ÉTUDE COMPARATIVE DE DEUX DOSES D’ACIDE …

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ÉTUDE COMPARATIVE DE DEUX DOSES D’ACIDE ACÉTYLSALICYLIQUE SUR LA FONCTION PLACENTAIRE DE LA FEMME AVEC ANTÉCÉDENT DE PRÉÉCLAMPSIE Mémoire Sylvie Tapp Maîtrise en épidémiologie Maître ès Sciences (M.Sc.) Québec, Canada © Sylvie Tapp, 2013

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ÉTUDE COMPARATIVE DE DEUX DOSES D’ACIDE ACÉTYLSALICYLIQUE SUR LA FONCTION PLACENTAIRE DE

LA FEMME AVEC ANTÉCÉDENT DE PRÉÉCLAMPSIE

Mémoire

Sylvie Tapp

Maîtrise en épidémiologie Maître ès Sciences (M.Sc.)

Québec, Canada

© Sylvie Tapp, 2013

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Résumé Plusieurs études ont obtenu comme résultat qu’une faible dose d’acide acétylsalicylique débutée au début de grossesse permettrait d’améliorer le processus de développement placentaire et de diminuer le risque de prééclampsie dans les populations à risque élevé. Bien qu’il soit recommandé de

débuter une prise quotidienne d’acide acétylsalicylique au 1er trimestre de grossesse chez les femmes

avec antécédent de prééclampsie, la dose optimale à utiliser demeure controversée. Nous avons développé un essai clinique randomisé auprès de femmes ayant un antécédent de prééclampsie afin de déterminer si une dose de 160 mg d’acide acétylsalicylique est associée à une amélioration supérieure de la fonction placentaire qu’une dose de 80 mg et si cette différence entre les deux doses pourrait être associée à l’agrégation plaquettaire. L’objectif de ce mémoire est d’évaluer chez 30 participantes de l’essai clinique en cours la faisabilité d’un tel essai clinique de plus grande envergure ainsi que l’effet potentiel de la résistance à l’acide acétylsalicylique sur la fonction placentaire à 22 semaines chez 30 participantes de l’essai clinique en cours.

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Abstract Several studies have shown that low-dose aspirin started in early pregnancy would improve the process of placental development and reduce the risk of preeclampsia in high-risk populations. Although it is recommended to start taking daily aspirin in the first trimester of pregnancy in women with a history of preeclampsia, the optimal dose remains controversial. We developed a randomized clinical trial among women with a history of preeclampsia to determine whether 160 mg of aspirin is associated with a greater improvement of placental function than 80 mg and if the difference between these two doses may be associated with platelet aggregation. The objective of this paper is to evaluate the feasibility of such a trial as well as the potential impact of aspirin resistance on placental function at 22 weeks in 30 participants from this study.

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Avant-propos “I may never find all the answers

I may never understand why I may never prove what I know to be true

But I know that I still have to try.” Dream Theater

Les données de cette étude ont été recueillies auprès des 30 premières patientes d’un essai clinique qui permettra de comparer l’effet de deux doses d’acide acétylsalicylique (80 et 160 mg) sur la fonction placentaire ainsi que les complications hypertensives de la grossesse chez des femmes avec antécédent de prééclampsie. Il s’agit d’une collecte de données très importante qui permettra peut-être de jeter de la lumière sur quelques interrogations non moins importantes du milieu scientifique.

J’aimerais remercier mon directeur de recherche, Emmanuel Bujold, qui a cru en moi et m’a offert cette opportunité. C’est une joie de travailler avec quelqu’un d’aussi sympathique et compétent. Tout au long de notre long parcours, il a su répondre à mes questionnements et écouter mes suggestions, tout en sachant doser le juste équilibre.

Également, ce travail n’aurait pu voir le jour sans l’aide précieuse des infirmières de recherche de notre équipe. Je veux remercier chaleureusement Josée Mailhot, Francine Dufour, Elisabeth Clouet et Michèle Dubeau. Leur aide a été bien au-delà de leurs obligations professionnelles.

Mes remerciements vont également à Amélie Têtu, coordonnatrice, sur qui j’ai su m’appuyer chaque fois où j’en avais besoin, et à Stéphanie Roberge, étudiante au doctorat, ma source inépuisable d’information.

Pour ajouter à la difficulté, durant les années de cette formation, j’ai dû accompagner dans leur dernier sommeil trois de mes petits compagnons de vie. Leur départ a complètement déstabilisé mes fondations chaque fois mais j’ai pu constater à quel point ce qui est considéré comme une difficulté peut devenir une occasion de devenir plus fort. Je ne peux pas passer sous silence le soutien amical de Denis Tardif qui a été là pour m’accompagner dans ces durs moments et pour m’encourager et me remonter le moral tout au long du cheminement. C’est dans ces moments que l’on comprend la vraie signification du mot « amitié ».

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« Je dédie ce travail à ma fille que j’aime plus que tout ainsi qu’à ma mère qui n’a jamais

cessé de croire en moi afin qu’elles puissent être fières de moi et réaliser que peu importe le

temps nécessaire à atteindre nos buts, il faut juste continuer à y croire…La vie est une suite continue de moments éphémères et chacun de ces moments présents nous offre l’opportunité

d’un changement.»

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Table des matières Résumé ........................................................................................................................................ iii Abstract......................................................................................................................................... v Avant-propos .............................................................................................................................. vii Table des matières ....................................................................................................................... xi Liste des tableaux ...................................................................................................................... xiii Liste des figures .......................................................................................................................... xv Liste des annexes ...................................................................................................................... xvii Introduction .................................................................................................................................. 1 Chapitre 1. État des connaissances ............................................................................................... 3

1.1 La prééclampsie .................................................................................................................. 3 1.1.1 Définition de la prééclampsie ...................................................................................... 4 1.1.2 Sévérité de la prééclampsie ......................................................................................... 5 1.1.4 Facteurs de risque de la prééclampsie ......................................................................... 6 1.1.5 Complications et autres pathologies associées à la prééclampsie ............................... 8 1.1.6 L’insuffisance placentaire ........................................................................................... 9 1.1.7 Mesure de l’insuffisance placentaire par échographie Doppler ................................ 10

1.2 Prévention de la prééclampsie par l’acide acétylsalicylique ............................................ 10 1.2.1 Historique de l’AAS .................................................................................................. 10 1.2.2 Efficacité de l’AAS en prévention de la prééclampsie ............................................. 11 1.2.3 Innocuité de l’AAS ................................................................................................... 12 1.2.4 Effet de l’AAS en fonction du moment de la journée ............................................... 13 1.2.5 Dose administrée et résistance à l’AAS .................................................................... 14

1.3 Objectifs et hypothèse de recherche ................................................................................. 15 1.3.1 Objectif principal ...................................................................................................... 15 1.3.2 Objectifs secondaires ................................................................................................ 16 1.3.3 Hypothèse de recherche ............................................................................................ 16

Chapitre 2. Méthodologie ........................................................................................................... 17 2.1 Devis de l’étude ................................................................................................................ 17 2.2 Déroulement de l’étude et collecte des données............................................................... 17

2.2.1 Critères de sélection .................................................................................................. 17 2.2.2 Recrutement .............................................................................................................. 18 2.2.3 Randomisation ........................................................................................................... 18 2.2.4 Visite initiale ............................................................................................................. 19 2.2.5 Visites de suivi .......................................................................................................... 19

2.3 Description des groupes et de l’intervention ................................................................... 20 2.3.1 Intervention ............................................................................................................... 20 2.3.2 Groupes d’intervention .............................................................................................. 20 2.3.3 Préparation des capsules............................................................................................ 20

2.4 Mesures de l’étude............................................................................................................ 21 2.4.1 Critère de jugement principal .................................................................................... 21 2.4.2 Critères de jugement secondaire ............................................................................... 22 2.4.3 Autres co-variables mesurées pendant l’étude .......................................................... 22 2.4.4 Évaluation des effets indésirables ............................................................................. 24 2.4.5 Approche statistique .................................................................................................. 24

2.5 Considérations éthiques .................................................................................................... 26 2.5.1 Les risques liés à la sécurité de ceux qui participent à l’essai ................................... 26

2.5.2 Avantages et inconvénients pour les participantes.................................................... 26 2.5.3 Confidentialité ........................................................................................................... 26 2.5.4 Participation volontaire ............................................................................................. 27

Chapitre 3. Résultats................................................................................................................... 29 3.1 Évaluation de la faisabilité de l’étude de plus grande envergure ..................................... 29

3.1.1 Recrutement .............................................................................................................. 29 3.1.2 Rétention dans l’étude ............................................................................................... 32 3.1.3 Adhérence au traitement ........................................................................................... 32

3.2 Données sur l’indice de pulsatilité des femmes ayant un antécédent de PE .................... 33 3.3 Effet de la résistance à l’AAS sur l’indice de pulsatilité à 22 semaines .......................... 33

Chapitre 4. Discussion et Conclusion......................................................................................... 35 4.1 Faisabilité ......................................................................................................................... 35

4.1.1 Recrutement .............................................................................................................. 35 4.1.2 Rétention dans l’étude ............................................................................................... 36 4.1.3 Adhérence au traitement ........................................................................................... 36

4.2 Objectifs secondaires ....................................................................................................... 36 4.2.1 Évaluation de la fonction placentaire : Indice de pulsatilité ..................................... 36 4.2.2 Taux de résistance à l’AAS ....................................................................................... 37

4.3 Limitations de l’étude ...................................................................................................... 37 4.4 Implications pour les recherches futures .......................................................................... 38 Conclusion.............................................................................................................................. 38

Bibliographie .............................................................................................................................. 39

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Liste des tableaux Tableau 1. Données sur la participation des patientes rencontrées par l'équipe de recherche.... 30 Tableau 2. Caractéristiques des participantes à l’entrée dans l’étude selon la présence ou non de

résistance à l’AAS à la 2e visite ......................................................................................... 31 Tableau 3. Données sur l'adhérence au traitement à 22 semaines .............................................. 32 Tableau 4.Résultats de l'effet de la résistance à l'AAS sur l'indice de pulsatilité des artères

utérines en début de grossesse ............................................................................................ 34

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Liste des figures Figure 1. Incidence de la prééclampsie dans différentes régions du monde ................................ 6 Figure 2. Risque relatif de prééclampsie et intervalle de confiance selon le facteur de risque .... 7 Figure 3. Complications maternelles Figure 4. Complications

néonatales ............................................................................................................................. 8 Figure 5. Fréquence (%) de complications de grossesse (placebo vs aspirine 100 mg)

lorsqu'administré au coucher. ............................................................................................. 14 Figure 6.Comparaison de l'indice de pulsatilité moyen dans la population à l'étude (n=30) à 12

semaines et à 22 semaines .................................................................................................. 33

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Liste des annexes Annexe 1. Diagramme du déroulement du projet………………………………………………44 Annexe 2. Documents d’approbation initiale du projet de recherche………………………….46 Annexe 3. Modifications des critères de sélection……………………………………………..50

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Introduction La prééclampsie (PE) représente une des causes les plus importantes de morbidité et de mortalité chez la mère et l’enfant. L’étiologie de la PE n’est pas encore parfaitement connue car il s’agit d’une complication de grossesse souvent multifactorielle. Un nombre croissant d’évidences suggère qu’un défaut de la placentation, processus survenant dès le début de la grossesse, pourrait être un facteur contributif important au développement de ces complications. Le placenta ayant été identifié comme une cause à la fois nécessaire et parfois même suffisante et la seule méthode de traitement efficace est le retrait de celui-ci par l’accouchement.[1] Il y a déjà plus de 30 ans que l’acide acétylsalicylique (AAS), connu sous le nom commercial Aspirine®, a été proposé comme une intervention prophylactique à la PE. Plus de 60 essais randomisés incluant plus de 30 000 femmes ont été réalisés avec des résultats controversés. Actuellement, il est reconnu que la prise d’une faible dose d’AAS peut diminuer environ 20 % des cas de PE et des complications y étant associées, et peut-être même jusqu’à 50 % de ceux-ci lorsque l’AAS est débutée tôt en grossesse.[2] Différentes associations nationales recommandent donc maintenant la faible dose d’AAS chez les femmes à risque élevé de développer une PE. Par contre, la dose optimale reste à déterminer. En effet, il semble qu’environ 30 % des femmes enceintes soit « résistantes » à une dose quotidienne de 75 à 80 mg par jour, soit la dose actuellement prescrite.[3, 4]

Nous nous proposons d’évaluer la faisabilité d’un essai randomisé qui vérifierait l’impact de la dose d’AAS et de la « résistance » à l’AAS sur la fonction placentaire.

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Chapitre 1. État des connaissances

1.1 La prééclampsie La PE fait partie d’un ensemble de complications appelé troubles hypertensifs de grossesse. Parmi ces complications, on retrouve également l’hypertension de grossesse, l’éclampsie et le syndrome de HELLP. La définition des troubles hypertensifs de la grossesse est variable d’un pays à l’autre, d’une association à l’autre. Cette absence de consensus peut représenter une source de controverse lorsqu’il s’agit de présenter et d’interpréter les résultats ainsi que de gérer et documenter efficacement les issues cliniques. Ces dernières années, un effort a été fait par les principaux acteurs en médecine fœto-maternelle pour en arriver à en uniformiser le plus possible la définition. En 2000, le National High Blood Pressure Education Program Working Group (NHBPEP) a proposé dans son rapport sur l’hypertension de grossesse une méthode de classification endossée par la suite par le International Society for the Study of Hypertension in Pregnancy (ISHHP) en 2001, par le National

Heart Lung and Blood Institute (NHBLI) en 2003 et par la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC) dans ses dernières recommandations de 2008.[5-8] Pour les définitions présentées aux sections 1.1.1 et 1.1.2, les dernières recommandations de la SOGC seront retenues comme principales références.[7]

La PE est une importante cause de morbidité et de mortalité maternelle. En dehors de l’accouchement et de la délivrance placentaire, il n’existe pas de traitement à la PE. Même si les connaissances permettant de mieux comprendre la nature systémique complexe de la PE ont augmenté de façon considérable au cours des dernières années, les approches préventives et curatives restent encore à être développées.

Le tableau de la page suivante résume ce qui définit chacun des troubles hypertensifs de grossesse.

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Tableau 1. Définition des troubles hypertensifs de grossesse

Hypertension présente avant la grossesse ou apparaissant <20 semaines de gestation

Hypertension de novo à ≥20 semaines de gestation

Protéinurie et/ou 1 ou + conditions indésirables typiques

Convulsions Hémolyse Plaquettes faibles Enzymes hépatiques élevés

Hypertension préexistante X

Hypertension gestationnelle

X

PE surajoutée X X

PE

X X

Éclampsie X X X

HELLP*

X X X X

Hypertension : tension diastolique ≥ 90 mm Hg, basé sur au moins deux mesures effectuées sur le même bras dans un intervalle d’au moins 4 heures ou dans la même journée. Protéinurie : bandelettes réactives ≥ +2 (1g/L); ≥ 300mg/jour en 24 heures ; ratio protéine/créatinine ≥ 30mg/mmole Conditions indésirables typiques : insuffisance rénale ou défaillance hépatique, problèmes neurologiques ou hématologiques, restriction de croissance intra-utérine (RCIU) ou mort fœtale intra-utérine (MFIU) * Peut survenir seul ou suite à un des troubles hypertensifs de grossesse

1.1.1 Définition de la prééclampsie

Selon le dernier rapport de la SOGC[7], la PE se définit comme étant :

• une hypertension artérielle (définie comme une tension systolique ≥ 140 mm Hg et/ou diastolique ≥ 90 mm Hg) apparaissant de novo après 20 semaines de grossesse accompagnée d’une protéinurie (définie par un résultat de bandelettes réactives ≥ +2 ; ≥ 300mg/jour en 24 heures ; ratio protéine/créatinine ≥ 30mg/mmole) et/ou autres conditions indésirables typiques;

• une hypertension artérielle présente avant la grossesse ou apparaissant < 20 semaines de grossesse accompagnée d’une protéinurie de novo et/ou d’une ou plus conditions associées à la PE (PE surajoutée).

Parmi les conditions indésirables typiques pouvant permettre un diagnostic de PE lorsqu’accompagnées d’hypertension avec ou sans protéinurie, on retrouve :

• les symptômes maternels : céphalées inhabituelles et/ou persistantes, troubles visuels, douleur épigastrique ou hypocondre droit, nausées sévères et vomissements, douleurs à la poitrine, dyspnée;

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• les signes cliniques : éclampsie, hypertension sévère, œdème pulmonaire, décollement placentaire;

• les données de laboratoire : créatinine élevée (basé sur les critères du laboratoire local) avec symptômes, décompte plaquettaire < 100x109/L, concentration ALT, AST ou LDH élevée (basé sur les critères du laboratoire local), albumine sérique < 20g/L;

• la morbidité fœtale : oligohydramnios, restriction de croissance intra-utérine (RCIU), flux ombilical diastolique inversé ou absent à l’échographie Doppler, mort fœtale intra-utérine (MFIU).

1.1.2 Sévérité de la prééclampsie

Plusieurs critères sont utilisés pour établir le degré de sévérité de la PE :

1. La sévérité de l’hypertension : la PE sera considérée légère (ou moyenne) si la pression artérielle systolique se situe entre 140 et 160 mm Hg et/ou la pression artérielle diastolique entre 90 et 110 mm Hg et sévère si la pression artérielle systolique ≥ 160 mm Hg et/ou la pression artérielle diastolique ≥ 110 mm Hg;

2. L’âge gestationnel au moment de l’apparition des symptômes : la PE sera considérée précoce si elle survient <34 semaines, et tardive si ≥ 34 semaines;

3. La protéinurie : on parlera d’une PE sévère lorsque la mesure de protéine ≥ 5g/24 heures ou si le test par bâtonnet réactif donne un résultat ≥ 2+ sur deux échantillons aléatoires.

Depuis quelques années, de nombreux auteurs ont qualifié la sévérité de la PE à partir de l’âge gestationnel au moment de l’apparition des symptômes ou à partir de l’âge gestationnel à la naissance. En général, on parlera de PE précoce (ou « early-onset preeclampsia ») pour les PEs diagnostiquée avant 34 ou 35 semaines de grossesse, et de PE tardive pour celle après 34 ou 35 semaines. Cette classification se base sur le fait que les PEs précoces sont plus souvent associées à une pathologie placentaire et à des complications fœtales plus importantes.[9]

1.1.3 Incidence de la prééclampsie

Une revue de la littérature publiée en 2011 dresse un tableau récent de la situation épidémiologique de la PE. Comme le mentionnent les auteurs de cette revue, il est difficile d’obtenir des données précises permettant de brosser un tableau d’ensemble de l’incidence de cette complication de

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grossesse à travers le monde étant donné l’absence de définition standard dans les bases de données des pays différents. Dans l’ensemble cependant, on établit entre 3 et 5 % le taux d’incidence de PE dans les pays industrialisés mais un taux d’incidence aussi élevé que 8,7 % a été rapporté en Nouvelle-Écosse.[10] À Terre-Neuve, une révision de 5173 dossiers obstétricaux provenant de 10 hôpitaux différents avait permis d’établir à 5,6% le taux de pré-éclampsie dans la population (7,9% chez les nullipares) en 2002.[11]

Figure 1. Incidence de la prééclampsie dans différentes régions du monde

(Tiré de : Hutcheon, 2011)

1.1.4 Facteurs de risque de la prééclampsie

Une fonction placentaire sous-optimisée est associée fortement à la PE mais n’en représente souvent qu’une des causes possibles. Plusieurs conditions cliniques ou familiales peuvent aussi être impliquées dans l’apparition de la PE et sont maintenant reconnues comme étant des facteurs de risques importants. Le tableau suivant présente les risques relatifs associés à chacun de ces facteurs pris individuellement. Cependant, le risque réel pour une femme de développer une PE est influencé par la combinaison d’un ou de plusieurs de ces facteurs.[12, 13]

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Figure 2. Risque relatif de prééclampsie et intervalle de confiance selon le facteur de risque

*SAP = Syndrome des antiphospholipides; LES = Lupus érythémateux systémique (Tiré de : Duckitt, 2005 et Uzan, 2011)

À la lumière de ces données, il est possible d’identifier les facteurs de risque les plus importants lorsque pris individuellement mais il est important de prendre en considération l’intervalle de confiance dont l’étendue nous donne une indication de la précision de la mesure, plus l’étendue est faible, plus l’estimation est précise. Par exemple, lorsqu’on regarde les études qui ont été publiées à ce jour les maladies rénales chroniques semblent représenter un des plus importants facteurs de risque avec un RR de 7,8 (IC95 : [2,2-28,2]). Cependant, l’étendue de l’intervalle de confiance (26) nous indique une faiblesse dans la précision de la mesure. Ce manque de précision pourrait être expliqué par le peu de données exactes disponibles dans les études qui ont été faites à ce jour sur la grossesse et les maladies rénales chroniques, études souvent non contrôlées et avec de faibles tailles d’échantillon, surtout en ce qui concerne l’établissement d’une définition précise du terme.[14]

Par contre l’hypertension chronique avec un RR de 3,8 (IC95 : [3,4-4,3] représente un facteur de risque moindre mais avec une mesure beaucoup plus précise.

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1.1.5 Complications et autres pathologies associées à la prééclampsie

La PE est une cause majeure de mortalité et de morbidités périnatales maternelles et fœtales partout dans le monde. Les complications y étant associées sont : l’oligurie, la thrombocytopénie, la coagulopathie intravasculaire disséminée (CIVD), l’insuffisance rénale, une atteinte hépatique, l’œdème pulmonaire, une atteinte neurologique, et/ou une atteinte fœtale incluant la RCIU ainsi que, quoique plus rarement, le décès.[15, 16] Des troubles cardiovasculaires chroniques peuvent en résulter autant chez la mère que chez l’enfant de petit poids à la naissance.

Les deux figures qui suivent résument les proportions moyennes observées de complications maternelles (Figure 3) et néonatales (Figure 4) parmi des populations de femmes ayant fait une PE sévère, atteintes de certaines conditions médicales ou provenant de pays en développement. [17]:

Figure 3. Complications maternelles Figure 4. Complications néonatales

(Tiré de : Sibai, 2005)

La prématurité et la RCIU représentent les complications néonatales à court terme les plus fréquentes à survenir en contexte de PE. Ces complications peuvent à leur tour être responsables d’autres conditions indésirables à plus ou moins long terme l’enfant. Selon un rapport émis par l’institut canadien d’information sur la santé publié en 2009, au Canada, environ 8 % des nouveau-nés uniques auront un poids fœtal estimé inférieur au 10e percentile selon leur âge gestationnel et leur sexe.[18-20]

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(Les bébés nés en Ontario ont été exclus de la population type en raison de la qualité incertaine des données. La norme pourrait donc être biaisée.)[18]

C'est un phénomène qui peut être associé à des complications graves chez le fœtus, incluant la prématurité iatrogénique, la détresse fœtale aigüe, l’hypoxie cérébrale et même au décès. Un nombre croissant d’évidences suggère que la RCIU est également associée à des conséquences à long terme, incluant un retard neurodéveloppemental, un risque augmenté d’obésité, de maladie cardio-vasculaire, d’hypertension artérielle et de diabète.[21, 22]

La prématurité est définie par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), comme étant une naissance qui survient avant 37 semaines de grossesse et représente également environ 8 % des naissances uniques au Canada.[18] La prématurité est la principale cause de mortalité et de morbidité périnatales dans les pays industrialisés, et ce, surtout durant la première année de vie (60 à 80% des décès périnataux chez les enfants ne présentant aucune anomalie congénitale) mais peut aussi avoir des conséquences à long terme sur la santé de l'enfant, notamment la paralysie cérébrale.[23, 24] L'accouchement prématuré se produit de façon spontanée (conséquence d’un déclenchement inopiné du travail) dans une proportion de 50 à 80 % des cas (varie en fonction de l'âge gestationnel au moment de l'accouchement). Cependant, une bonne proportion des accouchements prématurés est de nature iatrogénique (provoqués médicalement) dans le but de sauver la mère et/ou le fœtus lors de l'apparition de pathologies importantes telle la PE.[25-28] La fréquence de ces complications chez l’enfant associées à la PE renforce l’importance de développer des mesures préventives efficaces.

1.1.6 L’insuffisance placentaire

Bien que l’étiologie de la PE demeure imprécise, nous savons qu’une mauvaise placentation, ou une insuffisance placentaire semblent jouer un rôle important dans sa pathologie, surtout dans les formes précoces et sévères de la maladie. L’insuffisance placentaire se définit comme l’incapacité du placenta à fournir un approvisionnement adéquat en nutriments et oxygène au fœtus causé par une déficience du débit sanguin utéroplacentaire.[29]

L’insuffisance placentaire est souvent associée à un défaut de l’invasion et de la transformation trophoblastique des artères spiralées, un phénomène physiologique normal de la placentation. Ce défaut de transformation des artères spiralées est présent dans la grande majorité des cas de PE,

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mais également dans plusieurs complications de grossesse: RCIU, avortement spontané, travail prématuré avec ou sans rupture prématurée des membranes.[30-32]

1.1.7 Mesure de l’insuffisance placentaire par échographie Doppler

L’échographie Doppler est une méthode utilisée depuis plus de 25 ans pour la mesure de la qualité de l’échange sanguin fœto-maternel.[33, 34] Elle permet de mesurer la vitesse du flot sanguin au niveau des artères du cordon ombilical et des artères utérines, les principales artères irriguant l’utérus durant la grossesse. L’unité de mesure est l’indice de pulsatilité (IP). L’IP est la mesure de la variabilité de la vitesse du sang dans un vaisseau, égal à la différence entre le pic systolique et le minimum diastolique enregistré, divisée par la vitesse moyenne pendant le cycle cardiaque. Plusieurs études ont d’ailleurs utilisé l’indice de pulsatilité moyen des artères utérines gauche et droite (utaPI) dans le but de prédire efficacement la PE et autres complications de grossesse.[35-41] Une revue de la littérature récente démontre que la mesure de l’IP utérine effectuée au deuxième trimestre de grossesse chez les femmes à haut risque permettait de prédire la PE (toutes sévérités confondues) avec une sensibilité 39 % et une spécificité de 78%.[42] Une étude de mesure des coefficients de variation inter et intra-observateurs des mesures de l’indice de pulsatilité entre deux professionnels ayant plus de 3 ans d’expérience en imagerie Doppler couleur a obtenu un coefficient de variation (CV) intra-observateur de 4,1% et une variation (V) inter-observateur de 11,8%, en faisant une mesure hautement reproductible. [43]

1.2 Prévention de la prééclampsie par l’acide acétylsalicylique

1.2.1 Historique de l’AAS

L’AAS est un produit originalement dérivé de l’écorce de saule blanc. Dès l’Antiquité, l’écorce de saule blanc était déjà reconnue pour ses vertus curatives et Hippocrate conseillait déjà l’usage de ce produit pour réduire la douleur et la fièvre. En 1763, Edward Stone est l’un des premiers à suggérer l’utilisation de décoctions de l’écorce de saule blanc contre la fièvre.[44] En 1829, une concentration de cette décoction par Pierre-Joseph Leroux conduira à l’apparition de premiers cristaux solubles auxquels il donnera le nom « salicyline». [45]

Différentes expérimentations conduiront par la suite à l’isolation du salicylate de sodium à partir d’une plante nommée reine-des prés qui deviendra le médicament par excellence contre la douleur et

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l’inflammation. Ayant également de très bonnes propriétés antipyrétiques, le salicylate de sodium est largement employé à l’époque mais provoque d’importants malaises gastriques.

À partir de 1853, quelques scientifiques tentent de synthétiser chimiquement l’acide acétylsalicylique.[46, 47] Cependant le produit obtenu manque de pureté. Ce n’est qu’en 1897 que Félix Hoffman, chimiste allemand au service des laboratoires Bayer, y arrivera inopinément en tentant de fabriquer un médicament pour soulager les douleurs rhumatismales de son père. La molécule qu’il synthétise alors s’avère aussi efficace que le salicylate de sodium, mais avec des effets négatifs sur l’estomac bien moindre. En 1899, le brevet et la marque de l'AAS sont déposés par la société Bayer et le produit sera enregistré sous le nom d’Aspirine®.[48]

En 1949, le supérieur hiérarchique direct d'Hoffmann, Arthur Eichengrün, publie un article revendiquant la paternité de la découverte.[49] Ce n’est qu’en 1999 que Walter Sneader de l'Université de Strathclyde, à Glasgow réagira à cette revendication et en 2000, il publiera un article confirmant que l’idée revient bien à Eichengrün.[50] La compagnie Bayer, cependant, réfute toujours cette théorie.

1.2.2 Efficacité de l’AAS en prévention de la prééclampsie

En 1979, Crandon et coll. observaient que les femmes prenant de l’AAS pour d’autres raisons présentaient moins de PE que les autres.[51] Quelques années plus tard, il a été suggéré que l’AAS à faible dose pourrait diminuer les risques d’insuffisance placentaire grâce à ses propriétés inhibitrices de la cyclooxygénase permettant une diminution de la thromboxane A2 et favorisant ainsi la vasodilatation et une meilleure perfusion placentaire.[52-55] Par la suite, de nombreux essais randomisés ont été réalisés, incluant plus de 30 000 femmes à travers le monde. Les revues systématiques qui ont suivi suggèrent que la prise d’AAS diminue le risque de PE d’environ 10 à 20 % [56, 57].

Récemment, nous avons mis en évidence que la plupart de ces grands essais randomisés avaient recruté la majorité des femmes après la 16e semaine de grossesse, alors que la majorité des artères spiralées devraient avoir déjà subi leur remodelage vasculaire physiologique à ce stade de la grossesse. En se concentrant spécifiquement sur les études où le traitement à l’AAS débutait avant 16 semaines, il a été observé que plus de 50 % des cas de PE pouvaient être prévenus.[2, 58] De

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plus, il semble que cette diminution était surtout vraie pour les formes sévères et prétermes des PE, celles-ci étant plus particulièrement associées aux défauts de placentation.[59, 60]

Nos données rejoignent celles obtenues par deux études récentes suggérant que l’AAS administrée concomitamment aux traitements de fécondation in vitro avait un effet positif sur la fonction placentaire ainsi que sur le risque de complications hypertensives gestationnelles.[61, 62] Ils confirment également ceux de l’étude rétrospective de Baschat et coll. qui suggèrent une importante diminution du risque de PE avec de faibles doses d’AAS dès le premier trimestre.[63]

1.2.3 Innocuité de l’AAS

À ce jour, l’administration quotidienne de faible dose d’AAS (≤ 150 mg) durant la grossesse n’a pas été associée à une augmentation de complications maternelles ou néonatales. Une méta-analyse réalisée en 2002 regroupant 22 études sur l’utilisation de l’AAS au premier trimestre n’a obtenu aucune évidence d’une augmentation de malformations congénitales majeures sinon une augmentation possible, mais non significative des cas de gastroschisis (hernie abdominale) rapportée dans 5 de ces études.[64] Les auteurs de cette méta-analyse font appel à la précaution dans l’interprétation de ces résultats. Un calcul de puissance a permis de déterminer que 147 000 sujets par groupe auraient été nécessaires pour pouvoir détecter une augmentation du risque correspondant aux résultats rapportés.

Lors d'une autre méta-analyse publiée en 2003, on s’est également intéressé aux issues de grossesse lors de la prise d’AAS. Vingt-huit études ont été incluses. Les doses d’AAS variaient entre 50 mg et 150 mg par jour débutant au premier, au deuxième ou au troisième trimestre et continuées jusqu’à l’accouchement. Le taux d’avortements spontanés n’a pas été différent entre les femmes prenant le placebo et celles prenant l’AAS. Le taux d’accouchement prématuré était cependant significativement plus faible dans le groupe AAS mais on ne nota aucune différence quant au taux de mortalité périnatale, au poids à la naissance ou à la survenue de complications hémorragiques.[65]

Deux études récentes ont suggéré une possible association entre la prise d’anti-inflammatoire durant la grossesse et le taux de cryptorchidie à la naissance.[66, 67] Les résultats indiquaient que l’acétaminophène était modérément associé à la cryptorchidie à la naissance lorsqu’administré pendant le premier et le deuxième trimestre (HR = 1,33; IC95 : [1,00-1,77]), alors que l’acide acétylsalicylique ainsi que l’ibuprofène n’étaient pas associés à cette complication de développement

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du nouveau-né (HR= 1,18; IC95 : [0,93-1,49] et 0,88; IC95 : [0,64-1,19] respectivement). Bien que la prudence demeure de mise lors de toute utilisation de médication en grossesse, les données les plus probantes sont rassurantes quant à l’innocuité de l’AAS en grossesse.

1.2.4 Effet de l’AAS en fonction du moment de la journée

Les travaux de Hermida et coll. suggèrent que le moment de la journée lors de la prise d’AAS serait un facteur très important en ce qui concerne l’effet sur la pression artérielle et sur les issues adverses de la grossesse.[68-70] En effet, les résultats de leurs travaux indiquent une diminution supérieure de la pression artérielle dans le groupe ayant reçu une dose d’AAS de 100 mg au coucher comparativement aux groupes ayant reçu la même dose d’AAS au lever et 8 heures après le lever (réduction de la moyenne de 14,2 mm Hg systolique et 9,6 mm Hg diastolique au moment de l’accouchement).Il a été également montré que la période de la journée pouvait avoir un effet positif non seulement sur la pression artérielle (diminution de 12.4/8.1 mm Hg en 24 heures lorsque le traitement était débuté avant 16 semaines de grossesse) mais également sur les complications de grossesse associées à l’hypertension, particulièrement les retards de croissance et les naissances prématurées chez des femmes enceintes à risque élevé. [71] En fait dans cette étude, 1,7 % des 59 participantes assignées au groupe de 100 mg d’AAS pris le soir au coucher ont développé une prééclampsie comparativement à 15,5% chez les femmes ayant pris un placebo à la même période de la journée.

De plus, il a déjà été proposé que l’administration de fortes doses d’AAS (1300 mg) le soir au coucher réduirait de façon significative les cas d’hémorragies gastriques pouvant y être associées comparativement à l’administration d’une dose similaire le matin.[72] Or, la majorité des études publiées à ce jour n’ont pas spécifié le moment de la journée auquel l’AAS devait être ou avait été prise, sous-estimant possiblement l’effet de celle-ci. La meilleure évidence actuelle nous suggère donc qu’une faible dose d’AAS, prise le soir au coucher aurait un bénéfice optimal.

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Figure 5. Fréquence (%) de complications de grossesse (placebo vs aspirine 100 mg) lorsqu'administré au coucher.

(Tiré de : Ayala, 2012)

1.2.5 Dose administrée et résistance à l’AAS

Les données actuelles démontrent un effet bénéfique d’une prophylaxie à l’AAS débutée tôt en grossesse sur la prévention de la récidive dans les populations constituées de patientes à risque très élevé ayant un antécédent de PE et/ou d’autres complications de grossesse reliées à une mauvaise fonction placentaire et/ou d’autres facteurs de risque très importants. D’ailleurs, plusieurs cliniciens utilisent déjà l’AAS dans le contexte d’un certain bénéfice démontré chez les femmes à risque élevé de PE.[56] Également, la SOGC a ajouté la prescription de faible dose d’ASA aux femmes à risque élevé de PE dans leurs dernières recommandations.[7]

La dose d’AAS la plus communément utilisée en grossesse en Amérique du Nord est de 81 mg. Cependant, des études récentes ont mis en évidence qu’environ 25 à 30 % des femmes demeuraient résistantes à cette dose; la résistance étant définie par un temps de coagulation (mesuré à l’aide d’un test d’agrégation plaquettaire, le PFA-100) < 150 secondes; et que seulement 5 % de celles-ci demeuraient résistantes à une dose de 162 mg.[4, 73, 74] Wójtowicz et coll. ont montré qu’une résistance à l’AAS était associée à une augmentation du risque de complications obstétricales incluant la PE.[74] Dans une étude rétrospective, Rey & Rivard suggèrent que l’utilisation de la PFA-100 associée à une augmentation de la dose d’AAS chez les femmes résistantes pourrait diminuer le taux de PE, et principalement de PE sévères chez les femmes à risque élevé.[73] Dumont et coll. ont également observé que la mesure du temps de saignement à l’aide de tests d’agrégation plaquettaire

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avec ajustement de la dose en fonction du résultat augmentait les effets bénéfiques de l’AAS sur la prévention des complications de la grossesse.[3]

Finalement, les résultats d’une méta-analyse publiée en 2010 dénotent que les essais randomisés contrôlés ayant utilisé une dose > 81 mg d’AAS administrée au 1er trimestre de grossesse obtenaient une réduction du taux de PE de 64 % (IC95 : [23 % - 83 %]) comparativement à 50 % (IC95 : [28 % - 65 %]) pour celles ayant utilisée une dose ≤ 81 mg d’AAS.[2] Même si cette dernière comparaison ne démontre pas de différence significative entre les doses utilisées, l’ensemble des données disponibles semble suggérer qu’une dose d’AAS supérieure à 81 mg pourrait être plus efficace pour la prévention des complications liées à l’insuffisance placentaire et que les femmes qui bénéficieraient d’une telle dose pourraient être identifiées par un test d’agrégation plaquettaire.

1.3 Objectifs et hypothèse de recherche L’essai clinique randomisé dont est issu l’étude de faisabilité présentée dans ce mémoire a pour principal objectif d’évaluer si une dose de 160 mg d’AAS est associée à une amélioration plus importante de la fonction placentaire, mesurée par le Doppler des artères utérine à 22 semaines, qu’une dose de 80 mg chez des femmes avec un antécédent de pré-éclampsie. Il servira également à comparer le taux de « non-réaction » au test d’agrégation plaquettaire (PFA-100) après 4 semaines de traitement à l’AAS chez les femmes ayant reçu 80 mg ou 160 mg d’AAS débuté au 1er trimestre et si les femmes ayant une « non-réaction » sont plus à risque de développer une insuffisance placentaire diagnostiquée par échographie Doppler à 22 semaines. Il permettra également d’évaluer si la dose d’AAS aurait un impact sur le taux de complications de grossesse liées à l’insuffisance placentaire (pré-éclampsie, RCIU, accouchement prématuré).

Pour ce mémoire, nous avons utilisé les résultats obtenus auprès des 30 premières patientes de cet essai clinique afin de vérifier les paramètres suivants :

1.3.1 Objectif principal

L’objectif principal est d’évaluer la faisabilité d’un essai clinique visant à comparer l’effet de deux doses d’AAS en prévention des troubles hypertensifs de la grossesse chez des femmes avec une histoire de PE. La faisabilité sera évaluée par le taux de recrutement, le taux de rétention dans l’étude et le taux d’adhérence au traitement.

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1.3.2 Objectifs secondaires

Les objectifs secondaires de ce projet pilote seront d’estimer :

a) L’IP moyen et médian au 1er trimestre de la grossesse chez les femmes avec antécédent de PE.

b) L’effet de la résistance à l’AAS sur le changement de l’IP entre 11-13 semaines et 22-23 semaines de grossesse.

1.3.3 Hypothèse de recherche

Notre hypothèse qu’il y a une association entre la résistance ou non à l’AAS et l’amélioration de la fonction placentaire entre 12 et 22 semaines de grossesse.

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Chapitre 2. Méthodologie

2.1 Devis de l’étude D’un point de vue épidémiologique, un facteur très important à considérer est la validité des résultats obtenus. Il existe plusieurs façons de contrôler la validité des résultats mais c’est d’abord en éliminant les biais ou en contrôlant pour ceux qui n’auraient pu être évités. Pour notre étude, nous avons choisi un essai clinique randomisé à double insu. Ce type d’étude permet d’éviter le plus grand nombre de biais potentiels.

La randomisation permet d’éviter les biais de sélection par l’attribution au hasard des participants dans les différents groupes à l’étude et la procédure à double insu (ni le chercheur, ni le patient ne sait dans quel groupe ce dernier est randomisé) permet d’éliminer les biais d’interprétation et/ou d’évaluation, c’est-à-dire une influence au niveau de l’interprétation de l’efficacité du traitement en fonction de l’intime conviction des personnes concernées. Les participantes à cet essai clinique seront toutes suivies de la même façon et toute information concernant le médicament à l’étude ainsi que toute autre médication prise pendant l’étude sera recueillie afin de vérifier et limiter les biais de suivi. Les données seront analysées en intention-de-traiter. Dans une étude analysée en intention-de-traiter, tous les participants restent étudiés dans le groupe auquel ils ont été assignés, même s’ils n’ont pas suivi le protocole ou pris le traitement à l’étude jusqu’au bout, par exemple dans un cas d’intolérance, et ce, dans le but de limiter les biais d’attrition et représenter le plus justement possible la réalité.

2.2 Déroulement de l’étude et collecte des données

2.2.1 Critères de sélection

Critères d’inclusion

• Âge gestationnel entre 8 0/7 et 13 6/7 semaines : la littérature actuelle suggère que l’AAS influence l’implantation placentaire qui survient entre la 8e et la 18e semaine de grossesse.

• Antécédent de PE confirmé par la revue du dossier médical et selon la définition du SOGC. Il s’agit du groupe de patientes pour lequel la prise d’AAS est recommandée.

• Apte à comprendre et signer le formulaire de consentement en français.

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Critères d’exclusion

• Cœur fœtal négatif

• Grossesse multiple

• Allergie anaphylactique au lactose

• Coagulopathie connue

• Prise d’héparine ou autre anticoagulant.

• Contre-indication à la prise d’AAS

• Anomalie fœtale

• Antécédent ou présence actuelle d’ulcère gastro-duodénal

2.2.2 Recrutement

Au moment de leur échographie de datation habituellement prévue entre 8 0/7 et 13 6/7 semaines, les femmes ayant des antécédents de PE étaient référées par leur médecin à une infirmière de recherche. Si la femme satisfaisait tous les critères d’éligibilité, l’infirmière lui proposait l’étude et obtenait une signature du formulaire de consentement. Les patientes qui acceptaient de participer étaient revues selon leur disponibilité le jour même ou dans les 7 jours suivants cette première rencontre pour la randomisation et pour la visite initiale.

2.2.3 Randomisation

Les femmes répondant aux critères d’éligibilité et ayant accepté de participer étaient réparties aléatoirement entre : 1) Un groupe recevant 160 mg d’AAS quotidiennement ou 2) Un groupe recevant 80 mg d’AAS quotidiennement. La randomisation était effectuée par le Service pharmaceutique pour les Médicaments en Études Cliniques (SMEC) du CHUQ par tirage au sort équilibré et par blocs de 52, avec équilibrage tous les 10 numéros. Le groupe auquel était assignée la patiente ayant accepté de participer est demeuré à l’insu de la patiente et des intervenants. Un identifiant unique a été attribué pour chacune des participantes. Par la suite, le SMEC assurait le conditionnement, l’emballage et l’expédition des médicaments (AAS 80 ou 160 mg). Pour chaque nouvelle patiente recrutée, la responsable de l’étude: 1) demandait une prescription au médecin

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traitant ou au médecin de la recherche pour le traitement de l’étude; 2) contactait le SMEC pour qu’un pharmacien autorisé distribue le traitement ; et 3) complétait un registre des cas.

2.2.4 Visite initiale

Lors de la visite initiale effectuée entre 8 0/7 et 13 6/7 semaines de grossesse, les patientes avaient une échographie incluant un Doppler des artères utérines permettant de confirmer l’éligibilité, de déterminer l’âge gestationnel exact et d’évaluer la fonction placentaire. Puis elles étaient pesées et mesurées afin de calculer leur indice de masse corporelle. La tension artérielle était mesurée sur chacun des bras après un minimum de 2 minutes de repos en position assise, le bras en position allongée et reposant sur un soutien à la hauteur du cœur. Une première mesure était effectuée sur le bras droit en utilisant un appareil automatique de marque Bios Diagnostics™. Cet appareil utilise la moyenne de trois mesures consécutives prises sur le même bras pour une meilleure précision de la mesure. Puis le procédé était répété sur le bras gauche afin de détecter des différences importantes pouvant être une indication de conditions pathologiques cardiovasculaires sous-jacentes. La protéinurie était vérifiée à l’aide de bâtonnets réactifs sur un échantillon d’urine recueilli au moment de la rencontre. Un échantillon sanguin était alors prélevé pour évaluation ultérieure du niveau de marqueurs de la fonction placentaire. Par la suite, elles devaient compléter un questionnaire d’entrée dans l’étude permettant de recueillir de l’information sur les habitudes de vie et les données sociodémographiques.

Les patientes rencontraient par la suite le (la) pharmacien(ne) qui leur remettait les capsules préalablement comptées pour 14 semaines (durée entre l’âge gestationnel minimum de randomisation et l’âge gestationnel maximum pour la deuxième distribution) de traitement selon le résultat de la randomisation, recueillait de l’information sur la médication concomitante prise durant le traitement et leur donnait les recommandations appropriées. Les participantes étaient avisées de prendre leur traitement chaque soir au coucher.

2.2.5 Visites de suivi

Les femmes étaient revues par la suite à 16-18 semaines, à 22-23 semaines et à 33-34 semaines. Lors de ces visites, les participantes devaient répondre à un court questionnaire de suivi administré à l’aide duquel tout changement, complication et/ou effet indésirable potentiel était vérifié. La pression artérielle et le poids étaient mesurés et un prélèvement sanguin était effectué pour évaluer à

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nouveau le niveau de marqueurs de la fonction placentaire. La conformité au traitement était évaluée via le décompte des capsules restantes. Une échographie de croissance fœtale avec évaluation de la fonction placentaire incluant le Doppler des artères utérines était également effectuée à chacune des visites. Les mesures de la fonction placentaire (utaPI, perfusion placentaire) étaient contrevérifiées par un observateur indépendant du technicien à la fin de l’étude. Un échantillon d’urine était recueilli à chaque visite pour vérifier la présence de protéinurie. Un test d’agrégation plaquettaire (PFA-100) était effectué à la 2e visite (16-18 semaines) et à la 3e visite (22-23 semaines). Les tests biochimiques d’agrégation plaquettaire ont été effectués par les laboratoires d’hématologie du CHUL après une entente dûment approuvée par chacune des parties impliquées.

Un mois après l’accouchement, toutes les femmes étaient rappelées par la responsable de l’étude pour un suivi téléphonique pour vérifier la présence de complications post-partum. Un suivi sur dossier était également effectué par une infirmière de recherche pour recueillir les données sur le statut néonatal/fœtal. Finalement, pour toutes les patientes qui auront eu un diagnostic d’hypertension gestationnelle et/ou de PE, une visite avec l’infirmière était planifiée 6 semaines après l’accouchement pour une vérification de la pression artérielle. Un diagramme du déroulement de l’étude est disponible en annexe 1.

2.3 Description des groupes et de l’intervention

2.3.1 Intervention

Administration quotidienne de 80 ou 160 mg d’AAS débutée entre la 10e et 14e semaine de grossesse jusqu’à la 36e de grossesse ou jusqu’à l’accouchement, selon le premier évènement à survenir. La patiente, le médecin et l’observateur étaient tous à l’aveugle du groupe d’intervention.

2.3.2 Groupes d’intervention

- Groupe expérimental A : AAS 160 mg administrée quotidiennement au coucher

- Groupe expérimental B : AAS 80 mg administrée quotidiennement au coucher

2.3.3 Préparation des capsules

Des capsules d’acide acétylsalicylique de 80 et de 160 mg étaient utilisées dans cette étude. Les deux doses avaient une apparence identique. Ces capsules étaient préparées au département de pharmacie du CHUL sous la supervision directe d’un pharmacien en conformité avec les normes en vigueur dans cet établissement. Des capsules DB Caps orangé suédois opaques de taille AA ont été

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utilisées. Un ou deux comprimés d’acide acétylsalicylique 80 mg étaient insérés dans chaque capsule qui étaient ensuite remplies par arasage avec du lactose monohydrate USP (maximum de 1 g de lactose monohydrate par capsule), puis refermées. Les capsules étaient conditionnées et étiquetées selon les normes en vigueur au CHUL. Des comprimés d’acide acétylsalicylique 80 mg à enrobage entérique de marque Asaphen EC (Pendopharm) ont été utilisés. Les capsules DB Caps provenaient de la compagnie Capsugel, une filiale de Pfizer. Le lactose monohydrate USP est un excipient très couramment utilisé en formulation généralement reconnu comme étant sécuritaire. La quantité maximale de lactose par capsule ne dépassait en aucun cas 1g, ce qui est bien en deçà des doses où des effets secondaires peuvent être observés, même chez les personnes intolérantes au lactose. La date de péremption des capsules fabriquées a été établie en conformité avec la norme USP <795> concernant la stabilité des produits solides magistraux fabriqués à partir d’un produit déjà commercialisé. Dans le cas présent, la date de péremption des capsules était établie à 25 % de la durée restante jusqu’à l’expiration des comprimés d’acide acétylsalicylique utilisés ou bien 6 mois selon ce qui est le plus rapproché.

2.4 Mesures de l’étude

2.4.1 Critère de jugement principal

Comme critère de jugement principal dans cette première étude d’évaluation de l’effet de la dose d’AAS sur l’insuffisance placentaire, nous avons choisi une variable continue et bien ciblée sur l’étiologie : la fonction placentaire évaluée par échographie Doppler. L’indice de pulsatilité moyen des artères utérines (utaPI) à 22-23 semaines est une mesure reproductible, couramment utilisée et reconnue pour sa valeur prédictive de l’insuffisance placentaire.

La mesure de l’utaPI était effectuée par échographie Doppler par un technologue en imagerie spécialisé en échographie de grossesse à l’aide d’un appareil GE Voluson E8 Expert et d’une sonde RAB 4-8-D. Le curseur du Doppler était placé sur l’artère utérine de chaque côté de l’utérus environ 1 cm au-dessus du croisement avec l’artère iliaque externe tel que décrit par Zimmerman et coll.[75] La mesure de l’IP était obtenue selon la moyenne de 3 ondes similaires correspondant à 3 battements cardiaques maternels consécutifs. L’IP était automatiquement mesuré par l’appareil et enregistré dans une base de données (Viewpoint, GE Healthcare inc.). L’utaPI constitue la moyenne arithmétique des IP droit et gauche. Cette mesure était effectuée à la randomisation et lors de chacune des visites subséquentes.

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2.4.2 Critères de jugement secondaire

Notre premier critère de jugement secondaire est l’agrégation plaquettaire mesurée à l’aide d’un test hématologique PFA-100 permettant de déterminer la réponse au traitement à environ 4 semaines de traitement ainsi qu’une association potentielle entre la résistance au traitement (résistance définie par un temps d’agrégation < 150 s) et la résistance vasculaire utérine (utaPI). Le test PFA-100 est largement utilisé cliniquement pour évaluer l’agrégation plaquettaire. Il s’agit d’un test reproductible présentant une forte sensibilité (95%) et une très bonne spécificité (88%) pour la mesure de fonction plaquettaire.[4, 76, 77]

À la deuxième visite de l’étude (entre 16 0/7 et 17 6/7 semaines) ainsi qu’à la troisième visite (entre 22 0/7 et 23 6/7) semaines un prélèvement sanguin était effectué par une infirmière de recherche et le prélèvement était traité dans les laboratoires d’hématologie du CHUL en respectant les procédures recommandées par le CHUL. Nous avons prévu utiliser la valeur obtenue à la deuxième visite, mais une analyse secondaire sera effectuée en combinant les femmes présentant une résistance à l’AAS à l’une des 2 visites.

Brève description du test PFA-100 Pour décrire brièvement le protocole de ce test, le sang était recueilli dans un tube 3,2 citrate de sodium 0,109M de la compagnie BD® et les tubes conservés à la verticale avec un minimum de manipulation après avoir été retourné 4-5 fois pour bien mélanger le spécimen avec l’activateur. Les tubes étaient transportés le plus rapidement possible au laboratoire (dans tous les cas dans un délai < 2 heures) pour être analysés. Au laboratoire, le sang est filtré par une ouverture pratiquée dans une membrane de collagène enrobée d’épinéphrine (COL-EPI). Les plaquettes activées s’agrègent à la membrane et un analyseur mesure le temps requis pour une occlusion complète de l’ouverture. L’analyse s’arrête après 300 secondes au maximum. Dans une population adulte mixte ne prenant pas d’AAS, le temps moyen d’occlusion est 150 secondes.[4] Nous avons utilisé cette limite pour déterminer la réponse à l’AAS dans notre population.

2.4.3 Autres co-variables mesurées pendant l’étude

2.4.3.1 Les données sociodémographiques

Certains facteurs de risque de complications de grossesse associées aux troubles hypertensifs gestationnels sont intimement liés à la condition physique mais aussi sociale et environnementale de

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la patiente ainsi que ses habitudes de vie. Ces données ont été recueillies à la première visite à l’aide d’un questionnaire autoadministré. Les données anthropométriques ont été mesurées à chaque visite et un calcul de l’indice de masse corporel a été effectué.

2.4.3.2 Taux de recrutement

Le recrutement est sans aucun doute la partie d’une étude, particulièrement lors d’un essai clinique, représentant le plus grand défi. Les barrières à l’atteinte des objectifs de recrutement visés sont nombreuses. Pour le patient elles comprennent, entre autres, la crainte de l’expérimentation (effets secondaires, être attribué au placebo si le traitement est connu ou au traitement lorsqu’il est expérimental), la distance, le degré d’implication attendu, des critères de sélection trop rigide, une procédure de consentement trop lourde. Dans un milieu médical, le succès du recrutement est intimement associé à la participation des médecins. Pour ceux-ci les barrières souvent observées dans les études peuvent aller de l’absence d’information (les médecins n’étant pas au courant de l’étude en cours) jusqu’à la contrainte de temps (le médecin est informé mais n’a pas le temps nécessaire pour en discuter avec ses patients) en passant par ses propres croyances. [78-80] Lorsque le taux de recrutement prévu n’est pas atteint, le chercheur doit augmenter la durée de la période de recrutement, ce qui peut impliquer un impact financier très important, et lorsque ce n’est pas possible, le risque est de ne pas avoir la puissance nécessaire. Nous avons mesuré le taux de recrutement en documentant les critères d’éligibilité ainsi que les raisons de refus, lorsque verbalisées par la patiente.

2.4.3.3 La rétention dans l’étude

Les causes possibles attendues de réduction de l’échantillon étaient les suivantes : abandon du projet par les patientes en cours de grossesse, déménagement, perte fœtale avant 20 semaines. Le risque d’abandon en cours de projet est estimé inférieur à 5 %, sur la base des résultats des différents essais cliniques réalisés en grossesse récemment complétée dans le CHUQ. Le risque de perte fœtale avant 20 semaines est inférieur à 1 %, puisque les patientes étaient recrutées après une échographie de viabilité à 11-13 semaines. En effet dans l’étude FASTER, une des plus larges disponibles sur le risque de perte fœtale après dépistage à 11-13 semaines, le risque de perte fœtale avant 24 semaines était de 0,88 %.[81] Enfin nous estimons que le risque de perte au suivi en raison d’un changement de domicile ou de lieu de suivi est très faible (< 3 %) dans cette population de femmes enceintes.

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2.4.3.4 L’adhérence au traitement

L’adhérence est définie comme étant la participation active, volontaire et concertée du patient à un cours acceptable de comportement pour produire un résultat thérapeutique.».[82, 83] Il est très difficile d’établir un taux d’adhérence adéquat. Il peut être perçu différemment selon qu’il s’agisse d’un traitement curatif ou préventif ou d’une condition de santé sérieuse chronique ou temporaire. Dans une revue de littérature publiée en 2005 sur l’adhérence aux médicaments, il a été observé que la fréquence d’administration quotidienne jouait un rôle important sur la régularité de prise du traitement. Dans le cas d’un traitement en une seule dose quotidienne, les taux d’adhérence à la médication étaient de l’ordre de 65 % à 95 %. La durée du traitement, l’importance de l’effet sur la maladie et la sévérité de la maladie traitée sont également des facteurs qui peuvent avoir une influence sur l’adhérence.[84] En nous basant sur ces données, nous avons établi à 80 % le taux d’adhérence attendu.

Mesurer l’adhérence à un traitement demeure aussi un défi de taille. Plusieurs méthodes ont été utilisées à ce jour mais toutes demeurent perfectibles. Dans notre étude, l’adhérence était mesurée en posant directement la question à la patiente et par un décompte des capsules restantes à chaque visite. À la visite de 22-23 semaines de grossesse, une deuxième distribution des médicaments était effectuée. Comme le premier contenant devait alors être récupéré, il était possible de documenter le taux d’adhérence de chacune des patientes de l’étude en début de grossesse, là où l’effet de l’AAS sur le développement placentaire a été observé. Un premier décompte était fait par la responsable de l’étude puis un deuxième décompte par la pharmacienne ou le pharmacien et les données étaient comparées par la suite.

2.4.4 Évaluation des effets indésirables

Tous les effets indésirables ressentis par les participantes ont été rapportés à l’aide d’un court questionnaire administré et documentés dans un tableau récapitulatif vérifié et signé par le directeur de recherche.

2.4.5 Approche statistique

2.4.5.1 Calcul de la taille d’échantillon

Pour établir la taille d’échantillon nécessaire à notre essai clinique, nous avons utilisé comme référence les résultats récents obtenus par Haapsamo et al., lors de leur étude sur l’effet de l’AAS à

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faible dose (100mg/jour) sur l’impédance vasculaire utéroplacentaire administrée à des patientes parallèlement à des traitements de fertilisation in vitro. À notre connaissance, il s’agit de la seule étude publiée dont la mesure principale est la fonction placentaire suite à un traitement préventif à l'AAS durant la grossesse. Selon cette étude, et selon les données recueillies par notre équipe de recherche dans le cadre de recherches parallèles, la moyenne de PI normale attendue à 22-23 semaines de gestation est d’environ 0,9. Chez les femmes à risque à qui on a prescrit 80 mg d’AAS par jour, la valeur moyenne de PI observée est de l’ordre de 1,2 à 22-23 semaines alors que des valeurs de l'ordre de 1,7 sont observées chez les femmes à risque ne prenant pas d'AAS. Selon une étude de Caron et al. (2009) 30 % des femmes recevant 80mg par jour ne répondent pas au traitement alors que 5% seulement ne répondent pas à 160 mg. Nous prévoyons observer une différence moyenne de PI de 0.2 à 22-23 semaines entre le groupe recevant 80 mg et le groupe recevant 160 mg d’AAS par jour. Pour détecter une différence moyenne de PI de l’ordre de 0.2 ±0.4 entre les deux groupes à 22-23 semaines de gestation, et considérant un taux probable d’attrition de 3%, nous aurons besoin de randomiser 52 femmes par groupe d’intervention pour une puissance de 80% et un alpha de 0,05. La taille d’échantillon a été calculée à l’aide de SAS version 9.2.

Pour les données ayant servi à l’écriture de ce mémoire, nous avons utilisé les 30 premières patientes de l’essai clinique randomisé en cours.

2.4.5.2 Analyses

Les caractéristiques des patientes seront comparées par des analyses univariées. Les variables binaires seront traitées au moyen d’une analyse du Chi-Carré. Les variables continues seront analysées au moyen de tests T de Student. Dans l’éventualité où la courbe de distribution des valeurs utaPI obtenues serait asymétrique, des analyses non paramétriques de type Mann-Whitney seront effectuées en utilisant la valeur médiane. Si certaines participantes, pour quelque raison (facteurs médicaux ou autres), devaient cesser d’être exposées au traitement prévu par la randomisation, les analyses seront d’abord faites en incluant ces sujets dans les groupes prévus à l’origine par la randomisation (intention-de-traiter), puis refaites en les excluant pour identifier l’influence potentielle de ce changement. La valeur-p significative a été fixée à ≤ 0,05. Les analyses statistiques ont été effectuées à l’aide de SAS version 9.2.

26

2.5 Considérations éthiques

2.5.1 Les risques liés à la sécurité de ceux qui participent à l’essai

De nombreux essais ont largement démontré l’innocuité de l’AAS à faible dose utilisée pendant la grossesse et nous n’envisageons aucun risque particulier, ni pour les patientes, ni pour le personnel de santé qui participera à l’étude. L’AAS à faible dose (80 mg) est prescrite de routine chez les femmes avec antécédent de PE par les médecins en GARE ou en médecine interne au CHUQ – Centre Mère-Enfant.

2.5.2 Avantages et inconvénients pour les participantes

Les inconvénients se limitaient au temps requis pour les visites (environ une heure), les déplacements, une possible ecchymose lors des prélèvements sanguins ainsi qu’un serrement temporaire des bras lors de la prise de tension.

Les avantages associés à la participation à cette étude pour la participante n’étaient autres que sa collaboration à l’avancement de la recherche ainsi que des mesures fréquentes des principaux facteurs à considérer pour des femmes ayant un risque élevé de PE/éclampsie (tension artérielle, protéinurie, Doppler, poids). Nous avons jumelé les visites de l’étude avec les visites de suivi de routine chaque fois où c’était possible et dans le cas où les participantes devaient se déplacer uniquement pour les visites de l’étude, les frais de déplacement étaient remboursés sous forme de tickets de stationnement.

2.5.3 Confidentialité

Tous les renseignements recueillis sont demeurés et demeureront strictement confidentiels dans les limites prévues par la loi. Afin de préserver l’identité et la confidentialité des renseignements des participantes, un code unique a été attribué à chacune d’elle. Le chercheur utilisera les données uniquement à des fins de recherche dans le but de répondre aux objectifs scientifiques du projet. Ces données pourraient également servir pour d’autres analyses de données reliées au projet ou pour l’élaboration de projets de recherches futurs. Les données pourront être publiées dans des revues spécialisées ou faire l’objet de discussions scientifiques, mais il ne sera pas possible d’identifier les participantes. À des fins de surveillance et de contrôle, les dossiers de recherche ainsi que les dossiers médicaux pouvaient être consultés par une personne mandatée par le Comité d'éthique de la recherche du CHUQ ou par l’établissement ou par une personne mandatée par des organismes

27

publics autorisés (par exemple, Santé Canada). Toutes ces personnes et ces organismes adhèrent à

une politique de confidentialité.

2.5.4 Participation volontaire

Les participantes avaient le droit de se retirer du projet, en tout temps, par simple avis verbal, sans donner les motifs de leur décision et elles n’ont subi aucun préjudice.

Ce protocole de recherche a été soumis et accepté par le Comité d'éthique pour la recherche clinique du CHUL # C10-11-108 ainsi qu’au département des Essais Cliniques de Santé Canada # ECR 9427-C2341-27C avant le début du recrutement. Nous avons également enregistré cet essai clinique sur le site clinicaltrials.gov # NCT01352234. Des copies des documents de confirmation sont disponibles en annexe 2.

29

Chapitre 3. Résultats

3.1 Évaluation de la faisabilité de l’étude de plus grande envergure

3.1.1 Recrutement

3.1.1.1 Méthode de recrutement

Globalement, les participantes à cette étude ont été recrutées via les médecins de la région qui font des suivis de grossesse au CHUL et qui les référaient à l’équipe de recherche pour être incluses dans la cohorte sur « les grands syndromes obstétricaux (GSO) ». Les femmes faisant partie de GSO n’avaient qu’une seule rencontre en début de grossesse dans une fenêtre d’éligibilité semblable au projet actuel. Les mesures effectuées ainsi que le questionnaire d’entrée étaient communs à la première visite des deux projets et aucune intervention ni médicament n’était donné aux femmes faisant partie de la cohorte GSO. Il n’y avait donc aucune contre-indication à enrôler les femmes qui consentaient à participer à la fois à la cohorte et à l’essai clinique sur l’AAS, dans la mesure où elles satisfaisaient tous les critères d’inclusion et aucun critère d’exclusion. Cependant, six d’entre elles ont été recrutées directement par les médecins pour le projet actuel sans être incluses dans la cohorte GSO. Malgré la distribution de brochures et l’application d’affiches dans les salles d’attente de la clinique d’obstétrique du Centre Mère-Enfant, au meilleur des connaissances des personnes impliquées dans le recrutement (infirmières de recherche et moi-même), aucune participante n’a été recrutée à l’aide de ces médias. Cependant, cette donnée n’a pas été recueillie de façon systématique.

3.1.1.2 Difficultés rencontrées lors du recrutement

Il aura fallu un an de recrutement pour obtenir une population à l’étude de 30 participantes, soit du 14 octobre 2011 au 28 octobre 2012, dates du recrutement de la première et de la trentième patiente, respectivement.

La première difficulté rencontrée en ce qui concerne le recrutement est que nous excluions au départ les femmes atteintes de diabète, d’hypertension chronique lorsque traitée avec un antihypertenseur, de maladies rénales ou autres maladies systémiques chroniques ou avec un IMC > 35. Puisque cela représentait une difficulté majeure dans le recrutement en imposant des restrictions difficiles à justifier, nous avons rectifié ces critères auprès du Comité d’éthique du CHUQ et du département des

30

essais cliniques de Santé Canada. Aucune des patientes déjà incluses dans l’étude n’était affectée par cette modification. Les documents d’approbation de ces modifications ainsi que les deux versions du formulaire d’éligibilité sont disponibles en annexe 3.

La prescription d'anticoagulants (héparine) en prophylaxie aux femmes ayant un antécédent de PE

sévère constitue une autre limite importante au recrutement. Pour parer à cette difficulté nous avons récemment demandé l’autorisation auprès du Comité d’éthique et de Santé Canada d’élargir notre bassin de population à un deuxième site physique du CHUQ, soit l’hôpital St-François d’Assise, et nous avons demandé la collaboration d’une médecin résidente de cet hôpital. Nous observerons les effets de ces changements sur le recrutement au cours des prochains mois.

Il n’a pas été possible d’évaluer l’impact réel de ces difficultés sur le taux de recrutement puisqu’en général ce sont les médecins qui effectuaient la première évaluation des critères de sélection. Cependant, parmi les patientes rencontrées et ayant reçu l’information détaillée concernant le projet de recherche nous avons recueilli les données suivantes sur les raisons de non-participation:

Tableau 1. Données sur la participation des patientes rencontrées par l'équipe de recherche.

N=40 Raison(s) n(%) Non éligibles Antécédent de PE non confirmé au dossier 5(12,5) Syndrome des antiphospholipides 1(2,5) Grossesse multiple 1(2,5) Prise d’héparine à la randomisation 1(2,5) Refus de participer Crainte des effets potentiels de la dose plus

élevée d’AAS 1(2,5)

Manque de disponibilités pour les visites 1(2,5) Recrutement 30(75,0)

En résumé, 40 femmes ont été rencontrées par l’équipe de recherche pour recevoir l’information complète concernant l’étude en cours, 2 d’entre elles seulement ont refusé de participer.

31

3.1.1.3 Caractéristiques des participantes

Tableau 2. Caractéristiques des participantes à l’entrée dans l’étude selon la présence ou non de résistance à l’AAS à la 2e visite

*Res+ : Résistantes à l’AAS (test PFA-100 ≤ 150sec); Res- : Non-résistantes à l’AAS (test PFA-100 > 150 sec)

La population recrutée était relativement homogène et d’origine canadienne-française en majorité (90 %). Peu d’entre elles étaient atteintes d’hypertension ou de diabète chronique à la base. Une seule était fumeuse à un rythme de moins de 10 cigarettes quotidiennement. Le niveau d’éducation ainsi que l’indice de masse corporel étaient bien distribués dans notre population à l’étude. Les femmes randomisées étaient en moyenne à 12 6/7 semaines de grossesse. La moitié de la population avait débuté la prise d’AAS avant la randomisation.

Total (N=30) *Rés+ (N=9) *Rés- (N=20) Âge à la randomisation [µ(SD)] 30,2(4,32) 30,2(3,2) 30,1(4,9) Âge gestationnel à la randomisation [µ(SD)] 12,7(5/7) 12,5(0,7) 12,8(0,8) IP moyen [µ(SD)] 2,0(0,72) 2,0(0,5) 2,0(0,8) Ethnie [n (%)] Canadienne française 27(90) 9(100) 17(85) Autre 3(10) 0(0) 3(15) Scolarité [n(%)] Université 10(33) 1(11) 9(45) Collège 10(33) 4(44) 5(25) Autre 10(33) 4(44) 6(30) Revenu [n(%)] <60 000 $ 8(27) 4(44) 4(20) ≥60 000 $ 22(73) 5(56) 16(80) Tabac [n (%)] Fumeuse 1(3) 1(11) 0(0) Ex ou non fumeuse 19(97) 8(89) 20(100) IMC [n(%)] ≥35 6(20) 4(44) 2(10) 26-34 12(40) 2(22) 9(45) ≤25 12(40) 3(33) 9(45) Diabète chronique [n (%)] 2(7) 0(0) 1(5) Hypertension chronique [n (%)] 3(10) 1(11) 2(10) Début AAS ≤10semaines 15(50) 2(22) 12(60) >10 semaines 15(50) 7(78) 8(40)

32

3.1.2 Rétention dans l’étude

Des 30 premières participantes, une seule (3%) a été perdue au suivi pour cause de déménagement. Suite à la deuxième visite, il n’a plus été possible de rejoindre cette participante ou d’obtenir de résultats sur son état de santé.

3.1.3 Adhérence au traitement

Selon les résultats obtenus, les participantes ont généralement bien respecté l’ordonnance. Une seule de nos patientes s’est vu prescrire un traitement à l’héparine dès le début du projet additionné à une dose quotidienne de 81 mg d’AAS. La prise d’héparine était un critère d’exclusion mais pour respecter le type d’étude en intention-de-traiter, nous avons continué le suivi jusqu’à la fin de l’étude. Le taux global d’adhérence au traitement obtenu est de 95 %.

Parmi nos trente participantes, 22 ont obtenu un taux supérieur à 90 % à 22 semaines, la moitié d’entre elles ayant obtenu un taux de 100 %. Les principales raisons pour un plus faible taux d’adhérence (< 90 %) sont résumées dans le tableau suivant.

Tableau 3. Données sur l'adhérence au traitement à 22 semaines

Raison(s) N=30 Taux d’adhérence moyen

Arrêt imposé par le médecin Temporaire Saignements vaginaux 2 85 % Arrêt volontaire Permanent Saignements-intervention mineure à

l’oreille 1 79 %

Partiel Irrégularité au traitement 4 81 %

Considérant la technique de fabrication des capsules, toute participante à l’étude désireuse de le savoir de connaître le groupe dans lequel elle avait été randomisée au départ aurait pu le faire en ouvrant une de ses capsules. Cependant, il n’était pas possible pour nous d’obtenir cette information sinon par la participante elle-même. Des 30 participantes à l’étude, une seule a affirmé spontanément avoir ouvert les capsules pour éliminer le lactose à l’intérieur dans le but d’éviter certains désagréments gastriques associés au lactose sans toutefois dévoiler au personnel de recherche le groupe auquel elle appartenait.

33

3.2 Données sur l’indice de pulsatilité des femmes ayant un antécédent de PE Nous avons mesuré l’IP de chacune des participantes à leur entrée dans l’étude. Globalement, l’IP moyen des femmes participant à notre étude présente une distribution normale. Lorsque comparée aux résultats obtenus à 22 semaines, on observe une nette diminution de cette valeur avec un écart augmentant avec la valeur originale. (Figure 6)

Figure 6.Comparaison de l'indice de pulsatilité moyen dans la population à l'étude (n=30) à 12 semaines et à 22 semaines

Chaque point sur le graphique représente une participante et celles-ci ont été classées en fonction de leur valeur d’indice de pulsatilité moyen des artères utérines mesurée à 11-13 semaines de grossesse.

3.3 Effet de la résistance à l’AAS sur l’indice de pulsatilité à 22 semaines Nous avons déterminé la réponse au test PFA-100 à 17 semaines de grossesse (16,99 ± 0,58), soit environ 4 semaines après le début du traitement et obtenu 31 % de « non-répondantes » (résistantes) à l’AAS. Une des 30 participantes à l’étude a reçu des résultats non significatifs lors de son test PFA-100 à 17 semaines dû à des erreurs de manipulation, nous n’avons donc pas pu déterminer sa réponse à l’AAS pour un total de 9 résistantes sur 29. Le tableau 4 nous suggère que la résistance à l’AAS n’influence pas la valeur de l’IP moyen à 22 semaines, mais serait possiblement associée à une diminution moins prononcée de l’IP le plus bas (p=0,07).

34

AG12 : 12,7 semaines de grossesse; AG22 : 22,5 semaines de grossesse Res+ : Résistantes (test PFA-100 ≤ 150sec); Res- : Non-résistantes (test PFA-100 > 150 sec)

La proportion des participantes ayant une valeur de l’IP supérieure à 1.47 (équivalent au 95e percentile) à 22 semaines est de 13,3 % (4/30) et la proportion de celles ayant un IP < 0,69 (équivalent environ au 50e percentile) est de 13,3 % (4/30) également.[85]

Tableau 4.Résultats de l'effet de la résistance à l'AAS sur l'indice de pulsatilité des artères utérines en début de grossesse

Inter groupe Intra groupe n AG12 AG22 (AG22– AG12) Valeur-p µ±SD IC(95) µ±SD IC(95) IP moyen Res+ 9 1,88 ± 0,49 1,51 ; 2,26 1,03 ± 0,25 0,84 ; 1,23 -0,85 ± 0,59 0,8425 Res- 20 1,96 ± 0,79 1,59 ; 2,33 1,04 ± 0,41 0,84 ; 1,24 -0,90 ± 0,60 Différence entre les 2 groupes à 22 semaines

-0,01 ± 0,37 -0,31 ; 0,30

IP Low Res+ 9 1,44 ± 0,55 1,02 ; 1,87 1,06 ± 0,30 0,83 ; 1,29 -0,38 ± 0,57 0,0657 Res- 20 1,59 ± 0,62 1,30 ; 1,88 0,84 ± 0,29 0,70 ; 0,98 -0,77 ± 0,47 Différence entre les 2 groupes à 22 semaines

0,22 ± 0,29 -0,02 ; 0,47

IP High Res+ 9 2,32 ± 0,54 1,91 ; 2,74 1,01 ± 0,31 0,77 ; 1,25 -1,32 ± 0,67 0,4471 Res- 20 2,33 ± 1,02 1,85 ; 2,81 1,24 ± 0,57 0,96 ; 1,52 -1,07 ± 0,84 Différence entre les 2 groupes à 22 semaines

-0,23 ± 0,51 -0,66 ; 0,19

35

Chapitre 4. Discussion et Conclusion

4.1 Faisabilité Cette étude avait pour but principal d’évaluer la faisabilité d’un essai clinique visant à comparer l’effet de deux doses d’AAS en prévention des troubles hypertensifs de la grossesse chez des femmes avec une histoire de PE. Les critères de mesure étaient l’efficacité de la méthode de recrutement, le taux de rétention dans l’étude ainsi que l’adhérence au traitement.

4.1.1 Recrutement

Nous avons observé un taux de recrutement de 75 % et un taux de participation de 95 %. Ces résultats suggèrent un intérêt élevé pour l’étude parmi les femmes éligibles. La limite majeure liée au recrutement était l’utilisation d’héparine à bas poids moléculaire par plusieurs médecins. Des études récentes ont suggéré un effet supérieur de l’héparine sur l’incidence de PE ou autres complications associées à l’hypertension particulièrement chez les femmes ayant des coagulopathies, chez celles présentant une combinaison de facteurs de risques, ou celles ayant un antécédent de PE précoce. Cependant, les avis scientifiques sont encore divergents en ce qui concerne l’efficacité de l’héparine.[86] Malgré l’absence d’évidences claires, plusieurs femmes se voient souvent prescrire de l’héparine en fonction du degré de sévérité de leur complication antérieure et des facteurs de risque présents. Il s’agit donc d’une réalité à considérer lors de l’élaboration d’un protocole dans ce contexte précis.

Nous avons de plus constaté que nos critères de sélection originaux étaient trop restrictifs et nous avons dû apporter des changements en cours d’étude. Nous avons observé que les cofacteurs de risque de PE (diabète, hypertension chronique, etc.) étaient fréquents chez les femmes avec un antécédent de PE et ne devraient pas être considérés comme des critères d’exclusion. En fait, celles présentant ces facteurs sont probablement les plus à risque de présenter une récidive et de bénéficier le plus d’un traitement optimal à l’AAS.

Nous avons également surestimé la possibilité de recrutement dans un seul site. Il a déjà été suggéré qu’environ 40 % des essais cliniques doivent augmenter leur période de recrutement et une proportion similaire de ceux-ci doivent ajouter des centres de recrutement en cours de route afin de pouvoir atteindre leur objectif de recrutement.[79]

36

4.1.2 Rétention dans l’étude

Jusqu’à présent, une seule patiente a été perdue de vue pour un taux de perte au suivi de 3 %, tel qu’anticipé <10 %. Nous croyons que les mesures mises en place ont contribué à ce succès et devraient être considérées dans un futur essai à large échelle. Celles-ci incluent des visites de suivi aux 4 semaines en début d’étude, et ce, jusqu’à 22-23 semaines de grossesse, le remboursement des frais de stationnement aux participantes de l’étude, un encadrement serré assuré par une équipe coordonnatrice-médecin-pharmacien ainsi qu’un soutien constant avec des coordonnées directes (courriels, téléphone) pour les communications d’urgence.

4.1.3 Adhérence au traitement

Dans notre étude, nous avons obtenu un taux d’adhérence au traitement à 22 semaines de 94 %. Cela rejoint les données actuellement disponibles dans le cas d’un traitement simple.[84] Considérant la technique de préparation du traitement utilisée, soit la surencapsulation, la taille des capsules obtenues suscitait des réactions de surprise chez les participantes. Il est possible que cela puisse avoir affecté le taux d’adhérence au traitement de certaines participantes. Cependant, nos résultats démontrent que la taille du médicament n’a pas eu d’impact négatif majeur sur le taux d’adhérence global.

4.2 Objectifs secondaires Comme objectifs secondaires, nous proposions d’estimer l’IP moyen au 1er trimestre de la grossesse chez les femmes avec antécédent de PE et l’effet de la résistance à l’AAS sur l’IP à 22 semaines de grossesse.

4.2.1 Évaluation de la fonction placentaire : Indice de pulsatilité

Nous avons observé que l’IP dans notre population suit une distribution normale à l’entrée dans l’étude avec une valeur obtenue de 1,97 qui correspond à environ 1,2 fois la moyenne attendue dans une population normale.[85] Cependant, toutes les participantes à notre étude bénéficiaient d’un traitement à l’AAS et puisque nous croyons que la majorité de celles-ci auront un bénéfice à une dose de 80 mg, il devient très difficile d’atteindre la puissance nécessaire pour observer une différence significative avec une augmentation de la dose à 160 mg. Par ailleurs, il n’existe que très peu d’études ayant évalué l’effet de l’AAS sur le Doppler des artères utérines et nous n’avons trouvé aucune étude ayant évalué l’effet dose-réponse de l’AAS.

37

4.2.2 Taux de résistance à l’AAS

Jusqu’à présent, nous avons observé un taux de résistance à l’AAS de 31,03 % (intervalle de confiance à 95 % : 14,20 - 47,87) pour un taux attendu d’environ 20 % dans une population dont environ la moitié des femmes reçoivent 80 mg d’AAS quotidiennement (taux attendu d’environ 30 %), et l’autre moitié 160 mg (taux attendu de 5 %). Par ailleurs, nos données préliminaires suggèrent que l’effet de la résistance à l’AAS soit plus important sur l’IP le plus bas que sur l’IP moyen. Il serait donc possible que l’IP le plus bas soit un meilleur marqueur intermédiaire de la fonction placentaire au 2e trimestre. Selon Kofinas et coll., la valeur d’IP la plus basse est en général celle représentant la valeur obtenue du côté où est situé le placenta dans l'utérus, bien que la valeur de l’IP moyen soit possiblement la plus représentative de la fonction placentaire pour comparer des femmes ayant des placentas situés tant au centre que sur les côtés de l’utérus.[87]

4.3 Limitations de l’étude L’analyse actuelle nous a permis de constater quelques faiblesses méthodologique pouvant être une explication ces résultats. En premier lieu, notre critère de recrutement (antécédent de PE) n’est peut-être pas assez spécifique pour identifier des femmes à risque suffisamment élevé. En rétrospective, nous réalisons que les participantes ayant déjà un IP moyen très bas au 1er trimestre de la grossesse sont très peu à risque, voire sans risque d’avoir un IP moyen anormal ou élevé au 2e trimestre, l’IP s’améliorant habituellement de façon très importante entre la 12e et la 22e semaine de grossesse.

Les données publiées dans ce mémoire proviennent des 30 premières patientes recrutées pour un essai clinique randomisé permettant de comparer l’effet de deux doses différentes d’AAS sur la prééclampsie. Puisque cet essai clinique est toujours en cours, il n’a pas été possible de publier les données concernant la comparaison de cet effet. Il aurait été intéressant de pouvoir comparer les mêmes résultats en fonction de la dose d’AAS mais ces données devront faire partie d’une publication ultérieure.

Enfin, la méthode de surencapsulation utilisée de permet pas d’assurer l’utilisation à l’aveugle par la patiente de façon certaine. Certaines patientes ayant mentionné la possibilité d’ouvrir les capsules, il est possible que certaines aient cédé à la curiosité et aient été au courant du groupe auquel elles avaient été attribuées et, conséquemment, de la dose prise tout au long du projet.

38

4.4 Implications pour les recherches futures Nous suggérons que les critères de sélection d’un futur essai de grande envergure permettent de sélectionner des femmes à risques plus élevés de dysfonction placentaire ou de récidive de PE. Des données scientifiques récentes de notre équipe suggèrent que le risque de récidive de PE est presque nul (inférieur à 8 %) chez les femmes présentant un IP des artères utérines inférieur à 1,0 MoM, alors que le risque de récidive est élevé (supérieur à 15 %) chez celles ayant un IP > 1,0 MoM et très élevé (supérieur à 25 %) chez celles ayant un IP > 1,5 MoM.[88] De plus, comme les bénéfices de l’AAS sont possiblement spécifiques et plus importants chez les femmes à risque élevé de développer une PE préterme et/ou sévère, des formes de PE plus souvent associées à une dysfonction placentaire, il serait probablement important de recruter spécifiquement ces participantes dans un tel essai.[59, 60] L’utilisation de critères plus spécifiques à l’histoire des participantes (antécédent de PE sévère et/ou préterme); de marqueurs biochimiques (PAPP-A, sFlt-1, endogline); de Doppler des artères utérines; de facteurs de risque (hypertension chronique, diabète, etc.); ou de facteurs biophysiques (IMC élevé, tension artérielle élevée) pourrait possiblement permettre une sélection de femmes plus à risque.

Nous suggérons également l’utilisation d’une méthode différente, telle la compression, pour la fabrication du traitement afin d’éliminer toute possibilité pour la patiente, et le personnel de recherche, de connaître la dose attribuée au hasard ainsi que tout biais d’interprétation possible.

Conclusion Dans l’ensemble, les résultats que nous avons obtenus confirment la faisabilité d’un essai randomisé comparant deux doses d’AAS chez les femmes avec un antécédent de PE. Un tel essai permettrait de connaître la dose optimale du traitement et l’utilité de la mesure de l’agrégation plaquettaire. La

méthode de recrutement mise en place devrait considérer les barrières identifiées dans notre projet

pilote. Nos données finales permettront d’établir la taille d’échantillon nécessaire et l’utilité du Doppler au 1er trimestre de la grossesse pour la réalisation d’un essai de grande envergure. Finalement, nous recommandons l’utilisation de comprimés plutôt que des capsules pour assurer un aveuglement

complet chez les participantes.

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ANNEXE 1
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Diagramme du développement de l'étude
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ANNEXE 2
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Documents d'approbation initiale du projet de recherche
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Message generated by ClinicalTrials.gov Protocol Registration System ____________________________________________________________________ Centre hospitalier universitaire de Québec Protocol Record C10-11-108, Comparison of doses of acetylsalicylic acid in women with previous history of preeclampsia, has been reviewed and will be updated on the ClinicalTrials.gov public site. UPDATES USUALLY APPEAR ON ClinicalTrials.gov WITHIN 2 BUSINESS DAYS of the receipt of this message.The record has been edited by ClinicalTrials.gov as follows: Expanded "SOGC" in Eligibility. If the address list on this message does not include the appropriate individual(s), or if there are any problems or questions regarding this record, contact us at [email protected]. Thank you, Quality Assurance Team ClinicalTrials.gov ClinicalTrials.gov identifier: NCT01352234

De: ClinicalTrials.gov Registration [[email protected]] Date: mer. 2011-05-25 19:17

À: Sylvie Tapp

Cc: [email protected]; Emmanuel Bujold

Objet : ClinicalTrials.gov Protocol Record C10-11-108

Pièces jointes :

Page 1 sur 1

2011-09-12https://webmail.chuq.qc.ca/exchange/Sylvie.Tapp/Inbox/ClinicalTrials.gov%20Protocol...

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ANNEXE 3
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Modification des critères de sélection

PROJET ASA GROSSESSE

VÉRIFICATION DE L’ÉLIGIBILITÉ

Critères d’inclusion OUI NON

1. Entre 8 0/7 et 13 6/7 semaines de grossesse

2. Antécédent de pré-éclampsie documenté (dossier)

3. La femme est apte à comprendre et signer le formulaire de consentement

Critères d’exclusion 1. Allergie anaphylactique au lactose

2. Prise d’héparine ou d’aspirine pour une raison autre que le projet de recherche actuel

3. Contre-indication à la prise d’aspirine 4. Coagulopathie connue (déficience anti-thrombine III, facteur V Leiden, syndrome anti-

phospholipides, mutation de la prothrombine, déficience en protéine S ou en protéine C)

5. Hypertension artérielle pré-gestationnelle traitée

6. IMC>35 kg/m2

7. Maladies systémiques chroniques (incluant diabète, lupus, arthrite rhumatoïde, autres collagénoses)

8. Anomalie fœtale sévère (hygroma kystique, clarté nucale > 95ième percentile, anencéphalie, etc.)

9. Antécédents d’ulcères et/ou gastro-duodénales actives

10. Grossesse multiple

11. Accouchement prévu dans un autre centre que celui de l’étude (CHUL)

Si vous avez répondu ‘’OUI’’ à tous les critères d’inclusion et “NON” à tous les critères d’exclusion, la femme est ADMISSIBLE.

VÉRIFICATION DU CONSENTEMENT

Consentement obtenu NON OUI Si NON, indiquer la(les) raison(s) du refus:

Si oui, FAIRE SIGNER LE CONSENTEMENT ET

o Faire visite 1 OU

o Prendre rendez-vous à ≤7 jours – IMPORTANT– la visite DOIT être faite ≤ 13 6/7 semaines

DATE de signature du formulaire de consentement :______________________________________ DATE de la visite 1 (si ultérieure) : ______________________________________

No participante attribué ASA – 01 -

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