7/25/2019 Tous guignols de l'infotainment ?

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LE VIF / 53

par Nicolas Baygert/

DconstructionsCharg de cours lIhecset matre de confrences lULB.

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TOUS GUIGNOLS DE LINFOTAINMENT ?

Se risquant une fois encore quitter sasafe room, JolleMilquet (CDH) a cru bon de jeter un pav dans lamare aux mdias. La ministre de lEducation reproche

une quipe de la RTBF davoir enregistr une conversationprive avec Andr Antoine son insu. La presse, dit-elle,dpasse les limites. Il serait impratif de revoir la donto-logie journalistique . En ligne de mire : linfotainment, cesulfureux mlange des genres de plus en plus pris.

Linfotainmenta en effet le vent en poupe : des programmeshybrides, juxtaposant squences srieuses et pauseshumoristiques songeons au portrait caustique, rebrousse-poil de Johanne Montay, prcdant linterview deJeudien prime (RTBF) ou une subversion totaledu dispositif comme le propose Le Petit Jour-nal(Canal+). La transgression est marquepar le ton impertinent ou familier utilis ;une volont de casser les codes , dter tout

filtre, toute distanciation superflue. Le butrecherch est, avant tout, de percer le murde lindiffrence lgard dune informationpolitique peu aguichante et doffrir descls de lecture aux plus jeunes. Un desseinlouable, donc.

Mais comme stratgie de captation despublics, linfotainmentuse volontiers dunevulgarisation dramatise. Objectif : produiredes moments de tlvision , voire des drapages comme autant de squencespropices au buzz en ligne, comme le constatesi souvent Jolle Milquet. De mme, linfo-

tainment se traduit par une gnralisationdu LOL (la drlerie dans le jargon inter-naute) souvent aux dpens du politique,sujet de moquerie. Il est ainsi dmasqu dans ses contra-dictions ou ses bassesses. Une extension du domaine dela farce dans laquelle llu se voit clou au pilori ce mmelu, dhabitude friand dmissions de divertissement luipermettant de lisser son image, dtendre sa base en tantquepeople comme les autres.

Quid de la dontologie ? Libert de la presse oblige, latransgression est toujours payante : Elle lave le pcheurde toute faute , estime Patrick Charaudeau (1). Ces d-veloppements sont pourtant loin dtre sans consquencessur les rapports entre journalistes et lus.

Linformation politique est le rsultat dun processuscollaboratif. Sans mise en forme (le travail de communicants,attachs de presse ouspin doctors) et sans reprise (le travaildes journalistes), la parole politique resterait lettre morte.Ainsi, davantage quun rapport de force, il sagit en ralitdune cononciation. Cette relation repose sur une loyautimplicite: un contrat de confiance permettant le fameuxoff the record( micro ferm), les sources anonymes et autresespaces de respiration concds aux mandataires. Or,dsormais, on est dans une totale transformation de lapresse, une conversation prive peut vous tre vole etdiffuse ensuite la tlvision , regrette Jolle Milquet.

A terme, la dynamique transgressive menace de dbouchersur une mfiance gnralise. Voyant leurs confidences

jetes en pture au grand public, le risque dun recours prventif la langue de bois, au verbe vide, est bienrel. Une parole politique mise en coupes rgles par lescommunicants. Tanguant entre journalisme de complaisanceet journalisme de dfiance, les mdias ne pourront queconstater ce dtachement progressif.

(1) Les mdias et linformation. Limpossible transparence

du discours, par Patrick Charaudeau, De Boeck-Ina, 2011.

N 4 / 29 janvier 2016

JOLLE MILQUETa jet un pav dans

la mare aux mdias.FRD

RICSIERAKOWSKI/ISOPIX