Transparence International France - bilan du quinquennat en matière de lutte contre la corruption

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Quelques avancées, des reculs : la lutte contre la corruption n’est toujours pas une priorité politique en France - Bilan du quinquennat en matière de transparence, d’intégrité et de lutte contre la corruption Transparence International France est la section française de Transparency International (TI), la principale organisation de la société civile qui se consacre à la transparence et à l’intégrité de la vie publique et économique. A travers l’action de plus d’une centaine de sections affiliées réparties dans le monde, ainsi que de son secrétariat international basé à Berlin, en Allemagne, TI sensibilise l’opinion aux ravages de la corruption et travaille de concert avec les décideurs publics, le secteur privé et la société civile dans le but de la combattre. www.transparence-france.org

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Quelques avancées, des reculs : la lutte contre la corruption n’est

toujours pas une priorité politique en France

- Bilan du quinquennat en matière de

transparence, d’intégrité et de lutte contre la corruption

Transparence International France est la section française de Transparency International (TI), la principale organisation de la société civile qui se consacre à la transparence et à l’intégrité de la vie publique et

économique.

A travers l’action de plus d’une centaine de sections affiliées réparties dans le monde, ainsi que de son secrétariat international basé à Berlin, en Allemagne, TI sensibilise l’opinion aux ravages de la corruption

et travaille de concert avec les décideurs publics, le secteur privé et la société civile dans le but de la combattre.

www.transparence-france.org

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Bilan du quinquennat en matière de transparence, d’intégrité et de lutte contre la corruption TI France - Février 2012

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Sommaire

I. Pourquoi ce rapport ?

II. Principales conclusions

III. Tableaux de synthèse

IV. Analyse détaillée

1. Moyens de la justice pour lutter contre la corruption

2. Secret défense

3. Intégrité de la vie publique

3.1 Marchés publics

3.2 Financement des partis politiques

3.3 Déclarations de patrimoine

3.4 Mandats successifs et inéligibilité des élus condamnés pour corruption

3.5 Prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique

3.6 Encadrement du lobbying

3.7 Indépendance de l’expertise

3.8 Transparence des comptes de l’Elysée

3.9 Nominations aux postes de haute responsabilité

3.10 Ouverture des données publiques

3.11 Rendre compte

4. Loi du 13 novembre 2007 relative à la lutte contre la corruption (mise en œuvre des engagements internationaux de la France)

5. Déclenchement d’alerte éthique (« whistleblowing »)

6. Education civique

7. Médias

8. Convention des Nations Unies contre la corruption

9. Lutte anti-blanchiment et paradis fiscaux

10.Coopération judiciaire internationale

11.Aide publique au développement et corruption

12.Transparence des industries extractives

V. Annexe – Les recommandations de TI France aux candidats à la Présidentielle 2012

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I. Pourquoi ce rapport ?

Dans son discours d’Epinal de juillet 2007 consacré à la modernisation des institutions1, Nicolas Sarkozy avait affirmé sa volonté de rendre la République française « irréprochable ». Il y avait annoncé la création du comité Balladur2, dont certaines des propositions ont été mises en œuvre par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008.

En amont de ce discours, le candidat Nicolas Sarkozy avait pris des engagements précis en

matière de transparence, d’intégrité et de lutte contre la corruption, en réponse à des propositions que Transparence International France (« TI France ») avait adressées à l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle de 2007.

Le présent rapport analyse l’évolution de la lutte contre la corruption au cours du quinquennat

qui s’achève. Dans cette perspective, il s’intéresse non seulement à la mise en œuvre des engagements de Nicolas Sarkozy mais aussi à des thématiques qui, si elles n’étaient pas couvertes par notre questionnaire, ont fait l’objet de développements notables durant les cinq dernières années. C’est le cas par exemple du débat sur les conflits d’intérêts.

Notre bilan passe ainsi en revue l’ensemble des initiatives prises par le Président de la

République, le gouvernement et la majorité parlementaire qui ont eu, selon nous, une incidence directe sur le cadre législatif et institutionnel de prévention et de lutte contre la corruption.

Précisons qu’il n’appartient pas à TI France de s’exprimer sur le fond au sujet d’affaires sur lesquelles la justice ne s’est pas encore prononcée de manière définitive. Notre analyse se limite ainsi à mentionner, sans les commenter, les affaires dans lesquelles le nom du chef de l’Etat apparaît3. Les seuls commentaires que nous nous autorisons concernent des faits clairement établis ou des dysfonctionnements dans les procédures en cours.

1 Discours d’Epinal du 12 juillet 2007 2 Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et rééquilibrage des institutions de la V

ème

République 3 Affaire dites de « Karachi », « Woerth-Bettencourt », des « fadettes ».

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II. Principales conclusions

Alors que le quinquennat s’achève, TI France considère que la lutte contre la corruption n’est toujours pas une priorité politique en France. L’analyse des avancées et des reculs de ces cinq dernières années montre que la volonté politique est globalement toujours insuffisante.

Une action internationale à saluer

La présidence française du G20 a été marquée par les efforts français pour maintenir la lutte contre les paradis fiscaux parmi les priorités de la communauté internationale. En l’absence d’accord au niveau du G20, la France a tenté de donner l’exemple dans plusieurs domaines (listes d’Etats non coopératifs et registre des trusts notamment). S’agissant des conventions internationales de lutte contre la corruption, la France a soutenu et appliqué les recommandations de la société civile relatives à l’évaluation des engagements des Etats. Conformément à son engagement, Nicolas Sarkozy a enfin apporté son soutien au projet de directive relative à la transparence des entreprises extractives (pétrole, gaz et mines).

Des progrès aussi sur le plan interne

Examen des comptes de l’Elysée par la Cour des comptes, limitation à deux du nombre de mandats présidentiels, protection des lanceurs d’alerte dénonçant la corruption dans les entreprises, renforcement de l’instruction civique, lancement du site data.gouv.fr facilitant l’accès à certaines informations publiques : le bilan du quinquennat concernant le renforcement du dispositif français de transparence et d’intégrité est loin d’être nul. La principale avancée à mettre au crédit de la majorité présidentielle aura sûrement été, à la suite du scandale du Médiator, l’adoption d’un dispositif convaincant de prévention des conflits d’intérêts dans de domaine de la santé. Si les décrets d’application de la loi Bertrand devront bien sûr être suivis de près, le dispositif adopté nous paraît de nature à renforcer nettement l’indépendance de l’expertise sanitaire.

Un bilan préoccupant sur les principales priorités de la lutte contre la corruption en France

Les actions que nous jugeons prioritaires sont celles qui, selon nous, sont le plus à même de garantir l’exemplarité des décideurs publics et ainsi de restaurer la confiance des citoyens dans nos institutions. Pour garantir cette exemplarité, la justice financière, qui est en première ligne pour traiter les affaires politico-financières et assurer l’égalité de tous devant la loi, doit être suffisamment forte et indépendante. Il s’agit là d’une exigence fondamentale de la démocratie. Le mélange des genres entre intérêts publics et privés doit être par ailleurs combattu. Parmi les comportements que les Français jugent les moins acceptables chez les politiques, « la défense d’intérêts privés plutôt que l’intérêt général » arrive en première position4.

Nous dressons un bilan préoccupant des initiatives qui ont été prises au cours des cinq dernières

années concernant les moyens de la justice pour lutter contre la corruption. Rien ne sert en effet d’améliorer le régime des incriminations et certaines procédures si, parallèlement, l’indépendance de la justice n’est pas respectée et si les moyens nécessaires à sa mission continuent d’être réduits. Contrairement à l’engagement pris par le Président de la République, la volonté politique dans ce domaine ne s’est pas exercée dans le sens d’un renforcement de la justice financière, mais bel et

4 Sondage sur l’éthique en politique réalisé par Ipsos et Logica Business Consulting pour "Le Monde" et

l’association Lire la société (1er

février 2012)

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bien dans celui de son affaiblissement. Le projet, heureusement avorté, de suppression du juge d’instruction sans réforme du statut du parquet, ainsi que la loi qui a renforcé le secret défense opposable au juge anti-corruption, ont notamment illustré cette volonté. Les recours abusifs au secret défense dans une affaire dans laquelle le nom du chef de l’Etat apparaît – l’affaire dite de « Karachi » - ont aussi été particulièrement édifiants.

Le second principal point noir du bilan du quinquennat en matière de transparence et d’intégrité

concerne l’action contre les conflits d’intérêts et l’écart entre les annonces et les actes. Dans le contexte de l’affaire dite « Woerth-Bettencourt », l’exécutif français avait solennellement annoncé une action résolue contre les conflits d’intérêts. Cependant, alors que la législature s’achève, le projet de loi préparé par le gouvernement pour les ministres et les fonctionnaires n’a jamais été porté à l’ordre du jour du Parlement. Concernant les conflits d’intérêts des parlementaires, les initiatives de la majorité présidentielle sont loin d’avoir répondu à l’enjeu. En résumé, alors que le contexte n’avait jamais été aussi favorable à de véritables avancées, les initiatives prises se sont avérées décevantes et bien en deçà des attentes qu’elles avaient fait naître.

Autres reculs et déceptions L’affaire dite des « fadettes » a mis au jour des pratiques qui constituent une régression

inquiétante dans le domaine de la liberté de la presse. La Cour de cassation a déjà eu l’occasion d’estimer que l’atteinte au secret des sources de journalistes enquêtant sur l’affaire « Woerth-Bettencourt » - dans laquelle les noms du chef de l’Etat et d’un ancien ministre sont cités -, n’était pas justifiée. Ces pratiques doivent être fermement condamnées.

Au rang des déceptions, il faut citer l’absence de toute initiative pour mettre fin au

contournement de la loi sur le financement de la vie politique via les micro-partis. La création d’une sanction en cas de fausse déclaration de patrimoine par un élu demeurera tout à fait inutile tant que le législateur refusera de doter la Commission pour la transparence financière de la vie politique des pouvoirs d’investigation et des moyens nécessaires à sa mission. Enfin, s’ils ont le mérite d’exister, les premiers dispositifs d’encadrement du lobbying au Parlement sont très insuffisants.

Tous les candidats à présidentielle doivent maintenant s’engager

En résumé, on ne peut certainement pas considérer qu’en matière de transparence, d’intégrité et de lutte contre la corruption, la République soit devenue irréprochable durant la présidence de Nicolas Sarkozy. La lutte contre la corruption n’est toujours pas devenue une priorité politique en France.

Ce constat rejoint la principale conclusion de notre rapport publié en décembre 2011 sur l’état de la lutte contre la corruption en France. Il est urgent de réinscrire l’éthique au cœur de notre vie publique. C’est notamment à ce prix que nous parviendrons à sortir par le haut de la crise de confiance qui mine actuellement nos institutions.

Transparence International France exhorte ainsi Nicolas Sarkozy, candidat à sa propre succession, ainsi que tous les autres candidats à l’élection présidentielle de 2012 à s’engager publiquement en la matière, comme l’on déjà fait dix d’entre eux.

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III. Tableaux de synthèse

Tendance des Initiatives engagées Appréciation globale portée par TI France sur les initiatives engagées sur le thème concerné depuis la prise de fonction de Nicolas Sarkozy. Cette appréciation va au-delà des engagements pris par le Président de la République et s’applique à toute autre mesure pertinente initiée par le gouvernement et la majorité présidentielle. Avancée au regard de la lutte anti-corruption Régression au regard de la lutte anti-corruption

Initiative engagée n’ayant pas d’impact significatif au regard de la lutte anti-corruption

Engagement non tenu Explications : Appréciation positive de TI France Appréciation négative de TI France

Tableau 1. Engagements pris en 2007 par Nicolas Sarkozy en réponse aux propositions de TI France

Engagements de Nicolas Sarkozy

Tendance des

initiatives engagées

Explications

Convention des Nations Unies contre la

corruption

Promotion de la Convention des Nations Unies contre la corruption

+ : Action diplomatique en faveur d’un mécanisme de suivi crédible + : Adoption par plusieurs grands pays émergents des Conventions anti-corruption

Lutte contre le blanchiment et les abus

des paradis fiscaux

Pressions sur Andorre et Monaco

Promotion du sujet au niveau européen et international

+ : Pressions sur Andorre et Monaco + : Présidence française du G20 + : Liste française des paradis fiscaux et obligation de transparence pour les banques présentes dans ces territoires + : Loi française sur les trusts

Protection des déclencheurs d'alerte

Protection au sein de la fonction publique et du secteur privé

+ : Protection dans le secteur privé prévue par la Loi du 13 novembre 2007 et engagement du G20 - : Pas de renforcement de la protection dans le secteur public

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Transparence des

industries extractives

Publication obligatoire des paiements versés par les

entreprises cotées

+ : Projet de directive européenne

Education civique

Renforcement de l'instruction civique

Création d'un module sur la

corruption

+ : Renforcement de l’instruction civique dans l’enseignement primaire et secondaire - : Pas de création de module sur la corruption

Transparence des marchés publics

Recours au Pacte de transparence par les collectivités locales

+ : Simplification du code des marchés publics - : Suppression des commissions d’appels d’offres pour l’Etat et les hôpitaux, hausse du seuil applicable aux marchés formels de travaux - : Rapport de la Cour des comptes sur les sondages de l’Elysée

Moyens de la justice pour lutter contre la

corruption

Renforcement des moyens d'action des juridictions

spécialisées

- : Baisse des moyens des police et justice financières - : Pressions politiques + : Renforcement de plusieurs législations pertinentes

Financement des partis politiques

Renforcement de la CNCCFP

N. A.

Déclaration de patrimoine

Extension de la déclaration de patrimoine aux revenus et avantages liés à la fonction

+ : Introduction d’une sanction pénale en cas de fausse déclaration - : Affaiblissement de la portée du texte au cours du travail parlementaire

Engagement à rendre des comptes

Suivi des engagements anti-corruption

- : Pas de communication sur la mise en

œuvre des engagements anti-corruption

Coopération judiciaire internationale

Intégration de la Déclaration de Paris à l'acquis communautaire

N. A.

Transparence de l'aide publique au

développement

Conditionnement à des critères de bonne gouvernance

N. A.

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Tableau 2. Propositions de TI France sur lesquelles Nicolas Sarkozy ne s’était pas engagé.

Propositions de TI France

adressées aux candidats à la présidentielle de 2007

Tendance des initiatives engagées

Explications

Mandats successifs Limitation du nombre de mandats

successifs des élus

+ : Réforme limitant le mandat de Président de la République à deux quinquennats

Réforme du secret défense

Conférer un pouvoir de décision à la CCSDN

- : Extension du secret défense opposable aux juges - : Usage du secret défense dans l’affaire dite de « Karachi »

Déclaration de patrimoine

Déclaration annuelle du patrimoine des élus

+ : Introduction d’une sanction pénale en cas de fausse déclaration - : Affaiblissement de la portée du texte au cours du travail parlementaire

Inéligibilité 10 ans d’inéligibilité en cas de

condamnation pour corruption

Aucune initiative engagée

N. A.

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Tableau 3. Thèmes non couverts par les propositions de TI France mais ayant fait l’objet de développements notables durant le quinquennat

Tendance des initiatives

engagées Explications

Nouvelles lois en matière de lutte contre

la corruption

+ : Renforcement de la législation anti-corruption (lois du 13 novembre 2007 et du 17 mai 2011) - : Rejet de l’amendement sur l’action en justice des associations

Indépendance de l’expertise

+ : Nouvelle loi instaurant la transparence des liens d’intérêts dans le domaine de la santé

Transparence des comptes de l’Elysée

+ : Contrôle des comptes de l’Elysée par la Cour des comptes

Ouverture des données publiques

+ : Mise en ligne du portail interministériel « data.gouv.fr »

Nominations aux postes de haute responsabilité

+ : Avis du Parlement pour certaines nominations du Président de la République - : Caractère politique de certaines nominations à des postes de responsabilité (diplomatie, corps préfectoral, parquet, police)

Prévention des conflits d’intérêts

+ : Création d’une commission chargée de proposer des règles pour les ministres et les hauts fonctionnaires - : Projet de loi jamais mis à l’ordre du jour de l’Assemblée - : Insuffisance des règles applicables aux députés + : Adoption de règles par la nouvelle majorité au Sénat

Encadrement du lobbying

+ : Question enfin à l’ordre du jour du Parlement - : Premiers dispositifs d’encadrement insuffisants à l’Assemblée nationale et au Sénat

Médias

- : Affaire des « fadettes »

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IV. Analyse détaillée

1. Moyens de la justice pour lutter contre la corruption

Engagement de Nicolas Sarkozy sur la proposition de TI France

Durant sa campagne électorale, Nicolas Sarkozy s’est prononcé en faveur d’un renforcement des moyens d’action du pôle financier parisien et des huit juridictions interrégionales spécialisées. Il a souligné l’importance de la mise à disposition de moyens matériels suffisants ainsi que la nécessité de formations adéquates pour les magistrats, les enquêteurs et les experts. Rappelons également qu’à l’occasion de l’examen par l’Assemblée nationale de la loi du 13 novembre 2007 sur la lutte contre la corruption, Rachida Dati a complété l’engagement présidentiel en annonçant que le pôle financier de Paris allait être renforcé en « magistrats expérimentés » et « assistants spécialisés ».

Initiatives engagées

TI France dresse un bilan préoccupant des initiatives qui ont été prises sous la présidence de Nicolas Sarkozy et qui ont eu une incidence sur les moyens de la justice pour lutter contre la corruption. Rien ne sert en effet d’améliorer le régime des incriminations et certaines procédures si, parallèlement à cela, on ne respecte pas l’indépendance de la justice et on réduit encore d’avantage les moyens nécessaires à sa mission. Sous son quinquennat, contrairement à l’engagement pris par Nicolas Sarkozy, la volonté politique dans ce domaine ne s’est pas exercée dans le sens d’un renforcement de la justice financière, mais bel et bien de son affaiblissement. Les moyens humains du pôle financier parisien ont baissé depuis 20075. La section financière du pôle6, qui comptait 13 juges d’instruction et 12 parquetiers en 2007, ne compte aujourd’hui plus que 8 juges d’instruction et 7 parquetiers. En ce qui concerne les assistants spécialisés (qui assistent les magistrats dans le déroulement de la procédure), ils ne sont que 4 au pôle financier parisien (hors santé publique, instruction et parquet confondus), contre 7 en 2007. Lors d’une rencontre en juillet dernier, le ministre de la Justice avait indiqué aux représentants de TI France que 50 postes d’assistants spécialisés en matière financière allaient être créés et affectés pour la plupart aux juridictions parisiennes. Or, seuls 3 nouveaux assistants spécialisés sont pour l’instant attendus au pôle financier début 2012. Par ailleurs, 7 des 22 cabinets d’instruction du pôle financier de Paris ne disposaient plus de greffier en octobre 20117. Pour ce qui est du pôle économique et financier de Nanterre, le nombre de cabinets d'instruction en charge de dossiers économiques et financiers est en baisse constante : 7 cabinets en 2007, 5 en 2009 et seulement 3 début 20128.

5 Chiffres ci-après obtenus auprès de l’Association française des magistrats instructeurs (AFMI)

6 Hors santé publique, hors délinquance astucieuse, hors contrefaçon

7 Voir le communiqué de presse publié le 10 novembre 2011 par l’Association française des magistrats

instructeurs (AFMI) 8 Pour l’Union syndicale des magistrats, cette situation est la conséquence de la politique du parquet de

Nanterre, qui privilégie les enquêtes préliminaires.

OUI

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En ce qui concerne les sept autres juridictions interrégionales spécialisées en criminalité organisée et infractions financières9 (Paris mis à part), les moyens humains n’ont pas évolué de manière significative depuis 2007. S’agissant de la police, la désaffection institutionnelle pour le traitement des grandes affaires économiques et financières s’est poursuivie sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. L’évolution de l’organisation de la police financière au cours des dernières années démontre que la lutte contre la grande corruption ne figure plus parmi les priorités : agents moins expérimentés, objectifs quantitatifs inadaptés à la matière financière, autres priorités telles que la lutte contre la falsification des moyens de paiement. Un manque, voire une baisse des moyens humains, est par ailleurs constaté au niveau de la Brigade centrale de lutte contre la corruption et des services territoriaux de la police10. Le rapport de politique pénale 2009, rédigé par la direction des affaires criminelles et des grâces de la Chancellerie confirme ce constat en précisant que « la quasi-totalité des parquets signalent le manque criant de services et unités d’enquête qualifiés pour diligenter les procédures pénales en matière économique et financière ». Sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, les enquêtes financières autrefois conduites par des juges d’instruction indépendants ont été peu à peu transférées aux procureurs soumis hiérarchiquement au pouvoir exécutif. Or, plusieurs affaires récentes (« Woerth-Bettencourt », « biens mal acquis », « sondages de l’Elysée ») sont encore venues renforcer les soupçons d’intervention du gouvernement dans les dossiers sensibles. La Cour européenne des droits de l’Homme et la Cour de cassation française considèrent que le parquet ne peut pas être considéré comme une autorité judiciaire du fait de sa dépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif11. Les pressions politiques issues de la dépendance du parquet par rapport au pouvoir exécutif paraissent s’être accrues sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Pour le Président de l’Union syndicale des magistrats (USM), « ce sont les instructions dans les dossiers particuliers qui posent question (…) celles-ci sont actuellement dans la loi limitées aux instructions de poursuite écrites, jointes au dossier et depuis peu motivées. Mais chacun sait que ces instructions transparentes sont rares, pour ne pas dire inexistantes et que les vraies instructions, et pas seulement de poursuites, existent »12. Le 8 décembre 2011, 126 des 163 procureurs français ont fait part de leur exaspération concernant les interférences du gouvernement dans leur travail. Ils ont rendu publique une résolution demandant au pouvoir exécutif de rendre le parquet indépendant13. En ce qui concerne la question de la nomination des magistrats, depuis le vote d’une loi organique entrée en vigueur le 23 janvier 201114, le Conseil supérieur de la magistrature n’est plus présidé par le Président de la République mais par le premier président de la Cour de cassation pour la formation de nomination des juges et par le procureur général près la Cour de cassation pour la formation de nomination des procureurs. Il s’agit là d’une avancée qui permet de distendre le lien avec le pouvoir exécutif.

9 Nancy, Rennes, Bordeaux, Lyon, Marseille, Lille et Fort-de-France

10 Pour plus d’informations, voir le rapport publié par TI France en juin 2011 « Etat de droit menacé :

l’indispensable réforme de la justice financière », p.13 et 14 11

CEDH 5ème section, 10 juillet 2008, Requête N°3394/03 Affaire Medvedyev et autres c/ France ; CEDH, 23 novembre 2010, Requête n°37104/06, Affaire Moulin c/ France ; Arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, 15 décembre 2010 12

Voir le discours de Christophe Regnard, le 14 octobre 2011 13

Voir « Les procureurs français réclament leur indépendance », Le Nouvel Observateur, 8 décembre 2011 14

Voir la loi organique du 22 juillet 2010

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La nouvelle loi dite « Warsmann-Geoffroy », votée le 10 juillet 201015, constitue une avancée en matière de saisie et de confiscation en matière pénale. Elle devrait faciliter la saisie des produits de la corruption tels que les avoirs publics détournés à l’étranger. En vertu de cette nouvelle loi, les enquêteurs et les magistrats sont désormais en mesure de priver les délinquants du produit de leurs infractions dès le début de l'enquête, sans attendre une éventuelle condamnation, ce qui devrait permettre d'éviter l’évaporation des biens. Une Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) est désormais chargée d'assurer sur l'ensemble du territoire la gestion de tous les biens saisis ou confisqués au cours d'une procédure pénale. Une loi du 13 décembre 201116 a étendu la procédure de reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC, communément appelée « plaider coupable »17) à la plupart des délits punis d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à 10 ans. Cela a eu pour effet d’étendre cette procédure aux délits de corruption. Il s’agit d’une évolution que TI France avait recommandée sous certaines conditions. Ce système peut en effet représenter une réponse pragmatique au problème de la lenteur du dispositif répressif français actuel. Nous attendons cependant de connaître toutes les modalités d’application de cette nouvelle procédure. S’agissant des entreprises, il est notamment primordial que les futures transactions soient accompagnées de l’engagement du corrupteur à mettre en place, au sein de l’entreprise, des actions visant à empêcher le renouvellement de la corruption. Il faudra également que les peines prononcées en vertu de ce nouveau système soient suffisamment dissuasives. Deux nouvelles lois ayant un impact sur la détection et l’incrimination des affaires de corruption ont été votées. La loi du 13 novembre 2007 relative à la lutte contre la corruption, a renforcé les moyens procéduraux mis à la disposition des juges anti-corruption. Ceux-ci se sont vu, en effet, octroyer la possibilité de recourir à des techniques spéciales d'enquête jusque là réservées à la grande criminalité (surveillance des biens et des personnes, sonorisation et captation d’images, infiltration, interception de correspondances, saisie conservatoire des avoirs des personnes mises en examen). La loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, votée le 17 mai 2011, a supprimé l’exigence d’antériorité du « pacte de corruption » sur sa réalisation. Les apports de ces nouvelles lois sont développés dans le point 4 de l’analyse détaillée. Deux annonces de réformes faites sous la présidence de Nicolas Sarkozy doivent enfin tout particulièrement retenir l’attention de ceux qui souhaitent que la justice française ait la capacité d’ouvrir et de mener à bien des enquêtes en matière de corruption, notamment lorsque celles-ci sont susceptibles de mettre en cause des responsables politiques ou de grandes sociétés nationales. La première de ces annonces de réforme, traitée dans le point 2 du présent rapport, concerne le renforcement du secret défense opposable au juge anti-corruption. La seconde est l’annonce présidentielle de suppression du juge d’instruction18, prolongée par le rapport d’étape de la commission Léger sur la phase préparatoire du procès pénal, remis au Garde des Sceaux le 9 mars 2009. Ce rapport propose de supprimer le juge d’instruction pour confier toutes les investigations pénales au procureur de la République, magistrat dépendant hiérarchiquement de

15

Voir le dossier législatif sur le site du Sénat 16

Voir la loi relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles 17

Existant sous des formes différentes suivant les pays et les systèmes judiciaires, cette procédure a pour objectif principal de permettre à un accusé de négocier avec l’accusation la fin des poursuites en reconnaissant dans certains cas sa culpabilité, ce qui donne lieu généralement à des peines moins sévères que celles qui seraient prononcées en l’absence de négociation. 18

Voir l’annonce de Nicolas Sarkozy le 7 janvier 2009, à l’occasion de la rentrée solennelle de la Cour de cassation

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l’exécutif. A la suite de la levée de boucliers qu’il a suscitée, ce projet semble finalement avoir été abandonné.

L’analyse de TI France : il faut rendre le parquet indépendant et couper le lien avec le pouvoir exécutif

Le traitement effectif par la justice des affaires de corruption et, plus généralement, de tout ce que l’on a pris coutume de nommer la « délinquance en col blanc » est essentiel en démocratie. Si cet impératif n’est pas assuré, un sentiment de justice à deux vitesses se développe inévitablement parmi les citoyens. D’où la nécessité d’une justice financière suffisamment forte et indépendante pour garantir l’égalité de tous devant la loi, égalité qui constitue le socle d’un Etat de droit. La réforme de la procédure pénale française paraît aujourd’hui inévitable. Le projet de suppression du juge d’instruction au profit d’un parquet soumis au pouvoir politique, proposé par le Président Sarkozy en 2009, ne semble fort heureusement plus d’actualité. Une réforme globale doit cependant être menée afin que l’institution judiciaire dispose de l’indépendance nécessaire pour lutter efficacement contre la corruption. Pour TI France, la nomination à la tête du parquet, d’une haute personnalité indépendante de l’exécutif permettrait de réduire les suspicions d’intervention du pouvoir politique dans les affaires sensibles. TI France propose la mise en place d’un « Procureur général de la Nation » (PGN) ou d’un collège de magistrats de statut équivalent. Si la définition de la politique pénale resterait alors de la compétence du ministre de la Justice, pour le suivi des affaires individuelles, les magistrats du parquet rendraient uniquement compte au PGN, magistrat indépendant du pouvoir exécutif. Ce magistrat – ou collège de magistrats - serait élu par le Parlement aux 3/5èmes pour une durée de 4 ans. Le PGN devrait rendre compte de son action devant le Parlement via un rapport annuel. En ce qui concerne la nomination des magistrats du parquet, si la nouvelle loi de janvier 2011 constitue une avancée, elle n’est pas allée assez loin. Pour répondre à cette préoccupation, Nicolas Sarkozy a récemment proposé que la nomination des magistrats du parquet soit soumise à un avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), et non plus un simple avis consultatif19. TI France estime qu’il serait préférable de créer un « conseil du parquet » qui serait, pour les magistrats du parquet, l’équivalent du CSM (compétent pour les nominations et la discipline). Le CSM resterait compétent pour les magistrats du siège. Les membres du nouveau conseil du parquet seraient élus par leurs pairs. Ce conseil se réunirait obligatoirement sous sa formation doctrinale (ensemble des procureurs généraux) pour les affaires sensibles (lorsqu’un élu est poursuivi par exemple).

19

Voir « Sarkozy fait une ouverture vers l’indépendance du parquet », Reuters, 13 janvier 2012

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2. Secret défense

Engagement de Nicolas Sarkozy sur la proposition de TI France

Le candidat Nicolas Sarkozy ne s’était pas prononcé en faveur de la proposition de TI France de transformer la Commission Consultative du Secret de la Défense Nationale (CCSDN) en une instance décisionnelle et de mieux distinguer les informations qui relèvent effectivement du secret défense de celles qui n’en relèvent pas20. Le sens de cette proposition était de conférer plus d’autorité à la procédure actuellement en vigueur et de corriger le soupçon du manque d’indépendance. Nicolas Sarkozy avait expliqué sa réponse par le constat selon lequel le gouvernement suit toujours l’avis de la CCSDN qui, en pratique, proposerait assez souvent le déclassement des documents.

Initiatives engagées

La loi de programmation militaire 2009-2014, votée le 16 juillet 2009, a fixé des règles relatives d'une part, à l’accès aux informations classifiées au titre du secret de la défense nationale et, d'autre part, aux lieux classifiés au titre de ce secret. Sur cette seconde disposition, la loi prévoyait que certains lieux (la liste n’avait pas été rendue publique) étaient désormais classés secret défense. Afin de pouvoir y mener une perquisition, le juge devait au préalable requérir la déclassification du lieu en adressant une demande écrite au Président de la CCSDN qui devait être présent lors de la perquisition. Se basant notamment sur la séparation des pouvoirs, le conseil constitutionnel a considéré dans une décision du 10 novembre 201121, que cette procédure était contraire à la constitution.

S’agissant de l’accès aux informations classifiées, la loi de 2009 a introduit l’obligation pour le juge d'avertir le président de la CCSDN avant de procéder à une perquisition touchant une matière de défense et de lui indiquer par écrit l'objet de sa recherche. L’affaire dite de « Karachi », dans laquelle le nom du Président de la République est cité, a donné lieu à des abus dans l’utilisation du secret défense par le gouvernement. Depuis le début de cette affaire, les actes du gouvernement ont été en contradiction avec ses déclarations et celles de Nicolas Sarkozy. Les juges ont en effet fait face à des difficultés répétées pour accéder à des documents classifiés nécessaires à leur enquête. A la suite de la déclassification en octobre 2009 de 40 notes de la DGSE couvertes par le secret-défense, Hervé Morin avait indiqué que « l'ensemble des documents relatifs à l'attentat» avaient été transmis aux juges. Le 20 novembre 2010, Nicolas Sarkozy avait ensuite affirmé que « tous les documents qui sont demandés » dans le cadre de cette affaire devraient être communiqués aux juges « en temps et en heure », en précisant, qu’à sa connaissance, aucun document n’avait été refusé. Or, deux jours plus tard, le juge Trevidic transmettait au nouveau ministre de la Défense, Alain Juppé, une nouvelle demande de déclassification, à la suite d’une requête du 5 mai 2010 restée sans réponse22. Plus récemment, le 22 novembre 2011, le député Bernard Cazeneuve, qui fut rapporteur d'une mission parlementaire sur l'attentat de Karachi, a demandé une nouvelle fois que le secret défense

20

Voir le rapport et les recommandations de TI France visant à réformer la procédure du secret défense 21

Voir la décision du Conseil constitutionnel le 10 novembre 2011 22

Voir « Karachi : un juge d’instruction demande à Alain Juppé de nouveaux documents secret défense », Le Post, 22 novembre 2010

NON

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soit levé sur tous les documents portant sur l’affaire. D’après lui, « une partie des demandes de transmission de documents formulées par les juges chargés de l'affaire, (…) n'a pas été satisfaite par le gouvernement23 ». Le 28 novembre 2011, le Premier ministre François Fillon a autorisé une nouvelle déclassification de documents demandés par les juges24. Toujours selon Bernard Cazeneuve, les ministères de la Défense, des Affaires étrangères et des Finances ont refusé de transmettre les documents demandés par la mission parlementaire, prétextant qu'une enquête judiciaire était en cours. La ministre de l'Economie Christine Lagarde aurait par ailleurs refusé que des fonctionnaires de son ministère, ayant travaillé sur le contrat de vente de sous-marins au Pakistan, soient auditionnés par la mission d’information parlementaire, en invoquant la protection pénale des données touchant la défense nationale. Le contrat étant classifié, elle a jugé qu’« aucun élément relatif à ce contrat ne saurait être divulgué à des personnes non habilitées. »

L’analyse de TI France : un renforcement et une utilisation du secret défense préjudiciables à l’action des juges anti-corruption

Le conseil constitutionnel a donc validé le volet de la loi de programmation militaire de 2009 qui prévoit que le juge est tenu d’avertir le Président de la CCSDN avant de procéder à une perquisition touchant à une matière de défense et de lui indiquer par écrit l’objet de sa recherche. En vertu de cette procédure, le juge se voit contraint de dévoiler, au moins en partie, l'état de ses investigations et d'indiquer ce qu'il recherche alors qu'il n'en a pas nécessairement une idée précise. Ces informations sont portées à la connaissance du ministre compétent auquel revient la décision de lever ou non le secret. Celui-ci pourrait, en cas de partialité de sa part, décider de refuser la déclassification afin d’empêcher le bon déroulement de la procédure judiciaire. Afin de limiter les utilisations abusives de la procédure du secret défense, la demande de levée du secret présentée par un juge devrait faire l’objet d’une véritable décision rendue par un organisme indépendant de l’exécutif. TI France propose depuis 2007 de renforcer l’indépendance de la CCSDN par rapport au pouvoir exécutif, en la dotant d’un pouvoir de décision et non plus seulement de la capacité de rendre des avis. Cette évolution de la commission entraînerait la possibilité d’un recours devant la justice, porté devant une juridiction de droit commun (Cour de cassation ou Conseil d’État)25.

23

Voir « Karachi : le secret défense pose problème », Le Figaro, 22 novembre 2011 24

Voir « Affaire Karachi : François Fillon autorise la déclassification de documents secret défense », Le Monde, 28 octobre 2011 25

Voir le rapport publié par TI France en 2007 et le détail des propositions

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3. Intégrité de la vie publique

3.1 Marchés publics

Engagement de Nicolas Sarkozy sur la proposition de TI France

Nicolas Sarkozy s’est prononcé en faveur du recours au pacte de transparence dans les collectivités publiques. Le pacte de transparence, élaboré par TI France, associe la mise en place d'une charte éthique de l'achat public à des engagements précis des dirigeants des entreprises soumissionnaires et de l’acheteur public. Ainsi, en vertu du pacte, tous les candidats au marché doivent ainsi s'engager à ne faire aucun versement de complaisance et à prendre des mesures précises pour assurer la transparence de tous les règlements liés au contrat.

Initiatives engagées

Trois décrets de décembre 200826 ont introduit une nouvelle modification du code des marchés publics avec l’objectif de simplifier les procédures d’achats. Les décrets instaurent en particulier une augmentation du seuil en-dessous duquel les marchés publics peuvent être conclus sans publicité et sans mise en concurrence préalable. La plupart de ces mesures gomment des spécificités françaises et alignent notre droit sur les seuils du droit européen ainsi que sur les pratiques de nos voisins.

L’analyse de TI France : une simplification louable mais génératrice de risques qu’il est nécessaire de prévenir

TI France salue cet effort de simplification rendu nécessaire par des procédures qui s’étaient révélées à l’usage souvent trop longues et lourdes – notamment pour les PME – et dont le coût avoisinait parfois le montant même de l’achat.

En ce qui concerne les risques de corruption, deux mesures retiennent néanmoins notre

attention : la suppression des commissions d’appels d’offres pour l’Etat et les hôpitaux et le nouveau seuil applicable aux marchés formels de travaux. Concernant le premier des deux points, les commissions, de par leur caractère collégial, apportaient une certaine garantie de transparence dans les choix opérés. Choisir seul, sans avis collégiaux, est dangereux au regard des risques de favoritisme. TI France formule ainsi le vœu suivant : que se constitue, à côté du décideur, un collège, que l’administration s’obligerait à consulter pour juger les offres.

Un élu d’une collectivité de taille moyenne peut désormais passer pratiquement l’essentiel de ses marchés de travaux sans recourir à l’appel d’offres formel. Par conséquent, il est essentiel que, en-dessous des seuils communautaires, très élevés pour les travaux, les grands principes de la commande publique s’appliquent et que la collectivité se donne un cadre qui la mette à l’abri de tout soupçon. L’allégement des règles devrait par exemple avoir comme contrepartie l’adoption, libre, de chartes de déontologie de l’achat ou du pacte de transparence de TI France, afin qu’il soit bien clair aux yeux de tous, et notamment des contribuables, que simplification ne rime pas avec opacité.

26

Décrets n° 2008-1334 du 17 décembre 2008, n° 2008-1355 du 19 décembre 2008 et n° 2008-1356 du 19 décembre 2008

OUI

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Un rapport de la Cour des comptes portant sur les services de la Présidence de la République est à l’origine de l’affaire dite des « sondages de l’Elysée ». Cette affaire est relative à une convention signée en juin 2007 entre l’Elysée et la société Publifact, dirigée par un conseiller du chef de l’Etat. En juillet 2009, la Cour des comptes a révélé « qu’en dépit du dépassement du seuil au-delà duquel la passation d’un marché est obligatoire, aucune des possibilités offertes par le code des marchés publics pour respecter les règles de la mise en concurrence tout en tenant compte des spécificités de ce type de prestations n’ont été appliquées » (rapport de gestion 2008). Dans les rapports de gestion portant sur les exercices suivants, la Cour des comptes a relevé une régularisation des procédures applicables à la commande de sondages.

3.2 Financement des partis politiques

Engagement de Nicolas Sarkozy sur la proposition de TI France

La Commission Nationale des Comptes de Campagne et des Financements Politiques (CNCCFP) est une autorité administrative indépendante chargée du contrôle financier des partis et des comptes de campagnes. Or, si elle vérifie les comptes de campagne, la loi ne lui reconnaît aucun moyen d'investigation s'agissant des comptes des formations politiques. En faveur de l’ « amélioration de la transparence financière de la vie politique », Nicolas Sarkozy s’était déclaré pour un renforcement du rôle et des moyens de la CNCCFP. Il avait cependant précisé que, conformément à ce que prévoit la loi, la commission procède déjà à des vérifications approfondies des comptes des partis et que l’objectif de la commission n’est pas tant d’étendre ses pouvoirs de contrôle que de renforcer sa coopération avec les commissaires aux comptes.

Initiatives engagées

Malgré les débats ayant suivi les révélations de l’affaire Bettencourt concernant le contournement de la loi via les micro-partis, aucune initiative significative n’a été, à la connaissance de TI France, engagée depuis mai 2007.

L’analyse de TI France : la loi doit conférer à la CNCCFP des moyens d’investigation s’agissant des comptes des formations politiques et prévoir un encadrement des micro-partis

TI France ne partage pas l’analyse du Président de la République selon laquelle il n’est pas nécessaire de conférer à la CNCCFP la compétence et les moyens d’un contrôle effectif sur les comptes des formations politiques. Notre association rejoint d’ailleurs en cela les conclusions formulées par le GRECO dans un rapport sur l’évaluation de la France en matière de transparence du financement des partis politiques27. Selon ce dernier, « le contrôle de la CNCCFP a […] un caractère essentiellement formel et il ne lui permet de déceler que les violations flagrantes légales ». La transparence du financement des partis politiques appelle également une clarification du rôle des micro-partis, c’est-à-dire les formations politiques - le plus souvent sans adhérents - fondées dans le seul but de financer l’action d’un homme ou d’un autre parti politique. La création de ces multiples micro-formations permet de contourner les règles de plafonnement des dons des particuliers aux organisations politiques. En effet, si le don d’une personne physique à un parti politique est plafonné

27

Troisième cycle d’évaluation, Rapport d’évaluation de la France, Transparence du financement des partis politiques, 19 février 2009, GRECO (Groupe d’Etats contre la corruption, Conseil de l’Europe), § 123

OUI

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à 7 500 euros, rien n’empêche un donateur de multiplier les dons à plusieurs organisations, dans la limite de ce plafond. D’après le rapport « Système national d’intégrité », publié par TI France en décembre 2011, il existe un « net développement ces dernières années de micro-partis d’au moins 2 types : « les micro-partis satellites » qui reversent leurs fonds au parti central en permettant à un même parti de percevoir indirectement de la même personne un montant supérieur à celui du plafond autorisé ; les « micro-partis prétextes » ou « partis de poche » dont la vocation essentielle est de recueillir des fonds pour en faire profiter un candidat aux élections, ou un élu dans ses activités politiques28 ». L’affaire dite « Woerth-Bettencourt » a mis en lumière l’usage fait de ces micro-formations qui auraient permis à l’héritière de l’Oréal de financer des partis politiques pour un montant supérieur au plafond légal : 4 600 euros pour l’Association de soutien à Valérie Pécresse, 7 500 euros versés directement à la ministre (tête de liste UMP aux régionales), un chèque à l’association de financement de l’UMP et, enfin, 7 500 euros à l’Association de soutien à l’action d’Eric Woerth29. Un autre volet de cette affaire porte sur des soupçons de financement illégal de la campagne de Nicolas Sarkozy en 200730. Le nom de Nicolas Sarkozy apparaîtrait également dans le volet financier de l’ « affaire Karachi » dans lequel les juges soupçonnent un financement illégal de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 199531. Dans un communiqué paru le 22 septembre 2011, l’Elysée a néanmoins affirmé que le chef de l’Etat était « totalement étranger » à cette affaire qui est toujours en cours d’instruction.

3.3 Déclarations de patrimoine

Engagement de Nicolas Sarkozy sur la proposition de TI France

Les déclarations de patrimoine des élus sont aujourd'hui seulement réalisées au début et à la fin des mandats. Nicolas Sarkozy s’était prononcé contre l’instauration d’une obligation de déclaration annuelle car une telle mesure renforcerait selon lui la suspicion à l’égard des élus. Il s’était en revanche déclaré favorable à une extension de la déclaration aux revenus et aux avantages en nature liés aux fonctions.

Initiatives engagées Deux lois adoptées le 14 avril 201132 réforment les règles sur les déclarations de patrimoine. Cette réforme est à mettre au crédit de deux députés UMP, Jean-Luc Warsmann et Charles de La Verpillière, qui ont déposé, le 31 mai 2010, une proposition de loi portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique. Cette proposition de loi avait pour objet d’introduire une sanction pénale en cas de déclaration de patrimoine incomplète ou mensongère (2 ans de prison, 30 000€ d’amende et, le cas échéant, la privation des droits civiques et l’interdiction d’exercer une fonction publique). Le texte prévoyait par

28

Voir p. 170 et suivantes du rapport « système national d’intégrité » 29

Voir « Bettencourt a signé un chèque à l’association de soutien à l’action de Woerth », le Nouvel Observateur, 30 juin 2010 30

L’affaire Bettencourt/Woerth, AFP, 6 février 2012 31

Affaire de Karachi – L’ombre de Sarkozy, Le Monde, 22 novembre 2011 32

Loi organique n°2011-410 du 14 avril 2011 relative à l'élection des députés et sénateurs ; Loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique

OUI NON

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ailleurs la transmission à la Commission pour la transparence financière de la vie politique (CTFVP) du détail des revenus perçus pendant le mandat, des déclarations d’impôt sur le revenu et d’impôt sur la fortune (ISF) ainsi que d’informations sur la situation patrimoniale du conjoint séparé ou du partenaire de pacs. Elle prévoyait également de renforcer les pouvoirs de la Commission en lui permettant de demander copie de ces déclarations à l’administration fiscale dans le cas où on ne les lui aurait pas communiquées. Au cours du travail parlementaire, la portée du texte a cependant été largement affaiblie, à la suite notamment de l’action de plusieurs députés de la majorité. L'article relatif à la transmission d’informations sur les revenus a, par exemple, été supprimé. La disposition permettant à la CTFVP de demander aux élus une information sur la situation patrimoniale de leur conjoint a été aussi abandonnée. En outre, l'incrimination pénale en cas de déclaration mensongère a été assortie de deux conditions. La justice devra prouver que l’élu a « sciemment » omis de déclarer « une part substantielle » de son patrimoine ou qu’il en a fourni une évaluation mensongère. Surtout, la nouvelle loi n’a toujours pas donné à la CTFVP les moyens d’investigation nécessaires à sa mission. Dans ces conditions, la création de sanctions en cas de fausse déclaration nous parait relever d’avantage de l’effet d’annonce que d’une réelle volonté de sanctionner les dérives.

L’analyse de TI France : une loi insuffisante qui ne donne pas à la Commission pour la transparence financière de la vie politique les moyens de remplir efficacement sa mission

La CTFVP reçoit les déclarations dont elle assure la confidentialité33. Dans les cas où elle relève des évolutions de patrimoine pour lesquelles elle ne dispose pas d’explications, elle doit saisir le parquet. Cependant, depuis sa création, la Commission fait face à plusieurs difficultés majeures, reconnues par son Président lui-même. Alors qu’un enjeu de la nouvelle loi était de doter la Commission de réels moyens d’investigation et de contrôle, voire de sanction, les dispositions finalement adoptées sont insuffisantes. Les deux progrès notables sont l’accès aux données fiscales et l’introduction – enfin – d’une sanction des fausses déclarations. Les conditions introduites pour l’incrimination pénale en limitent la portée. De nombreuses infractions pourraient ne pas être sanctionnées si la preuve d’une volonté intentionnelle ne peut être apportée ou si l’omission porte sur une part du patrimoine jugée peu significative. Une autre des avancées contenues dans la proposition de loi était l’extension de la déclaration aux revenus perçus au cours du mandat ou de la fonction34. Alors qu’elle aurait permis à la CTFVP de mieux mesurer le caractère anormal ou non d’un enrichissement, cette disposition a été supprimée. L’extension aux avantages en nature n’a, elle, même pas été évoquée. Ces deux propositions recueillent pourtant l’assentiment de la large majorité des élus que nous avons interrogés à l’occasion des élections municipales de 2008 et des élections régionales de 2010. Par ailleurs, les déclarations ne sont toujours pas rendues publiques. Or, selon TI France, la publication de ces déclarations sous une forme simplifiée rendrait possible un contrôle, par les citoyens, de l’évolution du patrimoine de leurs représentants et réduirait les tentations de déclaration mensongère. Enfin, le

33

A l’exception des déclarations de début et de fin de mandat du Président de la République qui sont, elles, rendues publiques. 34

Sont également assujettis à la déclaration de patrimoine les présidents et directeurs généraux des entreprises nationales et des établissements publics à caractère industriel et commercial ainsi que de leurs filiales dont le chiffre d’affaires est supérieur à 10 millions d’euros ainsi que de certains organismes publics d'habitation à loyer modéré et sociétés d'économie mixte. La liste de ces personnes a été réduite par la loi adoptée en 2011, une demande formulée par la CTFVP afin de réduire le nombre de déclarations qui lui sont transmises.

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fait que la Commission ne puisse toujours pas avoir accès aux informations sur le patrimoine et les revenus des conjoints rend possible la mise en place de stratégies de contournement liées à un régime patrimonial particulier. Il est aujourd'hui nécessaire d’accroitre les pouvoirs et les moyens de la CTFVP afin de lui permettre de remplir efficacement sa mission35. Une analyse que partage la Commission : dans son 15ème rapport publié le 25 janvier 2012, elle juge insuffisante la réforme du 14 avril 2011 et recommande l’adoption de trois nouvelles mesures. Outre l’accès aux revenus des élus et au patrimoine des proches, elle demande l’instauration d’une sanction de 15 000 euros d’amende en cas de refus par l’intéressé de transmettre ses déclarations fiscales.

3.4 Mandats successifs et inéligibilité des élus condamnés pour corruption

Engagement de Nicolas Sarkozy sur la proposition de TI France

Favorable à une limitation du mandat présidentiel à deux quinquennats, Nicolas Sarkozy s’était dit opposé à l’extension de cette mesure à l’ensemble des élus. Selon lui, l’alternance et la transparence sont deux questions distinctes. Quant à la question portant sur l’extension de la période d’inéligibilité de 5 à 10 ans pour les élus condamnés pour faits de corruption, il n’avait pas exprimé d’avis particulier.

Initiatives engagées

Comme il l’avait annoncé lors de son discours d’Epinal, Nicolas Sarkozy a mené la réforme limitant le mandat de Président de la République à deux quinquennats. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a modifié l’article 6 de la Constitution36 qui prévoit désormais que « le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct » et que « Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ». Concernant l’inéligibilité des élus condamnés pour corruption, aucune initiative significative n’a été, à la connaissance de TI France, engagée depuis mai 2007.

L’analyse de TI France : les élus interrogés sont majoritairement favorables à l’inéligibilité de leurs pairs condamnés pour corruption

Notre proposition initiale était de porter de 5 à 10 ans le plafond de la peine d’inéligibilité des élus condamnés pour corruption. A la réflexion, il nous paraît souhaitable d’aller plus loin. Dix ans d’inéligibilité devrait être un minimum et non pas un maximum. Les juges devraient, au cas par cas, avoir la possibilité d’aller plus loin, jusqu’à pouvoir prononcer une inéligibilité à vie pour les malversations les plus graves. Notre position initiale, plutôt minimaliste, était en partie motivée par des doutes quant à la compatibilité de l’inéligibilité à vie avec la constitution et la Déclaration européenne des Droits de l’Homme. Mais des recherches complémentaires nous ont permis de lever ces interrogations. Il apparaît que seule l’automaticité de cette peine serait contraire aux droits fondamentaux, au nom du principe fondamental de l’individualisation des peines. Toute peine

35

Voir, à ce sujet, les recommandations du rapport de décembre 2010 de TI France « Prévenir les conflits d’intérêts dans la vie publique » 36

Voir l’article 6 de la Constitution

NON NSPP

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prononcée à vie doit toutefois pouvoir faire l’objet d’une procédure de réhabilitation ou de modification.

3.5 Prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique

Engagement de Nicolas Sarkozy sur la proposition de TI France

La prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique n’était pas un thème couvert par le questionnaire adressé par TI France aux candidats à l’élection présidentielle de 2007. Cependant, ce sujet a pris une place importante dans le débat public depuis juin 2010, point de départ de l’affaire « Woerth-Bettencourt ». Dans ce contexte, Nicolas Sarkozy avait annoncé en juillet 2010 vouloir « éviter dans l'avenir toute forme de conflit d'intérêts ». Il avait ajouté que cela ne concernerait « pas que les ministres, mais aussi les parlementaires, et pourquoi pas telle ou telle personne qui exerce une responsabilité37 ».

Initiatives engagées La Commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique,

présidée par le vice-président du Conseil d’Etat Jean-Marc Sauvé (appelée également Commission Sauvé) a été créée le 10 septembre 2010 par un décret du Président de la République. Le 26 janvier 2011, elle a rendu public un rapport favorable à la mise en place d’un dispositif d’ensemble solide et cohérent de prévention des conflits d’intérêts, applicable aux membres du gouvernement et aux hauts fonctionnaires, ainsi qu’aux membres des cabinets ministériels et aux conseillers du Président de la République38.

A la suite de ce rapport, un projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits

d’intérêts dans la vie publique a été présenté en conseil des ministres le 27 juillet 2011. Ce texte, qui exclut les élus de son champ d’intervention, prévoyait l’instauration d’une déclaration d’intérêts assortie d’une obligation d’abstention en cas d’intérêt personnel lié à la question abordée. Il prévoyait également la création d’une Autorité de la déontologie de la vie publique. Le projet de loi n’a cependant jamais été mis à l’ordre du jour du Parlement.

Concernant les élus, le Président de la République indiquait, dans sa lettre de mission adressée à la Commission Sauvé, que les assemblées parlementaires seraient chargées d’élaborer leur propre réflexion « selon la méthode et le calendrier qu’elles décideront ». A l’Assemblée nationale, une « décision relative au respect du code de déontologie des députés » a été adoptée en avril 2011 pour mettre en place un dispositif de prévention des conflits d’intérêts. Celui-ci comprend un code de déontologie très général, l’instauration de déclarations d’intérêts ainsi que l’institution d’un déontologue. L’analyse développée ci-après explique en quoi ce dispositif échoue à répondre au problème des conflits d’intérêts à l’Assemblée nationale.

Au Sénat, le Bureau a présenté le 25 mai 2011, cinq axes relatifs à la prévention des conflits d’intérêts. Outre une définition des conflits d’intérêts, ces cinq orientations prévoyaient l’instauration de déclarations d’intérêts, la création d’une autorité de déontologie interne composée de sénateurs, le renforcement du régime des incompatibilités et l’amélioration de l’encadrement des relations entre sénateurs et organisations extra-parlementaires. Un dispositif jugé insuffisant par TI

37

Voir « Nicolas Sarkozy annonce la création d'une commission pour éviter les conflits d'intérêts », Le Monde, 12 juillet 2010 38

Voir le communiqué de presse publié par TI France le 26 janvier 2011

N.A.

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France. Après le changement de majorité, des règles concrètes de mise en œuvre de ces cinq orientations ont été adoptées le 14 décembre 2011 par le Bureau du Sénat renouvelé.

L’analyse de TI France : doutes quant à la volonté politique d’agir réellement contre les conflits d’intérêts

La résonnance de l’affaire Woerth-Bettencourt est révélatrice du fait que les citoyens tolèrent de moins en moins certains avantages, privilèges et immunités dont bénéficient leurs représentants. Cette défiance croissante est à mettre en perspective avec la mise au jour, durant le quinquennat, de plusieurs cas de conflits d’intérêts, de connivence entre pouvoirs politique et économique ainsi que de pantouflage. Parmi les cas les plus décriés, on trouve la nomination, en février 2009, de François Pérol, alors secrétaire général adjoint de la Présidence de la République, à la tête du groupe Caisses d'Epargne-Banques Populaires, la nomination chez France Télécom de Stéphane Richard, directeur de cabinet de la ministre de l'Economie en mai 2009, l’exercice par de nombreux parlementaires d’activités d’avocats d’affaire ou de conseils aux entreprises ou encore la tentative de nomination de Jean Sarkozy à la tête de l’EPAD39. Face à cette situation, les initiatives prises jusqu’ici par la majorité présidentielle se sont avérées très décevantes et bien en deçà des attentes qu’elles avaient fait naitre. La prévention des conflits d’intérêts restera donc un sujet important du prochain quinquennat. Concernant les dispositions applicables aux membres du gouvernement et aux hauts fonctionnaires, TI France a, dans un premier temps, salué la qualité du rapport de la Commission Sauvé, avec un bémol lié au fait que les élus avaient été exclus de son champ de mission. On ne peut donc qu’être déçu par le projet de loi qui, à l’arrivée, n’en a retenu que quelques mesures, plutôt que de reprendre le dispositif complet proposé par la Commission Sauvé. Le texte ne donne ainsi aucune définition du conflit d’intérêts. Les éléments à déclarer n’étant pas précisés, il revient à chaque intéressé de déterminer si ses intérêts et/ou ceux de ses proches sont de nature à créer de potentiels conflits. Cette déclaration, qui n’a pas vocation à être rendue publique – sauf pour les membres du gouvernement –, est loin d’être exhaustive (le modèle ne reprend pas l’ensemble des rubriques élaborées par la Commission Sauvé) et aucune information n’est demandée sur les revenus. La question des sanctions en cas de manquement n’est nullement abordée. Par ailleurs, il est difficile de voir quelle nouveauté apportera la future Autorité de la déontologie de la vie publique par rapport à l’actuelle Commission de déontologie de la fonction publique. Elle n’aura pas vocation à contrôler le pantouflage des membres du gouvernement – c'est-à-dire leur passage dans le secteur privé. Elle ne disposera ni de moyens d'enquête ni de pouvoir de sanction – des moyens pourtant nécessaires à la réalisation effective de sa mission. De même, la saisine par les citoyens n’est pas prévue. Enfin, le projet de loi ne prévoit aucune mesure pour renforcer le régime des incompatibilités. Concernant les parlementaires, les dispositions évoquées à ce jour ne vont pas plus loin que celles annoncées par le gouvernement. Les députés n’ont pas prévu de rendre publiques leurs déclarations d’intérêts. Aucune règle n’est envisagée pour instaurer un déport obligatoire, renforcer le régime des incompatibilités parlementaires ou encore permettre aux citoyens de saisir le déontologue. De même, le régime de sanction parait largement insuffisant. TI France a néanmoins salué la création, par l’Assemblée nationale, du poste de déontologue, attribué à une personnalité indépendante (en l’occurrence Jean Gicquel, professeur émérite de droit public). Cette proposition est en effet défendue par notre association depuis plusieurs années.

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Etablissement Public pour l’Aménagement de la région de la Défense

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Bilan du quinquennat en matière de transparence, d’intégrité et de lutte contre la corruption TI France - Février 2012

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Au Sénat, si les orientations définies par le Bureau en mai 2011 sous la majorité de droite allaient plus loin que le dispositif adopté par l’Assemblée nationale, ces orientations demeuraient insuffisantes concernant l’obligation d’abstention, les intérêts passés ainsi que ceux des proches, la mise en place de sanctions et le plafonnement des rémunérations perçues au titre de fonctions privées. Les règles d’application adoptées en décembre dernier par le nouveau Bureau du Sénat vont plus loin que ces orientations. Ces avancées sont à mettre au crédit de la nouvelle majorité sénatoriale. On peut non seulement saluer le fait que la déclaration d’intérêts inclut désormais les intérêts détenus par les proches (conjoint, ascendants et descendants), mais aussi et surtout, que ces déclarations ont vocation à être rendues publiques sur le site Internet du Sénat – à l’exclusion des informations relatives à leurs proches. Jusqu’ici, l’Assemblée nationale et le Sénat s’y refusaient totalement. Les sénateurs seront également tenus de déclarer les invitations à des déplacements financés par des organismes extérieurs au Sénat, ainsi que les cadeaux, dons et avantages en nature d’une valeur supérieure à 150 euros. Entré en vigueur au premier trimestre 2012, ce nouveau dispositif, notamment les formulaires de déclarations d’intérêts, n’a pas manqué de susciter des réactions parmi les sénateurs. Il semblerait dès lors qu’un effort de pédagogie, voire de formation, auprès des sénateurs doive être entrepris afin que l’enjeu de la réforme soit bien compris et accepté par tous.

3.6 Encadrement du lobbying

Engagement de Nicolas Sarkozy sur la proposition de TI France Absent du questionnaire adressé aux candidats à l’élection présidentielle de 2007, l’encadrement du lobbying est un sujet qui a émergé dans le débat public au cours du quinquennat. Des premières règles ont été adoptées à l’Assemblée nationale ainsi qu’au Sénat.

Initiatives engagées

Alors qu’elle était encore récemment totalement ignorée, la question de l’encadrement du

lobbying est désormais discutée au Parlement. Deux propositions de résolution ont été présentées par les députés UMP Arlette Grosskost et Patrick Beaudouin en octobre 2006 et septembre 2007. Un rapport d’information sur le lobbying, élaboré par Jean-Paul Charrié, député UMP, a été rendu public en juillet 2008. A l’Assemblée nationale, une Délégation spéciale en charge des groupes d’intérêts a été chargée en mars 2008 de réfléchir à la mise en place de règles pour réguler les groupes d’intérêts.

Le 2 juillet 2009, le bureau de l’Assemblée nationale a adopté des premières « règles de

transparence et d’éthique applicables à l’activité des représentants d’intérêts ». Ce premier dispositif, très insuffisant, repose uniquement sur l’inscription volontaire des lobbyistes sur un registre public – leur donnant accès à certaines salles de l’Assemblée40 – et sur l’engagement à respecter un code de conduite.

Au Sénat, « un premier ensemble de règles visant à mieux encadrer l'activité des groupes d'intérêt

au Sénat » a été adopté le 29 avril 2009. Instaurant par ailleurs un registre et un code de conduite, le dispositif prévoit également un bilan annuel ainsi que la déclaration des invitations à des

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Accès à la grande rotonde, au salon de la paix et à la salle des quatre colonnes

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déplacements à l'étranger. Si, sur le papier, le Sénat va donc un peu plus loin que l’Assemblée nationale, ce dispositif est lui aussi bien loin de répondre aux enjeux de l’encadrement du lobbying.

L’analyse de TI France : des dispositifs de façade loin d’être à la hauteur de l’enjeu démocratique

L’encadrement des activités des groupes d’intérêts est au cœur de la question d’un meilleur fonctionnement démocratique. Les deux principaux enjeux sont, d’une part, de recréer les conditions de la confiance des citoyens dans leurs institutions et, d’autre part, de garantir une équité d’accès aux décideurs publics entre les différents intérêts (économiques, sociaux, environnementaux et culturels). Les citoyens doivent être ainsi assurés que, dans les décisions prises par leurs représentants, l’intérêt général prime sur les intérêts particuliers. Au regard de ces enjeux, les règles adoptées jusqu’ici sont loin d’être à la hauteur. En premier lieu, il est important de souligner que la question de l’encadrement du lobbying a été uniquement traitée au niveau du Parlement. Les autres lieux de la décision publique, qui pourtant sont les premières cibles des lobbyistes, ne sont pas concernés par les initiatives prises jusqu’ici (administrations, cabinets ministériels, conseillers de la Présidence de la République, lieux d’expertises, think tanks…). Pour ce qui est du Parlement, TI France porte un regard relativement critique tant sur les dispositions adoptées que sur la manière dont elles ont été élaborées. Alors que le lobbying constitue un élément important du processus législatif, la question n’a pas fait l’objet d’une véritable discussion publique. A l’Assemblée nationale comme au Sénat, les mesures ont été instaurées par de simples Instructions générales du Bureau et ne figurent pas dans le règlement des assemblées. Par ailleurs, les rapports de la Délégation spéciale chargée des groupes d’intérêts et du groupe de travail du Sénat n’ont pas été rendus publics, ni la liste des personnes rencontrées. TI France regrette également que les règles n’aient pas été élaborées conjointement par l’Assemblée et le Sénat afin de mettre en place un dispositif commun. Enfin, TI France déplore qu’aucune règle ne soit applicable aux parlementaires et à leurs collaborateurs dans leurs relations avec les représentants d’intérêts. Les mesures sont centrées exclusivement sur les lobbyistes. Quant à l’efficacité des dispositifs, les résultats sont très décevants deux ans après leur entrée en vigueur. Comme TI France l’a souligné dans ses bilans publiés en 2010 et 201141, ces dispositifs ne permettent pas de répondre aux attentes en matière de transparence et d’accès à l’information des institutions publiques. A l’Assemblée nationale, seulement 144 représentants d’intérêts ont fait la démarche de s’inscrire sur le registre. Au Sénat, ils étaient moins de 100 inscrits au 1er octobre 2011 (une quarantaine en janvier 2012, l’accréditation devant être renouvelée chaque année). Ce faible nombre d’inscrits s’explique par le fait qu’une telle démarche n’est pas obligatoire. Au-delà des chiffres, les registres ne permettent pas d’avoir une idée précise des intérêts réellement présents au Parlement, ni des moyens financiers et humains mis en œuvre par les acteurs du lobbying. Rien n’est prévu pour rendre publiques les positions présentées par les groupes d’intérêts aux parlementaires et presque aucun d’entre eux ne communique spontanément la liste des organisations qu’il reçoit. Un rapport réalisé par TI France et Regards Citoyens révèle, par exemple, que 62% des rapports produits par l’Assemblée nationale entre juillet 2007 et juillet 2011 ne contiennent pas de liste des acteurs auditionnés42. Une autre étude réalisée par notre association en

41

Voir les bilans de TI France 42

Voir le rapport

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2011 montre également que très peu de parlementaires connaissent l’existence du registre. Encore plus rares sont ceux qui le consultent pour voir si un acteur sollicitant une audition y est inscrit.

3.7 Indépendance de l’expertise

Engagement de Nicolas Sarkozy sur la proposition de TI France

La question de l’indépendance de l’expertise n’était pas incluse dans le questionnaire de TI France. Mais, à l’instar de la prévention des conflits d’intérêts, elle s’est imposée dans l’agenda public à la suite du scandale du Mediator. Ayant mis au jour les risques de collusion et de conflits d’intérêts entre les acteurs économiques, scientifiques et politiques, ce scandale a rendu urgente l’adoption de règles claires de prévention des conflits d’intérêts, applicables à l’ensemble des acteurs de la sécurité sanitaire.

Initiatives engagées

Le Parlement a adopté le 19 décembre 2011 une loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Certaines de ces dispositions sont relatives à la transparence des liens d'intérêts entre les intervenants de la sécurité sanitaire, les professionnels de santé et l’industrie pharmaceutique. Afin de garantir l’indépendance de l’expertise, la loi prévoit notamment :

- la mise en place d’une déclaration publique d’intérêts pour l’ensemble des acteurs intervenant dans le champ de la santé (experts publics ou privés, dirigeants et personnels des autorités sanitaires, membres des cabinets des ministères concernés, associations de patients, professionnels de santé) avec des sanctions en cas de manquement ;

‐ l’interdiction de prendre part aux délibérations et aux décisions en cas d’intérêt, direct ou indirect, lié à la question examinée. Ces décisions doivent être déclarées illégales si l’interdiction n’a pas été respectée ;

‐ la transparence des débats et des décisions des commissions ;

‐ la création d’une commission éthique au sein de chaque agence ;

‐ la publication des accords financiers passés entre, notamment, les entreprises pharmaceutiques et les professionnels de santé, les associations de patients, les autres associations, les organes de presse, les sociétés savantes (« Sunshine Act à la française »).

L’analyse de TI France : un dispositif à saluer qui doit être étendu aux autres domaines de l’expertise scientifique et technique

TI France porte une appréciation très positive sur cette loi dont les dispositions portant sur la prévention des conflits d’intérêts sont plus exigeantes que celles que le gouvernement propose d’instaurer pour les membres du gouvernement et les hauts fonctionnaires. Ces règles ne devraient pas se cantonner au secteur de la santé, mais être étendues à d’autres domaines clés de l’expertise scientifique et technique (environnement, énergie/nucléaire, industrie chimique, technologies de l’information, alimentation, finance, etc.). Il importera toutefois de rester vigilant sur la mise en œuvre concrète de ces dispositions. En effet, près de 30 décrets en Conseil d’État doivent en préciser les modalités d’application. Il est par exemple essentiel de s’assurer que de réels moyens de contrôle et de sanction seront donnés aux organes chargés de veiller à l’application de ces règles. Déjà, on peut s’inquiéter du fait que la

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création d’une structure ad hoc pour contrôler les déclarations d’intérêts n’ait pas été retenue, faute de moyens. Ce rôle sera dévolu à chaque institution à travers sa commission éthique, mais sans garantie, pour l’instant, que l’information soit centralisée et facilement accessible aux citoyens (par exemple, via un portail Internet unique). La phase réglementaire doit dès lors être suivie attentivement afin de s’assurer que la portée de la loi ne sera pas affaiblie.

3.8 Transparence des comptes de l’Elysée

Engagement de Nicolas Sarkozy sur la proposition de TI France

La question de la transparence des comptes de l’Elysée n’était pas incluse dans le questionnaire de TI France. Cependant, une initiative de Nicolas Sarkozy nous conduit à aborder ce sujet.

Initiative engagées Dans une lettre du 14 mai 2008, Nicolas Sarkozy a demandé à la Cour des comptes de procéder, pour la première fois de son histoire, au contrôle des comptes et de la gestion des services de la Présidence de la République.

L’analyse de TI France : une initiative à saluer et à étendre à l’Assemblée nationale et au Sénat

Nous saluons la décision prise par le Président Sarkozy d’avoir demandé à la Cour des comptes de procéder au contrôle des comptes et de la gestion des services de la Présidence de la République. Ainsi, la Cour a pu établir trois rapports consécutifs sur ce thème entre 2008 et 201143. Comme l’indique son Président Didier Migaud en 2010, la Cour a noté « un progrès dans l’évolution des comptes de la Présidence, qui font clairement ressortir une diminution des dépenses globales des services, due à une meilleure maîtrise et à une plus grande rigueur dans la gestion ». La Cour des comptes regrette toutefois un manque de transparence dans certains postes de dépenses de l’Elysée. TI France encourage l’Assemblée nationale et le Sénat à suivre l’exemple de l’Elysée. En effet, leurs comptes ne font pour l’instant l’objet que d’un contrôle externe minimal. Il s’agit d’une exception française par rapport aux autres grandes démocraties qu’il est temps de corriger. Le nouveau Président du Sénat vient justement de donner son accord pour avancer dans cette direction44.

3.9 Nominations aux postes de haute responsabilité

Engagement de Nicolas Sarkozy Ce sujet n’était pas inscrit dans le questionnaire de TI France. Cependant, dans son discours d’Epinal, le 12 juillet 2007, Nicolas Sarkozy avait déclaré : « Je souhaite que le pouvoir de nomination soit encadré pour les postes de haute responsabilité [...] parce qu'il est nécessaire de sortir de la République des connivences pour entrer dans celle des compétences. »

43

Voir le dernier rapport de la Cour des comptes sur ce sujet 44

Emission du 10 février 2012 sur France Inter

N.A.

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Bilan du quinquennat en matière de transparence, d’intégrité et de lutte contre la corruption TI France - Février 2012

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Initiatives engagées

A la suite de la réforme constitutionnelle de juillet 2008, une procédure de consultation des deux

assemblées a été introduite pour une cinquantaine de nominations (article 13 de la Constitution). Auparavant, le pouvoir de nomination du Président de la République n’était pas encadré. Selon le ministre des Relations avec le Parlement Henri de Raincourt, « cette nouvelle procédure est une traduction concrète de la République irréprochable souhaitée par le Président de la République »². Deux lois promulguées en juillet 2010 en précisent les détails de mise en œuvre. Désormais, les nominations à certains emplois ou fonctions doivent faire l’objet d'un « avis public » préalable des commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Le Parlement peut par ailleurs s'opposer à une nomination si les commissions concernées votent contre à une majorité des 3/5ème. Les fonctions concernées vont du médiateur de la République au président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, en passant par les PDG des entreprises publiques (SNCF, La Poste, EDF, RATP...)45. Les présidents de France Télévisions et de Radio France font l'objet d'une procédure prévue par un texte spécifique à l'audiovisuel public.

Alors que la neutralité doit être la règle, certaines nominations à des postes de responsabilité ont

pu avoir un caractère politique durant ce quinquennat, notamment dans la diplomatie, le corps préfectoral, le parquet et la police.

L’analyse de TI France : un premier pas dans la bonne direction La consultation publique des assemblées pour certaines nominations à des postes de haute responsabilité est bien évidemment une avancée à saluer. Certains politiques ont cependant regretté qu’elle ne concerne pas certaines fonctions importantes telles que les présidences de la Commission nationale des comptes de campagne ou de la Commission consultative du secret de défense nationale46. Ils soulignent aussi la difficulté de réunir une majorité des 3/5èmes dans les commissions parlementaires47.

3.10 Ouverture des données publiques

Initiatives engagées

En décembre 2011, le portail interministériel « data.gouv.fr » a été mis en ligne. Il a pour objectif de « mettre à disposition librement l'ensemble des informations publiques de l'Etat, de ses établissements publics administratifs et, si elles le souhaitent, des collectivités territoriales et des personnes de droit public ou de droit privé chargées d'une mission de service public. »

L’analyse de TI France : une politique d’ouverture des données publiques à encourager

L’accès aux données publiques est un enjeu fondamental pour la participation des citoyens à la décision publique et au contrôle de l’action politique. Leur réutilisation – par des citoyens, des associations, des journalistes, des entreprises, des universitaires, etc. – peut conduire à des initiatives innovantes, à l’instar de l’« Etude sur l'influence à l'Assemblée nationale » réalisée par TI France et le

45

Voir la liste détaillée dans la loi organique du 23 juillet 2010 46

Voir la dépêche AFP du 30 septembre 2009 47

Voir la séance publique de l’Assemblée nationale du 2 février 2010

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collectif Regards Citoyens. L’Open Data ouvre également des perspectives intéressantes pour la lutte contre la corruption. Il permet en effet de renforcer la transparence sur l’utilisation des ressources publiques (marchés publics, subventions, budgets des administrations et des collectivités…) et le financement de la vie politique (financements des partis, indemnités versées aux élus, grille de salaires des fonctionnaires…). La centralisation de données – souvent déjà publiques mais disséminées en divers lieux – à travers le portail « data.gouv.fr » constitue ainsi un premier pas qu’il est nécessaire de pousser plus loin. Comme le souligne Regards Citoyens, de nombreuses données peuvent encore être intégrées. Dès lors, le contenu, mais aussi le rythme d’actualisation des informations publiées, seront un indicateur important de la volonté politique d’agir dans ce domaine.

3.11 Rendre compte

Engagement de Nicolas Sarkozy sur la proposition de TI France

Désireux de rendre compte chaque année devant le Parlement de l’état d’avancement de son projet, le candidat Nicolas Sarkozy s’était dit prêt à y intégrer le suivi de ses engagements anti-corruption.

Initiatives engagées

Nicolas Sarkozy n'a pas, à ce jour et à la connaissance de TI France, rendu compte de la mise en œuvre de ses engagements en matière de transparence, d’intégrité et de lutte contre la corruption.

4. Loi du 13 novembre 2007 relative à la lutte contre la corruption (mise en œuvre des engagements internationaux de la France)

Engagement de Nicolas Sarkozy sur la proposition de TI France

La transposition en droit français des conventions de lutte contre la corruption civile et pénale du conseil de l’Europe (1999) ainsi que de celle des Nations Unies (2003), ne relève pas d’un engagement spécifique que Nicolas Sarkozy aurait pris en réponse au questionnaire de TI France. Le processus de transposition avait d’ailleurs été engagé bien avant les élections présidentielles de 2007. Pour autant, l’intérêt de cette loi générale portant sur la lutte contre la corruption - l’une des premières de la législature ouverte après l’élection de Nicolas Sarkozy - nous conduit à analyser ses apports dans un chapitre spécifique.

Apports de la nouvelle loi

- Extension du délit de corruption d’agents publics étrangers au-delà du cadre du commerce international ;

- Création de l’infraction de corruption passive des agents publics et des élus d'autres pays ainsi que des agents des organisations internationales ;

- Création de l’infraction de trafic d’influence des agents des organisations internationales ;

- Création d’une nouvelle peine applicable aux entreprises condamnées pour corruption, à savoir l’exclusion des « Partenariats Publics Privées » ;

- Octroi aux enquêteurs de techniques spéciales d'enquête (surveillance des biens et des personnes,

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sonorisation et captation d’images, infiltration, interception de correspondances, saisie conservatoire des avoirs des personnes mises en examen) en matière de corruption et de trafic d'influence ;

- Instauration d’une protection légale des déclencheurs d’alerte éthique dans le secteur privé ;

- Création des infractions d'intimidation et de subornation de témoin entravant le bon fonctionnement de la justice étrangère ou internationale.

L’analyse de TI France : la France se met en conformité avec ses engagements internationaux mais doit donner plus de garanties sur la mise en œuvre de son dispositif de lutte contre la corruption

Globalement, la loi du 13 novembre 2007 va dans le bon sens. En créant de nouvelles

incriminations, en étendant le champ d’incriminations préexistantes et en renforçant les moyens de détection et d’investigation, elle devrait en théorie contribuer à faciliter le travail des magistrats financiers dans la lutte contre la corruption. Dans ce domaine, on peut considérer que la France fait aujourd’hui partie des Etats ayant transposé avec le plus de diligence dans leurs droits internes les différents instruments juridiques internationaux.

TI France regrette toutefois la réserve introduite par le gouvernement français sur la mise en

œuvre de la convention pénale du Conseil de l’Europe contre la corruption en ce qui concerne le trafic d’influence exercé sur des agents publics étrangers. Nous regrettons aussi le rejet de l’amendement qui visait à donner la possibilité aux associations de lutte contre la corruption de se constituer parties civiles à l’audience.

Une loi du 17 mai 201148 a ensuite apporté une autre amélioration au dispositif français de lutte contre la corruption. Avant cette loi, le délit de corruption supposait que le pot-de-vin fasse l'objet d'un accord préalable à l'octroi de la faveur par le corrompu. Cette antériorité était souvent difficile à prouver, ce qui entravait la poursuite des infractions de corruption. L’article 154 de la loi du 17 mai 2011 a supprimé purement et simplement l’exigence d’antériorité.49.

Davantage de garanties doivent être apportées sur la mise en œuvre effective du dispositif français de lutte contre la corruption. Il est en effet paradoxal de constater que, malgré le renforcement continu de ce dispositif, les affaires politico-financières se raréfient. Comme souligné par ailleurs dans ce rapport, les avancées de la loi du 13 novembre auront en pratique un impact quasi nul s’il n’existe pas en France un magistrat exerçant en toute indépendance d’esprit ses responsabilités dans le déclenchement des poursuites et la conduite de l’enquête.

5. Déclenchement d’alerte éthique (« whistleblowing »)

Engagement de Nicolas Sarkozy sur la proposition de TI France

Le déclenchement d’alerte est le geste accompli par un individu qui est témoin, dans son activité professionnelle, d’actes illicites ou dangereux pour autrui et qui, par civisme, décide d’alerter les autorités ayant le pouvoir d’y mettre fin. Candidat, Nicolas Sarkozy s’était prononcé en faveur du développement des procédures de déclenchement d’alerte (ou whistleblowing en anglais) dans les

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Loi relative à la simplification et l'amélioration de la qualité du droit 49

Voir le nouvel 432-11 du code pénal

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entreprises et les administrations. Il avait toutefois insisté sur la nécessité de précautions pour éviter les usages malveillants. Il est vrai que ces dispositifs doivent être encadrés de manière à prévenir les abus. Selon TI France, il s’agit à la fois de s’assurer du bien fondé de la plainte et de protéger le déclencheur d’alerte d’éventuelles représailles.

Initiatives engagées

La loi du 13 novembre 2007 relative à la lutte contre la corruption a instauré une protection du

déclencheur d’alerte éthique dans le secteur privé, ainsi que pour les salariés des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), dès lors que l’alerte a été effectuée de bonne foi. Elle a créé l'article L 1161-1 du code du travail, en vigueur au 1er mars 2008. Sous la présidence française du G20, un engagement a été pris d’améliorer la protection des déclencheurs d’alerte éthique avant la fin de l’année 2012. Le groupe de travail du G20, dans son rapport50 publié en novembre 2011, précise que 13 des 20 pays membres du G20 ont déjà voté une loi protégeant les déclencheurs d’alerte éthique dans le secteur privé et 14 dans le secteur public. Le groupe de travail a également demandé à l’OCDE de publier une étude sur ce sujet.

L’analyse de TI France : une avancée précieuse pour les victimes de la corruption qu’il faut désormais étendre à la fonction publique

Prévue dans le cadre de plusieurs conventions internationales et existant dans plus de 50 pays (dont aux Etats Unis depuis 1863), la protection des déclencheurs d’alerte éthique n’existait pas en France jusqu’en 2007. En instaurant une protection du déclencheur d’alerte dans le secteur privé, la loi du 13 novembre 2007 constitue une avancée indéniable. Ce texte contient en particulier plusieurs mesures dont il faut souligner l’intérêt. La protection du déclencheur d’alerte s’applique ainsi également en amont de la relation contractuelle de travail, puisque même les procédures de recrutement sont concernées. De plus, c’est à l’entreprise de se justifier devant le juge en cas de sanctions prononcées à l’encontre du salarié déclencheur d’alerte. La situation est différente pour les agents de la fonction publique. Si l’article 40 du Code de procédure pénale prévoit une obligation de signalement des crimes et des délits, aucune protection explicite ne protège en contrepartie l’agent public. Heureusement, la jurisprudence a fait une interprétation large d’un article du statut général de la fonction publique qui prévoit que la collectivité publique a l’obligation de protéger un agent qui serait victime de menaces, d’injures ou encore de diffamation51. A l’instar de ce qui est maintenant prévu dans le secteur privé, une disposition devrait être intégrée dans le statut général de la fonction publique interdisant toute mesure discriminatoire infligée à un agent public en raison de l’exercice de l’alerte effectuée de bonne foi. Une telle protection devrait également s’appliquer aux contractuels de la fonction publique. En outre, une ouverture de la procédure du référé-liberté52 aux agents publics victimes de représailles, à la suite d’une alerte, permettrait une intervention plus rapide du juge administratif.

50

Paragraphe 13 du rapport du groupe de travail du G20 sur la corruption 51

Voir l’article 11, Titre I du statut de la fonction publique 52

Référé liberté : recours tendant à ce que le juge des référés ordonne toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle l'administration aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale (source Conseil d’Etat)

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6. Education civique

Engagement de Nicolas Sarkozy sur la proposition de TI France Reconnaissant le rôle de l’école dans la formation à la citoyenneté, Nicolas Sarkozy s’était déclaré prêt à accorder une place plus importante à l'instruction civique dans les programmes de l'enseignement primaire et secondaire. Il avait par ailleurs donné son accord pour que la question de la corruption y soit traitée, soulignant néanmoins que ce sujet devait être abordé de manière objective et dans le respect du travail des élus.

Initiatives engagées Au niveau de l’école primaire, le programme d’instruction civique a été complété avec le lancement en 2008 d’un nouveau programme d’« instruction civique et morale ». Cet apprentissage est fait en relation avec l’étude de l’histoire et de la géographie. Parmi ses objectifs, on note la prise de conscience des droits et devoirs, des liens existants entre liberté personnelle et contraintes de la vie sociale, de la responsabilité de son comportement, de l’importance de la règle de droit dans l’organisation des relations sociales à partir d’adages du type « on ne peut être juge et partie », des règles élémentaires de la vie publique et de la démocratie. Au collège et au lycée, les nouveaux programmes d'éducation civique, juridique et sociale en vigueur à la rentrée 2011 (adoptés en 2008 pour le collège et en 2010-2011 pour le lycée), ne se limitent plus, selon le ministère de l’Education nationale, à une description des institutions. Ils insistent sur l’apprentissage de notions et valeurs telles que la liberté, le droit et la justice. Toujours selon le ministère, ils privilégient les démarches concrètes (études de cas) qui amènent à prendre progressivement conscience de la complexité des situations de la vie sociale et politique ainsi que des divers degrés d’implication de responsabilité de l’individu et du citoyen. La corruption n’est cependant pas abordée en tant que telle.

L’analyse de TI France : des progrès à poursuivre Ce renforcement va dans la bonne direction. Sensibiliser les plus jeunes à l’importance du respect des règles de vie en société et aux notions de base de la démocratie est une condition indispensable à l’adoption de comportements intègres à l’âge adulte, notamment dans la vie professionnelle. TI France recommande d’aller plus loin en abordant explicitement, à travers des études de cas adaptées (ex. : la corruption dans le sport), la question de la corruption et de ses conséquences pour la collectivité.

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7. Médias

Engagement de Nicolas Sarkozy sur la proposition de TI France

Le questionnaire adressé par TI France aux candidats à la présidentielle de 2007 ne comportait pas de proposition relative au rôle des médias en matière de lutte contre la corruption. L’affaire dite des « fadettes » nous conduit néanmoins à aborder ce sujet essentiel.

Initiatives engagées Philippe Courroye (procureur de Nanterre) et Bernard Squarcini (patron de la Direction centrale du renseignement intérieur - DCRI), tous deux soumis hiérarchiquement au gouvernement, ont, chacun de leur côté, tenté d’identifier la source des journalistes du journal Le Monde enquêtant sur l’affaire Bettencourt dans laquelle le nom du chef de l’Etat apparaît relativement au financement de sa campagne présidentielle de 2007. Bernard Squarcini a reconnu avoir enquêté sur cette source et Philippe Courroye ne dément pas avoir demandé à l’Inspection générale des services (IGS) l’examen des fadettes des journalistes. Ils ont tous deux été mis en examen. Concernant Philippe Courroye, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de considérer que « l'atteinte portée au secret des sources des journalistes n'était pas justifiée par l'existence d'un impératif prépondérant d'intérêt public ». Concernant Bernard Squarcini, selon le journal Le Figaro, « l'enquête menée par la juge d'instruction a montré que les réquisitions de la DCRI visaient bien le téléphone du reporter du Monde, une procédure qui semble illégale au regard de la loi protégeant les sources des journalistes votée en 2010 »53.

L’analyse de TI France : la liberté de la presse est essentielle à la lutte contre la corruption L’expérience de Transparency International montre que la liberté de la presse et le journalisme d’investigation sont indispensables à la lutte contre la corruption. A cet égard, l’atteinte à la législation sur le secret des sources, confirmée par la Cour de cassation en ce qui concerne l’initiative du procureur de Nanterre, nous paraît être d’une particulière gravité. En lien avec une affaire dans laquelle les noms du chef de l’Etat et d’un ancien ministre sont cités, il y a eu de la part de représentants de la puissance publique, un recours injustifié à des techniques d’enquête pourtant strictement encadrées par la loi. Au-delà du lien avec l’affaire « Woerth-Bettencourt », « il y a, dans une démocratie, ainsi que l’a écrit le journal Le Monde dans un éditorial récent54, des principes sur lesquels nul ne saurait transiger. La liberté de la presse – et l'une de ses conditions principales, le secret des sources des journalistes –, en font partie, à l'évidence. […]L'espionnage des journalistes, même s'il prétend s'appuyer sur une supposée défense de "l'intérêt national" est inadmissible. »

53

Voir «Surveillance d’un journaliste : Squarcini mis en examen », Lefigaro.fr, 17 octobre 2011 54

Voir «Les fadettes, le procureur et la justice », Le Monde, 18 janvier 2012

N.A.

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Bilan du quinquennat en matière de transparence, d’intégrité et de lutte contre la corruption TI France - Février 2012

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8. Convention des Nations Unies contre la corruption

Engagement de Nicolas Sarkozy sur la proposition de TI France

Nicolas Sarkozy s’était déclaré pour une harmonisation par le haut des normes anti-corruption des Etats à la faveur des négociations relatives à la mise en œuvre de la convention de l’ONU contre la corruption55. Il avait précisé que cette extension devait viser, en particulier, les Etats envers lesquels la France et l’Europe développent des partenariats économiques actifs et auxquels ils versent une aide au développement.

Initiatives engagées

Un groupe de travail du G20 sur la corruption a démarré sous la Présidence française en 2011. Il a notamment contribué à ce que plusieurs grands Etats émergents signent ou ratifient les principales conventions internationales anti-corruption de l’OCDE (Russie) et de l’ONU (Inde). La Chine a quant à elle voté une loi criminalisant la corruption internationale. Tout au long de 2011, le groupe de travail du G20 animé par la France a fait preuve d’une réelle ouverture dans son dialogue avec la société civile.

La France a fait partie des Etats qui ont soutenu les propositions de la société civile relatives au mécanisme de revue par les pairs de la Convention UNCAC. Le dispositif adopté en novembre 2009, lors de la 3ème conférence des Etats parties, est malheureusement très insuffisant car facultatif. Les contributions de la société civile, les visites des examinateurs dans les pays, de même que la publication des rapports finaux sont en effet optionnels.

La France, qui a fait partie des premiers pays évalués, a décidé d’appliquer ces dispositions facultatives. La société civile a ainsi été consultée pour la préparation du rapport d’auto-évaluation et le gouvernement a accepté une visite en France des examinateurs qui ont pu, à cette occasion, rencontrer notamment des représentants des ONG. Il est prévu que le rapport final des examinateurs soit bientôt rendu public.

9. Lutte anti-blanchiment et paradis fiscaux

Engagement de Nicolas Sarkozy sur la proposition de TI France

En réponse à une question sur la responsabilité des centres financiers non coopératifs dans la circulation de l’argent sale et notamment celui de la corruption, Nicolas Sarkozy s’était dit prêt à exiger des États et des territoires étroitement associés à la France (Monaco et Andorre) l'application des normes françaises en matière de transparence financière et de coopération internationale. Il s’était par ailleurs engagé à agir dans la même direction au sein de différentes institutions internationales (Union Européenne, OCDE et G7).

55

Convention dite de « Merida » signé le 9 décembre 2003 à laquelle 159 Etats sont aujourd’hui parties

OUI

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Initiatives engagées

Lors des deux premières années de son mandat, Nicolas Sarkozy a fait personnellement pression sur Andorre et Monaco pour qu’ils s’engagent à respecter les meilleurs standards internationaux, affirmant son intention de « revoir les relations que la France entretient avec eux56 ». Selon des députés de la majorité cités par l’AFP, il serait même allé jusqu’à menacer de démissionner de son poste de co-prince d’Andorre57. Par la voix de ses porte-parole, la France a par ailleurs soutenu des initiatives européennes visant à lutter contre l’usage abusif du secret bancaire entre Etats membres58. La Présidence française du G20 a été marquée par les efforts du Président Sarkozy pour maintenir la lutte contre les paradis fiscaux et judiciaires parmi les priorités. Ces efforts n’ont toutefois abouti qu’à peu d’avancées significatives. En matière de lutte contre le blanchiment, de réglementation prudentielle ou encore de lutte contre l’évasion fiscale des multinationales, les mesures historiques annoncées lors des sommets du G20 de Londres ou de Séoul n’ont pas abouti à des avancées concrètes sous la présidence française. En matière de restitution des avoirs détournés, les progrès ne sont pas non plus suffisants. Même si la nomination de points de contact au sein de certaines organisations internationales constitue une évolution dans la bonne direction, des dispositifs nationaux inadaptés et un manque de coopération internationale continuent de constituer des barrières à la restitution des avoirs. Aucune avancée n’a enfin été constatée concernant l’action internationale contre les structures opaques participant au blanchiment de l’argent sale (trusts, fiducies et Anstalt). Sur le plan fiscal, et sous l’impulsion du Forum mondial de l’OCDE qui regroupe aujourd’hui 105 pays, 700 nouveaux accords d’échange de renseignement fiscaux ont été signés et une nouvelle liste de juridictions non coopératives (bien qu’incomplète) a été publiée59. Malgré ces avancées, la mise en œuvre effective de l’échange d’informations fiscales n’est pas satisfaisante60. Le sommet de Cannes aura également été l’occasion de faire adhérer l’ensemble des pays du G20 à la « Convention multilatérale sur l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale 61». L’objectif de cette

56

« Paradis fiscaux: "revoir nos relations avec Andorre et Monaco" (Sarkozy) », AFP, 5 février 2009 57

« Paradis fiscaux: Sarkozy prêt à démissionner de son poste de co-prince d'Andorre », AFP, 25 mars 2009 58

Voir la réforme de la directive européenne sur l’imposition des revenus de l’épargne, adoptée en juillet 2005, proposée par le commissaire européen à la fiscalité, Lazlo Kovacs, en vue d'améliorer l'assistance mutuelle entre les autorités fiscales des pays de l'Union 59

Dans le cadre de sa revue par les pairs, le Forum mondial est chargé d’évaluer dans chaque pays l’existence d’un cadre légal permettant l’échange d’informations fiscales (phase 1) et l’efficacité de ce cadre légal (phase 2). À ce jour, 59 juridictions ont été évaluées et le forum mondial a rendu son rapport au G20 en pointant le fait que 11 juridictions présentent de sérieuses carences : Antigua et Barbuda, La Barbade, Botswana, Brunei, Panama, Seychelles, Trinidad et Tobago, Uruguay, Vanuatu ne se sont pas dotés d’un cadre juridique adapté à l’échange d’information fiscale et ne sont pas qualifiés pour la revue de phase 2 ; la Suisse et le Liechtenstein ne sont pas qualifiés en phase 2 tant qu’ils ne remédient pas à certaines déficiences identifiées par le Forum mondial. Ces deux juridictions ont d’ailleurs été citées comme juridictions non coopératives par Nicolas Sarkozy lors de sa conférence de presse de clôture du sommet. 60

En effet, d’après les chiffres révélés par Valérie Pécresse en novembre 2011, «au cours des huit premiers mois de 2011, la France a adressé à 18 Etats (Andorre, Suisse, Liechtenstein, Malte, Jersey, etc.) plus de 230 requêtes. Moins d’un tiers a fait l’objet de réponses. Et la plupart du temps, il s’est agi de simples confirmations d’informations déjà détenues par le fisc français». 61

Voir la convention

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convention est de lutter plus efficacement contre l’évasion fiscale en facilitant la coopération fiscale transfrontalière. Reste à voir de quelle manière cette convention sera mise en œuvre. En l’absence d’accord au niveau du G20, la France a pris le parti d’avancer seule sur plusieurs sujets. La loi sur la déclaration des trusts, votée le 29 juillet 201162, a créé l'obligation pour les gérants de trusts, qu'ils soient en France ou à l'étranger, de déclarer l'existence du trust au Fisc français si l’un des protagonistes (bénéficiaire ou constituant) est résident français ou si un des biens sur lesquels porte le trust est situé en France. La France a par ailleurs publié en février 2010 et mis à jour en 2011, sa propre liste d’ «Etats et territoires non coopératifs 63» en matière d’échange d’informations fiscales. Cette liste constitue la base de référence pour l’ensemble des mesures de transparence et de sanctions contre les paradis fiscaux et leurs utilisateurs64. Cependant, les critères qui permettent de considérer qu’un Etat n’est pas coopératif sont très restrictifs65. De ce fait, la liste française ne compte qu’une poignée de petits territoires qui ne pèsent que très peu sur le marché mondial de la finance offshore. Enfin, s’agissant de l’action contre les avoirs publics détournés, la nouvelle loi « Warsmann-Geoffroy », votée le 10 juillet 201066, constitue une avancée en matière de saisie et de confiscation en matière pénale (cf. point 1 de l’analyse détaillée). Depuis le vote de la « loi de fusion Caisse d’épargne-Banque Populaire », en juin 2009, les banques françaises doivent indiquer en annexe de leur rapport annuel leurs implantations et la nature de leurs activités dans les territoires de la liste française des « Etats et territoires non coopératifs » précitée67. Certaines banques ont préféré se retirer des territoires en question plutôt que de divulguer les informations demandées68. Enfin, en matière de lutte contre le blanchiment, la France a été évaluée par le GAFI (Groupe d’action financière) qui a reconnu ses efforts puisqu’elle a été jugée conforme pour 40 des 49 recommandations69.

L’analyse de TI France : lutte contre l’argent sale sous la Présidence française du G20, des efforts louables mais peu d’avancées

TI France estime que les efforts produits sous la Présidence de Nicolas Sarkozy en matière de lutte contre les flux financiers illicites ont été incontestables mais qu’ils ont eu une portée limitée. Pour que la « Convention multilatérale sur l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale 70» adoptée à l’occasion du sommet du G20 en 2011 soit efficace, il faudrait que les centres financiers non coopératifs et les pays en développement la rejoignent. Espérons également que la possibilité prévue par la convention de mettre en place un système d’échange automatique d’informations fiscales sera utilisée.

62

Voir l’art. 14 de la loi de finance rectificative datant du 29 juillet 2011 63

Anguilla, le Guatemala, Nauru, le Belize, les Iles Cook, Niue, Brunei, les Iles Marshall, Oman, le Costa Rica, Iles Turques-et-Caïques, le Panama, Dominique, le Liberia, les Philippines, Grenade, Montserrat, Saint Vincent et les Grenadines 64

Voir le projet de loi de finance rectificative pour 2009 65

Voir l’article 238-0-A du code des impôts 66

Voir le dossier législatif 67

Voir « Paradis fiscaux : les banques françaises poussées à la transparence », Le Point, 16 juin 2009 68

Voir « BNP Paribas va fermer ses filiales dans les paradis fiscaux », Libération, 28 septembre 2009 69

Voir le dernier rapport du GAFI sur la France 70

Voir la convention

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En matière de lutte contre le blanchiment, TI France suit de près le processus de revue des recommandations du GAFI. Nous espérons qu’une liste crédible d’Etats ne mettant pas correctement en œuvre ces recommandations, sera publiée lors du prochain sommet du G20 qui se tiendra en juin. TI France propose également depuis plusieurs années que soient créés des registres nationaux permettant de connaître l’identité des constituants et des bénéficiaires effectifs des structures de type trust, fiducie ou Anstalt. Ces structures opaques peuvent en effet avoir pour seul objet de camoufler à des fins de blanchiment ou d’évasion fiscale, l’identité des bénéficiaires effectifs des fonds. Les informations contenues dans ces registres devraient être accessibles aux autorités fiscales, judiciaires et douanières nationales et étrangères.

10. Coopération judiciaire internationale

Engagement de Nicolas Sarkozy sur la proposition de TI France

Le candidat Nicolas Sarkozy s’était exprimé en faveur d’un rapprochement des législations nationales des pays européens, d’un renforcement de la coopération entre autorités judiciaires et de sanctions à l’égard des pays non coopératifs. Ainsi, il s’était dit prêt à rendre obligatoire le respect des engagements pris dans la Déclaration de Paris, qui propose de nouvelles mesures de collaboration en matière de lutte contre la corruption, pour qu’ils fassent partie de l’acquis communautaire.

Initiatives engagées

Aucune initiative significative n’a été, à la connaissance de TI France, engagée depuis mai 2007.

L’analyse de TI France : étendre aux paradis réglementaires les progrès obtenus vis-à-vis des paradis fiscaux en matière d’échange d’informations

Comme expliqué dans le point 9 de l’analyse détaillée, si des progrès ont été enregistrés en matière de coopération internationale, c’est pour l’instant essentiellement en matière de coopération fiscale et non pas judiciaire.

11. Aide publique au développement et corruption

Engagement de Nicolas Sarkozy sur la proposition de TI France

La corruption affectant l’aide internationale est considérée comme l’un des obstacles majeurs au développement. Alors candidat, Nicolas Sarkozy s’était déclaré favorable à un conditionnement de l’aide publique française à des engagements en faveur de la lutte anti-corruption et de la transparence dans l’utilisation de l’aide. Nicolas Sarkozy avait notamment exprimé sa volonté de mettre en place des partenariats exigeants et responsables prenant en compte le respect de l’État de droit et de la bonne gouvernance.

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Initiatives engagées

Aucune initiative significative n’a été, à la connaissance de TI France, engagée depuis mai 2007.

L’analyse de TI France : la transparence de l’aide est indispensable à l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD)

L’aide publique au développement (APD) de la France représentait 10 milliards d’euros en 201071. Les enjeux sont donc considérables. Tandis que pour certains pays, l’APD constitue la principale source de financement, pour d’autres, son rôle est limité comparé à d’autres ressources telles que le commerce et les investissements étrangers. Les partenaires du développement (bailleurs de fonds et bénéficiaires de l’aide) ont un rôle et des responsabilités partagés pour éviter que la corruption ne réduise l’efficacité de l’aide. Avant tout, TI France recommande aux grands bailleurs de fonds tels que la France de soutenir, y compris financièrement, les réformes locales visant à améliorer la gouvernance des pays récipiendaires. TI France leur recommande aussi d’encourager le rôle de surveillance de la société civile et, plus globalement, d’accroître la transparence de l’aide.

12. Transparence des industries extractives

Engagement de Nicolas Sarkozy sur la proposition de TI France

Afin de lutter contre la « malédiction des ressources » qui touche de nombreux pays en développement riches en ressources naturelles, Nicolas Sarkozy s’était prononcé en faveur d’une loi rendant obligatoire, pour les entreprises cotées du secteur des industries extractives, la publication dans leurs rapports annuels, des paiements de toutes natures faits à des États dans lesquels elles opèrent. Il avait cependant rappelé que, pour assurer une concurrence loyale, cette obligation ne devait pas concerner seulement les entreprises françaises mais qu’une telle législation devait être adoptée par l’ensemble des pays développés.

Initiatives engagées

S’inspirant de la loi américaine Dodd-Frank72, le commissaire européen Michel Barnier a proposé d’obliger les multinationales européennes du secteur des industries extractives et de l’exploitation forestière à déclarer, pays par pays et projet par projet, les sommes versées aux gouvernements des pays dans lesquels elles exercent une activité73. Cette nouvelle obligation ciblerait les multinationales cotées sur les marchés boursiers réglementés de l’Union, ainsi que les grandes entreprises européennes non cotées, de manière à garantir des conditions de concurrence homogènes entre ces deux catégories d’entreprises. Conformément à son engagement de 2007, Nicolas Sarkozy a publiquement apporté son soutien à cette initiative.

71

Derniers chiffres publiés sur le site du ministère des Affaires étrangères 72

Voir l’extrait de la loi américaine 73

Voir les propositions

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L’analyse de TI France : une annonce qui va dans la bonne direction mais dont la portée effective demeure à préciser

Pour TI France, cette proposition constitue une avancée qu’il convient de saluer. Avant d’émettre une appréciation définitive, nous attendons toutefois que plusieurs points importants du projet soient détaillés, concernant notamment les informations précisément couvertes par le reporting à venir, les exemptions prévues ou encore la certification des données. Le projet de directive devra être examiné par les ministres du Conseil Européen, ainsi que par le Parlement dans le courant de l’année 2012.

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V. Annexe – Les recommandations de TI France aux candidats à la Présidentielle 2012

1. En finir avec les conflits d’intérêts !

Notre proposition : prévenir les conflits d’intérêts dans la vie publique.

Comment ?

En rendant publiques des déclarations d’intérêts précises.

Cette déclaration concernerait le Président de la République, les ministres, les élus et les hauts fonctionnaires, ainsi que les membres de cabinets ministériels. Elle porterait sur l’ensemble des fonctions et mandats occupés, actuellement ou au cours des cinq années écoulées, sur les revenus et avantages en nature tirés de ces activités, ainsi que sur les activités des conjoints.

En instaurant l’obligation de s’abstenir de participer à une décision publique en cas d’intérêts personnels liés à la question abordée.

2. Un « Super Procureur » pour une justice réellement indépendante

Notre proposition : mettre la justice à l’abri des interventions de l’exécutif dans les affaires politico-financières.

Comment ?

En instituant un « Procureur Général de la Nation » (PGN), incarnant une autorité judiciaire forte et indépendante, capable de résister aux interférences du pouvoir politique.

Afin qu’il soit au-dessus des logiques partisanes, le candidat proposé à ce poste par l’exécutif devra être approuvé par la majorité des 3/5èmes du Parlement. Autre garantie d’indépendance, il serait nommé pour une période unique et irrévocable de 4 ans.

C’est à lui, et non plus au ministère de la Justice, que les procureurs rendraient désormais compte sur les affaires individuelles.

En renforçant l’impartialité de la procédure de classification « secret défense ».

Pour cela, la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) serait dotée d’un pouvoir de décision. Un recours serait possible contre ces décisions devant les juridictions de droit commun, Cour de cassation ou Conseil d’État.

3. Élu corrompu = 10 ans inéligible

Notre proposition : renforcer et appliquer les règles d’inéligibilité des élus condamnés pour corruption.

Comment ?

En portant de 5 à 10 ans le plafond de la peine complémentaire d’inéligibilité pour les élus condamnés pour corruption.

En encourageant les magistrats à recourir à cette peine via une circulaire de politique pénale.

Cette circulaire ne remettrait pas en cause le principe constitutionnel d’individualisation de la peine.

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4. Halte au cumul des mandats

Notre proposition : interdire le cumul des mandats et des fonctions.

Comment ?

Interdire aux parlementaires et aux membres du gouvernement tout mandat exécutif local et toute autre fonction de gestion ou d’administration dans une entreprise publique ou privée.

Les mandats exécutifs locaux concernent, entre autres, les mandats de maire et adjoint au maire, président de conseil général, président de conseil régional, président d’un établissement public de coopération intercommunale.

Cette mesure pourrait être complétée par l’interdiction de toute activité professionnelle et/ou rémunérée pour les parlementaires tout au long de leur mandat, sous réserve d’une discussion sur certaines professions, notamment médicales, qui nécessitent une continuité dans la pratique.

Par ailleurs, l’ouverture d’une négociation entre les partenaires sociaux pourrait viser à mieux valoriser l’expérience acquise par les élus et favoriser leur retour à l’emploi, afin d’encourager l’exercice de mandats publics de salariés issus du privé.

5. Garantir la transparence et l’indépendance de l’expertise

Notre proposition : créer les conditions d’une expertise réellement indépendante en étendant les règles prévues par le projet de loi sur la réforme du médicament à d’autres domaines clés de l’expertise scientifique et technique (environnement, énergie/nucléaire, industrie chimique, technologies de l’information, alimentation, finance, etc.).

6. Pleine lumière sur le lobbying

Notre proposition : encadrer le lobbying à tous les niveaux de la décision publique et faciliter la participation des citoyens et de la société civile.

Comment ?

En rendant publique, en temps réel, la liste des personnes et organisations rencontrées ou consultées par les décideurs publics.

Cette mesure concernerait les élus (locaux et nationaux), les membres du gouvernement, les membres des cabinets ministériels et les fonctionnaires d’autorité. Elle serait complétée par la publication des positions reçues des différents acteurs ayant souhaité prendre part au débat.

En mettant en place des procédures de consultations publiques aux niveaux local et national.

Ces consultations seraient ouvertes à l’ensemble des citoyens et organisations désireux de participer au débat. Les contributions seraient publiées en temps réel, comme cela se fait déjà pour la Commission européenne. Cette proposition s’appuierait sur le dispositif proposé par le Conseil d’État dans son rapport public 2011 « Consulter autrement, participer effectivement ».

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7. Déontologie : pour un contrôle citoyen !

Notre proposition : donner la possibilité aux citoyens de saisir la future Autorité de déontologie de la vie publique.

Comment ?

En donnant la possibilité aux citoyens de saisir ou d’alerter l’Autorité de déontologie de la vie publique pour toutes les questions relatives à la déontologie des ministres, des hauts fonctionnaires et des élus.

La capacité à détecter les abus et écarts de conduite est l’une des difficultés que pourrait rencontrer l’Autorité de la déontologie de la vie publique, prévue par le projet de loi sur la prévention des conflits d’intérêts. En recevant les signalements des citoyens et en étant dotée des moyens nécessaires à leur traitement, elle augmenterait de façon significative son efficacité. On limiterait ainsi le risque que soit créée une nouvelle coquille vide, comme peut l’être aujourd’hui la commission de transparence de la vie politique, qui n’a clairement pas les moyens de sa mission.

Afin de prévenir tout abus (dénonciations calomnieuses), l’Autorité ne prendrait pas en compte les saisines anonymes.

Nous avons transmis ces propositions aux candidats à l’élection présidentielle de 2012 en leur demandant de prendre position.

A ce jour, François Asselineau, François Bayrou, Jacques Cheminade, Nicolas Dupont-Aignan, Jean-Marc Governatori, François Hollande, Eva Joly, Corinne Lepage, Jean-Luc Mélenchon et Philippe Poutou ont déjà fait connaître leurs positions.

Toutes leurs réponses sont en ligne sur le site de la campagne « Avec la transparence, la démocratie avance » :

http://www.transparence-france.org/presidentielles2012/les-candidats-a-la-presidentielle/

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