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UBUNTU 18 p. 2 : Hommage à Hervé Bourges p. 3 à 14 Les métamorphoses de la question raciale p. 33 à 43 A LIRE – MUSIQUE et CINEMA p. 15 à 25 actualités – actualités – actualités – actualités p. 26 à 29 Migrations et réfugiés p. 30 à 32 ATLANTIDE Les mots du monde à Nantes p. 44 à 54 Nos partenaires de ce numéro Le Valet des livres de Liss Kihindou - ACHAC groupe de recherche – Médiapart - Madinin’art - La Cimade – Francophonie - Dictionnaire enjoué des cultures africaines Anna Gréty Aïga Maïssa p.1 Edito

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UBUNTU n°18

p. 2 : Hommage à Hervé Bourges

p. 3 à 14 Les métamorphoses de la question raciale

p. 33 à 43 A LIRE – MUSIQUE et CINEMA

p. 15 à 25 actualités – actualités – actualités – actualités

p. 26 à 29 Migrations et réfugiés

p. 30 à 32 ATLANTIDE Les mots du monde à Nantes

p. 44 à 54 Nos partenaires de ce numéroLe Valet des livres de Liss Kihindou - ACHAC groupe de recherche – Médiapart - Madinin’art - La Cimade – Francophonie - Dictionnaire enjoué des cultures africaines

Anna Gréty Aïga Maïssa

p.1 Edito

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EDITO De crises en crisesQu’en est-il de ce virus venu de Chine et qui envahirait le monde sauf l’Afrique encore à cette heure – étrangement protégée contrairement à son sort habituel ?

Coranovirus qui envahit certainement tous les médias et par voie de conséquence tous nos esprits au point qu’on pourrait en oublier nombre de problèmes qui ne devraient pas manquer cependant d’attirer notre attention.

Il n’est pas dans le champ d’investigation d’UBUNTU de traiter de la situation en France mais, quand même pour cette fois exceptionnellement, on ne pourra pas ne pas observer qu’un certain article 49 - alinea 3 pourrait troubler sinon virusser quelques citoyen.ne.s déjà en pleines élections municipales. On peut même craindre que certaines inquiétudes pour les uns ou certains antagonismes pour d’autres ne s’en trouvent exacerbés au point de susciter des réactions inquiétantes sur des sujets sensibles comme celui des migrations et de l’accueil des réfugiés par exemple.

Ainsi au moment où un manoir inoccupé à Rennes pourrait devenir un nouvel abri avec quelque chance de durer, les militants des organisations de soutien aux migrants sont victimes d’agressions sur leurs véhicules dont ils trouvent les pneus crevés.

Sans doute y a-t-il d’autres virus très anciens qui ressurgissent à l’occasion et trouvent-ils appui dans une politique de rejet des peuples en souffrance qui cherchent secours chez nous. Ce qui ne va pas manquer de s’aggraver depuis qu’Erdogan ne veut plus les garder en Turquie malgré les 6 milliards offerts par l’Europe. Et déjà des habitants des iles grecques brûlent les «centres de rétention» censés les «recevoir». Alors que deviendront-ils?Francis Le Hérissé

UBUNTU

Nb : UBUNTU est un atelier de la MIR et, naturellement, ce mensuel s’adresse d’abord à ses associations dont nous attendons les réactions pour un courrier des lecteurs – également ouvert à tous les lecteurs et lectrices

UBUNTU – Maison Internationale de Rennes - 7 quai Chateaubriand – RENNES Réalisation : MIDAF - Rédacteur : Francis Le Hérissé et de nombreux complices Chargé de mission : Morley Russel Moussala - assistant d’Alain Mabanckou

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«L’Afrique est un continent de l’avenir» selon Hervé Bourges l’Africain

L'histoire d'amour entre Hervé Bourges et le continent africain remonte à plusieurs décennies et son intensité n'a jamais faiblie au fil des années et des événements, heureux ou malheureux, qui l'ont jalonnée.

Tout a démarré sous le soleil brûlant de l'Algérie où le jeune appelé du contingent Hervé Bourges est envoyé pour faire son service militaire. C'est la guerre. Préposé au théâtre aux armées, il n'en prend pas moins partie pour la cause du peuple algérien qui lutte pour son indépendance. Il rejoint le réseau Jeanson, dont les membres sont surnommés "les porteurs de valise". C'est le début d'une passion africaine qui le verra conseiller du Président Ben Bella après la guerre, et l'entraînera ensuite aux quatre coins de l'Afrique, du Nord au Sud, d'Est en Ouest.

Il créera l'école de journalisme de Yaoundé, voyagera à de très nombreuses reprises en Afrique francophone lorsqu'il sera nommé à la tête de Radio France internationale. Il se liera d'amitié avec les dirigeants africains, mais aussi les artistes, les leaders d'opinion et tous les opposants aux régimes dictatoriaux. Chargé parfois de missions officieuses, de diplomatie parallèle auprès des chefs d'états africains, il y gagnera le surnom de "Bourges l'Africain". De ce voyage sans fin sur le continent africain (70 séjours dans la seule ville de Dakar), il ramènera quantité de souvenirs, d'anecdotes et de choses vues qu'il nous livre ici au fil d'un abécédaire aussi varié que passionné. Des sables de l'Algérie jusqu'au Cap de Bon espérance, l'Afrique d'Hervé Bourges s'ouvre à tous les cœurs et entonne un chant d'espérance qui résonne aussi fort que les voix des peuples qui la composent.

« Un  ouvrage  plein  de  passion  et  de  curiosité  mais  aussi  d'exigence  qui  nous permet de pénétrer  l'Afrique par ses climats, sa faune, ses forêts profondes ou ses  déserts  mais  surtout  par  ses  hommes,  par  sa  culture  et  par  son  histoire. Loin  d'être  un  ouvrage  simplement  didactique,  ce  Dictionnaire  amoureux  de l’Afrique  est  un  ouvrage  qui  ravira  tous  ceux  qui  veulent  approfondir  leur connaissance  de  l'Afrique  et  sont  heureux  d'y  retrouver  un  parfum  de  choses vécues  aussi  bien  que  ceux  qui  souhaitent  en  partir  à  la  découverte.  Mais n'oublions jamais que l'homme Hervé Bourges est toujours présent derrière son texte  :  c'est  une  vision  personnelle  de  l'Afrique  qui  nous  est  présentée, chaleureuse et optimiste quant au devenir du continent, en dépit des turbulences qui le traversent, et toujours exigeante ». 

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Si les questions raciales se transforment sous nos yeux, c’est en raison à la fois de la montée de nouveaux publics qui s’en emparent, d’évolutions politiques et analytiques qui les entourent, et de mouvements tectoniques qui les rendent plus saillantes

Cette émergence s’est marquée en France par l’apparition de groupes d’activistes qui, à l’instar des afroféministes de Mwasi ou du collectif Rosa Parks, bousculent les cadres habituels et « raisonnables » de la discussion, avec d’autant plus de force qu’ils proclament, comme le fait Omar Slaouti, l’un des porte-parole du collectif Rosa Parks : « Nous ne sommes la marge de personne. » Cet élargissement nécessaire ne vaut cependant pas blanc-seing, comme le rappelle aussi Nancy Fraser : « Qu’on  ne  s’y  méprenne  pas.  Je  ne  suggère aucunement  que  les  contre-publics  subalternes  sont  toujours  nécessairement vertueux ;  certains  sont  hélas  explicitement  anti-démocratiques  et  anti-égalitaires. » Mais il est devenu aussi impossible que contre-productif de nier ou d’occulter ces prises de parole des premiers concernés.C’est à la lumière de cette lame de fond qu’il faut lire ce qui se passe aujourd’hui autour de la race. Éric Fassin fait ainsi ce constat : « Les  choses  ont  bien changé depuis la publication en 2006 d’un ouvrage collectif que j’avais codirigé : De la question sociale à la question raciale ? Représenter la société française. Cette  question  raciale  n’est  plus  uniquement  un  objet  d’étude  pour  des chercheuses  et  chercheurs  qui,  on  en  prend  conscience,  sont  le  plus  souvent blancs ;  désormais, les minorités raciales sont également des sujets qui prennent la parole. Elles proposent aujourd’hui tout un vocabulaire (personnes racisées ou non blanches, non-mixité, racisme d’État, etc.). » Le sentiment de vivre une métamorphose des questions raciales est aussi pris dans des évolutions analytiques. Une multitude de travaux ont en effet historicisé et complexifié la perception de la race, établissant que la peau n’a pas la même couleur aux yeux de ceux qui la portent et de ceux qui la regardent, que l’on parle des Blancs ou des racisés, mais aussi que ces deux groupes se scindent, chacun, sur le fait de se percevoir et/ou de se définir comme tel, selon la profession, le vécu géographique ou l’insertion sociale. Cela constitue un des socles sur lesquels se greffent les mésententes et les tensions autour des questions raciales contemporaines.

Les métamorphoses de la question raciale

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Les métamorphoses de la question raciale

Surtout, la description analytique de la race diffère très fortement d’un intellectuel à l’autre : à partir d’une peau sombre, Pap Ndiaye, professeur à Sciences-Po Paris, déduit une « condition noire », Maboula Soumahoro, maîtresse de conférences à l’université de Tours, réfléchit à une « identité

noire », tandis que le philosophe Norman Ajari revendique une « essence ». Pour Pap Ndiaye, parler des Noirs revient ainsi à se référer « à une communauté imaginée », perçue comme telle, et « à des personnes dont l’apparence est d’être noires, et non point à des personnes dont l’essence serait d’être noires ».

La manière de penser le pigment se décline ainsi à l’infini et produit des positionnements intellectuels et politiques différents. Ce qui oblige à saisir trois composantes déterminantes de l’équation complexe des questions raciales contemporaines.

D’abord, le métissage croissant des sociétés occidentales ne constitue ni la panacée, ni le rempart contre le risque d’explosion de ces questions raciales. Une société mélangée n’est pas synonyme de société apaisée. Au contraire, pour l’essayiste Reni Eddo-Lodge, la croissance du métissage  « complique » même  « les  relations  raciales  plus  qu’elle  ne  les  simplifie ».  En effet, « loin  de prouver  que  la  société  a  réussi  à  surmonter  le  racisme,  les  couples  mixtes attestent  que  les  actions  individuelles  vont  souvent  plus  vite  que  le  progrès social ». 

Ensuite, la racialisation du monde ne s’est pas construite uniquement sur des questions de couleur de peau. Les questions raciales ne peuvent se saisir indépendamment d’autres variables sociales et politiques, et ne peuvent se comprendre seulement comme des questions minoritaires, puisqu’elles percutent la norme majoritaire à partir de laquelle elles se sont structurées. Comme le rappelait la philosophe Elsa Dorlin : « la  couleur  n’est  pas  la  seule composante.  La  santé,  la  sexualité,  la  reproduction  entrent  en  compte  dans  la définition de la race. La race européenne y est définie comme la plus vertueuse, la plus sanguine et en bonne santé, tandis que la race noire est définie comme la  plus  flegmatique  et  sujette  aux  maladies.  Un  siècle  plus  tard,  s’opère  une inversion de cette conceptualisation, et la race.

De la couleur de la peau à la racialisation du monde

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Les métamorphoses de la question raciale

«une société ethnoculturellement diversifiée»

Cette modification rapide des équilibres démographiques contribue à raviver les questions raciales dans des pays dont la population est, historiquement et majoritairement, blanche. Aux États-Unis, plus de la moitié des bébés qui naissent aujourd’hui appartiennent à des minorités ethniques, tandis que 80 % des décès enregistrés concernent des Américains blancs. Cela signifie qu’entre 2040 et 2060, les Blancs seront, pour la première fois, minoritaires, ce qui n’est pas sans incidence sur la crispation violente d’un suprémacisme blanc.

Pour la France, qui ne dispose pas des mêmes statistiques ethniques, Jérôme Fourquet, à partir des prénoms donnés aux bébés naissant aujourd’hui, estime que « la  part  de  la  population  issue  des  mondes arabo-musulmans  représentera  mécaniquement,  du  fait  du renouvellement des générations, un habitant sur cinq, voire sur quatre, si la  tendance  haussière  observée  depuis  le  début  des  années  2000  se poursuit ».

Même si cette « population  issue  de  l’immigration  arabo-musulmane  ne constitue pas un ensemble homogène, loin s’en faut », que l’on parle des régions d’origine, de l’ancienneté de la présence sur le territoire ou des orientations religieuses et politiques ; même si « cette  configuration d’hétérogénéité  ethnoculturelle » n’opère « pas  avec  la  même  intensité sur l’ensemble du territoire » ; et même si le phénomène majeur demeure, en dépit de la rapidité de cette dynamique démographique et de certains phénomènes d’endogamie, « l’intégration  à  bas  bruit  d’une  partie  des populations » et l’attachement « au  modèle  républicain  et  plus  encore  à l’idéal  patriotique », ce changement du visage visible de l’Hexagone contribue à raviver les questions raciales.

Le politiste Jérôme Fourquet parle, dans son best-seller L’Archipel français (Le Seuil), du « passage d’une société démographiquement homogène (jusque dans les années 1970) à une société ethnoculturellement diversifiée » comme d’un « changement de fond » constituant un « fait sociologique et politique majeur ».

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Aujourd’hui, les descendants de ces migrations sont considérés comme des Français ordinaires, à l’encontre des soupçons qui pèsent désormais sur les descendants des pays colonisés. Mais le « creuset français », porté par une dynamique économique puissante, fonctionnait alors différemment et sans doute plus rapidement. Un second élément qui contribue à rendre les questions raciales aussi sensibles est l’accroissement des inégalités mondiales et nationales, abondamment documenté. Or, ainsi que l’écrit le philosophe Paul B. Preciado dans son ouvrage Un  appartement  sur  Uranus, c’est « une  constante  de  l’histoire politique :  les  classes  dominantes  cherchent  à  déplacer  l’antagonisme  qui pourrait les renverser en incitant les différentes classes dominées à s’affronter ». Pour l’intellectuel Theodor Allen (1919-2005), auteur de The Invention of the White Race, l’exemple paradigmatique de cette logique fut la ségrégation raciale et l’idée d’une supériorité des Blancs sur les Noirs, qui se fit non seulement au détriment des Noirs, mais aussi au détriment de la classe laborieuse blanche, ainsi détournée de toute alliance avec les travailleurs noirs. Pour l’historien Pierre Rosanvallon le parallèle entre la ségrégation étatsunienne, qui a permis historiquement de tolérer des inégalités sociales croissantes entre Blancs en modifiant la perception des antagonismes sociaux, et les crispations identitaires contemporaines, est tout à fait fondé : « Aujourd’hui,  on  assiste  à  un  retour  bête  et  méchant  à  ces  visions  du  XIXe siècle,  avec  la  reconstitution  d’une  idéologie  des  inégalités  extrêmement puissante,  qui  ne  s’appuie  pas  seulement  sur  une  vision  physiologique  ou phrénologique des différences, comme au XIXe siècle. »

L’ouvrage de Jérôme Fourquet a été vu par les réactionnaires comme une confirmation sourcée de leurs craintes d’un débordement démographique. Mais, si l’on remet cela historiquement en perspective, les migrations polonaises et italiennes du début du XXe siècle subissaient des accusations similaires à ce qu’on entend aujourd’hui : fécondité supérieure au groupe majoritaire, trop grande religiosité, entre-soi,

Les descendants des migrants d’hier = des Français ordinaires

rivalités au sein des mondes populaires et laborieux attisées par des élites politiques et pouvant déboucher sur des violences mortelles, comme lors du massacre des Italiens d’Aigues-Mortes de 1893, décrit par l’historien Gérard Noiriel.

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Les

Les métamorphoses de la question raciale

Actuellement, en tant que féministes ou militantes pour les droits des homosexuels et transsexuelles, constate Preciado, « nous sommes constamment invitées à nous opposer à un islam soi-disant homophobe, aux femmes voilées, mais aussi aux cultures non occidentales supposément porteuses d’une forme ancestrale de machisme. Les forces du colonialisme financier et celles du nationalisme identitaire cherchent une Cet affrontement interne entre travailleurs autochtones et étrangers, entre

« petits Blancs » et migrants, ou entre femmes occidentales et femmes arabes, n’est pas nécessairement issu d’un complot décidé en haut lieu, mais il est structurant pour la conquête des classes moyennes, qui décident, in  fine, des politiques menées en démocratie électorale.

la  classe  moyenne,  pour  chercher  la  sécurité  et  la  facilité,  fait  preuve  d’une profonde  inertie  conditionnée.  Elle  a  peur  de  faire  tanguer  la  barque.  Mais  elle commence à se rendre compte que la barque coule et qu’elle coulera avec elle si  elle  ne  commence  pas  sérieusement  à  écoper.  […]  Leurs  craintes  et  leur sentiment  d’impuissance  peuvent  tourner  à  la  paranoïa  politique  et  les  faire basculer  du  mauvais  côté,  à  droite,  mûrs  pour  tomber  entre  les  griffes  d’un prétendu  sauveur  promettant  le  retour  aux  valeurs  authentiques  du  passé.  La droite  désignera  des  boucs  émissaires  comme  responsables  de  leur  misère : des Noirs, des hippies, des communistes… »Un troisième élément, décisif dans le malaise actuel, est le retour, avec les migrants, d’une question raciale longtemps externalisée. Ainsi que le pointe Patrick Simon, « depuis les années 1960, les migrations viennent des  anciens  empires  coloniaux :  anciens  colonisés  et  anciens colonisateurs  partagent  le  même  espace,  ce  qui  réactive  les représentations  racistes.  Les  sociétés  européennes  ont  désormais  une “question  raciale” intérieure  qui  prend  la  suite  de  l’histoire  longue  de l’antisémitisme européen ».  

Or, comme le rappelle le sociologue américain Saul Alinsky, pionnier du « community organizing » (« organisation communautaire ») dans le Chicago du XXe siècle, dans un entretien de 1972 récemment traduit en français par les éditions du Commun qui résonne avec la situation actuelle, où les classes moyennes sont paupérisées, écartelées et parfois instrumentalisées : « Thermopolitiquement parlant,

Les forces du colonialisme et celles du nationalisme

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Les métamorphoses de la question racialeLes mutations de l’antiracisme par Joseph Confraveux

Pierre-André Taguieff, ancien du MRAP ayant viré de bord, brocarde les « antiracistes racistes ». Le sociologue Éric Fassin veut, lui, combattre un « racisme sans racistes ». Voici pourquoi et comment le champ antiraciste a été bouleversé.

Les mutations de l’antiracisme contemporain se fondent en priorité sur le constat d’échec d’une stratégie antiraciale dite « colorblind », qui pense pouvoir combattre le racisme en niant la réalité biologique de la race, et sans mettre en œuvre de politiques spécifiques à destination des personnes de couleur, en s’attaquant aux motivations racistes davantage qu’aux conséquences du racisme.

Pour le sociologue Eric Fassin, l’élargissement de la définition « du  racisme idéologique  au  racisme  sociologique  implique  un  changement  de  perspective : partir des effets, plutôt que des intentions (bonnes ou mauvaises), c’est adopter le  point  de  vue  des  personnes  qui  subissent  la  domination  raciale,  et  non  de celles qui en sont, fût-ce à leur corps défendant, les bénéficiaires ».De la même façon que les mouvements et les études féministes ont décentré le regard en adoptant le point de vue des femmes, il est nécessaire de changer le référentiel, car on peut être désormais confronté à un « racisme sans racistes » qui discrimine et méprise en toute bonne conscience. La chercheuse féministe et décoloniale Françoise Vergès juge, pour cela, nécessaire de « distinguer plusieurs logiques de racisme et donc d’antiracisme. La  première  est  constituée  par  le  racisme  idéologique,  combattu  par  un antiracisme  idéologique  qui  s’est  structuré  dans  le  combat  contre  le  Front national. La seconde logique est celle du racisme systémique ou structurel, qui ne  peut  être  combattu  que  par  un  antiracisme  construisant  des  politiques spécifiques  pour  les  populations  victimes  de  ce  type  de  racisme.  La  troisième logique est celle d’un racisme politique et institutionnel qui affecte, à travers des logiques  étatiques,  certaines  populations,  au  premier  rang  desquelles  se trouvent les Roms et les Noirs, et qui suppose un antiracisme politique.Il  faut  penser  ces  trois  logiques  et  ces  trois  antiracismes  ensemble  car,  par exemple,  si  on  ne  s’intéresse  qu’au  racisme  structurel  et  politique,  on  manque l’antisémitisme,  qui  prend  le  plus  souvent  la  forme  d’un  racisme  idéologique, alors  qu’aujourd’hui,  en  France,  il  est  plus  difficile  de  parler  de  racisme systémique  à  l’encontre  des  personnes  juives,  et  encore  plus  d’une  politique d’État qui les viserait ».[…].

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Les métamorphoses de la question raciale

autour du mot race durant le colloque à l’université Paris-VIII en 2019, la chercheuse Elsa Dorlin soulignait « l’épuisement intellectuel de devoir à chaque fois réexpliquer ce qu’est la race, intervenir dans le champ politique, idéologique,… ». Nacira Guénif expliquait, elle, qu’il « faut parvenir à ménager des espaces dans lesquels on va pouvoir parler de la

race sans être constamment en train de se justifier .

Tirant les conséquences de cette situation, le livre de Reni Eddo-Lodge s’intitule, en version originale, Why I’m no longer talking to white People about Race. Une telle position s’appuie sur le constat que faisait déjà, dans un autre domaine, l’intellectuelle, poétesse et activiste afro-américaine, féministe et lesbienne, Audre Lorde, en 1984 : « On exige toujours des femmes d’aujourd’hui qu’elles  fassent  l’effort  de  franchir  le  fossé de  l’ignorance masculine et qu’elles éduquent  les hommes quant à notre existence et quant à nos besoins. C’est là une vieille  technique élémentaire de tous  les oppresseurs, qui maintiennent  les opprimés occupés des intérêts du maître. »

D’où la dialectique entre ce qui est énoncé, la personne qui l’énonce et le lieu de cette énonciation. Pour l’anthropologue Jean-Loup Amselle « l’homme  blanc occidental se doit de vérifier lorsqu’il énonce une proposition  […] qu’il ne profite pas indûment d’un privilège en occupant une position de surplomb et, ce faisant, qu’il ne prive pas  les acteurs sociaux “subalternes” de possibilités d’expression auxquelles  ils  ont  d’autant  plus  droit  qu’ils  en  ont  pendant  longtemps  été privés ». « Autrement dit, plus que la justesse d’une analyse, c’est désormais le lieu d’où elle procède qui prime, déplore-t-il. Pour paraphraser Pirandello, on pourrait dire que  non  seulement  chaque  groupe  détient  la  vérité  mais  que  certains  la détiennent plus que d’autres. »

Ainsi, comme le dit Louis-Georges Tin, président du Conseil représentatif des associations noires de France (Cran), « si on comprend ce qu’est la domination, on doit reconnaître une sorte de primat, ce qui ne veut pas dire une exclusivité, à la parole des premiers concernés. Quand des Noirs se disent choqués, il faut l’entendre.  Quand  des  Juifs  se  disent  sensibles  à  des  signes  de  la  caricature antisémite que d’autres ne voient pas, c’est pareil. On peut évidemment avoir un débat interprétatif, mais, dans la question de savoir où on place le curseur, il faut écouter les premiers concernés ».

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Les métamorphoses de la question racialeLe racisme n’est certes pas seulement une question de valeurs morales et procède de logiques systémiques. Il existe un racisme structurel qui, pour reprendre les mots de Reni Eddo-Lodge, « ne se limite pas aux a priori personnels, mais comprend également les répercussions collectives des préjugés », parmi lesquelles la pratique attestée de rejeter un CV dont le nom du titulaire a une consonance étrangère, tout en retenant le même CV si la consonance est différente.

Mais ce constat implacable n’empêche pas de questionner la logique sous-jacente à cette opposition entre antiracisme moral et antiracisme politique. Si la morale sans politique n’est que du moralisme ou le support d’un ordre moral, social et/ou racial, la politique demeure, aussi, affaire de morale, ne serait-ce que parce qu’il est fréquent que l’engagement politique procède d’une indignation éthique.

Mais l’opposition de fond entre antiracisme moral et antiracisme politique porte en réalité sur un point plus profond que cette fausse opposition entre morale et politique, ou entre structures et individus, sur lesquels tous deux conviennent qu’il faut agir à la fois, même s’ils ne mettent pas l’accent au même endroit. Le politiste Alain Policar répond à Éric Fassin, non seulement en décrivant les « limites » de l’antiracisme politique mais surtout en pointant ses « dangers ». Tout en reconnaissant les « errements  d’un  certain  républicanisme »  qui « confond  l’universel  avec  l’uniforme » et veut oublier le passé colonial, le politiste critique une « inquiétante  extension  du  domaine  de  la  race ». Alors qu’Éric Fassin juge que « quand on étudie la “blanchité”, l’abstraction du concept protège  d’une  vision  substantialiste », Policar estime le risque trop grand de « racialiser »  outre mesure les rapports sociaux. Selon lui, « l’antiracisme  dit politique  contribue  à  essentialiser  les  races,  à  l’opposé  de  ses  intentions proclamées ». 

Une telle accusation d’abandonner l’ambition universelle de l’antiracisme au profit d’identités réifiées promptes au séparatisme se trouve au centre des deux termes qui transforment et agitent l’antiracisme contemporain : « décolonial » et « indigénisme ». Tapez le terme décolonial dans votre logiciel de traitement de texte et il apparaîtra souligné en rouge, comme un terme inconnu du dictionnaire. Il est pourtant d’usage courant chez la grande majorité des étudiants d’aujourd’hui, et il sert de cadre d’analyse de plus en plus fréquent dans les sciences sociales

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Les métamorphoses de la question raciale

Un féminisme décolonial © La Fabrique

En début d’année, Françoise Vergès explorait ainsi les contours d’Un féminisme décolonial (La Fabrique). Cet automne, le chercheur Malcom Ferdinand décrivait, lui, Une écologie décoloniale (Le Seuil), proposant de « penser l’écologie depuis le monde caribéen ».

Dans Le  Monde? Une tribune de 80 psychanalystes voit dans la pensée décoloniale « une idéologie qui nie ce qui fait la singularité de l’individu, qui nie les processus toujours singuliers de subjectivation pour rabattre la question de l’identité sur une affaire de déterminisme culturel et social ». Celle-ci « pousse à la position victimaire, au sectarisme, à l’exclusion et finalement au mépris ou à  la  détestation  du  différent ».  Elle ne permettrait pas de transformer une « identité subie en une identité revendiquée et valorisée », mais, au contraire, en figerait les coordonnées individuelles et collectives. L’usage de cette notion divise au sein même des racisés. Fatou Diome conteste cette pensée décoloniale : « Après tous les efforts de Senghor, Césaire, Fanon, en sommes-nous  encore  à  nous  demander  comment  nous  libérer  de  l’esclavage  et  de  la colonisation ?»

Une polarisation nocive autour des Indigènes de la RépubliqueUne autre critique du « décolonial » est qu’il est aussi souvent porté par des personnes dont l’anti-impérialisme n’a pas beaucoup évolué depuis l’époque des décolonisations, et qui voudraient expliquer les bouleversements du Moyen-Orient avec cette grille de lecture, alors que les guerres civiles et religieuses qui agitent cette région ne sont réductibles ni aux effets des guerres passées et présentes menées par les Occidentaux, Américains en tête, ni à la question des enjeux pétroliers et des tracés des gazoducs.

Le philosophe Norman Ajari, l’un des principaux théoriciens de cette mouvance et le Parti des Indigènes de la République, juge qu’un enjeu central est l’« élaboration  d’un  sujet  politique  non  blanc ». Il s’agirait ainsi de donner aux descendants et descendantes de l’immigration postesclavagiste et postcoloniale « la possibilité de se présenter dans  l’espace public en tant que Noir  (ou  Arabe,  ou  musulman)  afin  d’y  faire  valoir  ses  intérêts  collectifs  – politiquement,  artistiquement,  littérairement,  théoriquement…Il  fallait  ainsi abandonner  le  vénérable  adjectif  anticolonial,  qui  faisait  par  trop  référence  à une séquence historique achevée », écrit Ajari dans La Dignité ou la Mort.

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Les métamorphoses de la question racialePolitique des Temps © Ateliers de la pensée

Les derniers « Ateliers de la pensée » tenus à Dakar étaient consacrés à la « Politique des Temps » et se demandaient comment le présent devait faire retour sur le passé pour engendrer des mondes habitables par tous.

Pour le philosophe Souleymane Bachir Diagne, nous nous situons probablement à un moment de bascule où l’on passe « d’une pensée de l’identité hier, lorsqu’il s’agissait de mener la lutte contre le colonialisme, à  celle,  aujourd’hui,  des  devenirs ». Pour lui, « on  n’est  plus  dans  la situation  où  un  sujet  colonisé  cherche  à  voir  son  identité  reconnue,  où Orphée cherche à se faire entendre en chantant une langue inouïe qui dit son point de vue unique sur l’être ».

C’est bien cette obsession identitaire et cette façon de penser le monde contemporain comme un produit décalqué du passé colonial qui sont reprochées aux Indigènes de la République, ce petit groupe occupant de fait un rôle central dans les métamorphoses contemporaines de la question raciale, à la fois comme acteur et comme repoussoir.

En 2005, l’appel « Nous  sommes  les  Indigènes  de  la  République ! » percute le champ politique, dans un contexte de guerre ouverte des mémoires sur le fait colonial, marquée par un projet de loi prévoyant de reconnaître « le rôle positif de la présence française outre-mer ». Dénonçant le fait que « le  traitement  des  populations  issues  de  la colonisation  prolonge,  sans  s’y  réduire,  la  politique  coloniale » et que « la  décolonisation  de  la  République  reste  à  l’ordre  du  jour », l’appel, même quand on n’en partage pas tous les termes, fait office de détonateur bienvenu, notamment parmi les gauches, qui ont pu constater, en particulier lors du Forum social européen de Paris-Saint-Denis de 2003, qu’elles avaient beaucoup de mal à s’emparer des questions raciales.

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Les métamorphoses de la question raciale

Ces questions ne sont pas nouvelles…

…la suite au prochain numéro

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Erdogan veut inonder l'Europe de MigrantsLe gouvernement grec affirme que le flux migratoire à destination de la Grèce est sous le contrôle du président turc Recep Tayyip Erdoğan ; c'est lui qui active ou désactive ce flux en fonction des budgets et concessions politiques qu'il veut obtenir de l'Union européenne.

Ces derniers mois, le gouvernement turc a menacé à plusieurs reprises d'ouvrir les vannes de la migration de masse vers la Grèce et, par extension, vers le reste de l'Europe. « S'il l'Union européenne ne nous soutient pas, il nous sera difficile de stopper les 3,5 millions de réfugiés syriens et les deux autres millions de

demandeurs d'asile qui se précipiteront à nos frontières depuis la Syrie. Si nous ouvrons les vannes, aucun gouvernement européen ne tiendra plus de six mois.»

Plus de six millions de migrants attendent dans différents pays de la Méditerranée pour pénétrer en Europe, indique un rapport confidentiel du gouvernement allemand divulgué par Bild  ... Plus de trois millions trépignent déjà en Turquie. Le regain migratoire qui a touché la Grèce au troisième trimestre 2019 - 5 903 en juillet ; 9 341 en août ; et 10 294 en septembre – s'est accru au rythme des menaces en provenance de Turquie. Et les flux croissants de migrants en direction de la Grèce, indiquent que les menaces d'Erdoğan ne doivent pas être prises à la légère.

Erdogan ne réclame pas seulement de l’argent. Le gouvernement turc est confronté à l’échec de sa politique syrienne. Il a soutenu les rebelles syriens et misé sur l’effondrement du régime syrien. Or, Assad, soutenu par la Russie et l’Iran, est en train de sortir victorieux de sept années de soulèvement et les Kurdes syriens, « cousins » du PKK, la guérilla kurde de Turquie ont pris le    contrôle de toute la région frontalière entre le fleuve Euphrate et l’Irak.

La Turquie exige aussi un soutien politique face aux États-Unis. Erdogan leur reproche de s’être alliés aux Kurdes de Syrie, perçus comme un danger, pour vaincre l’État islamique. Il a obtenu de Washington la création d’une zone tampon qui lui permettrait de repousser les combattants kurdes et de renvoyer en Syrie des centaines de milliers de réfugiés.

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Peut-on acheter la paix ? Le 33e sommet de l’Union africaine s’est tenu les dimanche 9 et lundi 10 février à Addis-Abeba, autour d’un ambitieux programme : « Faire taire les armes en 2020».

« Faire taire les armes en 2020»

Pour y parvenir, l’organisme annonce vouloir travailler sur les causes de la violence, en favorisant le développement. Mais qu’y a-t-il vraiment derrière les discours ? L’Union africaine a-t-elle vraiment l’ambition d’en faire plus sur le plan socio-économique aux dépens de volet militaire ?C’est en tout cas une question ancienne et ô combien importante : faut-il d’abord garantir la sécurité pour permettre le développement, ou d’abord engager le développement pour faire émerger la sécurité ? De la République démocratique du Congo au Mali, en passant par la Somalie, les deux options ont montré leurs limites respectives.Des milliards de dollars ont été consacrés à l’aide au développement et au peace-building, avec un succès mitigé. Alors qu’un pays comme le Rwanda a su, dans les années qui ont suivi le génocide, allouer les fonds des bailleurs internationaux à la mise en place d’institutions fortes et à la reconstruction du pays, pour devenir, en quelques années, une puissance régionale d’envergure, d’autres, comme le Mali, ont été soutenus par des aides pendant des années sans que cela ne les empêche de sombrer dans la violence.Comment faire en sorte que l’argent des bailleurs internationaux serve réellement à reconstruire durablement les régions détruites et à réhabiliter les Etats faillis ?Dans des contextes d’instabilité politique structurelle, de tensions communautaires récurrentes et de corruption endémique, l’argent est-il vraiment le seul nerf de la guerre?

On essaie de rattraper quarante ans d’oubli de certaines régions par des aides publiques au développement massives sur trois ans. Serge Michailof« Nous avons un long passé de coopération militaire avec les régimes africains, et le résultat, c’est 60 ans d’échec. » Thierry Vircoulon

France culture

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Combien dans les rues de Conakry contre « la présidence à vie », du président Alpha Condé ? un million de personnes à défiler, Impossible à confirmer en l’absence de sources indépendantes mais c’est une marée humaine qui a déferlé, sifflant, criant, riant, dans la capitale Guinéenne.

L’épreuve de force à Conakry en Guinée équatoriale

Le 19 décembre, le chef de l’Etat, élu en 2010 puis réélu en 2015, avait rendu public un projet de nouvelle Constitution à soumettre au peuple guinéen à une date non précisée. L’opposition guinéenne a immédiatement crié au « coup d’Etat constitutionnel » et la manœuvre prêtée au président guinéen a provoqué depuis deux mois des manifestations qui ont rassemblé à Conakry et en province des dizaines, voire des centaines de milliers de Guinéens opposés à cette perspective. La contestation, durement réprimée à plusieurs reprises, a causé la mort d’au moins vingt civils et un gendarme. Des centaines de personnes ont été arrêtées. Les défenseurs des droits humains dénoncent l’usage excessif de la force, des arrestations arbitraires et l’impunité des forces de sécurité.

« Les élections législatives initialement prévues le 16 février 2020 sont reportées au 1er mars 2020 », selon un décret du chef de l’Etat, qui n’en donne pas les raisons. L’opposition, qui voit en ces législatives une manœuvre du président Condé pour renforcer son pouvoir, avait annoncé qu’elle boycotterait le scrutin et empêcherait sa tenue. Ses principaux partis, réunis, avec des organisations de la société civile, au sein du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), n’ont d’ailleurs pas déposé de listes de candidats. La Cédéao a renoncé à déployer une mission d’observation des élections faisant état de « l’existence  de  certains  facteurs  qui  laissent  supposer  que  la  situation sur  place  n’est  pas  exempte  de  tout  risque » et se désolidarise du processus électoral en cours en Guinée. Un sujet sur lequel l’Union africaine affiche une ligne similaire. .

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53ème vendredi de manifestation du Hirak en Algérie

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En Algérie, après 53 semaines d'action, le mouvement Hirak est toujours dans la rue. Plus d'un mois et demi après l'arrivée au pouvoir d'Abdelmadjid Tebboune, les revendications restent les mêmes.

Les manifestants sont moins nombreux, dans les cortèges, qu'au début du mouvement, au printemps, ou le 1er novembre, anniversaire du début de la guerre d'indépendance. Mais pour Brahim Oumansour, chercheur à l'IRIS, le Hirak évolue et fait émerger une dynamique, des coalitions, des plateformes qui mènent des réflexions sur son avenir, et sur les moyens de mobilisation. Pour lui, le Hirak ne s'essouffle pas. Il est dans une phase de transition.

« Le régime actuel reste dans une impasse. Il essaie de se donner une légitimité qu'il  a  perdue  et  donc  il  est  dans  une  phase  de  reconstruction  de  sa  façade civile, ce qu'il n'arrive pas encore à faire. »

Le nouveau chef de l’Etat a récemment promis, lors d'une rencontre avec des médias algériens, de répondre aux revendications du mouvement. Il a par ailleurs mis en place un comité d'experts, pour préparer une réforme de la Constitution et entamer des consultations, avec des personnalités politiques.Reflet de la société avec ses contradictionsFace à cela, les contestataires réagissent assez diversement. Pour certains, le président n'étant pas légitime, le changement ne peut en aucun cas passer par lui. En fin de semaine dernière, par exemple, des assises du Pacte pour l'alternative démocratique se sont tenues à Alger. Il rassemble notamment deux partis d'opposition, ainsi que la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme et le Rassemblement action jeunesse. Ses membres appellent à une transition démocratique, et à la tenue d'une conférence nationale, indépendante du système. Certains partis d'opposition se disent, en revanche, prêts à dialoguer avec le pouvoir. C'est le cas de la formation Jil Jadid, par exemple. En fait, comme le rappelle le chercheur Brahim Oumansour, il n'y a pas d'unité, au sein du Hirak qui reste le reflet de la société, avec ses contradictions.

D’après RFI

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Mégaprojet pétrolier de Total en Ouganda une décision de justice décevante

En octobre, aux côtés de cinq autres associations, une action en justice avait été lancée contre la multinationale TOTAL pour dénoncer et empêcher des violations aux droits humains et les risques de son mégaprojet pétrolier de sur l'environnement et le climat, en plein cœur d’un parc naturel en Ouganda.

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Le 30 janvier, le Tribunal de Grande Instance a rendu sa décision suite à l’audience du 12 décembre dernier estimant que l’affaire soit portée auprès du Tribunal de Commerce, selon l’argumentaire des avocats de Total. Pourtant, les violations aux droits humains en Ouganda continuent et les pressions du gouvernement sur les leaders des communautés affectées sont très fortes.Une demande de mesure d’urgence face à la gravité de la situation sur placeNous avions entamé cette procédure d’urgence, afin de contraindre Total d’agir très vite sur le terrain. Une demande ignorée… et ce au détriment des milliers d’habitant·e·s sur place qui ne peuvent plus cultiver leurs terres ou reçoivent des compensations insuffisantes pour survivre.Une décision aux conséquences plus larges que l’affaire Total en OugandaIl faut savoir que cette décision de justice est la toute première qui se base sur la loi sur le devoir de vigilance, promulguée en 2017. Cette loi, arrachée après des années de combats aux côtés de multiples organisations de la société civile, visait à une régulation plus forte des activités des multinationales françaises et de leurs sous-traitants et fournisseurs partout dans le monde, avec une obligation de publication de plans de vigilance Cette décision de justice revêt donc une importance capitale, puisqu’elle impactera les prochaines affaires se basant sur cette loi (et fera donc office de « jurisprudence »). Cette interprétation de la loi est erronée. Le tribunal de commerce est une juridiction créée pour les litiges entre commerçants. Ici, il est question de graves atteintes aux droits humains et à l’environnement. Le tribunal de commerce n’est donc pas la juridiction adaptée pour obliger Total à mettre fin à ces atteintes. Nous envisageons de faire appel de cette décision

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France 24 va disparaître dans les DOM.TOMC'est une autre chaîne info, FranceInfo, qui va récupérer son canal. Il y a du changement en vue côté télé pour les habitants des départements et territoires d'Outre-mer. Delphine Ernotte a annoncé l'arrivée dès 2019 de la chaîne FranceInfo sur la TNT. Elle récupérera le canal occupé actuellement par France 24

Résultat des courses, cette dernière ne sera plus accessible sur la TNT pour les Français ultra-marins. Cette décision s'explique par la volonté de France Médias Monde, qui possède France 24, de réaliser des économies suite à la baisse cette année de sa dotation. Le groupe - qui possède également Radio France Internationale - doit en effet économiser 1,6 million d'euros cette année, au nom de l'effort demandé à l'audiovisuel public par l'exécutif.

Contactée par Puremédias, "la  direction  de  France  24  évoque  une  décision rationnelle, expliquant que la chaîne d'information ne disparaîtra pas du paysage audiovisuel ultra-marin", est-il indiqué. Ainsi France 24 restera disponible pour la quasi-totalité des foyers abonnés à une offre satellite.

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La fermeture de France-Antilles, un coup porté au patrimoine des Outre-mer. Il n’y a plus de quotidien papier aux Antilles et en Guyane. Une aberration qui témoigne du peu d’intérêt accordé par la métropole aux régions et départements français dits d’Outre-mer.

Le quotidien France-Antilles, véritable institution et pilier de la presse écrite en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe, a cessé de paraître. Le 30 janvier 2020, au matin, le tribunal de commerce de Fort-de-France a liquidé la société éditrice des trois éditions distinctes, privant ces trois départements français de l’une de leurs principales sources d’informations. Un séisme auquel, jusqu’au bout, les 235 salariés désormais au chômage, n’auront pas voulu croire. Et pourtant, depuis près de deux ans, la menace planait sur le quotidien qui avait déjà frôlé la catastrophe par deux fois.« Souhaitons que cette disparition renforce la volonté des citoyens guadeloupéens à se battre encore davantage pour le maintien et le développement de médias locaux ayant uniquement le souci d’une diffusion d’informations plurielles, vérifiées et vérifiables. »

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Le retour de l’armée malienne à Kidal conforte l’Etat malien

Il est aussi supposé donner l'exemple de la réconciliation dans le pays en guerre depuis 2012. Les unités entrées dans Kidal, dites "reconstituées", comprennent d'anciens rebelles intégrés dans l'armée malienne conformément à l'accord de paix d'Alger de 2015.Multiples insurrectionsMali est confronté depuis 2012 aux insurrections indépendantistes, salafistes et jihadistes et aux violences intercommunautaires qui ont fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés. Parties du nord du pays, les violences se sont propagées au centre et aux pays voisins, le Burkina Faso et le NigerKidal, à 1 500 kilomètres au nord-est de Bamako, est un bastion culturel touareg et le berceau historique des clans les plus influents. C'est aussi une région qui a été marginalisée depuis l'indépendance malienne et où sont nées les différentes rebellions touareg.L'armée malienne n'y avait pas repris pied depuis mai 2014. Une visite du Premier ministre de l'époque, Moussa Mara, avait donné lieu à des combats qui s'étaient soldés par sa lourde défaite face aux rebelles.Coordination des mouvements de l'AzawadKidal est depuis contrôlée par la Coordination des Mouvements de l'Azawad (CMA), alliance à dominante touareg d'anciens groupes armés rebelles. La CMA est signataire de l'accord d'Alger de 2015 avec une alliance de groupes armés progouvernementaux, appelée la Plateforme.Les conditions du déploiement des forces maliennes "reconstituées" à Kidal a fait l’objet de mois de négociations entre la CMA, l’Etat malien et les partenaires étrangers de celui-ci. La situation de Kidal est aussi une source de fortes crispations pour les voisins du Mali qui y soupçonnent ou y dénoncent des alliances entre séparatistes et jihadistes. Pour eux, Kidal a servi de base arrière aux attaques jihadistes.Kidal donne aussi lieu à des accusations contre la responsabilité imputée à la France, en raison de ses liens présumés avec les rebelles touareg, dans la situation particulière de la ville. Ces accusations apparaissent dans les discours hostiles à la présence française, de plus en plus prégnants ces derniers mois. Avec AFP et Reuters

Victoire symbolique pour l'État malien, qui s'emploie à restaurer son autorité dans le Nord, et une étape dans la mise en œuvre de l'accord de paix conclu entre Bamako et les rebelles touaregs en 2015, pour une plus grande autonomie en échange du retour des forces maliennes.

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En grève depuis le 17 juillet 2019, les femmes de chambre de l’hôtel Ibis Clichy-Batignolles – noires - continuent de lutter pour mettre fin à la sous-traitance et décrocher de meilleures conditions de travail. Les négociations avec la direction s’enlisent, mais l’espoir et la détermination ne fléchissent pas.

Avant elles, d’autres femmes de chambre ont remporté ce combat.

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De grèves en grèves depuis des mois

« La sous-traitance, c’est la maltraitance »Devant l’entrée de l’hôtel Ibis Batignolles, dans le 17e arrondissement de Paris, deux grandes galettes des rois — baptisées « galettes des reines » — et des bouteilles de cidre sont disposées sur un tréteau, à côté d’une caisse de grève. Une enceinte crache un morceau du rappeur français MHD et des drapeaux de la CGT ondoient au souffle du vent frais. Ce mardi 7 janvier, comme tous les jours depuis bientôt six mois, une quinzaine de femmes de chambre, gouvernantes et équipiers de l’hôtel tiennent un piquet de grève sur le parvis, emmitouflées dans leur doudoune. Là, les clients de l’hôtel ne

Rachel Kebe

Aboubacar Traoré

peuvent pas les rater. « Nous ne sommes plus des invisibles », dit en souriant Rachel Kebe. Des salarié.es du groupe STN, comme Aboubacar Traoré — le seul homme parmi les grévistes — ont tenté de réclamer des conditions de travail plus décentes à leur employeur. Le groupe a essayé de me licencier à trois reprises. Elles disposent d’un pot commun et d’une caisse de grève, mis en place par la CGT-HPE, pour compenser une partie de la perte de salaire. Ces fonds ne désemplissent pas. « La  solidarité  est  là,  le  pot commun marche fort ».Leur lutte témoigne aussi, pour la sociologue Caroline Ibos, de l’émergence d’un prolétariat de service largement féminin et racisé : « Ces  femmes racisées, qui effectuent  un  travail  dévalorisé  et  déconsidéré,  sont  à  la  fois  des  symboles d’exploitation de genre, de classe, et de race. Mais elles sont aussi  le symbole des résistances, des capacités d’organisation contre l’exploitation. Il ne faut pas seulement  les voir comme  des  victimes,  il  faut  les voir comme des  femmes en lutte. »                                                  d’après REPORTERRE, journal associatif indépendant

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Charles Onana (né en 1964), docteur en science politique, est un journaliste d'enquête et essayiste français spécialiste de l'Afrique des Grands Lacs et des conflits armés. Il est connu pour son travail sur l'histoire des tirailleurs africains et par ses écrits concernant le génocide au Rwanda.

En 2003, à l'Assemblée nationale française, sous le patronage du député socialiste Arnaud Montebourg, il participe à une conférence avec le colonel Maurice Rives, défenseur acharné de ses frères d'armes africains pour sensibiliser les Français aux discriminations dont sont victimes les anciens combattants africains qui ont lutté pour la France. En juin 2005, il organise à Airaines, dans la Somme, une journée commémorative en l'honneur des soldats africains morts pour la France et du capitaine Charles N'Tchoréré, officier français d'origine gabonaise, tué par les Nazis en juin 1940. En 2005, il est invité par le président sénégalais Abdoulaye Wade à Dakar pour le lancement de la journée africaine du tirailleur, inspirée par son livre «La France et ses tirailleurs ».

Charles Onana a également dénoncé les discriminations dont sont victimes, en France, les Français d'origine étrangère, en particulier dans les sphères de pouvoir (partis politiques, armée, France Télévisions, etc.) dans son livre «Un racisme français». Le communautarisme blanc menace la RépubliqueIl est aussi le biographe de différentes personnalités du Monde Noir tel l'écrivain et Premier Prix Goncourt Noir, René Maran, ami de François Mauriac. Dans son livre «C'était Joséphine Baker», il a enquêté sur un pan méconnu de la vie de Joséphine Baker : son engagement dans le contre-espionnage pour le compte du général de Gaulle dès 1940[6].

L'autre grand champ d'enquête de Charles Onana concerne les conflits dans la région des Grands Lacs africains. Il est l'auteur de 4 livres sur le sujet qui représentent plus de 8 années d'enquête : CES TUEURS TUTSI – SILENCE SUR UN ATTENTAT – LES SECRETS DU GENOCIDE RWANDA – LA France DANS LA TERREUR RWANDAISE et le dernier en octobre 2019 : RWANDA, LA VERITE SUR L’OPERATION TURQUOISE QUAND LES ARCHIVES PARLENT.

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Un autre regard sur le génocide du Rwanda

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L’eau en crise(s) ? Plus qu’un état des lieux,

Alors que la lutte contre le changement climatique est devenue un enjeu de premier plan à travers le monde, la question de l’accès à l’eau et à l’assainissement pour tous, pourtant essentielle chaque jour, reste largement oubliée par les médias et les décideurs internationaux. Acteur majeur du combat pour l’accès universel à l’eau potable, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL rappelle l’urgence d’agir.

Depuis plusieurs années, la lutte contre le changement climatique s’organise, que ce soit au niveau des décideurs internationaux, avec l’organisation annuelle de la COP, ou jusque dans les rues, avec l’émergence de manifestations citoyennes. Un des enjeux intimement liés au changement climatique reste pourtant sous-traité sur la scène médiatique et politique internationale : celui de l’accès universel et équitable à l’eau et à l’assainissement à travers le monde (Objectif 6 des Objectifs de Développement Durable 2030).

Aujourd’hui, 2,2 milliards d’êtres humains n’ont toujours pas un accès domestique sûr à l’eau potable, et 4,2 milliards ne disposent pas de services d’assainissement gérés en toute sécurité. 2,6 millions de personnes, principalement des enfants, meurent encore chaque année de maladies liées à l’eau insalubre.

L’EAU EN CRISE(S) ? Source de vie, l’eau est partout menacée, par les effets du changement climatique et par la pollution. Le 9e Forum Mondial de l’Eau ‘’Dakar 2021’’, le premier en Afrique subsaharienne se doit d’être un Forum de rupture : représentatif des populations les plus vulnérables d’Afrique subsaharienne et mobilisateur des acteurs de terrains, humanitaires et développeurs, opérateurs publics ou privés, engagés dans la réponse à l’urgence de l’eau et de l’assainissement. Il doit apporter des réponses concrètes et générer une déclaration politique d’urgence engageant les États et les Nations unies à réaliser les ODD 2030. Il ne reste que 10 ans pour réaliser un accès universel à l’eau potable pourtant considéré comme un droit de l’Homme par les Nations unies depuis juillet 2010 !

un état d’urgence!un état d’urgence!

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Moussa Marega, victime de racisme au football "Je voudrais dire à ces idiots qui viennent au stade faire des cris racistes, allez vous faire f*****. Et je remercie également les arbitres de ne pas m’avoir défendu et de m’avoir donné un carton jaune parce que je défendais ma couleur de peau. J’espère que je ne vous reverrai plus jamais sur un terrain de football ! VOUS ÊTES UNE HONTE ! "

Le racisme ordinaire toujours vivace

Le monde du football s’unit autour d’un seul homme, ce lundi, Moussa Marega. L’attaquant du FC Porto a décidé, la veille, de quitter le terrain face au Vittoria Guimaraes. Victime de cris racistes, entendus dans les tribunes du stade, l’ancien joueur d’Amiens a quitté ses coéquipiers, qui ont essayé de le retenir. L’arbitre de la rencontre – celui qui dit la loi - lui a donné un carton jaune.

Après avoir marqué le deuxième but des Dragons et fêté sa réussite en brandissant un siège noir jeté par les supporters adverses, l'attaquant du FC Porto est sorti du terrain à la 71e minute de la rencontre. « Ça a commencé à l'échauffement, c'était juste deux à trois personnes, ça doit arriver  à  tout  le  monde,  on  s'en  fout,  on  peut  continuer  à  jouer, a expliqué l'international malien (28 ans). Mais quand ça vient de presque tout  le stade,  il n'est pas possible de continuer à  jouer alors qu'on se moque de notre couleur de peau  [...] C'est  triste  que  ça  arrive en 2020  [...] Là ça va mieux mais  hier , c'était  beaucoup  plus  difficile,  je  me  suis  vraiment  senti  comme  une  merde. C'était une grosse humiliation pour moi. Une fois le match passé, je suis rentré chez moi.  Revoir mon fils  m'a donné  le  sourire, comme tous  les  messages de soutien que j'ai reçus. »

Racisme dans les stades : la saison des sanctions? La sortie du terrain du Malien Moussa Marega, lors du match Guimaraes-Porto, fait scandale au Portugal. L’attaquant, ciblé par des insultes racistes, reçoit un soutien massif, notamment du monde politique. Lundi 17 février, il s’est confié sur cette « grosse  humiliation » et le problème, toujours sans solution, du racisme dans le football.Moussa Marega « On  aimerait  que  tous  que  les matches s'arrêtent. Il  faudrait un geste fort de la part des arbitres, de la Ligue. Les  slogans  antiracistes  c'est  insuffisant,  tu  rassembles  juste  des  équipes  sur une photo que tu partages sur les réseaux sociaux. »

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migrations et réfugiés – migrations et réfugiés

Les réfugiés ont squatté un manoir inoccupé

Les associations de soutien aux migrants dont GL1410, UTUD et Utopia ont réquisitionné ce bâtiment d’une vingtaine de chambres sur 3 niveaux appartenant à la Ville et loué au Centre hospitalier Guillaume Régnier. Une soixantaine de migrants des Veyettes (familles avec enfants) s’y sont installés.

Frédéric Boursier, adjoint à la Maire chargé de la solidarité, a déclaré que la Ville demande au Centre Guillaume Régnier de ne pas faire évacuer le lieu et que la convention d’occupation pourrait être annulée avant son terme. La Ville propose de rétablir les fluides, eau et électricité. L’eau a déjà été remise en service mais l’alimentation électrique risque de poser quelques problèmes : le bâtiment n’est plus raccordé au réseau et il faut s’assurer que l’électricité soit aux normes ce qui peut poser plusieurs semaines voire plusieurs mois et la question du montant des travaux se pose également.

De toute façon, la vie s’y organise déjà ce qui commence par l’apport du matériel nécessaire pour l’installation des familles avec un minimum de confort - du bricolage : type serrures des chambres, cuisine, aménagements, cloisons … - besoin d'outillage- des voitures/camions pour des transports de matériel- besoin lampes à pile et piles, - essence pour le groupe électrogène- un autre groupe électrogène- cuisinière à gaz-besoin de présences , en particulier le soir, à la porte

Assemblées tous les jours à 18H (221 avenue du Général Leclerc)

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migrations et réfugiés – migrations et réfugiésIls font du théâtre pour apprendre le français

La réalisatrice Kristell Ménez les a filmés apprenant le français en jouant au théâtre. Ils s’appellent Mohammad,Abdelaziz, Marina, Adam et ont quitté leur pays, le Rwnada, la Georgie, la Russie, le Soudan… Avec comme seuls compagnon leurs

souvenirs et parfois quelques photos sur un téléphone portable

Chaque année, le Théâtre des émotions propose à des personnes migrantes de participer à une aventure théâtrale et leur permet en même temps d’apprendre le français et de franchir cette barrière de la langue.Kristell Ménez, journaliste documentariste, les a suvi en 2017. « Durant plusieurs mois,  je suis allé en repérage avant de tourner durant 6 mois. Ce qui m’a  intéressée,  c’est  l’humain,  de  les  voir  prendre  confiance  en  ce  temps incertain de leur vie et du début de leur quotidien en France.

Improvisations, exercices corporels, on les voit évoluer, se livrer, faire naître des complicités, sous le regard bienveillant d’Olivier Botrel. D’abord réservés, ils finissent par se lancer.

Dans ce huit-clos de la salle de répétition, Kistell Ménez a rencontré « des gens motivés,  ouverts  bien  que  fragilisés,  en  demande  d’intégration »  Elle s’est intéressée au travail de création entamé par le Théâtre des émotions. « L’émotion, c’est un  langage universel. Au-delà de  la barrière de  la  langue, on peut exprimer la  joie la colère,  la peur. Au fil des séances  le metteur en scène construit  un  théâtre  à  partir  de  ce  qui  se  dégage  des  improvisations,  et  de  ce que  livrent  les  « comédiens ».  Elle a aussi saisi des échanges sur le vif, des conversations « ces  petits  détails  qui  font  imaginer  ce  que  peut  chacun  peut vivre au dehors après l’atelier »

Et ces comédiens émigrés, chargés de tant d’émotions, avaient tant à dire et à communiquer qu’ils furent source de grande richesse. C’est un exemple de plus parmi tant d’autres que la bienveillance réciproque dans ce drame des migrations entraîne une solidarité active en totale opposition avec la politique gouvernementale actuelle et dont on voit pas qu’elle veuille changer.

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migrations et réfugiés – migrations et réfugiés

Le « héros du quotidien » pense aux autresFrantz Daniaud a reçu une médaille pour avoir secouru une fillette tombée dans la Vilaine. Mis en lumière, il a évoqué les migrants et tous ceux qui les secourent.

Plus à l’aise en bleu de travail dans la recyclerie de matériaux qu’il a crée que sur les lames du parquet de la sous-préfecture de Redon, Frantz Baniaud était pourtant au centre de la cérémonie républicaine organisée en son honneur.Le jeune habitant d’Avessac, âgé de 31 ans, a reçu des mains du sous-préfet de Redon la médaille d’honneur bronze pour acte de courage et dévouement – la seule délivrée à un civil en France en 2020. Le sous-préfet a rappelé les faits à l’origine de cette distinction.

A contre-courant dans une eau à -10°Le  6  novembre  dernier  en  circulant  à  vélo  sur  le  pont  de  Saint-Nicolas-de-Redon, vous n’avez écouté que votre courage en vous jetant à l’eau pour porter secours à une petite fille de 8 ans tombée à l’eau. Le débit du fleuve est fort et l’eau  seulement  à  -10°.  La  chance  de  cette  famille  c’est  de  vous  avoir  croisé, que vous sachiez nager et que vous ayez tant le caractère que la volonté de le faire au péril de votre vie.

Les pompiers avaient également salué ce sauvetage dans des conditions pas faciles et ne sont pas d’ailleurs étrangers à cette distinction, décidée à l’issue de leur rapport. Le sauvetage réalisé, Franck Daniaud a refusé de passer par la case hôpital et à juste demandé à être raccompagné au travail comme si de rien n’était. En ce jour de novembre pas ordinaire, il inaugurait une autre recyclerie à une encablure du lieu de sauvetage

La médaille au ruban tricolore sur la poitrine, Frantz Daniaud a expliqué « ne pas avoir hésité une seconde en voyant une personne se faire emporter par le courant. Il relie ce sauvetage à ses activités associatives liées à l’entraide. « Ce sauvetage n’est donc pas détaché de mes actions quotidiennes, peut-être avec une intensité plus importante : avoir sauvé une vie ».

L’acte de bravoure évoqué, le sauveteur d’un jour va rapidement profiter de cette caisse de résonnance que lui procure la cérémonie pour évoquer, devant le représentant de l’Etat et les élus, un sujet qui lui tient à cœur : le sort des migrants et de ceux et celles qui leur viennent en aide.

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«Nous avons porté atteinte à l’Église, nous avons porté atteinte à l’image de Dieu et surtout, nous avons causé du tort à ceux que nous avons victimisés*, souvent de façon inconsciente», a déclaré l’archevêque, ajoutant qu’il était «honteux» et «désolé».* Par exemple, les Caraïbéens de la génération Windrush

L’archevêque de Canterbury Justin Welby, chef spirituel des anglicans, a affirmé lors d’un synode général de l’Église d’Angleterre que celle-ci était «profondément et institutionnellement raciste», s’excusant auprès des minorités discriminées.

En juin 1948, le paquebot Empire Windrush avait amené près de 500 citoyens du Commonwealth, principalement des Caraïbes, marquant le début de la génération «Windrush»: immigrés caribéens arrivés à partir de 1948 pour reconstruire un pays détruit par les bombardements allemands lors de la Seconde Guerre mondiale..

Environ 500 000 personnes sont arrivées des Antilles. En 1971, le Parlement britannique passe une loi autorisant les immigrés à rester sur le territoire britannique, sans pour autant leur fournir de papiers, ni même tenir un registre.

Les années, les décennies passent, la génération Windrush prend racine. En 2012,Theresa May crée la politique de « l'environnement hostile à l'immigration » et impose un strict contrôle des identités dans les secteurs du logement, du travail et de la santé. Or, la génération Windrush et ses descendants ne disposent pas de papiers officiels, puisqu'en Angleterre la carte d'identité a été supprimée par Winston Churchill et le passeport n'est pas obligatoire. Et en 2010, des milliers de cartes d'embarquement d'immigrants caribéens ont été détruites.

Au moment où la politique d'immigration du Royaume-Uni se durcit, des milliers de citoyens britanniques d'origine étrangère réclament des documents officiels à l'office de l'immigration afin de prouver leur nationalité. « Je  suis  là depuis 45 ans,  je  n'ai  jamais  eu  de  passeport.  Et  maintenant,  on  me dit  que  je ne suis pas anglais parce qu'il n'y a pas de trace de moi », déplore un concerné au Guardian. Ils sont environ 60 000 à ne pas être en mesure de prouver leur nationalité et risquent être expulsés.

migrations et réfugiés – en Grande Bretagne

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EDITO Comme les précédentes, la 8e édition de notre Festival des littératures rassemble des voix du monde entier à Nantes, la capitale française de l’optimisme culturel et du pouvoir de l’imaginaire.

Ces voix interrogent notre humanisme, nous ouvrent les portes de nouvelles formes du langage si chères à Abd Al Malik et Emmanuelle Pireyre, mais aussi à toutes celles et tous ceux qui, comme vous, sont à l’écoute de la rumeur du monde.

Chez François-Henri Désérable et Rupert Thomson, l’Histoire navigue entre fiction et réalité. Pascal Blanchard, François Durpaire et Robyn Maynard évoquent sans complexes la race, la sexualité et les « corps colonisés ». Leïla Slimani, qui nous donne cette année une Leçon inaugurale, Emma Becker ou Uzodinma Iweala promeuvent la liberté de l’esprit et… du corps. Mia Couto fait le bilan de la colonisation portugaise en Afrique, Sylvain Coher raconte l’un des plus grands marathoniens éthiopiens, quand Nétonon Noël Ndjékéry explore le difficile « retour » au pays natal.

Le roman est cependant plus que jamais social et miroir de l’actualité : Eiríkur Örn Norđdahl, Abdellah Taïa et Marie Darrieussecq brassent le féminisme, les extrémismes, le terrorisme et fustigent les politiques européennes de la migration. L’Amérique fascine encore les créateurs puisque Benoit Cohen, Pia Petersen ou Joe Meno nous exposent de façon saisissante la complexité de la société américaine.

Avec Dora Djann, Jennifer Nansubuga Makumbi, Kaouther Adimi, Hubert Haddad, Omar Youssef Souleimane, Abdourahman A. Waberi, Hoda Barakat et Arnaud de La Grange, nous allons à Istanbul, en Chine, en Ouganda, en Algérie, en Arabie Saoudite, à Djibouti, au Liban et à Diên Biên Phu.

Retrouvons-nous aussi au Laos, à Porto Rico, avec Loo Hui Phang, Mayra Santos-Febres, deux femmes portées par la puissance des mots, de la parole et des imaginaires. Cette parole présente chez Hélène Frappat. Ces mots chantés par Walis Nokan. Ces imaginaires que nous devons à Didier Daeninckx, Bérengère Cournut, Frédéric Jaccaud ou Hélène Montardre….Atlantide veille aux « voix à venir » : celles, par exemple, de Maïko Kato, Guillaume Lavenant, Guillaume Sørensen, Éléonore Pourriat, Aroa Moreno Durán ou Catherine Blondeau.

ATLANTIDE Les Mots du Monde à Nantes Festival des littératures Le lieu unique du 5 au 8 mars

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ATLANTIDE Edito suite

«À traits conscients, le roman graphique éclaire lui aussi l’état du monde et interroge l’âme humaine avec les regards précieux de Fred Blanchard, Jean-Pierre Pécau, Benjamin Bachelier ou Frederik Peeters.

Enfin, Atlantide s’ouvrent toujours plus aux jeunes lecteurs avec la présence de figures connues ou émergeantes de la littérature jeunesse parmi lesquelles Jo Hoestlandt, Gabriel Kinsa, Marie Leymarie, Yuna Troël, Charlotte des Ligneris ou Bernard Friot… puisque les enfants sont les vrais acteurs de toutes les rumeurs du monde à venir.»

Exposition « Les indépendances à la Maison de l’Afrique

Exposition proposée par le Groupe de recherche AchacAu lendemain de la Seconde Guerre mondiale, alors que la France étend sa domination sur plus de 110 millions de personnes, l’empire colonial français s’engage dans des décennies de sang et de larmes dans plus de quarante territoires coloniaux. Les indépendances constituent l’un des trois grands conflits que la France ait connu au XXème siècle. Cette déchirure continue aujourd’hui de façonner les sociétés en France et dans les anciennes colonies. La mémoire coloniale est encore aujourd’hui à vif. Cette histoire, d’un passé qui ne passe pas, doit aujourd’hui être racontée, 60 ans après la vague d’indépendances en Afrique subsaharienne.

Le Cabinet de curiosités d’Atlantide montreplus de 200 objets offerts par des écrivains depuis la création du Festival et témoignant de son histoire en portant les Mots du Monde.

“Sanza. Mot fétiche et magique. Un nom qui sonne un peu comme zinzin. Ou zinboum tralala ! Le nom d’un instrument de musique africain qui « parle » dès qu’on le pince avec les pouces !”

“Au nom de la première histoire racontée sur cette terre, autour d’un feu… Une histoire qui sans doute racontait ce qui restait dans la noirceur de la nuit… Pour donner un sens au son de la nuit…

Que ce soit la pièce d’un jeu d’échecs qui faisait face à Dany Laferrière lorsqu’il écrivait, une pierre inspirée de l’art indien apportée du nord du Canada par Margaret Atwood, ces objets sont comme les mots qui nous racontent : ils ont chacun leur histoire et invitent au voyage.

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ATLANTIDE Les Mots du Monde – un « autre » festival « de rencontres »

Pour comparer aux festivals les plus fréquentés comme le Salon de Paris ou les Etonnants Voyageurs, IL EST GRATUIT et, notamment dans le Lieu Unique, visiteurs et écrivains circulent et se croisent d‘un espace à l’autre dans une atmosphère sans contrainte et tout à fait décontractée comme dans le Bar - ci-dessous - lieu de passage central où se tiennent cependant d’heures en heures des rencontres grand public.

LE FESTIVAL N’EST PAS ANNULÉ MALGRÉ CORONAVIRUS

SI CHANGEMENTNOUS VOUS PRÉVIENDRONS

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« C’est par la culture que l’homme prend conscience de lui-même et de son identité »

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Prix Médicis essai en 2015, Nicole Lapierre directrice de recherche émérite au CNRS concentre ses recherches sur la mémoire, les identités et les relations entre générations. Egalement co-directrice, de la revue Communications, avec Edgar Morin, elle dirige la collection "Un ordre d'idées", aux Editions Stock.

"Qui se ressemble s’assemble", dit-on. Cette fausse évidence justifie les replis et les rejets. Devons-nous être les mêmes pour vivre côte à côte ? La réponse est non. La sociologue Nicole Lapierre inverse la proposition : qui s’assemble se ressemble (un peu), sans pour autant perdre sa singularité.

Écrit dans un langage clair, illustré de nombreux exemples, ce livre engagé croise anthropologie et politique. Il commence avec le monde enchanté des ressemblances familiales, où la nature estinvoquée pour garantir la lignée, et se poursuit avec le mythe de la « famille

nationale ».

Deux types de société sont fondés sur la ressemblance. Le premier est radicalement excluant : il impose le rejet des minorités ou, dans un processus totalitaire, leur destruction. Le second est autoritairement incluant : il prône l’assimilation des groupes minoritaires. Les deux perspectives sont dissemblables mais aucune n’accepte les minorités telles qu’elles sont. Nicole Lapierre propose de constater l’évidence des différences sans les

hiérarchiser.Les immigrés du passé dans leur diversité, comme ceux du présent, tout aussi divers, ont des histoires, des cultures, des mémoires particulières. Et les vagues migratoires qui les ont portées s'inscrivent dans des contextes historiques et des rapports entre les pays d'origine et la France à chaque fois spécifiques.

à lire - à lire – à lire – à lire – à lire – à lire Faut-il se ressembler pour s’assembler?

"Je pense que les immigrés sont les héros discrets des temps modernes. (…) Il faut un courage immense pour partir loin de chez soi, quitter sa famille, sa langue, sa terre afin de se trouver un nouvel avenir. Les migrants sont prêts à affronter les difficultés les plus redoutables. Il est important de changer de regard sur eux".

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à lire – à lire – à lire – à lire – à lire – à lireRWANDA, LA VÉRITÉ SUR L’OPÉRATION TURQUOISE

Le 22 juin 1994, le Conseil de sécurité de l’ONU autorise par la résolution 929 le déploiement d’une force multinationale sous commandement français au Zaïre et au Rwanda pour mettre en sécurité les personnes en danger au Rwanda. Or, depuis plus de vingt ans, journalistes, membres d’ONG, chercheurs et surtout le régime du Rwanda accusent la France d’avoir participé à la préparation puis à l’exécution du génocide

Un officier français reprend d’ailleurs les mêmes accusations. Celles-ci sont-elles exactes ? Sur quelles preuves reposent-elles ?Après plus de dix années de recherches dans les archives du Conseil de sécurité, de l’Elysée, du ministère français de la Défense, celles du gouvernement des Etats-Unis et du Tribunal Pénal International pour le Rwanda ainsi que le recueil de nombreux témoignages, Charles Onana répond à ces questions. Il démontre aussi que les dirigeants actuels du Rwanda ont, pendant plus de deux mois, empêché l’intervention de l’ONU, encourageant ainsi les massacres plutôt que l’arrêt des hostilités et le partage du pouvoir, comme le prévoyaient les accords de paix signés en1993 à Arusha. Voici enfin le premier ouvrage scientifique entièrement consacré à la mission Turquoise. Il remet en cause tout ce que l’on croyait savoir jusqu’ici.

C’est parce qu’il a pu accéder aux archives des Nations unies, «jamais exploitées auparavant», insiste-t-il, que Charles Onana a réussi à produire un narratif très différent de la version officielle sur le génocide rwandais. Sur 650 pages, il démontre preuve à l’appui dans «Rwanda, la vérité sur l’opération turquoise» que la doxa voulant que les autorités rwandaises de l’époque aient planifié le génocide des Tutsis et que la France y ait été impliquée en armant les Hutus est fausse du début jusqu’à la fin. Thèse révisionniste? «Absolument pas» se défend son auteur au micro de Sputnik France, arguant que le président Paul Kagamé qui l’avait attaqué en justice a retiré sa plainte au dernier moment.

Notamment, il pose la question de savoir d’où viennent les ressources du Rwanda sinon du pillage des richesses minières du Kivu à l’Est de la RDC reprenant pour partie la thèse de Noël Kodia (cf. page suivante) mais dénonçant l’aide des Etats-Unis qui soutenait depuis le début l’invasion du Congo voisin organisée par Kagamé.

Livre et thèse présentés par Christine H. Gueye dans Sputnik France

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Kintu, premier roman de l’Ougandaise Jennifer Nansubuga Makumbi, foisonnant, inattendu, dans une langue magnifique, sans céder un millimètre aux bons sentiments, Jennifer Nansubuga Makumbi dresse une épopée terriblement contemporaine, aussi puissante, profonde et impitoyable qu'un fleuve et fait une entrée fracassante dans la littérature universelle. Kintu lui a valu d’être comparée à Chinua Achebe et a été considérée comme un classique instantané. Elle a remporté le ≪ ≫Commonwealth Short Story Prize en 2014 et le Prix Windham Campbell en 2018.

Jennifer Nansubuga Makumbi sera à Atlantide du 5 au 8 mars

Les malédictions ont la vie dure. Depuis que Kintu, gouverneur d'une lointaine province du royaume du Buganda, a tué accidentellement son fils adoptif d'une malheureuse gifle, en 1750, un sort est lancé sur tous ses descendants, les vouant à la folie, à la mort violente, au suicide. Et en effet, trois siècles plus tard, les descendants de Kintu semblent abonnés au tragique : Suubi harcelée par sa sœur jumelle qu'elle n'a jamais connue, Kanani, le « réveillé » évangéliste, fanatique mais lubrique, Isaac Newton, torturé par l'idée d'avoir transmis le sida à sa femme et à son fils. Et enfin, Miisi, le patriarche, l'intellectuel éduqué à l'étranger, harcelé par des visions et des rêves où s'invitent l'enfance, les esprits, l'histoire du clan et de la nation toute entière. Un par un, ils sont appelés par les anciens du clan, dans une forêt aux confins de l'Ouganda, dans une ultime tentative de conjurer le sort. Mêlant les époques, les lieux, les ambiances avec une force narrative proprement époustouflante, manœuvrant avec souplesse et humour dans les méandres de l'histoire, du mythe, des légendes populaires, déployant un incroyable casting de personnages, tous liés par le sang, tous condamnés.

Jennifer Nansubuga Makumbi conte admirablement le poids des traditions, les transmissions familiales, la puissance des liens, des mystères venus d'ailleurs, les effets de la gémellité, la beauté d'un pays, le cœur battant d'un peuple. Kidda, Suubi, Isaac, Miisi, Baale, Kanani, Magda et tous les autres, chacun à leur manière, ces personnages ont quelque chose à nous faire ressentir, à nous faire découvrir, à nous apprendre même…Et l'auteure réussit un tour de force impressionnant, en nous faisant vivre, viscéralement, la malédiction ancienne. Il y a une multitude d'émotions, de mystères et de découvertes dans ces pages, et c'est pour cela qu’il faut les suivre dans leurs cheminements intérieurs, les voir se débattre avec leurs destinées sanglantes et leurs karmas malheureux.

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Crimes sans châtiment: le bombardement de Bouaké

9 militaires français sont morts et 39 autres ont été blessés le 6 novembre 2004 à Bouaké. Ce jour-là, deux avions de l’armée ivoirienne prennent pour cible les soldats français de la Force Licorne, mandatée par l’ONU pour maintenir l’ordre en Côte d’Ivoire. 15 ans après les faits, ces crimes n'ont toujours pas trouvé de coupables. Un procès aux Assises de Paris s'ouvre en mars prochain pour juger 2 pilotes biélorusses suspects...

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Ulcéré que les trois ex-ministres n’aient pas été renvoyés devant la Cour de justice de la République, comme le souhaitait la dernière juge d’instruction chargée de l’affaire, l’avocat trouvera peut-être dans le procès des trois pilotes et copilotes,

Depuis quinze ans, Jean Balan consacre sa vie à cette affaire. Elle le ronge, le ruine, mais il s’obstine. Comme tout le monde, il crut au départ que les deux avions Soukhoï 25 qui bombardèrent le camp militaire français de Bouaké, en Côte d’Ivoire, le 6 novembre 2004, avaient obéi à des ordres du pouvoir ivoirien. Les relations entre les présidents d’alors, Jacques Chirac et Laurent Gbagbo, étaient détestables. Abidjan et Paris étaient en situation de quasi-guerre ouverte. La responsabilité de la mort des neuf soldats de l’opération « Licorne » ne pouvait donc incomber qu’à M. Gbagbo.« Les morts n’étaient pas prévus »Au fil de l’enquête ouverte à Paris, une autre hypothèse s’est peu à peu dessinée aux yeux de Jean Balan : celle d’une « bavure  manipulée », selon la déposition du général qui dirigeait les forces françaises au moment des faits. En clair, l’avocat commis d’office au dépar soupçonne Dominique de Villepin, alors ministre de l’intérieur et investi dans les affaires franco-africaines, d’avoir orchestré les frappes sur la base française afin de trouver un prétexte au renversement de Laurent Gbagbo.Michèle Alliot-Marie, alors à la défense, et Michel Barnier aux affaires étrangères ont servi de complices en laissant filer les pilotes biélorusses des deux avions, interpellés au Togo dix jours après les frappes, et les mécaniciens arrêtés à Abidjan par l’armée française.

qui doit s’ouvrir le 17 mars à Paris, l’occasion d’exprimer son sentiment d’injustice. Les accusés ne devraient pas être dans le box, mais les anciens dirigeants ont été cités à comparaître comme témoins.

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Écologiser la perspective décolonialeDécoloniser l’écologie et, dans le même temps, écologiser la perspective décoloniale : voilà le défi que se propose de relever Malcolm Ferdinand dans un livre, Une écologie décoloniale, rendu nécessaire par la séparation entre histoire environnementale et histoire de l’esclavage.

Prix de la Fondation de l’écologie politique 2019

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Une colère rouge recouvre le ciel. Les vagues s'agitent, l'eau monte, les forêts tombent et les corps s'enfoncent dans ce sanguinaire gouffre marin. Les cieux tonnent encore devant ce spectacle : le monde est en pleine tempête. Derrière sa prétention d'universalité, la pensée environnementale s'est construite sur l'occultation des fondations coloniales, patriarcales et esclavagistes de la modernité. Face à la tempête, l'environnementalisme propose une arche de Noé qui cache dans son antre les inégalités sociales, les discriminations de genre, les racismes et les situations (post)coloniales, et abandonne à quai les demandes de justice. Penser l'écologie depuis le monde caribéen confronte cette absence à partir d'une région où impérialismes, esclavagismes et destructions de paysages nouèrent violemment les destins des Européens, Amérindiens et Africains. Le navire négrier rappelle que certains sont enchaînés à la cale et parfois jetés par-dessus bord à la seule idée de la tempête. Tel est l'impensé de la double fracture moderne qui sépare les questions coloniales des destructions environnementales. Or, panser cette fracture demeure la clé d'un " habiter ensemble " qui préserve les écosystèmes tout autant que les dignités. Telle est l'ambition d'une " écologie décoloniale " qui relie les enjeux écologiques à la quête d'un monde au sortir de l'esclavage et de la colonisation. Face à la tempête, ce livre est une invitation à construire un navire-monde où les rencontres des autres humains et non-humains sur le pont de la justice dessinent l'horizon d'un monde commun.

Malcom Ferdinand est ingénieur en environnement de University College London, docteur en philosophie politique de l'université Paris-Diderot et chercheur au CNRS (IRISSO / Université Paris-Dauphine).

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Anna Gréki, un rêve têtuLes éditions Terrasses, récemment créées, inaugurent leur catalogue par une anthologie de textes (poèmes, articles politiques, articles culturels) de la poétesse algérienne d'origine européenne Anna Gréki. Elles remettent ainsi en lumière l'itinéraire et la force d'une militante, d'un engagement, mais aussi d'une écriture singulière.

Anna Gréki : les amoureux de la littérature algérienne connaissent ce patronyme – pseudonyme de Colette Grégoire – depuis longtemps réservé aux seuls initiés, tant ses œuvres sont devenues au fil du temps introuvables. Il faut donc saluer en premier lieu une initiative qui fait à nouveau entendre la voix d’une poétesse singulière, prématurément disparue au début de l’année 1966, mais dont le souffle, la force des images et la forge d’une syntaxe à nulle autre pareille résonnent dans ces pages :

Arrogant tel un très jeune homme Il ressemble à la liberté Il ressemble tellement à la liberté Ce ciel tendre plus qu’un oiseau ce ciel adulte Que j’en ai la gorge serrée – ciel de vingt ans Qui veut aller nu triomphant comme une insulte La gorge serrée à n’en plus pouvoir parler – corps défendu corps parfumé ciel sans pitiéLa gorge nouée sans pouvoir dire à quel pointJe suis triste à cause de la couleur du ciel

(« À cause de la couleur du ciel », dédié à Ahmed Inal).

Cette heureuse initiative est le fruit d’une toute nouvelle maison d’édition, Terrasses, dont le nom se veut un hommage transparent, revendiqué, à un autre grand poète algérien d’origine européenne, Jean Sénac, et à la revue qu’il anima et qui ne connut qu’un numéro, peu avant le déclenchement de la guerre de libération nationale. Les éditons Terrasses entendent remettre à disposition un patrimoine issu des luttes tiers-mondistes dans le sillon des combats de décolonisation, patrimoine qui a été généralement occulté par la suite dans les pays concernés.

Par MEDIAPART Le blog de Hervé Sanson

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à lire et à voir – à lire et à voir – à lire et à voirDiscrimination à l’emploi pour les artistes noir.es

1 an après la sortie du livre-manifeste «Noire n’est pas mon métier», Shirley Souagnon poursuit sa quête de liberté. Attachée à son indépendance, l’humoriste franco-ivoirienne cultive une certaine idée de l’autodérision. Douze ans après ses débuts, elle ne manque ni de projets ni d’idées pour faire avancer les mentalités

Les comédiens noirs sont encore largement absents des écrans et de la scène en France. Pourquoi est-ce si lent ? Pour moi, c’est toujours issu de cette même histoire, la colonisation, la façon dont on respecte l’Afrique noire. Tant que politiquement parlant on sera toujours dépendant, il y aura toujours ce malaise sur la population noire.

Dans cette France plurielle où le racisme demeure, avez-vous subi des discriminations ou les avez-vous occultées ?À l’instant où tu arrives dans la société, tu ne peux pas le voir en face, c’est comme un miniviol de l’esprit. C’est le même conditionnement étant enfant quand tu entends des trucs comme tu fais pipi noir ou tu vis dans les arbres en Afrique. Tu te dis pourquoi les gens me voient comme ça. Tu ne te sens pas comme un être humain. Une ex m’a dit que j’avais de la chance que mon égo me protège de cette violence du monde extérieur. Du coup je suis juste dépressive souvent. Je m’ennuie. Mais ce n’est pas un ennui non maîtrisé. J’essaie d’en faire un truc intéressant. En fait, ce que tu représentes dans la société, tu ne le sais pas. Quand tu arrives dans la société, c’est comme dans un jeu de société. Tu comprends les règles au fur et à mesure. Plus tu joues, plus tu comprends. Tu comprends en arrivant dans la vie adulte que tu es noire, que tu es une femme, que tu es lesbienne. Jouer au jeu de la vie, c’est comprendre comment tu peux jouer d’autres cartes. Sortir de ce jeu, c’est très dur. Je suis en plein dedans.C’est pourquoi vous avez intitulé votre spectacle Monsieur Shirley ? Ça va plus loin que ça. Je pense que je suis autant un homme qu’une femme. Ce que l’on appelle le genre fluid. On me dit souvent que je ressemble à un gars et j’ai compris la transphobie qu’on pouvait avoir à mon égard. On a voulu m’assigner le maillot d’une femme auquel j’ai jamais cru depuis que je suis gamine. Le problème, ce n’est pas le fait de mettre des robes. Le problème, c’est que l’on me l’impose. Le conditionnement féminin dans lequel on a voulu me mettre n’a jamais marché avec moi. Je ne suis pas ça.

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à lire et à voir – à lire et à voir – à lire et à voir

La comédienne Aïssa Maïga est à l'affiche d'"Escale Fatale", la nouvelle série franco-irlandaise d'Arte. L'occasion d'évoquer l'un de ses combats : la place des actrices noires à la télévision et le portrait de ces femmes migrantes dont l'existence est souvent rendue invisible.

“On refuse d’être les ‘bons noirs!’”Sur la scène de la salle Pleyel, elle s’est mise à compter le nombre d’actrices et acteurs noirs présents. ″Ça  fait  plus  de  deux  décennies  que  je  ne  peux  pas m’empêcher  de  compter  lors  des  réunions  du  métier” a-t-elle lâché, énumérant  les  rares  talents  de  couleurs  dans  la  salle,  dont  Ladj  Ly, 

réalisateur  des  «Misérables».  J’ai  toujours  pu  compter  sur  les  doigts d’une main le nombre de non-blancs.”

Aïssa Maïga, présidente des collectifs 50/50 et «Noire n'est pas mon métier», invitée par les CESARS 2020 à remettre le prix du meilleur espoir féminin, a lancé un appel aux réalisateurs et producteurs présents dans la salle pour leur demander de mieux considérer les acteurs de couleurs.

“On  a  survécu  au  whitewashing,  au  blackface,  aux  tonnes  de  rôles  de dealers,  de  femmes  de  ménages  à  l’accent  bwana,  on  a  survécu  aux rôles de terroristes, à tous les rôles de filles hypersexualisées... Et en fait, on voudrait vous dire, on ne va pas laisser le cinéma français tranquille.” “On  est  une  famille,  on  se  dit  tout,  non  ?  Vous  tous  qui  n’êtes  pas impactés  par  les  questions  liés  à  l’invisibilité,  aux  stéréotypes  ou  à  la question de la couleur de la peau... la bonne nouvelle, c’est que ça ne va pas  se  faire  sans  vous.  Ce  qui  se  joue  dans  le  cinéma  français  ne concerne  pas  que  notre  milieu  hyper  privilégié,  cela  concerne  toute  la société, n’est-ce pas monsieur qui est sur votre téléphone portable là ?”

Avec une trentaine de personnalités, elle avait déjà dénoncé dans Le Parisien le manque de diversité de la profession. Le mouvement #BlacksCesars pointait “l’invisibilité des acteurs, réalisateurs et producteurs” issus des DOM-TOM, de l’immigration africaine et asiatique.

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.« Cela fait plus de dix ans que je suis écarté des scènes françaises » affirmait le chanteur, début février, dans les colonnes de Jeune Afrique. En juin 2017, Fally Ipupa devait se produire sur la scène parisienne de La Cigale, avant que la préfecture de Paris ne décide d’annuler le concert, effrayée par les éventuels débordements des « combattants ».Ces groupes radicaux interdisent depuis plus de dix ans tout spectacle d’artistes congolais en Europe. De Paris à Bruxelles, les concerts d’Héritier Watanabe, Werrason, JB Mpiana, Papa Wemba, Koffi, ou encore Ferré Gola ont ainsi été annulés.

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Ces groupes d’opposants congolais radicaux tentaient d’annuler le concert de Fally Ipupa qui a été maintenu, l’artiste bénéficiant d’un élan de solidarité massif de la part d’une autre partie de la diaspora. La chanson inaugurale « La vie est belle », sonnait comme un pied de nez aux combattants. » « Jour historique », a sous-titré l’hebdomadaire Jeune Afrique.

FALLY IPUPA en CONCERT à PARIS Pour moi, sortir un album, c’est avoir des choses à dire. Je ne peux donc pas sortir un album juste parce qu’il faut danser pendant les fêtes de Noël

ou de fin d’année. Je donne et je veux que ça reste pendant longtemps. D’ailleurs, si vous écoutez aujourd’hui des chansons comme «Service» ou «Une minute», ça plaît et ça c’est parce que j’ai vraiment pris mon temps à travailler. Toutefois, je tiens à préciser que je respecte beaucoup ce que mes grands-frères ont fait pour la musique congolaise mais j’essaie de faire à ma manière aussi. Cela dit, je pense qu’un artiste-musicien doit prendre le temps de proposer un travail abouti. .

Que représentait pour toi Papa Wemba?«Papa  Wemba  représentait  énormément  pour  moi.  On  vient  de  perdre  un grand soldat, un vrai pionnier, un baobab de la musique africaine et pour nous, congolais  et  Kinois,  on  vient  de  perdre  un  grand-père.  C’est  lui  qui  donne  la chance à Koffi Olomidé et Koffi Olomidé qui me donne à son tour ma chance.» 

Les alentours de la salle de spectacle AccorHotel Arena, auprès de la Gare de Lyon et de Bercy, ont été le théâtre d’incendies et d’affrontements entre les forces de l’ordre et les « combattants » congolais. Une grande fumée noire a voilé le ciel de l’est parisien, générée par des incendies de scooters et de poubelles.

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Avec la série documentaire en trois volets

Décolonisations, les réalisateurs Karim Miské, Marc Ball et l’historien spécialiste du fait colonial Pierre Singaravélou, déploient une fresque de plusieurs siècles

Incarnée par des hommes et des femmes qui ne sont pas nécessairement des figures politiques déjà présentes dans les manuels scolaires, l’histoire de ces révoltes commence avec la colonisation et ne s’arrête pas aux indépendances. Des soulèvements ont lieu dans tous les territoires colonisés. Le documentaire s’attarde sur plusieurs d’entre eux en Inde, en Indochine, au Kenya, en Algérie et au Congo. Des échos retentissent dans les Caraïbes également. Une série nécessaire où il est question de la circulation de ces luttes et de ce qu’elles peuvent dire au monde aujourd’hui.

Un livre le prolonge dont la sortie est prévue en mars. Rencontre avec Marc Ball et Karim Miské, qui ont par ailleurs déjà travaillé ensemble sur les documentaires : Juifs et musulmans et Tunisie les voix de la Révolution. Le documentaire s’ouvre avec une voix off qui dit “ça commence quel jour la lutte ? […] Elle commence au premier jour de la colonisation”. ”. Vous introduisez ainsi l’angle du propos : les décolonisations à partir des luttes de celles et ceux qui les ont menés:On  ouvre  sur  les  luttes  parce  que  dans  n’importe  quel  endroit  du  monde  un peuple  qui  se  fait  envahir  résiste  d’abord.  Il  fallait  pour  nous  évidemment  se placer du côté de celles et ceux qui  luttent pour se libérer. Ces femmes et ces hommes ont pris  toutes sortes de voies, pour se  libérer  ; par  la  littérature, par les armes, par le football, etc. Montrer toute cette diversité de trajectoires et de chemins était essentiel pour comprendre la mécanique coloniale, et comment ils s’en  sont  libérés.  Montrer  à  quel  point  l’expérience  de  la  résistance  leur  est commune. Il s’agit de renverser la perspective qui ne raconte cette histoire que du  point  de  vue  des  conquérants.  Ici,  en  Europe,  dans  les  anciennes puissances  coloniales,  je  ne  pense  pas  que  raconter  l’histoire  de  ce  point  de vue  ait  été  encore  fait.  Cela  a  déjà  été  fait  dans  les  pays  anciennement colonisés au moment des indépendances. Pays par pays. Et nous avons utilisé, dans  notre  documentaire,  des  archives  de  films  de  fictions  ou  documentaires faits  par  les  indiens,  les  vietnamiens,  algériens  etc.  Mais  de  dire  en  Europe  : “nous allons prendre  le point de vue de celles et ceux qui se sont  libéré.es de notre oppression, de notre emprise sur eux” était un mouvement inédit.

de résistances à l’oppression et à la conquête coloniale.

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LE VALET DES LIVRES de Liss Kihindou

Florence ne connaît pas son père ; sa mère demeure pour elle une énigme à résoudre. Florence, la narratrice du roman Brazzaville, ma mère, de Bedel Baouna, a grandi en France, élevée par son oncle maternel, tonton Al. Journaliste elle va faire des reportages à Brazzaville pour le compte de son journal - belle occasion de faire vraiment connaissance avec sa mère, qui y réside et de combler les blancs qui entourent son existence.

Florence tient un journal, pour consigner tout ce qu'elle apprend sur le pays, sur sa mère, qui apparaît de plus en plus comme une personne montée jusqu'à un niveau vertigineux et qu'il faut descendre de son piédestal, parce que cette ascension ou cette puissance ne s'est pas faite de manière honnête - femme aux multiples facettes, femme complexe, femme puissante qui aime distribuer les cartes et, avec une fortune colossale, c'est chose aisée.[…]

On ne peut pas ne pas penser au Livre de ma mère, d'Albert Cohen, ce récit magnifiquement poétique dans lequel l'auteur rend hommage à sa mère disparue, sa mère qu'il présente comme une saint et lui dresse un autel tandis que la narratrice du roman de Bedel Baouna veut descendre la sienne, lui préparer un bûcher dans le Roman de ma mère, son projet de publication.[…]

Après s'être fait connaître dans le milieu littéraire congolais comme critique littéraire, Bedel Baouna passe de l'autre côté du rideau et se jette "dans l'arène des mots" (page 18) "je nourris l'envie, furieuse, terrible, douloureuse, voire ravageuse d'écrire de beaux romans ou de grandes pièces de théâtre. Une façon - enfin - d'entamer une seconde vie." (page 15) L'auteur vient de publier coup sur coup le roman Brazzaville ma mère aux Editions Le Lys Bleu et la pièce de théâtre La Vie des hommes chez Z4 Editions.

Selon Thierry Oko de Congo Page : pour un coup d’essai, c’est un coup de maître. Il était de l’intérêt de l’auteur d’être à la hauteur de la tache littéraire car pour avoir descendu beaucoup de livres, ses adversaires l’attendaient au tournant. On peut désormais dire que pour un premier roman, l’auteur est entré de plain-pied dans la cour des grands du monde littéraire congolais : Sony Labou Tan’Si, Emmanuel Dongala, Alain Mabanckou, Wilfried N’Sondé, Liss Kihindou, Marie-Léontine Tchibinda,…

Brazzaville, ma mère de Bedel Baouna

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Dans Critique de la raison nègre, le philosophe Achille Mbembe jugeait nécessaire d’admettre que la « proclamation de la différence n’est qu’un moment d’un projet plus large », même si, « pour ceux qui ont subi la domination coloniale ou pour ceux dont la part d’humanité a été volée à un moment donné de l’histoire, le recouvrement de cette part d’humanité passe souvent par la proclamation de la différence »

médiapart – médiapart – médiapart – médiapart

Questionné par Médiapart sur ce sujet, il précise : « À partir  du moment où on n’a qu’un seul monde, et qu’il nous est commun, la question se pose de savoir comment le partager. »Pour bâtir un « monde au-delà des races », il lui semble nécessaire « de ne pas s’arrêter  aux  processus  de  différenciation  pour  ne  pas  reproduire  des  logiques qui  ont  conduit  à  ce  que  l’on  est  en  train  de  dénoncer.  La  position  victimaire endosse  la  différence  au  point  de  chercher  à  jouir  des  dividendes  de  celle-ci. Mais le déni ou la bonne conscience sur  le mode “tout ça, c’est du passé” sont des  marques  de  fabrique  de  l’Occident  qui  sont  les  privilèges  des  puissants  et des dominants ».L’écrivain américain Thomas Chatterton Williams va encore plus loin. Dans son dernier ouvrage intitulé Self  Portrait  in  Black  and  White, partant d’une interrogation personnelle sur le fait que son père est noir et sa fille blanche, il juge nécessaire de dépasser des catégories raciales qui en finiraient par abîmer la société à force d’insister sur leur importance. Pour celui qui finit par se définir comme un « ex-Black Man », il est nécessaire de « désapprendre la race », de se « retirer de la race » en ayant une vision de soi suffisamment forte et souple pour reconnaître l’importante persistance des identités collectives héritées, tout en atténuant, plutôt qu’en renforçant, la capacité de ses identités de définir chacun d’entre nous. Les suggestions de Mbembe ou les propos de Williams prolongent et recoupent la pensée développée par Stuart Hall (1932-2014), grande figure de la sociologie et des cultural  studies, lui-même originaire de Jamaïque, qui se demandait « comment vivre en essayant de valoriser la diversité des sujets noirs, de lutter contre  leur  marginalisation  et  de  vraiment  commencer  à  exhumer  les  histoires perdues des expériences noires, tout en reconnaissant en même temps la fin de tout sujet noir essentiel ». 

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Présences maghrébines dans l’Armée françaiseAvec l’expédition d’Égypte (1798) et la conquête de l’Algérie (1830), du Moyen-Orient au Maghreb s’installe une tradition : celle de la présence de supplétifs ou de combattants réguliers arabo-orientaux dans les forces armées françaises. « Nous avons mérité cet honneur et la mère patrie considérera qu’elle se doit à elle-

Groupe de recherche ACHAC

À travers une exposition, il s’agit de sortir des mythes pour transmettre une histoire méconnue. L’armée d’Afrique tels les chasseurs d’Afrique s’est constituée à partir de 1830 avec la mise sur pied d’unités à recrutement « indigène » ou métropolitain (tirailleurs, spahis, zouaves, goumiers, méharistes…), stationnées en Algérie, en Tunisie (1881) et au Maroc (1912). L’armée française dispose alors de troupes issues de tout le Maghreb, les Européens et les Juifs d’Afrique du Nord servant eux aussi dans des corps spécifiques de l’armée d’Afrique. Ces unités jouent un rôle militaire considérable lors des conquêtes coloniales, dans les trois conflits européens et dans les guerres de décolonisation, aux côtés des troupes métropolitaines et des troupes venues des « vieilles colonies », d’Afrique, de l’océan Indien, d’Indochine, de Polynésie ou de Nouvelle-Calédonie.

L’armée française a parfois été une source d’émancipation, de promotion sociale, mais aussi de déception, car si la reconnaissance du sacrifice a été immédiate dans les armées, elle a ensuite été évacuée de la mémoire collective nationale. Depuis peu, elle commence de nouveau à irriguer la nation. Monuments du souvenir, sites de mémoire accueillant les cérémonies militaires ou les scolaires, collections des musées ou des salles d’honneur du ministère de la Défense, autant d’éléments qui rappellent le souvenir de ceux qui se sont illustrés au service de la France. Cette exposition raconte comment, pendant plus de deux siècles, la France a su se construire dans l’espace militaire.

même de nous l’accorder. » Émir Khaled, petit-fils d’Abd el-Kader et officier de la Grande Guerre, 1922

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Groupe de recherche ACHAC Des imaginaires coloniaux aux héritages postcoloniaux.

Chaque semaine en 2020, Achac, en partenariat avec CNRS Éditions et La Découverte, vous propose un article du livre Sexualités, identités et corps décolonisés pour une plus large diffusion des savoirs à destination de tous les publics. Les 45 contributions seront disponibles toute l’année sur le site du Groupe de recherche Achac.

Longtemps passées sous silence, la sexualité dans les empires coloniaux et la domination sur les corps apparaissent aujourd’hui comme des sujets de recherches majeurs. Les héritages de cette histoire font désormais débats dans nos sociétés de plus en plus métissées et mondialisées. Six siècles d’histoire ont construit des imaginaires, des fantasmes et des pratiques analysés dans cet ouvrage au fil des cinquante contributions de spécialistes internationaux. Coordonné par un collectif paritaire de dix chercheur.e.s de plusieurs disciplines, l’ouvrage Sexualités, identités et corps colonisés tisse des liens entre passé et présent, et explore les nombreuses facettes de cette histoire. La publication de Sexe, race & colonies en 2018 a initié débats et polémiques, mais a aussi reçu un écho sans précédent. Ce nouveau livre va plus loin.

Aux quinze articles majeurs du précédent ouvrage, réédités pour les rendre accessibles au plus grand nombre, ont été ajoutées trente contributions inédites éclairant la transversalité de cette question dans tous les empires coloniaux jusqu’aux sociétés postcoloniales actuelles. Ce livre permet de saisir comment la sexualité et les hiérarchies raciales ont été consubstantielles à l’organisation du pouvoir dans les empires et à l’invention d’imaginaires transnationaux. Déconstruire les regards coloniaux qui sont omniprésents dans nos représentations suppose de regarder en face cette hégémonie sexuelle mondialisée et ce passé, aussi complexe soit-il. C’est à ce prix qu’une décolonisation des imaginaires sera possible.

Sous la direction de Gilles Boëtsch, Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Sylvie Chalaye, Fanny Robles, T. Denean Sharpley-Whiting, Jean-François Staszak, Christelle Taraud, Dominic Thomas et Naïma Yahi.

POUR TROUVER CES ARTICLES CHAQUE SEMAINE :1 – aller sur le site d’ACHAC2 – cliquer sur la vignette SEXE ET COLONIES3 – cliquer sur RESSOURCES puis OPEN SOURCE4 – cliquer enfin sur EN SAVOIR PLUS et vous trouverez les ARTICLES

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de MartiniqueCarnaval de Martinique : histoire et déroulement

Le carnaval de Martinique se déroule du samedi au mercredi de la semaine des jours gras précédant le carême ; notamment le samedi gras (présentation des reines du carnaval), le lundi gras (défilé des mariages burlesques costumés

en travestis), le mardi gras (défilé des diables rouges costumés en rouge) et le mercredi des cendres (défilés en noir et blanc, mort de Vaval).

Histoire Le carnaval de la Martinique est né de la rencontre des cultures européennes et africaines durant la colonisation. Il a connu son heure de gloire à Saint-Pierre, à la fin du XIXe siècle. La tradition du carnaval se perpétue à Fort-de-France depuis la destruction de Saint-Pierre en 1902 (éruption de la montagne Pelée).

Déroulement Les manifestations commencent généralement après l’Épiphanie, soit mi-février. Chaque week-end, dès le début du carnaval, des parades d’orchestres de rues et de groupes à pied déguisés animent Fort-de-France et les communes de l’île mais avec moins d’ampleur que pendant les jours gras. Des élections de reines sont organisées dans les communes, il y a aussi parfois des spectacles carnavalesques et des expositions. Comme partout, le carnaval de Martinique s’appuie sur une musique et une gestuelle spécifique. Une bonne chanson de carnaval s’appuie sur l’actualité tout en utilisant la dérision. La participation des orchestres de rue est relativement récente avec une première expérience qui remonte à 1975.

C’est un carnaval participatif qui implique la population (locale ou non). Chacun amène sa participation comme bon lui semble : créativité et couleurs sont de mise.Les « vidés » : le vidé consiste à suivre un groupe à pied. Par moments la foule participant au vidé s’arrête, puis laisse une bonne distance et spontanément et frénétiquement la foule remonte en courant vers le groupe.Les « vidés pyjama » qui se déroulent notamment le lundi matin à l’aube au saut du lit.Les « bradjaks » : ce sont de vieilles voitures chargées de carnavaliers, décorées d’un thème d’actualité. Elles avancent groupées et font énormément de bruit.Les « hommes d’argile » grimés avec de l’argile et prenant des postures de statues d’argile.Les « neg gwo siwo » enduits de mélasse et charbon qui rappellent les anciens esclaves.

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La CIMADE : Appel aux municipalités

Concernant l’accueil des personnes migrantes sur leur territoire, les villes sont en capacité d’agir. La Cimade appelle les municipalités à se mobiliser solidairement pour créer les conditions d’un accueil digne des personnes migrantes, favoriser l’inclusion, la citoyenneté et la cohésion sociale.

En France, la mise en œuvre de la politique d’immigration et d’asile est une prérogative étatique. Mais les municipalités se retrouvent en première ligne concernant l’accueil des personnes migrantes vivant sur leur territoire.- D’une part, parce qu’elles portent des politiques publiques en matière d’accès aux droits, à l’information et au service public, au logement, à la scolarisation, … qui concernent l’ensemble des habitant·e·s, dont les personnes migrantes.- D’autre part, parce qu’elles se trouvent en situation de devoir pallier les insuffisances de l’État. Le manque de moyens, d’anticipation, de volonté politique mais aussi la logique sécuritaire et la remise en cause de la solidarité entraînent des conséquences désastreuses. En matière d’hébergement par exemple, l’État n’assure sa mission régalienne de mise à l’abri des plus précaires dans une logique de dissuasion des personnes exilées, quitte à les mettre en danger. De plus en plus de villes sont donc obligées de répondre à l’urgence humanitaire en proposant une prise en charge des personnes migrantes à la rue.Enfin, parce qu’elles sont garantes de la cohésion sociale dans leur territoire et de la construction collective d’un bien vivre ensemble.Leur action est certes soumise à des contraintes (partage des compétences avec l’État et les départements, financements restreints, opposition d’une partie des habitants…) mais elle peut être innovante grâce à leur très bonne connaissance du territoire et des ressources mobilisables ainsi qu’à leurs capacités d’adaptation.Les villes sont en capacité d’agir :- en rappelant à l’État ses responsabilités, à partir de leur connaissance des réalités de terrain et des défaillances du système d’accueil ;- en apportant des réponses opérationnelles quant à l’accueil effectif des personnes exilées pour assurer le respect de leur dignité et des droits fondamentaux, notamment le logement ;- en incarnant et en assumant une politique d’hospitalité grâce à des mesures et des messages positifs sur l’immigration ;- en veillant à favoriser la rencontre et les échanges interculturels pour apaiser la méfiance et créer du lien social.

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Dicta Brazza : vingt établissements publics et privés à la conquête du trophée de la dictée.619 élèves des collèges, lycées du public et du privé de Brazzaville et de Dolisie ont participé, le 15 février, à la première étape de la production du meilleur texte de dictée dont la finale aura lieu, le 5 mai, à l’Institut français du Congo.

francophonie – francophonie - francophonie

Dicta brazza a obtenu le Label francophone.

Dicta brazza invite les candidats, encore appelés « ambassadeurs », constitués en équipe, délégués par leurs établissements et leurs camarades de classe pour produire sur place des meilleurs textes de dicté qui doivent obéir à toutes les contraintes : lexicales (c’est-à-dire dix mots de la langue française et deux en lingala), grammaticales, orthographiques, sémantiques et techniques. Les meilleures dictées retenues seront présentées à la finale. L’objectif est de partager, de découvrir, de stimuler la créativité et l’imaginaire des élèves.

Dicta brazza s’inscrit dans le cadre de la francophonie, à travers son opération « Dis-moi dix mots », a obtenu cette année le label francophone et s’intègre désormais dans les activités de la semaine de la langue française et de la francophonie. «C’est une reconnaissance singulière de cette opération qui sera relayée maintenant au niveau international et qui montre toute sa pérennité. Elle sera menée dorénavant pour de longues années au Congo »

Ce concours qui est à sa septième édition permet le partage, l’échange et la rencontre entre les élèves qui participent à ce dispositif. Il se déroule en trois étapes : la journée des ambassadeurs, c’est-à-dire la production du meilleur texte de dictée ; la passation de la dictée qui a lieu lors de la journée de la francophonie, le 20 mars prochain et la finale qui porte sur des épreuves de défis: l'orthographe à l’oral, notamment le concours d’épellation et de la culture générale.

Pour Diazabakana Ndalla, enseignant de français au lycée Chaminade de Brazzaville, l’initiative est louable, car elle permet aux enfants de se cultiver, de découvrir les autres écoles et de se découvrir entre eux.

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Dictionnaire enjoué des cultures africaines Alain Mabanckou et Abdourahman Waberi

Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire. Le paysan africain ne connaît que l'éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles.

Page 52: UBUNTU n°18 · sans fin sur le continent africain (70 séjours dans la seule ville de Dakar), il ramènera quantité de souvenirs, d'anecdotes et de choses vues qu'il nous livre

Dictionnaire enjoué à propos de l’histoireAlain Mabanckou et Abdourahman Waberi de l'Afrique (suite)

Histoire générale de l’Afrique – t.1 : Méthodologie et préhistoire africaine, J. Ki-Zerbo (dir), Editions UNESCO, 1986