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Tunisie : Impact des mesures de confinement associées à la pandémie COVID-19 sur la pauvreté des enfants

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Tunisie : Impact des mesures de confinement associées à la pandémie COVID-19 sur la pauvreté des enfants

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Remerciements

Ce rapport est le fruit de la collaboration de nombreuses personnes et institutions. L’équipe chargée de l’éla-boration du rapport, composée par MM. Sami Bibi (PEP, Université Laval), Abdel-Rahmen El Lahga (PEP, Institut Su-périeur de Gestion de Tunis), et Sebastian Silva-Leander (OPM), remercie tous ceux qui ont contribué à cette publi-cation en y consacrant leur temps, leur expertise, et leur énergie, notamment : John Murray Cockburn (PEP), Luca Tiberti (PEP), Marta Marzi (OPM), Samir Bouzekri (UNICEF), Remy Pigois (UNICEF), Leonardo Menchini (UNICEF) et Samman Thapa (UNICEF).

Nous nous félicitons également de l’appui de Madame Lila Pieters, Représentante de l’UNICEF en Tunisie, et de son équipe qui ont facilité le dialogue avec le Ministère des affaires sociales sur la conduite de cette étude.

Nos remerciements vont également au bureau régional de l’UNICEF pour la région MENA qui outre le finan-cement de l’étude, a facilité la conduite de la recherche et a appuyé techniquement tout le processus.

L’étude a également bénéficié des commentaires et suggestions enrichissantes apportées par l’équipe du Ministère des affaires sociales lors de la présentation des premiers résultats.

Les idées et les opinions exprimées dans cette publication sont celles des auteurs et ne reflètent pas néces-sairement les points de vue de l’UNICEF.

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À propos d’Oxford Policy Management (OPM)

Le cabinet « Oxford Policy Management » a pour vocation d’appuyer les pays à revenu faible et intermédiaire à parvenir à la croissance et à réduire la pauvreté et le désavantage par le biais de réformes de politique pu-blique.

En employant notre expertise analytique et notre expérience pratique, nous aspirons à apporter des chan-gements positifs et durables. Avec un réseau de bureaux à travers le monde, nous travaillons en partenariat avec les décideurs nationaux dans la recherche, la conception, la mise en œuvre et l’évaluation d’impact des politiques publiques.

Nous travaillons dans tous les domaines de la politique sociale et économique et de la gouvernance, y com-pris la santé, la finance, l’éducation, le changement climatique et la gestion du secteur public. Nous puisons dans l’expertise sectorielle de nos consultants nationaux et internationaux pour fournir un soutien de qua-lité basé sur des évidences.

À propos du Partnership for Economic Policy (PEP)

Le Partenariat pour les politiques économiques (PEP) met en relation des chercheurs et des instituts de re-cherche du monde entier, afin de promouvoir la participation de l’expertise locale dans la définition des solu-tions et politiques de développement durable.

L’approche novatrice du PEP en matière de renforcement des capacités de cette expertise locale contribue à établir une nouvelle génération de leaders scientifiques dans les pays en développement, à la fois porteurs des réalités locales et conscients des besoins du politique. L’appui du PEP permet à ces chercheurs d’appli-quer des outils et méthodes scientifiques de pointe pour étudier des problèmes de développement qui sont importants du point de vue des décideurs et populations de leur pays.

Au final, plus du tiers de ces analyses contribue à renseigner directement les décisions politiques nationales, tandis que la moitié est publiée dans des revues scientifiques prestigieuses – témoignant à la fois de la per-tinence et de la qualité de la recherche soutenue.

Oxford Policy Management LimitedRegistered in England: 3122495

Level 3, Clarendon House52 Cornmarket StreetOxford, OX1 3HJUnited Kingdom

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Table des matières

Remerciements 3Table des matières 5Liste des tableaux 6Liste des graphiques 6Liste des sigles et acronymes 6Résumé exécutif 71 Introduction 92 Définition des scénarios et méthodologie 112.1 Confinement et impact sur le revenu 112.2 Confinement et variation des prix 142.3 Mesures d’atténuation de l’impact de laCOVID-19 152.4 Préparation des données 163 Résultats 173.1 Impact de la COVID-19 sur la pauvreté et les inégalités 173.2 Qui sont les enfants pauvres et où vivent-ils 203.3 Efficacité des mesures d’atténuation 233.4 Quels sont les facteurs qui contribuent davantage à la variation de la pauvreté ? 233.5 Quel rôle pourrait jouer une allocation pour enfants dans l’atténuation des effets de la crise ? 274 Conclusion et recommandations 27Recommandations 27Annexe: Méthodologie d’estimation de l’effet de variation des prix sur le bien-être 29Bibliographie 30

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Liste des tableaux

Tableau 1: Prévalence de la COVID-19 au Nord et au Sud de la Méditerranée 9Tableau 2: Distribution de l’emploi formel et informel par secteur et par niveau de confinement 12Tableau 3: Variation mensuelle des prix Mars 2020 15Tableau 4: Description succincte des scénarios 17Tableau 5: Seuils de pauvreté aux prix de 2015 (dinars tunisiens par personne par an) 17Tableau 6: Impacts sur la pauvreté et les inégalités 18Tableau 7: Taux de pauvreté des enfants par région et par scénario 20Tableau 8: Taux de pauvreté par secteur d’activité du chef de ménage 21Tableau 9: Pauvreté des enfants selon la taille du ménage 22Tableau 10: Répartition régionale des nouveaux pauvres selon les scénarios 22Tableau 11: Impact des interventions gouvernementales sur la réduction de la pauvreté et l’inégalité 23Tableau 12: Décomposition de la variation de la pauvreté par facteur, selon les scénarios (en points de pourcentage)

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Tableau 13: Réduction de la pauvreté pour 100 DT de revenu supplémentaire par tête 26

Liste des graphiques

Graphique 1: Nombre d’enfants par décile 10Graphique 2: Statut sur le marché de travail 11Graphique 3: Nombre d’enfants par secteur d’activité du chef de ménage 13Graphique 4: Impact de la COVID-19 sur la consommation moyenne par tête en dinars 19Graphique 5: Courbes d’incidence de la croissance 19

Liste des sigles et acronymes

AMG1 Assistance Médicale Gratuite, Type 1AMG2 Assistance Médicale Gratuite, Type 2CNRPS Caisse Nationale de Retraite et de Prévoyance Sociale CNSS Caisse Nationale de Sécurité SocialeEBCNV Enquête sur le Budget, la Consommation, et le Niveau de vieGT Gouvernement TunisienINS Institut National de la StatistiqueMAS Ministère des Affaires SocialesOIT Organisation Internationale du TravailOPM Oxford Policy ManagementPEP Partnership for Economic Policy (Partenariat pour les politiques économiques)PIB Produit Intérieur BrutPNAFN Programme National d’Aide aux Familles NécessiteusesUGTT Union Générale Tunisienne du TravailUNICEF Fonds des Nations Unies pour l’EnfanceUTICA Union Tunisienne de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat

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Résumé exécutif

A l’instar de la plupart des pays du monde, la Tunisie n’a pas été épargnée par la pandémie COVID-19. Même si le pays a réussi à maîtriser la propagation de la pandémie, les conséquences négatives sur le plan éco-nomique et social sont désormais tangibles, comme en témoignent le taux de croissance économique du premier trimestre de 2020, estimée à -1,7%. Ce résultat est la conséquence directe du confinement de la po-pulation, de l’arrêt brutal de plusieurs secteurs d’activité et la baisse de la demande intérieure ainsi que celle des principaux partenaires commerciaux de la Tunisie.

Ces impacts négatifs se répercutent sur le niveau de vie des ménages à travers la baisse de leurs revenus du travail, les arrêts de travail dus à la maladie, la baisse de leurs revenus hors-travail, et la hausse des prix. Ce rapport estime l’impact des mesures de confinement prises pour freiner la propagation de la COVID-19, sur le niveau de vie, sur la pauvreté et les inégalités en Tunisie en se focalisant sur la population des enfants de moins de 18 ans. Les résultats montrent, en effet, que les enfants sont sur-représentés dans les groupes les plus vulnérables face à la crise ; à savoir les ménages travaillant dans le secteur informel et dans les secteurs confinés. Ils risquent donc de payer un prix disproportionné des effets de la crise.

Outre les effets monétaires, les mesures de confinement auront également des effets négatifs sur les dimen-sions non-monétaires du bien-être de la population. Ceci est davantage vrai pour les enfants dont le bien-être sera impacté à différents niveaux, tels que (i) l’éducation en termes d’apprentissage et aussi de fréquen-tation, (ii) la sécurité alimentaire et l’état nutritionnel. Par ailleurs, la perte de revenus des ménages les plus vulnérables peut réduire sérieusement leur capacité à investir dans l’éducation et la santé de leurs enfants.

La simulation du scénario d’un confinement de deux mois montre que le taux national de pauvreté aug-menterait de 4,5 points de pourcentage (pp) par rapport à la situation (de référence) sans pandémie. Le taux national de pauvreté extrême augmenterait quant à lui de 1.5 pp. Le revenu réel par tête diminuerait de 7%. Toutefois, la perte de revenu des catégories les plus démunies atteindrait 20% contre 5% pour les catégories les plus aisées ; ce qui se traduirait par une légère augmentation des inégalités mesurées par l’indice de Gini.

Dans le scénario pessimiste (3 mois de confinement), la pauvreté pourrait augmenter de 7,5 pp, pour at-teindre 21.2% de la population, soit l’équivalent de plus de 2,5 millions de pauvres en Tunisie. Un tel scénario, impliquerait un retour en arrière de 15 ans dans la lutte contre la pauvreté, puisque ce taux est égal à l’inci-dence de la pauvreté qui prévalait en 2005.

Les impacts sur le bien-être des enfants seraient bien plus dramatiques. Le taux de pauvreté infantile aug-menterait de près de 6 pp dans le scénario modéré et jusqu’à 10 pp dans le scénario pessimiste. Le nombre des enfants pauvres passerait de 688,000 avant la pandémie (et les mesures de confinement qui en décou-laient) à près de 900,000 après la pandémie pour le scénario modéré et plus de 1,048,000 dans le scénario pessimiste. Les régions du nord-ouest et du centre-ouest, avec des taux de pauvreté infantile supérieurs à 40% (scénario modéré), sont les deux zones géographiques où les enfants vont particulièrement payer un lourd tribut des conséquences de la crise. De même, l’analyse montre que, dans le scénario pessimiste, plus d’un enfant sur deux vivant dans les ménages composés de plus de sept membres pourrait être pauvre à la suite des conséquences de la crise du COVID19. Un tiers des enfants des ménages composés de 5-6 personnes serait dans la même situation.

Les mesures prises par les autorités publiques en faveur des ménages bénéficiant des programmes AMG1 et AMG2 ont contribué à atténuer relativement les effets de la crise sans pour autant compenser la totalité des dommages subis. Notre modèle prédit, par exemple, que les mesures en faveur des familles AMG1 et AMG2 réduiraient le taux de pauvreté de 0.37 pp. Les résultats montrent que l’impact de l’ensemble des mesures prises pourrait être mince : dans le meilleur des cas, l’ensemble des mesures proposées ne réduirait la pau-vreté que de 0.9 pp par rapport à ce qu’il aurait été observé en absence des mesures d’atténuation.

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Des interventions mieux ciblées, visant les régions les plus pauvres, et mieux adaptées à la taille des familles nombreuses auraient été beaucoup plus efficaces que les programmes de transferts monétaires forfaitaires. Par exemple, les simulations montrent qu’une allocation universelle de 350 dinars par an pour chaque enfant vivant dans des ménages sans couverture sociale réduirait la pauvreté infantile de près de 5 pp. Une telle intervention coûterait 783 millions de dinars par an et couvrirait près de 2,2 millions d’enfants (soit 60% de la population infantile). Autrement dit, en optant pour un système d’allocation universelle pour enfants, la réduction de la pauvreté infantile coûterait 156,6 millions de dinars pour chaque point de pourcentage de réduction de la pauvreté (156,6 = 783/5). Dans la littérature, ce coût est souvent désigné par le ratio coût- bé-néfice ou encore coût-efficacité.

Le ratio coût-efficacité présente l’avantage de pouvoir comparer plusieurs mesures sociales déployant des budgets différents. En effet, le ratio coût-efficacité en soi n’a aucune importance, s’il n’est pas comparé aux ratios d’autres politiques alternatives. Pour cela, il convient de comparer le ratio coût-efficacité du système d’allocation universelle pour enfants à celui des mesures de protection sociale prises par le gouvernement (transferts directs en faveur des plus démunis).

Le coût budgétaire des mesures sociales du gouvernement est estimé à 401,4 millions de dinars sur deux mois. Notre modèle de micro-simulation prédit que ces mesures réduiraient la pauvreté infantile de 1,35 pp, soit un ratio de coût-efficacité de 297,3 millions de dinars pour chaque point de pourcentage de réduction de la pauvreté (297,3 = 401,4/1,35).

En résumé, réduire la pauvreté infantile d’un point de pourcentage, coûterait 156.6 millions de dinars par l’intermédiaire du système d’allocation universelle pour enfants. Cependant, cela coûterait 297.3 millions par l’intermédiaire des mesures de protection sociale du gouvernement, soit un montant 89% plus cher que le coût de la même réduction par l’intermédiaire de l’allocation universelle pour les enfants vivant dans des ménages sans couverture sociale. Ces résultats invitent à une réflexion et une évaluation approfondie des investissements dans le secteur de la protection sociale. Cette réflexion est d’autant plus nécessaire que les besoins de protection sociale croissent à un rythme plus rapide que les ressources du gouvernement. Dans un contexte budgétaire de plus en plus contraignant, seules des politiques sociales bien ciblées permettront, en effet, de mieux préserver le bien-être des enfants tunisiens et protéger le capital humain du pays d’un côté, et la pérennité d’une politique sociale efficace et progressive de l’autre côté.

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1. Introduction

A l’instar de la plupart des pays du monde, la Tunisie a été frappée par la pandémie COVID-19. En date du 25 Mai 2020, on comptait près de 1051 cas, soit un taux de 89 cas détectés pour un million de personnes. Même si l’ampleur de la pandémie semble modérée, en comparaison aux pays voisins (voir Tableau 1 ci-dessous), les conséquences socioéconomiques des mesures de confinement qui ont été prises seront sérieuses. Le gouverne-ment a procédé à un confinement total de la population et à l’arrêt total de plusieurs activités.

Tableau 1: Prévalence de la COVID-19 au Nord et au Sud de la Méditerranée

Pays Cas Décès Guérisons Cas actifs Cas /Million

Tunisie 1,051 48 917 86 89

Algérie 8,306 600 4,578 3,128 190

Maroc 7,495 200 4,737 2,558 203

Italie 229,858 32,785 140,479 56,594 3,801

France 182,584 28,367 64,617 89,600 2,798

Espagne 282,852 28,752 196,958 57,142 6,050Source : https://www.worldometers.info/coronavirus/#countries consultée le 25 Mai 2020.

Les impacts socio-économiques des mesures de confinement de la population associées à la pandémie de la COVID-19 sur les économies peuvent se transmettre, par le biais d’un certain nombre de canaux, au bien-être des ménages. Nous pouvons identifier notamment les canaux suivants :

• L’impact négatif sur les revenus du travail généré par (i) la perte d’emploi (temporaire ou permanente), (ii) la baisse des revenus des salariés et des petites entreprises (y compris les entreprises familiales), (iii) la baisse du niveau des activités (offre et demande) dans certains secteurs, (iv) la maladie, (infection COVID-19, etc).

• L’impact sur les revenus hors-travail généré par la baisse des transferts privés et notamment les transferts internationaux de fonds (envois de fonds), principalement en provenance de l’Union Européenne et des États-Unis.

• L’impact sur la consommation généré par (i) la variation des prix, (ii) les chocs sur l’offre de produits de base, (iii) la perturbation du fonctionnement normal des marchés au niveau local et international, (iv) l’augmenta-tion des coûts d’accès au système de santé.Parallèlement aux effets monétaires, la pandémie impactera négativement les dimensions non-monétaires du bien-être de la population et des différents groupes vulnérables. Les enfants en particulier seront touchés à dif-férents niveaux tels que (i) l’éducation en termes d’apprentissage et aussi de fréquentation (augmentation de la probabilité de décrochage), (ii) la sécurité alimentaire et l’état nutritionnel (qui sont affectés également par la fermeture des cantines scolaires) et des dimensions de santé, de bien-être psychologique et de protection. La perte de revenus des ménages les plus démunis peut sérieusement réduire leur capacité à investir dans l’éduca-tion et la santé des enfants. L’impact sur les enfants risque d’être autant plus sévère, que les enfants (0-17 ans) tunisiens sont fortement concentrés dans les familles les plus pauvres (voir Graphique 1).

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Graphique 1: Nombre moyen d’enfants dans les ménages par décile

Source : Calculs des auteurs, EBCNV (2015) ; La ligne horizontale= le nombre moyen d’enfants dans le ménage.

L’ampleur des impacts socio-économiques attendus varie certainement d’un pays à un autre. Il dé-pend des conditions démographiques et socio-économiques qui prévalaient avant la crise. Aussi, l’im-pact de la crise varie selon les différents groupes de la population et leurs caractéristiques socio-démo-graphiques (telles que la taille du ménage). L’impact variera en fonction de l’âge, du sexe, du milieu et de la région de résidence, du statut socio-économique du ménage (situation sur le marché du travail et du type d’activité des chefs de famille).

L’objectif de cette note est d’estimer l’impact attendu de la pandémie sur la pauvreté et les inégalités monétaires de la population tunisienne en général, et des enfants en particulier. L’approche proposée repose sur une analyse en équilibre partiel qui estime l’impact direct sur le niveau de consommation réelle du ménage. La limite principale de cette approche est qu’elle ne tient pas compte des effets d’équilibre général de moyen et long terme. Toutefois, elle permet d’évaluer les effets directs de court terme. Par ailleurs, cette approche présente l’avantage d’être facile et rapide à implémenter, capte les impacts les plus préoccupants à court terme et ne nécessite pas beaucoup de données statistiques. Nous nous basons essentiellement sur les données de l’enquête de consommation auprès des mé-nages réalisée en 2015 par l’INS.

Nous avons mentionné ci-dessus que l’impact de la pandémie est multidimensionnel et se transmet à travers plusieurs canaux. Toutefois, étant donné que l’analyse porte principalement sur la pauvre-té monétaire, la méthodologie présentée ici se focalise sur les impacts générés à travers les canaux de la perte de revenu de travail salarié (perte de l’emploi et/ou baisse du taux de salaire) et du reve-nu de travail autonome et à travers l’augmentation des prix qui vont tous impacter négativement la consommation des ménages vulnérables. Puisque nous ne disposons pas de données sur les revenus des ménages, nous estimons directement l’impact sur la consommation, en supposant que l’impact sur le revenu est transmis pleinement à la consommation. Bien que simplificatrice, cette hypothèse demeure proche de la réalité pour les ménages les plus pauvres, qui ne disposent généralement ni d’une accumulation d’épargne ni d’accès au crédit.

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2 Définitiondesscénariosetméthodologie

2.1 Confinementetimpactsurlerevenu

La méthodologie proposée a pour objectif de mesurer les effets immédiats de la pandémie générée par le confinement de la population, l’arrêt et/ou la baisse de l’activité économique (baisse de l’offre), et la baisse de la demande des biens et services, qui sont évidemment les plus néfastes, sur le bien-être des ménages. L’UNICEF a besoin d’informer les décideurs politiques sur les effets immédiats de cette pandémie pour les inviter à agir pour protéger les populations et leur permettre de pouvoir reprendre normalement leurs acti-vités, tout en assurant leur résilience en mettant à leur disposition les ressources nécessaires pour protéger leurs enfants et assurer leur bien-être.

La première étape de notre méthodologie consiste à répartir tous les individus adultes du ménage selon leur statut sur le marché du travail et selon les secteurs d’activités des occupés (voir Graphique 2). Pour le cas de la Tunisie, nous distinguons les catégories suivantes : chômeur, inactif, retraité et occupé. Pour les occupés, nous distinguons entre le public et le privé, le formel et l’informel, et le secteur d’activité. Seuls les ménages composés de membres occupés sont susceptibles de voir un impact direct sur leurs revenus.

Graphique 2: Statut sur le marché de travail

Le Tableau 2 présente la distribution de l’emploi par secteur, par taux d’informalité et par niveau de confine-ment. La distribution relative de l’emploi par secteur est très similaire aux statistiques basées sur l’enquête nationale de l’emploi (plus précise). Tout travailleur non-affilié à une caisse de sécurité sociale est considéré comme un travailleur informel.

Comme on peut le voir dans le tableau ci-dessous, les secteurs confinés tendent à avoir des taux d’informali-té élevés. En effet, hormis le secteur agricole, le taux moyen d’informalité dans les secteurs non-confinés est de 34%, contre 46% en moyenne pour les secteurs entièrement ou partiellement confinés. De plus, les sec-teurs comme le BTP ou les services domestiques, par exemple, tendent également à concentrer une grande partie des travailleurs vulnérables et pauvres.

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Tableau 2: Distribution de l’emploi formel et informel par secteur et par niveau de confinement

Secteur Part dans l'emploi total (%)

Taux d'informalité (%)

Taux de confine-ment (%)

Agriculture 14.0 73.05 0

Agroalimentaire 2.8 49.38 0

Matériaux de construction 2.3 37.66 1

Industries Mécaniques et Electriques 5.0 37.87 1

Raffinage 0.1 43.24 0

Industries chimiques 0.8 14.33 0

Textile 7.1 64.47 1

Tabac 0.1 3.45 1

Autres Ind manufacturières 0.3 41.05 1

Mines 0.4 9.29 0

Pétrole 0.1 25 0

Electricité 0.4 4.58 0

Eau 0.4 9.95 0

Bâtiment et Travaux Publics 13.0 71.19 1

Commerce 14.7 58.94 0,5

Communications 1.3 35.82 0

Transport 5.1 29.24 0,5

Tourisme 3.7 49.53 1

Organismes financiers 0.9 12.94 0

Réparation 0.7 46.38 0

Divers services 4.7 48.9 0

Administration 8.8 11.42 0,5

Education 8.6 15.63 1

Santé 2.9 16.41 0

Services domestiques 1.1 81.22 1

Activités associatives 0.8 58.31 1

Total 100 50.12 100Source : Calculs des auteurs à partir de l’EBCNV (2015)

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Comme le montre le Graphique 3, le confinement risque d’avoir un impact disproportionné sur les enfants, puisqu’il y a une sur-représentation d’enfants dans plusieurs secteurs confinés, comme le BTP, le commerce et les transports.

Graphique 3: Nombre d’enfants par secteur d’activité du chef de ménage

Source : Calculs des auteurs, EBCNV (2015). BTP : Bâtiments et Travaux Publics. IME : Industries Mécaniques et Électriques.

A partir du Tableau 2, nous identifions trois types de secteurs : (i) totalement confinés, (ii) partiellement confi-nés, et (iii) les secteurs non confinés. Pour estimer la perte de revenu générée par le confinement, nous sup-posons que les travailleurs des secteurs totalement confinés perdront la totalité de leurs revenus pendant la période de confinement, alors que les travailleurs des secteurs partiellement confinés subiront une perte de 50% de leurs revenus pendant le confinement. Enfin, les revenus de la dernière catégorie restent inchangés. Nous supposons également que les revenus de tous les travailleurs du secteur public (Administration et entreprises publiques) ainsi que les retraités ne seront pas impactés par les mesures de confinement, et ce indépendamment de l’arrêt de leurs activités.

Il faut reconnaitre qu’il n’existe aucune estimation précise du taux de confinement par secteur. Plusieurs en-treprises concernées par le confinement ont réussi à obtenir des dérogations pour poursuivre leurs activités afin d’honorer leurs engagements préalables ou urgents.

Nous simulons deux scénarios de confinement. Le premier (optimiste - scénario 1 : S1) s’étend sur une période de 2 mois, et le second (pessimiste - scénario 2 : S2) s’étend sur une période de 3 mois.

Normalement, la variation de revenu d’un travailleur i (salarié ou indépendant) dans le secteur s, après la pandémie, est donnée par , l est le taux de confinement du secteur s. Par exemple, le paramètre l pour le secteur public est fixé à 0, c’est-à-dire que la variation de revenu est nulle. En faisant varier le paramètre l nous pouvons simuler plusieurs scénarios. En fait la perte estimée par travailleur est ajustée en fonction du nombre de mois de travail de chaque individu. A titre d’exemple, un individu qui travaille à plein temps (12 mois y compris le mois du congé) subira une perte 16,6% pour deux mois de confi-nement (S1). En suivant ce raisonnement, un individu qui n’a travaillé que pendant 6 mois devrait subir une perte de 33,2% de son revenu. Du fait que l’enquête de consommation ne fournit aucune information sur les mois travaillés, et comme les deux mois de confinement peuvent ne pas coïncider avec les mois travaillés, nous avons plafonné la perte de revenu des actifs ayant travaillé moins de 12 mois à 25% de leur revenu. La perte relative totale au niveau du ménage est la perte moyenne des tous les membres occupés. En absence

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d’information sur les revenus, nous supposons que tous les membres actifs du ménage contribuent de façon égale à son budget de consommation. Dans le calcul du taux de la perte de revenu, nous ne distinguons pas entre l’activité formelle et informelle.

Il est important de rappeler que notre méthodologie se base sur une analyse en équilibre partiel qui capte les effets directs et indirects de la pandémie sur le bien-être des ménages, à travers principalement la baisse de revenu. Notre méthodologie n’estime pas les effets d’équilibre général à moyen et long terme sur les sec-teurs économiques générés par l’arrêt ou la baisse de rythme de fonctionnement du travail. Les estimations produites par notre modèle peuvent donc différer légèrement des estimations d’impact sur la croissance sectorielle produites par la Banque Mondiale et le FMI, qui utilisent une approche macro-économique d’équi-libre général. Cependant, il est probable que les secteurs confinés verront un impact plus important sur le taux de croissance dans les mêmes proportions.

2.2ConfinementetvariationdesprixAprès l’estimation de la perte de revenu, l’étape suivante visera à intégrer l’effet de la hausse des prix sur la distribution des revenus. Une approche simple consiste à supposer une variation uniforme des prix (sur la base de l’indice des prix à la consommation (IPC) publié) pour tous les ménages, indépendamment de leur structure de consommation et de leurs caractéristiques sociodémographiques. Toutefois, l’impact des chan-gements de prix devrait varier d’un ménage à l’autre. Il est clair que les ménages les plus pauvres consacrent une part plus importante de leur budget à l’alimentation que les ménages non-pauvres. Cela signifie que la hausse des prix des denrées alimentaires touche davantage les ménages pauvres que les ménages non-pauvres. Pour tenir compte de la variabilité de l’effet des changements de prix entre les ménages, il est im-portant de calculer des indices des prix à la consommation qui soient spécifiques à chaque ménage, afin de mieux estimer l’impact du changement des prix sur les ménages. L’annexe A présente les détails techniques de l’estimation.

Nous distinguons 13 catégories de biens consommés par les ménages. Nous simulons 2 scénarios. Le premier scénario S1 (optimiste) : une tendance à la hausse de l’inflation observée au cours du mois de mars et qui se poursuit pendant le mois d’avril. Pour le reste de l’année, on suppose un retour à la même tendance (anté-rieure) observée entre janvier et février. Le second scénario (pessimiste) : S2=1.5*S1.En d’autres termes, nous avons utilisé l’IPC du mois de mars par rapport à février pour 13 biens. Les prix des biens alimentaires par exemple ont augmenté de 1,8% de février à mars. Avant la crise de la COVID-19, les prix de ces biens augmentaient en moyenne de 0,5% chaque mois. Selon le scénario de référence (les résultats de 2020 qui auraient prévalu, en absence de la crise), les prix de ces biens auraient augmenté de 0,5% chaque mois durant tous les mois de 2020. Selon S1, les prix de ces biens augmenteront de 1,8% en mars, de 1,8% en avril seulement, et de 0,5% dans les autres mois de l’année. Selon S2, les prix de ces biens augmenteront de 1,8% en mars, de (1,8%*1,5=2,7%) en avril seulement, et de 0,5% au cours des autres mois de l’année.

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15

Tableau 3: Variation mensuelle des prix Mars 2020

Catégories Variation mensuelle des prix Mars 2020

Produits alimentaires 1.8

Alcool et tabac 4.2

Habillement 0.6

Logement, énergie 0.2

Meubles, électroménager 0.6

Hygiène et soins 0.2

Transports 0.1

Télécommunication 0

Loisirs et culture 0.2

Education, enseignement 0.1

Vacances, restaurants, café 0.2

Autres 0.9Source : INS (www.ins.tn), inflation Mars 2020.

En se basant sur la nouvelle distribution de la consommation totale à la suite du changement du revenu et des prix, nous calculons plusieurs indicateurs de la pauvreté et des inégalités.

2.3 Mesures d’atténuation de l’impact de laCOVID-19Afin d’atténuer l’impact de la pandémie sur les ménages, le gouvernement a pris plusieurs mesures compen-satoires.

En Tunisie, le Programme National d’Aides aux Familles Nécessiteuses (PNAFN) offre, habituellement, une allocation mensuelle de 180 dinars aux ménages les plus démunis (225.500 ménages en 2015, probablement 260.000 en 2020). Par ailleurs, les familles jugées modestes bénéficient d’une couverture santé à tarif réduit (Assistance Médicale Gratuite type II : AMG II) offerte pour environ 623.000 familles. Avant la crise, ces fa-milles ne bénéficiaient d’aucune allocation monétaire.

À la suite de la crise, le gouvernement a décidé d’augmenter l’allocation mensuelle du premier groupe de 50 dinars pendant 2 mois. Ce qui implique une hausse du revenu annuel de 100 dinars.Pour le second groupe (AMGII), le gouvernement a décidé d’octroyer 200 dinars par mois pendant deux mois, ce qui implique une hausse du revenu annuel de 400 dinars.

En dehors des bénéficiaires du PNAFN et du AMGII, le gouvernement a décidé de :- Octroyer une augmentation de la pension de retraite des ménages modestes (ayant une pension de retraite de moins de 180 dinars par mois) de 50 dinars par mois pendant la période de confinement. Soit une hausse annuelle de revenu de 100 dinars. Nous avons défini les ménages modestes avec un retraité (par hypothèse) comme ceux qui gagnent au plus 150% du seuil de pauvreté annuel haut, défini par l’INS.

- Octroyer aux travailleurs autonomes (artisans) une allocation mensuelle de 100 dinars, soit une hausse annuelle de revenu de 200 dinars. Nous avons inclus dans la simulation les exploitants agricoles qui gagnent au plus 150% du seuil de pauvreté annuel haut (mais pas de limite de revenu pour les artisans).

Outre les mesures énumérées ci-dessus, le gouvernement a annoncé une série d’autres mesures orientées

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vers des groupes spécifiques de la population, comme les handicapés et les orphelins. Ces mesures n’ont pas été incluses dans la modélisation en raison du manque de données mais aussi en raison du nombre très limité de bénéficiaires.

2.4 Préparation des donnéesNous partons de l’enquête sur la consommation, le budget et le niveau de vie des ménages (ECBNV) menée par l’INS en 2015. La première étape de préparation des données consiste donc à mettre à jour les données pour établir un scénario de référence (S0) qui aurait reflété la situation du pays de janvier à décembre 2020, en absence de la crise. La mise à jour des données est faite de la manière suivante :1. A l’aide du taux de croissance de la population, nous ajustons les coefficients d’extrapolation de chaque ménage pour que les données de l’enquête de 2015 reflètent la taille de la population de 2020, et sa distri-bution géographique.2. L’enquête fournit des informations sur le statut d’emploi de chaque membre, le secteur d’activité s’il est actif (26 secteurs), et la consommation totale pour 13 catégories de biens du ménage. Nous supposons que le revenu de chaque ménage est égal à la dépense totale (après avoir éliminé les dépenses pour les achats de biens durables). Nous ignorons donc le rôle de l’épargne, qui pourrait également jouer un rôle dans l’at-ténuation de la crise. Bien que cette hypothèse soit simplificatrice, elle risque de refléter adéquatement la réalité des ménages les plus pauvres, qui n’ont, pour la plupart, pas accès à l’épargne. 3. Nous utilisons les données macroéconomiques disponibles sur le PIB sectoriel aux prix courants jusqu’à 2018. Nous calculons le taux de croissance annuel moyen pour chaque secteur et nous l’élevons à la puis-sance 5 pour déterminer le taux de croissance nominal de chaque secteur de 2015 à 2020. Cela permet de déterminer le taux de croissance du revenu/consommation de chaque membre actif du ménage. Étant donnée l’absence d’informations sur la contribution de chaque membre au budget de la famille, nous considérons la moyenne des taux estimés pour chaque membre comme le taux de croissance nominal du revenu du ménage. Pour un ménage composé de deux personnes actives avec un taux de croissance de 25% pour l’un et 35% pour l’autre, nous supposons que le revenu nominal de ce ménage a augmenté de 30% de 2015 à 2020. Nous utilisons ce taux pour déterminer son revenu nominal en 2020. 4. Pour chacun des 13 biens de consommation de l’enquête, nous avons l’indice des prix à la consomma-tion (IPC) base 100 en 2015 jusqu’à décembre 2019 (en réalité jusqu’à mars 2020). Nous utilisons le taux de croissance annuel moyen de l’IPC pour l’estimer jusqu’à décembre 2020, si la crise COVID-19 n’avait pas eu lieu. Puis, nous calculons pour chaque ménage l’IPC global de 2020 base 100 en 2015, en tenant compte de sa structure de consommation.5. L’IPC pour chaque ménage est le coefficient budgétaire du bien

. Cette façon permet de construire un indice des prix spécifique à chaque ménage à la situation de référence, que nous pouvons désigner par .6. Le revenu de chaque ménage en 2020 pour le scénario de référence (S0) est estimé en termes réels pour pouvoir utiliser les seuils de pauvreté officiels de 2015. Ce revenu est donné par:

, avec désignent respectivement le revenu réel et le revenu nominal du ménage i, est le taux de croissance nominal moyen du ménage i (soit la moyenne du taux de croissance de ses membres actifs qui travaillent dans les secteurs s), et est l’IPC du ménage i pour la période 2015-2020. Cela donne le revenu de référence de chaque ménage en 2020, que nous pouvons désigner par 2020. Une fois le scénario de référence établi pour 2020, il est possible de simuler les différents scénarios de la crise sanitaire : 7. D’abord nous estimons l’impact de la hausse des prix sur chaque ménage depuis le début de la crise en utilisant les différents scénarios de prix : et .8. Ensuite, nous estimons l’impact de la baisse des revenus, selon les différents scénarios de confinement : . Alors que sera défini de manière analogue.

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3. Résultats

Cette section présente les résultats des micro-simulations effectuées sur la base de l’ECBNV 2015, de l’évo-lution du PIB sectoriel de 2015 à 2019, et de l’évolution de l’IPC de 13 biens de consommation de 2015 à 2019 (en réalité jusqu’à mars 2020). Afin de faciliter la lecture des résultats, nous récapitulons dans le Tableau 4 ci-dessous les scénarios analysés.

Tableau 4: Description succincte des scénarios

Scénario Description

S0 Situation de référence fin 2020 sans la COVID-19

S1 2 mois de confinement de certains secteurs+ hausse des prix.

S2 3 mois de confinement de certains secteurs+ 1,5 fois la hausse des prix de S1 pour le mois d’avril.

S1+PS S1 plus les mesures de protection sociale (cash transferts) en faveur des couches démunies

S2+PS S2 plus les mesures de protection sociale (cash transferts) en faveur des couches démunies

S1+PS+C S1+PS plus les mesures de compensation en faveur des salariés du secteur privé formel : qui consistent à leur verser leur salaire entier durant la période de confinement, objet d’un ac-cord entre la centrale syndicale (UGTT), le patronat (UTICA) et le GT.

Source : Elaboration des auteurs

3.1 ImpactdelaCOVID-19surlapauvretéetlesinégalités

En Tunisie, la pauvreté est mesurée selon les seuils officiels estimés par l’INS. Le Tableau 5 présente les seuils de pauvreté extrême et globale estimés par l’INS en se basant sur les données de l’EBCNV de 2015. Les chiffres sont donnés par personne et par an et en dinars.

Tableau 5: Seuils de pauvreté aux prix de 2015 (dinars tunisiens par personne par an)

Pauvreté extrême Pauvreté

Milieu rural 952 1.501

Milieu urbain 1.050 1.703

Grandes villes 1.085 1.878Source : INS (www.ins.tn)

Le Tableau 6 montre l’impact estimé du confinement sur la pauvreté et les inégalités en Tunisie. Dans le pire des scénarios (S2), la pauvreté extrême pourrait presque doubler de 2,9% à 5,5%, alors que le taux de pauvreté passerait de 13,7% à 21,2%, soit une augmentation en termes absolus de 900.000 pauvres : de 1,6 million de pauvres à près de 2,5 millions (voir le Tableau 6 pour l’évolution des effectifs des pauvres selon les scénarios). Même dans le scénario optimiste (S1), le pays verrait une augmentation de presque 5 points de pourcentage de l’incidence de la pauvreté (de 13,7% à 18,2%). Il faut se rappeler que cette modélisation ne prend en compte que les effets directs du confinement sur le revenu des travailleurs confinés. Elle ignore donc les éventuels effets secondaires dus à la baisse de l’activité économique, des investissements et des envois de fonds des

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tunisiens à l’étranger sur le moyen et long terme. Ces prévisions doivent donc être considérées comme des estimations prudentes de l’impact réel final attendu.

Selon nos estimations, la crise impactera davantage les travailleurs les plus pauvres, qui sont sur-représentés dans les secteurs confinés et informels. Ceci signifie que les inégalités devraient augmenter à la suite de la crise, avec un coefficient Gini qui passerait de 0,37 présentement, à 0,38 dans le scénario 1, et 0,386 dans le scénario 2.

Finalement, il faut noter qu’en raison de la forte corrélation entre la taille du ménage et la pauvreté en Tu-nisie, la crise risque d’avoir un impact plus élevé sur les enfants. En effet, nos projections montrent que la pauvreté des enfants pourrait augmenter de six points de pourcentage selon le scénario 1 (ou l’équivalent de 216.000 enfants qui tombent dans la pauvreté), et de dix points de pourcentage (de 19,1% à 29,2%) suite à la crise dans le scénario pessimiste (S2), soit l’équivalent de 362.000 nouveaux pauvres parmi la population âgée de moins de 18 ans.

Tableau 6: Impacts sur la pauvreté et les inégalités

Gini Taux de Pauvreté ex-trême

Taux de Pau-vreté

Nombre de pauvres en milliers

Ecart de pauvreté ex-trême

Ecart de pau-vreté

Population totale

S0 0,370 2,9% 13,7% 1.615 0,5% 3,2%

S1 0,380 4,4% 18,2% 2.149 0,9% 4,6%

S2 0,386 5,5% 21,2% 2.504 1,2% 5,6%

Enfants de moins de 18 ans

S0 0,369 4,7% 19,1% 685 0,9% 4,8%

S1 0,378 7,1% 25,1% 901 1,5% 6,8%

S2 0,385 8,8% 29,2% 1.048 2,0% 8,2%Source : Calculs des auteurs.

L’augmentation de la pauvreté est le résultat de la baisse de la consommation. Le Graphique 4 montre que la consommation moyenne par tête risque de diminuer de 7,1% (passant de 4 .001 dinars à 3.717 dinars par tête et aux prix de 2015) dans le scénario 1 et -10,6% (passant de 4.001 à 3.576 dinars par tête et par an et aux prix de 2015) dans le scénario 2.

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Graphique 4: Impact de la COVID-19 sur la consommation moyenne par tête en dinars

Source : Calculs des auteurs (résultats aux prix constants de 2015)

Comme le montre le Graphique 5, le confinement aura un impact proportionnellement plus élevé sur les ménages les plus pauvres. Dans le premier scénario, la perte moyenne de revenu (approximé par la consom-mation) serait de plus de 10% dans le premier décile, comparé au scénario de référence (S0), contre moins de 5% pour le décile le plus riche. Dans le scénario pessimiste (S2), la différence serait encore plus grande : de -15% à -20% pour le décile le plus pauvre contre -7% pour le décile le plus riche.

Graphique 5: Courbes d’incidence de la croissance

Scénario 1 Scénario 2

Source : Calculs des auteurs

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3.2 Quisontlesenfantspauvresetoùvivent-ils?

Le Tableau 7 résume l’impact du confinement sur la pauvreté des enfants dans chaque région. Les régions du Nord-Ouest et Centre-Ouest, avec des taux de pauvreté infantile supérieurs à 40% (scénario modéré), sont deux zones géographiques où les enfants vont particulièrement payer un lourd tribut des conséquences de la crise. Ce tableau révèle que la région du Centre-Ouest est susceptible de voir la plus forte augmentation du taux de pauvreté (+7,4 points de pourcentage), suivi du Nord-Est et Sud-Est (+6,6). La région Centre-Ouest avait déjà enregistré le taux de pauvreté le plus élevé du pays avant le début de la crise. Dans le scénario pessimiste, le taux de pauvreté augmenterait légèrement plus dans le Nord-Est et Sud-Est (+11,3) que dans le Nord-Ouest (+11,0). En termes absolus, le nombre d’enfants vivant dans l’extrême pauvreté, dans la région du Grand Tunis, va presque tripler en passant de 4.000 à près de 12.000 dans le scénario S1, alors que l’effectif de ceux qui vivent dans la pauvreté va presque doubler en passant de 58.000 à 102.000 enfants pauvres.

Le Tableau 8 résume les effets de la COVID-19 sur l’incidence de la pauvreté ventilés selon le secteur d’activité du chef de ménage. La consultation des résultats de ce tableau confirme que les secteurs les plus gravement affectés dans le scénario 1 sont le BTP et le secteur des matériaux de construction (+16 points de pourcentage (pp) et +15 pp, respectivement). Dans le scénario 2, les services domestiques verraient la plus grande augmen-tation du taux de pauvreté (+25pp). Ceci découle du fait que ces secteurs ont les taux de confinement les plus élevés, ainsi que des taux d’informalité très élevés. Tableau 7: Taux de pauvreté des enfants par région et par scénario

S0 S1 S2

Extrême Pauvreté

Pauvreté Extrême Pauvreté

Pauvreté Extrême Pauvreté

Pauvreté

Taux en %

# en milliers

Taux en %

# en milliers

Taux en %

# en milliers

Taux en %

# en milliers

Taux en %

# en milliers

Taux en %

# en milliers

Grand Tunis 0,5 4 7 58 1,4 12 12,3 102 2,3 19 15,3 126Nord Est 2,6 13 15,1 73 4,1 20 21,7 105 5,8 28 26,4 128Nord-Ouest 10,5 34 37 119 14,2 46 42,9 138 17 55 46,4 149Centre Est 2,8 26 13,2 120 4,7 43 18,5 169 6,1 56 23,5 214Centre Ouest 14,2 69 39,1 189 19,2 93 46,5 225 22,1 107 50,1 242Sud Est 4,6 16 23,2 82 7,9 28 29,8 105 9,9 35 34,5 121Sud-Ouest 3,6 8 22,3 47 5,8 12 28,5 60 8 17 32,1 67Tunisie 4,7 170 19,2 688 7,1 254 25,2 904 8,8 317 29,2 1047Source : Calculs des auteurs

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Tableau 8: Taux de pauvreté par secteur d’activité du chef de ménage

S0 S1 S2

Extrême pauvreté

en %

Pauvreté en %

Extrême pauvreté

en %

Pauvreté en %

Extrême pauvreté

en %

Pauvreté en %

Agriculture 8 28 9 31 9 33

Agroalimentaire 1 15 1 16 1 17

Matériaux de construction 6 24 9 39 14 48

IME 0 7 1 14 1 22

Raffinage 24 43 24 54 24 54

Indus chimiques 0 8 0 8 0 9

Textile 0 5 0 13 1 18

Tabac 0 13 13 22 13 22

Autres Ind. Manufact. 0 6 0 15 6 19

Mines 12 33 12 35 12 35

Pétrole 0 19 0 19 0 19

Electricité 0 10 0 10 0 11

Eau 2 17 2 23 2 23

BTP 11 37 20 53 26 61

Commerce 3 13 4 19 5 23

Communication 0 7 0 7 0 7

Transport 1 7 1 9 2 14

Tourisme 1 6 1 11 2 17

Organismes financiers 0 0 0 0 0 0

Réparation 2 9 3 22 4 28

Divers services 3 12 5 22 7 31

Administration 2 11 2 12 2 13

Education 1 7 1 8 1 8

Sante 1 4 1 6 1 6

Services domestiques 6 31 17 42 29 56

Activités associatives 0 18 6 26 10 26Source : Calculs des auteurs

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Le Tableau 9 montre que les mesures de confinement auront un impact plus important sur les familles nom-breuses (7 personnes ou plus), qui verront leur taux de pauvreté augmenter de presque 12 points de pour-centages (pp) sous le scénario pessimiste (contre +8pp pour les ménages de 1 à 4 membres). Sous le scénario pessimiste, plus d’un enfant sur deux vivant dans un ménage de 7 personnes ou plus vivrait en pauvreté à la fin de l’année 2020.

Tableau 9: Pauvreté des enfants selon la taille du ménage

Taille ménage S0 S1 S2Extrême Pau-

vretéPauvreté Extrême Pau-

vretéPauvreté Extrême Pau-

vretéPauvreté

Taux en %

# en milliers

Taux en %

# en milliers

Taux en %

# en milliers

Taux en %

# en milliers

Taux en %

# en milliers

Taux en %

# en milliers

1-4 personnes 1,4 17 9,1 110 2,6 32 13,5 164 3,7 45 17,1 2085-6 personnes 4,2 76 19,5 354 6,7 122 26,3 478 8,8 160 30,5 5547 personnes ou plus

13,6 76 39,8 221 18 100 46,8 260 20 111 51,5 287

Total 4,7 169 19,1 685 7,1 255 25,1 900 8,8 316 29,2 1.048Source : Calcul des auteurs Le Tableau 10 résume la répartition relative des nouveaux individus pauvres sur la région, c’est-à-dire ceux qui sont susceptibles de tomber dans la pauvreté du fait de la crise. Ceci montre que presque un tiers (29%) des personnes qui vont tomber dans la pauvreté extrême dans le scénario 1 vivent dans la région du Centre-Ouest. Dans le scénario pessimiste, la situation est presque identique, avec 26% des nouveaux individus vivant en pauvreté extrême dans cette région. Ceci est un résultat notable puisque le Centre-Ouest n’est pas la région la plus peuplée du pays. Cependant, c’est présentement la région la plus pauvre du pays. Pour ce qui est de la pauvreté, la plus grande augmentation du nombre de pauvres sera dans la région du Centre-Est et dans le Grand Tunis. Ceci reflète en partie le poids démographique de ces régions.

Tableau 10: Répartition régionale des nouveaux pauvres selon les scénarios

Extrême pauvreté en % Pauvreté en %

S1 S2 S1 S2

Grand Tunis 9 10 20 19

Nord Est 8 10 15 15

Nord-Ouest 14 14 9 8

Centre Est 20 20 23 26

Centre Ouest 29 26 17 15

Sud Est 14 13 11 11

Sud-Ouest 6 6 6 6

Total 100% 100% 100% 100%Source : Calcul des auteurs

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3.3 Efficacitédesmesuresd’atténuation

Dans le Tableau 11, nous analysons l’impact attendu des mesures d’atténuation envisagées par le gouverne-ment. Les résultats montrent que l’impact des mesures proposées serait minime : dans le meilleur des cas, l’ensemble des mesures proposées ne réduirait la pauvreté que de 0.9 pp par rapport à ce qu’il aurait été observé en l’absence des mesures d’atténuation. Ceci signifie que la pauvreté augmenterait de 15 pp au lieu d’augmenter de 16 pp sous le scénario pessimiste.

Un tel résultat reflète le fait que les mesures proposées ciblent des groupes qui ne seront pas forcément di-rectement touchés par la crise : d’un côté, les transferts monétaires ciblent les ménages les plus démunis, qui sont souvent composés de personnes sans emploi et dont les pensions de retraite ou les transferts sociaux (pour les bénéficiaires du PNAFN) seront même bonifiés. D’un autre côté, les mesures compensatoires ciblent les employés du secteur privé formel, qui seront affectés par le confinement, mais dont une grande partie est moins exposée au risque de tomber sous le seuil de pauvreté, en comparaison d’autres catégories plus vulnérables de la population, et ce en dépit du choc négatif sur leurs revenus.

Tableau 11: Impact des interventions gouvernementales sur la réduction de la pauvreté et l’inégalité

Budget en MD

Gini Pauvreté ex-trême en pp

Pauvreté en pp

Ecart pauvre-té extrême

en pp

Ecart pauvre-té en pp

Population totaleS1+PS 401,4 -0,05 -0,6 -1,2 -0,2 -0,4S2+PS 401,4 -0,05 -0,7 -1,3 -0,2 -0,5S1+PS+C 467,6 -0,05 -0,7 -1,6 -0,2 -0,5S2+PS+C 467,6 -0,05 -0,9 -2,3 -0,2 -0,7

Enfants de moins de 18 ans S1+PS 401,4 -0,05 -1,0 -1,4 -0,3 -0,6S2+PS 401,4 -0,06 -1,0 -1,6 -0,3 -0,6S1+PS+C 467,6 -0,04 -1,2 -2,0 -0,3 -0,7S2+PS+C 467,6 -0,04 -1,4 -3,0 -0,4 -1,0

Source : Calculs des auteurs. Note : pp : points de pourcentage

3.4Quelssontlesfacteursquicontribuentdavantageàlavariationdelapauvreté?

Dans le Tableau 12, nous décomposons la variation de la consommation par tête aux prix de 2020 ainsi que de la pauvreté selon les facteurs identifiés plus haut et pour nos scénarios de simulation.

L’analyse du scénario 1 confirme que la COVID-19 (confinement+inflation) contribue à une réduction de la consommation par tête de presque 332 DT, et à une augmentation de la pauvreté extrême de 1,51 point de pourcentage, de la pauvreté de 4,48, de l’écart de la pauvreté extrême de 0.36 et de l’écart de la pauvreté de 1,36 point. Donc, en fonction t de l’indicateur, la COVID-19 double ou augmente d’environ un tiers le taux de pauvreté d’avant la crise. Comme la variation des prix à la consommation après le début de la crise est assez limitée, la détérioration de la consommation et de la pauvreté est essentiellement due à la perte du revenu.

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Les interventions permettant le plus de réduire l’impact de la pauvreté sont le transfert de 400 DT (200 DT par mois pendant deux mois) aux bénéficiaires de l’AMG2 et la compensation des salariés du secteur privé, ce qui réduit la pauvreté et la pauvreté extrême de 0,34 et 0,44 point respectivement. Par contre, le programme de transfert de 400 DT (200 DT par mois pendant deux mois) aux bénéficiaires de l’AMG2 ressort comme étant le plus efficace par DT dépensé (voir Tableau 13). Chaque 100DT supplémentaires dépensés par tête, permettrait de réduire la pauvreté extrême de 2,50 points, la pauvreté de 3,33 points, l’écart de la pauvreté extrême de 0,36 point et l’écart de la pauvreté de 1,21 point. Le deuxième programme le plus efficace est celui du transfert de 100 DT aux bénéficiaires de l’AMG1.

La décomposition du scénario 2 confirme qualitativement les résultats observés pour le scénario 1, bien que l’ampleur des effets soit plus large. Dans ce scénario, la crise fait doubler la pauvreté (de 2,88 à 5,54) et contri-bue à une augmentation de la pauvreté extrême de 7,53 points. Bien que les mesures compensatoires soient les mêmes dans les deux scénarios, elles ont dans le scénario 2, un impact de modération de la variation de la pauvreté légèrement plus élevé, étant donné que plus de personnes initialement non pauvres reçoivent ces transferts.

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Tableau 13: Réduction de la pauvreté pour 100 D

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Transfert/compensation

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-0,36-0,2

-0,16-0,21

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-1,21-0,57

-0,51-0,68

-0,21-0,47

Scénario 2Pauvreté Extrêm

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-0,64-1,2

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-3,51-1,06

-2,47-2,55

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Écart de Pauvreté Extrême

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-1,2-1,4

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-0,62 Source : Calculs des auteurs. N

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3.5 Quel rôle pourrait jouer une allocation pour enfants dans l’atténua-tiondeseffetsdelacrise?En décembre 2019, le MAS a publié, en collaboration avec le bureau de l’UNICEF à Tunis, un rapport sur la fai-sabilité, le coût, l’impact, et le financement d’une allocation universelle pour enfants en Tunisie. La principale conclusion du rapport est que l’instauration d’une allocation universelle pour enfants est à la fois faisable et efficace. En effet, le coût de réduction du taux de la pauvreté des enfants qui en résulterait est nettement inférieur à celui généré par les subventions universelles de l’énergie et/ou les transferts sociaux dans le cadre du PNAFN. Le montant simulé de l’allocation s’élève à 350 dinars par an et par enfant.

Dans le cadre de ce travail, nous avons simulé un scénario additionnel d’une allocation ciblée pour enfants, afin d’évaluer l’impact d’une telle mesure sur l’atténuation de la crise COVID-19. Le scénario considéré consiste en un transfert de 350 dinars pour tous les enfants à l’exception de ceux : (i) résidant dans un ménage dont l’un des membres actifs occupés est affilié à la sécurité sociale, (ii) la consommation par tête du ménage est supérieure à 150% du seuil de la pauvreté. Le budget global de ce scénario s’élève à 783 millions de dinars et couvre près de 2.2 millions d’enfants (soit 60% de la population infantile).

Selon ce scénario, le taux de la pauvreté des enfants baisserait de 25.15% à 20.5% (soit une diminution de 4.65 points de pourcentage). En termes de coût efficacité, la baisse d’un point de pourcentage de la pau-vreté coûterait 164.4 millions de DT. A titre de comparaison, les mesures de protection sociale prises par le gouvernement (transferts directs en faveur des plus démunis) coûteraient 401.4 millions de dinars et elles permettraient de réduire la pauvreté des enfants de 1.35 point de pourcentage, soit un ratio de coût efficacité de 297.3 millions (81% plus cher pour chaque point de pourcentage de réduction de la pauvreté). Ce résultat n’est pas surprenant dans la mesure où les premières mesures ciblent les ménages des programmes PNAFN et AMG2 qui n’abritent pas particulièrement un nombre élevé d’enfants, alors que le second scénario cible mieux les enfants qui sont particulièrement nombreux parmi les ménages pauvres (voir Figure 1).

4 Conclusion et recommandationsL’analyse rapide présentée dans le présent rapport montre que la COVID-19 pourrait avoir un effet important sur la pauvreté en Tunisie, conduisant à une augmentation de la pauvreté de presque 16 points de pourcen-tage (pp) pour certains groupes de la population selon le scénario pessimiste. Les projections montrent que les effets négatifs de la COVID-19 affecteront les enfants de manière plus prononcée. Ces mêmes effets se-ront régressifs, dans le sens où ils seront plus importants pour les ménages les plus pauvres.

Selon nos résultats de simulations, la région du Centre-Ouest sera la plus gravement affectée, concentrant près d’un tiers des nouveaux pauvres extrêmes selon le scénario pessimiste. Selon le scénario pessimiste (S2), le taux de pauvreté en Tunisie à la fin de 2020 serait comparable à celui observé en 2005, soit un effacement des quinze dernières années de progrès, ce qui montre l’ampleur du choc sur les ménages. Les résultats montrent également que les familles nombreuses sont les plus vulnérables aux conséquences négatives de la crise. Suite aux conséquences de la COVID-19, un enfant sur deux vivant dans ces familles nombreuses est susceptible de vivre dans la pauvreté (Tableau 9). Les régions du Nord, Nord-ouest et Centre- ouest, avec des taux de pauvreté des enfants supérieurs à 40% (scénario modéré), sont deux zones géographiques où les enfants vont particulièrement payer un lourd tribut des conséquences de la crise. De même, l’analyse montre que, dans le scénario pessimiste, plus d’un enfant sur deux vivant dans les ménages composés de plus de sept membres pourrait être pauvre à la suite des conséquences de la crise de la COVID-19. Un tiers des enfants des ménages composés de 5-6 personnes serait dans la même situation. Le nombre d’enfants vi-vant dans la pauvreté pourrait quasiment doubler dans le Grand Tunis alors qu’au niveau national on estime que 363.000 enfants pourraient tomber dans la pauvreté ; dépassant ainsi le chiffre de 1.048.000 d’enfants pauvres.

L’analyse montre également que les mesures d’atténuation, déjà prises par les autorités tunisiennes, auront un effet très limité, et n’arriveront qu’à atténuer l’augmentation de la pauvreté de moins d’un point de pour-centage. Ceci résulte notamment du fait que ces mesures sont principalement ciblées vers des catégories de population qui ne sont pas les plus à risque dans la situation présente : (1) les ménages les plus démunis,

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dont une grande partie ne sera pas directement affectée par le confinement dans la mesure où ils sont sou-vent déjà sans emploi (comme les retraités ou les bénéficiaires du PNAFN qui bénéficieront d’une hausse de leur pouvoir d’achat); et (2) les employés du secteur privé formel, qui se retrouvent souvent dans les couches supérieures de revenu, et ne risquent donc pas de tomber dans la pauvreté en dépit de la perte de revenus.

L’analyse indique donc que pour être plus efficaces, ces mesures devraient être plus spécifiquement ciblées vers les groupes qui sont les plus vulnérables durant cette crise, c’est-à-dire les employées du secteur infor-mel, surtout dans les secteurs du BTP, de la construction, et les employés domestiques. L’analyse montre également que les enfants sont sur-représentés dans les secteurs confinés de ménages, ce qui signifie que des mesures plus ciblées vers les employées de ces secteurs auraient également un impact plus significatif sur la pauvreté des enfants.

De plus, le niveau de transferts devrait être également modulé en fonction de la taille du ménage, particuliè-rement ceux comprenant des enfants de moins de 18 ans, et ce comme dans beaucoup de pays. Ce montant de transfert modulé en fonction de la taille des ménages aurait permis de mieux protéger les enfants vivant dans les ménages les plus nombreux et aurait ainsi permis d’éviter qu’un grand nombre de ménages et d’en-fants tombent dans la pauvreté suite aux mesures de confinement. Aussi, le programme le plus efficace en termes de réduction de la pauvreté par 100 DT dépensés est celui qui permet de transférer 400 DT aux bé-néficiaires de l’AMG2, suivi par le programme de transfert de 100 DT aux bénéficiaires de l’AMG1. De même, une allocation universelle pour 60% de la population infantile aurait permis de réduire la pauvreté pour un coût efficacité bien meilleur que les mesures en place. Il est important de noter que l’analyse présentée dans le présent rapport permet de fournir une première estimation rapide de l’impact direct du confinement. Elle peut donc servir de base pour identifier les interventions susceptibles de d’atténuer les effets immédiats du confinement. Pour atténuer les effets de la pandémie sur le moyen et long terme, il faudra compléter par une analyse qui prenne en compte les possibles effets indirects sur l’emploi et la croissance. De plus, l’analyse se base sur des données de 2015. Il sera donc important d’approfondir cette analyse par la suite, à l’aide de données actualisées, pour arriver à une estimation plus précise de l’ensemble des ramifications de la crise sur l’emploi et la croissance en Tunisie.

Recommandations :1. Un système national de protection sociale plus sensible aux besoins des enfants, En particulier, nos simulations montrent qu’une allocation de 350 dinars par enfant vivant dans un ménage non-couvert par la sécurité sociale et gagnant moins de 150% du seuil de pauvreté globale aurait un ratio coût-efficacité presque deux fois meilleur que les mesures prévues par le gouvernement. Ces mesures, pré-vues dans la loi du socle de protection sociale, permettraient de protéger le capital humain du pays indispen-sable pour la reprise économique.

2. Un système nationale de protection sociale inclusif protégeant les ménages pauvres et vulnérables suite aux impacts de la COVID-19,Nos simulations montrent qu’en milieu rural et dans les secteurs informels, les taux de pauvreté et les inéga-lités demeureront à des niveaux très élevés. Des interventions mieux ciblées visant particulièrement les ré-gions les plus pauvres et les familles nombreuses seraient beaucoup plus efficaces et permettraient d’élargir la couverture des populations pauvres et vulnérables pour favoriser l’inclusion sociale et économique.

3. Un système national de protection sociale renforcé ayant les capacités de s’adapter aux chocs.La crise de la COVID-19 a montré que le système national de protection sociale avait des capacités limitées pour gérer son expansion verticale et horizontale en cas de choc. Les impacts économiques risquent de faire basculer de nombreux ménages dans le chômage ou le secteur informel. Il est donc indispensable pour les autorités tunisiennes d’investir des ressources dans les systèmes d’informations et de gestion du secteur, telles que pré-vues dans la loi AMEN Sociale, pour assurer la mise en place d’un registre unique et constituer l’interopérabilité entre les régimes contributifs et ceux non contributifs. Enfin, les réformes des subventions, qui sont régressives et bénéficient aux ménages les plus riches, permettraient l’expansion des mesures d’assistance sociale, pro-gressives et inclusives, ciblées sur les plus pauvres tout en assurant un système budgétairement soutenable.

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Annexe:Méthodologied’estimationdel’effetdevariationdesprixsurle bien-êtreLes augmentations de prix provoquées par la crise auront un impact négatif sur le niveau réel des dépenses des ménages. L’ampleur de cet impact dépend évidemment des habitudes de consommation des différents groupes de ménages.

Cet annexe présente l’approche méthodologique pour estimer l’impact de l’augmentation des prix sur le bien-être du ménage. Nous nous appuyons sur le concept du revenu équivalent pour estimer l’effet d’une augmentation des prix sur le niveau des dépenses et sur les indices de pauvreté et des inégalités.

Soit les dépenses du ménage par tête sur quantités de biens , achetés au prix . Tous les prix avant la crise sont normalisés à 1. Soit le vecteur de prix post crise, où

dénote le prix du bien .

Selon King (1983), sous une contrainte définie par , le revenu équivalent est défini comme le niveau de revenu qui, dans le système de prix de référence , génère le même niveau d’utilité que le niveau d’utilité atteint sous : (1)

où dénote la fonction d’utilité indirecte, et la fonction de revenu équivalent du ménage h. Etant donné que tous les ménages font face au même prix , peut être considéré comme une me-sure monétaire de l’utilité puisque est une transformation monotone de . Ainsi, en in-versant la fonction d’utilité indirecte, le revenu équivalent peut être dérivé comme :

(2)

(3)où et dénotent les revenus équivalents avant et après la crise, et est la perte équivalente. Endurer l’impact de la crise équivaut alors à prélever sur chaque ménage un montant de revenu égal à leur perte équivalente. Dans une situation idéale, le revenu équivalent est estimé à partir d’un système de demande à l’aide de données offrant une variation suffisante des prix. Dans notre cas, et avec une seule enquête entre les mains, nous nous baserons sur une approche alternative. Supposons que les préférences du consommateur sont représentées à la Stone-Geary dont la fonction d’uti-lité indirecte est définie par :

(4)

où , est le besoin de subsistance du bien , et est la proportion du revenu résiduel consacrée à la consommation de une fois les dépenses minimales sont engagées.

A partir des équations (1) à (3), la fonction de revenu équivalent, pour un ménage h faisant face à un scénario s de la crise, est donnée par :

(5)La fonction de revenu équivalent donnée en (5) a une interprétation claire en termes de revenu réel. En ef-

fet, si représente les dépenses de subsistance, seul le revenu résiduel est disponible pour

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l’allocation discrétionnaire, qui est déflatée par un indice des prix spécifique au ménage, . Si l’on ajoute ensuite au revenu résiduel réel le coût initial des besoins de subsistance, on obtient le revenu équivalent.

Lorsqu’on suppose que les besoins de subsistance de tous les produits de base sont faibles, c’est-à-dire est proche de 0, devient la part du budget consacrée par le ménage h au produit k, et la fonction de revenu équivalente se réduit à celle générée par des préférences à la Cobb-Douglas avec

L’un des avantages de supposer des préférences à la Cobb-Douglas réside dans le fait que l’inférence de l’indice des prix à la consommation spécifique du ménage est simple. correspond simplement à la part du budget consacrée par le ménage h au produit k.

Après avoir estimé le revenu équivalent pour chaque ménage, les effets de la crise sur la pauvreté et les iné-galités peuvent être facilement estimés en comparant la distribution de la consommation avant et après la crise.

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