Transport Solide (Onema 2011)

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Comprendre pour agir

Elments de connaissance pour la gestion du transport solide en rivireJ.R. Malavoi, C.C. Garnier, N. Landon, A. Recking, Ph. Baran.

Ministre de l'cologie, du Dveloppement durable, des Transports et du Logement

Loffice national de leau et des milieux aquatiquesCr en avril 2007 par la loi sur leau du 30 dcembre 2006, lOnema est un tablissement public sous tutelle du ministre en charge du dveloppement durable. Organisme technique franais de rfrence sur la connaissance et la surveillance de ltat des eaux et sur le fonctionnement cologique des milieux aquatiques, sa finalit est de favoriser la gestion globale et durable de la ressource en eau et des cosystmes aquatiques. Il contribue ainsi la reconqute de la qualit des eaux et latteinte de leur bon tat dici 2015, objectif fix par la directive cadre europenne sur leau. LOnema est prsent sur lensemble de la France mtropolitaine ainsi que dans les dpartements et collectivits doutre mer au titre de la solidarit de bassin. Ses 900 agents ont pour mission de :n mobiliser la recherche publique, soutenir des programmes de recherche et organiser une expertise de haut niveau pour accompagner et valuer la mise en uvre des politiques publiques de leau ;

coordonner le systme dinformation sur leau et participer lacquisition des donnes relatives leau et aux milieux aquatiques, aux activits et aux services associs ;n

mettre disposition ces informations auprs des autorits europennes et nationales, des gestionnaires de leau ou du grand public ;n n contribuer au contrle des usages de leau et la surveillance des milieux aquatiques, participer la prvention de leur dgradation, leur restauration et la prservation de la biodiversit ; n

apporter aux acteurs de la gestion de leau son appui technique et sa connaissance de terrain. Pour mener bien ses missions, il travaille en troite collaboration et en complmentarit avec lensemble des acteurs de leau.

C et ouvrage poursuit la collection Comprendre pouragir qui accueille des ouvrages issus de travaux de recherche et dexpertise mis la disposition des enseignants, formateurs, tudiants, scientifiques, ingnieurs et des gestionnaires de leau et des milieux aquatiques.

I est consultable sur le site linternet de lOnema (www.onema.fr ), rubrique publications ainsi que sur le portail national les documents techniques sur leau (http://www.documentation.eaufrance.fr/).

Elments de connaissance pour la gestion du transport solide en rivire

J.R. Malavoi, C.C. Garnier, N. Landon, A. Recking, Ph. Baran.

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e transport solide, savoir le charriage des sdiments grossiers par les cours deau au gr des crues, est lun des lments majeur du bon fonctionnement des hydrosystmes fluviaux. En effet, le cycle vital de nombreuses espces fluviatiles est troitement li un habitat compos en grande partie de dpts alluvionnaires grossiers. La prservation de cette charge alluviale grossire est indispensable au bon tat cologique des eaux. Cest pour cette raison que le bon fonctionnement du transport sdimentaire est aujourdhui inscrit comme un objectif fort dans les textes juridiques encadrant la gestion de l'eau et des milieux aquatiques :I la directive cadre europenne sur leau de 2000, dans son annexe 5, fait de la continuit cologique lun

L

des lments de qualit hydromorphologique pour la classification de ltat cologique dun cours deau. Le trs bon tat ne peut mme tre atteint que si la continuit de la rivire n'est pas perturbe par des activits anthropogniques et permet une migration non perturbe des organismes aquatiques et le transport de sdiments ;I larticle

L. 214-17 du Code de lEnvironnement relatif aux classements de cours deau prvoit que soit tablie pour chaque bassin ou sous-bassin, une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux dans lesquels il est ncessaire d'assurer le transport suffisant des sdiments et la circulation des poissons migrateurs. Tout ouvrage doit y tre gr, entretenu et quip selon des rgles dfinies par l'autorit administrative, en concertation avec le propritaire ou, dfaut, l'exploitant .

Cette reconnaissance un haut niveau juridique du rle du transport sdimentaire justifiait la rdaction dun document technique de synthse sur cette thmatique. Cet ouvrage rpond ce besoin et permettra aux gestionnaires et aux usagers des cours deau de dcouvrir le sujet ou de complter leurs connaissances sur ce compartiment-cl des hydrosystmes fluviaux.

Patrick Lavarde Directeur gnral Onema

Odile Gauthier Directrice de leau et de la biodiversit MEDDTL

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sintresser au transport solide ?

Tout dabord, prcisions que nous avons volontairement choisi de focaliser ce document sur le transportsolide des sdiments fluviatiles dits grossiers car la majorit des chercheurs en hydromorphologie et en cologie fluviale considre que cest le dficit chronique, souvent dorigine anthropique, de cette charge alluviale de fond qui est lorigine de nombreux dysfonctionnements observs aujourdhui sur les cours deau franais. Il nen reste pas moins que des sdiments fins transitent aussi naturellement dans les hydrosystmes et quils y jouent un rle important, particulirement laval (basses valles, estuaires, deltas). On pourrait admettre quil nest pas ncessaire de grer le transport solide dune rivire et quelle est capable de le grer toute seule. Nanmoins, on peut distinguer diffrents problmes de gestion lis la prsence ou labsence dalluvions dans le cours deau. Dans la mesure o les rivires servent divers usages, il convient de grer cette charge alluviale de fond afin quelle nengendre pas de risques importants vis vis des enjeux humains et socio-conomiques majeurs.

Les problmes de gestion lis aux atterrissements dans le lit mineur des cours deau La prsence dalluvions en rivire est gnralement perue ngativement par les populations riveraines. Les demandes frquentes de curage manant des riverains et relayes par les lus sont principalement motives par la volont de rduire la frquence et lampleur des inondations des terrains situs proximit des zones datterrissements. Cet argument systmatiquement avanc pour justifier le recours au curage nest pas infond dans la mesure o les petites crues doccurrence annuelle quinquennale ont une puissance insuffisante pour remobiliser compltement les dpts dalluvions existant dans le lit mineur. Lencombrement du chenal par des bancs alluviaux, surtout sils sont vgtaliss, entrane parfois une rehausse de la ligne deau qui suffit crer des dbordements localiss de la rivire. La formation datterrissements et leur vgtalisation dans les traverses urbaines peut donc tre problmatique car susceptible dinduire une rduction de la section dcoulement. Un autre argument, plus rarement exprim par les riverains pour justifier un curage, est de prserver le foncier en limitant la pression rosive sur les berges au droit de zones enjeux. Les atterrissements qui se forment jouent en effet le rle dpis dflecteurs et acclrent lrosion de la berge oppose latterrissement.

Les problmes de gestion lis au dficit sdimentaire La gestion du transport solide est aujourdhui rendue ncessaire aussi par le fait que de nombreux cours deau ont connu et connaissent encore des dysfonctionnements hydrosdimentaires importants, caractriss notamment par des processus dincision gnralise lis des perturbations anthropiques majeures, sur lesquelles nous reviendrons dans le corps de ce document : stabilisation volontaire des versants depuis la fin du XIX sicle, ce qui bloque les sdiments la source ;I I extractions

massives de granulats entre 1945 et 1985 environ ;

I implantation de nombreux ouvrages faisant obstacle au transport naturel de la charge de fond (barrages

et seuils). Or, de nombreux milieux, infrastructures ou usages sont fortement altrs par ces processus dincision qui vont parfois jusqu la disparition totale du substrat alluvial : les ouvrages dart (ponts, digues, protections de berges) qui se dchaussent et sont trs coteux reconstruire ou sur-protger ;I I les

dispositifs dalimentation en eau potable, qui, lorsquelle est ralise partir de captages en nappe alluviale, peut tre fortement perturbe, tant en qualit quen quantit ;

I

les milieux naturels du lit mineur qui peuvent tre gravement altrs, les alluvions inondes et exondes sont un habitat majeur pour la faune et la flore ;

les milieux naturels du lit majeur (bras morts notamment) qui peuvent se trouver asschs ou dconnects.I

Lobjectif de ce document, destin aux divers gestionnaires des cours deau, des techniciens de rivire aux dcisionnaires politiques ou administratifs, est donc double :I faire

partager les lments de connaissance actuellement disponibles sur le transport solide grossier en rivire, les processus physiques, le rle biologique, les dysfonctionnements et leurs causes ;

I fournir des lments de mthode qui leur permettront de grer au mieux les sdiments grossiers transitant dans les cours deau, qui prsentent la caractristique dtre la fois indispensables au bon fonctionnement des hydrosystmes tout en pouvant entraner des perturbations sur le plan des socio-systmes.

Cinq chapitres seront dvelopps :I le I le

premier rcapitule les lments de connaissance scientifique dont nous disposons aujourdhui ; deuxime prsente les principales altrations connues du transport solide et leurs consquences ; quatrime fournit de grandes orientations quant la gestion du transport solide ;

I le troisime fait le point sur les divers aspects de la rglementation actuelle concernant le transport solide ; I le

I le cinquime donne enfin des principes de mise en uvre concrte des divers lments prsents dans les chapitres prcdents, notamment dans le cadre dun plan de gestion des sdiments.

Sommaire

9

I Le transport solide grossier en rivire I Les altrations anthropiques du transport solide I Droit applicable au transport sdimentaire I Orientations gnrales de gestion et de restauration I Elments daide llaboration dun plan de gestion du transport solide I Annexes I Rfrences bibliographiques

81

111

133

149

195

209

8

Le transport solide grossier en rivire

9

10

I Gnralits I Etat des connaissances I Transport solide et fonctionnement cologique

14

70

GnralitsLe concept dquilibre dynamiqueDans des conditions naturelles, les rivires tendent tablir une combinaison dynamiquement stable entre deux types de variables :I des variables de contrle , cest--dire celles qui simposent la rivire et contrlent son volution physique ; I des variables de rponse , qui permettent la rivire de sajuster aux mutations des variables de contrle.

Parmi les variables de contrle, deux sont fondamentales, agissent de faon concomitante et rgissent en grande partie la dynamique fluviale (Figure 1) :I dune part, le dbit liquide (not Q) qui, coupl la pente donne au cours deau sa puissance. La puissance est, pour simplifier, le produit pente x dbit x poids volumique de leau. Elle est fonction des conditions hydrologiques et de la morphologie gnrale (pente et forme de la valle) et locale (style fluvial) du cours deau. Sa variabilit est donc la fois spatiale (morphologie diffrente selon les tronons de rivire) et temporelle (notamment sur le court terme par le biais des crues). La puissance brute () est calcule comme suit : = QJ (en watt/m). La puissance spcifique () est calcule comme suit : = /l (en watt/m), o est le poids volumique de leau (9810 N/m3), Q le dbit (m3/s) (on prend souvent le dbit de pleins bords), J la pente de la ligne dnergie en m/m, l la largeur du lit pour le dbit utilis (m) ; I et dautre part, le dbit solide (Qs), particulirement la charge alluviale de fond compose de sdiments grossiers.

10

Figure 1

Les deux principales variables de contrle de la dynamique fluviale.

La balance de Lane (1955, Figure 2) montre que toute rivire cherche son quilibre entre la charge alluviale impose (dbit (Qs) et granulomtrie) et le dbit liquide (Q), qui coupl la pente, fournit lnergie capable de l'vacuer. De manire trs simplifie, la dynamique fluviale peut donc tre prsente comme loscillation permanente de laiguille dune balance dont lun des plateaux serait rempli de sdiments grossiers (variable Qs), et lautre deau (variable Q). Les quantits respectives et les rapports de ces deux lments tant extrmement fluctuants ( lchelle de la journe, de lanne, du millier dannes), il sensuit un ajustement permanent de la morphologie du cours deau, autour de conditions moyennes, par le biais des processus drosion-dpt.

Figure 2

La balance de Lane .

D'autres variables de contrle interviennent divers degrs dans les processus godynamiques et les formes qui en rsultent (Figure 3) :I

11

la pente et la gomtrie de la valle, mises en place depuis des centaines de milliers, voire des millions, dannes, sous le contrle majeur de la gologie du bassin versant et des mouvements tectoniques ; caractristiques sdimentologiques du fond du lit et des berges, qui conditionnent leur rodabilit et qui sont elles aussi lies lhistoire gologique (facis des roches plus ou moins altrable) et gomorphologique (processus de surface) du bassin versant mais galement son volution hydro-climatique plus ou moins rcente (glaciations) ;

I les

I la

vgtation des berges, qui est une variable vivante et par consquent beaucoup plus fluctuante que les deux prcdentes (car trs sensible aux volutions climatiques et aux actions anthropiques).

Figure 3

Les variables de contrle secondaires de la dynamique fluviale.

En plus de ces variables de contrle, des vnements gologiques (mouvements tectoniques) ou climatiques (variations du niveau des mers) majeurs peuvent aussi influer sur la morphologie et la dynamique des cours d'eau. On admet alors que tout cours d'eau dispose d'une gamme assez large de variables de rponse, pour modeler sa morphologie en fonction des fluctuations des dbits liquides et solides. Parmi ces variables de rponse on trouve notamment : largeur du lit pleins bords (la gomtrie de pleins bords correspond la section dcoulement du cours deau avant dbordement dans le lit majeur ou plaine alluviale holocne. Cest le plenissimum flumen des juristes sur les cours deau domaniaux) ;I la I la I la I la

profondeur moyenne pleins bords ; pente du lit ; sinuosit.

On dit que les rivires naturelles sont en "quilibre dynamique" ou en "quasi-quilibre" (selon l'chelle de temps choisie pour analyser ce phnomne) et qu'elles ajustent continuellement leur largeur, leur pente, leur sinuosit etc. au gr des fluctuations des variables de contrle. Equilibre dynamique signifie donc, non pas absence de modification des caractristiques physiques du cours d'eau mais au contraire ajustement permanent autour de conditions moyennes. La dmarche fondamentale que doit suivre un bon diagnostic hydromorphologique est donc d'identifier le seuil partir duquel ces oscillations et les modifications gomtriques qui les traduisent ne sont plus lies au processus d'quilibre mais deviennent des indicateurs de dysfonctionnements. Dans la ralit, le dbit liquide et le dbit solide ne sont pas les seuls paramtres impliqus dans la mise en action des processus d'ajustement. Ainsi toute modification de l'une des variables de rponse est en thorie susceptible d'entraner, par un processus complexe d'interactions et de rtroactions, une mutation de tout ou partie du systme. Cest ainsi par exemple, quun recoupement de mandre, ou lextraction de granulats en lit mineur, peuvent entraner des modifications intenses et durables des processus drosion et de dpt. La morphologie d'un cours d'eau, ou pour simplifier son style fluvial, peut donc varier dans l'espace mais aussi dans le temps en fonction des modifications de Q et Qs (Figure 4).12

Figure 4

Les modifications du style fluvial au cours du temps (daprs Sear, 1996). Les oscillations verticales reprennent celles, horizontales, prsentes dans le schma de Lane (Figure 2). Les dessins prsentent leur traduction morphologique thorique.

Si ces modifications sont de faible ampleur (simples oscillations autour de valeurs moyennes) le style fluvial d'quilibre reste sensiblement le mme, en tout cas sur le court terme (50 ans, sicle...). Si ces modifications sont durables, par exemple du fait de la rduction de la charge solide lie des changements climatiques majeurs ou des interventions anthropiques lourdes (barrages par exemple), le style fluvial peut lui aussi changer de manire durable et n'voluer ensuite que faiblement autour d'une nouvelle forme d'quilibre. On parle alors de mtamorphose fluviale. Si le changement est fort mais relativement peu durable (par exemple, vnement climatique localis qui aurait apport un gros volume dalluvions), le cours d'eau s'orientera quelque temps vers un nouveau style puis reviendra progressivement son style antrieur. Sur le long terme, les modifications et les changements de styles peuvent tre assez frquents, en fonction des fluctuations de Q et Qs ou de perturbations externes majeures (oscillation du niveau marin, mouvements tectoniques, etc.).

Les deux variables majeures de contrleCest lchelle du bassin versant (BV) que sont gnres les deux variables de contrle majeures de la dynamique fluviale.

Figure 5

13 Un bassin versant (BV) et ses sous-bassins. Rappelons que le BV se dfinit toujours par rapport un point prcis du rseau hydrographique.

I

Le dbit liquide

Les prcipitations, atteignant la surface rceptrice que lon nomme bassin versant, ruissellent plus ou moins directement et plus ou moins vite, selon la nature du sol, du sous-sol, et selon loccupation ou les usages de la surface. A lexutoire de chaque bassin versant lmentaire, puis du bassin le plus grand, se forme alors un dbit liquide (Q) qui est le volume deau sortant de ce bassin par unit de temps et qui sexprime en m3/s, m3/j, m3/an (mtres cubes par seconde, par jour, par an). Sur sol impermable (roche mre, zones urbanises, sols compacts ou battants) le ruissellement prendra le pas sur linfiltration : une mme pluie engendrera donc plus de dbit lexutoire du BV que sur sol permable (sol sableux par exemple). De mme, un sol prsentant les mmes caractristiques de permabilit sera plus ruisselant sil est mis en culture que sil est couvert de forts.

I

Le dbit solide

Le dbit solide dun cours deau trouve lui aussi son origine dans le bassin versant, notamment via les apports dits externes. Cest la proposition de principes de bonne gestion de ce dbit solide qui fait lobjet de cet ouvrage.

Etat des connaissancesLa dichotomie charriage-suspensionIl est couramment admis que le transport de matriaux solides en rivire se fait sous deux formes (Figure 6a) :I par charriage sur le fond lorsque ces matriaux dpassent un certain diamtre et que le courant ne peut les

mettre en suspension. Ils se dplacent alors en contact quasi-permanent avec le fond par roulement et petits sauts ; en suspension lorsque les matriaux sont suffisamment fins et le courant suffisamment puissant pour les transporter au sein de la colonne deau. La courbe de Hjulstrom (Figure 6b) prsente une limite trs nette au niveau du couple diamtre 0,5 mm/vitesseI

Figure 6

a b

14

Dichotomie charriage-suspension.

20 cm/s , que beaucoup interprtent comme une limite charriage/suspension. Notons cependant que ce mme sable de 0,5 mm pourra tre transport en suspension pour des vitesses plus importantes. La classe des sables toute entire est une classe intermdiaire entre le charriage et la suspension, fonction des vitesses dcoulement et de la turbulence. On comprend mieux aussi grce cette courbe, le caractre transitoire du transport par charriage. Au-del de cette valeur de lordre de 0,5 mm, si le grain est mis en mouvement pour une certaine vitesse dcoulement, il se redpose pour une valeur peine infrieure, alors que, lorsque lon est dans la classe des limons, une fois le grain en mouvement, il se dplace vers laval sensiblement la mme vitesse que leau et ne se dposera plus que sous des conditions hydrauliques quasi stagnantes. Certains auteurs distinguent un 3me mode de transport, la saltation, qui est un mode intermdiaire entre le charriage vrai et la suspension. Les particules se propagent par grands bonds dans un espace de quelques dizaines de centimtres au-dessus du fond du lit mineur o se droule le charriage vrai .

La charge de fond et son origineSi les concepts de puissance sont assez bien dfinis, il nen va pas de mme pour ceux lis la charge solide, deuxime variable majeure de lquilibre godynamique.

Nous ne dvelopperons ici que les processus lis au charriage, donc la production de la charge solide dite de fond ou bed load.

I

Apports externesProduction primaire

Il sagit de la production de sdiments grossiers qui arrivent quasi-directement au cours deau par le biais de processus gravitaires plus ou moins simples. La production primaire est issue de formes drosion associes un ou plusieurs processus dablation de la roche mre ou de dpts de matriaux meubles des versants (cnes et talus dboulis, colluvions, loess, sols et lithosols, moraines). On peut distinguer plusieurs formes et processus associs : les croulements directs (Figure 7a) et ceux avec processus relais - tabliers dboulis c 7b-c) ou couloirs davalanche par exemple - (Figure 7d) ; rsultat de plusieurs processus, combins ou non (processus mcaniques comme lalternance gel-dgel, processus chimique comme la karstification, processus gravitaire comme la mise en surplomb par rosion diffrentielle lie la nature plus ou moins rsistante des roches) ;I

Figure 7

b

a-b-d N. Landon c J.R. Malavoi

a

c

15

d

Exemple dapports externes par production primaire. (a) croulements directs (b et c) tabliers dboulis (d) couloir davalanche.

I

la reptation, cest--dire le dplacement de particules au sein dune formation meuble de versant sous laction de la gravit. Souvent marque le long des versants raides o la mtorisation a produit une couverture de dbris le plus souvent de faible calibre (les colluvions). Les chablis (arbres dracins) peuvent favoriser la mise en surface de particules plus grossires, et sous condition de forte pente, ces formes peuvent voluer plus ou moins rapidement vers le ravinement (Figure 8 a) ;

I les glissements de terrain, cest--dire les formations mises en mouvement par dcollement des horizons humidifis d aux arrives deau dinfiltration. Ces glissements deviennent intressants pour la production de charge de fond lorsquils sont composs dune part importante de matriaux grossiers (ex. les moraines, les olistostromes). Ces surfaces sont rarement importantes et le plus souvent dautres processus prennent le relais du glissement ou intensifient lrosion, cest le cas du ravinement (Figure 8).

Figure 8 a-b-c N. Landon

a

b

16

c

Exemple dapports externes par production primaire. (a) reptation et ravinement (b et c) glissement et ravinement.

Ces types de production primaire active ne se rencontrent que dans des conditions particulires (ttes de bassins montagnards non ou peu vgtaliss) et ne participent rellement la charge de fond des cours deau que sils sont en connexion troite avec le rseau hydrographique. De plus, ces sources de production primaire se sont fortement taries depuis la fin du XIX sicle sous leffet de plusieurs facteurs ayant agi de manire synergique (nous y reviendrons dans un autre chapitre) :I

changements climatiques (rchauffement) favorisant la vgtalisation des versants et la rduction des processus rosifs et de glissement ; rduction des pratiques agropastorales dominantes jusquau XIX sicle et qui limitaient artificiellement cette vgtalisation par surpturage ;

I

I amnagements grande chelle visant la rduction de ces apports solides notamment par les travaux dits de

Restauration des Terrains de Montagnes (RTM) : stabilisation des pentes par des plantations, seuils de correction torrentielle , plages de dpt torrentiel, etc.

Production secondaireIl sagit des apports des affluents, constitus eux-mmes dapports externes et internes.

Exemple dapports externes secondaires.

I

Apports internes

J.R. Malavoi

Figure 9

17

Conceptuellement, les apports internes sont ceux produits par le cours deau lui-mme. On parlera aussi de stock alluvial interne . Il se prsente sous deux formes :I le

stock disponible dans le lit mineur lui-mme et gnralement en transit progressif vers laval (macroformes alluviales et fond du lit) ;

I le stock du lit majeur et des terrasses, inject progressivement dans le cours deau par les processus drosion latrale.

Stock en lit mineurDeux sous-types peuvent tre distingus : les macroformes alluviales et le fond du lit mineur. 1- Les macroformes alluviales Il sagit des masses sdimentaires de volume important, transportes par charriage, et qui migrent plus ou moins rapidement vers laval. On peut les identifier assez facilement sur le terrain ou sur photographies ariennes car il sagit gnralement dentits discrtes prsentant une forme tridimensionnelle particulire. Leur quantit, leur forme, leur rpartition spatiale sont fonction de la quantit des apports externes et internes. Lorsque ces apports sont trs importants, le lit mineur peut ntre constitu que dune succession de macroformes (Figure 10a). Si les quantits augmentent encore et que les berges sont trs rodables, un tressage peut se dvelopper.

Figure 10

2011 Google 2011 DigitalGlobe

Exemples de macroformes en transit.

Ces macroformes constituent lessentiel du dbit solide observable et mesurable. Elles peuvent transiter intgralement, sans change de matire avec le fond, notamment lorsque celui-ci est protg par une armure granulomtrique ou par un tapis vgtal (Figure 11).

aFigure 11

b

18

Fronts de dunes actives (a) sur la Loire sableuse et (b) sur le Doubs graveleux. Elles migrent sans reprise du stock situ en aval, protg par un tapis vgtal.

2- Le fond du lit

En dehors des macroformes, qui sont la fois des units de stockage et des formes de transport des alluvions fluviatiles, une partie de la charge de fond peut tre mobilise directement sur le fond du lit mineur, si celui ci est alluvial et sil nexiste pas de pavage. Lorsque ce prlvement sur le fond nest pas compens par un apport de lamont, il y a alors incision du lit mineur. Si ce processus se prennise (par exemple, suite la mise en place dun barrage ou au pigeage des apports amonts dans une ancienne fosse dextraction), le dsquilibre initialement temporaire se transforme en dsquilibre long terme.

a-b J.R. Malavoi

b J.R. Malavoi

a

b

a

b

Exemples de mobilisation directe du fond alluvial sans remplacement par des apports amont (gnralement dans un contexte de dysfonctionnement hydrosdimentaire : rosion rgressive ou progressive lie un amnagement). Le rsultat est lincision du lit mineur.

Stock du lit majeur et des terrassesSous nos latitudes, lessentiel du stock alluvial grossier potentiellement disponible au transport se trouve aujourdhui dans les terrasses des fonds de valle. Seules les ttes de bassin des rivires de montagne disposent encore dapports solides importants provenant dune production externe primaire . Les terrasses sont constitues dnormes volumes dalluvions dposes par les cours deau du plistocne (lors des priodes glaciaires et inter-glaciaires) et que lon identifie gnralement sur les cartes gologiques du BRGM (Bureau de Recherche Gologiques et Minires) par les codes Fz (plaine alluviale holocne), Fyz et Fy (terrasses du Wrm). Les terrasses plus anciennes (Fx et plus) peuvent aussi constituer un stock disponible si elles sont suffisamment proches du lit mineur actif pour tre soumises aux processus drosion latrale. En effet, linjection dans le cours deau de ce stock alluvial fossile se fait par le biais des processus drosion latrale (Figure 13). Les volumes injects peuvent tre de lordre de grandeur de la capacit de charriage locale du cours deau.19

a

b

Exemples de reprise du stock alluvial plistocne par rosion latrale de basses terrasses.

a N. Landoni-b J.R. Malavoi

Figure 13

a J.R. Malavoi - b N. Landon

Figure 12

La propagation de la charge de fondUne fois injecte dans le cours deau, la charge de fond se propage plus ou moins rapidement en fonction des conditions gomorphologiques locales (changements de pente, largissement du lit, ouvrages modifiant les conditions dcoulement, etc.) et des dbits capables de la mobiliser.

I

Formes de propagation de la charge de fond

La forme la plus frquente que revt le transport par charriage est une macroforme sdimentaire que lon nomme banc ou dune. Il existe actuellement un flou terminologique autour de ces deux termes. Pour certains auteurs (Yalin et Da silva, 2001 notamment) les dunes (dunes) sont des macroformes de taille et longueur donde proportionnelles la profondeur tandis que les bancs (bars) sont de taille et de longueur donde proportionnelles la largeur pleins bords. Les macroturbulences lorigine des dunes seraient des vortex axe horizontal, tandis que celles gnrant les bancs seraient axe vertical. La propagation de la charge de fond se fait sous une forme tridimensionnelle caractristique que lon peut donc identifier, localiser et dont on peut dessiner les contours et les volumes. On observe gnralement une contre-pente vers lamont et une face aval active (front de progradation ou face davalanche ) pente forte, proche de la pente dquilibre des matriaux granulaires (40-45). Voir Figure 14. Rappelons quil existe cependant un type de propagation sur fond plat (plane bed) lorsque lcoulement devient torrentiel (Fr>=1) sur les cours deau sableux. On trouve aussi des antidunes lorsque lcoulement est trs torrentiel (Fr trs >1).

a

Amont, peu de pente

Aval, face davalanche

20

contre-pente

b

Exemples de dunes/bancs (a) sur le Doubs aval (b) dans un caniveau

a- b J.R. Malavoi

Figure 14

Si la charge solide est importante (en volume) les macroformes peuvent tre jointives, le front de chaque dune progressant sur la queue de dune le prcdant, elle-mme se propageant vers laval, etc. (Figure 15).

aFigure 15

b

(a) champ de dunes sableuses sur lAllier aval et (b) caillouteuses sur lAllier amont.

Inversement, sil y a peu de sdiments en transit, les macroformes migrent de faon isole et sont dautant plus faciles localiser et mesurer (Figure 16). Il existe bien sr toutes les situations intermdiaires entre ces extrmes.a- fond BDOrtho 2001 IGN 2011 b- fond SCAN 25 IGN 2011

aFigure 16

a- b J.R. Malavoi

21

b

(a) macro-dune en migration sur le Doubs, plus ou moins pige dans une ancienne fosse dextraction (pseudo-delta),(b) dune graveleuse isole, en migration dans le lit mineur du Doubs en aval immdiat de Dole (mesures bathymtriques).

A la surface des macroformes (dunes) on peut trouver des microformes sdimentaires appeles rides. Elles se dplacent sous limpulsion de courants faible vitesse et on les trouve gnralement sur les cours deau sableux, bien que lon puisse parfois observer des rides caillouteuses.

aFigure 17

b

Les microformes alluviales : les rides (ripples).

La rpartition spatiale des macroformes en transit le long de laxe fluvial se fait gnralement sous forme de bancs alterns. Si les berges ne sont pas stabilises par des ouvrages de protection, ces bancs alterns se transforment progressivement en sinuosits, voire en mandres. Si les berges sont stables, les bancs alterns restent en ltat. Enfin, si le transport solide est trs important et les berges rodables, on observe le dveloppement dun tressage dans un lit large et peu profond.

aFigure 18

22 20011 Google - image 20011 Geoimage Austria

b

c

2011 Google - 2011 Inav/Geosistemas SRL - 2011 Maplink/Tele Atlas - Image DigitalGlobe - Image 2011 GeoEye

Image 2011 GeoEye 2011 whereis sensis Pty Ltd

Rpartition des macroformes alluviales a) sous forme de bancs alterns si les berges sont protges, b) sous forme de bancs alterns transforms en bancs de convexit si les berges sont rodables, c) sous forme de bancs coalescents si les apports sont trs importants et les berges non cohsives (tressage).

a- b J.R. Malavoi

I

Mode de propagation de la charge de fond

Le principe thorique de migration des macroformes (dunes ou bancs) est prsent sur la figure 19. Dans un contexte dquilibre dynamique, la dune se propage vers laval par rosion de son talus amont, migration des grains ainsi rods sur le dos de la forme, puis glissement de ceux-ci en avalanche sur le front raide situ en aval. La contre-pente et le front aval raide, rappelant la forme des dunes oliennes, sont lis la rugosit globale du lit qui freine le transit de la dune et provoque cet effet de compression mcanique.

Figure 19

Coupe longitudinale thorique dune dune en cours de propagation (Yalin, 2001).

I

Fractionnement de la charge de fond

Mme sil est couramment admis que, lors des crues, le transport solide par charriage concerne une grande partie de lventail sdimentaire disponible au transport, on sait que, en fonction du dbit liquide, les courbes granulomtriques des matriaux transports sont diffrentes (on parle de comptence de lcoulement, lie la force tractrice (). Ce phnomne est bien illustr par la figure 20. On y observe que plus le dbit (donc la force tractrice) b augmente, plus la taille moyenne des matriaux transports augmente (D50 = 1 mm 0,3 m3/s et 50 mm 3 4 m /s). Ltendue granulomtrique augmente pour les mmes raisons (plus de classes de tailles sont en mouvement). On constate aussi que, dans cet exemple, la courbe la plus grossire natteint pas les valeurs de la granulomtrie en place (courbe la plus droite sur la figure) qui reprsente la granulomtrie de la couche de surface que lon nomme armure (Figure 22), beaucoup plus grossire que les alluvions transportes car lie un processus de tri slectif. Ceci explique pourquoi, en fonction des crues et des conditions gomorpho-

23

Figure 20

a a

b b

Evolution de la granulomtrie des alluvions transportes en fonction du dbit (Bathurst, 1987).

logiques locales, la granulomtrie des macroformes peut tre diffrente (dans lespace et dans le temps). On peut ainsi observer par exemple des macroformes constitues de pierres fines et graviers (nomenclature de Wentworth) en train de migrer sur des macroformes constitues de gros lments (pierre grossires, blocs) en surface. Cela signifie que la crue prcdente a eu une comptence suffisante pour transporter des pierres fines (venant de lamont, des berges, des affluents etc.) mais insuffisante pour briser larmure de pierres grossires de la macroforme sous-jacente (Figure 21).

Figure 21

Migration dune dune de cailloux grossiers et fins sur une macroforme prexistante dune granulomtrie beaucoup plus grossire.

N. Landon

Figure 22

a

b

24

a

b

Exemples darmure (vues en plan et en coupe). On distingue bien la granulomtrie plus grossire en surface que dans lpaisseur de la macroforme o la matrice sablo-graveleuse est trs importante.

I

Vitesse de propagation de la charge de fond

Il est trs difficile de mesurer, et plus encore de prdire, la vitesse de propagation de la charge alluviale de fond. Quelques donnes, telles que celles prsentes dans le tableau 1, ont t publies dans des revues scientifiques ou des rapports de bureaux dtude. Il sagit gnralement de mesures de vitesses de particules lmentaires alors quil importe plus, en matire de gestion des sdiments, de connatre la vitesse de

propagation des macroformes.

a-b J.R. Malavoi

Tableau 1

Quelques donnes sur la vitesse de propagation des alluvions grossires.

Rivire Agly Agly Verdouble

Classe granulomtrique Conditions de Q galets galets galets Q1,5 /an Q2,4 /an

Dure Q 1h30 5h00

Distance parcourue 120 m 310 m 850 m maxi 1800 m en moyenne 10 km/sicle

Auteur BRL BRL Anguenot

Anne 1988 1988 1972

plusieurs crues dont Q5, Q2, Q4

Ardennes Hrault Isre

30 80 mm galets galets

en moyenne 3 km/sicle 20 km/sicle 10 km/sicle

Petit Tricart et Vogt Salvador

1997 1967 1991

Une publication de Katolikov et Kopaliani (2001), permet de complter ces donnes pour ce qui concerne la propagation des bancs latraux (side bars). On constate des valeurs comprises entre 50 et 500 m/an environ, ce qui est dans les ordres de grandeur du tableau 2 (3 20 Km/sicle).

Tableau 2

Quelques donnes sur la vitesse de propagation des bancs latraux (in Katolikov et Kopaliani (2001). 25

Rivire Garonne Rhin Aval Strasbourg Mur (Autriche) Volga Amour Danube Vistule

Vitesse (m/an) 20 - 30 270 500 100 - 200 (sur 8 mois) 100 - 200 200 - 600 200 100

Auteur Baumharten, 1848 Popov, 1969 Yasmund, 1930 Eksner, 1924 Popov, 1969 Bashkirov, 1956 Polyakov, 1951 Popov, 1969

Remarques

209 bancs latraux entre Ble et Sonderheim Tronon canalis de 7 km. Longueur des bancs alterns = 5/6 fois la largeur du lit pleins bords

I

Stockage temporaire de la charge de fond

La charge de fond en transit peut tre plus ou moins longuement stocke lors de son transit vers laval. Le concept gnral est prsent sur la figure 23.

Figure 23

26

Production, transfert et stockage de la charge de fond (daprs Sear and Newson, 1993). Les chiffres de dure de stockage sont des ordres de grandeur.

Le stockage naturel Le cas le plus vident de stockage naturel des alluvions en transit est celui des bancs et dunes et particulirement des bancs de convexit. Sur la partie active des bancs, le stockage nest que temporaire (quelques mois ou annes) et les matriaux sont frquemment remanis et emports vers laval par les processus de transport solide voqus ci-dessus. Sur la partie interne des bancs, la vgtation se dveloppe progressivement, au fur et mesure que la berge concave oppose srode et que le mandre migre latralement et vers laval. Cette vgtalisation, ainsi que lloignement progressif de la zone fortes vitesses, limitent les processus de transport solide. Les sdiments,

plus ou moins vgtaliss, sont alors stocks (de quelques annes plusieurs dizaines dannes) jusqu ce que le mandre situ en amont translate vers laval et reprenne, par rosion latrale, les matriaux stocks (Figure 24) ou quil se recoupe (recoupement par dversement). Notons que, plus la rivire est active, moins le stockage est long car la translation des mandres vers laval mobilise trs vite, par rosion latrale, les parties de bancs qui se sont vgtalises (Figure 24 a). Ces mmes concepts de stockage temporaire et de plus longue dure sont applicables aux rivires en tresses o, l encore, leffet de la vgtalisation des macroformes dans les processus de stockage de longue dure est prpondrant (Figure 24 b).

aFigure 24

2011 Google 2010 IGN-France.

b

27

2011 Google 2011 MapData Sciences Pty Ltd, PSMA 2011 DigitalGlobe 2011 GeoEye.

Exemples de stockage naturel des alluvions grossires en transit (bancs de convexit, zones dlargissement brutal, portion vgtalises des lits en tresses, etc.).

Le stockage artificiel Il est admis que la grande majorit des barrages long temps de sjour (gnralement hauts et de volume important) bloquent intgralement et dfinitivement la charge solide de fond. Cest pour cette raison que lon observe gnralement une rosion progressive intense en aval de ces ouvrages. On observe aussi des stockages de plus ou moins longue dure en amont douvrages de faible hauteur ainsi quen amont douvrages de franchissement ou encore dans danciennes fosses dextraction en lit mineur, voire dans des gravires en lit majeur ayant captur le cours deau. Il sagit l dun stockage temporaire dont la dure, du fait des amnagements , dpasse largement la dure normale de stockage dans des conditions naturelles dcoulement. Le dtail de ces processus daltration du transit sdimentaire est prsent dans un autre chapitre.

chantillonnage et mesure du transport solideLes principes, mthodes, protocoles de mesure du transport solide et de la granulomtrie des formes fluviales sont fonction des attendus de ltude :I sil sagit dune simple connaissance gnrale des processus ou dun diagnostic sommaire dtat du fonctionnement hydrosdimentaire, on pourra se contenter danalyses visuelles simplifies, de photographies, etc. ;

si lon a besoin dinformations plus prcises, notamment pour alimenter des formules ou des modles de transport solide impliquant des calculs bass sur des diamtres caractristiques, il sera ncessaire de procder des mesures granulomtriques en diffrents point du rseau hydrographique concern ;I I si lon souhaite une connaissance quantitative des volumes rellement transports par un cours deau, notamment dans un objectif de gestion optimale du transport solide, ou de calage de formules et modles de transports solide, il pourra tre ncessaire de raliser des chantillonnages en priode de transport solide, cest dire en crue. On peut aussi envisager de construire des piges sdiments.

Il existe donc une gamme trs tendue de besoins et une palette tout aussi tendue de techniques dchantillonnage et de mesure dont le cot peut varier dans un rapport de 1 100. Nous nentrerons pas ici dans le dtail de toutes les mthodes et techniques existantes mais donnerons quelques lments permettant de faire le choix le plus appropri lobjectif de ltude.

I

Mesure du transport solide de fond

Les mthodes de mesure de la charge de fond sont les suivantes :I piges sdiments ; I comparaisons de mesures topo-bathymtriques ; I chanes drosion ; I chantillonnage par prleveur de fond.

Piges sdiments28

Le principe consiste mesurer les dpts sdimentaires dans un secteur dont on sait quil pige totalement la charge de fond. Lobjectif nest pas de caler prcisment des modles de transport solide car les conditions dcoulement dans ce type de milieu sont trs diffrentes des conditions naturelles. Par contre, ce pigeage permet de connatre les apports solides en un point, leur volume, leur granulomtrie. 1- Structures existantes Parmi les piges existants (cest dire non crs dans un objectif de mesures), trois types sont particulirement b intressants :I les barrages de haute chute ; I les anciennes fosses dextraction larges et profondes en lit mineur; I les plages de dpt vocation de pigeage de la charge de fond dans un objectif de gestion.

Dans ces 3 cas, il suffit de raliser un lever topo-bathymtrique rgulier pour obtenir des valeurs prcises des volumes de matriaux pigs. Quelques mesures granulomtriques fournissent les caractristiques des sdiments transports (dposs). 2- Structures construire Le principe le plus simple est celui de la fosse de pigeage . On creuse dans le lit mineur une fosse dun volume quivalent 1 ou 2 ans dapports solides calculs au moyen des quations classiques , dans un secteur o le pigeage temporaire de la charge ne risque pas de gnrer de dsordres godynamiques. En effet, mme si lon vide rgulirement la fosse (aprs chaque crue par exemple), il est possible que lrosion progressive engendre par le pigeage se propage trs vite vers laval, mme durant lpisode de crue. Il faut donc trouver un

site o il ny a pas denjeu socio-conomique majeur dans les premiers kilomtres en aval de la fosse (pont, puits de captage, digues, protections de berges protgeant des enjeux importants). On mesure rgulirement la topographie et on cure rgulirement la fosse sa cote dorigine. On ralise des mesures granulomtriques. Le problme est que ce type de structure laisse gnralement passer une partie plus ou moins importante de la charge de fond et lon obtient donc la fourchette basse des volumes transports.

Comparaison de mesures topo-bathymtriquesLe principe consiste suivre rgulirement la topographie du lit moyen dun secteur reprsentatif. Si lon admet comme raliste le mode de propagation des sdiments par dune ou banc, alors le simple suivi de la propagation du front de dune et la mesure du h (variation de la hauteur) moyen entre la crte (front) de la dune amont et le creux du dos de la dune aval (sil y en a une, ou du fond moyen du lit sil ny en na pas) suffit pour connatre le dbit solide ou la capacit de charriage du cours deau dans ce secteur. Celui-ci est en effet gal h (en m) x largeur du front de dune (en m) x distance de propagation de la dune (en m) pour le pas de temps mesur (jour, anne etc.). Le dbit solide est alors exprim en m3/jour, /an, etc. Nous avons pris un exemple thorique bas sur les vitesses maximales de propagation des dunes mesures par Babonaux sur la Loire : 10 11m/jour sous une vitesse moyenne dcoulement de 1m/s. Le h maximal thorique entre le sommet de la dune amont et le creux de la dune aval est ici de 2 m. Le dbit solide thorique sur 6 jours est donc de 2 m (h) x 100 m (largeur du front de dune) x 60 m (distance de propagation en 6 jours)= 12 000 m3 ou 2 000 m3/j. Voir Figure 25.

Figure 25

29

Mesures topographiques permettant de suivre la propagation dune dune et den dduire le dbit solide.

Lidal serait dobtenir ces valeurs pour :I un vnement dintensit donne (crue annuelle, biennale, dcennale etc.) ; I une anne complte

dans ce cas le problme rside dans la localisation du front de la mme dune sur 1 an, tant admis que sur cette dure, une dune (voire plusieurs) peut en remplacer une autre sur le mme site, il est alors peut tre plus simple et plus pertinent de mesurer la vitesse de propagation dun front de dune pour plusieurs dbits et dextrapoler ensuite toute lanne par la courbe des dbits classs.

Chaines drosion1- Principes de la mthode Le principe consiste faire pntrer dans le plancher alluvial, sur environ 2 m de profondeur (il faut en fait mesurer le h maximal et ajouter environ 1 m), des chanes mtalliques dont les maillons font environ 1cm de diamtre. Ces chanes sont repres en x,y,z (par exemple au moyen dun GPS diffrentiel) puis sont releves, en fonction de lobjet de la recherche, aprs une crue, n crues, une anne complte etc. Par rapport une simple comparaison de donnes topographiques, cette mthode offre lintrt de fournir des lments de comprhension des processus drosion/dpt stant produits entre les deux campagnes de mesure. La figure 26 montre quavec de simples mesures topographiques, on a une image tronque des processus : en A, on peut imaginer, sans application de la mthode de la chane, quil ny a eu aucun mouvement : stabilit des fonds ? Avec la chane, on sait que lon a eu une rosion du fond sur 1 m et un remblaiement sur la mme paisseur. Le bilan local est toujours quilibr mais on saisit mieux les processus dquilibrage sdimentaire ;I I en B, on sait que lon a eu un abaissement du fond sur 1 m dans les 2 cas, mais avec la chane on comprend que lincision a t plus intense que la simple diffrence de cote (1,5 m et non 1 m) et quelle a t en partie compense par un dpt.

Figure 26

30

La mthode de la chaine drosion (daprs Laronne et Carson, 1976).

2- Application au suivi de la propagation dune dune Si lon reprend le mme exemple que dans la figure 25 on constate que lutilisation de chanes drosion disposes dans laxe longitudinal permet un meilleur dcryptage de lvolution (Figure 27). La figure 27 et le tableau 3 prsentent le rsultat de mesures de chaines drosion sur un bras secondaire de la Loire. Les chaines ont t laisses 1 an sur site.

aFigure 27

b

Exemple de mise en uvre de chaines drosion sur la Loire (a) localisation des chaines sur un fond MNT du site (b) photo du site b (Malavoi 2003).

Tableau 3

Rsultats des chaines drosion Ingrandes (Malavoi, 2003).

Numro dimplantation

Z1 (terrain 09/02)

Z2 (terrain 09/03)

delta Z (Z2-Z1)

Z3 (coude chane 09/03)

paisseur dcape (Z1-Z3) 0,87 1,00 1,05 0,64

paisseur dpose (Z1-Z3) 0,27 0,73 1,06 1,0531

1 2 3 4 5 6 7

11,37 8,17 8,40 8,16 8,65 8,56 8,36

10,77 7,9 8,41 8,57 8,2 8,2

-0,60 -0,27 0,01 0,41

10,5 7,17 7,35 7,52

-0,36

7,81

0,75

0,39

Au point 1 (chaine 1) J+1 an on mesure une altitude plus basse de 0,6 m. Mais on sait quil y a eu un dcapage de 0,87 m et un dpt de 0,27 m. Au point 3 (chane 3) J+1 an on mesure la mme cote daltitude mais il y a eu sensiblement 1 m drosion et 1 m de dpt. En ralit on mesure ici le bilan sur 1 an des processus drosion/dpt mais on na pas le dtail prcis de lvolution. Si lon prend la chaine 3, il est tout fait possible dimaginer quil y ait eu 0,5 m de dpt initial (lors dune premire crue), puis 1 m de dcapage (lors dune deuxime crue ou la fin de la premire), puis nouveau un dpt (lors dun 3me vnement, etc.). Pour obtenir une connaissance plus dtaille, il faudrait raliser ces mesures aprs chaque crue par exemple. Le calcul du dbit solide reste le mme que pour les mesures topographiques. Le dbit solide annuel charri a ainsi t estim de cette faon sur ce bras environ 16 000 m3 : distance de progradation du front de dune sur 1 an (100 m), largeur de la dune (200 m), paisseur moyenne active (0,8 m).

b J.R. Malavoi

EchantillonneursDepuis prs de 50 ans, de nombreux chercheurs ont tent de mettre au point des chantillonneurs de charge alluviale de fond. Il en existe aujourdhui de nombreux types. 1- Helley-Smith Le plus connu et le plus utilis dans le monde est le prleveur Helley-Smith dont il existe plusieurs modles, fonction notamment de la granulomtrie des sdiments prlever et des vitesses dcoulement.

Figure 28

Exemples dchantillonneurs Helley-Smith ou drivs.

32

2- BTMA Un autre prleveur est le Bedload Transport Meter Arnhem (BTMA) dvelopp antrieurement Arnhem, PaysBas. Ce modle de structure plus complexe permet un atterrissage sur le fond du lit mieux matris. En effet, sa conception permet que la queue de lappareil se pose en premier ce qui vite les phnomnes denfournement. Ensuite le corps de lappareil se pose et enfin, par un jeu de lamelles mtalliques, la bouche du prleveur se pose en douceur sur le fond pour viter un brassage avec mise en suspension de sdiment qui pourrait perturber la mesure. Lors de la remonte de lappareil, le processus sinverse vitant nouveau lentre intempestive de matriau dans lappareil. Lentre du prleveur de 8 cm de large par 5 cm de haut en fait un appareil destin aux chantillons

sablo-graveleux.

Figure 29

BTMA suspendu lors de mesures en Loire Souzay-sur-Loire (49) en 2003.

3- Karolyi Le Karolyi est un appareil dvelopp linstitut hongrois de Vituki et adapt au matriau plus grossier du fait de son ouverture denviron 20 cm de large par 10 cm de haut. Son poids lui permet dtre mis en uvre sur des cours deau puissants.

a- b J.N. Gautier

a

b

a tous droits rservs b J.R. Malavoi

a

b

J.N. Gautier

b

Figure 30

Karolyi mis en uvre lors de mesures Souzay-sur-Loire en 2003.

4- Bouteille de Delft En complment des mesures du transport par charriage ralisables avec les appareils ci-dessus, il est ncessaire de mesurer le transport solide par saltation. En effet, le matriau ainsi transport contribue par moment au transport par charriage. La figure 31, obtenue partir de mesures dans la Loire, met en vidence la granulomtrie grossire du charriage sur le fond, une granulomtrie plus ou moins homogne pour les profondeurs comprise entre 10 cm et 40 cm au dessus du fond correspondant au transport par saltation, et une granulomtrie plus fine pour les mesures 50 cm et 90 cm au-dessus du fond et correspondant la suspension.

Figure 31

33

Granulomtrie transporte par lcoulement diffrentes hauteurs par rapport au fond du lit mineur (Peters, 2003).

Les mesures du matriau transport proximit du fond peuvent tre ralises par la bouteille de Delft sur chariot qui permet une mesure avec une grande prcision de la position au-dessus du fond. En effet, le cadre qui supporte la bouteille repose sur le fond et la hauteur de lembout peut ainsi tre rgle prcisment entre 0,05m et 0,5m au dessus du fond. Il est adapt aux cours deau dont les alluvions sont composes de sables et graviers fins. La conception de lappareil ne lui permet pas de prlever les matriaux plus fins que le sable (limons et argile). Le corps de lchantillonneur est compos dune chambre profile, dont lintrieur est conu comme un labyrinthe par lequel transite le mlange eau/sdiment. Les particules plus grosses que les limons sy dposent suite la diminution progressive de la puissance de lcoulement. Lappareil est conu de faon ce que lcoulement et le transport des matriaux solides ne soient pas perturbs lendroit de prlvement de lchantillon. Actuellement, lchantillonneur Bouteille de Delft est un des seuls appareils rpondre ces contraintes.

Figure 32

Bouteille de Delft sur chariot pour la mesure du transport solide proximit du fond.

Dautres chantillonneurs existent, bass sur les mmes objectifs : chantillonner par petites placettes des portions de la charge en transit de fond et proximit afin de connatre les granularits du matriau transport en lien avec les processus de transport, et si possible in fine tablir des courbes Qs = f(Q). Quel que soit le type dchantillonneur utilis, ce principe de mesure de la charge de fond en transit pose de nombreux problmes :I il

est trs intrusif car il modifie les conditions relles dcoulement et de transport ;

34

I seule une petite partie de lcoulement liquide et du transport solide est chantillonne, et le risque est grand davoir une vision errone des phnomnes ; cependant, diverses expriences sur des grands fleuves du monde ont permis de vrifier que de telles mesures pouvaient tre pertinentes, notamment si elles sont comprises dans un ensemble de mesures de lvolution de la morphologie du site et des coulements ; en effet, en rptant des mesures sur un mme site ou en comparant les rsultats sur diffrents sites le long dun cours deau, les donnes taient cohrentes entre elles ; I suivant le lieu de mesure (gnralement un transect perpendiculaire lcoulement gnral), on peut ne rien mesurer (par exemple sur la Loire si la mesure se fait sur une journe et que lon est plus de 10 m en aval du front dune dune) ou mesurer un transport trs important (si lon est dans la zone de progradation journalire de la dune). Une bonne stratgie dchantillonnage et un positionnement adquat des points de mesures sont donc fondamentaux.

5- Exemples de protocole dchantillonnage

a- 1er exempleMesures de transport solide (sur plusieurs dbits compris entre 30 et 120 % du dbit de pleins bords) (Bakke et al., 1999) :I chantillonnage I se I

du transport solide au moyen dun chantillonneur Helley-Smith ;

placer dans une section rectiligne avec peu dirrgularits de forme ;

la portion active du lit mineur est divise en n cellules homognes et reprsentatives (f(largeur)) du profil en travers, en vitant les courants de retour et les eaux mortes ; lchantillonneur est plac au fond pendant 1 mn dans chaque cellule et 4 passages sont effectus sur chaque profil. La dure totale dchantillonnage = n (cellules) x 1 mn ;

I

au laboratoire, les chantillons sont schs puis cuits 400C pour dtruire la matire organique ; chacun est ensuite analys individuellement avec pesage de chaque fraction granulomtrique ; les mailles utilises sont celles de Wentworth progression gomtrique de raison 2 (en mm) : 0,25 0,5 1 2 4 8 16 32 64 128 256I

S. Rodrigues

b- 2me exempleEn mars 2007, une campagne de mesures du transport solide de la Loire en aval de Tours (commune de Brhmont) a eu lieu. Elle avait pour objectif destimer le transport solide de la charge de fond pour un certain dbit et davoir une premire indication de sa rpartition au niveau dune diffluence. Trois sections en travers ont fait lobjet de mesures. Elles ont t choisies en fonction de la rgularit de leur profil en travers, vrifi avant la mesure du transport solide par une mesure bathymtrique lAccoustic doppler current profiler (ADCP).fond BDOrtho 2002 IGN 2011

Figure 33

Plan de situation des profils de mesures sur la Loire Brhmont.

Sur chaque verticale, ont t mesurs :I le I le

profil vertical des vitesses au moulinet ;

transport solide en suspension avec la bouteille de Delft suspendue un cble aux mmes profondeurs que celles du profil des vitesses. Chaque prlvement tait ralis sur 300 secondes ;

35

I le transport solide proximit du fond avec la bouteille de Delft sur chariot (ou cadre) 10cm, 20cm, 30cm, 40cm et 50cm au-dessus du fond ; la dure de prlvement est aussi de 300 secondes ; I

le transport solide par charriage au BTMA ; la dure de prlvement est de 2mn en moyenne. Si le transport est fort, la dure est rduite du fait du remplissage rapide du rceptacle et inversement en cas de transport faible. 4 prlvements taient raliss par verticale ; granulomtrie du fond, deux prlvements au droit de chaque verticale.

I la

Le protocole initial fixait un nombre de 8 verticales par profil en travers de 175m 350m de large. Cependant, lors des mesures, la rgularit du profil en travers et des formes fluviales (bancs,) ont permis de rduire le nombre de verticales 5, voire 4 le dernier jour. Outre les mesures directement lies au transport solide, des mesures complmentaires pour connatre lenvironnement hydrosdimentaire ont t menes :I

mesures lADCP pour connatre le dbit au moment des mesures. Ces mesures ont aussi servi la localisation des verticales dans le profil en travers ; mesures bathymtriques suivant 5 profils en long et de nombreux profils en travers raliss au sondeur monofaisceau ; aux flotteurs pour connatre les lignes de courant ;

I

I mesures I mesures

de la ligne deau sur les deux berges, et si possible dans laxe du chenal, en de nombreux points (environ tous les 250m) afin de mesurer toutes les ruptures de pente longitudinale de la ligne deau ainsi que les pentes transversales.

La mise en uvre de ce protocole, permettant une vision globale et cohrente des processus, met en vidence sur la figure 34 que la distribution transversale du charriage et de la suspension sont diffrentes.

Figure 34

Dbits solides unitaires calculs partir des verticales de mesures rparties sur la section L20 (Peters, 2003).

36

Dun cot, la distribution de la charge en suspension est relativement homogne sur la section et varie avec la vitesse de surface. Dun autre cot, les dbits solides par charriage les plus importants sont constats dans la partie centrale de la section. Ces donnes rvlent la prsence dun axe de charriage central. Le dbit liquide jaug tait de lordre de 1 200 m3/s et le transport solide de 1 300 m3/j, soit 0,015 m3 de sable et gravier par m3 deau. Lanalyse des mesures sur les 3 profils en travers (Tableau 4) montre que les taux de transport par charriage atteignent environ 20 % dans deux sections et mme 40 % dans la section L20. Paradoxalement le taux de transport solide le plus lev correspond au dbit liquide le plus faible ce qui est peut-tre d des rajustements morphologiques la dcrue ou au phnomne dhystrse entre le dbit solide et le dbit liquide.

Tableau 4

Estimation des flux solides sur la Loire lors dune campagne de mesure du charriage et de la suspension (Peters, 2003).

Section - date

Dbit liquide

Dbit solide en suspension

Dbit solide par Dbit solide total Pourcentage de charriage (m3/j) 862 243 40 283 1025 (m3/j) 5007 1489 60 1549 2320 charriage % 17 16 66 18 44

(m3/j) L24 08/03/07 L44 - 09/03/07 Chenal A 09/03/07 L44 complet L20 10/03/07 1709 1375 51 1426 1096

(m3/j) 4145 1246 20 1266 1295

Dans certaines conditions, il est possible de raliser des mesures indirectes grce la mise en vidence de relations entre la concentration du solide et le signal produit par un appareil mesurant un phnomne li cette concentration. Le systme le plus ancien utilise labsorption de lumire par les solides en suspension. Dautres techniques de mesure indirecte utilisent des rayonnements radars ou des ultrasons, ou mesurent la frquence de vibration dun tube dans lequel passe le fluide charg de sdiment. Lappareil ASTM (Acoustic sand transport meter) est un exemple dappareil dvelopp pour la mesure indirecte du transport de sable par rayons ultrasoniques avec leffet Doppler. Une mesure indirecte peut donner lieu des erreurs significatives lorsque la distribution granulomtrique ou la composition du sdiment varient fortement dans le temps. Par contre, une mthode indirecte permet dobserver les fluctuations relatives et de trouver la valeur moyenne de la concentration en solides. Cette fluctuation de la concentration dans le temps est une cause dincertitude lors de la mesure directe avec un chantillonneur immerg prlevant de faon quasi-instantane un volume petit et peu reprsentatif, dautant plus si les fluctuations de la concentration et de la composition du solide sont importantes. En gnral, la mthode indirecte est recommande lorsque la charge sdimentaire en suspension est compose de particules trs fines, des limons ou argiles (sans particules plus grossires que le limon), et lorsque la concentration en solides ne varie pas trop.

I

Mesure de la granulomtrie des alluvions

Caractriser la granulomtrie dun lit fluvial est un exercice trs difficile pour de nombreuses raisons : dans la plupart des cours deau et particulirement sur les cours deau charge grossire, ltendue granulomtrique des sdiments disponibles au transport, et par consquent au dpt, est trs grande. Une des consquences en est que les dpts alluvionnaires ont tendance prsenter une structure verticalement stratifie, mme ceux gnrs par un seul pisode hydrologique (dpts monogniques). On distingue gnralement deux strates majeures : larmure (parfois le pavage) et la sous-couche. Il apparat cependant que la stratification dans lpaisseur des sdiments dposs est notablement plus complexe et quil existeI

souvent une stratification multiple sur lpaisseur de sdiments mis en mouvements par les crues ;I les units drosion/transit/dpt de la charge alluviale, que nous nommons units morphodynamiques (chenal principal et chenaux secondaires, dunes, grves et bancs divers, bourrelets de berges etc.), sont trs varies. Or ces units prsentent des conditions hydrauliques (vitesse, profondeur, force tractrice, turbulence de lcoulement) elles aussi trs varies dans lespace et dans le temps, qui permettent ou non la mobilisation, le transit ou le dpt des diffrentes fractions du trs large spectre granulomtrique global. Il sensuit un patchwork granulomtrique lchelle spatiale qui induit de grandes difficults pour une stratification objective de lchantillonnage ; I enfin, la modlisation des processus drosion/transport/dpt de la charge solide (de fond ou en suspension) est encore entache dun grand nombre de biais, lis entre autres lextrme sensibilit de certains paramtres impliqus dans les quations classiques , dont par exemple le diamtre reprsentatif . Ces diffrents problmes nous ont amens rechercher dans la bibliographie les lments techniques permettant de les rsoudre ou du moins de mieux en comprendre les causes.

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Concepts darmure et de pavageDe nombreux auteurs anglo-saxons ont depuis longtemps introduit le concept de stratification dun lit fluvial mobile. Ils y distinguent une surface armure (avec de nombreuses manires de la nommer : armour layer, armouring, armoured bed, etc.) et une couche sous-jacente la sous-couche (subsurface). Ils distinguent gnralement cette couche armure du pavage (qu'ils nomment bed pavement, paved bed, etc.).

La plupart des chercheurs, malgr quelques diffrences d'ordre terminologique, semblent d'accord aujourdhui sur les mcanismes de formation de l'armure et du pavage : les alluvions des rivires sont gnralement composes dun matriel de granulomtrie non uniforme, souvent trs tendue. Quand ces sdiments sont soumis certaines gammes de vitesses de courant, les lments fins moyens sont mis en mouvement tandis que les plus gros restent en place. Si cette sgrgation des particules dure assez longtemps, cela peut aboutir la concentration d'lments grossiers la surface du lit. Cette accumulation stable et protgeant temporairement les couches sous-jacentes est appele armure. Pouss lextrme, le mme processus aboutit un pavage, dune stabilit beaucoup plus durable. Les dfinitions suivantes sont celles proposes par Bray et Church (1980).I Larmure

: larmure peut tre dfinie comme une couche de surface grossire, rsultat de l'exportation des

lments fins pendant et aprs chaque priode de mouvement de tout ou partie de lventail granulomtrique disponible au transport. Elle est donc remanie par des phases pisodiques de transport de charge de fond au cours desquelles toutes les classes granulomtriques sont actives. Pour la plupart des auteurs, le remaniement de cette couche de surface est un vnement frquent, qui se produit au moins quelques jours par an. Dautres auteurs indiquent que le dbit critique de remaniement de l'armure est celui de la crue de frquence annuelle ou biennale. En fait, il est probable que les conditions soient trs variables dun cours deau un autre mais il semble communment admis que la rupture de larmure est un vnement frquent.I

Le pavage : les particules constituant la surface des lits pavs ne sont mises en mouvement que lors

d'pisodes hydrologiques exceptionnels (trs fortes crues) si toutefois elles sont encore susceptibles d'tre mobilises par le rgime hydrologique actuel. Il sagit du mme processus sgrgatif que pour l'armure mais il est plus accentu en raison de conjonctures particulires : blocage de la charge de fond par des barrages ou par des retenues naturelles (critre de Kellerhals, 1967), rduction des dbits de crue qui auraient permis le remaniement du substrat, exhumation du fait de lincision, d'une palo-surface compose d'lments dpassant la comptence actuelle de la rivire. 1- Larmure38

a- Caractrisation : armure et sous-coucheLe processus darmurage (et plus encore de pavage) aboutit une diffrence de composition granulomtrique entre la couche de surface, que lon appelera armure , et la couche sous-jacente, que lon nommera sous-couche . La plupart des auteurs considrent que la granulomtrie de la charge de fond (celle qui transite par charriage) est beaucoup plus proche de celle de la sous-couche que de celle de la couche darmure. De plus, mais nous y reviendrons, il apparat que la granulomtrie de ces deux entits est lun des paramtres les plus sensibles de la plupart des modles numriques de transport solide (Habersack, 1998). De nombreux auteurs ont recherch sil existait de fortes corrlations entre la granulomtrie de larmure et celle de la sous-couche et certains ont mme avanc des coefficients tout fait significatifs. Ainsi Klingeman et Emmet (1982) fournissent une des premires approches de ce type et montrent que la couche darmure prsente gnralement un D50 2,5 fois plus gros que celui de la sous-couche (Figure 35).

Figure 35

Courbes granulomtriques fictives dune couche darmure et dune sous-couche dun mme chantillon (daprs Klingeman et Emmet, 1982).

On observe sur cette mme figure que le classement est bien meilleur dans larmure, ce qui est logique car elle est gnre par un processus dlimination dune importante fraction de la courbe totale, ce qui rduit notablement lcart-type. Chin et al. (1994) dmontrent que le classement limite dune armure mature correspond un D99a /D50a de lordre de 1,8. Nous notons aussi plusieurs autres lments intressants, notamment vis vis des problmes lis la prdiction de la stabilit verticale dun lit fluvial. Il apparat ainsi que, sur cette courbe granulomtrique fictive (Figure 35), le D1a (D1 de larmure, 1% des lments sont de taille infrieure) est dj de lordre du D65sc (de la sous-couche), le D10a (10 % des lments sont de taille infrieure) atteignant le D75sc et le D50a correspondant au D90sc. Par contre, les fractions trs grossires (D90 et D95) restent assez proches. Hey et Thorne (1983) prsentent des rsultats similaires et fournissent lquation de rgression linaire suivante : D50sc = D50a x 0,58. Church et al. (1987) partir de donnes rcoltes sur la Fraser en Colombie Britannique, fournissent des rsultats de mme type (Figure 36), et indiquent des valeurs de rapport D50a/D50sc allant de 1 3, mais globalement autour de 2.

39

Figure 36

Exemples de rapport entre le D50 de larmure et celui de la sous-couche (Church et al., 1987).

Ils soulignent aussi (Figure 36) que les D95 (fraction trs grossire) des deux strates sont trs proches, ce qui semble indiquer que lon peut au moins approcher le D95 de la sous-couche, donc de la fraction la plus grossire de la charge de fond transporte, par le D95 de larmure.

Malgr tout lintrt de ce type de dmarche, les rsultats obtenus, et notamment ces coefficients de passage de larmure la sous-couche, semblent difficilement extrapolables, compte tenu de la forte variabilit des conditions sdimentologiques, hydrauliques et hydrologiques lorigine du processus darmurage. Lanalyse dautres articles confirme la difficult dappliquer une loi simple pour obtenir la granulomtrie de la sous-couche partir de celle de larmure. Ainsi, Bakke et al. (1999), calant le modle de transport solide de Parker et Klingeman, fournissent les donnes suivantes (Tableau 5), recueillies sur 8 cours deau diffrents.

Tableau 5

Donnes granulomtriques de calage du modle de Parker et Klingeman (Bakke et al., 1999).

D50 sous-couche (mm 20 23,3 10,3 17,8 19,7 17,8 30,2 9,5

D50 armure (mm) 54 68,4 71,1 39,2 87,6 154 86 32

rapport 2,7 2,9 6,9 2,2 4,4 8,7 2,8 3,4

moyenne

4,3

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Ltude fondamentale de Mosley et Tindale (1985) complte encore cette analyse (Figure 37).

Figure 37

Exemples de rapport entre le D50 de larmure et celui de la sous-couche (Mosley et Tindale, 1985).

On observe ainsi quil nest pas rare que le D50 de larmure (ici Dsurface) atteigne des valeurs 3 4 fois suprieures celles de la sous-couche (ici Dbulk).

b- Dveloppement spatialLa formation de l'armure ncessitant l'occurence de conditions hydrodynamiques particulires, il est logique que celle-ci ne soit pas reprsente sur l'ensemble du lit mineur. On lobserve donc plutt sur les units morphodynamiques frquemment submerges. Cependant, certains bancs alluviaux du lit moyen, exposs assez longtemps ces dites conditions pourront aussi exhiber une armure.

c- InterprtationDeux niveaux dinterprtation sont envisageables :I macro-interprtation.

Si l'on se rfre Bray et Church (1980), le phnomne d'armure serait indicateur de lits ne prsentant pas de signe dincision actuelle, mais subissant des priodes actives, quoi qu'pisodiques, de transport de charge de fond. A notre avis, larmure se dveloppe aussi dans des rivires en cours dincision mais peut effectivement terme se transformer en pavage ; C'est le problme de la stabilit du substrat sur lequel nous reviendrons plus en d-

I micro-interprtation.

tail par la suite. On peut nanmoins d'ores et dja mettre quelques postulats :I

la prsence d'une couche armure peut signifier par exemple que la rivire a connu une priode plus ou moins longue de dbit infrieur au seuil d'entrainement des lments grossiers, mais suprieur au dbit crtique de mise en mouvement des particules les plus fines. Il sera donc sans aucun doute possible de dterminer les conditions hydrauliques moyennes en fonction notamment de la granulomtrie de la couche de surface par rapport celle de la subsurface (courbes superposes) ou par l'intermdiaire d'un ratio du type D50a/D50sc (ou D90, D16 etc...) ; sait aussi que les lits armurs sont mis en mouvement par des vnements hydrologiques frquents et que cette destructuration de l'armure est un pisode normal , le problme principal tant de dterminer l'intervalle de rcurrence de ce type de situation (crues anuelles quinquennales ?). La plupart des chercheurs semblent cependant en accord sur le principe d'une crue annuelle. La mise en mouvement de la couche armure tant lie la force tractrice () il pourra tre trs instructif, dans lobjectif dune prvision de la stabilit du substrat de calculer le cr des lments grossiers de l'armure. En dessous de ce point on aura un lit en quilibre statique conjoncturel , au-del il n'y aura plus d'armure et toutes les classes granulomtriques seront en mouvement.

I on

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d- Prcautions dchantillonnageLa granulomtrie de la couche darmure et celle de la sous-couche peuvent tre notablement diffrentes, mme sil semble que le rapport de D50 correspondant soit en gnral de lordre de 2 3. Compte tenu de la trs forte sensibilit de ce D50, utilis dans tous les modles de transport solide, il conviendra donc dchantillonner lune ou les deux entits avec la stratgie approprie. Par contre, si seule la connaissance de la fraction grossire du transport solide, proche de celle de la sous-couche, est recherche pour les besoins de lanalyse, le D90 de larmure peut tre reprsentatif de celui de la sous-couche. 2- Le pavage C'est sans nul doute une structure beaucoup moins frquente que la prcdente mais que l'on peut rencontrer quand certaines conditions sont runies.

a- CaractrisationC'est une couche superficielle dfinie par une population de particules de tailles trs nettement suprieures celles de la sous-couche. Un "indicateur" utile du pavage pourrait tre celui de Bray et Church (1980) dcrivant des galets soit dcolors, soit noircis sur leur surface expose l'eau ( ne pas confondre avec la

couverture de diatomes qui se dveloppe sur les galets relativement stables et qui, aprs une crue ayant retourn ou transport les lments, se reconstitue en quelques semaines). Les lits pavs se prsentent sous la forme de surfaces de pierres grossires (ou mme de blocs), bien cals les uns contre les autres, n'exhibant pas d'agencement en tuiles (tuilage) mais au contraire une imbrication plane et rgulire.

b- Mode de formationPour qu'un pavage se mette en place, il est ncessaire que certains paramtres soient combins, tant au niveau du dbit liquide (Q) que du dbit solide (Qs ) : la charge de fond doit notamment tre absente ou trs faible (Kellerhals 1967). Ceci est un phnomne naturel l'exutoire de certains lacs naturels, le mme rsultat tant artificiel l'aval de la plupart des barrages hydrolectriques. Cela peut tre d aussi la rduction de la fourniture en sdiments issue du bassin versant (reboisement, urbanisation). Dans le cas des lacs et plus gnralement des barrages, deux situations peuvent se rencontrer : dune part, un barrage stoppant la charge. Dans le cas d'ouvrages (ou de lacs) bloquant la charge de fond mais continuant laisser passer les crues, deux processus peuvent se produire :I

soit, aprs une plus ou moins longue phase d'incision, la mise en place rapide d'une armure puis dun pavage qui va stabiliser verticalement le lit, soit une premire phase beaucoup plus pousse dincision sur une certaine longueur l'aval de louvrage, jusqu' ce que la rivire bute sur une couche profonde de granulomtrie trs grossire, mise en place sous des conditions hydrologiques plus puissantes, qui sont gnralement, sous nos latitudes d'origine glaciaire, fluvio-glaciaire ou pri-glaciaire. On aura alors un palo-pavage ou pavage d'exhumation. Ce processus d'exhumation pourra se dvelopper aussi sur des rivires subissant un abaissement de leur niveau de base ;I dautre part, un barrage stoppant charge solide et dbits liquides. En prsence d'ouvrages bloquant non seulement la charge de fond mais aussi la plupart des crues capables de mettre en mouvement l'armure originelle (cest--dire existant avant la construction du barrage), on constatera aussi la formation d'un pavage (les lits court-circuits tant tout de mme soumis de temps autres des dbits assez forts). Celui-ci se dveloppera vraisemblablement plus lentement que dans le cas prcdent et sera sujet un colmatage rgulier (organique et minral). En ralit, c'est donc le mme mcanisme de slection hydraulique qui intervient dans le dveloppement de l'armure et du pavage, mais si dans le premier cas la granulomtrie des lments constitutifs est peu prs toujours la mme (remaniement rgulier de cette couche et rajeunissement des formes sdimentaires), dans le second l'absence de fourniture en sdiments va conduire une sgrgation de plus en plus pousse.

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c- Dveloppement spatialIl est naturellement limit aux zones sus-cites et son extension dpend d'un certain nombre de facteurs difficiles dterminer prcisment (taille du barrage, granulomtrie originelle du lit, largeur de celui-ci, pente, etc.).

d- InterprtationL encore, deux niveaux dinterprtation sont possibles :I

macro interprtation. Bray et Church (1980) pensent qu'un lit pav est indicateur d'une rivire ayant connu une longue phase dincision ;

I micro-interprtation. La stabilit de ce type de structure est sans aucun doute trs grande, puisque seules certaines crues pourront la briser, si toutefois cela est encore possible (notamment dans le cas d'un palo-pavage combin la rduction des dbits).

3- Une stratification plus complexe Mme si la dichotomie armure (ou pavage)/sous-couche reflte bien une partie des processus sdimentologiques, nos observations rcentes nous indiquent que la ralit de ces processus drosion/transport/dpt est bien plus complexe et ne se rsume pas cette simple stratification.

Ainsi, nous avons ralis (Malavoi et Gautier, 1999, non publi), une fosse dans un banc latral de la Loire en amont de Sully et observ la stratification verticale sur 1,6m de profondeur (cette profondeur semblait tre sur ce site de lordre de lpaisseur de sdiments remanie lors dun pisode de crue annuelle). Six strates ont t repres visuellement sur le terrain et un chantillon a t prlev dans chaque strate puis analys en laboratoire. La stratigraphie observe est prsente de manire synthtique sur la figure 38 et le tableau 6.

Figure 38

Coupe dans la masse dun banc latral Sully et courbes granulomtriques correspondant aux diffrentes strates (Malavoi, Gautier, 1999 non publi).

Tableau 6

Synthse granulomtrique des chantillons prlevs dans lpaisseur dun banc de la Loire en amont de Sully.

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strates 0 10 cm -10 50 -50 80 -80 110 -110 130 -130 160 minimum maximum facteur d'cart entre min et max.

D10 (mm) 0,36 0,4 0,42 0,4 0,2 0,42 0,2 0,42 2,1

D50 (mm) 0,6 2,0 2,7 0,8 0,3 4,0 0,32 4 12,5

D90 (mm) 1,2 40,0 40,0 4,2 0,9 40,0 0,9 40 44,4

Ces rsultats, certes non reprsentatifs car trop ponctuels, nous montrent que la simplification en 2 strates (dailleurs non prsentes ici puisquil ny a pas darmure et mme un dpt fin sur 10 cm en surface) ne reflte pas totalement la ralit de la granulomtrie dun site ponctuel. Ainsi, sil ny a quun facteur 2 dcart sur le D10 (la fraction fine semble assez homogne sur toute lpaisseur), on a un facteur dcart de 12,5 sur le D50 et de lordre de 45 sur le D90. Ces lments nous conduisent donc, outre la diffrenciation armure/sous-couche, nous poser la question de lpaisseur alluviale chantillonner pour obtenir des mesures granulomtriques fiables et utilisables dans le cadre des objectifs poursuivis par le matre douvrage (simple connaissance, formules de transport, modles numriques, etc.).

Mthode dchantillonnage granulomtrique en rivire graviersLa principale question est la suivante : compte tenu de la trs forte variabilit spatiale de la granulomtrie du lit mineur sur les cours deau naturels, quel est le nombre de mesures granulomtriques ncessaire pour obtenir une image reprsentative de celle-ci, notamment dans un objectif dalimentation de formules de

transport ou de modles numriques ?1- Sous-couche Mosley et Tindale (1985) ont mesur 86 chantillons (armure et sous-couche : poids total : 2,5 T) sur une station unique de quelques centaines de mtres de long. Les zones de prlvement ont t identifies sur la base de leur homognit de surface (couche darmure). Le Dmoy de lchantillon total (celui que lon cherche approcher par la stratgie dchantillonnage la plus approprie) est de 10,79 mm. Or, sur les 86 chantillons, un seul, prlev dans un ancien chenal de crue sec sur une ancienne surface de banc (cest--dire sur le dernier endroit que lon aurait identifi comme reprsentatif de la station), prsente la distribution relle de lchantillon moyen (courbe moyenne de tous les prlvements runis) :I il

est donc impossible didentifier un site type qui pourrait reprsenter la granulomtrie moyenne du lit ;

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I il est par consquent dangereux de caractriser la granulomtrie moyenne dun secteur de rivire par un ou deux chantillons. On notera aussi que mme un chantillon de 854 kg prlev sur un site prsente un Dmoy de 7,96 mm (contre 10,79). Ce qui indique que mme un gros chantillon, sil est ralis sur un seul site, ne suffit pas pour

caractriser lensemble de la station.Les auteurs constatent que si lon agrge progressivement les valeurs des 86 chantillons (de manire alatoire), il faut 45 chantillons (soit ici, environ 1 350 kg) pour que Dmoy soit dans lintervalle de 95 % de la valeur du Dmoy calcul sur les 86 chantillons. 2- Couche de surface Nous savons que la couche de surface est gnralement plus grossire que la sous-couche, mme si les fractions les plus grossires de ces deux strates sont gnralement identiques. Cest larmure. Malheureusement, il nexiste pas de relation nette entre la granulomtrie de surface et celle de la sous-couche. Il est donc impossible dutiliser la premire pour valuer correctement (cest--dire mieux qu un facteur 2-3 prs) la seconde. Lanalyse statistique indique que pour obtenir le Dmoy de larmure dans un intervalle de confiance de 95 %, il faut 57 et 54 chantillons pour obtenir une valeur 10 % et 13 et 14 pour obtenir 20 %. Pour obtenir le Dmoy de larmure dans un intervalle de confiance de 95 %, il faut alors 64 et 37 chantillons pour obtenir une valeur 10 % et 14 et 9 pour obtenir 20 %. 3- Conclusion Daprs Mosley et Tindale (1985), il faudrait en thorie, pour obtenir une bonne estimation de la granulomtrie de la sous couche dune station (intervalle de 95 %, prcision de 10 %), environ 200 chantillons de 100 kg (soit 20 tonnes !). Pour la granulomtrie de surface, avec la mme prcision, il faudrait 64 chantillons de 120 lments chacun.

Le protocole optimal, si lon voulait obtenir des informations sur les deux couches, serait le suivant :I prlvement

de la sous couche :

prlever une masse telle que le D99 reprsente moins de 5 % de la masse totale. (Church, 1984 propose de 1 % du poids total, 5 % si le D99>250 mm), pour obtenir une prcision de 20 % sur le Dmoy, il faut prlever environ 50 chantillons calculer les valeurs de Dmoy pour chaque chantillon plutt que mixer un chantillon moyen ;I prlvement

de larmure :

pour obtenir le Dmoy dune surface homogne 5, 10, 15 % il faudrait prlever respectivement 790, 207 et 97 lments, si lon travaille par transect, il faut environ 12 14 transects et 120 lments par transect (soit environ 1680 lments) pour obtenir D 20 % et 7680 pour lobtenir 10 %.

ttention. De nombreuses formules de transport solide labores ces dernires annes, notamment cellede Recking (2010), utilisent uniquement la granulomtrie de la couche darmure et fournissent des rsultats sur la capacit de charriage totale trs intressants. 4- Mesures granulomtriques complmentaires de la couche darmure Il peut tre intressant dobtenir des caractristiques granulomtriques de la couche darmure dans dautres objectifs quune approche purement sdimentologique. Deux approches complmentaires peuvent par exemple tre envisages :I une

approche typologique , permettant de caractriser un cours deau par sa granulomtrie ;

I une approche habitats permettant de dcrire rapidement la granulomtrie des substrats supports ou abris pour les biocnoses aquatiques.

a- Approche typologiqueIl est intressant de pouvoir qualifier une rivire par sa granulomtrie : rivire sables, graviers, blocs etc. La mthode que nous utilisons habituellement consiste mesurer la granulomtrie moyenne des radiers. Les radiers sont en effet, dans la thorie, les zones de dpt de la fraction la plus grossire de la charge alluviale de fond en transit car ils sont soumis des phnomnes brutaux de diffusion de lcoulement. On sait donc que lon biaisera volontairement la connaissance de la granulomtrie du cours deau vers les fractions grossires (dautant plus que lon ne mesurera que larmure). Mais cela ne pose pas de problme si le biais est identique partout. Le protocole et le niveau de prcision souhait sont bass sur la mthode de Wolman (1954) qui prconise le prlvement de 100 lments. Cependant, Nous avons ralis de nombreux tests statistiques qui montrent que lon obtient une prcision tout fait satisfaisante de la granulomtrie dun chantillon avec seulement45

50 lments.On ralisera donc la mesure sur le radier le plus grossier de la station au moyen dune cordelette sur laquelle on aura fait 10 nuds tous les 30 cm. Cette cordelette sera leste dun plomb de ceinture de plonge chaque extrmit afin dtre pose, tendue, dans leau. On prlvera les lments situs sous chaque nud puis on reportera 10 (5) fois la corde denviron 0,3 m sur le ct afin dobtenir lchantillon complet des 100 (50) lments, que lon mesurera avec une prcision millimtrique. On peut ventuellement raliser les prlvements en cheminant sur le radier, perpendiculairement laxe dcoulement, et en prlevant un lment chaque 1/10 de la largeur mouille (en vrifiant que cette distance est suprieure ou gale la granulomtrie mobile naturelle la plus grossire du radier, valeur qui doit tre la distance minimale respecter). La mesure de la granulomtrie de surface des radiers prsente aussi un intrt en termes de connaissance des processus de mobilisation du substrat alluvial. Couple la puissance spcifique, elle permet de connatre la frquence minimale de mise en mouvement des matriaux du lit, habitats importants des biocnoses aquatiques et sige de processus biogochimiques.

b- Approche habitats La mthode propose pour cette approche est celle utilise dans le protocole microhabitats (Malavoi et Souchon, 1989). Elle permet de qualifier trs rapidement le substrat alluvial dun cours deau. On observe le substrat dans un rayon de 1 m autour du point dobservation et on value visuellement, au moyen dun gabarit lchelle, la taille des lments (lchelle granulomtrique utilise est celle de Wentworth modifie). On utilise un code en 6 caractres (Figure 39) :I

type : Bloc (B), Pierre (P), Caillou (C), Gravier (G), Sable (S) ; sous-type : Fin (F) ou Grossier (G) (sauf pour les Blocs).

I et

Figure 39

Type Granulomtrique Rocher ou Dalle Bloc Pierre Grossire Pierre Fine Caillou Grossier Caillou Fin Gravier Grossier Gravier Fin Sable Grossier Sable Fin Limon Argile

Taille (mm)

Code microhabitats R ou D B PG PF CG CF GG GF SG SF L A

> 1024 256-1024 128-256 64-128 32-64 16-32 8-16 2-8 0.5-2 0.0625-0.5 3.9-62.5 < 3.9

Echelle granulomtrique utilise et gabarit pour les valuations granulomtriques visuelles (Malavoi, Souchon, 1989). Attention de bien mettre le gabarit la bonne chelle avant de lemmener sur le terrain

46

Les deux premiers caractres indiquent la classe granulomtrique la plus grossire (ex. : PG dans lexemple ci-dessous) condition que ce type occupe au moins 10 % de la surface observe. Les deux autres indiquent la classe dominante en surface occupe (ex. : PF), le substrat dominant pouvant aussi tre le plus grossier (ex. : PGPG). Les deux derniers caractres sont utiliss si deux classes dominantes apparaissent (cas le plus frquent) (ex. : PGPFCG ci-dessous).

Figure 40

a

b

Le substrat correspondant cette photo (mesure sous SIG de 49 lments chantillonns sur une grille virtuelle mailles carres, aprs mise lchelle de la photo) serait cod visuellement PGPFCG.

a J.R. Malavoi

notons que la mthode photographique verticale est trs efficace pour raliser des mesures granulomtriques de larmure sur les bancs exonds. Elle ne peut toutefois pas tre mise en uvre correctement sur des radiers submergs pour des raisons de rflectance lie la lame deau, mme en utilisant des filtres polarisants. Il existe aussi des dveloppements mthodologiques rcents (Dugdale et al., 2010) qui indiquent la possibilit de raliser ce type de mesures (avec toutefois une moindre prcision) partir de photos haute rsolution prises lors de survols basse altitude.

Modlisation du transport solideOn considrera dans cette partie la modlisation du transport solide au sens large, c'est--dire les mthodes et outils disponibles pour valuer les flux sdimentaires transports par les cours deau