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Trajectoires sociales et scolaires de jeunes de 16-24 ans issus de l’immigration en formation générale des adultes et analyse de deux projets de « Persévérance scolaire » (2007 et 2009) Rapport remis à la Direction des Services aux communautés culturelles (DSCC) du Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) Par Maryse Potvin, Ph.D. Professeure, Département d’éducation et formation spécialisées Université du Québec à Montréal Chercheure au Centre d’études ethniques des universités montréalaises (CEETUM) et au Centre Métropolis du Québec et Jean-Baptiste Leclercq Postdoctorant, Université du Québec à Montréal Avec la collaboration de : Pauline Carignan-Marcotte, professionnelle de recherche, Université du Québec à Montréal Anissa Adouane, auxiliaire de recherche, UQAM (entrevues) Juillet 2010 © Tous droits réservés - Reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur

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  • Trajectoires sociales et scolaires de jeunes de 16-24 ans issus de limmigration en formation gnrale des adultes et analyse de deux

    projets de Persvrance scolaire (2007 et 2009)

    Rapport remis la Direction des Services aux communauts culturelles (DSCC) du Ministre de lducation, du Loisir et du Sport (MELS)

    Par

    Maryse Potvin, Ph.D.

    Professeure, Dpartement dducation et formation spcialises Universit du Qubec Montral

    Chercheure au Centre dtudes ethniques des universits montralaises (CEETUM) et au Centre Mtropolis du Qubec

    et

    Jean-Baptiste Leclercq Postdoctorant, Universit du Qubec Montral

    Avec la collaboration de : Pauline Carignan-Marcotte, professionnelle de recherche, Universit du Qubec Montral

    Anissa Adouane, auxiliaire de recherche, UQAM (entrevues)

    Juillet 2010

    Tous droits rservs - Reproduction interdite sans lautorisation de lauteur

  • Potvin et Leclercq, 2010 ii

    Plan du rapport Liste des tableaux et graphiques__________________________________________________iii Remerciements _______________________________________________________________iv Introduction__________________________________________________________________ 1 Chapitre 1. lments de contexte et problmatique __________________________________ 5

    1.1 Le secteur de lducation des adultes : un contexte spcifique _____________________ 5 1.1.1 Les services de formation en FGA_________________________________________ 7 1.1.2 Les services daccueil, de rfrence, de conseil et daccompagnement et la question de la reconnaissance des acquis________________________________________________ 10 1.1.3 Les services complmentaires __________________________________________ 14

    1.2 Les jeunes de 16-24 ans issus de limmigration en FGA __________________________ 14 1.3 Des conditions de persvrance ou des obstacles la poursuite des tudes ? ________ 26

    Chapitre 2. Cadre conceptuel et dmarche mthodologique __________________________ 36 2.1 Objectifs et cadre conceptuel ______________________________________________ 36

    2.1.1 Le volet 1___________________________________________________________ 36 2.1.2 Le volet 2 __________________________________________________________ 37 2.1.3 Quelques dfinitions conceptuelles ______________________________________ 40

    2.2. Dmarche mthodologique _______________________________________________ 42 2.2.1 Les terrains de 2007 et de 2009 _________________________________________ 42

    Chapitre 3. Les trajectoires sociales et scolaires des jeunes en 2007 et en 2009 ___________ 47 3.1 Portrait sociodmographique des jeunes _____________________________________ 47 3.2 Trajectoires sociales et familiales ___________________________________________ 50

    3.2.1 Situations familiales __________________________________________________ 50 3.2.2 Travail_____________________________________________________________ 54 3.2.3 Les principaux problmes voqus ayant affect leur parcours scolaire__________ 56

    3.3 Trajectoires scolaires_____________________________________________________ 57 3.3.1 Classe daccueil, tests de classement et scolarit reconnue ___________________ 58 3.3.2 Dcrochage ou interruption ____________________________________________ 64 3.3.3 Des difficults attribues au mode de fonctionnement en FGA : regards croiss dacteurs _______________________________________________________________ 66

    3.4 Synthse et conclusion du volet 1 sur les trajectoires sociales et scolaires ___________ 74 Chapitre 4. valuation des projets Persvrance partir des regards croiss __________ 79

    4.1 Rappel des objectifs dtaills des projets Persvrance ______________________ 79 4.2. Les aspects lis la mise en uvre des projets________________________________ 83

    4.2.1 La perception gnrale des projets de persvrance par les acteurs__________ 83 4.2.2. Les aspects logistiques et organisationnels des volets _______________________ 95 4.2.3 Principales limites, amliorations ou changements en 2007 et en 2009 _________ 118

    4.3 Les retombes prvues des projets Persvrance sur les tudiants ____________ 128 4.4 Les pistes de dveloppement _____________________________________________ 140 4.5. Synthse et conclusion du volet 2 sur les projets de persvrance scolaire_________ 143

    Conclusion _________________________________________________________________ 149 Bibliographie _______________________________________________________________ 155 Annexes ___________________________________________________________________ 166

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    Liste des tableaux et graphiques Tableau 1. Lvolution de leffectif en FGA selon le groupe dge (MELS) ________________6 Graphique 1. Rpartition de la clientle immigrante de 16-24 ans en FGA selon la

    commission scolaire* pour les personnes de 1re et de 2me gnration en 2006-2007_____16 Graphique 2. Pourcentage de 16-18 ans parmi les 16-24 ans en FGA en 2006-2007, selon la

    commission scolaire frquente(*) ____________________________________________17 Tableau 2. Dix principaux pays de naissance des personnes immigrantes de 16-24 ans en

    FGA en 2006-2007, pour lensemble du Qubec et pour la CSDM _____________________18 Tableau 3. lves de premire et deuxime gnrations selon la rgion dorigine:

    estimation du taux de dcrochage net (cohorte 1998-1999 seulement) (secteur franais) _18 Tableau 4. Nombre d'inscriptions aux services de la FGA selon l'ge pour les immigrants

    rcents (depuis 5 ans ou moins dans le systme scolaire qubcois) 2008- 2009 ________19 Graphique 3. Rpartition des lves issus de limmigration de 16-24 ans en fonction du

    service obtenu en FGA en 2006-2007 et du fait dtre pass ou non par la FGJ, avec ou sans dlai dau moins un an ______________________________________________________20

    Tableau 5. Les entrevues effectues en 2007, 2008 et 2009 _________________________42 Tableau 6. Profils des mentors (2007 et 2009) ___________________________________45 Tableau 7. Renseignements sociodmographiques sur les tudiants rencontrs) ________47 Tableau 8. Pays dorigine des tudiants (1re gnration) ou de leurs parents (2e gnration)

    _________________________________________________________________________48

    Tableau 9. Langues maternelles et/ou parles la maison (2007 et 2009) _____________49 Tableau 10. Situations familiales des tudiants (2007 et 2009) ______________________50 Tableau 11. Situation en emploi des tudiants (2007-2009) ________________________54 Tableau 12. Services de formation des tudiants lors de lentrevue (2007-2009) ________58

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    Remerciements _____________________________________________________________________________

    Cette recherche, qui a dbut en 2006-2007, a t ralise grce la participation et limplication des organisateurs des projets de Persvrance scolaire , les organismes communautaires et centres dducation des adultes, les membres de la Direction des services aux communauts culturelles du MELS, dont certaines personnes aujourdhui la retraite ou dans dautres organisations, de mme que les jeunes et les mentors-bnvoles, qui ont bien voulu nous donner du temps pour saisir leur ralit, leur parcours et leur motivation. Plusieurs discussions, runions et prsentations des objectifs ou des rsultats prliminaires de cette recherche avec les partenaires ont eu lieu diffrents moments, entre 2007 et 2010, ce qui a contribu apporter des pistes, des recommandations et des ajustements au fur et mesure de la mise en uvre des projets, et dans le processus de recherche lui-mme. Ces changes furent trs stimulants et ont permis de dvelopper ou damliorer, de part et d'autre, les outils de la recherche et de la mise en uvre des projets : fiches des mentors et des mentors, questionnaires dentrevues, rapports annuels des organismes. Dans la foule de cette recherche, des statistiques sur le profil et les trajectoires des jeunes en FGA ont aussi t commandes par la Direction des services aux communauts culturelles (DSCC) la Direction de la recherche, des statistiques et de linformation du ministre de lducation, du Loisir et du Sport. Certains graphiques et tableaux prsents dans ce rapport sont issus de leur travail. Nous remercions galement la Direction des services aux communauts culturelles (DSCC) du Ministre de lducation, du Loisir et du Sport (MELS) et le FQRSC-tablissement de nouveaux chercheurs (2007-2010) pour avoir financ cette tude. Un grand merci galement Brigitte Voyer et Chantal Ouellet, professeures au dpartement dducation et formation spcialises de lUniversit du Qubec Montral, pour avoir lu et comment les parties portant sur lorganisation du secteur de lducation des adultes. Rsum de ltude Cette tude exploratoire sest intresse aux trajectoires scolaires et sociales de jeunes de 16-24 ans, de 1re ou de 2me gnrations issues de limmigration, qui se retrouvent en Formation gnrale aux adultes (FGA) pour terminer leurs tudes secondaires, de mme qu deux projets de persvrance scolaire sadressant ces jeunes la Commission scolaire de Montral (CSDM). Cet article prsente les faits saillants du premier volet sur les trajectoires, et soulve un ensemble dhypothses qui a conduit une seconde tude sur les processus systmiques et les pratiques de classement et dorientation dans six commissions scolaires (Montral et Sherbrooke) et leurs impacts sur les trajectoires scolaires de ces apprenants. Cette tude est la premire au Qubec dresser un diagnostic qualitatif des parcours de jeunes de 16-24 ans issus de limmigration au secteur des adultes, lexprience scolaire de ces jeunes tant encore peu documente, autant au plan statistique quau plan des pratiques institutionnelles et des perceptions des acteurs dans ce secteur.

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    Introduction _____________________________________________________________________________ Je suis arriv 16 ans et jai commenc laccueil puis ils mont fait faire un examen de classement pour les maths. Ils mont mis en secondaire 1. Ils mont trait comme un cave parce que jtais immigrant. Javais le got de men aller et de laisser tout a, et je naimais pas le Qubec () Je pense quils traitent les immigrants comme des caves. Je voulais repartir en Colombie pour finir mes tudes. Javais presque fini mon secondaire. Ils mont fait refaire tout le primaire, tout le 1. () en franais, ctait pire parce que mon prof me disait : regarde, tu vas rester toute ta vie ici, si tu continues comme a, tu vas faire des annes en accueil . () Je voulais casser la gueule au prof, parce quil me traitait comme un cave .

    CH., 18 ans (2007) Je suis arriv ici au Qubec lge de 16 ans. Et cest ma mre ma mre habite ici. Et mon pre est l-bas, il vit en Hati. Quand je suis arriv ici, javais dj 16 ans, cest comme jtais un peu vieux, l. Je suis venu lcole des adultes. () Directement. (). Jtais class comme prsecondaire. () Je nai jamais lch, jamais abandonn. a fait 5 ans. Je suis en train de finir mon secondaire. .

    JU., 22 ans (2007)

    Moi, je suis arrive ici quand javais 5 ans. Je suis venue du Guatemala. On est all habiter aux tats-Unis (). Jai t en maternelle et en premire anne accueil, parce que je parlais juste espagnol, et anglais un peu, quand je suis arrive. Aprs a, jai eu un secondaire normal, cest juste que javais un peu de difficult avec mes notes. Jai eu 18 ans l, parce que javais redoubl mon secondaire I, fait quils mont dit de venir ici, lcole adulte. () L, jai fini mon franais, mon anglais et je suis en maths de 3 et je suis en train de finir mon 2e cahier.

    AN., 19 ans (2007) Ces passages montrent la diversit des trajectoires scolaires des jeunes de 16-24 ans issus de limmigration qui se retrouvent en formation gnrale des adultes (FGA) au Qubec pour terminer leurs tudes secondaires, un secteur souvent peru comme une voie de garage , comme lcole des dcrocheurs1 , voire comme le parent pauvre du systme scolaire. Ils sont de 1re ou de 2me gnrations, voire de la gnration 1.5 2, de milieux dfavoriss pour la plupart, et ont fait partie de notre tude exploratoire qui, dune part, a retrac leurs parcours sociaux et trajectoires scolaires depuis leur arrive au Qubec et qui, dautre part, a valu leur participation des projets de persvrance solaire dans deux centres dducation des adules (CA) de la Commission scolaire de Montral (CSDM) en 2007 et en 2009. Au total, une cinquantaine de jeunes hommes et femmes nous ont fait part des hauts et des bas de leur

    1 Mme si le terme de dcrocheur apparat certains endroits de ce rapport, rappelons quil nexiste aucune dfinition consensuelle de ce concept. La cessation ou labandon des tudes dans le systme formel dducation peut-tre plus ou moins long, temporaire ou fait dallers et retours diffrents moments de la vie. 2 Les jeunes ns lextrieur du Canada sont dsigns de 1re gnration , et les jeunes ns au Canada de parents immigrants sont dsigns de 2me gnration mais nous avons inclus dans la 2e gnration les enfants arrivs avant la fin de la scolarit primaire, l'ge de 10 ans ou moins, donc qui ont t socialiss et duqus principalement dans le pays daccueil. Ils sont souvent qualifis de gnration 1.5 dans la littrature scientifique (Ports et Rumbaut, 2000 ; Zhou, 1997 ; Potvin et coll., 2007).

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    exprience3. Leurs propos sont complts par une autre cinquantaine dentrevues menes auprs de mentors, de directeurs et dintervenants dorganismes communautaires, de directeurs de CA, denseignants et dintervenants scolaires qui taient impliqus dans les deux projets de persvrance scolaire . Au total, 104 entrevues individuelles ou en petits groupes de 2-3 personnes ont t menes entre janvier et mai 2007 et entre fvrier et mai 2009. Lobjectif de cette tude tait de documenter les parcours et les soutiens scolaires dune population peu analyse par la recherche scientifique qubcoise. Actuellement, le profil, le cheminement acadmique, la russite ou la persvrance des jeunes de 16-24 ans issus de limmigration lducation des adultes sont sous documents, autant au plan statistique quau plan de lanalyse des trajectoires, des pratiques institutionnelles et des perceptions des acteurs. Les travaux scientifiques, les indicateurs nationaux et les informations administratives sont encore fragmentaires. Cette tude vient donc combler un vide. notre connaissance, il sagit de la premire tude qualitative et exploratoire sur les types de trajectoires des jeunes de 16-24 ans issus de limmigration en FGA, dont un grand nombre a immigr ladolescence et est pass directement du secteur des jeunes au secteur des adultes. Plus spcifiquement, cette tude a fait ressortir des rcits des jeunes sur leurs trajectoires respectives les moments-cls et les facteurs qui favorisent ou, au contraire, font obstacles leur persvrance scolaire. Il peut sagir de facteurs psychosociaux, mais, bien souvent aussi, de pratiques, de logiques ou de rgles administratives lies au systme scolaire et au mode de fonctionnement en FGA, qui peuvent les dcourager lorsquils arrivent, cheminent et naviguent dans le systme scolaire qubcois. Les rcits des jeunes rencontrs illustrent de faon loquente la fragilit des parcours sociaux et scolaires de nombreux jeunes de 16-24 ans en FGA, souvent issus de milieux dfavoriss. Dcomposition ou recomposition familiale, adaptation linguistique, dqualification et conditions demploi difficiles pour eux ou leur famille, dclassement menant des retards scolaires ou des chutes sociales importantes, sentiment de discrimination et dinjustice sont parmi les facteurs, matriels ou symboliques, objectifs ou subjectifs, qui agissent sur la prcarit des situations vcues par nombre dentre eux. Mais leurs rcits dmontrent aussi que ces jeunes font preuve de persvrance, de rsilience et dune capacit dadaptation tonnante, alors quils sont nombreux se dire dclasss et en situation de retard scolaire, en plus dapprendre, parfois trop rapidement, une nouvelle langue. Notre tude comportait deux volets. Le premier volet a dress un portrait qualitatif des types de trajectoires sociales et scolaires de 41 jeunes de 16-24 ans, de 1re ou de 2me gnrations issues de limmigration, qui participaient aux projets de persvrance scolaire dans leur CEA. Lobjectif tait de cerner les diffrents facteurs significatifs (linguistiques, familiaux, carts entre systmes scolaires, pratiques administratives, et autres) et moments cls de leur

    3 Sur les 56 jeunes rencontrs, quinze taient inscrits au programme franais en transition de la CSDM, mais nous analysons leur exprience dans un autre rapport de recherche. Les donnes prsentes ici portent sur les 41 autres jeunes. Ils ont t recruts alatoirement et sur une base volontaire pour participer aux entrevues.

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    trajectoire sociale, migratoire et scolaire afin de dgager quelques profils types de trajectoires. Les jeunes reconstituaient leurs trajectoires migratoire et sociale en tablissant eux-mmes les liens avec leur parcours scolaire. Le second volet a dress un portrait de deux annes dapplication des projets-pilotes de Persvrance scolaire (2007 et 2009), sous forme daccompagnement mentoral, co-organiss par les deux CEA de la CSDM et les deux organismes communautaires, dont une large part de leur clientle est ne ltranger. Pour ces organismes et CEA, les difficults sociales et scolaires rencontres par les jeunes de 16-24 ans issus de limmigration constituent de vritables enjeux quotidiens. Ces projets ont t financs par la Direction des services aux communauts culturelles du ministre de lducation, du Loisir et du Sport (MELS), et sinscrivaient dans la mise en uvre du Plan daction en matire dintgration scolaire et dducation interculturelle du ministre de lducation, du Loisir et du Sport (MELS). Cette direction s'tait associe depuis 2004-2005 au ministre de l'Emploi et de la Solidarit sociale (MESS) afin de mettre en uvre la recherche-action Qubec pluriel Montral, qui sappuyait sur des projets-pilotes visant les jeunes issus de limmigration et/ou des minorits visibles . Ces projets-pilotes concernaient deux volets d'intervention : un volet dinsertion en emploi et un volet dducation et de persvrance scolaire. Une premire valuation positive de Qubec Pluriel a t publie en 2005, notamment pour le volet dinsertion en emploi. Qubec-Pluriel dcoulait du constat selon lequel de nombreux Qubcois issus de communauts culturelles ou de minorits visibles connaissent des taux de dcrochage scolaire, de sous-scolarisation et de chmage suprieurs ceux caractrisant la population dans son ensemble (Qubec Pluriel, 2005 : 1). Ce programme voulait exprimenter de nouvelles pratiques (comme le mentorat scolaire et professionnel) pouvant contribuer rduire les carts entre les jeunes des minorits et les autres jeunes Qubcois, afin de soutenir les jeunes plus risque de dcrocher ou dtre sous-scolarises, en favorisant leur persvrance scolaire ou en les appuyant dans leurs dmarches pour retourner aux tudes. Ces pratiques devaient :

    crer les conditions favorables, dune part, au renforcement du pouvoir dagir individuel (empowerment), notamment par laffermissement de la motivation individuelle et, dautre part, lattnuation de facteurs externes ou sociaux ayant une incidence sur le parcours des individus ou de certaines populations (MESS, Qubec-Pluriel, 2006 : 15).

    Autre constat, qui manait des praticiens et responsables des services d'accueil et de francisation dans les commissions scolaires de Montral, est le fait quun grand nombre d'lves immigrants, notamment ceux de 16 18 ans et ceux qui sont en situation de retard scolaire, ont besoin de services de soutien particulier pour persvrer dans leur parcours scolaire ou pour raccrocher. La dmarche des projets de Persvrance scolaire sappuie donc sur la volont des milieux ducatifs dadopter des mesures cibles dgalit des chances lgard de ces jeunes, base sur une approche orientante et diffrencie. Dans cette perspective, lvaluation essentiellement qualitative que nous avons faite des projets Persvrance a porte sur leur mise en uvre et, plus spcifiquement, sur limpact qua eu le volet mentorat sur la persvrance, la motivation scolaire, lestime de soi, le

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    rendement, lassiduit et le sentiment dappartenance de ces jeunes, partir des regards croiss des diffrents acteurs impliqus : mentors, mentors, intervenants communautaires, enseignants, directeurs des centres communautaires (ONG), directeurs des CA et responsable du dossier la CSDM. Au sens strict, il ne sagissait pas dune recherche valuative puisquil aurait fallu suivre les tudiants avant, pendant et aprs les activits et les rencontres avec les mentors et mesurer leur progression et leurs apprentissages, ce que nous ne pouvions faire. Nos objectifs demeuraient donc modestes : connatre la mise en uvre des projets et dterminer les effets souhaits et les effets observs par les acteurs concerns. Le premier chapitre du rapport expose les lments de problmatique gnrale sur la situation scolaire des jeunes de 16-24 ans issus de limmigration en formation gnrale des adultes (FGA). Il dresse un portrait du secteur de la FGA au Qubec et des jeunes issus de limmigration dans ce secteur, partir de la littrature scientifique et des donnes rcentes fournies par la CSDM et par le MELS. Il souligne comment les ralits de ces jeunes soulvent des questions de fond quant aux termes du dbat sur le dcrochage et sur la persvrance scolaire, et quant aux diffrents obstacles que peuvent rencontrer ces jeunes dans leur parcours scolaire. Le second chapitre revient sur les deux grands objectifs ou volets de cette recherche exploratoire, sur les concepts utiliss et sur la dmarche mthodologique. Le troisime chapitre porte sur le volet 1 de la recherche et prsente les donnes dentrevues auprs de lchantillon des jeunes de 16-24 ans afin de dresser un portait de leurs caractristiques sociodmographiques et de leurs trajectoires sociales et scolaires. Enfin, le quatrime chapitre porte sur le volet 2 et effectue une valuation des projets de Persvrance scolaire partir des regards croiss des acteurs impliqus. Ce croisement a permis de voir si les objectifs initialement fixs pour ces projets se sont concrtiss dans leur mise en uvre ou si, au contraire, un cart entre les objectifs et la ralit a persist entre 2007 et 2009. Cette recherche exploratoire permet dtablir un premier diagnostic qualitatif du profil et des parcours de jeunes de 16-24 ans issus de limmigration dans le secteur de la FGA. Le processus de recherche, qui a dbut en 2006-2007, a aussi constitu un dialogue avec le milieu des praticiens et des dcideurs sur cette population sous documente et sur les pratiques mises en place pour favoriser sa russite scolaire. Dans cette foule, un portrait statistique des jeunes 16-24 ans issus de limmigration en FGA sera produit sous peu par le ministre de lducation (MELS). Enfin, une recherche en cours (Potvin et al., FQRSC, 2009-2013)4 permettra dclairer davantage les pratiques institutionnelles de classement et dvaluation diagnostique de ces lves et leur impact sur leurs trajectoires scolaires.

    4 Les jeunes de 16-24 ans issus de l'immigration l'ducation des adultes : cheminement, processus de classement et orientation scolaire. Cette recherche, finance par le FQRSC-Actions concertes Persvrance et russite scolaires 2009-2013, regroupe plusieurs chercheurs : Maryse Potvin (chercheur principale, UQAM), Franoise Armand et Jake Murdoch (Universit de Montral), Chantal Ouellet et Brigitte Voyer (UQAM), Michle Vatz-Laaroussi et Marilyn Steinbach (Universit de Sherbrooke). Cette recherche sinscrit dans une quipe en fonctionnement finance par le FQRSC (McAndrew et coll., 2010-2013), dont le programme est deffectuer une mta-analyse du cheminement scolaire des jeunes issus de limmigration, du prscolaire-primaire jusqu luniversit.

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    Chapitre 1. lments de contexte et problmatique _____________________________________________________________________________

    1.1 Le secteur de lducation des adultes : un contexte spcifique Au Qubec, lducation des adultes connat une forte expansion depuis sa prise en charge par ltat qubcois en 1966, qui donnera lieu une premire politique dducation des adultes, la cration de services dans toutes les commissions scolaires et dans les cgeps naissants, de mme quau dveloppement de programmes dtudes, dune mthodologie, dune pdagogie et dinstruments spcifiques lenseignement aux adultes, encore largement en vigueur aujourdhui (MELS 2007 : 54; Pnault et Sncal, 1982). Le dveloppement du secteur au Qubec va sinspirer des travaux de lUNESCO, en sappuyant sur les concepts dducation permanente , de formation continue puis dducation tout au long de la vie 5. Ainsi,

    Dune approche non scolarisante pour les adultes (rapport Ryan, 1964), on est pass, au tournant des annes 2000, la ncessit des formations qualifiantes et transfrables; on a vu se dvelopper, durant cette deuxime moiti du XXe sicle, la formation sur mesure, la formation distance, la lutte lanalphabtisme, la dmocratisation des structures de lducation des adultes, la formation de base, le concept dducation permanente, le principe de formation continue et lapprentissage tout au long de la vie, appuy par la Dclaration de Hambourg de 1997 (MELS, 2007 : 113).

    En 1988, lducation des adultes, qui navait quune reconnaissance de fait, obtient un statut lgal , avec ladoption de la Loi sur linstruction publique (projet de loi 107), assurant ainsi aux adultes le droit lducation et la gratuit des services. En 1994, deux rgimes pdagogiques distincts, celui de la formation gnrale aux adultes (FGA) et celui de la formation professionnelle, seront mis en place. Enfin, une Politique gouvernementale dducation des adultes et de formation continue (2002), puis un Plan daction en la matire (2002) seront adopts la suite des tats gnraux de lducation, en mettant laccent sur la formation de base pour tous, la formation en emploi, la reconnaissance des acquis et des comptences et le financement comme champs de dveloppement du secteur. Plus spcifiquement, la formation gnrale des adultes (FGA) sadresse aux personnes qui veulent parfaire leur scolarit ou obtenir un diplme dtudes secondaires. Au sens de la Loi sur linstruction publique, les personnes admissibles sont celles qui ne sont plus assujetties lobligation de frquentation obligatoire, ou qui ont eu 16 ans avant le 1er juillet prcdant leur

    5 En 1973, le rapport Faure de lUNESCO marquera un tournant dans le dveloppement de cette conception, mais avec le rapport Delors de lUNESCO en 1996, puis la Dclaration de Hambourg en 1997, lducation tout au long de la vie deviendra une ncessit dans un monde en changement et un lment intrinsque du droit lducation. Larticle 2 de la Dclaration de Hambourg sur lducation permanente de lUNESCO stipule : Il est plus que jamais ncessaire de reconnatre le droit lducation et le droit dapprendre tout au long de la vie, cest--dire le droit de lire et dcrire, le droit dmettre des critiques et danalyser, le droit daccder aux ressources et de dvelopper et mettre en pratique les aptitudes et comptences individuelles et collectives .

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    demande dadmission6. Aujourdhui, les 72 commissions scolaires qubcoises offrent des services en FGA dans 187 centres d'ducation des adultes (CEA), soit 128 CEA dans 60 commissions scolaires francophones, 29 CEA dans neuf (9) CS anglophones et 30 CEA dans trois (3) CS statut particulier (MELS-DEAAC, Lacasse, 2010). Le nombre dinscrits dans ce secteur augmente depuis quelques annes, en partie en raison de la multiplication des lieux dducation ou dapprentissages. En 2007-2008, 168 090 adultes poursuivaient une formation en FGA et les donnes montrent une augmentation de 15 985 personnes en 2008-2009, avec un effectif valu autour de 184 075 (donnes provisoires) (MELS-Lacasse, 2010). Selon le Conseil suprieur de lducation (CS, 2008), les moins de 24 ans sont dsormais majoritaires chez les tudiants adultes en FGA et 43,9 % de leffectif total a moins de 20 ans en 2006. En 2008-2009, les 16-24 ans en FGA sont valus 89 604 (MELS-Lacasse, 2010). Malgr la prdominance des 16-24 ans, leur proportion diminue progressivement chaque anne sur lensemble de leffectif en FGA depuis 2000-2001 : ils reprsentent 54,4% de leffectif total en 2000-2001 contre 48,7 % en 2008-2009. Par contre, en chiffres absolus, les donnes indiquent une augmentation relativement constante de tous les groupes dge entre 2000-2001 et 2008-2009, surtout chez les 50 ans et plus, bien que les 20-24 ans tendent stagner. Laccroissement des 25-49 ans et des 50 ans et plus, particulirement visible en priode de rcession (comme entre 2006-2007 et 2008-2009), peut tre attribuable aux politiques de formation de la main-duvre dEmploi-Qubec et du gouvernement fdral visant contrer laugmentation du taux de chmage ou daide sociale.

    Tableau 1. Lvolution de leffectif en FGA selon le groupe dge (MELS)

    Anne/groupe dge 19 ans et moins

    20-24 ans

    25-49 ans

    50 ans et plus

    2000-2001 2006-2007 2007-2008 2008-2009

    44 580 51 414 52 5223 56 077

    28 456 32 340 31 322 33 527

    52 092 62 555 62 751 69 122

    9 302 17 993 21 494 25 349

    Source : Maryse Lacasse, DEAAC, MELS, 2010, Prsentation PowerPoint. Nous ne reprenons pas les donnes pour chaque anne depuis 2000-2001.

    Le secteur de la formation gnrale des adultes est trs diffrent du secteur de la formation gnrale des jeunes, que ce soit en termes de fonctionnement, dorganisation, de modes de formation, de services denseignement, voire mme dindicateurs statistiques. 6 Selon larticle 14 de la Loi sur lInstruction publique, un jeune doit frquenter lcole jusquau dernier jour du calendrier scolaire de lanne scolaire au cours de laquelle il atteint lge de 16 ans ou au terme de laquelle il obtient un diplme dcern par le ministre, selon la premire ventualit. Larticle 2.5 du Rgime pdagogique de la FGJ (MELS, 2009 p.20) dit quun lve de 16 ans au secteur des jeunes peut recevoir des services dans ce secteur si dans lanne scolaire, il a la possibilit dobtenir un diplme ou de terminer les cours donnant des units pralables la formation professionnelle. Lcole recevra du MELS une dernire anne du financement pour cet lve jusqu 17 ans. On constate toutefois la prsence dlves de 16 21 ans en enseignement secondaire public et priv en FGJ et ce, toutes les rgions du Qubec. MELS (2007) Statistiques de lducation. Gouvernement du Qubec, Qubec. http://www.mels.gouv.qc.ca/sections/publications/publications/SICA/DRSI/StatEduc2007.pdf

    http://www.mels.gouv.qc.ca/sections/publications/publications/SICA/DRSI/StatEduc2007.pdf

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    1.1.1 Les services de formation en FGA Le Rgime pdagogique de la formation gnrale des adultes identifie dix services denseignement et dautres services ducatifs rendre la population adulte, tels que les services complmentaires et les services dducation populaire, de mme que les SARCA, que nous dcrivons plus loin. En ce qui concerne les services denseignement ou de formation, ils sont structurs en deux tapes en FGA : 1) la formation de base commune, qui inclut lalphabtisation, le prsecondaire et le premier cycle du secondaire (lquivalent du secondaire III, mais rduit au secondaire II en 2007), couvre donc les huit premires annes de la scolarit et porte sur des apprentissages jugs essentiels, comme la communication crite et les mathmatiques de base pouvant tre utilises au travail ou dans la vie quotidienne; 2) la formation diversifie, qui dbute en secondaire III, conduit au diplme dtudes secondaires (DES) ou au diplme dtudes professionnelles (DEP) ou vers une prparation aux tudes postsecondaires. Elle compte gnralement trois annes supplmentaires de scolarit7. Au total, il existe 10 services de formation (ou programmes) en FGA, offerts dans diffrents lieux de formation (en entreprise, dans les CEA, les organismes communautaires ou entreprises dinsertion, les centres de radaptation et les centres de dtention)8 : Lalphabtisation ; le soutien pdagogique ; le prsecondaire ; le 1er cycle du secondaire ; le 2e cycle du secondaire ; lintgration sociale ; lintgration socioprofessionnelle ; la francisation ; la prparation la formation professionnelle ; la prparation aux tudes postsecondaires. Les plus jeunes (16-24 ans) frquentent davantage les CEA alors que les plus gs poursuivent plus souvent leur formation en entreprise ou en milieu communautaire.

    7 Voir le programme de formation de base lducation des adultes, sur le site web du MELS : www.mels.gouv.qc.ca/sections/formationBase/ (consult le 2 septembre 2009). 8 Pour une description dtaille de chaque service denseignement, voir le site WEB de la Direction de lducation des adultes et de laction communautaire du MELS. Ces services denseignement ne mnent pas tous une diplomation ou une attestation dtudes, puisque certains services visent dvelopper des comptences ou faciliter le passage des apprenants dun cours un autre ou dun service un autre, comme les programmes Lintgration sociale, le soutien pdagogique, ou encore le nouveau programme dtudes Entre en formation dans une perspective de formation continue, qui sadresse aux lves qui prouvent des difficults sintgrer un lieu de formation, amorcer une dmarche dapprentissage, maintenir leur motivation apprendre, ainsi qu ceux et celles qui cherchent une orientation donner leur dmarche de formation ou qui veulent trouver un sens et un ancrage personnalis leur projet de formation . Ce programme comporte des cours du second cycle du secondaire et des cours permettant de mieux se situer dans les lieux de formation et de dvelopper un projet personnel de formation, des stratgies dapprentissage et des habilets mthodologiques et communicationnelles. http://www.mels.gouv.qc.ca/DFGA/disciplines/entree_en_formation/cont_prog.html, Page consulte le 10 septembre 2009.

    http://www.mels.gouv.qc.ca/sections/formationBase/http://www.mels.gouv.qc.ca/DFGA/disciplines/entree_en_formation/cont_prog.html

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    Un apprenant peut frquenter un CEA 12 mois par anne, de jour et de soir, temps plein (plus de 15 heures par semaine) ou temps partiel (moins de 15 heures par semaine). Les entres et sorties sont continues pendant toute lanne. Une autre particularit de la FGA est la diversit des modes de formation : il est possible de se former dans un CEA, distance, en ligne ou par autodidaxie. Dans les CEA, lapproche andragogique, ou approche individualise prdomine dans la plupart des cours, sauf dans certaines matires ncessitant une approche plus magistrale, dont lhistoire, la physique ou le franais (Blanger et coll., 2007). Cette pdagogie nouvelle , qui sest dveloppe au cours des annes 1960 par [...] le dbut de limplantation des programmes par objectifs (PPO) et de lenseignement individualis au sein de la formation gnrale des adultes (Dufour, 1997 : 87), sappuie sur le dveloppement du concept dadulte apprenant , qui a donn limpulsion au mouvement de landragogie, une dmarche denseignement qui tient compte des caractristiques propres de ladulte apprenant9. Elle a introduit un systme dautoformation assiste qui sappuie sur peu ou pas de cours magistraux et sur des classes multiniveaux. Concrtement, chaque tudiant avance son rythme laide de cahiers ou de modules quil remplit pour atteindre les objectifs de formation, et il rencontre lenseignant pendant les heures du cours sil a des questions. Il doit parfois sinscrire sur une liste dattente pour pouvoir le rencontrer, mais si la liste est trop longue, la rencontre peut avoir lieu dans les jours suivants. Ltudiant doit donc tre proactif dans sa relation avec lenseignant ; il doit avoir la capacit de saisir ses propres difficults et limites et de les exprimer. Paradoxalement, ltudiant doit se prsenter obligatoirement au cours (les absences tant inscrites au dossier)10, mme sil doit travailler seul en classe, gnralement sans cours magistral et avec peu ou pas dinteraction. Soulignons que le secteur des jeunes (FGJ) peut garder certains lves dans les coles secondaires jusqu 18 ans, mais que cette rgle varie selon le retard scolaire et les difficults rencontres par un lve. En gnral, un jeune peut rester en FGJ sil a atteint minimalement le

    9Lapproche andragogique, encore applique, vise ce que ladulte : soit considr dans sa globalit en tant que personne porteuse dexpriences, de savoirs, dacquis significatifs ; soit amen faire des choix selon ses buts, ses besoins, ses intrts, ses limites ou ses contraintes; aborde ses apprentissages positivement et dune manire significative; apprenne composer avec lerreur, lobstacle ou le dfi relever pour en tirer partie; dveloppe des habilets lobjectivation des apprentissages en vue dune meilleure intgration des savoirs; puisse anticiper des lieux de transfert de ses apprentissages au cours de sa dmarche de formation continue . http://www.mels.gouv.qc.ca/DFGA/disciplines/entree_en_formation/pdf/programme/41-8057.pdf Page consulte le 10 septembre 2009. 10 Les CEA reoivent un financement sur la base de la prsence en classe, ce qui peut entraner des effets pervers pour des apprenants adultes qui, bien souvent, conjuguent un retour aux tudes avec des responsabilits professionnelles et/ou familiales. Comme les cours ne sont gnralement pas magistraux, celui qui prfre travailler seul dans ses cahiers la maison est pnalis sil sabsente de son cours. Un tudiant qui manque plusieurs jours de classe se fait dsinscrire et mettre sur une liste dattente du CA, lobligeant se rinscrire ultrieurement. Sil sagit dun jeune qui participe un programme dEmploi-Qubec, il peut tre pnalis par ce mode de fonctionnement. Ajoutons que les sources de revenus des CS et des CEA proviennent, videmment, du ministre de lducation et de la taxe scolaire locale, mais aussi, dans certains cas, des entreprises et de divers organismes, dont la Socit de lassurance automobile du Qubec, la Commission de la sant et de la scurit du travail, la Commission de la construction et Emploi-Qubec, qui paient les commissions scolaires pour certains services dans le domaine du conseil, de lorientation et de laccompagnement ou qui leur versent une subvention pour des projets particuliers (comme le fait Emploi-Qubec) (MELS, 2008 : 26).

    http://www.mels.gouv.qc.ca/DFGA/disciplines/entree_en_formation/pdf/programme/41-8057.pdf

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    2e cycle du secondaire avant lge de 17 ans (secondaire III et +). Lorsquune valuation (sur dossier ou par tests diagnostic ou de classement) permet de croire quun jeune ne terminera pas son secondaire en FGJ 18 ans, il est plus souvent orient au secteur des adultes. Le transfert dun jeune vers la FGA partir de 16 ans semble tre une pratique relativement courante dans certaines coles secondaires. Cette pratique expliquerait laccroissement des 16-18 ans au secteur de la FGA. Outre la rfrence par les coles secondaires en FGJ, les adultes peuvent sinscrire par eux-mmes ou tre orients par des Centres locaux demploi (CLE) ou des organismes communautaires. Gnralement, ceux qui sinscrivent par eux-mmes sont plus nombreux avoir une scolarit de 5e secondaire que les autres (MELS, 2008). Ceux qui sont inscrits par les centres locaux demploi participent gnralement (chez les 16-24 ans) un programme financ de retour aux tudes, aprs avoir reu des prestations daide sociale et avoir quitt lcole pendant 2 ans. Les liens entre Emploi-Qubec et les centres dducation des adultes (CEA) ou les centres de formation professionnelle (CFP) sont dailleurs de plus en plus troits depuis quelques annes, puisquEmploi-Qubec rserve un certain nombre de places dans les CEA et les CFP pour les apprenants qui suivent ses programmes, dont celui de la formation de la main-d'uvre (MFOR) qui sadresse aux personnes prsentant un risque de chmage prolong11. Les tudiants en FGA peuvent aussi bnficier des Projets de prparation lemploi , qui visent dvelopper leur employabilit en vue de leur intgration en emploi au moyen de la ralisation dactivits intgres de prparation et dinsertion en emploi 12. Cette mesure comprend le volet Jeunes en action pour les 18 24 ans qui rencontrent des difficults sintgrer, court et moyen terme, sur le march du travail et qui sont sans contrainte lemploi ou avec des contraintes temporaires en raison denfants charge. Elle vise particulirement : les participants dAlternative jeunesse, les jeunes bnficiaires ou admissibles laide de dernier recours, les nouveaux demandeurs et les jeunes mres monoparentales, dans le volet Ma place au soleil. Les objectifs de Ma Place au soleil sont d accompagner les jeunes mres afin quelles acquirent une formation qualifiante qui leur permettrait de devenir autonomes financirement et de quitter dfinitivement lassistance-emploi . Il sagit dune dmarche dintgration en emploi visant lobtention dun diplme dtudes professionnelles (DEP), dune attestation de spcialisation professionnelle (ASP) ou dune attestation dtudes collgiales (AEC), qui peut

    11 La personne doit avoir quitt les tudes temps plein depuis au moins 24 mois, remplir les conditions dadmission du programme de formation et effectuer une formation temps plein seulement. Un agent dun Centre Local dEmploi (CLE) effectuera une entrevue dvaluation et pourra juger de la pertinence du projet de formation, en tenant compte des besoins du march du travail et des priorits d'Emploi-Qubec tablies dans chaque rgion. http://emploiquebec.net/individus/emploi/formation.asp. Site consult le 28 septembre 2009. 12 Cette mesure volontaire, dune dure de 20 52 semaines, prconise une intervention visant soit lintgration en emploi ou aux tudes, soit laccs une autre mesure active, soit la ralisation dun projet professionnel li lemploi. Lintervention se concrtise par des projets raliss par des organismes jeunesse, dont les Carrefours jeunesse-emploi.

    http://emploiquebec.net/individus/emploi/formation.asp

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    durer jusqu 36 mois. Un service daccompagnement, des activits de groupe et des services dorientations sont aussi proposs13. Ces programmes demandent aux participants de rendre des comptes priodiquement sur leurs absences, comportement, progression, etc. (Blanger et coll., 2007). Chaque adulte qui retourne aux tudes dans le cadre des programmes dEmploi-Qubec doit signer une entente concernant le soutien du revenu . Larticle 2 de cette Entente stipule qu Emploi-Qubec peut suspendre ou cesser de verser laide financire en cas dabsence ou dinterruption de votre participation, et ce, quel quen soit le motif, et peut, en ces cas, mettre fin la prsente entente . Ce libell ne contient aucune rgle ou modalit sur les absences motives, comme celles lies des problmes de sant. Dsormais, les Centres Locaux dEmploi (CLE) viseraient labsence zro , contrairement la politique antrieure, qui tolrait jusqu 10% dabsence14. Le MESS prcise que lentente officielle laisse une certaine latitude aux CLE et aux directions rgionales pour lapplication de critres plus restrictifs.

    1.1.2 Les services daccueil, de rfrence, de conseil et daccompagnement et la question de la reconnaissance des acquis Outre les services et programmes de formation, la politique de 2002 a introduit les Services daccueil, de rfrence, de conseil et daccompagnement (SARCA) afin de valoriser lexpression de la demande de formation et de Lever des obstacles laccessibilit et la persvrance (MELS, 2002 : 29). Le plan daction de 2002 explicite les responsabilits de ces services (Ibid. : 8) : aider les adultes prciser leur projet de formation; les diriger au besoin vers dautres services ; tablir un bilan de leurs acquis ; les conseillers sur la reconnaissance de leurs acquis; les accompagner et les conseiller tout au long de leur formation (Ibid. : 28). Plus prcisment, ces services peuvent tre dfinis en cinq tapes ou composantes : o linformation (sur ladulte, les services, les quivalences, les tests, les programmes, les

    procdures, le code de vie, etc.);

    13 Selon le MESS, entre 2000 et 2006, plus de 4000 jeunes mres seraient retournes lcole par le biais de ce programme, et 1200 auraient quitt laide sociale. En 2005-2006 et 2006-2007, environ 770 jeunes mres se sont inscrites. Le recrutement est fait par un agent de la Scurit du revenu. Les critres dadmission sont : tre responsable de famille monoparentale, prestataire de lassistance-emploi, ge de moins de 21 ans, repre dans les fichiers de lassistance-emploi. Les jeunes pres peuvent aussi participer. Laccompagnement peut relever dagents de la Scurit du revenu, dune personne du centre de formation ou dun organisme extrieur. Cet accompagnement touche diffrents domaines : les relations avec leur conjoint et leur enfant, la gestion de leur budget, leur choix professionnel, le logement, les problmes judiciaires et conjugaux, et autres. Il comprend la fois des ateliers thmatiques en groupe et des interventions individuelles. Il se prolonge au minimum jusqu lacquisition des pralables la formation professionnelle ou jusqu lobtention du diplme dtudes secondaires (DES). http://www.mess.gouv.qc.ca/solidarite-sociale/programmes-mesures/ma-place-au-soleil/index.asp. MELS (2006), Soutenir la persvrance et la russite des jeunes adultes de 16 24 ans recension des interventions, projets et formations Fiche n25 Solidarit Jeunesse Ma place au soleil : www.mels.gouv.qc.ca/dfga/politique/16-24/facteurs/projets/fiche25.pdf (consult le 28 septembre 2009) 14 Le Devoir, Chmeurs absents, subventions coupes, 14/09/2007 www.ledevoir.com/2007/09/14/156741.html (consult le 28 septembre 2009).

    http://www.mess.gouv.qc.ca/solidarite-sociale/programmes-mesures/ma-place-au-soleil/index.asphttp://www.mels.gouv.qc.ca/dfga/politique/16-24/facteurs/projets/fiche25.pdfhttp://www.ledevoir.com/2007/09/14/156741.html

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    o lvaluation et la validation de la formation acquise (tests de classement ou de diagnostic, bulletin, entrevues, etc.) ;

    o la clarification des buts et des besoins de l'adulte (objectifs professionnels) ; o la dtermination dune formation (en fonction des objectifs atteints et atteindre); o laccompagnement de ladulte pendant et aprs sa formation. Ces services savrent fort dterminants dans le processus dexpression de la demande de formation et dorientation des jeunes vers certains programmes ou filires en FGA ou en formation professionnelle. Une premire valuation des SARCA mis en uvre a t mene rcemment (MELS, 2008a) et les conclusions de cette enqute auprs de 20 commissions scolaires et de CEA et CFP rvlent, plusieurs gards, un dveloppement plutt fragmentaire des services et un fonctionnement parfois chaotique, pouvant affecter les parcours scolaires des apprenants. Ltude note, entre autres, une raret de CEA qui ont tabli un service en bonne et due forme , mme sils affectent des personnes laccueil, la rfrence, au conseil ou laccompagnement (p. 17) ; un manque de cohrence entre les pratiques des diffrents CEA et un manque de personnel en matire de conseil, dorientation et daccompagnement (p. 25). Par ailleurs, il est fait mention dune formation dficiente du personnel, du temps excessif requis pour tracer des profils de formation, de la rpartition inapproprie des tches entre les catgories de personnel, du manque de concertation entre intervenants et de labsence dexpertise pour la promotion des services disponibles. Les dimensions information et suivi administratif occuperaient une place disproportionne par rapport aux dimensions conseil, orientation et accompagnement. Enfin, ltude souligne labsence doutils appropris en reconnaissance des acquis des tudiants. Or, lvaluation des acquis et la validation de la formation antrieure, souvent par le biais de tests de classement ou de diagnostic, sont des tapes centrales dans le parcours dun apprenant, lorsquil revient ou poursuit ses tudes. Les CEA valuent les acquis acadmiques antrieurs dune personne dont, le plus souvent, la matrise de la langue (franaise ou anglaise, selon le secteur linguistique) et les mathmatiques. Dans lenqute du MELS (2008a), plus du tiers des CEA disent valuer habituellement la formation initiale des adultes dans ces deux champs dtudes, en portant une attention particulire, pour certains CEA, lalphabtisation et la matrise de la langue franaise par les immigrants. Il est trs rare que les centres valuent les sciences, lhistoire ou linformatique, mais quelques CEA disent valuer certaines habilets intellectuelles (lhabilet raisonner par exemple), sociales (la capacit dinsertion dans la socit) ou autres (MELS, 2008a : 61). Les principaux moyens utiliss par les CEA et les CFP pour valuer la formation acquise sont le bulletin (du secteur des jeunes ou des adultes), le relev de notes du MELS pour la 4e et la 5e anne du secondaire et les rsultats obtenus diffrents tests de classement ou de diagnostic. Certains CEA utilisent un seul de ces moyens alors que dautres en intgrent plusieurs pour constituer le dossier de ladulte. Outre les tests, certains centres utilisent, surtout en formation professionnelle, le portfolio, lentrevue individuelle et lentrevue de groupe. Dans quelques CEA, des enseignants contribuent cette valuation en effectuant un suivi et une observation

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    de ltudiant au cours des premires semaines de sa formation, parfois laide dune grille spciale (ibid. : 61). La question des tests de classement, de diagnostic et dvaluation est complexe, et le portrait densemble, assez obscur (Blanger et coll., 2007). Comme le constate le MELS (2008a), il existe une grande varit de tests utiliss dans les centres et de rgles appliques pour dterminer la passation des tests. Certaines constatations, issues des rponses fournies par les CS, CEA et CFP, sont parfois troublantes dans lenqute du MELS. Dans plusieurs CA et CFP, les donnes recueillies :

    laissent supposer que lon en fait un usage frquent et quon leur attribue un pouvoir important. Il appert galement que les rgles qui les rgissent sont trs varies, relativement complexes et presque aussi nombreuses que les centres qui fournissent des prcisions leur sujet. Il ressort de notre analyse que, pour savoir quels tests sont effectivement utiliss, avec quelle frquence et dans quelles circonstances ils le sont, quelle est leur validit, quelle interprtation on en fait, quelles consquences on en tire pour la formation dun adulte particulier et, tout compte fait, quel rle ils remplissent dans les dmarches queffectue le personnel des services daccueil, de rfrence, de conseil et daccompagnement, il faudrait procder une tude beaucoup plus labore () (MELS, 2008 : 61).

    En formation professionnelle, la plupart des tests ont un lien avec le mtier auquel le programme prpare, mais en FGA, les tests dquivalence de niveau de scolarit (TENS), le test de dveloppement gnral (TDG) ainsi que le Prior Learning seraient les plus connus. Il sagit dattestations acadmiques de niveaux diffrents, permettant de remplir les conditions dadmission la formation professionnelle au secondaire. Des adultes en difficults dapprentissage peuvent aussi, avec lappui dun intervenant du CEA, rviser leur parcours vers un diplme dtudes secondaires (DES) et choisir une reconnaissance dacquis permettant de terminer plus rapidement leur formation. Ladulte qui ne possde pas de DES peut obtenir du MELS une attestation de ses acquis grce la russite dun TDG ou dun TENS15. Toutefois, ltude souligne quil existe plusieurs autres tests de classement et tests diagnostiques de diffrents niveaux de complexit, notamment en franais, en anglais et en mathmatiques (les tests en sciences et en histoire seraient trs rares), et que tous ces tests proviennent de sources publiques et prives trs varies, y compris du ministre de lducation (voir, par exemple, les tests de classement en franais, en arithmtique, en alphabtisation), de commissions scolaires et de centres dducation des adultes ou de formation professionnelle (MELS, 2008a : 61). Il existerait divers tests maison ou autres (Ibid. : 62) visant valuer les besoins de

    15 Le TDG permet de remplir les conditions dadmission au secteur professionnel au secondaire, au collgial et aux mtiers de la construction (cest une attestation quivalente au niveau secondaire (AENS), alors que le TENS reconnat les connaissances de base acquises dans diffrentes expriences de vie. Deux examens obligatoires (en franais) et trois optionnels (anglais, mathmatiques, sciences humaines, sciences conomiques et sciences de la nature). Les adultes peuvent se prparer avec un petit guide fourni par le CA. Ces deux voies permettent une certaine souplesse en offrant diffrents cheminements (DGFA, 2002).

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    formation des adultes, de mme que des tests spciaux pour divers handicaps et des tests oraux en alphabtisation et en francisation. Ltude du MELS estime que :

    Depuis environ cinq ans, les tests de classement, qui ont souvent pour effet de dclasser les adultes par rapport au niveau de formation quon leur a reconnu dans le secteur des jeunes, sont de moins en moins utiliss. La tendance semble tre de les remplacer par des tests diagnostiques, considrs comme plus appropris dun point de vue pdagogique []. (Toutefois) la diffrence entre un test de classement et un test diagnostique est parfois mince. Dans certains cas en effet, il sagirait du mme instrument dont on a chang le nom ou dont on interprte les rsultats davantage des fins pdagogiques que de classement (2008a : 61).

    Lenqute du MELS (2008a) ne mentionne aucun moment combien de CEA utilisent tel ou tel test ou critre, mais affirme quun seul CEA a dcid dabolir tout test diagnostique. En ce qui concerne les rgles qui dterminent la passation des tests dans les CEA, lenqute du MELS (2008a : 62) constate une grande varit de critres, mais les plus courants :

    semblent tre les cours russis en 5e, en 4e et parfois en 3e secondaire et le nombre dannes coules depuis que ladulte a cess de poursuivre des tudes dans un tablissement de formation. Le double critre cours russis-annes coules est modul de multiples faons. () le nombre dannes coules que lon prend en considration ne dpasse pas six ans et, dans la plupart des cas, trois ans.

    En alphabtisation et en francisation, la quasi-totalit des CEA participant lenqute dit appliquer les procdures dfinies par le MELS, mais pour les tudiants qui passent sans interruption dune cole secondaire un CEA :

    il semble exister depuis peu une tendance classer ces tudiants au niveau que lcole secondaire leur a reconnu, mais les obliger en contrepartie une mise niveau, habituellement de courte dure (moins de 100 heures, voire de 50 heures), mais dont la longueur varie selon divers facteurs, comme les notes obtenues au secondaire, la formation projete, etc. (nous soulignons) (ibid. : 62).

    Selon lenqute (MELS, 2008a), certains centres administrent lun ou lautre de ces tests presque tous les candidats une admission. Cette procdure serait :

    quasi-gnrale dans le cas dun adulte qui ne peut prsenter de relev de notes ou dont les tudes antrieures ont t faites dans un cheminement particulier continu ou dans un tablissement situ en dehors du Canada (et parfois du Qubec).

    Selon le MELS (2008a : 63), mme si un grand nombre de CEA et de CFP incitent les adultes passer des tests, ceux-ci peuvent refuser de le faire et sils le font, ils ne sont pas obligs daccepter la recommandation qui accompagne le rsultat obtenu. Ce type dinformation semble peu divulgu par les intervenants, ou peu connu des adultes en formation sonds par plusieurs tudes (Blanger, Voyer et Wagner, 2004).

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    1.1.3 Les services complmentaires La Loi sur linstruction publique de 1988 fait mention des services ducatifs complmentaires, qui sont des services de soutien, dappui, daide ou de prvention destins tous les tudiants en CEA et qui tiennent compte des tudiants en difficult, avec des handicaps, des difficults dadaptation ou dapprentissage, ou issus de milieux dfavoriss. Il sagit de services dorthopdagogie, dducation spcialise, de psychoducation, de psychologie, de sant et de services sociaux (travailleurs et intervenants sociaux, infirmiers, techniciens en travail social), dorthophonie et danimation. Ils exigent un travail de concertation avec les enseignants, qui sont en premire ligne, assurent un accompagnement tout au long du parcours scolaire dun tudiant et peuvent rfrer les jeunes vers les SARCA ou vers dautres services complmentaires. Ces services, de types correctif ou prventif, apparaissent encore plus ncessaires dans un contexte de rajeunissement des tudiants en FGA, daccroissement des jeunes de 16-24 ans issus de limmigration et de complexification croissante des besoins psychosociaux dans les CEA, comme nous le verrons (ACSQ, 2005 ; MELS, 2009). Comme nous le verrons ci-aprs, la proportion leve de jeunes de 16-24 ans qui ont reu un code HDAA ou de jeune risque en FGJ aurait men des modifications importantes des services offerts en FGA par les CS et les CEA (MELS, 2008 : 22), de mme qu des mesures de soutien, dont les projets Qubec Pluriel et dautres. Depuis quelques annes, plusieurs CEA favorisent mme linscription des 16-24 ans, ou se ddient spcifiquement cette population. Certains CEA prvoient aussi des priodes de prinscription pour les jeunes dcrocheurs. Dans un tel contexte, les services complmentaires deviennent essentiels.

    1.2 Les jeunes de 16-24 ans issus de limmigration en FGA Les jeunes de 16-24 ans issus limmigration se retrouvent de plus en plus dans le secteur de la formation gnrale des adultes (FGA) pour poursuivre des tudes secondaires au Qubec. Laccroissement constant des 16-24 ans en FGA depuis les annes 1990 (ACSQ, 2005; MELS, 2007 ; CS, 2008; Blanger, Wagner et Voyer, 2004) serait largement attribuable aux lves issus de limmigration dans certaines commissions scolaires de Montral, comme nous le verrons plus loin16. En 2006-2007, 15% des 83 373 lves de 16-24 ans frquentant un CEA au Qubec taient issus de limmigration, soit un total de 18 050 lves (MELS-Carpentier et Santana, 2009-2010). Malgr leur accroissement, ils constituent actuellement une population sous-documente au Qubec. En effet, mme si cette population en FGA saccrot depuis une dizaine dannes Montral, Laval et en Montrgie, il existe encore peu de donnes sur leur situation scolaire et leurs trajectoires. Les indicateurs nationaux en FGA sont encore peu dvelopps et la 16 Cette proportion varie selon les Commissions scolaires, les services de formation ou les sous-groupes (pays dorigine, langue, gnration). Cependant, la proportion des 16-24 ans dans leffectif total en FGA tendrait diminuer depuis 2000-2001, selon les donnes de la DEACC du MELS (Lacasse, 2010).

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    recherche qubcoise sur les jeunes issus de limmigration sest concentre jusquici sur le secteur de la formation gnrale des jeunes (FGJ), en se penchant particulirement sur les nouveaux arrivants, les classes daccueil et lintgration linguistique (Doyle, 1991 ; Armand et De Koninck, 2009), de mme que sur les familles et la petite enfance (CSIM, 1989 ; Kanout, 2003 ; Tochon, 1997). Il faut dire que les statistiques sur le cheminement et la russite scolaires des jeunes issus de limmigration, quils soient de 1re ou de 2me gnrations, commencent peine voir le jour au Qubec (McAndrew et coll., 2005 ; Chamberland et McAndrew, 2010). Jusqu tout rcemment, les donnes relatives leur performance scolaire en FGJ montraient une situation scolaire globalement favorable, cerne le plus souvent par les rsultats aux examens ministriels ainsi que par les taux de diplomation au secondaire (CCCI, 1990 ; MEQ, 1994, 1996, 1997). Ces rsultats forts positifs tenaient, largement, de la prise en compte exclusive de la langue maternelle des lves comme critre de dfinition des clientles, ce qui excluait nombre de jeunes dorigine immigrante qui dclarent souvent le franais ou langlais comme langue maternelle, tout en prouvant des difficults scolaires relles dans lune ou lautre de ces langues (Carpentier et coll., 2009). Il tait difficile disoler les lves issus de limmigration (soit ceux de premire ou de deuxime gnration), dorigine hatienne ou jamacaine, par exemple. On comparait les lves allophones, qui peuvent tre dimplantation rcente ou ancienne, aux francophones ou aux anglophones. Enfin, on manquait dtudes permettant un suivi exhaustif du cheminement scolaire et de la diplomation au secondaire ou au collgial, et la recherche mene stait jusquici limite la seule clientle de laccueil (MEQ, 1996).

    Aujourdhui, les donnes quantitatives et qualitatives indiquent que le portrait densemble est plus complexe : les parcours scolaires des lves issus de limmigration s'avrent diversifis, non seulement selon lindice socioconomique, les origines ethniques ou la langue maternelle, mais aussi selon qu'ils sont de 1re ou de 2e gnration. Par exemple, la proportion des lves dorigine immigrante frquenter les coles de milieux dfavoriss du secteur public francophone est leve, mais davantage chez ceux de la deuxime gnration (16,2%) que chez ceux ns hors du Canada (12,2%) (McAndrew et Ledoux, 1994). Par contre, une tude exploratoire de leur cheminement et russite scolaires (MELS, 2008b : 19) constate que :

    Les lves de deuxime gnration (ns au Canada et dont les parents [un des deux] sont immigrants ou dont la langue maternelle nest ni le franais ni langlais) sont ceux qui prsentent le plus haut taux de russite scolaire, non seulement par rapport aux lves de premire gnration (lves immigrants), mais galement par rapport aux autres lves. Dune part, ils sont moins nombreux redoubler au dbut du secondaire et quitter dfinitivement la formation gnrale des jeunes. Dautre part, ils sont plus nombreux obtenir un diplme du secondaire.

    Ils se retrouvent donc moins en FGA que ceux de la 1re gnration (Graphique 1, ci-aprs), qui sont souvent arrivs tardivement dans le systme scolaire qubcois. En effet, on retrouve en 2006-2007, 12 560 lves de 16-24 ans de premire gnration en FGA dans lensemble du

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    Qubec, contre 5 490 lves de 2e gnration, bien que les donnes sur la 2e gnration soient considrer avec prudence17. Par ailleurs, la prsence des jeunes issus de limmigration est beaucoup plus importante dans les commissions scolaires de lle de Montral (graphique 1). Parmi lensemble des immigrants de premire gnration, gs de 16 24 ans en FGA, 33 % frquente une cole de la CSDM en 2006-2007 et 13 %, une cole de la CS English Montreal (Carpentier et Santana, 2009, 2010). Chez les lves de la 2e gnration, le MELS value leur proportion 23 % de la clientle issue de limmigration de 16-24 ans la CSDM, et de 13% la CS Lester B. Pearson. En tenant compte des deux gnrations, 30% de lensemble des lves de 16-24 ans issus de limmigration en FGA en 2006-2007 se retrouvent la CSDM.

    Graphique 1. Rpartition de la clientle immigrante de 16-24 ans en FGA selon la commission scolaire*

    pour les personnes de 1re et de 2me gnration en 2006-2007 (MELS) Premire gnration (N= 12 560) Deuxime gnration (N= 5 490)

    Sources : MELS, DRSI, Carpentier et Santana, document de travail, 2009 et 2010. * Les CS identifies sont celles qui ont au moins 250 lves de 1re gnration et au moins 250 lves de 2e gnration de 16-24 ans en 2006-2007. Les donnes varient videmment selon les variables et catgories statistiques utilises : les donnes produites sur la FGA par la CSDM (2007) tiennent gnralement compte de la variable langue et valuaient, pour la priode de 2001-2002 2005-2006, que les allophones reprsentaient 61,3% de leffectif scolaire total en FGA, tous services denseignement

    17 La variable pays de naissance des parents des jeunes ns au Qubec de 2e gnration est gnralement considre au secteur des jeunes et peut tre retrace par le code permanent de llve lorsquil sinscrit en FGA. Cependant, les donnes demeurent partielles cet gard.

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    confondus. Selon ces donnes, plus de 70% des allophones de 16-24 ans taient inscrits en FGA aux 1e et 2e cycles du secondaire durant cette priode. Parmi les jeunes de 16 24 ans en FGA en 2006-2007, on constate dimportantes diffrences dans lge selon les gnrations : les lves de la 2e gnration sont plus nombreux parmi les 16-18 ans dans toutes les commissions scolaires, que ceux de la premire gnration (immigrants souvent nouvellement arrivs) et ceux de la 3e gnration (considrs comme des non-immigrants ).

    Graphique 2. Pourcentage de 16-18 ans parmi les 16-24 ans en FGA en 2006-2007, selon la commission

    scolaire frquente(*)

    Source : MELS, DRSI, Carpentier et Santana, document de travail, 2009 et 2010. * Les CS identifies sont celles ayant au moins 1000 lves issus de limmigration de 16-24 ans en 2006-2007. On constate galement une prsence importante des jeunes dorigine hatienne parmi les 16-24 ans issus de limmigration en FGA en 2006-2007 (tableau 1). Les trois principaux pays de naissances des immigrants en FGA la CSDM en 2006-2007 reprsentent plus du tiers (35%) de la clientle de cette CS. Cette tendance est sans doute attribuable la composition de limmigration des 15 annes avant 2006, qui provenait largement dHati, des pays dAmrique latine et du Maghreb. Cette forte reprsentation des jeunes dorigine hatienne ncessite dtre mieux documente18.

    18 Il serait pertinent de savoir sil sagit surtout de jeunes de premire ou de deuxime gnration, et quel a t leur parcours en FGJ (ex. cote SAF, HDAA ou autres).

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    Tableau 2. Dix principaux pays de naissance des personnes immigrantes de 16-24 ans en FGA

    en 2006-2007, pour lensemble du Qubec et pour la CSDM Ensemble du Qubec CS de Montral 1- Hati 12,3% 1- Hati 15,8% 2- Mexique 6,7% 2- Mexique 14,5% 3- Colombie 5,1% 3- Prou 4,6% 4- Afganistan 3,2% 4- Rp. dmo. du Congo 3,5% 5- Philippines 2,9% 5- Colombie 3,2% 6- Pakistan 2,9% 6- Algrie 3,1% 7- Prou 2,9% 7- Maroc 2,8% 8- Algrie 2,8% 8- Turquie 2,7% 9- Rp. dmo. du Congo 2,7% 9- Philippines 2,4% 10- Chine 2,7% 10- Sri lanka 2,1% Autres 55,8% Autres 45,3% Total (N=12 560) 100,0% Total (N=4 133) 100,0% Source : MELS, DRSI, Carpentier et Santana, document de travail, 2009 et 2010. Ces tendances sont constates dans une tude rcente de McAndrew et al. (2010) sur le cheminement scolaire et la performance de cohortes dlves qubcois de premire et de deuxime gnration issues de limmigration, qui ont commenc leur secondaire en 1998 et en 1999 au secteur francophone. Le tableau 3 indique que la proportion des jeunes originaires des rgions Antilles et Afrique subsaharienne et Amrique centrale et du sud est plus importante se retrouver au secteur des adultes en 2007-2008 que les jeunes des autres rgions. Ces groupes affichent galement les plus hauts taux de dcrochage net.

    Tableau 3 lves de premire et deuxime gnrations selon la rgion dorigine:

    estimation du taux de dcrochage net (cohorte 1998-1999 seulement) (secteur franais)

    Rgion dorigine des lves Diplms en 2005

    (%)

    Diplms en 2006 et 2007

    (%)

    Taux de dcrochage

    brut (%)

    Dpart avant 15 ans

    (%)

    lducation des adultes

    en 2007-2008 (%)

    Taux de dcrochage

    net (%)

    1re et 2e gnrations 63,7 3,4 32,9 5,3 5,9 21,7 Afrique du Nord et Moyen-Orient 72,3 2,6 25,1 4,1 3,1 17,9 Amrique centrale et du sud 55,5 3,8 40,7 5,0 8,0 27,7 Antilles et Afrique subsaharienne 55,2 4,7 40,1 4,8 9,8 25,5 Asie de lEst 77,8 1,9* 20,3 5,3 3,6 11,4 Asie du Sud 46,1 3,6 50,3 15,2 6,4 28,7 Asie du Sud-Est 69,6 2,1 28,3 3,8 5,3 19,2 Europe de lEst 71,3 2,4 26,3 6,5 2,4 17,4 3e gnration ou plus 69,1 4,5 26,4 0,8 4,8 20,8 Ensemble des lves 68,4 4,4 27,2 1,4 5,0 20,8

    *Nombre total dlves infrieurs 10. Source : Tableau 22A de McAndrew et al. (2010) La russite scolaire des jeunes qubcois issus de limmigration au secondaire. Rapport au MELS, aot 2010, p. 59.

  • Potvin et Leclercq, 2010 19

    Les 16-24 ans se concentrent dans certains services de formation en FGA : selon les donnes de la DEAAC du MELS sur les lves ns ltranger en FGA (MELS-Lavigne, 2008 : 7), les 24 ans et moins se retrouvent 69,5% au Second cycle du secondaire en 2006-2007, puis 65,4% dans le service de Prparation aux tudes postsecondaires. Les autres services attirent davantage les 25 ans et plus parmi les jeunes ns ltranger, dont les services de Francisation et de Prparation la formation professionnelle. En effet, le service de francisation, qui reprsente 30,7% des inscriptions chez ces apprenants19, regroupe en majorit (55,8%) des lves gs entre 25 et 39 ans dans cette population (ibid.). Ces donnes sexpliquent par la moins forte proportion de jeunes de 16-24 ans parmi les immigrants rcents en FGA. Les donnes recueillies pour 2008-2009 dans le cadre de lentente MICC-MELS (2010) sur la francisation des immigrants rcents seulement (arrivs depuis 5 ans ou moins dans le systme scolaire qubcois) montrent que parmi lensemble des 35 540 immigrants rcents inscrits en FGA, on retrouve seulement 9983 inscriptions de jeunes de 16 24 ans, soit 28% des immigrants rcents. Prs de 30% de ces jeunes immigrants rcents se retrouvent dans le service de francisation, mais plus d la moiti se retrouve aux 1er et 2e cycles du secondaire. Ils se rpartissaient ainsi selon les 10 services offerts en FGA :

    Tableau 4. Nombre d'inscriptions aux services de la FGA selon l'ge pour les immigrants rcents (depuis

    5 ans ou moins dans le systme scolaire qubcois) 2008-2009.

    Services de la FGA Immigrants

    rcents Immigrants

    rcents Immigrants

    rcents 16-24 ans 25 ans et plus Total Alphabtisation 1022 10,2% 5472 21,4% 6494 18,3% Francisation 2984 29,9% 12180 47,7% 15164 42,7% Intgration sociale 228 2,3% 731 2,9% 959 2,7% Intgration socio-professsionnelle 214 2,1% 1448 5,7% 1662 4,7% Soutien pdagogique 411 4,1% 293 1,1% 704 2,0% Total des inscriptions dans les cinq services (couverts par lentente) 4859 48,6% 20124 78,8% 24983 70,3% Autres services (prsecondaire, 1er et 2e cycles du secondaire, prparation la formation professionnelle et prparation aux tudes postsecondaires) 5134 51,4% 5423 21,2% 10557 29,7% Total des services (FGA) 9993 100,0% 25547 100,0% 35540 100,0%

    Source : MELS, Rapport sur lutilisation de crdits transfrs pour lanne financire 2009-2010. Produit dans le cadre de lEntente MICC-MELS pour favoriser lintgration et la francisation des immigrants, mars 2010. Le service de francisation en FGA a t conu pour permettre lacquisition dhabilets de base en franais oral et crit (MELS-Lacasse, 2010) pour les personnes immigrantes qui sont ou qui vont directement sur le march du travail. Il semble moins sadresser aux 16-24 ans qui poursuivent leur scolarit secondaire et qui ont besoin dune matrise plus acadmique de la

    19 Le service de francisation a accru ses inscriptions depuis quelques annes en raison de lentente conclue cet gard entre le MELS et le ministre de lImmigration et des Communauts Culturelles (MICC).

  • Potvin et Leclercq, 2010 20

    langue denseignement au Qubec20. Au secteur des jeunes (FGJ) dans le secteur franais, les jeunes immigrants de moins de 16 ans peuvent bnficier du Programme d'accueil et de soutien l'apprentissage du franais (PASAF), en recevant la cote SAF, mais ce nest pas le cas des jeunes immigrants de 16-24 ans qui frquentent la FGA, o le PASAF nexiste pas. Cependant, les besoins en francisation pour les jeunes qui poursuivent leur scolarit en FGA nont cess de crotre et la CSDM a dcid de dvelopper un programme de Franais en transition depuis 2006-2007, un type de PASAF pour la FGA21 offert actuellement dans trois CEA. Par ailleurs, selon les donnes de Carpentier et Santana du MELS (2009) pour 2006-2007, sur les 12 560 lves de premire gnration, 7 763 (61,8%) sont passs par la FGJ avant darriver en FGA, et 4 797 (38,2%) sont arrivs directement en FGA22 (Voir graphique 3, ci-aprs).

    Graphique 3.

    Rpartition des lves immigrants de 16-24 ans en fonction du service obtenu en FGA en 2006-2007 et du fait dtre pass ou non par la FGJ, avec ou sans dlai dau moins un an (MELS)

    Sources : MELS, DRSI, Carpentier et Santana, 2009 et 2010. 20 La matrise dune langue seconde pour poursuivre une scolarit ou un parcours acadmique ncessite entre 5 7 ans dapprentissage, selon Cummins (1989). 21 Au secteur des jeunes, en 2007-2008, 17 486 lves du prscolaire, du primaire et du secondaire ont bnfici de ce programme, soit une augmentation globale de plus de 30 % depuis l'anne scolaire 1998-1999. C'est au primaire que l'on compte le plus grand nombre d'lves qui a recours au PASAF (Carpentier et coll., MELS, 2009). 22 Les donnes pour la 2me gnration ne sont, malheureusement, pas disponibles.

  • Potvin et Leclercq, 2010 21

    Parmi ceux-ci, seulement 2 560 (soit 20,4 %) sont passs dun secteur lautre sans dlai dau moins un an et 5 203 (41,4 %) avec dlai (ou en continuit). Ces jeunes se retrouvent principalement au second cycle du secondaire. Les personnes immigrantes de 16-24 ans en FGA en 2006 qui obtiennent les services de francisation ou dalphabtisation sont majoritairement des personnes de premire gnration arrives rcemment au Qubec et nayant jamais frquent la FGJ. Dans les services autres que francisation et alphabtisation, la tendance est inverse : parmi les personnes qui sont passes par la FGJ, environ le tiers sont alles en FGA sans dlai dau moins un an et environ les deux tiers ont vcu une interruption dau moins un an entre les deux secteurs. Le rapport statistique du MELS (2006), qui dresse le Portrait scolaire des jeunes issus de limmigration : de 1994-1995 2003-2004, montre que les lves issus de limmigration au secteur des jeunes sont proportionnellement plus nombreux que lensemble des lves accuser un retard scolaire. Cette diffrence est due au retard scolaire des lves de premire gnration, puisque la proportion dlves de deuxime gnration en retard est moins leve que celle que lon observe pour lensemble des lves (MELS 2006 : 30). Le retard est plus important pour les garons que pour les filles, et plus important pour les lves du secondaire issus des Carabes et Bermudes et de lAmrique Centrale. Enfin, le retard scolaire est plus important parmi les lves nouvellement arrivs que parmi ceux qui nen sont pas leur premire anne dans le systme scolaire qubcois. Pour les lves de 1re gnration, l'ge l'entre dans le systme scolaire qubcois a donc un impact significatif sur la russite scolaire : . Plus les lves de premire gnration arrivent tt dans le systme scolaire qubcois, plus leurs chances de russir augmentent (MELS 2008b : 19), un constat relev aussi par dautres tudes. On peut croire quune assez forte proportion des jeunes de 16-24 ans issus de limmigration, ayant accumul un certain retard scolaire en FGJ en raison de leur passage en classe daccueil (francisation, ou PASAF) et dune arrive tardive dans le systme scolaire qubcois, va se retrouver en FGA. Selon les donnes fournies par la CSDM en 200723, seulement 5% des lves de 16-18 ans ayant pass par des classes de francisation (ayant reu la cote SAF) en 2003-2004 vont rester en FGJ. On peut supposer quils sont nombreux se diriger vers la FGA, souvent en continuit de formation24, mais plus gnralement en ayant interrompu leurs tudes, parfois de quelques mois. la CSDM, les 16-18 ans taient 12% en continuit de formation en 2008, donc passant directement de la FGJ la FGA (CSDM, 2008). Nous navons pas les donnes pour les 18-24 ans. Par ailleurs, certains peuvent continuer leur scolarit en vertu du rgime pdagogique des jeunes en frquentant lcole Marie-Anne ou lcole Eulalie Durocher. Le MELS a effectu une analyse rcente des lves issus de limmigration (de 1re et 2me gnrations) qui ont obtenu la cote SAF au prscolaire et au primaire et qui taient pour une 23 Les donnes fournies par le rseau de la formation gnrale des adultes sont issues dun document intitul : Aspects du portrait des lves gs de 16-18 ans la CSDM . 24 La continuit de formation est dfinie comme l inscription en FGA pendant la mme anne ou lanne suivant labandon de la FGJ (CSDM, 2007).

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    premire fois en secondaire 1 en 2007-2008 (MELS-Carpentier, Sanchagrin et Santana, 2009). Il ressort de cette analyse que 78% des lves ayant reu un service de francisation (la cote SAF) sont lheure (ou sans retard significatif) leur premire anne en secondaire 1, contre 91 % pour les autres lves. La cote SAF est donc associe de plus frquents retards au dbut du secondaire. Cependant, la trs grande majorit des lves ayant reu cette cote entre lheure au secondaire. Cela dit, plus un jeune reoit un service de francisation (cote PASAF) tt dans le systme scolaire, moins il accusera de retard une fois rendu au 1er secondaire (Ibid.). Il existe une forte association entre le moment o a t reu la cote SAF et le retard lentre au secondaire : pour les lves qui ont reu la cote SAF au prscolaire, le pourcentage de retard lentre au secondaire est similaire celui des lves qui nont pas eu la cote SAF (90 %). Pour les lves qui ont reu la cote SAF au primaire, seulement 64% sont lheure leur entre au secondaire. Ltude constate videmment des diffrences selon les gnrations puisque les lves de 2e gnration obtiennent plus souvent la cote SAF au prscolaire que les lves de 1re gnration, qui entrent diffrents ges lcole qubcoise. Ds lors, les lves de 1re gnration qui ont reu la cote SAF au prscolaire ou au primaire sont moins souvent lheure leur entre au secondaire (69,9%) que les lves de 2e gnration ayant aussi reu cette cote au prscolaire ou au primaire (90,1%, soit un pourcentage comparable celui des lves nayant pas reu la cote SAF). Par contre, ceux qui ont reu une cote SAF au secondaire diplment moins en 5e secondaire en 2006-2007 (58,3% contre 77,4 % sans cote SAF), mais ils ne dcrochent pas : un an plus tard, ils redoublent davantage en restant en FGJ (15,1% contre 6,5% sans cote SAF) ou ils se retrouvent plus souvent en FGA (18, 4% contre 9,8%). Parmi les variables les plus importantes est celle du moment d'arrive dans le systme scolaire qubcois : parmi les lves immigrants (1re gnration) de la 5e secondaire en 2004-2005 2006-2007 ayant reu la cote SAF au secondaire, ceux qui sont arrivs depuis 2 ans et moins diplment beaucoup moins lanne suivante (20,4%) que ceux arrivs depuis plus de 2 ans (67,7%), mais ils persvrent toutefois 67,6%. Il apparat normal quun lve immigrant arriv en cours de scolarit secondaire prenne plus de temps pour diplmer, surtout sil matrise peu le franais. Celui-ci a plus de chances daccumuler un certain retard mais il est difficile de dmontrer quel point ce retard nuit la russite scolaire des lves issus de limmigration rcente. Par contre, une tude de Lapointe, Archambault et Chouinard (2008 : vii) rvle que les jeunes qui arrivent 13 ans au secondaire (donc avec un an de retard), pour diverses raisons, ont trois fois moins de chances dobtenir un diplme. Il en va de mme des jeunes dclars comme lves handicaps ou en difficult dadaptation ou dapprentissage (EHDAA). Selon cette tude, seulement 36% des jeunes identifis comme EHDAA au cours de leur parcours scolaire obtiennent un diplme lge de 20 ans (ibid., vii). Or, les jeunes de 16-24 lducation des adultes sont assez nombreux avoir reu des codes HDAA ou dlves risque . Entre 2001-2002 et 2005-2006, les lves en provenance des coles de la CSDM avec un historique de code HDAA reprsentent prs de 16% de leffectif scolaire total de la FGA dans cette Commission scolaire pour ces cinq annes de rfrence (CSDM, 2007). Sur lensemble des lves ayant un

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    historique de code HDAA au cours de ces annes, 83,7% appartenaient au groupe des 16-24 ans et 38% taient allophones (CSDM, 2007). Une tude en cours de Marcotte, Cloutier et Fortin (2008) sur six commissions scolaires dans diffrentes rgions du Qubec (excluant celles de Montral) constatait que jusqu 60% des jeunes de 16-24 ans inscrits la FGA auraient, un moment ou un autre, reu un code EHDAA au secteur des jeunes25. Nous navons pas les donnes permettant de savoir do viennent les jeunes ayant reu des codes EHDAA, et combien parmi eux sont ns au Qubec de parents immigrants (la 2e gnration ). Le retard scolaire accumul, pour diverses raisons relies la migration ou aux effets de systme , explique largement la diplomation tardive de nombreux jeunes issus de limmigration, qui sont souvent plus gs en FGA. Mais la diplomation tardive est un phnomne en croissance au Qubec. Selon les donnes officielles du MELS pour 2007-2008, 72,2% de lensemble des jeunes de moins de 20 ans au Qubec obtiennent un diplme ou une qualification du secondaire (66% les garons et 78,7% les filles), et cest le cas de 15,1% des adultes de 20 ans et plus (15,8% les garons et 14,4% les filles) (MELS, 2009). En 2006-2007, seulement 69,4% des jeunes compltaient leur formation secondaire ou professionnelle avant lge de 20 ans, et 16,8% 20 ans et plus. Le rapport Mnard (Groupe daction sur la persvrance et la russite scolaire au Qubec, 2009 : 9) estimait que parmi le 31% restant :

    les deux tiers sont en situation de dcrochage, soit temporaire, soit dfinitif; lautre tiers nest pas en situation de dcrochage proprement dit puisquil frquente encore lcole, en formation professionnelle ou lducation des adultes.

    Toutefois, la situation se serait lgrement amliore depuis deux dcennies, car le taux dobtention du diplme avant lge de 20 ans naurait pas beaucoup chang, mme si lducation des adultes a contribu diminuer le nombre de dcrocheurs vie , selon le Rapport Mnard (Groupe daction 2009 : 9). En effet, la suite de la Rforme Ryan (1988), qui haussait les exigences de formation gnrale pour laccs une formation professionnelle plus complte, le taux de diplomation des moins de 20 ans avait subi une baisse pendant quelques annes. Par contre, le nombre de jeunes qui sont retourns aux tudes a augment par la suite, le taux de diplomation aprs 20 ans stant accru sensiblement, affichant une tendance soutenue la diplomation tardive. La contribution du secteur des adultes la dlivrance des diplmes du secondaire serait plus importante au Qubec que dans les autres systmes dducation de lAmrique du Nord (MELS, 2007). Dans ce secteur, plus de 10 000 personnes y obtiennent un DES annuellement, un peu plus de 20 000 sy inscrivent pour obtenir des pralables et accder la formation professionnelle et 20 000 autres, souvent titulaires du DES, y suivent des cours pour aller aux tudes postsecondaires (MELS, 2009). Par contre, jusqu tout rcemment en FGA, seul le taux de diplomation parmi les sortants du deuxime cycle du secondaire tait considr comme un indicateur prcis . Selon cet indicateur, en 2001, par exemple, seulement 13% des adultes en FGA, tous programmes confondus, ont termin avec un diplme, et seulement 45% des adultes aux cycles secondaires 25 Cette tude ne distingue pas les jeunes issus de limmigration (1re et 2me gnrations) des non-immigrants.

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    ont termin avec un diplme de second cycle (MELS-DRSI, 2003, cit par Blanger et coll., 2007). De mme, en 2006-2007, le taux de diplomation du secondaire26 est estim 16,6% pour tous les services denseignement confondus, donc 83,4% abandonnent sans diplmes, sans revenir pendant les deux annes suivantes (MELS-Lacasse, 2010). Au second cycle du secondaire, les 20 ans et moins diplment davantage que lensemble des groupes dge (64,5% contre 52,8% en 2006-2007). Mais de nouveaux indicateurs sont en dveloppement afin de tenir compte des particularits de la FGA. Par exemple, en FGA, les services de formation ne mnent pas tous une qualification ou une diplomation, mme sils peuvent tre russis par un apprenant, qui continue de progresser dans son parcours et atteint ses objectifs. Cest le cas, par exemple, des services dIntgration sociale, du Soutien pdagogique, dAlphabtisation ou de Francisation. Pour cette raison, des indicateurs dinterruption, de persvrance, de diplomation et de russite scolaires sont actuellement en dveloppement au MELS (MELS-Lacasse, 2010), afin de tenir compte : de la dfinition de chacun des services denseignement dans le rgime pdagogique ; des motifs de dpart mentionns par les lves ; du cheminement des lves lanne suivante.

    Par exemple, selon le service denseignement, le taux de russite correspond au nombre de personnes dont le cheminement lanne suivante indique, soit: Lobtention dun diplme durant lanne ou lanne suivante ; Le passage au service denseignement suivant (progrs); La dclaration par ladulte de la russite de ses objectifs.

    Selon cet indicateur, le taux de russite en 2006-2007 pour le Second cycle du secondaire tait de 35,4%, de 60,5% pour la Prparation aux tudes postsecondaires, de 60,9% pour le Soutien pdagogique (ENTFOR), etc. Le nouveau taux de diplomation parmi les sortants du second cycle du secondaire mesure le nombre de personnes ayant obtenu une qualification durant lanne ou lanne suivante parmi toutes les personnes qui ont quitt les tudes et celles qui ont reu une qualification. En 2006-2007, le taux tait de 47,7%. Pour sa part, le taux de persvrance correspond, selon le service denseignement, au nombre de personnes qui : poursuivent dans le mme service lanne suivante ou, sont inscrites dans un service denseignement autre sans tre le suivant ou retournent au secteur des jeunes.

    26 En FGA, le taux de diplmation est calcul, actuellement, en tenant compte des retours effectus dans les deux ans suivants lanne analyse. Tous les diplmes du secondaire sont considrs. La proportion des diplms est calcule en divisant le nombre de diplms par le nombre de (diplms + les sortants sans diplmes).

  • Potvin et Leclercq, 2010 25

    Pour le service du second cycle du secondaire, le taux de persvrance tait de 38% en 2006-2007, de 56,1% en Intgration sociale, etc. Mais en tenant compte la fois du taux de persvrance et de russite (la somme de ces deux taux), ont constate, pour le Second cycle du secondaire en 2006-2007, par exemple, un taux de 73,4%, ce qui signifie que le taux rel de dcrochage ou dabandon serait seulement de 26,6%, un taux semblable celui qui prvaut au secteur des jeunes. Ce 26,6% correspond au taux dinterruption, cest--dire la proportion de personnes qui ont quitt les tudes et qui napparaissent dans aucun rseau denseignement (public ou priv) lanne suivante. Le taux dinterruption varie dun groupe dge lautre et dun service de formation lautre (MELS-Lacasse, 2010). En 2006-2007, cest dans les services de formation Prsecondaire (46,8 %), 1er secondaire (43,3 %), Alphabtisation (42,7%) et Francisation (41,4%) que la proportion dinterruptions est la plus leve (Ibid.). Ces nouveaux indicateurs, et le parcours de nombreux jeunes issus de limmigration, tmoignent du fait que la non-diplomation ( 24 ans et moins) et le dcrochage ne sont pas quivalents, ni mme parfois relis, mme sils sont souvent amalgams dans le dbat sur le dcrochage et la russite scolaires. La dfinition et la mesure du dcrochage ne font pas encore consensus, et les donnes statistiques varient normment selon que lon tient compte soit de larrt des tudes pendant un an, deux ans, ou plus, soit du nombre dannes pour terminer les tudes secondaires, soit de lge lobtention dun diplme dtudes secondaires ou soit, encore, de la prsence au secondaire lge de 17 ans !27 Les chercheurs qualifient gnralement le dcrochage scolaire de processus complexe, marqu par un retrait graduel de lcole et li une multitude de facteurs personnels, familiaux, scolaires et sociaux en interaction (Bowlby et McMullen, 2002) qui donnent lieu diffrents types de dcrocheurs (Janosz et c