Trois Messagers Pour Un Seul Di - Arnaldez Roger

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  • Premire dition : ditions Albin Michel S.A., 1983

    Nouvelle dition au format de poche : ditions Albin Michel S.A., 1991

    9782226053602

    ISBN : 978-2-226-29359-6

    Centre national du livre

  • Collection Spiritualits vivantes fonde par Jean Herbert

    Nouvelles sries diriges parMarc de Smedt

  • CHAPITRE I

    Trois messagers et troismessages

    Distinguer pour unir (J. MARITAIN)

    Mose, Jsus et Muammad : trois messagersdun seul et unique Dieu ! Et cependant troismessages diffrents, trois religions qui sopposentdans leurs dogmes, parfois dans leur esprit et dansla conception quelles ont de Celui qui a envoyleur fondateur ! Comment comprendre et justifierde telles divergences si le Dieu dont elles serclament est en Sa ralit le mme ? Il faut eneffet, pour faire uvre utile, viter ds le dpart

  • toute confusion et prendre garde de ne pas tomberdans un syncrtisme htif : le syncrtisme est unedgnrescence de la pense. Or, on constate unetendance marque chez ceux qui, de nos jours, sontpris dunit et dcumnisme ; elle consiste juger que, Dieu tant unique, il ne saurait y avoirpluralit de messages ; par suite, tout ce quisoppose est extrieur la rvlation vritable :cest une uvre humaine quil est ncessaire derejeter pour sen tenir lessentiel : lexistencedun Dieu unique, Seigneur et Crateur de touteschoses, qui guide lhumanit par sa Parole, et quiralise les fins dernires de lhomme. Ce point devue est dj clairement manifest dans le Coran(3,64) : Dis : Gens du Livre, venez-en uneproposition identique entre vous et nous, savoirque nous nadorions que Dieu, que nous ne Luiassociions rien, que nous ne prenions pas certainsdentre nous pour seigneurs en dehors de Dieu.

  • Cette exhortation est accompagne dun blme lgard des Juifs et des Chrtiens (9,31) : Ils ontpris leurs rabbins et leurs moines commeSeigneurs en dehors de Dieu , et lescommentateurs musulmans ne manquent pas denconclure que les croyances juives et chrtiennes nersultent pas dun enseignement divin, mais desspculations humaines des docteurs de la Loi etdes Pres de lglise. Mais, si on sen tenait lalettre de ces versets, le Dieu unique des troismonothismes ne se distinguerait pas du Dieuunique des philosophes, et, puisque les penseursgrecs, par-del le polythisme de la cit, sontarrivs concevoir un matre suprme delunivers, dont les diffrentes divinits ne seraientque les puissances, on peut en conclure que laraison humaine elle seule peut, sans le recoursdaucune rvlation, fonder un vritablemonothisme. Dans ce cas, on naura plus besoin

  • de messagers et lIslam perdra toute valeurparticulire, autant dailleurs que le Judasme et leChristianisme. Ce sera une pure fantaisie humaineque de penser, pour sauver les religions rvles,que les philosophes ont t inspirs par lesprophtes, ainsi que lont cru Philon dAlexandrieet plus tard, en Islam, Ab Sulaymn al-Sijistn(IVe/Xe sicle) qui crivait dans Le Coffret de laSagesse, que tous les sages de la Grce avaientreu la lumire de la Niche de la prophtie , ensappuyant sur un verset clbre de la sourate al-Nr (24, 35) : Dieu est la Lumire du ciel et dela terre. On peut figurer la lumire comme uneniche o se trouve une lampe, la lampe est dans unverre, et le verre est comme si ctait une toilebrillante, allume un arbre bni, un olivier quinest ni de lOrient ni de lOccident, et dont lhuilepourrait presque rpandre une clart, mme siaucun feu ne la touchait : Lumire sur lumire !

  • Dieu conduit vers Sa Lumire qui Il veut. Cestde ce verset quest tire lide de la niche de laprophtie. Nanmoins, si le Tout-Puissant clairequi Il veut, il semble un peu aventur de fonder surce verset lide que les philosophes seraienttouchs par la lumire de cette niche.

    Mais le Dieu de lIslam, non plus que celui duJudasme ou du Christianisme, ne sidentifie auDieu des philosophes. Sans doute uneconnaissance superficielle du Coran peut-elle faireillusion ; cest ce quillustre le jugement decertains philosophes du XVIIIe sicle qui ont vudans lIslam une expression de la religionnaturelle . Mais en fait, la thologie musulmanene reconnat ni droit naturel, ni morale naturelle, nireligion naturelle. Ce qui est appel fira, et quontraduit parfois par nature , nest en ralit quela marque de la cration sur la crature,louverture de lhomme son Crateur. La raison

  • est donne pour recevoir et comprendre la Parolede Dieu, non pour sengager dans des spculationsautonomes. Enfin le Coran apporte une Loipositive, un ensemble de commandements dont laseule justification est le vouloir absolu de Dieu quilgifre comme Il veut. Rien nest plus loigndune loi naturelle.

    Par consquent, de ce point de vue, ce seraitfausser lIslam que den faire une sorte de commundnominateur de tous les monothismes, car leCoran ne prche pas seulement lunicit de Dieu,Sa toute-puissance, Son omniscience, et autresattributs, vrits qui se retrouvent djeffectivement dans lAncien et le NouveauTestament ; il enseigne une loi qui nest pas cellede la Bible, et moins encore celle des vangiles,une loi qui abroge toutes celles qui lont prcdeet qui ne sera jamais abroge ; il demande dobir un prophte que ne reconnaissent ni les Juifs ni

  • les Chrtiens, et dailleurs la dfinition duprophte et de la prophtie varie de lune lautredes trois religions.

    Le problme de la diversit des messages restedonc entier : il ny a pas moyen de le rduire unnoyau commun si on se place lintrieur de lunedes trois familles religieuses : il faut tre juif,chrtien ou musulman ; adhrer une foi qui exclutles deux autres. Si on veut dgager un monothismeen soi, une thologie monothiste en soi, unemorale monothiste en soi, des valeursmonothistes comme telles, il faut sortir la foisdes trois religions monothistes, se placer endehors ou au-dessus delles, cest--dire endfinitive, ngliger les particularits de leursmessages, faire abstraction de leur caractre demessage, supprimer la notion mme de Messager.

  • Le Dieu dIsralIl convient dailleurs de noter que les docteurs

    des trois monothismes, rflchissant sur leurstextes sacrs, nont pas manqu dans leurscontroverses directes ou indirectes, dabordercette dlicate question. Leurs positions sont nettes.Les Juifs ont lavantage dtre les premiers : laBible est et reste, dun point de vue historique, lasource unique, et, dun point de vue dogmatiqueune rfrence constante. Le Dieu unique, lepremier qui ait t ador par des hommes dunefaon claire et explicite, cest le Dieu des Juifs,dAbraham, dIsaac et de Jacob, celui qui a faitsortir son peuple dgypte, qui la conduit jusqula terre promise, qui a fait alliance avec lui pourtoujours et lui a envoy, par Mose, une loiimmuable qui le distingue de tout autre, comme lepeuple quIl a lu. Sans doute ce Dieu unique est

  • dabord lunique Dieu ador par ce peuple ; cest--dire que les Hbreux, la diffrence de tout leurentourage, rejetaient le polythisme et navaientquun seul Dieu, quils honoraient comme leurdfenseur, plus puissant que les dieuxquimploraient leurs ennemis. Les textes sacrsgardent des traces de cet hnothisme qui fut lapremire forme du monothisme. Cest ce queJ. Giblet rappelle, dans le Vocabulaire dethologie biblique : Ce monothisme de la foi apu longtemps se concilier avec des reprsentationscomportant lexistence dautres dieux, deKamosh par exemple en Moab. Il est crit eneffet : Ce dont ton Dieu Kamosh ta donnpossession, ne le possdes-tu pas ? (Juges,11,24). On trouvera de nombreux tmoignages decette antique conception dans les Psaumes : Sinous avions oubli le nom de notre Dieu, tendu nosmains vers un dieu tranger (l gr), Dieu ne

  • laurait-Il pas aperu ? (44,21-22.) Quel dieu(l) est grand comme Dieu (Elhm) ? (77,14.) Car cest un grand Dieu (l) que Yahveh, et ungrand roi au-dessus de tous les dieux (lhm) (95,3). Le mot lhm est un pluriel, et, priscomme tel, il sapplique aux dieux du paganisme.Mais il est galement employ pour distinguer leDieu unique dIsral. Avec son sens de pluriel, descommentateurs ont suggr quil signifiait lesanges : cest l sans doute le tmoignage duneraction purement monothiste contre une lecturesimplement hnothiste. En effet, en lisant la Bible,on constate, en de nombreux passages, unevolution de plus en plus accentue vers lidedun Dieu unique, crateur et seigneur de touteschoses, et par suite Dieu de tous les hommes. Lesdieux du paganisme sont rduits des idoles : Car Il est grand Yahveh et trs digne de louanges,redoutable, Il lest plus que tous les lhm, car

  • tous les lhm des peuples sont des idoles(llm) (96, 4-5). Dautres versets emploient lemot cbh qui veut dire la statue de lidole : Leurs idoles (cabhem) sont de largent et delor, uvre des mains de lhomme (115,4).Paralllement cette volution, le Dieu dIsraldevient le dieu de lhumanit entire : Lui, Ilaime les justes, Il garde les trangers, Il soutientlorphelin et la veuve (146,8-9). Il est laprovidence de tous les tres quil a crs : Lesyeux de tous attendent de Toi que Tu leur donnesleur nourriture en son temps. Tu ouvres Ta main etTu rassasies tout vivant de ce quil dsire (145,15-16). Ainsi le Dieu dIsral devient leDieu de tous. LEmmanuel (ce qui signifie Dieuavec nous) qui est dabord notre Dieu nous,fils dAbraham, et non vous, les trangers (cequon appelle le nous exclusif : nous autres etnon vous) devient le Dieu qui est avec nous tous,

  • les hommes ( nous inclusif). Nanmoins, tout entant reconnu comme le Dieu universel, il reste leDieu dAbraham, dIsaac et de Jacob. Toutes lesnations sont appeles le reconnatre comme tel.Or, il ne sagit pas simplement pour elles deconfesser son existence et son unicit : il fautcouter Sa Parole et reconnatre lAlliance quil afaite et renouvele avec les patriarches de sonpeuple. Ce peuple est, pour lhumanit, le tmoinde lAlliance. Il en tmoigne en observant la Loi.Dieu a dit en effet Abraham : En ta postritseront bnies toutes les nations de la terre (kolgy h-re) (Gense, 22,18). Donc lAllianceest en rapport troit avec la Loi ; Dieu ordonne Mose de dire de Sa part au peuple : Maintenant,si vous coutez Ma voix et si vous gardez MonAlliance, vous serez Mon peuple particulier parmitous les peuples (Exode, 19,5). Et quand Moseeut reu la Loi, ayant pris le Livre de lAlliance

  • (spher ha-berth), il le lut en prsence du peuplequi rpondit : Tout ce qua dit Yahveh, nous leferons et nous y obirons (Exode, 24,7). On litgalement au second Livre des Rois (23,3) : Leroi (Josias), se tenant sur lestrade, conclutlAlliance la face de Yahveh : suivre Yahveh,observer Ses prceptes, Ses commandements etSes lois, de tout son cur et de toute son me, enaccomplissant les paroles de cette Alliance quisont crites dans ce Livre. Il faut retenirlexpression de tout son cur et de toute sonme (be-khol lbh bhe-khol nephesh). En effet,ainsi quil est dit plusieurs reprises dans lesPsaumes, la Loi est pour le serviteur de Dieu unobjet damour. Je ferai mes dlices de Tescommandements que jaime (hbht) (Psaume,119,47). Et jaime Ta Loi (ve Thrthkhhbht) (Psaume, 119,113 et 163). De son ct

  • Dieu se complat en ceux qui le craignent, enceux qui se confient en Sa grce (Psaume,149,4). En somme, cest la Loi qui met en relationlhomme et Dieu. Cest dans la Loi que se raliselamour qui les unit. Par suite, le monothisme juifrside dans le culte dun Dieu unique, qui est leDieu dAbraham, dIsaac et de Jacob, le Dieu dunpeuple lu, du peuple de la promesse et delAlliance. Ce Dieu est en droit Celui de toute lacration et de lhumanit entire. Mais les nationstrangres nauront accs Ses bienfaits quen Lereconnaissant comme le Dieu dIsral et enobservant la Loi de Mose. Lhomme ne peuttrouver et adorer le vrai Dieu en dehors de cetteLoi ternelle.

    Nous sommes donc trs loin de luniversalitabstraite du Dieu des philosophes. Et il fautremarquer une importante particularit de larvlation biblique sur Dieu. Jamais Il nest dcrit

  • ou dfini par le moyen de concepts gnraux prisen eux-mmes ; toujours Il Se droule dans Sesrelations avec lhistoire concrte de Son peuple oudes hommes choisis qui ont reu la charge de leconduire. Ce que la thologie dogmatiqueappellera attributs de Dieu , par exemple,napparat quau travers des interventions de Dieudans cette histoire. Ainsi, bien que la Gensecommence par le rcit de la Cration, le Dieu de laBible nest pas dabord et essentiellement prsentcomme le Crateur, cause de lexistence du ciel etde la terre. Il est avant tout le Dieu qui a fait sortirson peuple du pays dgypte, qui a spar les flotsde la mer pour le faire passer, qui la nourri dansle dsert, et plus tard, qui la libr de la captivitde Babylone. Les Psaumes ne cessent de rappelerles merveilles que Dieu a faites pour son peuple : Dieu fit pour nous de grandes choses (Ps.,126,3) et cest dans les actions merveilleuses que

  • se dcouvrent Sa bont, Sa force, Sa grce, Samisricorde, Son intelligence, Sa sagesse. Sagrandeur, Sa longanimit, etc. Le Dieu dIsralnest pas lobjet dune thologie spculative, maislanimateur dune exprience unique, vcue danslhistoire. Tel est donc le vrai Dieu, le Dieuunique. Encore une fois on ne saurait le dcouvriren dehors de Ses voies, et on ne peut reconnatreSes voies sans recourir au tmoignage de ceuxquil na cess daccompagner sur les chemins deleur histoire.

    Dans ces conditions, que le Christianisme etlIslam prchent le monothisme, quils aientbeaucoup emprunt la Torah, aux Prophtes, auxScribes et aux Psaumes, cest sans aucune valeuraux yeux du Judasme. Tant quon na pas reu laloi, on na pas de contact avec le Dieu vritablequi ne se rvle qu son peuple, dans son peuple,par son peuple. Cest lesprance messianique

  • qu la fin des jours, comme lannonce le prophteMiche (3,2), des nations nombreusesmarcheront et diront : Allons ! Montons lamontagne de Yaheh, et la Maison du Dieu deJacob, pour quIl nous instruise de Ses voies etque nous cheminions sur Ses routes, car de Sionsortira la Loi et de Jrusalem la Parole deYahweh .

    Perspective chrtienne

    Le Christianisme se situe directement dans lacontinuit du Judasme. Lexistence, aux origines,de communauts judo-chrtiennes, le prouveclairement. Si des circonstances historiques ontcreus un foss entre les deux conceptionsreligieuses, les relations troites qui rattachentlune lautre nen demeurent pas moins. Le dieudes Chrtiens est, de leur propre aveu, celui qui

  • sest rvl Abraham, Isaac et Jacob et dont lepeuple lu na cess de clbrer la prsence, enLui rendant grces pour ses immenses bienfaits.Mais lenseignement de la Bible, tout en exprimantde pures vrits religieuses, est, dans laperspective chrtienne, une propdeutique destine former lesprit humain, dans un peuple choisi cet effet, en le prparant recevoir la Rvlationdfinitive apporte par le Christ. Jsus a dit : Nepensez pas que je sois venu abolir la Loi ou lesProphtes, je ne suis pas venu les abolir, mais lesaccomplir. Car je vous le dis en vrit, jusqu ceque passent le ciel et la terre, il ne passera pas unseul iota ou un seul trait de la Loi avant que tout nesoit ralis (Matthieu, 5,17-18). Le mot grec,traduit par accomplir est le verbe qui signifie remplir . On ne sait quel termearamen le Christ a pu employer. Mais la Peshitto,syriaque utilise le verbe mall, qui a le mme

  • sens, celui de remplir et daccomplir. Il sembledonc que lide daccomplir la Loi suppose quonen remplit les cadres, quon lui donne un contenuintrieur complet, quon lintriorise. Et cest bience qui ressort de la suite du texte de Matthieu : Car je vous dis que si votre justice ne surpassepas celle des Scribes et des Pharisiens, vousnentrerez pas dans le Royaume des Cieux (ibid.,5,20). Que faut-il entendre par scribes etpharisiens ? Tout lvangile lexplique : il sagitde lgistes et de pratiquants lgalistes quisattachent dterminer tous les dtails matrielsde ce quil faut faire ou ne pas faire, et quisacquittent de leur devoir, sans plus, avec uneconscience satisfaite et tranquille. Mais endnonant ce danger, inhrent la pratique de touteloi, Jsus allait apporter des lments nouveauxessentiels. Quon relise le chapitre V de Matthieu, partir du Sermon sur la montagne : Vous avez

  • appris quil a t dit aux anciens : Tu ne tueraspoint Et moi, je vous dis : Quiconque se met encolre contre son frre mrite dtre puni par letribunal (5,21-22). La suite est bien connue. Ceque veut le Christ, cest que la Loi exprime lesexigences dune conscience extrmement dlicate,qui repousse jusquaux nuances les plus subtiles dumal. Cest pourquoi il ne sattache pas la lettredune lgislation, que lon peut observer sans trepurifi intrieurement, quand ce nest pas enviolant des lois sacres sous le couvert dune loicrite et arrte. Cest ainsi quil gurissait lesmalades, mme le jour du Sabbat, et quilpermettait ses disciples de cueillir ce jour-l despis pour les manger (Matthieu, 12,1-5). cetteoccasion il rpond ceux qui laccusaient devioler la Loi en citant Ose (6,6) : Si vouscompreniez cette parole : Je veux la pit ()et non le sacrifice, vous nauriez jamais condamn

  • des innocents (Matthieu, 12,7). Le mot traduit lhbreu eedh qui signifie la bont, lagrce, lamour, et qui est trs souvent appliqu lamour compatissant de Dieu pour les hommes quile craignent. Par exemple, il est dit (Psaume,86,15) : Mais Toi, Seigneur, Dieu clment etmisricordieux, lent la colre, tout plein de piti(ou damour : rabh eedh) et de fidlit, tourne-Toi vers moi Nombreux sont dailleurs lespassages de la Bible o il est dclar que lesdispositions intrieures du cur ont plus de prixaux yeux de Dieu, que les rites extrieurs duSacrifice. Cest ainsi que Samuel dit : Yahvehtrouve-t-il du plaisir aux holocaustes et auxsacrifices, comme Il en a quand on coute la voixde Yahveh ? Voici : couter vaut mieux quesacrifier (I, Samuel, 15,22). Et combien clbreest cet oracle dIsae (1,11 s) : Que mimporte lamultitude de vos sacrifices ? dit Dieu. Je suis

  • rassasi des holocaustes de bliers et de la graissedes veaux ; Je ne prends pas plaisir au sang destaureaux []. Vos mains sont pleines de sang ;lavez-vous, purifiez-vous, tez la malice de vosactions de devant Mes yeux ! Jsus ne dtruit pasla Loi ; il prche son intriorisation et saspiritualisation, de faon quil soit vrai de dire : Et Ta Loi est lintrieur de mon cur (ou demes entrailles) (Psaume, 40,9). Et si on poursuitpas pas la prdication de Jsus, on arrive lenseignement fondamental. un Pharisien,docteur de la Loi, qui lui demandait quel est leplus grand commandement, il rpond : Tuaimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cur, detoute ton me et de tout ton esprit. Cest l le plusgrand et le premier commandement. Le second luiest semblable : Tu aimeras ton prochain commetoi-mme. ces deux commandements se

  • rattachent toute la Loi et les Prophtes (Matthieu, 22,37-40).

    Ainsi donc, la Loi quapporte le Christ est laLoi damour ; cest elle qui accomplit la Loide Mose en en dgageant lesprit qui nest pas unesignification symbolique, comme on pourrait lecroire quand on oppose lesprit la lettre, mais unsouffle puissant, capable de rgnrer, danimer,dintensifier la vie morale et religieuse delhomme. Cest cette Loi que le psalmiste aimait,qui cesse dtre un ensemble de prceptes dontsemparent les lgistes, qui devient vraiment uneprsence active en nous de Dieu, qui fait que Dieuest rellement avec chacun de nous, significationparfaitement intriorise dEmmanuel. Car, peut-on aimer un texte comme tel, si beau soit-il ? Peut-il remplir une vie humaine ? Oui, mais unecondition, une seule : cest quil porte en luilempreinte dun Aim. Ctait bien certainement

  • la pense du psalmiste : dans son amour de la Loi,cest Dieu quil aime. Mais la rvlation du Christva plus loin : il est lui-mme la Voie, la Vrit etla Vie, trois termes qui dsignaient la Loi. Il estlui-mme la Loi, dans sa ralit profonde, la Loidamour. En effet, le christianisme voit dans leChrist la Parole ternelle, le Verbe ternel de Dieudevenu homme de chair pour habiter parmi nous. , dit saint Jean (1,14), cequon traduit par : Et le Verbe sest fait chair. Maisle mot grec sarx (chair) traduit trsvraisemblablement le mot hbreu bsr quisignifie bien chair , mais qui a aussi le sensdhomme de chair (comme nous dirions de chair etdos pour bien marquer la ralit humaine). LaPeshito syriaque emploie le mot de mme racine etde mme sens : besr. Aimer la Loi, cestdsormais aimer le Christ, Verbe de Dieu. Cest leChrist qui prend dans le cur des croyants la

  • place de la Loi quil assume dans sa Loi damour. Cest le Christ qui vit en moi ! scrie saintPaul, ce qui rpond exactement : Ta Loi est lintrieur de mon cur. Mais aimer le Christ,cest aimer Dieu, car le Christ est Dieu. Et DieuLui-mme, enseigne saint Jean, est amour (ptre,I, 4-9).

    On comprend que les Juifs se soient refuss suivre les Chrtiens dans une direction quiaboutissait, leurs yeux, la destruction de leurLoi, surtout aprs ce quen avait dit saint Paul. Onconnat les arguments de laptre. Dabord ilremarque quAbraham ne vivait pas sous la Loi,quand Dieu lui fit sa promesse : Car la promessefaite Abraham quil serait hritier du monde, luiainsi que sa postrit, ne tient pas la Loi, mais la justice de la foi (Romains, 4,13). Ensuite, ilmontre que la Loi en commandant le bien, faitconnatre le mal, et que, par elle-mme, elle

  • noffre aucun secours pour lutter contre la loi dupch , cest--dire les tendances mauvaises ducorps : Nous savons en effet que la Loi estspirituelle, mais moi, je suis charnel, vendu aupch (ibid., 7,14). Car je prends plaisir laLoi de Dieu, selon lhomme intrieur ; mais je voisdans mes membres une autre loi qui lutte contre laloi de ma raison, et qui me rend captif de la loi dupch qui est dans mes membres (ibid., 7, 22,23). Quant au Juif, cest celui qui lestintrieurement, et la circoncision, cest celle ducur, dans lesprit et non dans la lettre (ibid.,2,29). La purification intrieure ne peut treluvre de la Loi. Mais, dans sa spiritualit, laLoi appelle une grce qui libre lhomme de la loidu pch, et qui est un fruit de la foi et delesprance en Jsus-Christ : La loi estintervenue pour faire abonder la faute ; mais l ole pch a abond, la grce a surabond, afin que,

  • de mme que le pch a rgn par la mort, ainsi lagrce rgnt par la justice pour la vie ternelle,par Jsus-Christ Notre Seigneur (ibid. 5,20-21).Cest en Jsus-Christ et par lui que lhommeparvient vivre la spiritualit intrieure de la Loi,qui se rvle alors Loi damour. Or de tellesspculations ne pouvaient que blesserprofondment les Juifs.

    Mais inversement, on comprend aussi que lesChrtiens aient cru, de bonne foi, quils restaientfidles lenseignement de la Torah et desProphtes, quils taient dans la ligne dudveloppement des valeurs spirituelles duJudasme. Ils ont alors interprt les livres de laBible de faon faire clater partout la puissancede ces valeurs en montrant quelles ne pouvaientse raliser en dehors du Christ. Ils ont cherchdans les textes lannonce ou le pressentiment de savenue, et ils ont vu, dans plusieurs personnages

  • bibliques, des figures de ce Christ. Ce genredexgse peut tre justement critiqu du point devue de la vrit historique des textes, et les Juifsont pu aisment le rpudier. Le Nouveau Testamentavait donn lexemple de telles interprtations, etles Pres de lglise nont pas manqu de lesuivre. Il y a donc une lecture chrtienne de laBible que les Juifs ne sauraient accepter, bien que,de leur ct, ils aient su galement bien manierlallgorie et le symbole. Cette lecture, en effet,semble souvent escamoter purement et simplementla Loi, alors que la position de saint Paul tait surce point, nous lavons vu, beaucoup plus nuance.Quoi quil en soit, pris en eux-mmes, beaucoupde ces commentaires ont dgag des idesreligieuses qui, en dehors de la dogmatique sous-jacente, peuvent ne pas laisser indiffrent unlecteur juif.

  • Dailleurs le Christianisme a commenc spanouir au beau milieu du Judasme : lesaptres et les premiers disciples taient des Juifs.Le Christ dclare lui-mme quil a t envoy auxEnfants dIsral, et on connat la rponse trs durequil fit une paenne syro-phnicienne qui lepriait de gurir sa fille possde du dmon : Laissez dabord les enfants se rassasier, car ilnest pas bien de prendre le pain des enfants et dele jeter aux petits chiens (Marc, 7,27). Cest quelenseignement du Christ ne sadresse pas auxidoltres en tant que tels, mais un peuple quiadore le Dieu unique et vrai, afin de lui apprendreque la Loi quil a reue doit saccomplir dans laLoi damour, Loi du cur. Les paens serontsauvs partir de l, par la foi dans lamour duChrist qui fonde leur esprance, comme le dit saintPaul et comme il ressort clairement du dnouementde lpisode rapport par saint Marc (7,28-29) :

  • Il est vrai, Seigneur, rpondit-elle, mais lespetits chiens mangent sous la table les miettes desenfants. Alors Jsus lui dit : cause de cetteparole, va, le dmon est sorti de ta fille . Onretrouve toujours en dfinitive la mmeopposition : luniversalisme du monothisme juifimplique la reconnaissance de la Loi de Mose partoutes les nations, tandis que luniversalisme dumonothisme chrtien est le rayonnement surlhumanit entire de la Loi damour par la foi etlesprance dans le Christ qui lincarne.

    Point de vue de lIslam parrapport au Judasme

    LIslam prche lexistence dun Dieu unique,Crateur, Providence de Sa cration, Tout-puissant, Omniscient, Vivant, qui envoie aux

  • hommes des prophtes pour leur rvler cesvrits fondamentales et leur apporter une loi. LeCoran voque la mission des prophtes dontparle la Bible et celle du Christ. Cest ainsi quilrapporte, non pas lhistoire suivie comme le fait laBible, mais les temps forts (awqt) de la viedAbraham, dIsaac, de Jacob, de Mose, de Jsus,fils de Marie. Ces temps forts, discontinus,marquent les moments o Dieu leur rvle quIl estunique, Seigneur des mondes, Matre du Jour duJugement, ainsi quon peut le lire dans la sourateintroductive du Coran, la Ftia. Par exemple, ilest crit (2,258) : Quand (idh) Abraham dit :Mon Seigneur est celui qui donne la vie et lamort , et encore (6,74) : Et quand (idh)Abraham dit Azar son pre : Prendras-tu desidoles comme Dieu ? De mme, propos deMose, on lit (2,53) : Et quand Nous avonsapport Mose le Livre , ou (5,20) : Et

  • quand Mose dit son peuple : O mon peuple !rappelez-vous le bienfait de Dieu en votre faveurlorsquIl a tabli parmi vous des prophtes . Onpourrait donner de nombreux autres exemples delemploi de la particule idh qui indique unvnement important qui a lieu en un tempsprivilgi. Dailleurs les versets qui concernentces prophtes de lancienne loi sontdissmins par fragments travers le Coran et neforment jamais un rcit suivi. Il en rsulte quelhistoire du peuple dIsral, qui forme la tramedes relations bibliques, est compltementdsarticule et dtruite. On constate le mmeprocd dans les versets sur Jsus. Ce qui compte,pour le Coran, ce nest pas lhistoire des hommes,cest lintervention de Dieu qui, du haut de Satranscendance, fait descendre (tanzl, inzl) Saparole sur tel ou tel de Ses prophtes ; cette paroletombe en des points distincts du temps, pour ainsi

  • dire verticalement, sans jamais se dvelopper dansla continuit horizontale de limmanencehistorique. La rvlation coranique est ponctuelle.Elle respecte, par l, lAbsolu divin tranger latemporalit. Mais elle soppose la conceptionquen a le Judasme, car, pour lui, Dieu se rvlepar Sa Promesse qui se renouvelle dunegnration lautre. De gnration en gnration,Ta fidlit ! (le-dhr v-dhr mntekh) (Ps.119,90) ; Il se souvient ternellement de Sonalliance, de Sa parole quil a dcrte pour millegnrations (le-eleph dhr) (Ps. 105,8). Tu asconduit Ton peuple comme un troupeau par la mainde Mose et dAaron. Cette continuit de lactiondivine dans le temps, se modelant sur la continuithistorique de la vie de son peuple, est absente desrcits coraniques. Que Dieu intervienne danslhistoire, lIslam le reconnat, puisque rien nesten dehors de la puissance divine. Mais ces

  • interventions sont voques, mme quand il sagitdvnements de la vie du prophte Muammad,de faon fragmentaire, en passant, et hors de toutesuite chronologique, parfois mme par une simpleallusion. Ainsi il est crit (8,9) : Quand (idh)vous imploriez le secours de votre Seigneur : Envrit, vous rpondit-Il alors, Je vous envoielassistance dun millier danges en colonneserre. Il sagit, selon les commentateurs, durappel de laide que Dieu donna aux Musulmanslors de la bataille de Badr contre les Qurayshitesmecquois. On constate encore dans ce texte,comme dans ceux que nous avons cits proposdAbraham ou de Mose, la prsence de laparticule idh qui condense la dure dans un instantet fait jaillir, hors de la temporalit, la pure vritreligieuse que Dieu veut enseigner : savoir quilvient au secours de ceux qui combattent dans Savoie, ainsi quil est crit ailleurs (47,7) : O vous

  • qui croyez, si vous aidez Dieu, Il vous aidera etraffermira vos pas. Cest cette vrit quiimporte, et non la bataille elle-mme avec sespripties ; elle nest dailleurs pas explicitementnomme, et elle se rduit un vnement ponctuel,autrement dit un point o sinsre la rvlation.Elle devient une des occasions de la descente de larvlation (asbb al-nuzl). Au contraire, avec lesrcits bibliques, les vnements vcus sont latrame sur laquelle se tisse la rvlation dans letemps de lhistoire. Donnons-en un exemple entremille, tir du second Livre de Samuel (5,23-25),o il sagit galement dune bataille, mais o lonvoit laction de Dieu stendre dans lhistoireselon les moments successifs de laction humaine : Et David consulta Yahveh qui lui dit : Ne montepas, tourne-les (les Philistins) par-derrire, et tuarriveras sur eux du ct des balsamiers. Quand tuentendras un bruit de pas dans les cimes des

  • balsamiers, attaque vivement, car alors Yahvehsortira devant toi pour porter ses coups danslarme des Philistins. David fit ainsi que Yahvehle lui ordonnait, et il battit les Philistins depuisGabaa jusqu Gzer. Ainsi donc le rappel(dhikr) coranique des vnements relats par laBible frustre les Juifs de leur histoire, de leurrelation historique leur Dieu. Indirectement ilindispose les Chrtiens.

    Mais il y a plus grave : lAlliance abrahamiqueet tout particulirement la Promesse quilaccompagne sont absentes du Coran. Plusieursversets voquent limportance du Patriarche quiest appel lAmi de Dieu (Khall Allh, 4,125).Mais le rcit de lannonce faite Abraham, par leshtes trangers, de la naissance dIsaac (51,24-30), nest assorti daucune promesse : il relatelpisode du chapitre 18 de la Gense, mais ledtache du chapitre 17, totalement omis, dans

  • lequel Dieu contracte Son Alliance avecAbraham : Jtablis Mon Alliance entre Moi ettoi et tes descendants aprs toi, suivant leursgnrations (le-dhrothm), en une allianceperptuelle, pour tre ton Dieu, et le Dieu de tesdescendants aprs toi (17,7). Et le Seigneurannonce Abraham quil aura un fils de sa femmeSara, Isaac, en qui est renouvele la Promesse, lexclusion dIsmal, le fils de la servante Agar : Dieu dit : Oui, Sara, ta femme, tenfantera unfils ; tu le nommeras Isaac et Jtablirai MonAlliance avec lui comme une alliance perptuellepour ses descendants aprs lui. Quant Ismal, Jetai entendu. Voici, Je lai bni, Je le rendraifcond [] et Je ferai de lui une grande nation.Mais, Mon Alliance, Je ltablirai avec Isaac queSara tenfantera lan prochain cette poque. Mettons en regard les versets coraniques qui neretiennent, nous lavons dit, que le rcit du

  • chapitre 18 de la Gense et qui le rapportentainsi : Est-ce que test parvenu le rcit (adth)des htes honors dAbraham ? Quand ils entrrentchez lui, en lui disant : Paix ! (salm), il rpondit :Paix ! hommes inconnus. Puis il se dtourna pouraller trouver sa femme et il apporta un veau gras. Ille leur prsenta en disant : Ne mangerez-vouspas ? Il prouvait devant eux de la peur. Ils luidirent : Naie pas peur ! Et ils lui annoncrent labonne nouvelle dun garon sage. Alors la femmedAbraham se mit crier et se frapper le visageen disant : Je suis une vieille femme strile ! Ilsrpliqurent : Ainsi la dit ton Seigneur. Il est leSage et lOmniscient. Dans la perspectivecoranique, le seul but de ce rcit est denseignerque Dieu connat ce qui doit tre, car cela nedpend que de Sa toute-puissance et de Sa volont.Lannonce de la naissance dIsaac est identique celle de la naissance de Jean-Baptiste et de Jsus.

  • Dieu fait ce quil veut. Cest ainsi ! , est-ilrpondu Zacharie (3,40) et Marie : Cestainsi ! Dieu cre ce quil veut ; quand Il dcide unechose, Il na qu lui dire : Sois ! et elle est (3,47). Ou encore : Cest ainsi ! Cela Mestfacile (19,21). La diffrence de ton entre lesversets du Coran et les versets de la Bible ou desvangiles est sur ce point manifeste. La rvlationcoranique clate du haut du ciel comme un coup defoudre ; la rvlation biblique sinsinue danslhistoire des hommes et se rpand avec elle.

    Dailleurs si lIslam reconnat Isaac commeprophte, il donne Ismal une place au moinsgale. Cest avec le fils dAgar quAbraham a jetles fondements du Temple de La Mecque, laKacba : Et Nous fmes alliance avec Abraham etIsmal : Que vous purifiez tous deux mon Temple(Bayt) pour ceux qui en font le tour (lil-ifin :allusion un rite du plerinage qui consiste

  • tourner (awf) autour de la Kacba), pour ceux quifont retraite, qui sinclinent et se prosternent (2,125). Cest trs souvent que le Coran citeIsmal avec son pre, ct dIsaac, de Jacob etdes douze Tribus dIsral.

    Lalliance de Dieu avec les Isralites (BanIsrl) est bien reconnue comme relle, mais nonexclusive et ternelle. Et quand (idh) Nous fmesalliance avec les fils dIsral (2,83). Nousretrouvons la particule idh qui donne lvnement une simple ralit ponctuelle et eneffet les commentateurs du Coran ne sy sont pastromps : cette alliance, expliquent-ils, est pour untemps. Sur ce point lopposition de lIslam auJudasme est irrductible.

    Lopposition se manifeste encore l mme olaccord semblerait le plus prcis : sur laconception de la rvlation comme lenvoi duneLoi. La Torah apporte une loi ternelle, le Coran

  • galement. Mais pour lIslam, la loi coraniqueabroge toutes les autres et ne sera jamais abroge.La loi mosaque, nous lavons vu, est lie lAlliance, et Dieu est fidle Sa Promesse. Maisle Dieu de lIslam ne sengage jamais danslhistoire, non plus que dans lordre de sa cration.De mme qu tout moment, le Crateur peutmodifier les lois physiques qui rgissent les tresmatriels, de mme Il peut abroger, et Il abroge,les lois religieuses quIl impose aux peuples aucours des sicles. La seule promesse (wacd),assortie de menace (wacd), que Dieu rvle etquIl tient, ne concerne pas le monde dici-bas,mais la vie dernire : cest la promesse duParadis pour les fidles, et cest la menace delEnfer pour les infidles. Par suite, si latranscendance divine est aussi absolue dans lemonothisme juif que dans le monothismemusulman, elle se prsente en Islam avec une

  • rigueur abstraite beaucoup plus prononce, cette abstraction , au sens tymologique, signifiant ledtachement total de Dieu, Sa sparation parfaiteen son isolement, dans lau-del, de toutes lescratures. Il ne leur est prsent que dans Son actecrateur et par lui. Or lacte crateur, disent denombreux thologiens musulmans, nest pas un actecausal qui suppose toujours une certaine relationde ressemblance entre la cause et leffet danslimmanence. Mais ce que Dieu cre nest en riensemblable Lui : Il ny a rien comme Lui (42,11). Lide que lhomme est cr limage etressemblance de Dieu est trangre lIslam strict.Aussi Dieu y est-Il avant tout le Crateur tout-puissant qui fait ce quIl veut. Il est dit dans lepremier verset rvl Muammad (96,1) : Prche au nom de ton Seigneur qui cra. Pourles Juifs, Dieu est dabord Celui qui a fait sortirSon peuple dgypte, et cest cet vnement que

  • la Bible ne cesse de faire allusion. La diffrenceest profonde, si on considre les deux rvlationssous cet angle, cest--dire en les comparant lune lautre relativement lide que chacune a deDieu.

    Les versets qui rvlent cette volont absoluede Dieu sont nombreux. On peut citer, entre autres(2,253) : Si Dieu avait voulu (law sh a), ils nese seraient pas entre-tus ; mais Dieu fait ce quilveut (m yurdu) ; ou encore (5,48 ; 16,93) : SiDieu avait voulu, Il aurait fait de vous une seulecommunaut. Sans doute, croire en un Dieuunique suppose que Sa volont est seule efficace.Mais doit-il en rsulter quelle est arbitraire etquelle ne tient compte de rien, si ce nest delle-mme ? La Bible a certainement des expressionstrs voisines de celles quon trouve dans le Coran.Ainsi, il est crit (Job, 23,13) : Lui, il est toutdune pice (bhe-ehdh), et qui Le dtournera ? Et

  • Son me dsire (venaphsh ivvethh), et Il fait (cequi Lui plat). Nest-ce pas larbitraire ? Oui,mais uniquement dans la formule que Job emploie et non Dieu. En fait, les malheurs dont Dieufrappe Son serviteur, rsultent dun vritable paricontre Satan qui accusait Job de ne pas servir SonSeigneur gratuitement (innm). Cest pourprouver le contraire que Dieu lui retire tout cequIl lui avait donn. Mais Job fait gagner Dieule pari, et il en est rcompens. Ce qui est enseignpar l, cest moins labsolu de la volont divine,que la gratuit du don divin, qui est nettementexprime par Yahveh lui-mme la fin du pome(41,3) : Qui ma devanc pour que jaie luirendre 1. Mais lide dun tel pari est absente duCoran, voire inconcevable du point de vueislamique, mme si on voulait interprter dans cesens le verset (2,30) o Dieu, malgr lobjection

  • des anges, dclare quIl va tablir Adam,lhomme, comme son vicaire sur terre. Lescontextes sont tout diffrents, et le Coran veutsurtout montrer, ainsi que le signalent de nombreuxcommentateurs, que Dieu distingue qui Il veutparmi Ses Cratures, et que si les anges sont faitsde lumire, et lhomme dargile, cela ne confreaux premiers aucune supriorit de droit sur lesseconds. De plus, quand Dieu accorde Ibls undlai jusquau Jour de la Rsurrection, et quIblsdclare quil fera trbucher un grand nombredhommes, Dieu, loin de parier pour lhomme,menace et dit au dmon : Oui, ceux dentre euxqui tauront suivi, Je remplirai coup sr lenferde vous tous ! sic (7,18). La diffrence de ton estsaisissante et les consquences thologiques ensont grandes.

    Autre exemple : il est dcrit dans le Coran(2,118 ; 3,47 ; 16,40 ; 19,35 ; 36,82) : Quand Il

  • dcrte une chose, Il na qu lui dire : Sois ! etelle est. Dans un sens analogue Isae a dit(55,11) : De mme en est-il de Ma parole, quisort de Ma bouche ; elle ne revient pas Moi sanseffet, sans avoir fait ce que Je voulais (oudsirais : phat), et accompli ce pourquoi Jelavais envoye , et on lit dans les Psaumes(33,9) : Car Il a parl et ce fut fait ; Il acommand et ce fut ralis. Dans les deux sriesde textes, on note une gale reconnaissance delefficace de la volont de Dieu. Mais ici encore,il est ais de voir que, dans le Coran, Dieu parlede son vouloir de faon abstraite , gnrale etabsolue ; alors que, dans la Bible, le vouloir deDieu est tiss avec des vnements de la viehumaine. En effet, Isae sappuie sur unecomparaison (55,10) : De mme que la pluie etla neige tombent des cieux et ny retournent passans avoir abreuv la terre, sans lavoir fconde

  • et fait donner des pousses en sorte quellefournisse la semence au semeur et le pain celuiqui mange, de mme en est-il de Ma Parole Ettout le passage se termine par cette heureuseannonce (55,12) : Car vous sortirez avec joie etvous serez conduits en paix. Mme remarque ence qui concerne le contexte immdiat du verset 9dans le Psaume 33 : Le dessein de Yahvehsubsiste jamais, les penses de Son cur degnration en gnration. Heureuse la nation qui apour Dieu Yahveh, heureux le peuple quIl sestchoisi pour hritier. En conclusion on peut direque la Bible et le Coran sont daccord pourconfesser la toute-puissante volont de Dieu quidcide sans avoir besoin de conseiller (Isae,40,13) et qui na pas dassoci dans Sa royaut(Coran 17,111 ; 25,2). Mais tandis que la Biblemontre cette volont luvre concrtement, dansla conduite des hommes, le Coran laffirme de

  • faon abrupte, comme une vrit thologique ensoi. Le Coran se donne comme un guide deconduite (hud) qui est descendu du ciel ; la Biblemontre la conduite sur terre sous la houlette divine,du peuple que Dieu a choisi. Le Coran atteintimmdiatement luniversalit par la formationabstraite que prend la Parole de Dieu ; la Bible estun appel luniversel, cest--dire lareconnaissance du Dieu dIsral par toutes lesnations, mais un appel pathtique qui retentit toutau long de lhistoire.

    Point de vue de lIslam parrapport au Christianisme

    Lopposition de lIslam au Christianisme estencore plus prononce, et cela tientessentiellement des questions dogmatiques quil

  • est inutile de dvelopper : le Coran rejetteformellement la Trinit et lIncarnation. Ilreconnat Jsus comme prophte, il atteste laconception virginale ; il affirme la ralit desmiracles du Christ, le Messie (al-mas), enparticulier le don quil a reu de gurir lesmalades et de ressusciter les morts. Mais ce nestquun homme. Il a prch une Loi contenue danslvangile : cette Loi est un adoucissement de larigueur de la Loi mosaque. Mais cet vangile (ausingulier : injl) a t altr, et il ne faut pas leconfondre avec les quatre vangiles qui sontuvre humaine. Notons dailleurs que la Torah desJuifs a subi une altration analogue. Enfin lIslamnie la crucifixion de Jsus, ce qui entrane langation de la Rdemption. Lopposition est doncradicale et porte sur des points essentiels. Il nestpas ncessaire dinsister davantage.

  • Polmique coraniqueDune faon gnrale, lIslam reproche aux Juifs

    et aux Chrtiens de croire tre les possesseursexclusifs de la vrit. Mais le seul fait quils sonten dsaccord est une preuve manifeste de leurerreur.

    Les Juifs disent : Les Chrtiens ne sont pasdans le vrai, et les Chrtiens disent : Les Juifs nesont pas dans le vrai [] Dieu jugera entreeux (2,113). Cest pourquoi Dieu a jet linimiti et la haine (al-cadwa wal-bagh) dans chacun des camps, jusquau Jourdu Jugement (5,14 et 5,64). Si les Gens duLivre taient sincres, ils accepteraient larvlation coranique comme confirmant(muaddiq) la vrit contenue dans leurs Livres.Mais ils ne la reconnaissent pas, parce quils ontfauss leurs critures. En effet, lIslam considre

  • que la mission de Muammad a t annonce dansla Bible et dans lvangile. Ainsi lescommentateurs appliquent au Prophte lannoncede lenvoi du Paraclet, en saint Jean (15,26 et16,13). En ce qui concerne la Bible, on pense soitau Deutronome (18,18), l o Dieu dit : Je leursusciterai du milieu de leurs frres un prophte telque toi (Mose) ; Je mettrai Mes paroles dans sabouche et il leur dira tout ce que Je luicommanderai , soit la prophtie dIsae (42,1) : Voici Mon serviteur que Je soutiens, Mon lu enqui mon me se complat. Jai mis Mon esprancesur lui. Il fera connatre aux nations la justice. Notons dailleurs que les Chrtiens appliquent cetexte au Christ.

    Dautre part, lIslam se rattache directement lafoi dAbraham. Ici, le Coran use dun argument dutype de celui que nous avons dj trouv chez saintPaul, mais quil prsente sous une forme encore

  • plus radicale. Saint Paul fait remarquer quaumoment de lAlliance le patriarche ntait pas sousla Loi de Mose. Or Dieu dit dans la sourate lcImrn (La Famille de cImrn) (3,65 et 67) : Gens du Livre, pourquoi disputez-vous au sujetdAbraham, alors que la Torah et lvangile nesont descendus quaprs lui ?... Abraham ntait nijuif ni chrtien ; il tait un anf soumis Dieu(muslim, do vient le franais : musulman) Et Il ajoute (3,68) : Certes les hommes les plusdignes dAbraham, ce sont assurment ceux quisuivent ce prophte (Muammad). Donc endehors du rattachement des Arabes Abrahamcomme descendants dIsmal, tout homme quipartage sa foi peut se rclamer de lui.

    Enfin lIslam fait valoir quil reconnat tous lesprophtes, alors que les Juifs excluent Jsus etMuammad, et les Chrtiens Muammad. Il est parconsquent la religion la plus ouverte. Mais, ce

  • faisant, il ne tient pas compte que le Judasme a sapropre conception de la prophtie : Mose aapport la Loi et la fonction des prophtes dIsralconsiste la rappeler au peuple ; les Chrtiens, deleur ct, ont la leur : les prophtes rappellentlAlliance, entendue en un sens purement spirituel,et par l annoncent Jsus-Christ. La conceptionislamique diffre de lune comme de lautre : tousles prophtes rappellent lunicit de Dieu etlobligation de lui rendre un culte exclusif ; ceuxqui parmi eux ont la charge dEnvoys (rusul)apportent une loi leur peuple, loi qui seraabroge par celle dun Envoy postrieur, jusqucelle de Muammad qui abroge toutes les autres,mais qui est, quant elle, dfinitive.

    LIslam, tant apparu le dernier dans lhistoire,peut sans problme reconnatre tous les prophtesantrieurs, de mme que le Christianisme reconnatMose et tous les prophtes bibliques. LIslam peut

  • avoir sa propre lecture de la Torah et delvangile, de mme que le Christianisme a sapropre lecture de lAncien Testament. En ce sens,les Chrtiens sont en prsence de lIslam commeles Juifs en prsence du Christianisme. La seulediffrence, et elle est considrable, cest que larvlation du Christ intgre la Bible la lettre,telle quelle est reue par le Judasme, tandis quelIslam, au nom du Coran, qui est dict mot motpar Dieu et qui, par consquent, fait loi, parledune Torah et dun vangile qui seraient dessortes de pr-Coran, mais ne correspondent pasaux livres qui sont actuellement entre les mains desJuifs et des Chrtiens, puisque leurs textes ont taltrs, ainsi que Dieu la rvl Muammad ende nombreux versets : Parmi ceux qui pratiquentle Judasme, il y en a qui dtournent la Parole deson sens (4,46). De ceux qui disent : Noussommes chrtiens, nous avons reu lalliance. Puis

  • alors ils ont oubli une partie de ce qui leur avaitt rappel (5,14). Ce dplacement de sens,cest ce qui est appel tarf et le verbe arrafa(changer les mots, fausser le sens) est encoreemploy pour blmer les Gens du Livre dans lesversets suivants (2,75 ; 5,13 ; 5,41). Cetteinsistance est caractristique de lattitude delIslam.

    Mais, du fait que la rvlation coranique estarrive aprs les deux autres, lIslam a devant lesyeux une vue gnrale du monothisme, cestpourquoi il est crit dans le Livre (29,46) : Notre Dieu et votre Dieu, cest un seul (Dieu). En ralit cette formule a surtout une valeurapologtique : elle est un argument pour amenerles Gens du Livre lIslam. La Parole ternelle deDieu, descendue sur le Prophte Muammad, nepeut se contredire ; la diversit des lois mise part, elle est dans le Coran ce quelle est dans

  • lvangile et dans la Bible authentiques. Tous lesmonothistes peuvent et doivent reconnatre lapuret de leur foi dans la foi musulmane. Cestdans ces conditions que leur Dieu et celui delIslam ne seront quun seul et unique Dieu. On lecomprend nettement par le contexte de laprcdente citation : Ne dispute avec les Gensdu Livre que du meilleur genre de dispute (cest--dire, selon les commentateurs, en citant des versetscoraniques) Dites : Nous croyons en ce qui nousa t rvl et ce qui vous a t rvl, alors quenotre Dieu et votre Dieu, cest un seul (Dieu) etque nous lui sommes soumis (muslimn= musulmans).

    Telles sont les diffrences profondes quisparent les trois monothismes. Encore avons-nous vit de mettre laccent sur les oppositionsdogmatiques. Nous nous sommes content derflchir sur le caractre des trois rvlations, tel

  • 1.

    quil apparat travers les textes. On peut alors sedemander si ces rvlations sont de mme nature,si le Dieu quelles rvlent est le mme, et sichacun des monothismes na pas son Dieuparticulier.

    Dans ces conditions comment et o trouver uneunit quelconque ? Telle est la recherche quilnous faut entreprendre. Elle nest pas aise. Maisil fallait ne pas cacher les difficults, ne pas sentenir de vagues et superficielles concordancesqui risquent dtre verbales ou subjectives, dentre pas reconnues par tous et de svanouir dsque lexamen sapprofondit. Avanons donc enfondant notre espoir sur la belle devise deMaritain : Distinguer pour unir.

    Nous ne suivons pas la traduction de Dhorme quiexige la correction de presque chaque mot dutexte.

  • CHAPITRE II

    Messagers, messages etdestinataires

    Si Dieu existe et sil est unique, il parat videntque tous ceux qui croient en Lui adorent le mmeDieu. Ce point de vue est sans doute trs abstrait,voire trop abstrait. En ralit, moins de Luiadresser un culte purement philosophique, on nesaurait prier Dieu sans se faire de Lui une certaineide particulire, et cest justement cette ide quise diffrencie au travers des trois messages. Le purhistorien des religions pourra facilement rsoudrele problme pos, dans la mesure o il entend par message ce quun penseur a dire et

  • communiquer aux hommes. Cest en ce sens quonparle du message dun crivain ou dun pote, etde linspiration qui en est la source. Dans ce cason peut comprendre quil y ait des approchessuccessives et diverses dune ralit dvoiler,quil y ait des langages diffrents, des points devue varis, des visions plus ou moins tendues,plus ou moins compltes, des inspirations plus oumoins vastes, plus ou moins profondes. Cetteattitude de lhistorien, tout homme sensible certains problmes humains, certaines valeursreligieuses, peut la prendre en lisant la Bible, lesvangiles et le Coran, et il la prendra dautantmieux quil ne sera ni Juif, ni Chrtien, niMusulman, quil ne sembarrassera pas desdivergences de dogmes, mais quil se sentira toutsimplement un homme qui aspire aux sommets dece quil considre comme la pense de lhumanit.

  • Dieu envoie les prophtesUne position de ce genre est tout fait

    respectable. Elle est celle quexige une cultureouverte ; elle est mthodologiquement obligatoiredans le travail scientifique des historiens. Maiselle nest pas totalement satisfaisante, dans lamesure o elle nglige la foi, et plus encore laspcificit de la foi. Or, pour les croyants, lanotion de message ne se ramne pas lasignification figure quelle prend dans un mondedsacralis qui cherche dans la parole de ses Mages , comme disait V. Hugo, un substitut dusacr. Le messager, aux yeux de la foi, estrellement un envoy de Dieu, et son messagevient de Dieu. Dans lExode (3,10), Yahveh dit Mose : Et maintenant, va, Je tenvoie(eshlakh) vers Pharaon ; fais sortir dgyptemon peuple, les Enfants dIsral . Et un peu plus

  • loin (3,13-15) : Et Mose dit Dieu : Voici, moi,jirai vers les Enfants dIsral et je leur dirai : LeDieu de vos pres ma envoy (shelan) versvous. Ils me demanderont quel est Son nom. Queleur rpondrai-je ? Et Dieu dit Mose : Je suisqui Je suis ! (Ehyeh sher Ehyeh) Et Il ajouta :Cest ainsi que tu parleras aux Enfants dIsral :(Celui qui sappelle) Je suis ma envoy(shelan) vers vous. Les prophtes dIsral,qui sont les disciples de Mose, sont aussi desEnvoys. Pendant sa vision, Isae entendit la voixdu Seigneur qui disait (Isae, 6,8-9) : Quienverrai-je ? (m eshla). Il rpondit : Mevoici, envoie-moi (sheln). Citons encore : Jrmie revint du Tophat (lieu o lon brlait desenfants en lhonneur de Moloch) o Yahveh lavaitenvoy (shel) pour prophtiser (le-hinnbh ;cf. nabh, arabe nabi : le prophte)

  • (Jr. 19,14). Fils dhomme, Je tenvoie (shlan thkh) vers les Enfants dIsral (Ezechiel,2,3). De mme Dieu dit Amos (7, 15) : Va,prophtise (hinnbh) mon peuple, Isral. Lo le verbe shloa, envoyer, nest pas employ,on trouve limpratif lkh (va), ou qm (lve-toi),par exemple (Jonas, 1,2 et 3,2) : Lve-toi, va Ninive.

    Jsus proclame de son ct quil a t envoy.Dans lvangile de Luc (4,18-20), il sapplique lui-mme la prophtie dIsae (61,1) : Lesprit duSeigneur est sur moi [] Il ma envoy (shelan ) porter la bonne nouvelle auxpauvres. Et dans lvangile de Jean, Jsus dit(16,5) : Et maintenant que je men vais celuiqui ma envoy ) et danssa prire au Pre, il dit (17,23) : afin que lemonde connaisse que Tu mas envoy (

  • ). Le grec emploie deux verbesdiffrents, et , l o lhbreunen a quun. Mais le sens est toujours celuidenvoyer.

    La mme ide est affirme en Islam. Muammadest lEnvoy de Dieu (Rasl Allh), ainsi quentmoignent et la formule de la Profession de foi, lashahda bien connue : l ilha ill llh, waMuammad Rasl Allh, et de trs nombreuxversets. Dieu rappelle dans le Coran quIl aenvoy les diffrents prophtes qui se sont succdau cours des ges : Nous avons envoy (arsaln)No son peuple (7,59 ; 11,25 ; 22,23, etc). Nous avons envoy Mose avec Nos signes etune autorit manifeste (11,96 ; 40,23 ; etc.). Nous avons envoy aux Thamd leur frre li (27,45). Nous avons envoy No et Abraham,et Nous avons uni dans leur descendance laprophtie et le Livre (57,26). Enfin, Il a envoy

  • Muhammad : En vrit, Nous tavons envoy(arsalnka) avec la Vrit, avec la chargedannoncer une bonne nouvelle et de mettre engarde (2,119 ; 25,56 ; 35,24). Et Nous tavonsenvoy comme messager aux hommes (4,79).

    Par consquent, sous peine de ngliger cetteralit qui est celle de lexistence des croyancesreligieuses, il est indispensable de prendre cesenvois, ces missions et ces messages prophtiquesau sens propre. Mais alors, objectera-t-on, aucuneconciliation nest possible. Si on admet quil estvrai que Mose a t envoy par Dieu pourapporter une Loi qui est le signe dune Allianceternelle avec les Enfants dIsral et quereconnatront un jour toutes les nations, il faut treJuif. Si on admet que le Christ est lEnvoy duPre, Son Verbe ternel incarn pour sauver leshommes par la Loi damour du Dieu qui estAmour, alors il faut tre Chrtien. Enfin, si on

  • admet que Muammad est lEnvoy de Dieu, leSceau des prophtes (khtam al-nabiyyn, 33,40)qui apporte au monde la Loi dfinitive puisquelleabroge toutes les autres, et que le Coran est laParole ternelle et incre de Dieu, il faut treMusulman. Et se contenter de constater que lesJuifs, les Chrtiens et les Musulmans adorent lemme Dieu travers des messages diffrents, etpis encore, opposs sur des points essentiels, cestl une solution bien peu satisfaisante.

    Que dire alors ? Quun seul des trois messagesest authentique et intgral, tandis que les autressont faux ou incomplets ? Ce sera sans aucun doutela conviction de chaque croyant, persuad de lavrit de sa propre religion. Et comment en serait-il autrement ? Dailleurs, mme en se plaant au-dessus du dbat, il faut bien que ces troismessages, qui sont en discordance, soient tous lestrois faux, ou que seul lun deux soit vrai. Mais

  • cette remarque, au moment o nous sommes sur lepoint de perdre toute esprance, va peut-tre nousindiquer une voie suivre. En effet, sil y a unevrit, elle ne peut tre quunique en tant quevrit en soi. Par consquent, si on considre lesmessages comme porteurs de vrits ou derreursquils formulent textuellement, ils sexcluent, et lesmessages nont pu tre tous envoys par un seul etmme Dieu pour proclamer des vrits multiples etdiffrentes. Mais ny a-t-il pas une autre ralit dumessage qui, sans exclure la premire, pourraittre considre part et qui aurait sa vrit, unevrit dun autre ordre, non formulable en dogmesopposs, mais au contraire ouverte etcommunicable ? Cela vaut la peine dtre cherch,encore que la question soit des plus dlicates.

    Louverture mystique

  • Nous parlions dhommes dous dun certainsens religieux qui, sans adhrer aucune des troisreligions, ou en adhrant lune delles, peuventtre culturellement sensibles des valeurs de laBible, de lvangile et du Coran, simplement entant quhommes. Nous disions que cette attitude,qui est menace dun certain dilettantisme, nestpas, quel que soit son intrt, celle que nousrecherchons. Parlons maintenant avec plus denettet. Est-il possible quun Juif non seulementsoit sensible des valeurs chrtiennes etmusulmanes, mais les intgre et parvienne envivre ? Est-il capable de les vivre au sein mmede son Judasme dans sa mditation des valeursjuives ? Est-il galement possible quun Chrtienfasse une exprience identique relativement auxvaleurs juives et musulmanes et un Musulmanrelativement aux valeurs juives et chrtiennes ? cette question, nous rpondons que cela est non

  • seulement possible, mais que cela est : il suffit quetoutes ces valeurs soient connues de tous. Il existe,dans chacune des trois religions, des esprits qui sesont nourris du message quils ont reu de lun destrois messagers, qui ont fait et vcu dtonnantesexpriences, qui en ont parl, les ont dcrites, etdont les propos concordent sur le fond, au pointquon peut souvent mettre le langage quils tiennenten parallle. Ce sont les mystiques.

    Sans doute chacun rfre-t-il ses proprestextes et ses propres croyances, voire sespropres dogmes arrts et formuls. Mais ce quilsdisent de ce quils ont vcu lintrieur de leur foirespective, loin de reflter purement et simplementles oppositions dogmatiques, prsente deprofondes ressemblances et parfois des identits.Objectera-t-on que cet accord nimplique paslaccord des messages eux-mmes ? Cest videntet nul ne saurait prtendre le contraire. Mais il

  • nen est pas moins objectivement vrai que cest deces messages quils ont tir des valeurs vivantesqui se recoupent et sharmonisent. Elles y taientdonc contenues implicitement. Que penser alors ?Quelles sont lessentiel des trois messages et queles oppositions dogmatiques ne sont que desaccidents superficiels dus aux conditionshistoriques de leur transmission ? Certes cest uneattitude possible qui salimente chez beaucoupdesprits, surtout de nos jours, une haine de laspculation thologique, de toute formulationdoctrinale, voire, dans certains cas, de cet ancienidal dune vrit en soi, tranchante, immuable, quise prtendait le fruit dune raison intemporelle etuniverselle et quon recherchait dans les textessacrs. Mais telle nest pas lattitude des croyantsde chaque religion, et si on ladopte, on seretrouve dans une situation analogue celle quenous avons dj dnonce : on risque de dtruire

  • lintgralit du message proprement dit ; car alorsles messagers ne transmettent pas uniquement laparole de Dieu qui les envoie, sinon il y auraitconcordance tous les niveaux dans ce quilslivrent aux hommes. On aurait par suite des textesqui seraient revtus dune signification extrieure,due aux circonstances de temps et de lieux, et qui,comme tels, ne rvleraient rien du message divin,bien quils soient prsents comme rvls ; mais,en profondeur, au-del du sens manifeste de cestextes, on dcouvrirait un sens cach, partoutidentique, inexprimable adquatement en formulesdogmatiques, constitu par des valeurs quil fautvivre et non penser, et cest l que se trouveraitlunique message, l que les messagers serencontreraient. Mais est-ce ainsi que les messagessont reus par les croyants ?

  • Caractre des messagesbiblique et vanglique

    En fait, si on considre la Bible, il est videntquelle reflte des vnements historiques, quinavaient pas besoin dtre rvls. La tradition etlexprience vcue dun peuple suffisent toutexpliquer. Mais les textes bibliques, en rapportantdes vnements, les interprtaient en leur donnantune signification religieuse. Ainsi les esprancespolitiques de la nation juive deviennent desesprances messianiques, support de lespranceen Dieu. Les prophtes annoncent la fin de laservitude et la victoire des Enfants dIsral. Dieurvle Isae (44,26) : Je confirme la parole deMon serviteur et Jexcute le dessein de Mesmessagers, Moi qui dis de Jrusalem : elle serahabite ; et des villes de Juda : elles serontrebties. On voit par ce texte que les messagers

  • de Yahveh jouissent dune certaine autonomie sousla garantie de Dieu : ce sont des hommes engagsdans les affaires de ce monde ; la lumire quilsreoivent se nuance de leurs proccupationsdhommes qui vivent dans limmanence, mais elleles lve en mme temps et les tourne vers lesralits et les valeurs transcendantes. Il y a commeun concours, une collaboration de Dieu et de Sesmessagers (mal a khyv). On retrouve un tat dechoses analogue, quoique moins marqu dans lesvangiles. Cest trs net par exemple lorsqueJsus reproche aux villes o il avait accompli lesplus grands miracles, de navoir pas fait pnitence(Matthieu, 11,20-24) ; Luc, 10,13-15) : Malheur toi Corozan ! Malheur toi Bethsade ! Car siles miracles qui ont t faits au milieu de vous,lavaient t dans Tyr et dans Sidon, elles auraientdepuis longtemps fait pnitence [] Et toiCapharnam, toi qui tlves jusquau ciel, tu

  • seras abaisse jusquaux enfers. Cest unpisode de la vie de Jsus. Mais la menace dont ilfrappe ces villes nest quune circonstanceaccessoire du message dont lessentiel estdenseigner combien lorgueil est un mal, et lapnitence un bien. Sans multiplier les exemples, ilest clair que la Bible et les vangiles se prtent une dissociation dun sens occasionnel qui estsuperficiel et ne constitue pas le message lui-mme, et dun sens rel, profond et spirituel. Laraison fondamentale en est que les prophtesdIsral rapportent ce que Dieu dit ; mais ce sonteux qui parlent : Paroles de Jrmie [] quifut adresse la Parole de Yahveh. [] La Parolede Yahveh me fut adresse moi (lay) pourdire (Jrmie, 1,1-4). On trouve la lettre lamme expression chez Ezchiel (6,1). Amos (1,1 et3) se contente de dire : Paroles dAmos []Ainsi parle Yahveh ; de mme Abdias (1,1) :

  • Vision dAbdias. Ainsi a dit le Seigneur Yahveh Edom. Le prophte Jonas (1,1) commence parles mots : Et la Parole de Yahveh fut adresse Jonas (el-Ynh) ; de mme Miche (1,1 : el-Mkhh), Sophonie (1,1 : el-ephanyh), Zacharie (el-Zekharyh). Lannonce de la prophtiedAge est encore plus caractristique (1,1) : LaParole de Yahveh fut adresse, par lintermdiaire(mot mot : par la main, be-yadh) du prophtege, Zorobabel (el-Zerubbhel). Lide que leprophte est intermdiaire entre Dieu et lhommeest ici clairement exprime. Elle se trouvegalement au dbut du Livre de Malachie (1,1) : Paroles de Yahveh adresses Isral, parlintermdiaire (be-yadh) de Malachie. Quant autexte des vangiles, il est luvre des vanglistesqui rapportent, au cours de leur rcit, des parolesdu Christ.

  • Caractre du messagecoranique

    Mais il nen est pas du tout de mme pour leCoran qui est la Parole mme de Dieu, descenduesur Muammad et dicte la lettre par langeGabriel. Rvler, se dit en arabe coranique,anzala ou nazzala, ce qui signifie fairedescendre . Le Coran prcise dailleurs : dauprs de Dieu (min cindi llh). Dieu parledirectement, soit la premire personne du pluriel,soit, comme Csar, la troisime personne dusingulier. Mais ce nest jamais le prophte quirapporte ce quIl dit. La rvlation tombe den hautcomme un coup de foudre ; cette image estdailleurs coranique ; en effet, il est crit, proposdes infidles (2,19) : Cest comme un nuage depluie dans le ciel, plein de tnbres, de tonnerre etdclairs ; ils mettent leurs doigts dans leurs

  • oreilles cause des grondements de la foudre parpeur de la mort Et on peut lire dans lecommentaire des Jallayn : Ainsi, quand Dieufait descendre le Coran o il voque la mmoirelincroyance qui est compare aux tnbres, lamenace qui pse sur elle et qui est compare autonnerre, les preuves clatantes qui sontcompares lclair, ces infidles se bouchent lesoreilles pour ne pas entendre et pour ne pas envenir, par suite, sincliner vers la vraie foi et abandonner leur (fausse) religion, ce qui serait leurs yeux, une mort. Ces hommes, sourds laParole de Dieu, suivent le cours de leur vie et deleurs habitudes ancestrales, appuys sur lexemplede leurs pres qui les ont prcds dans lhistoire ;ils se drobent aux promesses et aux menaces quiviennent den haut et sont fondes dans latranscendance de Dieu, non dans limmanence des

  • croyances et des coutumes transmises degnration en gnration.

    Le Coran est le seul Livre rvl dans lequelDieu parle ainsi. Le Prophte na qu prcher lalettre ce qui lui a t dict ; il na qu rpter sansrien ajouter de lui-mme ; il na qu faireparvenir (tablgh) le message tel quil la reu.Dieu donne mme ce sujet des conseils prcis auProphte : Ne te hte pas, dans la prdication duCoran, avant que ten soit communique larvlation entirement (20,114). Lecommentateur Qurub explique ce verset en disantque Dieu enseigne au Prophte comment il doitapprendre le Coran. En effet, dit-Il daprs IbncAbbs, un important transmetteur de adth-s,Muammad devanait Gabriel, en ce sens quilcommenait rciter un verset avant que lAngeait fini de le lui rvler, et cela par dsir de leconserver dans sa mmoire, par considration pour

  • le Coran et par peur de loublier. Dieu lui interditde procder ainsi en lui rvlant cette dfense. On peut encore citer (75,16-17) : Nagite pas talangue en le rcitant pour te prcipiter le prcher.Cest Nous de le rassembler (dans ton cur,ajoutent les commentateurs) et de le rciter.

    Par consquent, lEnvoy de Dieu seffacetotalement devant le message quil apporte et quidoit tre reu la lettre. Quand certains hdth-srelatent les circonstances dans lesquelles tel ou telverset a t rvl, ils ne font que constater uneconcidence ; nanmoins de tels vnements, quirestent extrieurs, peuvent sans doute servir enpartie faire comprendre la Parole qui estdescendue au moment o ils se produisaient, maisils nentrent pas dans le tissu mme du messagequi, sans eux, resterait le mme en son contenu, ensa porte et en sa formulation. Dailleurs Dieu neprcise jamais ces circonstances de la rvlation.

  • Nous lavons vu quand Il rappelle le secours quIldonne aux croyants : les commentateurs disent quece souvenir concerne la bataille de Badr ; maisnulle part le Coran ne parle ouvertement de cettebataille. Dans la Bible au contraire, cest au coursmme dun combat, ou en le rapportant, quelcrivain sacr lve sa pense vers le soutienque Yahveh apporte son peuple. Dailleurs quandle Coran fait allusion un vnement de la vie duProphte, cest pour faire rflchir sur lui aprscoup et pour faire voir en lui, aux croyants quilont vcu, les marques de laction divine. On a, dece procd, un exemple trs net au dbut de lasourate 59 (verset 2). Ce texte est dailleursdifficile traduire, et il faut faire un choix parmide nombreuses interprtations. Voici comment onpeut le rendre : Cest Lui qui fit sortir de leursdemeures ceux des Gens du Livre qui avaient faitacte dinfidlit, lors du premier rassemblement

  • (li-awwal al-ashr). Vous ne pensiez pas quilspartiraient, et ils pensaient, eux, que leursforteresses les dfendraient contre Dieu. Or Dieules atteignit par o ils ne comptaient pas treatteints. Il jeta leffroi dans leurs curs ; ilsdmolirent leurs maisons et les croyants les yaidrent. Tirez-en la leon, vous qui avez des yeuxpour voir ! La plupart des commentateursentendent le mot ashr dans le sens dunrassemblement en vue dun dpart pour un pays oupour larme ; ce sens est confirm par le granddictionnaire dIbn Manzr (m. 711/1311) intitulLisn al cArab, qui cite dailleurs ce verset. Aussipeut-on traduire ce terme soit par exil, soit parmobilisation. Mais comme le ashr dsigneparticulirement le rassemblement des hommes auJour du Jugement, on a considr quil constituealors le dernier rassemblement, ce qui a amenR. Blachre traduire li-awwal al-ashr, par en

  • prlude leur rassemblement (pour le Jugementdernier) . M. Hamidullah a choisi une autreexgse et traduit par ds la premiremobilisation ; en effet on trouve cette explicationchez le commentateur Fakhr al-Dn al-Rz : Lesens est que Dieu les fit sortir de leurs demeuresquand, pour la premire fois, Il les rassembla pourle combat quils allaient avoir mener, car cest lepremier combat que lEnvoy de Dieu engageacontre eux. Mais le sens dexil, expulsion,vacuation (jal) est le plus frquemment retenu.On voit le genre de difficult que rencontre lacomprhension exacte du Coran. Quoi quil ensoit, quel vnement Dieu fait-Il allusion dans ceverset ? Voici ce que Rz, entre autres, crit cesujet : Les Banl-Nar (tribu juive de Mdine)avaient fait la paix avec lEnvoy de Dieu en cesens quils ntaient ni contre lui, ni pour lui. Or,quand eut lieu la bataille de Badr (une victoire des

  • Musulmans), ils dirent : Cet homme est leprophte que la Torah dcrit avec les attributs dela victoire. Mais quand les Musulmans furent misen droute la bataille dUud (Ohod), ils eurentdes doutes et rompirent leurs engagements. Kacbb. al-Ashraf (du clan des Banl-Nar par samre) se mit en marche vers La Mecque la ttede quarante cavaliers ; ils firent, sous sermentauprs de la Kacba, alliance avec Ab Sufyn(chef du clan Qurayshite des cAbd Shams, le plusfarouche adversaire de Muammad, anctre descalifes Umayyades). Alors lEnvoy de Dieudonna un ordre Muammad b. Maslama al-Anr qui tua Kacb par ruse [] Puis le Prophtedit aux Banl-Nar : Sortez de Mdine ! Ilsrpondirent : Plutt mourir ! Et ils tinrent entre euxune runion en vue de faire la guerre. On dit quilsdemandrent lEnvoy de Dieu un dlai de dix

  • jours pour se prparer au dpart. cAbd Allah b.Ubayy (un puissant dirigeant de Yathrib, avantlhgire, qui avait d sincliner devantMuammad, mais intrigua contre lui cetteoccasion) leur fit dire de ne pas sortir de laforteresse : Si les Musulmans vous attaquent, nousserons avec vous, nous ne vous abandonneronspas. Et si vous faites une sortie, nous sortironsavec vous. Ils se retranchrent donc et le Prophteles assigea vingt et un jours durant. Alors, quandDieu eut jet leffroi dans leur cur, ilsdsesprrent de la victoire des hypocrites (IbnUbayy et ses partisans) et ils demandrent la paix.Le prophte la leur refusa, moins quilsnacceptent de partir en exil.

    Cet exemple est typique. Le droulement delhistoire concrte est entirement nglig dans letexte coranique qui ne conserve quune allusion des faits connus de Muhmmad et de ses

  • Compagnons, puis transmis par la tradition. Dieusen sert pour donner une leon, plus exactementpour ordonner aux croyants de la tirer eux-mmes partir du rappel quIl en fait dans une sortede version divine des vnements. Or, ce qui estcurieux, cest que les traditions dont se servent lescommentateurs pour expliciter lextrme concisiondes versets, sont des rcits qui rapportent des faitset des gestes humains sans jamais mler Dieu laconduite de leurs entreprises : ils montrent ceshommes agissant comme si Dieu nexistait pas,comme sils menaient leurs affaires eux-mmes etpar eux-mmes. Dieu nest nomm qu la fin, aumoment o on retombe sur la citation coraniquequil sagissait dexpliquer, et quon cherchait toffer.

    Cest donc toujours Dieu qui parle, quienseigne ; les hommes ne sont que rceptifs ; ils netrouvent pas leur Dieu dans lexprience vcue des

  • choses de ce monde. Sans doute, la cration est-elle remplie de signes (yt). Mais les hommes neles discernent quaprs que Dieu leur en a rvllexistence et la signification. Ainsi peut-on lire,entre autres multiples passages : Par leau, Il faitpousser pour vous les crales et les oliviers, etles dattiers, et les vignes et toutes sortes de fruits.En vrit il y a en cela rellement un signe pourdes hommes qui rflchissent (16,11). On sent iciencore lextrme diffrence de ton qui distingue lemessage coranique du message biblique, et plusencore, du message vanglique.

    Dans ces conditions, il nest pas admissiblequon puisse penser un instant sparer, dans leCoran, des lments extrieurs qui seraient enrapport avec des situations historiques, politiqueset sociales, par consquent contingentes, et unesignification essentielle, profonde qui rpondrait une parole intrieure adresse par Dieu son

  • messager, parole qui constituerait seule sonmessage rel.

    En fait, la distinction dun sens apparent ouexotrique (hir) et dun sens cach ou sotrique(bin) est courante chez les penseurs de lIslam,thologiens spculatifs ou mystiques ; mais elle necorrespond pas celle du contingent et delessentiel. Elle intervient surtout propos de laLoi. Les commandements de Dieu supposent uneobissance de lhomme relativement aux diffrentsniveaux de son tre : lhomme a un corps dont lesmembres (jawri) doivent excuter certainesactions et en viter dautres ; ainsi en est-il desdiffrentes postures quil faut prendre dans laprire canonique (alt), ou de linterdiction decertains aliments, ou encore de labstinence dujene de Raman ; il y a aussi des paroles que lalangue (lisn) a prononcer ; mais lhomme aaussi un cur (qalb) et lobissance du cur est

  • galement requise, sinon plus encore. Ainsi laformulation de la Loi qui sadresse lobissancedu corps se double dun appel une adhsion plusintime qui sadresse lobissance du cur. Parsuite, au-dessous du sens littral, se profile un sensspirituel qui rsulte dune intriorisation de la Loi.Mais ce hir et ce bin sarticulent lun lautre, et lun ne va pas sans lautre. Le culteintrieur des valeurs spirituelles ne supprime pasle culte extrieur, sinon il risquerait de setransformer en un subjectivisme anarchiqueincompatible avec la notion dobissance.Lobissance la Loi, par des observancesextrieures bien dfinies, est donc le garant delobissance du cur. Par suite, la rvlationcoranique, en ses deux significations littrale etspirituelle, est galement parole de Dieu,commandement divin, guide voulu pour leshommes par leur Seigneur tout-puissant. Ce serait

  • sortir de lIslam que de vouloir dissocier ces deuxaspects, surtout pour ne retenir que le second, lespirituel. Certains mystiques outranciers qui ontcommis cette faute ont t considrs commeinfidles.

    Pour toutes ces raisons, le message coraniqueest parfaitement exclusif. Il nadmet aucuncompromis et sil appelle les Gens du Livre laconciliation, cest en les invitant reconnatre lavrit de lIslam purement et simplement. En outre,venu le dernier des Livres rvls, le Coran a beaujeu de critiquer le Judasme et le Christianisme,sans compter quil abolit leur Loi. Le Christsattaque aux scribes et aux pharisiens, mais ilnenseigne pas que la Bible a t altre et ilsinscrit dans la tradition juive quil interprtesans la dtruire ; si les Juifs lattaquent, ouattaquent sa doctrine, il les reprend de lintrieuret ne dnonce que le dsaccord entre leurs paroles

  • et leurs actes. Dautre part, il est vident que lesvangiles ne pouvaient partir en guerre contrelIslam. Quant la Bible, elle ne pouvait pasdavantage contenir des controverses contre leChristianisme ou lIslam. Le Coran, au contraire,est une rvlation polmique : les Gens du Livre,Juifs et Chrtiens, y sont sans cessevigoureusement interpells. Dieu leur demande derevenir la foi dAbraham, qui est rappele danslauthentique Torah, dans lauthentique vangile(injl) et dans le Coran. Sil y a trois messagers, ilny a quun seul message, ou du moins troismessages concordants.

    Un texte polmique appelle des rponsespolmiques. Juifs et Chrtiens nont pas manquleur rplique. Les Musulmans ont d se dfendre etla controverse sest envenime. Il est tout faitvain de sengager aujourdhui dans cette voie.Nous nous bornerons noter que louverture de

  • lIslam nest quapparente. Sil recommandedobir la Torah, ce nest pas celle que lesJuifs ont entre leurs mains, car elle est altre ; silfait lloge de lvangile, ce nest pas des quatrevangiles que lisent les Chrtiens et qui sontuvre humaine ; sil reconnat tous les prophtes,cest aprs les avoir islamiss (et dailleurs il neparle pas des prophtes dIsral, Isae, Ezchiel,Jrmie et les autres, Jonas mis part). La positionde lIslam est inattaquable, mais une condition etune seule, et elle est de taille : cest de confesserque le Coran est la Parole ternelle et incre deDieu, rvle la lettre au prophte Muammad.Or cest prcisment ce que les Juifs et lesChrtiens refusent dadmettre, pour la bonne raisonque les premiers ne se reconnaissent pas dans leJudasme du Mose coranique, de mme que lesseconds ne se reconnaissent pas dans le

  • Christianisme du Christ coranique. Cest un fait.Cela dit, nous nous en tiendrons l !

    Il est donc clair que, si on peut dtacher deslivres sacrs des Juifs et des Chrtiens un messagespirituel et essentiel commun ou presque, le Coranrefuse tout traitement de ce genre. Mais dans cesconditions, comment expliquer laccord profondqui unit les mystiques musulmans ceux des deuxautres religions ? Faut-il admettre avec denombreux docteurs de lIslam, attachs avant tout la Loi et mus par un esprit exclusivement lgaliste,que les souris sont suspects, quon peut douter dela puret de leur foi musulmane, quils ontintroduit dans leurs penses et dans leurs pratiquesdes lments dorigine trangre lIslam ? Nousnous heurtons l une nouvelle difficult trsgrave que nous tenterons dcarter en montrant queles plus illustres reprsentants du taawwuf(soufisme) ont, avant toute chose, mdit les textes

  • du Coran et rflchi sur certains termes clefs.Nanmoins, il ne faudra pas oublier quil y atoujours en Islam une hostilit latente ou dclare la mystique, et que cette attitude est encore trsrpandue de nos jours.

    Les destinataires des messages

    Mais puisque cest un fait incontestable quilexiste des mystiques juifs, chrtiens et musulmans,et que leurs tmoignages ne sexcluent pas, loin del, bien quils partent dun effort pour intgrer leur vie trois messages diffrents et souventopposs, la question qui se pose nous est dechercher savoir ce qutaient ces messages poureux. Jusquici, nous navons considr que le Dieuunique, qui envoie ses Messagers, les Messagerseux-mmes et leurs messages. Il faut maintenantnous intresser ceux qui furent envoys les

  • Messagers et qui fut adress le message, unpoint de vue gnral dabord, au point de vueparticulier des mystiques ensuite.

    Message contre lidoltrie

    Dun point de vue gnral, il est ais de voirque la Torah et le Coran sadressent dabord deshommes qui vivent au milieu de polythistesidoltres. Aussi laffirmation de lunicit et delimmatrialit de Dieu vient-elle au premier plan.Les prophtes dIsral disciples de Mose, lerappellent. Ainsi lit-on dans Isae (45,5) : Je suisYahveh et il ny en a pas dautre ; Moi except(zlth), il ny a pas de Dieu , ce qui correspondexactement la rvlation coranique (16,2 ;20,14) : Il ny a de Dieu que Moi (ill an). Citons encore Isae (43,11) : Cest Moi, Moi qui

  • suis Yahveh. Il ny a pas de sauveur en dehors deMoi. Et Ose (13,4) : Tu ne connatras pas dedieu except Moi (zlth) ; il ny a pas desauveur, sinon Moi (bilt). Le sauveur, dans laBible, est dabord le Dieu qui sauve Son peuple deses ennemis et le libre de la captivit, ce dont lesidoles de mtal sont incapables. Une ide analogueest dans le Coran, l par exemple o Dieu parle No (23,28-29) : Et quand tu seras install danslarche, toi et ceux qui sont avec toi, dis alors :Louange Dieu qui nous a sauvs (najjn) dunpeuple injuste, et dis : mon seigneur, fais-moidbarquer en un lieu bni ; Tu es le meilleur quipuisse faire dbarquer. De mme Il rappelle auxJuifs ce quIl a fait pour eux, par ces mots(7,141) : Et quand Nous vous avons sauvs (idhanjawnkum) des gens de Pharaon Lidegnrale du secours divin qui est seul efficace estautant coranique que biblique. Dieu donne en

  • exemple dans le Coran la parole du prophteShuayb (11,77) : Je nai de secours quen Dieu ;en Lui je mets ma confiance, vers Lui je metourne. On peut enfin citer en ce sens le verset(59,23) : Il est Dieu ; il ny a de Dieu que Lui, leRoi, le Saint, le Salut (Salm) Sans doute a-t-on discut sur la signification du nom divin deSalm. Qurub, dans son commentaire, endistingue trois : la premire est que Dieu est sauf Salm), cest--dire exempt (bar) detoute imperfection ; la seconde est quil salue Sesserviteurs au Paradis, selon ce qui est crit(36,58) : eux le salut de paix par la voix dunSeigneur misricordieux ; la troisime est queDieu prserve Ses serviteurs de tout malheur. Seulce dernier sens correspond la notion biblique duSauveur : il fait du nom de Salm un attribut delaction (ifat al-ficl), alors que le premier en faitun attribut de lessence (ifat al-dht). Cest par

  • Ses actes que Dieu donne le salut et la dlivrance.Les idoles, au contraire, sont incapablesdapporter le moindre secours. La Bible et leCoran sattachent convaincre leurs adorateurs delimpuissance de ces faux dieux. Jrmie interroge(2,28) : O sont donc tes dieux que tu tes faits ?Quils se lvent sils peuvent te sauver au tempsde ton malheur (cf. Jrmie, 11,12). Et leCoran rapporte quAbraham dit son pre et sonpeuple (26,70s.) : Qui adorez-vous ? Ilsrpondirent : Nous adorons des idoles de mtal(anm) et nous leur resterons assidus. Il dit : Est-ce quelles vous entendent quand vous appelez ?Peuvent-elles vous tre utiles ou vous nuire ? Eton lit quelques versets plus loin (26,92-93) : Eton leur dira : O sont ceux que vous adoriez endehors de Dieu ? Est-ce que (ces idoles) peuventvous secourir ou se secourir elles-mmes ? Lamme ide est exprime en (29,17) : Vous

  • nadorez en dehors de Dieu (min dni llh) quedes idoles de bois ou de pierre (awthn) et vousforgez un mensonge ; ceux que vous adorez endehors de Dieu ne possdent aucun moyen desubsister quils puissent vous procurer. Cela faitpenser Jrmie qui dnonce ceux qui disent aubois : Tu es mon pre, et la pierre : Cest toi quimas enfant (2,27). Et Isae de son ct ironise(44,14-17) : Un homme va couper des cdres ;[] Ce bois sert lhomme pour brler ; il enprend pour se chauffer ; il en allume aussi pourcuire son pain ; il en fait aussi un dieu et illadore ; il en fabrique une idole, et il se prosternedevant elle ! Il en a brl au feu la moiti ; aveclautre moiti, il apprte sa viande ; il cuit son rtiet se rassasie. Il se chauffe aussi et il dit : Ah !Ah ! je me rchauffe ; je sens la flamme ! Dans laperspective biblique, le Dieu unique affirme sonexistence et sa puissance en slevant sur la ruine

  • prdite du culte des idoles, sur le renversement deleurs autels : Et Yahveh sera seul (lebhad)exalt en ce jour ; quant aux idoles, tout endisparatra (Isae, 2,17-18). La destruction desfaux dieux et de leurs autels est lie au chtimentdes peuples idoltres ; et les Enfants dIsraltombent sous cette loi danantissement quand ilsse dtournent du vrai Dieu. Ce nest que par leculte de lunique Seigneur, quun peuple enparticulier, que lhomme en gnral, peuvent vivreet subsister : Dites : Babel est conquise ; Bel[nom courant de Mardouk, ou Merodakh] estconfondu ; Merodakh est bris ; ses idoles sontconfondues, ses abominations sont brises (Jrmie, 50,2). Car cest un pays didoles(dimages suspectes : pesilm) et ils se glorifientde choses pouvantables (ibid., 50,39). Touthomme est stupide, faute de connaissance. Toutfondeur didole a honte de ce quil a sculpt, car

  • cest un mensonge que sa statue de fonte ; il ny apas de souffle en ces idoles ; elles sont vanit,uvre de tromperie ; au temps de leur chtiment,elles disparatront (ibid., 51,17-18). On pourraitmultiplier les citations de ce genre. Le Coranexprime sa manire la mme ide (26,94-95) : Ils y seront donc prcipits (en enfer, ceuxqugare le polythisme), eux et les sducteurs (al-ghwn), et les troupes dIbls, tous runis. Lescommentateurs entendent en gnral par al-ghwnles divinits des idoltres (al-liha) ; ils sedemandent pourquoi des statues seraient jetes enenfer ; la rponse, selon Rz, est quelles serontun combustible (waqd) qui en entretiendra le feu.

    Ainsi, dans les deux messages, laffirmation duDieu unique se dtache sur la ngation delexistence des faux dieux. Cest ce que marquebien en hbreu, comme en arabe, lemploi departicules dexception : zlth et ill ; bilt et min

  • dn. L. Massignon disait que Dieu est le SuprmeExcept. Il est vrai que la rvlation biblique partde lunique Sauveur pour aller au Dieu unique. CarDieu est dabord le Tout-Puissant qui a dlivrSon peuple de la servitude gyptienne, puis delexil, qui la conduit travers son histoire etsoutenu dans ses combats ; par suite, Il est lecrateur de lhomme et de tout lunivers : En cejour-l, lhomme regardera vers Celui qui la fait (Isae, 17,7). Yahveh est un Dieu ternel qui acr les extrmits de la terre, qui ne se fatigue nine se lasse et dont la sagesse est insondable. Ildonne de la force celui qui est fatigu et Ilredouble la vigueur de celui qui est dfaillant (ibid., 40,28-29). Dans le message coranique, aucontraire, ce qui vient avant tout, cest le Dieucrateur. Selon la tradition musulmane, lespremiers versets descendus sur le Prophte sont(96,1 s.) : Prche au nom de ton Seigneur qui a

  • cr, qui a cr lhomme dune viscosit Crateur, Il est tout-puissant, roi et matre de toutesSes cratures, et par suite il ny a de secours et desalut quen Lui. Mais dans les deux cas, le rsultatest le mme, et on lit dans le Livre de lIslam unverset (2,255) qui voque naturellement celuidIsae que nous venons de citer : Dieu ! Il ny ade divinit que Lui, le Vivant, le Subsistant. Ni lasomnolence (sina), ni le sommeil (nawm) nesemparent de Lui. Lui ce qui est dans les cieuxet ce qui est sur la terre ! Dieu ne se fatigue paset na pas besoin de repos : Quoi ! Ne voient-ilspas comment Dieu commence la cration et larpte ensuite. Certes, cest l pour Dieu chosefacile ! [] Ce nest pas vous qui pouvez le taxerdimpuissance sur la terre et dans le ciel, et vousnavez en dehors de Dieu, ni protecteur ni aide (29,19 et 22). Dieu ne cesse de crer, et toutmoment, il est le soutien actif de sa cration. Les

  • penseurs musulmans, prenant la Gense (2,2) lalettre, ont critiqu lide dun repos du septimejour. Il est nanmoins vident que le verset nesignifie pas, quune fois la cration acheve, Dieunagit plus ; Il a fini de crer ce quil voulait creret son uvre se termine lhomme ; mais cetteuvre ne subsiste pas par elle-mme, et lecrateur continue uvrer pour lui conserverltre et surtout pour veiller sur ses cratures.Cest pourquoi on peut lire dans le Psaume(121,3-4) : Certes Il ne sommeille pas (lyanm) et Il ne dort pas (l yshn) Celui quigarde Isral. Les deux verbes nm (sommeiller)et yshn (dormir) de lhbreu correspondentexactement aux deux substantifs arabes du versetcoranique : nawm (sommeil) et sina, de la racineW S N (hbreu Y Sh N). Par consquent il y a surce point, entre les deux messages, un accordessentiel.

  • Message chrtien aux JuifsAu contraire, le message du Christ sadresse

    aux Juifs et il est prch en milieu monothiste.Lexistence du Dieu unique et de lunique Sauveurna donc pas saffirmer sur un fond de ngationdes idoles. Cest pourquoi lunicit de Dieu estannonce dune faon non polmique. Il sagitdenseigner quelle exige, non seulement uneproclamation extrieure par la profession de foi etun culte exclusif de tout rite paen, mais unedisposition intrieure qui lui corresponde : carlhomme dispers travers tout ce qui lattire etdont la multiplicit soppose lunit de Dieu, nepeut intrioriser en toute vrit sa croyance en unseul Seigneur et en un seul Sauveur. Lemonothisme rellement vcu implique uneconcentration du cur : il faut stre soi-mmeunifi pour adorer rellement lUnique. Il faut donc

  • lutter contre lparpillement, d aux innombrablessollicitations du monde. Le monde quattaquesaint Paul prend la place des nations idoltresde lAncien Testament. Pour nous, nous avonsreu, non lesprit du monde, mais lEsprit qui vientde Dieu, afin que nous connaissions les choses queDieu nous a donnes par Sa grce (I,Corinthiens, 2,12). Dieu na-t-Il pas convaincude folie la sagesse du monde ? (ibid., 1,20). Latristesse du monde produit la mort (II,Corinthiens, 7,10). La figure du monde passe (I, Corinthiens, 7,31). Saint Jean de son ctdnonce les tromperies du monde et, surtout, ilrapporte les paroles du Christ ses aptres(14,27) : Je vous laisse la paix, je vous donne lapaix ; je ne la donne pas comme la donne lemonde ; et encore, recommandant ses disciplesau Pre, Jsus dit (17,11 et 14) : Ils sont dans lemonde [] Ils ne sont pas du monde (cf. 15,18-

  • 20). Or ce monde a ses idoles et toutparticulirement largent. Nul ne peut servir deuxmatres : car, ou il hara lun et aimera lautre, ouil sattachera lun et mprisera lautre. Vous nepouvez servir Dieu et la richesse (Mammon) (Matthieu, 6,24). Car La sduction des richessestouffe la Parole, et elle ne porte pas de fruits (ibid., 13,22). Le Christ maudit les riches. Quest-ce que le riche ? Cest celui qui aime le monde : Naimez pas le monde, ni tout ce qui est dans lemonde. Car tout ce qui est dans le monde, laconcupiscence de la chair, la concupiscence desyeux, et lorgueil de la vie, ne vient pas du Pre,mais du monde (I, Jean, 2,15-16). Ce nest pasla richesse en soi qui est mauvaise : Elle est undon de Dieu, selon la conception biblique, ceuxqui obissent Sa voix (cf. Deutronome, 28,1-14) ; en outre, elle permet de faire du bien aux

  • pauvres. Cest lattachement la richesse qui estun mal, cest lidlatrie de la richesse.

    Sans nier loriginalit de lenseignement duChrist quand on le replace dans lensemble de ladoctrine chrtienne, il faut reconnatre quelAncien Testament proclame des valeursidentiques. La richesse dtourne de Dieu. Ainsi, ilest crit dans le Deutronome (8,11 s) : Garde-toi doublier Yahveh, ton Dieu [] de peur quunefois que tu auras mang et te seras rassasi [],que tu auras vu se multiplier tes bufs et tesbrebis, saugmenter ton argent et ton or, saccrotretous tes biens, ton cur ne senfle et que tunoublies Yahveh, ton Dieu, qui tas fait sortir dupays dgypte Le prophte Ose reprend lamme ide (13,6) : Comme ils avaient leurpture, ils se sont rassasis ; ils furent rassasis etleur cur senfla, cest pourquoi ils Montoubli. Le souc