TRANSPARENCE ET PRATIQUES RESTRICTIVES … · SECTION 1 : PRESENTATION GENERALE L’administration...

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TRANSPARENCE ET PRATIQUES RESTRICTIVES DE CONCURRENCE : BILAN DE L’ACTIVITE CONTENTIEUSE PENALE Année 2007 INTRODUCTION L’activité contentieuse pénale en matière de transparence et de pratiques restrictives de concurrence pour l’année 2007 s’inscrit dans la continuité des années antérieures. Le dispositif alors en vigueur n’a pas connu de modifications majeures depuis 2005, et la plupart des décisions ont confirmé les orientations dégagées lors des exercices 2005 et 2006. La plupart des pratiques commerciales illicites constituent aujourd’hui des fautes civiles, le législateur ayant largement dépénalisé la matière. Le législateur a ainsi dépénalisé dès 1986 le refus de vente et de prestation de service (depuis définitivement supprimé) ainsi que les pratiques discriminatoires. Dans la période récente, ni la loi sur les nouvelles régulations économiques de 2001 (loi NRE), ni la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (loi PME) n’ont rétabli d’incriminations pénales dans ces domaines. Pour autant, plusieurs infractions pénales subsistent en matière de transparence et de pratiques restrictives de concurrence. Les règles de facturation ainsi que le refus de communiquer ses conditions de vente permettent d’assurer la transparence des relations commerciales entre opérateurs économiques. Sont également prohibées et pénalement sanctionnées la revente à perte, le non respect des délais de paiement réglementés, le paracommercialisme, les prix minimum imposés. Le non respect du formalisme prévu à l’article L 441-7 du code de commerce est également pénalement sanctionné. En 2007, l’activité contentieuse pénale a ainsi été abondante en matière de transparence et de pratiques restrictives de concurrence pénalement sanctionnées, surtout en ce qui concerne le manquement aux règles de facturation en matière de coopération commerciale. SECTION 1 : PRESENTATION GENERALE L’administration procède chaque année dans ces domaines à de nombreux contrôles de l’application de la réglementation, contrôles qui permettent de constater que ces dispositions sont dans l’ensemble respectées. Au surplus, d’un opérateur ayant enfreint la réglementation, un simple rappel à la réglementation suffit souvent à obtenir qu’il revienne à un strict respect de la loi. Pour autant, des infractions justifient chaque année l’établissement par l’administration d’un procès verbal et sa transmission au parquet pour poursuites pénales éventuelles. 1

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TRANSPARENCE ET PRATIQUES RESTRICTIVES DE CONCURRENCE :

BILAN DE L’ACTIVITE CONTENTIEUSE PENALE Année 2007

INTRODUCTION

L’activité contentieuse pénale en matière de transparence et de pratiques restrictives de concurrence pour l’année 2007 s’inscrit dans la continuité des années antérieures. Le dispositif alors en vigueur n’a pas connu de modifications majeures depuis 2005, et la plupart des décisions ont confirmé les orientations dégagées lors des exercices 2005 et 2006. La plupart des pratiques commerciales illicites constituent aujourd’hui des fautes civiles, le législateur ayant largement dépénalisé la matière. Le législateur a ainsi dépénalisé dès 1986 le refus de vente et de prestation de service (depuis définitivement supprimé) ainsi que les pratiques discriminatoires. Dans la période récente, ni la loi sur les nouvelles régulations économiques de 2001 (loi NRE), ni la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (loi PME) n’ont rétabli d’incriminations pénales dans ces domaines. Pour autant, plusieurs infractions pénales subsistent en matière de transparence et de pratiques restrictives de concurrence. Les règles de facturation ainsi que le refus de communiquer ses conditions de vente permettent d’assurer la transparence des relations commerciales entre opérateurs économiques. Sont également prohibées et pénalement sanctionnées la revente à perte, le non respect des délais de paiement réglementés, le paracommercialisme, les prix minimum imposés. Le non respect du formalisme prévu à l’article L 441-7 du code de commerce est également pénalement sanctionné. En 2007, l’activité contentieuse pénale a ainsi été abondante en matière de transparence et de pratiques restrictives de concurrence pénalement sanctionnées, surtout en ce qui concerne le manquement aux règles de facturation en matière de coopération commerciale. SECTION 1 : PRESENTATION GENERALE

L’administration procède chaque année dans ces domaines à de nombreux contrôles de l’application de la réglementation, contrôles qui permettent de constater que ces dispositions sont dans l’ensemble respectées. Au surplus, d’un opérateur ayant enfreint la réglementation, un simple rappel à la réglementation suffit souvent à obtenir qu’il revienne à un strict respect de la loi. Pour autant, des infractions justifient chaque année l’établissement par l’administration d’un procès verbal et sa transmission au parquet pour poursuites pénales éventuelles.

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Répartition par infraction du nombre et du suivi des contrôles effectués en 2007 :

TYPE D’INFRACTIONS

NOMBRE D’ACTIONS REALISEES

R.A.S. N.I.R RAPPEL DE REGLEMENTATION

DOSSIERS CONTENTIEUX

Facturation : L.441-3

35 167 30 794 2 469 1 501 233

Coopération commerciale:

L.441-7

14 12 0 1 1

CGV, barèmes, services

spécifiques : L.441-6

5 277 4 912 204 137 17

Revente à perte : L.442-2

714 671 15 13 12

Para-commercialisme :

L.442-7 et L.442-8

1 640 1 365 76 43 72

Délais de paiement : L.443-1

5 171 3 982 599 420 103

Prix minimum imposé : L.442-5

1 492 1481 5 3 2

TOTAL PCR 49 475 43 217 3 368 2 118 440 Source IRIS Nota : N.I.R. : note d’information réglementaire L’évolution de la réglementation en matière de conventions de services (articles L. 441-6 et L. 441-7) a pu induire quelques approximations en terme statistique. Le nombre de jugements rendus en 2007 est comparable à celui de 2006 :

Jugements (audience classique)

2006 2007

Première instance 231 233 Appel 34 17 Total 265 250

Comme les années précédentes, ce sont les règles relatives à la facturation et au formalisme du contrat qui sont à l’origine du plus grand nombre de décisions pénales (environ 80 %). Les décisions basées sur l’article L. 441-6 viennent ensuite, puis la revente à perte. Le montant total des amendes prononcées à la suite d’un jugement est également comparable à celui de l’année précédente.

Amendes (montant en euros) 2006 2007 Première instance 660 599 922 239

Appel 433 227 21 800 Total 1 093 826 944 039

L’amende la plus forte a été prononcée en matière de revente à perte (200 000 euros) à l’encontre d’une société de la grande distribution, également condamnée à 150 000 euros sur le fondement de l’article L. 441-7 du code de commerce par une décision du même jour.

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Il convient en outre de mentionner la montée en puissance du dispositif de transaction, qui prend une place de plus en plus importante en poursuite de matière contentieuse à la DGCCRF. Le montant total des transactions payées a ainsi été multiplié par environ 6,5 entre 2006 et 2007. Répartition par infraction du nombre et du montant des transactions conclues en 2007 :

DOSSIERS TERMINES PAR UNE TRANSACTION

(paiement effectué)

MONTANT TOTAL DES TRANSACTIONS PAYEES (en €)

TYPE D’INFRACTIONS

2006 2007 2006 2007

Facturation : L.441-3 19 101 41 000 534 667

Coopération commerciale :

L.441-7

CGV, barèmes, services spécifiques :

L.441-6 1 10 6 000 146 000

Revente à perte : L.442-2 4 4 13 200 51 000

Para-commercialisme : L.442-7 et L.442-8

1 10 300 4 950

Délais de paiement : L.443-1 8 60 86 000 219 100

Prix minimum imposé : L.442-5

TOTAL PCR 33 185 146 500 955 717 Source IRIS SECTION 2 : LA FACTURATION

L’article L. 441-3 du code de commerce dispose que « tout achat de produits ou toute prestation de service pour une activité professionnelle doivent faire l'objet d'une facturation. Le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la vente ou la prestation du service ». L’article L. 441-3 dresse une liste de mentions devant obligatoirement apparaître sur la facture : le nom des parties, leur adresse, la date de la vente ou de la prestation de service, la quantité, la dénomination précise, et le prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus ainsi que toute réduction de prix acquise à la date de la vente ou de la prestation de services et directement liée à cette opération de vente ou de prestation de services, à l'exclusion des escomptes non prévus sur la facture. La facture doit également mentionner la date à laquelle le règlement doit intervenir. Elle précise les conditions d'escompte applicables en cas de paiement à une date antérieure ainsi que le taux des pénalités exigibles le jour suivant la date de règlement inscrite sur la facture. L’acheteur est tenu de réclamer une facture conforme à ces dispositions. Au regard des multiples refontes du livre IV titre IV du code de commerce, l’article L. 441-3 fait preuve d’une notable stabilité.

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L année 2007 confirme à nouveau le rôle central joué par la facturation, que ce soit en terme d’objectifs de contrôle ou d’importance du contentieux (I). L’essentiel des décisions porte sur la dénomination précise de la facture. La pérennité de l’article L. 441-3 n’a pas permis d’éviter certaines hésitations de la jurisprudence quant au degré de précision de la facture et à son indépendance par rapport au document qui la fonde (II).

I- Un contentieux abondant au service d’objectifs ambitieux

L’année 2007 est semblable aux précédentes s’agissant du contentieux de la facturation. Le juge rappelle à nouveau les objectifs fondamentaux dévolus à la facture (A), ce qui se traduit par l’abondance du contentieux en la matière (B).

A – Le rappel des objectifs fondamentaux en matière de facturation

Malgré l’ancienneté de cet article et des objectifs aujourd’hui clairement définis par la jurisprudence, la motivation des décisions permet d’élucider les objectifs fondamentaux assignés aux règles de facturation. Ainsi, l’imprécision des termes utilisés sur les factures est l’occasion pour les juges de la cour d’appel d’Angers de rappeler un des objectifs fondamentaux de la facturation qu’est celui de mesurer les engagements respectifs des parties : « les factures étaient relatives à des prestations dont la dénomination imprécise et vague ne permettait pas d’en déterminer ni la réalité ni la portée des engagements contractuels souscrits » (CA Angers n° 419 du 14 août 2007). Les juges de la cour d’appel d’Amiens rappellent dans une décision très argumentée que l’exigence de transparence en matière de relations commerciales permet de « favoriser une concurrence saine et loyale » (CA Amiens n° 406 du 2 mai 2007). CA Amiens n° 406 du 2 mai 2007 (Définitif) : non-communication des conditions de rémunération, facturation non-conforme : en matière de coopération commerciale. Sur la facturation, le juge rappelle la volonté du législateur « d’assurer, au travers d’obligations formelles, la transparence dans les échanges économiques et de favoriser une concurrence saine et loyale », « le législateur entend que la nature de la prestation et ses caractéristiques puissent être mises en rapport avec le prix pratiqué en contrepartie, et par-là même favoriser une négociation commerciale la concernant ». Le juge confirme la culpabilité de la personne morale. Les juges de la cour d’appel de Caen ont également insisté sur l’importance des « dispositions du code de commerce dont l’objectif est d’assurer le rôle d’instrument de preuve et de contrôle des factures et au-delà de faire respecter la transparence voulue par le législateur en faisant obstacle à la fraude » (CA Caen n°07/568 du 10 septembre 2007 (pourvoi)) (Nota : la Cour de cassation, le 15 mai 2008, n° M07-87.139 F-D, a confirmé cette décision).

B – Un contentieux abondant

Comme les années précédentes, le juge fait une application large de l’article L. 441-3, et sanctionne le fait d’émettre une facture non conforme, c’est-à-dire ne comportant pas l’ensemble des mentions obligatoires : dénomination imprécise (TGI Rennes n°07/351 du 26 janvier 2007), absence de date, de dénomination ou de prix unitaire de la prestation (CA Agen n°83/07 du 28 février 2007), ou absence de dates, de quantités et de prix unitaire des prestations (TGI Nanterre n°15 du 10 novembre 2006). Le juge sanctionne également l’absence de mention du taux des pénalités de retard (TGI Versailles 28/03/2007).

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La Cour d’appel d’Angers a sanctionné l’émission de factures portant sur des prestations non encore rendues ou sur des services inexistants puisque non définis contractuellement. Cette décision confirme le jugement du TGI du Mans du 20 octobre 2006, mais diminue la sanction de 375 000 euros prononcée initialement (CA Angers n° 419 du 14 août 2007). CA Angers n° 419 du 14 août 2007 : facturation non-conforme de coopération commerciale. Le juge relève que 370 factures étaient relatives à des prestations dont la dénomination imprécise et vague ne permettait pas d’en déterminer la réalité ni la portée des engagements contractuels souscrits ; plus de 280 factures où la dénomination du produit était imprécise ou inexistante, 15 factures portant sur des prestations non encore rendues, plus de 80 factures portant sur des services inexistants puisque non définis contractuellement. L’ensemble de ces factures portait sur une somme totale de 6 750 000 €. Le juge confirme en appel la culpabilité de la personne morale mais réduit l’amende de 375 000 € prononcée en 1ère instance, à 80 000 €. Cette même Cour d’appel d’Angers rappelle dans une intéressante décision que les obligations de l’article L. 441-3 du code de commerce s’imposent « indistinctement au vendeur et à l’acheteur, tenus à des obligations réciproques » (CA Caen n°07/568 du 10/09/2007). Le juge retient la responsabilité des personnes morales et des personnes physiques, mais fait preuve d’une moindre sévérité à l’encontre des personnes physiques. Il s’attache à déterminer une responsabilité personnelle qui ne se déduit pas du simple pouvoir de direction dans le cadre de la facturation, la personne physique devant être à l’origine des irrégularités constatées (CA Nîmes n°07/563 du 29/06/2007). Il s’attache à rechercher la liberté d’action effectivement détenue par la personne physique poursuivie. A cet égard la décision du TGI de Rennes n°07/351 du 26 janvier 2007 offre un éclairage intéressant sur les problématiques de responsabilité. TGI Rennes n° 07/351 du 26 janvier 2007 (Appel): facturation non-conforme en matière de coopération commerciale. Les termes « optimisation de linéaire », « mise en avant », « nouveautés », « optimisation de gamme », « accord de gamme », « TG gamme » sont trop imprécis au sens de l’article L.441-3 du code de commerce. Le juge condamne le directeur du magasin et le chef du département alimentaire à des peines d’avertissement en soulignant que ceux-ci avaient « une marge de manœuvre limitée » et ne faisaient « qu’exécuter la politique générale de la société ». En revanche, « en raison du nombre de faits litigieux », la société doit être selon le juge « condamnée de manière significative ». Pour le Directeur du magasin : 1 000 € d’amende avec sursis. Pour le chef du département alimentaire : 1 500 € d’amende avec sursis. Pour la personne morale : 80 000 € d’amende. Nota : la cour d’appel de Rennes, le 21 février 2008, puis la Cour de cassation, le 21 octobre 2008, ont confirmé ce jugement. Le juge sera parfois conduit à faire preuve d’une certaine clémence dans le prononcé de la sanction à l’encontre de la personne morale ayant fait preuve de volontarisme dans la mise en œuvre des obligations légales, et ayant rencontré des obstacles objectifs au respect des prescriptions légales. Ainsi, la Cour d’appel d’Amiens confirme la culpabilité de la personne morale retenue en première instance mais réduit sa sanction en raison de l’absence de nouvelles plaintes à son encontre et du fait que les agissements incriminés ont suivi de quelques mois l’instauration par la loi du 15 mai 2001 « de pratiques commerciales rénovées, donnant lieu à de réelles difficultés pur leur mise en place immédiate ». Mais la tolérance est moindre lorsque la personne morale poursuivie est de taille importante. C’est la position retenue par la Cour d’appel de Caen n°07/568 du 10/09/2007 qui considère que « les atteintes aux dispositions légales prévues au code de commerce revêtent une importance particulière qui ne peut être écartée au seul fait que les modifications informatiques nécessaires à la mise en conformité seraient difficiles à mettre en œuvre mais également que les entreprises en cause, très importantes, se doivent d’être immédiatement réactives à l’évolution de la législation ».

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Le juge a également été amené à mettre en œuvre une position de principe en matière d’engagement de responsabilité, s’agissant de l’élément intentionnel. Le principe avait été notamment posé par la Cour de cassation dans une décision de 1994 en matière de vente sans facture par un commerçant dans laquelle elle énonçait que « la seule constatation de la violation en connaissance de cause d'une prescription légale ou réglementaire implique, de la part de son auteur, l'intention coupable exigée par l'article 121-3, alinéa 1er du code pénal » (Cass. crim. 25 mai 1994 –93-85.205). La Cour d’appel d’Angers n°07/568 du 10/09/2007 reprend cette position en rappelant que « l’élément matériel constitué, l’élément intentionnel, comme en matière économique, existe dès lors qu’il y a transgression de l’obligation prévue par l’article 441-3 du code de commerce ». L’année 2007 confirme donc le rôle fondamental assigné à l’article L. 441-3 du code de commerce d’instrument de transparence des relations commerciales et d’outil de contrôle pour le fournisseur et pour l’administration. Comme les années précédentes, l’essentiel de la jurisprudence s’est attaché à appréhender l’imprécision des factures. A cet égard, toutes les incertitudes relevées en 2006 n’ont pas été levées.

II - La dénomination précise et l’indépendance de la facture au centre de la jurisprudence.

L’analyse de la jurisprudence 2007 confirme que l’imprécision des mentions sur les factures est au centre du contentieux pénal (A). Les hésitations constatées en 2006 perdurent (B).

A – L’imprécision des factures reste le principal motif de sanction.

L’exigence de précision des factures s’exprime principalement en matière de prestations de coopération commerciale. Les mentions portées sur les factures doivent permettre aux parties de déterminer la réalité et la portée des engagements contractuels souscrits (CA Angers n°419 du 14 août 2007). L’absence de dénomination précise du service rendu met en doute son existence même. Le juge exige donc que les termes utilisés soient suffisamment précis pour que les parties et l’administration soient en mesure d’effectuer ce contrôle, notamment au regard du prix pratiqué en contrepartie de la prestation (CA Amiens n°406 du 02/05/2007). Il n’existe pas de critères généraux permettant de définir ce qu’est une dénomination précise. Il convient donc de se reporter aux décisions rendues afin de dresser la liste des mentions qui sont considérées comme insuffisamment précises par le juge. Le juge sanctionne ainsi l’utilisation des mentions « optimisation de linéaire », « mise en avant », « nouveautés », « optimisation de gamme », « accord de gamme », « TG gamme » (TGI Rennes n°07/351 du 26 janvier 2007), « stop rayon gamme », « mise en avant gamme », « animation produit » (TGI Clermont-Ferrand n°1083/07 du 25 avril 2007), « tête de gondole » (TGI Clermont-Ferrand n°1082/07 du 25 avril 2007), « optimisation du linéaire » (TGI Clermont-Ferrand n°1081/07 du 25 avril 2007). Parfois, le juge exige la mention des modalités de la prestation (TGI Brive la Gaillarde n°200700586 du 23 août 2007). TGI Brive la Gaillarde n° 200700586 du 23 août 2007 (appel) : facturation non-conforme et absence de contrat en matière de coopération commerciale. Les factures ne mentionnaient ni la nature de la prestation, ni la date de réalisation de la prestation. Ainsi, les termes « participation publicitaire pour implantation », « participation publicitaire / mise en avant » ou « partenariat » ne sont pas considérés comme suffisamment précis au sens de l’article L. 441-3. Le juge souligne également que « les modalités de la prestation prétendument fournie » n’étaient pas mentionnées sur les factures. Pour la personne morale, magasin distributeur d’articles de bricolage : 5 000 € d’amende avec sursis. Pour le gérant : 2 500 € d’amende avec sursis.

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Comme les années précédentes, le juge fait preuve d’une rigueur certaine quant au degré de précision exigé des mentions sur factures. Pour autant, certaines décisions confirment les doutes soulevés en 2006.

B – La confirmation des doutes sur l’indépendance des factures.

En 2007, les doutes soulevés en matière de précision des mentions sur facture semblent moins relever des mentions elles-mêmes que des motifs utilisés par certains juges pour considérer qu’une mention était suffisamment précise, et notamment la référence au contrat. En effet, le juge considère parfois que la référence à un contrat définissant les services rendus garantit une transparence suffisante (TGI Niort n° 653 / 07BR du 27 septembre 2007). Le même jugement se fonde sur les exemples de services donnés dans la circulaire du 16 mai 2003 pour estimer que les termes « présence dans les linéaires » constituent une dénomination précise au sens de l’article L. 441-3. TGI Niort n° 653 / 07BR du 27 septembre 2007 : facturation et contrat de coopération commerciale. Sur la conformité des factures, le juge, rappelant les exemples de services donnés dans la circulaire du 16 mai 2003, estime que les termes « présence dans les linéaires » constituent une dénomination précise au sens de l’article L. 441-3. Pour en venir à cette conclusion, le juge relève que le code de commerce n’impose pas « une description de la nature ou des caractéristiques de la prestation ». Il souligne également que la plupart des factures font référence à des services définis dans les contrats de coopération commerciale correspondant. Il s’agit là d’une démonstration en opposition avec la jurisprudence dominante en la matière. De plus, le juge estime qu’il est satisfaisant au regard des dispositions de l’article L. 441-3 que les factures ne mentionnent pas les produits objets de la prestation mais renvoient pour cela à une liste en annexe. La personne physique et la personne morale sont respectivement condamnées au paiement d’une amende de 500 € et 2 000 € pour les factures qui ne comportent aucune dénomination précise et ne renvoient pas à une liste en annexe. Le TGI de Saumur n°41/2007 du 18/01/2007 développe une argumentation similaire, en estimant que « les contrats et les factures doivent être analysés dans leur globalité ». Pour autant, ces décisions divergentes ne sauraient suffire à constituer un revirement de jurisprudence. Tout au long de l’année 2007, d’autres décisions sont venues confirmer la position de la Cour de cassation (voir Cass. Crim. n°06-82834 du 06/12/2006 : « les mentions exigées par l’article L. 441-3 du code de commerce doivent figurer sur les factures sans qu’il soit nécessaire de se référer aux documents qui les fondent »). Ainsi, le TGI de Clermont-Ferrand n° 1083/07 du 25 avril 2007 rappelle l’indépendance des factures au regard du contrat ou des conditions de ventes quant à l’appréhension de leur précision. TGI Clermont-Ferrand n° 1083/07 du 25 avril 2007 (appel) : facturation non-conforme en matière de coopération commerciale. Le juge rappelle qu’il est de jurisprudence constante que le renvoi aux contrat ou aux conditions de vente ne permet pas de pallier l’imprécision des factures. Ainsi, le juge sanctionne ici l’imprécision des termes « optimisation du linéaire », « stop rayon gamme », « mise en avant gamme ». Il estime par ailleurs que l’expression « animation produit » ne correspond pas en l’espèce « à ce qui est normalement entendu en matière d’animation commerciale ». Au pénal : la SA est condamnée au paiement d’une amende de 20 000 €. Au civil : 10 000 € de dommages et intérêts au bénéfice de l’association de consommateurs. Dans la même logique, le TGI de Lorient n° 429 / 07 du 15 février 2007 écarte la référence à la circulaire de 2003, utilisée pour justifier la mention « mise en avant » dans les contrats et sur les factures.

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TGI Lorient n° 429 / 07 du 15 février 2007 : facturation non conforme, contrats de coopération commerciale non conformes. Pour sa défense, le prévenu invoque la circulaire du 16 mai 2003 qui évoque la notion de « mise en avant ». Le juge ne suit pas cette argumentation et rappelle que « une circulaire est un document trop général pour que le vocabulaire utilisé soit transposé dans les contrats sans précision particulière ». Ainsi, en l’espèce, les termes « optimisation gamme saucisserie été et exclusivité terrine » sont trop imprécis au regard de l’article L. 441-3. Pour la personne physique : 2 000 € avec sursis. Pour la personne morale : 6 000 € avec sursis. Le principe reste donc qu’il ne suffit pas que la facture renvoie à un document plus précis pour être conforme aux dispositions de l’article L. 441-3 du code de commerce. SECTION 3 : LA COOPERATION COMMERCIALE

L’ancien article L. 441-6 du code de commerce (dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 2 août 2005) imposait de conclure un contrat écrit de « services spécifiques », en double exemplaire détenu par chacune des deux parties. Le nouvel article L. 441-7 créé par la loi du 2 août 2005 impose un plus grand formalisme aux contrats de coopération commerciale. Il énumère en effet plusieurs mentions devant obligatoirement figurer au contrat : contenu des services, produits auxquels ils se rapportent, date à laquelle ils sont rendus, durée, modalités de leur rémunération. Il définit par ailleurs les services de coopération commerciale (services qui ne relèvent pas des obligations d'achat et de vente, rendus à l'occasion de la revente des produits ou services aux consommateurs, propres à favoriser leur commercialisation) et crée la catégorie des services distincts ne répondant pas à cette définition ; il augmente de façon significative le montant de l’amende en cas d’infraction. Le dispositif législatif relatif à la coopération commerciale a donc beaucoup évolué au cours des dernières années. Les décisions rendues en 2007 font une application concomitante du nouveau dispositif et de l’ancien. Le juge a d’ailleurs eu l’occasion de préciser les règles d’application des articles L. 441-6 ancien et L. 441-7, en se basant notamment sur le principe de non-rétroactivité de la loi pénale. Ainsi, la cour d’appel d’Amiens précise dans une décision du 2 mai 2007 que les dispositions de l’ancien article L. 441-6 n’ont pas été abrogées par la loi du 2 août 2005, mais reprises dans l’article L. 441-7. La cour s’appuie ensuite sur le principe de non-rétroactivité de la loi pénale pour appliquer les dispositions de l’article L. 441-6 ancien aux faits commis avant l’entrée en vigueur de la loi du 2 août 2005. CA Amiens n° 406 du 2 mai 2007 (Définitif) : non-communication des conditions de rémunération, facturation non-conforme : en matière de coopération commerciale. Bien qu’il conduise à une réduction de la sanction infligée à la personne morale (50 000 € en 1ère instance, 7 000 € en appel), cet arrêt présente l’intérêt d’être très argumenté sur plusieurs questions relatives à l’application de l’ancien article L. 441-6 et du nouvel article L. 441-7 du code de commerce. Pour rejeter l’argumentation de la prévenue, qui soutenait principalement que le délit prévu par l’article L. 441-6 du code de commerce avait été abrogé par la loi du 2 août 2005, le juge rappelle que l’article L. 441-6 n’a pas été abrogé par la loi du 2 août 2005 mais au contraire que le dispositif antérieur a été repris avec une aggravation de la peine encourue. Les dispositions de l’ancien article L. 441-6, plus douces que celle du nouvel article L. 441-7, doivent s’appliquer aux faits commis avant l’entrée en vigueur de la loi du 2 août 2005. Le juge estime par ailleurs que l’absence de signature des contrats de coopération commerciale équivaut à l’absence d’accord préalable et caractérise ainsi l’infraction aux dispositions de l’ancien article L. 441-6. Malgré ces évolutions, et comme il avait été relevé en 2006, le contentieux de 2007 se caractérise par une certaine continuité. Néanmoins, si le contentieux de l’article L. 441-6 portait essentiellement sur l’existence d’un contrat conclu avant la réalisation de la prestation, l’article L. 441-7 renforce les exigences en terme de formalisme.

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I- L’exigence ancienne d’un contrat écrit, antérieur à la prestation et constatant la réalisation d’un « service détachable » :

En imposant que les accords de coopération commerciale fassent l’objet d’un contrat écrit en

double exemplaire (A), le législateur souhaitait introduire une plus grande transparence dans les négociations commerciales. Le juge interprète ainsi l’ancien article L. 441-6 de manière à ce que le contrat de service spécifique devienne le moyen de s’assurer que le service rendu est réel, détachable des obligations résultant des actes d’achat-vente et justifie donc une rémunération (B).

A- L’exigence d’un contrat écrit antérieur à la prestation :

En matière de services spécifiques, le juge sanctionne systématiquement l’absence d’un contrat conclu avant la réalisation du service. Il en va de même lorsque le juge fonde sa décision sur le nouveau dispositif puisque l’article L. 441-7 du code de commerce dispose que :

- chacune des parties détient un exemplaire du contrat de coopération commerciale ; - les services distincts font l'objet d'un contrat écrit en double exemplaire détenu par chacune

des parties.

L’obligation d’établir un contrat écrit n’est pas contestée et l’absence pure et simple de contrat reste relativement rare. Par exemple : CA Rennes n°1604/2007 du 13 septembre 2007. Le juge sanctionne également l’établissement de contrats postérieurement à la réalisation du service. Pourtant, en 2007 comme en 2006 (voir décision du 13 novembre 2006, TGI de Marseille, commentée dans le bilan 2006), une décision allant à l’encontre de la jurisprudence dominante à été rendue par le TGI de Niort n°653/07BR du 27 septembre 2007, qui a estimé que l’ancien article L. 441-6 al.5 n’imposait pas la conclusion de contrats de services spécifiques avant la réalisation des services.

TGI Niort n° 653 / 07BR du 27 septembre 2007 : facturation et contrat de coopération commerciale. Décision particulièrement contestable. Sur le défaut d’établissement des contrats, le juge considère l’infraction non-constatée. Il estime en effet qu’il convient de considérer, en vertu d’une lecture stricte du droit pénal, que l’ancien article L. 441-6 du code de commerce n’imposait pas que les contrats de services spécifiques soient conclus avant la réalisation de la prestation. Cette argumentation va à l’encontre de la jurisprudence habituelle.

Cette position va à l’encontre de la jurisprudence majoritaire, illustrée par la position du TGI d’Amiens n°1260/07 du 24 mai 2007, qui rappelle très clairement l’exigence préalable d’un contrat écrit.

TGI Amiens n° 1260 / 07 du 24 mai 2007 (appel) : non-communication par écrit des conditions de rémunération, facturation non-conforme en matière de coopération commerciale. Les factures désignaient les prestations de manière trop imprécise, par les termes « optimisation du linéaire », « suivi et mise en avant des références ». De plus, les contrats étaient signés postérieurement à la réalisation des prestations. Pour se défendre, les prévenus tentent de démontrer que l’ancien article L. 441-6 du code de commerce n’imposait pas que les contrats de services spécifiques soient signés antérieurement à la réalisation de la prestation. Pour répondre à cette argumentation, le juge rappelle justement que « il ressort de la volonté du législateur, de la jurisprudence applicable, et enfin de la définition même du contrat que celui-ci doit être établi avant la fourniture du service rendu ». 150 000 € d’amende prononcée à l’encontre de la société.

Certaines décisions se basent même sur les pratiques des professionnels pour relever qu’eux-mêmes ont conscience de la nécessité de conclure un contrat écrit avant la réalisation des services. C’est le cas du TGI de Lorient n°429/07 du 15 février 2007. Le juge souligne que « le fait même que les contrats aient été antidatés implique qu’il (le directeur de la société) avait conscience de la nécessité d’un écrit antérieur à l’exécution des prestations ».

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B- L’exigence d’un service détachable :

Un contrat nécessite l’existence d’un service détachable. C’est ce qu’avait précisé la Cour de cassation dans sa décision n° 06-82834 du 6 décembre 2006 (« un contrat écrit de coopération commerciale doit constater la fourniture par le distributeur à son fournisseur de services spécifiques détachables des simples obligations résultant des achats et des ventes »). C’est ce que relève la Cour d’appel de Rennes pour sanctionner le défaut de contrat de prestations de services. CA Rennes n° 1604 / 2007 du 13 septembre 2007 (pourvoi) : facturation non-conforme, absence ou non-conformité de contrat de coopération commerciale. Le juge rappelle qu’aucun contrat n’a été établi pour 33 des 40 fournisseurs concernés par l’opération promotionnelle, et que les contrats établis pour les autres l’avaient été postérieurement à la réalisation de la prestation et mentionnaient une date de réalisation fausse. Le juge relève que « le distributeur, en élaborant ainsi et en diffusant ce dépliant publicitaire, rendait pour le compte de ces fournisseurs un service spécifique, relevant par conséquent de la coopération commerciale en tant qu’obligation particulière, exorbitante des relations contractuelles habituelles, en contrepartie duquel il était susceptible de se faire rémunérer par ces derniers ». La sanction est confirmée sur le fond et la peine à l’encontre de la personne morale est réformée pour être portée de 3 000 € d’amende en première instance à 10 000 € en appel. Nota : la Cour de cassation, le 14 mai 2008, n° M07-87.093 F-D, casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Rennes, aux motifs « qu’il ne résulte pas des mentions de l’exploit que l’huissier ait informé la personne morale par l’envoi de la lettre simple prévue » par l’article 555 du code de procédure pénale.

II- La sanction par le juge de l’imprécision des contrats :

Les décisions rendues en 2007 sur le fondement de l’ancien article L. 441-6 s’attachent surtout à sanctionner les professionnels en cas défaut de contrat signé préalablement à la réalisation du service. Les exigences en matière de formalisme pèsent essentiellement sur la facture, en se basant sur l’article L. 441-3 du code de commerce. A cet égard, et même si les décisions transmises sur ce fondement sont encore peu nombreuses, l’adoption de l’article L. 441-7 semble augmenter les exigences formelles des contrats de coopération commerciale ou de services distincts.

A- Les mentions obligatoires du contrat de coopération commerciale :

L’article L. 441-7 dispose que le contrat de coopération commerciale (qu’il s’agisse d’un contrat unique ou d’un ensemble formé d’un contrat cadre et de contrats d’application) indique le contenu des services et les modalités de leur rémunération.

Le contrat unique ou les contrats d'application précisent la date à laquelle les services sont rendus, leur durée, leur rémunération et les produits auxquels ils se rapportent. Dans tous les cas, la rémunération du service rendu est exprimée en pourcentage du prix unitaire net du produit auquel il se rapporte.

L’article L. 441-7 dresse donc la liste des mentions devant impérativement figurer sur le contrat. La question des mentions obligatoires est donc clarifiée mais celle du degré de précision attendu, soumise à l’appréciation du juge, reste d’actualité. Le TGI d’Evry n°109 du 26 juin 2007 a eu l’occasion de préciser l’intérêt de ce nouveau dispositif dans une décision qui se distingue par la sévérité de la sanction prononcée.

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TGI Evry n° 109 du 26 juin 2007 (appel) : non-communication par écrit des conditions de rémunération du distributeur, contrats de coopération commerciale ne précisant pas le contenu des services, contrats de services distincts ne précisant pas la nature des services. Pour ses accords de coopération commerciale, l’enseigne de la grande distribution mise en cause a opté pour la solution du contrat unique. Le juge relève que ces contrats stipulent que les produits concernés par les opérations de coopération commerciale, la date de ces opérations ainsi que leur durée sont définis ultérieurement. Le contrat unique n’est donc pas conforme aux dispositions de l’article L. 441-7 qui impose que ces mentions y figurent. Le juge rappelle à ce propos que l’intérêt du contrat unique est de permettre au fournisseur de « disposer d’un engagement précis et d’un contenu lisible des services rendus sur l’ensemble de l’année, dès la signature de la convention, ce qui n’est nullement le cas » en l’espèce. Action publique : 150 000 € d’amende prononcée à l’encontre de chacune des 2 sociétés d’un groupe de grande distribution, publication. Action civile : 8 000 € de dommages et intérêt au bénéfice de l’association de consommateurs. Nota : fin janvier 2009, la cour d’appel de Paris a confirmé l’amende de 300 000 euros (décision non communiquée à la date de réalisation du bilan).

B- Des exigences plus souples en matière de services distincts :

L’article L. 441-7 prévoit simplement que « les conditions dans lesquelles un distributeur ou un prestataire de services se fait rémunérer par ses fournisseurs en contrepartie de services distincts de ceux figurant dans le contrat de coopération commerciale, notamment dans le cadre d'accords internationaux, font l'objet d'un contrat écrit en double exemplaire détenu par chacune des parties qui précise la nature de ces services ». Les exigences relatives aux services distincts sont donc moindres que celles relatives à la coopération commerciale.

Cela n’a pas empêché le juge de sanctionner des professionnels pour ne pas avoir précisé, dans leurs contrats de prestations de services distincts, la nature des services rendus dans les termes de l’article L. 441-7 du code de commerce (voir TGI Evry n° 109 du 26 juin 2007, déjà cité plus haut).

TGI Evry n° 109 du 26 juin 2007 (appel) : non-communication par écrit des conditions de rémunération du distributeur, contrats de coopération commerciale ne précisant pas le contenu des services, contrats de services distincts ne précisant pas la nature des services. En ce qui concerne les contrats de services distincts, le juge estime que leur généralité ne permet pas de renseigner le fournisseur sur l’engagement pris. Pour conclure ainsi, le juge relève que les contrats ne répondent pas aux prescriptions de l’article L. 441-7 du code de commerce car ils ne mentionnent pas « les objectifs quantitatifs, l’objet exact du service, le montant des objectifs à réaliser, la date à laquelle le service est disponible ». Action publique : 150 000 € d’amende prononcée à l’encontre de chacune des 2 sociétés d’un groupe de grande distribution, publication. Action civile : 8 000 € de dommages et intérêt au bénéfice de l’association de consommateurs.

SECTION 4 : LA REVENTE A PERTE

Le délit de revente à perte est constitué par la vente ou l’offre de vente à un prix inférieur au seuil de revente à perte c’est-à-dire inférieur à son prix d’achat effectif défini à l’article L. 442-2 du code de commerce. L’interdiction faite à tout commerçant de revendre un produit à perte est ancienne et n’a jamais été remise en cause. Depuis la loi de finances rectificative du 2 juillet 1963, les évolutions de la réglementation en la matière ont eu pour but principal de déterminer des modalités de calcul du seuil de revente à perte à la fois pertinentes et simples.

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L’évolution de la réglementation en matière de revente à perte tend à diminuer le seuil, de façon à permettre aux revendeurs de diminuer les prix en faveur du consommateur. Cette évolution du seuil de revente à perte (I) n’a pas empêché le juge de prononcer une sanction exemplaire en 2007 (II). I- Evolution du seuil de revente à perte et champ d’application de l’article L. 442-2 du

code de commerce:

Les évolutions du mode de calcul du prix d’achat effectif ont été l’occasion pour le juge d’appliquer les principes fondamentaux du droit pénal (A). Il a également confirmé les décisions de 2006 quant au champ d’application de l’article L. 442-2 (B).

A- L’application du principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce au dispositif d’interdiction de la revente à perte :

Depuis la loi n°2005-882 du 2 août 2005, « le prix d'achat effectif est le prix unitaire net

figurant sur la facture d'achat majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport et minoré du montant de l'ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit, et excédant un seuil de 20 % à compter du 1er janvier 2006 ». Depuis le 1er janvier 2007, peut être intégré au seuil de revente à perte le montant des marges arrières excédant 15 % du prix unitaire net du produit.

Cependant, l’article 47 IV de la loi précitée prévoyait que « l’infraction à l’article L. 442-2 du code de commerce commise avant le 31 décembre 2006 est jugée, et l’exécution des sanctions prononcées se poursuit selon la disposition en vigueur lors de sa commission ». Or les dispositions antérieures de l’article L. 442-2 du code de commerce disposaient que « le prix d'achat effectif est le prix unitaire figurant sur la facture majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport ». Le prix d’achat effectif, et donc le seuil de revente à perte, était ainsi plus élevé sous l’empire de ces anciennes dispositions. Le juge, prenant acte du caractère plus doux de la loi nouvelle, va revenir par deux fois sur les dispositions de la loi d’août 2005, et appliquer la loi pénale plus douce. Le TGI Evry n° 108 du 26 juin 2007, tout d’abord, en se basant notamment sur les dispositions du pacte international relatif aux droits civils et politiques et de rétroactivité in mitius. TGI Evry n° 108 du 26 juin 2007 (appel) : revente à perte. Le juge écarte l’application de l’article 47 IV de la loi Dutreil en vertu duquel, par dérogation au principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus douce « l’infraction à l’article L. 442-2 du code de commerce commise avant le 31 décembre 2006 est jugée, et l’exécution des sanctions prononcées se poursuit selon la disposition en vigueur lors de sa commission ». Pour cela, le juge se fonde notamment sur la ratification par la France du Pacte international sur les Droits Civils et Politiques dont l’article 15 & 1 pose le principe de la rétroactivité de la loi pénale plus douce. Bien que ce raisonnement conduise le juge à retenir que seuls 93 produits sur 267 ont été revendus à perte, il sanctionne sévèrement la pratique. Condamnation du distributeur. Au pénal : 200 000 € et publication. Au civil : 8 000 € de dommages et intérêt au bénéfice de l’association de consommateurs.

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Le TGI de Paris n°1 du 11 octobre 2007, ensuite, en se fondant sur le principe de la rétroactivité in mitius. TGI Paris n° 1 du 11 octobre 2007 : revente à perte de bouteilles de vin. Les procès-verbaux avaient été dressés en septembre 2004. La défense invoque le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce afin que leur soit fait application de la loi du 5 août 2005, en vertu de laquelle la revente à perte ne serait pas constituée. Le juge rappelle que la loi du 5 août 2005 exclut explicitement la mise en œuvre du principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce. Il écarte cependant ces dispositions pour faire application du principe de rétroactivité in mitius et justifie sa décision en rappelant qu’il s’agit d’un principe général du droit, non seulement interne, mais encore communautaire. Relaxe.

B- La revente à perte d’une marchandise dont on n’est pas propriétaire au moment de la conclusion du contrat de vente au consommateur final:

La Cour de cassation, dans sa décision du 6 décembre 2006 n°06-81.947 (voir bilan 2006),

avait sanctionné pour revente à perte de fuel domestique une filiale d’un groupe de la grande distribution qui déterminait son prix de revente dès la conclusion du contrat, ce qui pouvait la conduire à revendre en dessous de son prix d’achat alors qu’elle n’était pas encore propriétaire de la marchandise. La Cour d’appel de Douai n°07/00874 du 9 octobre 2007 reprend cette position de la Cour de cassation, dans le même secteur d’activité. CA Douai n° 07 / 00874 du 9 octobre 2007 : revente à perte. Le juge constate le désistement des parties de leurs appels. Le jugement de 1ère instance (TGI Lille n° 2883 / 06 MCD du 7 avril 2006) s’inscrivait dans la jurisprudence développée par la Cour de cassation dans sa décision du 6 décembre 2006, n°06- 81.947 selon laquelle, peut-être sanctionnée sur le fondement de la revente à perte, la revente à perte d’une marchandise dont on n’est pas propriétaire au moment de la conclusion du contrat de vente au consommateur final. Le cas d’espèce tranché par le TGI de Lille était d’ailleurs le même que celui ayant donné lieu à cette jurisprudence de la Cour : il s’agissait de la vente de fioul domestique au prix du marché tel que constaté au jour de l’offre, ce prix pouvant, le jour de la remise du fioul au consommateur, considéré comme le jour de la vente, se trouver être inférieur au seuil de revente à perte. II- Une application limitée en pratique, qui n’empêche pas des sanctions exemplaires :

Malgré un champ d’application étendu, l’article L. 442-2 du code de commerce donne lieu à peu

de décisions contentieuses (un peu plus de 20 en 2007). Dans le but de protéger le petit commerce, le législateur a fait de la revente à perte et de l’annonce de revente à perte des délits punis de 75 000 € d’amende pour la personne physique et de 375 000 € pour la personne morale. Les tribunaux peuvent les condamner à payer une amende ou à une peine complémentaire. Les sanctions sont rarement très élevées en la matière. Pourtant, en 2007, le TGI d’Evry n°108 du 26 juin 2007 a lourdement condamné une société de grande distribution à une amende de 200 000 euros. Le tribunal a par ailleurs rappelé que « la revente à perte érigé en système de domination constitue une pratique déloyale, restrictive de concurrence ayant pour finalité d’éliminer les distributeurs locaux et d’accaparer le marché pour ensuite pratiquer un prix normal voire supérieur une fois la clientèle captée ».

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Nota : fin janvier 2009, la cour d’appel de Paris a alourdi cette sanction. Alors que le tribunal correctionnel d'Evry n'avait retenu que la revente à perte du 25 août 2005, la cour d'appel de Paris a jugé la société coupable de toute une autre série de reventes ayant eu lieu du 4 octobre 2004 au 25 août 2005. En conséquence, l’amende a été portée de 200 000 à 300 000 euros (décision non communiquée à la date de réalisation du bilan). SECTION 5 : LES DELAIS DE PAIEMENT

En 2007 les délais de paiement étaient en principe librement déterminés par les parties. Cependant, deux articles du code de commerce les encadraient. L’un détermine des délais de paiement dits «règlementés » (I), l’autre traite des délais de paiement dits « convenus » (II).

I- Les délais de paiement « règlementés » de l’article L. 443-1 :

L’article L. 443-1 du code de commerce fait exception au principe de libre détermination des délais de paiement. Ayant constaté des abus dans certains secteurs, le législateur a souhaité encadrer les délais de paiement de certains produits en fixant un délai maximum ne pouvant être dépassé, sous peine d’amende. En 2006, le juge a donc été amené à sanctionner le dépassement de ces délais afin d’en garantir un strict respect. L’article L. 443-1 du code de commerce dispose que « à peine d'une amende de 75000 euros, le délai de paiement, par tout producteur, revendeur ou prestataire de services, ne peut être supérieur : 1° A trente jours après la fin de la décade de livraison pour les achats de produits alimentaires périssables et de viandes congelées ou surgelées, de poissons surgelés, de plats cuisinés et de conserves fabriqués à partir de produits alimentaires périssables, à l'exception des achats de produits saisonniers effectués dans le cadre de contrats dits de culture visés aux articles L. 326-1 à L. 326-3 du code rural ;

2° A vingt jours après le jour de livraison pour les achats de bétail sur pied destiné à la consommation et de viandes fraîches dérivées ;

3° A trente jours après la fin du mois de livraison pour les achats de boissons alcooliques passibles des droits de consommation prévus à l'article 403 du code général des impôts ;

4° A défaut d'accords interprofessionnels conclus en application du livre VI du code rural et rendus obligatoires par voie réglementaire à tous les opérateurs sur l'ensemble du territoire métropolitain pour ce qui concerne les délais de paiement, à soixante-quinze jours après le jour de livraison pour les achats de boissons alcooliques passibles des droits de circulation prévus à l'article 438 du même code ». En application de ce dispositif, le juge a prononcé une dizaine de condamnations pour paiement hors délais. Ce contentieux représente ainsi près de 10 % des décisions PRC pénales 2007, données stables par rapport aux passées. Le montant total des amendes prononcées sur ce fondement s’élève à 72 500 euros. Pour un exemple de décision 2007 en la matière : le paiement hors délai légal après livraison d’aliments périssables, boissons alcooliques ou bétail (TGI de Créteil n°46, 11 janvier 2007 ). Bien que le contentieux des délais de paiement ne soit pas quantitativement important (peu de décisions et de faibles sanctions), le juge n’en applique pas moins l’article L. 443-1 avec rigueur.

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II- Les délais de paiement de l’article L. 441-6 : Les délais de paiement constituent pour les acteurs économiques en position de force une importante source de financement à court terme, au détriment de leurs fournisseurs. C’est à la suite de ce constat, et de la nécessité de transposer la directive 2000/35/CE du parlement européen et du conseil du 29 juin 2000 concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales, que la loi NRE du 15 mai 2001 a institué un délai légal « par défaut », et l’obligation de payer les pénalités de retard sans qu’un rappel soit nécessaire, puis en 2006 un délai spécifique en matière de prestation de transport. L’article L. 441-6 dispose qu’en l’absence de stipulations contraires « figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée. » Suite à l’entrée en vigueur de la loi du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports, l’alinéa suivant précise que « pour le transport routier de marchandises, pour la location de véhicules avec ou sans conducteur, pour la commission de transport ainsi que pour les activités de transitaire, d'agent maritime et de fret aérien, de courtier de fret et de commissionnaire en douane, les délais de paiement convenus ne peuvent en aucun cas dépasser trente jours à compter de la date d'émission de la facture. » En 2007, aucune procédure contentieuse n’a conduit à condamner un acteur économique pour non-respect de ces dispositions. L'article L.441-6 alinéa 10 du code de commerce dispose en outre que les "intérêts de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire". En 2007, aucune décision n’est venue sanctionner le non respect de cette disposition. SECTION 6 : LE PARACOMMERCIALISME

Le paracommercialisme consiste à se livrer à une activité commerciale sans en supporter les charges correspondantes et institue donc une atteinte aux règles de la concurrence. Le terme paracommercialisme recouvre deux infractions distinctes. Ainsi, l’article L 442-7 sanctionne le fait, pour une association, une coopérative ou une administration, d’offrir des produits ou des services si ces activités ne sont pas prévues dans ses statuts. L’article L 442-8 interdit « à toute personne d'offrir à la vente des produits ou de proposer des services en utilisant, dans des conditions irrégulières, le domaine public de l'État, des collectivités locales et de leurs établissements publics ». Une vingtaine de jugements sont intervenus en 2007 en la matière, la plupart sur le fondement de l’article L. 442-8 du code de commerce. Le montant des amendes est faible (le total des amendes prononcées ne dépasse pas 30 000 euros). SECTION 7 : LA COMMUNICATION DES CONDITIONS GENERALES DE VENTE

L’article L. 441-6 du code de commerce prévoit que les conditions générales de vente constituent « le socle de la négociation commerciale ». Elles sont le point de départ de la négociation entre le vendeur et l’acheteur. L’établissement de CGV n’est pas obligatoire (cour d’appel de Paris, 5ème ch., sect.A, 21 juin 2006) mais le législateur a souhaité que celles qui existent soient établies et communiquées de manière à favoriser la transparence des relations commerciales. L’article L. 441-6 du code de commerce impose plusieurs mentions devant obligatoirement figurer dans les CGV qui doivent être communiquées « à tout acheteur de produits ou demandeur de prestation de services pour une activité professionnelle, qui en fait la demande ». Les CGV comprennent les conditions de vente, le barème de prix, les

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conditions de règlement applicables à tous les acheteurs ou à une catégorie d’acheteurs et les réductions de prix. Sur le fondement de l’article L. 441-6, le juge peut être amené à sanctionner la non-communication de CGV, ou la communication de CGV non-conformes. On note que la cour d’appel de Paris, 13è ch., rappelait dans son arrêt du 18 juin 2004 que la communication incomplète de CGV équivaut à une absence de communication. En revanche, la communication tardive n’est pas sanctionnée par le juge. Ainsi, la cour d’appel de Bourges rappelait le 24 juin 2004 que l’art. L. 441-6 ne prévoit « ni délai de réponse, ni modalité particulière de communication » En 2007, aucune décision prise sur ce fondement n’a été communiquée. SECTION 8 : PRIX MINIMUM IMPOSE

L’article L. 442-5 du code de commerce punit d’une amende de 15 000 € le fait par toute personne d’imposer, directement ou indirectement, un caractère minimal au prix de revente d’un produit ou d’un bien, au prix d’une prestation de service ou à une marge commerciale. Les décisions en la matière sont très peu nombreuses. En 2006, aucune décision n’était intervenue en la matière. En 2007 cependant, une intéressante décision du TGI de Versailles est venue sanctionner une pratique de prix minimum imposé dans le secteur de la vente de meubles de salon. Le juge souligne notamment que la pratique de prix minimum imposé entraîne une « paralysie de la concurrence ». Il est souvent difficile de convaincre le juge qu’un prix minimum a été imposé, la frontière avec le prix conseillé étant complexe à déterminer. Au cas d’espèce, le juge se fonde sur un faisceau d’indices, en utilisant les mentions du contrat, l’autorisation préalable nécessaire pour toute remise supérieure à 10 %, et le pré-étiquetage des meubles avec le prix conseillé. TGI Versailles n° 927 du 29 juin 2007 : prix minimum imposé dans le secteur de la vente de meuble de salon. Le contrat conclu entre l’entreprise incriminée et les établissements revendant ses meubles stipulait qu’il incombait au distributeur de faire «tous ses efforts pour respecter la politique commerciale recommandée par le fabricant» et surtout qu’il lui était interdit d’accorder une remise de plus de 10 % sans en avoir au préalable reçu l’autorisation. Le juge note de plus que tous les meubles étaient livrés pré-étiquetés avec le prix conseillé. Au cours de l’enquête, 3 distributeurs des produits de la société en cause avaient déclaré ne pas être libres de fixer leurs prix. Pour répondre à l’argument avancé par le prévenu selon lequel cette pratique se justifiait par la volonté de préserver l’image du produit, le juge rappelle que c’est «l’une des raisons pour lesquelles les prix imposés étaient autrefois pratiqués et ont été interdits du fait de la paralysie de la concurrence qu’ils entrainaient». Pour le PDG : 5 000 € d’amende. SECTION 9 : AUTRES MOTIFS DE SANCTION

Dans certains cas, le juge sanctionne une pratique visiblement contraire à la transparence des relations commerciales en se fondant sur d’autres dispositions que celles du code de commerce. En 2006, la cour d’appel de Rennes (commenté dans le bilan 2006) avait confirmé la décision du TGI de Vannes en date du 28 juillet 2005, par laquelle une centrale d’achat, sa filiale de facturation et son fournisseur avaient été condamnées pour faux et usage de faux (article 441-1 du code pénal). En 2007, le juge fait à nouveau usage de l’infraction de faux, plus précisément de l’usage de faux, en matière de facturation.

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TGI Clermont-Ferrand n° 1081/07 du 25 avril 2007 (appel) : facturation non-conforme, faux et usage de faux en matière de coopération commerciale. Le juge sanctionne l’imprécision des termes « optimisation du linéaire », « stop rayon gamme », « mise en avant gamme ». Il estime par ailleurs que l’expression « animation produit » ne correspond pas en l’espèce « à ce qui est normalement entendu en matière d’animation commerciale ». Sur les factures dont la copie avait été remise aux agents de la DGCCRF, des mentions manuscrites avaient été ajoutée afin de rendre la dénomination du service facturé plus explicite. Il n’est pas démontré que le Directeur du magasin a personnellement participé à cette altération des factures. Ce dernier est donc relaxé du chef de faux. Cependant, le Directeur du magasin ayant déclaré avoir eu connaissance de cette manœuvre avant de remettre les copies des factures aux enquêteurs, il est reconnu coupable d’usage de faux. Au pénal : la société est condamnée au paiement d’une amende de 7 000 €, le Directeur du magasin est condamné au paiement d’une amende de 1 500 €. Au civil : 3 500 € de dommages et intérêts versés par la société au bénéfice de l’association de consommateurs.

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Pratiques restrictives de concurrence : bilan de l’action contentieuse civile 2008

Le dispositif de l’article L 442-6 du code de commerce issu de l’ancien article 36 de l’ordonnance de 1986, modifié une première fois le 1er juillet 1996 par la loi Galland, puis une seconde fois par la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, vise à sanctionner civilement les pratiques illicites restrictives de concurrence devant les juridictions civiles et commerciales. La refonte opérée par la loi relative aux nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001 a renforcé l’arsenal des pratiques civilement répréhensibles ainsi que celui des sanctions civiles, notamment par l’encadrement des conditions de rupture des relations commerciales, l’interdiction de la fausse coopération commerciale et par l’introduction d’une action étendue du ministre devant les juridictions civiles et commerciales : cessation des pratiques mais aussi action en nullité, répétition de l’indu et action en prononcé d’une amende civile. La loi du 2 août 2005 en faveur des PME, sans modifier ce dispositif, a élargi les pratiques considérées comme abusives. La loi Chatel du 3 janvier 2008 a fait du refus de communication des conditions générales de vente une pratique civilement sanctionnée. Enfin, la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 a supprimé l’interdiction de la discrimination abusive et modifié l’infraction consistant dans la pratique de délais de paiement abusivement longs eu égard au plafonnement général des délais de paiement institué par cette même loi. L’originalité de ce dispositif réside dans la qualité propre du ministre de l’économie pour introduire, sur le fondement de l’article L 442-6 du code de commerce, une action devant les juridictions civiles ou commerciales au même titre que la victime, le ministère public ou le président du conseil de la concurrence, pour faire constater et sanctionner une pratique illicite. Selon l’article L 470-5 du code de commerce, le ministre chargé de l’économie ou son représentant peut en outre intervenir à tous les stades d’une procédure chaque fois que la solution du litige met en jeu l’application d’une règle du livre IV du code de commerce. Les décisions rendues par le juge sur l’initiative ou avec l’intervention du ministre pour obtenir la cessation et/ou la sanction des pratiques litigieuses manifestent par leur nombre croissant et les résultats de ces décisions (montants souvent significatifs des condamnations), l’efficacité du dispositif institué pour sanctionner les pratiques abusives. L’objet du présent bilan est tout d’abord de présenter brièvement des éléments statistiques sur l’activité contentieuse civile de la DGCCRF en matière de pratiques restrictives de concurrence puis de dégager les apports de la jurisprudence rendue en 2008, aussi bien sur le fond que sur la procédure.

I. Observations générales sur l’activité contentieuse de l’année 2008

A. Nombre de décisions rendues On constate une montée en puissance progressive des procédures civiles fondées sur le titre IV du livre IV du code de commerce et impliquant le ministre (comme demandeur initial ou comme intervenant). En effet, seulement 16 décisions ont été rendues en 2005, puis 21 en 2006, 29 en 2007 et enfin, 34 décisions en 2008. La ventilation entre actions du ministre et intervention se fait de la manière suivante : en 2008, 28 décisions ont été rendues sur l’action du ministre alors que 6 décisions se sont prononcées sur l’intervention du ministre dans le cadre d’une instance pendante. La ventilation entre les différents degrés de juridiction se fait de la manière suivante : 16 décisions émanent de juridictions de première instance (tribunal de commerce ou tribunal de grande instance), 14 arrêts ont été rendus par une cour d’appel et 4 arrêts ont été rendus par la Cour de cassation.

B. Les pratiques concernées Sur les 34 décisions rendues en 2008 : - 22 décisions concernant la pratique d’obtention d’avantages sans contrepartie ou manifestement disproportionnés au regard de la valeur du service rendu ; - 7 décisions concernent la rupture brutale de relation commerciale ; - 2 décisions concernent l’abus de puissance d’achat ; - 1 décision concerne des conditions de règlement manifestement abusives ; - 1 décision concerne un abus de puissance d’achat et une obtention d’avantages manifestement disproportionnés au regard de la valeur du service rendu ; - 1 décision concerne une obtention d’avantage sans contrepartie et la perception d’un droit de référencement abusif. Comme au cours des années précédentes, on constate que les enseignes de la grande distribution sont souvent défenderesses aux actions intentées par le ministre ou dans le cadre desquelles celui-ci intervient.

C. Le montant des amendes civiles prononcées De la même manière que pour le nombre de décisions rendues, l’on assiste à une augmentation progressive du montant total des amendes civiles prononcées chaque année par les juridictions commerciales. En effet, le montant des amendes civiles prononcées s’élevait à 305 000 € en 2004 et à 1 410 000 € en 2005. Le montant des amendes civiles prononcées en 2006 s’élevait à 338 000 €. Le chiffre était en baisse par rapport à l’année 2005 du fait que celle-ci avait été marquée par des amendes civiles d’un montant exceptionnel. En 2007, des amendes civiles d’un montant total de 542.800 € ont été prononcées. Le record du montant total des amendes civiles prononcées a été battu en 2008 avec une somme d’1.537.300 euros.

II. Les enseignements sur le fond des décisions rendues en 2008 L’on observe à ce sujet qu’au fur et à mesure que les affaires portées devant les juridictions commerciales sont plus nombreuses, une jurisprudence intéressante s’est dégagée. Il est possible d’en tirer certains enseignements, répartis selon les pratiques examinées par les juges.

A. Obtention d’avantages sans contrepartie ou manifestement disproportionnés au regard de la valeur du service rendu

Les principaux enseignements dégagés concernent l’élément matériel de la pratique abusive et nous renseignent sur les services commerciaux constitutifs d’une contrepartie réelle. En outre, la jurisprudence nous éclaire sur les critères d’une rémunération disproportionnée et s’est prononcée sur un aspect situé à la frontière du fond et de la procédure, la répétition de l’indu.

1. Les critères d’un service constitutif d’une contrepartie TGI de Strasbourg 25 novembre 2005, confirmé par CA Colmar, 12 juin 2008

L’article L. 442-6 I 2° a) du code de commerce exige la fourniture effective d’un service spécifique en échange d’une contrepartie proportionnée. Le service facturé consistait dans l’amélioration de la logistique par la réduction du temps d’attente et dans une fonction entrepôt par une meilleure absorption des variations d’activité. Or la réception des camions incombe au distributeur puisqu’en tant qu’acheteur, il a l’obligation de prendre livraison de la chose acquise. De même, le stockage des marchandises incombe au distributeur dès qu’il les achetées. Il lui appartient d’en assumer la garde et les risques de perte. On constate donc qu’une analyse purement civiliste de la situation et un examen des obligations respectives de l’acheteur et du vendeur permettent de départager les véritables services commerciaux des prestations fictives. En outre, le service en question était décrit comme continu par le distributeur alors qu’un seul contrat avait été conclu pour une année donnée. CA Versailles, 21 février 2008, L’incompatibilité du libellé du service avec le niveau auquel le fournisseur était référencé caractérise une prestation fictive. Il en va ainsi lorsqu’une prestation d’optimisation régionale du linéaire a été facturée à un fournisseur uniquement référencé au niveau d’un magasin. Dans un tel cas, la rémunération perçue s’analyse comme une remise. C’est donc une analyse factuelle et logique qui a guidé les juges dans cette affaire. CA Versailles, 21 février 2008, Dans cette affaire, un fournisseur référencé uniquement au niveau du magasin avait payé une enveloppe de coopération régionale. En outre, l’arrêt indique aussi que le non-respect d’un engagement d’exclusivité équivaut à une obtention d’avantage sans contrepartie, quand bien même la violation de cette exclusivité aurait porté sur une part très marginale de l’approvisionnement du magasin. Dans cette affaire, c’est donc l’inexécution de son obligation qui a conduit à la condamnation du distributeur. TC Manosque, 6 mai 2008, Le tribunal a rappelé que la réalisation d’un certain niveau de chiffre d’affaires ne constituait pas un service spécifique. En revanche, il a estimé, contrairement à l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 20 février 2007, qu’un accord de gamme ne pouvait faire l’objet d’une rémunération. Curieusement, le tribunal a ensuite précisé qu’un accord de gamme devait porter sur une partie substantielle de la gamme et a constaté qu’en l’espèce, le nombre de produits maintenus en rayon ne couvrait qu’une faible partie de la gamme du fournisseur. La baisse du chiffre d’affaires et l’imprécision des contrats et des factures de coopération commerciale ont été considérés comme des éléments prouvant, entre autres, que les services n’avaient pas été rendus. TC Nîmes, 6 juin 2008, L’intervention des enquêteurs de la DGCCRF dans le magasin a permis d’établir que les têtes de gondoles et "stop rayon" n’avaient pas été réalisés aux périodes indiquées dans les contrats. Le tribunal a constaté qu’aucun nouveau contrat stipulant d'autres périodes de réalisation des services n’avait été conclu et le directeur du magasin concerné n'a pas contesté les faits. Le défendeur a donc été condamné. TC Lille, 19 juin 2008, La prise en charge des inventaires des magasins par le fournisseur est une pratique abusive constitutive d’une obtention d’avantage sans contrepartie. Des intérimaires payés par le fournisseur ou des membres du personnel de ce dernier participaient aux inventaires des magasins et comptaient aussi bien des produits du fournisseur que d’autres articles.

Là encore, il s’agit d’une analyse civiliste classique des obligations de l’acheteur. Une fois qu’il a acquis les marchandises, il lui en appartient d’en effectuer l’inventaire ou de prendre à sa charge cette opération. TC Toulon, 10 juillet 2008, Les faits de l’espèce étaient identiques à ceux de l’affaire jugée par le TC de Nîmes le 6 juin 2008. Les têtes de gondoles et les "stop rayon" n’ont pas été réalisés aux périodes indiquées dans les contrats et aucun nouveau contrat stipulant d'autres périodes de réalisation des services n’avait été conclu. Les services facturés ont donc été considérés par le juge comme n’ayant pas été rendus. TC Dreux, 9 octobre 2008, La prestation relative à l’écrêtage et aux palettes au sol relevait des fonctions du distributeur. En effet, elle correspondait au mode habituelle de mise en vente des eaux minérales et ne devait donc pas faire l’objet d’une rémunération. En outre, les statistiques fournies par le distributeur étaient sans intérêt pour le fournisseur et contenaient des informations à l’usage du magasin. Enfin, les produits avaient été livrés après le début de la prestation (balisage spéciale ou positionnement dans l’allée centrale du magasin) dont ils devaient faire l’objet, ce qui caractérisait matériellement le fait que les services n’avaient pas été rendus. Là encore, une appréciation concrète des faits du dossier a permis au tribunal de constater la pratique illicite. CA Rennes, Dans cette affaire, les contrats portaient l’intitulé « Coopération commerciale » et les factures mentionnaient un taux de TVA de 19,6 %, qui indiqué qu’il s’agit d’une prestation de service et non d’une vente de biens. Le fournisseur ne pouvait donc pas avoir voulu accorder à son client une remise, d’autant qu’il aurait alors été exposé au grief de discrimination abusive de la part de ses autres clients. La pratique d’obtention d’avantages sans contrepartie a donc été constatée et sanctionnée. Cet arrêt illustre le fait que le distributeur ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et prétendre que les sommes rémunérant des services fictifs sont en réalité des remises alors qu’il a rédigé les contrats et les factures dans le but de dissimuler ce caractère fictif. CA Rennes, 12 novembre 2008, Le distributeur ne peut facturer une prestation de mise en avant à son fournisseur alors que d’une part, ce dernier fournit les présentoirs sur lesquels les produits sont exposés et d’autre part, les positionnent à l’endroit auxquels les produits de ses concurrents sont habituellement exposés. En effet, non seulement le distributeur n’effectue concrètement aucune prestation mais de surcroît, les produits du fournisseur ne bénéficient d’aucune mise en valeur. En outre, les sommes perçues au titre d’études marketing sont dépourvues de contrepartie lorsqu’aucun document écrit les matérialisant n’a été adressé au fournisseur.

2. Les critères de la disproportion CA Nîmes 17 janvier 2008, La cour de Nîmes a par cet arrêt confirmé les critères dégagés dans la même affaire par le tribunal de commerce d’Aubenas le 8 mars 2005. En outre, il convient de signaler que la chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par un arrêt du 16 décembre 2008. La cour a comparé la rémunération versée au distributeur au titre de la prestation de tête de gondole au chiffre d’affaires réalisé pendant la période concernée. La comparaison est pertinente dans la mesure où une tête de gondole est un service censé générer une hausse des ventes du produit sur une courte période, les effets engendrés après la fin de la période de réalisation de la prestation étant très aléatoires. La cour a aussi pris comme point de comparaison le prix payé par les fournisseurs pour une prestation de même type mais de plus grande ampleur réalisée quelques mois auparavant.

En outre, la cour a procédé à une comparaison entre le coût global d’un prospectus pour le distributeur (édition, impression, distribution) et le prix payé par deux fournisseurs pour une insertion de leurs produits alors que les produits d’une centaine de fournisseurs avaient été mis en avant dans le tract. Ce prix payé était proche du coût de réalisation du prospectus pour le distributeur. La cour a rappelé l’absence d’obligation de résultat du distributeur mais celui-ci doit néanmoins faire une estimation raisonnable du chiffre d’affaires prévisible. Il convient enfin d’observer que la cour a ordonné la restitution de l’ensemble des sommes perçues par le distributeur malgré l’existence d’une contrepartie à ces sommes. TC Lille, 8 mars 2008, Dans cette affaire, deux modalités alternatives de rémunération étaient stipulées dans le contrat (application d’un forfait en valeur par tête de gondole ou d’un pourcentage du chiffre d’affaires). Dans tous les cas, il a été fait application de la plus favorable au distributeur (forfait en valeur), ce qui était d’ailleurs expressément stipulé dans le contrat. Ainsi, le pourcentage finalement appliqué était égal au double (voire au quadruple pour un fournisseur) de celui initialement stipulé dans le contrat, ce qui a valablement caractérisé la disproportion aux yeux du tribunal. TGI Hazebrouck, 7 mai 2008, Il s’agissait des mêmes faits que dans l’affaire précédente. La disproportion a également été retenue par les juges et était aggravée par la prise en compte d’une surface de vente surévaluée. En effet, le défendeur avait pris en compte l’ensemble de la surface de la galerie marchande dans laquelle se trouvait son magasin pour déterminer la rémunération forfaitaire applicable à chaque tête de gondole La répétition de l’indu a été fixée à la différence entre la somme résultant de l'application du pourcentage au chiffre d’affaires et le forfait réellement payé par les fournisseurs. CA Angers, 6 juin 2008, Dans cette affaire, la disproportion a été retenue par la cour sur le fondement d’un écart important entre la rémunération du service de coopération commerciale et le chiffre d'affaires réalisé sur les produits auxquels se rapporte la prestation.

3. L’inversion de la charge de la preuve Cette inversion est prévue à l’article L. 442-6 III du code de commerce depuis l’entrée en vigueur de la loi PME du 2 août 2005. Elle permet d’exiger du distributeur qu’il rapporte la preuve du fait qui a produit l’extinction de son obligation ; autrement dit, cela implique que celui-ci prouve qu’il a bien exécuté les services auxquels il s’était engagé. Une première application de ce texte a eu lieu en 2008. TC Dreux, 9 octobre 2008, Le tribunal a fait application de l’inversion de la charge de la preuve en complément des éléments matériels qui avaient été présentés par le ministre dans cette affaire. En effet, certains produits censés faire l’objet d’une mise en avant avaient été livrés au magasin après la date de début de la prestation stipulée dans le contrat. Suite à cela, la défenderesse n’a pas pu prouver que les services avaient été rendus et a donc été condamnée par le tribunal.

4. La répétition de l’indu L’article L 442-6 III du code de commerce prévoit la possibilité, pour le ministre comme pour toute personne y ayant intérêt, de solliciter la répétition de l’indu. Cette demande est principalement mais pas exclusivement formée en cas d’obtention d’avantages sans contrepartie. Le problème de sa conformité à l’article 6§1 de la CEDH a été soulevé par certains défendeurs. De nombreuses décisions ont prononcé cette mesure, bien que la jurisprudence se soit divisée sur cette question de conventionalité. La Cour de cassation est venue mettre fin à cette division en 2008 en tranchant la question dans un sens favorable au ministre. Cour de cassation, chambre commerciale, 8 juillet 2008, Deux arrêts ont été rendus le même jour par la Cour de cassation au sujet de deux actions introduites par le ministre. Dans la première affaire, la Cour de cassation a jugé que l'action du ministre chargé de l'économie était une action autonome de protection du marché et de la concurrence qui n'est pas soumise au consentement ou à la présence des fournisseurs. En jugeant le contraire, la cour d'appel de Versailles a donc violé les articles L. 442-6 III du code de commerce et 6§1 de la CEDH. Son arrêt rendu le 3 mai 2007 est donc cassé et l'affaire sera renvoyée devant la même cour autrement composée. Dans la seconde affaire, la Cour de cassation a jugé que la cour d'appel de Paris avait à bon droit, dans son arrêt du 20 décembre 2006, écarté la fin de non-recevoir opposée par la société à l'action du ministre, du fait que ce dernier peut agir et former l'ensemble des demandes qui lui sont ouvertes sans l'accord ni la présence des fournisseurs à l'instance. Le pourvoi formé par la société a donc été rejeté. Ces deux arrêts mettent donc fin aux incertitudes qui pesaient sur la conventionalité des demandes en nullité des conventions illicites et en répétition de l’indu formées par le ministre dans le cadre de l’action formée sur le fondement de l’article L. 442-6 du code de commerce, en l’absence des fournisseurs concernés à la procédure. Cour de cassation, 16 décembre 2008, Cet arrêt a repris la même motivation que ceux des deux décisions précitées du 8 juillet 2008. Certains jugements et arrêts ont tranché dans un sens contraire la question de la conventionalité de l’action du ministre mais ont été rendus avant que la Cour de cassation ne se prononce à ce sujet : il s’agit des jugements de la cour d’appel de Grenoble rendu le 6 mars 2008 et qui a fait l’objet d’un pourvoi en cassation du ministre. Il faut également signaler les arrêts rendus par la cour d’appel de Versailles le 21 février 2008, par lesquels seule la demande d’amende civile a été jugée recevable, à l’exclusion des demandes en nullité des contrats illicites et en répétition de l’indu. Ces arrêts dont définitifs. Enfin, le tribunal de commerce de Draguignan, dans son jugement du 10 juin 2008, a tranché dans le même sans que la cour de Versailles. Sa décision n’a pas fait l’objet d’un appel.

B. L’abus de puissance d’achat L’abus de puissance d’achat ou de vente ou de relation de dépendance était le pendant de l’abus de dépendance économique visé dans le droit des pratique anticoncurrentielles. Cette pratique illicite per se était sanctionnée par l’ancien article L 442-6 I 2° b) du code de commerce, abrogé par la LME du 4 août 2008. L’ancien abus de puissance d’achat exigeait la réunion de deux critères:

- une situation de puissance d’achat (ou de vente) - des conditions commerciales ou des obligations injustifiées constitutives d’un abus.

Rares sont les décisions à avoir statuer sur une affaire d’abus de puissance d’achat. Sur l’action du ministre, un jugement peut être cité en 2007 et un autre a été rendu en 2008.

TC Draguignan, 10 juin 2008, Le tribunal a tout d’abord reconnu la puissance d’achat de la centrale d’achat régionale du fait de la position de leader de la centrale nationale et du référencement des fournisseurs auprès de cette dernière. Sur le fond, il a été jugé que les frais de dossier forfaitaires de 153 euros en cas de retard de paiement n’étaient pas abusifs car ils ne représentaient qu’un faible pourcentage du chiffre d’affaires et venaient sanctionner une faute des fournisseurs débiteurs. La déduction d’office par le distributeurs opérée sur les factures de marchandises n’a pas été jugée abusive. Il convient de signaler que ces déductions n’entrent pas dans le champ de l’article L. 442-6 I 8° du code de commerce, qui ne vise que la déduction d’office de pénalités dues au titre d’un retard de livraison ou d’une non-conformité des marchandises. Il convient de préciser que l’abus de puissance d’achat a été remplacé par la soumission d’un partenaire à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et les obligations des parties par la LME du 4 août 2008 (article L. 442-6 I 2° du code de commerce). Ce nouveau texte a vocation à permettre l’appréhension des pratiques qui sont abusives sans être visées expressément par un autre alinéa de l’article L. 442-6. Il s’agit en quelque sorte d’un abus de puissance d’achat dégagé de la contrainte de la preuve de la situation de puissance d’achat. Cette exigence cadrait mal avec le fait que les pratiques restrictives sont sanctionnées per se, indépendamment de la démonstration d’une atteinte à la concurrence.

C. La rupture brutale de relation commerciale La jurisprudence dégagée relativement à cette pratique est très abondante et porte principalement sur des actions intentées directement par la victime, avec une intervention du ministre. La réunion de plusieurs critères est nécessaire pour que la pratique soit caractérisée. Il s’agit d’une relation commerciale établie, d’une rupture brutale en l’absence d’un préavis écrit d’une durée raisonnable et d’une absence de faute de la victime ou d’un cas de force majeure.

1. Une relation commerciale établie CA Paris, 11 janvier 2008, Tout courant d’affaires continu, formalisé ou non, est une relation commerciale établie. L’arrêt a confirmé cet aspect du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris dans la même affaire. CA Douai, 26 février 2008, La cour a infirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing dans la même affaire le 13 septembre 2006 et par lequel celui-ci avait estimé qu’un contrat à durée déterminée empêchait de retenir l’existence d’une relation commerciale établie. La cour a au contraire jugé que l’échange d’un document contractuel entre les parties et le paiement de plusieurs factures par le donneur d’ordres constituaient des éléments caractérisant une relation commerciale établie. Cet arrêt a été frappé d’un pourvoi en cassation

2. Une rupture brutale CA Paris, 11 janvier 2008, La cour a infirmé le jugement rendu dans la même affaire par le tribunal de commerce de Paris le 14 novembre 2005, selon lequel la révocation d’un commun accord d’une convention échappait au champ d’application de l’article L 442-6 I 5°.

La cour a constaté une rupture brutale partielle d’une relation commerciale établie de 4 ans et a estimé que l’auteur de la rupture avait imposé ses conditions à la victime. Il ne s’agissait donc pas d’une révocation d’un commun accord du contrat initial. Le jugement a également été infirmé au sujet de la rupture brutale totale des relations commerciales. Le tribunal avait écarté la qualification de rupture brutale du fait de l’incapacité de la victime de la rupture de se réorganiser et de poursuivre des relations commerciales avec le distributeur en 2002. La cour a procédé à un examen objectif des faits et a constaté une rupture brutale, car effectuée sans préavis écrit, d’une relation commerciale établie de 6 ans. CA Douai, 26 février 2008, Dans cette affaire, les commandes avaient été honorées par la victime et payées par les clients. Ainsi, l’arrêt des commandes par le donneur d’ordre valait rupture brutale et ne pouvait intervenir en l’absence d’un préavis écrit d’une durée suffisante. Cet arrêt est frappé d’un pourvoi en cassation. CA Reims, 24 novembre 2008, Une baisse des commandes de 60 % d’une saison à l’autre est constitutive d’une rupture brutale partielle des relations commerciales. La rupture doit être appréciée à la date à laquelle les commandes étaient habituellement passées les années précédentes (activité saisonnière). Dans le cas contraire, l’auteur de la rupture pourrait alléguer qu’il avait l’intention de commander des produits mais plus tard.

3. Les critères d’appréciation de la durée du préavis Ces critères sont les suivants :

- Ancienneté des relations commerciales - Investissements réalisés par la victime au profit de l’auteur de la rupture - Difficulté à trouver un marché de remplacement - Circonstances de la rupture - Relation de dépendance entre l’auteur et la victime de la rupture

CA Douai 26 février 2008, Dans cette affaire, la cour a pris en compte la situation de dépendance économique de la victime envers l’auteur de la rupture. Cette dernière était une structure créée spécialement pour répondre à la demande du distributeur (mise au point d’une bouteille de gaz) et était très légère. TGI Reims, 20 mai 2008, Le tribunal a pris en compte un ensemble de critères, notamment l’importance du courant d’affaires entre la victime et l’auteur de la rupture et la possibilité pour la victime d’obtenir des commandes de la part d’un autre client (activité saisonnière) L’étroitesse du marché en cause (ficelles à lier pour les vignes servant à la fabrication du champagne et les engrais) et l’ancienneté des relations commerciales ont aussi influencé la décision du tribunal. Enfin, la dépendance de la victime envers l’auteur de la rupture (41 % du chiffre d’affaires) a aussi été prise en compte et plaidait en faveur d’un préavis relativement long. La cour d’appel de Reims a confirmé le bien-fondé de ses critères dans un arrêt rendu dans la même affaire le 24 novembre 2008. TMC Basse Terre, 24 septembre 2008 Dans cette affaire, la relation de dépendance (70 % du CA) de la victime envers l’auteur de la rupture et la notoriété des produits de ce dernier ont été pris en considération par les juges.

Le produit en cause était un rhum dont il était difficile de se passer du fait de sa forte notoriété dans les Antilles. La durée de la relation commerciale (25 ans) a aussi éclairé les juges sur la durée de préavis qui aurait été raisonnable en l’espèce.

4. Quelques exemples de préavis d’une durée raisonnable Il n’existe pas de barème en la matière puisque les juges déterminent cette durée raisonnable en fonction de nombreux critères, comme nous l’avons vu ci-dessus, qui varient selon les espèces qui leurs sont soumises. Cependant, un examen de la jurisprudence permet de dégager des tendances. Ainsi, l’on constate que les tribunaux accordent plus ou moins un mois de préavis par année de relation commerciale, la durée de préavis retenue étant rarement inférieure à 4 mois, ce qui se comprend du fait qu’en-dessous de cette durée, la nécessité de respecter un préavis n’est pas évidente. A l’inverse, un préavis requis supérieur à 2 ans n’a jamais été constaté dans la jurisprudence. Cette moyenne d’un mois par an est cependant pondérée en fonction des nombreux critères cités supra. CA Douai, 26 février 2008, Préavis de 5 mois pour une relation commerciale de 4 ans CA Orléans, 29 mai 2008, Deux ans de préavis requis pour une relation commerciale de 28 ans TGI Reims 20 mai 2008, confirmé par CA Reims, 24 novembre 2008 6 mois de préavis pour une relation de 3 ans et une autre de 4 ans 2 ans de préavis pour une relation commerciale de 40 ans TMC Basse Terre, 24 septembre 2008, 2 ans de préavis pour une relation commerciale de 25 ans

5. Les causes de dispense de préavis CA Douai, 26 février 2008, La cour a jugé que la rupture de relation commerciale intervenue pour de justes motifs, en l’absence d’abus. Cependant, elle a estimé que la centrale d’achat avait l’obligation de respecter un préavis écrit en l’absence de faute contractuelle de la victime. En effet, cette dernière avait exécuté son contrat mais n’était pas parvenue à mettre au point une bouteille de gaz correspondant aux demandes de la centrale d’achat. TGI Reims 20 mai 2008 Le licenciement d’un salarié de la victime, postérieur à la rupture, ne dispense pas de l’obligation d’accorder un préavis. D’une part, il n’avait pu justifier la rupture du fait qu’il est intervenu après et d’autre part, il ne constituait pas un manquement de la victime à une de ses obligations contractuelles. De même, une augmentation de 25% de ses prix par la victime ne dispense pas l’auteur de la rupture d’un préavis car ce n’est pas une inexécution contractuelle. TC Caen, 4 juin 2008, Des manquements contractuels non portés à la connaissance de la victime ne peuvent être invoqués contre elle pour justifier une rupture brutale. TMC Basse Terre, 24 septembre 2008, Un manquement à une obligation à laquelle la victime de la rupture n’était pas tenue ne justifie pas l’octroi d’un préavis trop court (absence d’envoi de comptes-rendus et recours sans autorisation à des sous-traitants en l’absence d’obligations stipulées à ce sujet dans le contrat).

Un manquement à une obligation contractuelle doit revêtir une certaine gravité pour justifier un préavis trop court. En l’espèce, il s’agissait de retards de paiement qui avaient été régularisés. Il ne serait pas logique d’utiliser des fautes de la victimes pour justifier l’octroi d’un préavis trop court. En effet, de deux choses, l’une. Soit la faute est grave et elle justifie une rupture immédiate, en l’absence de tout préavis. Soit elle n’empêche pas la poursuite des relations commerciales et un préavis d’une durée raisonnable doit alors être accordé.

6. La preuve du trouble à l’ordre public économique Cette question est liée au prononcé d’une amende civile sur la demande formée par le ministre. L’amende vient en effet sanctionner le trouble causé à l’ordre public économique par la pratique illicite. Du fait que les pratiques restrictives sont interdites per se, elles génèrent un trouble à l’ordre public dès lors qu’elles sont constatées, sans que la preuve autonome de ce trouble n’ait normalement à être rapportée. Nombreuses décisions récentes ont prononcé une amende civile:

- CA Paris, 11 janvier 2008 - TGI Reims, 20 mai 2008 confirmé par CA Reims, 24 novembre 2008 - CA Orléans, 29 mai 2008 - TC Caen, 4 juin 2008 : la rupture brutale a constitué un trouble à l’ordre public économique - TMC Basse Terre, 24 septembre 2008

La plupart des juridictions n’exigent donc pas une telle preuve. La rupture brutale est constitutive ipso facto d’un trouble à l’ordre public économique. TGI Reims, 20 mai 2008 La faute de l’auteur de la rupture ont entraîné la désorganisation et la restructuration sociale de la victime, ce qui constitue un trouble à l’ordre public économique. TMC Basse Terre, 24 septembre 2008 La victime a été placée dans une situation économique délicate suite à la rupture, d’autant que cette dernière a entraîné l’arrêt des relations commerciales de celle-ci avec plusieurs supermarchés et hypermarchés.

D. Les conditions de règlement manifestement abusives Cette pratique est visée par l’article L. 442-6 I 7° du code de commerce. La LME a cependant modifié cet article en prévoyant qu’est automatiquement abusif, le fait de dépasser les délais de paiement plafonds visés par l’article L. 441-6 alinéa 9 du code de commerce (45 jours fin de mois ou 60 jours nets). En outre, le fait de respecter ces plafonds pourra constituer un abus si le délai de paiement s’écarte, au détriment du créancier et sans raisons objective, du délai supplétif de 30 jours (article L. 441-6 alinéa 8) eu égard aux bonnes pratiques et aux usages commerciaux. Jusqu’en 2008, une seule décision avait été rendue sur le fondement de l’article L 442-6 I 7° (TC Lille 18 novembre 2004). Les faits consistaient dans des dépassements des délais de paiement contractuellement convenus. TC Epernay, 23 décembre 2008, Le tribunal a constaté des dépassements des délais de paiement contractuels (entre quelques jours et plus d’un an de retard) en l’absence de versement de pénalités de retard aux créanciers. Il a donc condamné le débiteur défaillant à une amende civile et à la répétition de l’indu ordonnée à hauteur de 15.000 euros en tout, soit le montant des pénalités de retard non versées.

III. Les enseignements en matière procédurales des décisions rendues en 2008 Au fur et à mesure que les actions intentées par le ministre se sont multipliées, les défendeurs ont contesté de manière croissante cette action sur des fondements procéduraux, qui seront développés ci-après.

A. La compétence territoriale CA Nîmes, 29 mai 2008, La cour a confirmé le jugement rendu dans la même affaire par le tribunal de commerce d’Annonay 12 janvier 2007. Elle a rappelé le fondement délictuel de l’action du ministre, qui implique l’application de l’article 46 alinéa 3 du code de procédure civile. Les fournisseurs lésés avaient leurs sièges sociaux respectifs dans son ressort territorial donc elle était compétente en sa qualité de juridiction du lieu auquel le dommage a été subi. La cour a en outre fait usage de son pouvoir d’évocation prévu par l’article 89 du code de procédure civile.

B. Les personnes à mettre en cause Du fait de la complexité de l’organisation de certains distributeurs, il est parfois malaisé de viser la personne morale idoine pour répondre des pratiques abusives qui ont été commis. La jurisprudence récente nous donne quelques éclaircissements à ce sujet. CA Nîmes, 17 janvier 2008, L’article L. 442-6 du code de commerce est un texte de responsabilité délictuelle impliquant la mise en cause du bénéficiaire de la pratique. Dans cette affaire, le mandataire a été assigné à bon droit car il a facturé et exécuté les services. En outre, il s’agissait d’une filiale du mandant, la société de distribution et le mandataire avait encaissé les sommes versées par les fournisseurs. Cet arrêt a été confirmé par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 16 décembre 2008. TGI Hazebrouck, 7 mai 2008, Le magasin assigné se prévalait du fait que les contrats de coopération commerciale avaient été signés par la centrale nationale de référencement pour s’exonérer de sa responsabilité. Le tribunal a rejeté cet argument du fait que le magasin avait encaissé les sommes rémunérant les services. En outre, le magasin avait mandaté la centrale régionale dont il dépendait et la centrale nationale de référencement. TC Lille, 19 juin 2008, Dans cette affaire, le distributeur se prévalait du fait qu’il n’exploitait pas les magasins à l’époque à laquelle les pratiques abusives avaient été commises. Le tribunal a estimé qu’il y avait une continuité juridique entre la société exploitant directement les magasins à l’époque des pratiques illicites et la société assignée. De plus, cette société avait formé un contredit de compétence précédemment dans la même affaire. Or, le tribunal a rappelé qu’en vertu de l’article 74 du code de procédure civile, les exceptions de procédure doivent être soulevées avant toute défense au fond.

C. La validité des procès-verbaux

TC Manosque, 6 mai 2008,Le tribunal a écarté le moyen selon lequel les procès-verbaux auraient été nuls, faute d'indication de l'objet précis de l'enquête. En effet, cet objet était mentionné sur les procès-verbaux et la nature des documents demandés (contrats et factures de coopération commerciale principalement) ne laissait aucun doute sur l'objet de l'enquête. Enfin, l'absence de signature des procès-verbaux par le président de la société était indifférente du fait que les signataires de ces documents bénéficiaient de délégations de signature de la part du président. TC Toulon, 10 juillet 2008, Des constats ont été réalisés par des agents de la DGCCRF à l’insu des dirigeants des magasins. Ce mode opératoire était nécessaire pour vérifier concrètement si les services facturés avaient été mis en œuvre aux dates stipulés dans les contrats. Le tribunal a estimé que la loyauté de l’enquête était assurée par l’audition ultérieure des directeurs de magasins par procès-verbal. En outre, le tribunal a estimé que les pièces versées aux débats constituaient des pièces non équivoques et que l'intitulé de l'objet de l'enquête étant clair, la loyauté de celle-ci était indiscutable, d'autant que cet objet avait été porté à la connaissance des dirigeants des magasins entendus comme l'indiquent les procès-verbaux.

D. La délégation de pouvoirs Elle est prévue par l’arrêté du 12 mars 1987 visant l’article 56 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 CA Nîmes, 17 janvier 2008, La combinaison de cet arrêté et de l’article L 470-5 du code de commerce dispense les chefs de services départementaux de la DGCCRF de l’obligation de produire un pouvoir spécial aux audiences pour représenter le ministre. L’arrêt a été confirmé par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 16 décembre 2008. Cela permet de conclure que l’article L. 470-5 du code de commerce est aussi utilisable dans le cadre d’une action alors que certains défendeurs prétendaient qu’il ne pouvait être invoqué qu’à l’appui d’une intervention du ministre. Cass. Com., 18 décembre 2008, Cet arrêt a procédé à la cassation de l’arrêt rendu dans la même affaire par la cour d’appel d’Angers le 29 mai 2007. La Cour de cassation a considéré que la délégation permanente de signature dont bénéficiait le chef de service départemental pour signer, au nom du ministre, les actes relatifs à l’action prévue à l’article L. 442-6 du code de commerce ne valait pas pouvoir spécial de représenter le ministre.

E. La délégation de signature La possibilité de déléguer sa signature pour les actes relatifs à l’action prévue à l’article 36 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l’article L. 442-6 du code de commerce, est ouverte au ministre chargé de l’économie par le décret du 12 mars 1987, décliné en arrêtés successifs. La question se posait de savoir si cette délégation pouvait être utilisée par le ministre au profit des chefs de services départementaux pour exercer l’action prévue par l’art. L. 442-6 III du code de commerce, sachant que des nouveaux pouvoirs ont été accordés au ministre et que des nouvelles pratiques illicites ont été instituées par la loi depuis 2001.

CA Grenoble, 6 mars 2008, La cour a jugé que le décret du 12 mars 1987 qui permet au ministre chargé de l'économie de déléguer sa signature n'a pas été abrogé et la loi du 15 mai 2001 n'a pas conféré à celui-ci un pouvoir nouveau car il disposait déjà depuis l'ordonnance de 1986 du pouvoir d'introduire l'action. La directrice départementale de la CCRF disposait d'une délégation de signature valable en vertu de l'arrêté du 25 juillet 2005 et pouvait donc signer les conclusions et l'acte d'appel. Il en allait de même pour le directeur général de la CCRF qui bénéficiait d'une délégation de signature en vertu du décret du 27 juillet 2005 et du directeur départemental suivant, délégataire de la signature du ministre en vertu d'un arrêté du 31 juillet 2007. TC Lyon, 3 avril 2008, Le tribunal a rejeté la question préjudicielle soulevée par les défenderesses au sujet de la validité de l’arrêté de délégation de signature du 25 juillet 2005. Les décrets survivent aux lois dont ils procèdent sauf s’ils sont devenus incompatibles avec une norme de valeur supérieure, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. En outre, le décret était destiné à assurer la continuité de l’Etat. Cass. Com., 18 décembre 2008, La chambre commerciale de la Cour de cassation a confirmé la position prise par les juridictions citées ci-dessus. En effet, elle a considéré que la loi NRE a repris l’article 36 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 dans l’article L. 442-6 du code de commerce. Le décret du 12 mars 1987 renvoie donc à cet article L. 442-6, quelles que soient les modifications qui y ont été apportées et pouvait valablement être utilisé par le ministre chargé de l’économie pour déléguer sa signature pour les actes relatifs à l’action prévue à l’article L. 442-6 du code de commerce.