Troubles de l'équilibre acido-basique CNER

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1 Troubles de l’équilibre acido-basique Item 265. Troubles de l'équilibre acido-basique et désordres hydro-électrolytiques Prescrire et interpréter un examen des gaz du sang et un ionogramme sanguin en fonction d'une situation clinique donnée. Savoir diagnostiquer et traiter : une acidose métabolique, une acidose ventilatoire, une hypokaliémie, une hyperkaliémie, une hyponatrémie, une hypernatrémie, une hypocalcémie.

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Troubles de l’équilibre acido-basique

Item 265. Troubles de l'équilibre acido-basique et désordres hydro-électrolytiques

Prescrire et interpréter un examen des gaz du sang et un ionogramme sanguin en fonction d'une situation clinique donnée.

Savoir diagnostiquer et traiter : une acidose métabolique, une acidose ventilatoire, une hypokaliémie, une hyperkaliémie, une hyponatrémie, une hypernatrémie, une hypocalcémie.

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I- Pour comprendre

1) Le pH dépend de la concentration en ions H+ et, plus précisément, est le logarithme inverse de

la concentration en ions H+ (pH= -log10 [H+].

2) La stabilité du pH dépend de plusieurs mécanismes en pratique clinique :

a- Les systèmes tampons de l’organisme. Ces derniers sont extra- ou intracellulaires. Le principal

système tampon est représenté par le couple bicarbonates-CO2 extracellulaire. D’autres systèmes

tampons mineurs existent mais sont habituellement négligés, parfois à tort, dans l’interprétation

des troubles de l’équilibre acido-basique (protéines, phosphates, hémoglobine).

b- L’excrétion rénale de H+. Cette dernière peut se faire sous 3 formes :

i- Forme libre dont la concentration détermine le pH urinaire

ii- Forme liée à l’ammoniac (NH3). Il s’agit du principal système de l’élimination rénale d’ions

H+ et l’élimination de ces derniers se fait par transformation de l’ammoniac (NH3) en

ammonium (NH4+).

iii- Acide titrable. Il s’agit de la part d’ions H+ fixé à des tampons urinaires non volatiles. Le

principal est le phosphate-disodique (Na2HPO4) qui peut fixer un ion H+ en échange d’un Na+

qui est réabsorbé. Le phosphate monosodique (NaHPO4) étant excrété.

c- La ventilation alvéolaire, déterminant de la PaCO2. En effet, par le biais de l’anhydrase

carbonique, le système tampon bicarbonate est étroitement lié à la PaCO2. Ainsi, H2CO3 va être

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transformé en eau (H2O) et en CO2 selon la formule l’équation suivante : H2CO3 ↔ H2O +

CO2.

3) Le pH normal chez le sujet sain est de 7.40 +/- 0.02. Le système bicarbonate étant le principal

système tampon de l’organisme, pH, CO2 et Bicarbonates sont liés par la formule suivante :

pH = 6.1 +Log [Base]/[Acide]

→ pH = 6.1 + Log [HCO3-]/[H2CO3]

→ pH = 6.1 + Log [HCO3- (mmol)]/[0.03 [CO2 (mmHg)] : Equation d’Henderson-Hasselbach

4) En cas d’anomalie de l’équilibre acido-basique, cette dernière peut-être métabolique (liée aux

variations de la concentration des ions H+ ou de bicarbonates plasmatiques) ou respiratoire (liée

aux variations de PaCO2). Un phénomène compensatoire peut survenir afin de limiter les

variations du pH.

Afin de caractériser une anomalie de l’équilibre acido-basique, il est nécessaire de se rappeler de

trois règles :

a) il faut de disposer des trois variables de l’équation d’Henderson-Hasselbach (pH, PaCO2,

Bicarbonates).

b) l’organisme ne surcompense jamais (un pH ≤ 7.38 correspond à une acidose compensée ou

non ; un pH ≥ 7.42 correspond à une alcalose compensée ou non ; un pH strictement normal

[7,40] correspond le plus souvent à un trouble mixte de l’équilibre acido-basique).

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c) La compensation respiratoire est rapide (minutes) mais la compensation métabolique est

généralement retardée (heures à jours).

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II – Acidoses métaboliques

A- Définition et diagnostic biologique

L’acidose métabolique est définie par une acidose (pH <7.38) avec une diminution des

bicarbonates plasmatiques.

Le pH dépend de la profondeur de l’acidose et de la compensation respiratoire (PaCO2). La

compensation dépend de l’âge du patient et du terrain. Chez le sujet présentant ne présentant

pas d’insuffisance respiratoire chronique, la PaCO2 est abaissée (<36 mmHg) afin de

compenser l’anomalie métabolique.

L’hyperventilation nécessaire à la compensation peut entrainer un épuisement respiratoire, en

particulier en cas d’insuffisance respiratoire chronique sous-jacente.

B- Présentation clinique et éléments de gravité

La polypnée est le seul signe clinique spécifique de l’acidose métabolique. Elle est la

traduction de l’hyperventilation alvéolaire. Elle est classiquement ample, profonde, lente et

ces caractéristiques définissent une dyspnée de Kussmaul. Elle survient malgré l’absence de

pathologie pulmonaire associée (Dyspnée sine materia).

Si des troubles neurologiques (allant de la stupeur au coma) ou des anomalies cardio-

circulatoires (collapsus, arrêt cardiaque) sont parfois décrits, ils ne surviennent en général

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que pour des acidoses extrêmes et sont le plus souvent liés à l’étiologie de de l’acidose

métabolique.

Éléments de gravité – Risques

a) La sévérité d’une acidose métabolique dépend essentiellement de son mécanisme et de sa

profondeur.

b) Elle peut en soi provoquer une détresse respiratoire par épuisement respiratoires en

conséquence de l’hyperventilation alvéolaire chez des sujets à risque.

c) Elle peut induire une hyperkaliémie, parfois menaçante, par transfert du potassium du

secteur intra- au secteur extracellulaire.

d) Déterminer le mécanisme étiologique est une urgence.

e) L’existence d’une acidose profonde (pH < 7,25 et/ou HCO3- < 15 mmol/L) impose

l’hospitalisation en secteur de soin continu.

C- Mécanismes et Diagnostic étiologique

- Il convient de distinguer les acidoses par accumulation d’un acide indosé (donneur d’ion

H+) et les acidoses par accumulation d’ion H+ ou par perte de bicarbonates.

- Le mécanisme de l’acidose peut-être approché par le calcul du trou anionique (figure 1). Ce

dernier est calculé par la formule (Na+ K) – (Cl + HCO3). Un trou anionique <16 est

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considéré comme normal et signe une perte de bicarbonate (figure 1). Un trou anionique >20

est élevé et signe une accumulation d’acide indosé (figure 1).

- Le diagnostic étiologique est rappelé sur la figure 2. On distingue :

a) Les acidoses métaboliques avec trou anionique augmenté :

Il s’agit des acidoses métaboliques avec accumulation d’un acide circulant qui peut-être

endogène ou exogène.

Au sein des acides endogènes il faut noter :

- Les acidocétoses où l’accumulation d’acide -hydroxy-butyrique et/ou d’acide acéto-

acétique. L’étiologie principale reste le diabète de type 1.

- Les acidoses lactiques qui peuvent accompagner les états de chocs, les intoxications par

les biguanides, les ischémies aiguës, et les insuffisances hépatocellulaires.

- Les insuffisances rénales sévères à terminales (clairance <30 mL/min/1.73m²) par

accumulation de phosphates, de sulfates ou d’acides organiques.

Au sein des acides exogènes il faut noter :

- L’acide acétylsalicylique. L’intoxication à l’aspirine peut par ailleurs donner un trouble

métabolique complexe associant acidose métabolique et alcalose ventilatoire d’origine

centrale.

- Les alcools toxiques : méthanol, éthylène glycol, propylène glycol.

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- Acide Nalidixique.

b) Les acidoses métaboliques avec trou anionique normal

Il s’agit des acidoses métaboliques par perte de bicarbonates ou accumulation d’ion H+.

On distingue les causes rénales et extra-rénales.

Causes rénales :

- Acidoses tubulaires : Elles sont évoquées en cas d’acidoses hyperchlorémiques avec débit

de filtration glomérulaire normal ou peu altéré (> 30 mL/min/1.73m²) non expliquée par

une autre cause. On distingue 3 types d’acidoses tubulaires qui sont en générales

différenciées par la kaliémie, mais aussi des épreuves fonctionnelles (épreuve

d’acidification ou d’alcalinisation des urines):

o Acidose tubulaire de type I (distale): Acidose hypokaliémique liée à un défaut de

sécrétion de H+. Le pH urinaire est en conséquence inapproprié (≥6).

o Acidose tubulaire de type II (proximale): Acidose hypokaliémique liée à un

défaut de réabsorption des bicarbonates. Le pH urinaire est habituellement <5.5.

Dans sa forme complète (syndrome de Fanconi), elle est associée à une amino-

acidurie, une phosphaturie avec hypophosphatémie, et une glycosurie

normoglycémique. Elle peut-être secondaire à une gammapathie monoclonale,

une néphropathie interstitielle ou à certains toxiques métaux lourds,

amphotéricine B

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o Acidose tubulaire de type IV (hyperkaliémique) : Elle peut-être liée à un

hyporéninisme hypoaldostéronisme ou à une uropathie obstructive.

- Insuffisance rénales modérées par défaut d’ammoniurie (excrétion de H+ sous forme de

NH4+).

Causes extra-rénales :

Il s’agit principalement de causes digestives liées à des pertes intestinales de bicarbonates :

diarrhées aiguës, fistules duodénales ou fistules pancréatiques.

Trucs et astuces

- Le calcul et l’interprétation du trou anionique plasmatique sont parfois compliqués,

d’autant plus que s’associent d’autres troubles hydro-électrolytiques. D’autres approches,

pas plus simples au final, ont été proposées (Approche de Stewart).

- En pratique courante et surtout dans le contexte de l’urgence, le diagnostic

étiologique de l’acidose métabolique est souvent facilement réalisé en évaluant

simplement à partir de l’anamnèse et de la situation actuelle, la possibilité des

principales étiologies, sans passer par le trou anionique :

o acido-cétose bandelette urinaire, glycémie

o acidose lactique dosage artériel de lactate

o insuffisance rénale aiguë diurèse créatininémie

o perte digestive diarrhée ? Fistule digestive ?

- Lors de la réanimation des états de choc, il est souvent constaté après remplissage massif

par du soluté salé isotonique une acidose dite de dilution (liée à la dilution du bicarbonate

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plasmatique, absent du soluté salé ; le trou anionique est normal), souvent associée à une

acidose lactique et/ou à une acidose de l’insuffisance rénale.

D- Prise en charge

La prise en charge des acidoses métaboliques ne s’envisage que par le traitement étiologique

lorsqu’il est possible.

En cas d’acidose métabolique, la conférence de consensus organisée par la Société de

réanimation de langue française a souligné deux éléments de prise en charge :

1) Assurer la clairance du CO2. Cela implique, en cas d’insuffisance respiratoire chronique ou

d’épuisement ventilatoire de recourir le cas échéant à la ventilation mécanique;

2) L’alcalinisation n’est pas indiquée en cas d’acidose métabolique aiguë, même profonde, sauf

pertes excessives de bicarbonate, acidose métabolique associée à une hyperkaliémie ou au cours

d'une intoxication par des produits à effet stabilisant de membrane. Le soluté le plus utilisé reste

le bicarbonate de sodium isotonique (14 ‰) à une posologie initiale de 1 à 2 mmol/kg en

perfusion lente. Le pH doit être contrôlé 30 minutes après l’arrêt de la perfusion. Une épuration

extra-rénale peut-être indiquée dans certaines circonstances (insuffisance rénale aiguë, surcharge

hydrosodée…).

Il est nécessaire de prévenir et traiter les troubles hydro-électrolytiques associés (hypokaliémies,

hypophosphatémies, hypocalcémies).

Au cours des acidoses par perte de bicarbonates, l’alcalinisation par voie orale (eau de vichy,

citrate, gélules de bicarbonate) peut être suffisante. Elle permet principalement d’éviter la

consommation du tampon phosphate et ses conséquences osseuses (rachitisme/ostéomalacie

hypophosphatémique).

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III- Acidoses respiratoires

A- Définition et diagnostic biologique

L’acidose respiratoire est définie par une acidose (pH <7.38) avec une augmentation de la

PaCO2. L’hypercapnie est toujours secondaire à une hypoventilation alvéolaire et

l’hypoxémie est donc systématique qu’il y ait ou non une altération de la membrane alvéolo-

capillaire.

Le pH dépend de l’importance de l’hypercapnie et de la compensation métabolique

(élévation des bicarbonates). Cette dernière est en générale retardée de 24 à 48h ce qui

permet de distinguer les hypoventilations alvéolaires aiguës (sans compensation) des

acidoses chronique (avec compensation).

B- Présentation clinique et éléments de gravité

Les signes cliniques sont liés à l’hypercapnie (agitation, troubles de vigilance, hypertension,

sueurs, érythème), à l’hypoxémie (polypnée, cyanose, détresse respiratoire), à la maladie

sous-jacente (tableau d’anasarque ou d’insuffisance ventriculaire droite en cas d’insuffisance

respiratoire chronique, pathologie neuromusculaire aiguë ou chronique), ou au facteur de

décompensation en cas de décompensation d’une pathologie chronique.

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Éléments de gravité – Risques

- La sévérité est liée à l’importance de l’hypoventilation alvéolaire, à la pathologie sous-

jacente et au mécanisme d’une éventuelle décompensation.

- En cas de pathologie pulmonaire chronique, une acidose avec pH <7.35 doit inciter à une

prise en charge spécifique.

- En cas de pathologie neuromusculaire (myasthénie, polyradiculonévrite aiguë), toute

dyspnée avec normocapnie ou toute acidose respiratoire non compensée doivent être

considéré comme sévère et surveillé dans un secteur de soin intensif ou de réanimation.

- Le risque est lié à l’hypoventilation alvéolaire plus qu’a l’acidose elle-même. Une insuffisance

respiratoire aiguë avec acidose respiratoire est une situation urgente où le pronostic vital est

immédiatement mis en jeu.

C- Mécanismes et Diagnostic étiologique

- Il convient de distinguer les acidoses respiratoires d’origine neuromusculaire des acidoses

respiratoires d’origine thoraco-pulmonaires.

Causes neuromusculaires :

Elles sont liées aux affections du système nerveux central, aux atteints médullaires,

périphériques, ou musculaires.

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Les atteintes du système nerveux central peuvent être en cause en cas d’atteinte du tronc,

qu’elle soit vasculaire, infectieuse ou traumatique. Les médicaments dépresseurs de la

commande respiratoire (morphiniques ou autre hypnotiques) sont une cause classique. Enfin,

il existe des causes acquise (syndrome de Pickwick) ou congénitales (syndrome d’Ondine)

d’hypoventilation alvéolaire centrale.

Causes thoraco-pulmonaires :

Elles sont liées aux affections aiguës ou chroniques thoraco-pulmonaires. Les causes

chroniques sont, en dehors des décompensations aiguës, associées à une acidose respiratoire

compensée. Les causes chroniques sont représentées par les insuffisances respiratoires

chroniques qu’elles soient de mécanisme obstructif ou restrictif. L’ensemble des causes

d’insuffisance respiratoire aiguë peut conduire à une acidose respiratoire. Cette dernière

signe en général une atteinte sévère et un épuisement respiratoire.

D- Prise en charge

La prise en charge est celle de l’hypoventilation alvéolaire (voir chapitre correspondant).

Une prise en charge étiologique est le plus souvent nécessaire. Une assistance ventilatoire

invasive ou non-invasive doit être discutée. La ventilation non-invasive est le traitement de choix

des décompensations d’insuffisance respiratoire chronique ou des œdèmes aigus du poumon

d’origine cardiogénique avec hypoventilation alvéolaire. Au cours des pathologies

neuromusculaire et des pathologies pulmonaires aiguës, la ventilation conventionnelle est le

traitement de premier choix.

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IV- Alcalose métabolique

A- Définition et diagnostic biologique

L’alcalose métabolique est définie par une alcalose (pH>7.42) liée à une augmentation des

bicarbonates plasmatiques. Elle est en général associée à une hypoventilation alvéolaire

compensatrice.

Ce trouble métabolique est fréquemment associé à une déshydratation extracellulaire du fait

des mécanismes impliqués. Cette déshydratation est responsable d’une activation du système

rénine-angiotensine-aldostérone qui majore l’alcalose ou l’entretien. De plus, l’hypokaliémie

et l’alcalose métaboliques sont souvent associées et tendent à se majorer l’un l’autre.

L’alcalose métabolique favorise un transfert intracellulaire de potassium majorant

l’hypokaliémie. L’hypokaliémie, quand à elle, va favoriser une alcalose en entrainant une

acidification des urines et en favorisant un transfert d’ion H+ du secteur extra- au secteur

intracellulaire.

B- Présentation clinique et éléments de gravité

Les signes cliniques liés à l’alcalose sont rares mais peuvent associer trois types d’atteintes :

Atteinte neurologique avec troubles de la vigilance qui sont d’intensité variable et sont la

conséquence d’une baisse du débit sanguin cérébral en réponse à l’alcalose. Par ailleurs, la

baisse du calcium ionisé en réponse à l’alcalose peut entrainer une faiblesse musculaire, une

tétanie ou des myoclonies.

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Une atteinte cardiovasculaire avec un syndrome coronarien aigu qui peut résulter d’une

diminution du débit sanguin coronaire en réponse à l’alcalose. Par ailleurs, les complications

spécifiques de l’hypokaliémie de transfert qui accompagne l’alcalose (troubles du rythme

auriculaire ou ventriculaire) peuvent-être au premier plan.

Enfin, la réponse ventilatoire à l’alcalose métabolique (hypoventilation alvéolaire) peut

s’accompagner d’une hypoxémie qui, en l’absence d’atteinte de la barrière alvéolo-capillaire

est proportionnelle à l’élévation de la PaCO2.

Éléments de gravité – Risques

La sévérité est liée à l’importance de l’alcalose, aux conséquences vasculaires qui en

découlent, aux troubles métaboliques associés (hypokaliémie notamment), ainsi qu’au

mécanisme de l’alcalose ou son mécanisme d’entretien.

C- Mécanismes et Diagnostic étiologique

- Il convient de distinguer les alcaloses métaboliques selon leur mécanisme :

Excès d’apport en bicarbonates :

Il s’agit d’une alcalose liée à l’apport de bicarbonates par voie intraveineuse ou orale

(« syndrome du lait et des alcalins » : antiacides, soda, lait). Rare, elle survient

préférentiellement chez les patients insuffisants rénaux chez qui la capacité d’excrétion des

bicarbonates est diminuée. Elle est en générale réversible à l’arrêt de l’apport.

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Pertes d’ions H+ :

Cette perte peut-être digestive ou rénale.

- Causes digestives : Il s’agit principalement des pertes digestives hautes (vomissement,

aspiration digestive). Elle est en général associée à une hypokaliémie et une

déshydratation extracellulaire qui entretiennent l’alcalose et majorent cette dernière.

- Pertes rénales : Ces dernières peuvent être associée à une déshydratation extracellulaire

ou non.

o Pertes rénales d’ion H+ et déshydratation extracellulaire. Il s’agit des alcaloses

métaboliques associées aux diurétiques de l’anse ou thiazidiques ; des alcaloses

métaboliques liées aux hypercalcémies (fuite urinaire d’ion H+ éventuellement

associée à des vomissements), du syndrome de bartter.

o Perte rénales d’ion H+ sans déshydratation extracellulaire. Il s’agit des alcaloses

métaboliques associées aux hyperaldostéronismes (syndrome de Conn, HTA

malignes), aux hyper-corticismes (syndrome de Cushing), ou à l’acide

glycyrrhizique (réglisse).

Enfin, la déshydratation extracellulaire en elle-même favorise une alcalose de contraction.

Ces causes d’alcaloses sont très souvent intriquées et il est nécessaire de traiter l’ensemble

des facteurs d’entretien de l’alcalose lors de la prise en charge de cette dernière.

D- Prise en charge

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La prise en charge est celle de l’étiologie et la correction des anomalies hydro-électrolytiques

associées : correction de la déshydratation extracellulaire, d’une hypokaliémie, d’une

hypercalcémie.

En cas d’apport de bicarbonates, de diurétiques de l’anse ou d’acide glycyrrhizique, l’arrêt de ces

derniers est nécessaire.

Les alcaloses métaboliques sévères (pH>7.60), avec signes neurologiques ou cardiovasculaire,

ou associées à une hypokaliémie sévère, une hypercalcémie symptomatique ou une

déshydratation extracellulaire importante doivent être hospitalisées en secteur de soin intensif.

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V- Alcalose respiratoires

A- Définition et diagnostic biologique

L’alcalose respiratoire est définie par une alcalose (pH>7.42) liée à une hyperventilation

alvéolaire. La compensation métabolique est en général retardée. .

B- Présentation clinique et éléments de gravité

Les signes cliniques liés à l’alcalose et aux conséquences circulatoires de cette dernière, à

l’hyperventilation et à la baisse du calcium ionisé. On note ainsi, tout comme pour l’alcalose

métabolique :

Des atteintes neurologiques avec troubles de la vigilance qui sont d’intensité variable et sont

la conséquence d’une baisse du débit sanguin cérébral en réponse à l’alcalose. Elle peut

aggraver une ischémie cérébrale ou une agression cérébrale préexistante. Par ailleurs, la

baisse du calcium ionisé en réponse à l’alcalose peut entrainer une faiblesse musculaire, une

tétanie ou des myoclonies.

Une atteinte cardiovasculaire avec un syndrome coronarien aigu qui peut résulter d’une

diminution du débit sanguin coronaire en réponse à l’alcalose et les complications

spécifiques de l’hypokaliémie de transfert qui accompagne l’alcalose (troubles du rythme

auriculaire ou ventriculaire).

Éléments de gravité – Risques

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La sévérité est liée à l’importance de l’alcalose et aux conséquences vasculaires qui en

découlent, aux troubles métaboliques associés. Enfin au cours des alcaloses respiratoires avec

pathologies pulmonaires, la sévérité de cette dernière est en général au premier plan.

C- Mécanismes et Diagnostic étiologique

- Il convient de distinguer les alcaloses respiratoires avec pathologie pulmonaire et les

alcaloses métaboliques liées à une pathologie centrale.

Insuffisance respiratoire aiguë :

L’ensemble des pathologies pulmonaires (pneumopathies bactériennes, OAP, SDRA,

pneumopathies infiltratives diffuses) ou vasculaires (embolie pulmonaire). L’hypoxémie est

en général le principal mécanisme de l’hyperventilation.

Pathologies centrales :

Il s’agit en général des atteintes centrales, le plus souvent avec atteinte du tronc

cérébral (encéphalites infectieuses ou méningo-encéphalites, tumeurs, traumatismes), des

encéphalopathies hépatiques, des intoxications aux salicylés ou des hyperventilations

psychogènes (anxiété, douleur).

D- Prise en charge

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Au cours des atteintes respiratoires aiguës, la correction de l’hypoxémie suffit le plus souvent à

corriger l’alcalose.

En cas d’atteinte central et menaçante, en particulier en cas d’atteinte organique, il peut-être

nécessaire de recourir à la ventilation mécanique afin de limiter l’hypoperfusion cérébrale ou

myocardique.

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Figure 1- Trou anionique. Le trou anionique est le reflet d’un écart entre les cations et les anions habituellement dosés.

En cas d’accumulation d’acide (Anion donneur d’ion H+), la baisse des bicarbonates, observée en conséquence de la mise en jeu du

systéme tampon, est compensée par la présence de l’anion supplémentaire (acide). Le bicarbonate baisse, le chlore reste stable de

même que les cations dosés, le trou anionique est donc augmenté en reflet de la concentration d’acide indosé.

En cas de baisse des bicarbonates sans accumulation d’acide indosé, la baisse des bicarbonates, entraine une baisse globale de la

concentration d’anion. L’équilibre électrique est maintenu par la réabsorption de chlore. La somme chlore + bicarbonate est donc

stable de même que le trou anionique.

Cations

indosés

Cations

Indosés

Na+

K+

Anions

Indosés

Cl-

HCO3-

Trou anionique

Cations

indosés

Cations

Indosés

Na+

K+

Anions

Indosés

Cl-

HCO3-

Trou anionique

Cations

indosés

Cations

Indosés

Na+

K+

Anions

Indosés

Cl-

HCO3-Trou anionique

Perte de bicarbonate compensée par une augmentation du Cl-

= trou anionique normal

Cations

indosés

Cations

Indosés

Na+

K+

Anions

Indosés

Cl-

HCO3-Trou anionique

Perte de bicarbonate compensée par une augmentation du Cl-

= trou anionique normal

Cations

indosés

Cations

Indosés

Na+

K+

Anions

Indosés

Cl-

HCO3-Trou anionique

Acide Acide circulant compensant la perte d’HCO3-

= trou anionique augmentéTrou anionique

Cations

indosés

Cations

Indosés

Na+

K+

Anions

Indosés

Cl-

HCO3-Trou anionique

Acide Acide circulant compensant la perte d’HCO3-

= trou anionique augmentéTrou anionique

Cations

indosés

Cations

Indosés

Na+

K+

Anions

Indosés

Cl-

HCO3-

Trou anionique

Cations

indosés

Cations

Indosés

Na+

K+

Anions

Indosés

Cl-

HCO3-

Trou anionique

Cations

indosés

Cations

Indosés

Na+

K+

Anions

Indosés

Cl-

HCO3-Trou anionique

Perte de bicarbonate compensée par une augmentation du Cl-

= trou anionique normal

Cations

indosés

Cations

Indosés

Na+

K+

Anions

Indosés

Cl-

HCO3-Trou anionique

Perte de bicarbonate compensée par une augmentation du Cl-

= trou anionique normal

Cations

indosés

Cations

Indosés

Na+

K+

Anions

Indosés

Cl-

HCO3-Trou anionique

Acide Acide circulant compensant la perte d’HCO3-

= trou anionique augmentéTrou anionique

Cations

indosés

Cations

Indosés

Na+

K+

Anions

Indosés

Cl-

HCO3-Trou anionique

Acide Acide circulant compensant la perte d’HCO3-

= trou anionique augmentéTrou anionique

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Figure 2. Principales étiologies des acidoses métaboliques

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Points clés

• Le pH normal varie de 7.38 à 7.42. Il est déterminé par la concentration relative

d’acide (CO2) et de base (Bicarbonate).

• Poser un diagnostic étiologique est une urgence au cours des troubles de

l’équilibre acido-basique.

• La prise en charge repose principalement sur la prise en charge étiologique. Au

cours des acidoses métaboliques, le calcul du trou anionique est la première étape du diagnostic

étiologique.

• Les indications à l’alcalinisation sont rares au cours des acidoses métaboliques.

• Les acidoses respiratoires, à l’exception des acidoses compensées de l’insuffisant

respiratoire chronique, reflètent systématiquement une hypoventilation alvéolaire et sont des

urgences thérapeutiques.

• Les alcaloses métaboliques sont le plus souvent associées à des mécanismes

d’entretien : alcalinisation poursuivie, toxique, déshydratation extracellulaire, hypokaliémie ou

hypercalcémie dont la prise en charge permet le plus souvent de contrôler le trouble acido-

basique.