

ce sont les eacutechelles drsquoobservation auxquelles lrsquoeacutevolution drsquoun systegraveme nrsquoest ni purement aleacuteatoire

(comme la longeacuteviteacute drsquoun individu unique) ni trop simplement stable et preacutedictible (comme lrsquoeacutevolu

31 R S Wagh laquo Knowledge Discovery from Legal Documents Dataset using Text Mining Techniques raquo International Journal of Comput-er Applications Volume 66ndashNo23 2013 p 32-3432 De maniegravere geacuteneacuterale en matheacutematique un morphisme est une fonction ou une opeacuteration permettant de passer drsquoun ensemble E agrave un autre ensemble F tout en laissant intactes les proprieacuteteacutes respectives des deux ensembles 33 M Pascual and S A Levin laquo From individuals to population densities searching for the intermediate scale of nontrivial determin-ism raquo Ecology 80 1999 p 2225ndash2236 M Pascual P Mazzega and SA Levin (2001) laquo Oscillatory dynamics and spatial scale in ecological systems the role of noise and unresolved pattern raquo Ecology 82(8) 2357-2369 httpdxdoiorg1018900012-9658(2001)0825b2357ODAS-ST5d20CO2httpdxdoiorg1018900012-9658(2001)082[2357ODASST]20CO2

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

71

tion deacutemographique drsquoune tregraves large population comptant par exemple des milliards drsquoindividus) A

ces eacutechelles drsquoagreacutegation lrsquoeacutevolution du systegraveme est simplifieacutee sans toutefois perdre les traits essen-

tiels qui la caracteacuterise et pour laquelle existe une meacutethodologie drsquoanalyse bien constitueacutee relevant

drsquoun paradigme scientifique preacutecis

De maniegravere analogue le choix drsquoutiliser un terme speacutecifique par rapport agrave un de ses synonymes dans

un segment de texte (phrase paragraphe etc) revecirct un caractegravere aleacuteatoire qui limite la significativiteacute

de ses occurrences La recherche de nombreux termes atteacutenue ce type de biais Agrave lrsquoautre extreacutemiteacute de

ce que nous pourrions appeler un spectre de reacutesolution seacutemantique le suivi drsquoune theacutematique ndash ici

la santeacute ndash rassemblant tous les deacuteterminants historiques et cognitifs de sa prise en compte dans les

conventions internationales de lrsquoenvironnement tend agrave masquer la varieacuteteacute des vecteurs (pathogegravenes)

et des chemins drsquoune eacutemergence qui finit par srsquoimposer comme eacutevidente Ici lrsquoeacutechelle seacutemantique non

triviale pourrait-ecirctre celle des thegravemes qui constituent autant de composantes drsquoune theacutematique plus

large Par construction les graphes induits par un seul thegraveme sont des graphes complets (tous les

sommets sont lieacutes) dont les liens sont orienteacutes par la succession temporelle des COPs toutes conventions

confondues Par exemple le graphe induit par le thegraveme de la laquo santeacute raquo (voir la micro-ontologie en Fig2A)

comporte les reacutesolutions des dix-neuf COPs suivantes CBDCOP02 agrave COP12 CMSCOP08 agrave COP11

CITESCOP10 agrave COP13 Le graphe induit par le thegraveme des laquo maladies raquo (voir micro-ontologie en

Fig2B) comporte les huit COPs CITESCOP09 COP10 CBDCOP05 COP06 COP07 et CMSCOP08

COP09 COP10 Ainsi le suivi de chaque thegraveme nous permet de deacutecomposer analytiquement la

circulation drsquoune theacutematique drsquoensemble en circulation de ses composantes (thegravemes) De mecircme gracircce

agrave lrsquoorganisation hieacuterarchique des micro-ontologies la circulation drsquoun thegraveme peut ecirctre deacutecomposeacutee

en circulation de ses sous-thegravemes constitutifs (ainsi par exemple santeacute animale santeacute humaine

santeacute des eacutecosystegravemes One Health et santeacute globale pour le thegraveme laquo santeacute raquo Fig2A) et ainsi de suite

ajustant le niveau drsquoanalyse seacutemantique au degreacute de reacutesolution requis par la probleacutematique traiteacutee

52 Limites de lrsquoapplicabiliteacute de modegraveles eacutepideacutemiologiques

Lrsquoanalogie entre circulation de termes ou de thegravemes dans les conventions et circulation de pa-

thogegravenes dans une population sollicite lrsquoimagination et engage agrave rechercher et quantifier des proces-

sus et des dynamiques speacutecifiques (transmission persistance etc) Cependant notre eacutetude montre

que les modegraveles eacutepideacutemiologiques eacutequationnels ne sont pas adapteacutes agrave notre probleacutematique et ceci

pour trois raisons

Premiegraverement nous ne disposons que de 42 textes (Conventions et COPs) Mecircme en eacutelargissant

le corpus analyseacute agrave drsquoautres conventions nous resterions bien en-deccedilagrave des dimensions des systegravemes

eacutepideacutemiologiques geacuteneacuteralement analyseacutes qui comportent des milliers voire des millions drsquoindividus

exposeacutes Ces modegraveles srsquoappliquent avec un certain succegraves agrave la diffusion terminologique lorsque le

nombre drsquoindividus et drsquoeacutevegravenements est tregraves important Par exemple dans leur eacutetude Skaza and

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

72

Blais34 indiquent qursquoau niveau mondial le flux de hashtags est drsquoenviron 500 millions par heure

eacutechangeacutes entre environ 320 millions drsquoutilisateurs de Twitter La trajectoire de circulation de termes

entre conventions ne peut pas ecirctre eacutetablie sur la base drsquoun nombre suffisant drsquoeacutevegravenements pour en

deacutegager les eacuteventuelles reacutegulariteacutes qursquoun modegravele est senseacute reproduire (et expliquer)

Deuxiegravemement comme Salah Brahim et al35 lrsquoont observeacute agrave propos des cascades de citations sur

les blogs les termes eux-mecircmes peuvent eacutevoluer au cours de leur circulation agrave la maniegravere dont les

virus mutent Crsquoest drsquoune certaine faccedilon ce que nous observons lorsque les termes laquo grippe aviaire raquo

et laquo maladie aviaire raquo apparaissent en 2005 avec la COP08 CMS (puis la COP08 CBD en 2006) et sont

ensuite subsumeacutes (opeacuteration ontologique et non eacutepideacutemiologique) agrave un ou plusieurs termes plus geacute-

neacuteriques Nous avons aussi remarqueacute dans un preacuteceacutedent travail36 que le terme de laquo santeacute environne-

mentale raquo apparu dans notre corpus avec la COP2 CBD (1995) tend agrave ecirctre progressivement employeacute

avec celui laquo santeacute des eacutecosystegravemes raquo qui joue le rocircle de synonyme dans la mecircme convention et dans

drsquoautres (CMS CITES Ramsar etc)

Crsquoest probablement agrave cette sorte de mutation que nous assistons avec la diffusion du terme One

Health qui vient maintenant englober sous un seul vocable les notions de santeacute humaine santeacute ani-

male et santeacute des eacutecosystegravemes Cependant cette eacutevolution est probablement aussi lieacutee agrave un troisiegraveme

effet que les modegraveles ne peuvent capturer la circulation et la transmission des termes ne srsquoeffectuent

pas uniquement entre textes des conventions mais aussi via la tenue des Confeacuterences des Parties

et drsquoautres eacutevegravenements auxquels participent les repreacutesentants de nombreuses organisations (e g

UNEP FAO WHO IUCN OIE etc) porteuses de leur culture propre et de leur ontologie singuliegravere37

53 Lrsquointeacutegration de nouvelles sources

Nous devons souligner le fait que les questions de santeacute sont aussi abordeacutees dans drsquoautres textes

qui ne sont pas issus directement des COPs mais de reacuteunions preacuteparatoires ou de comiteacutes scienti-

fiques Ainsi par exemple en ce qui concerne la CITES il est inteacuteressant de noter que le Comiteacute pour

les animaux de la CITES constatant le manque de discussions sur les maladies de la faune sauvage

lors des Confeacuterences des Parties a deacutecideacute drsquoinclure dans sa session de 2012 un point sur les relations

entre le commerce de la faune sauvage et les maladies de la faune sauvage Le comiteacute insiste sur trois

points en lien avec la CITES

laquo a) le commerce international des espegraveces animales sauvages et de leurs produits peut propager

des maladies de la faune sauvage

34 J Skaza and B Blais laquo Modeling the infectiousness of Twitter hashtags raquo Preprint submitted to Physica A 2016 arXiv160300074v1 [csSI] 29 Feb 201635 A Salah Brahim L Tabourier and B Le Grand laquo A data-driven analysis to question epidemic models for citation cascades on the blogosphere raquo Proc of the 7th Intern AAAI Conference on Weblogs and Social Media 2013 httpswwwaaaiorgocsindexphpICWSMhellip6394 36 C Lajaunie and P Mazzega laquo One Health and Biodiversity conventions The emergence of health issues in Biodiversity conventions raquo IUCN Academy of Environmental Law eJournal Issue 7 2016a 105-121 httpwwwiucnaelorgene-journalcurrent-issue-37 C Lajaunie and P Mazzega laquo Organization Networks as Information Integration System Case study on Environment and Health in Southeast Asia raquo ACSIJ Adv Computer Science 5 2016 p 28-39 httpwwwacsijorgacsijarticleview461374

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

73

b) les effets des maladies de la faune sauvage peuvent influencer les deacutecisions de la CITES par

exemple en lrsquoincitant agrave inscrire des espegraveces agrave ses annexes ou agrave eacutemettre des avis de commerce non

preacutejudiciable et

c) les restrictions commerciales prises pour des raisons sanitaires peuvent avoir une incidence

sur les programmes et les projets visant agrave garantir lrsquoutilisation durable des espegraveces sauvages raquo38

Ainsi le compte-rendu de cette session de 2012 preacutecise le mandat du Groupe de travail scienti-

fique pour la santeacute des eacutecosystegravemes et de la faune sauvage39 creacuteeacute par la CMS et dont le Secreacutetariat de

la CITES est un affilieacute cleacute Le contenu de ce mandat deacutetailleacute en annexe est cependant essentiel car il

mentionne que la vision et les objectifs du Groupe de travail reposent sur une approche scientifique

inteacutegreacutee dans le cadre de lrsquoinitiative laquo One Health raquo40

Cet exemple montre que pour avoir une ideacutee plus exhaustive de la circulation des termes de san-

teacute il faudrait sans doute dans un deuxiegraveme temps inteacutegrer les documents provenant de ces comiteacutes

scientifiques qui ont une part importante dans la reacuteflexion en amont des COPs et viennent preacuteciser

le contexte et lrsquoesprit des travaux scientifiques preacuteceacutedant lrsquoadoption des reacutesolutions des COPs

6) Conclusion

Ce travail nous a permis de mettre en eacutevidence le rocircle preacutepondeacuterant de la CBD dans la transmis-

sion des termes de santeacute vers les autres conventions consideacutereacutees degraves son adoption en 1992 La CBD

apparaicirct comme la principale source de transmission des termes de santeacute et lrsquoon peut voir dans le

temps quelles COPs facilitent le plus cette transmission

Il est inteacuteressant de noter que si les termes de santeacute apparaissent drsquoabord sporadiquement dans

la CMS crsquoest la convention qui malgreacute son champ beaucoup plus speacutecifique que la CBD va faciliter

la circulation des termes et thegravemes de santeacute entre conventions ce rocircle drsquointermeacutediaire permet de

relier des groupes de COPs qui nrsquoauraient a priori aucun lien et favorise le renforcement de la visi-

biliteacute des questions de santeacute sur une plus large assise internationale

Enfin en ce qui concerne la persistance des termes de santeacute crsquoest-agrave-dire leur apparition et leur

maintien dans le temps on voit qursquoelle est la plus importante en ce qui concerne la CBD qui men-

tionne des termes de santeacute depuis son adoption sans discontinuer et de faccedilon plus ou moins aiguumle

Pour la CMS crsquoest agrave partir de 2005 que les termes de santeacute deviennent persistants en relation avec

des mesures internationales comme lrsquoadoption du Regraveglement Sanitaire International alors que la

CITES voit apparaicirctre et disparaicirctre les termes de santeacute en fonction des theacutematiques des COPs Re-

marquons tout de mecircme que la prise en compte des travaux des comiteacutes scientifiques comme le Co

38 CITES Vingt-sixiegraveme session du Comiteacute pour les animaux Relations entre commerce et maladies des espegraveces sauvages AC26 Doc 23 (Rev 1) Genegraveve (Suisse) 15 ndash 20 mars 2012 et Dublin (Irlande) 22 ndash 24 mars 2012 sect639 Le document speacutecifie que le Groupe de travail malgreacute son nom le Groupe de travail se concentrera principalement voire entiegraverement sur les animaux40 Le Groupe de travail vise agrave laquo parvenir agrave une meilleure santeacute pour les eacutecosystegravemes la faune sauvage le beacutetail et lrsquohomme en encourageant une approche scientifique inteacutegreacutee dans le cadre de lrsquoinitiative ldquoOne Healthrdquo raquo Lrsquoannexe deacutetaillant le mandat de ce groupe de travail mentionne 6 fois lrsquoexpression laquo One Health raquo sur 5 pages Voir lrsquoannexe du document AC26 Doc 23 (Rev 1) citeacute ci-dessus

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

74

miteacute pour les animaux de la CITES ainsi que montreacute dans lrsquoexemple agrave la fin de la section 5 permet-

trait de modeacuterer ces reacutesultats La santeacute fait bien partie des preacuteoccupations de la CITES notamment

depuis sa participation au Groupe de travail scientifique sur les maladies de la faune sauvage41 en

2011 inviteacute par la CMS

Dans la suite de ce travail nous envisageons donc drsquoeacutetendre lrsquoeacutetude agrave drsquoautres textes que les

Conventions et reacutesolutions CMS CITES et CBD et nous souhaitons eacutelargir lrsquoanalyse agrave drsquoautres conven-

tions telles que la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques la convention

de Ramsar sur les zones humides ou encore la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la deacute-

sertification Comme nous lrsquoavons fait ici lrsquoutilisation de diverses eacutechelles de reacutesolution seacutemantique42

permettra drsquoajuster les techniques de fouille et de suivi agrave la speacutecificiteacute ou au contraire agrave la geacuteneacuteraliteacute des

thegravemes eacutetudieacutes ce qui srsquoavegravere drsquoautant plus neacutecessaire que les domaines environnementaux reacuteguleacutes

(changement climatique biodiversiteacute zones humides etc) sont tregraves diffeacuterencieacutes et que par ailleurs les

conventions peuvent utiliser des vocabulaires vernaculaires (voire des ontologies implicites distinctes)

Nous devrons eacutegalement nous inteacuteresser aux acteurs portant les diffeacuterentes theacutematiques termes

et thegravemes de santeacute afin de deacutegager le rocircle preacutepondeacuterant joueacute par certaines agences onusiennes ou

ONG par exemple43

Remerciements

Nous remercions M Norbert Pariente pour sa relecture critique et ses judicieux commentaires

de notre manuscrit Nous remercions pour leur soutien lrsquoANR GLOB ANR 12-GLOB-0001 Projet

Circulex laquo Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs dans la gouvernance internationale de lrsquoen-

vironnement raquo ndash PI Dr Sandrine Maljean-Dubois (CNRS) et lrsquoANR CPampES ANR 11 CPEL 002 Projet

BiodivHealthSEA laquo Impacts et perceptions locales des changements globaux santeacute biodiversiteacute et

zoonoses en Asie du Sud-Est raquo ndash PI Dr Serge Morand (CNRS CIRAD) LrsquoObservatoire Midi-Pyreacuteneacutees

encourage cette recherche au travers de lrsquoinitiative Environnement Santeacute et Socieacuteteacute dans le cadre

du projet laquo Eacutemergence des questions de santeacute dans les conventions internationales sur lrsquoenvironne-

ment raquo (2016) LrsquoInstitut Ecologie et Environnement (InEE) du CNRS soutient le Reacuteseau Theacutematique

Pluridisciplinaire International RTPI laquoBiodiversiteacute Santeacute et Socieacuteteacutes en Asie du Sud Estraquo Thaiumllande

(PI S Morand CNRSCIRAD) aux travaux duquel cette eacutetude contribue

41 Ce groupe de travail a eacuteteacute rebaptiseacute Groupe de travail scientifique pour la santeacute des eacutecosystegravemes et de la faune sauvage par la Reacutesolution 1022 de la CMS intituleacutee laquo Maladies de la faune sauvage et espegraveces migratrices raquo 201142 Depuis un travail a eacuteteacute reacutealiseacute dans la ligneacutee de la preacutesente eacutetude notamment en gardant la speacutecificiteacute seacutemantique des liens entre COPs au travers drsquoune structure de reacuteseau multiplexe - cf C Lajaunie Mazzega P and R Boulet (2017) Health in Biodiversity-Related Conventions Analysis of a Multiplex Terminological Network (1973-2016) In Big Data in Computational Social Science and Humanities Shu-Heng Chen Ed Springer in press43 Cf P Mazzega and C Lajaunie (2017) Modelling Organisation Networks Collaborating on Health and Environment within ASEAN In Complex Systems Theory and Applications Rebecca S Martinez (Editor) NOVA Publ Hauppauge NY- USA ISBN 978-1-53610-871-2 Chap 5 117-148

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

75

7) Annexe

Pour ce qui concerne la CBD nous utilisons les deacutecisions En effet laquo la Confeacuterence des Parties

est lrsquoorgane directeur de la Convention elle fait progresser la mise en œuvre de la Convention par

des deacutecisions prises lors de ses reacuteunions peacuteriodiques raquo [httpswwwcbdintcop] Les recomman-

dations ndash que nous ne consideacuterons pas dans cette eacutetude - sont proposeacutees par les divers organes tech-

niques avec reacuteunion des parties

Pour la CMS nous analysons les reacutesolutions qui elles-mecircmes incluent les deacutecisions comme le

preacutecise la reacutesolution UNEPCMSResolution 116 sect1

laquo Les reacutesolutions repreacutesentent une deacutecision des Parties adopteacutee lors drsquoune reacuteunion de la Confeacute-

rence des Parties concernant lrsquointerpreacutetation de la Convention ou lrsquoapplication de ses dispositions

Les reacutesolutions sont geacuteneacuteralement destineacutees agrave fournir une orientation de long terme agrave lrsquoeacutegard de la

Convention Les reacutesolutions comprennent des deacutecisions portant sur la faccedilon drsquointerpreacuteter et drsquoap-

pliquer les dispositions de la Convention la creacuteation de comiteacutes permanents lrsquoeacutetablissement de pro-

cessus de long terme et lrsquoeacutetablissement des budgets du Secreacutetariat (hellip) Les deacutecisions repreacutesentent

une deacutecision des Parties adopteacutee lors drsquoune reacuteunion de la Confeacuterence des Parties contenant des re-

commandations aux Parties ou des instructions agrave un comiteacute speacutecifique ou au Secreacutetariat Elles sont

geacuteneacuteralement destineacutees agrave rester en vigueur pendant une courte peacuteriode habituellement jusqursquoagrave ce

qursquoune tacircche particuliegravere ait eacuteteacute acheveacutee raquo

Lrsquointroduction sur le site de la CITES (httpswwwcitesorgengdecintrophp) eacutetablit les dis-

tinctions suivantes

laquo Agrave chacune de ses reacuteunions la Confeacuterence des Parties agrave la CITES considegravere les problegravemes de

mise en œuvre de la Convention et de son efficaciteacute Les reacutesultats de ses deacutelibeacuterations sont sous

forme de recommandations (article XI paragraphe 3) qui sont enregistreacutes soit dans les reacutesolutions

soit dans les deacutecisions de la Confeacuterence des Parties (hellip) Les reacutesolutions sont geacuteneacuteralement destineacutees

agrave fournir une orientation de long terme Les deacutecisions sont drsquoune nature diffeacuterente Typiquement

elles contiennent des instructions agrave un comiteacute speacutecifique ou au Secreacutetariat Cela signifie qursquoelles

doivent ecirctre mises en œuvre souvent pour un temps deacutetermineacute puis devenir obsolegravetes (hellip)Les deacuteci-

sions de la Confeacuterence des Parties nrsquoexistaient pas comme une seacuterie distincte de recommandations

jusqursquoagrave la neuviegraveme reacuteunion de la Confeacuterence des Parties (Fort Lauderdale 1994) La premiegravere liste

des deacutecisions preacutesenteacutee pour adoption lors de cette reacuteunion a eacuteteacute compileacutee agrave partir de toutes les re-

commandations qui avaient eacuteteacute adopteacutees mais nrsquoa pas eacuteteacute enregistreacutee dans les reacutesolutions et agrave partir

des instructions qui avaient eacuteteacute incluses dans les reacutesolutions mais nrsquoavait pas encore eacuteteacute mise en

œuvre Le but eacutetait de rendre ces textes plus accessibles en les compilant dans un seul document raquo

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

76

8) Tables

Table 1 Dates et nombre de reacutesolutions (entre parenthegraveses) des confeacuterences des parties de la

Convention sur le Biodiversiteacute (CBD) de la Convention sur les Espegraveces Migratrices (CMS) et de la

Convention sur le commerce des espegraveces menaceacutees (CITES) analyseacutees dans cette eacutetude Les textes

des Conventions et des reacutesolutions ont eacuteteacute teacuteleacutechargeacutes sur les sites indiqueacutes

CBDhttpswwwcbdint

CMShttpwwwcmsint

CITEShttpscitesorg

Convention 1992 1979 1973COP 01 1994 (13) 1985 (8) 1976 (0)COP 02 1995 (23) 1988 (7) 1979 (1)COP 03 1996 (27) 1991 (8) 1981 (1)COP 04 1998 (19) 1994 (7) 1983 (4)COP 05 2000 (29) 1997 (8) 1985 (2)COP 06 2002 (32) 1999 (10) 1987 (1)COP 07 2004 (36) 2002 (15) 1989 (1)COP 08 2006 (34) 2005 (29) 1992 (4)COP 09 2008 (36) 2008 (20) 1994 (11)COP 10 2010 (47) 2011 (29) 1997 (14)COP 11 2012 (33) 2014 (34) 2000 (15)COP 12 2014 (35) 2002 (8)COP 13 2004 (10)COP 14 2007 (6)COP 15 2010 (1)COP 16 2013 (10)

Table 2 Occurrences des termes lieacutes au thegraveme de la santeacute les plus freacutequents selon les dates des

COPs (ndeg en rouge pour les reacutesolutions des COPs de la CBD en bleu pour celles de la CMS en vert

pour celles de la CITES)

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

77

Figure 1 Nombre (diviseacute par 100) de termes nominaux complexes apregraves filtrage (fcnt en bleu)

et de termes lieacutes au thegraveme de la santeacute (HealthT en rouge) en fonction des dates de publication des

Conventions ou des reacutesolutions des COPs Haut CBD Milieu CMS Bas CITES

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

78

Figure 2 Thegravemes laquo santeacute raquo et laquo maladie raquo preacutesenteacutees sous forme de micro-ontologies (organisa-

tions hieacuterarchiques de termes complexes nominaux issus du corpus) Chacune de ces micro-ontologies

a une profondeur de quatre niveaux la composante drsquoun niveau pouvant ecirctre une classe pour un

niveau infeacuterieur Les termes apparaissant dans une mecircme boite sont consideacutereacutes du point de vue de

notre analyse comme des synonymes (expressions lieacutees par la relation laquo est eacutequivalent agrave raquo)

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

79

Figure 3 Graphe de transmission des termes lieacutes agrave la Santeacute Les sommets sont les Conventions

ou les COPs (avec leur ndeg CBD en vert CMS en mauve CITES en orangeacute) Un lien de poids N

orienteacute selon la flegraveche du temps existe entre COP_x et COP_y si N termes leurs sont communs (lien

non-orienteacute et pointilleacute pour des COPs simultaneacutees) A) Hieacuterarchisation des COPs par nombre deacute-

croissant de liens sortants (non pondeacutereacutes) B) Hieacuterarchisation des COPs par degreacute drsquointermeacutediariteacute

deacutecroissant Les chiffres griseacutes indiquent le rang normaliseacute dans la hieacuterarchisation

A) B)

Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute

80

Figure 4 Graphe orienteacute de transmission des thegravemes lieacutes agrave la Santeacute Les 27 sommets sont les

Conventions ou les COPs (avec leur ndeg CBD en vert CMS en mauve CITES en orangeacute) Un lien

de poids N orienteacute selon la flegraveche du temps existe entre COP_x et COP_y si N thegravemes leurs sont

communs (lien non-orienteacute et pointilleacute pour des COPs simultaneacutees) Les graphes comptent 294 liens

(non repreacutesenteacutes ici pour alleacuteger les figures) A) Hieacuterarchisation des COPs par nombre deacutecroissant

de liens sortants (non pondeacutereacutes) B) Hieacuterarchisation des COPs par degreacute drsquointermeacutediariteacute deacutecrois-

sant Les chiffres griseacutes indiquent le rang normaliseacute dans la hieacuterarchisation

A) B)

Claire LAJAUNIE et Pierre MAZZEGA

81

chapitre 3HFC histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave

lrsquoamendement de Kigali

Hugues Hellio1

Reacutesumeacute

Promus pour la protection de la couche drsquoozone mais relevant des gaz agrave effet de serre les

hydrofluorocarbones offrent une illustration preacutegnante des enjeux de circulations de normes et de

reacuteseaux drsquoacteurs de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement examineacutes par les recherches

CIRCULEX Confronteacute agrave plusieurs oppositions et contradictions le complexe de reacutegimes eacutetabli sur

leur base a longuement peineacute agrave promouvoir une solution juridique adeacutequate Dans cette attente les

enjeux couverts deacutevoilaient lrsquoeacutetat et les potentialiteacutes du droit international de lrsquoenvironnement ainsi

qursquoune conception ouverte aux dialogues de lrsquoarchitecture geacuteneacuterale du droit

Abstract

Promoted to protect the ozone layer but constituting greenhouse gas hydrofluorocarbons

offer pregnant illustration of the issues of legal circulations and actor networks of international

environmental governance examined by CIRCULEX research Facing several oppositions and

contradictions the regime complex established on their basis has long struggled to adequately

promote legal solution In this meantime the covered issues revealed the status and potential of

international environmental law as well as a design open to dialogues of the general architecture of

law

Le monde sans ozone

Deacutetecteacutes aux pocircles terrestres les trous dans la couche drsquoozone ont constitueacute une preacuteoccupation

environnementale extrecircmement importante des anneacutees 1980 Moleacutecule constitueacutee de trois atomes

drsquooxygegravene lrsquoozone (O3) est une substance dont les villes apprennent agrave limiter la concentration dans

leur atmosphegravere par journeacutee chaude et vent faible surtout en reacutegulant la circulation automobile

notamment Affectant la respiration et dangereuse pour la santeacute des populations au niveau du sol

lrsquoozone est indispensable en haute altitude Preacutesente agrave quelques dizaines de kilomegravetres au dessus

du sol lrsquoozone stratospheacuterique forme une couche peu dense qui assure une filtration naturelle des

rayonnements solaires ultra-violets (UVA et UVB) Cette absorption a eacuteteacute et demeure neacutecessaire agrave la

vie sur terre tant de lrsquohomme que de la faune et de la flore

1 Maicirctre de confeacuterences (HDR) de droit public Universiteacute drsquoArtois EA 2471 Centre Droit Eacutethique et Proceacutedures (CDEP) F-59500 Douai France En deacuteleacutegation CNRS 2016 UMR DICE - CERIC Aix-Marseille Universiteacute Working paper reacutealiseacute avec le soutien de lrsquoAgence nationale pour la recherche franccedilaise dans le cadre du projet ltANR-12-GLOB-0001-03 CIRCULEXgt

HFC Histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali

82

Dans les anneacutees 1970 des recherches scientifiques meneacutees en Antarctique ont mis en eacutevidence

une diminution peacuteriodique de lrsquoozonosphegravere au dessus du pocircle Sud Le mecircme constat a suivi pour

le pocircle Nord Entre production naturelle sous lrsquoeffet du rayonnement solaire sur le dioxygegravene (O2)

et deacutecomposition naturelle en son absence lrsquoeacutequilibre dynamique de lrsquoozone stratospheacuterique a eacuteteacute

affecteacute par la preacutesence drsquoautres substances qui deacutetruisent les moleacutecules drsquoozone par le jeu de reacuteac-

tions catalytiques Les substances responsables furent identifieacutees comme eacutetant des composeacutes chloreacutes

produits par lrsquohomme pour ses activiteacutes plus preacuteciseacutement les chlorofluorocarbones (CFC)2 Lrsquoidenti-

fication de la deacutegradation de lrsquoozonosphegravere et de sa cause fut lrsquooccasion drsquoune reacuteaction diplomatique

et juridique internationale

La solution Vienne-Montreacuteal

Fondeacutee sur les expertises scientifiques la reacuteaction de la communauteacute internationale pour la

protection de la couche drsquoozone est encore salueacutee comme un exemple historique de rapiditeacute et drsquoef-

ficaciteacute3

Le 22 mars 1985 est signeacutee la Convention de Vienne sur la protection de la couche drsquoozone

(Convention de Vienne) Adopteacutee sous lrsquoeacutegide du Programme des Nations Unies pour lrsquoenvironne-

ment (PNUE) cette convention-cadre eacutetablit une obligation geacuteneacuterale de prendre des mesures ap-

proprieacutees pour proteacuteger la santeacute humaine et lrsquoenvironnement contre les effets neacutefastes reacutesultant

ou susceptibles de reacutesulter des activiteacutes humaines qui modifient ou sont susceptibles de modifier

la couche drsquoozone (art 2) Surtout degraves le 16 septembre 1987 avant mecircme lrsquoentreacutee en vigueur de la

convention-cadre les Parties adoptent sur son fondement le Protocole de Montreacuteal relatif agrave des subs-

tances qui appauvrissent la couche drsquoozone (Protocole de Montreacuteal) Entreacute en vigueur le 1er janvier

1989 ajusteacute et amendeacute respectivement agrave six4 et agrave quatre5 reprises depuis le Protocole de Montreacuteal

cible preacuteciseacutement les CFC (art 2A) et les autres substances responsables de la deacutegradation de la

couche drsquoozone Son dispositif planifie lrsquointerdiction de production et de commercialisation de ces

substances sauf besoin impeacuterieux et en tenant compte de la situation particuliegravere des pays en deacuteve-

loppement (art 5)

La solution Vienne-Montreacuteal eacutetablit un reacutegime juridique international agrave lrsquoarchitecture

sophistiqueacutee Baseacute sur des obligations et commandements simples de marcheacute (limitation et prohibition

de production drsquoexportation drsquoimportation des substances consideacutereacutees entre les Parties et avec

les pays tiers) le reacutegime ozone promeut une coopeacuteration internationale empreinte drsquoinformation

et de transparence Il est en outre pourvu drsquoun meacutecanisme financier et drsquoincitation au transfert de

2 Inventeacutes dans les anneacutees 1930 les CFC ont eacuteteacute abondamment produits par lrsquoindustrie agrave partir des anneacutees 1950 en raison de leurs proprieacuteteacutes (ininflammables stables et inertes compressibles non solubles et peu oneacutereux agrave fabriquer) et de leur apparente innocuiteacute environnementale Ils eacutetaient principalement utiliseacutes dans lrsquoindustrie du froid comme agents dispersants et gaz propulseurs des bombes aeacuterosols et des mousses syntheacutetiques comme steacuterilisants et solvants de lrsquoindustrie eacutelectronique ou comme agents extincteurs3 Voy not K Litfin Ozone Discourses Science and Politics in Global Environmental Cooperation Columbia University Press 1994 257 p R E Benedick Ozone Diplomacy New Directions in Safeguarding the Planet Harvard University Press Cambridge 1998 (eacuted eacutelargie) 480 p O Yoshida The international legal reacutegime for the protection of the stratospheric ozone layer international law international reacutegimes and sustainable development Kluwer The Hague 2001 403 p D Kaniaru (ed) The Montreal Protocol celebrating 20 years of environmental progress ozone layer and climate protection Cameron May London 2007 355 p4 Lrsquoajustement du Protocole de Montreacuteal (art 2 sect 9) permet agrave ses Parties de reacutepondre rapidement aux nouvelles informations scientifiques et de parvenir agrave un accord pour acceacuteleacuterer les reacuteductions des volumes de la production et de la consommation des substances deacutejagrave reacuteglementeacutees par le Protocole Les ajustements sont automatiquement applicables agrave tous les pays qui ont ratifieacute le Protocole5 Amendement de Londres (1990) de Copenhague (1992) de Montreacuteal (1997) et de Beijing (1999)

Hugues HELLIO

83

technologies au profit des Parties dont la situation particuliegravere le requiert Surtout il est doteacute drsquoun

meacutecanisme original de controcircle du non-respect inspireacute de la theacuteorie de la compliance qui a fait eacutecole

aupregraves de nombreux autres accords environnementaux multilateacuteraux Le reacutegime ozone a ainsi acquis

une vitaliteacute institutionnelle forte Elle se mesure agrave lrsquoaune des centaines de deacutecisions prises lors de

ses reacuteunions annuelles ainsi qursquoagrave lrsquoengagement de 197 Parties agrave son entreprise conventionnelle qui

atteint en 2009 la ratification universelle pour la premiegravere fois de lrsquohistoire de lrsquoOrganisation des

Nations Unies

Si la crainte drsquoune disparation complegravete de la couche drsquoozone nrsquoest plus de mise son eacutevolution

aux pocircles reste preacuteoccupante et sous surveillance La couche drsquoozone pourrait retrouver son eacutetat de

1980 au deacutebut de la seconde moitieacute du XXIe siegravecle Les reacutesultats obtenus en la matiegravere sont direc-

tement imputables agrave la mise au ban mondiale des CFC et des autres substances ozonicides Symeacute-

triquement ce bannissement est alleacute de pair avec la promotion drsquoautres moleacutecules aux proprieacuteteacutes

industrielles et drsquousages comparables mais qui srsquoavegraverent non nocives pour lrsquoozone Au premier rang

de ces substances regravegnent les hydrofluorocarbones (HFC)

Les enjeux des HFC

Les hydrofluorocarbones sont utiliseacutes en remplacement des CFC et des autres substances qui

appauvrissant la couche drsquoozone sont en voie drsquoeacutelimination au titre du reacutegime ozone Pour autant

leur consideacuteration ne se limite pas agrave ce reacutegime juridique Les HFC sont aussi pris en compte par

drsquoautres reacutegimes juridiques de protection internationale de lrsquoenvironnement Les HFC integravegrent

donc une pluraliteacute de reacutegimes juridiques internationaux qui deacuteveloppent des interactions6 et qui

par lagrave mecircme forment un complexe de reacutegimes7 Surtout la logique de consideacuteration des HFC par

ces autres reacutegimes est diameacutetralement opposeacutee agrave celle qui preacutevalait dans le reacutegime ozone Y prime la

recherche drsquoeacutelimination des HFC plutocirct que ce qui put ecirctre celle de leur promotion

Srsquoils sont sans effet sur lrsquoozone les HFC sont de tregraves puissants gaz agrave effet de serre entre 14 000 et

23 000 fois supeacuterieur au dioxyde de carbone (CO2) et leurs eacutemissions augmenteraient de 7 agrave 9 par

an Leur effet potentiel sur le climat serait ainsi consideacuterable Le retrait mondial des HFC permettrait

drsquoinfleacutechir la courbe du reacutechauffement de 05 degC drsquoici agrave 2050 Seraient en jeu 100 milliards de tonnes

6 Les interactions de reacutegimes qursquoelles soient verticales ou comme ici horizontales entre plusieurs reacutegimes eacutetablis au niveau international ont eacuteteacute analyseacutees notamment par Oran R Young Voy O R Young The institutional dimension of environmental change fit interplay and scale MIT Press Cambridge 2002 237 p speacutec pp 83-138 O R Young L A King et H Schroeder (ed) Institutions and environmental change principal findings applications and research frontiers MIT Press Cambridge 2008 400 p speacutec Th Gehring et S Oberthuumlr laquo Interplay Exploring Institutional interaction raquo pp 187-223 S Oberthuumlr et O S Stokke (ed) Managing Institutional Complexity Regime Interplay and Global Environmental Change MIT Press Cambridge 2011 376 p7 Pour J-F Morin laquo [p]arce que le nombre de reacutegimes internationaux est en constante augmentation et que chacun eacutevolue en prenant de lrsquoexpansion certains finissent par se chevaucher Il se creacutee alors des constellations de reacutegimes lieacutes les uns aux autres que lrsquoon appelle laquo complexes de reacutegimes laquo Les diffeacuterents reacutegimes qui composent un complexe peuvent se faire concurrence deacutevelopper des synergies ou encore entrer en conflit raquo cf J-F Morin laquo Les reacutegimes internationaux de lrsquoenvironnement raquo CERISCOPE Environnement 2014 lthttpceriscopesciences-pofrenvironnementcontentpart3les-regimes-internationaux-de-l-environnement consulteacutee le 161016gt Voy aussi A Orsini J-F Morin et O R Young laquo Regime complexes A buzz a boom or a boost for global governance raquo Global Governance A Review of Multilateralism and International Organizations 2013-1 vol 19 pp 27-39

HFC Histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali

84

drsquoeacutequivalents CO2 crsquoest-agrave-dire dix fois plus que les objectifs fixeacutes par le Protocole de Kyoto8

Sans surprise le reacutegime international du climat construit en 1992 sur la base de la Conven-

tion-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a eacuteteacute saisi de la question

des HFC Plus preacuteciseacutement le Protocole de Kyoto de 1997 vise six gaz9 dont les HFC qui sont comp-

tabiliseacutes dans les eacutemissions de gaz agrave effet de serre et sujets agrave reacuteduction pour les Parties lieacutees par des

obligations chiffreacutees La question des HFC est en outre profondeacutement enracineacutee dans les dispositifs

du reacutegime climat Elle se retrouve par exemple au cœur des modaliteacutes et des financements du Meacute-

canisme de deacuteveloppement propre (MDP) du Protocole de Kyoto avec de surcroicirct les controverses

drsquoapplication lieacutees au HFC-2310 Reste qursquoen consideacuteration du champ drsquoapplication du Protocole de

Kyoto les reacutesultats obtenus pour les HFC sont tout aussi deacutecevants que ceux de lrsquoensemble du Pro-

tocole Ils laissent perdurer une situation fort dommageable pour le climat

Sans devoir constater lrsquoexistence drsquoengagements internationaux contradictoires au sens strict

le traitement reacuteserveacute aux HFC relevait de logiques antagonistes promus dans le reacutegime ozone ils

doivent ecirctre limiteacutes si ce nrsquoest proscrits dans le reacutegime climat

Le reacutegime ozone nrsquoest pas resteacute insensible au problegraveme poseacute par les HFC pour le climat Au

contraire degraves 1990 la deuxiegraveme Reacuteunion des Parties au Protocole de Montreacuteal a prieacute son Groupe de

lrsquoeacutevaluation scientifique drsquoinclure dans ses travaux une eacutevaluation du laquo potentiel de reacutechauffement

de la planegravete des produits chimiques de remplacement (par exemple HCFC et HFC) des substances

reacuteglementeacutees raquo11 Si les anneacutees suivantes nrsquoont pas deacutementi la preacuteoccupation preacutecoce affirmeacutee par le

reacutegime ozone aucun amendement sur le sort des HFC nrsquoeacutetait parvenu agrave eacutemerger

En marge de la voie multilateacuterale de protection de lrsquoenvironnement (reacutegime ozone et reacutegime

climat) drsquoautres initiatives sont apparues pour apporter une solution agrave la question des HFC for-

mant et formalisant en cela davantage le complexe de reacutegimes lieacutes aux HFC Les approches pluri- et

bilateacuterale doivent ecirctre signaleacutees Elles doivent beaucoup aux Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique Deacutejagrave quelques

semaines avant le G20 de Saint-Peacutetersbourg en 2013 les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et la Chine sont

convenus drsquoun accord portant preacuteciseacutement sur la reacuteduction des eacutemissions des HFC12 Au terme de

cette reacuteunion du G20 de septembre 2013 les chefs drsquoEacutetat et de gouvernement ont deacuteclareacute

laquo Nous encourageons eacutegalement les initiatives suppleacutementaires dans le cadre drsquoapproches multi-lateacuterales qui preacutevoient lrsquoutilisation de lrsquoexpertise et des institutions du Protocole de Montreacuteal afin de

8 Eacuteleacutements repris de S Maljean-Dubois et M Wemaeumlre laquo Lrsquoaccord agrave conclure agrave Paris en deacutecembre 2015 une opportuniteacute pour laquodeacuteraquofragmenter la gouvernance internationale du climat raquo RJE 2015-4 speacutec p 661 Pour plus drsquoeacuteleacutements chiffreacutes voy PNUE HFCs A Critical Link in Protecting Climate and the Ozone Layer UNEP 2011 36 p disp agrave lrsquoadresse ltwwwuneporgdewaPortals67pdfHFC_reportpdf consulteacutee le 161016gt9 Selon lrsquoannexe A du Protocole de Kyoto toute aussi importante que lrsquoAnnexe I de la CCNUCC qui deacutefinit les Parties lieacutees par des obligations chiffreacutees de reacuteduction ces gaz sont le dioxyde de carbone (CO

2) le meacutethane (CH

4) lrsquooxyde nitreux (N

2O) les hydrofluorocarbones

(HFC) les hydrocarbures perfluoreacutes (PFC) et lrsquohexafluorure de soufre (SF6)

10 Voy R de Rafael laquo Lrsquoimpact des dispositifs institutionnels sur lrsquoeacutevolution des meacutecanismes de projet eacutetude de cas du Meacutecanisme de Deacuteveloppement Propre raquo11 CR 2 PM Groupes drsquoeacutevaluation deacutecision II13 27ndash29 juin 199012 laquo China-US Agreement on Phase Down of Potent Greenhouse Gases raquo Communiqueacute de presse de la Maison Blanche 8 juin 2013 lthttpiipdigitalusembassygovstenglishtexttrans20130620130608275762htmlCPrss=trueaxzz2Vf1q WCLe consulteacutee le 161016gt Voy aussi ltwwwjournaldelenvironnementnetarticleaccord-sino-americain-sur-les-hfc35037 consulteacutee le 161016gt

Hugues HELLIO

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reacuteduire progressivement la production et la consommation drsquohydrofluorocarbones en examinant les alternatives eacuteconomiquement viables et techniquement faisables Nous continuerons drsquoinclure les hy-drofluorocarbones dans le champ de la CCNUCC et du Protocole de Kyoto concernant la comptabiliteacute et la deacuteclaration des niveaux drsquoeacutemission raquo13

Surtout degraves deacutebut 2012 les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique ont avec le Canada le Bangladesh le Mexique

la Suegravede et le Ghana notamment lanceacute une initiative originale de lutte contre les gaz agrave effet de serre

agrave courte dureacutee de vie parmi lesquels figurent les HFC Sous le nom de Coalition pour le climat et lrsquoair pur (CCAC) il srsquoagit drsquoun reacutegime international multiniveaux et ouvert qui reacuteunit aujourdrsquohui sur un

pied drsquoeacutegaliteacute formelle cinquante Eacutetats seize organisations intergouvernementales et quarante-cinq

organisations non-gouvernementales En outre la CCAC est non obligatoire et non contraignante

puisque laquo [l]a participation agrave la Coalition est volontaire et chaque partenaire deacutetermine individuel-

lement la nature de sa participation Aucune obligation leacutegalement contraignante ne deacutecoulera de ce

cadre ni entre ni parmi les partenaires raquo14

La CCAC nrsquoest pas une initiative de marginalisation du systegraveme onusien Au contraire crsquoest la

division de la technologie de lrsquoindustrie et de lrsquoeacuteconomie du Programme des Nations Unies pour

lrsquoenvironnement (PNUE) baseacutee agrave Paris qui en assure le secreacutetariat Or le PNUE assure deacutejagrave le secreacute-

tariat du reacutegime ozone et le reacutegime climat relegraveve de la famille onusienne Autant de ferments com-

muns pour conduire le Secreacutetaire geacuteneacuteral des Nations Unies agrave promouvoir lors du Sommet 2014 sur le Climat ndash Acceacuteleacuterer lrsquoaction qursquoil organisa une initiative concernant les hydrofluorocarbures en

lien explicite avec la CCAC15

A cette lumiegravere il est malvenu de penser que la question des HFC est deacutelaisseacutee A lrsquoinverse plu-

sieurs reacutegimes internationaux la considegraverent certains incidemment drsquoautres speacutecifiquement cer-

tains constitueacutes dans la plus pure tradition juridique internationale de lrsquoapregraves-seconde Guerre mon-

diale drsquoautres sur la base des eacutevolutions les plus reacutecentes de gouvernance mondiale et des sciences

humaines juridiques et sociales Les HFC ont eacuteteacute un eacuteleacutement majeur de formation du complexe de

reacutegimes Crsquoest par la question climatique qursquoils posent que ce complexe de reacutegimes srsquoest eacutetabli tous

les reacutegimes partagent la charge drsquoy apporter une reacuteponse

La recherche de la meilleure solution agrave apporter aux HFC a susciteacute la creacuteation drsquoun complexe

de reacutegimes En cela le rocircle des HFC est deacuteterminant et sans doute plus visible ndash antagonisme des

13 Deacuteclaration des chefs drsquoEacutetat et de gouvernement du G20 Sommet de Saint-Peacutetersbourg 5-6 septembre 2013 sect 101 14 Art 3 e) et f) du Cadre de la coalition pour le climat et lrsquoair pur pour reacuteduire les polluants climatiques de courte dureacutee de vie doc HLASEP20144A approuveacutee par lrsquoAssembleacutee de Haut Niveau le 22 septembre 2014 disponible ainsi que les informations compleacutementaires agrave lrsquoadresse lthttpccacoalitionunepecedityphonnetfr consulteacutee le 161016gt15 Lrsquoinitiative prend la forme du Joint Statement Phasing Down Climate Potent HFCs soutenu par une trentaine drsquoEacutetats et de plus nombreuses organisations intergouvernementales et non gouvernementales Elle est un soutien agrave un amendement de reacuteduction de la production et de la consommation des hydroflurorocarbones dans le cadre du Protocole de Montreacuteal se reacutefeacuterant ainsi mais deacutepassant aussi nettement lrsquoaffirmation timoreacutee par les chefs drsquoEacutetat et de gouvernement lors du Sommet de Rio +20 selon laquelle ils se deacuteclaraient laquo conscients que lrsquoeacutelimination graduelle des substances appauvrissant la couche drsquoozone entraicircne un rapide accroissement de lrsquoutilisation drsquohydrofluorocarbones et du rejet dans lrsquoatmosphegravere de ces substances qui ont un fort potentiel de reacutechauffement de la planegravete [et] favorables agrave une reacuteduction progressive de la consommation et de la production drsquohydrofluorocarbones raquo Lrsquoavenir que nous voulons doc ARES66288 speacutec sect 222 Voy Phasing Down Climate Potent HFCs Action Statement and Plan disp agrave lrsquoadresse lthttpwwwunorgclimatechangesummitwp-contentuploadssites2201407INDUSTRY-Phasing-Down-Climate-Potent-HFCs-Action-Statement-and-Planpdf consulteacutee le 161016gt

HFC Histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali

86

approches ndash que ce que la circulation des normes et reacuteseaux drsquoacteurs peut laisser percevoir par ail-

leurs dans la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement Choyeacutes dans le reacutegime ozone les HFC

ont circuleacute jusqursquoau reacutegime climat ougrave ils sont particuliegraverement craints La proximiteacute theacutematique des

deux reacutegimes nrsquoest sans doute pas eacutetrangegravere agrave cette circulation ni agrave la consideacuteration plurielle qui en

reacutesulte et qui formalise les interactions du complexe de reacutegimes Relativement visible ce processus

de formation de complexe ne doit pas occulter lrsquoexistence drsquoautres eacuteleacutements en circulation qui en

partagent les effets

Circulations et formation de complexe

Peu porteacutees jusqursquoagrave reacutecemment agrave examiner les reacuteseaux drsquoacteurs les sciences juridiques ont sans

nul doute pris en compte le pheacutenomegravene de circulation des normes entre ordres juridiques16 Ainsi

le droit international de lrsquoenvironnement et la gouvernance y affeacuterente offrent un terrain drsquoanalyse

suppleacutementaire et aux speacutecificiteacutes accrues pour consideacuterer les enjeux couverts par les circulations

de normes et les reacuteseaux drsquoacteurs entre reacutegimes internationaux susceptibles de constituer des com-

plexes

Sans signalement preacutealable les normes et acteurs en circulation dans les complexes de reacutegimes

du droit international de lrsquoenvironnement peuvent se deacutecouvrir au hasard de lrsquoexamen Parfois pres-

sentie mais pas neacutecessairement attendue en un reacutegime donneacute lrsquoidentification preacutecise drsquoune circula-

tion est difficile tout comme celle de ses effets sur le reacutegime investi ou inversement celle des effets

de ce reacutegime sur les normes et acteurs en circulation En effet lrsquoexamen peut laisser deacutecouvrir al-

ternativement ou cumulativement lrsquoorigine de lrsquoeacuteleacutement en circulation ndash son reacutegime de deacutepart ndash sa

nature et sa force juridique y compris sa normativiteacute et sa porteacutee normative les difficulteacutes de circu-

lation rencontreacutees entre reacutegimes juridiques et leurs conseacutequences y compris en termes normatifs agrave

savoir une reproduction agrave lrsquoidentique dans un nouveau reacutegime une porteacutee accrue ou un gauchisse-

ment voire une novation De nombreux et complexes cas de figure se preacutesentent

Lrsquoeacuteleacutement en circulation peut relever des questions juridiques deacutetermineacutees comme la reacuteglemen-

tation des HFC Il peut aussi ecirctre une theacutematique plus large telle la protection de lrsquoenvironnement

dans les reacutegimes internationaux en charge du commerce mondial17 ou la santeacute dans les reacutegimes

relatifs agrave la biodiversiteacute18 Dans de tels cas que ce soit un thegraveme de reacuteglementation ou un domaine

implicite de compeacutetence la qualification drsquoobjet juridique peut paraicirctre pertinente Il reste que les

eacuteleacutements en circulation dans la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement peuvent tout autant

ecirctre de plus strictes normes juridiques voire des acteurs de cette gouvernance

Des normes juridiques circulent dans les complexes de reacutegimes du droit international de

16 Le droit compareacute analyse principalement ces aspects sous lrsquoangle des emprunts ou transferts juridiques des fertilisations croiseacutees et hybridations voy M-C Ponthoreau Droits constitutionnels compareacutes Economica Paris 2010 speacutec pp 143-17017 Voy J-F Morin et M Rochette laquo Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et diffusion raquo infra p 3718 Voy Cl Lajaunie et P Mazzega laquo Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacute dans les Conventions internationales lieacutees agrave la biodiversiteacute raquo infra p 61

Hugues HELLIO

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lrsquoenvironnement A lrsquoinstar des speacutecificiteacutes connues de cette branche du droit international ces

normes ne revecirctent pas toutes les qualiteacutes attendues par la science juridique Certaines relegravevent

davantage du concept la chose est connue19 Srsquoimpose alors le qualificatif de soft law et avec lui

les incertitudes quant aux effets juridiques de la circulation Crsquoest le cas par exemple des objectifs

drsquoAichi20 Il nrsquoen va pas tregraves diffeacuteremment de la reacutefeacuterence aux droits de lrsquohomme dans le preacuteambule

de lrsquoAccord de Paris sur le climat Mais le degreacute de normativiteacute de lrsquoeacuteleacutement en circulation peut

aussi ecirctre plus eacuteleveacute comme en teacutemoigne deacutejagrave lrsquoapproche de preacutecaution promue par le processus

de Kobeacute dans les travaux des diffeacuterentes commissions en charge de la gestion internationale des

thonideacutes21 Plus lrsquoexpeacuterience et lrsquoacquis de ladite norme sont grands dans les reacutegimes internationaux

plus celle-ci est connue et ses meacuterites reconnus et plus sa reacuteception dans un reacutegime tiers pourra

ecirctre appreacutecieacutee voire rechercheacutee Crsquoest moins le cas des normes primaires deacutefinies initialement et

speacutecialement par chaque reacutegime au regard de ses fins que des normes proceacutedurales Ces derniegraveres

promeuvent des proceacutedures varieacutees telles par exemple celles dites de transparence22 de recours

aux experts des meacutecanismes de compliance voire mecircme de plaintes23 Leur circulation semble plus

aiseacutee et reacuteguliegravere mecircme si aucune garantie ne peut ecirctre apporteacutee quant aux effets juridiques de

la circulation sur lrsquointeacutegriteacute de la proceacutedure ou sur le fonctionnement du reacutegime Une adaptation

heureuse ou regrettable est somme toute toujours de mise lors de leur reacuteception dans un nouveau

reacutegime et la chose se reacutepegravete lors drsquoune circulation conseacutecutive vers un autre reacutegime

Des acteurs de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement circulent aussi au sein des

complexes de reacutegimes Eu eacutegard au caractegravere intereacutetatique des reacutegimes consideacutereacutes ces acteurs sont

en premier lieu les Eacutetats Parties de ces reacutegimes En fonction drsquointeacuterecircts nationaux propres ils peuvent

adopter dans un reacutegime donneacute une strateacutegie active ou plus reacuteserveacutee tisser des alliances durables

ou de circonstances qui perdurent dans un autre reacutegime ou sont sans lendemain Mais les acteurs

de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement ne sont pas seulement eacutetatiques Ils peuvent

aussi ecirctre une des nombreuses autres parties prenantes dont la circulation dans les complexes de

reacutegimes produit ou non des effets affecte ou non tel ou tel reacutegime Crsquoest le cas notamment des

organisations internationales comme la Banque mondiale et son rocircle drsquoacheteur des creacutedits carbone

internationaux ainsi que des acteurs priveacutes qui y ont un inteacuterecirct substantiel24 et des organisations

non-gouvernementales par exemple dans les reacutegimes biodiversiteacute et climat25 Il peut bien

eacutevidemment aussi srsquoagir de personnes physiques Le point ne doit pas ecirctre neacutegligeacute tant lrsquoexpeacuterience

19 H Ruiz Fabri et L Gradoni (dir) La circulation des concepts juridiques le droit international de lrsquoenvironnement entre mondialisation et fragmentation SLC Paris 2009 575 p20 Voy G Futhazar laquo La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute le cas de la CITES de la CDB et du fond pour lrsquoenvironnement mondial raquo supra p 9521 Voir S Gambardella laquo Le processus de Kobeacute Un vecteur de circulation des normes et des acteurs dans un contexte de gouvernance internationale fragmenteacutee raquo supra p 14722 Voy A-S Tabau laquo La transparence de la finance climat de la circulation du principe agrave la circulation de ses modaliteacutes drsquoapplication raquo supra p 16523 Voy V Richard laquo Emprunts speacutecificiteacutes et articultations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte du Fonds Vert pour le Climat raquo supra p 187 24 Voy D Compagnon Y Montouroy A Orsini et R de Rafael laquo Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en œuvre des normes de gouvernance environnementale agrave lrsquoeacutechelle internationale raquo supra p 117 25 Voy M Hrabanski laquo Cartographie des acteurs contestataires des reacutegimes biodiversiteacute et climat raquo Working paper CIRCULEX ndeg 5 non pub

HFC Histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali

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et le parcours professionnels de celles-ci au sein drsquoun complexe de reacutegimes peut leur confeacuterer une

influence eacuteleveacutee dans lrsquoun de ces reacutegimes Il peut srsquoagir tant des diplomates des fonctionnaires

internationaux que des consultants universitaires experts lobbyistes opposants ou militants drsquoONG

La cartographie complegravete des circulations de normes et des reacuteseaux drsquoacteurs dans leur varieacuteteacute

juridique ou personnelle dans lrsquohistoire et la diversiteacute des reacutegimes ainsi qursquoen fonction des effets

normatifs produits sur la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement reste eacutevidemment agrave eacuteta-

blir Chaque fragment proposeacute demeure toutefois preacutecieux pour la compreacutehension de lrsquoensemble

La gestion concerteacutee

Les sciences environnementales ont largement eacutetabli lrsquoimpeacuteratif de gestion concerteacutee fondeacutee

sur la coopeacuteration de toutes les parties inteacuteresseacutees agrave la cause consideacutereacutee De mecircme les interactions

conflictuelles entre reacutegimes internationaux ne trouveraient de solution juridique que dans la coopeacute-

ration de leurs institutions et de leurs Parties respectives agrave mecircme drsquoidentifier un compromis politi-

quement acceptable par tous La question des HFC en offre une preacutegnante illustration

Les HFC ont principalement braqueacute les regards et les attentions sur le reacutegime ozone Celui-ci ne

manque pas de deacuteveloppements reacuteguliers et de marques drsquoune concertation avec le reacutegime climat

Degraves 1998 le reacutegime ozone salue lrsquoadoption du Protocole de Kyoto qui vise les HFC et la deacutecision de

la quatriegraveme Confeacuterence des Parties de la CCNUCC qui invite les Parties les organismes compeacutetents

relevant du Protocole de Montreacuteal le Groupe drsquoexperts intergouvernemental sur lrsquoeacutevolution du cli-

mat (GIEC) les organisations intergouvernementales et non-gouvernementales agrave communiquer agrave

son secreacutetariat des informations sur les moyens disponibles ou susceptibles de le devenir pour limiter

les eacutemissions drsquohydrofluorocarbones26 Le reacutegime ozone srsquoen fait lrsquoeacutecho par une deacutecision symeacutetrique

reconnaissant le potentiel eacuteleveacute de reacutechauffement planeacutetaire des HFC et en demandant aux organes

compeacutetents du Protocole de Montreacuteal de fournir agrave son secreacutetariat les renseignements pertinents sur les

HFC drsquoorganiser un atelier avec le GIEC qui aidera les organes de la CCNUCC ainsi que de continuer agrave

rassembler les informations sur lrsquoeacuteventail complet des solutions de remplacement et de coopeacuterer avec

les organes compeacutetents du reacutegime climat27 En 2002 lrsquoappel du reacutegime climat agrave une concertation plus

pousseacutee passe par lrsquoinvitation faite au GIEC et au Groupe de lrsquoeacutevaluation technique et eacuteconomique du

Protocole de Montreacuteal agrave eacutetablir un rapport speacutecial unique inteacutegreacute et eacutequilibreacute renfermant des infor-

mations scientifiques et techniques ainsi que des informations propres agrave faciliter la prise de deacutecision28

26 COP 4 CCNUCC Relations entre les efforts faits pour proteacuteger la couche drsquoozone stratospheacuterique et les efforts faits pour preacuteserver le systegraveme climatique mondial questions touchant les hydrofluorocarbones et les hydrocarbures perfluoreacutes Deacutecision 13CP4 11 novembre 1998 Doc FCCCCP199816Add1 p 51 speacutec sect 2 La mecircme deacutecision encourage le GIEC et le Groupe de lrsquoeacutevaluation technique et eacuteconomique relevant du Protocole de Montreacuteal agrave organiser en 1999 un atelier qui aiderait le SBSTA agrave reacuteunir des informations sur les moyens disponibles ou susceptibles de le devenir pour limiter les eacutemissions drsquohydrofluorocarbones27 RP 10 PM Lrsquoapplication du Protocole de Montreacuteal dans le contexte du Protocole de Kyoto Deacutecision X16 23-24 novembre 199828 COP 8 CCNUCC Relations entre les efforts faits pour proteacuteger la couche drsquoozone stratospheacuterique et les efforts faits pour preacuteserver le systegraveme climatique mondial questions touchant les hydrofluorocarbones et les hydrocarbures perfluoreacutes Deacutecision 12CP8 1er novembre 2002 doc FCCCCP20027Add1 p 32

Hugues HELLIO

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Le reacutegime ozone nrsquoa sans doute pas fait preuve de mauvaise volonteacute dans le traitement commun

des HFC Pour autant quels que soient les liens de coopeacuteration institutionnelle ou technique tisseacutes

avec le reacutegime climat le reacutegime ozone a peineacute agrave faire eacutemerger une solution politique Il en va ain-

si en 2010 suite pourtant agrave une deacuteclaration signeacutee par un grand nombre de Parties au Protocole de

Montreacuteal mais pas par toutes En visant expresseacutement les HFC les signataires y deacuteclarent leur in-

tention de laquo srsquoengager agrave prendre de nouvelles mesures au titre du Protocole de Montreacuteal pour assurer

la transition mondiale agrave des substances de remplacement eacutecologiquement rationnelles des HCFC et

des CFC raquo29 Tregraves sensibles aux effets des changements climatiques les Eacutetats feacutedeacutereacutes de Microneacutesie

portent depuis plusieurs anneacutees un projet drsquoinclusion des HFC dans les gaz reacuteglementeacutes du Proto-

cole de Montreacuteal au point de deacuteposer une proposition drsquoamendement en ce sens en avril 201330 Cette

proposition est suivie deux jours plus tard drsquoune autre similaire eacutemanant des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique

du Canada et du Mexique31 A la suite de lrsquoaccord sino-ameacutericain la proposition nord-ameacutericaine

vise sous reacuteserve drsquoacceptation par au moins vingt Parties agrave reacuteduire la production et la consomma-

tion de HFC de faccedilon progressive entre 2016 et 2050 Elle bute sur des oppositions politiques no-

tamment de lrsquoInde pourtant associeacutee agrave la Deacuteclaration du G20 de Saint-Peacutetersbourg Officiellement

lrsquoInde a pu consideacuterer que les HFC eacutetant sans effet sur la couche drsquoozone devaient ecirctre traiteacutes par

le reacutegime climat

Ainsi nonobstant les modaliteacutes drsquoajustement et drsquoamendement du Protocole de Montreacuteal le reacute-

gime ozone ne parvenait pas agrave eacutenoncer une reacuteponse politique et juridique agrave la question des HFC De

nouvelles oppositions se font jour agrave la proposition drsquoamendement lors des vingt-sixiegraveme et vingt-sep-

tiegraveme reacuteunions des Parties au Protocole de Montreacuteal tenues respectivement agrave Paris fin 2014 et agrave Du-

baiuml fin 2015 Elles sont davantage le fait de pays peacutetroliers telle lrsquoArabie Saoudite au nom toujours

du respect du principe de speacutecialiteacute des organisations internationales ainsi qursquoau regard de la dispo-

nibiliteacute des substances de remplacement et de leur mise en œuvre pratique Les pressions exerceacutees

tant par les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique agrave lrsquoorigine de la CCAC que par lrsquoUnion europeacuteenne ou la France

tregraves impliqueacutee dans le cadre de preacuteparation de la COP 21 CCNUCC de Paris nrsquoy suffisent pas

Srsquoil nrsquoa pas souffert des blocages politiques connus par le reacutegime ozone agrave propos de la question

des HFC le reacutegime climat nrsquoa pour sa part pas deacuteployeacute un activisme fort pour la reacutegler La COP 21 de

la CCNUCC eacutetait sans doute bien trop occupeacutee agrave trouver un accord pour poser sur la table parisienne

de neacutegociations le dossier des HFC dont le volume drsquoeacutemission demeure pour lrsquoheure reacuteduit (environ

1 des eacutemissions de gaz agrave effet de serre) et mecircme srsquoils sont potentiellement tregraves nuisibles LrsquoAccord

de Paris est sur ce point aussi parfaitement muet32 Tout au plus les HFC peuvent se retrouver dans

29 RP 22 PM Annexe III Deacuteclaration sur la transition mondiale agrave des substances autres que les hydrochlorofluorocarbones (HCFC) et les chlorofluorocarbones (CFC) 8-12 novembre 2010 (sans italique dans lrsquooriginal)30 Doc UNEPOzLProWG1334 16 avril 2013 31 Doc UNEPOzLProWG1333 18 avril 201332 Dans le mecircme sens il peut paraicirctre surprenant que lrsquoAccord de Paris eacutenonce des obligations diffeacuterencieacutees entre quatre cateacutegories de Parties (pays en deacuteveloppement pays en deacuteveloppement pays les moins avanceacutes petits Eacutetats insulaires en deacuteveloppement) sans jamais les deacutefinir Si la cateacutegorisation existante agrave lrsquoONU servira sans doute de base notons au hasard que Singapour relegraveve agrave la fois de la cateacutegorie onusienne des pays deacuteveloppeacutes (IDH 2011 = 0866) et des petits Eacutetats insulaire en deacuteveloppement selon le Deacutepartement des affaires eacuteconomiques et sociales de lrsquoONU

HFC Histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali

90

la comptabiliteacute des objectifs de reacuteduction de gaz agrave effet de serre preacutesenteacutes par les Parties les plus

impliqueacutees dans leur contribution deacutetermineacutee au niveau national (INDC pour lrsquoacronyme anglais) Si

crsquoest reacuteguliegraverement le cas la pratique nrsquoest pas pour autant uniforme Des Parties ne speacutecifient pas

les gaz viseacutes par leur INDC (par ex Chine Inde Eacutegypte Venezuela Eacutemirat Arabes Unis Pakistan)

et drsquoautres nrsquoeacutenoncent pas les HFC parmi ceux-ci (par ex Arabie Saoudite Indoneacutesie Malaisie Al-

geacuterie Nigeria)33 Toutefois comme les eacuteleacutements des INDC nrsquoont pas fait lrsquoobjet de neacutegociation lors

de la COP 21 de la CCNUCC il en va de mecircme de la question particuliegravere des eacutemissions de HFC

La gestion concerteacutee des HFC peinait ainsi agrave trouver une solution politique et juridique Pour-

tant lrsquoidentification des interactions physiques allait dans le sens drsquoune action commune largement

souhaiteacutee Ainsi il est agrave preacutesent aveacutereacute que les efforts deacuteployeacutes pour la protection de la couche drsquoozone

ont permis par sa reconstitution partielle de limiter le reacutechauffement climatique De mecircme lrsquooxyde

nitreux sous-produit de la production alimentaire est agrave la fois un puissant gaz agrave effet de serre et un

gaz destructeur drsquoozone34 En outre des alternatives technologiques aux HFC existent deacutejagrave mecircme si

elles sont pour lrsquoheure en quantiteacutes ou disponibiliteacutes limiteacutees Les difficulteacutes recenseacutees ici laissent

alors percevoir que la question des HFC est soumise agrave drsquoautres contraintes

Les lois de Pi

La quadrature du cercle que peut donner agrave voir la question des HFC entre reacutegime ozone et reacute-

gime climat est encore plus deacutelicate dans une perspective tri-dimensionnelle qui inclut des domaines

apparemment eacutetrangers agrave la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement jusqursquoici viseacutee Si des

solutions techniques existent au remplacement des HFC par des substances non-climatocides leur

utilisation pratique ne peut ecirctre envisageacutee qursquoen respect des lois de proprieacuteteacute intellectuelle

La situation des HFC en devient plus complexe encore En plus de relever de la gouvernance

internationale de lrsquoenvironnement le complexe de reacutegimes lieacute aux HFC peacutenegravetre le domaine de reacutegle-

mentation de la proprieacuteteacute intellectuelle comme le fait aussi le complexe de reacutegimes de la biodiversiteacute

au titre par exemple de la lutte contre la biopiraterie viseacutee par le Protocole de Nagoya

Lrsquoinclusion des aspects de proprieacuteteacute intellectuelle dans le complexe de reacutegimes rend neacutecessaire-

ment plus difficile encore lrsquoidentification drsquoune solution Le reacutegime ozone a examineacute les questions envi-

sageacutees ici en butant sur les fortes inquieacutetudes des pays en deacuteveloppement En teacutemoignent les eacutechanges

qui ont eu lieu lors de lrsquoAtelier sur la gestion des hydrofluorocarbones questions techniques agrave Bangkok en

avril 201535 La situation actuelle est tregraves diffeacuterente de celle connue pour les CFC au deacutebut du Protocole

de Montreacuteal Les substances de remplacement des HFC font lrsquoobjet de brevets reacutecents et leurs deacutetenteurs

entendent en tirer profit Les fournisseurs de ces substances sont peu nombreux En outre les incer-

33 Voy le site de la CCNUCC de soumission des INDC agrave lrsquoadresse lthttpwww4unfcccintSubmissionsINDCSubmission20Pagessubmissionsaspx consulteacutee le 161016 raquo et le tableau de comparaison proposeacute par le Center for Climate and Energy Solutions agrave lrsquoadresse lthttpwwwc2esorgindc-comparison consulteacutee le 161016gt34 Voy UNEP News La couche drsquoozone en voie de reconstitution septembre 2014 disp agrave lrsquoadresse lthttpwwwuneporg newscentredefaultaspx DocumentID =2796ampArticleID =10978ampl =fr consulteacutee le 161016gt35 Selon le rapport de lrsquoAtelier laquo [a]u cours des deux jours qursquoa dureacute lrsquoatelier la question de droits de proprieacuteteacute intellectuelle nrsquoa cesseacute de revenir sur le tapis raquo doc UNEPOzLProWorkshop82Add1 6 mai 2015 speacutec sect 77

Hugues HELLIO

91

titudes eacutetaient leacutegion quant au possible recours au Fond multilateacuteral pour lrsquoapplication du Protocole

de Montreacuteal afin de faciliter les transferts de technologies vers les pays en deacuteveloppement Surtout et

lrsquoeacuteleacutement est important pour la compreacutehension de lrsquoarchitecture juridique du complexe de reacutegimes et

lrsquoappreacuteciation de ses potentialiteacutes les regravegles nationales ou internationales relatives aux proprieacuteteacutes in-

tellectuelles sont perccedilues comme des obstacles suppleacutementaires qursquoil est bien difficile de surmonter

laquo La deuxiegraveme grande question eacutetait celle du maquis que repreacutesentaient les brevets qui consistait en une eacutepaisse toile de droits de proprieacuteteacute intellectuelle imbriqueacutes au travers de laquelle une socieacuteteacute de-vait se frayer un chemin pour pouvoir effectivement commercialiser une nouvelle technologie Avec la complexification croissante du contexte technologique commercial et reacuteglementaire ndash sceacutenario qui pourrait ecirctre celui de lrsquoeacutelimination des HFC ndash le risque de voir le maquis des brevets se deacutevelopper est plus grand raquo36

Dans lrsquoattente de la Reacuteunion des Parties au Protocole de Montreacuteal drsquooctobre 2016 agrave Kigali les

eacuteleacutements identifieacutes lors de lrsquoAtelier de 2015 agrave Dubaiuml pour demeurer optimistes37 ne levaient pas les

oppositions des pays en deacuteveloppement agrave un amendement du Protocole Ces derniers restaient dans

lrsquoattente leacutegitime de garanties sur la facilitation et le financement des transferts de technologies38

Le ciel demain

Comme le rappelait le Joint Statement Phasing Down Climate Potent HFCs promu par le Secreacute-

taire geacuteneacuteral des Nations Unies les HFC sont produits par lrsquohomme Mecircme srsquoils ont eacuteteacute utiles agrave la

protection de la couche drsquoozone les eacutemissions grandissantes de HFC font peser un risque si critique

sur le climat qursquoil importe drsquoen prohiber les eacutemissions sans dommage pour lrsquoenvironnement ou au

contraire et plus exactement agrave son grand profit

La chose a enfin eacuteteacute entendue Sous lrsquoinfluence certaine des autres reacutegimes concerneacutes le reacutegime

ozone est parvenu agrave jouer le rocircle deacuteterminant et attendu de lui au sein du complexe de reacutegimes pour

promouvoir une solution juridique et acceptable politiquement Encore souvent citeacute en modegravele du

droit international de lrsquoenvironnement le reacutegime ozone ne devait pas laisser se deacutevelopper les eacutemis-

sions de HFC qui pouvaient paraicirctre le reacutesultat de lrsquoune de ses mauvaises bonnes ideacutees surtout au

lendemain de lrsquoannonce de lrsquoentreacutee en vigueur de lrsquoAccord de Paris et sans en compromettre les reacute

36 Selon le rapport de lrsquoAtelier agrave la suite drsquoune unique intervention sur ce thegraveme et avec la reacutefeacuterence citeacutee C Shapiro laquo Navigating the patent thicket cross licenses patent pools and standard-setting raquo in A B Jaffe et al Innovation Policy and the Economy I MIT Press Cambridge 2001 pp 119ndash150 cf doc UNEPOzLProWorkshop82Add1 6 mai 2015 speacutec sect 78 37 laquo On a toutefois eacutegalement souligneacute qursquoil y avait des raisons drsquoecirctre optimiste a) Certaines substances essentielles telles que les reacutefrigeacuterants naturels ne sont pas breveteacutees b) Mecircme si les brevets ou le maquis de brevets entravent la commercialisation ou lrsquoutilisation de certaines technologies il y aura toujours de nouvelles inventions pour surmonter lrsquoobstacle c) On peut srsquoattendre agrave ce que des technologies concurrentes porteacutees en partie par de nouveaux marcheacutes et des signaux reacuteglementaires entraicircnent une baisse des prix des technologies breveteacutees d) Les brevets ne sont pas permanents ils viennent agrave expiration avec le temps e) Agrave moins drsquoun changement extraordinaire le Fonds multilateacuteral continuera drsquoecirctre mandateacute pour financer le transfert des technologies et notamment lrsquooctroi de licences autorisant lrsquoutilisation de technologies breveteacutees raquo doc UNEPOzLProWorkshop82Add1 6 mai 2015 speacutec sect 7838 laquo Le deacutebat qui a suivi a porteacute sur les moyens permettant au Fonds multilateacuteral de faciliter le transfert des technologies quelles deacutepenses acquittera-t-il et comment reacutepartir le coucirct de la transition Le message qursquoil faut en retenir est qursquoune meilleure compreacutehension de la question srsquoimpose Cependant il est eacutegalement apparu que de nouvelles approches pourraient ecirctre neacutecessaires pour faciliter le transfert des technologies notamment dans des secteurs ougrave les solutions de remplacement sont peu nombreuses raquo doc UNEPOzLProWorkshop82Add1 6 mai 2015 speacutec sect 79

HFC Histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali

92

sultats futurs La solution enfin trouveacutee prend la forme de lrsquoAmendement de Kigali au Protocole de

Montreacuteal Il est adopteacute au petit matin du 15 octobre 2016 au terme de la derniegravere nuit de neacutegociation

de la vingt-huitiegraveme Reacuteunion des Parties au Protocole de Montreacuteal

LrsquoAmendement de Kigali preacutevoit qursquoagrave la fin des anneacutees 2040 toutes les Parties consommeront

seulement 15 agrave 20 de leur consommation actuelle drsquoHFC Pour ce faire lrsquoAmendement repose

comme lrsquoAccord de Paris drsquoune part sur des obligations de reacuteductions diffeacuterentieacutees et drsquoautre part

sur des engagements de financement et de transferts de technologies au profit des pays en deacuteve-

loppement Devant faire lrsquoobjet de preacutecisions lors de la reacuteunion de 2017 des Parties au Protocole de

Montreacuteal ces financements et transferts de technologies devraient srsquoappuyer tout agrave la fois sur le

Fond multilateacuteral pour lrsquoapplication du Protocole de Montreacuteal et sur des contributions compleacutemen-

taires et rapides promises par des Parties deacuteveloppeacutees agrave hauteur de 27 millions de dollars ainsi que

des contributions drsquoorganisations priveacutees caritatives pour 53 millions de dollars La diffeacuterenciation

des obligations impose aux Parties deacuteveloppeacutees de reacuteduire degraves 2019 de 10 leurs utilisation et pro-

duction de HFC et drsquoatteindre lrsquoobjectif final de lrsquoAmendement en 2039 La plupart des Parties en deacute-

veloppement suivront agrave partir de 2024 seules quelques autres Parties dont lrsquoInde des pays du Golfe

et le Pakistan ne deacutebuteront le gel des HFC qursquoen 2028 avant leur reacuteduction Diffeacuterenciation des

obligations et financements ont sans nul doute eacuteteacute deacuteterminants pour parvenir agrave la solution qui ne

pouvait ecirctre que politique et qui teacutemoigne aussi de la circulation au sein du complexe entre reacutegime

climat et reacutegime ozone des modaliteacutes juridiques du compromis acceptable par tous

Cette fin programmeacutee des HFC ne sonne pas le glas du complexe de reacutegimes formeacute sur leur base

Sans doute de nouvelles propositions de rapprochement institutionnel ndash clustering ndash pourraient ecirctre

faites pour perfectionner la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement Pour autant les causes

et circonstances de creacuteation de complexe de reacutegimes perdureront Si la fin du complexe de reacutegimes

aux contours eacutebaucheacutes ici peut arriver il est plus logique de gager que ce complexe sous une forme

en constante eacutevolution continuera drsquoexister et drsquoy connaicirctre les circulations de normes et reacuteseaux

drsquoacteurs Le complexe se perpeacutetuera sans doute sur la base de questions nouvelles qui ne manque-

ront pas de naicirctre de la complexification des situations drsquoespegravece Comme le repreacutesente Escher dans

la Cage drsquoescaliers39 les ouvertures du complexe de reacutegimes sont trop nombreuses pour qursquoun nouvel

animal un wentelteefje nrsquoy peacutenegravetre nrsquoy circule et ne srsquoy installe

Ces quelques propos sur les HFC se veulent une illustration des enjeux de circulations de normes

et reacuteseaux drsquoacteurs de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement En lrsquoabsence de repreacute-

sentation graphique ici celles proposeacutees dans les autres contributions offrent en image des ensei-

gnements notables quant aux enjeux deacutejagrave signaleacutes de fragmentation du droit international et drsquoar-

chitecture geacuteneacuterale du droit Sans doute le droit international est moins fragmenteacute que construit

en diffeacuterents reacutegimes Surtout ceux-ci ne manquent pas selon les circonstances besoins envies et

pratiques de constituer des complexes de reacutegimes aux interactions nombreuses ou incertaines dif-

39 M C Escher Trappenhuis lithographie 1951

Hugues HELLIO

93

ficiles ou effectives La circulation eacutetaye tout autant la conception que lrsquoon peut avoir du droit tisseacute

par les complexes de reacutegimes Loin drsquoune pyramide ordonneacutee le droit se redeacutecouvre en un reacuteseau

aux boucles eacutetranges Il eacutetait agrave preacutevoir que les fils de ce reacuteseau que certains graphiques mettent enfin

en lumiegravere aient une structure creuse propice aux dialogues ougrave se deacuteveloppent les circulations de

normes et les reacuteseaux drsquoacteurs dans la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement

HFC Histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali

94

95

chapitre 4La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

Le cas de la CITES de la CDB et du Fond pour lrsquoEnvironnement Mondial

Guillaume Futhazar1

La circulation des normes et des acteurs au sein des reacutegimes de la gouvernance globale de lrsquoen-

vironnement est un pheacutenomegravene faisant lrsquoobjet de nombreuses analyses Certains auteurs se sont

employeacutes agrave illustrer lrsquoimportance de conditions pouvant favoriser une telle circulation2 Drsquoautres ont

chercheacute agrave mesurer lrsquoampleur du pheacutenomegravene notamment en ce qui concerne des types speacutecifiques

drsquoacteurs par exemple les experts3 Des eacutetudes ont eacutegalement tenteacute drsquoeacutetablir diffeacuterentes typologies

de circulation de concepts juridiques4

Tregraves souvent lrsquoeacutetude de cette circulation va de pair avec la notion de laquo complexe de reacutegimes raquo

Cette notion deacutesigne une situation de chevauchement de plusieurs reacutegimes internationaux non hieacute-

rarchiseacutes qursquoelle soit du fait de leurs objets membres institutions ou normes pouvant entrainer

un ensemble drsquoeffets devant ecirctre geacutereacutes de faccedilon approprieacutee pour preacutevenir drsquoeacuteventuelles situations

probleacutematiques5 Cet eacutetat de fait ndash reacutesultat logique drsquoune prolifeacuteration de conventions et institutions

dans le domaine de lrsquoenvironnement ndash creacutee degraves lors un terrain propice agrave la circulation des normes et

des acteurs De tels complexes existent par exemple en ce qui concerne les ressources geacuteneacutetiques6

le climat7 ou encore les forecircts8

Agrave ce paysage de recherche deacutejagrave tregraves riche nous proposons drsquoajouter une analyse suppleacutemen-

taire prenant un angle drsquoapproche diffeacuterent Il ne srsquoagira pas ici de discuter des causes des effets ou

encore de lrsquoeacutetendue de la circulation des normes ou des acteurs mais de la faccedilon dont ce pheacutenomegravene

peut ecirctre consciemment mobiliseacute par quelques institutions de la gouvernance internationale de lrsquoen-

vironnement

Pour ce faire nous deacutetaillerons un cas preacutecis lrsquoutilisation des liens existant entre la CITES et la

Convention sur la Diversiteacute Biologique (CDB) afin drsquoacceacuteder aux ressources du Fonds pour lrsquoEnvi-

ronnement Mondial (FEM) dans le but de financer des activiteacutes contribuant agrave la CITES

1 Doctorant contractuel agrave lrsquoUniversiteacute Aix-MarseilleAix Marseille Univ Universiteacute de Toulon Univ Pau amp Pays Adour CNRS OT-Med DICE CERIC IMBE Aix-en-Provence France2 A Ovodenko R Keohane laquo Institutional Diffusion in Environmental Affairs raquo International Affairs vol 88 ndeg 3 2012 pp 522-5413 J-F Morin L Seacutelim A Orsini M Oubenal laquo Boundary Organizations in Regime Complexes A Social Network Profile of IPBES raquo

Journal of International Relation and Development original paper pp 1-354 L Gradoni laquo Systegravemes juridiques internationaux une esquisse raquo in Ruiz Fabri (H) Gradoni (L) (ed) La circulation des concepts juri-

diques le droit international de lrsquoenvironnement entre mondialisation et fragmentation Socieacuteteacute de Leacutegislation Compareacutee Paris 2009 575 p pp 27-51

5 A Orsini J-F Morin O Young laquo Regime Complexes A Buzz a Boom or a Boost for Global Governance raquo Global Governance vol 19 ndeg 1 2013 pp 27-39 p 29 laquo we propose an alternative definition of a regime complex as a network of three or more international regimes that relate to a common subject matter exhibit overlapping membership and generate substantive normative or operative interactions recognized as potentially problematic whether or not they are managed effectively raquo

6 K Raustiala D Victor laquo The Regime Complex for Plant Genetic Resources raquo International Organization vol 58 ndeg 2 2004 pp 277-309 Cet article est couramment citeacute comme eacutetant le premier agrave utiliser le terme laquo complexe de reacutegimes raquo

7 R Keohane D Victor laquo The Regime Complex for Climate Change raquo Perspectives on Politics vol 9 ndeg 1 2011 pp 7-23 8 H Van Asselt laquo Managing the fragmentation of international environmental law forest at the intersection of the climate and biodiver-

sity regimes raquo Journal of international law and politics vol 44 ndeg 4 2012 pp 1205-1278

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

96

Ce cas est inteacuteressant car il illustre deux tendances importantes dans le domaine de la gouver-

nance globale de la biodiversiteacute Drsquoune part la place grandissante du principe9 de synergie au sein

du laquo biodiversity cluster raquo10 et drsquoautre part la faccedilon dont le secreacutetariat drsquoun accord multilateacuteral sur

lrsquoenvironnement peut jouer un rocircle significatif pour lrsquoeffectiviteacute de ce dernier Mais avant de revenir

sur ces aspects il convient de situer lrsquoanalyse par une preacutesentation succincte des trois institutions

internationales en jeux la CITES la CDB et le FEM Nous conclurons cette introduction sur les di-

verses maniegraveres dont les rapprochements entre les conventions portant sur la biodiversiteacute ont ou-

vert de nouvelles voies drsquoaccegraves aux ressources du FEM

bull La CITES

La Convention sur le commerce international des espegraveces de faune et de flore sauvages mena-

ceacutees drsquoextinction (CITES)11 adopteacutee en 1973 agrave Washington a pour objet de reacuteglementer le commerce

international dans le but drsquoen limiter lrsquoimpact sur la biodiversiteacute La pression du commerce inter-

national est en effet consideacuterable et il suffit de constater le prix de certains produits12 ou encore les

ravages entraineacutes par le braconnage13 pour ecirctre convaincu de la neacutecessiteacute drsquoinstaurer une reacuteglemen-

tation adeacutequate dans le domaine

Le fonctionnement de cet accord srsquoappuie sur plusieurs principes

Tout drsquoabord les espegraveces menaceacutees et faisant lrsquoobjet drsquoun commerce international sont classeacutees

dans plusieurs annexes par deacutecision de la Confeacuterence des Parties (COP) Ces annexes sont au nombre

de trois et les obligations concernant le commerce drsquoune espegravece varient en fonction de lrsquoannexe dans

laquelle celle-ci est classeacutee Ainsi une espegravece classeacutee en annexe I est une espegravece qui est reconnue

comme eacutetant menaceacutee drsquoextinction Par conseacutequent son commerce ne peut se faire qursquoagrave la condition

drsquoun double permis eacutemis agrave la fois par lrsquoEacutetat exportateur et lrsquoEacutetat importateur En ce qui concerne

lrsquoannexe II y sont classeacutees les espegraveces qui ne sont pas actuellement menaceacutees mais qui pourraient

le devenir si la pression du commerce international sur celles-ci nrsquoest pas reacuteduite Par conseacutequent

les regravegles de commercialisation sont moins strictes seul un permis de lrsquoEacutetat exportateur est requis

Finalement lrsquoannexe III contient les espegraveces proteacutegeacutees sur le territoire drsquoun Eacutetat Les espegraveces y sont

listeacutees par demande unilateacuterale des Eacutetats les proteacutegeant afin drsquoobtenir une assistance dans le controcircle

de leur commerce

9 Nous entendons ici le terme laquo principe raquo comme eacutetant une regravegle ou une norme geacuteneacuterale de caractegravere non-juridique drsquoougrave peuvent ecirctre deacuteduite des regravegles juridiques cf Cornu (G) Vocabulaire juridique PUF Paris 2007 p 720

10 Le terme laquo Biodiversity Cluster raquo est utiliseacute pour deacutecrire le groupe des six conventions portant speacutecifiquement sur la biodiversiteacute agrave savoir la Convention sur la Diversiteacute Biologique la CITES la Convention sur les espegraveces migratrices le Traiteacute international sur les ressources phy-togeacuteneacutetiques pour lrsquoalimentation et lrsquoagriculture la Convention de Ramsar sur les zones humides et la Convention du patrimoine mondial Ce groupe fait lrsquoobjet de tregraves nombreuses eacutetudes Pour une bibliographie indicative et plus drsquoinformations voir UNEP-WCMC Promoting Synergies within the cluster of biodiversity-related multilateral environmental agreements UNEP-WCMC Cambridge 2012 95 p A ce groupe de six conventions la CDB ajoute aussi la Convention internationale pour la protection des veacutegeacutetaux

11 Convention sur le commerce international des espegraveces de faune et de flore sauvages menaceacutees drsquoextinction signeacutee le 3 mars 1973 agrave Washing-ton entreacutee en vigueur le 1er juillet 1975 UNTS vol 993 p 271

12 Le kilo de poudre de corne de rhinoceacuteros peut atteindre les 60 000 $ voir Azimi (R) laquo La lutte contre le trafic de cornes de rhinoceacuteros fait srsquoeffondrer le marcheacute de lrsquoart raquo Le Monde article du 6 janvier 2016 disponible en ligne [httpwwwlemondefrafriquearticle20160106la-lutte-contre-le-trafic-de-cornes-de-rhinoceros-fait-s-effondrer-le-marche-de-l-art_4842458_3212html] consulteacute le 17102016

13 Par exemple pregraves de 30 000 eacuteleacutephants sont tueacutes annuellement sur le continent africain voir Meyerfeld (B) laquo Le Kenya brucircle son stock drsquoivoire contre le braconnage des eacuteleacutephants raquo Le Monde article du 30 avril 2016 disponible en ligne [httpwwwlemondefrbiodiversitearticle20160430le-kenya-brule-son-stock-d-ivoire-contre-le-braconnage-des-elephants_4911293_1652692html] consulteacute le 17102016 Ce chiffre nrsquoest qursquoun exemple pour une espegravece donneacutee et la liste des espegraveces pouvant ecirctre citeacutees en tant qursquoillustrations des meacutefaits du bra-connage est malheureusement bien trop longue pour ecirctre contenue dans une simple note de bas de page

Guillaume FUTHAZAR

97

Ensuite pour assurer ce systegraveme chaque partie agrave la convention doit se doter drsquoorganes de ges-

tion et drsquoorganes scientifiques Les premiers doivent ecirctre compeacutetents pour eacutemettre les permis de

commerce et les seconds compeacutetents pour conseiller ces organes administratifs sur la deacutelivrance de

ces permis Lorsque lrsquoorgane de gestion eacutemet un permis il doit srsquoassurer de plusieurs eacuteleacutements par

exemple la preuve que le speacutecimen nrsquoa pas eacuteteacute obtenu illeacutegalement Lrsquoorgane scientifique doit quant

agrave lui srsquoassurer que la demande de commercialisation ne nuit pas agrave la survie de lrsquoespegravece inteacuteresseacutee

Consideacuterant ce systegraveme la mise en œuvre de la CITES est donc largement tributaire des capa-

citeacutes techniques et institutionnelles de ses membres Par exemple les organes scientifiques doivent

ecirctre composeacutes de personnes qualifieacutees agrave mecircme drsquoidentifier les espegraveces faisant lrsquoobjet drsquoun commerce

Aussi les nombreuses conditions de deacutelivrance de permis requiegraverent des organes de gestion de vastes

connaissances techniques et juridiques De plus il est neacutecessaire drsquoavoir agrave dispositions toutes les

donneacutees pertinentes sur les espegraveces listeacutees pour pouvoir prononcer des avis informeacutes et approprieacutes

Si la CITES beacuteneacuteficie sur ce dernier point drsquoorganes techniques et de lrsquoassistance de diverses

ONG et institutions internationales elle ne dispose pas de fonds deacutedieacutes agrave la reacutealisation drsquoactiviteacutes de

renforcement des capaciteacutes Pour son fonctionnement administratif elle srsquoappuie sur un fonds drsquoaf-

fectation speacutecial mais pour ce qui est des projets lieacutes agrave son application elle a recours agrave des fonds ex-

ternes geacuteneacuteralement affecteacutes agrave des projets et faisant lrsquoobjet de reacutesolutions ou deacutecisions de la COP14

On notera que lrsquoUnion europeacuteenne via les financements de la Commission fait partie des contribu-

teurs les plus importants avec des apports annuels deacutepassant reacuteguliegraverement le million drsquoeuros15

bull La Convention sur la diversiteacute biologique

La Convention sur la diversiteacute biologique (CDB)16 est une des trois conventions dites laquo de Rio raquo

adopteacutees en 1992 suite au laquo Sommet de la Terre raquo tenu au Breacutesil Cet accord fixe trois grands objec-

tifs la conservation de la biodiversiteacute son utilisation durable et le partage eacutequitable des beacuteneacutefices

issus de lrsquoutilisation des ressources geacuteneacutetiques La reacutealisation de ces objectifs passe par un nombre

important de dispositions contenues dans le texte de la convention On y trouve des mesures de

conservations in situ et ex-situ des mesures concernant lrsquoeacuteducation les transferts de technologies

les eacutetudes drsquoimpacthellip Agrave ce jour une vaste majoriteacute des Eacutetats de la planegravete a ratifieacute cet accord agrave lrsquoex-

ception notable des Eacutetats-Unis

Malgreacute un champ drsquoapplication tregraves vaste et une participation quasi universelle lrsquoaccord ne peut

pas ecirctre qualifieacute de succegraves En effet si lrsquoon se reacutefegravere agrave la quatriegraveme eacutedition du rapport laquo Perspectives

mondiales sur la biodiversiteacute raquo17 le constat sur lrsquoeacutetat actuel de la biodiversiteacute et des eacutecosystegravemes et

non-eacutequivoque

14 CITES CoP17 Doc 73 Annex 3 CITES external trust fund (QTL) Status of contribution as of 31 December 2014 15 Page internet CITES [httpscitesorgengdiscfundphp] consulteacute le 17102016 16 Convention sur la diversiteacute biologique signeacutee le 5 juin 1992 agrave Rio de Janeiro entreacutee en vigueur le 29 deacutecembre 1993 UNTS vol 1760

p 7917 4egraveme eacutedition des Perspectives mondiales de la diversiteacute biologique ndash Reacutesumeacute et conclusions Secreacutetariat de la Convention sur la diversiteacute

biologique Montreacuteal 2014 20 p

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

98

laquo sur la base des tendances actuelles les pressions sur la biodiversiteacute continueront de srsquoaccroicirctre

au moins jusqursquoen 2020 et [hellip] la biodiversiteacute poursuivra son deacuteclin raquo18

Bien entendu la notion de laquo succegraves raquo drsquoune convention ou plus globalement drsquoun reacutegime en-

vironnemental peut avoir plusieurs acceptions19 Nous lrsquoentendons ici comme le fait que les objectifs

afficheacutes drsquoune convention aient eacuteteacute atteints20 Or lrsquoarticle 1 de la CDB dispose laquo Les objectifs de la

preacutesente Convention [hellip] sont la conservation de la diversiteacute biologique lrsquoutilisation durable de ses

eacuteleacutements et le partage juste et eacutequitable des avantages deacutecoulant de lrsquoexploitation des ressources

geacuteneacutetiques raquo Le rapport de 2014 indique clairement que la reacutealisation de ces objectifs est pour le

moment compromise Cet eacutetat de fait est en partie ducirc agrave la nature mecircme de cette convention dont la

neacutegociation difficile21 a meneacute agrave lrsquoadoption de mesures vagues et non contraignantes22

Pour autant la convention nrsquoest pas simplement une lettre morte En teacutemoigne lrsquoadoption de

deux protocoles lrsquoun sur lrsquoaccegraves aux ressources et le partage des avantages23 et lrsquoautre sur la bioseacutecu-

riteacute24 ou encore la vaste diffusion qursquoont connue plusieurs des concepts et objectifs eacutelaboreacutes en son

sein25 Aussi et agrave la diffeacuterence de la CITES la CDB dispose drsquoun meacutecanisme financier pour assister

les pays en deacuteveloppement dans la reacutealisation dans leurs obligations26 Si les dispositions initiales de

la CDB pouvaient laisser un doute quant agrave lrsquoidentiteacute de ce meacutecanisme les premiegraveres deacutecisions de la

COP de la CDB vinrent clarifier le rocircle du FEM en tant que meacutecanisme financier

bull Le Fond pour lrsquoEnvironnement Mondial

Le Fond pour lrsquoEnvironnement Mondial (FEM) voit le jour en 1991 sous la forme drsquoun pro-

gramme de la Banque Mondiale ayant pour objet drsquoapporter une aide financiegravere aux projets promou-

vant le deacuteveloppement durable et la protection de lrsquoenvironnement27 Lrsquoaide financiegravere est apporteacutee

aux projets porteacutes par des pays en deacuteveloppement et des pays drsquoeacuteconomie en transition dans le but

drsquoen eacutetendre les beacuteneacutefices au-delagrave des simples frontiegraveres nationales Le FEM ne finance donc pas des

projets dans leur inteacutegraliteacute mais simplement ces coucircts dits laquo increacutementaux raquo

18 Ibid p 319 Le Prestre (P) Protection de lrsquoenvironnement et relations internationales les deacutefis de lrsquoeacutecopolitique mondiale Armand Colin Paris 2005

478p pp 330-342 20 Ibid p 33221 Pour un reacutecit deacutetailleacute voir F McConnel The Biodiversity Convention A Negotiating History Kluwer Law International Londres 1996 223 p

Le chapitre 18 (pp 82-99) sur les derniegraveres eacutetapes de la neacutegociation donne agrave voir les tregraves nombreux obstacles inheacuterents agrave toutes neacutegociations internationales

22 Comme lrsquoillustre lrsquousage systeacutematique de la formule laquo dans la mesure du possible et selon qursquoil conviendra raquo dans chaque article de la convention

23 Protocole de Nagoya sur lrsquoaccegraves et le partage des avantages adopteacute le 20 octobre 2010 entreacute en vigueur le 12 octobre 2014 24 Protocole de Cartagena sur la Bioseacutecuriteacute adopteacute le 29 janvier 2000 entreacute en vigueur le 11 septembre 200325 Par exemple les Principes et Directives drsquoAddis Abeda pour lrsquoutilisation durable de la diversiteacute biologique adopteacutes par la COP de la CDB

en 2004 ont ensuite eacuteteacute repris par la CITES Le Plan Strateacutegique pour la Biodiversiteacute est un autre exemple de diffusion sur lequel nous revien-drons plus en deacutetail dans cette eacutetude

26 Voir articles 21 (Meacutecanisme de financement) et 39 (Arrangements financiers provisoires) de la CDB27 Fond pour lrsquoenvironnement mondial Le FEM de A agrave Z middot Le Guide du Fonds pour lrsquoenvironnement mondial FEM Washington 2015 91 p

p 7

Guillaume FUTHAZAR

99

En 1994 le FEM connait une restructuration et devient une institution agrave part entiegravere Ses liens

avec la CDB sont formaliseacutes avec lrsquoadoption drsquoun Memorandum drsquoaccord entre la COP de la Conven-

tion et le Conseil du FEM28

Agrave ce jour le FEM remplit le rocircle de meacutecanisme financier pour cinq conventions diffeacuterentes la

CDB mais aussi la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques la Conven-

tion des Nations Unies sur la lutte contre la deacutesertification la Convention de Stockholm sur les pol-

luants organiques persistants et la Convention de Minamata sur le mercure29

Les ressources du FEM sont renouveleacutees tous les quatre ans par les Eacutetats contributeurs et sont

ensuite reparties selon de grandes lignes strateacutegiques eacutetablies sur la base des recommandations

faites par les COP des conventions pour lesquelles il est le meacutecanisme financier On note cependant

que les lignes directrices formuleacutees par la CDB srsquoeacuteloignent quelque peu de la logique geacuteneacuterale de

financement du FEM

En effet arguant de la neacutecessiteacute de lrsquoassistance financiegravere aux pays en deacuteveloppement afin de

proteacuteger la biodiversiteacute en tant que preacuteoccupation commune de lrsquohumaniteacute la COP de la CDB a ap-

peleacute agrave ce que les regravegles de financements du FEM ne reposent pas systeacutematiquement sur une logique

sine qua non de beacuteneacutefices transfrontaliers en ce qui concerne la biodiversiteacute30 Ainsi cet ameacutenage-

ment permet le financement entre autres de projets visant agrave lrsquoeacutelaboration de strateacutegies nationales

pour la biodiversiteacute dans certains pays en deacuteveloppement31

bull De nombreuses interconnexions

Une simple preacutesentation de ces trois eacuteleacutements ne permet pas de mettre en eacutevidence les diffeacuterents

liens pouvant exister entre eux En effet pourquoi eacutevoquer la CITES alors que le FEM est le meacuteca-

nisme financier de la CDB et qursquoen tant que tel celui-ci ne finance que des projets ayant pour but

de contribuer agrave lrsquoapplication de cette convention

Cette remarque est sans compter les tregraves nombreux liens srsquoeacutetant tisseacutes au fil des anneacutees entre les

diffeacuterentes conventions relatives agrave la biodiversiteacute Cet eacutelan global vers une synergie principalement

porteacutee par les institutions ad hoc des conventions32 cherche agrave rationaliser les activiteacutes de mise en

œuvre de chacune des conventions afin de promouvoir lrsquoharmonisation et eacuteviter les doublons preacute-

judiciables33

28 Le Meacutemorandum en question est inscrit en annexe agrave la deacutecision CDB III8 Meacutemorandum drsquoaccord entre la Confeacuterence des Parties agrave la Convention sur la diversiteacute biologique et le Conseil du Fonds pour lrsquoenvironnement mondial

29 Page internet FEM [httpswwwthegeforgaboutorganization] consulteacute le 1710201630 J-M Arbour S Lavalleacutee H Trudeau Droit international de lrsquoenvironnement 2e eacuted Editions Yvons Blais Cowansville 2012 1232 p

p 745 Cette tendance est visible degraves la cinquiegraveme COP avec la deacutecision V13 portant sur les orientations agrave propos du meacutecanisme de finan-cement

31 Nous reviendrons davantage sur ce point dans la prochaine section de notre analyse 32 UNEP-WCMC Promoting Synergies within the cluster of biodiversity-related multilateral environmental agreements opcit p 84 Le rap-

port souligne le fait que le processus de synergie nrsquoest pas encore suffisamment approprieacute par les parties aux conventions 33 Ibid p 24

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

100

Crsquoest dans ce contexte de rapprochement que le Secreacutetariat de la CITES a perccedilu plusieurs oppor-

tuniteacutes de financement pour les laquo activiteacutes CITES raquo Nous preacutesenterons dans une premiegravere partie les

diffeacuterentes strateacutegies mises en œuvre par le Secreacutetariat agrave cette fin (1) pour ensuite prendre du recul

et proposer une analyse juridique des pheacutenomegravenes ainsi deacutecrits (2)

Lrsquoensemble des deacuteveloppements de cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacute gracircce agrave une analyse deacutetailleacutee des dif-

feacuterents documents officiels mis agrave disposition par les institutions eacutetudieacutees Ce choix meacutethodologique

implique qursquoil peut il y a voir un eacutecart entre nos descriptions et les reacutealiteacutes concregravetes des reacutegimes

environnementaux Neacuteanmoins lrsquoimportant effort de transparence des institutions eacutetudieacutees tempegravere

ce risque

1) La mobilisation de strateacutegies innovantes drsquoaccegraves aux ressources du FEM par le Secreacutetariat de la CITES

Lrsquoeacutetude des pratiques du Secreacutetariat de la CITES agrave travers la documentation officielle dispo-

nible met en eacutevidence deux approches

La premiegravere est baseacutee sur lrsquoincorporation de certaines dispositions dans les Strateacutegies et plans

drsquoaction nationaux pour la biodiversiteacute (SPANB) dont la mise en œuvre peut srsquoappuyer sur les res-

sources du FEM (11) En somme si les SPANB preacutevoient explicitement des activiteacutes contribuant agrave

la mise en œuvre de la CITES ces activiteacutes pourront beacuteneacuteficier des ressources du FEM

La seconde reacutecemment abandonneacutee a chercheacute agrave faire du FEM le meacutecanisme financier de la

CITES sur la base de lrsquoincorporation du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et ses Objectifs

drsquoAichi dans laquo la vision de strateacutegie CITES 2008-2020 raquo34(12)

Tout au long de cette partie nous nous reacutefeacutererons au Secreacutetariat comme un acteur autonome alors

que les documents que nous citons indiquent pourtant que ce dernier a eacuteteacute mandateacute par les autres

organes de la convention pour agir de faccedilon preacutecise Cette situation peut porter agrave croire que lrsquousage

drsquoexpressions et de tournures soulignant la prise drsquoinitiative du Secreacutetariat est inapproprieacute Une

analyse plus deacutetailleacutee montre cependant que le Secreacutetariat de la CITES nrsquoa pas eacuteteacute qursquoun simple exeacute-

cutant La derniegravere partie de cette eacutetude deacuteveloppera davantage ce point (voir paragraphe 2) 22 a)

11 Une premiegravere strateacutegie lrsquoincorporation de dispositions relatives agrave la CITES dans les Strateacutegies et plans drsquoaction nationaux pour la biodiversiteacute

Pour comprendre la strateacutegie mise en œuvre par le Secreacutetariat de la CITES pour acceacuteder aux

ressources du FEM gracircce aux SPANB (b) il faut dans un premier temps preacutesenter ces instruments et

leurs modaliteacutes de financement (a)

34 CITES Reacutesolution Conf 163 Vision de la strateacutegie CITES pour 2008-2020

Guillaume FUTHAZAR

101

a Un instrument agrave lrsquoeacutelaboration et agrave la mise en œuvre complexes

Les SPANB sont preacutesenteacutes comme eacutetant les principaux instruments de mise en œuvre de la CDB

Preacutevus agrave lrsquoarticle 6 de lrsquoaccord ces instruments sont censeacutes eacutetablir agrave lrsquoeacutechelle nationale les grandes

lignes directrices drsquoapplication de la CDB35 La lecture de lrsquoarticle 6 doit ecirctre compleacuteteacutee par celle de

lrsquoarticle 10 (a) concernant lrsquointeacutegration des consideacuterations pertinentes dans le processus deacutecisionnel

national et lrsquoarticle 26 concernant la soumission peacuteriodique de rapports drsquoapplication

Pour autant sur la base de ces seuls articles la mise en œuvre de cette obligation reste vague

De tregraves nombreux outils ont donc eacuteteacute eacutelaboreacutes pour assister les parties agrave la CDB dans la confec-

tion de leurs strateacutegies nationales Ainsi aux cocircteacutes de tregraves nombreuses deacutecisions de COP proposant

des lignes directrices volontaires pour la reacutealisation de ces documents strateacutegiques36 on retrouve

drsquoabondantes eacutetudes produites par diffeacuterentes institutions engageacutees dans le domaine de la biodiver-

siteacute Recenseacutes sur le site internet de la CDB on peut citer notamment des guides techniques eacutema-

nant du Programme des Nations Unies pour lrsquoEnvironnement ou encore drsquoONG telles que BirdLife

International ou Fauna and Flora International37 Le site de la CDB comporte drsquoailleurs une section

laquo renforcement des capaciteacutes SPANB raquo pour assister les parties dans le respect de leur obligation par

la mise agrave disposition de modules deacutedieacutes ou par la tenue reacuteguliegravere drsquoateliers de travail

Un aperccedilu de quelques SPANB permet de comprendre la complexiteacute que peut repreacutesenter leur

eacutelaboration Par exemple le SPANB de la Guineacutee-Bissau soumis en mai 2016 est un document de

plus de 150 pages ougrave sont listeacutes plus de 120 types drsquoaction reacutepartis parmi 20 objectifs nationaux38

Le SPANB franccedilais est pour sa part moins imposant avec un peu plus drsquoune cinquantaine de pages

mais eacutetablit tout de mecircme vingt objectifs diffeacuterents tous eacutetant en lien direct avec les objectifs drsquoAichi

adopteacutes en 201039

Il faut enfin souligner que depuis lrsquoadoption du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique

et ses Objectifs drsquoAichi les parties agrave la CDB ont eacuteteacute inviteacutees agrave reacuteviser leurs SPANB afin que ceux-ci

soient aligneacutes avec le nouveau cadre strateacutegique de la convention40 Cette adaptation neacutecessaire deacute-

montre que les SPANB nrsquoont pas vocation agrave ecirctre des documents deacutefinitifs 2020 lrsquoanneacutee drsquoeacutecheacuteance de

lrsquoactuel Plan Strateacutegique verra probablement lrsquoadoption drsquoun nouveau plan suite au constat drsquoeacutechec

du preacuteceacutedent Alors les parties auront encore une fois agrave eacutelaborer un nouveau document

Mais la reacutedaction de ces documents nrsquoest pas la seule difficulteacute En effet qursquoimporte la qualiteacute

des SPANB si ceux-ci ne sont pas effectivement appliqueacutes agrave lrsquoeacutechelle nationale Il est donc primordial

35 Lrsquoarticle 6 de la CDB est un des rares articles ne comportant pas la formule laquo dans la mesure du possible et selon qursquoil conviendra raquo36 Le site de la CDB recense plus drsquoune vingtaine de lignes directrices issues des deacutecisions de la COP Voir [httpswwwcbdintnbsap

guidanceshtml] consulteacute le 1710201637 Voir [httpswwwcbdintnbsapguidance-toolsguidelinesshtml] consulteacute le 1710201638 Lrsquoensemble des SPANB soumis agrave la CDB sont disponibles agrave lrsquoadresse suivante [httpswwwcbdintnbsapsearchdefaultshtml] consul-

teacute le 1710201639 Idem 40 CDB deacutecision X2 Plan strateacutegique 2011-2020 et objectifs drsquoAichi relatifs agrave la diversiteacute biologique 3) c

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

102

drsquoapporter aux pays en deacuteveloppement les ressources neacutecessaires agrave lrsquoeacutelaboration de ces documents

mais aussi et surtout agrave leur mise en œuvre

Lrsquoassistance du FEM reacutepond agrave ce constat et permet aux pays deacuteveloppeacutes de beacuteneacuteficier de fonds

tant pour la reacutealisation des SPANB41 que pour leur application subseacutequente Cette approche est drsquoail-

leurs souligneacutee dans la laquo Strateacutegie pour la Biodiversiteacute-FEM6 raquo fixant les grandes orientations de

financement pour la peacuteriode 2014-201842

Le Secreacutetariat de la CDB fait eacutetat drsquoun grand nombre de SPANB reacutealiseacute gracircce aux financements

du FEM43 Cela fait donc autant drsquoopportuniteacutes drsquoaccegraves aux fonds pour des activiteacutes drsquoapplication de

ces SPANB Crsquoest ici qursquointervient la strateacutegie drsquoaccegraves aux fonds du Secreacutetariat de la CITES

b La prise en compte approprieacutee de la CITES dans les SPANB

La question de la coexistence et de la coordination des diffeacuterentes conventions portant sur la

biodiversiteacute est un enjeu central du laquo biodiversity cluster raquo44 Cette preacuteoccupation est drsquoailleurs appa-

rente degraves lrsquoadoption de la CDB en 1992 notamment au regard de son article 22 concernant les rela-

tions de la CDB avec les autres conventions internationales Neacuteanmoins ce seul article preacutecisant que

la convention nrsquoaffectera pas les droits et obligations issus drsquoautres traiteacutes nrsquoest pas suffisant en soi

pour permettre une harmonisation efficace entre les diffeacuterents accords De nombreuses initiatives

ont donc eacuteteacute meneacutees entre les diverses institutions pertinentes pour permettre une maximisation des

synergies

Dans le contexte de la CITES la COP a adopteacute degraves 1997 une reacutesolution faisant eacutetat de sa colla-

boration avec la CDB notamment via lrsquoexistence drsquoun meacutemorandum drsquoaccord entre les deux secreacute-

tariats45 Outre un appel agrave la consultation entre les diffeacuterentes parties afin drsquoeacuteviter toute duplication

cette reacutesolution fait deacutejagrave eacutetat des possibiliteacutes drsquoaccegraves aux fonds du FEM

Il faut cependant attendre 2010 et lrsquoadoption du nouveau Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute

Biologique pour constater un regain drsquoactiviteacute de la part des institutions de la CITES sur la question

de lrsquoaccegraves aux ressources du FEM Cela peut srsquoexpliquer en partie par la preacutesence dans le Plan Stra-

teacutegique drsquoune forte emphase sur la neacutecessiteacute de synergies entre les diffeacuterentes conventions portant

sur la biodiversiteacute notamment dans lrsquoeacutelaboration des SPANB46

41 Par exemple les SPANB de la Guineacutee-Bissau preacuteceacutedemment eacutevoqueacutes ont pu ecirctre eacutelaboreacutes gracircce agrave lrsquoassistance financiegravere du FEM 42 FEM The GEF-6 Biodiversity Strategy FEM Washington 2014 36p On retrouve cette approche de financement en amont et en aval dans

les preacuteceacutedentes laquo strateacutegies biodiversiteacute raquo du FEM 43 Le site internet de la CDB fait eacutetat de 130 pays eacuteligibles ayant acceacutedeacute aux fonds du FEM [httpswwwcbdintnbsapguidance-tools

financedefaultshtml] consulteacute le 1710201644 UNEP-WCMC Promoting Synergies within the cluster of biodiversity-related multilateral environmental agreements op cit45 CITES Reacutesolution Conf 104 (Rev CoP14) Coopeacuteration et synergie avec la Convention sur la diversiteacute biologique46 CDB Deacutecision XII op cit 3) f Le plan strateacutegique pour la Convention sur la diversiteacute biologique adopteacute en 2002 nrsquoeacutevoque pas une

seule fois les autres conventions relatives agrave la biodiversiteacute Voir CDB deacutecision VI26 Plan strateacutegique pour la Convention sur la diversiteacute biologique

Guillaume FUTHAZAR

103

Par exemple degraves feacutevrier 2011 une notification intituleacutee laquo CITES and National Biodiversity Strate-gies and Action Plans under the Convention on Biological Diversity raquo47 a eacuteteacute faite aux parties de la

CITES Cette notification fait suite agrave la deacutecision 1520 de la COP de la CITES48 appelant le Secreacutetariat

agrave explorer les diffeacuterentes voies de financement possibles pour fournir une assistance technique aux

membres de la convention

Ce document fait clairement eacutetat des possibiliteacutes de financements offertes aux pays en deacutevelop-

pement pour les activiteacutes concernant le commerce international drsquoespegraveces en danger si ces activiteacutes

sont directement incorporeacutees dans leurs SPANB Suivant cette logique le Secreacutetariat a donc eacutelaboreacute

un guide pratique pour le deacuteveloppement lrsquoeacutevaluation la reacutevision et la mise agrave jour des SPANB49

Ce guide paru en avril 2011 nrsquoa en soi aucune valeur juridique ni de porteacutee normative Une

lecture deacutetailleacutee du document montre que celui-ci est davantage un document drsquoinformation nrsquoayant

que tregraves peu de passages laquo normatifs raquo indiquant clairement les deacutemarches agrave effectuer pour modifier

de faccedilon approprieacutee des SPANB En tant qursquoindication normative on peut eacutevoquer la preacutesence drsquoune

laquo boite raquo sur la faccedilon drsquoincorporer les objectifs de la CITES dans les SPANB Si lrsquoon prend en consi-

deacuteration les trois pocircles de normativiteacute proposeacutes par Catherine Thibierge agrave savoir la valeur la por-

teacutee et la garantie normative il apparaicirct que ce guide est deacutenueacute de toute force normative50 Drsquoautres

critegraveres peuvent aussi ecirctre pris en compte pour analyser cette production du Secreacutetariat comme

ceux de la leacutegaliteacute de lrsquoeffectiviteacute et de la leacutegitimiteacute51 ou encore ceux de lrsquoobligation la preacutecision et

la deacuteleacutegation52 mais tous megravenent agrave une conclusion similaire cette production nrsquoest pas juridique et

est peu normative

Ce deacutefaut juridique et normatif rend donc difficile de mesurer lrsquoimpact reacuteel qursquoa pu avoir ce

guide pratique Cependant force est de constater ndash sans pour autant eacutetablir un lien formel de cau-

saliteacute ndash que plusieurs activiteacutes contribuant aux objectifs de la CITES ont beacuteneacuteficieacute des financements

du FEM gracircce agrave lrsquoincorporation de dispositions pertinentes dans les SPANB

Par exemple le Myanmar a beacuteneacuteficieacute de fonds pour un projet de renforcement de capaciteacutes

contribuant au projet CITES-MIKE53 (projet concernant le commerce illicite drsquoivoire drsquoeacuteleacutephants)

Ce financement fut possible gracircce agrave lrsquoincorporation dans le SPANB du Myanmar de dispositions

concernant lrsquoeacutetablissement drsquoun systegraveme de suivi pour le commerce illeacutegal drsquoespegravece en danger54 Le

nouveau SPANB du Myanmar soumis en janvier 2016 et reacutealiseacute gracircce aux fonds du FEM comporte

47 CITES and National Biodiversity Strategies and Action Plans under the Convention on Biological Diversity Notification ndeg 2011021 dispo-nible en ligne [httpscitesorgsitesdefaultfilesengnotif2011E021pdf] consulteacute le 17102016

48 CITES Deacutecision 1520 Financement des projets relatifs agrave la conservation et agrave la gestion drsquoespegraveces 49 Secreacutetariat de la CITES Contributing to the development review updating and revision of National Biodiversity Strategies and Action Plans

(NBSAPs) A Draft Guide for CITES Parties avril 2011 disponible en ligne [httpscitesorgsitesdefaultfilesengnotif2011E026Apdf] consulteacute le 17102016

50 C Thibierge et alii La force normative ndash Naissance drsquoun concept LGDJ Paris 2009 891p pp 821-831 51 F Ost M van de Kerchove De la pyramide au reacuteseau Pour une theacuteorie dialectique du droit Faculteacutes universitaires de Saint Louis

Bruxelles 2002 587 p pp 324-341 52 K Abbott R Keohane A Moravcsik et al laquo The concept of legalization raquo International Organization vol 54 ndeg 3 pp 401-419 53 Projet GEF5159 Strenghtening sustainability of protected area management approuveacute en 2013 Le projet reacutealiseacute gracircce agrave lrsquoappui du

Programme des Nations Unies pour le Deacuteveloppement (PNUD) a beacuteneacuteficieacute de plus de 6 millions de dollars de la part du FEM 54 Voir note 38 p 83 sect 5131

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

104

drsquoailleurs une disposition non eacutequivoque appelant agrave appliquer et faire respecter les dispositions de

la CITES55

On peut aussi citer un projet sud-africain approuveacute en 2012 visant agrave un renforcement des ca-

paciteacutes leacutegales pour lutter contre les crimes touchant les espegraveces sauvages56 Les financements ont

encore une fois eacuteteacute obtenus gracircce agrave lrsquoincorporation de dispositions pertinentes dans le SPANB de

lrsquoAfrique du Sud Or le SPANB sud-africain a eacuteteacute soumis en 2006 cinq anneacutees avant la diffusion des

lignes directrices du Secreacutetariat de la CITES Cela met donc en eacutevidence les difficulteacutes agrave mesurer

lrsquoimpact de ces lignes directrices

Aussi si lrsquoon tente une analyse geacuteneacuterale de lrsquoensemble des SPANB soumis depuis 2010 on

constate que toutes les parties agrave la CITES nrsquoont pas systeacutematiquement incorporeacute de dispositions

relatives au commerce illeacutegal drsquoespegravece en danger57 Beaucoup de SPANB eacutevoquent la CITES comme

eacutetant une convention pertinente applicable agrave lrsquoeacutechelle nationale mais tous nrsquoincorporent pas dans

leurs objectifs des reacutefeacuterences preacutecises concernant les moyens de mise en œuvre de cette convention

Aussi les SPANB eacutevoquent parfois la neacutecessiteacute de mener des actions contre le commerce illicite

drsquoespegravece sauvages et le braconnage sans pour autant faire de renvois clairs agrave la CITES58 ce qui rend

deacutelicat drsquoeacutetablir des liens formels entre ces documents et la convention

Lrsquoincorporation des objectifs de la CITES dans les SPANB nrsquoest donc pas neacutecessairement expli-

cite ou systeacutematique Ne srsquoappuyant sur aucune obligation cette strateacutegie apparaicirct comme incer-

taine car irreacutemeacutediablement lieacutee agrave la volonteacute et agrave la capaciteacute des Eacutetats agrave lrsquoappliquer

La seconde strateacutegie mise en œuvre par le Secreacutetariat bien qursquoelle ait eacuteteacute reacutecemment abandon-

neacutee aurait theacuteoriquement permis drsquoeacuteviter une telle incertitude

12 Une seconde strateacutegie La tentative ndash avorteacutee ndash drsquoaccegraves direct au FEM

Parallegravelement agrave lrsquoincorporation des objectifs de la CITES dans les SPANB de ces parties le Secreacute-

tariat de la CITES a chercheacute le moyen drsquoacceacuteder directement aux ressources du FEM Cette approche

a consisteacute en lrsquoincorporation des Objectifs drsquoAichi dans la vision strateacutegique de la CITES (a) mais

a eacuteteacute abandonneacutee sans explication deacutetailleacutee probablement en raison de la complexiteacute de sa mise en

œuvre pour le FEM et drsquoun renforcement reacutecent de la premiegravere strateacutegie (b)

a La diffusion du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et de ses Objectifs drsquoAichi comme eacutetape preacutealable agrave lrsquoaccegraves au FEM

Lrsquoadoption en 2010 du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et de ses Objectifs drsquoAichi

dans le cadre de la CDB fut suivie drsquoune tregraves large diffusion au sein du laquo biodiversity cluster raquo Dans

55 Voir note 38 p 87 action 1221 laquo Fully implement and enforce the requirements of the CITES Convention through national legislation raquo 56 Projet GEF4937 Strengthening Law Enforcement Capabilities to Combat Wildlife Crime for Conservation and Sustainable Use of Spe-

cies in South Africa approuveacute en 2012 Le projet reacutealiseacute gracircce agrave lrsquoappui du Programme des Nations Unies pour lrsquoEnvironnement (PNUE) a beacuteneacuteficieacute de plus de 25 millions de dollars de la part du FEM

57 Analyse reacutealiseacutee en mars 2016 sur la base de 71 SPANB soumis depuis 2010 58 Crsquoest le cas notamment de lrsquoaddendum du SPANB indien soumis en 2014 voir note 30 p 37

Guillaume FUTHAZAR

105

le cadre de lrsquoinitiative CIRCULEX nous avons reacutealiseacute une eacutetude de ce pheacutenomegravene qui a permis drsquoen

mettre en eacutevidence plusieurs aspects59 Drsquoune part le fait que cette diffusion a eacuteteacute grandement favo-

riseacutee par lrsquoaction des secreacutetariats des diffeacuterentes conventions portant sur la biodiversiteacute et drsquoautre

part que les effets cumuleacutes de cette diffusion pouvaient ecirctre tregraves importants Parmi ces effets nous

avons eacutevoqueacute lrsquoharmonisation des buts des conventions du laquo biodiversity cluster raquo et un possible ac-

cegraves aux ressources du FEM Ce dernier point a donneacute agrave voir les velleacuteiteacutes du Secreacutetariat de la CITES

concernant un accegraves plus direct au FEM

La logique avanceacutee eacutetait la suivante en incorporant dans la vision strateacutegique de la CITES des

dispositions indiquant que les activiteacutes de la convention contribuent agrave la reacutealisation de plusieurs Ob-

jectifs drsquoAichi il sera possible drsquoacceacuteder directement aux ressources du FEM celles-ci eacutetant deacutedieacutees

agrave la reacutealisation du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et ses Objectifs drsquoAichi

Cette incorporation dans la vision strateacutegique de la CITES avait eacuteteacute qualifieacutee de laquo premier pas raquo

vers un accegraves direct au FEM60 Lrsquoeacutetape suppleacutementaire aurait donc consisteacute en lrsquoadoption drsquoun meacutemo-

randum entre la COP de la CITES et le Conseil du FEM afin de preacuteciser les modaliteacutes de financement

pour les activiteacutes CITES La COP de la CITES avait drsquoailleurs indiqueacute au Secreacutetariat de continuer son

travail sur la question61

Le succegraves drsquoune telle approche aurait eacuteteacute un fait marquant pour le droit international de lrsquoenvi-

ronnement En effet le FEM est supposeacute ecirctre le meacutecanisme financier de conventions comportant des

dispositions lrsquoindiquant clairement On peut donc imaginer qursquoil eut eacuteteacute neacutecessaire pour les parties

de la CITES drsquoamender le texte de la convention pour que le FEM y soit incorporeacute en tant que meacuteca-

nisme financier Or la proceacutedure drsquoamendement de la CITES est complexe et les preacuteceacutedents amen-

dements ont pris plusieurs deacutecennies agrave entrer en vigueur62 Lrsquoincorporation de reacutefeacuterences adeacutequates

dans la vision strateacutegique de la CITES ainsi que lrsquoadoption drsquoun meacutemorandum apparaicirct comme des

outils plus souples et rapides pour parvenir agrave un effet comparable lrsquoaccegraves aux ressources

En somme une telle hypothegravese aurait eacuteteacute une illustration flagrante des avantages des normes

souples de la laquo soft law raquo sur les proceacutedeacutes traditionnels du droit international public Drsquoailleurs

celle-ci srsquoest deacutejagrave concreacutetiseacutee en ce qui concerne la Convention des Nations Unies sur la deacutesertifica-

tion dont le texte initial ne mentionne pas le FEM en tant que meacutecanisme financier63

Une telle issue nrsquoest cependant plus agrave lrsquoordre du jour

59 G Futhazar laquo The Diffusion of the Strategic Plan for Biodiversity and Its Aichi Biodiversity Targets within the Biodiversity Cluster An Illustration of Current Trends in the Global Governance of Biodiversity and Ecosystems raquo Oxford Yearbook of International Environemental Law vol 25 ndeg 1 2015 pp 133-166

60 CITES SC 65 Doc17 Accegraves au financement y compris au financement du FEM et meacutecanismes innovants sect 23 laquo En mentionnant le Plan drsquoaction pour la biodiversiteacute et les Objectifs drsquoAichi dans la Vision strateacutegique 2008-2020 de la CITES la Confeacuterence des Parties a ouvert la voie pour le secteur biodiversiteacute du FEM aux questions lieacutees aux espegraveces contribuant agrave la reacutealisation des objectifs drsquoAichi raquo

61 CITES Deacutecision 162 Accegraves aux financements accordeacutes par le Fonds pour lrsquoenvironnement mondial62 Lrsquoamendement de Gaborone devant permettre aux organisations reacutegionales drsquointeacutegration eacuteconomique drsquoecirctre des membres agrave part entiegravere

de la CITES a pris 30 ans pour entrer en vigueur Voir CITES notification ndeg 2013045 Entry into force of the amendment to Article XXI of the text of the Convention (Gaborone 30 April 1983)

63 Ce cas de figure est exposeacute par le Secreacutetariat de la CITES dans le document SC 61 Doc 16 Accegraves aux finances y compris financement par le FEM annexe II Process Followed by UNCCD to Designate GEF as its Financial Mechanism

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

106

b La complexiteacute du reacuteseau institutionnel du FEM comme hypothegravese justifiant lrsquoabandon

Alors que les reacuteunions du Conseil Permanent donnaient agrave croire que la prochaine COP de la

CITES allait ecirctre deacutecisive sur cette question la reacuteunion de janvier 2016 a mis fin de faccedilon abrupte agrave

une telle hypothegravese

En effet les conclusions du groupe de travail portant sur la question de lrsquoaccegraves au FEM furent

bregraveves et laconiques il nrsquoapparaicirct pas neacutecessaire de continuer la deacutemarche drsquoaccegraves direct au FEM64

Cette conclusion est drsquoautant plus surprenante que le document faisant eacutetat des travaux du groupe

de travail sur cette question nrsquoest pas disponible Les documents de travail eacutelaboreacutes pour la COP

17 nrsquoapportent pas plus drsquoinformation quant aux raisons drsquoun tel abandon65 Il semble alors que la

strateacutegie principale de la CITES pour lrsquoaccegraves aux ressources du FEM demeure lrsquousage de SPANB

comportant les dispositions approprieacutees Il est difficile drsquoeacutetablir avec certitude les raisons drsquoun tel

abandon en se basant uniquement sur la documentation officielle de la CITES de la CDB ou du FEM

Neacuteanmoins apregraves analyse des documents drsquoeacutevaluation du FEM une hypothegravese se dessine la trop

grande complexiteacute du reacuteseau institutionnel du FEM

Le FEM nrsquoattribue pas directement ses ressources aux acteurs en charge des projets financeacutes

Pour ce faire le fond passe par un ensemble drsquoagences drsquoapplication dont le nombre a augmenteacute au

fil des anneacutees Cette augmentation parallegravele agrave celles des conventions faisant du FEM leur meacutecanisme

financier a entraineacute la creacuteation drsquoun reacuteseau de plus en plus dense66 La cinquiegraveme eacutevaluation globale

des performances du GEF67 indique tregraves clairement que cette densiteacute est aujourdrsquohui probleacutematique

laquo Concernant son reacuteseau et en raison du nombre drsquoacteurs impliqueacutes le FEM deacutepasse actuelle-

ment le nombre de communications et drsquointeractions permettant un reacuteseau de communication effi-

cace et efficient raquo68

De plus paradoxalement lrsquoeffort de synergie des conventions lieacutees au FEM a entraineacute une sur-

charge administrative pour les organes du FEM qui ont maintenant agrave geacuterer des enjeux de coordina-

tion complexe dans des domaines mecirclant de nombreuses consideacuterations69

Lrsquoensemble de ces eacuteleacutements indiqueacutes par bureau indeacutependant drsquoeacutevaluation peut porter agrave croire

que lrsquoabandon de la strateacutegie drsquoaccegraves direct au FEM est le reacutesultat drsquoune prise en consideacuteration de cet

eacutetat de fait par le groupe en charge drsquoexaminer les possibiliteacutes drsquoaccegraves au fond drsquoautant plus que ce

64 CITES SC 66 Summary Record p 5 laquo Furthermore the FBSC recommended that the Secretariat need not implement Decision 162 a) raquo65 CITES CoP17 Doc 75 Accegraves aux finances y compris le financement par le FEM sect8 laquo Comiteacute a deacutecideacute de recommander agrave la Confeacuterence

des Parties agrave la preacutesente session de ne pas poursuivre la mise en œuvre de la deacutecision 162 raquo 66 Certains auteurs eacutevoquent drsquoailleurs la laquo galaxie du FEM raquo L Boisson de Chazournes laquo The Global Environment Facility Galaxy On

Linkages among Institutions raquo Max Planck United Nations Yearbook vol 3 1999 pp 242-28567 FEM Fith overall performance study of the GEF ndash At the crossroads for higher impact Global Environment Facility Independent Evalu-

ation Office Washington 2014 108 p 68 Ibid p 11 Traduction de lrsquoauteur laquo On the network the GEF is now over the limit of the number of communication and interaction that

allow for an effective and efficient communication network given the number of actors involved raquo69 Ibid p 36

Guillaume FUTHAZAR

107

groupe a eacuteteacute en liaison avec le Secreacutetariat du FEM et ses agents drsquoexeacutecution durant la dureacutee de son

mandat70 Lrsquoajout drsquoune convention dans un reacuteseau deacutejagrave satureacute (voir figure 1) aurait probablement

affaibli le fonctionnement geacuteneacuteral du FEM qui souffre deacutejagrave de nombreuses lacunes Par extension

cela aurait meneacute agrave une potentielle ineffectiviteacute de la strateacutegie le FEM risquant alors de ne pas pou-

voir fonctionner

Figure 1 Le reacuteseau institutionnel du FEM71 (source FEM Fith overall performance study of the GEF ndash At the crossroads for higher impact op cit p 37)

Pour autant le recours agrave cette approche aurait permis aux activiteacutes CITES drsquoobtenir des finan-

cements sans avoir agrave deacutependre de lrsquoincorporation de dispositions adeacutequates dans les SPANB Cela

aurait donc pallieacute agrave lrsquoincertitude concernant lrsquoapplication des lignes directrices de la CITES et permis

aux Eacutetats nrsquoayant pas encore mis agrave jour leur SPANB mais souhaitant tout de mecircme beacuteneacuteficier de

ressources pour des activiteacutes concernant le commerce drsquoespegraveces sauvages de beacuteneacuteficier drsquoun soutien

financier En somme cette seconde approche preacutesentait plus de garanties pour atteindre une plus

grande effectiviteacute de la CITES

Neacuteanmoins ndash et cela constitue peut-ecirctre un autre eacuteleacutement pouvant justifier lrsquoabandon de cette

approche ndash lrsquoharmonisation des SPANB semble connaitre un succegraves grandissant gracircce agrave lrsquointense

collaboration du FEM et du Secreacutetariat de la CITES Par exemple lrsquoadoption du laquo Global Wildlife Program raquo par le FEM a contribueacute agrave maintenir agrave lrsquoagenda international la question du trafic illeacutegal

drsquoespegraveces sauvages72 Le Secreacutetariat de la CITES fait eacutetat drsquoune vingtaine de projets ayant pu beacuteneacute-

ficier de soutien financier gracircce agrave ce programme73 Plus encore le Secreacutetariat fait partie du comiteacute

70 CITES CoP17 Doc 75 op cit sect8 71 Il serait aussi justifieacute drsquoajouter agrave ce scheacutema des flegraveches partant des pays beacuteneacuteficiaires vers les conventions car les orientations donneacutees

par les conventions au FEM sont apregraves tout le reacutesultat des neacutegociations entre Eacutetats membres 72 A cela on peut aussi eacutevoquer lrsquoadoption drsquoune reacutesolution des Nations unies sur le trafic illeacutegal drsquoespegraveces sauvages Assembleacutee geacuteneacuterale

des Nations Unies reacutesolution ARES69314 Lutte contre le trafic des espegraveces sauvages 30 juillet 2015 73 CITES CoP 17 Doc 75 op cit sect13 et p 11

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

108

directeur de ce programme en tant que membre laquo non-exeacutecutant raquo et y apporte ses connais-

sances et expeacuteriences dans le domaine74

Suivant une logique pragmatique de laquo coucircts-avantages raquo il apparaicirct donc que la poursuite de

la premiegravere approche semble plus efficace que de longues deacutemarches juridiques et institutionnelles

pour tenter drsquoacceacuteder directement aux ressources du FEM

Ces diffeacuterentes strateacutegies mises en œuvre par les institutions de la CITES se situent agrave la fron-

tiegravere floue de ce qui pourrait ecirctre consideacutereacute comme relevant de la discipline juridique Le premier cas

illustre lrsquousage drsquooutils deacutepourvus de force normative afin drsquoorienter la reacutealisation drsquoune obligation

conventionnelle exteacuterieure tandis que le second cas illustre les possibles conseacutequences de lrsquoaccumu-

lation de normes souples Neacuteanmoins en ce que ces pheacutenomegravenes ont pour but drsquoaccroicirctre lrsquoeffectiviteacute

drsquoune convention gracircce agrave lrsquoallocation approprieacutee de ressources il semble pertinent de les eacutetudier En

effet une telle eacutetude peut permettre drsquoidentifier de nouvelles pratiques participant potentiellement

au renforcement de lrsquoeffectiviteacute du droit international de lrsquoenvironnement

Il est alors utile de srsquointerroger de faccedilon plus geacuteneacuterale sur la porteacutee juridique des pheacutenomegravenes

que nous venons de deacutecrire

2) Quelle lecture juridique de tels pheacutenomegravenesthinsp

Srsquoinscrivant dans le cadre de lrsquoinitiative CIRCULEX cette eacutetude a pour objet de discuter drsquoun

pheacutenomegravene de circulation de norme dans la gouvernance globale de la biodiversiteacute Cependant bien

que lrsquoon distingue deux strateacutegies pour lrsquoaccegraves aux ressources du FEM srsquoappuyant toutes deux sur la

CDB la nature mecircme des objets ayant circuleacute reste indeacutetermineacutee Que signifie juridiquement drsquoin-

corporer dans un SPANB une reacutefeacuterence agrave la CITESthinsp De mecircme que sont ces Plans Strateacutegiques ou

Objectifs drsquoAichi ayant eacuteteacute incorporeacutes dans la vision strateacutegique de la CITESthinsp (21)

Au-delagrave de la caracteacuterisation juridique de cette circulation cette eacutetude propose eacutegalement de

reconsideacuterer les Secreacutetariats des accords multilateacuteraux sur lrsquoenvironnement Bien souvent ignoreacutes

par la discipline juridique ils font pourtant lrsquoobjet drsquoun nombre grandissant drsquoanalyses de la part

des sciences politiques La derniegravere partie de notre analyse tacircchera de deacutemontrer la pertinence de

la prise en compte de ces institutions pour les juristes tout en soulignant la neacutecessiteacute drsquoune lecture

transdisciplinaire de lrsquoactiviteacute de ces institutions (22)

21 La nature des objets en circulation

Nrsquoeacutetant ni des droits ni des obligations il semble que les eacuteleacutements que les institutions de la

CITES cherchent agrave laquo mettre en circulation raquo eacutechappent agrave la notion de norme75 Plusieurs concepts

juridiques permettent neacuteanmoins de saisir la nature de ces eacuteleacutements

74 Ibid sect1275 Entendu tant dans son acception juridique que dans sa deacutefinition geacuteneacuterale comme faisant reacutefeacuterence agrave la notion de regravegle agrave suivre

Guillaume FUTHAZAR

109

Tout drsquoabord la notion drsquoobjet et but des traiteacutes srsquoavegravere utile pour situer la seconde strateacutegie76

mise en œuvre par le Secreacutetariat (a)

Concernant la premiegravere strateacutegie77 nous pensons que celle-ci bien qursquoelle puisse avoir les appa-

rences drsquoun cas de circulation de normes relegraveve davantage de lrsquoapplication de normes particuliegraveres

les laquo normes interstitielles raquo Ce concept proposeacute par le professeur Lowe78 permet une lecture juri-

dique plus approprieacutee de cette strateacutegie (b)

a Les Plans Strateacutegiques et Objectifs comme indicateurs des buts des traiteacutes

Eacutevoqueacutee agrave plusieurs reprises dans la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traiteacutes et

faccedilonnant de faccedilon significative lrsquoapplication de certains de ses articles laquo lrsquoobjet et le but de traiteacute raquo

demeure une expression dont la deacutefinition exacte srsquoavegravere deacutelicate

Sur ce thegraveme on observe une opposition entre deux courants doctrinaux Drsquoune part la doctrine

anglo-saxonne pour qui lrsquoobjet et le but drsquoun traiteacute ne peuvent ecirctre consideacutereacutes seacutepareacutement mais for-

ment un tout permettant une interpreacutetation teacuteleacuteologique de lrsquoaccord international79 et drsquoautre part

la doctrine franccedilaise voyant une diffeacuterence nette entre la notion objet et de but comparable agrave celle

existant entre objet et cause en droit des obligations

Dans notre preacuteceacutedente eacutetude de la diffusion de la Strateacutegie pour la Biodiversiteacute et ses objectifs

drsquoAichi80 nous avons retenu la distinction opeacutereacutee par le courant francophone de la doctrine car

celle-ci permettait de qualifier juridiquement ce que sont ces objets qui ne sont pas assimilables en

tant que tels agrave des obligations conventionnelles

Dans le commentaire article par article des conventions de Vienne sur le droit des traiteacutes des

professeurs Corten et Klein est poseacutee la distinction suivante entre objet et but

laquo Le but renvoie agrave un lsquocritegravere fonctionnelrsquo en ce qursquoil met en relief la finaliteacute poursuivie par un traiteacute Quant agrave lrsquoobjet il fait appel agrave un lsquocritegravere mateacuterielrsquo axeacute sur le corpus de normes agrave eacutetablir pour reacutealiser lrsquoobjectif poursuivi par un traiteacute raquo81

Cette deacutefinition est similaire agrave celle donneacutee par le professeur Yasseen lors de son cours agrave lrsquoAca-

deacutemie de droit international de La Haye82

76 Pour rappel lrsquoaccegraves direct au FEM gracircce agrave lrsquoincorporation du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique dans la vision strateacutegique de la CITES

77 Lrsquoaccegraves aux ressources du FEM pour les activiteacutes CITES gracircce agrave lrsquoincorporation de reacutefeacuterences pertinentes dans les SPANB des pays en deacuteveloppement ou aux eacuteconomies en transition

78 V Lowe laquo The Politics of Law-Making Are the method and character of norm creation changing raquo in M Byers The role of law in in-ternational politics Essays in international relation and international law Oxford University Press Oxford 2000 354p pp 207-226

79 Sur les diffeacuterences entre les courants anglophone et francophone sur ce thegraveme voir I Buffard K Zemanek laquo The object and purpose of a treaty an enigma raquo op cit

80 G Futhazar laquo The diffusion of the Strategic Plan for Biodiversityhellip raquo op cit81 L Boisson de Chazournes A-M La Rosa M Mbengue laquo Article 18 raquo in O Corten P Klein (ed) Les conventions de Vienne sur le

droit des traiteacutes Commentaire article par article volume 1 Bruylant Bruxelles 2009 1073 pp 589-638 (nous soulignons) 82 K Yasseen laquo Lrsquointerpreacutetation des traiteacutes drsquoapregraves la Convention de Vienne sur le Droit des Traiteacutes raquo RCADI vol 151 1976 p 155

laquo Lrsquoobjet du traiteacute est ce que les parties ont fait les normes qursquoelles ont eacutenonceacutees les droits et les obligations qui en deacutecoulent tandis que le but du traiteacute est ce que les parties ont voulu atteindre raquo

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

110

Un autre auteur francophone le professeur Kolb propose neacuteanmoins une deacutefinition leacutegegraverement

diffeacuterente qui peut eacutegalement se reacuteveacuteler pertinente dans notre cas drsquoeacutetude Dans son ouvrage portant

sur lrsquohermeacuteneutique juridique en droit international83 il opegravere la distinction entre but et objet selon

les critegraveres suivants lrsquoobjet serait la matiegravere soumise agrave la reacuteglementation tandis que le but serait la

finaliteacute de la reacuteglementation84

Lrsquoensemble de ces deacutefinitions nous porte agrave voir dans la strateacutegie drsquoaccegraves direct aux ressources

du FEM une circulation des buts de la CDB

En effet si lrsquoon considegravere le contenu du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et notam-

ment ses objectifs drsquoAichi on peut y voir non pas de nouvelles obligations mais des finaliteacutes agrave at-

teindre dans le contexte de la CDB Cette remarque est eacutegalement valable pour la vision strateacutegique

de la CITES mise agrave jour en 201385 Ici encore pas de nouvelles regravegles mais la deacutefinition drsquoun but agrave

atteindre dans le contexte de la convention

Or la mise agrave jour de la vision strateacutegique indique parmi ces trois objectifs principaux que la

CITES contribue au Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et ses objectifs drsquoAichi86 On a

donc ici un alignement clair des buts voir une hieacuterarchie si lrsquoon considegravere que lrsquoalignement se reacutea-

lise sur la base du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et non pas sur une prise en compte

mutuelle

Cette circulation des buts de la CDB vers la CITES et plus geacuteneacuteralement vers les autres conven-

tions du laquo biodiversity cluster raquo bien qursquoelle nrsquoait finalement pas meneacute agrave un accegraves direct aux res-

sources du FEM appelle plusieurs remarques

Premiegraverement cette circulation peut avoir un impact important sur lrsquointerpreacutetation des traiteacutes

et met en eacutevidence le fait que les buts des traiteacutes sont davantage sujets agrave eacutevolution que leurs objets87

En effet les objets des conventions ayant incorporeacute les objectifs drsquoAichi dans leurs planifications

strateacutegiques nrsquoont eacutevidemment pas changeacute La CITES recouvre toujours exclusivement les questions

de commerce international des espegraveces sauvages menaceacutees drsquoextinction et la convention de Ram-

sar88 ayant elle aussi incorporeacute les Objectifs drsquoAichi dans son plan strateacutegique89 concerne toujours

la gestion des zones humides drsquoimportance internationale En revanche agrave la constance intrinsegraveque

83 R Kolb Interpreacutetation et creacuteation du droit international Esquisse drsquoune hermeacuteneutique juridique moderne pour le droit international Bruylant Bruxelles 2006 936 p

84 Ibid pp 532-533 85 CITES Reacutesolution Conf 163 op cit 86 Ibid lrsquoobjectif 34 du but 3 laquo contribuer agrave une reacuteduction substantielle du rythme de lrsquoappauvrissement de la diversiteacute biologique et agrave la

reacutealisation des buts et objectifs pertinents agreacutees au plan mondial en garantissant que la cites et les autres instruments et processus multi-lateacuteraux soient coheacuterents et se renforcent mutuellement raquo indique laquo La contribution de la CITES aux objectifs du Milleacutenaire pour le deacuteve-loppement pertinents aux buts de deacuteveloppement durable fixeacutes par le SMDD au Plan strateacutegique pour la diversiteacute biologique 2011-2020 et aux Objectifs drsquoAichi pour la biodiversiteacute pertinents ainsi qursquoaux reacutesultats pertinents de la Confeacuterence des Nations Unies sur le deacuteveloppement durable est renforceacutee en veillant agrave ce que le commerce international de la faune et de la flore sauvages soit pratiqueacute agrave un niveau durable raquo

87 Nous avons deacutejagrave eacutevoqueacutes ce point lors de notre analyse preacuteceacutedente voir G Futhazar laquo The diffusion of the Strategic Plan for Biodiver-sityhellip raquo op cit

88 Convention relative aux zones humides drsquoimportance internationale particuliegraverement comme habitats des oiseaux drsquoeau signeacutee le 2 feacutevrier 1971 agrave Ramsar entreacutee en vigueur le 21 deacutecembre 1975 UNTS vol 996 p 250

89 Convention de Ramsar Reacutesolution XII2 Le Plan strateacutegique Ramsar 2016-2020 appendice 2 Appendice 2 Synergies entre les Objectifs drsquoAichi pour la biodiversiteacute de la CDB et les objectifs de Ramsar

Guillaume FUTHAZAR

111

des objets srsquooppose lrsquoeacutevolution des buts qui comme le souligne la diffusion du Plan Strateacutegique pour

la Biodiversiteacute peuvent eacutevoluer notamment en ce qui concerne le degreacute de preacutecision de leur por-

teacutee90 Quant agrave lrsquoimpact drsquoune telle circulation sur lrsquointerpreacutetation des traiteacutes celui-ci deacutecoulerait de

lrsquoapplication de lrsquoarticle 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes91 appelant agrave prendre

en consideacuteration les buts et les objets drsquoun traiteacute ainsi que les pratiques ulteacuterieures des parties dans

lrsquoexercice drsquointerpreacutetation drsquoun traiteacute

Deuxiegravemement cette circulation met en eacutevidence la pluraliteacute des buts des traiteacutes Cette plura-

liteacute nrsquoest en soi pas un eacuteleacutement nouveau du droit international Degraves 1952 la Cour Internationale de

Justice soulignait deacutejagrave une telle possibiliteacute92 Cependant ce cas de circulation souligne une possible

distinction entre ces buts

En effet les documents strateacutegiques preacuteciteacutes eacutenoncent des seacuteries drsquoobjectifs que lrsquoon peut voir

comme des deacuteclinaisons de buts geacuteneacuteraux93 Par exemple le Plan strateacutegique pour la diversiteacute bio-

logique exprime de faccedilon relativement preacutecise94 des seacuteries drsquoobjectifs agrave atteindre afin de remplir les

buts geacuteneacuteraux de la convention De plus cette laquo partie exprimeacutee raquo est temporellement situeacutee et nrsquoest

valable que sur une peacuteriode deacutetermineacutee 2010-2020

On peut alors ecirctre ameneacute agrave voir des distinctions entre les buts drsquoune convention Drsquoune part des

buts immanents existants par eux-mecircmes en raison de la conclusion drsquoune convention et drsquoautre

part des buts laquo situeacutes raquo expressions ulteacuterieures de la volonteacute des parties contractantes quant agrave la fi-

naliteacute drsquoune convention sur une peacuteriode donneacutee Ces buts temporaires et plus preacutecis sont donc une

deacuteclinaison des buts geacuteneacuteraux mais peuvent neacuteanmoins servir le mecircme rocircle drsquoeacuteclairage lorsqursquoil

srsquoagit drsquointerpreacuteter les dispositions drsquoune convention

Troisiegravemement en ce que ces documents sont le reacutesultat de deacutecisions de COP et donc du consen-

sus exprimeacute par les Eacutetats membres des conventions ils permettent drsquoapporter une solution partielle

au problegraveme theacuteorique et pratique que pose lrsquoidentification de lrsquoobjet et du but95 Bien entendu ces

objectifs ne sont pas neacutecessairement lrsquoexpression de lrsquointeacutegraliteacute du ou des buts de la convention

mais peuvent avoir plus de leacutegitimiteacute agrave ecirctre consideacutereacutes comme des buts que ceux eacutetablis prima facie

par un interpregravete exteacuterieur

Finalement et pour conclure sur la lecture juridique de cette premiegravere approche on peut voir

dans cette circulation des buts une meacutethode de laquo deacutefragmentation raquo du droit international de la bio-

diversiteacute Cela est drsquoautant plus inteacuteressant que ce pheacutenomegravene srsquoeacuteloigne des analyses proposeacutees par

90 G Futhazar laquo The diffusion of the Strategic Plan for Biodiversityhellip raquo op cit pp 154-15891 Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes signeacutee le 23 mai 1969 agrave Vienne entreacutee en vigueur le 27 janvier 1980 UNTS vol 1155 p 353 92 Dans lrsquoaffaire Droits des ressortissants ameacutericains au Maroc la Cour utilise freacutequemment lrsquoexpression laquo les buts et lrsquoobjet raquo CIJ France

c Etats-Unis drsquoAmeacuterique arrecirct du 25 aoucirct 1952 Rec 1952 pp 175-214 93 Par exemple ceux eacutevoqueacutes agrave lrsquoarticle premier de la CDB 94 Le caractegravere vague des Objectifs drsquoAichi a fait lrsquoobjet de plusieurs analyses En ce sens voir L Campbell S Hagerman N Gray laquo Pro-

ducing Targets for Conservation Science and Politics at the Tenth Conference of the Parties to the Convention on Biological Diversity raquo Global Environmental Politics vol 14 ndeg 3 2014 pp 41-63

95 En effet lrsquoidentification de lrsquoobjet et du but drsquoun traiteacute neacutecessite une interpreacutetation de celui-ci Or lrsquointerpreacutetation doit ecirctre faite agrave la lu-miegravere de lrsquoobjet et du but du traiteacute interpreacutetation Certains auteurs proposent une issue agrave ce cercle vicieux en eacutetablissant un objet et un but prima facie Voir I Buffard K Zemanek laquo The object and purpose of a treaty an enigma raquo Austrian Review of International and European Law vol 3 1998 pp 311-343

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

112

la Commission du Droit International qui dans son rapport de 2006 sur la fragmentation du droit

international se focalise sur les meacutethodes de reacutesolution des conflits de normes96

b Lrsquoincorporation de reacutefeacuterences agrave la CITES dans les SPANB comme expression de la norme interstitielle de synergie

La premiegravere strateacutegie mise en œuvre par le Secreacutetariat peut precircter agrave confusion quant agrave la nature

des objets ayant circuleacute vers la CDB

Pour rappel cette premiegravere strateacutegie consiste agrave influencer la mise en œuvre drsquoune obligation

issue drsquoune convention (la reacutealisation des SPANB dans le contexte de la CDB) pour permettre de

renforcer lrsquoeffectiviteacute drsquoune autre convention (le financement drsquoactiviteacutes contribuant agrave la CITES)

Pour ce faire il est neacutecessaire que les Eacutetats membres agrave la fois de la CDB et de la CITES incorpo-

rent dans leurs SPANB des dispositions relatives agrave la CITES Quelle est alors la nature juridique de

cette incorporation

Est-ce ici aussi une circulation des buts de la CITES vers la CDBthinsp Dans ce cas ce ne serait pas

une circulation de laquo but vers but raquo comme dans le cas eacutevoqueacute preacuteceacutedemment mais de but vers objet

Si lrsquoon reprend les deacutefinitions citeacutees plus haut il semble en effet que les SPANB constituent un des

objets de la CDB agrave savoir laquo le corpus de normes agrave eacutetablir pour reacutealiser lrsquoobjectif poursuivi par un

traiteacute raquo97 Lrsquoobjet laquo SPANB raquo ayant incorporeacute le but de la CITES permettrait alors un financement

des certaines activiteacutes contribuant agrave la CITES

Cette lecture permettant une distinction eacuteleacutegante entre une circulation de laquo but vers but raquo et

de laquo but vers objet raquo ne reacutesiste cependant pas agrave une lecture plus deacutetailleacutee des SPANB fournis par les

Eacutetats membres de la CDB

En effet les SPANB nrsquoincorporent pas systeacutematiquement le but de la CITES ils peuvent parfois

en incorporer lrsquoobjet98 ou un des objets99 ou tout simplement appeler agrave une application totale de la

CITES100 Pour autant cette vaste pluraliteacute des reacutefeacuterences faites agrave la CITES permet drsquoatteindre un

reacutesultat similaire lrsquoaccegraves aux ressources du FEM pour les activiteacutes contribuant agrave la Convention

Il nrsquoest donc pas possible de parler de faccedilon geacuteneacuterale de la circulation de buts ou drsquoobjet de la

CITES vers la CDB

Il semble plutocirct que cette incorporation de dispositions adeacutequates dans les SPANB soit le reacutesul-

96 Commission du droit international Fragmentation du droit international difficulteacutes deacutecoulant de la diversification et de lrsquoexpansion du droit international ACN4L682 13 avril 2006 Le rapport indique drsquoailleurs que laquo Lrsquoensemble des relations entre reacutegimes nrsquoest actuellement qursquoun grand trou noir juridique raquo (p 276)

97 L Boisson de Chazournes A-M La Rosa M Mbengue laquo Article 18 raquo op cit 98 Par exemple les SPANB du Kirghizistan en date de 2016 appellent agrave ameacuteliorer le systegraveme de restriction agrave lrsquoimport et lrsquoexport drsquoespegravece en

danger en accord avec les dispositions de la CITES voir note 30 p 10 objectif 21499 Par exemple les SPANB de lrsquoUganda en date de 2015 appellent au renforcement des capaciteacutes des autoriteacutes de gestion voir note 30 p 102

objectif 335100 Une telle disposition est visible dans les SPANB de 2016 du Myanmar (op cit note 47) ou dans les SPANB des Maldives voir note 30

p 23 objectif 1

Guillaume FUTHAZAR

113

tat de lrsquoapplication drsquoune norme promue par les institutions des conventions du laquo biodiversity clus-ter raquo la synergie conventionnelle appelant tous les acteurs (Eacutetats institutions et ONG) agrave prendre

en consideacuteration lrsquoensemble des conventions applicables agrave la biodiversiteacute et aux eacutecosystegravemes tant

drsquoapplication de leurs obligations existantes que dans lrsquoeacutelaboration future de normes

Nrsquoeacutetant pas porteuse drsquoobligations en tant que telle cette norme preacutesente les caracteacuteristiques

drsquoune laquo norme interstitielle raquo Ce type de normes est deacutecrit par Lowe comme eacutetant deacutenueacute de force

normative mais pouvant neacuteanmoins influencer les normes primaires du droit international101 Agrave

lrsquoappui de cette deacutefinition Lowe preacutesente un ensemble drsquoarguments baseacute sur le concept de deacutevelop-

pement durable et son traitement par les juridictions internationales102

Il semble que la norme ou le principe de laquo synergie conventionnelle raquo remplisse les critegraveres

eacutenonceacutes par Lowe en ce qursquoelle est seule deacutenueacutee de toute force normative Cependant son appli-

cation dans le cas drsquoespegravece eacutetudieacute permettrait drsquoexpliquer les modifications apporteacutees aux SPANB

(normes primaires du droit international) par les Eacutetats

La question est maintenant de savoir si cette norme a circuleacute agrave savoir si elle est apparue dans

un reacutegime pour ensuite ecirctre reprise par un autre ou si elle a toujours eacuteteacute preacutesente mais a simple-

ment gagneacute en laquo force raquo au fil des anneacutees notamment gracircce aux activiteacutes des institutions ad hoc des

conventions

Comme nous lrsquoavons eacutevoqueacute en introduction lrsquoeffort de synergie entre les conventions a tou-

jours eacuteteacute visible Que ce soit par lrsquoadoption de reacutesolutions ou de deacutecisions portant sur le thegraveme ou la

tenue de reacuteunions interinstitutionnelles on aperccediloit une volonteacute claire tout du moins afficheacutee de

faire en sorte que la coexistence des conventions soit une force plutocirct qursquoun obstacle Plutocirct que drsquoen

attribuer la paterniteacute agrave un reacutegime on peut donc voir lrsquoexistence de cette norme comme le reacutesultat de

lrsquointeraction entre plusieurs conventions et institutions

Dans notre cas drsquoeacutetude cette norme a pu gagner en influence en force par lrsquoadoption succes-

sive de deacutecisions y faisant appel (les plans et visions strateacutegiques) et par lrsquoaction du Secreacutetariat de la

CITES pour que celle-ci soit mobiliseacutee agrave une fin preacutecise

Drsquoailleurs la circulation des buts que nous avons eacutevoqueacutee dans la section preacuteceacutedente peut elle

aussi ecirctre vue comme le reacutesultat de lrsquoinfluence de cette norme interstitielle

En somme ce cas drsquoeacutetude illustrant des enjeux tregraves pragmatiques drsquoaccegraves aux ressources met

en eacutevidence les mutations du droit international de la biodiversiteacute et notamment la force drsquoattrac-

tion tregraves forte exerceacutee par la CDB dans ce domaine Ces mutations donnent aussi agrave voir des pratiques

novatrices de deacutefragmentation et laissent entrevoir ce qursquoon lrsquoon pourrait qualifier de meacutetanorme du

101 V Lowe laquo The Politics of Law-Making Are the method and character of norm creation changing raquo op cit p 213 102 Certains auteurs tout en saluant lrsquoutiliteacute du concept proposeacute par Lowe ont neacuteanmoins remis en cause son analyse en ce qui concerne-

le deacuteveloppement durable Voir Barral (V) laquo Sustainable Development in International Law Nature and Operation of an Evolutive Legal Norm raquo European Journal of International Law vol 23 ndeg 2 2012 pp 377-400 Dans cet article lrsquoauteur deacutemontre la porteacutee reacutegulatrice et donc normative de la notion de deacuteveloppement durable

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

114

droit international de lrsquoenvironnement

Finalement ce cas interroge aussi sur la faccedilon dont la discipline juridique peut se saisir drsquoun

objet qursquoelle nrsquoa que peu eacutetudieacute le secreacutetariat des accords multilateacuteraux sur lrsquoenvironnement

22 Une illustration de lrsquoimportance drsquoinstitutions neacutegligeacutees par la discipline juridique

Pour conclure cette eacutetude nous proposons une discussion sur la faccedilon dont la discipline juri-

dique pourrait srsquointeacuteresser aux secreacutetariats en tant qursquoacteurs de lrsquoeffectiviteacute du droit international

de lrsquoenvironnement Pour cela nous reviendrons briegravevement sur lrsquoaction laquo autonome raquo du Secreacute-

tariat de la CITES pour deacutemontrer que les diverses strateacutegies mises en œuvre pour lrsquoaccegraves aux res-

sources du FEM sont de son fait et ne reacutesultent pas simplement des mandats lui ayant eacuteteacute donneacutes par

les autres institutions de la CITES (a) Gardant ces eacuteleacutements agrave lrsquoesprit nous nous interrogerons sur

la faccedilon dont les disciplines juridiques et politiques pourraient coopeacuterer voir srsquoinfluencer mutuelle-

ment pour lrsquoeacutetude de ces acteurs (b)

a Un secreacutetariat faisant preuve drsquoautonomie

Dans la premiegravere partie de cette eacutetude nous avons deacutecrit les strateacutegies mises en œuvre par les

institutions de la CITES pour acceacuteder aux ressources du FEM Ce paragraphe aura pour but de sou-

ligner lrsquoautonomie du Secreacutetariat dans lrsquoeacutelaboration et la mise en œuvre de ces strateacutegies

Cette question de lrsquoautonomie est importante car elle illustre que lrsquoeacutetude des moyens existant

pour favoriser lrsquoeffectiviteacute du droit international de lrsquoenvironnement peut srsquoeacutetendre agrave des institu-

tions qui sont geacuteneacuteralement ignoreacutees par la discipline juridique103 Si les secreacutetariats font preuve

drsquoautonomie et influent sur lrsquoeffectiviteacute du droit international il est neacutecessaire de les prendre en

consideacuteration

Dans notre cas drsquoespegravece et sur la base de la documentation officielle disponible les preuves de

lrsquoautonomie du Secreacutetariat sont apparentes degraves 2010 et lrsquoadoption de la deacutecision 1520104 Cette deacute-

cision appelle simplement le Secreacutetariat agrave explorer les diffeacuterentes possibiliteacutes pour srsquoassurer du fi-

nancement des activiteacutes drsquoassistance technique contribuant agrave la reacutegulation du commerce drsquoespegraveces

sauvages La notification produite lrsquoanneacutee suivante montre une forte focalisation du Secreacutetariat sur

les possibiliteacutes offertes par le FEM

103 Drsquoune faccedilon qui nrsquoest guegravere surprenante la doctrine srsquoest davantage inteacuteresseacutees agrave la nature des activiteacutes des organes deacutecisionnels notamment les COP Sur ce thegraveme voir notamment Churchill (R) Ulfstein (G) laquo Autonomous Institutional Arrangements in Multilateral Environmental Agreements A Little-noticed Phenomenon in International Law raquo AJIL vol 94 2000 pp 623-659 J Brunneacutee laquo COPing with consent Law-making under multilateral environmental agreements Leiden Journal of International Law vol 15 2002 pp 1-52 Sur les Secreacutetariats les ouvrages et articles se contentent geacuteneacuteralement de les eacutevoquer sans discuter de lrsquoimpact de leurs activiteacutes sur le droit inter-national On relegravevera toutefois un ouvrage discutant de leur statut juridique B Desai Multilateral environmental agreements legal status of the secretariats Cambridge University Press Cambridge 2010 330 p ainsi qursquoune leccedilon donneacutee agrave lrsquoacadeacutemie de La Haye E Giraud laquo Le secreacutetariat des institutions internationales raquo RCADI vol 79 1951 pp 369- 509

104 CITES Deacutecision 1520 op cit

Guillaume FUTHAZAR

115

Bien que le Secreacutetariat dans ces rapports agrave la COP et au comiteacute permanent fasse aussi mention

drsquoautres meacutecanismes de financement on constate que son activiteacute srsquoest principalement concentreacutee

sur la question de lrsquoaccegraves aux ressources du FEM On relegraveve par exemple sa participation agrave des reacuteu-

nions du FEM105 ou encore la forte emphase dans ses rapports sur les opportuniteacutes qursquooffre le FEM

En somme la forte attention des institutions de la CITES pour les ressources du FEM nrsquoest pas le

reacutesultat de directives donneacutees par les Eacutetats de la convention en ce sens mais bien plutocirct des choix

strateacutegiques opeacutereacutes par le Secreacutetariat

Dans une preacuteceacutedente eacutetude106 nous avons illustreacute le rocircle qursquoont joueacute les Secreacutetariats dans la

diffusion du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et ses Objectifs drsquoAichi Il apparaicirct que

le Secreacutetariat de la CITES a ici encore joueacute un rocircle important dans la mise en œuvre des strateacutegies

drsquoaccegraves aux ressources du FEM en ayant un rocircle drsquoimpulsion et en maintenant agrave lrsquoordre du jour tant

du cocircteacute du FEM que du cocircteacute de la CITES la question du financement des activiteacutes CITES

Drsquoailleurs si lrsquoon cherche agrave voir la pratique drsquoautres secreacutetariats sur cette question on constate

que celui de la CITES demeure le plus actif Par exemple dans le contexte de la CMS lrsquoaccegraves aux

ressources du FEM nrsquoa fait lrsquoobjet que de timides deacuteveloppements en comparaison agrave ce que lrsquoon peut

observer dans notre cas drsquoespegravece107

Cette autonomie du Secreacutetariat de la CITES nrsquoest pas en soi une deacutecouverte Beaucoup drsquoauteurs

ont insisteacute sur la forte influence et capaciteacute drsquoinitiative dont pouvait faire preuve cette institution

Par exemple le Secreacutetariat joue un rocircle drsquoexpert en ce qui concerne lrsquoinscription aux annexes de

certaines espegraveces et exerce une forte influence agrave travers cette fonction108 Drsquoautres auteurs ont mecircme

eacutetabli un parallegravele entre lrsquoinfluence du Secreacutetariat et le rocircle que peut avoir la Commission euro-

peacuteenne au sein de lrsquoUnion europeacuteenne109

La discipline juridique seule ne peut appreacutehender tous les eacuteleacutements neacutecessaires agrave lrsquoeacutetude com-

plegravete de ces institutions Il est neacutecessaire de srsquoappuyer sur les eacutetudes deacutejagrave reacutealiseacutees en sciences poli-

tiques pour tenter de deacutegager des questions de recherche permettant drsquoeacutetablir des deacutemarches trans-

disciplinaires

b Des institutions appelant des eacutetudes transdisciplinaires

Lrsquoeacutetude de lrsquoactiviteacute des secreacutetariats est assez reacutecente dans le contexte des sciences politiques

Si lrsquoon peut recenser des articles datant des anneacutees 1990110 agrave notre connaissance le premier ouvrage

collectif portant sur cette question est publieacute en 2009111

105 Le Secreacutetaire Geacuteneacuteral de la CITES eacutetait preacutesent lors de la 41egraveme reacuteunion du conseil du FEM en 2011 [httpscitesorgengnewssg201120111108_GEFphp] consulteacute le 17102016

106 G Futhazar laquo The diffusion of the Strategic Plan for Biodiversityhellip raquo op cit pp 143-147 107 UNEPCMSStC4418 Synergies et partenariats sect 16 108 S Jinnah Post-treaty Politics Secretariats Influence in Global Environmetal Governance MIT Press Londres 2014 245 p p 149 109 T Gehring E Ruffing laquo When arguments prevail over power the CITES procedure for the listing of endangered species raquo Global

Environmental Politics vol 8 ndeg 2 2008 pp 123-148 p 136 laquo By way of the listing procedure the CITES Secretariat acquires the role of an ex-clusive agenda-setter comparable to that of the European Commission raquo

110 R Standford laquo International environmental treaty secretariats a case of neglected potential raquo Environmental Impact Assessment Re-view vol 16 ndeg 3 1996 pp 3-12

111 F Biermann B Siebenhuumlner (ed) Managers of global change The influence of international environmental bureaucracies MIT Press

La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute

116

Dans celui-ci les diffeacuterentes eacutetudes proposeacutees srsquoattachent notamment agrave mesurer lrsquoinfluence des

Secreacutetariats et les raisons de cette influence Notamment le mandat donneacute agrave ces institutions est proposeacute

comme facteur pouvant expliquer cette influence112 Ce point est inteacuteressant pour les juristes car il concerne

in fine lrsquoapplication de lrsquoarticle drsquoune convention par ses propres institutions De plus dans la logique

geacuteneacuterale du projet CIRCULEX on peut aussi se demander si certaines dispositions nrsquoont pas circuleacute entre

les accords multilateacuteraux sur lrsquoenvironnement et quelles ont pu ecirctre les causes drsquoune telle circulation

Ici apparaicirct donc un point pertinent pour eacutetudier plus en deacutetail lrsquoinfluence du Secreacutetariat de la

CITES en comparaison avec celle des autres secreacutetariats des conventions portant sur la biodiversiteacute

Par exemple dans notre cas est-ce le mandat poseacute agrave lrsquoarticle XII de la CITES qui a permis au Secreacute-

tariat drsquoecirctre un acteur essentiel de la circulation dont nous avons fait eacutetat ou sont-ce les individus agrave

lrsquoœuvre dans ce Secreacutetariat Comment dresser des comparaisons avec les activiteacutes meneacutees par les

autres secreacutetariats du laquo biodiversity cluster raquo Sur ce dernier point nous nrsquoavons pas trouveacute drsquoeacutetude

proposant une analyse deacutetailleacutee

Par exemple nous avons eacutevoqueacute que dans le cas de la CMS le Secreacutetariat ne semble pas avoir

exploreacute avec autant de minutie les possibiliteacutes drsquoaccegraves aux ressources du FEM Est-ce en raison de

lrsquoabsence de deacutecision indiquant clairement au Secreacutetariat de mener des recherches sur les meacutethodes

innovantes drsquoaccegraves aux financementsthinsp Est-ce lrsquoarticle instituant ce Secreacutetariat qui ne lui permet pas

la mecircme autonomie que le Secreacutetariat de la CITES dans lrsquoorientation des strateacutegies de la CMSthinsp Ou

est-ce le simple fait du reacuteseau drsquoindividus œuvrant au sein de ce Secreacutetariat

Il est eacutevident que cette reacuteponse ne peut ecirctre reacutesolue par les juristes seuls car elle neacutecessite la mo-

bilisation drsquooutils eacutetrangers agrave la discipline (interviews ou analyses de reacuteseaux sociaux par exemple)

Neacuteanmoins une collaboration sur ce thegraveme pourrait permettre de mettre agrave jour des reacutesultats inteacuteres-

sants notamment sur la faccedilon dont les Secreacutetariats influent sur le cadre juridique les ayant instau-

reacutes Cette laquo reacutetroaction raquo drsquoune institution ayant un simple rocircle drsquoexeacutecutant administratif est tout

aussi inteacuteressante pour le droit que pour la science politique

Avec cette contribution nous espeacuterons avoir pu mettre en avant les ideacutees promues par le projet

de recherche CIRCULEX notamment le fait que la permeacuteabiliteacute de certains reacutegimes environnemen-

taux permet lrsquoeacutemergence de pratiques nouvelles dans la cadre de la gouvernance mondiale de la bio-

diversiteacute mais aussi que ces pratiques ont une signification juridique forte en raison de leur capaciteacute

agrave remettre en question les classifications classiques de la discipline

Cet eacutetat de fait neacutecessitera une reacuteflexion collective sur la faccedilon dont la discipline pourra appor-

ter des eacuteleacutements analytiques pertinents tout en conservant sa speacutecificiteacute

Cambridge 2009 367 p 112 Ibid p 52

Guillaume FUTHAZAR

117

Partie 2 Circulation des normes et reacuteseaux drsquoacteurs

dans les complexes de reacutegimes

chapitre 1Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la

circulation et la mise en œuvre des normes de gouvernance environnementale agrave lrsquoeacutechelle internationale1

Daniel Compagnon2 Yves Montouroy3 Amandine Orsini4 Roman de Rafael5

La multiplication des reacutegimes internationaux se traduit par lrsquoeacutemergence de laquo complexes de

reacutegimes raquo qui sont lieacutes agrave la fois par des interactions institutionnelles et par lrsquoexistence de laquo theacutema-

tiques croiseacutees raquo (issue-linkage) Un complexe peut ecirctre deacutefini comme laquo a network of three or more

international regimes that relate to a common subject matter exhibit overlapping membership and

generate substantive normative or operative interactions recognized as potentially problematic

whether or not they are managed effectively raquo (Orsini amp al 2013 29 laquo un reacuteseau drsquoau moins trois

reacutegimes internationaux qui se rattachent agrave une mecircme theacutematique ont des membres en commun et

deacuteveloppent des interactions concernant le fond des politiques les normes ou les opeacuterations con-

cregravetes interactions qui sont perccedilues comme sources potentielles de problegravemes qursquoelles fassent ou

non lrsquoobjet drsquoun traitement approprieacute raquo) Chaque complexe portant sur une theacutematique speacutecifique

srsquoinsegravere dans un reacuteseau de gouvernance plus large qui inclut drsquoautres arrangements institutionnels

et systegravemes de normes Les chevauchements theacutematiques entre complexes de reacutegimes et interactions

fortuites ou institutionnaliseacutees rendent davantage neacutecessaire la circulation des normes entre ces reacute-

gimes Cette circulation et ses modaliteacutes sont lrsquoobjet central de cette contribution

Les acteurs eacuteconomiques crsquoest-agrave-dire les acteurs non-eacutetatiques (ANE) dont lrsquoobjectif est le profit

comme les repreacutesentants des entreprises jouent un rocircle important mais largement neacutegligeacute par lrsquoanalyse

Ils contribuent en effet de faccedilon substantielle agrave la neacutegociation et agrave la mise en œuvre des politiques

1 Les travaux empiriques eacutevoqueacutes dans ce papier ont beacuteneacuteficieacute du soutien financier de lrsquoAgence nationale pour la recherche franccedilaise dans le cadre du projet ltANR-12-GLOB-0001-03 CIRCULEXgt2 Daniel Compagnon est professeur de sciences politique agrave Sciences Po Bordeaux Centre Emile Durkheim 3 Yves Montouroy est maicirctre de confeacuterences en science politique agrave lrsquoUniversiteacute des Antilles - Pocircle Guadeloupe chercheur associeacute au Centre Emile Durkheim de Sciences Po Bordeaux et au CReSPo de lrsquoUniversiteacute Saint Louis Bruxelles4 Amandine Orsini est professeure de relations internationales agrave lrsquoUniversiteacute Saint-Louis Bruxelles membre du CReSPo5 Roman de Rafael est doctorant agrave lrsquoUniversiteacute Paris-Est LIPHA (EA 7373) UPEC Creacuteteil

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

118

internationales dans diffeacuterents secteurs (Orsini et Compagnon 2013) Sur le volet mise en œuvre la

circulation des dispositions des reacutegimes internationaux par lrsquointermeacutediaire des acteurs eacuteconomiques

peut ecirctre eacuteclaireacutee par une litteacuterature sur le laquo policy transfer raquo ou sur les dynamiques de diffusion

et de transplantation de solutions drsquoaction publique (Delpeuch 2009 Dumoulin et Saugger 2010

Tulmets 2014) Au sein des processus de transfert de multiples acteurs publics mais eacutegalement priveacutes

et associatifs interagissent (Hassenteufel et Maillard 2013) pour influencer les contenus politiques

Ce travail comparatif srsquoappuie sur quatre eacutetudes meneacutees seacutepareacutement par les co-auteurs et qui il-

lustrent la diversiteacute des questions de recherche que soulegraveve la participation des acteurs eacuteconomiques

agrave la circulation des normes principes et regravegles internationaux non seulement pour ce qui est de la

neacutegociationdiffusion des reacutegimes internationaux mais aussi de leur mise en œuvre agrave travers des

eacutechelles diffeacuterentes Elles associent des approches quantitatives et qualitatives et se situent agrave diffeacute-

rentes eacutechelles de lrsquoorganisation sociopolitique Nous les avons rassembleacutees autour de deux axes

lrsquoeacutelaboration et la neacutegociation des reacutegimes internationaux agrave lrsquoeacutechelon international drsquoune part la

mise en œuvre de ces reacutegimes drsquoautre part

Une eacutetude reacutecente des neacutegociations climatiques (Hanegraaf 2015) perccediloit les entreprises comme

des acteurs politiques beacuteneacuteficiant drsquoun accegraves facile et rapide aux neacutegociations internationales no-

tamment du fait de lrsquoabsence de difficulteacutes de leur part agrave srsquoorganiser collectivement dans des coa-

litions de lobbying Drsquoautres auteurs font lrsquohypothegravese drsquoun renforcement des relations de pouvoir

preacuteexistantes favorisant lrsquoindustrie dans le contexte des complexes de reacutegimes (Drezner 2009) A

contrario une analyse preacuteliminaire (Orsini 2013) et plusieurs eacutetudes sur la question du pluralisme

en relations internationales montrent que la participation des entreprises est probablement moins

automatique qursquoannonceacutee Degraves 1998 Robert Keohane annonccedilait lui-mecircme un changement de confi-

guration des dynamiques internationales de participation du fait de lrsquoarriveacutee des nouvelles techno-

logies de communication avec laquo des politiques internationales de plus en plus controcircleacutees par des

groupes informels de scientifiques ou autres professionnels ou par des coalitions de cause comme

Amnesty International et Greenpeace raquo (Keohane 1998 94)

Enfin il existe une litteacuterature montrant comment la gestion des biens communs srsquoorganise dans

le cadre de dispositifs institutionnels polycentriques ougrave des organisations publiques et priveacutees agrave de

multiples eacutechelles affectent conjointement les beacuteneacutefices et les coucircts collectifs par le biais drsquoun sys-

tegraveme de gouvernance dont les centres de deacutecision sont multiples et indeacutependants les uns des autres

(Ostrom V Tiebout et Warren 1961 Ostrom E 1990 2005 2010)

Dans la premiegravere partie nous eacutetudions jusqursquoagrave quel point des acteurs eacuteconomiques participent

aux forums onusiens sur la gestion durable des forecircts puis comment drsquoautres acteurs eacuteconomiques

ont joueacute un rocircle deacutecisif dans la neacutegociation sur la reacuteduction des eacutemissions de CO2 du secteur aeacuterien agrave

lrsquoOrganisation de lrsquoAviation Civile Internationale (OACI) La deuxiegraveme partie est centreacutee sur la mise

en œuvre soit le rocircle eacutevolutif drsquoacteurs eacuteconomiques dans le meacutecanisme Forest Law Enforcement Go-vernance and Trade (FLEGT) de lrsquoUnion europeacuteenne drsquoune part puis sur la mise en œuvre opeacuteration-

nelle du Meacutecanisme de deacuteveloppement propre (MDP) introduit par le Protocole de Kyoto Drsquoautres

points communs caracteacuterisent ces travaux puisque deux drsquoentre eux touchent agrave la question des

forecircts tropicales reacuteservoirs de biodiversiteacute et puits de carbone alors que les deux autres renvoient

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

119

agrave lrsquoutilisation drsquoinstruments de marcheacute dans les politiques climatiques En comparant ces eacutetudes de

cas agrave premiegravere vue heacuteteacuterogegravenes tant par leur objet que leur meacutethodologie nous voulons faire ressor-

tir la diversiteacute des configurations particuliegraveres drsquoacteurs en fonction des contextes et enjeux tout en

montrant que lrsquoinfluence des acteurs eacuteconomiques nrsquoest pas neacutecessairement lagrave ougrave on lrsquoattend

1) Le poids des acteurs eacuteconomiques dans les neacutegociations internationales pour la gestion durable des forecircts et pour la reacutegulation des eacutemissions carbone dans lrsquoaviation civile

Cette premiegravere partie met en perspective le rocircle drsquoacteurs eacuteconomiques dans lrsquoadoption des

normes dans le cadre de neacutegociations multilateacuterales Dans la premiegravere sous-partie sur les forums in-

ternationaux sur les forecircts nous cherchons agrave mesurer le degreacute de participation de ces acteurs Lrsquoexis-

tence de complexes de reacutegimes change-t-elle la donne sur ce plan Le croisement entre theacutematiques

favorise-t-il ou non les acteurs eacuteconomiques qui sont les plus agrave mecircme de creacuteer des passerelles entre

theacutematiques internationales Peu drsquoeacutetudes adoptent une vue drsquoensemble questionnant cette circu-

lation sur plusieurs eacutechelles drsquoanalyse diffeacuterentes La premiegravere sous-partie vise agrave combler ce double

manque agrave partir du cas de la gestion durable des forecircts

La deuxiegraveme sous-partie eacutetudie le rocircle deacutecisif de la coalition des industries de lrsquoaeacuterien dans le

deacutebat qui agite lrsquoOACI depuis le milieu des anneacutees 2000 sur un eacuteventuel meacutecanisme de marcheacute pour

reacuteduire les eacutemissions de CO2 de lrsquoaviation internationale Lrsquoindustrie y apparaicirct comme un acteur

incontournable de la reacutegulation et un veacuteritable entrepreneur de normes

11 Circulation internationale la participation des acteurs non eacutetatiques aux forums internationaux sur la gestion durable des forecircts

Depuis les anneacutees 1990 la question de la gestion internationale des forecircts a eacuteteacute neacutegocieacutee dans

plus de huit forums internationaux (Gluumlck et al 2010) Nous nous inteacuteressons ici aux institutions qui

ont pour mandat principal drsquoeacutelaborer des politiques de gestion des forecircts agrave savoir

bull le Comiteacute de la FAO pour les forecircts (COFO) historiquement le premier forum agrave avoir dresseacute

lrsquoeacutetat des lieux des forecircts mondiales

bull le Forum des Nations unies sur les forecircts (UNFF) eacutetabli en 2001 pour coordonner les politiques

nationales et internationales dans ce domaine

bull Le Comiteacute international des bois tropicaux (ITTC) de lrsquoOrganisation internationale des bois

tropicaux (OIBT) qui reacuteglemente lrsquoexploitation commerciale de ces forecircts

Ce complexe institutionnel sur la gestion durable des forecircts est fragmenteacute Crsquoest donc un exemple

inteacuteressant pour appreacutehender les conseacutequences drsquoune complexification de lrsquoarchitecture internatio-

nale sur la circulation des acteurs eacuteconomiques Dans le cas drsquoeacutetude envisageacute les acteurs concerneacutes

sont les entreprises forestiegraveres les commerccedilants de bois ou les industries du papier Pour eacutevaluer

lrsquoimportance de la circulation de ces acteurs eacuteconomiques il srsquoagit de la comparer agrave celle drsquoautres

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

120

cateacutegories drsquoacteurs non eacutetatiques comme par exemple les ONG environnementales (ONGE) qui

sont aussi actives sur la theacutematique comme les ONGE speacutecialiseacutees dans la gestion des forecircts dans

la conservation des espegraveces ou plus geacuteneacuteralistes

Pour eacutevaluer cette circulation nous avons constitueacute une base de donneacutees en relevant leur parti-

cipation effective en tant qursquoobservateurs aux diffeacuterentes reacuteunions du complexe sur les forecircts et en

identifiant leur nature (acteurs eacuteconomiques ou ONGE) Cette participation nrsquoa eacuteteacute codeacutee que pour

un minimum de deux participations (pour rendre lrsquoanalyse plus pertinente) La base de donneacutees ain-

si constitueacutee commence agrave la 15e reacuteunion du COFO en mars 2001 et se termine par la 11e reacuteunion de

lrsquoUNFF en mai 2015 et comprend 40 reacuteunions internationales6 Notre meacutethode consiste donc agrave ex-

ploiter les listes de participants aux diffeacuterentes reacuteunions mentionneacutees ci-dessus de faccedilon agrave comparer

la participation que ce soit agrave des forums de neacutegociation ponctuels ou au complexe de reacutegimes Les

reacutesultats concernant la participation agrave des reacutegimes individuels sont preacutesenteacutes dans le Tableau 1 drsquoun

point de vue quantitatif et dans le Tableau 2 drsquoun point de vue qualitatif

Tableau 1 Pourcentage de participation des ONGE (en bleu) et des acteurs eacuteconomiques (en rouge) participant agrave au moins deux reacuteunions aux diffeacuterents reacutegimes constituant le complexe de reacutegimes sur les forecircts ndash 2001-2015

COFO

15

ITTC

30

UNFF

1

ITTC

31

UNFF

2

ITTC

32

ITTC

33

COFO

16

ITTC

34

UNFF

3

ITTC

35

UNFF

4

ITTC

36

ITTC

37

COFO

17

UNFF

5

ITTC

38

ITTC

39

ITTC

40

0 0 0 10 18 0 4 8 5 7 0 8 4 0 0 10 6 0 613 9 38 20 14 19 35 8 9 15 11 17 8 19 10 23 25 29 6

ITTC

41

COFO

18

UNFF

7

ITTC

42

ITTC

43

ITTC

44

COFO

19

UNFF

8

ITTC

45

COFO

20

ITTC

46

UNFF

9

ITTC

47

COFO

21

ITTC

48

UNFF

10

ITTC

49

COFO

22

ITTC

50

UNFF

11

0 8 4 7 4 0 4 0 0 7 0 0 0 13 0 0 4 10 0 012 19 13 7 4 6 27 21 13 10 8 25 12 13 33 15 7 15 16 0

Tableau 2 ANE les plus impliqueacutes dans les neacutegociations internationales delrsquoUNFF de lrsquoITTC et du COFO analyseacutees seacutepareacutement

5 ANE (acteurs eacuteconomiques en rouge et ONGE en bleu et total de la participation entre parenthegraveses) les plus impliqueacutes dans les neacutegociations UNFF (Nb de reacuteunions)

INTERNATIONAL UNION OF FOREST RESEARCH ORGANIZATIONS (9)

CONFEDERATION OF EUROPEAN FOREST OWNERS (9)

FRIENDS OF THE EARTH INTERNATIONAL (7)

INTERNATIONAL FORESTRY STUDENTS ASSOCIATION (6)

World Business Council for Sustainable Development (6)

5 ANE (ONGE en bleu et acteurs eacuteconomiques en rouge) les plus impliqueacutes dans les neacutegociations ITTC (Nb de reacuteunions)

TRAFFIC INTERNATIONAL (20)

6 Cette base de donneacutees est en accegraves libre sur le site web du projet ANR CIRCULEX qui a financeacute son eacutelaboration

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

121

TROPICAL FOREST FOUNDATION (17)

FOUNDATION FOR PEOPLE AND COMMUNITY DEVELOPMENT (13)

ASUMADU AND ASSOCIATES (13)

HUTAN GROUP (12)

5 ANE (ONG en bleu et acteurs eacuteconomiques en rouge) les plus impliqueacutes dans les neacutegociations COFO (Nb de reacuteunions)

INTERNATIONAL UNION OF FOREST RESEARCH ORGANIZATIONS (8)

CONFEDERATION OF EUROPEAN FOREST OWNERS (7)

INTERNATIONAL FORESTRY STUDENTS ASSOCIATION (7)

UNION OF FORESTERS OF SOUTHERN EUROPE (7)

PROGRAMME FOR THE ENDORSEMENT OF FOREST CERTIFICATION COUNCIL (7)

CENTER FOR INTERNATIONAL FORESTRY RESEARCH (7)

Sur la peacuteriode analyseacutee plus drsquoONGE que drsquoacteurs eacuteconomiques suivent les neacutegociations in-

ternationales sur les forecircts 16 en moyenne de participation pour les ONGE et cela quel que soit

le forum consideacutereacute pour seulement 4 en moyenne drsquoacteurs eacuteconomiques La proportion ONGE

acteurs eacuteconomiques est par ailleurs stable au cours du temps et ne montre aucune eacutevolution sen-

sible Seule tendance geacuteneacuterale les neacutegociations plus reacutecentes sont suivies par un pourcentage plus

important drsquoANE Cette derniegravere tendance indiquerait une leacutegegravere ameacutelioration de la repreacutesentation

des ANE au cours du temps Le Tableau 2 indique que les ONGE impliqueacutees sont plutocirct geacuteneacuteralistes

alors que les acteurs eacuteconomiques sont plus facilement speacutecialiseacutes sur la question des forecircts Les neacute-

gociations de lrsquoITTC sont celles qui attirent davantage les acteurs eacuteconomiques

Concernant la participation au complexe de reacutegimes agrave savoir le suivi des trois forums de neacutego-

ciation en parallegravele on constate que 40 des ANE multi-fora sont des ONGE contre 13 pour les

acteurs eacuteconomiques Le Tableau 3 donne le nom des principaux ANE impliqueacutes dans le complexe

de reacutegimes

Tableau 3 Principaux ANE (top 10 avec ONGE en bleu acteurs eacuteconomiques en rouge et total de participations entre parenthegraveses) impliqueacutes dans les neacutegociations internationales du complexe de reacute-gimes sur les forecircts

INTERNATIONAL UNION OF FOREST RESEARCH ORGANIZATIONS (23)

FRIENDS OF THE EARTH INTERNATIONAL (18)

FOREST STEWARDSHIP COUNCIL (14)

INTERNATIONAL FORESTRY STUDENTS ASSOCIATION (14)

WORLD WIDE FUND FOR NATURE (13)

CENTER FOR INTERNATIONAL FORESTRY RESEARCH (11)

PROGRAMME FOR THE ENDORSEMENT OF FOREST CERTIFICATION COUNCIL (11)

WORLD RESOURCES INSTITUTE (10)

THE NATURE CONSERVANCY (10)

INTERNATIONAL FEDERATION OF BUILDING AND WOOD WORKERS (9)

World Business Council for Sustainable Development (8)

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

122

GREENPEACE INTERNATIONAL (7)

GLOBAL FOREST COALITION (6)

INTERNATIONAL INSTITUTE FOR ENVIRONMENT AND DEVELOPMENT (6)

INTERAFRICAN FOREST INDUSTRIES ASSOCIATION (3)

Le Tableau 3 montre agrave nouveau la faible participation des acteurs eacuteconomiques dans le suivi du

complexe de reacutegimes comparativement agrave celle des ONGE

Non seulement le complexe de reacutegimes des forecircts constitue un cas inteacuteressant en lui-mecircme mais

il permet aussi drsquoexaminer le croisement des theacutematiques En effet depuis 2009 la gestion durable

des forecircts est comprise dans un ensemble institutionnel plus vaste incluant la lutte contre les chan-

gements climatiques Au cours des neacutegociations dans le cadre de la Convention cadre des Nations

Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) les questions de lrsquoutilisation des forecircts comme

puits de carbone ou de lrsquoimpact de la deacuteforestation sur les eacutemissions de gaz agrave effet de serre ont pris

de lrsquoampleur Crsquoest surtout apregraves la confeacuterence des Parties (COP) de Copenhague de 2009 qursquoelles

entrent sur lrsquoagenda des neacutegociations par le biais du meacutecanisme REDD+ (reacuteduction des eacutemissions

lieacutees agrave la deacuteforestation et agrave la deacutegradation des forecircts) Depuis la theacutematique des forecircts et celle des

changements climatiques sont de plus en plus mecircleacutees dans les neacutegociations internationales Dans

quelle mesure la participation des acteurs eacuteconomiques contribue au croisement des theacutematiques

forecircts et changement climatique

Pour reacutepondre agrave cette question nous analysons la participation des acteurs eacuteconomiques speacutecia-

liseacutes sur les questions de forecirct notamment le meacutecanisme REDD+ aux COP de la CCNUCC Lrsquoeacutetude

est baseacutee sur la comparaison de lrsquoidentiteacute des acteurs eacuteconomiques les plus actifs des neacutegociations

laquo forecircts raquo depuis 2001 avec lrsquoidentiteacute des acteurs eacuteconomiques ayant suivi les neacutegociations clima-

tiques depuis 2009 Pour obtenir une eacutevaluation de cette participation la mecircme analyse est faite pour

lrsquoensemble des autres cateacutegories drsquoANE et notamment les ONGE Pour ce faire une liste des ANE

les plus actifs (32 organisations) aux neacutegociations du complexe de reacutegimes sur les forecircts est eacutelabo-

reacutee sur la base des listes de participants aux neacutegociations sur les forecircts sur la peacuteriode 2001-2014 Les

ANE speacutecialiseacutes les plus actifs sur cette peacuteriode sont deacutefinis comme ceux ayant suivi au moins 15

des reacuteunions (soit 6 reacuteunions au moins) Dans un deuxiegraveme temps il convient de croiser ces reacutesul-

tats avec la liste des ANE ayant participeacute agrave une COP de la CCNUCC depuis 2009 et drsquoidentifier les

acteurs eacuteconomiques et les ONGE

Les reacutesultats montrent que 375 des ANE actifs dans les neacutegociations internationales sur les

forecircts se retrouvent dans lrsquoensemble des neacutegociations internationales du meacutecanisme REDD+ dans le

cadre de la CCNUCC alors que 155 suivent plus de la moitieacute des reacuteunions de ces mecircmes neacutegocia-

tions Environ 50 (531 soit 17) des ANE experts des questions de forecircts se retrouvent donc dans

les neacutegociations climatiques Crsquoest un niveau de participation tregraves significatif lorsque lrsquoon envisage

les difficulteacutes mateacuterielles et logistiques engendreacutees par la participation agrave des neacutegociations inter-

nationales Parmi ces 531 117 (soit 2 organisations) sont des acteurs eacuteconomiques le World

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

123

Business Council for Sustainable Development (WBCSD) qui a suivi toutes les neacutegociations depuis

2009 et la Confeacutedeacuteration des industries papetiegraveres europeacuteennes qui a suivi trois reacuteunions depuis

2009 Le Tableau 4 recense les ANE speacutecialiseacutes dans les questions forestiegraveres et qui ont suivi toutes

les neacutegociations climat A nouveau le nombre drsquoONGE geacuteneacuteralistes est significatif

Les reacutesultats suggegraverent qursquoil existe une capitalisation de lrsquoexpertise des ANE dans le domaine

environnemental puisque les experts sur les questions de forecircts participent aux discussions clima-

tiques sur REDD+ Cela signifie que le paysage institutionnel dans lequel srsquoinscrit le meacutecanisme

REDD+ est porteur de liens avec pour ce qui est des theacutematiques environnementales les institu-

tions speacutecialiseacutees dans les questions de forecircts Alors que les neacutegociations REDD+ beacuteneacuteficient drsquoune

partie de lrsquoexpertise sur les forecircts deacutetenue par les ONGE cette expertise provient peu des acteurs

eacuteconomiques qui agrave nouveau sont moins actifs sur la question des theacutematiques croiseacutees

Tableau 4 ANE speacutecialiseacutees dans les neacutegociations sur les forecircts participant agrave toutes les COP climat depuis 2009 (ONGE en bleu et industries en rouge)

INTERNATIONAL INSTITUTE FOR ENVIRONMENT AND DEVELOPMENT

GREENPEACE INTERNATIONAL

World Business Council for Sustainable Development

THE NATURE CONSERVANCY

WORLD RESOURCES INSTITUTE

FOREST STEWARDSHIP COUNCIL (FSC)

INTERNATIONAL FORESTRY STUDENTS ASSOCIATION

WORLD WIDE FUND FOR NATURE

TROPICAL FOREST FOUNDATION

FRIENDS OF THE EARTH INTERNATIONAL

Cette section a examineacute la circulation internationale des acteurs eacuteconomiques au sein des fo-

rums internationaux sur la gestion durable des forecircts et en ce qui concerne la theacutematique croiseacutee du

changement climatique comparativement agrave drsquoautres cateacutegories drsquoANE

Plusieurs conclusions intermeacutediaires peuvent ecirctre tireacutees pour cette section Premiegraverement la

participation des acteurs eacuteconomiques est limiteacutee tandis que la participation des ONGE est im-

portante Deuxiegravemement la participation des acteurs eacuteconomiques est encore plus faible dans le

cas drsquoun complexe de reacutegimes Elle est aussi faible concernant le croisement theacutematique entre les

forecircts et le changement climatique Cette eacutetude suggegravere ainsi qursquoen termes de complexification des

reacutegimes et de croisement des theacutematiques lrsquoeacutevolution en cours semble favoriser la participation des

ONGE plus que celle des entreprises Lrsquoinfluence des acteurs sur les Eacutetats nrsquoest pas proportionnelle

agrave lrsquoimportance de leur participation car elle deacutepend eacutegalement de la densiteacute de leurs actions mais

au vu de lrsquoeacutecart de participation en acteurs eacuteconomiques et ONGE il est possible de supputer que

les blocages qui perdurent lors des neacutegociations internationales sur les forecircts apparaissent drsquoabord

comme des blocages politiques et structurels au niveau des Eacutetats plus que comme le produit de la

participation des acteurs eacuteconomiques concerneacutes - au moins agrave lrsquoeacutechelon international Ces eacuteleacutements

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

124

ne permettent pas toutefois de comprendre pourquoi les ONGE sont davantage preacutesentes quand

la neacutegociation srsquoeffectue au niveau du complexe de reacutegimes Des recherches compleacutementaires sont

neacutecessaires sur ce point

12 Le cas de la reacutegulation internationale des eacutemissions carbone du secteur aeacuterien7

Bien que repreacutesentant encore une part modeste des eacutemissions globales de gaz agrave effet de serre

(GES)8 les eacutemissions de lrsquoaviation commerciale croissent de faccedilon plus rapide que la moyenne des

autres secteurs entre 1990 et 2010 cette croissance fut drsquoenviron 80 contre 40 pour la moyenne

de lrsquoeacuteconomie (Alice Bows-Larkin 2014) Selon les sceacutenarios consideacutereacutes lrsquoaccroissement du trafic

pourrait atteindre jusqursquoagrave +515 entre 2000 et 2050 bien que lrsquoestimation la plus courante soit +220

(Gudmundsson et Anger 2012) Suite agrave un deacutesaccord entre les Eacutetats quant agrave la reacutepartition des eacutemis-

sions du trafic international la CCNUCC a confieacute agrave lrsquoOrganisation de lrsquoAviation Civile Internationale

(OACI) en 1997 la responsabiliteacute de mettre en œuvre une reacuteduction des eacutemissions de GES de ce secteur

Bien que la question ait eacuteteacute porteacutee agrave lrsquoagenda du Conseil et de lrsquoAssembleacutee de lrsquoOACI degraves 1998

lrsquoabsence de progregraves significatif sur le sujet a inciteacute lrsquoUE agrave inteacutegrer dans la directive reacuteviseacutee sur le

marcheacute europeacuteen des droits drsquoeacutemission de CO2 (en anglais ETS) de 2008 les eacutemissions de tous les vols

entrant et sortant du territoire de lrsquoUnion Ce dispositif interpreacuteteacute hors UE comme une violation du

principe de souveraineteacute consacreacute par la Convention de Chicago et comme une mesure unilateacuterale

contraire aux usages de lrsquoOACI a eacuteteacute combattu par les Eacutetats non europeacuteens par le Secreacutetariat de

lrsquoOACI et par une grande partie de lrsquoindustrie regroupeacutee sous la banniegravere de lrsquoAir Transport Action

Group (ATAG)9 une vaste coalition dirigeacutee par lrsquoInternational Air Transport Association (IATA) la

principale association mondiale de compagnies aeacuteriennes

Epilogue provisoire de cet affrontement que nous analysons ailleurs (Compagnon agrave paraicirctre)

une reacutesolution adopteacutee par la 38e Assembleacutee de lrsquoOACI en octobre 2013 condamna reacutesolument ce

meacutecanisme reacutegional de lrsquoUE - subseacutequemment suspendu sauf pour les vols intracommunautaires - et

demanda au Conseil de lrsquoOACI drsquoeacutelaborer un projet de meacutecanisme global de marcheacute destineacute agrave ecirctre

formellement adopteacute lors par la 39e Assembleacutee en octobre 2016 pour ecirctre mis en œuvre effective-

ment agrave partir de 2020 Un tel meacutecanisme a eacuteteacute adopteacute le 6 octobre 2016 sur la base drsquoune participa-

tion volontaire des Eacutetats entre 2021 et 2026 puis de faccedilon obligatoire pour tous les Eacutetats dont le trafic

aeacuterien international atteindra ou deacutepassera alors 05 du total Contrairement agrave lrsquoETS de lrsquoUE il ne

srsquoagit pas drsquoun marcheacute de droits drsquoeacutemission mais drsquoun meacutecanisme contraignant de compensation

7 Nous remercions les personnes de lrsquoOACI de lrsquoUE de lrsquoadministration franccedilaise (DGAC) des ONG et de lrsquoindustrie en particulier IATA pour le temps qursquoelles nous ont consacreacute Lrsquoanonymat des inteacuteresseacutes est preacuteserveacute agrave leur demande8 Les acteurs de lrsquoaeacuterien reacutepegravetent comme un mantra le chiffre de 2 des eacutemissions totales selon les chiffres de lrsquoAgence Internationale de lrsquoEacutenergie du deacutebut des anneacutees 2000 Outre qursquoils sont largement deacutepasseacutes puisque les eacutemissions du secteur croissent plus vite que la moyenne cela ne concerne que le CO2 alors que les avions eacutemettent aussi de la vapeur drsquoeau (traineacutees) des oxydes drsquoazote (NO et NO2) et des particules Pour calculer le forccedilage radiatif du transport aeacuterien le GIEC applique un coefficient de 27 agrave lrsquoeffet des eacutemissions de CO2 ce qui met lrsquoimpact total plutocirct autour de 5 9 Outre IATA cette plateforme feacutedegravere lrsquoaeacuteronautique les aeacuteroports et les professionnels de lrsquoaeacuterien (y compris du tourisme) avec un slo-gan laquo commercial aviation speaking with one voice raquo Le directeur de lrsquoenvironnement de IATA sert eacutegalement de secreacutetaire geacuteneacuteral agrave ATAG

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

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des eacutemissions offsetting (par achat de certificats hors aviation) de faccedilon agrave stabiliser les eacutemissions du

transport aeacuterien au niveau atteint en 2020 Parallegravelement srsquoeacutetait engageacutee agrave lrsquoOACI une neacutegociation

plus technique et discregravete sur lrsquoadoption drsquoune norme technique drsquoeacutemission de CO2 par les nouveaux

avions mis sur le marcheacute (qui ne sera pas traiteacutee en deacutetail ci-apregraves) eacutegalement adopteacutee par la mecircme

assembleacutee triennale Dans ces deux processus les acteurs priveacutes ont joueacute un rocircle deacuteterminant mais

non exclusif sans que lrsquoon puisse parler drsquoune captation de la deacutecision par les inteacuterecircts priveacutes

Lorsque deacutebut 1998 le Conseil requiert lrsquoavis technique de son Comiteacute de la Protection de lrsquoEn-

vironnement en Aviation (CAEP) ce dernier recommande sous lrsquoimpulsion de hauts fonctionnaires

des autoriteacutes de lrsquoaviation civile britannique et ameacutericaine10 le recours agrave un meacutecanisme drsquoeacutechange

de quotas drsquoeacutemissions reacuteputeacute vingt fois moins coucircteux que les autres options pour atteindre un ob-

jectif donneacute de reacuteduction Pour lrsquoun des principaux auteurs de ce travail crsquoest lrsquoexemple du marcheacute

de droits drsquoeacutemission drsquooxyde de soufre mis en œuvre aux Eacutetats-Unis dans le cadre du Clean Air Act qui a inspireacute ce choix et non la pression de lrsquoindustrie aeacuterienne qui nrsquoeacutetait pas encore mobiliseacutee sur

le sujet La 33e Assembleacutee de lrsquoOACI en septembre 1998 enteacuterine alors la participation de lrsquoaviation

civile internationale agrave un systegraveme ouvert drsquoeacutechange de droits drsquoeacutemissions tel qursquoil pourrait reacutesulter

du Protocole de Kyoto tout juste adopteacute et demande au Conseil drsquoen formuler les lignes directrices

Agrave cette fin le CAEP preacutesente agrave la 35e Assembleacutee de lrsquoOACI en octobre 2004 les conclusions de

lrsquoeacutetude laquo Designing a greenhouse gas emissions trading system for international aviation raquo reacutedigeacutee

par un consultant mais les deacutebats sont alors focaliseacutes sur les projets de la Commission europeacuteenne

drsquoinstituer un systegraveme de taxe ou redevance environnementales sur les avions atterrissant ou deacute-

collant de son territoire Hostile agrave un accroissement des taxes et redevances aeacuteroportuaires deacutejagrave eacutele-

veacutees dans les pays deacuteveloppeacutes IATA se rallie alors au concept de laquomesures baseacutees sur le marcheacuteraquo

(MBM) avanceacute par le CEAP mais la discussion du contenu agrave lui donner est repousseacutee agrave lrsquoAssembleacutee

de 2007 Le CAEP a poursuivi apregraves 2004 ses travaux drsquoexpertise sur la mise en œuvre drsquoun marcheacute

de droits drsquoeacutemission dans lrsquoaeacuterien et preacutesenta en octobre 2006 une note sur son champ drsquoapplication

geacuteographique et publia en feacutevrier 2007 des lignes directrices pour la mise en place drsquoun tel marcheacute

Toutefois agrave partir de fin 2008 lrsquoadoption de la directive 2008101CE suscita un blocage politique

complet agrave lrsquoOACI sur la question des eacutemissions de CO2 et provoqua la mobilisation des acteurs pri-

veacutes en particulier les compagnies aeacuteriennes ameacutericaines sous la houlette de leur association Airlines

for America (A4A)

Bien entendu ce conflit OACIUE a masqueacute drsquoautres freins agrave lrsquoadoption drsquoun tel meacutecanisme no-

tamment la volonteacute des Eacutetats du G77 drsquoimporter dans lrsquoaregravene de lrsquoaviation internationale le principe

de responsabiliteacute commune mais diffeacuterencieacutee (RCMD) et de la distinction entre pays de lrsquoAnnexe 1

et pays en deacuteveloppement derriegravere lesquels srsquoabritent certains pays eacutemergents refusant toute me-

sure contraignante de reacuteduction de leurs eacutemissions bien que le trafic aeacuterien y augmente bien plus

10 Tous deux eacutetaient co-rapporteurs du Groupe de Travail 5 du CAEP sur la question Entretien avec un ancien haut fonctionnaire de lrsquoavia-tion civile britannique ancien participant au CAEP Montreacuteal novembre 2015

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

126

vite qursquoen Europe ou aux USA11 De mecircme pendant les deux mandats de GW Bush qui avait reacutecuseacute

le protocole de Kyoto le marcheacute global de droits drsquoeacutemission nrsquoavait pas lrsquoappui de Washington qui

preacutefeacuterait insister sur lrsquoinnovation technologique - notamment les biocarburants - et un panier de

mesures opeacuterationnelles

En deacutecembre 2009 plusieurs compagnies ameacutericaines et A4A attaquent la mise en œuvre de

la directive par le gouvernement britannique En mai 2010 la Haute Cour de Justice administrative

de Londres (Queenrsquos bench Division) deacutecide du renvoi de lrsquoaffaire devant la Cour de Justice de lrsquoUE

(CJUE) pour une deacutecision preacutejudicielle sur la conformiteacute de la directive europeacuteenne au droit inter-

national aeacuterien Lrsquoarrecirct (C-36610) rendu par la Cour de Justice de lrsquoUnion Europeacuteenne (CJUE) le

21 deacutecembre 2011 confirme la leacutegaliteacute de la directive 2008101CE et la deacuteclare conforme au droit

aeacuterien international et agrave lrsquoaccord laquociel ouvertraquo entre les Eacutetats-Unis et lrsquoUE bien que cette interpreacute-

tation soit contesteacutee par de nombreux juristes hors Europe12

Les actions de lobbying srsquointensifient alors aupregraves du gouvernement et du Congregraves ameacutericain

conduisant agrave lrsquoadoption drsquoune loi bipartisane exoneacuterant les compagnies ameacutericaines de lrsquoobligation

drsquoappliquer lrsquoETS europeacuteen promulgueacutee par le Preacutesident Obama en novembre 2012 Lrsquoindustrie

reproche principalement agrave ce dispositif son coucirct drsquoadministration pour les compagnies (enregistre-

ment mesures des eacutemissions gestion de quotas reporting) et y voit lrsquoamorce drsquoune multiplication de

dispositifs nationaux et reacutegionaux heacuteteacuteroclites et redondants situation geacuteneacuteratrice de confusion et

de coucircts accrus13 De plus lrsquoETS dans sa version 2008 aurait instaureacute des distorsions de concurrence

sur les liaisons transcontinentales entre les compagnies devant transiter par lrsquoEurope et celles qui

pouvaient utiliser par exemple le hub de Dubaiuml

Suite aux sanctions commerciales mises en place par la Chine agrave lrsquoencontre drsquoAirbus en juin 2011

ce groupe a mobiliseacute ses relais en France Royaume Uni et Allemagne jusqursquoagrave obtenir que ces trois

gouvernements fassent pression sur la Commission europeacuteenne pour obtenir un premier infleacutechis-

sement en novembre 2012 avec la proposition dite laquostop the clockraquo soit une suspension de lrsquoappli-

cation de la directive jusqursquoagrave la 38e Assembleacutee OACI drsquooctobre 2013 avant que lrsquointervienne en avril

2014 la suspension pour tous les vols extra-europeacuteens jusqursquoau 1er janvier 2017 Ce que les compa-

gnies aeacuteriennes nrsquoavaient pu obtenir Airbus et son chantage agrave lrsquoemploi industriel lieacute aux commandes

chinoises y est parvenu A cet eacutegard et quelle qursquoaurait eacuteteacute lrsquoissue du deacutebat sur le systegraveme global de

MBM agrave lrsquoOACI un retour agrave lrsquoETS europeacuteen dans sa version de 2008 paraissaicirct politiquement exclu

Le projet de MBM global dont ont discuteacute les membres de lrsquoEnvironmental Advisory Group

(constitueacute de repreacutesentants eacutetatiques au Conseil plus IATA) de deacutecembre 2013 agrave janvier 2016 et qui

a eacuteteacute adopteacute par la 39e Assembleacutee est tregraves inspireacute des propositions de IATA Degraves sa reacuteunion geacuteneacuterale

annuelle (AGM) de Vancouver en 2007 lrsquoassociation avait adopteacute la laquo strateacutegie des 4 piliers raquo parmi

lesquels un meacutecanisme global de MBM Ayant pris livraison drsquoune eacutetude de McKinsey sur la crois-

sance agrave long terme de lrsquoindustrie en 2008 IATA a eacutelaboreacute une strateacutegie sur le changement climatique

11 Les donneacutees de lrsquoOACI pour 2014 font apparaicirctre que la Chine est passeacutee en tecircte devant les Eacutetats-Unis pour la part du trafic internatio-nal exprimeacutee en revenutonnekilomegravetre 12 Pour deux perspectives opposeacutees dans ce deacutebat juridique cf Koh 2012 et Bogojevic 201213 Entretiens seacutepareacutes avec des cadres dirigeants de IATA et de A4A Genegraveve avril mai et septembre 2015

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

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en 2009 comprenant la neutraliteacute carbone de la croissance du trafic agrave partir de 2020 (CNG2020) et un

objectif plus lointain de reacuteduction de 50 des eacutemissions par rapport au niveau de 2005 agrave lrsquohorizon

2050 Elle est parvenue ensuite agrave faire adopter ces objectifs par lrsquoOACI A son 69e AGM en juin 2013

agrave Cape Town IATA a pris position en faveur drsquoun MBM global sous la forme drsquoun systegraveme obliga-

toire de compensation des eacutemissions (offsetting) et a demandeacute aux Eacutetats drsquoadopter un tel dispositif agrave

lrsquoOACI14 Pour les compagnies en effet la compensation est preacutefeacuterable parce que plus souple et moins

coucircteuse agrave geacuterer qursquoun marcheacute de droits drsquoeacutemissions et une trentaine de compagnies aeacuteriennes la

pratiquant deacutejagrave sur une base volontaire

En outre IATA justifie son positionnement par une communication tregraves au point et que vient

illustrer un scheacutema mis en avant dans tous ses documents sur le sujet (cf graphique ci-dessous)

Pour ATAG lrsquoaeacuterien ne doit pas ecirctre soumis agrave des efforts injustes car il a deacutejagrave contribueacute agrave la

reacuteduction des eacutemissions plus que drsquoautres secteurs Lrsquoindustrie avance que le progregraves technique a

permis de faire 70 drsquoeacuteconomie de carburant sur la consommation des turboreacuteacteurs depuis leur

introduction et compense 2 points sur les 5 de croissance annuelle du trafic et des eacutemissions Le

recours agrave une forme de MBM est indispensable au moins pour quelques deacutecennies pour respecter

lrsquoengagement drsquoune stabilisation des eacutemissions au niveau atteint en 2020 avant que le deacuteveloppe-

ment des carburants alternatifs et une nouvelle vague drsquoinnovations technologiques permettent une

laquo deacuteconnexion quasi complegravete raquo entre croissance du trafic et eacutevolution des eacutemissions Cette strateacutegie

soulegraveve pourtant de nombreuses questions de faisabiliteacute15 notamment quant agrave la disponibiliteacute future

des carburants sans carbone16

14 Cf lrsquointerview mettant en scegravene Tony Tyler preacutesident de IATA sur le site web de lrsquoorganisation ainsi que le document Resolution on the Implementation of the Aviation laquoCNG2020raquo Strategy adopteacutee par IATA agrave son 69e AGM agrave Cape Town15 Deux travaux scientifiques reacutecents jettent le doute sur la possibiliteacute de tenir lrsquoengagement de 2050 avec le seul panier de mesures pro-poseacute par lrsquoindustrie et lrsquoOACI (Matt Grote et al 2014 Bows-Larkin 2014) et sans controcircle de la demande16 Beaucoup drsquoobservateurs et pas seulement des ONG doutent du miracle annonceacute des carburants alternatifs (Bridger 2013 chap 2) Certains reacutegulateurs europeacuteens en doutent eacutegalement (Entretiens haut fonctionnaire Transports Paris avril 2014 ancien haut fonctionnaire travaillant pour lrsquoindustrie Paris aoucirct 2014)

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

128

La prise de position solennelle de IATA agrave Cape Town est souvent citeacutee comme un facteur deacute-

cisif du ralliement des Eacutetats-Unis au projet de MBM global dans la reacutesolution de la 38e Assembleacutee

de lrsquoOACI En effet les repreacutesentants ameacutericains srsquoaffirmaient sceptiques sur les chances drsquoun tel

systegraveme quelques mois auparavant notamment lors des discussions du Groupe de Haut Niveau reacute-

uni de deacutecembre 2012 agrave avril 2013 pour tenter de reacutesoudre le conflit entre lrsquoUE et lrsquoOACI Certains

observateurs ont pointeacute lrsquoactivisme de A4A et de IATA dans les couloirs de la 38e Assembleacutee pour

convaincre les deacuteleacutegueacutes des pays du Sud de voter contre lrsquoETS europeacuteen17 Ils soupccedilonnent eacutegalement

A4A drsquoecirctre derriegravere le lacircchage des Europeacuteens par la deacuteleacutegation ameacutericaine Que la numeacutero deux de

la deacuteleacutegation US agrave la 38e Assembleacutee et haut responsable de Federal Aviation Authority fut issue de

lrsquoindustrie et y soit retourneacutee peu apregraves est invoqueacute en appui agrave cette vision fantasmatique drsquoune

laquocaptureraquo de lrsquoaction publique par le priveacute18 Les dirigeants de lrsquoindustrie interrogeacutes estiment qursquoon

leur precircte un pouvoir qursquoils nrsquoont pas dans cette affaire19 Ils font remarquer que la FAA nrsquoest pas

la seule impliqueacutee dans le processus de deacutecision aux USA - la deacuteleacutegation ameacutericaine eacutetait conduite

en 2013 par Todd Stern repreacutesentant speacutecial du preacutesident Obama sur le climat ndash et que le premier

argument motivant les Eacutetats tiers eacutetait la question de la souveraineteacute sur lrsquoespace aeacuterien De mecircme

quand on eacutevoque le mode de calcul des obligations de chaque compagnie dans le dispositif adopteacute

en 2016 lequel favorise les compagnies ameacutericaines crsquoest le risque que le Congregraves ameacutericain refuse

drsquoappliquer ce dispositif qui est invoqueacute comme fondement de la position ameacutericaine agrave Montreacuteal20

Plus fondamentalement lrsquoindustrie est tregraves preacutesente dans les activiteacutes de lrsquoOACI agrave tous les ni-

veaux IATA est notamment membre des groupes de travail du CAEP observateur au Conseil as-

socieacutee aux groupes restreints constitueacutes par le Preacutesident du Conseil au fil des ans dont le Groupe

de Haut Niveau de 2013 Dans lrsquoEnvironmental Advisory Group elle a sieacutegeacute en tant que membre au

mecircme titre qursquoun Eacutetat et non plus comme observateur alors que les ONGE eacutegalement regroupeacutees

dans lrsquoInternational Coalition for Sustainable Aviation (ICSA) accreacutediteacutee agrave lrsquoOACI nrsquoeacutetaient pas in-

viteacutees Associeacutee de longue date agrave lrsquoeacutelaboration des regraveglementations de seacutecuriteacute et de sureteacute IATA

se rend utile aux deacuteleacutegations par son expertise et sa disponibiliteacute Crsquoest en partie un heacuteritage drsquoune

eacutepoque ougrave les compagnies aeacuteriennes eacutetaient souvent publiques et tregraves proches des autoriteacutes natio-

nales de reacutegulation y compris aux Eacutetats-Unis ougrave jusqursquoen 1978 la concurrence eacutetait tregraves organiseacutee

par lrsquoEacutetat Une sorte de laquo deacutependance au sentier raquo srsquoest creacuteeacutee qui place IATA au cœur du dispositif

deacutecisionnel de lrsquoOACI

Les dirigeants de lrsquoindustrie mettent en avant leur adheacutesion aux objectifs de deacuteveloppement

durable et reconnaissent lrsquourgence climatique car se montrer proactif sur la question crsquoest acqueacuterir

laquo le droit agrave continuer agrave croicirctre raquo (license to grow)21 autrement dit re-leacutegitimer aux yeux du public

une activiteacute critiqueacutee pour son impact environnemental Ce nrsquoest pas combattre toute forme de

17 Entretien haut fonctionnaire Transports Paris juillet 201418 Entretien repreacutesentant drsquoONG Bruxelles deacutecembre 2014 Certes Julie Oettinger est passeacutee de United Airlines agrave la Federal Aviation Administration le 7 juin 2010 en tant qursquoAssistant Administrator for Policy International Affairs and Environment Ella a quitteacute la FAA en novembre 2013 pour devenir Managing Director Legal and Regulatory affairs (Europe Middle East and Africa) pour Delta Air Lines Toutefois ce genre de trajectoire professionnelle est chose commune en Ameacuterique du Nord et ne prouve rien en soi19 Entretiens agrave Genegraveve cadre dirigeant de IATA mai 2015 responsable de A4A septembre 201520 Entretien membre de la deacuteleacutegation ameacutericaine agrave la 39e Assembleacutee Montreacuteal 7 octobre 201621 Lrsquoexpression est sortie spontaneacutement dans plusieurs entretiens avec des repreacutesentants de lrsquoindustrie

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

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reacutegulation mais obtenir celle qui est le plus favorable agrave lrsquoeacutepanouissement de lrsquoindustrie (un standard

drsquoeacutemission de CO2 neacutegocieacute pour lrsquoaeacuteronautique un systegraveme de compensation pour les compagnies)

quitte agrave reporter dans le temps (apregraves 2020) ou vers drsquoautres secteurs (ceux qui geacutenegraverent les creacutedits

neacutegociables) le poids de lrsquoajustement Le non-dit de lrsquoopposition de IATA agrave lrsquoETS crsquoest que la

directive imposait de reacuteduire les eacutemissions par rapport au niveau enregistreacute en 2010 puis drsquoaccroicirctre

progressivement lrsquoeffort Avec un niveau tregraves bas du prix de la tonne carbone sur le marcheacute lrsquoimpact

financier eacutetait mesureacute au deacutebut22 mais le systegraveme eacutetait par essence plus contraignant que celui qui

est sorti de lrsquoAssembleacutee de 2016 surtout si les creacutedits eacuteligibles agrave la compensation sont agrave lrsquoavenir

deacutefinis de faccedilon extensive par exemple en incluant la REDD+

Les groupes de pressions industriels ne sont donc pas agrave lrsquoorigine de lrsquointroduction des MBM

dans le deacutebat sur la reacuteduction des eacutemissions de GES de lrsquoaviation commerciale agrave lrsquoOACI IATA

srsquoy est rallieacutee depuis 2007 par hostiliteacute aux projets de nouvelles taxes de lrsquoUE et sous lrsquoinfluence

de son nouveau directeur de lrsquoenvironnement convaincu que les compagnies aeacuteriennes devaient

adopter une strateacutegie proactive Toutefois IATA a manœuvreacute habilement en coalition avec cer-

tains acteurs eacutetatiques pour obtenir la condamnation de lrsquoETS europeacuteen consideacutereacute comme nui-

sible aux inteacuterecircts des compagnies aeacuteriennes et pour promouvoir la compensation comme type

souhaitable de MBM Lrsquoindustrie a ainsi mis en œuvre trois types de leadership (Fuchs 2007)

structurel du fait de sa position centrale dans le dispositif normatif de lrsquoOACI depuis lrsquoori-

gine instrumental dans ses alliances tactiques avec les Eacutetats srsquoopposant agrave lrsquoETS europeacuteen et

lors de lrsquointervention drsquoAirbus pour la suspension de son application discursif enfin en propo-

sant une strateacutegie coheacuterente et agrave long terme remportant lrsquoadheacutesion des Eacutetats-Unis et du secreacuteta-

riat de lrsquoOACI sans compter certaines ONG de lrsquoInternational Coalition for Sustainable Aviation

Toutefois il ne faut pas surestimer lrsquouniteacute drsquointeacuterecirct et drsquoaction de lrsquoindustrie Lors de lrsquoadoption

de la deacuteclaration de Cape Town en 2013 les repreacutesentants des compagnies chinoises avaient osten-

siblement quitteacute la salle Bien que rassemblant 256 compagnies dans 117 pays IATA reste domineacutee

par les membres occidentaux de lrsquoindustrie Crsquoeacutetait eacutegalement flagrant agrave la confeacuterence drsquoATAG lsquoGlo-bal Sustainable Aviation Summitrsquo en septembre 2015 les acteurs arabes asiatiques (hors Singapour)

et africains eacutetaient largement absents Dans les Global Aviation Dialogues (GLAD) organiseacutes par le

Secreacutetariat de lrsquoOACI dans les diffeacuterentes reacutegions du monde courant 2015 les reacuteticences des acteurs

aussi bien industriels que gouvernementaux agrave soutenir un MBM global eacutetaient palpables23 En deacute-

pit de la strateacutegie de communication bien huileacutee de IATA lrsquoindustrie est loin drsquoecirctre unanime sur la

question de mecircme que lrsquoETS europeacuteen avait susciteacute des divergences au sein des compagnies (euro-

peacuteennesautres) La capaciteacute des acteurs priveacutes agrave imposer les normes et instruments qui ont leur preacute-

feacuterence se heurte vite agrave des limites en lrsquoabsence drsquoun cadre drsquoaction publique neacutegocieacute par les Eacutetats

22 Selon une estimation de la DGAC franccedilaise lrsquoapplication de lrsquoETS europeacuteen agrave une compagnie chinoise aurait coucircteacute 51 euro par passager sur un vol AR Paris Peacutekin en 2012 et 65 euro en 2013 A titre de comparaison les taxes aeacuteroportuaires repreacutesentent plusieurs centaines drsquoeuros sur le coucirct du billet23 Par exemple au GLAD du Caire teacutemoignages venant de lrsquoindustrie comme drsquoun repreacutesentant drsquoONG (entretiens agrave Bruxelles aoucirct 2015 et Genegraveve septembre 2015)

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

130

2) Evolution du rocircle des ANE dans la mise en œuvre de la politique exteacuterieure de lrsquoUE contre le bois illeacutegal et du Meacutecanisme de Deacuteveloppement Propre

Lrsquoaction exteacuterieure de lrsquoUE contre le bois illeacutegal offre un autre exemple de la circulation in-

ternationale des normes environnementales et des acteurs entre les aregravenes politiques et dans le

complexe de reacutegimes touchant aux probleacutematiques de gestion durable des forecircts dans les pays fo-

restiers coopeacuterant avec lrsquoUE Elle se mobilise en lien avec les organisations internationales les

agences gouvernementales et les acteurs priveacutes tant au plan sectoriel au nom de la compeacutetiti-

viteacute de lrsquoexploitation forestiegravere qursquoau plan de la socieacuteteacute civile pour deacutefendre les populations lo-

cales et les droits des travailleurs dans la neacutegociation et la mise en œuvre de ce dispositif Plus

encore le FLEGT fait consensus en tant qursquoinstrument qui pourra fournir la base leacutegale indis-

pensable agrave la mise en œuvre locale des politiques internationales du changement climatique

Nous examinons ensuite la mise en œuvre du MDP lequel constitue un cas inteacuteressant drsquointeacutegration

des acteurs priveacutes dans lrsquoeacutevolution drsquoun dispositif institutionnel La mise en œuvre opeacuterationnelle du

MDP repose effectivement sur les acteurs priveacutes et lrsquoutilisation drsquoun instrument de marcheacute entraicircne

lrsquoeacutemergence drsquoune architecture institutionnelle complexe reposant sur la participation priveacutee

21 Les ANE dans lrsquoaction exteacuterieure de lrsquoUE contre le bois illeacutegal en Reacutepublique du Congo

Le commerce international de bois illeacutegal deacutesigne lrsquoexploitation des forecircts contrevenant au

cadre leacutegal national et la commercialisation du bois en deacutecoulant Entre 20 agrave 50 de lrsquoexploitation

mondiale de bois et 10 des importations mondiales seraient illeacutegales pour une valeur de 30 agrave 100

milliards de dollars de profit par an (Nelleman 2012) Il repreacutesente de 10 agrave 15 milliards de dollars de

pertes fiscales annuelles pour les Eacutetats deacutegrade les eacutecosystegravemes forestiers et creacutee une concurrence

deacuteloyale entre les firmes drsquoexploitations forestiegraveres (World Bank 2008 3186 Brack 2008 Lawson

MacFaul 2010 FAOOIBT 2010 8 Hoare 2015) Le problegraveme du bois illeacutegal a connu un traitement

international similaire agrave drsquoautres enjeux forestiers mondiaux Drsquoabord inteacutegreacute aux objectifs ambi-

tieux drsquoune convention internationale sur les forecircts (Smouts 2001 Humphreys 2006) il fut finale-

ment transfeacutereacute agrave des processus resserreacutes et maicirctriseacutes par les seuls Eacutetats voulant en faire une prioriteacute

de leur agenda politique Deacutenonceacute par la socieacuteteacute civile dans les anneacutees 1970 puis inscrit agrave lrsquoAccord

des Eacutetats membres de lrsquoOrganisation Internationale pour les Bois Tropicaux de 1983 comme pro-

blegraveme sectoriel majeur le bois illeacutegal en fut retireacute sous la pression des Eacutetats producteurs24 Il fut alors

inteacutegreacute aux forums et panels successifs sur les forecircts organiseacutes au sein de lrsquoONU dans les anneacutees

1990 sans grands reacutesultats Crsquoest finalement sous la pression drsquoONG ndash Global Forest Policy Project et Global Witness ndash et du secteur priveacute ameacutericain deacutenonccedilant une concurrence deacuteloyale qursquoil fut pris

en charge par les Eacutetats-Unis au sein de lrsquoIntergovernmental Panel on Forests en 1996 ougrave il rencontre

les mecircmes reacutesistances Les Eacutetats-Unis vont alors lrsquoinscrire agrave lrsquoordre du jour de la Confeacuterence du G8

24 Le vocable laquo bois non documenteacute raquo lui sera preacutefeacutereacute dans lrsquoAccord suivant (AIBT 1994 art 271 al c)

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

131

agrave Bali en 2001 A lrsquoissue de celle-ci ses membres publient la deacuteclaration Forest Law Enforcement and Governance (FLEG) pour ameacuteliorer la coopeacuteration et la gouvernance dans le domaine de la leacutegaliteacute

forestiegravere Cela deacutebouchera sur des mesures douaniegraveres agrave lrsquoexemple du Lacey act aux USA agrave partir de

2008 et du plan drsquoaction FLEGT de lrsquoUE adopteacute en 2003

Lrsquoaction exteacuterieure de lrsquoUE contre le bois illeacutegal poursuit le double objectif de lutter contre lrsquoil-

leacutegaliteacute en renforccedilant lrsquoautoriteacute des Eacutetats producteurs tout en poursuivant les efforts pour ameacuteliorer

la gestion durable des forecircts A cette fin le plan drsquoaction FLEGT deacutefinit un cadre de coopeacuteration ndash

lrsquoAccord de partenariat volontaire (APV) ndash dans lequel les Eacutetats producteurs deacutefinissent avec lrsquoUE

les moyens drsquoatteindre ces objectifs La meacutethodologie de lrsquoAPV suit quatre phases une premiegravere de

cadrage avec une ouverture aux parties prenantes une seconde de neacutegociation entre lrsquoUE et le pays

producteur une troisiegraveme de deacuteveloppement des systegravemes de traccedilabiliteacute de la leacutegaliteacute et enfin une

quatriegraveme de mise en œuvre

Nous examinons en particulier lrsquoAPV entre la Reacutepublique du Congo et lrsquoUE Appuyeacutes par lrsquoEu-

ropean Forest Institute (EFI) dans le cadre de la EU FLEGT Facility depuis 2007 qui fournit agrave lrsquoUE et

aux tiers lrsquoexpertise technique et politique et par la FAO dans le cadre du partenariat EU FAO FLE-

GT mis en place en 2008 pour appuyer les pays tiers lrsquoobjectif des neacutegociations est de preacuteciser le

cadre juridique applicable les responsabiliteacutes publiques et priveacutees et enfin les proceacutedures critegraveres et

indicateurs qui permettront de suivre le bois depuis les forecircts jusqursquoaux marcheacutes de consommation

Au terme de cette matrice de leacutegaliteacute seront deacutelivreacutees les autorisations FLEGT drsquoexportation de bois

vers lrsquoUE dispensant les opeacuterateurs de toute autre deacutemarche administrative et douaniegravere pour faire

entrer le bois sur le marcheacute europeacuteen De tels accords font intervenir diffeacuterents repreacutesentants des

institutions europeacuteennes (notamment la Direction Geacuteneacuterale Coopeacuteration Internationale et Deacutevelop-

pement comme neacutegociateur et le Service drsquoAction Exteacuterieure pour le suivi de la mise en œuvre dans

le pays) et drsquoEacutetats membres (en particulier les agences franccedilaise et britannique AFD et UK Aid qui

soutiennent financiegraverement les parties prenantes civiles agrave lrsquoaccord) Signeacute en 2010 apregraves une neacutegocia-

tion relativement rapide initieacutee en 2008 et parapheacute en 2009 lrsquoaccord ne sera finalement ratifieacute qursquoen

2012 Pour autant en 2016 aucun certificat ni autorisation FLEGT nrsquoa encore eacuteteacute eacutemis par le pays25

Toutefois la mise en œuvre du FLEGT va requeacuterir la participation des acteurs priveacutes concerneacutes

qui agrave lrsquoinstar des ONG se mobilisent pour en neacutegocier les formes concregravetes Ce travail de meacutediation

des repreacutesentants de la filiegravere forecirct-bois est apparu incontournable aux vues des objectifs de lrsquoAPV

et des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de lrsquoautoreacutegulation priveacutee Selon les autoriteacutes de lrsquoUE de tels

instruments relegravevent drsquoun compromis entre acteurs priveacutes volontaires qui ne porte que sur les sur-

faces forestiegraveres concerneacutees creacuteant ainsi des icirclots de durabiliteacute et de leacutegaliteacute sans effet sur le reste

du massif forestier et sa gouvernance Leur objectif est donc de les reacuteinseacuterer dans lrsquoagenda politique

et de poser la question de leur rocircle dans la loi forestiegravere Face agrave cette mise en cause le secteur srsquoest

mobiliseacute pour faire reconnaicirctre des investissements et la deacutefinition de nouvelles meacutethodes de gestion

25 Sur le dispositif APV Congo voir le site de lrsquoAPV FLEGT Congo (httpapvflegtcongoinfo) et du European Forest Institute EU FLEGT Facility (httpwwweuflegtefiintrepublic-congo) consulteacutes en feacutevrier 2016

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

132

souvent reacutealiseacutes sous la pression et le controcircle des ONGE et dans le cadre de partenariats transna-

tionaux

Cette mobilisation va au-delagrave du seul APV Congo Trois organisations se situent agrave lrsquointerface de

lrsquoUE et des pays producteurs lrsquoAssociation Technique Internationale des Bois Tropicaux (ATIBT)

lrsquoInterafrican Forest Industries Association (IFIA) et enfin lrsquoassociation lsquoLe Commerce du Boisrsquo26 En

tant qursquoespaces intermeacutediaires de meacutediation dans cette filiegravere mondialiseacutee ces organes de repreacutesen-

tation des firmes ont pour fonction drsquoinformer les membres neacutegocier avec les autoriteacutes publiques et

internaliser le changement Lrsquoinvestissement dans ces trois fonctions va deacutependre de la deacutependance

agrave la ressource concerneacutee par le FLEGT Ces organisations positionneacutees diffeacuteremment dans la filiegravere

partagent la probleacutematique poseacutee par le FLEGT quant agrave la pertinence de continuer agrave srsquoinscrire dans la

certification du Forest Stewardship Council27 En effet le nouveau dispositif leacutegal preacutevoit les mecircmes

cateacutegories drsquoobligations tout en fournissant un certificat de durabiliteacute et de leacutegaliteacute pour la commer-

cialisation Or si lrsquoaccord ne reconnaissait pas la certification priveacutee dans la grille de leacutegaliteacute cela

entraicircnera une double meacutethodologie avec des controcircles distincts et des coucircts suppleacutementaires Cela

eacutetant le FSC nrsquoapparaicirct pas meacutecaniquement isoleacute dans ce processus de mecircme que les entreprises

forestiegraveres certifieacutees ne tiennent pas forceacutement agrave renoncer agrave la certification malgreacute le coucirct suppleacute-

mentaire qursquoelle repreacutesente En effet lrsquoenjeu de la place de la certification est eacutegalement partageacute par

les entreprises du secteur qui reconnaissent ses apports en termes de meacutethode de gestion des fo-

recircts naturelles ou de communication quant agrave lrsquoimage du secteur sur les marcheacutes de consommation

europeacuteen et srsquoinquiegravetent du retour sur investissement pour les entreprises qui srsquoy sont engageacutees

Ainsi au-delagrave de lrsquoinformation aux membres quant aux nouveaux deacutefis que posent les pro-

ceacutedures FLEGT lrsquoaction conjointe de lrsquoATIBT et de lrsquoIFIA consiste agrave se mobiliser pour suivre les

neacutegociations et la mise en œuvre du dispositif tant au sein des institutions communautaires euro-

peacuteennes qursquoau Congo pour y inteacutegrer les efforts preacuteceacutedemment reacutealiseacutes en matiegravere de certification

de la gestion durable Cette mobilisation est notamment stimuleacutee par les reproches quant au deacutefaut

de communication de la part de la Commission au moment des premiegraveres neacutegociations et la surprise

que suscitent les pourparlers avec le Congo qui prennent au deacutepourvu un secteur priveacute peu preacutepa-

reacute agrave cette reacuteorientation et craignant que les choses lui eacutechappent Prenant conscience de lrsquoampleur

du changement agrave lrsquoœuvre elles cherchent moins agrave le bloquer qursquoagrave lrsquoaccompagner pour y inseacuterer

leurs propres demandes et perceptions de la situation en matiegravere de durabiliteacute et de compeacutetitiviteacute

Localiseacutees agrave Paris fusionneacutees sur les questions du FLEGT agrave partir de 2012 les deux eacutequipes portent

ensemble ces probleacutematiques aupregraves de leurs membres des institutions europeacuteennes et congolaises

jusqursquoagrave deacutesigner un repreacutesentant permanent au Congo deacutebut 2015 afin drsquoecirctre au plus pregraves de la mise

en œuvre de lrsquoaccord A chaque fois les deacutefis sont de faire reconnaicirctre les certifications priveacutees et

communiquer les attentes et perceptions du changement dans le pays producteur

26 LrsquoATIBT est notamment preacutesente aux neacutegociations internationales sur les forecircts et notamment 6 fois lors de reacuteunions du COFO ou de lrsquoITTC avant 2008 (voir premier cas drsquoeacutetude) LrsquoIFIA est preacutesente aux reacuteunions ITTC et UNFF avant 2008 3 fois27 Le FSC a participeacute activement aux neacutegociations internationales sur les forecircts notamment dans le cadre des trois forums deacuteveloppeacutes dans le premier cas

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

133

La mobilisation du secteur priveacute prend une autre forme avec lrsquoaction de lrsquoassociation Le Com-

merce du Bois Engageacutee dans lrsquoinformation et la repreacutesentation elle est eacutegalement devenue lrsquoOrga-

nisme de controcircle du Regraveglement Bois de lrsquoUE en France reconnu par la Commission pour veacuterifier

la mise en œuvre de lrsquoAPV et les importations franccedilaises de bois Pour ce faire elle srsquoest appuyeacutee

sur sa lsquoCharte environnementale de lrsquoachat et de la vente de boisrsquo adopteacutee par ses membres et de-

venue obligatoire en 2011 Elle a eacuteteacute discuteacutee avec le WWF Les Amis de la terre des associations

de consommateurs et les ministegraveres de lrsquoeacutecologie et de lrsquoagriculture Elle a eacuteteacute eacutegalement reconnue

par le gouvernement franccedilais Sa mise en œuvre effective par les entreprises est controcircleacutee par les

organismes indeacutependants FCBA Veritas et SGS28 Crsquoest une grille drsquoeacutevaluation de la responsabiliteacute

des entreprises dans les domaines de la vigilance de la leacutegaliteacute et de la durabiliteacute Avec les critegraveres

et indicateurs est fournie une meacutethodologie drsquoeacutevaluation des performances qui sont ensuite eacuteva-

lueacutees par les auditeurs priveacutes et indeacutependants En cas de non respect des proceacutedures correctives

peuvent ecirctre mises en place Le processus vise agrave mettre en place un instrument techniquement opeacute-

rationnel crsquoest-agrave-dire qui integravegre les contraintes reacuteglementaires et opeacuterationnelles face agrave la reacutealiteacute

du marcheacute et selon les regravegles deacutefinies par les autoriteacutes publiques communautaires et africaines

Ces organisations apparaissent donc comme des opeacuterateurs de transferts (Delpeuch 2009) agrave

lrsquointerface des aregravenes communautaires congolaises et sectorielles Leur rocircle oscille en permanence

entre celui drsquoun intermeacutediaire geacuteneacuteraliste cherchant agrave reacuteinseacuterer les attentes des autoriteacutes publiques

dans un discours plus large de responsabilisation du secteur et de gestion durable du patrimoine fo-

restier tout en neacutegociant sur la techniciteacute preacutecise de lrsquoaccord tels les courtiers analyseacutes par Olivier

Nay et Andy Smith (2002) Aussi cette mobilisation des acteurs priveacutes contribue au cadrage poli-

tique de cette coopeacuteration sur les forecircts

Par ailleurs au niveau infranational cette coopeacuteration donne agrave voir un rocircle central des experts

Leur rocircle est drsquoune part de deacutefinir les critegraveres et indicateurs techniques qui vont permettre drsquoassu-

rer la traccedilabiliteacute des bois sur le terrain et ainsi leur leacutegaliteacute tout au long de la chaicircne de neacutegoce et

de transformation du bois Drsquoautre part ils doivent rendre opeacuterationnel lrsquoaccord et tester le systegraveme

informatiseacute de traccedilabiliteacute Ils opegraverent dans le cadre de mandats attribueacutes agrave lrsquoissue drsquoappels drsquooffre

internationaux Lrsquoobjectif est de mobiliser leurs compeacutetences dans la deacutefinition des modaliteacutes et leur

neutraliteacute dans la veacuterification de celles-ci Trois eacuteleacutements de lrsquoAPV donnent agrave voir cette mobilisation

des experts la deacutefinition du logiciel informatique de traccedilabiliteacute correspondant aux critegraveres et indi-

cateurs adopteacutes avec lrsquoAPV la veacuterification de la mise en œuvre et le suivi de lrsquoagenda politique

Le deacuteveloppement drsquoun logiciel de traccedilabiliteacute de la leacutegaliteacute srsquoinscrit dans les proceacutedures drsquoattri-

bution des certificats et autorisations FLEGT Pour ce faire la Cellule de Leacutegaliteacute Forestiegravere et de la

Traccedilabiliteacute (CLFT) a eacuteteacute creacuteeacutee en 2010 au sein du ministegravere de lrsquoeacuteconomie forestiegravere et du deacutevelop-

pement durable Elle a vocation agrave coordonner puis mettre en œuvre la reacuteforme du secteur agrave tous les

niveaux de lrsquoadministration forestiegravere congolaise Elle veacuterifie et autorise les coupes de bois Pour ce

faire elle srsquoappuie sur le Systegraveme National de Traccedilabiliteacute et le Systegraveme Informatiseacute de Veacuterification

28 Cette organisme est preacutesent une fois dans les neacutegociations ITTC avant 2008

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

134

de la Leacutegaliteacute deacuteveloppeacute avec lrsquoAPV Lrsquoobjet de ce logiciel est drsquointeacutegrer flux de bois et leacutegislation

forestiegravere afin de permettre un controcircle de ce qui est commercialiseacute depuis les zones drsquoexploitation

Il srsquoagit notamment de fournir agrave la CLFT via le logiciel lrsquoensemble de la documentation requise par

lrsquoAPV afin de relier une grume commercialiseacutee agrave une souche en forecirct ce qui est lrsquoambition des certi-

ficats FLEGT La deacutefinition et le deacuteveloppement de ce logiciel par les experts sont toujours en cours

en 2016 alors que ce processus a deacutebuteacute avec la signature de lrsquoAPV en 2010 pour ecirctre opeacuterationnel

en 2013 agrave lrsquoentreacutee en vigueur du regraveglement europeacuteen Un tel retard srsquoexplique par lrsquoincapaciteacute du

prestataire initial Helveta29 agrave livrer le logiciel et la rupture du contrat en 2012

Plusieurs raisons sont avanceacutees pour expliquer cet eacutechec une eacutequipe drsquoinformaticiens face agrave la

complexiteacute du secteur forestier congolais la difficulteacute agrave adosser traccedilabiliteacute et leacutegaliteacute dans un mecircme

logiciel et le faire fonctionner sur le terrain le niveau drsquoexigences et la complexiteacute de lrsquoaccord les deacutelais

impartis agrave des projets agrave lrsquoeacutetat drsquooffre avec un deacutemarrage dans lrsquourgence Ces diffeacuterentes raisons invo-

queacutees sont cependant eacuteclairantes du choix fait par le gouvernement congolais de travailler deacutesormais

avec SGS pressenti degraves la rupture avec Helveta pour mettre en place ce logiciel SIVL Le gouverne-

ment congolais a passeacute un contrat de greacute agrave greacute avec SGS en-dehors des proceacutedures ordinaires drsquoappels

drsquooffres de lrsquoUE laquelle a cependant accepteacute de le financer pour proteacuteger la viabiliteacute de lrsquoAPV SGS a ducirc

proposer un projet et des solutions concregravetes en amont et srsquoest pour cela appuyeacute sur ce qursquoavait deacutejagrave pu

reacutealiser Helveta et sur sa propre expeacuterience dans la traccedilabiliteacute que ce soit au Congo Par exemple SGS

avait eacuteteacute mandateacute pour deacutefinir une meacutethodologie de suivi de la fiscaliteacute dans la filiegravere bois un logiciel

de traccedilabiliteacute des produits agricoles Legal Trace ou encore au Libeacuteria avec son systegraveme de traccedilabiliteacute

du bois LiberTrace Lrsquoeacutequipe technique est elle-mecircme piloteacutee par un forestier de SGS et appuyeacutee par

la CLFT ses experts administratifs forestiers et juridiques dont elle partage les locaux de Brazzaville

De mecircme la mise en œuvre de lrsquoensemble de lrsquoAPV srsquoinscrit dans un systegraveme de suivi et drsquoeacuteva-

luation par une observation indeacutependante de la socieacuteteacute civile (OI FLEGT) et un auditeur indeacutependant

du systegraveme LrsquoOI FLEGT est issue de la socieacuteteacute civile Crsquoest pour la peacuteriode consideacutereacutee lrsquoassociation

congolaise le Cercle drsquoAppui agrave la Gestion Durable des Forecircts Elle a eacuteteacute formeacutee par Forests Monitor30

et Ressource Extraction Monitoring au moment ougrave il remplissait ce rocircle entre 2006 et 2013 Elle est

aujourdrsquohui financeacutee agrave 80 par lrsquoUE et agrave 20 par lrsquoAgence Franccedilaise de Deacuteveloppement Elle est

composeacutee de 5 techniciens forestiers et un juriste soit une petite eacutequipe pour mener des missions

autonomes dans les deacutepartements congolais afin drsquoeacutevaluer le respect du code forestier et preacuteparer

ses rapports de terrains et preacuteconisations Elle a cependant un rocircle qui reste consultatif aupregraves du

ministegravere des forecircts mais sa position lui permet drsquoecirctre en eacutechange direct avec les autoriteacutes compeacute-

tentes leur soumettre ses rapports et discuter de lrsquoeacutetat drsquoavancement

Lrsquoauditeur indeacutependant du systegraveme a pour sa part une fonction formelle preacutevue dans lrsquoaccord de

controcircle sur le terrain du respect de lrsquoAPV En lrsquoeacutetat son rocircle est neutraliseacute et tient en lrsquoeacutetablissement

des futures mesures drsquoaudit puisque le SIVL nrsquoest pas opeacuterationnel Mandateacute par lrsquoUE dans le cadre

29 Helveta a participeacute deux fois aux neacutegociations de lrsquoITTC apregraves 200830 Forest Monitor a participeacute une fois agrave lrsquoUNFF

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

135

de lrsquooffre remporteacutee par Sofreco il est au Congo depuis septembre 2015 Lrsquoexpert concerneacute apparaicirct

comme un speacutecialiste de terrain de la gestion et de la leacutegaliteacute forestiegravere ayant travailleacute au Cameroun

agrave la gestion des flux drsquoune grande entreprise forestiegravere impliqueacute dans les systegravemes de veacuterifications

de la leacutegaliteacute au Ghana et en Reacutepublique Deacutemocratique du Congo et affecteacute en Cocircte drsquoIvoire pour

suivre des projets de reboisement

Au total si lrsquoaccord de partenariat volontaire Congo apparaicirct entiegraverement neacutegocieacute avec le gou-

vernement sur la base du code forestier en vigueur selon lrsquoeacutevolution des probleacutematiques du secteur

et avec lrsquoobjectif de reacutesoudre le problegraveme du bois illeacutegal lrsquoomnipreacutesence des acteurs priveacutes dans la

deacutefinition des modaliteacutes de mise en œuvre interroge sur le degreacute drsquoeffacement de lrsquoautoriteacute publique

Ainsi ce qui apparaissait initialement comme un transfert drsquoune politique europeacuteenne re-centrali-

sant lrsquoautoriteacute au beacuteneacutefice de lrsquoadministration drsquoEacutetat congolaise (Montouroy 2014) semble devenir

une matrice de la reacutegulation priveacutee du bois illeacutegal produite par des experts se deacuteplaccedilant entre les

pays producteurs et lrsquoUE diffusant des normes techniques drsquoautoreacutegulation eacutelaboreacutees par et pour le

secteur priveacute

Plus encore lrsquoUE cherche agrave faire du FLEGT une pierre angulaire des politiques internationales

du changement climatique de par les meacutecanismes opeacuterationnels qursquoil fournit au cadre leacutegal et les

meacutecanismes publicspriveacutes qursquoil faccedilonne pour assurer lrsquoefficaciteacute et lrsquoameacutelioration constante du meacute-

canisme Ces eacuteleacutements transfeacutereacutes de leacutegaliteacute et de gouvernance sont incontournables pour deacuteployer

le meacutecanisme financier REDD+ de lutte contre la deacuteforestation et pour le stockage du carbone par les

forecircts Aussi au Congo la plateforme CACO REDD (Cadre de Concertation des organisations de la

socieacuteteacute civile et des populations autochtones sur la REDD+) creacuteeacutee en 2012 offre lrsquoillustration de lrsquoin-

clusion des populations locales sur les deacutefis de leacutegaliteacute et de changement climatique sur les questions

forestiegraveres Elle est financeacutee par le Carbon Partnership Facility de la Banque mondiale et appuyeacutee par

lrsquoEFI dans le cadre de la EU REDD Facility et de lrsquoONG FERN deacutejagrave mobiliseacutes sur le FLEGT

22 Le rocircle des ANE dans la mise en œuvre du Meacutecanisme de Deacuteveloppement propre

Dans sa premiegravere peacuteriode drsquoengagement le Protocole de Kyoto contraint les pays de lrsquoAnnexe

I agrave des objectifs nationaux dont le cumul repreacutesente une diminution de 5 des eacutemissions de Gaz

agrave Effet de Serre (GES) en 2012 par rapport agrave 1990 Certaines flexibiliteacutes y sont instaureacutees dans un

objectif drsquoefficaciteacute eacuteconomique Un marcheacute des quotas intereacutetatique concernant les parties de lrsquoan-

nexe I est creacuteeacute ainsi que drsquoautres meacutecanismes de flexibiliteacute dont le Meacutecanisme de Deacuteveloppement

Propre (MDP) Le MDP permet aux pays de lrsquoannexe I drsquoacheter des creacutedits carbone issus de projets

deacuteveloppeacutes dans des pays non-annexe I

En 2016 7703 projets jugeacutes conformes agrave lrsquoensemble des critegraveres et des regravegles du MDP ont eacuteteacute

laquo enregistreacutes raquo aupregraves du secreacutetariat de la Convention cadre des Nations Unies pour le Changement

Climatique (CCNUCC) 1 656 millions de tonnes de CO2-eacutequivalent (TCO2e) auraient eacuteteacute eacuteviteacutees

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

136

entre 2004 et avril 201631 et transformeacutees en creacutedits carbone Cela repreacutesente environ trois ans et

quatre mois drsquoeacutemissions franccedilaises32 Le secreacutetariat de la CCNUCC se basent et qursquoils vont eacuteventuel-

lement amender pour enfin demander agrave la COP de Kyoto drsquoen valider ou non le contenu Ainsi les

modes de calcul des TCO2e eacuteviteacutees lrsquoensemble des preuves technico-financiegraveres les critegraveres sociaux

et environnementaux de ces cahiers des charges sont co-eacutelaboreacutes entre ANE et secreacutetariat de la CC-

NUCC 1 656 millions de tonnes de CO2-eacutequivalent (TCO2e) auraient eacuteteacute eacuteviteacutees entre 2004 et avril

201627 et transformeacutees en creacutedits carbone Cela repreacutesente environ trois ans et quatre mois drsquoeacutemis-

sions franccedilaises Le secreacutetariat de la CCNUCC estime les transferts financiers Nord-Sud unique-

ment lieacutes agrave lrsquoachat de creacutedits carbone entre 95 et 13 milliards de dollars sur la peacuteriode 2007-201133

(UNFCCC 2012) Il srsquoagit donc drsquoun meacutecanisme important par son ampleur qui permet un important

retour drsquoexpeacuterience pour la preacuteparation des outils qui seront probablement deacuteveloppeacutes dans le cadre

de lrsquoarticle 6 de lrsquoaccord de Paris

Lrsquoun des aspects majeurs de cette expeacuterience est qursquoelle illustre comment le choix initail drsquoins-

truments de marcheacute et lrsquoaspect polycentrique (Tieacutebout Ostrom Warren 1961 Ostrom 1990 2010

McGinnigs 2016) drsquoune architecture institutionnelle ouvrent une multitude de voies de communi-

cation formelles et informelles34 entre ANE et centres de deacutecision Lrsquoarchitecture institutionnelle du

MDP permet en effet aux ANE drsquoexprimer leurs inteacuterecircts aupregraves des centres de deacutecision politiques

et technico-opeacuterationnels qui controcirclent le MDP Nous observons que les ANE transforment les

normes qui encadrent ce meacutecanisme de maniegravere directe par la modification des regravegles techniques

du MDP et indirecte par le plaidoyer dans le cadre de controverses que certains ANE font eacutemerger

et par lrsquoinfluence et la mise en concurrence des aregravenes de deacutecision identifieacutees

Le MDP repose en effet sur un dispositif institutionnel qui transforme un bien commun rival

et non-exclusif soit la capaciteacute drsquoabsorption de gaz agrave effet de serre de lrsquoatmosphegravere (Ostrom 1990)

en une commoditeacute eacutechangeable sur un marcheacute ougrave se rencontrent offre et demande La demande est

constitueacutee par les besoins des Etats contraints par le Protocole de Kyoto et lrsquooffre est fournie agrave par-

tir de creacutedits carbone issus de projets deacuteveloppeacutes dans des pays Non-Annexe I Pour creacuteer ces creacute-

dits des projets transforment la reacuteduction de tCO2-eq qursquoils engendrent par rapport agrave un sceacutenario

de reacutefeacuterence en creacutedits carbone Cette moneacutetisation des tCO2-eq reacuteduites en creacutedits URCE (Uniteacute

de Reacuteduction Certifieacute des Emissions) est permise au terme drsquoun processus de certification aupregraves

de lrsquoinstance en charge des aspects techniques et opeacuterationnels du MDP lrsquoExecutive Board (EB) et

ses panels drsquoexperts heacutebergeacutes par le secreacutetariat de la CCNUCC Ce processus permet de prouver la

conformiteacute du projet et de ses creacutedits carbone avec des regravegles eacutedicteacutees dans le Protocole de Kyoto35

et opeacuterationnaliseacutees sous forme de cahiers des charges dans des laquo meacutethodologies raquo36 et drsquoautres do-

31 Source CDM pipeline DTU-UNEP32 497MTCO2e en 2013 selon le ministegravere de lrsquoenvironnement33 httpcdmunfcccintaboutdev_benABC_2012pdf34 Nous reprenons ici les termes formals et informals de Douglass North (1990 2005)35 Les principes drsquoadditionnaliteacute de MRV drsquoaudit par un tiers indeacutependant et de respect du principe de subsidiariteacute36 Chaque type de technologie et de type de projets est associeacute agrave une laquo meacutethodologie raquo veacuteritable cahier des charges indiquant comment cal-culer les sceacutenarios de reacutefeacuterences prouver lrsquoadditionnaliteacute drsquoun projet calculer les eacutemissions de TCO2e reacuteduite consulter les parties prenantes etc Elles sont toutes disponibles sur ce site httpscdmunfcccintmethodologiesindexhtml

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

137

cuments laquo guides raquo37 eacutelaboreacutes par lrsquoEB et les experts du secreacutetariat de la CCNUCC

Au cours de la mise en œuvre de ce processus de certification garantissant lrsquointeacutegriteacute de ce

dispositif lrsquoexpertise des ANE aupregraves de lrsquoEB est permise ouvrant ainsi un premier canal de cir-

culations drsquoideacutees et de normes Ce processus de certification crsquoest-agrave-dire lrsquoenregistrement puis la

veacuterification des TCO2e est un processus complexe coucircteux qui met en scegravene autour du MDP toute

une logistique drsquoacteurs priveacutes qui se comptent en dizaines de cabinets de conseil quelques cabinets

drsquoauditeurs laquo indeacutependants raquo38 preacuteseacutelectionneacutes par lrsquoEB et plusieurs centaines de deacuteveloppeurs de

projets (tregraves majoritairement des entreprises locales et des multinationales)

Graphique 2 Phases du cycle de projet MDP et intervenants

La certification du projet ou laquo enregistrement raquo dans le langage du secreacutetariat de la CCNUCC

est acteacutee lorsque que celui-ci apporte la preuve qursquoil va effectivement contribuer agrave eacuteviter des

tCO2-eq par rapport agrave un sceacutenario de reacutefeacuterence et qursquoil ne passerait pas un seuil de rentabiliteacute

habituel sans lrsquoapport de la finance carbone crsquoest le critegravere drsquoadditionnaliteacute Les preuves de cette

additionnaliteacute ainsi que les autres informations requises dans les meacutethodologies sont consigneacutees par

le deacuteveloppeur du projet accompagneacute par des consultants experts dans les proceacutedures du MDP dans

un document de projet le laquo Project Design Document raquo Une fois preacutepareacute le document de projet

est soumis agrave un cabinet drsquoaudit externe au secreacutetariat de la CCNUCC Ces auditeurs procegravedent agrave une

veacuterification des donneacutees du document effectuent une veacuterification sur site puis transmettent lrsquoaudit

au secreacutetariat de la CCNUCC qui procegravede agrave une derniegravere veacuterification avant drsquoenregistrer ou non le

projet Cet enregistrement ne sera confirmeacute que si le projet a eacuteteacute eacutegalement approuveacute par lrsquoautoriteacute

gouvernementale (lrsquoAutoriteacute Nationale Deacutesigneacutee AND) du pays hocircte dans lequel il est deacuteveloppeacute

ainsi que par une AND drsquoun pays Annexe-1 Ces AND ont parfois saisi cette occasion pour ajouter des

critegraveres nationaux au processus de certification et leurs exigences par exemple la Chine a introduit

un prix plancher drsquoachat des creacutedits carbone chinois39 Enfin un laps de temps est preacutevu pendant

lequel la documentation du projet est mise en ligne et soumise aux commentaires publics

37 Les outils de la CCNUCC pour certifier un projet laquo MDP raquo sont disponibles ici httpscdmunfcccintReferencePDDs_Formsindexhtml38 Les porteurs de projets paye les auditeurs seacutelectionneacutes par lrsquoEB Il y reste toujours des liens de deacutependances39 La Chine a introduit un prix plancher de 8eURCE entre 2008 et 2012

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

138

Une fois cette premiegravere eacutetape effectueacutee les tCO2 sont comptabiliseacutees toujours selon le cahier

des charges du secreacutetariat de la CCNUCC par le porteur du projet et ses consultants Elles sont

ensuite veacuterifieacutees par un cabinet drsquoaudit qui communique son rapport au secreacutetariat de la CCNUCC

dans un laquo Validation Report raquo La moneacutetisation des tCO2 en creacutedits carbone se fait donc agrave cette eacutetape

lrsquoentreprise qui a deacuteposeacute le dossier du projet puis comptabiliseacute les tCO2 eacuteviteacutees reccediloit apregraves accord

du secreacutetariat de la CCNUCC autant drsquoURCE que de tCO2 effectivement reacuteduites Lrsquoensemble de ces

eacutetapes depuis le deacutepocirct du projet en laquo consideacuteration pour le MDP raquo (Prior Consideration) jusqursquoagrave

lrsquoenregistrement pouvait en 2010 mettre jusqursquoagrave 600 jours puis une centaine en 2012 apregraves que des

reacuteformes de simplification administrative aient eacuteteacute mises en œuvre (UNEP Risoe)

Ainsi lrsquoexternalisation de lrsquoexpertise permet aux acteurs non eacutetatiques de tisser des liens et de

communiquer entre eux porteurs de projet (industriels entreprises eacutenergeacutetiques) entreprises finan-

ciegraveres acheteuses de creacutedits administrations nationales cabinets drsquoaudits et consultants entrent en

relation autour de la certification et de la moneacutetisation des creacutedits carbone des projets Une remon-

teacutee drsquoinformation depuis la base est en effet assureacutee par le biais du processus de certification lors

des rapports drsquoauditeurs au secreacutetariat de la CCNUCC lorsque les fonctionnaires du secreacutetariat de

la CCNUCC demandent des clarifications techniques aux auditeurs et lorsque des experts sollicitent

directement le secreacutetariat la CCNUCC pour des questions de clarification relatives agrave leur projet

Cette externalisation ne se limite pas qursquoau processus de certification les ANE peuvent eacutegalement

influencer le contenu des regravegles techniques et opeacuterationnelles de lrsquoEB par un processus de remonteacutee

drsquoinformations Un exemple de cette circulation entre ANE et EB est celui du processus drsquoeacutelaboration

des laquo meacutethodologies raquo crsquoest-agrave-dire des cahiers des charges auxquels les projets doivent se conformer

pour ecirctre labeacuteliseacutes Des acteurs priveacutes peuvent en effet proposer des amendements ou de nouvelles

meacutethodologies sur lesquels lrsquoExecutive Board et les experts du secreacutetariat de la CCNUCC se basent et

qursquoils vont eacuteventuellement amender pour enfin demander aux Etats du protocole de Kyoto (Meeting of the Parties) drsquoen valider ou non le contenu Ainsi les modes de calcul des TCO2e eacuteviteacutees lrsquoensemble

des preuves technico-financiegraveres les critegraveres sociaux et environnementaux de ces cahiers des charges

sont co-eacutelaboreacutes entre ANE et secreacutetariat de la CCNUCC

Drsquoautres canaux de circulation formels et informels40 sont utiliseacutes par les experts de la cer-

tification et par drsquoautres acteurs ONG centres de recherche syndicats drsquoentreprises tels que

IETA entreprises certaines organisations internationales telles que la Banque Mondiale En ef-

fet drsquoautres espaces drsquointeraction formels diffeacuterents du processus de certification ont eacuteteacute codi-

fieacutes41 pour favoriser le dialogue avec le secreacutetariat de la CCNUCC et lrsquoEB Ils ont eacuteteacute progressi-

vement introduits notamment apregraves que des demandes de la part des ANE aient eacuteteacute adresseacutees

en ce sens agrave lrsquoEB et agrave la COP (4CMP10 paragraphe 12) Les ANE peuvent demander audience

agrave lrsquoEB participer en tant qursquoobservateurs aux reacuteunions et eacutecrire agrave lrsquoEB par le biais de proceacutedures

40 Formel et informel doivent ici ecirctre entendus au sens de North (1990 2005) crsquoest agrave dire ce qui est preacutevu ou non dans le cadre des regravegles institutionnelles Les regravegles informelles sont issues des pratiques des acteurs quand les regravegles formelles font lrsquoobjet de conventions eacutecrites Il existe des relations entre les deux une pratique informelle pouvant ecirctre lrsquoobjet drsquoune formalisation ulteacuterieure 41 Procedure Direct Communication with stakeholders V02 Celles-ci viennent de faire lrsquoobjet drsquoune reacuteforme httpscdmunfcccintpressnewsroomlatestnewsreleases20150909_indexhtml

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

139

de prises de contact transparentes (toute communication est mise en ligne) Enfin toujours dans

ce cadre laquo formel raquo lrsquoEB organise reacuteguliegraverement des sessions de travail (workshops) et des appels

agrave participation (calls for inputs) toujours dans un souci de co-eacutelaboration du MDP avec les ANE

La circulation des ideacutees et la transformation des normes ont eacutegalement lieu par des canaux in-

formels Les ANE utilisent lrsquoensemble des moyens de communication disponibles les forums pro-

fessionnels42 colloques de recherche publications et rapports43 reacuteseaux sociaux44 presse speacutecialiseacutee

et geacuteneacuteraliste45 sont autant de meacutedia et de lieux drsquoeacutechange permettant lrsquoinfluence des deacutecideurs par

les ANE

Enfin il est tregraves utile de quitter lrsquoeacutechelle des organisations pour comprendre que les carriegraveres

drsquoune eacutelite transnationale tregraves mobile participent agrave la circulation des ideacutees entre organisations

Lrsquoeacutetude des CV et des profils Linkedin (un reacuteseau social) montrent que les entreprises de conseil46

et drsquoaudit47 sont tregraves permeacuteables les administrations (AND ministegraveres de lrsquoenvironnement) les OI48

(World Bank PNUD et PNUE principalement) les ONG49 les Thinks-tanks50 et centres de recherche

sont aussi des milieux professionnels ougrave les passages de lrsquoun agrave lrsquoautre sont freacutequents Du cocircteacute des

entreprises de neacutegoce de quotas lrsquoeacutetude des carriegraveres individuelles reconverties apregraves le crash de

2012 montre des carriegraveres qui srsquoorientent vers la finance classique le conseil environnemental ou la

finance speacutecialiseacutee dans le secteur eacutenergeacutetique Enfin la composition tournante de lrsquoEB (renouvelle-

ment des experts tous les 2 ans) participe eacutegalement agrave cette circulation citons par exemple le cas de

L Schneider chercheur et consultant qui apporte entre 2009 et 2011 des preuves tangibles de pro-

blegravemes drsquointeacutegriteacute environnementale du MDP dans le cadre de la controverse des projets industriels

et qui siegravege actuellement comme suppleacuteant agrave lrsquoExecutive Board

Nous avons vu avec le processus de certification que le choix des instruments peut geacuteneacuterer des

canaux de communication crsquoest eacutegalement le cas du marcheacute sur lequel repose le MDP La poursuite des

objectifs environnementaux et eacuteconomiques de cet outil repose en effet sur le bon fonctionnement du

marcheacute des quotas qui neacutecessite un marcheacute liquide prouvant qursquoil existe une offre et une demande avec

des prix soutenus Afin de soutenir les prix des creacutedits issus du MDP par une demande plus eacuteleveacutee lrsquoUE

deacutecide en 2005 de permettre aux entreprises concerneacutees par son marcheacute de quotas51 drsquoutiliser une quan-

titeacute de ces creacutedits pour leurs mises en conformiteacute dans le cadre europeacuteen Sur lrsquoensemble de sa phase II

jusqursquoen 2012 135 des creacutedits utiliseacutes pour la mise en conformiteacute des industries soumises au marcheacute

42 Carbonexpo les forums autour des diffeacuterentes COP forums des professionnels de lrsquoeacutenergie43 OCDE la World Bank CDM Watch Ecosystem Marketplace lrsquoIGES Risoe center sont autant de laboratoires publiant des rapports par-ticuliegraverement attendus dans le milieu44 cf les groupes speacutecialiseacutes sur le CDM sur Linkedin 45 Point Carbon Reuters hellip 46 South Pole Perspective First Climate AES climate Solutions Sindicatum etc 47 Derst Norsk Veritas TUV SUD TUV Reinhland Loyd Register Quality Assurance Japan Quality Assurance Organisation etc Une liste est agrave jour ici httpscdmunfcccintDOElistindexhtml48 Sans conteste lrsquoOI la plus impliqueacute outre le secreacutetariat de la CCNUCC est la banque Mondiale les agences exeacutecutives de lrsquoONU eacutegale-ment - PNUD et PNUE notamment 49 Noeacute 21 GERES Friends of the Earth CDM Watch WWF International rivers sont particuliegraverement actifs 50 DTU Risoe CDC Climat World resource institute Resource for the future Stockholm Environnemental Institute 51 Le Systegraveme drsquoEchange de Quotas drsquoEmission de lrsquoUE (SEQE-UE) couvre environs 12 000 installations industrielle repreacutesentant 40 agrave 50 des GES Europeacuteens La quantiteacute de quota en circulation est calculeacutee de maniegravere agrave amener une reacuteduction des GES de -30 drsquoici 2030

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

140

des quotas europeacuteen pouvaient ecirctre des URCE (Trotignon 2012) Lrsquoobjectif de lrsquoUE eacutetait de reacuteduire les

coucircts de reacuteduction des GES pour les entreprises du marcheacute des quotas europeacuteen et de soutenir le MDP

Les entreprises eacutechangeant sur le marcheacute des quotas europeacuteen (entreprises banques drsquoinves-

tissement et intermeacutediaires financiers) jouent donc un rocircle central dans la reacutealisation des objectifs

du MDP par leur comportement eacuteconomique La recherche de rentabiliteacute et lrsquoaversion au risque des

acteurs financiers sur le marcheacute europeacuteen les ont conduites agrave se fournir en URCE Kyoto moins oneacute-

reux que les creacutedits carbone europeacuteens du SCEQE (Mansanet-Bataller et al 2011) pour couvrir leurs

besoins de mise en conformiteacute 70 drsquoentreprises laquo obligeacutees raquo sur le marcheacute des quotas europeacuteen

ont ainsi utiliseacute des URCE au cours de la phase II du SCEQE (Stephan Bellassen amp Alberola 2014)

Lrsquoanalyse montre que pour obtenir des creacutedits carbone URCE agrave des prix bas les entreprises se

sont tourneacutees vers des projets sucircrs crsquoest-agrave-dire qui seront certifieacutes par la CCNUCC et dont les eacutemis-

sions reacuteduites seront effectivement transformeacutees en URCE si possible en quantiteacute Lrsquoeacutetude de la base

de donneacutees du MDP tenue par le centre de recherche DTU au Danemark montre bien quels types

de projets sont majoritairement certifieacutes Ce sont des projets dits laquo industriels raquo (destruction de GES

puissants par combustion) des barrages hydrauliques des projets drsquoefficaciteacute eacutenergeacutetique dans de

grandes industries de torchage de meacutethane issus des deacutechegraveteries des mines de charbon ou des bas-

sins de rejets drsquoexploitation agricole et de stations drsquoeacutepuration (UNEP-DTU) Aussi les obligeacutes de lrsquo

SCEQE se sont fortement dirigeacutes vers des creacutedits laquo industriels raquo (Trotignon 2011) 41 des URCE

utiliseacutes pour la mise en conformiteacute europeacuteenne venaient ainsi de projets laquo HFC-23 raquo (Stephan Bel-

lassen amp Alberola 2014) deacutecrieacutes pour leur remise en cause de lrsquointeacutegriteacute environnementale du MDP

et du Protocole de Montreacuteal (LSchneider 2011 CDM Watch 2009 2011) et dont les coucircts de deacuteve-

loppement repreacutesentaient moins de 1 $ par URCE (Schneider 2011) Le comportement eacuteconomique

des entreprises du marcheacute europeacuteen et des acheteurs de creacutedits URCE a ainsi orienteacute le MDP vers

un meacutecanisme de reacuteduction de GES dans une logique de rentabiliteacute en laissant de cocircteacute la prise en

compte des critegraveres environnementaux et sociaux

Nous avons vu que le choix des instruments lrsquoexternalisation de lrsquoexpertise par le biais drsquoun

processus de certification et lrsquointroduction drsquoun meacutecanisme de marcheacute augmentent les possibiliteacutes

pour des acteurs non-eacutetatiques drsquoinfluencer le MDP via plusieurs centres de deacutecision dont les aires

de deacutecision sont imbriqueacutees Les acteurs non eacutetatiques agissent aupregraves de lrsquoEB des Eacutetats dans le

cadre des Meetings of the Parties et des AND et ainsi que de lrsquoUE (la Commission et particuliegraverement

la DG climat) qui a une action deacutecisive sur le marcheacute principal des creacutedits carbone issus du MDP

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

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Ce polycentrisme conjugueacute au fait que le MDP est un outil novateur ayant la tacircche complexe de

concilier objectifs et comportements financiers drsquoune part et gestion drsquoun bien commun environne-

mental de lrsquoautre aboutit agrave de multiples controverses souleveacutees par les ONG environnementales Ces

controverses portent entre autres sur les cas de deacuteplacements de populations forceacutes pour des bar-

rages hydrauliques (International Rivers Haya 2010) drsquoeffets drsquoaubaine des projets industriels (Sch-

neider 2011) de financement drsquousines de charbon (exemple de Mundra en Inde deacutenonceacute par CDM

Watch) ou encore des problegravemes systeacutemiques comme la non-additionaliteacute supposeacutee de centaines

de projets (Lohmann 2009 Carbon Market Watch 2009-2014 Michaelova et Purohit 2007 Wara et

Victor 2009) Lrsquoune de ces controverses sur le HFC-23 nous permet de voir comment les diffeacuterents

centres de deacutecision sont mis en concurrence par les ANE et peuvent aboutir agrave une transformation

importante du MDP

La controverse des projets industriels laquo HFC-23 raquo donne un exemple des rocircles respectifs entre

ANE drsquoune part et Eacutetats de lrsquoautre Le HFC-23 est un gaz agrave effet de serre agrave la capaciteacute de reacutechauffe-

ment extrecircmement puissante eacutemis dans le cadre de la production drsquoun gaz reacutefrigeacuterant Lrsquoincineacuteration

du HFC-23 permet donc drsquoeacuteconomiser des quantiteacutes substantielles de gaz agrave effet de serre cependant

cela repreacutesente un coucirct net sans valorisation possible en lrsquoabsence de finance carbone La certifica-

tion MDP modifie totalement la donne Avec la vente des creacutedits carbone issus des GES eacuteviteacutes les

projets HFC-23 deviennent des projets extrecircmement rentables et productifs le coucirct de destruction

drsquoune TCO2e est infeacuterieur agrave 1 dollars US (Schneider 2011) pour un URCE vendu entre 8 et 12 euros

sur le marcheacute primaire jusqursquoen 2012 19 projets HFC-23 ont eacutemis 36 des URCE du MDP A cette

rentabiliteacute extraordinaire srsquoajoutent des effets pervers lieacutes Pour reacutesumer les industriels sont inciteacutes

agrave produire plus de HFC-23 (plus on en incinegravere plus on deacuteclare avoir eacuteviteacute des TCO2e) ce qui pose

problegraveme vis-agrave-vis des engagements du Protocole de Montreacuteal et de lrsquointeacutegriteacute environnementale du

MDP

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

142

Le lancement drsquoalerte en 2004 a lieu par le biais drsquoexperts du Protocole de Montreacuteal qui contactent

lrsquoEB et mettent en avant les effets pervers de ces projets LrsquoEB lance une consultation en 2004 ndash 2005

par des appels agrave communication et demande une orientation au sujet de ces projets de la part de la

COP du Protocole Une premiegravere reacuteforme de la meacutethodologie a finalement lieu en 2005 Non-reacutetroac-

tive elle verrouille la possibiliteacute drsquointeacutegrer le MDP pour ce type de projet agrave des usines nouvellement

construites et resserre les modaliteacutes de calcul des sceacutenarios de reacutefeacuterence Cette premiegravere reacuteforme

ne suffit pas aux ONG (CDM Watch Noeacute 21) qui continuent un travail de deacutenonciation qui connaicirct

son paroxysme entre 2010-2011 lorsqursquoune publication scientifique de L Schneider (2010) eacutetablit la

preuve de manipulation des industriels pour produire plus de HFC-23 et donc drsquoURCE Une cam-

pagne meacutediatique grand public via des communiqueacutes de presse des rapports ou encore le relais de

cet article vise lrsquoEB mais eacutegalement les institutions europeacuteennes qui maitrisent la demande du mar-

cheacute

Nous avons vu que le prix et la demande des URCE deacutependait de la demande des industries du

marcheacute de quotas europeacuteen (Chevalier 2012) et donc des institutions europeacuteennes encadrant celles-

ci La Commission Europeacuteenne et le Parlement Europeacuteen sont par conseacutequent viseacutes par les cam-

pagnes des ONG qui cherchent agrave reacuteintroduire plus drsquointeacutegriteacute environnementale dans le MDP Lors-

qursquoen 2010 la DG climat initie un appel agrave contributions agrave propos des orientations agrave prendre pour

sa future directive visant agrave controcircler la fongibiliteacute EUA-URCE la commissaire Connie Hedegaard

fait reacutefeacuterence agrave ces campagnes laquo The CDM has been successful in some aspects but has also given

rise to criticism eg with regard to environmental integrity(hellip)Since taking up office I have been

approached by many actors in the carbon market stressing the importance of more clarity on what

credits the EU ETS will accept post-201252 raquo Le cas du HFC-23 montre bien comment des ANE ont

joueacute un rocircle drsquoexpertise de lanceurs drsquoalerte et de protection drsquointeacuterecircts aupregraves de centres de deacutecision

politiques lrsquoEB et lrsquoUE qui prennent les deacutecisions relatives agrave lrsquoavenir du MDP

Le cas du Meacutecanisme de Deacuteveloppement Propre nous a permis drsquoillustrer comment le choix drsquoun

instrument laquo baseacute sur le marcheacute raquo peut favoriser la circulation drsquoinfluence et drsquoexpertise entre ANE

et centres de deacutecision politiques et technico-opeacuterationnels De nombreux vecteurs de communica-

tion formels et informels sont employeacutes par les ANE pour peser dans les processus de deacutecision Ces

vecteurs de communication sont drsquoautant plus nombreux que le choix de lrsquoinstrument de marcheacute fa-

vorise lrsquoexistence de plusieurs centres de deacutecision politiques que les ANE vont chercher agrave influencer

avec les moyens dont ils disposent et par les canaux de communication qursquoils identifient Dans ce

contexte lrsquoarchitecture polycentrique devient un espace ougrave les ANE dont le rocircle demeure consulta-

tif (ils ne sont pas inteacutegreacutes dans le processus de deacutecision du MDP) deacuteveloppent des strateacutegies afin

drsquoinfluencer lrsquoensemble des aregravenes de deacutecision qursquoils ont identifieacutees Lrsquoexistence de plusieurs aregravenes

de deacutecision peut ainsi srsquoaveacuterer utile comme nous lrsquoavons vu dans le cas du HFC-23 pour multiplier

les chances drsquoobtenir des reacutesultats et transformer le dispositif

52 httpeceuropaeuclimaconsultationsarticles0004_enhtm

Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

143

ConclusionLa comparaison de nos quatre cas drsquoeacutetude a permis drsquoeacuteclairer la participation des acteurs eacuteco-

nomiques aux reacutegimes internationaux et dispositifs transnationaux de gouvernance environne-

mentale Lrsquoinfluence des acteurs eacuteconomiques sur les dispositifs normatifs est ineacutegale faible dans

les neacutegociations internationales sur la gestion durable des forecircts beaucoup plus forte en ce qui

concerne lrsquoeacutelaboration drsquoun instrument de marcheacute pour la reacuteduction des eacutemissions dans le secteur

aeacuterien centrale dans la mise en œuvre infranationale drsquoune politique de coopeacuteration sur le com-

merce du bois et dans la deacutefinition drsquooutils de marcheacute Dans le premier cas les ANE preacutesents sont

davantage des ONGE que des repreacutesentants de lrsquoindustrie contrairement au second ougrave lrsquoindustrie

est bien organiseacutee et structurellement influente depuis lrsquoorigine du reacutegime Le MDP repose sur la

structuration de reacuteseaux drsquoacteurs priveacutes de lrsquoexpertise carbone et a eacuteteacute lrsquoobjet drsquointenses confron-

tations entre ONG et entreprises qui ont appris agrave utiliser les rouages drsquoun outil en construction

Les acteurs eacuteconomiques participent agrave la diffusion des normes et instruments de gouvernance

environnementale en se rendant indispensables dans la mise en œuvre drsquoune politique internatio-

nale de lrsquoUE contre le bois illeacutegal ou dans la mise en œuvre des meacutecanismes de marcheacute du MDP en

contribuant de faccedilon significative au deacutebat sur les MBM dans lrsquoOACI au point de faire adopter leur

preacutefeacuterence pour un systegraveme de compensation Cependant la FLEGT est bien agrave lrsquoorigine un dispositif

destineacute agrave redonner le controcircle de la politique de gestion durable des forecircts aux autoriteacutes publiques

agrave partir drsquoune meacutefiance agrave lrsquoeacutegard de lrsquoautoreacutegulation de mecircme que rien ne peut se faire de deacutecisif agrave

lrsquoOACI sans un accord intergouvernemental Quant agrave lui le marcheacute du MDP est structurellement deacute-

pendant des choix institutionnels effectueacutes par lrsquoUnion europeacuteenne et par les Eacutetats au sein des COP

Ainsi les eacutetudes de cas portant sur les neacutegociations internationales montrent que les aregravenes

internationales favorisent des constellations drsquoacteurs divers et peuvent mener agrave un certain plura-

lisme tandis que les travaux portant sur la mise en œuvre des politiques mettent en avant la maniegravere

dont les acteurs eacuteconomiques deviennent des experts de la coproduction de meacutecanismes ajusteacutes aux

situations tant infranationales que sectorielles Au total cela permet de montrer de maniegravere trans-

versale que dans les neacutegociations comme dans la mise en œuvre des reacutegimes il y a une imbrication

des acteurs publics et priveacutes qui transparaicirct mecircme dans le deacuteroulement des carriegraveres individuelles

dans le cas du MDP qursquoil y a bien une influence des acteurs priveacutes sur le traitement du problegraveme et

non un retrait de lrsquoautoriteacute publique

Ces interactions complexes associant autoriteacutes politiques et acteurs priveacutes dont lrsquoissue nrsquoest

pas preacutedeacutetermineacutee font justice des interpreacutetations en terme de laquo capture raquo de la deacutecision publique

par le monde des affaires tout en attestant une ouverture agrave la circulation agrave geacuteomeacutetrie variable selon

les diffeacuterentes aregravenes de deacutecision Si les ONGE semblent mieux circuler que les acteurs eacuteconomiques

dans les neacutegociations sur la forecirct lrsquoindustrie utilise complegravetement les opportuniteacutes de circulation agrave

lrsquoOACI pour y pousser les solutions qui lrsquoavantagent Dans le cadre du FLEGT comme dans celui du

MDP il srsquoagit davantage drsquoune coproduction publiquepriveacutee des regravegles de mise en œuvre que drsquoune

circulation proprement dite Au total nous montrons comment les acteurs publics et priveacutes deacutefi-

nissent ensemble les contours drsquoune politique internationale qui se neacutegocie jusque dans les deacutetails

Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en oeuvre des normes

144

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Daniel COMPAGNON Yves MONTOUROY Amandine ORSINI et Roman de RAFAEL

147

Chapitre 2Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des

normes et des acteurs dans un contexte de gouvernance internationale fragmenteacutee

Sophie Gambardella1

LrsquoHomme a de tous temps eu un rapport particulier agrave la mer Il fut agrave la fois impressionneacute

voire terrifieacute par son immensiteacute ainsi que par sa force et fascineacute par ses mystegraveres ainsi que par

son abondance Cette relation ambiguumle de lrsquoHomme avec ce milieu naturel trouve un eacutecho dans la

maniegravere dont le droit de la mer srsquoest construit LrsquoHomme a chercheacute agrave dompter un espace meacuteconnu

agrave partir de faux preacutesupposeacutes Le mythe du caractegravere ineacutepuisable des ressources a notamment acceacute-

leacutereacute la pression anthropique sur les mers et oceacuteans engendrant dans son sillon lrsquoeffondrement des

stocks de ressources Pourtant le droit international a eacuteteacute tregraves tocirct mobiliseacute pour encadrer les activi-

teacutes humaines en mer puisque degraves 1958 sont adopteacutees les conventions de Genegraveve2 Aujourdrsquohui la

gestion des ressources halieutiques est un domaine particuliegraverement embleacutematique de la physiono-

mie fragmenteacutee de lrsquoensemble de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement Les exigences

de la matiegravere et la volonteacute de tenir compte des speacutecificiteacutes des milieux ont alimenteacute la prolifeacuteration

des reacutegimes juridiques de gestion des ressources Degraves 1982 la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer3 a pris acte de la pertinence de lrsquoeacutechelle reacutegionale pour reacuteguler les activiteacutes en mer et

de la pratique existante en ce sens Drsquoun cocircteacute un reacutegionalisme geacuteographique srsquoeacutetait deacutejagrave deacuteveloppeacute

afin drsquoadapter les normes geacuteneacuterales agrave la situation particuliegravere de certains bassins comme les mers

fermeacutees ou semi-fermeacutees telles que la Meacutediterraneacutee ou encore la mer Noire Drsquoun autre cocircteacute un reacute-

gionalisme fonctionnel ducirc agrave la fois agrave la neacutecessiteacute pour les Eacutetats concerneacutes de deacutefendre des inteacuterecircts

communs mais aussi agrave la prise en compte de la speacutecificiteacute de certains milieux a continueacute de se propa-

ger Les organisations reacutegionales de gestion des pecircches par lesquelles la coopeacuteration reacutegionale srsquoest

concreacutetiseacutee sont aujourdrsquohui presque une cinquantaine avec pour certaines une compeacutetence geacuteo-

graphique et pour drsquoautres une compeacutetence pour la gestion drsquoun type drsquoespegravece tel que les saumons

ou encore les thonideacutes La Commission baleiniegravere internationale creacuteeacutee en 1946 est la plus ancienne

des organisations de ce type Sa compeacutetence est pour sa part lieacutee agrave une espegravece particuliegravere Drsquoautres

organisations ont une compeacutetence geacuteographiquement plus restreinte comme la Commission inter-

nationale des thonideacutes de lrsquoAtlantique et des mers adjacentes La participation agrave ces organisations

est ouverte agrave lrsquoensemble des Eacutetats inteacuteresseacutes qursquoils soient riverains ou non de lrsquoespace maritime geacutereacute

1 Docteur en droit publicAix-Marseille Universiteacute Universiteacute de Toulon Universiteacute de Pau amp Pays Adour CNRS UMR DICE 7318 CERIC Aix-en-Provence France2 En 1958 agrave Genegraveve sont adopteacutees quatre conventions relatives respectivement agrave la mer territoriale et la zone contigueuml agrave la haute mer au plateau continental agrave la pecircche et agrave la conservation des ressources biologiques Agrave cette eacutepoque la volonteacute des Eacutetats de srsquoapproprier les oceacuteans apparaicirct nettement Les conventions ont principalement pour objet de deacutelimiter lrsquoeacutetendue de la compeacutetence eacutetatique en mer pour une appro-priation exclusive des ressources3 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer adopteacutee le 10 deacutecembre 1982 agrave Montego Bay et entreacutee en vigueur le 16 novembre 1994 RTNU vol 1834 p 3

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

148

La construction institutionnelle de la gestion des ressources halieutiques a ainsi eacuteteacute degraves lrsquoorigine

eacuteclateacutee et a continueacute agrave eacutevoluer en ce sens dans la mesure ougrave de nouvelles organisations de gestion

des pecircches ont vu le jour dans les anneacutees 20004 Le pheacutenomegravene de fragmentation institutionnelle

et mateacuterielle trouve donc une illustration lumineuse dans le domaine de la gestion des ressources

halieutiques5 Srsquoil nous est impossible dans cette courte eacutetude de revenir sur lrsquoensemble des deacutebats

doctrinaux sur la fragmentation du droit international6 il nous paraicirct toutefois important de situer

notre eacutetude au sein de ces deacutebats

La fragmentation du droit international est entendue comme eacutetant laquo agrave la fois une activiteacute et son

produit la fragmentation signifie aussi bien une processus drsquoeacuteclatement ( le droit se fragmente )

que le reacutesultat de ce processus ( le droit est fragmenteacute ) raquo7 Or srsquoil nous semble que le droit inter-

national de lrsquoenvironnement a effectivement suivi un processus drsquoeacuteclatement le droit qui en reacutesulte

nrsquoapparaicirct toutefois pas comme eacutetant uniquement fragmenteacute Bien au contraire une certaine uniteacute

sur laquelle nous reviendrons au cours de notre eacutetude a rejailli de la fragmentation Cependant le

constat de la fragmentation du droit international de lrsquoenvironnement est inteacuteressant pour lrsquoana-

lyste dans la mesure ougrave il reste doublement eacuteclairant sur lrsquoeacutetat du droit international de lrsquoenviron-

nement Le droit international de lrsquoenvironnement est en premier lieu prolifique Le constat de sa

fragmentation nrsquoest possible que parce que le droit international a foisonneacute certes de maniegravere laquo deacute-

sordonneacute raquo en apparence mais surtout de maniegravere eacuteclatante ce qui atteste de la forte mobilisation

agrave lrsquoeacutechelle internationale pour les questions environnementales Dans le domaine de la gestion des

ressources biologiques marines le nombre eacuteleveacute drsquoorganisations internationales ayant compeacutetence

pour assurer une telle gestion atteste neacuteanmoins drsquoune forte mobilisation davantage jusqursquoagrave preacutesent

pour lrsquoadministration des ressources que pour leur conservation En second lieu le droit interna-

tional de lrsquoenvironnement est une terre feacuteconde pour la doctrine juridique Si lrsquoaffirmation selon la-

quelle le droit international est fragmenteacute sonne souvent parmi la doctrine internationaliste comme

eacutetant une diatribe de son eacutetat ndash laquo cette notion [de fragmentation] est toujours utiliseacutee agrave des fins de

contestation et de critique raquo8 ndash elle a aussi permis de faire naicirctre drsquoautres conceptions du droit inter-

national La fragmentation vient bouleverser malmener la conception pyramidale du droit dans la

mesure ougrave lrsquoabsence de hieacuterarchie entre les systegravemes juridiques rend plus difficile le projet de consti-

tutionnalisme mondial Degraves lors la fragmentation ouvre la voie agrave une conception plus horizontale

4 LrsquoOrganisation pour la conservation des ressources marines biologiques du Pacifique Sud-Est a vu le jour le 14 aoucirct 2000 la Commission pour la conservation et la gestion des stocks de poissons grands migrateurs dans lrsquooceacutean Pacifique central et oriental a eacuteteacute creacuteeacutee le 5 septembre 2000 et lrsquoOrganisation pour les pecirccheries de lrsquoAtlantique Sud-est a eacuteteacute mise en place le 20 avril 20015 Sur la fragmentation du droit international dans le domaine de la gestion des ressources halieutiques voir notamment les travaux de Margaret Young M Young laquo Fragmentation or Interaction The WTO Fisheries Subsidies and International Law raquo Worl Trade Review vol 8 issue 4 2009 pp 477-515 M Young Trading Fish Saving Fish The Interaction between Regimes in International Law Cambridge University Press 2011 408 p6 La litteacuterature sur la fragmentation du droit international est foisonnante nous ne citerons ici que quelques reacutefeacuterences essentielles I Brownlie laquo Problems Concerning the Unity of International Law raquo in Le droit international agrave lrsquoheure de sa codification Etudes en lrsquohonneur de Roberto Ago vol I Milan Giuffregrave 1987 pp 156 et ss PM Dupuy laquo Sur le maintien ou la disparition de lrsquouniteacute de lrsquoordre juridique internatio-nal raquo in Harmonie et contradiction en droit international Rencontres internationales de la Faculteacute des sciences juridiques politiques et sociales de Tunis Colloque des 11-13 avril 1996 Paris Pedone 1996 pp 17-54 A Gattini laquo Un regard proceacutedural sur la fragmentation du droit inter-national raquo RGDIP 2006 pp 303-336 KWellens et R Huesa-Vinaixa (Dirs) Lrsquoinfluence des sources sur lrsquouniteacute et la fragmentation du droit international Bruxelles Bruylant 2006 280 p B Conforti laquo Uniteacute et fragmentation du droit international glissez mortels nrsquoappuyez pas raquo RGDIP vol 1 2007 pp 5-18 M Young (Ed) Regime Interaction in International Law Facing Fragmentation Cambridge University Press 2012 348 pPour une eacutetude complegravete de la question voir AC Martineau laquo Le deacutebat sur la fragmentation du droit international une analyse critique raquo Bruxelles Bruylant 2015 584 p7 AC Martineau laquo Le deacutebat sur la fragmentation du droit international une analyse critique raquo Bruxelles Bruylant 2015 p 78 Ibid p 11

Sophie GAMBARDELLA

149

du droit Au sein de la doctrine le courant pluraliste srsquoest appliqueacute agrave regarder autrement la fragmen-

tation agrave y rechercher un nouveau mode de reacutegulation sans pour autant se deacutefaire compleacutetement

de la conception unitaire du droit Anne-Charlotte Martineau relegraveve que ce courant doctrinal a fait

drsquoailleurs naicirctre un nouveau vocabulaire laquo (on parle drsquo intervaliditeacute et de cross-fertilization

(hellip) [de] jeu des nuages [de] ballet des planegravetes ou encore [de] droit contrapuntique ) raquo9 En

matiegravere de gestion des ressources biologiques marines ce nouveau vocabulaire paraicirct tregraves adapteacute agrave

la physionomie stellaire de la construction institutionnelle10 Lrsquoeacutetude que nous nous proposons de

mener srsquoinscrit ainsi dans cette deacutemarche pluraliste dans la mesure ougrave si nous constatons bien une

fragmentation des reacutegimes de gestion des ressources halieutiques sans qursquoune hieacuterarchie ne soit

eacutetablie entre eux nous nous proposons de rechercher les mouvements de coordination entre ces

ensembles normatifs La deacutemarche srsquoapparente alors agrave celle de lrsquoastronome qui affucircte son œil pour

voir au-delagrave des milliers drsquoeacutetoiles apparaicirctre des constellations

Notre eacutetude reacutesulte du constat de lrsquoexistence de ponts de liens entre les diffeacuterents icirclots de

gouvernance de la biodiversiteacute marine Un processus de coordination spontaneacute de lrsquoaction de plu-

sieurs institutions internationales a particuliegraverement attireacute notre attention dans la mesure ougrave ce-

lui-ci semble ecirctre un vecteur de circulation agrave la fois de normes et drsquoacteurs Il srsquoagit du processus de

Kobe qui reacuteunit cinq organisations reacutegionales de gestion des thonideacutes ndash la Commission interameacuteri-

caine du thon tropical11 (IATTC) la Commission des pecircches pour le Pacifique occidental et central12

(WCPC) la Commission des thons de lrsquoOceacutean indien13 (IOTC) la Commission pour la conservation

du thon rouge du Sud14 (CCSBT) et la Commission internationale pour la conservation des thonideacutes

de lrsquoAtlantique15 (ICCAT) En 2007 ces cinq organisations ont initieacute le processus de Kobe par lequel

elles entendaient adopter une meacutethode de gestion durable des pecircches plus coheacuterente Par le biais de

trois reacuteunions conjointes tenues successivement en 2007 2009 et 2011 ces organisations reacutegionales

de gestion des pecircches ont deacutefini des lignes de conduite ont rationnaliseacute leurs donneacutees et ont mis en

commun des outils pour lutter efficacement contre les activiteacutes de pecircches illicites Par ailleurs afin

de peacuterenniser leurs efforts et drsquoassurer une coordination de leurs actions un comiteacute directeur char-

geacute de suivre la mise en œuvre des mesures adopteacutees lors de ces cycles de reacuteunions et de poursuivre

le travail drsquoharmonisation entre ces enceintes internationales a eacuteteacute eacutetabli Le processus de Kobe a

ainsi permis de lancer une reacuteflexion entre les acteurs des organisations reacutegionales de gestion des

pecircches sur les normes qursquoils produisent et sur la maniegravere drsquoameacuteliorer la qualiteacute de ces derniegraveres Il a

en drsquoautres termes mateacuterialiseacute un canal de circulation entre les icirclots de gouvernance des ressources

9 Ibid p 194 Lrsquoauteur fait reacutefeacuterence aux auteurs pluralistes qui ont fait naicirctre ce nouveau vocabulaire Sous la plume de Mireille Del-mas-Marty est par exemple apparue la meacutetaphore de laquo jeu des nuages raquo M Delmas-Marty Pour un droit commun Paris Le Seuil 1994 p 28410 La complexiteacute institutionnelle et mateacuterielle des reacutegimes de gestion des ressources biologiques marines a particuliegraverement bien eacuteteacute mise en exergue dans lrsquoarticle de James Hollway et Johan Koskinen laquo Multilevel embeddedness The case of the global fisheries governance com-plex raquo Social Networks ndeg 44 2016 pp 281-29411 Creacuteeacutee par la Convention relative agrave la creacuteation drsquoune Commission interameacutericaine du thon tropical signeacutee agrave Washington le 31 mai 1949 et entreacutee en vigueur le 3 mars 195012 Creacuteeacutee par la Convention relative agrave la conservation et agrave la gestion des stocks de grands migrateurs dans le Pacifique occidental et central signeacutee agrave Honolulu le 5 septembre 200013 Creacuteeacutee par lrsquoAccord portant creacuteation de la Commission des thons de lrsquooceacutean Indien signeacutee le 25 novembre 1993 et entreacutee en vigueur le 27 mars 199614 Creacuteeacutee par la Convention sur la conservation du thon rouge du sud signeacutee agrave Canberra et entreacutee en vigueur le 20 mai 199415 Creacuteeacutee par la Convention internationale pour la conservation des thonideacutes et espegraveces apparenteacutees de lrsquoAtlantique et des mers adjacentes signeacutee agrave Rio de Janeiro le 14 mai 1966 et entreacutee en vigueur le 21 mars 1969

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

150

halieutiques afin de creacuteer une uniteacute au moins de meacutethode entre les organisations reacutegionales de

gestion des pecircches du thon La relation spontaneacutee entre organisations dans le cadre de ce processus

a alors permis une circulation par ce canal non seulement des acteurs mais aussi des normes et une

confrontation de ces derniegraveres permettant drsquoameacuteliorer les meacutethodes de gestion et de conservation

des ressources halieutiques Drsquoun cocircteacute la coordination institutionnelle instaureacutee par le biais du

processus de Kobe a impulseacute une circulation des reacuteseaux drsquoacteurs de la gestion internationale des

thonideacutes deacutebouchant sur une mise en commun des expeacuteriences pour tendre vers un renforcement

des normes de gestion (1) Drsquoun autre cocircteacute lrsquoharmonisation des activiteacutes des organisations reacutegio-

nales de gestion des pecircches du thon de thonideacutes construite au travers des eacutechanges entre acteurs

de cette gestion a ouvert la voie agrave une circulation des normes entre enceintes internationales que

celles-ci soient scientifiques techniques ou juridiques (2) Il srsquoagit alors de porter un double regard

sur le processus en se penchant agrave la fois sur les acteurs mais aussi sur les normes agrave travers trois ques-

tionnements un premier sur la recherche de mouvement agrave lrsquointeacuterieur et en dehors du processus un

deuxiegraveme sur le sens du mouvement identifieacute ndash la circulation se fait-elle depuis le processus vers les

organisations reacutegionales de pecircche ou agrave lrsquoinverse ndash et enfin un dernier sur la porteacutee du mouvement

dans la recherche de protection de la biodiversiteacute

Agrave partir de cette eacutetude de cas lrsquoobjectif est de mener une analyse de ce type de laquo constellation

institutionnelle raquo pour deacuteterminer si le deacutesordre apparent de la fragmentation institutionnelle ne

dissimule pas un tissu organisationnel certes plus complexe mais peut-ecirctre plus riche en force de

propositions et plus creacuteatif pour une meilleure gestion des ressources biologiques Le cloisonnement

institutionnel semble agrave travers le processus de Kobe srsquoeffriter au profit drsquoune permeacuteabiliteacute des en-

ceintes internationales permettant de se projeter vers une logique drsquoenrichissement mutuel nourri

par une circulation des acteurs et des normes de la gestion internationale des thonideacutes

1) La coordination institutionnelle au sein du processus de Kobeacute comme vecteur de circulation des acteurs

Le processus de Kobe appeleacute aussi reacuteunion conjointe des organisations reacutegionales de gestion

des pecircches du thon est sans conteste un meacutecanisme de coordination drsquoinstitutions reacutegionales16 Or

la coordination institutionnelle ainsi initieacutee est apparue comme un vecteur de circulation des reacute-

seaux drsquoacteurs des organisations reacutegionales de gestion des thonideacutes Les organisations reacutegionales

de gestion des pecircches du thon qui participent au processus de Kobe ont toutes en commun leur

compeacutetence mateacuterielle la gestion et la conservation des thonideacutes mais elles interviennent chacune

sur une aire geacuteographique diffeacuterente de sorte que les reacuteseaux drsquoacteurs sont tregraves distincts drsquoune or-

ganisation agrave une autre Les Eacutetats membres des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du

thon ne sont bien eacutevidemment pas les mecircmes et il en deacutecoule que les reacuteseaux de scientifiques les

associations de professionnels de la pecircche sont aussi diffeacuterents en fonction de lrsquoespace maritime

geacutereacute Toutefois le processus de Kobe a permis agrave certains de ces acteurs de deacutepasser les frontiegraveres de

16 Site internet du processus de Kobe httpwwwtuna-orgorg

Sophie GAMBARDELLA

151

lrsquoenceinte de gestion de leurs espaces maritimes pour soit se retrouver au sein drsquoorganes ad hoc (11)

soit pour œuvrer agrave la fois au sein de plusieurs organisations reacutegionales de gestion des pecircches (12)

11 Une circulation des acteurs vers des organes ad hoc

Lors de la premiegravere reacuteunion conjointe des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du

thon tenue en 2007 agrave Kobe il fut deacutecideacute qursquoun travail technique serait engageacute entre chaque reacuteunion

conjointe au travers drsquoateliers intersessions En 2010 sont tenus quatre ateliers un atelier interna-

tional sur la gestion des pecirccheries de thonideacutes par ces organisations un atelier sur lrsquoameacutelioration et

lrsquoharmonisation des mesures de suivi et de controcircle un atelier sur les questions relatives aux prises

accessoires et un atelier sur le processus scientifique au sein des organisations reacutegionales de gestion

des pecircches du thon Une analyse sur la nature juridique des participants agrave ces ateliers est relative-

ment parlante quant au rocircle du processus de Kobe dans la circulation des acteurs des organisations

reacutegionales de gestion des pecircches du thon Deux remarques peuvent ecirctre faites sur les acteurs preacute-

sents lors de ces ateliers une drsquoordre quantitatif et lrsquoautre drsquoordre qualitatif

En ce qui concerne en premier lieu lrsquoaspect quantitatif le nombre de membres des organisations

reacutegionales de gestion des pecircches du thon preacutesents lors de ces ateliers est relativement variable et se

situe entre trente et quarante selon les thegravemes des ateliers Les membres de ces organisations sont

surtout preacutesents lors de lrsquoatelier relatif aux avis scientifiques17 domaine cleacute de la gestion des pecircches

et lors de celui relatif agrave la gestion de la surcapaciteacute de pecircche domaine sensible de la gestion des

pecircches18

La mobilisation des acteurs lors de lrsquoatelier relatifs aux avis scientifique nrsquoest pas surprenante

Quasiment lrsquoensemble des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon ont aujourdrsquohui

institutionnaliseacute au sein de leur structure un comiteacute scientifique19 Toutefois les difficulteacutes que ren-

contrent ces organes sont multiples donneacutees insuffisantes points de reacutefeacuterence pour les modeacutelisa-

tions non adapteacutes manque de moyens Or les experts des comiteacutes scientifiques ont une veacuteritable

volonteacute drsquoameacuteliorer les expertises qursquoils produisent afin de parvenir agrave une gestion rationnelle des

ressources La participation drsquoun grand nombre de membres des organisations reacutegionales de gestion

des pecircches du thon ndash les experts des comiteacutes scientifiques de chacune de ces organisations en reacutealiteacute

ndash agrave cet atelier srsquoinscrit ainsi dans la continuiteacute du travail engageacute au sein de chaque organisation Ces

laquo epistemic communities raquo comme les nomme Peter Haas20 jouent un rocircle central dans la gestion

des ressources biologiques marines La prise de deacutecision dans ce domaine repose en effet avant tout

sur les donneacutees scientifiques produites par les halieutes Les experts scientifiques conscients de leur

17 Rapport de la Reacuteunion conjointe drsquoexperts drsquoORGP thoniegraveres visant agrave mettre en commun les meilleures pratiques sur la formulation de lrsquoavis scientifique Barcelone (Espagne) du 31 mai au 2 juin 2010 Doc Nordm TRFMO2_W1-020201018 Rapport de lrsquoatelier international sur la gestion de la pecircche thoniegravere meneacutees par les ORGP Brisbane Australie ndash 29 juin-1er juillet 2010 Doc Ndeg TRFMO2_W4_1_FRA19 Sur le rocircle des comiteacutes scientifiques au sein des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon voir S Gambardella laquo Lrsquoex-pert scientifique un acteur multi-facettes du processus deacutecisionnel lrsquoexemple des Commissions reacutegionales de pecircche raquo Journal international de bioeacutethique 20141 vol 25 pp 91-10420 P Haas laquo Introduction Epistemic Communities and International Policy Coordination raquo International Organization vol 46 No 1 Knowledge Power and International Policy Coordination (Winter 1992) pp 1-35

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

152

rocircle ont ainsi coloniseacute les enceintes internationales comme si la gouvernance de lrsquoenvironnement

eacutetait aujourdrsquohui une gouvernance des experts Dans une vision purement instrumentale et prag-

matique du droit international une telle gouvernance pourrait ecirctre souhaitable dans des domaines

techniques tels que la gestion de lrsquoenvironnement mondial Toutefois les risques drsquoaboutir agrave une

tyrannie des experts nous conduisent agrave nous rallier agrave une position plus prudente telle que celle deacute-

fendue par Margaret Young laquo The powers of international organizations to confront that challen-

ges of fragmentation are not without their limits There is a risk of managerialism inherent in any

enhancement of the role of experts and institutionnal bodies In response [she has] argued that

regime interaction should be constrained by procedural safeguards to ensure openness transparen-

cy participation and ongoing scrutiny and review raquo21 Le formalisme juridique qui doit encadrer

lrsquoactiviteacute drsquoexpertise scientifique devient alors un rempart face aux risques eacuteventuels notamment de

disqualification des experts et donc drsquoabsence de leacutegitimiteacute des deacutecisions prises

Par ailleurs la question de la gestion de la surcapaciteacute tout comme celle relative aux avis scien-

tifique est au cœur de chacune des discussions meneacutees au sein des organisations reacutegionales de ges-

tion des pecircches du thon ce qui fait eacutecho au fort degreacute de participation de ces organisations agrave cet

atelier Les questions de traccedilabiliteacute des produits et de prises accessoires qui sont bien souvent peu

ou mal traiteacutees au sein des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon ont quant agrave elles

connu un moins grand succegraves aupregraves des membres A lrsquoinverse le nombre drsquoONG participantes est

quant agrave lui beaucoup plus sensible puisque lors de lrsquoatelier relatif aux avis scientifiques seules deux

ONG eacutetaient preacutesentes alors que les ateliers relatifs aux prises accessoires22 et agrave la surcapaciteacute de

pecircche ont reacuteuni quinze ONG Cette mecircme diffeacuterence dans le degreacute de participation en fonction du

thegraveme de lrsquoatelier se remarque drsquoailleurs pour un autre type drsquoacteurs les organisations intergou-

vernementales qui sont tregraves preacutesentes sur les mecircmes theacutematiques que les ONG Ces chiffres sont

reacuteveacutelateurs drsquoun des effets du processus du Kobe sur la permeacuteabiliteacute des enceintes internationales

De nombreuses ONG qui participent seulement aux activiteacutes drsquoune ou deux des cinq organisations

reacutegionales de gestion des pecircches du thon du processus de Kobe laquo en temps normal raquo sont ici preacute-

sentes dans la plupart des ateliers et plus particuliegraverement dans les ateliers relatifs aux questions de

conservation des espegraveces La coopeacuteration institutionnelle permet alors une plus grande participation

des ONG sur les questions relatives aux prises accessoires alors mecircme que cette probleacutematique est

commune agrave lrsquoensemble des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon Toutefois des

ONG qui nrsquoont pas les moyens financiers et humains drsquoassister agrave lrsquoensemble des reacuteunions des cinq

organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon peuvent par le biais de ce processus contri-

buer au travail technique sur des questions communes Le processus de Kobe devient alors feacutedeacutera-

teur pour ce type drsquoacteurs

21 M Young Trading Fish Saving Fish The Interaction between Regimes in International Law Cambridge University Press 2011 p 28722 Report of the international workshop on tuna RFMO management of issues relating to bycatch Brisbane Australia June 23-25 2010 Doc Ndeg T-RFMO2_W3_5rev1_ENG

Sophie GAMBARDELLA

153

Le processus de Kobe est sans conteste un vecteur de circulation des acteurs des organisations

reacutegionales de gestion des pecircches du thon vers des ateliers techniques Toutefois cette circulation est

tregraves largement conditionneacutee par la theacutematique de lrsquoatelier Si la theacutematique correspond aux priori-

teacutes internes des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon la circulation des membres

de ces organisations se fait En revanche si la theacutematique est secondaire au sein des organisations

reacutegionales de gestion des pecircches du thon la circulation des acteurs est moindre Or force est de

constater que les ateliers qui rencontrent le moins de succegraves sont ceux qui ont trait au controcircle des

activiteacutes de pecircche et agrave la protection de la biodiversiteacute au-delagrave des seuls thonideacutes ce qui montre que

la gestion des ressources halieutiques est encore aujourdrsquohui balbutiante face aux notions de gestion

inteacutegreacutee des oceacuteans ou drsquoapproche eacutecosysteacutemique des pecircches au sein des enceintes internationales

de gestion des pecircches La dimension laquo conservation des espegraveces raquo trouve neacuteanmoins une place au

sein du processus de Kobe et agrave travers la participation des ONG agrave ses ateliers que le droit internatio-

nal classique de la pecircche peine agrave lui donner

En ce qui concerne en second lieu la nature des acteurs il est tout agrave fait eacutetonnant que seuls

quatre types drsquoacteurs soient preacutesents dans ce type drsquoateliers ndash membres des organisations reacutegio-

nales de gestion des pecircches du thon Secreacutetariats des organisations reacutegionales de gestion des pecircches

du thon organisations intergouvernementales et ONG ndash alors mecircme qursquoau sein des organisations

reacutegionales de gestion des pecircches du thon certains acteurs priveacutes ont accegraves aux enceintes notam-

ment les associations de professionnels de la pecircche Il semble que ces acteurs soient preacuteoccupeacutes par

les questions traiteacutees au sein des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon mais qursquoils

nrsquoestiment pas neacutecessaire de participer agrave une reacuteflexion plus globale sur les meacutethodes de gestion des

ressources Quelle en est la raison Il y a fort agrave penser que la participation des acteurs priveacutes au sein

des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon est largement lieacutee agrave lrsquoadoption par ces

organisations des quotas de pecircche Dans ce cadre les acteurs du secteur priveacute ont des inteacuterecircts directs

agrave deacutefendre et exercent une pression comparable agrave celle des lobbies Toutefois lrsquoabsence de participa-

tion du secteur priveacute au processus de Kobe ne signifie pas que ce secteur nrsquoest pas impliqueacute dans les

suites du processus Bien au contraire Un projet de gestion durable des thonideacutes et de conservation

de la biodiversiteacute des zones marines au-delagrave de la juridiction nationale (ABNJ)23 programme financeacute

par le fonds pour lrsquoenvironnement mondial et mis en œuvre par la FAO a vu le jour dans le prolon-

gement du processus de Kobe24 Il se concentre notamment sur la collaboration entre le secteur priveacute

les organisations de la socieacuteteacute civile et les organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon

pour promouvoir lrsquoapproche de preacutecaution et lrsquoapproche eacutecosysteacutemique dans la gestion des pecircche-

ries thoniegraveres Le processus de Kobe nrsquoa pas permis une participation des acteurs priveacutes agrave ses activi-

teacutes mais il a en revanche eacuteteacute le moteur de la mise en relation de lrsquoensemble des acteurs de la gestion

internationale des thonideacutes pour une gestion plus rationnelle des ressources Ce rocircle de moteur du

processus de Kobe pour le deacuteveloppement de normes applicables aussi bien aux acteurs publics que

23 Site internet du projet httpwwwcommonoceansorg24 Le projet srsquoappuie notamment sur les eacutetudes reacutealiseacutees par les ateliers techniques du processus de Kobe tel que celui sur les prises acces-soires

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

154

priveacutes en dehors du filtre eacutetatique fait eacutecho aux preacuteconisations drsquoapprofondissement du rocircle drsquoor-

chestration des organisations internationales preacuteconiseacute par Kenneth Abott et Duncan Snidal25 En

effet le processus de Kobe a joueacute le rocircle de catalyseur des acteurs publics et priveacutes concerneacutes par la

question de la gestion durable des ressources thoniegraveres

Agrave ce stade de la reacuteflexion le processus de Kobe en tant que meacutecanisme de coopeacuteration insti-

tutionnelle a permis aux acteurs des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon de deacute-

passer les frontiegraveres de leurs institutions pour mener ensemble une reacuteflexion plus globale sur leur

travail Le processus a tout agrave la fois eacuteteacute vecteur drsquoun dialogue entre les organisations et initiateur de

projets associant lrsquoensemble des acteurs de la gestion internationale des thonideacutes

12 Une circulation des acteurs entre les organisations reacutegionales de gestion des thonideacutes

Le premier mouvement identifieacute au sein du processus de Kobe reste relativement classique dans

le cadre de la coopeacuteration institutionnelle puisque la circulation des acteurs se reacutealise des organisa-

tions reacutegionales de gestion des pecircches du thon dont ils sont issus vers un organe ad hoc creacuteeacute dans le

cadre du meacutecanisme de coopeacuteration Ce mouvement de circulation pourrait ecirctre appreacutehendeacute comme

un mouvement vertical car allant des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon vers

un organe de centralisation Un second mouvement en ce qui concerne les acteurs peut neacuteanmoins

ecirctre identifieacute Ce mouvement est certainement plus parlant quant agrave lrsquoinfluence du processus sur la

deacutefragmentation institutionnelle de la gestion internationale des thonideacutes En effet le processus de

Kobe a eacuteteacute vecteur drsquoune circulation horizontale des acteurs crsquoest agrave dire drsquoune circulation des acteurs

drsquoune organisation reacutegionale de gestion des pecircches du thon vers une autre organisation reacutegionale de

gestion des pecircches du thon

Lors de la premiegravere reacuteunion du processus de Kobe tenue en 2007 les cinq organisations reacutegio-

nales de gestion des pecircches du thon se sont entendues pour faire eacutetat lors de la deuxiegraveme reacuteunion

du processus en 2009 des progregraves reacutealiseacutes en ce qui concerne les lignes de conduite adopteacutees lors de

la premiegravere reacuteunion Chacune des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon a alors eu

lrsquooccasion de noter dans son rapport drsquoeacutevaluation que le processus de Kobe avait permis une par-

ticipation des scientifiques dans drsquoautres organisations reacutegionales que leur organisation drsquoorigine

malgreacute des calendriers difficilement conciliables Cette remarque des organisations reacutegionales de

gestion des pecircches du thon est riche drsquoenseignements Lrsquoabsence de circulation des acteurs nrsquoest pas

neacutecessairement le reacutesultat drsquoune absence de volonteacute Des obstacles simplement logistiques tels que

le chevauchement de calendrier peuvent entraver une telle circulation La rencontre des scienti-

fiques au sein drsquoateliers techniques a toutefois fait naicirctre une volonteacute de circulation chez les acteurs

Le processus de Kobe a de ce point de vue eacutetait un vecteur de la circulation horizontale des experts

25 K W Abbott and D Snidal laquo International Regulation Without International Government Improving International Organization Performance Through Orchestration raquo juin 2010 Disponible aux adresses suivantes httpsssrncomabstract =1487129 or httpdxdoiorg102139ssrn1487129

Sophie GAMBARDELLA

155

scientifiques Dans ce cas de figure la volonteacute de circulation des acteurs est une volonteacute individuelle

agrave lrsquoinitiative de chacun Le mouvement identifieacute est alors un mouvement de circulation horizontale

drsquoacteurs sur initiative individuelle Seule la volonteacute des individus contribue dans cette hypothegravese

agrave une deacutefragmentation institutionnelle Si on reprend les travaux de Kenneth Abbott et Duncan Sni-

dal le processus de Kobe relegraveve de ce point de vue de la laquo vieille gouvernance raquo dans la mesure ougrave

les experts scientifiques qui circulent entre les enceintes sont ceux qui ont eacuteteacute preacutealablement choisi

par les Eacutetats au niveau national Lrsquoexpertise laquo locale raquo ne trouve pas sa place dans ce scheacutema26 Cette

remarque rejoint drsquoailleurs le constat fait preacuteceacutedemment de lrsquoabsence de participation des entre-

prises priveacutees et des professionnels de la pecircche au sein du processus de Kobe Lrsquointeacuterecirct public est

deacutefini par les Eacutetats et lrsquoideacutee de la mise en place de meacutecanismes de reacuteveacutelation de lrsquointeacuterecirct public par le

biais notamment des parties prenantes agrave la gestion des ressources biologiques marines ne semble pas

faire son chemin La gestion internationale des ressources halieutiques reste avant tout une affaire

drsquoEacutetats

Le processus de Kobe a de surcroicirct fait naicirctre une volonteacute collective pour permettre la circula-

tion de certains acteurs Les organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon agrave travers le pro-

cessus de Kobe ont voulu mettre en commun certains moyens de controcircle des pecirccheries thoniegraveres

notamment par la mise en place drsquoune liste commune de navires autoriseacutes agrave pecirccher centraliseacutee au

niveau du processus Le controcircle du respect des deacutecisions prises au sein des organisations reacutegio-

nales de gestion des pecircches du thon est un veacuteritable deacutefi pour les organisations Les moyens pour

dissimuler les fraudes sont nombreux eacutetant donneacute lrsquoeacutetendue sur laquelle se deacuteroulent les activiteacutes de

pecircche Le travail de rationalisation des moyens de controcircle impulseacute au sein du processus de Kobe

a donc eacuteteacute essentiel et a eacuteteacute un vecteur de circulation drsquoun reacuteseau drsquoacteurs particuliers les obser-

vateurs Afin de renforcer la surveillance de lrsquoactiviteacute de pecircche au thon les organisations reacutegionales

ont mis en place un outil de controcircle continu en plus de lrsquoinspection qui demeure elle un moyen de

controcircle ponctuel Agrave lrsquoorigine la mise en place drsquoobservateurs eacutetait exclusivement agrave la charge des

Eacutetats qui devaient faire embarquer des observateurs agrave bord de leurs navires autoriseacutes agrave pecirccher dans

la zone de compeacutetence Le deacuteploiement drsquoobservateurs agrave bord des navires a eacutevidemment pour ob-

jectif de permettre un controcircle de lrsquoactiviteacute pendant son deacuteroulement Toutefois une telle opeacuteration

engage des coucircts suppleacutementaires qui doivent ecirctre supporteacutes soit par la Partie contractante soit di-

rectement par les navires La mise en place drsquoobservateurs reacuteduit donc la rentabiliteacute de lrsquoactiviteacute ce

qui explique le succegraves mitigeacute de cet outil de controcircle Certaines organisations reacutegionales de gestion

des pecircches du thon comme la Commission pour la conservation des thonideacutes de lrsquoAtlantique deacutesi-

reuses de garantir une couverture de surveillance de 100 et conscientes de lrsquoincapaciteacute en termes

de moyens de certaines Parties contractantes agrave deacuteployer un nombre suffisant drsquoobservateurs ont

alors mis en place un programme compleacutementaire drsquoobservateurs reacutegionaux Ces observateurs ne

deacutependent pas des Eacutetats mais de lrsquoorganisation reacutegionale et ils viennent srsquoajouter aux observateurs

traditionnels Lrsquoinitiative des organisations reacutegionales teacutemoigne de leur volonteacute de rendre efficace les

deacutecisions prises et de deacutepasser pour cela les obstacles purement mateacuteriels de certains Eacutetats Lors du

26 K W Abbott and D Snidal laquo Strengthening International Regulation Through Transnational New Governance raquo Vanderbilt Journal of Transnational Law vol 42 2009 pp 528 et 529

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

156

processus de Kobe les organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon ont degraves lors eacuteteacute invi-

teacutees agrave deacutevelopper des accords de maniegravere agrave ce que les observateurs autoriseacutes en haute mer puissent

opeacuterer efficacement dans les diffeacuterents bassins oceacuteaniques couverts par drsquoautres organisations reacutegio-

nales de gestion des pecircches du thon afin drsquoeacuteviter la duplication des observateurs Ces programmes

drsquoobservateurs fournissent les donneacutees requises aux organisations reacutegionales de gestion des pecircches

du thon desquelles deacutependent les zones ougrave se deacuteroulent les opeacuterations de pecircche Dans ce contexte

des reacuteseaux drsquoacteurs drsquoune organisation vont travailler agrave la fois dans les zones couvertes par leur

organisation drsquoorigine mais aussi dans les zones couvertes par drsquoautres organisations reacutegionales de

gestion des pecircches du thon Ces acteurs vont ainsi circuler entre les enceintes internationales afin

de renforcer le controcircle des mesures prises et ainsi leur efficaciteacute Lrsquoobservateur reacutegional peut donc

dans le mecircme temps travailler pour deux enceintes internationales Les frontiegraveres institutionnelles

sont donc ici tregraves flexibles puisqursquoune mise en commun des moyens humains se reacutealise La coopeacutera-

tion interinstitutionnelle est telle qursquoelle efface quasiment par la mise en place drsquoun reacuteseau suprana-

tional drsquoacteurs les cadres institutionnels

Lrsquoanalyse de la coopeacuteration interinstitutionnelle entre organisations reacutegionales de gestion des

pecircches du thon initieacutee par le processus de Kobe laisse entrevoir deux mouvements des acteurs de la

gestion internationale des thonideacutes Un premier mouvement de type vertical qui offre agrave ces acteurs

la possibiliteacute de franchir les frontiegraveres de leurs institutions pour converger vers un lieu commun afin

drsquoengager un dialogue sur le fonctionnement de leurs institutions Ce mouvement offre la possibi-

liteacute malgreacute un contexte institutionnel fragmenteacute de rechercher une coheacuterence globale entendue

comme une logique commune dans la gouvernance internationale des ressources agrave travers une har-

monisation des meacutethodes et des moyens de gestion Le second mouvement est de type horizontal Le

processus de Kobe ouvre alors la voie agrave une circulation des acteurs entre organisations reacutegionales de

gestion des pecircches du thon Lagrave encore une telle circulation de par son action de rationalisation des

moyens œuvre pour une meilleure coheacuterence dans la gouvernance internationale laquo eacuteclateacutee raquo des

ressources thoniegraveres Cette recherche de coheacuterence dans les gestions des ressources thoniegraveres passe

en fait par un rapprochement entre les organisations reacutegionales aussi bien du point de vue institu-

tionnel que normatif Le tissu organisationnel proposeacute par le processus de Kobe est donc un vecteur

de deacutecloisonnement des enceintes internationales de gestion des pecircches mais au-delagrave il est aussi un

vecteur de circulation des normes entre ces enceintes

2) Lrsquoharmonisation de la gestion des activiteacutes de pecircches au sein du processus de Kobeacute comme vecteur de circulation des normes

La coopeacuteration institutionnelle mise en place par le processus de Kobe tendait agrave une mise en

coheacuterence des activiteacutes des cinq organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon Or la recherche

de coheacuterence entre les cinq organisations pouvait reacutepondre agrave trois meacutethodes lrsquoharmonisation

lrsquouniformisation ou encore lrsquounification de leurs normes27 La distinction entre ces trois meacutethodes

27 A Jeammaud laquo Unification uniformisation harmonisation de quoi srsquoagit-il raquo in F OSMAN (Dir) Vers un code europeacuteen de la consom-mation Bruxelles Bruylant 1998 pp 35-55

Sophie GAMBARDELLA

157

consiste en reacutealiteacute en une diffeacuterence de degreacute dans le rapprochement des institutions drsquoun point

de vue mateacuteriel La coordination de lrsquoaction pouvait reacutesider en premier lieu dans une simple

recherche drsquoharmonisation des pratiques de pecircche Dans ce premier cas le rocircle du processus de

Kobe aurait eacuteteacute de laquo (hellip) mettre en concordance ou en correspondance Contrairement agrave lrsquounification et agrave lrsquouniformisation la logique qui preacuteside agrave lrsquoharmonisation nrsquoest pas celle drsquoidentiteacute mais drsquoentente raquo28

Les organisations reacutegionales de gestion des pecircches auraient ainsi pour objectif drsquoassurer qursquoaucun

conflit de normes ne surgisse en matiegravere de gestion et de conservation des ressources entre leurs

zones de compeacutetence En second lieu la coordination de lrsquoaction pouvait reacutepondre agrave la meacutethode

drsquouniformisation du droit Lrsquouniformisation est presque toujours29 entendue comme une meacutethode

se situant agrave un stade intermeacutediaire drsquointeacutegration juridique entre lrsquoharmonisation et lrsquounification

Uniformiser consiste agrave eacutetablir des regravegles identiques afin qursquoelles soient inteacutegreacutees dans des ordres

juridiques distincts Lrsquointeacutegration peut alors faire surgir des divergences dans la mise en œuvre ou

encore dans lrsquointerpreacutetation des regravegles Lrsquouniformisation pose ainsi contrairement agrave lrsquoharmonisation

les jalons drsquoun modegravele vertical agrave sens unique mais respectueux des speacutecificiteacutes des diffeacuterents reacutegimes

juridiques existants Selon cette meacutethode au sein du processus de Kobe auraient eacuteteacute eacutedicteacutees

des mesures communes aux cinq organisations reacutegionales de pecircche Toutefois les organisations

seraient resteacutees libres quant aux moyens de mise en œuvre de ces mesures Enfin lrsquounification

aurait consisteacute agrave gommer toutes les diffeacuterences de leacutegislation agrave deacutefinir un corpus juridique unique

aussi bien formellement que substantiellement agrave fondre lrsquoensemble des reacutegimes juridiques des cinq

organisations pour nrsquoen faire ressortir qursquoun applicable et interpreacutetable de maniegravere unique Au sein

du processus de Kobe il a eacuteteacute fait appel agrave la meacutethode drsquouniformisation pour certaines normes et agrave

la meacutethode drsquoharmonisation pour drsquoautres Le travail drsquoharmonisation a eacuteteacute initieacute degraves 2007 par une

recherche de mise en coheacuterence des meacutethodes de travail Les membres des cinq organisations se sont

particuliegraverement pencheacutes sur la question de lrsquoexpertise scientifique et plus particuliegraverement sur le

format des rapports produits par les comiteacutes scientifiques La volonteacute des organisations reacutegionales

de gestion des pecircches du thon fut de rendre ces rapports plus uniformes et plus accessibles afin de

mieux accompagner les deacutecideurs dans leur travail Ce travail drsquouniformisation des avis scientifiques

a ainsi permis la circulation de certaines normes scientifiques puis de certaines normes techniques

(21) De la mecircme maniegravere lrsquoharmonisation des activiteacutes des cinq organisations reacutegionales de gestion

des pecircches du thon neacutecessitait que ces derniegraveres srsquoappuient sur les mecircmes principes juridiques pour

adopter leurs normes de gestion Degraves lors la recherche drsquoharmonisation des activiteacutes a lagrave aussi eacuteteacute

un vecteur de circulation des normes mais de certaines normes juridiques particuliegraveres (22)

21 La circulation des normes scientifiques et techniques

Le travail de mise en coheacuterence des meacutethodes de gestion des pecirccheries thoniegraveres entre les cinq

organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon a deacuteboucheacute sur deux mouvements distincts

28 S Nadaud Codifier le droit civil europeacuteen Bruxelles Larcier 2008 p 5529 Le Professeur Kamdem considegravere agrave lrsquoinverse que lrsquouniformisation conduirait agrave un degreacute drsquointeacutegration juridique plus pousseacute que lrsquounifi-cation Voir en ce sens I F Kamdem laquo Harmonisation unification et uniformisation Plaidoyer pour un discours affineacute sur les moyens drsquointeacute-gration juridique raquo Revue juridique Theacutemis 2009 vol 43 ndeg 3 pp 605-649

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

158

de circulation des normes Le premier mouvement a consisteacute agrave creacuteer au niveau centraliseacute ndash crsquoest agrave

dire au sein du processus de Kobe ndash une norme scientifique de reacutefeacuterence et agrave la diffuser dans lrsquoen-

semble des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon La circulation srsquoopegravere alors drsquoune

uniteacute centrale vers des uniteacutes en orbite Le second mouvement plus original a consisteacute agrave extraire

une norme drsquoune uniteacute en orbite afin de la faire circuler au sein des autres uniteacutes en utilisant lrsquouniteacute

centrale comme courroie de transmission

En ce qui concerne le premier mouvement celui-ci a notamment concerneacute les avis scientifiques

Degraves la premiegravere reacuteunion mondiale des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon en

2007 le document des Lignes de conduite incluait des recommandations visant agrave standardiser la

preacutesentation des eacutevaluations de stocks et agrave baser les deacutecisions de gestion sur lrsquoavis scientifique y

compris lrsquoapplication de lrsquoapproche de preacutecaution Lrsquoobjectif fut alors de deacuteterminer agrave lrsquoeacutechelle du

processus de Kobe le format standard des avis scientifiques qui serait appliqueacute par les cinq organisa-

tions reacutegionales de gestion des pecircches du thon Plusieurs reacuteunions drsquoexperts des cinq organisations

ont eu lieu pour partager les meilleures pratiques en matiegravere de soumission de lrsquoavis scientifique Au

final il a eacuteteacute recommandeacute agrave lrsquoensemble des organisations drsquoutiliser le mecircme cadre de laquo modeacutelisation

eacutecosysteacutemique spatiale agrave haute reacutesolution raquo car il permettrait de mieux inteacutegrer les caracteacuteristiques

biologiques des stocks de thonideacutes et de leur environnement Par ailleurs il a aussi eacuteteacute convenu que

les reacutesultats des eacutevaluations des stocks dans les cinq organisations reacutegionales de gestion des pecircches

du thon devraient ecirctre preacutesenteacutes selon un format laquo quatre quadrants rouge-jaune-vert raquo deacutesigneacute

sous le nom de Diagramme de Kobe Une meacutethode et un format laquo Kobe raquo ont peu agrave peu vu le jour

Lrsquoeacutetape suivante qui est toujours en cours consistera agrave deacutefinir une laquo matrice de strateacutegie raquo30 crsquoest agrave

dire un format harmoniseacute pour les organes scientifiques des organisations reacutegionales aux fins de la

formulation drsquoun avis Sur la base des objectifs speacutecifieacutes par la Commission pour chaque pecirccherie

cette matrice preacutesentera les mesures de gestion speacutecifiques qui atteindraient lrsquoobjectif de gestion

viseacute avec une certaine probabiliteacute dans un certain deacutelai Le processus de Kobe est alors vecteur de la

circulation des meilleures pratiques au sein des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du

thon Les normes techniques et scientifiques reacutepondant aux critegraveres des meilleures pratiques et no-

tamment agrave la volonteacute de mettre en œuvre lrsquoapproche de preacutecaution et lrsquoapproche eacutecosysteacutemique des

pecircches reccediloivent une sorte de label de qualiteacute laquo Kobe raquo qui assurent leur diffusion dans lrsquoensemble

des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon Ce mouvement de circulation verticale

des normes scientifiques et techniques est primordial pour une meilleure efficaciteacute des systegravemes de

gestion des ressources dans la mesure ougrave il permet de lancer la reacuteflexion sur la maniegravere de renforcer

lrsquoaide agrave la deacutecision Lrsquouniformisation des rapports scientifiques produits par les comiteacutes scientifiques

des organisations reacutegionales facilitera neacutecessairement leur appreacutehension par les deacutecideurs

En ce qui concerne le second mouvement le processus de Kobe a pu faire office de courroie de

transmission de certaines normes techniques drsquoune organisation reacutegionale de gestion des pecircches du

30 Pour davantage drsquoinformations sur le diagramme de Kobe et la matrice de strateacutegie voir Rapport de la deuxiegraveme reacuteunion conjointe des organisations reacutegionales de gestion des pecircches de thonideacutes (ORGP) Saint-Seacutebastien Espagne 29 juin ndash 3 juillet 2009 Appendice 1

Sophie GAMBARDELLA

159

thon vers les autres organisations Par exemple lors de la seconde reacuteunion du processus de Kobe

tenue en 2010 il a eacuteteacute constateacute que certaines organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon

nrsquoavaient pas eacutetabli de normes en ce qui concerne le format les contenus la structure et la freacutequence

des messages VMS (vessel monitoring system) Le domaine des pecircches srsquoest en effet approprieacute un

outil de surveillance conccedilu agrave lrsquoorigine par lrsquoOrganisation internationale de teacuteleacutecommunications ma-

ritimes par satellite (Inmarsat) et lrsquoOrganisation maritime internationale (OMI) pour renforcer la

seacutecuriteacute en mer31 Cet outil appeleacute systegraveme de surveillance des navires (VMS) permet une surveil-

lance par satellite de la position des navires Les capitaines de navires doivent geacuteneacuteralement fournir

au centre de controcircle des pecircches de lrsquoEacutetat de leur pavillon lrsquoidentification du navire sa position

geacuteographique la date et lrsquoheure de la position geacuteographique transmise ainsi que pour les navires

inscrits sur la liste des navires autoriseacutes agrave pecirccher dans la zone de compeacutetence en question la vitesse

et le cap suivi Cette seacuterie drsquoinformations doit ecirctre transmise de maniegravere reacuteguliegravere selon une freacute-

quence imposeacutee Or lrsquoabsence de standards sur le format des messages transmis ne facilite pas leur

lecture et leur analyse et donc le controcircle des activiteacutes en mer Neacuteanmoins plutocirct que de reacutefleacutechir en

commun agrave une uniformisation de cette technique de controcircle au sein du processus de Kobe le choix

a eacuteteacute fait de diffuser les bonnes pratiques existantes en la matiegravere Le format retenu par la Commis-

sion internationale des thonideacutes de lrsquoAtlantique a eacuteteacute transmis aux autres organisations reacutegionales

de gestion des pecircches du thon en tant que modegravele agrave suivre au sein de leurs propres enceintes32 Un

an plus tard la Commission pour la conservation du thon rouge du sud a ainsi adopteacute le mecircme mo-

degravele de VMS que la Commission internationale pour la conservation des thonideacutes de lrsquoAtlantique Le

processus de Kobe nrsquoest alors plus geacuteneacuterateur de la norme scientifique ou technique qui doit circuler

il se contente de la choisir puis de la veacutehiculer La logique consiste agrave consideacuterer que la mise en coheacute-

rence des activiteacutes des cinq organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon ne neacutecessite pas

toujours de revenir sur le travail deacutejagrave opeacutereacute par les organisations reacutegionales Au contraire lorsque

certains meacutecanismes ont fait leurs preuves au sein drsquoune de ces organisations reacutegionales le proces-

sus de Kobe ne sert qursquoagrave permettre la diffusion de ces pratiques au sein de lrsquoensemble des organisa-

tions reacutegionales de gestion des pecircches du thon Le mouvement est alors un mouvement de circula-

tion indirectement horizontale puisque la norme passe avant sa diffusion au sein des quatre autres

organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon par le processus de Kobe Il faut par ailleurs

noter qursquoen pratique les normes techniques et scientifiques diffuseacutees sont majoritairement celle de

la Commission internationale des thonideacutes de lrsquoAtlantique Mecircme si elle nrsquoest pas la plus ancienne

des cinq organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon impliqueacutees dans le processus de

Kobe cette commission a reacutealiseacute un travail consideacuterable depuis de nombreuses anneacutees notamment

suite agrave lrsquoeffondrement des stocks de thon rouge de lrsquoAtlantique Est et de la Meacutediterraneacutee Elle a degraves

lors deacuteveloppeacute une pratique conseacutequente qui est mise en exergue par le processus de Kobe En ce

31 Cet outil a eacuteteacute mis en place dans les anneacutees 80 Pour plus drsquoinformations en ce sens voir Comiteacute des pecircches de la FAO Ameacuteliorer lrsquoeffi-caciteacute du suivi du controcircle et de la surveillance des navires de pecircche Document de la 25egraveme session du Comiteacute des pecircches tenu agrave Rome du 24 au 28 feacutevrier 2003 COFI20034 disponible agrave lrsquoadresse suivante httpwwwfaoorgDOCREPMEETING005Y8216Fhtm32 Recommandation [07-08] de lrsquoICCAT Recommandation de lrsquoICCAT concernant un format et un protocole drsquoeacutechange des donneacutees en ce qui concerne le systegraveme de surveillance des navires (VMS) dans la zone de la convention ICCAT pour la pecircche du thon rouge entreacutee en vigueur le 4 juin 2008

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

160

qui concerne les normes scientifiques et techniques le choix de lrsquouniformatisation a eacuteteacute fait au sein

du processus de Kobe pour assurer la coheacuterence de lrsquoaction entre les cinq organisations reacutegionales

Enfin il est inteacuteressant de noter que les travaux scientifiques reacutealiseacutes lors des ateliers interses-

sions mis en place par le processus de Kobe ont eux aussi vocation agrave circuler en dehors des enceintes

de gestion des pecircches et agrave ecirctre citeacutes comme moyen de preuve En effet dans la reacutecente affaire Eacutetats-Unis mdash Mesures concernant lrsquoimportation la commercialisation et la vente de thon et de produits du thon porteacutee devant lrsquoorgane de regraveglement des diffeacuterends de lrsquoOMC le Mexique pour deacutemontrer que

les meacutethodes de pecircche au thon autres que lrsquoencerclement des dauphins pouvaient avoir des effets neacute-

fastes sur ces derniers srsquoest appuyeacute sur de nombreuses eacutetudes dont des eacutetudes preacutesenteacutees lors de la

deuxiegraveme reacuteunion du processus de Kobe33 Les organes ad hoc du processus de Kobe sont ainsi creacutea-

teurs drsquoune litteacuterature qui circule au-delagrave des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon

dans des enceintes qui srsquoinscrivent davantage dans un laquo complexe de reacutegimes raquo34 Le processus de

Kobe apparaicirct degraves lors lagrave encore comme un vecteur de deacutecloisonnement des enceintes internatio-

nales et un moteur pour la circulation des normes techniques et scientifiques mais aussi juridiques

22 La circulation de normes juridiques

Le processus de Kobe nrsquoa pas vocation agrave ecirctre creacuteateur de normes juridiques neacuteanmoins il a

permis de mettre lrsquoaccent sur les carences des Eacutetats en termes de ratification des principaux textes

relatifs agrave la gestion des ressources halieutiques Quatre des cinq organisations reacutegionales de gestion

des pecircches du thon du processus de Kobe ont par exemple eacuteteacute eacutetablies avant lrsquoadoption de lrsquoAccord aux fins de lrsquoapplication des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 deacutecembre 1982 relatives agrave la conservation et agrave la gestion des stocks de poissons dont les deacuteplacements srsquoeffectuent tant agrave lrsquointeacuterieur qursquoau-delagrave de zones eacuteconomiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs (Ci-apregraves UNFSA)35 Toutefois leur rocircle est consideacuterablement

renforceacute dans lrsquoUNFSA et les organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon sont actuel-

lement consideacutereacutees comme laquo le raquo meacutecanisme opportun pour reacutepondre aux objectifs eacutetablis dans

la Convention sur le droit de la mer aux fins de la coopeacuteration en matiegravere de gestion des stocks de

poissons grands migrateurs Pourtant le nombre drsquoEacutetats parties agrave lrsquoUNFSA parmi les membres des

organisations reacutegionales thoniegraveres par rapport au nombre total des membres nrsquoest pas eacuteleveacute comme

le reacutevegravele le tableau suivant

33 ORD Etats-Unis ndash Mesures concernant lrsquoimportation la commercialisation et la vente de thon et de produits du thon Rapport du groupe speacutecial du 14 avril 2015 affaire ndeg DS381 sect713234 Sur la notion de laquo complexe de reacutegimes raquo voir notamment K Raustiala DG Victor laquo The regime complex for plant genetic resources raquo International Organization vol 58 2004 pp 277-309 R O Keohane D G Victor laquo The Regime Complex for Climate Change raquo Perspec-tives on Politics vol 9 ndeg 1 mars 2011 pp 7-23 A Orsini J-F Morin O Young laquo Regime Complexes A Buzz a Boom or a Boost for Global Governance raquo Global Governance A Review of Multilateralism and International Organizations January-March 2013 vol 19 ndeg 1 pp 27-3935 Accord aux fins de lrsquoapplication des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 deacutecembre 1982 relatives agrave la conservation et agrave la gestion des stocks de poissons dont les deacuteplacements srsquoeffectuent tant agrave lrsquointeacuterieur qursquoau-delagrave de zones eacuteconomiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs adopteacute le 4 aoucirct 1995 agrave New York et entreacute en vigueur le 11 deacutecembre 2001 RTNU vol 2167 p 3

Sophie GAMBARDELLA

161

Ratifications de lrsquoUNFSA par les Eacutetat membres des cinq organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon du Processus de Kobe

CCSBT IATTC ICCAT IOTC WCPFC

26 916 2748 1128 426

Neacuteanmoins cela nrsquoa pas empecirccheacute les organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon

drsquoutiliser de nombreux critegraveres pour les eacutevaluations des performances extraits des principes eacutetablis

dans lrsquoUNFSA Depuis lrsquoadoption de lrsquoUNFSA les organisations reacutegionales de gestion des pecircches du

thon ont eacutegalement souvent utiliseacute lrsquoAccord comme base juridique des mesures de conservation et de

gestion des stocks relevant de leur mandat notamment en mettant en œuvre lrsquoapproche de preacutecaution

qui a eacuteteacute rappeleacutee tout au long du processus de Kobe Les organisations reacutegionales de gestion des

pecircches du thon dans leurs rapports respectifs de mise en œuvre des lignes de Kobe ont toutes noteacute

leurs efforts pour lrsquoapplication effective de lrsquoapproche de preacutecaution et de lrsquoapproche eacutecosysteacutemique

alors mecircme que les Eacutetats nrsquoont pas ratifieacute le texte La diffusion de lrsquoapproche eacutecosysteacutemique est tregraves

inteacuteressante car elle ne trouve pas ses origines dans des textes relatifs agrave la pecircche Lrsquoapproche classique

de gestion et de conservation des ressources halieutiques consiste agrave proceacuteder agrave une reacutegulation de la

pecircche stock par stock sans eacutegard aux relations qursquoentretiennent ces derniers avec drsquoautres espegraveces

et drsquoautres stocks Or la Convention sur la diversiteacute biologique a ancreacute la notion drsquoeacutecosystegraveme dans

le droit international de lrsquoenvironnement et a ainsi changeacute lrsquoapproche de la protection des espegraveces

Selon cette Convention un eacutecosystegraveme doit ecirctre entendu comme laquo le complexe dynamique formeacute de communauteacutes de plantes drsquoanimaux et de micro-organismes et de leur environnement non vivant qui par leur interaction forment une uniteacute fonctionnelle raquo36 Partant de cette deacutefinition lrsquoapproche

eacutecosysteacutemique serait donc celle qui permettrait une gestion et une conservation des espegraveces qui

tiennent compte des interactions que ces derniegraveres ont avec le milieu et les autres espegraveces qui y

vivent Le Code de conduite pour une pecircche responsable est le premier texte en droit international de la

pecircche qui sensibilise les Eacutetats agrave cette ideacutee drsquointeraction entre les espegraveces Cette ideacutee drsquoapproche non

plus par stock mais bien par eacutecosystegraveme a par ailleurs eacuteteacute clairement affirmeacutee lors de la Confeacuterence

de Reykjavik sur une pecircche responsable dans lrsquoeacutecosystegraveme marin en 200137 Le processus de Kobe a

donc encourageacute la circulation au sein des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon drsquoune

norme juridique extraite du droit international de lrsquoenvironnement et donc en dehors du champ du

droit de la pecircche Le mouvement est ici drsquoautant plus inteacuteressant qursquoil consiste agrave extraire une norme

juridique du complexe de reacutegimes juridiques dans lequel srsquoinscrivent les organisations reacutegionales

de gestion des pecircches du thon pour la diffuser de maniegravere verticale au sein de ces organisations Le

36 Article 2 de la Convention sur la diversiteacute biologique adopteacutee agrave Rio le 5 juin 1992 et entreacutee en vigueur le 29 deacutecembre 1993 RTNU vol 1760 p 7937 La Confeacuterence de Reykjavik sur une pecircche responsable dans lrsquoeacutecosystegraveme marin qui srsquoest tenue du 1er au 4 octobre 2001 a eacuteteacute reacuteunie agrave lrsquoinitiative du gouvernement islandais et de la FAO et a deacuteboucheacute sur une deacuteclaration qui met au cœur de la gestion et de la conservation des ressources de la mer la notion drsquoeacutecosystegraveme

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

162

processus de Kobe joue lagrave encore le rocircle de courroie de transmission pour la diffusion de normes en

lrsquooccurrence juridiques

Par ailleurs lors de la deuxiegraveme reacuteunion du processus de Kobe les membres des organisations

reacutegionales de gestion des pecircches du thon ont eacuteteacute encourageacutes agrave envisager la signature et la ratification

de lrsquoAccord de la FAO sur les mesures du ressort de lrsquoEacutetat du port le plus tocirct possible Le cas eacutecheacuteant

les organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon ont eacuteteacute inviteacutees agrave adopter des mesures

de controcircle du ressort de lrsquoEacutetat du port qui soient conformes agrave lrsquoAccord de la FAO sur les mesures du ressort de lrsquoEacutetat du port38 et qui tiennent compte des caracteacuteristiques et circonstances speacutecifiques de

chaque organisation reacutegionale Le processus de Kobe sans ecirctre creacuteateur de normes permet lagrave en-

core une circulation de normes drsquoune enceinte internationale vers les cinq organisations reacutegionales

de gestion des pecircches du thon qui ont pris part au processus Comme cela est fait pour les normes

scientifiques et techniques une recherche est meneacutee dans les textes internationaux pour extraire les

meilleures pratiques afin de les diffuser au sein des organisations reacutegionales de gestion des pecircches

du thon Par ce biais des textes internationaux qui pourraient rester lettre morte en raison drsquoun

nombre de ratification insuffisant pour entrer en vigueur trouvent agrave ecirctre mis en œuvre par le biais

des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon Le meacutecanisme est ici tregraves inteacuteressant

dans la mesure ougrave le processus de Kobe permet au final de contourner les difficulteacutes qursquoimpose le

volontarisme eacutetatique agrave lrsquoeacutechelle universelle en enracinant les normes dans le paysage de la gestion

des thonideacutes agrave travers lrsquoeacutechelle reacutegionale

Le processus de Kobe permet ainsi drsquoidentifier les normes essentielles pour une gestion ration-

nelle des ressources de mettre en exergue les pratiques au sein des organisations reacutegionales de ges-

tion des pecircches du thon en ce sens et drsquoappuyer la mise en œuvre systeacutematique de ces normes Il serait

alors possible de se demander si le processus de Kobe ne procegravede pas finalement agrave la reconnaissance

de normes juridiques coutumiegraveres Cette voie de reacuteflexion ouvrirait de larges perspectives pour une

meilleure gestion des ressources dans la mesure ougrave mecircme en lrsquoabsence de ratification par ses Eacutetats

membres des textes internationaux affirmant la neacutecessiteacute de mettre en œuvre lrsquoapproche de preacutecau-

tion ou lrsquoapproche eacutecoysteacutemique des pecircches les organisations reacutegionales de gestion des pecircches du

thon seraient tenues de prendre leurs deacutecisions de gestion rationnelle selon ces standards Reste agrave se

demander si les Eacutetats accepteraient drsquoapprouver de telles normes de maniegravere systeacutematique au sein

des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon A lrsquoheure actuelle lrsquoaction du processus

de Kobe dans le deacuteveloppement des normes juridiques internationales au sein de reacutegimes juridiques

distincts srsquoinscrit dans la droite ligne des preacuteconisations faites par Kenneth Abbott et Duncan Snidal

pour renforcer le rocircle drsquoorchestration des organisations internationales39 Toutefois le processus de

Kobe peut difficilement ecirctre conccedilu comme une organisation internationale dans la mesure ougrave son

38 Accord sur les mesures du ressort de lrsquoEacutetat du port visant agrave preacutevenir contrecarrer et eacuteliminer la pecircche illicite non deacuteclareacutee et non reacuteglemen-teacutee adopteacutee par la Reacutesolution nordm 122009 du 22 novembre 2009 lors de la 36egraveme session de la Confeacuterence de la FAO tenue agrave Rome du 18 au 23 novembre 2009 et pas encore entreacute en vigueur39 K W Abbott and D Snidal laquo International Regulation Without International Government Improving International Organization Performance Through Orchestration raquo juin 2010 Disponible aux adresses suivantes httpsssrncomabstract =1487129 or httpdxdoiorg102139ssrn1487129

Sophie GAMBARDELLA

163

institutionnalisation nrsquoest pas durable ni permanente il srsquoagit davantage drsquoun cycle de reacuteunions

dont la reacutecurrence est fonction du besoin des cinq organisations reacutegionales Le processus de Kobe ne

vient pas remettre en question le formalisme juridique inheacuterent au droit international puisqursquoil se

contente de diffuser et non drsquoimposer la norme juridique Seule une reacuteception de cette norme au sein

des organisations reacutegionales par le biais du formalisme juridique attendu permettra de doter cette

norme de force obligatoire au sein du reacutegime juridique mis en place par lrsquoorganisation reacutegionale de

gestion des pecircches concerneacutee

Le processus de Kobe est un tissu organisationnel tout agrave fait atypique dans la mesure ougrave il se situe

entre le modegravele pyramidal et le modegravele en reacuteseau Il srsquoinscrit dans le reacuteseau creacuteeacute par la multiplication

des organisations reacutegionales de gestion des pecircches du thon sans ecirctre pour autant une laquo super raquo or-

ganisation reacutegionale de gestion des pecircches du thon mais tout en travaillant pour une meilleure co-

heacuterence de la gouvernance internationale des thonideacutes De ce point de vue le processus de Kobe ne

srsquoinscrit pas dans un processus de constitutionnalisme mondial Au contraire il permet de prendre

acte du pluralisme juridique existant et de chercher agrave lrsquoagencer le mieux possible Pour parvenir agrave

cet objectif la recherche de permeacuteabiliteacute des frontiegraveres institutionnelles semble indispensable Deux

mouvements de circulation se sont deacutegageacutes tout au long de cette eacutetude aussi bien en ce qui concerne

les acteurs que les normes un mouvement vertical du processus de Kobe vers les organisations reacute-

gionales de gestion des pecircches du thon et un mouvement horizontal entre organisations reacutegionales

de gestion des pecircches du thon mais dans lequel le processus de Kobe joue le rocircle de courroie de trans-

mission Puis un troisiegraveme mouvement plus surprenant nous est apparu par lequel soit des infor-

mations circulaient du processus de Kobe vers des enceintes autres que les organisations reacutegionales

de gestion des pecircches du thon soit des normes eacutetaient extraites drsquoenceintes autres que les organisa-

tions reacutegionales de gestion des pecircches du thon pour ecirctre diffuseacutees au sein de ces organisations Le

processus de Kobe se preacutesente degraves lors comme une interface entre les diffeacuterentes institutions une

plateforme par laquelle normes et acteurs transitent en douceur vers drsquoautres enceintes La coopeacute-

ration institutionnelle est certainement un vecteur de circulation dans la mesure ougrave elle mobilise les

acteurs elle permet leur rencontre et stimule une dynamique Le deacutecloisonnement des institutions

internationales dans un contexte de fragmentation institutionnelle tel que celui de la gouvernance

internationale des ressources halieutiques peut ecirctre impulseacute par la mise en place de ce type de tis-

su organisationnel mais il faut neacuteanmoins garder agrave lrsquoesprit que la creacuteation de ce type de processus

marque lrsquoexistence drsquoune volonteacute preacutealable des enceintes internationales de coopeacuterer et de partager

Il reste que les reacutesultats du processus de Kobe semblent aller au-delagrave de lrsquoobjectif initial de mise en

coheacuterence des pratiques dans la mesure ougrave les frontiegraveres institutionnelles gagnent en permeacuteabiliteacute

Agrave travers le processus de Kobe il apparaicirct que la fragmentation de la gouvernance du droit in-

ternational de lrsquoenvironnement nrsquoest probleacutematique que dans une vision purement constitutionna-

Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes et des acteurs

164

liste ou pyramidale du droit rassurante en terme de seacutecuriteacute juridique Toutefois la physionomie en

reacuteseau de la gouvernance du droit international de lrsquoenvironnement nrsquoest pas pour autant synonyme

drsquoabandon de la seacutecuriteacute juridique degraves lors que le formalisme juridique nrsquoest pas complegravetement

eacutecarteacute au profit drsquoune approche uniquement instrumentale du droit Le rocircle de processus tels que le

processus de Kobe ne doit alors pas ecirctre reacuteduit agrave un simple rocircle drsquo laquo orchestration raquo40 des reacutegimes ju-

ridiques existants dans la mesure ougrave il est aussi porteur de valeurs de principes permettant drsquoordon-

ner les diffeacuterents ensembles normatifs tout en srsquoinscrivant dans le formalisme juridique classique

du droit international Le processus de Kobe ne nous invite pas agrave deacutepasser le volontarisme eacutetatique

au profit drsquoune sorte de tyrannie de lrsquoefficaciteacute normative Au contraire il mobilise au sein de lrsquoordre

juridique existant les leviers permettant de faire aboutir le volontarisme eacutetatique De ce point de vue

lagrave le processus de Kobe reacutepond davantage agrave la position des auteurs du laquo pluralisme ordonneacute raquo41 qursquoagrave

ceux du pluralisme laquo manageacuterial raquo Pourquoi refuser alors de srsquoaffranchir du formalisme juridique si

un tel deacutetachement permet drsquoobtenir un droit plus efficace Certainement parce que dans un ren-

foncement de notre esprit de juriste nous ne pouvons pas nous deacutefaire de lrsquoideacutee que nous devons

toujours veiller agrave la seacutecuriteacute juridique qui nous protegravege de la volatiliteacute des contextes eacuteconomiques

et politiques Or le formalisme juridique demeure un des garants de la seacutecuriteacute juridique Le forma-

lisme juridique preacuteconiseacute ne doit cependant pas ecirctre un preacutetexte pour rendre le droit impermeacuteable

aux autres disciplines Le droit doit au contraire accueillir se nourrir des autres disciplines pour ecirctre

performant mais aussi dans le mecircme temps srsquoen eacuteloigner pour ne pas perdre son identiteacute propre

La fragmentation de la gouvernance du droit international de lrsquoenvironnement invite degraves lors agrave

un subtil jeu drsquoeacutequilibre entre ouverture et fermeture des systegravemes juridiques agrave drsquoautres normes agrave

drsquoautres acteurs agrave une mise en tension constante entre vision reacutealiste du droit et vision formaliste

de celui-ci

La gouvernance fragmenteacutee est une gouvernance riche car plurielle en termes de nature des

acteurs et des normes drsquoinfluences culturelles et eacuteconomiques Cette pluraliteacute est sans conteste un

reacuteservoir de potentialiteacutes pour une meilleure protection de lrsquoenvironnement mondial Toutefois il

srsquoagit drsquoun objet complexe qui ne peut ecirctre simplifieacute en un seul modegravele en un seul cadre en un seul

courant theacuteorique Une telle reacuteduction de sa complexiteacute simplifierait le travail de lrsquoanalyste mais ris-

querait de priver la gouvernance fragmenteacutee de sa pluraliteacute et donc de ses potentialiteacutes

40 Ibid41 M Delmas-Marty Les forces imaginantes du droit (II) - Le Pluralisme ordonneacute Paris Seuil 2006 324 p

Sophie GAMBARDELLA

165

chapitre 3La transparence de la finance climat de la circulation du principe agrave la circulation de ses modaliteacutes drsquoapplication

Anne-Sophie Tabau1

Reacutesumeacute

Cette contribution deacutemontre que les efforts en faveur de la circulation du principe de trans-

parence de la finance climat induisent des effets ambivalents dans la mesure ougrave srsquoils favorisent la

preacutecision de ses modaliteacutes drsquoapplication en apportant une reacuteponse aux deacutefis techniques de la trans-

parence de la finance climat voire au-delagrave de la finance climat ils aboutissent eacutegalement agrave deacuteplacer

le centre de graviteacute de la gouvernance dans ce domaine du reacutegime climat entendu au sens strict vers

un complexe de reacutegimes au peacuterimegravetre moins deacutefini sous-estimant peut-ecirctre les enjeux politiques et

sociaux de cette question ce qui est de nature agrave soulever des interrogations en termes de leacutegitimiteacute

et de responsabiliteacute (accountability)

Introduction

Le reacutegime international de lutte contre les changements climatiques tel qursquoil srsquoest deacuteveloppeacute au

titre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et du

Protocole de Kyoto (PK) a constitueacute le support drsquoun effort de transparence particuliegraverement sophis-

tiqueacute

De maniegravere geacuteneacuterale la notion de laquo transparence raquo apparaicirct degraves lrsquoadoption de la CCNUCC mais

de faccedilon relativement borneacutee laquo Le meacutecanisme financier est constitueacute sur la base drsquoune repreacutesenta-

tion eacutequitable et eacutequilibreacutee de toutes les Parties dans le cadre drsquoun systegraveme de gestion transparent raquo2

En vertu du Protocole de Kyoto le concept est de nouveau utiliseacute mais cette fois-ci en lien avec les

informations que les parties viseacutees agrave lrsquoannexe I (pays deacuteveloppeacutes) doivent communiquer pour faire

eacutetat des mesures adopteacutees en vue drsquoatteindre leur objectif de reacuteduction drsquoeacutemission de gaz agrave effet de

serre (GES) (communications nationales)3 et permettre drsquoeacutevaluer leur niveau drsquoeacutemission de GES (in-

ventaires)4 ou encore pour garantir le bon fonctionnement du meacutecanisme pour un deacuteveloppement

propre5 La notion ne sera toutefois deacutefinie qursquoen 1999 dans une deacutecision de la COP speacutecifiquement

1 Professeur de droit public Universiteacute de la Reacuteunion membre du CRJ et membre associeacutee du CERIC2 Article 11 CCNUCC3 Art 2(1)(b) laquo Chacune des Parties viseacutees agrave lrsquoannexe I pour srsquoacquitter de ses engagements chiffreacutes en matiegravere de limitation et de reacuteduc-tion preacutevus agrave lrsquoarticle 3 de faccedilon agrave promouvoir le deacuteveloppement durable (hellip) coopegravere avec les autres Parties viseacutees pour renforcer lrsquoefficaciteacute individuelle et globale des politiques et mesures adopteacutees (hellip) A cette fin ces Parties prennent des dispositions en vue de partager le fruit de leur expeacuterience et drsquoeacutechanger des informations sur ces politiques et mesures notamment en mettant au point des moyens drsquoameacuteliorer leur comparabiliteacute leur transparence et leur efficaciteacute raquo Nous soulignons4 Art 3 (4) la COPMOP devra arrecircter des lignes directrices en matiegravere drsquoinventaires de GES compte tenu de la laquo neacutecessiteacute de communi-quer des donneacutees transparentes et veacuterifiables raquo5 Art 12(7) laquo La Confeacuterence des Parties agissant comme reacuteunion des Parties au preacutesent Protocole eacutelabore agrave sa premiegravere session des mo-daliteacutes et des proceacutedures visant agrave assurer la transparence lrsquoefficaciteacute et la responsabiliteacute gracircce agrave un audit et agrave une veacuterification indeacutependants des

La transparence de la finance climat

166

relative aux inventaires drsquoeacutemissions de GES laquo La transparence signifie que les hypothegraveses et les

meacutethodes utiliseacutees pour un inventaire doivent ecirctre clairement expliqueacutees afin que celui-ci puisse ecirctre

facilement reconstitueacute et eacutevalueacute par les utilisateurs des donneacutees notifieacutees La transparence des inven-

taires est indispensable au bon deacuteroulement du processus de communication et drsquoexamen des infor-

mations raquo6

Jusqursquoagrave reacutecemment cet effort de transparence ne concernait toutefois pas veacuteritablement la fi-

nance deacutedieacutee agrave la lutte contre les changements climatiques Ccedila nrsquoest en effet qursquoagrave partir du Plan

drsquoaction de Bali (2007) que lrsquoaccent a reacuteellement eacuteteacute mis sur la neacutecessiteacute de rendre la finance climat

laquo mesurable rapportable et veacuterifiable raquo (MRV) dans un contexte de renforcement de lrsquoambition

et drsquoeacutelargissement du reacutegime international de lutte contre les changements climatiques Lors de la

Confeacuterence de Copenhague de 2009 lrsquoengagement collectif des pays deacuteveloppeacutes de fournir aux pays

en deacuteveloppement un soutien financier de lrsquoordre de 100 milliards de dollars par an drsquoici 2020 nrsquoa fait

qursquoaccentuer les attentes en termes de transparence dans ce domaine

Si la neacutecessiteacute drsquoune transparence accrue de la finance climat a eacuteteacute justifieacutee au cours des neacutego-

ciations internationales afin drsquoen favoriser lrsquoeffectiviteacute et agrave lrsquoefficaciteacute cette question est au cœur

drsquoenjeux politiquement sensibles Au-delagrave du neacutecessaire laquo renforcement des capaciteacutes raquo de certains

pays pour leur permettre de participer agrave lrsquoeffort collectif (que ce soit en termes drsquoatteacutenuation drsquoadap-

tation ou de transparence de leur action) des consideacuterations drsquoeacutequiteacute ou encore de justice clima-

tique soulegravevent de deacutelicates interrogations sur la preacutevention et la reacuteparation des dommages lieacutes aux

changements climatiques vis-agrave-vis desquelles la finance climat nrsquoest forceacutement pas eacutetrangegravere

Sous lrsquoimpulsion de certaines parties7 le concept de transparence figure deacutesormais en bonne

place au sein de lrsquoAccord de Paris Un article speacutecifique y est consacreacute (Article 13) qui concerne agrave

la fois les actions des parties et le soutien fourni Or la mise en œuvre de cet article ne soulegravevera

pas les mecircmes difficulteacutes dans un cas et dans lrsquoautre En effet la transparence des actions des par-

ties pourra srsquoappuyer sur les lignes directrices deacuteveloppeacutees au titre du PK quitte agrave en permettre une

application plus flexible de maniegravere agrave tenir compte de lrsquoeacutelargissement des acteurs concerneacutes par cet

effort de transparence notamment pour y inclure les parties qui nrsquoeacutetaient pas viseacutees par lrsquoannexe I

du PK et de la CCNUCC En revanche les lignes directrices en matiegravere de transparence du soutien

et en particulier du soutien financier restent encore tregraves largement agrave construire

Les lignes directrices encadrant la soumission des rapports des parties en matiegravere de finance

climat adopteacutees lors des confeacuterences de Cancun en 2010 et de Durban en 2011 ont certes preacutevu que

les pays industrialiseacutes fournissent des informations sur les soutiens financiers verseacutes aux pays en

deacuteveloppement tandis que ces derniers eacutetaient eacutegalement inviteacutes agrave faire eacutetat du soutien financier

reccedilu ou encore neacutecessaire Toutefois lrsquoencadrement international est resteacute tregraves faible si bien qursquoen

pratique les informations communiqueacutees agrave ce jour varient nettement entre les parties

Neacuteanmoins ce systegraveme maintenu au titre de lrsquoAccord de Paris a vocation agrave ecirctre ameacutelioreacute au fil

du temps En effet la Confeacuterence de Cancun a eacutegalement mis en place le Comiteacute permanent sur le

activiteacutes raquo 6 FCCCCP19997 p 4 Nous soulignons7 Breacutesil Chine Inde Japon UE Suisse au nom du Groupe de lrsquointeacutegriteacute environnementale - FCCCADP2012MISC3

Anne-Sophie TABAU

167

financement (Standing committee on finance - SCF) avec pour mandat renouveleacute lors de la COP 218

de renforcer le systegraveme de MRV de la finance climat notamment en proceacutedant agrave lrsquoestimation peacuterio-

dique et globale des flux financiers dans ce domaine agrave partir de toutes les sources drsquoinformations

disponibles

Or les travaux conduits jusqursquoagrave preacutesent dans le cadre du SCF ont deacutemontreacute qursquoun important

degreacute drsquoincertitude demeurait dans ce domaine9 En effet la gouvernance de la finance climat est

tregraves fragmenteacutee en deacutepit de la mise en place du Fonds vert pour le climat (FVC) destineacute agrave la centra-

liser autant que possible10 Elle fait de surcroicirct intervenir une grande varieacuteteacute drsquoentiteacutes de natures

diverses et agrave diffeacuterents niveaux Crsquoest drsquoautant plus vrai que pour lrsquoheure les parties ne sont pas par-

venues agrave srsquoentendre sur une deacutefinition commune de la laquo finance climat raquo Les deacutebats qui opposent

les deacutebiteurs et les beacuteneacuteficiaires de ce soutien financier concernent en particulier le caractegravere public

etou priveacute de la finance prise en compte son caractegravere laquo nouveau et additionnel raquo notamment par

rapport agrave lrsquoaide publique au deacuteveloppement ainsi que lrsquoattribution de cette finance agrave lrsquoatteacutenuation

ou agrave lrsquoadaptation

Pour autant diverses meacutethodologies de laquo traccedilage raquo de la finance climat ont eacutemergeacute notamment

dans le cadre drsquoune initiative commune des banques multilateacuterales de deacuteveloppement mais aussi

des travaux de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) Plusieurs

organisation non gouvernementales (ONG) ou think tanks se sont eacutegalement pencheacutees sur la ques-

tion Le rapport publieacute en octobre 2015 par lrsquoOCDE (en collaboration avec le think tank Climate poli-cy initiative) sur la base drsquoinformations communiqueacutees par les principaux pays contributeurs et les

institutions financiegraveres agrave la demande de la preacutesidence peacuteruvienne de la COP 20 et de la preacutesidence

franccedilaise de la COP 21 tend mecircme agrave deacutemontrer que cet exercice de transparence a deacutesormais prin-

cipalement lieu en dehors de la CCNUCC sans pour autant fonctionner de maniegravere autonome vis-

agrave-vis des neacutegociations multilateacuterales ayant conduit agrave lrsquoadoption de lrsquoAccord de Paris ou de celles qui

devront avoir lieu pour en permettre la mise en œuvre

Ce constat teacutemoigne drsquoune circulation normative qursquoil srsquoagit de mieux comprendre Dans cette

perspective deux clarifications seacutemantiques doivent drsquoembleacutee ecirctre opeacutereacutees

Tout drsquoabord il est neacutecessaire de concevoir la transparence de la finance climat comme une

laquo meacutetanorme raquo11 afin de ne pas baser lrsquoanalyse sur une notion trop eacutetroite qui conduirait agrave exclure

certains espaces juridiques sous un preacutetexte rigide et purement formel lieacute agrave lrsquoabsence drsquoappellation

mot pour mot Neacuteanmoins il faut aussi admettre que cette laquo ouverture raquo preacutesente ses propres li-

mites dans la mesure ougrave tant la nature juridique que le contenu de cette laquo meacutetanorme raquo peut precircter

agrave discussion12 Ainsi le recours agrave la notion apparemment geacuteneacuterique de laquo transparence raquo correspond

en reacutealiteacute agrave la prise en compte drsquoideacutees reccedilues agrave propos de la bonne administration la confiance la

8 Deacutecision 1CP21 sect649 Voir en particulier SCF Biennial Assessment and Overview of Climate Finance Flows report 201410 Voir le diagramme (non exhaustif) de lrsquoarchitecture globale de la finance climat annexeacute agrave cette contribution11 S Maljean-Dubois M Wemaere laquo Lrsquoaccord agrave conclure agrave Paris en deacutecembre 2015 une opportuniteacute pour laquo deacute raquofragmenter la gouver-nance internationale du climat raquo RJE ndeg 4 201512 A Peters laquo The Transparency Turn of International Law raquo The Chinese Journal of Global Governance ndeg 1 2015 pp 3-15

La transparence de la finance climat

168

leacutegitimiteacute lrsquointelligibiliteacute la clarteacute ou encore la publiciteacute13 Plus largement des liens de causali-

teacute sont preacutesupposeacutes entre la transparence lrsquoefficaciteacute et lrsquoeffectiviteacute du soutien fourni mais aussi

entre la transparence et la responsabiliteacute (ou lrsquoaccountability) des acteurs de la finance climat14

En outre si lrsquoapproche adopteacutee entend repeacuterer les espaces juridiques concerneacutes par la circula-

tion de la transparence de la finance climat et eacutevaluer leurs liens afin de srsquointerroger sur les implica-

tions de cette circulation normative lrsquoordre juridique de reacutefeacuterence reste celui constitueacute par les traiteacutes

internationaux speacutecifiquement relatifs au climat (CCNUCC PK et Accord de Paris) et par le droit

qui en est deacuteriveacute (deacutecisions COP et COP agissant comme Reacuteunion des Parties au PK (COPMOP)

recommandations des organes subsidiaires hellip)15

Il ne srsquoagit donc pas tant de cartographier le complexe de reacutegimes de la transparence de la fi-

nance climat en envisageant lrsquoeacutevolution subie par chaque ordre juridique concerneacute que de deacutetermi-

ner si la circulation de la transparence de la finance climat aboutit agrave atteindre les objectifs poursuivis

par le laquo reacutegime climat raquo en la matiegravere

Pour reacutepondre agrave cette question il convient tout drsquoabord de srsquointerroger sur la singulariteacute de la

circulation de la transparence de la finance climat (1) avant de se pencher sur ses effets (2)

1 Les caracteacuteristiques de la circulation de la transparence de la finance climat

Il existe diverses typologies permettant de mieux appreacutehender les circulations normatives au

sein drsquoun complexe de reacutegimes16 Certaines drsquoentre elles mettent lrsquoaccent sur le caractegravere fortuit ou

intentionnel de cette circulation17 Au titre de la transparence de la finance climat il semble clair que

la circulation srsquoinscrit dans la deuxiegraveme cateacutegorie (11) et se manifeste agrave de nombreux eacutegards (12)

11 Lrsquoimpulsion de la circulation normative par le laquo reacutegime climat raquo

Lrsquoespace juridique de reacutefeacuterence crsquoest agrave dire le laquo reacutegime climat raquo accompagne la circulation de

la transparence de la finance climat agrave la fois implicitement et explicitement En effet drsquoune part

13 Ibid14 Voir agrave cet eacutegard drsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale les travaux initieacutes par B Kingsburry RB Stewart N Krisch laquo The Emergence of Glo-bal Administrative Law raquo Law and Contemporary Problems vol 68 ndeg 3 2005 pp 15-62 et en particulier les deacuteveloppements sur la laquo transpa-rence raquo comme norme du droit administratif global15 Ci-apregraves deacutesigneacute comme constituant le laquo reacutegime climat raquo16 Pour une preacutesentation drsquoensemble par des juristes voir notamment L Gradoni laquo Systegravemes juridiques internationaux une esquisse raquo in L Gradoni H Ruiz-Fabri (Dirs) La circulation des concepts juridiques le droit international de lrsquoenvironnement entre mondialisation et fragmentation Socieacuteteacute de Leacutegislation compareacutee 2009 pp 27-51 M A Young laquo Regime Interaction in Creating Implementing and Enforcing International Law raquo in M A Young (Ed) Regime interaction in International Law Facing Fragmentation Cambridge University Press 2012 pp 85-110 H van Asselt The Fragmentation of Global Climate Governance Consequences and Management of Regime Interactions Edward Elgar Cheltenham 2014 pp 44-6017 Ainsi O R Young The Institutional Dimension of Environmental Change Fit Interplay and Scale Cambridge MIT Press 2002 p 25 distingue les laquo interdeacutependances deacutelibeacutereacutees raquo (laquo deliberate interdependencies raquo) des laquo liens fonctionnels raquo (laquo functionnal linkages raquo) spontaneacutes Dans le mecircme ordre drsquoideacutee T Gehring et S Oberthur laquo Conceptual Foundations of Institutional Interaction raquo in T Gehring S Oberthur (Eds) Institutional Interaction in Global Environmental Governance Synergy and Conflict among International and EU Policies Cambridge MIT Press 2006 pp 19-52 distinguent drsquoune part les interactions reacutesultant drsquoune laquo demande drsquoassistance raquo (laquo request for assistance raquo) par une institution et drsquoautre part la diffusion de laquo modegravele politique raquo (laquo policy model raquo) qui ne suppose pas une telle deacutemarche en provenance du reacutegime de reacutefeacuterence

Anne-Sophie TABAU

169

le manque de preacutecision pour rendre cette norme pleinement opeacuterationnelle au sein du laquo reacutegime

climat raquo aboutit agrave laisser une grande marge de manœuvre favorable agrave une circulation normative

selon une dynamique ascendante ou bottom-up (a) Toutefois drsquoautre part le besoin de circulation

de la transparence de la finance climat est expresseacutement reconnu et mecircme organiseacute (b)

a Une impreacutecision des lignes directrices favorable agrave la circulation normative ascendante

Alors qursquoen vertu de la CCNUCC et du PK des regravegles particuliegraverement sophistiqueacutees ont eacuteteacute

deacuteveloppeacutees pour favoriser la transparence des informations relatives aux actions des parties viseacutees

agrave lrsquoannexe I par le biais de deacutecisions de la COP et de la COPMOP se reacutefeacuterant aux meacutethodologies

laquo commandeacutees raquo au GIEC force est de constater que lrsquoencadrement est moins strict srsquoagissant de la

transparence de la finance climat

En effet si depuis de nombreuses anneacutees les pays deacuteveloppeacutes se sont engageacutes agrave faire le rapport

du soutien financier qursquoils fournissent aux pays en deacuteveloppement dans le domaine des changements

climatiques18 en lrsquoabsence de deacutefinition internationale communeacutement admise les pays contributeurs

beacuteneacuteficient drsquoune large marge drsquoappreacuteciation sur ce qursquoils incluent au sein de la finance climat Cette

indeacutetermination est favorable agrave la circulation normative dans la mesure ougrave elle permet lrsquoeacutemergence

laquo par le bas raquo des donneacutees prises en compte mais aussi des modaliteacutes en permettant lrsquoeacutetablissement

Les lignes directrices actuellement applicables en matiegravere de rapport sur la finance climat19 ont

eacuteteacute adopteacutees par la COP en 2011 agrave Durban et en 2012 agrave Doha Par rapport agrave la pratique anteacuterieure

au sein de la CCNUCC lrsquoencadrement reacutesultant de ces lignes directrices a incontestablement eacuteteacute

accru Avant leur adoption les pays deacuteveloppeacutes eacutetaient simplement tenus de rapporter leur soutien

financier aux pays en deacuteveloppement dans les communications nationales qursquoils remettaient tous

les quatre ans au Secreacutetariat de la CCNUCC En comparaison les lignes directrices actuelles exigent

des parties viseacutees agrave lrsquoannexe II qursquoelles rapportent leur soutien financier agrave la fois dans leurs commu-

nications nationales et dans leur rapports biennaux qui comme leur nom lrsquoindique sont remis plus

freacutequemment En outre depuis 2012 les parties viseacutees agrave lrsquoannexe II doivent faire eacutetat de ce finance-

ment climat sous la forme drsquoun tableau standardiseacute (laquo common tabular format raquo)

Les pays beacuteneacuteficiaires de ces soutiens financiers (pays non viseacutes agrave lrsquoannexe I) doivent pour leur

part soumettre dans leurs communications nationales des informations relatives agrave leurs besoins de

soutien financier mais aussi des donneacutees relatives au soutien reccedilu de la part du Fonds pour lrsquoenviron-

nement mondial des parties viseacutees agrave lrsquoannexe II de la CCNUCC ou drsquoautres institutions bilateacuterales

et multilateacuterales En outre les parties non-viseacutees agrave lrsquoannexe I doivent mettre agrave jour ces informations

sur une base biannuelle20

18 Deacutecision 4CP5 deacutecision 2CP17 deacutecision 19CP1819 Ces lignes directrices sont celles applicables pour que les pays deacuteveloppeacutes fassent la deacutemonstration de leur respect de lrsquoobjectif collectif de 100 milliards de dollars par an drsquoici 2020 et mecircme au-delagrave puisque ce montant plancher ne sera pas reacuteeacutevalueacute avant 2025 La deacutecision 1CP21 preacutevoit toutefois que la reacutevision de ces lignes directrices devra ecirctre acheveacutee au plus tard en 2018 (sect98)20 Deacutecision 2CP17 (sect39-42)

La transparence de la finance climat

170

En deacutepit de ces progregraves les lignes directrices actuelles ne constituent pas un cadre suffisamment

robuste pour rendre compte de maniegravere fiable et comparable du soutien financier en matiegravere cli-

matique au titre de la CCNUCC Elles ne fournissent toujours pas de meacutethodologie pour le rapport

financier ou pour deacuteterminer ce qui constitue une finance speacutecifique au climat Les parties viseacutees

agrave lrsquoannexe II doivent certes fournir dans leur rapport une description de lrsquoapproche retenue pour

suivre (laquo tracking raquo) le soutien financier Elles doivent eacutegalement indiquer le montant des ressources

financiegraveres laquo nouvelles et additionnelles raquo qursquoelles ont fournies21 en clarifiant la faccedilon dont elles ont

deacutetermineacute que ces ressources eacutetaient effectivement laquo nouvelles et additionnelles raquo Toutefois lrsquoeacutetude

des rapports remis jusqursquoagrave preacutesent conduit agrave constater que de nombreuses parties deacuteveloppeacutees nrsquoont

pas fourni drsquoinformation complegravete que ce soit srsquoagissant des meacutethodologies de comptabilisation

ou de la deacutefinition du caractegravere nouveau et additionnel de la finance climat En outre les donneacutees

fournies ne sont pas actualiseacutees En effet il y a un eacutecart de plusieurs anneacutees entre le moment ougrave ces

informations sont communiqueacutees et la peacuteriode sur laquelle porte le rapport les premiers rapports

biennaux qui eacutetaient dus pour le 1er janvier 2014 ne concernaient ainsi que les anneacutees 2011 et 2012

Srsquoagissant des rapports des parties non viseacutees agrave lrsquoannexe I il convient aussi de relever qursquoil

nrsquoexiste pas de format standard concernant la finance climat reccedilue En outre seuls 15 Eacutetats ont ef-

fectivement remis leurs rapports biennaux mis agrave jour au Secreacutetariat

Ce faible encadrement international favorisant potentiellement lrsquoeacutemergence de la transparence

de la finance climat laquo par le bas raquo nrsquoa pas encore reacuteellement porteacute ses fruits Si plusieurs parties ont

utiliseacute les mecircmes reacutefeacuterentiels existant par ailleurs pour rapporter leur finance climat22 certaines

drsquoentre elles ont deacuteveloppeacute leur propre meacutethodologie ce qui nrsquoa fait qursquoamplifier les difficulteacutes de

comparaison Parmi les paramegravetres qui varient drsquoune partie agrave lrsquoautre se trouve par exemple le mo-

ment auquel est comptabiliseacute la finance climat ce qui peut alternativement ecirctre le cas au stade de sa

promesse ou agrave celui de sa deacutelivrance effective Ces variations concernent aussi les sources de finan-

cement prises en compte qui peuvent se limiter agrave lrsquoaide publique au deacuteveloppement ou srsquoeacutetendre agrave

drsquoautres flux financiers officiels comme agrave la finance priveacutee Les donneacutees rapporteacutees peuvent aussi

selon les parties concerner une activiteacute ou ecirctre agreacutegeacutees La faccedilon dont chaque partie deacutetermine la

part drsquoun projet deacutedieacutee speacutecifiquement agrave la lutte contre les changements climatiques est loin drsquoecirctre

transparente Enfin certaines parties utilisent leur propre deacutefinition de lrsquoadaptation Le rapport sur

la finance climat transitant par des fonds multilateacuteraux soulegraveve eacutegalement des interrogations quant

agrave son laquo double comptage raquo23 Tout ceci semble donc indiquer qursquoun encadrement plus strict de la

transparence de la finance climat est souhaitable

21 Article 4(3) de la CCNUCC22 Voir deacuteveloppements infra notamment sur les marqueurs de Rio23 Voir deacuteveloppements infra sur ce point speacutecifique qui soulegraveve la question drsquoune neacutecessaire obligation de rapport de la finance climat par les fonds climat et les institutions financiegraveres internationales qui en gegraverent ainsi que celle de la comparabiliteacute de ces diffeacuterents rapports

Anne-Sophie TABAU La transparence de la finance climat

171

b Des lignes directrices ayant vocation agrave ecirctre preacuteciseacutees gracircce agrave une circulation normative organiseacutee

Ce bilan peu concluant a vocation agrave srsquoameacuteliorer au fur et agrave mesure que les lignes directrices en-

cadrant la transparence de la finance climat seront preacuteciseacutees La tacircche en la matiegravere revient princi-

palement agrave deux organes subsidiaires de la CCNUCC lrsquoorgane subsidiaire de conseil scientifique et

technique (SBSTA) et le SCF soutenus par le Secreacutetariat Or pour ce faire lrsquoun comme lrsquoautre sont

inviteacutes au-delagrave drsquoune coordination interne au laquo reacutegime climat raquo agrave srsquoouvrir vers lrsquoexteacuterieur crsquoest-agrave-

dire y compris en dehors du laquo reacutegime climat raquo24

Ainsi au-delagrave des parties les organisations (organisations internationales ndash OI et ONG) beacuteneacute-

ficiant du statut drsquoobservateur et mecircme plus largement toutes les personnes inteacuteresseacutees ont eacuteteacute agrave

plusieurs reprises inviteacutees agrave soumettre des contributions sur la transparence de la finance climat

Par ailleurs des workshops laquo ouverts raquo ont eacuteteacute organiseacutes Les contenus des rapports du SCF sur les

flux financiers en matiegravere climatique ont eacuteteacute eacutetablis sur la base de laquo toutes les informations dispo-

nibles raquo et non pas seulement agrave partir des informations fournies par les parties dans leurs rapports

biennaux Le SCF comme le Secreacutetariat ont eacutegalement reacuteguliegraverement dresseacute lrsquoeacutetat de lrsquoart des meacutetho-

dologies relatives agrave lrsquoeacutevaluation et agrave la notification de la finance climat

Pour autant cela nrsquoa pas suffi pour faire eacutemerger une meacutethodologie ni mecircme des deacutefinitions

communes au cœur de la transparence de la finance climat En outre le rapport du SCF (Biennal assessment review) de 2014 nrsquoa pas eacuteteacute jugeacute suffisant par les preacutesidents de la COP 20 et de la COP

21 pour instaurer la confiance neacutecessaire entre les parties dans la perspective de la conclusion drsquoun

accord agrave Paris Ils ont ainsi deacutecideacute de demander en urgence seulement cinq mois avant la tenue de la

COP 21 un rapport agrave lrsquoOCDE eacutevaluant le montant des soutiens fournis par les pays deacuteveloppeacutes aux

pays en deacuteveloppement Lrsquoobjectif afficheacute eacutetait alors clairement de fournir une information claire et

rassurante en la matiegravere

Il srsquoagissait notamment de faire en sorte que ces derniers et parmi eux en particulier les pays

eacutemergents participent agrave lrsquoeffort global de lutte contre les changements climatiques Or agrave cet eacutegard

la deacutelivrance effective et donc la transparence de la finance climat constituait depuis la Confeacuterence

de Copenhague une condition sine qua non de lrsquoengagement de ces pays25

Le rapport de lrsquoOCDE publieacute le 7 octobre 2015 preacutesente lrsquoindeacuteniable atout de mettre en eacutevidence

les diffeacuterentes meacutethodes utiliseacutees par les pays contributeurs pour comptabiliser leur finance climat

En outre le rapport deacutecrit les difficulteacutes meacutethodologiques qui continuent de se poser en la matiegravere

Si cet effort de mise agrave plat de lrsquoeacutetat de la transparence de la finance climat est utile il semble aussi

venir remplacer le travail du mecircme ordre opeacutereacute par le SCF

24 La deacutecision 2CP17 a ainsi inviteacute le SBSTA agrave deacutevelopper les meacutethodologies de rapport du soutien financier compte tenu des meacutethodo-logies internationales existantes (sect19) Le mandat eacutetait censeacute srsquoachever en 2014 lors de la COP 20 mais a eacuteteacute prolongeacute drsquoun an agrave cette occasion La deacutecision 11CP20 reacuteaffirme mecircme le besoin drsquoouverture agrave lrsquoexteacuterieur agrave cette occasion en indiquant dans son sect2 que les parties et les orga-nisations observatrices sont inviteacutees agrave soumettre leur vue sur les meacutethodes de notification de lrsquoinformation financiegravere25 A-S Tabau M Lemoine laquo Willing Power Fearing Responsibilities Basic in Climate Negotiations raquo CCLR vol 6 ndeg 3 2012 pp 197-208

La transparence de la finance climat

172

Cela apparaicirct de maniegravere drsquoautant plus frappante qursquoen deacutepit de la reconnaissance de lrsquoinadeacute-

quation des meacutethodologies de comptabilisation de la finance climat le rapport de lrsquoOCDE annonce

des chiffres (52 milliards de dollars en 2013 et 63 milliards de dollars en 2014) lagrave ougrave le SCF annonccedilait

plus prudemment des fourchettes Le rapport de lrsquoOCDE manque eacutegalement de clarteacute sur la faccedilon

dont ont eacuteteacute produits les reacutesultats auxquels il aboutit Par exemple la question de savoir si lrsquoaccrois-

sement des financements publics en matiegravere climatique entre 2011 et 2014 est lieacute agrave une augmentation

des budgets correspondants ou simplement agrave un changement dans la meacutethode de comptabilisation

reste sans reacuteponse Il nrsquoen demeure pas moins que la meacutediatisation de ces chiffres a eacuteteacute bien plus

grande que lors de la publication de lrsquoeacutevaluation du SCF Cela srsquoexplique sans doute agrave la fois en rai-

son du calendrier agrave un mois de la COP 21 et de leur caractegravere plus simple agrave comprendre pour le

grand public

Or au-delagrave de cette laquo concurrence raquo institutionnelle et en deacutepit drsquoun mandat confieacute par les

preacutesidences peacuteruvienne et franccedilaise des COP 20 et 21 la leacutegitimiteacute de lrsquoOCDE est moindre que celle

du SCF du moins en termes de repreacutesentativiteacute des inteacuterecircts en preacutesence26 Si cette pratique drsquoun

nouveau genre teacutemoigne de lrsquoimportance du rocircle que peut jouer un preacutesident de COP en terme de

circulation normative et si son effet a eacuteteacute indeacuteniable sur les reacutesultats de la COP 21 elle meacuterite tout

de mecircme drsquoecirctre questionneacutee

12 Les manifestations de la circulation de la transparence de la finance climat

Les manifestations de la circulation normative qui reacutesultent de lrsquoimpulsion donneacutee par le

laquo reacutegime climat raquo en matiegravere de transparence de la finance climat peuvent ecirctre appreacutehendeacutees de

deux points de vue du point de vue intra-systeacutemique (a) et du point de vue inter-systeacutemique (b)

Le premier renseigne sur la circulation normative de la transparence de la finance climat agrave partir

de lrsquoespace juridique de reacutefeacuterence et de son point de vue Ce qui met en eacutevidence la circulation

normative est alors lrsquoobligation pour les parties de faire rapport sur le soutien fourni ou reccedilu27 En

cela la circulation normative correspond agrave la mise en œuvre drsquoune obligation laissant une marge

de manœuvre importante agrave ceux qui doivent la respecter28 Lrsquoadoption de cette perspective explique

eacutegalement que les compilations-synthegraveses du SCF et du Secreacutetariat mettent en exergue seulement

certaines manifestations de la circulation normative La seconde perspective renseigne sur lrsquoeacutetat des

lieux de lrsquoenchevecirctrement des espaces juridiques concerneacutes par la circulation de la transparence de

la finance climat Il est alors plus difficile ndash et sans doute aussi plus arbitraire ndash de mettre en eacutevidence

les manifestations de cette circulation normative Agrave cet eacutegard neacuteanmoins le recours agrave la notion de

transparence pour deacutesigner la laquo meacutetanorme raquo qui circule plutocirct qursquoagrave un reacutegime juridique deacutetermineacute

26 Voir deacuteveloppements infra27 Cf laquo interaction through commitment raquo dans la typologie de S Oberthur T Gehring (eds) Institutional Interaction in Global Envi-ronmental Governance Synergy and Conflict among International and EU Policies MIT Press 200628 Pour des conclusions en ce sens voir A-S Tabau La mise en oeuvre du Protocole de Kyoto en Europe interaction des controcircles internatio-nal et communautaire Bruylant 2011

Anne-Sophie TABAU La transparence de la finance climat

173

srsquoavegravere drsquoun certain secours Cette notion aux contours plus flous permet en effet de mettre en

eacutevidence non plus seulement les connexions institutionnelles ou opeacuterationnelles entre lrsquoobligation

de transparence de la finance climat issue du laquo reacutegime climat raquo et ses modaliteacutes drsquoapplication mais

aussi les proximiteacutes politiques ou encore conceptuelles entre les espaces juridiques consideacutereacutes29

a Une circulation normative au soutien de lrsquoobligation de rapporter la finance climat fournie ou reccedilue

En consideacuterant comme point de deacutepart de lrsquoanalyse que le laquo reacutegime climat raquo constitue lrsquoespace

juridique de reacutefeacuterence la transparence de la finance climat repreacutesente avant tout une obligation agrave

la charge des parties deacuteveloppeacutees compleacuteteacutee par une laquo obligation raquo30 des parties en deacuteveloppement

Toutefois la mise en œuvre de cet engagement suppose en amont lrsquoimplication drsquoautres acteurs et

drsquoautres espaces juridiques

Ainsi tout drsquoabord jusqursquoagrave preacutesent la plupart des pays deacuteveloppeacutes se sont principalement si

ne crsquoest exclusivement baseacutes pour eacutetablir leur rapport en matiegravere de finance climat sur les donneacutees

collecteacutees agrave partir du systegraveme des marqueurs de Rio mis au point par le Comiteacute drsquoaide au deacuteveloppe-

ment (DAC) de lrsquoOCDE Ces donneacutees qui sont notifieacutees agrave lrsquoOCDE par les pays donateurs et rendues

publiques en ligne sont en effet de lrsquoavis des Secreacutetariats des Conventions concerneacutees les seules

donneacutees comparables et harmoniseacutees au niveau international concernant lrsquoaide visant lrsquoatteinte des

objectifs des Conventions de Rio31 Depuis 1998 lrsquoOCDE a ainsi suivi lrsquoaide visant un objectif drsquoatteacute-

nuation des eacutemissions de GES agrave travers son laquo Systegraveme de notification des pays creacuteanciers raquo (laquo Cre-ditor Reporting System raquo ndash CRS) utilisant la meacutethodologie des marqueurs de Rio qui a eacuteteacute eacutetendu agrave

partir de 2010 agrave lrsquoobjectif drsquoadaptation Ces donneacutees et ces marqueurs jouent donc un rocircle important

dans la compreacutehension actuelle ndash et donc la transparence ndash de la finance climat

Srsquoagissant plus speacutecifiquement des donneacutees concernant la finance climat transitant par des fonds

multilateacuteraux de nombreuses parties se sont fondeacutees du moins pour leur 2e rapport biennal sur les

donneacutees que le DAC de lrsquoOCDE impute lui-mecircme aux contributions multilateacuterales Celles-ci sont

calculeacutees agrave partir de lrsquoestimation de la part deacutedieacutee au climat des activiteacutes de chaque agence multilateacute-

rale et de la participation de chaque pays au budget de cette organisation ce qui permet in fine drsquoes-

timer la part de finance climat de chaque pays transitant par lrsquoagence multilateacuterale consideacutereacutee Pour

certaines agences multilateacuterales cette part de leur activiteacute deacutedieacutee au climat est estimeacutee agrave partir des

marqueurs de Rio le coucirct total des projets ayant pour objectif principal le climat y est comptabiliseacute

Toutefois depuis 2012 les sept plus importantes banques multilateacuterales de deacuteveloppement rejointes

en 2015 par les 20 membres de lrsquoInternational Development Finance Club qui reacuteunit des banques de

deacuteveloppement nationales et infrareacutegionales utilisent une autre meacutethodologie32 Or crsquoest agrave celle-ci

29 Cf laquo Cognitive interaction raquo dans la typologie de S Oberthur et T Gehring op cit30 Lrsquousage des guillemets se justifie ici par le caractegravere peu contraignant de cette obligation31 OCDE laquo Eacutevolution de lrsquoaide en faveur de lrsquoenvironnement une composante du financement du deacuteveloppement durable (1991-2011) raquo Coopeacuteration pour le deacuteveloppement 2012 Comment inteacutegrer durabiliteacute et deacuteveloppement OCDE 2012 p 67 32 httpwww- wdsworldbankorgexternaldefaultWDSContentServerWDSPIB20150616090224b082f3a6012_0Ren deredPDF20140joint0rep0nks00climate0financepdf

La transparence de la finance climat

174

que se sont rallieacutees certaines parties dans la mesure ougrave elle semble plus rigoureuse et plus preacutecise

que les marqueurs de Rio

Enfin agrave la suite du rapport drsquoexperts de haut niveau sur la finance climat mandateacute par le Se-

creacutetaire geacuteneacuteral de lrsquoOrganisation des Nations Unies (ONU)33 insistant sur la neacutecessiteacute de prendre

en compte toutes les sources de financements pour atteindre lrsquoobjectif de 100 milliards de dollars

par an drsquoici 2020 les parties viseacutees agrave lrsquoannexe II ont chercheacute agrave mentionner dans leur rapports agrave la

CCNUCC des donneacutees relatives aux financement provenant drsquoacteurs priveacutes Or il nrsquoexiste pas agrave

lrsquoheure actuelle de meacutethodologie pour cela y compris en dehors du laquo reacutegime climat raquo En outre

la collecte des donneacutees est bien souvent difficile celles-ci eacutetant geacuteneacuteralement confidentielles Cela

nrsquoa pas empecirccheacute certaines ONG comme Climate Policy Inititiative de publier chaque anneacutee depuis

2012 un rapport (laquo Global Landscape of Climate Finance raquo) visant agrave faire eacutetat des flux financiers aussi

bien drsquoorigine publique que priveacutee en matiegravere climatique Toutefois la variation des reacutesultats drsquoune

anneacutee sur lrsquoautre nrsquoest pas claire lagrave aussi reacutesulte-t-elle drsquoun changement de meacutethodologie ou drsquoune

variation dans les montant investis par les acteurs priveacutes

Pour reacutesoudre ces difficulteacutes une laquo recherche collaborative sur le suivi de la finance climat pri-

veacutee raquo (laquo Research Collaborative on Tracking Private Climate Finance raquo) a eacuteteacute mise en place sous la

coordination du Secreacutetariat de lrsquoOCDE Crsquoest un reacuteseau ouvert aux gouvernements inteacuteresseacutes aux

institutions de recherches pertinentes et aux institutions financiegraveres internationales dont lrsquoobjectif

est de favoriser agrave court terme le partage des laquo meilleures donneacutees disponibles raquo et agrave plus long terme

le deacuteveloppement drsquoune meacutethodologie plus complegravete pour mesurer les flux financiers drsquoorigine pri-

veacutee en matiegravere climatique En outre ce reacuteseau entend devenir le lieu drsquoeacutetablissement des donneacutees

correspondantes

Du cocircteacute des pays beacuteneacuteficiaires de la finance climat les examens des deacutepenses publiques en ma-

tiegravere climatique (CPEIRs pour laquo Climate Public Expenditure Reviews raquo) du Programme des Nations

Unies pour le deacuteveloppement (PNUD) fournissent un outil pour mesurer la finance climat reccedilue lors

des exercices de planification budgeacutetaire geacuteneacuterale au niveau national dont les reacutesultats sont enre-

gistreacutes depuis 2012 dans une base de donneacutees Pour deacuteterminer la part drsquoune deacutepense publique qui

relegraveve du climat le PNUD utilise deux meacutethodes lrsquoindice de pertinence climatique et lrsquoapproche

par beacuteneacutefices La premiegravere srsquoappuie sur les marqueurs de Rio pour traduire lrsquoobjectif deacuteclareacute drsquoun

programme ou drsquoune deacutepense en pourcentage de pertinence climatique ce qui permet ensuite de

quantifier les deacutepenses publiques affecteacutees au climat Lrsquoapproche par les beacuteneacutefices quant agrave elle tra-

duit la sensibiliteacute drsquoun programme donneacute vis-agrave-vis des changements climatiques liant les beacuteneacutefices

attendus de lrsquoaction aux impacts des changements climatiques Cette seconde meacutethodologie permet

de comparer les reacutesultats escompteacutes drsquoun programme en cas de reacutealisation des changements clima-

tiques et en cas drsquoeacutevitement de ceux-ci

33 httpwwwunorgwcmwebdavsiteclimatechangesharedDocumentsAGF_reportsAGF20Reportpdf

Anne-Sophie TABAU La transparence de la finance climat

175

Si ces diffeacuterentes manifestations de la circulation de la transparence de la finance climat nrsquoont

pas toujours eacuteteacute deacuteveloppeacutees pour reacutepondre agrave une attente du laquo reacutegime climat raquo celui-ci a pris note

de leur existence notamment agrave travers les travaux du SCF Or tel nrsquoest pas le cas drsquoautres manifes-

tations de la circulation normative qui ne parviennent pas encore agrave laquo reacutetroagir raquo sur le laquo reacutegime

climat raquo

b Une circulation normative teacutemoignant drsquoune influence conceptuelle plus diffuse

Drsquoautres manifestations de la circulation normative de la laquo meacutetanorme raquo de transparence de

la finance climat srsquoavegraverent pertinentes mecircme si elles relegravevent aussi voire principalement drsquoautres

complexes de reacutegimes que celui du climat

Ainsi par exemple depuis 2009 la question des subventions aux eacutenergies fossiles est inscrite agrave

lrsquoagenda de plusieurs institutions internationales (G20 objectifs drsquoAiumlchi Deacuteclaration issue du Som-

met de Rio + 20hellip) Afin drsquoameacuteliorer la transparence dans ce domaine les membres du G20 se sont

entendus au Sommet de Saint-Peacutetersbourg en septembre 2013 sur une meacutethodologie permettant un

examen par les pairs sur la base du volontariat Les discussions agrave cet eacutegard dans le cadre du G20 se

sont tenues en collaboration avec lrsquoOCDE lrsquoAgence internationale de lrsquoeacutenergie le Fonds moneacutetaire

international et lrsquoOrganisation des pays exportateurs de peacutetrole Cette collaboration a permis une

circulation normative du mecircme ordre que celle relative agrave la transparence de la finance climat faisant

passer la question du stade de lrsquoengagement politique agrave celui de sa mise en œuvre

Or des liens conceptuels existent entre la finance climat et les subventions aux eacutenergies fossiles

Cela a notamment eacuteteacute souligneacute par certaines ONG concluant que ces derniegraveres eacutetaient 40 fois plus

eacuteleveacutees que la premiegravere et suggeacuterant une reacuteaffectation des ressources subventionnant les eacutenergies

fossiles vers la finance climat34 Si les chiffres avanceacutes pour parvenir agrave ce reacutesultat peuvent ecirctre dis-

cuteacutes ils contribuent en toute hypothegravese agrave deacutemontrer une circulation de type laquo cognitif raquo ou encore

de nature politique entre le principe de la transparence de la finance climat et celui des subventions

aux eacutenergies fossiles dans la mesure ougrave ce diagnostic nrsquoaurait pas eacuteteacute possible sans lrsquoune ni lrsquoautre

Une version intermeacutediaire de la deacutecision 1CP21 envisageait drsquoailleurs drsquoen prendre acte35 agrave

travers une disposition favorable au deacutesinvestissement dans les eacutenergies fossiles mais la version fi-

nale du texte ne contient plus de disposition expresse agrave cet eacutegard Pour autant la question pourrait

ressurgir dans la mesure ougrave la COP a deacutecideacute laquo drsquoengager agrave sa vingt-deuxiegraveme session un processus

visant agrave recenser les informations que doivent communiquer les Parties [sur les ressources finan-

ciegravere fournies aux pays en deacuteveloppement] en vue de formuler des recommandations pour examen

34 httppriceofoilorg20151111empty-promises-g20-subsidies-to-oil-gas-and-coal-production35 Tandis que le sect62 du draft Paris outcome dans sa version ndeg 2 du 10 deacutecembre 2015 agrave 21h00 eacutenonccedilait lrsquoideacutee (laquo Urges Parties to reduce international support for high-emission investments raquo) le sect63 lrsquointeacutegrait directement au titre de la transparence de la finance climat laquo Decides that when communicating information on a biennial basis to be provided in line with Article 6 paragraph 6 [ie quantitative and qualitative information related to financial ressources to assist developing country Parties] Parties shall consider as appropriate the following (hellip) (h) Information on efforts to reduce international support for high emission investments raquo

La transparence de la finance climat

176

et adoption par la Confeacuterence des Parties agissant comme reacuteunion des Parties agrave lrsquoAccord de Paris agrave

sa premiegravere session raquo36

Dans le mecircme ordre drsquoideacutee les deacutebats au sein du laquo reacutegime climat raquo sur la transparence de la

finance climat se sont tenus jusqursquoagrave preacutesent en parallegravele et de maniegravere relativement cloisonneacutee

par rapport agrave ceux qui se tenaient en matiegravere de transparence du financement de la coopeacuteration au

deacuteveloppement en deacutepit de la proximiteacute voire du chevauchement entre ces deux theacutematiques Cela

srsquoexplique notamment en raison des revendications reacutecurrentes des pays beacuteneacuteficiaires pour que la

finance climat soit laquo nouvelle et additionnelle raquo par rapport agrave celle consacreacutee agrave drsquoautre objectifs de

deacuteveloppement Ces Eacutetats ont degraves lors reacuteguliegraverement plaideacute pour le cloisonnement de ces deux

theacutematiques craignant que le laquo reacutegime climat raquo ne vienne laquo polluer raquo les deacutebats relatifs au deacuteve-

loppement Or lrsquoexpeacuterience acquise en matiegravere de transparence du financement de la coopeacuteration

au deacuteveloppement pourrait profiter au deacuteveloppement de la transparence de la finance climat sans

pour autant que les fonds attribueacutes au climat ne soient amputeacutes sur ceux consacreacutes aux seconds

Si la question de lrsquoeacutevaluation de lrsquoaide au deacuteveloppement est ancienne elle a pris un tournant

nouveau agrave partir de la Deacuteclaration de Paris de 2005 sur lrsquoefficaciteacute de lrsquoaide consacrant parmi les

engagements de partenariat entre contributeurs et beacuteneacuteficiaires lrsquoobjectif de transparence de lrsquoaide

Lrsquoopeacuterationnalisation de cet engagement srsquoest acceacuteleacutereacute agrave la suite du 3e forum de haut niveau sur lrsquoef-

ficaciteacute de lrsquoaide qui srsquoest tenu agrave Accra en 2008 et au cours duquel il a eacuteteacute convenu de mettre en place

lrsquoInitiative internationale pour la transparence de lrsquoaide (IITA ou en anglais IATI ndash international aid transparency initiative) LrsquoIITA fournit aux donateurs disposeacutes agrave faire connaicirctre leurs deacutepenses

drsquoaide actuelles et futures un format commun de publication des donneacutees en temps opportun de

maniegravere comparable et fiable Les flux de financement budgets reacutesultats lieux calendriers et des-

criptifs de projet sont introduits dans un gisement de donneacutees en ligne accessible agrave tous les usagers

qui cherchent agrave savoir ougrave quand et comment lrsquoaide a eacuteteacute deacutebourseacutee

Au cours drsquoun eacutevegravenement parallegravele organiseacute en marge drsquoune neacutegociation inter-session de la CC-

NUCC agrave Bonn en 2012 plusieurs ONG ont ainsi recommandeacute que lrsquoIITA soit utiliseacutee au service de la

transparence de la finance climat37 au prix de quelques ajustements dans son fonctionnement Ces

ONG soulignaient agrave cet eacutegard que laquo given that IATI is still in its early stages there is also an opportu-nity to influence its design to accommodate issues related to climate finance from the outset whereas the costs of retrofitting IATI for climate finance needs later would be high raquo Bien que ni les travaux du

SCF ni la compilation synthegravese du Secreacutetariat ne fassent mention de lrsquoIITA cet effort drsquoajustement

semble avoir eacuteteacute reacutealiseacute puisque le fonds pour lrsquoadaptation y a adheacutereacute38

La circulation normative apparaicirct eacutegalement dans les reacutesultats du 4e forum de haut niveau

36 sect56 deacutecision 1CP2137 httpwwwodiorgsitesodiorgukfilesodi-assetsevents-documents4904pdf Voir en particulier lrsquoeacutetude des ONG Publish What You Fund et Aidinfo M Fostater laquo Towards Climate Finance Transparency raquo 2012 httpwwwpublishwhatyoufundorgfilesTowards-Cli-mate-Finance-Transparency_Finalpdf 38 httpwwwadaptation-fundorgwp-contentuploads201501AFBB19Inf_720IATI20background20documentspdf

Anne-Sophie TABAU La transparence de la finance climat

177

sur lrsquoefficaciteacute de lrsquoaide qui srsquoest tenu agrave Busan en 2014 lorsqursquoil a eacuteteacute deacutecideacute de laquo promouvoir la co-

heacuterence la transparence et la preacutevisibiliteacute de lrsquoensemble de nos approches de la finance climatique

et de la coopeacuteration au deacuteveloppement au sens large ce qui inclut de a) continuer agrave soutenir les

politiques et la planification visant agrave parer au changement climatique en tant que partie inteacutegrante

des plans nationaux de deacuteveloppement des pays en deacuteveloppement et faire en sorte ndash le cas eacutecheacuteant

ndash que ces mesures soient financeacutees mises en œuvre et suivies de faccedilon transparente via les systegravemes des pays en deacuteveloppement b) continuer agrave partager les enseignements deacutegageacutes en matiegravere drsquoefficaciteacute du deacuteveloppement avec les entiteacutes traitant des activiteacutes lieacutees au climat et faire en sorte que la coopeacute-

ration au deacuteveloppement au sens large beacuteneacuteficie aussi des innovations provenant de la finance lieacutee

au climat raquo39 Neacuteanmoins la 3e confeacuterence sur le financement du deacuteveloppement drsquoAddis-Abeba de

juillet 2015 a renvoyeacute la question de la transparence de la finance climat au laquo reacutegime climat raquo40 ne

favorisant pas lrsquoeacutetablissement de tels liens

Il nrsquoest pas exclu qursquoagrave lrsquoavenir la transparence de la finance climat beacuteneacuteficie des avanceacutees reacuteali-

seacutees au titre de la transparence de lrsquoaide au deacuteveloppement laquo en geacuteneacuteral raquo Crsquoest drsquoautant plus pro-

bable que ni la deacutecision 1CP21 ni lrsquoAccord de Paris ne mentionnent plus la neacutecessiteacute du caractegravere

laquo nouveau et additionnel raquo de la finance climat Ce silence traduit le consensus croissant autour de

lrsquoideacutee que la vulneacuterabiliteacute face aux impacts des changements climatiques doit ecirctre appreacutehendeacutee de

maniegravere contextuelle en tenant compte de consideacuterations sociales et eacuteconomiques Ainsi la finance

climat notamment en matiegravere drsquoadaptation ne doit-elle pas seulement permettre la mise en place

de solutions techniques (ex construction de digues) mais aussi augmenter la capaciteacute de reacutesilience

des socieacuteteacutes agrave travers un soutien plus large au deacuteveloppement

Ces deux exemples teacutemoignent de ce que la circulation normative de la transparence de la fi-

nance climat va au-delagrave de lrsquoeacutelaboration de normes permettant sa mise en œuvre mais concerne eacutega-

lement les contours mecircme de cette laquo meacutetanorme raquo Lrsquoanalyse nrsquoest drsquoailleurs pas exhaustive et des

reacuteflexions pourraient eacutegalement ecirctre engageacutees par exemple srsquoagissant des liens entre la transparence

de la finance climat et la lutte contre la corruption41

2) Les effets de la circulation normative

Sous leurs abords techniques ces manifestations de la circulation de la transparence de la fi-

nance climat recegravelent en reacutealiteacute des enjeux politiques importants tandis qursquoau fur et agrave mesure de

sa circulation la norme mute (21) et laisse apparaicirctre des acteurs centraux dont la leacutegitimiteacute pour

srsquoemparer de cette question globale peut ecirctre questionneacutee (22)

39 Partenariat de Busan pour une coopeacuteration efficace au service du deacuteveloppement sect34 Nous soulignons40 laquo Nous sommes conscients de la neacutecessiteacute de se doter de meacutethodes transparentes drsquoeacutetablissement de rapports sur le financement dans le domaine du climat et nous nous feacutelicitons des travaux en cours dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les change-ments climatiques raquo (sect60) LrsquoODD 13 quant agrave lui se contente de reacuteiteacuterer lrsquoobjectif de 100 milliards de dollars par an pour la finance climat mais nrsquoeacutevoque pas la question de la transparence41 httpswwwtransparencyorgprogrammesdetailcgip

La transparence de la finance climat

178

21 Les mutations de la norme

Au cours de sa circulation la laquo meacutetanorme raquo de transparence de la finance climat eacutevolue et

se preacutecise Crsquoest le cas aussi bien sur le plan substantiel agrave travers lrsquoinfluence que cette circulation

produit sur les reacutesultats de cet effort de transparence que srsquoagissant drsquoaspects proceacuteduraux Deux

questions nouvelles surgissent alors qui doit participer agrave cet effort de transparence Et pourquoi

a Sur le produit de la transparence de la finance climat

Lrsquoinformation qui reacutesulte de tout processus de transparence contribue agrave confeacuterer du pouvoir agrave

certains acteurs Degraves lors les arbitrages qui consistent agrave deacuteterminer lrsquoinformation qui doit ecirctre four-

nie sont deacutecisifs Or en matiegravere de transparence de la finance climat ces arbitrages srsquoopegraverent au fur

et agrave mesure de la circulation normative dans la mesure ougrave ils eacutetaient trop controverseacutes pour ecirctre

reacutegleacutes en amont par le laquo reacutegime climat raquo Quelques exemples le deacutemontrent de maniegravere parlante

Si les marqueurs de Rio sont tregraves largement utiliseacutes par les parties pour faire eacutetat de leur soutien

financier en faveur des pays en deacuteveloppement mais aussi par drsquoautres acteurs participant agrave lrsquoeffort

de transparence de la finance climat il faut relever que cette meacutethodologie nrsquoa pas eacuteteacute initialement

eacutelaboreacutee pour controcircler des engagements financiers mais plutocirct pour permettre la production de

donneacutees permettant de suivre lrsquointeacutegration des objectifs des Conventions de Rio au sein de la coopeacute-

ration au deacuteveloppement Degraves lors les informations qui reacutesultent de leur utilisation sont davantage

de nature qualitative que quantitative Or cela a tregraves probablement contribueacute agrave ce que lrsquoAccord de

Paris preacutevoie que lrsquoinformation transmise preacutesente ces deux dimensions lagrave ougrave les lignes directrices

actuellement applicables preacutevoient la transmission drsquoinformation principalement quantitative et lieacutee

agrave lrsquoeacutetablissement drsquoun objectif chiffreacute en matiegravere de finance climat lors du Sommet de Copenhague

Par ailleurs comme cela a deacutejagrave eacuteteacute souligneacute lrsquoexigence du caractegravere laquo nouveau et additionnel raquo

de la finance climat nrsquoapparaicirct plus dans lrsquoAccord de Paris Or il srsquoagissait lagrave drsquoun aspect que les mar-

queurs de Rio ne permettaient justement pas drsquoidentifier Degraves lors des critiques ont pu ecirctre adres-

seacutees agrave lrsquoencontre de leur utilisation dans la mesure ougrave ils ne permettaient pas drsquoeacuteviter une simple

laquo re-labeacutelisation raquo des projets de deacuteveloppement en projet climat Cela a eacuteteacute reconnu par lrsquoOCDE

elle-mecircme ce qui lrsquoa conduite finalement agrave interroger la pertinence drsquoune distinction entre finance

climat et aide publique au deacuteveloppement42 Dans son rapport drsquooctobre 2015 lrsquoOCDE a drsquoailleurs

fait lrsquoarbitrage drsquoeacuteluder cette question pour la deacutefinition de la finance climat eacutecartant de fait une

preacuteoccupation exprimeacutee par les pays beacuteneacuteficiaires degraves la confeacuterence de Rio en 1992 et systeacutemati-

quement reacuteiteacutereacutee depuis du moins jusqursquoagrave la COP 21 Lrsquoabsence de mention du caractegravere laquo nouveau

et additionnel raquo de la finance climat dans lrsquoAccord de Paris peut donc surprendre mais deux expli-

cations sont envisageables La premiegravere tient aux meacutethodes de travail et au pouvoir de persuasion

de lrsquoOCDE La seconde explication tient au jeu des concessions reacuteciproques qui gouverne toute neacute-

gociation multilateacuterale Si le laquo caractegravere nouveau et additionnel raquo nrsquoapparaicirct plus en tant que tel il

42 OECD Initial roadmap for improved DAC measurement and monitoring of external development finance DCDDAC(2013)12 2013 p 10

Anne-Sophie TABAU La transparence de la finance climat

179

est tout de mecircme indiqueacute que la mobilisation des ressources par les pays deacuteveloppeacutes au profit des

pays en deacuteveloppement doit srsquoopeacuterer laquo dans la continuiteacute de leurs obligations au titre de la Conven-

tion raquo43 Par ailleurs lrsquoaccent est mis sur la laquo progression par rapport aux efforts anteacuterieurs raquo44 et

sur lrsquolaquo eacutequilibre entre lrsquoadaptation et lrsquoatteacutenuation raquo45 qui constituaient deux autres revendications

centrales des parties beacuteneacuteficiaires mecircme si ces expressions peuvent encore faire lrsquoobjet drsquointerpreacute-

tations divergentes

Ainsi lrsquoAccord de Paris ne deacutefinit pas preacuteciseacutement les projets susceptibles drsquoentrer dans la cateacute-

gorie de ceux financeacutes au titre de lrsquoadaptation Or sur ce point eacutegalement la circulation normative a

abouti agrave certains arbitrages que ce soit de la part de lrsquoOCDE ou de la part des banques multilateacuterales

de deacuteveloppement Plus exactement si les marqueurs de Rio et lrsquoinitiative des banques multilateacuterales

de deacuteveloppement adoptent une deacutefinition comparable de lrsquoadaptation les deux meacutethodologies dif-

fegraverent sur certains points importants46 La seconde exige en effet plus de documentation et drsquoanalyse

avant qursquoun projet ne soit consideacutereacute comme deacutedieacute agrave lrsquoadaptation au changement climatique tout

drsquoabord le contexte de chaque programme ou projet est eacutetabli en termes de risques de vulneacuterabiliteacutes

et drsquoimpacts lieacutes au changement climatique ensuite chaque programme ou projet est analyseacute agrave par-

tir de son intention de prendre en charge ces risques vulneacuterabiliteacutes et impacts enfin un lien direct

entre les risques vulneacuterabiliteacutes et impacts identifieacutes et les activiteacutes financeacutees par le programme ou le

projet doit ecirctre eacutetabli Degraves lors lrsquoapproche retenue par les banques multilateacuterales de deacuteveloppement

est plus restrictive que celle adopteacutee par lrsquoOCDE ce qui ne correspond pas agrave la logique de lrsquoinflexion

politique consentie par les pays en deacuteveloppement quant au caractegravere laquo nouveau et additionnel raquo

de la finance climat

b Sur le processus mecircme de la transparence de la finance climat

La transparence eacutetant un mode de gouvernance en soi47 le processus importe presqursquoautant en

lui-mecircme que les reacutesultats auxquels il aboutit La deacutetermination des acteurs qui doivent ecirctre trans-

parents et celle de lrsquoobjectif poursuivi par cette transparence confegraverent toute sa justification et son

inteacuterecirct au processus Or sur ces points fondamentaux eacutegalement il est possible de constater que la

circulation de la transparence de la finance climat conduit agrave certaines eacutevolutions par rapport agrave ce qui

eacutetait initialement envisageacute par le laquo reacutegime climat raquo

Le systegraveme des marqueurs de Rio a toujours souleveacute des difficulteacutes les Eacutetats membres de lrsquoOC-

DE ne les appliquant pas de la mecircme maniegravere pour cateacutegoriser les projets Cela ne deacuterive pas tant

drsquoune lacune du systegraveme en lui-mecircme que drsquoune dispariteacute dans son application agrave travers les pays

membres de lrsquoOCDE Drsquoailleurs le SCF a reconnu qursquoil y avait une marge drsquointerpreacutetation dans la

faccedilon dont les marqueurs de Rio sont appliqueacutes laissant certes une certaine flexibiliteacute mais pouvant

43 Article 9(1) de lrsquoAccord de Paris44 Article 9(3) de lrsquoAccord de Paris45 Article 9(4) de lrsquoAccord de Paris46 Pour une analyse deacutetailleacutee voir OECD OECD workshop with international financial institutions (IFIS) on tracking climate finance DC-DM(2013)1 201347 A Peters laquo The Transparency Turn of International Law raquo op cit

La transparence de la finance climat

180

eacutegalement conduire agrave des difficulteacutes en termes de comparaison entre les donneacutees des diffeacuterents fi-

nanceurs48 LrsquoOCDE elle-mecircme reconnaicirct eacutegalement que la meacutethodologie des marqueurs de Rio ne

permet pas de comparer et de syntheacutetiser les donneacutees provenant des diffeacuterents donateurs Degraves lors

la circulation de la transparence de la finance climat aboutit agrave preacuteciser lrsquoambition des objectifs de

la transparence de la finance climat LrsquoAccord de Paris reflegravete cette difficulteacute en indiquant que laquo le

cadre de transparence de lrsquoappui vise (hellip) dans la mesure du possible une vue drsquoensemble de lrsquoappui

financier global fourni pour eacutetayer le bilan mondial raquo49

Plus encore un autre parti pris du rapport de lrsquoOCDE drsquooctobre 2015 est de ne pas avoir deacutetailleacute

les contributions individuelles de chaque partie deacuteveloppeacutee ni drsquoailleurs identifieacute les beacuteneacuteficiaires

individuellement Or cet enseignement de la circulation normative transparaicirct eacutegalement dans lrsquoAc-

cord de Paris qui ne fixe qursquoun engagement collectif en matiegravere de finance climat et ce bien que le

cadre de la transparence de lrsquoappui vise tout de mecircme laquo agrave donner une image claire de lrsquoappui fourni

et de lrsquoappui reccedilu par chaque Partie raquo Il ne srsquoagira donc probablement pas de surveiller lrsquoatteinte

drsquoun engagement individuel comme cela aurait pourtant eacuteteacute justifieacute si le raisonnement suivi avait

eacuteteacute proche drsquoune logique de responsabiliteacute individuelle

La circulation de la transparence de la finance climat a eacutegalement permis de reacuteveacuteler que celle-ci

supposait lrsquoimplication proactive des agences multilateacuterales par lesquelles transitent une partie de

ces fonds50 Si les fonds multilateacuteraux qui font partie du meacutecanisme financier du laquo reacutegime climat raquo

sont drsquoores et deacutejagrave tenus de faire un rapport reacutegulier agrave la COP sur les ressources mobiliseacutees et deacute-

penseacutees la faccedilon dont ces rapports sont eacutetablis nrsquoest pas harmoniseacutee Par exemple seul le fonds

pour lrsquoadaptation utilise le systegraveme de lrsquoIITA Par ailleurs une partie de la finance climat transite

par drsquoautres fonds qui fonctionnent de maniegravere indeacutependante de la COP Or leur politique de trans-

parence varie eacutegalement Enfin certaines institutions financiegraveres internationales comme la Banque

mondiale gegraverent agrave la fois des fonds qui leurs sont propres et agissent en tant qursquoentiteacute opeacuteration-

nelle drsquoautres fonds relieacutes au laquo reacutegime climat raquo comme le Fonds vert pour le climat Or les donneacutees

communiqueacutees par ces institutions financiegraveres dont lrsquoactiviteacute va de surcroicirct au-delagrave de la lutte

contre les changements climatiques concernent lrsquoensemble de ces sources de financement rendant

difficile la dissociation de ces flux mecircleacutes ce qui peut conduire agrave les compter plusieurs fois Lors de

son exercice de synthegravese sur les meacutethodologies existantes en matiegravere de rapport sur la finance cli-

mat le Secreacutetariat du laquo reacutegime climat raquo a releveacute que laquo Since MDBs and other multilateral financial institutions do not report under the Convention many Parties proposed that these institutions be invited in order to provide clarity on data information on how general contributions by Parties were used for climate activities in developing countries In this regard one Party proposed to request a relevant Con-vention body to collaborate with these institutions so as to discuss the development of an appropriate reporting avenue raquo51 Si cette proposition nrsquoa pas trouveacute drsquoeacutecho dans lrsquoAccord de Paris elle pourrait

neacuteanmoins ecirctre suivie agrave lrsquoavenir

48 SCF Biennial Assessment and Overview of Climate Finance Flows report 201449 Article 13(6) de lrsquoAccord de Paris Nous soulignons50 httpwwwodiorgsitesodiorgukfilesodi-assetspublications-opinion-files9359pdf 51 FCCCTP20152 sect74

Anne-Sophie TABAU La transparence de la finance climat

181

22 Lrsquoeacutemergence drsquoacteurs centraux en dehors du laquo reacutegime climat raquo

Si lrsquoAccord de Paris a confirmeacute la tendance du laquo reacutegime climat raquo agrave brouiller les cateacutegories de

parties agrave travers des laquo contributions deacutetermineacutees au niveau national raquo en matiegravere de finance cli-

mat la distinction traditionnelle entre pays deacuteveloppeacutes et pays en deacuteveloppement a eacuteteacute globalement

maintenue Cela transparaicirct notamment en matiegravere de transparence dans la mesure ougrave seuls les

pays deacuteveloppeacutes sont tenus de faire eacutetat de leur soutien verseacute ou preacutevu Si un pays en deacuteveloppement

entend participer au soutien financier il devra eacutegalement se soumettre agrave cet effort de transparence

Les beacuteneacuteficiaires quant agrave eux sont clairement identifieacutes comme eacutetant les pays en deacuteveloppement et

en particulier les plus vulneacuterables Or la circulation de la transparence de la finance climat reacutevegravele

des acteurs au cœur du processus normatif en la matiegravere (a) dont lrsquoautoriteacute la leacutegitimiteacute et lrsquoaccoun-

tability doivent ecirctre examineacutes compte tenu de ce contexte (b)

a Les acteurs de la transparence de la finance climat reacuteveacuteleacutes par la circulation normative

A lrsquoimage de la gouvernance de la finance climat elle-mecircme52 lrsquoanalyse de la circulation nor-

mative de la laquo meacutetanorme raquo de transparence de la finance climat reacutevegravele que la gouvernance de cette

transparence est fragmenteacutee multi-niveaux et non hieacuterarchiseacutee Il semble donc pertinent de parler

agrave cet eacutegard de laquo complexe de reacutegimes raquo53 de la transparence de la finance climat

En effet tout drsquoabord la gouvernance de la transparence climat est fragmenteacutee dans la mesure

ougrave de nombreuses entiteacutes sont impliqueacutees dans la deacutefinition des lignes directrices et autres meacutethodo-

logies mais aussi dans la gestion des bases de donneacutees permettant cette transparence En outre sur

le plan juridique la nature de ces diffeacuterentes entiteacutes au titre du droit international varie et demeure

de surcroicirct dans certain cas incertaine Par exemple il nrsquoest pas sucircr que les fonds multilateacuteraux en

matiegravere climatique puissent tous ecirctre qualifieacutes drsquoorganisation internationale doteacutee drsquoune personna-

liteacute juridique La gouvernance de la transparence de la finance climat est eacutegalement multi-niveaux

dans la mesure ougrave les institutions impliqueacutees appartiennent agrave la fois agrave lrsquoordre juridique interne et

international Enfin cette derniegravere caracteacuteristique est lieacutee au caractegravere non hieacuterarchiseacute de la gouver-

nance de la transparence de la finance climat Autrement dit il nrsquoy a pas veacuteritablement drsquoautoriteacute

centrale deacuteleacuteguant de maniegravere coheacuterente et rationnelle les pouvoirs exeacutecutifs en la matiegravere ou les

fonctions entre les diffeacuterentes entiteacutes impliqueacutees

Il en reacutesulte trois pheacutenomegravenes Tout drsquoabord on constate un chevauchement fonctionnel entre

les institutions impliqueacutees Par exemple le travail de compilation-synthegravese est effectueacute agrave la fois par

le SCF et lrsquoOCDE la deacutefinition des projets compris dans le financement de lrsquoadaptation eacutemane agrave la

fois des banques multilateacuterales de deacuteveloppement et de lrsquoOCDE etc Or une telle intersection entre

52 L Boisson de Chazournes laquo Is There Room for Coherence in Climate Financial Assistance raquo Laws vol 4 2015 541-55853 RO Keohane DG Victor laquo The Regime Complex for Climate Change raquo Perspectives on Politics vol 9 ndeg 1 2011 pp 7-23 A Orsini JF Morin O Young laquo Regime Complexes A Buzz a Boom or a Boost for Global Governance raquo Global Governance A Review of Multilat-eralism and International Organization vol 19 ndeg 1 pp 27-39

La transparence de la finance climat

182

les compeacutetences de ces institutions ne favorise pas forceacutement lrsquoeacutemergence de regravegles communes mais

peut au contraire aboutir agrave la coexistence de regravegles contradictoires ou empecircchant la communica-

tion drsquoune information compreacutehensible par les beacuteneacuteficiaires Plus encore le complexe de reacutegimes

de la transparence de la finance climat comprend des acteurs impliqueacutes dans la deacutefinition des lignes

directrices et meacutethodologies en la matiegravere qui jouent eacutegalement un rocircle dans la fourniture de la fi-

nance climat Ces acteurs exercent degraves lors un rocircle double faisant apparaicirctre un cumul de pouvoirs

renforccedilant la place de ces institutions dans le complexe de reacutegimes En particulier les banques multi-

lateacuterales de deacuteveloppement drsquoautres institutions financiegraveres reacutegionales le PNUE ou encore le PNUD

sont agrave la fois des agences de mise en œuvre (implementing agencies) des diffeacuterents fonds climat et agrave

lrsquoorigine des modaliteacutes de deacutefinition et de rapport des flux financiers en matiegravere de climat Si un tel

modegravele peut favoriser une certaine inteacutegration et flexibiliteacute entre les acteurs en mecircme temps il peut

geacuteneacuterer des conflits drsquointeacuterecirct Enfin la majoriteacute des institutions impliqueacutees dans la deacutefinition des

modaliteacutes de transparence de la finance climat ne sont pas speacutecifiquement deacutedieacutees agrave la gouvernance

des changements climatiques mais incluent dans leur mandat cette question au sein drsquoautres preacuteoc-

cupations se rapportant plus largement au deacuteveloppement

En fin de compte ce bref panorama teacutemoigne de ce que la structure institutionnelle actuelle en

matiegravere de transparence de la finance climat srsquoinscrit dans un modegravele pluraliste au sein duquel le

droit international speacutecial ndash crsquoest agrave dire les traiteacutes internationaux en matiegraveres de climat ou eacutetablis-

sant des organisations internationales - interagit avec drsquoautres systegravemes normatifs qui incluent le

droit deacuteriveacute de certaines institutions internationales et des normes administratives nationales Tan-

dis que le fondement normatif peut ecirctre identifieacute au sein des traiteacutes internationaux relatifs au climat

leur mise en œuvre est de fait deacuteleacutegueacutee agrave des institutions internationales de diffeacuterentes sortes et agrave

des entiteacutes nationales agissant agrave travers des moyens internationaux (ex accords bilateacuteraux de coo-

peacuteration internationale) ou transnationaux

Or ces institutions agissent en prioriteacute agrave travers leurs propres regraveglementations et beacuteneacuteficient

drsquoune importante marge de manœuvre sur des questions sensibles politiquement comme la deacutefini-

tion du peacuterimegravetre de la finance climat Cela srsquoexplique en raison de la faiblesse des obligations in-

ternationales en la matiegravere et du caractegravere tregraves geacuteneacuteral des lignes directrices eacutetablies par le laquo reacutegime

climat raquo selon un processus impliquant plus classiquement les Eacutetats par voie de consensus

Dans ce paysage tregraves fragmenteacute heacuteteacuterogegravene et deacutesorganiseacute lrsquoOCDE semble toutefois consti-

tuer aujourdrsquohui lrsquoun des plus importants forums de discussion et drsquoexercice de la transparence de

la finance climat Drsquoailleurs le DAC ne srsquoen cache pas au contraire laquo A main objective of the Secre-tariatrsquos work on climate finance is to make the Development Assistance Committeersquos Rio markers the methodological reference point and main source of high-quality data for monitoring progress against international commitments to address climate change raquo54

54 OECD Initial roadmap for improved DAC measurement and monitoring op cit p 7

Anne-Sophie TABAU La transparence de la finance climat

183

Ainsi et bien qursquoil puisse paraicirctre inapproprieacute de penser la gouvernance globale en termes de

centraliteacute dans la mesure ougrave le principe mecircme de la gouvernance est de reposer non pas sur la cen-

tralisation et la hieacuterarchie mais sur une neacutebuleuse de meacutecanismes de reacutegulation lrsquoOCDE apparaicirct bel

et bien comme un nœud de la circulation de la transparence de la finance climat En drsquoautres termes

crsquoest un lieu ougrave se rencontrent les diffeacuterentes manifestations de cette circulation normative

En effet en deacutepit des lacunes identifieacutees tout drsquoabord les marqueurs de Rio eacutelaboreacutes par lrsquoOC-

DE sont non seulement utiliseacutes par une majoriteacute de parties viseacutees agrave lrsquoannexe II pour faire eacutetat au

laquo reacutegime climat raquo de leur soutien financier au pays en deacuteveloppement mais aussi par exemple

par le PNUD pour lrsquoexamen des deacutepenses publiques climatiques En outre lrsquoOCDE et les banques

multilateacuterales de deacuteveloppement coopegraverent afin de faire converger leurs meacutethodologies respectives

drsquoeacutevaluation de la finance climat Crsquoest encore sous les auspices de lrsquoOCDE qursquoa eacuteteacute constitueacutee la re-

cherche collaborative sur le suivi de la finance climat priveacutee Qui plus est lrsquoOCDE participe depuis

lrsquoorigine aux efforts de transparence de lrsquoaide au deacuteveloppement et a eacutelaboreacute avec lrsquoIITA un standard

commun reprenant les bonnes pratiques en matiegravere de notification et de publication des donneacutees55

LrsquoOCDE travaille eacutegalement en relation avec le G20 sur la question de la transparence des subven-

tions aux eacutenergies fossiles

Ce constat ne doit pas pour autant laisser entendre que lrsquoOCDE est la seule enceinte dans la-

quelle srsquoeacutelaborent les normes en matiegravere de transparence de la finance climat Elle est drsquoailleurs clai-

rement concurrenceacutee par drsquoautres acteurs sans doute mieux armeacutes en raison de leurs fonctions opeacute-

rationnelles comme les banques multilateacuterales de deacuteveloppement Il nrsquoen demeure pas moins que

lrsquoOCDE semble jouer un rocircle utile en prenant la place inoccupeacutee de laquo connecteur raquo dans le reacuteseau

de gouvernance de la transparence de la finance climat

b Des doutes sur la leacutegitimiteacute de lrsquoOCDE en tant qursquoacteur central agrave la question de lrsquoaccountability en matiegravere climatique

Ces systegravemes et meacutethodologies deacuteveloppeacutes sous les auspices de lrsquoOCDE sont indeacuteniablement

importants pour donner corps agrave la laquo meacutetanorme raquo de transparence de la finance climat

Neacuteanmoins la leacutegitimiteacute de lrsquoOCDE qui est essentiellement une organisation reacuteunissant les

pays donateurs pour deacutefinir ce qui doit ecirctre pris en compte agrave cet eacutegard peut precircter agrave la controverse

du moins si cette transparence de la finance climat vise lrsquoobjectif de renforcer la confiance entre les

parties agrave la CCNUCC dans la mesure ougrave les pays beacuteneacuteficiaires se trouvent de facto exclus de ces dis-

cussions

Au-delagrave lrsquoOCDE nrsquoa pas de lien laquo officiel raquo ou institutionnaliseacute en dehors de son statut

drsquoobservateur avec le laquo reacutegime climat raquo contrairement par exemple aux banques multilateacuterales de

55 Ce standard commun combine trois systegravemes et meacutecanismes compleacutementaires le Systegraveme de notification des pays creacuteanciers (SNPC) du CAD et lrsquoEnquecircte sur les deacutepenses preacutevisionnelles ndash deux instruments de notification de lrsquoOCDE qui centralisent des donneacutees statistiques deacutetailleacutees ndash et lrsquoInitiative internationale pour la transparence de lrsquoaide systegraveme ougrave srsquoaffichent les notifications agrave un registre fournissant les donneacutees courantes sur la gestion des activiteacutes des donneurs

La transparence de la finance climat

184

deacuteveloppement qui sont les administrateurs ou encore les entiteacutes opeacuterationnelles de certains fonds

du meacutecanisme financier du laquo reacutegime climat raquo

Enfin ce rocircle laquo drsquoorchestrateur raquo56 a eacuteteacute donneacute par la CCNUCC au SCF que lrsquoOCDE vient fina-

lement remplacer dans son mandat comme en teacutemoigne drsquoailleurs la deacutemarche des preacutesidents de la

COP 20 et de la COP 21 consistant agrave se tourner vers elle plutocirct que vers lui quand il srsquoest agi de faire

un bilan dans lrsquourgence sur lrsquoeacutetat de la finance climat afin drsquoeacuteviter un eacutechec agrave Paris

Si diffeacuterentes raisons expliquent lrsquoattractiviteacute de lrsquoOCDE comme site de gouvernance de la trans-

parence de la finance climat (son organisation ses meacutethodes de travail ses fonctions ou encore la

pertinence de ses travaux)57 la question meacuterite drsquoecirctre poseacutee ndash et lrsquoa drsquoailleurs eacuteteacute par certains Eacutetats58

ndash de savoir si cette Organisation qui ne reacuteunit que 34 Eacutetats peut preacutetendre organiser ou mecircme seule-

ment orchestrer une question non seulement globale mais qui est de surcroicirct fortement empreinte

drsquoenjeux opposant pays en deacuteveloppement et pays deacuteveloppeacutes sur fond de consideacuterations lieacutees agrave la

justice climatique agrave lrsquoeacutequiteacute ou encore agrave la responsabiliteacute en somme agrave lrsquoaccountablity

Certes lrsquoOCDE nrsquoimpose rien agrave qui ne figure pas parmi ses membres ou agrave qui nrsquoadhegravere pas

volontairement agrave ses prescriptions normatives lesquelles prennent drsquoailleurs geacuteneacuteralement simple-

ment la forme de recommandations Toutefois la leacutegitimiteacute de lrsquoOCDE en matiegravere de transparence de

la finance climat ne pose pas simplement la question de savoir si elle exerce ses pouvoirs agrave lrsquoeacutegard

de ceux qui lui en ont donneacute le mandat Elle peut eacutegalement ecirctre envisageacutee du point de vue de ceux

qui beacuteneacuteficient de cette laquo alieacutenation volontaire de liberteacute raquo

Or agrave cet eacutegard lrsquoOCDE peut-elle preacutetendre agrave une leacutegitimiteacute sinon politique du moins fonc-

tionnelle En drsquoautres termes les modes collaboratifs de production des standards deacuteveloppeacutes par

lrsquoOCDE en matiegravere de transparence de la finance climat leur qualiteacute et leur caractegravere objectif per-

mettent-ils drsquoasseoir la leacutegitimiteacute de lrsquoOCDE en tant qursquoacteur central du reacuteseau normatif en matiegravere

de transparence de la finance climat en favorisant lrsquoaccountability dans ce domaine

Cela ne pourra ecirctre eacutevalueacute qursquoagrave terme au regard de lrsquoinfluence normative qursquoelle saura impul-

ser sur le laquo reacutegime climat raquo en favorisant non pas seulement lrsquoameacutelioration de la transparence de

la finance climat59 mais aussi lrsquoaugmentation de cette finance climat par exemple en eacutetablissant des

liens entre la finance climat et la transparence des subventions aux eacutenergies fossiles sans pour au-

tant que cela nrsquoaboutisse agrave reacuteduire les efforts poursuivant drsquoautres objectifs de deacuteveloppement en

continuant de soutenir la transparence de lrsquoaide au deacuteveloppement

Conclusion

Le complexe de reacutegimes climat confirme lrsquoexistence drsquoune norme de transparence dont les theacuteo-

riciens du droit administratif global avaient poseacute lrsquohypothegravese Dans le cadre du complexe de reacutegimes

climat cette norme de transparence peut ainsi servir de critegravere drsquoappreacuteciation du processus deacuteci-

56 KW Abbott and al International Organizations as Orchestrators Cambridge University Press 2015 450p57 Voir N Bonucci J-M Thouvenin laquo LrsquoOCDE site de gouvernance globale raquo in SFDI Le pouvoir normatif de lrsquoOCDE Paris Pedone 2013 pp 28-3458 Voir en particulier la position critique de lrsquoInde et le document de discussion D Dasgupta Analysis of a Recent OECD Report Some Credible Facts Needed Climate Change Finance Unit Department of Economic Affairs Ministry of Finance Government of India 2015 15p59 Pour une synthegravese de ces efforts drsquoadaptation des marqueurs de Rio voir la contribution de lrsquoOCDE au SCF httpunfccc int lesdo-cumentationsubmissions_from_ observersapplicationpdf500pdf

Anne-Sophie TABAU

185

sionnel des engagements et de leur mise en œuvre60 Le caractegravere relativement indeacutefini du contenu

et de la nature de cette norme qui reacutepond neacuteanmoins agrave des attentes sociales fortes face agrave la gouver-

nance globale semble favoriser sa diffusion dans le complexe de reacutegimes climat

Pour appreacutecier les effets de cette circulation normative il srsquoest aveacutereacute particuliegraverement inteacuteres-

sant de se pencher plus en deacutetails sur lrsquoexpression de cette norme en matiegravere de finance climat dans

la mesure ougrave la circulation du principe de la transparence de la finance climat nrsquoa pas produit les

mecircmes conseacutequences que la circulation de ses modaliteacutes drsquoapplication

En effet drsquoune part la circulation du principe de la transparence permet de reacuteveacuteler les poten-

tialiteacutes de la norme appliqueacutee agrave la finance climat Ainsi la transparence de la finance climat a in-

duit une comparaison entre la finance climat et la finance deacutedieacutee aux eacutenergies fossiles ou agrave lrsquoaide

publique au deacuteveloppement rendant plus objective la pression pour que les financements soient

affecteacutes au climat sans pour autant que cela conduise agrave neacutegliger drsquoautres enjeux de deacuteveloppement

Il srsquoagit lagrave drsquoune manifestation de la deacutefragmentation du droit international qui ne deacuterive pas drsquoun

support juridique unifiant mais qui demeure impulseacutee par une exigence relativement souple issue

du laquo reacutegime climat raquo Cette deacutefragmentation nrsquoen est pas moins susceptible de produire des impacts

(juridiques politiques ou sociaux) dans la mesure ougrave la circulation du principe de la transparence

met en eacutevidence une coheacuterence mateacuterielle drsquoun ensemble de normes drsquoorigines et de nature varieacutees

vis-agrave-vis drsquoun ensemble homogegravene de destinataires et drsquoutilisateurs

Toutefois drsquoautre part degraves lors que le principe de transparence de la finance climat est rendu

opeacuterationnel les choix effectueacutes par les acteurs les plus influents (OCDE banques multilateacuterales

de deacuteveloppement) ndash en raison de leur anticipation drsquoun besoin normatif de leur expertise ou en-

core de leur force de persuasion ndash se diffusent eacutegalement Lrsquoeacutetude de cette circulation permet ainsi

de mettre en eacutevidence le processus drsquoeacutelaboration drsquoune norme complexe (ie en lrsquooccurrence celle

permettant la transparence de la finance climat) crsquoest-agrave-dire une norme composeacutee drsquoune succession

ou drsquoune juxtaposition de normes et les acteurs qui y jouent un rocircle central Or ces acteurs ne sont

pas neacutecessairement ceux qursquoune approche statique du droit international reconnaicirct comme les laquo leacute-

gislateurs raquo globaux soulevant des questions en termes de leacutegitimiteacute drsquoautoriteacute et drsquoaccountability

Plus largement lrsquoidentification des eacutetapes drsquoeacutelaboration drsquoune norme complexe que permet lrsquoeacutetude

de la circulation normative contribue agrave mieux appreacutecier la rationaliteacute de la norme produite ce qui

est utile agrave la fois pour son interpreacutetation et son appreacuteciation critique

Au-delagrave du complexe de reacutegimes climat ces conclusions sont inteacuteressantes pour laquo deacute-complexi-

fier raquo et donc mieux appreacutecier la gouvernance globale Elles tendent agrave souligner la pertinence drsquoune

approche dynamique des normes internationales en reacuteveacutelant leur caractegravere global (au-delagrave des Eacutetats)

mais aussi quant agrave la capaciteacute de cette circulation normative agrave deacute-fragmenter le droit international

et mieux identifier les contours drsquoun complexe de reacutegimes

60 A-S Tabau laquo Evaluation de lrsquoAccord de Paris agrave lrsquoaune drsquoune norme globale de transparence raquo RJE ndeg 1 2016

La transparence de la finance climat

186

187

Chapitre 4Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du

meacutecanisme de plainte du Fonds Vert pour le Climat

Vanessa Richard1

Deacutecideacute lors de la 16e Confeacuterence des Parties (COP) agrave la Convention-cadre des Nations Unies sur

le Changement Climatique (CCNUCC) agrave Cancuacuten en 20102 et creacuteeacute par la COP17 agrave Durban en 2011 le

Fonds Vert pour le Climat (FVC) est une organisation internationale agrave part entiegravere destineacutee agrave centra-

liser des financements additionnels afin laquo drsquoassurer le fonctionnement du meacutecanisme financier de la

Convention conformeacutement agrave lrsquoarticle 11 de celle-ci (hellip) pour soutenir des projets des programmes

des politiques et drsquoautres activiteacutes dans les pays en deacuteveloppement parties raquo3 Le FVC

laquo [d]ans lrsquooptique du deacuteveloppement durable (hellip) œuvre en faveur drsquoun nouveau paradigme

orienteacute vers des modes de deacuteveloppement agrave faible taux drsquoeacutemission et favorisant la reacutesilience face au

climat en offrant aux pays en deacuteveloppement un appui dans leur action visant agrave limiter ou reacuteduire

leurs eacutemissions de gaz agrave effet de serre et agrave srsquoadapter aux incidences des changements climatiques

compte tenu des besoins de ceux qui sont particuliegraverement exposeacutes aux effets neacutefastes de ces chan-

gements raquo4

Lrsquolaquo Instrument reacutegissant le Fonds vert pour le climat raquo preacutevoit que le Board (le Conseil) du FVC

laquo convient de principes et de normes fiduciaires tireacutes des meilleures pratiques les adopte et

veille agrave leur application aux entiteacutes du Fonds agrave la fonction drsquoadministrateur lieacutee au Fonds ainsi qursquoagrave

lrsquoensemble des activiteacutes projets et programmes financeacutes par le Fonds y compris les entiteacutes chargeacutees

de la mise en œuvre [hellip et convient de] garanties environnementales et sociales tireacutees des meilleures

pratiques et les adopte ces garanties sont appliqueacutees agrave tous les programmes et projets financeacutes agrave

lrsquoaide des ressources du Fonds raquo5

Afin de veacuterifier que les normes fiduciaires et les garanties environnementales et sociales sont

bien appliqueacutees le Board doit creacuteer laquo un meacutecanisme de recours indeacutependant qui lui rend des comptes

Ce meacutecanisme reccediloit les plaintes se rapportant au fonctionnement du Fonds procegravede agrave une eacutevalua-

tion et formule des recommandations raquo6

1 Chargeacutee de recherche au CNRS Aix-Marseille Universiteacute Universiteacute de Toulon CNRS UMR DICE Aix-en-Provence France Princi-pal Investigator du projet International Grievance Mechanisms and International Law amp Governance (IGMs) httpwwwigms-projectorg La recherche preacutesenteacutee ici a eacuteteacute financeacutee par le Conseil europeacuteen de la recherche dans le cadre du 7e Programme Cadre de lrsquoUnion europeacuteenne (FP2007-2013) ERC Grant Agreement ndeg 3125142 Deacutecision 1CP16 laquo Accords de Cancuacuten raquo sect1023 Deacutecision 3CP17 laquo Mise en place du Fonds vert pour le climat raquo sect34 Ibid Annexe laquo Instrument reacutegissant le Fonds vert pour le climat raquo sect25 Ibid sectsect 63 et 656 Ibid sect69

Vanessa RICHARD

188

La mise en place drsquoun tel meacutecanisme de plainte srsquoappuie sur une pratique de plus en plus reacute-

pandue au sein des institutions internationales et nationales financcedilant le deacuteveloppement consistant

agrave creacuteer des meacutecanismes drsquoaccountability (de laquo rendre des comptes raquo) faits sur mesure pour ce type

drsquoinstitutions et leurs activiteacutes Depuis 1993 et la creacuteation du Panel drsquoinspection de la Banque mon-

diale lrsquoideacutee drsquoinstituer des meacutecanismes de plainte non-juridictionnels au sein des banques multila-

teacuterales de deacuteveloppement (BMD) a en effet fait floregraves Ils sont communeacutement deacutesigneacutes sous le sigle

IAMs (pour International Accountability Mechanisms) Le Groupe Banque mondiale a mis en place

deux IAMs le Panel drsquoinspection pour les projets publics recevant le soutien de la Banque Interna-

tionale pour la Reconstruction et le Deacuteveloppement (BIRD) et de lrsquoAgence Internationale de Deacuteve-

loppement (AID) et le Compliance Advisor Ombudsman (CAO) creacuteeacute en 1999 pour les projets priveacutes

soutenus par la Socieacuteteacute Financiegravere Internationale (SFI) et lrsquoAgence Multilateacuterale de Garantie des In-

vestissements (AMGI) La Banque Interameacutericaine de Deacuteveloppement (BID) a creacuteeacute en 1994 un Meacuteca-

nisme Indeacutependant drsquoInspection remplaceacute en 2010 par le MICI (Mecanismo Independiente de Consul-ta e Investigacioacuten) La Banque Asiatique de Deacuteveloppement (ADB) a creacuteeacute une Fonction drsquoInspection

en 1995 remplaceacutee par un Accountability Mechanism (AM) depuis 2003 La Banque Europeacuteenne pour

la Reconstruction et le Deacuteveloppement (BERD) a institueacute un Meacutecanisme de Recours Indeacutependant en

2003 remplaceacute par le Meacutecanisme de Recours sur les Projets (PCM pour Project Complaint Mecha-nism) en 2010 Le Groupe Banque Africaine de Deacuteveloppement (BAfD) a creacuteeacute un Meacutecanisme Indeacute-

pendant drsquoInspection (MII) confieacute agrave lrsquoUniteacute de veacuterification de la conformiteacute et de meacutediation (CRMU

pour Compliance Review and Mediation Unit) en 2004 La Banque Europeacuteenne drsquoInvestissement (BEI)

a creacuteeacute son Meacutecanisme de Traitement des Plaintes (MTP) en 2008hellip On peut encore ajouter agrave cette

liste non-exhaustive la combinaison de lrsquoUniteacute chargeacutee du Respect des Normes sociales et environ-

nementales (URNES) avec le Meacutecanisme de Reacuteponse aux Parties prenantes (MRPP) creacuteeacutes par le

Programme des Nations Unies pour le Deacuteveloppement (PNUD) fin 2014 la creacuteation en 2003 par la

Banque Japonaise pour la Coopeacuteration Internationale (JBIC) drsquoun Examiner for Environmental Gui-delines la creacuteation la mecircme anneacutee par la Nippon Export and Investment Insurance (NEXI lrsquoagence de

creacutedit agrave lrsquoexportation du Japon) des Objection and Consultation Procedures on Guidelines of Environ-mental and Social Considerations in Trade Insurance la creacuteation en 2005 par la Overseas Private In-vestment Corporation (OPIC lrsquoagence de financement du deacuteveloppement des Eacutetats-Unis) drsquoun Office of Accountabilityhellip

Lrsquoun des rocircles des meacutecanismes drsquoaccountability des banques de deacuteveloppement est drsquoeacutevaluer agrave

la requecircte des personnes affecteacutees ou susceptibles drsquoecirctre affecteacutees par les activiteacutes de la banque la

conformiteacute du comportement de la banque vis-agrave-vis de ses propres regravegles internes (par exemple ses

politiques ou proceacutedures relatives agrave la diffusion de lrsquoinformation aux eacutetudes drsquoimpact environne-

mental et social aux droits des peuples autochtones etc) Ces politiques et proceacutedures opeacuteration-

nelles ne srsquoimposent pas aux Eacutetats ou entreprises emprunteurs mais au personnel de la banque (le

Management) et deacutefinissent un standard de comportement dans le processus deacutecisionnel relatif agrave

lrsquooctroi drsquoune assistance Dans lrsquohypothegravese ougrave il est constateacute que la banque a manqueacute agrave ses regravegles

internes il nrsquoen deacutecoule aucune responsabiliteacute juridique qui lui serait attribuable Le meacutecanisme

drsquoaccountability vise agrave donner la possibiliteacute drsquoadopter des mesures correctives afin de permettre au

projet de deacuteveloppement de se poursuivre dans de meilleures conditions Lrsquoobjectif nrsquoest donc pas

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

189

de constater lrsquoexistence de faits internationalement illicites et drsquoactionner une responsabiliteacute inter-

nationale Lrsquoun des traits les plus caracteacuteristiques de lrsquoaccountability des banques de deacuteveloppement

est qursquoelle se polarise non pas sur la violation drsquoune regravegle juridique mais sur le dommage actuel ou

potentiel Il nrsquoest degraves lors guegravere eacutetonnant qursquoagrave lrsquoexception du Panel drsquoinspection de la Banque mon-

diale7 les autres meacutecanismes drsquoaccountability articulent la proceacutedure de veacuterification de conformiteacute agrave

une proceacutedure dite laquo de reacutesolution des problegravemes raquo (problem-solving)

De faccedilon geacuteneacuterale les IAMs remplissent trois rocircles

- ils eacutevaluent sur requecircte des personnes affecteacutees ndash ou susceptibles drsquoecirctre affecteacutees ndash par les

activiteacutes de la banque le respect par le Management de la banque de ses propres regravegles internes

crsquoest-agrave-dire le respect de ses politiques et proceacutedures Dans lrsquohypothegravese ougrave le Management ne les

aurait pas respecteacutees cela nrsquoentraicircne pas la responsabiliteacute juridique de la banque mais elle doit

adopter des mesures correctives

- ils offrent une possibiliteacute de reacuteparation (au sens de redress) pour les impacts environnemen-

taux et sociaux baseacutee sur une approche de reacutesolution des problegravemes tailleacutee sur mesure pour les

parties prenantes utilisant des techniques comme la constatation de faits (fact-finding) la meacute-

diation la consultation la neacutegociationhellip Le MII de la BAfD et le MICI de lrsquoIDB8 excepteacutes lrsquoaccegraves

agrave la phase de reacutesolution des problegravemes (parfois appeleacutee phase de reacutesolution des diffeacuterends ou

phase de consultation) nrsquoest pas conditionneacute au fait que les plaignants invoquent une violation

par la banque de ses standards

- ils permettent agrave la banque de tirer des leccedilons des affaires en formulant par exemple des recom-

mandations sur les modifications des politiques ou proceacutedures neacutecessaires pour eacuteviter les situa-

tions de non-respect agrave lrsquoavenir De ce point de vue le CAO de la SFIAMGI a pendant longtemps

eacuteteacute le seul IAM dont la mission inclut expresseacutement la formulation

laquo d[rsquo]avis agrave lrsquointention du Preacutesident et drsquoIFC etou de la MIGA drsquoune maniegravere geacuteneacuterale sur les

questions environnementales et sociales en rapport avec les politiques les normes les directives les

proceacutedures les ressources et les dispositifs mis en place pour ameacuteliorer les performances des projets

drsquoIFC et de la MIGA raquo9

La reacutecente reacutevision du MII de la BAfD a cependant donneacute agrave la CRMU la possibiliteacute drsquooffrir des

conseils pour

7 La reacutevision de 2014 des Proceacutedures opeacuterationnelles du Panel drsquoinspection a vu la mise en place drsquoune Pilot approach to support early so-lutions tregraves controverseacutee qui vise agrave faciliter le dialogue entre le Management et les plaignants avant lrsquoenregistrement formel de la plainte Bien que cette laquo approche pilote pour une solution preacutecoce raquo ne soit pas supposeacutee empecirccher les plaignants drsquoacceacuteder agrave la proceacutedure de controcircle de conformiteacute si le dialogue eacutechoue la premiegravere utilisation de cette approche pilote a abouti agrave ce que certains des plaignants se voient barrer lrsquoac-cegraves au controcircle de conformiteacute Voir Panel drsquoinspection 2014 Updated Operating Procedures httpewebappsworldbankorgappsipPanel-MandateDocuments201420Updated20Operating20Procedurespdf Panel drsquoinspection Nigeria Lagos Metropolitan Development and Gov-ernance Project (Pilot - Not Registered) Case 91 plainte reccedilue le 30 septembre 2013 httpewebappsworldbankorgappsipPagesViewCaseaspxCaseId=94 Amnesty International laquo World Bank Investigate Inspection Panelrsquos Pilot Approach to Early Solutions and Its Application in Badia East Lagos Nigeria raquo 2 septembre 2014 httpswwwamnestyorgdownloadDocuments4000afr440202014enpdf (au 3 mai 2016)8 Ce dernier eacutetant consideacutereacute comme le moins accessible des IAMs des BMD9 CAO Directives Opeacuterationnelles 2013 sect511

Vanessa RICHARD

190

laquo apporter des ameacuteliorations systeacutemiques dans les politiques environnementales et sociales

[hellip] ameacuteliorer les impacts environnementaux et sociaux des projets [hellip] permettre agrave la Banque

drsquoavoir une meilleure compreacutehension de la faccedilon dont les obligations telles que contenues dans ses

politiques et proceacutedures en matiegravere de sauvegarde environnementale et sociale pourraient ecirctre sa-

tisfaites par les pays membres reacutegionaux en vue de preacuteserver les impacts du deacuteveloppement don-

ner des informations et recommandations sur les questions eacutemergentes observeacutees dans le cadre du

mandat de CRMU raquo10

En ce qui concerne les autres IAMs leur rocircle de diffusion des lessons learned nrsquoest pas distingueacute

de leur rocircle de veacuterificateur de conformiteacute etou de reacutesolution des problegravemes

Au final la reacutealiteacute et la leacutegitimiteacute de la veacuterification opeacutereacutee par ces meacutecanismes de plainte deacute-

pendent de trois facteurs essentiels les standards de comportement du bailleur doivent ecirctre robustes

et deacutefinir clairement ce qui relegraveve de la responsabiliteacute de la banque et ce qui est de la responsabiliteacute

de lrsquoemprunteur la proceacutedure doit ecirctre formuleacutee dans un langage accessible preacutevisible et suppose

drsquoecirctre transparente ouverte le plus largement possible les personnes travaillant dans ces meacuteca-

nismes doivent ecirctre indeacutependantes11

La creacuteation du meacutecanisme de recours indeacutependant (IRM pour Independent Redress Mechanism) du FVC srsquoinscrit donc dans un contexte normatif et institutionnel qui srsquoeacutetoffe depuis une trentaine

drsquoanneacutees dans le champ du financement du deacuteveloppement drsquoougrave lrsquointeacuterecirct qursquoil y a agrave explorer les

circulations opeacutereacutees entre les standards (aspects substantiels) et le design institutionnel (aspects pro-

ceacuteduraux) des meacutecanismes de plainte des banques multilateacuterales de deacuteveloppement et ceux qui sont

en train drsquoecirctre mis en place par le FVC

En outre ces questions de circulation des standards applicables et de proceacutedure pour de tels

meacutecanismes de plainte emportent des conseacutequences tout agrave fait actuelles et concregravetes Faute de sys-

tegravemes de traccedilage efficaces ou encore parce que les financements suivent des routes tortueuses (par

exemple une banque de deacuteveloppement precircte agrave une agence gouvernementale qui utilise ces fonds

pour financer des projets publics mais aussi le secteur bancaire afin qursquoil finance de lrsquoinvestisse-

ment priveacute en faveur de la lutte contre les changements climatiques qui va lui-mecircme financer des

travaux drsquoeacuteconomie drsquoeacutenergie par les particuliershellip) il est tregraves difficile de savoir ougrave vont au final

les financements climat et donc drsquoeacutevaluer leurs impacts environnementaux sociaux eacuteconomiques

culturels etc LrsquoAccord de Paris reconnaicirct que les Parties peuvent ecirctre affecteacutees non seulement par

le changement climatique mais aussi par les impacts des mesures adopteacutees pour y reacutepondre12 et rap-

pelle que son objectif est de renforcer la reacuteponse agrave la menace du changement climatique et ce dans le

10 MII Operating Rules and Procedures 2015 Ce texte nrsquoest pas au moment ougrave nous eacutecrivons accessible depuis le site de la BAfD ni dans sa version anglaise ni dans sa version franccedilaise Il est cependant disponible en anglais en allant directement agrave httpwwwafdborgfileadminuploadsafdbDocumentsCompliance-ReviewRevised_IRM_Operating_Rules_and_Procedures_2015pdf (au 5 juillet 2016)11 Dans le mecircme sens voir C Daniel K Genovese M van Huijstee S Singh (eds) Glass Half Full The State of Accountability in Devel-opment Finance Amsterdam SOMO janvier 2016 65 p httpgrievancemechanismsorgresourcesbrochuresIAM_DEF_WEBpdf (au 3 mai 2016)12 Deacutecision 1CP21 Annexe laquo Accord de Paris raquo Preacuteambule laquo Reconnaissant que les Parties peuvent ecirctre toucheacutees non seulement par les changements climatiques mais aussi par les effets des mesures de riposte agrave ces changements raquo

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

191

contexte du deacuteveloppement durable et des efforts pour eacuteradiquer la pauvreteacute13 Il est par conseacutequent

important drsquoarrimer la lutte contre le changement climatique au respect et la promotion des droits

humains du droit agrave la santeacute des droits des peuples indigegravenes des communauteacutes locales du droit au

deacuteveloppement14 y compris dans les aspects normatifs et institutionnels

Face agrave ces enjeux la capaciteacute des bailleurs de finance climat publics agrave eacutevaluer les demandes de

financement et agrave assurer le suivi de leurs impacts est questionnable drsquoautant qursquoagrave cocircteacute du finance-

ment de projets laquo reacuteels raquo ndash par exemple la construction drsquoun reacuteseau de transports publics urbains

pour favoriser lrsquoabandon de la voiture pour se deacuteplacer ndash une part importante des flux concerne le

development policy-lending15 lrsquoassistance technique (par exemple le financement drsquoune eacutetude sur la

privatisation de la distribution drsquoeacutelectriciteacute) ou encore les intermeacutediaires financiers16 Un rapport

reacutecent met en lumiegravere le fait que le degreacute de prise en compte de la lutte contre le changement clima-

tique dans les deacutecisions de financement comme le suivi des impacts sont deacutefaillants17 Par ailleurs

un corpus croissant drsquoeacutetudes montre que tant le Meacutecanisme de Deacuteveloppement Propre (MDP) que

la REDD+18 sont susceptibles de financer des projets qui ne beacuteneacuteficient pas aux populations voire

au contraire les placent dans une situation pire qursquoavant le projet19 Supposeacutes ecirctre tailleacutes sur mesure

pour la lutte contre le changement climatique et faisant partie du cadre juridique onusien ces meacute-

canismes de financement preacutesentent exactement les mecircmes failles dans la mise en œuvre des pro-

tections environnementales et sociales que nrsquoimporte quel autre projet financeacute par les institutions

drsquoaide au deacuteveloppement aux stades de la conception de lrsquoapprobation de la mise en œuvre et du

13 Ibid article 2sect1 laquo vise agrave renforcer la riposte mondiale agrave la menace des changements climatiques dans le contexte du deacuteveloppement durable et de la lutte contre la pauvreteacute raquo14 Ibid Preacuteambule laquo Conscientes que les changements climatiques sont un sujet de preacuteoccupation pour lrsquohumaniteacute tout entiegravere et que lorsqursquoelles prennent des mesures face agrave ces changements les Parties devraient respecter promouvoir et prendre en consideacuteration leurs obli-gations respectives concernant les droits de lrsquoHomme le droit agrave la santeacute les droits des peuples autochtones des communauteacutes locales des migrants des enfants des personnes handicapeacutees et des personnes en situation vulneacuterable et le droit au deacuteveloppement ainsi que lrsquoeacutegaliteacute des sexes lrsquoautonomisation des femmes et lrsquoeacutequiteacute entre les geacuteneacuterations raquo15 Financements destineacutes agrave reacuteformer des secteurs entiers de lrsquoeacuteconomie drsquoun pays Ils remplacent les precircts drsquoajustement structurel et les precircts drsquoajustement sectoriel16 H Mainhardt N Sinani laquo MDB Climate Change Scorecard Do the MDBs pass the 2 degree test raquo Bank Information Center and Sierra Club deacutecembre 2015 httpwwwbankinformationcenterorgwp-contentuploads201510MDB-Climate-Change-Scorecard-formattedpdf pp 3-4 (au 3 mai 2016) Selon Investopedia laquo Un intermeacutediaire financier est une entiteacute qui agit comme intermeacutediaire entre deux parties dans une transaction financiegravere Si les banques commerciales sont des intermeacutediaires financiers typiques cette cateacutegorie inclut drsquoautres insti-tutions financiegraveres comme les banques drsquoinvestissement les compagnies drsquoassurance les courtiers bancaires les fonds communs de placement et les fonds de pension raquo (traduit par nous) httpwwwinvestopediacomtermsffinancialintermediaryasp (au 5 juillet 2016)17 laquo MDB Climate Change Scorecard raquo op cit Voir eacutegalement J Redman A Durand M Camila Bustos J Baum T Roberts laquo Walking the Talk World Bank Energy-Related Policies and Financing 2000-2004 to 2010-2014 raquo joint briefing from Brown Universityrsquos Climate and Development Lab and the Institute for Policy Studies octobre 2015 httpwwwips-dcorgwp-contentuploads201510Walking-The-Talkpdf (au 3 mai 2016)18 Reducing Emissions from Deforestation and Forest Degradation Initiative19 Voir par exemple P Bond K Sharife F Allen B Amisi K Brunner R Castel-Branco D Dorsey G Gambirazzio T Hatha-way A Nel W Nham laquo The CDM cannot deliver the money to Africa Why the Clean Development Mechanism wonrsquot save the planet from climate change and how African civil society is resisting raquo 2012 EJOLT Report ndeg2 httpwwwejoltorgwordpresswp-contentup-loads201301121221_EJOLT_2_Highpdf (six eacutetudes de cas dans huit pays drsquoAfrique) sur lrsquoactuelle controverse du barrage de Santa Rita au Guatemala (projet MDP) voir S Dasgupta laquo ldquoGreenrdquo hydropower dam fuels charges of gross human rights violations raquo 27 mai 2015 httpnewsmongabaycom20150527-dasgupta-santa-rita-dam-human-rightshtml et Carbon Market Watch laquo Campaigns Santa Rita ndash Large hydro power project Guatemala raquo httpcarbonmarketwatchorgcategorysanta-rita-large-hydro-power-project-guatemala (au 3 mai 2016) Sur la REDD+ voir M Poudyala B S Ramamonjisoab N Hockleya O S Rakotonarivoa J M Gibbonsa R Mandimbiniainab A Raso-amananab J PG Jonesa laquo Can REDD+ social safeguards reach the lsquorightrsquo people Lessons from Madagascar raquo Global Environmental Change vol 37 mars 2016 pp 31-42

Vanessa RICHARD

192

suivi des projets20 Crsquoest dire si les enjeux du suivi et du controcircle sont importants et la creacuteation drsquoun

meacutecanisme drsquoaccountability pour le FVC participe agrave un objectif de bonne gouvernance et drsquoeffectivi-

teacute qui devrait a priori se retrouver dans ses modaliteacutes de fonctionnement

Les bases de ces modaliteacutes ont eacuteteacute jeteacutees lors de deux reacuteunions du Board de 2014 Lors de la 6e

reacuteunion agrave Bali (Indoneacutesie) du 19 au 21 feacutevrier 2014 la Deacutecision B0609 (Annexe V) a enteacuterineacute les

termes de reacutefeacuterence des diffeacuterents meacutecanismes de controcircle du FVC que sont la Independent Evalua-tion Unit ndash qui effectue des eacutevaluations peacuteriodiques des opeacuterations du FVC ndash la Independent Integrity Unit ndash compeacutetente en matiegravere de fraude et de corruption ndash et le Independent Redress Mechanism ndash qui

ne constitue pas un tribunal ou un meacutecanisme juridique21 il traite les demandes de reconsideacuteration

des refus de financement et les plaintes des communauteacutes et personnes directement affecteacutees par

des impacts neacutegatifs dus au fait que le projet ou programme financeacute par le Fonds nrsquoa pas respecteacute les

politiques et proceacutedures opeacuterationnelles du FVC ce qui comprend les garanties environnementales

et sociales22

Lors de la 7e reacuteunion agrave Songdo (Coreacutee du Sud) du 18 au 21 mai 2014 la Deacutecision B0702 a adopteacute

les laquo standards fiduciaires raquo et les laquo garanties environnementales et sociales provisoires raquo appliqueacutes

par le FVC23 Une troisiegraveme seacuterie de standards la Gender Policy du FVC sera adopteacutee lors de la 9e

reacuteunion en mars 201524

Commence alors agrave se dessiner le visage de lrsquoIRM Si beaucoup de ses traits restent flous il est

neacuteanmoins possible de distinguer les emprunts et les originaliteacutes du meacutecanisme et ce de trois points

de vue celui de la proceacutedure (1) celui des standards qui peuvent ecirctre invoqueacutes par les personnes

affecteacutees (2) et celui de lrsquoarticulation entre lrsquoIRM et les meacutecanismes de plainte deacutejagrave existants des en-

titeacutes accreacutediteacutees par le FVC pour geacuterer les financements (3)

1) La proceacutedure de lrsquoIRM entre innovation et emprunts sur le mode restrictif

Le meacutecanisme de plainte du FVC oscille entre innovation et emprunt aux proceacutedures de plainte

existant au sein des BMD Innovation drsquoune part car est mise en place une proceacutedure de requecircte

ouverte au promoteur drsquoun projet (un pays en deacuteveloppement) qui a demandeacute un financement et se

lrsquoest vu refuser Emprunt drsquoautre part agrave ce qui semble devenu une bonne pratique du financement

du deacuteveloppement crsquoest-agrave-dire la mise en place drsquoune proceacutedure de plainte ouverte aux personnes

affecteacutees par un projet ou programme financeacute par le FVC Dans les deux cas si les termes de reacutefeacuterence

20 Pour la seule Banque mondiale sur les impacts environnementaux des financements voir B Rich Foreclosing the Future The World Bank and the Politics of Environmental Destruction WashingtonCoveloLondon Island Press 2013 voir aussi Human Rights Watch At Your Own Risk Reprisals against Critics of World Bank Group Projects Juin 2015 httpwwwhrworgsitesdefaultfilesreportsworldBank0615_4Uppdf eacutegalement la seacuterie drsquoarticles drsquoinvestigation laquo Evicted and Abandoned The World Bankrsquos Broken Promise to the Poor raquo de lrsquoInternational Con-sortium of Investigative Journalism (ICIJ) httpwwwicijorgprojectworld-bank (au 3 mai 2016)21 Deacutecision B0609 Annexe V laquo Terms of Reference of the Independent Redress Mechanism raquo sect122 Ibid sect223 Deacutecision B0702 laquo Guiding Framework and Procedures for Accrediting National Regional and International Implementing Entities and Intermediaries Including the Fundrsquos Fiduciary Principles and Standards and Environmental and Social Safeguards raquo24 Deacutecision B0911 Annexe XIII laquo Gender Policy for the Green Climate Fund raquo

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

193

figurant agrave lrsquoAnnexe V de la Deacutecision B0609 dessinent les grandes lignes de ces proceacutedures on

ne dispose que partiellement de davantage de deacutetails sur leur fonctionnement concret Lors de la

derniegravere reacuteunion du Board agrave Songdo (28-30 juin 2016) il a en effet eacuteteacute constateacute que

laquo in the Work Plan for 2016 adopted by the Board at its twelfth meeting the Board decided to

address the interim procedures for redress at its thirteenth meeting The adopted Work Plan also

provides that the Board intends to approve the detailed guidelines and procedures for the IRM (De-

tailed Procedures) at its fifteenth meeting Such Detailed Procedures should address both functions

of the IRM It is suggested that at this stage only interim procedures relating to the IRMrsquos first func-

tion (ie reconsideration of funding decisions) are adopted by the Board With respect to the griev-

ance function of the IRM it may be more appropriate to instead develop the Detailed Procedures

as soon as practicable This because the specialized expertise within the Secretariat with respect to

this function of the IRM will exist only after the appointment of the head of the IRM In addition

given that the grievance function of the IRM cannot be engaged by communities and people until

after they have been directly affected by relevant adverse impacts there is no immediate need for

interim procedures (Emphasis added) raquo25

Le rapport final des deacutecisions adopteacutees lors de cette 13e reacuteunion du Board nrsquoest agrave lrsquoheure ougrave

nous eacutecrivons ces lignes pas encore disponible Les deacuteveloppements qui suivent sur la proceacutedure

provisoire applicable aux plaintes pour refus de financement se basent par conseacutequent sur le projet

de Interim Procedures for the Reconsideration of Funding Decisions26 preacutesenteacute dans un document preacute-

paratoire agrave la reacuteunion On peut cependant noter qursquoils apportent peu de deacutetails suppleacutementaires par

rapport aux dispositions des termes de reacutefeacuterence de lrsquoIRM

11 La plainte pour refus de financement une speacutecificiteacute du FVC

LrsquoIRM est compeacutetent pour eacutevaluer la plainte drsquoun pays en deacuteveloppement concerneacute par un pro-

jet ou programme dont le financement a eacuteteacute refuseacute Il srsquoagit lagrave drsquoune totale innovation qui deacutecoule

en premier lieu de la Deacutecision 5CP19 laquo Arrangements entre la Confeacuterence des Parties et le Fonds

vert pour le climat raquo

laquo 8 Le meacutecanisme de recours indeacutependant sera ouvert transparent et aiseacutement accessible et

aura entre autres pour tacircche de revoir les deacutecisions de financement

9 Le Fonds consignera dans ses rapports annuels agrave la Confeacuterence des Parties les recomman-

dations de son meacutecanisme de recours indeacutependant et toute mesure prise par le Conseil du Fonds

comme suite agrave ces recommandations La Confeacuterence des Parties peut formuler des directives sup-

pleacutementaires pour clarifier les politiques les prioriteacutes des programmes et les critegraveres drsquoadmissibiliteacute

qui influent sur les deacutecisions de financement raquo

25 13e Meeting of the Board 28-30 June 2016 Songdo Provisional agenda item 12 (f) Doc GCFB1317 laquo Interim Procedures for Redress Reconsideration of Funding Decisions raquo sectsect 7 et 8 26 Ibid Annexe II laquo Draft interim procedures for the reconsideration of funding decisions raquo

Vanessa RICHARD

194

Cette disposition nrsquoeacutetait pas incluse dans le projet de deacutecision proposeacute par le Preacutesident agrave Var-

sovie27 mais figurait en revanche dans le Draft arrangements between the Conference of the Parties and the Green Climate Fund proposeacute par le Standing Committee on Finance (SCF) de la CCNUCC28

La question de confier la reconsideacuteration des refus de financement agrave lrsquoIRM a eacuteteacute discuteacutee entre la 4e

et la 5e Reacuteunion du SCF Lors de la 4e Reacuteunion en juin 2013 le SCF nrsquoavait pu se mettre drsquoaccord sur

la question qui soulevait entre autres celles du conflit drsquointeacuterecircts lrsquoIRM eacutetant subordonneacute au Board

du FVC29 Lors de la 5e Reacuteunion en aoucirct 2013 le SCF constate que les discussion intersessions et les

consultations informelles conduites sous la houlette de M Raymond Landveld comme co-facilitateur

ont permis drsquoarriver agrave un accord30 Le deacutetail des discussions nrsquoest pas reacuteveacuteleacute Il est degraves lors difficile

de comprendre si cette innovation vient drsquoune meacuteprise sur ce qursquoest un meacutecanisme drsquoaccountability de ce type ou un ajout complegravetement reacutefleacutechi et deacutelibeacutereacute

La creacuteation de cette voie de recours est quoi qursquoil en soit coheacuterente avec la logique du FVC qui

est que laquo Le Fonds suit une approche laissant lrsquoinitiative aux pays et srsquoemploie agrave favoriser et agrave renfor-

cer lrsquoengagement dans le pays lui-mecircme avec le concours actif des institutions et parties prenantes

concerneacutees raquo31 Enfin cette voie de recours srsquoinscrit parfaitement dans la logique du cycle de sou-

mission approbation et suivi des programmes et projets32 puisqursquoelle permet drsquoeacutevaluer le controcircle

de conformiteacute opeacutereacute par le Secreacutetariat du FVC lorsqursquoil reccediloit une proposition de financement

En bref le Secreacutetariat publie reacuteguliegraverement des propositions de financement sur le site du FVC

sur instruction du Board mais les Autoriteacutes Nationales Deacutesigneacutees (AND) les entiteacutes exeacutecutives des

projets (implementing entities) et les intermeacutediaires peuvent eacutegalement soumettre au Secreacutetariat

des propositions pour un financement lesquelles doivent ecirctre approuveacutees La proposition de fi-

nancement doit avant tout faire lrsquoobjet drsquoune non-objection de la part de lrsquoAND du pays concerneacute

Le Secreacutetariat veacuterifie ensuite si la proposition respecte les garanties environnementales et sociales

provisoires la politique sur le genre et les standards fiduciaires33 Un panel technique consultatif (le

Technical Advisory Panel TAP) effectue ensuite une eacutevaluation de la proposition en tenant compte

du rapport du Secreacutetariat sur le respect des standards applicables34 La recommandation sur le finan-

cement du Secreacutetariat et lrsquoeacutevaluation du TAP sont ensuite transmis au Board35 qui peut approuver la

27 Report of the Green Climate Fund to the Conference of the Parties and guidance to the Green Climate Fund Proposal by the President Draft decision -CP19 Report of the Green Climate Fund to the Conference of the Parties and guidance to the Green Climate Fund Doc FCCCCP2013L12 22 novembre 201328 Report of the Standing Committee on Finance to the Conference of the Parties Doc FCCCCP20138 4 novembre 2013 Annexe III29 Report of the fourth meeting of the Standing Committee on Finance 15-17 juin 2013 Doc SCF2013311 sectsect 14-1830 Draft report of the fifth meeting of the Standing Committee on Finance 27-30 aoucirct 2013 Doc SCF201359 sectsect 34-3831 Instrument reacutegissant le Fonds vert pour le climat op cit sect332 Deacutecrit par la Deacutecision B0703 Annexe VII laquo Project and programme activity cycle raquo mai 201433 Une ONG note que le Secreacutetariat ayant peu de personnel laquo many of its tasks will likely be outsourced to consultants and implementing entities In light of these operational limitations the GCF may be exposed to contradictory demands from different stakeholders raquo Both ENDS laquo Feasibility report on the strengthening of citizen-based complaint review and referral mechanisms under the Green Climate Fund (GCF) raquo Briefing Paper httpwwwbothendsorguploaded_filesinlineitem120150528_Feasibility_report_TIpdf 2015 p 334 Les termes de reacutefeacuterence du Technical Advisory Panel sont deacutecrits in 9th Meeting of the Board Songdo (South Korea) 24-26 March 2015 Doc GCFB0923 Annexe XII laquo Terms of reference of the independent Technical Advisory Panel raquo35 Les premiers rapports recommandant un refus du financement proposeacute commencent agrave arriver voir agrave propos drsquoun projet sri lankais soutenu par le PNUD comme entiteacute accreacutediteacutee laquo Independent Technical Advisory Panelrsquos assessment of FP 016 raquo in TAP laquo Consideration of funding proposals ndash Addendum 12 Independent Technical Advisory Panelrsquos assessment raquo Doc GCFB1316Add12Rev01 23 juin 2016 pp 40-47

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

195

proposition de financement la rejeter ou demander des modifications Le Secreacutetariat informe lrsquoenti-

teacute exeacutecutive ou lrsquointermeacutediaire ainsi que lrsquoAND de la deacutecision En cas de rejet de la proposition le

Secreacutetariat informe le pays en deacuteveloppement concerneacute que conformeacutement agrave la Deacutecision B0609 il

peut demander la reconsideacuteration de la deacutecision aupregraves de lrsquoIRM

Selon les Draft interim procedures for the reconsideration of funding decisions lrsquoAND concerneacutee

a trente jours suivant la communication par le Secreacutetariat de la deacutecision de refus pour saisir lrsquoIRM36

Au sein de lrsquoIRM crsquoest la personne agrave la tecircte du meacutecanisme (lela Head de lrsquoIRM) qui est compeacutetent(e)

pour examiner les requecirctes en reconsideacuteration37 Ilelle veacuterifie lrsquoeacuteligibiliteacute de la requecircte qui doit

laquo include a description of the project or programme that has been denied funding and will need

to substantiate the reasons why the developing country believes that the denial was inconsistent

with the policies programme priorities and eligibility criteria of the Fund including those imple-

menting guidance provided by the Conference of the Parties raquo38

Il est ainsi rappeleacute les relations particuliegraveres qursquoont la COP et FVC

LrsquoIRM va ensuite utiliser en premier lieu des moyens informels afin de trouver une solution

laquo satisfaisante et amiable raquo39 agrave la requecircte Dans lrsquohypothegravese ougrave cette premiegravere phase nrsquoamegravenerait pas

de solution lrsquoIRM eacutevalue si le refus du FVC est entacheacute drsquoun manquement agrave ses politiques prioriteacutes

programmatiques et critegraveres drsquoeacuteligibiliteacute en tenant compte notamment de

laquo any issues raised by the Applicant in the Request the original funding proposal as submitted

to the Board including the assessments of the Secretariat and the independent Technical Advisory

Panel the decision of the Board and other relevant aspects of the Fundrsquos operations raquo40

LrsquoIRM communique enfin un rapport au Board qui inclut des recommandations sur les mesures correctives envisageables41 Sur la base de ce rapport le Board laquo may consider the request in view of the report and take steps to implement the recommendation of the IRM raquo42 Le laquo may consider [hellip] and take steps raquo suggegravere que le Board peut totalement ou partiellement ignorer les recommandations de lrsquoIRM La formulation du projet de Interim Procedures for the Reconsideration of Funding Decisions nrsquoeacuteclaire pas vraiment ce point laquo The Board may at its next meeting following receipt of the report consider the Request in view of the report and the recommendation of the Head of the IRM and take such steps as it considers appropriate raquo43

36 Draft interim procedures for the reconsideration of funding decisions op cit sect437 Ibid sectsect 6-938 Terms of Reference of the Independent Redress Mechanism op cit sect339 laquo a satisfactory and amicable resolution of the request raquo Terms of Reference of the Independent Redress Mechanism op cit sect4 et Draft interim procedures for the reconsideration of funding decisions op cit sect740 Draft interim procedures for the reconsideration of funding decisions op cit sect741 Terms of Reference of the Independent Redress Mechanism op cit sect4d) et Draft interim procedures for the reconsideration of funding decisions op cit sect942 Terms of Reference of the Independent Redress Mechanism op cit sect543 Draft interim procedures for the reconsideration of funding decisions op cit sect10

Vanessa RICHARD

196

12 La plainte des personnes affecteacutees des emprunts qui ne reflegravetent pas toujours les meilleures pratiques des IAMs

Si la proceacutedure de plainte innove complegravetement pour ce qui est de la plainte du pays en deacuteve-

loppement celle qui concerne les plaintes des personnes est creacuteeacutee on lrsquoa dit dans un paysage de

meacutecanismes de plainte similaires dont le FVC srsquoest inspireacute Cependant en quelques endroits la pro-

ceacutedure ne reflegravete pas les eacutevolutions reacutecentes des proceacutedures des IAMs ces derniegraveres eacutetant pourtant

baseacutees sur une expeacuterience en la matiegravere qui est tregraves eacutetoffeacutee pour certains de ces meacutecanismes ndash crsquoest

le cas par exemple du CAO qui a reccedilu depuis 1999 plus de cent cinquante plaintes Comme en ce qui

concerne la plainte pour refus de financement les termes de reacutefeacuterence donnent les grandes lignes de

la proceacutedure mais les modaliteacutes concregravetes de fonctionnement ne sont pas encore disponibles

Peut porter plainte un groupe de personnes (donc au moins deux personnes) qui ont eacuteteacute direc-

tement affecteacutees par des impacts neacutegatifs dus au fait qursquoun projet ou programme financeacute par le FVC

nrsquoa pas mis en œuvre les politiques et proceacutedures du FVC y compris les garanties environnementales

et sociales ou au fait que le FVC ou ses intermeacutediaires et entiteacutes exeacutecutives nrsquoont pas respecteacute ces

politiques44 La derniegravere partie de cette disposition pose des problegravemes drsquoarticulation avec les stan-

dards applicables par certaines entiteacutes exeacutecutives qui disposent deacutejagrave de leurs propres meacutecanismes de

plainte sur lesquels nous reviendrons dans la troisiegraveme partie de cette contribution

Apregraves lrsquoexamen de lrsquoeacuteligibiliteacute de la plainte la proceacutedure se deacuteroule ensuite comme suit

- dans un premier temps lrsquoIRM utilise tous moyens informels pour trouver une solution amiable

et satisfaisante (phase de reacutesolution des problegravemes)

- lorsque la reacutesolution des problegravemes a eacutechoueacute il eacutevalue si les plaignants ont eacuteteacute affecteacutes par des

impacts qui deacutecoulent drsquoun manquement aux politiques et proceacutedures du FVC

- sur la base de ses constatations lrsquoIRM formule des recommandations sur les mesures correc-

tives agrave adopter agrave lrsquointention du Board et peut eacutegalement recommander au Board des modifications

des politiques et proceacutedures applicables

- lrsquoIRM assure le suivi de la mise en œuvre des mesures correctives deacutecideacutees par le Board sur la

base de ses recommandations et rend compte de lrsquoavanceacutee de la mise en œuvre au Board45

Les emprunts faits aux meacutecanismes de plainte existants aboutissent agrave un curieux meacutelange

drsquoune part le FVC a retenu une approche restrictive de lrsquoaccegraves au meacutecanisme de plainte et agrave la phase

de controcircle de conformiteacute drsquoautre part une fois atteinte la phase de controcircle de conformiteacute le FVC

a doteacute lrsquoIRM des compeacutetences les plus eacutetendues que lrsquoon trouve dans des meacutecanismes similaires

Srsquoagissant des choix restrictifs il convient de noter en premier lieu que lrsquoaccegraves agrave tous les IAMs

existants est ouvert agrave la fois aux personnes affecteacutees et aux personnes susceptibles drsquoecirctre affecteacutees

44 Terms of Reference of the Independent Redress Mechanism op cit sect745 Ibid sectsect 7 et 8

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

197

Dans le cadre du projet International Grievance Mechanisms and International Law and Governance

(IGMs)46 sur lequel srsquoappuie la preacutesente contribution lrsquoeacutequipe a exploreacute cent cinquante sept af-

faires47 devant les IAMs du Groupe Banque mondiale de la BERD de lrsquoADB de la BAfD et de la BID

et intervieweacute dix-huit personnes qui travaillent ou ont travailleacute dans un IAM Tant les eacutetudes de cas

que les interviews deacutemontrent qursquoouvrir lrsquoaccegraves agrave un IAM aux personnes susceptibles drsquoecirctre affec-

teacutees permet drsquoalerter la banque de deacuteveloppement preacutecocement sur les protestations que le projet

soulegraveve Crsquoest donc un outil particuliegraverement utile pour deacutetecter des problegravemes dans la conception

du projet agrave un stade peu avanceacute lorsqursquoil y a un plus grand choix de deacutecisions correctives possibles

agrave moindre coucirct

En deuxiegraveme lieu le FVC conditionne lrsquoaccegraves agrave lrsquoensemble de la proceacutedure au fait que les plai-

gnants invoquent un manquement aux standards applicables Si lrsquoobjectif de la creacuteation drsquoun meacute-

canisme drsquoaccountability est drsquooffrir une voie de recours afin de trouver des solutions pour les per-

sonnes subissant les impacts neacutegatifs des projets financeacutes par le FVC alors il nrsquoy a aucune utiliteacute agrave

conditionner lrsquoaccegraves agrave la phase de reacutesolution des problegravemes agrave des alleacutegations de manquement Crsquoest

la raison pour laquelle le CAO de la SFIAMGI le PCM de la BERD lrsquoAM de lrsquoADB ou encore le MTP

de la BEI ne posent pas une telle condition

En troisiegraveme et dernier lieu la proceacutedure de lrsquoIRM oblige les plaignants agrave passer par une phase

de reacutesolution des problegravemes48 et conditionne la veacuterification de conformiteacute au fait que celle-ci nrsquoa

pas abouti Srsquoagissant de lrsquoobligation de passer par une phase de reacutesolution des problegravemes tous les

IAMs qui possegravedent une proceacutedure combinant reacutesolution des problegravemes et controcircle de conformiteacute

ont abandonneacute cette condition quand elle avait eacuteteacute preacutevue Mecircme le CAO historiquement beaucoup

plus tourneacute vers la reacutesolution des problegravemes que vers le controcircle de conformiteacute a abandonneacute cette

obligation dans la derniegravere version de ses Directives opeacuterationnelles49 tout comme lrsquoAM de lrsquoADB

lrsquoavait fait en 201250 et comme le MICI de la BID lrsquoa fait fin 201451 Leur pratique a en effet deacutemontreacute

que forcer les plaignants agrave passer par cette phase est inutile pour un certain nombre de raisons quand

les circonstances le permettent ils sont geacuteneacuteralement en faveur drsquoune solution neacutegocieacutee lorsqursquoils

souhaitent un controcircle de conformiteacute degraves le deacutebut ou lorsqursquoil y a trop de deacutefiance entre les parties

prenantes imposer une phase de reacutesolution des problegravemes nrsquoa aucun sens et constitue une perte de

temps les plaignants devraient par ailleurs pouvoir faire un choix eacuteclaireacute sur le type de proceacutedure

(reacutesolution des problegravemes etou controcircle de conformiteacute) qursquoils souhaitent deacuteclencher et il nrsquoy a au-

cune raison de ne pas respecter leur volonteacute Srsquoagissant de la condition selon laquelle la veacuterification de

conformiteacute ne peut ecirctre effectueacutee que dans le cas ougrave la reacutesolution des problegravemes a eacutechoueacute elle semble

contreproductive au regard drsquoune des principales raisons drsquoecirctre des IAMs tels que lrsquoIRM ameacuteliorer

lrsquoeffectiviteacute de la finance du deacuteveloppementclimat et permettre agrave lrsquoinstitution de tirer des leccedilons La

46 ERC Grant ndeg 312514 (2012-1016)47 Voir la base de donneacutees des affaires agrave httpwwwigms-projectorg48 Terms of Reference of the Independent Redress Mechanism op cit sectsect 7 et 1449 CAO Directives Opeacuterationnelles 2013 sect42150 Accountability Mechanism Policy 2012 OM Section L1BP sect3851 Policy of the Independent Consultation and Investigation Mechanism 2014 sectsect 7 and 14

Vanessa RICHARD

198

meilleure pratique agrave cet eacutegard est que quelle que soit lrsquoissue de la reacutesolution des problegravemes si lrsquoIRM

constate prima facie qursquoil existe des raisons de croire qursquoil y a eu des manquements aux standards

applicables un controcircle de conformiteacute devrait ecirctre effectueacute pour permettre au FVC de deacutecider de

mesures pour ameacuteliorer le projet ou programme en cause Agrave deacutefaut cela revient agrave priver lrsquoinstitu-

tion drsquoun examen indeacutependant et juste des deacuteficiences des projets et plus largement des problegravemes

systeacutemiques agrave lrsquoinstitution En outre la pratique des IAMs existants montre que dans un certain

nombre de cas la reacutesolution des problegravemes nrsquoaboutit que partiellement et certains plaignants sortent

insatisfaits de la solution neacutegocieacutee52 Qursquoen est-il alors du controcircle de conformiteacute

Une fois atteinte la phase de controcircle de conformiteacute en revanche le FVC a doteacute lrsquoIRM en srsquoap-

puyant sur les meilleures pratiques en la matiegravere Drsquoune part crsquoest lrsquoIRM qui recommande les me-

sures correctives sur la base du reacutesultat de ses investigations53 Drsquoautre part lrsquoIRM est compeacutetent

pour assurer le suivi de la mise en œuvre des mesures correctives Toutes les dix-huit personnes

intervieweacutees dans le cadre du projet IGMs qui ont contribueacute agrave la creacuteation ou la reacutevision drsquoIAMs

travaillent ou ont travailleacute pour un IAM ont souligneacute que ce suivi eacutetait une fonction majeure des

meacutecanismes drsquoaccountability qui rendait leur travail plus leacutegitime et plus effectif

2) Les standards applicables copier-coller et zones grises

LrsquoIRM controcircle la conformiteacute du comportement du FVC des entiteacutes exeacutecutives et des intermeacute-

diaires public comme priveacutes agrave lrsquoaune de standards qui font eacutegalement lrsquoobjet drsquoemprunts en termes

de substance quand ce nrsquoest pas directement du copier-coller Il est agrave noter que drsquoune maniegravere geacute-

neacuterale les ONG considegraverent que les standards des institutions financcedilant le deacuteveloppement et ceux

des meacutecanismes speacutecialiseacutes pour le climat sont deacutefaillants voire tregraves deacutefaillants dans la faccedilon dont

ils sont appliqueacutes qursquoil srsquoagisse de lutte effective contre le changement climatique ou de protection

des personnes affecteacutees54

LrsquoIRM veacuterifie la conformiteacute des projets au regard de trois ensembles de standards les Initial Fiduciary Principles and Standards55 les Interim Environmental and Social Safeguards (ESS)56 et la

Gender Policy57

52 Parmi de nombreux exemples voir en particulier AM Compliance Review Panel Greater Mekong Subregion Rehabilitation of the Rail-way in Cambodia Project Request for compliance review 28 aoucirct 2012 sectsect 80-85 CAO Indonesia Wilmar Group-03Jambi Assessment juillet 2012 p 353 Le Compliance Review Panel du meacutecanisme de plainte de lrsquoADB a reacutecemment perdu son pouvoir de formuler des recommandations Il peut uniquement faire des constatations et crsquoest le Management qui deacutefinit quelles mesures correctives sont approprieacutees Accountability Mechanism Policy op cit sectsect 79 et 8354 Pour une description des standards du Fonds pour lrsquoEnvironnement Mondial de la REDD et du MDP A Johl Y Lador laquo A human rights-based approach to climate finance International Policy Analysis raquo Friedrich-Ebert-Stiftung httpwwwcielorgPublicationsClimate-Finance_Feb2012pdf 2012 pp 7-13 (au 3 mai 2016) sur la robustesse des standards et strateacutegies des banques multilateacuterales de deacuteveloppement concernant le climat laquo MDB Climate Change Scorecard raquo op cit55 Deacutecision B0702 Annexe II op cit56 Ibid Annexe III57 Deacutecision B0911 Annexe XIII op cit

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

199

21 Le recours aux bonnes pratiques de gestion financiegravere et agrave la bonne gouvernance les Initial Fiduciary Principles and Standards

Baseacutes sur les bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion financiegravere les standards

fiduciaires applicables pour lrsquoheure comportent deux parties

Les laquo standards de base raquo58 concernent tout ce qui a trait agrave la capaciteacute geacuteneacuterale drsquoune entiteacute agrave

tenir correctement ses comptes et avoir une gouvernance jugeacutee bonne tant en matiegravere de reporting

de transparence drsquoinformation de supervision de lrsquousage drsquoindicateurs drsquoefficaciteacute de regravegles comp-

tables conformes aux standards reconnus de traccedilage des opeacuterations financiegraveres drsquoaudithellip

Les laquo standards fiduciaires speacutecialiseacutes raquo59 srsquoappliquent agrave un candidat ayant une proposition de

financement pour un projet ou programme Il srsquoagit de standards sur sa capaciteacute agrave inclure dans la

conception des projets les aspects techniques eacuteconomiques juridiques et possiblement environne-

mentaux sociaux et climatiques agrave geacuterer agrave suivre et eacutevaluer un projet agrave garantir lrsquoaccegraves du public agrave

lrsquoinformation sur les beacuteneacuteficiaires et les reacutesultatshellip Des regravegles compleacutementaires pour le on-lending60

et le blending61 srsquoappliqueront pour les intermeacutediaires et les entiteacutes exeacutecutives qui veulent utiliser ce

type drsquoinstrument financier avec des ressources du FVC

La Deacutecision B0702 Annexe II mentionne quelques sources formelles de certains standards

adopteacutes les deacuteclarations financiegraveres doivent suivre les Generally Accepted Accounting Principles (GAAP) et ecirctre reacutedigeacutees conformeacutement agrave des standards de comptabiliteacute reconnus tels que les Inter-national Financial Reporting Standards (IFRS) ou les International Public Sector Accounting Standards (IPSAS)62 Reacutefeacuterence est faite aux deacutefinitions drsquoorganisations professionnelles comme la Internatio-nal Federation of Accountants63 et le Committee of Sponsoring Organizations (COSO) of the Treadway Commission64

22 Le copier-coller les Interim Environmental and Social Safeguards (ESS)

En attendant de deacutevelopper ses propres standards environnementaux et sociaux le FVC a adop-

teacute provisoirement les Performance Standards on Environmental and Social Sustainability de la SFI65

(traduit en franccedilais par laquo normes de performance raquo derniegravere version 1er janvier 2012) et les Guidance Notes qui les accompagnent Les Performance standards sont au nombre de huit PS1 - Eacutevaluation et

gestion des risques et des impacts environnementaux et sociaux PS2 - Main-drsquoœuvre et conditions

de travail PS3 - Utilisation rationnelle des ressources et preacutevention de la pollution PS4 - Santeacute

58 Basic standards dans la version originale Les deacutecisions du Board sont disponibles uniquement en langue anglaise59 Specialized fiduciary standards60 Drsquoapregraves le lexique du Financial Times situation dans laquelle laquo une organisation precircte de lrsquoargent qursquoelle a emprunteacute agrave une autre organisation ou personne raquo (traduit par nous) httpmarketsftcomresearchLexiconTermterm=on_lending (au 3 mai 2016)61 Panachage consiste agrave panacher des ressources venant de plusieurs origines agrave travers des instruments financiers62 Initial Fiduciary Principles and Standards op cit sect11263 Ibid sect664 Ibid sect765 Voir httpwwwifcorgperformancestandards (au 6 juillet 2016)

Vanessa RICHARD

200

seacutecuriteacute et sucircreteacute des communauteacutes PS5 - Acquisition de terres et reacuteinstallation involontaire PS6 -

Conservation de la biodiversiteacute et gestion durable des ressources naturelles vivantes PS7 - Peuples

autochtones PS8 - Patrimoine culturel

Mecircme si ces standards nrsquoont rien de speacutecifique aux questions climatiques et ne srsquoarriment pas

particuliegraverement au cadre juridique onusien en la matiegravere cette solution a lrsquoavantage drsquoecirctre pra-

tique car les Performance Standards de la SFI sont geacuteneacuteralement consideacutereacutes comme le fin du fin des

standards environnementaux et sociaux pour un bailleur de fonds multilateacuteral Ils sont inspireacutes des

politiques et proceacutedures de la Banque mondiale mais vont plus loin et sont plus deacutetailleacutes En outre

ils sont conccedilus pour srsquoappliquer agrave des clients priveacutes mais peuvent eacutegalement ecirctre utiliseacutes pour des

entiteacutes publiques

Cela eacutetant dit le copier-coller a des limites eacutevidentes Entre autres zones grises les Performance Standards srsquoinscrivent pour la SFI dans un ensemble normatif qui comprend eacutegalement une Politique

de durabiliteacute environnementale et sociale66 laquelle deacutefinit le standard de comportement de la SFI

tandis que les Performance Standards deacutefinissent le comportement attendu du client pour beacuteneacuteficier

drsquoun financement Leur application directe au FVC comme aux entiteacutes exeacutecutives par lesquelles vont

transiter les fonds pose donc question

De plus la rigueur des exigences environnementales et sociales pour chaque projet deacutepend de la

faccedilon dont il a eacuteteacute cateacutegoriseacute cateacutegorie A pour les activiteacutes preacutesentant des risques etou des impacts

environnementaux etou sociaux qui sont heacuteteacuterogegravenes irreacuteversibles ou sans preacuteceacutedent cateacutegorie B

pour les activiteacutes preacutesentant des risques etou des impacts environnementaux etou sociaux poten-

tiels et limiteacutes qui sont moins nombreux geacuteneacuteralement speacutecifiques au site largement reacuteversibles et

faciles agrave traiter par des mesures drsquoatteacutenuation cateacutegorie C pour les activiteacutes preacutesentant des risques

etou des impacts environnementaux etou sociaux minimes ou nuls67 En ce qui concerne lrsquointer-

meacutediation financiegravere la Deacutecision B0702 Annexe III deacutefinit lagrave encore trois cateacutegories de risques de

la cateacutegorie I1 - haut niveau drsquointermeacutediation (lorsque le portefeuille existant ou proposeacute de lrsquointer-

meacutediaire inclut ou preacutevoit drsquoinclure une exposition financiegravere substantielle agrave des activiteacutes pouvant

preacutesenter des risques etou des impacts neacutegatifs environnementaux etou sociaux potentiels signi-

ficatifs qui sont heacuteteacuterogegravenes irreacuteversibles et sans preacuteceacutedent) agrave la cateacutegorie I368 Or pour lrsquoheure

les entiteacutes accreacutediteacutees ne disposent pas de directives du FVC sur la faccedilon de cateacutegoriser les projets

conformeacutement agrave la Deacutecision B070269

Enfin on dispose drsquoinformations sur les deacuteficiences des Performance Standards dans certains

domaines venant ndash justement ndash de lrsquoIAM de la SFI le CAO On pense en particulier ici aux deacutefail-

lances dans la maicirctrise des risques environnementaux et sociaux lieacutes au recours agrave des intermeacutediaires

66 SFI Politique de durabiliteacute environnementale et sociale 1er janvier 2012 httpwwwifcorgwpswcmconnectc240e2804a58cfbc-80818f8969adcc27SP_French_2012pdfMOD=AJPERES (au 6 juillet 2016)67 Deacutecision B0702 Annexe III sect2068 Ibid sect2169 Ibid sect22

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

201

financiers constateacutees par le CAO70 Entre lrsquoautomne 2010 et le printemps 2012 des alleacutegations graves

contre la socieacuteteacute Dinant (une socieacuteteacute hondurienne produisant de lrsquohuile de palme et de la nourri-

ture agrave laquelle la SFI avait accordeacute un corporate loan) ont eacuteteacute communiqueacutees agrave la SFI et au CAO Les

alleacutegations comprenaient des expulsions forceacutees des fermiers des violences contre les fermiers et

autour des plantations de Dinant dues au fait que des forces de seacutecuriteacutes priveacutees et publiques sont

sous lrsquoinfluence ou le controcircle de Dinant et le fait que la SFI nrsquoavait pas identifieacute et reacuteagi de faccedilon

approprieacutee agrave la situation Le CAO deacutecida de deacuteclencher une enquecircte afin de veacuterifier si la SFI avait

correctement exerceacute son devoir de vigilance lors de lrsquoexamen des risques sociaux attacheacutes au projet

si elle avait reacutepondu de faccedilon approprieacutee dans un contexte de conflit social et politique et si les poli-

tiques et proceacutedures de la SFI donnaient des conseils adeacutequats au personnel sur la faccedilon drsquoeacutevaluer et

de geacuterer les risques sociaux associeacutes aux projets dans des zones de conflit ou agrave risque de conflit Au

cours de lrsquoenquecircte le CAO deacutecouvrit que Dinant eacutetait lrsquoun des plus gros emprunteurs drsquoune banque

hondurienne la Banco Financiera Comercial Hondurentildea (Ficohsa) et que le Board de la SFI avait

approuveacute un placement (equity) dans Ficohsa Cela a conduit la dirigeante du CAO a deacuteclencher la

premiegravere enquecircte jamais faite par un meacutecanisme de plainte drsquoune BMD agrave propos du degreacute de super-

vision exerceacute par la banque sur des risques environnementaux et sociaux lieacutes agrave cet investissement

dans un intermeacutediaire financier Parallegravelement en 2012 le CAO a meneacute un audit sur un eacutechantillon

drsquoinvestissements de la SFI dans le secteur financier Lrsquoenquecircte dans lrsquoaffaire Ficohsa 0171 comme

lrsquoaudit montrent que les standards environnementaux et sociaux de la SFI sont mal adapteacutes aux en-

jeux de lrsquointermeacutediation72

laquo IFC does not have a methodology for determining whether its principle requirement on cli-

entsmdashthe implementation of an environmental and social management systemmdashachieves the core

objective of lsquodoing no harmrsquo or improving environmental and social outcomes at the subclient level

This means that IFC has no quantitative or qualitative basis on which to assert that its financial in-

termediation investments achieve such outcomes which are a crucial part of its strategy and central

to IFCrsquos Sustainability Framework raquo73

Les meacutethodologies adapteacutees drsquoeacutevaluation des risques manquent lrsquoopaciteacute reste la regravegle malgreacute

le fait que la SFI srsquoest suite au travail du CAO engageacutee agrave divulguer les sous-projets des clients ayant

obtenu un placement priveacute de la SFIhellip Il serait donc souhaitable que le FVC deacuteveloppe rapidement un

cadre sur mesure drsquoeacutevaluation des risques environnementaux et sociaux et de suivi de ces risques en

tenant compte non seulement des standards appliqueacutes par drsquoautres bailleurs de fonds multilateacuteraux

mais eacutegalement des rapports critiques qui en identifient les deacuteficiences

70 CAO Compliance Audit of IFCrsquos Financial Sector Investments 10 octobre 2012 httpwwwcao-ombudsmanorgnewsroomdocumentsFIAUDIThtm (au 5 mai 2016)71 CAO Honduras Ficohsa-01 CAO Vice President Request Investigation Report of IFC Environmental and Social Performance in relation to Investments in Banco Financiera Comercial Hondurena SA (Ficohsa) 6 aoucirct 2014 1st Monitoring Report janvier 201672 Pour un panorama de ces enjeux voir Oxfam International laquo Risky business intermediary lending and development finance raquo Ox-fam GB 2012 httpswwwoxfamorgsiteswwwoxfamorgfilesib-intermediary-lending-and-development-finance-180412-enpdf (au 5 mai 2016)73 Overview of the CAO Compliance Audit of IFCrsquos Financial Sector Investments httpwwwcao-ombudsmanorgnewsroomdocumentsFIAUDIThtm (au 5 mai 2016)

Vanessa RICHARD

202

23 Une Gender Policy drsquoinspiration onusienne

Adopteacutee lors de la 9e Reacuteunion du Board en mars 2015 la Gender Policy est explicitement inspireacutee

par la CCNUCC la Deacuteclaration Universelle des Droits de lrsquoHomme la Convention sur lrsquoeacutelimination

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des femmes les Objectifs du Milleacutenaire et les conventions

principales de lrsquoOrganisation Internationale du Travail Elle reconnaicirct les droits eacutegaux qursquoont les

femmes et les hommes agrave acceacuteder aux services du Fonds de faccedilon agrave srsquoadapter et agrave atteacutenuer les impacts

du changement climatique74 Cette politique impose que les projets soumis au FVC soient coheacuterents

avec les politiques et prioriteacutes nationales sur le genre et avec la Gender Policy75 Le FVC exige que

les femmes et les hommes aient la mecircme possibiliteacute drsquoecirctre inclus dans les consultations des parties

prenantes et la prise de deacutecision au cours de la preacuteparation de la mise en œuvre et de lrsquoeacutevaluation

des projets76

3) Lrsquoeacutepineuse articulation avec les meacutecanismes de plainte similaires

Les termes de reacutefeacuterence de lrsquoIRM stipulent que

laquo 18 The Fundrsquos IRM should closely cooperate with the relevant departments or units of imple-

menting entities and intermediaries

19 The relationship between the IRM and the corresponding body of implementing entities

or intermediaries will be covered in agreements which will be entered into by the Fund with these

implementing entities or intermediaries which will require these to cooperate with the Fundrsquos IRM

where required raquo

Du point de vue de lrsquoarticulation de ce nouveau meacutecanisme de plainte avec les meacutecanismes

existants la Deacutecision B0609 reconnaissait donc en feacutevrier 2014 que la deacutelimitation entre le rocircle et

les responsabiliteacutes de lrsquoIRM et ceux des meacutecanismes drsquoaccountability des entiteacutes exeacutecutives et des

intermeacutediaires devaient faire lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere La question a des conseacutequences

pratiques tregraves importantes mais nrsquoest toujours pas trancheacutee Le choix a sembleacute un temps srsquoorienter

vers le fait de laisser aux meacutecanismes de plainte des entiteacutes exeacutecutives lorsqursquoils existent le soin de

connaicirctre les plaintes en premiegravere instance pour ne recourir agrave lrsquoIRM que si aucune solution nrsquoa eacuteteacute

trouveacutee

Cette option soulegraveve beaucoup de questions sur la coheacuterence du controcircle de conformiteacute dans

la mesure ougrave les eacuteventuels manquements drsquoune entiteacute exeacutecutive seront examineacutes par lrsquoIAM de cette

entiteacute agrave lrsquoaune de ses propres standards opeacuterationnels environnementaux et sociaux tels qursquoeacutevalueacutes

au moment de son accreacuteditation par le FVC et que les meacutecanismes de plainte ont plus ou moins de

latitude pour aller un peu au-delagrave Par exemple la Banque Asiatique de Deacuteveloppement est accreacutediteacutee

74 Deacutecision B0911 Annexe XIII op cit sect375 Ibid sect1576 Ibid sect16

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

203

sur la base drsquoun examen de la compatibiliteacute de ses standards avec les Fiduciary Standards les Interim ESS et la Gender Policy du FVC Le meacutecanisme de plainte de la banque ne peut lui que connaicirctre

drsquoalleacutegations de manquement par la banque agrave ses propres politiques Quid de la violation des trois

politiques du FVC Elles ne seraient alors pas laquo examinables raquo par lrsquoAccountability Mechanism En

revanche agrave supposer que les experts de la CRMU de la BAfD puissent conserver la latitude dont

ils ont fait preuve dans lrsquoaffaire Medupi77 pour une violation alleacutegueacutee similaire la CRMU serait

potentiellement en mesure drsquoexaminer la conformiteacute du comportement de la banque avait les standards

du FVC plus ou moins directement Il ne semble pas possible de mettre en place une meacutethodologie de

veacuterification comparable agrave celle du country-system deacutejagrave mis en place par la Banque mondialehellip Celui-

ci consiste une fois eacutevalueacutee lrsquoeacutequivalence fonctionnelle des regraveglementations en vigueur drsquoun pays

par rapport aux conditionnaliteacutes de la Banque mondiale agrave laisser srsquoappliquer celles-ci plutocirct que

celles-lagrave conduisant le Panel drsquoinspection de la Banque mondiale dans lrsquoaffaire Eskom78 agrave opeacuterer un

double controcircle celui du respect de ses propres standards par la Banque mondiale en ce qui concerne

son devoir de vigilance auquel srsquoajoute le controcircle de la faccedilon dont a eacuteteacute eacutevalueacutee lrsquoeacutequivalence de la

regraveglementation sud-africaine afin de distinguer les zones ougrave celles-ci nrsquoeacutetaient pas eacutequivalentes et

ougrave la Banque aurait donc ducirc favoriser lrsquoapplication de ses propres standards environnementaux et

sociaux Rameneacute agrave la double couche de standards de lrsquoagence accreacutediteacutee et du FVC les meacutecanismes

de plainte des entiteacutes accreacutediteacutees seraient ameneacutes agrave veacuterifier le respect des standards propres agrave leur

entiteacute et la faccedilon dont la compatibiliteacute avec ceux du FVC a eacuteteacute eacutevalueacuteehellip ce qui eacutechappe agrave leur

pouvoir Dans lrsquohypothegravese ougrave lrsquoIRM serait une voie de recours de seconde chance les deacutelais seraient

aussi extrecircmement longs pour espeacuterer obtenir des mesures correctrices efficaces Il est par ailleurs

bien eacutevident que le risque de deacutecisions peu coheacuterentes entre elles voire contradictoires qui existe

deacutejagrave lorsque deux IAMs diffeacuterents sont saisis pour un mecircme projet conduirait un IRM laquo drsquoappel raquo agrave

arbitrer des choses qursquoil nrsquoest pas censeacute arbitrer

Il est agrave souligner que les entiteacutes accreacutediteacutees et le FVC signent au moment de lrsquoaccreacuteditation un

accord juridique (un contrat de droit priveacute pour les entiteacutes priveacutees un accord reacutegi par le droit inter-

national public pour les entiteacutes publiques)79 appeleacute Accreditation Master Agreement (AMA) LrsquoAMA

inclut des dispositions selon lesquelles les standards fiduciaires les ESS et la Gender Policy doivent

ecirctre respecteacutes par lrsquoentiteacute accreacutediteacutee Celle-ci doit eacutegalement coopeacuterer avec lrsquoIndependent Redress Mechanism80 Si est alleacutegueacutee une violation significative drsquoun standard environnemental drsquoune entiteacute

accreacutediteacutee sur un projet ayant reccedilu des financements FVC il y aura selon toute probabiliteacute agrave la fois

violation des standards de cette entiteacute et violation des standards du FVC qui srsquoimposent agrave elle juridi-

quement Faudrait-il alors deacuteclencher deux affaires lrsquoun devant le meacutecanisme de plainte de lrsquoentiteacute

77 CRMU Medupi Power Project (Republic of South Africa) Requecircte ndeg RQ20102 Compliance Review Report 19 deacutecembre 2011 Dans cette affaire la CRMU srsquoest appuyeacutee sur le Clean Energy Investment Framework (CEIF) de la BAfD sur le Southern Africa Regional Integration Strategy Paper 2011-2015 (RISP) et sur le projet de nouvelle Politique du Secteur de lrsquoEacutenergie qui ne sont pas en principe applicables par le meacutecanisme de plainte pour constater que le projet avait mis en tension les objectifs de fourniture drsquoeacutelectriciteacute avec les politiques environnementales de la banque ce qui avait geacuteneacutereacute des manquements partiels aux standards applicables78 Panel drsquoinspection South Africa Eskom Investment Support Project Case 65 Investigation Report 21 novembre 2011 Lrsquoaffaire Eskom devant le Panel drsquoinspection et lrsquoaffaire Medupi devant la CRMU portent sur le mecircme projet79 Deacutecision B0908 Annexe XI laquo Considerations for legal and formal arrangements with accredited entities raquo80 Ibid sect7

Vanessa RICHARD

204

accreacutediteacutee concerneacutee lrsquoautre devant lrsquoIRM Cela paraicirct contre-productif Il est leacutegitime de penser

qursquoil serait plus compreacutehensible et moins coucircteux que les plaintes concernant des projets financeacutes

par le FVC soient envoyeacutees agrave lrsquoIRM quelle que soit lrsquoentiteacute accreacutediteacutee concerneacutee81

La Deacutecision 7CP21 adopteacutee agrave Paris en deacutecembre dernier laquo Rapport du Fonds vert pour le climat

agrave la Confeacuterence des Parties et directives agrave lrsquointention du Fonds vert pour le climat raquo

laquo Engage vivement le Conseil du Fonds vert pour le climat agrave rendre drsquourgence opeacuterationnels le

Groupe indeacutependant de lrsquoeacutevaluation le Meacutecanisme de recours indeacutependant et le Groupe indeacutepen-

dant chargeacute de lrsquointeacutegriteacute et agrave rendre publiques les proceacutedures que les Parties et les personnes tou-

cheacutees doivent suivre lorsqursquoelles demandent reacuteparation en attendant que le Meacutecanisme de recours

indeacutependant soit opeacuterationnel raquo82

Comme mentionneacute plus haut agrave propos de la proceacutedure provisoire pour les plaintes en cas de re-

fus de financement le Board du FVC est quant agrave lui plus prudent sur le rythme de travail83 jusqursquoici

agrave marche forceacutee Le recrutement du chef de lrsquoIRM est en cours et conditionne la reacutedaction de proceacute-

dures deacutetailleacutees LrsquoAnnexe I du document preacuteparatoire Interim Procedures for Redress Reconsidera-tion of Funding Decisions sur le projet de deacutecision du Board pour la 13e Reacuteunion en effet

laquo Requests the head of the independent redress mechanism to prepare with the support of the

Secretariat for consideration by the Board no later than its sixteenth meeting the detailed guide-

lines and procedures for the independent redress mechanism referred to in paragraph 13 of Annex V

(Terms of reference of the independent redress mechanism) of document GCFB0619 titled ldquoReport

of the Sixth Meeting of the Board 19-21 February 2014rdquo in close consultation with similar or equiv-

alent mechanisms of accredited entities and other stakeholders raquo84

La question de lrsquoarticulation avec la galaxie des autres IAMs existants devrait donc ecirctre trancheacutee

au plus tard lors de la 16e Reacuteunion du Board Par ailleurs lrsquoagenda de travail du Board adopteacute lors

de la 11e Reacuteunion preacutevoit que des directives en matiegravere de cateacutegorisation des projets en fonction des

risques environnementaux et sociaux qursquoil preacutesentent seront adopteacutees lors de la prochaine (14e) Reacute-

union85 Aucune mention nrsquoest pour lrsquoheure faite de la reacutedaction de standards environnementaux et

sociaux reacuteellement sur mesure qui tiendraient compte des objectifs speacutecifiques du FVC et du cadre

juridique climatique dans lequel il srsquoinscrit

81 Both ENDS op cit82 sect2083 Interim Procedures for Redress Reconsideration of Funding Decisions Doc GCFB1317 op cit84 Ibid Annexe I laquo Draft decision of the Board raquo sectb)85 laquo Workplan for meetings of the Board in 2016 including outstanding items from previous meetings raquo Doc GCFB1102 11 octobre 2015 p 14

Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du meacutecanisme de plainte

205

TABLE DES MATIEgraveRES

Sommaire7

Introduction geacuteneacuterale9 Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs La gouvernance internationale de lrsquoenvironnement entre fragmentation et deacutefragmentation Sandrine Maljean-Dubois et Denis Pesche

1) Cartographies des circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurshelliphelliphellip13

11 Un ordre juridique international naturellement fragmenteacute13

12 Lrsquoappreacutehension de complexes de reacutegimes13

13 Lrsquoidentification des circulations16

bull Lrsquoobjet de la circulation helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip16bull Les vecteurs de circulationhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip17bull La porteacutee des circulationshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip18

2) Les voies drsquoune deacutefragmentation de la gouvernance internationale de lrsquoenvironnementhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip19

21 Une deacutefragmentation neacutecessairehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip19

22 Les leviers de deacutefragmentationhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip21a) Les leviers juridiqueshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip22b) Les leviers opeacuterationnelshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip25c) Les leviers institutionnelshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip28

Conclusionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip30

Indications bibliographiqueshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip31

206

Partie 137Circulation des finaliteacutes environnementales et sanitaires au sein des complexes de reacutegime chapitre 137Les dispositions environnementales des accords commerciaux entre innovation et diffusion Jean-Freacutedeacuteric Morin et Myriam Rochette

Introductionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip38

1) Les innovations et les caracteacuteristiques des accords ameacutericains et europeacuteenshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip3911 Lrsquoapproche compeacutetitive ameacutericainehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip4012 Lrsquoapproche coopeacuterative europeacuteennehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip44

2) La diffusion des normes ameacutericaines et europeacuteenneshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip4921 Diffusion des normes ameacutericaineshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip49

22 Diffusion des normes europeacuteenneshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip51

3) La convergence des accords ameacutericains et europeacuteenshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip52

31 Lrsquoeuropeacuteanisation des accords ameacutericainshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip53

32 Lrsquoameacutericanisation des accords europeacuteenshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip55

Conclusionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip59

chapitre 261Transmission circulation et persistance des thegravemes de santeacutedans les conventions internationales lieacutees agrave la biodiversiteacute Claire Lajaunie et Pierre Mazzega

1) Introductionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip62

2) Le corpus textuel et les termes de santeacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip63

3) Eacuteleacutements drsquoontologie juridique et eacutechelles eacutecologiqueshelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip66

4) Reacuteseaux de transmissioncirculation des thegravemes de la Santeacutehelliphelliphelliphellip68

41 Graphe des Termeshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip68

42 Graphe des Thegravemeshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip69

207

5) Discussionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip70

51 Termes thegravemes ou theacutematique helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip70

52 Limites de lrsquoapplicabiliteacute de modegraveles eacutepideacutemiologiqueshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip71

53 Lrsquointeacutegration de nouvelles sourceshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip726) Conclusionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip737) Annexehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip758) Tableshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip76

chapitre 3helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip81HFC histoire drsquoune formation de complexe jusqursquoagrave lrsquoamendement de Kigali Hugues Hellio

La solution Vienne-Montreacutealhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip82Les enjeux des HFC helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip83Circulations et formation de complexehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip86La gestion concerteacuteehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip88Les lois de Pi helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip90Le ciel demainhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip91

chapitre 4helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip95La circulation des normes comme outil de lrsquoeffectiviteacute Le cas de la CITES de la CDB et du Fond pour lrsquoEnvironnement Mondial Guillaume Futhazar La CITEShelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip96La Convention sur la diversiteacute biologiquehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip97Le Fond pour lrsquoEnvironnement Mondialhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip98De nombreuses interconnexions helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip99

1) La mobilisation de strateacutegies innovantes drsquoaccegraves aux ressources du FEM par le Secreacutetariat de la CITEShelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip10011 Une premiegravere strateacutegie lrsquoincorporation de dispositions relatives agrave la CITES dans les Strateacutegies et plans drsquoaction nationaux pour la biodiversiteacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip100a Un instrument agrave lrsquoeacutelaboration et agrave la mise en œuvre complexeshelliphelliphelliphelliphelliphellip101b La prise en compte approprieacutee de la CITES dans les SPANBhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip102

208

12 Une seconde strateacutegie La tentative ndash avorteacutee ndash drsquoaccegraves direct au FEMhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip104a La diffusion du Plan Strateacutegique pour la Diversiteacute Biologique et de ses Objectifs drsquoAichi comme eacutetape preacutealable agrave lrsquoaccegraves au FEMhelliphelliphelliphelliphellip104b La complexiteacute du reacuteseau institutionnel du FEM comme hypothegravese justifiant lrsquoabandonhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip106

2) Quelle lecture juridique de tels pheacutenomegravenesthinsp helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip108

21 La nature des objets en circulationhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip108a Les Plans Strateacutegiques et Objectifs comme indicateurs des buts des traiteacuteshellip109b Lrsquoincorporation de reacutefeacuterences agrave la CITES dans les SPANB comme expression de la norme interstitielle de synergie helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip112

22 Une illustration de lrsquoimportance drsquoinstitutions neacutegligeacutees par la discipline juridiquehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip114

a Un secreacutetariat faisant preuve drsquoautonomiehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip114b Des institutions appelant des eacutetudes transdisciplinaireshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip115

Partie 2helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip117Circulation des normes et reacuteseaux drsquoacteurs dans les complexes de reacutegimes chapitre 1helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip117Rocircle des acteurs eacuteconomiques dans lrsquoeacutelaboration la circulation et la mise en œuvre des normes de gouvernance environnementale agrave lrsquoeacutechelle internationale Daniel Compagnon Yves Montouroy Amandine Orsini Roman de Rafael

1) Le poids des acteurs eacuteconomiques dans les neacutegociations internationales pour la gestion durable des forecircts et pour la

reacutegulation des eacutemissions carbone dans lrsquoaviation civilehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip119

11 Circulation internationale la participation des acteurs non eacutetatiques aux forums internationaux sur la gestion durable des forecirctshelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip119

12 Le cas de la reacutegulation internationale des eacutemissions carbone du secteur aeacuterienhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip124

2) Evolution du rocircle des ANE dans la mise en œuvre de la politique exteacuterieure de lrsquoUE contre le bois illeacutegal et du Meacutecanisme

de Deacuteveloppement Proprehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip130

209

21 Les ANE dans lrsquoaction exteacuterieure de lrsquoUE contre le bois illeacutegal en Reacutepublique du Congohelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip130

22 Le rocircle des ANE dans la mise en œuvre du Meacutecanisme de Deacuteveloppement proprehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip135

Conclusionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip143

Reacutefeacuterenceshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip144

Chapitre 2helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip147Le processus de Kobeacute un vecteur de circulation des normes

et des acteurs dans un contexte de gouvernance internationale fragmenteacutee

Sophie Gambardella

1) La coordination institutionnelle au sein du processus de Kobeacute comme vecteur de circulation des acteurshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip150

11 Une circulation des acteurs vers des organes ad hochelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip151

12 Une circulation des acteurs entre les organisations reacutegionales de gestion des thonideacuteshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip154

2) Lrsquoharmonisation de la gestion des activiteacutes de pecircches au sein du processus de Kobeacute comme vecteur de circulation des normeshelliphelliphelliphellip156

21 La circulation des normes scientifiques et techniqueshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip157

22 La circulation de normes juridiqueshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip160

Chapitre 3helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip165La transparence de la finance climat de la circulation du

principe agrave la circulation de ses modaliteacutes drsquoapplication Anne-Sophie Tabau

1 Les caracteacuteristiques de la circulation de la transparence de la finance climathelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip168

11 Lrsquoimpulsion de la circulation normative par le laquo reacutegime climat raquohelliphellip168a Une impreacutecision des lignes directrices favorable agrave la circulation normative

ascendantehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip169b Des lignes directrices ayant vocation agrave ecirctre preacuteciseacutees gracircce agrave une circulation

normative organiseacuteehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip171

210

12 Les manifestations de la circulation de la transparence de la finance climathelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip172

a Une circulation normative au soutien de lrsquoobligation de rapporter la finance climat fournie ou reccediluehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip173

b Une circulation normative teacutemoignant drsquoune influence conceptuelle plus diffusehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip175

2) Les effets de la circulation normativehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip177

21 Les mutations de la normehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip178a Sur le produit de la transparence de la finance climathelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip178b Sur le processus mecircme de la transparence de la finance climathelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip179

22 Lrsquoeacutemergence drsquoacteurs centraux en dehors du laquo reacutegime climat raquohelliphellip181a Les acteurs de la transparence de la finance climat reacuteveacuteleacutes par la circulation

normativehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip181b Des doutes sur la leacutegitimiteacute de lrsquoOCDE en tant qursquoacteur central agrave la question de lrsquoaccountability en matiegravere climatiquehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip183

Chapitre 4helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip187Emprunts speacutecificiteacutes et articulations dans la creacuteation du

meacutecanisme de plainte du Fonds Vert pour le Climat Vanessa Richard

1) La proceacutedure de lrsquoIRM entre innovation et emprunts sur le mode restrictifhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip192

11 La plainte pour refus de financement une speacutecificiteacute du FVChelliphelliphelliphellip19312 La plainte des personnes affecteacutees des emprunts qui ne reflegravetent pas toujours les meilleures pratiques des IAMshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip196

2) Les standards applicables copier-coller et zones griseshelliphelliphelliphelliphelliphellip198

21 Le recours aux bonnes pratiques de gestion financiegravere et agrave la bonne gouvernance les Initial Fiduciary Principles and Standardshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip199

22 Le copier-coller les Interim Environmental and Social Safeguards (ESS)helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip199

23 Une Gender Policy drsquoinspiration onusiennehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip2023) Lrsquoeacutepineuse articulation avec les meacutecanismes de plainte similaireshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip202

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UMR Droits International Compareacute et Europeacuteen (DICE)Espace Reneacute Cassin3 avenue Robert Schuman13628 Aix-en-Provence

dice-editionsuniv-amufr

Composition et mise en page Donia Landoulsi UMR DICE Aix-Marseille Universiteacute

Conception de la couverture Donia Landoulsi UMR DICE Aix-Marseille Universiteacute

Illustration de la couverture Laure Sabine Bampi artiste peintre

2egraveme trimestre 2016

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Circulations de normes et reacuteseaux drsquoacteurs dans la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement

La gouvernance internationale de lrsquoenvironnement srsquoest construite par lrsquoeacutemergence pro-gressive drsquoespaces juridiques et institutionnels relativement autonomes et non hieacuterarchiseacutes Des laquo reacutegimes raquo speacutecialiseacutes ont ainsi prolifeacutereacute au greacute de lrsquoidentification de nouvelles me-naces et de nouveaux problegravemes agrave reacutesoudre Ils se comptent aujourdrsquohui par dizaines si bien que la question de la coheacuterence de ce paysage fragmenteacute srsquoest rapidement poseacutee La multiplication des reacutegimes entraine par deacutefinition des concurrences collisions doubles emplois de plus en plus freacutequents Agrave cela srsquoest ajouteacutee la prise de conscience que les en-jeux environnementaux sont eacutetroitement interconnecteacutes comme le montrent les relations entre la lutte contre les changements climatiques drsquoune part et la protection de la couche drsquoozone la conservation de la biodiversiteacute la deacutesertification la protection des forecircts ou des oceacuteans drsquoautre part Degraves lors une gouvernance trop fragmenteacutee ne peut ecirctre effective car elle risque de conduire agrave deacutefaire drsquoun cocircteacute ce que lrsquoon fait de lrsquoautre Les Eacutetats peuvent par ailleurs instrumentaliser la fragmentation jouant tel reacutegime contre tel autre en fonction de leurs inteacuterecircts nationaux Apregraves avoir mis en eacutevidence les pheacutenomegravenes de circulations de normes et drsquoacteurs entre ces reacutegimes les auteurs de cet ouvrage pluridisciplinaire reacutefleacute-chissent aux voies et moyens de les accompagner voire de les amplifier dans lrsquoobjectif de laquo deacute raquofragmenter la gouvernance internationale de lrsquoenvironnement et drsquoassurer ainsi une meilleure effectiviteacute des politiques conduites

Cette recherche a eacuteteacute financeacutee par lrsquoAgence nationale de la recherche dans le cadre du projet CIRCULEX ltANR-12-GLOB-0001-03 CIRCULEXgt

Sandrine MALJEAN-DUBOIS est directrice de recherche au CNRS Elle dirige lrsquoUMR 7318 Aix-Marseille Universiteacute PauToulonCNRS laquo DICE raquo Droits international compareacute et europeacuteen Elle consacre ses activiteacutes drsquoenseignement et de recherche au droit international de lrsquoenvironnement et a dirigeacute de nombreux ouvrages collectifs et publieacute un grand nombre drsquoarticles scientifiques dans domaine

Elle est notamment lrsquoauteure de Quel droit pour lrsquoenvironnement (Hachette 2008) et avec Matthieu Wemaeumlre de La diplomatie climatique de Rio 1992 agrave Paris 2015 (Pedone 2015)

est une collection drsquoouvrages numeacuteriques du laboratoire Droits International Compareacute Europeacuteen (UMR DICE 7318 CNRS Aix-Marseille Universiteacute Universiteacute de Toulon Universiteacute de Pau et des pays de lrsquoAdour)

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