TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

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TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION 10 décembre 2021

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10 décembre 2021

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Sommaire

1 Nombres, nombres réels et fonctions continues d’une variable réelle 5

1.1 Fonctions, ensembles et logique élémentaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51.2 Les différents ensembles de nombres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71.3 Propriétés fondamentales de l’ensemble des nombres réels . . . . . . . . . . . . 81.4 Séries à termes positifs, séries absolument convergentes . . . . . . . . . . . . . . 111.5 Fonctions continues d’une variable réelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131.6 Intégration des fonctions continues sur un intervalle borné . . . . . . . . . . . . 18

2 Une introduction à l’intégrale de Lebesgue 21

2.1 Définition axiomatique de l’intégrale de Lebesgue . . . . . . . . . . . . . . . . . 212.2 L’espace des fonctions intégrables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232.3 Exemples de fonctions intégrables et non intégrables . . . . . . . . . . . . . . . 262.4 Outils de calculs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

3 Théorie de la mesure 29

3.1 Mesure de Lebesgue d’une partie de Rd . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 293.2 Ensembles de mesure nulle et notion de presque partout . . . . . . . . . . . . . 30

4 Espaces métriques et espaces vectoriels normés 35

4.1 Définition d’une distance et d’une norme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 354.2 Exemples de normes sur les espaces de suites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 394.3 Exemples de normes en dimension infinie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 414.4 Le cas particulier des espaces de fonctions intégrables . . . . . . . . . . . . . . . 44

5 Topologie des espaces métriques 49

5.1 Suites convergentes et fonctions continues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 495.2 Notion d’ouverts et de fermés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 505.3 Adhérence, intérieur, frontière et parties denses . . . . . . . . . . . . . . . . . . 545.4 Suites de Cauchy, complétude et espace de Banach . . . . . . . . . . . . . . . . 55

6 Compacité 61

6.1 Définition et propriétés générales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 616.2 Compacité dans les espaces vectoriels de dimension finie . . . . . . . . . . . . . 636.3 Brève évocation du cas de la dimension infinie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66

7 Espaces de Banach et applications linéaires continues 67

7.1 Applications linéaires continues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 677.2 Les applications linéaires continues de E dans E . . . . . . . . . . . . . . . . . 707.3 Quelques exemples de calcul de normes de matrices . . . . . . . . . . . . . . . . 72

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7.4 Une application de la notion d’espace complet : l’exponentielle de matrices . . . 75

8 Espaces de Hilbert 79

8.1 Produit scalaire, orthogonalité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 798.2 Quelques rappels de géométrie euclidienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 828.3 Projection orthogonale en dimension infinie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 848.4 Séries orthogonales, bases hilbertiennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 878.5 L’espace L2(A) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89

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Chapitre 1

Nombres, nombres réels et fonctions

continues d’une variable réelle

Introduction

Le but de ce bref chapitre est de présenter les différents ensembles de nombres, notammentles nombres entiers, les nombres rationnels et les nombres réels ainsi que des résultats sur lesfonctions continues d’une variable réelle. On y présente également la théorie de l’intégrationdes fonctions continues par morceaux sur un intervalle fermé borné.

Si pour certains lecteurs, ce chapitre peut apparaître comme essentiellement constitué derappels, il est toutefois fortement recommandé de l’étudier avec grand soin car les notions quiy sont exposées sont fondamentales pour la compréhension de la suite du cours.

1.1 Fonctions, ensembles et logique élémentaire

Le but de cette section est de rappeler quelques notions de base qui sont constammentutilisées et qui doivent donc être bien maîtrisées. Commençons par les notions relatives auxapplications d’un ensemble X dans un ensemble Y . Une application f d’un ensemble X dansun ensemble Y est définie par son graphe qui est une partie Gf du produit X ⇥ Y telle que,pour tout x de X, il existe un unique y de Y tel que (x, y) appartienne à Gf ; ce point y de Yest la valeur de f au point x. Autrement dit, on peut écrire

Gf =�(x, f(x)) , x 2 X

.

Exemple Les fonctions caractéristiques d’ensemble. Plus précisément, soit X un ensembleet A une partie de X, la fonction caractéristiques de A, notée 1A est la fonction définie par

1A

⇢X �! Rx 7�! 0 si x 62 A , 1 si x 2 A

.

Exercice 1.1.1. Démontrer que 1A + 1B = 1A\B + 1A[B .

Rappelons les définitions des fonctions injectives, surjectives et bijectives.

Définition 1.1.2. Soit f une application de X dans Y .— On dit que f est injective si et seulement si

8(x, x0) 2 X2 , f(x) = f(x0) =) x = x0.

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— On dit que f est surjective si et seulement si

8y 2 Y , 9x 2 X / y = f(x) .

— On dit que f est bijective si et seulement si f est injective et surjective c’est-à-dire si

8y 2 Y , 9!x 2 X / y = f(x).

Exemples En tant que fonction de R dans R, la fonction x 7! x3 est bijective, la fonction x 7!

e�x est injective et pas surjective, la fonction x 7! (x�1)(x2�4) est surjective et pas injective,la fonction x 7! x2 n’est ni injective ni surjective.

Il est à noter que les propriétés d’injectivité et de surjectivité dépendent fortement du"choix" des ensembles X et Y comme le montre l’exercice suivant.

Exercice 1.1.3. Qu’en est-il des propriétés d’injectivité et de surjectivité des fonctions ci-dessus si X = R+ et Y = R ?

Nous allons maintenant définir les notions d’image et d’image réciproque d’un ensemblepar une fonction.

Définition 1.1.4. Soient f une application de X dans Y , A une partie de X et B une partiede Y . On définit

f(A)déf=�y 2 Y / 9x 2 A/ y = f(x)

et f�1(B) =

�x 2 X / f(x) 2 B

.

Proposition 1.1.5. Soient f une application de X dans Y , A une partie de X et B une partiede Y . On a

f(f�1(B)) = B \ f(D) et f�1(f(A)) =�x 2 D/ 9a 2 A/ f(x) = f(a)

.

Démonstration. Si y appartient à B \ f(X), par définition de f(X), il existe un élément xde X tel que l’on ait y = f(x). Par définition, x appartient à f�1(B) et f(x) = y. Donc yappartient à f(f�1(B)). Réciproquement, si y appartient à f(f�1(B)), il existe x appartenantà f�1(B) tel que y = f(x). Le fait que x appartienne à f�1(B) signifie exactement que yappartient à B. Donc y appartient à B \ f(X).

Démontrons la seconde égalité. Soit x tel qu’il existe a dans A tel que f(x) = f(a). Celasignifie exactement que x appartient à f�1(f(A)). Si x appartient à f�1(f(A)), il existe unélément b = f(a) de f(A) tel que f(x) = f(a). D’où la proposition.

Remarque 1.1.6. La proposition 1.1.5 ci-dessus implique que

f(f�1(B)) ⇢ B et A ⇢ f�1(f(A)) . (1.1)

Exercice 1.1.7. Trouver une condition nécessaire et suffisante pour que

8B ⇢ Y , f(f�1(B)) = B .

Trouver une condition nécessaire et suffisante pour que

8A ⇢ X , f�1(f(A)) = A .

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Pour conclure cette section, faisons une digression sur la notion de contraposition. Leraisonnement par contraposition est basé les cas de validité de l’assertion

(A) a) =) b).

Cette assertion est vraie dans les trois cas suivants :— si a) est faux et b faux— si a) est faux et b) vrai.— si a) et b) sont vrais.La contraposée de (A) est

(CA) non b) =) non a).

Examinons les cas où (CA) est vraie : elle l’est dans les trois cas suivants— si non b) est faux ,— si non b) faux et non a vrai.— si non b) est vrai et non a) est vrai.(A) et (CA) sont donc vraies et fausses ensemble ; elle sont donc équivalentes.Il arrive parfois que l’énoncé a) ) b) soit donné car c’est le plus parlant mais qu’il soit

plus facile de démontrer la contraposée, c’est-à-dire non b) ) non a). Un excellent exempleest donné par la démonstration du théorème 1.5.3.

1.2 Les différents ensembles de nombres

L’ensemble des nombres entiers positifs noté N est un ensemble infini 1 totalement ordonné,muni de la loi d’addition et de la loi de multiplication. Cet ensemble vérifie de plus la propriétésuivante :

"toute partie non vide admet un plus petit élément"C’est cette propriété qui fonde le raisonnement par récurrence.

L’ensemble Z est l’ensemble des entiers dits relatifs (c’est-à-dire positifs ou négatifs) quiest obtenu en considérant les couples (n+, n�) d’entiers positifs et en identifiant les coupleslorsque (n+, n�) et (n0

+, n0�) tels que

n+ + n0� = n� + n0

+.

Intuitivement, on considère les nombres de type n+ � n�. Ceci sera formalisé par le conceptde relation d’équivalence que nous verrons en détail dans la section 4.4.1.

L’ensemble Q des nombres rationnels est obtenu en considérant les couples d’entiers rela-tifs (p, q) tels que q soit non nul. On identifie alors deux couples (p, q) et (p0, q0) lorsque

pq0 = p0q .

Intuitivement, on considère les nombres du typep

Cet ensemble Q est insuffisant pour résoudre beaucoup de problèmes mathématiques, mêmeles plus élémentaires comme par exemple la longueur de la diagonale d’un carré de longueur 1.

1. Un ensemble infini est un ensemble non vide qui est en bijection avec une partie stricte de lui-même

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En effet le théorème de Pythagore affirme que la diagonale d’un rectangle dont la longueur descôtés est a et b est

pa2 + b2. Supposons que le rectangle soit un carré de côté 1. Le théorème

de Pythagore affirme que la longueur doit être le nombre positif dont le carré est 2. Commel’affirme la proposition suivante, un tel nombre n’existe pas dans Q.

Proposition 1.2.1. Il n’existe pas de couple d’entiers positifs (p, q) tel que⇣pq

⌘2= 2.

Démonstration. On raisonne par l’absurde en supposant qu’il existe deux entiers positifs pet q, que l’on peut supposer premiers entre eux, tels que p2 = 2q2. On en déduit que p2 donc pest pair. Ainsi on trouve que

p2 = (2kp0)2 = 22kp02 = 2q2.

Comme k est différent de 0, on trouve que q2 = 22k�1p02 est pair et donc q aussi. Ceci estcontradictoire avec l’hypothèse que p et q sont premiers entre eux.

Remarque de logique Le raisonnement par l’absurde est souvent confondu avec le raison-nement par contraposition alors qu’ils sont de nature différente. Ci-dessus, nous avons fait unehypothèse (

p2 est un nombre rationnel) pour aboutir à une propriété fausse (ici un nombre

pair égal à un nombre pair).L’ensemble des nombres rationnels s’avère insuffisant pour les besoins de la géométrie et

de l’analyse et doit donc être étendu à un ensemble beaucoup plus grand, l’ensemble desnombres réels, noté R. La construction mathématique rigoureuse de cet ensemble et longue etconceptuellement assez difficile ; elle sort tout-à-fait du cadre de ce cours.

1.3 Propriétés fondamentales de l’ensemble des nombres réels

Définition 1.3.1. Soit A une partie de R, un majorant (resp. un minorant) de A est unnombre réel M tel que pour tout a dans A, on ait a M (resp. a � M). La borne supérieure(resp. inférieure) de A est – lorsqu’elle existe – le plus petit des majorants de A (resp. le plusgrand des minorants). On la note alors supA (resp. inf A).

Le théorème suivant est intimement lié à la construction de l’ensemble des nombres réelset peut être vu comme un axiome. Sa démonstration est omise.

Théorème 1.3.2 (Propriété de la borne). Toute partie non vide majorée de R admet uneborne supérieure. De même, toute partie non vide minorée admet une borne inférieure.

L’ensemble Q des nombres rationnels n’a pas la propriété de la borne. Par exemple l’en-semble A

déf= {x 2 Q : x2 � 2} est de tout évidence non vide et minoré, mais n’a pas de borne

supérieure dans Q.

Exercice 1.3.3. Démontrer que la suite définie par

xn+1 = xn �x2n � 2

2xnet x0 = 2

contredit l’existence d’une borne inférieure pour l’ensemble A défini ci-dessus.Indication Pour la suite un

déf= x2n � 2 on démontrera que

8n 2 N , un > 0 et un+1 <1

4un .

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Définition 1.3.4. On dit qu’une suite (xn)n2N de nombre réels converge vers un réel x lorsque

8" > 0 , 9n" 2 N , 8n � n" , xn 2]x� ", x+ "[ .

Exemples Les suites (n�1)n2N et (an)n2N convergent vers 0 si |a| < 1. Les suites (n)n2Net ((�1)n)n2N ne sont pas convergentes. La suite (xn)n2N de l’exercice 1.3.3 converge vers

p2.

Proposition 1.3.5 (Suites maximisantes). Soit A une partie non vide majorée de R et m unmajorant de A. Se valent :

i) m = supA ;ii) il existe une suite (an)n2N d’éléments de A qui converge vers m.

Démonstration Commençons par démontrer que i) implique ii). Par définition de la bornesupérieure, pour tout n de N on dispose de an dans A tel que m� 1/n an m.

Démontrons maintenant que ii) implique i). Soit m0 < m, d’après ii), pour n assez grandon a an > m0. Donc m0 n’est pas un majorant et m est donc bien le plus petit d’entre eux. 2

Théorème 1.3.6. Dans R, toute suite croissante majorée est convergente et toute suite dé-croissante minorée l’est également.

Démonstration Soit (xn)n2N une telle suite. L’ensemble Adéf= {xn , n 2 N} est majoré et

admet donc une borne supérieure que l’on désigne par m. Soit " un réel, par définition de laborne supérieure, on dispose d’un entier n" tel que xn" > m� ". La suite est croissante ; ainsiavons nous

8n � n" , xn > m� "

ce qui veut dire que |m�xn| est strictement inférieur à " pour n supérieur ou égal à n". Doncla suite (xn)n2N converge vers m. La démonstration est analogue pour les suites décroissanteminorée. 2

Remarque La limite d’une suite croissante majorée est la borne supérieure de l’ensemble desvaleurs de la suite. De même, la limite d’une suite décroissante minorée est la borne inférieurede l’ensemble des valeurs.

Théorème 1.3.7 (Segments emboîtés). Soient (an)n2N et (bn)n2N deux suites réelles tellesque [an+1, bn+1] ⇢ [an, bn] pour tout entier n. Alors les deux suites (an)n2N et (bn)n2N sonttoutes les deux convergentes vers des réels a et b vérifiant de plus

\

n2N[an, bn] = [a, b].

Si de plus limn!1

bn � an = 0 (on parle dans ce cas de suites adjacentes), alors a = b et l’inter-section précédente est donc un singleton.

Démonstration L’hypothèse de départ assure que les deux suites sont monotones et bornées :elles convergent respectivement vers leur borne supérieure pour la suite (an)n2N et inférieurepour la suite (bn)n2N. Ainsi donc [a, b] ⇢ [an, bn] pour tout n ce qui signifie exactement que

[a, b] ⇢\

n2N[an, bn].

Réciproquement si x appartient à l’intervalle [an, bn] pour tout entier n, alors comme a est laborne supérieure de l’ensemble des valeurs de la suite (an)n2N, on a donc x � a. De même x b.Le cas des suites adjacentes est immédiat à traiter. 2

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Nous allons maintenant définir la notion de suite extraite.

Définition 1.3.8. On appelle fonction d’extraction une fonction strictement croissante de Ndans N. Soit (xn)n2N une suite de nombres réels. On appelle suite extraite de la suite (xn)n2Nune suite de la forme (x'(n))n2N.

Exemples Les fonctions '(k) = 2k, '(k) = 2k + 1 ou bien '(k) = 2k sont des fonctionsd’extraction.

Exercice 1.3.9. 1) Démontrer par récurrence que toute fonction d’extraction ' vérifie

8n 2 N , '(n) � n . (1.2)

2) En déduire que si la suite (xn)n2N converge vers `, alors toute suite extraite convergevers `.

L’extraction est un procédé qui permet de "transformer" (quand c’est possible) une suitequi ne converge pas en une suite convergente. Par exemple considérons la suite

xn = (�1)n

Cette suite ne converge pas. Cependant considérons les deux fonctions d’extraction

'1(n) = 2n et '2(n) = 2n+ 1

Dans ce cas x'1(n) = 1 et x'2(n) = �1.

Théorème 1.3.10 (Bolzano-Weierstrass). Toute suite bornée de nombres réels admet unesous-suite convergente.

Démonstration Soit (xn)n2N une suite bornée, c’est-à-dire une suite telle qu’il existe M telque, pour tout entier n, on ait |xn| M . Ceci implique que les valeurs de la suite sont toutesdans un intervalle [a0, b0]. Nous allons suivre la méthode dite de la dichotomie pour définirla fonction d’extraction '. Voici ce dont il s’agit. On pose tout d’abord '(0) = 0. Ensuite onécrit que

[a0, b0] =ha0,

a0 + b02

i[

ha0 + b02

, b0i.

S’il existe une infinité d’indice m tels que

xm 2

ha0,

a0 + b02

i,

on pose a1 = a0, b1 =a0 + b0

2et '(1) est le plus petit des entiers m strictement positifs tels

que xm appartienne à [a1, b1]. S’il n’existe qu’un nombre fini d’indices m tels que

xm 2

ha0,

a0 + b02

i,

alors il existe une infinité d’indices m tels que

xm 2

ha0 + b02

, b0i.

On pose alors a1 =a0 + b0

2, b1 = b0 et '(1) est le plus petit des entiers m strictement positifs

tels que xm appartienne à [a1, b1].On itère ce raisonnement en faisant une construction par récurrence. Supposons construites

les suites (ap)0pn, (bp)0pn et ('(p))0pn telles que

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— ap est croissante, bp décroissante et '(p) strictement croissante,— bp � ap = (b� a)2�p,— x'(p) appartient à [ap, bp],— il existe une infinité d’indice m tel que xm appartienne à [an, bn],

S’il existe une infinité d’indices m tels que

xm 2

han,

an + bn2

i,

on pose an+1 = an, bn+1an + bn

2et '(n+1) est le plus petit des entiers m strictement supérieurs

à '(n) tels que xm appartienne à [an+1, bn+1]. S’il n’existe qu’un nombre fini d’indice m tels que

xm 2

han,

an + bn2

i,

alors il existe une infinité d’indice m tels que

xm 2

han + bn2

, bni.

On pose alors an+1 =an + bn

2, bn+1 = bn et '(n+1) est le plus petit des entiers m strictement

supérieurs à '(n) tels que xm appartienne à [an+1, bn+1]. Nous avons ainsi défini par récurrenceune suite croissante (an)n2N, une suite décroissante (bn)n2N et une fonction d’extraction ' tellesque

— la différence bn � an vaut (b� a)2�n,— le terme x'(n) appartient au segment [an, bn].

Le théorème 1.3.7 implique que les deux suites (an)n2N et (bn)n2N converge vers une mêmelimite `. Comme x'(n) appartient au segment [an, bn], la suite (x'(n))n2N converge elle aussivers ` et le théorème de Bolzano-Weierstrass est ainsi démontré. 2

Remarque La suite (n)n2N n’admet pas de sous suite convergente car la distance de deuxtermes distincts de la suite est supérieure ou égale à 1.

1.4 Séries à termes positifs, séries absolument convergentes

Dans cette section, nous nous intéressons à la convergence de suite particulières, ditesséries, qui sont les suites (SN )N2N du type

SN

déf=

NX

n=0

an

En fait, toute suite peut se mettre sous cette forme. En effet, soit (xn)n2N une suite de nombresréels, on peut écrire

xN � x0 =N�1X

n=0

an avec andéf= xn+1 � xn .

Toutefois, le point de vue "série" donne une vision différente des résultats de convergence surles suites.

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Intéressons nous tout d’abord aux séries à termes positifs. Soit (an)n2N une suite de réelspositifs. Il est clair que la suite (SN )N2N définie par

SN

déf=

NX

n=0

an

est une suite croissante de réels positifs. On est alors face à l’alternative suivante :" ou bien la suite (SN )N2N est majorée ou bien la suite (SN )N2N n’est pas majorée "Si la suite croissante (SN )N2N est majorée, alors elle converge dans R+ vers une limite

réelle S ; si elle n’est pas majorée, cela signifie que pour tout réel strictement positif A, ilexiste un entier NA tel que

SNA =NaX

n=0

an � A .

Les termes an étant positifs et donc la suite (SN )N2N croissante, on a

8N � NA , SN =NX

n=0

an � A

ce qui signifie exactement que la suite (SN )N2N tend vers l’infini. En ce sens, la suite (SN )N2Nconverge toujours. On introduit alors l’ensemble R+ qui sera très utile dans les chapitressuivants sur la théorie de l’intégration de Lebesgue et sur la théorie de la mesure. L’idéeconsiste à rajouter un point appelé l’infini et noté +1 à l’ensemble R+ des réels positifs

Définition 1.4.1. On pose R+ def= [0,+1[[{+1} et on introduit les lois de somme et de

produit suivantes qui complètent les lois d’ordre, de somme et de produit sur R+ :

8x 2 R+, x +1

8x 2 R+, x+ (+1) = +1+ x = +1 et

8� 2 R+\ {0} , �⇥ (+1) = +1⇥ � = +1 .

(1.3)

Pour toute suite (an)n2N de nombres positifs on poseX

n2Nan = lim

N!1SN = S dans R+

.

Notons que le produit 0⇥(+1) n’est pas défini. Si l’on pense en termes de limite de suites,un tel produit est ce que l’on appelle classiquement une forme indéterminée.

Nous allons maintenant définir la notion de série absolument convergente.

Définition 1.4.2. Soit (an)n2N une série de nombres réels. On dit que la série (an)n2N estabsolument convergente si et seulement si la suite de nombres positifs (|an|)n2N converge c’est-à-dire si X

n2N|an| 2 R+ .

Le point important est que les séries absolument convergentes sont convergentes.

Proposition 1.4.3. Une série (an)n2N absolument convergente est convergente.

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Démonstration. Écrivons que

an = a+n � a�n avec a+ndéf= max{an, 0} et a�n

déf= �min{an, 0}.

Les deux séries à termes positifs (a+n )n2N et (a�n )n2N sont convergentes car a+n + a�n = |an|.Elles sont donc toutes deux convergentes et donc an aussi.

Exercice 1.4.4. Discuter la convergence des séries

(an)n2N avec a 2]0,1[ et⇣ 1

(n+ 1)↵

n2Navec ↵ 2]0,1[ .

1.5 Fonctions continues d’une variable réelle

Définition 1.5.1. Soit x un point d’une partie X de R. Une fonction f de X dans R estcontinue au point x si et seulement si

8" > 0, 9↵" > 0 /�x0 2 X et |x0 � x| < ↵"

�=) |f(x0)� f(x)| < ".

Proposition 1.5.2. La somme et le produit de deux fonctions continues est une fonctioncontinue. La composée de deux fonctions continues est aussi une fonction continue.

Théorème 1.5.3 (de Heine). Toute fonction f continue sur un intervalle fermé borné [a, b] àvaleurs dans R est bornée, c’est-à-dire

9M > 0 / 8x 2 [a, b] , |f(x)| M .

De plus, elle atteint ses bornes, c’est-à-dire qu’il existe deux réels xm et xM de l’intervalle [a, b]tels que

f(xm) = infx2[a,b]

f(x) et f(xM ) = supx2[a,b]

f(x)

et enfin est uniformément continue, c’est-à-dire

8" > 0 , 9↵" > 0 / |x� x0| ↵" =) |f(x)� f(x0)| < " .

Démonstration Pour démontrer la première assertion, on procède par contraposition. Sup-posons que la fonction f ne soit pas bornée. Par définition, cela signifie que pour tout réelstrictement positif A, il existe un élément x de l’intervalle [a, b] tel que |f(x)| soit supérieurou égal à A. En choisissant A = n, on en déduit l’existence d’une suite (xn)n2N d’éléments del’intervalle [a, b] telle que

8n 2 N , |f(xn)| � n.

D’après le théorème de Bolzano-Weierstrass, il existe une fonction d’extraction ' et un élé-ment ` de l’intervalle [a, b] tels que

limn!1

x'(n) = ` .

Il existe donc un point `, une suite exn = x'(n) tendant vers ` et telle que f(exn) ne converge pasvers f(`) puisque |f(exn)| n’est pas bornée. Ceci implique que la fonction f n’est pas continueen `.

13

Page 14: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Pour démontrer que les bornes supérieures et inférieures sont atteintes, on utilise une suiteminimisante (xn)n2N et une suite maximisante (exn)n2N (voir la proposition 1.3.5), c’est-à-diredeux suites et telles que

limn!1

f(xn) = infx2[a,b]

f(x) et limn!1

f(exn) = supx2[a,b]

f(x) .

D’après le théorème de Bolzano-Weierstrass 1.3.10 il existe deux fonctions d’extraction '1

et '2 et deux points xm et xM telles que

limn!1

x'1(n) = xm et limn!1

ex'1(n) = xM .

La fonction f étant continue, on a

limn!1

f(x'1(n)) = f(xm) = infx2[a,b]

f(x) et limn!1

f(ex'2(n)) = f(xM ) = supx2[a,b]

f(x).

D’où le deuxième assertion.Comme pour la première assertion, nous allons procéder par contraposition. Si la fonction f

n’est pas uniformément continue, cela implique que

9"0 > 0 , 8↵ > 0 , 9(x↵, x0↵) 2 [a, b]2 / |x↵ � x0↵| < ↵ et |f(x↵)� f(x0↵)| � "0 .

En appliquant cela avec ↵ = 2�n, on en déduit l’existence de deux suites (xn)n2N et (x0n)n2Ntelles que

|xn � x0n| < 2�n et |f(xn)� f(x0n)| � "0 .

D’après le théorème de Bolzano-Weierstrass, il existe une fonction d’extraction ' et un point `de l’intervalle [a, b] tels que

limn!1

x'(n) = ` .

Vu que |xn � x0n| < 2�n, ceci implique que la suite (x0'(n))n2N converge elle aussi vers `.

L’inégalité triangulaire implique que

"0 |f(x'(n))� f(x0'(n))| |f(x'(n))� `|+ |`� f(x0

'(n))| .

Ceci implique que

|f(x'(n))� `| �"02

ou bien |f(x0'(n))� `| �

"02

donc la fonction f n’est pas continue en `. 2

Ce théorème a de très nombreuses applications. Nous allons en établir deux qui seronttrès utiles dans la suite. Tout d’abord, nous allons démontrer que l’on peut approximer toutefonction continue par des polynômes. Plus précisément, nous avons le théorème suivant dontnous présentons la démonstration à titre culturel.

Théorème 1.5.4 (de Bernstein). Soit f une fonction continue sur l’intervalle [0, 1] à valeursdans R ou C. La suite de fonctions (Sn(f))n2N définie par

Sn(f)(x)def=

nX

k=0

f⇣kn

⌘Ck

n xk(1� x)n�k avec Ck

n

def=

n!

k!(n� k)!·

converge uniformément vers f sur l’intervalle [0, 1] ce qui signifie que

8" > 0 , 9n" / 8n � n" , 8x 2 [0, 1] , |f(x)� Sn(f)| < " .

14

Page 15: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Démonstration Remarquons tout d’abord que, comme pour tout x de l’intervalle [0, 1] et tout entierpositif n, on a 1 = (x+ 1� x)n, la formule du binôme implique que

nX

k=0

Ckn xk(1� x)n�k = 1 . (1.4)

Par définition de la suite Sn(f), on en déduit que

f(x)� Sn(f)(x) =nX

k=0

⇣f(x)� f

⇣kn

⌘⌘Ck

n xk(1� x)n�k.

D’après le théorème de Heine 1.5.3, la fonction f est uniformément continue sur le compact [0, 1]. Donc,si l’on considère un réel strictement positif arbitraire ", il existe un réel strictement positif ↵" tel que

|x� y| < ↵" =) |f(x)� f(y)| <"

On écrit alors

|f(x)� Sn(f)(x)|

nX

k=0

���f(x)� f⇣kn

⌘���Cknx

k(1� x)n�k

"

2+ 2 sup

x2[0,1]|f(x)|

X

|k�nx|�n↵"

Ckn xk(1� x)n�k.

En multipliant et en divisant par (k � nx)2, on trouve que

|f(x)� Sn(f)(x)| "

2+ sup

x2[0,1]|f(x)|

X

|k�nx|�n↵"

(k � nx)2

(k � nx)2Ck

n xk(1� x)n�k

"

2+

2

n2↵2"

supx2[0,1]

|f(x)|X

|k�nx|�n↵"

(k � nx)2Ckn xk(1� x)n�k

"

2+

2

n2↵2"

supx2[0,1]

|f(x)|nX

k=0

(k � nx)2Ckn xk(1� x)n�k. (1.5)

On peut calculer la somme intervenant dans le terme de droite. En dérivant la relation (1.4) et en lamultipliant par x, on trouve que

nX

k=0

kCkn xk(1� x)n�k

� nxn�1X

k=0

Ckn�1x

k(1� x)n�1�k = 0

ce qui en utilisant à nouveau (1.4) assure que

nX

k=0

kCkn xk(1� x)n�k = nx. (1.6)

Ensuite, en dérivant et en multipliant par x l’identité ci-dessus, on trouve que

nX

k=0

k2Ckn xk(1� x)n�k

� nxn�1X

k=0

kCkn�1x

k(1� x)n�1�k = nx

En appliquant l’identité (1.6), on trouve que

nX

k=0

k2Ckn xk(1� x)n�k = nx(1 + (n� 1)x)

15

Page 16: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

ce qui implique quenX

k=0

(k � nx)2Ckn xk(1� x)n�k =

nX

k=0

k2Ckn xk(1� x)n�k

� 2nxnX

k=0

kCkn xk(1� x)n�k + n2x2

= nx(1 + (n� 1)x)� 2n2x2 + n2x2

= nx(1� x).

L’inégalité (1.5) devient alors

|f(x)� Sn(f)(x)| "

2+

2

n↵2"

supx2[0,1]

kf(x)kE .

Il suffit maintenant de choisir n tel que n � n"déf=h

supx2[0,1]

|f(x)|4

"↵2"

i+ 1 pour conclure la démonstra-

tion. 2

Une autre approximation sera utile dans le cadre de la théorie de l’intégration, il s’agit del’approximation par des fonctions en escaliers. On se place dans un intervalle fermé borné [a, b]de R et l’on note par Pf (a, b) l’ensemble des parties finies A de [a, b] contenant a et b. Un telensemble A s’écrit

{a0, a1, · · · , aN�1, aN} avec a0 = a , aj < aj+1 pour j 2 {0, · · · , N � 1} et aN = b .

Soit A = {a0, a1, · · · , aN�1, aN} dans Pf (a, b) on note

Ik(A) = [ak, ak+1[ si k N � 2 et IN1 = [aN�1, b].

Définition 1.5.5. On appelle fonction en escaliers sur [a, b] toute fonction de la forme

f =N�1X

k=0

↵k1Ik(A)

avec A 2 Pf (a, b) et (↵k)0kN�1 2 KN .

Proposition 1.5.6. L’ensemble E(a, b) des fonctions en escaliers est un espace vectoriel.

Démonstration Soient f et g deux fonctions de E(a, b). On a

f =N�1X

k=0

↵k1Ik(A) et g =N

0�1X

`=0

�`1I`(A0) .

En écrivant que

1 =N�1X

k=0

1Ik(A) =N

0�1X

`=0

1I`(A),

on écrit que

f =

✓N�1X

k=0

↵k1Ik(A)

◆✓N0�1X

`=0

1I`(A)

◆et g =

✓N0�1X

`=0

�`1I`(A)

◆✓N�1X

k=0

1Ik(A)

◆.

En développant et en utilisant que 1F1G = 1F\G, on trouve que

f =X

0kN�10`N

0�1

↵k1Ik(A)\I`(A0) et g =X

0kN�10`N

0�1

�`1Ik(A)\I`(A0).

16

Page 17: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Ainsi donc on af + g =

X

0kN�10`N

0�1

(↵k + �`)1Ik(A)\I`(A0)

Il suffit maintenant d’observer que la suite�Ik(A) \ I`(A

0)�0kN�1,0`N 0�1

= (Im(A [A0)0mM

ce qui achève la démonstration. 2

Le théorème d’approximation suivant sera utile lors de la construction de l’intégrale desfonctions continues.

Théorème 1.5.7. Soit f une fonction continue sur [a, b] à valeurs complexes. Pour tout "strictement positif, il existe une fonction g de E(a, b) telle que

supx2[a,b]

|f(x)� g(x)| < " .

Démonstration Soit " un réel strictement positif, le théorème de Heine implique l’existenced’un réel strictement positif ↵" tel que

8(x, y) 2 [a, b]2 , |x� y| < ↵" =) |f(x)� f(y)| < " .

Définissons maintenant

ak = a+k↵"

2et N

déf= max{k / ak < b}� 1.

L’ensemble Adéf= {ak , k < N} [ {b} appartient à Pf (a, b). Posons

gdéf=

N�1X

k=0

f(ak)1Ak .

En écrivant que

��f(x)� g(x)�� =

����f(x)✓N�1X

k=0

1Ik(A)(x)

◆�

N�1X

k=0

f(ak)1Ik(A)(x)

����

=

����N�1X

k=0

(f(x)� f(ak))1Ik(A)

����

N�1X

k=0

|f(x)� f(ak)|1Ik(A).

Par construction de A, on a

8k 2 {0, · · · , N � 1} , 8x 2 Ik(A) , |f(x)� f(ak)| < " .

Ainsi donc, pour tout x de [a, b], on a |f(x)� g(x)| < " ce qui démontre le théorème. 2

Exercice 1.5.8. Démontrer que la fonction x 7! x2 n’est pas uniformément continue sur R.

17

Page 18: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

1.6 Intégration des fonctions continues sur un intervalle borné

Proposition 1.6.1. L’application

I

8><

>:

E(a, b) �! CN�1X

k=0

↵k1Ik(A) 7�! I(f)déf=

N�1X

k=0

↵k(ak+1 � ak)

est une application linéaire qui vérifie

|I(f)| I(|f |)

Proposition 1.6.2. Soit f une fonction continues sur [a, b] et (fn)n2N une suite de fonctionsde E(a, b) telle

limn!1

supx2[a,b]

|fn(x)� f(x)| = 0. (1.7)

La suite (I(fn))n2N est une suite de complexes qui converge. De plus, si (gn)n2N est une autresuite de fonctions de E(a, b) satisfaisant (1.7), alors

limn!1

I(fn)� I(gn) = 0.

Démonstration. Nous allons démonter que la suite (I(fn))n2N est de Cauchy donc convergenteSoit " un réel strictement positif, il existe un entier n" tel que

8n � n" , 8p 2 N , 8x 2 [a, b] , |fn+p(x)� fn(x)| |fn+p(x)� f(x)|+ |f(x)� fn(x)| "

b� a·

D’après les propriétés de I, on a

��I(fn+p)� I(fn)�� I

⇣ "

b� a

⌘= " .

Ainsi donc la suite (I(fn))n2N converge. De plus, comme ci-dessus, on peut écrire que pourtout " strictement positif, il existe un entier n" tel que

8n � n" , 8x 2 [a, b] , |gn(x)� fn(x)| |gn(x)� f(x)|+ |f(x)� fn(x)| "

b� a·

On en déduit que ��I(fn)� I(gn)�� I(|fn � gn|) " .

La proposition est démontrée.

Nous pouvons maintenant définir l’intégrale de fonctions continues comme suit.

Définition 1.6.3. Soit f une fonction continue de [a, b] dans K, on définitZ

b

a

f(t)dtdéf= lim

n!1I(fn)

pour une suite de fonctions (fn)n2N de E(a, b) vérifiant (1.7).

18

Page 19: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Remarque En posant, pour a < b

Za

b

f(t)dt = �

Zb

a

f(t)dt

on peut démontrer le résultat suivant pour une fonction continue f .Z

b

a

f(t)dt =

Zc

a

f(t)dt+

Zb

c

f(t)dt et����Z

b

a

f(t)dt

���� Z

b

a

|f(t)|dt.

Théorème 1.6.4. Soit f une fonction continue sur l’intervalle [a, b]. Alors

d

dx

Zx

a

f(t)dt = f(x) .

Démonstration. Par définition de la dérivée, on nous faut donc étudier la limite lorsque h tendvers 0 du taux d’accroissemment

1

h

✓Zx+h

a

f(t)dt�

Zx

a

f(t)dt

◆=

1

h

Zx+h

x

f(t)dt

◆.

Comme nous avons Zx+h

x

f(x)dt = hf(x)

on en déduit que

1

h

✓Zx+h

a

f(t)dt�

Zx

a

f(t)dt

◆� f(x) =

1

h

Zx+h

x

f(t)dt� f(x).

D’après l’inégalité (2.5), on a����1

h

✓Zx+h

a

f(t)dt�

Zx

a

f(t)dt

◆� f(x)

���� 1

|h|

����Z

x+h

x

��f(t)� f(x)��dt����

supt2[x,x+h]

��f(t)� f(x)��.

La continuité de la fonction f implique que pour tout " strictement positif, il existe un réelstrictement positif ↵ tel que

|h| < ↵ =)

����1

h

✓Zx+h

a

f(t)dt�

Zx

a

f(t)dt

◆� f(x)

���� < " .

Ceci conclut la démonstration.

19

Page 20: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

20

Page 21: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Chapitre 2

Une introduction à l’intégrale de

Lebesgue

2.1 Définition axiomatique de l’intégrale de Lebesgue

Nous allons commencer par définir de manière axiomatique l’intégrale des fonctions posi-tives (éventuellement infinies) c’est-à-dire à valeurs dans l’ensemble R+ de la définition 1.4.1page 12.

Définition 2.1.1. Soit A une partie de Rd, on désigne par F(A;R+) l’ensemble des fonctions

de A dans R+.

Remarque Soient f et g deux éléments de F(A;R+) et � un réel strictement positif, la

fonction définie par(f + �g)(x)

déf= f(x) + �g(x)

est bien un élément de F(A,R+).

Axiome On postule l’existence d’une application de F(Rd;R+) dans R+ qui vérifie les pro-

priétés suivantes :— Linéarité : pour tout couple (f, g) de fonction de F(Rd,R+

) et pour tout réel strictementpositif �, on a

Z

Rd(f + �g) =

Z

Rdf + �

Z

Rdg , (2.1)

— Croissance : pour tout couple (f, g) de fonction de F(Rd,R+) tel que, pour tout xde Rd, on ait f(x) g(x), on a

Z

Rdf

Z

Rdg . (2.2)

— Normalisation : pour un pavé P = [a1, b1] ⇥ · · · ⇥ [ad, bd], la fonction caractéristiquede P notée 1P i.e. la fonction 1 sur P et 0 ailleurs vérifie

Z

Rd1P =

dY

j=1

(bj � aj) (2.3)

— Convergence croissante : Il s’agit de la propriété fondamentale suivante

21

Page 22: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Théorème 2.1.2 (de Beppo-Levi ou de la convergence croissante). Si (fn)n2N est unesuite croissante de fonctions définies sur Rd à valeurs dans R+ alors

limn!1

Z

Rdfn(x)dx =

Z

Rd

�limn!1

fn(x)�dx .

Définition 2.1.3. Soient A une partie de Rd et f une fonction de F(A,R+), on définit

Z

A

f(x)dxdéf=

Z

Rd1A(x)f(x)dx.

Exercice 2.1.4. 1) Montrer que

8a 2 R ,

Z

R1[a,+1[(x)dx = 1 .

2) La conclusion du théorème de Beppo-Lévi est-elle encore valable si l’on suppose lessuites (fn(x))n2N décroissante ? (On pourra étudier la suite de fonctions fn(x)

déf= 1[n,1[(x)).

Il existe un lien entre cette axiomatique et les séries à termes positifs que nous allonsdécrire maintenant. Soit (an)n2N une suite de nombres réels positifs, définissons la fonction S

de F(R,R+) par

S(x)déf=X

n2N1[n,n+1[(x)an

Remarquons que cette somme n’en est pas vraiment une car pour chaque réel x, il n’existequ’un seul terme de la somme qui soit non nul. Soit N un entier positif, posons

SN (x)déf=

NX

n=0

1[n,n+1[(x)an.

L’axiome de linéarité (2.1) et l’axiome de normalisation (2.3) assurent queZ

RSN (x)dx =

NX

n=0

an

Z

R1[n,n+1[(x)dx

=NX

n=0

an(n+ 1� n)

=NX

n=0

an.

La propriété de convergence croissante (2.1.2) et la définition (1.4.1) page 12de la somme d’unesérie à termes positifs assurent que

Z

RS(x)dx =

Z

R

�lim

N!1SN (x)

�dx

= limN2N

Z

RSN (x)dx

= limN2N

NX

n=0

an

=X

n2Nan.

22

Page 23: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

2.2 L’espace des fonctions intégrables

Nous pouvons maintenant définir les fonctions intégrables et les intégrales.

Définition 2.2.1. Soit f une fonction définie sur une partie A de Rd à valeurs dans K. Ondit que f est sommable ou intégrable sur A si

Z

A

|f(x)|dx < 1.

On note L1(A;K) l’ensemble des fonctions intégrables sur A à valeurs dans K.

De même, on définit l’ensemble L2(A;K) des fonctions intégrables sur A à valeurs dans K

comme l’ensemble des fonctions de A dans K telles queZ

A

|f(x)|2dx < 1.

Définir sur ses espaces (ou bien sur des espaces très "proches") des notions de distance, desuites convergentes, de produit scalaire dans le cas de l’espace L

2 permettra de faire del’analyse et de la géométrie d’une manière parfois étonnamment proche de la manière dont

on peut le faire dans le plan ou bien dans l’espace tridimensionnel ambiant. Ce point est l’undes enjeux majeurs du cours.

Nous allons maintenant définir l’intégrale d’une fonction intégrable.

Définition 2.2.2. Soit f une fonction appartenant à L1(A;R) les fonctions définies par

f+(x)déf= max{f(x), 0} et f�(x)

déf= max{�f(x), 0}

sont toutes les deux positives et d’intégrales finies. On pose alorsZ

A

fdéf=

Z

A

f+ �

Z

A

f� .

Soit f une fonction de L1(A;C), ses parties réelles et imaginaires sont aussi intégrables et on

pose alors Z

A

fdéf=

Z

A

<ef + i

Z

A

=mf.

Proposition 2.2.3. L’ensemble L1(A;K) est un espace vectoriel sur K et l’intégrale

f 7�!

Z

A

f(x)dx

une forme linéaire sur L1(A;K). De plus, si f et g sont deux fonctions de L1(A;R) telles que,

pour presque tout x de A, on ait f(x) g(x). Alors on aZ

A

f(x)dx

Z

A

g(x)dx. (2.4)

Enfin, pour toute fonction f de L1(A;C), on a

���Z

A

f(x)dx���

Z

A

|f(x)|dx. (2.5)

23

Page 24: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Démonstration. Démontrons la linéarité dans le cas réel, le cas complexe est laissé au lecteur.Soient f et g deux fonctions de L

1(A;R), on écrit que

f = f+ � f� et g = g+ � g�.

Soit � un réel positif. On a

f(x) + �g(x) =�f+(x) + �g+(x)

���f�(x) + �g�(x)

= (f + �g)+(x)� (f + �g)�(x)

Ainsi donc la fonction f + �g est intégrable etZ

A

�f(x) + �g(x)

�dx =

Z

A

�f+(x) + �g+(x)

�dx�

Z

A

�f�(x) + �g�(x)

�dx.

La propriété (2.1) de l’intégrale des fonctions positives implique queZ

A

�f(x) + �g(x)

�dx =

Z

A

f+(x)dx+ �

Z

A

g+(x)dx�

Z

A

f�(x)dx� �

Z

A

g�(x)dx

=

Z

A

f+(x)dx�

Z

A

f�(x)dx+ �

Z

A

g+(x)dx� �

Z

A

g�(x)dx

=

Z

A

f(x)dx+ �

Z

A

g(x)dx .

Lorsque � est négatif, on écrit que

f(x) + �g(x) =�f+(x)� �g�(x)

���f�(x)� �g+(x)

= (f + �g)+(x)� (f + �g)�(x)

et on procède de manière analogue.L’inégalité (2.4) résulte de la linéarité de l’intégrale et du fait que l’intégrale d’une fonction

positive est positive.Démontrons maintenant l’inégalité (2.5). Dans le cas des fonctions à valeurs réelles, il suffit

d’observer que la fonction |f | � f est positive et d’appliquer l’inégalité (2.4). Dans le cascomplexe, considérons un réel ✓ tel que

ei✓Z

A

f(x)dx =���Z

A

f(x)dx��� .

La linéarité de l’intégrale permet alors décrire que���Z

A

f(x)dx��� = <e

✓ei✓Z

A

f(x)dx

= <e

Z

A

ei✓f(x)dx

=

Z

A

<e�ei✓f(x)

�dx .

Comme on a <e�ei✓f(x) |f(x)|, on en déduit que

���Z

A

f(x)dx���

Z

A

|f(x)|dx

et l’inégalité (2.5) est ainsi démontrée.

24

Page 25: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Le théorème suivant est fondamental car il montre que l’intégrale des fonctions continuespar morceaux définie au chapitre précédent (voir la définition 1.6.3 page 18) est dans le cadredes fonctions continues, la même que celle définie de manière axiomatique dans ce chapitre.

Théorème 2.2.4. Soit f une fonction continue de [a, b] dans C. Alors on a

8x 2 [a, b] ,

Zx

a

f(t)dt =

Z

[a,x]f(t)dt.

Avant de démontrer le théorème, précisons bien que le terme de gauche de l’égalité ci-dessus désigne l’intégrale des fonctions continues sur un intervalle fermé borné et que le termede droite désigne l’intégrale au sens de Lebesgue telle que nous venons de la définir dans ladéfinition 2.2.2.

Démonstration du théorème 2.2.4. Il suffit de démontrer la formule pour des fonctions à va-leurs réelles. La démonstration repose sur le lemme suivant.

Lemme 2.2.5. Soit f une fonction continue de [a, b] dans R. Alors la fonction

G

8<

:

[a, b] �! Rx 7�!

Z

[a,x]f(t)dt

est dérivable et l’on a G0(x) = f(x).

Démonstration. Soit h dans l’intervalle [0, b� x]. On peut écrire que l’on a

G(x+ h)�G(x)� hf(x) =

Z

[a,b]

�1[a,x+h](t)� 1[a,x](t)

�f(t)dt�

Z

[x,x+h]f(x)dt

=

Z

[x,x+h](f(t)� f(x))dt.

On montre de même que si h est dans l’intervalle [a� x, 0], alors

G(x+ h)�G(x)� hf(x) =

Z

[x+h,x](f(t)� f(x))dt.

En utilisant l’inégalité (2.5), on en déduit dans le cas où h est positif que

��G(x+ h)�G(x)� hf(x)�� =

���Z

[x,x+h](f(t)� f(x))dt

���

Z

[x,x+h]|f(t)� f(x)|dt

et que dans la cas où h est négatif, que

��F (x+ h)� F (x)� hf(x)�� =

���Z

[x+h,x](f(t)� f(x))dt

���

Z

[x+h,x]|f(t)� f(x)|dt

Comme la fonction f est supposée continue en x,

8" > 0 , 9↵" > 0 , |h| < ↵" =) |f(x)� f(t)| < " .

25

Page 26: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Ainsi donc, l’inégalité (2.2) et la normalisation (2.3) assurent que

|h| < ↵" =)��F (x+ h)� F (x)� hf(x)

�� < "h .

D’où le lemme.

Conclusion de la démonstration du théorème 2.2.4 Le lemme ci-dessus joint au théorème 1.6.4affirme que

d

dx

⇣Z x

a

f(t)dt�

Z

[a,x]f(t)dt

⌘= 0.

D’où le résultat.

2.3 Exemples de fonctions intégrables et non intégrables

Proposition 2.3.1. La fonction x 7�!1

|x|↵est intégrable sur [�1, 1] si et seulement si ↵ est

strictement inférieur à 1.

Démonstration. Soit n un entier strictement positif. On aZ

[�1,1]

1

|x|↵dx �

Z

[�1,� 1n ]

1

(�x)↵dx+

Z

[ 1n ,1]

1

x↵dx

� 2

Z 1

1n

1

x↵dx .

La fonction x 7! x�↵ est une fonction continue sur⇥1n, 1⇤. Le théorème 2.2.4 implique que

Z 1

1n

1

x↵dx =

1

1� ↵

✓1�

⇣ 1n

⌘1�↵◆

si ↵ 6= 1 etZ 1

1n

1

xdx = log n si ↵ = 1 .

Si ↵ est supérieur ou égal à 1, on a minoré l’intégrale par une suite qui tend vers l’infini. Si ↵est strictement inférieur à 1, le théorème de convergence croissante assure que

Z

[�1,1]

1

|x|↵dx = lim

n!1

✓Z

[�1,� 1n ]

1

(�x)↵dx+

Z

[ 1n ,1]

1

x↵dx

= 2 limn!1

1

1� ↵

✓1�

⇣ 1n

⌘1�↵◆

=2

1� ↵·

D’où la proposition.

Exercice 2.3.2. On aZ

[1,1[

1

x↵dx =

1

↵� 1si ↵ > 1 et

Z

[1,1[

1

x↵dx = 1 si ↵ 1 .

Exercice 2.3.3. Pour ↵ un réel strictement positif, calculerZ

R

1

|x|↵dx.

26

Page 27: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Exercice 2.3.4. La fonction(

R �! Rx 7�!

1

xsi x 6= 0 et 0 pour x = 0

est-elle intégrable sur [�1, 1] ?

Exercice 2.3.5. Démontrer que la fonction( R �! R

x 7!sinx

xsi x 6= 0 et 1 pour x = 0

n’est pas intégrable sur R.

2.4 Outils de calculs

Nous avons déjà vu le lien entre l’intégrale de Cauchy classique définie seulement purles fonctions continues (par morceaux) et l’intégrale de Lebesgue en dimension 1 (voir lethéorème 2.2.4). Rappelons le théorème fondamental sur les primitives.

Théorème 2.4.1. Soit f une fonction continue de l’intervalle [a, b] dans R et F une primitivede f (i.e. F 2 C1([a, b]) telle que F 0 = f), alors

Zb

a

f(x)dx = F (b)� F (a).

Étudions maintenant le cas des intégrales dites multiples, c’est-à-dire le cas de Rd avec dsupérieur ou égal à 2. Citons sans démonstration quelques théorèmes importants dont il fautabsolument connaitre l’énoncé. Le premier concerne les fonctions positives.

Théorème 2.4.2 (Fubini-Tonelli). Soit f une fonction de Rm⇥Rq à valeurs dans R+. Alors

on a l’égalité suivante (où les trois membres appartiennent à R+) :Z

Rm+qf(x, y)dxdy =

Z

Rm

✓Z

Rqf(x, y)dy

◆dx =

Z

Rq

✓Z

Rmf(x, y)dx

◆dy .

Nous n’énoncerons pas de théorème de changement de variable général mais deux casparticuliers utiles dans la pratique. Le premier concerne les changements de variables linéaires.

Théorème 2.4.3. Soit f une function intégrable sur Rn et A une matrice inversible sur Rn.Alors f �A est intégrable et l’on a

Z

Rdf(A(x))dµd(x) =

1

| detA|

Z

Rdf(x)dµd(x).

Le second concerne le changement de variables en coordonnées polaires.

Théorème 2.4.4. Soit fune fonction intégrable sur R2 ; AlorsZ

R2f(x, y)dxdy =

Z

R+⇥[0,2⇡[f(r cos ✓, r sin ✓)rdrd✓.

De ces trois théorèmes, on peut en déduire le résultat suivant.

27

Page 28: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Proposition 2.4.5. On aZ

Re�x

2dx =

p⇡.

Démonstration Le théorème de Fubini-Tonelli implique queZ

R2e�x

21�x

22dx1dx2 =

Z

R2e�x

21e�x

22dx1dx2

=

Z

R

✓Z

Re�x

21e�x

22dx1

◆dx2.

Par linéarité de l’intégrale, on aZ

Re�x

21e�x

22dx1 = e�x

22

Z

Re�x

21dx1.

Il en résulte que Z

R2e�x

21�x

22dx1dx2 =

✓Z

R2e�x

2dx

◆2

Comme la fonction x 7! e�x2 est intégrable sur R, 1 la fonction (x1, x2) 7! e�x

21�x

22 est

intégrable sur R2. On applique le théorème 2.4.4 de changement de variables en coordonnéespolaires qui affirme que

Z

R2e�x

21�x

22dx1dx2 =

Z

R+⇥[0,2⇡[e�r

2rdrd✓.

Le théorème de Fubini-Tonelli assure queZ

R+⇥[0,2⇡[e�r

2rdrd✓ =

Z

R+e�r

2r

✓Z

[0,2⇡[d✓

◆dr

= 2⇡

Z

R+e�r

2rdr.

En utilisant le théorème de convergence monotone, on trouve queZ

R+e�r

2rdr = lim

n!1

Zn

0e�r

2rdr

= limn!1

h�e�r

2

2

in

1

=1

On en déduit alors que ✓Z

R2e�x

2dx

◆2

= ⇡

ce qui assure le résultat. 2

1. Il est impératif de savoir le démontrer

28

Page 29: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Chapitre 3

Théorie de la mesure

3.1 Mesure de Lebesgue d’une partie de Rd

La mesure de Lebesgue est définie de la manière suivante.

Définition 3.1.1. On considère l’application suivante

µd

8<

:P(Rd) �! R+

A 7�!

Z

Rd1A

où P(Rd) désigne l’ensemble des parties de Rd. On appelle cette application mesure de Lebesguesur Rd.

Remarques et exemples

— L’ensemble vide est de mesure nulle.— L’axiome de normalisation (2.3) page 21 signifie que

µd

�[a1, b1]⇥ · · ·⇥ [ad, bd]

�=

dY

j=1

(bj � aj) . (3.1)

— D’après l’axiome (2.2) page 21, si A et B sont deux parties de Rd telles que A ⇢ B,alors

µd(A) ⇢ µd(B) . (3.2)

Proposition 3.1.2. On a

8a 2 Rd , µd({a}) = 0 et 8↵ 2 R , µ1([↵,1[) = 1 .

Démonstration. Pour démontrer que µd({a}) = 0, observons que, pour tout entier n stricte-ment positif, on a

{a} ⇢

dY

j=1

aj �

1

n, aj +

1

n

�,

D’après la relation de croissance (2.2) et la relation de normalisation (3.1), on trouve que

µd({a}) µd

dY

j=1

aj �

1

n, aj +

1

n

�!

⇣ 2n

⌘d

·

29

Page 30: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Comme ceci est vrai pour tout entier n strictement positif, on a

Proposition 3.1.3. L’application µ vérifie la propriété d’additivité dénombrable suivante : siles ensembles (An)n2N sont deux à deux disjoints, alors

µ⇣[

n2NAn

⌘=X

n2Nµ(An) .

Démonstration Si A désigne l’union des An, par définition

x 2 A () 9Nx 2 N / x 2 ANx .

On a

8x 2 A , 8N � Nx ,NX

n=0

1An(x) = 1 = 1A(x).

Ceci implique que

8x 2 Rd , limN!1

NX

n=0

1An(x) = 1A(x).

L’application du théorème de convergence croissante assure le résultat. 2

Exercice 3.1.4. 1) Montrer que µ(A [B) + µ(A \B) = µ(A) + µ(B).2) Montrer que sans l’hypothèse de disjonction de la proposition 3.1.3 ci-dessus, on a tout

de même la sous-additivité, c’est-à-dire

µ⇣[

n2NAn

X

n2Nµ(An)

Exercice 3.1.5. Soit f une fonction intégrable positive sur A une partie Rd à valeurs dans R+.On définit la partie de Rd+1 notée G(f) par

G(f)déf=�(x, y) 2 A⇥ R / 0 y f(x)

.

Alors on aµd+1(G(f)) =

Z

A

f(x)dx .

En appliquant ce résultat avec

A =�x = (x1, x2) 2 R2 / x21 + x22 R2

et f(x) =

qR2 � x21 � x22 ,

calculer le volume de la demi-sphère de rayon R.

3.2 Ensembles de mesure nulle et notion de presque partout

Définition 3.2.1. On dit qu’une partie A de Rd qu’elle est négligeable si et seulement si µd(A)est nulle. On dit qu’une propriété P(x) est vraie presque partout dans une partie A de Rd siet seulement si �

x 2 A/ P(x) est fausse

est négligeable. On note alors8p.px 2 A , P(x) .

30

Page 31: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Exercice 3.2.2. 1) Montrer qu’une réunion dénombrable d’ensembles négligeables est négli-geable.

2) Montrer que les parties dénombrables et les hyperplans de Rd sont négligeables

La proposition suivante fait le lien entre le fait qu’une fonction de F(A,R+) soit intégrable

ou nulle et le fait que certain ensemble associés à cette fonction soient négligeables.

Proposition 3.2.3. Pour tout élément f de F(Rd;R+), on a

Z

Rdf(x)dx < 1 =) µd

��x 2 Rd / f(x) = +1

�= 0 et

Z

Rdf(x)dx = 0 () µd

��x 2 Rd / f(x) 6= 0

�= 0 .

Démonstration Démontrons le premier point. Pour ce faire, posons

fn(x)déf= min{n, f(x)} et A

déf= {x 2 Rd / f(x) = +1

.

Pour tout entier n, on a, grâce à l’axiome (2.2) sur l’intégrale des fonctions positivesZ

Rdf(x)dx �

Z

A

f(x)dx

Z

A

ndx = nµd(A) .

L’inégalité ci-dessus étant vraie pour tout n, le premier point de la proposition est établi.Pour démontrer le second point, supposons tout d’abord l’ensemble

Bdéf= {x 2 Rd , f(x) 6= 0}

de mesure nulle. Observons que pour tout x de Rd, on a

f(x) = limn!1

fn(x) avec fn(x)def= 1Bn(x)f(x) et Bn

déf= {x 2 Rd / f(x) n}.

Pour tout x, la suite�fn(x)

�n2N est croissante et convergence vers f(x). D’après le théorème

de convergence croissante, on a Z

Rdf = lim

n!1

Z

Rdfn.

Par définition de fn, on a que, pour tout x de Rd, fn(x) n1Bn , donc par croissance et linéaritéde l’intégrale, celle de fn est majorée par nµ(Bn) nµ(B) = 0, et la limite précédente permetde conclure.

Réciproquement si f est d’intégrale nulle, les ensembles Cn

déf= {x 2 Rd / f(x) � 1/n}

croissent et leur réunion est Bdéf= {x 2 Rd / f(x) 6= 0}, donc par convergence croissante, la

suite�µ(Cn)

�n2N tend vers µ(B) ; par croissance de l’intégrale, on a par ailleurs

µ(Cn) n

Z

Rdf 1Cn n

Z

Rdf = 0.

Ainsi donc µ(Cn) = 0. Le théorème de convergence croissante assure que l’on a µ(B) = 0. 2

31

Page 32: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Remarque Comme leur nom l’indique et comme le montre la proposition ci-dessus, lesensembles négligeables ne sont pas d’une grande importance dans le calcul d’une intégrale :si f et g coïncident presque partout, leurs intégrales sont égales grâce à la proposition 3.2.3et il sera très difficile de les distinguer. Il faut se convaincre une fois pour toute que la donnéed’une fonction sur le complémentaire d’un ensemble négligeable suffit à définir son intégrale(en prenant n’importe quel prolongement).

Une notion qui sera très importante dans la suite et qui est complètement liée à la notiond’ensemble négligeable est la notion de "convergence presque sûre" d’une suite de fonctions.

Définition 3.2.4. Soit (fn)n2N une suite de fonctions d’une partie A de Rd sur C. On dit quecette suite convergence presque sûrement vers une fonction f de A dans C si et seulement si

8p.p x 2 A , limn!1

fn(x) = f(x)

Remarquons que si une suite de fonctions (fn)n2N de F(A,C) converge presque sûrementvers une fonction f de F(A,C), alors elle converge aussi presque sûrement vers toute fonction gde F(A,C) qui est égale à f presque partout sur l’ensemble A. Ainsi donc, il n’y a pas unicitéde la limite au sens de cette convergence. Nous verrons au chapitre 7.4 comment cette difficultéest surmontée.

Le théorème qui suit est fondamental. Il constitue l’une des améliorations les plus signifi-catives de l’intégrale de Lebesgue par rapport à celle de Riemann. Sa démonstration, délicate,est omise.

Théorème 3.2.5 (de la convergence dominée). Soit (fn)n2N une suite de fonctions de L1(Rd)

convergeant p.p. vers une fonction f sur Rd . On suppose qu’il existe une fonction intégrable g(on dit que g est un chapeau intégrable) telle que, pour tout n dans N, on ait

|fn(x)| g(x) presque partout.

Alors, f appartient à L1(Rd) et l’on a

limn!1

Z

Rd|fn(x)� f(x)|dx = 0.

Remarque Deux pathologies s’opposent principalement à l’application du théorème pré-cédent. Il s’agit d’une part du phénomène dit de "concentration" et d’autre part du phénomèmedit de "départ de masse à l’infini". Illustrons tout d’abord le phénomène de concentration.Considérons la suite de fonctions sur R

fn(x)déf= n1[� 1

2n ,12n ](x) .

Pour tout x différent de 0, on a limn!1

fn(x) = 0. En particulier, pour presque tout x de R, lasuite (fn(x))n2N tend vers 0. Et pourtant

8n 2 N \ {0} ,

Z

Rfn(x)dx = 1.

Illustrons maintenant le phénomène de départ de masse à l’infini. Considérons la suite defonctions

fn(x)déf= 1[n,n+1](x) .

32

Page 33: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Pour tout x de R, on a limn!1

fn(x) = 0. Et pourtant

8n 2 N \ {0} ,

Z

Rfn(x)dx = 1.

Dans les deux cas, on peut trouver une minoration explicite de toute fonction g qui vérifie

8n 2 N , 8x 2 N , fn(x) g(x)

qui implique que la fonction g n’est pas intégrable.

Exercice 3.2.6. Montrer de deux manières différentes (convergence croissante ou dominée)que si (An)n2N est une suite décroissante d’ensembles (au sens de l’inclusion) dont l’un d’entreeux est de mesure finie, alors la suite

�µ(An)

�n2N converge vers

µ(A) avec Adéf=\

n2NAn .

Exercice 3.2.7. Soit f une fonction continue de R dans R. Montrer que son graphe, c’est-à-dire du plan R2 défini par {(x, f(x)) , x 2 R} est une partie négligeable du plan R2.

33

Page 34: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

34

Page 35: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Chapitre 4

Espaces métriques et espaces

vectoriels normés

Introduction

L’un des buts de ce chapitre est de pouvoir généraliser les notions de suite convergente et defonctions continues dans un cadre très général. Pour ce faire, la notion de distance introduitedans la première section est fondamentale. Dans le cadre de ce cours, et aussi très souvent dansla pratique, les ensembles considérés sont soit des espaces vectoriels soit des sous-ensemblesd’espaces vectoriels. Dans ce cadre, les distances utilisées sont déduites de normes, notion elleaussi fondamentale que nous présenterons également dans cette première section.

La deuxième section sera consacrée à l’étude de nombreux exemples de normes sur desespaces vectoriels de dimension infinie en particulier des espaces de suites ou des espaces defonctions.

Dans la troisième section, nous présenterons les notions de suites convergentes et de fonc-tions continues dans ce cadre.

Dans la quatrième section, nous introduisons et étudions deux notions clefs de la topologie :les ouverts et les fermés.

Dans la cinquième section, nous introduisons la notion fondamentale d’espace complet etillustrons cette notion par le théorème de Picard qui a de très nombreuses applications.

Enfin dans la sixième et dernière section, nous introduisons la notion de compacité etprésentons quelques applications à un problème modèle d’optimisation.

4.1 Définition d’une distance et d’une norme

Introduisons la notion fondamentale de distance.

Définition 4.1.1. Un ensemble X est un espace métrique lorsqu’il est muni d’une distance,c’est-à-dire une application d de X ⇥X dans R+ vérifiant les axiomes suivants :

i) Séparation : pour tout couple (x, y) d’éléments de X, d(x, y) = 0 si et seulement si x = y.ii) Symétrie : pour tout couple (x, y) d’éléments de X, d(x, y) = d(y, x).iii) Inégalité triangulaire : pour tout triplet (x, y, z) d’éléments de X, on a

d(x, y) d(x, z) + d(z, y).

Le point i) reprend l’idée très simple selon laquelle la distance est nulle d’un point àlui-même et que cela est la seul cas où elle l’est.

35

Page 36: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Le point ii) reprend l’idée elle aussi très simple que la distance est symétrique 1

Le point iii) est une relation fondamentale de la distance que l’on utilise constammentet que l’on appelle inégalité triangulaire. Ceci reprend l’idée très intuitive selon laquelle leparcours est plus long lorsque l’on fait un détour.

On écrit souvent l’inégalité triangulaire sous une forme dite "renversée" donnée par laproposition suivante.

Proposition 4.1.2 (Inégalité triangulaire renversée). Sur tout espace métrique (X, d), on apour tout x, y et z dans X,

|d(x, z)� d(z, y)| d(x, y) .

Démonstration Il suffit de vérifier que

d(x, z)� d(z, y) d(x, y) et d(z, y)� d(x, z) d(x, y),

inégalités qui découlent toutes les deux de l’inégalité triangulaire. 2

Nous allons maintenant donner quelques exemples de distance. Tout d’abord, l’exemplefamilier déjà évoqué sur R qui est

d(x, x0)déf= |x� x0| .

Comme il arrive parfois, une définition mathématique très intuitive contient des exemples quile sont beaucoup moins. Donnons en un.

Soit X un ensemble ; on définit sur X ⇥X la fonction

dg(x, x0) = 0 si x = x0 et dg(x, x

0) = 1 sinon.

Ceci définit une distance (à dire vrai sans grand intérêt). En effet les deux premières condi-tions sont immédiates. Pour l’inégalité triangulaire, le membre de droite de l’inégalité vaut aumoins 1 sauf si x = x0 = x00 auquel cas les deux membres de l’inégalité sont nuls.

Dans le cas des espaces vectoriels, des distances particulières sont très fréquemment utili-sées : ce sont celles associées à une norme.

Définition 4.1.3. Soit E un espace vectoriel sur K = R ou C. On appelle norme sur E touteapplication N de E dans R+ telle que, pour tout couple (x, x0) de vecteurs de E et pour tout �dans K,

i) (Séparation) N(x) = 0 si et seulement si x = 0 ;ii) (Homogénéité) N(�x) = |�|N(x) pour tout x 2 Rn et tout � 2 K ;iii) (Inégalité triangulaire) N(x+ x0) N(x) +N(x0) pour tout x et x0 dans Rn.

Le lien avec le concept de distance est décrit par la proposition suivante.

Proposition 4.1.4. Soit N une norme sur Rn, l’application d définie par

d

⇢Rn

⇥ Rn�! R+

(x, x0) 7�! N(x0 � x)

est une distance.1. Notons à ce propos que l’on peut comprendre cette vision comme une vision statique au sens où l’on ne

prétend pas décrire "un temps de parcours" qui prendrait par exemple en compte la pente d’un chemin entre

deux points

36

Page 37: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Démonstration. On commence par observer que si N est une norme, alors

d(x, x0) = N(x0 � x) = 0 () x0 � x = 0

ce qui assure le premier point de la définition d’une distance. En ce qui concerne le deuxièmepoint, la propriété d’homogénéïté appliquée avec � égal à �1 assure que

d(x, x0) = N(x0 � x) = N(x� x0) = d(x0, x).

Quant à l’inégalité triangulaire, observons que

d(x, x0) = N(x0 � x00 + x00 � x)

N(x0 � x00) +N(x00 � x)

d(x0, x00) + d(x, x00).

L’application d est donc bien une distance.

Donnons maintenant trois exemples dans le cas où E = Kn.

Proposition 4.1.5. L’application k · k1 définie sur Kn par

kxk1déf=

nX

j=1

|xj |

est une norme.

Démonstration. Une somme de termes positifs étant nulle si et seulement si tous ces termessont nuls donc si kxk1 = 0 alors tous les xj sont nuls et donc x = 0. L’homogénéïté résulte dufait que

k�xk1 =nX

j=1

|�xj | =nX

j=1

|�| |xj | = |�|nX

j=1

|xj | = kxk1 .

On utilise l’inégalité triangulaire sur R pour écrire que, pour tout j dans {1, · · · , n},

|xj + x0j | |xj |+ |x0j | .

On conclut la démonstration par sommation par rapport à l’indice j.

Proposition 4.1.6. L’application k · k1 définie sur Kn par

kxk1déf= max

1jn

|xj |

est une norme.

Démonstration. Nous laissons en exercice la démonstration de deux premiers points. Pourdémontrer l’inégalité triangulaire, on utilise que

8j 2 {1, · · · , n} , 8(x, x0) 2 (Kn)2 , |xj + x0j | |xj |+ |x0j | kxk1 + kx0k1.

Ainsi donc max1jn

|xj + x0j | kxk1 + kx0k1 et l’inégalité triangulaire est démontrée.

37

Page 38: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Proposition 4.1.7. L’application k · k2 définie sur Kn par

kxk2déf=

vuutnX

j=1

|xj |2

est une norme 2.

Démonstration. On a kxk2 = 0 si et seulement si kxk22 =nX

j=1

x2j = 0. En utilisant à nouveau

le fait qu’une somme de termes positifs est nulle si et seulement si tous ces termes sont nuls,on en déduit que x = 0.

En ce qui concerne l’homogénéïté, écrivons que

k�xk22 =nX

j=1

(�xj)2 = �2

nX

j=1

x2j = �2kxk22

ce qui assure l’homogénéïté.La démonstration de l’inégalité triangulaire dans ce cas est sensiblement plus délicate que

le deux précédentes. Elle repose sur l’inégalité fondamentale suivante.

Lemme 4.1.8 (Inégalité de type Cauchy-Schwarz). Pour tout couple (x, x0) d’élémentsde Kn, on a ����

nX

j=1

xjx0j

���� kxk2kx0k2.

Démonstration. En écrivant que pour tout (x, x0) dans (Kn)2, on a����

nX

j=1

xjx0j

���� nX

j=1

|xj | |x0j | ,

il suffit de démontrer l’inégalité dans le cas où les xj et les x0j

sont des réels positifs. Pour toutnombre réel t, on définit alors

P (t)déf= kx+ tx0k22 =

nX

j=1

(xj + tx0j)2.

Un développement élémentaire permet d’écrire que

P (t) =nX

j=1

�x2j + 2txjx

0j + t2(x0j)

2�

= kxk22 + 2tS + t2kx0k22 avec Sdéf=

nX

j=1

xjx0j .

La fonction P est donc un trinôme du second degré qui est positif donc a au plus une racinedouble ; son discriminant est donc négatif ce qui assure que 4S2

� 4kxk22kx0k22 est négatif ce

qui exactement l’inégalité voulue.

2. C’est la norme appelée euclidienne

38

Page 39: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Conclusion de la démonstration de la proposition 4.1.7 Par un développement élémentaire,on trouve que

kx+ x0k22 =nX

j=1

�x2j + 2xjx

0j + (x0i)

2�

= kxk22 + kx0k22 + 2nX

j=1

xjx0j

L’inégalité de Cauchy-Schwartz ci-dessus assure alors que

kx+ x0k22 kxk22 + kx0k22 + 2kxk2kx0k2 =

�kxk2 + kx0k2

�2.

La proposition est ainsi démontrée.

Pour conclure cette section introductive, signalons l’exemple suivant d’une distance quin’est pas associée à une norme.

Exercice 4.1.9. Démontrer que la fonction

dH

(R2

⇥ R2�! R+

�(x, s), (x0, s0)

�7�!

�(x� x0)4 + (s� s0)2

� 14

est une distance sur R2.

4.2 Exemples de normes sur les espaces de suites

Les exemples de cette section sont d’une d’abord motivés par la description d’un espacede dimension infinie associé à chacune des trois normes présentées dans la section précédente.Le troisième jouera de surcroit un rôle important dansl’étude des espaces de Hilbert qui nousferons au chapitre 7.

Définition 4.2.1. On note `1(N;K) l’ensemble des suites bornées à valeurs dans K et l’on pose

kxk`1def= sup

j2N|x(j)| .

Proposition 4.2.2. L’application⇢

`1(N,K) �! R+

x 7�! kxk`1

est une norme sur `1(N;K).

Démonstration. Nous omettons la démonstration de la propriété de séparation et d’homogé-néité. L’inégalité triangulaire sur K assure que

8j 2 N , |(x+ y)(j)| |x(j)|+ |y(j)| .

La borne supérieure étant une majorant, on a

8j 2 N , |(x+ y)(j)| kxk`1 |+ kyk`1 .

La borne supérieure étant le plus petit des majorants, on en déduit que

kx+ yk`1 kxk`1 + kyk`1 .

D’où la proposition.

39

Page 40: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Définition 4.2.3. On note `1(N;K) l’ensemble des suites à valeurs dans K telle queX

j2N|x(j)| < 1 .

Proposition 4.2.4. L’application

k · k`1

8<

:

`1(N;K) �! R+

x 7�! kxk`1def=X

j2N|x(j)|

est une norme sur `1(N;K).

Démonstration. Nous omettons la démonstration de la propriété de séparation et d’homogé-néité. La proposition 4.1.5 assure que pour tout entier N ,

NX

j=0

��(x+ y)(j)��

NX

j=0

|x(j)|+NX

j=0

|y(j)| .

La somme d’une série à termes positifs est la borne supérieure des sommes partielles. Ainsidonc,

8j 2 N ,NX

j=0

|(x+ y)(j)| kx|`1 + kyk`1 .

La borne supérieure étant le plus petit des majorants, on en déduit

kx+ yk`1 kx|`1 + kyk`1 .

D’où la proposition.

Définition 4.2.5. On note `2(N;K) l’ensemble des suites à valeurs dans K telle queX

j2N|x(j)|2 < 1 .

Proposition 4.2.6. L’application

k · k`2

8><

>:

`2(N;K) �! R+

x 7�! kxk`2def=

sX

j2N|x(j)|2

est une norme sur `2(N;K).

Démonstration. Nous omettons la démonstration de la propriété de séparation et d’homogé-néité. La proposition 4.1.7 assure que pour tout entier N ,

NX

j=0

��(x+ y)(j)��2

vuutNX

j=0

|x(j)|2 +

vuutNX

j=0

|y(j)|2

!2

.

La somme d’une série à termes positifs est la borne supérieure des sommes partielles. Ainsidonc, la fonction

p· étant croissante, on en déduit

8N 2 N ,NX

j=0

��(x+ y)(j)��2

��xk`2 + kyk`2�2

.

40

Page 41: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

La borne supérieure étant le plus petit des majorants, on en déduit

kx+ yk2`2

�kxk`2 + kyk`2

�2.

D’où la proposition.

4.3 Exemples de normes en dimension infinie

Commençons cette section par une remarque sur la dimension infinie. Un espace vectorielsur R ou C est dit de dimension infinie s’il n’existe pas de partie génératrice finie ou ce qui estéquivalent, s’il existe une famille libre infinie.

Proposition 4.3.1. Soit C0([a, b];K) l’espace vectoriel des fonctions continues d’un inter-valle [a, b] de R à valeurs dans K. On définit, pour une fonction f de C0([a, b];K),

kfk1déf= sup

t2[a,b]|f(t)| .

C’est une norme sur C0([a, b];K).

Démonstration. La démonstration de deux premières propriétés de la norme est laissée aulecteur. Pour démontrer l’inégalité triangulaire, observons que, pour tout t de l’intervalle [a, b],on a

|f(t) + g(t)| |f(t)|+ g(t)|

kfk1 + kgk1 .

La borne supérieure étant le plus petit des majorants, on a l’inégalité triangulaire.

Proposition 4.3.2. On définit sur C0([a, b];K) l’espace vectoriel des fonctions continues d’unintervalle [a, b] de R à valeurs dans K la fonction 3

kfk1déf=

Zb

a

|f(t)|dt .

C’est une norme sur C0([a, b];K).

Démonstration. D’après l’inégalité triangulaire sur K, on a

8t 2 [a, b| , |f(t) + g(t)| |f(t)|+ |g(t)| .

L’intégrale des fonctions continues respectant les inégalités entre fonctions, on en déduit l’in-égalité triangulaire. La facile vérification de l’homogénéïté est omise. De plus, si l’on a kfk1 = 0,alors cela signifie que Z

b

a

|f(t)|dt = 0 .

Si f est une fonction non nulle, sa continuité assure grâce au théorème de Heine qu’il existe unpoint c de l’intervalle [a, b] tel que la fonction |f | atteigne son maximum M qui est strictementpositif. La continuité de la fonction f assure alors l’existence d’un intervalle [a0, b0] de longueurstrictement positive tel que sur cet intervalle, la fonction |f | soit supérieure à la moitié de M .On a alors

(b0 � a0)M

2

Zb0

a0|f(t)|dt

Zb

a

|f(t)|dt.

Donc l’application kfk1 est bien une norme.3. On se réfère ici à la théorie de l’intégration des fonctions continues faite dans la section 1.6.

41

Page 42: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Proposition 4.3.3. On définit sur C0([a, b];K) l’espace vectoriel des fonctions continues d’unintervalle [a, b] de R à valeurs dans K la fonction

kfk2déf=

sZb

a

|f(t)|2dt .

C’est une norme sur C0([a, b];K).

Démonstration. Comme dans le cas de la proposition 4.1.7, la démonstration de l’inégalitétriangulaire repose sur une inégalité de type Cauchy-Schwarz. Plus précisément, on a le lemmesuivant.

Lemme 4.3.4. Pour tout couple (f, g) de fonctions continues sur l’intervalle [a, b] on a����Z

b

a

f(t)g(t)dt

���� kfk2kgk2 .

Démonstration. Définissons, pour � réel,

P2(�)déf=

Zb

a

��f(t) + �g(t)��2dt .

En développant le carré du module et en utilisant la linéarité de l’intégrale, on écrit que

P2(�) =

Zb

a

|f(t)|2dt+ 2�<e

Zb

a

f(t)g(t)dt+ �2Z

b

a

|g(t)|2dt

= kfk22 + 2�<e

Zb

a

f(t)g(t)dt+ kgk22 .

Comme le polynôme P2(�) est un polynôme de degré 2 positif (comme intégrale d’une fonctionpositive), son discriminant est négatif ou nul ce qui donne

✓2�<e

Zb

a

f(t)g(t)dt

◆2

4kfk22kgk22

ce qui assure l’inégalité voulue.

Conclusion de la démonstration de la proposition 4.3.3 Comme on a

|f(t) + g(t)|2 |f(t)|2 + 2<e�f(t)g(t)

�+ |g(t)|2 ,

on peut alors écrire queZ

b

a

|f(t) + g(t)|2dt kfk22 + 2<e

Zb

a

f(t)g(t)dt+ kgk22

kfk22 + 2kfk2kgk2 + kgk22

�kfk2 + kgk2

�2.

D’où l’inégalité triangulaire.

Comme nous venons le le voir, on peut définir plusieurs normes sur un même espacevectoriel. La question de leur comparaison est alors tout-à-fait naturelle. Introduisons la notionsuivante.

42

Page 43: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Définition 4.3.5. Soient d1 et d2 deux distances sur un même espace X. On dit que d1 et d2sont équivalentes s’il existe deux constantes ↵ > 0 et � > 0 telles que

8(x, x0) 2 E , ↵d1(x, x0) d2(x, x

0) �d1(x, x0) .

Soient N1 et N2 deux normes sur un même espace vectoriel E. On dit que N1 et N2 sontéquivalentes s’il existe deux constantes ↵ > 0 et � > 0 telles que

8x 2 E , ↵N1(x) N2(x) �N1(x) .

Proposition 4.3.6. Pour tout x de Kn, on a

kxk1 kxk2 kxk1 pnkxk2 nkxk1 .

Démonstration. Pour tout j dans {1, · · · , n}, on a

x2j nX

j=1

x2j = kxk22 et donc kxk21 kxk22.

Nous avonsnX

j=1

|xj |2

✓ nX

j=1

|xj |

◆2

et donc kxk22 kxk21.

En appliquant l’inégalité de Cauchy-Schwartz 4.1.8 avec x = (|x1|, · · · , |xn|) et x0 = (1, · · · , 1),on trouve que

nX

j=1

|xj | pn

✓ nX

j=1

x2j

◆ 12

ce qui est exactement l’inégalité kxk1 pnkxk2. Enfin, écrivons que

nX

j=1

x2j n max1jn

x2j

et l’on conclut que kxk2 pnkxk1 et la proposition est ainsi démontrée.

Exercice 4.3.7. Soient X un ensemble et d1, d2 et d3 trois distances sur X. Démontrer quesi d1 est équivalente à d2 et que d2 est équivalente à d3, alors d1 est équivalente à d3.

Exercice 4.3.8. Soient E un espace vectoriel et N1, N2 et N3 trois normes sur X. Démontrerque si N1 est équivalente à N2 et que N2 est équivalente à N3, alors N1 est équivalente à N3.

En utilisant la notion de compacité (voir Section 6), on peut démontrer le théorème suivant :

Théorème 4.3.9. Soit E un espace vectoriel de dimension finie, toutes les normes sont équi-valentes.

Ce théorème cesse d’être vrai en dimension infinie comme le montre l’exercice suivant.

Exercice 4.3.10. 1) Démontrer que si E est l’espace des fonctions continues de [0, 1] à valeursdans R, on a, avec les notations des propositions 4.3.1–4.3.3,

8f 2 E , kfk1 kfk2 kfk1 .

2) Considérons la suite de fonctions fn(t)déf= tn. Démontrer que

kfnk1 =1

n+ 1, kfnk2 =

r1

2n+ 1et kfnk1 = 1 .

3) Les normes k · k1, k · k2 et k · k1 sont-elle équivalentes sur E ? Justifiez la réponse.

43

Page 44: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

4.4 Le cas particulier des espaces de fonctions intégrables

Nous allons introduire l’espace des fonctions dites de carré intégrable qui sera un objetd’étude important plus tard dans ce cours.

Proposition 4.4.1. Les espaces L1(A;K) et L

2(A;K) de la définition 2.2.1 page 23 sont desespaces vectoriels. De plus les applications

k ·kL1

8<

:

L1(A;K) �! R+

f 7�!

Z

A

|f(x)|dxet k ·kL2

8><

>:

L2(A;K) �! R+

f 7�!

✓Z

A

|f(x)|2dx

◆ 12

vérifient la condition d’homogénéïté et l’inégalité triangulaire de la définition 4.1.1.

Démonstration. Pour tout couple de fonctions f et g, pour tout � dans K, on a

8x 2 A , |�f(x)| = |�| |f(x)| et |f(x) + g(x)| |f(x)|+ |g(x)|. (4.1)

. En utilisant les axiomes de linéarité (2.1) et de croissance (2.2) assurent que

k�fkL1 = |�| kfkL1 et kf + gkL1 kfkL1 + kgkL1 .

En ce qui concerne la norme k · kL2 , comme précédemment dans les démonstrations des pro-positions 4.1.7 et 4.3.3, nous avons besoin d’une inégalité de type Cauchy-Schwarz. D’aprèsl’assertion (4.1), on trouve que

k�fkL2 = |�| kfkL2 etZ

A

|f(x) + g(x)|2dx

Z

A

�|f(x)|+ |g(x)|

�2dx. (4.2)

We haveZ

A

�|f(x)|+ |g(x)|

�2dx

Z

A

|f(x)|2dx+ 2

Z

A

|f(x)| |g(x)|dx+

Z

A

|g(x)|2dx.

Nous allons maintenant établir l’inégalité de Cauchy-Schwarz.

Lemme 4.4.2. Soient f et g deux fonctions de F(A,R+) qui ne sont pas nulles presque

partout, on a, dans R+,Z

A

f(x)g(x)dx

✓Z

A

f2(x)dx

◆ 12✓Z

A

g2(x)dx

◆ 12

.

Démonstration. Supposons tout d’abord que f et g sont dans L2(A,K). Nous avons vu que

l’ensemble L2(A,K) est une espace vectoriel. De plus, comme

|f(x)g(x)| 1

2

�|f(x)|2 + |g(x)|2

�,

on en déduit que le produit fg est une fonction intégrable. De plus, pour tout réel �, on a

0 |f(x) + �g(x)|2 = |f(x)|2 + 2�f(x)g(x) + |g(x)|2.

Par intégration, on en déduit que, pour tout réel �,

0

Z

A

|f(x)|2dx+ 2�

Z

A

f(x)g(x)dx+ �2Z

A

|g(x)|2dx.

Le discriminant du polynôme ci-dessus est positif et donc le lemme est démontré lorsque f et gsont dans L2(A,K). Sinon, l’un des deux termes de droite de l’inégalité vaut +1 et l’inégalitéest vraie.

44

Page 45: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Le corollaire suivant sera très utilisé.

Corollaire 4.4.3. Soient f et g deux fonctions de L2(A,K), alors le produit fg appartient

à L1(A;K) et l’on a

����Z

A

f(x)g(x)dx

���� ✓Z

A

|f(x)|2dx

◆ 12✓Z

A

|g(x)|2dx

◆ 12

Poursuite de la démonstration de la proposition 4.4.1 On a

|f(x) + g(x)|2 = |f(x)|2 + 2<e(f(x)g(x)) + |g(x)|2

|f(x)|2 + 2|f(x)| |g(x)|+ |g(x)|2.

Par intégration et par utilisation de l’inégalité de Cauchy-Schwarz, on aZ

A

|f(x) + g(x)|2dx

Z

A

|f(x)|2dx+

Z

A

2|f(x)| |g(x)|dx+

Z

A

|g(x)|2dx

Z

A

|f(x)|2dx+

✓Z

A

|f(x)|2dx

◆ 12✓Z

A

|g(x)|2dx

◆ 12

+

Z

A

|g(x)|2dx

✓Z

A

|f(x)|2dx

◆ 12

+

✓Z

A

|g(x)|2dx

◆ 12

!2

ce qui démontre la seconde inégalité.

Malgré cela, les espaces L1(A,K) et L2(A,K) ne sont pas des espaces normés. En effet, si fest une fonctions nulle presque partout, alors elle est intégrable, pûisque nulle presque partoutainsi que la carré de son module et l’on a

Z

A

|f(x)|dx =

Z

A

|f(x)|2dx = 0.

Le premier axiome des normes n’est donc pas satisfait. La façon de contourner cette difficultéc’est de décider que l’on ne distingue pas les fonctions qui sont égales presque partout. Ceciconduit à la définition suivante.

Définition 4.4.4. Soient f et g deux fonctions de A dans K ou bien dans R+. On dit que fet g sont équivalentes et l’on note f ⇠ g si et seulement si f et g coïncident presque partoutc’est-à-dire que l’ensemble �

x 2 A/ f(x) 6= g(x)

est de mesure nulle.

Proposition 4.4.5. Si f ⇠ g et g ⇠ h, alors f ⇠ h. De plus, si f ⇠ g et h ⇠ k alors f + h ⇠

g + k et fh ⇠ gk.

Démonstration. Il suffit d’observer les inclusions suivantes :�x 2 A/ f(x) 6= h(x)

⇢��

x 2 A/ f(x) 6= g(x) [�x 2 A/ g(x) 6= h(x)

�,

�x 2 A/ f(x)+h(x) 6= g(x)+ k(x)

⇢��

x 2 A/ f(x) 6= g(x) [�x 2 A/ h(x) 6= k(x)

�et

�x 2 A/ f(x)h(x) 6= g(x)k(x)

⇢��

x 2 A/ f(x) 6= g(x) [�x 2 A/ h(x) 6= k(x)

�.

45

Page 46: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Ceci rentre dans le concept général de relation d’équivalence que nous présentons mainte-nant de manière abstraite.

Définition 4.4.6. Soit X un ensemble. Une relation est la donnée d’une partie R de X ⇥Xtelle que si l’on note xRx0 (en français x est en relation avec x0) lorsque le couple (x, x0)appartient à R. Cette relation est dite d’équivalence lorsque les trois propriétés suivantes sontvérifiées :

— la réflexivité, c’est-à-dire que, pour tout x de X, on a xRx,— la symétrie, c’est-à-dire que, si xRx0 alors x0Rx,— la transitivité, c’est-à-dire que si xRx0 et si x0Rx00 alors xRx00.

Les exemples de telles relations sont très nombreux et utilisés en permanence en mathéma-tiques sans d’ailleurs que l’on en ait pleinement conscience. Prenons comme premier exemplel’exemple la construction des entiers (positifs et négatifs) à partir des entiers positifs. On définitla relation suivante sur N2.

(n+, n�)R(m+,m�) () n+ +m� = m+ + n� . (4.3)

C’est un exercice très facile que de vérifier que l’on a définit une relation d’équivalence.

Lorsque que l’on a une telle relation, on peut définir la notion de classe d’équivalence.

Définition 4.4.7. Soit X un ensemble et R une classe d’équivalence. Une classe d’équivalenceest une partie A de X telle qu’il existe un élément x de X tel que

x0 2 A () x0Rx .

L’ensemble de ces classes d’équivalence est appelé "espace quotient" et quelquefois noté X/R.

Étant donné une relation d’équivalence suer un ensemble X, une classe d’équivalence estl’ensemble de tous les éléments de X qui sont en relation avec un même élément x de X ; ilsosnt donc tous en raltion les uns avec les autres.

Remarquons que si deux parties A et B sont des classes d’équivalence, elles sont alorsdisjointes ou égales si elle ont un élément en commun. De plus, tout point de l’ensemble Xappartient à une classe d’équivalence et une seule classe d’équivalence qui est appelée la classede x et souvent notée x. Un tel ensemble de partie s’appelle une partition de l’ensemble Xdont la définition précise est la suivante.

Définition 4.4.8. Soit A déf= (A�)�2⇤ une famille quelconque de parties d’un ensemble X. On

dit que A est une partition de X si et seulement si[

�2⇤= X et

�A� = A�0 ou bien A� \A�0 = ; .

Exercice 4.4.9. Démontrer que si A déf= (A�)�2⇤ est une partition de X, alors la relation

définie parxRx0 () 9� 2 ⇤ / x 2 A� et x0 2 A�

définit une relation d’équivalence et que l’espace quotient s’identifie alors à A.

Revenons à l’exemple donné par (4.3). On voit que les classes d’équivalence sont celles dedonnées par � ˙(n, 0) , n 2 N

[� ˙(0, n) , n 2 N \ {0}

46

Page 47: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Cet ensemble quotient est l’ensemble Z, les nombres positifs étant identifiés aux classes dutype ˙(n, 0) et les entiers négatifs aux classes du type ˙(0, n).

Un autre exemple liés aux nombres entiers est celui des congruences. Soit d un nombreentier supérieur ou égal à 2. On définit sur Z la relation

nRn0() d divise n� n0.

C’est un exercice facile laissé au lecteur que de démontrer que c’est une relation d’équivalenceet que la division euclidienne assure qu’il y a d classes d’équivalence qui correspondent chacuneà un reste possible d’une division euclidienne par d ; c’est -à-dire que l’on a

Z /dZ def= Z /R =

�0, 1, · · · , ˙d� 1

. (4.4)

Un autre exemple est celui donné par l’ensemble des nombres rationnels. On considèresur Z⇥(Z \{0}) la relation suivante

(p1, q1)R(p2, q2) () p1q2 = p2q1 .

On démontre facilement que c’est une relation d’équivalence et que l’ensemble des classesd’équivalence est décrite par

� ˙(p, q) , (p, q) 2 Z⇥(N \ {0}) / p ^ q = 1 .

Le lecteur aura reconnu là l’ensemble Q des nombres rationnels que l’on écritp

Après cette digression sur les relations d’équivalence, revenons aux fonctions intégrables.Nous allons définir sur L

1(A) la relation suivante

fRg () µd

��x 2 A/ f(x) 6= g(x)

�= 0 . (4.5)

Observons tout d’abord que la relation définie ci-dessus est une relation d’équivalence. En faitla réflexivité et la symétrie sont évidentes. Pour démontrer la transitivité, il suffit d’observerque �

x 2 A/ f(x) 6= h(x) ⇢�x 2 A/ f(x) 6= g(x)

[�x 2 A/ g(x) 6= h(x)

et que la réunion de deux ensembles négligeables est un ensemble négligeable.

On peut voir les exemples ci-dessus comme iune façon de "trier" les éléments d’un ensembleet l’ensemble des classes d’équivalences comme "un critère de tri".

Définition 4.4.10. Soit A une partie de Rd de mesure non nulle. On pose

L1(A)déf= L

1(A)/R et L2(A)déf= L

2(A)/R

où R désigne ici la relation d’équivalence définie par (4.5)

Lorsque l’on fait cette opération, on abandonne l’idée de "connaître" une fonction partout,mais simplement "presque partout" en identifiant deux fonctions égales presque partout. Ma-thématiquement, un élément de L1(A) est une classe d’équivalence de fonctions égales presquepartout. Le point fondamental est que l’on peut définir l’intégrale d’un élément de L1(A). On

47

Page 48: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

procède de la manière suivante. Soit f un élément de L1(A) et soient f et g deux fonctionsde L

1(A) appartenant toutes deux à f. On a����Z

A

f(x)dx�

Z

A

g(x)dx

���� =

����Z

A

�f(x)� g(x)

�dx

����

Z

A

��f(x)� g(x)��dx .

La Proposition 3.2.3 assure alors queZ

A

f(x)dx =

Z

A

g(x)dx .

On peut donc alors poser la définition suivante.

Définition 4.4.11. Soit A une partie de Rd de mesure non nulle. Soit f un élément de L1(A)On pose alors Z

A

f(x)dxdéf=

Z

A

f(x)dx avec f 2 f .

Remarquons tout de suite que la proposition 3.2.3 assure que l’intégraleZ

A

f(x)dx

est indépendante du choix de la fonction f dans la classe d’équivalence f ; la définition ci-dessusest donc bien cohérente. On peut définir les opérations suivantes sur les éléments de L1(A)(resp. L2(A) :

— si � est un nombre réel et f un élément de L1(A) (resp. L2(A), on définit �f commeétant la classe de �f où f est un élément de f.

— si f et g sont deux éléments de L1(A) (resp. L2(A), on définit f + g comme étant laclasse de f + g où f (resp. g) est un élément de f (resp. g).

Nous laissons le lecteur vérifier que ceci munit les espace L1(A) et L2(A) d’une structurede K-espace vectoriel.

Théorème 4.4.12. Soit A une partie de Rd de mesure non nulle. Définissons

k · kL1(A)

8<

:

L1(A) �! R+

f 7�!

Z

A

|f(x)|dx avec f 2 fet

k · kL2(A)

8><

>:

L1(A) �! R+

f 7�!

✓Z

A

|f(x)|2dx

◆ 12

avec f 2 f .

Alors (L1(A), k · kL1(A)) et (L2(A), k · kL1(A)) sont des espaces vectoriels normés.

Démonstration. Démontrons tout d’abord l’axiome de séparation. Soit f un élément de L1(A)telle que kfkL1(A) = 0. Par définition, ceci signifie que pour une fonction f de L

1(A) apparte-nant à f on a Z

A

|f(x)|dx = 0.

La proposition 3.2.3 assure que la fonction f est égal à 0 presque partout et donc que f estla classe de 0. La démonstration des deux autres axiomes suit celle exposée au début de laprésente section modulo une adaptation aux classes d’équivalences, ce qui constitue un excellentexercice laissé au lecteur.

48

Page 49: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Chapitre 5

Topologie des espaces métriques

5.1 Suites convergentes et fonctions continues

Définition 5.1.1. Soit (X, d) un espace métrique et (xn)n2N une suite d’éléments de X. Ondit que la suite (xn)n2N converge vers un point ` de X si et seulement si

8" > 0 , 9n" / n � n" =) d(xn, `) < " .

Remarques

— Lorsque X = K et d(x, x0) = |x � x0|, la définition ci-dessus est la définition élémen-taire 1.3.4 page 9.

— On constate facilement qu’avec cette définition, la suite (xn)n2N converge vers ` si etseulement si la suite de nombre réels

�d(x, xn)

�n2N tend vers 0.

Proposition 5.1.2. Dans un espace métrique, toute suite convergente est bornée. Par ailleurs,la limite d’une suite, si elle existe, est unique.

Démonstration Si (xn)n2N converge vers `, alors à partir d’un certain rang, mettons n", xnappartient à B(`, 1). Si on pose R

déf= max

0k<n"

d(`, xk), alors on a bien que, pour tout n, xnappartient à B(`,max{R, 1}).

De plus, si la suite (xn)n2N converge vers `1 et `2, alors à partir d’un certain rang N , ondevrait avoir

xn 2 B(`1, ⇢) \B(`2, ⇢) pour ⇢ =d(`1, `2)

L’inégalité triangulaire implique que B(`1, ⇢) \B(`2, ⇢) = ;. 2

Définition 5.1.3. Soient (X, d) et (Y, �) deux espaces métriques, f une application de Xdans Y et x0 un point de X. On dit que f est continue en x0 si et seulement si

8" > 0 , 9↵" > 0 / d(x0, x) < ↵" =) ��f(x0), f(x)

�< " .

Remarque Lorsque X = Y = K et d(x, x0) = �(x, x0) = |x� x0|, la définition ci-dessus est ladéfinition élémentaire.

Proposition 5.1.4. Soient (X, d) et (Y, �) deux espaces métriques, f une fonction de Xdans Y et a un point de X. Sont équivalentes :

i) f est continue en a ;

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Page 50: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

ii) Pour toute suite (xn)n2N d’éléments de X convergeant vers a, la suite (f(xn))n2Nconverge vers f(a).

Démonstration. Supposons f continue en a et considérons une suite (xn)n2N convergeantvers a. Par définition de la continuité, on a

8" > 0 , 9↵" > 0 / d(x, a) < ↵" =) �(f(x), f(a)) < " .

Par définition de la convergence d’une suite,

9n" / n � n" =) d(xn, a) < ↵" .

Ainsi donc8" > 0 , n � n" =) �

�f(xn), f(a)

�< " .

Supposons maintenant que la fonction f ne soit pas continue en a. Par définition de lacontinuité, cela signifie que

9"0 > 0 / 8↵ > 0 , 9x↵ / d(x↵, a) < ↵ et ��f(x↵), f(a)

�� "0 .

En appliquant ceci avec ↵ = 2�n, on établit l’existence d’une suite (xn)n2N d’éléments de Xconvergeant vers a (car d(xn, a) < 2�n) et telle que la suite (f(xn))n2N ne converge pasvers f(a) (car d

�f(xn), f(a)

�� "0.

Cette caractérisation séquentielle de la continuité est particulièrement utile pour montrerqu’une fonction n’est pas continue en un point : on trouve deux suites qui tendent vers cepoint mais dont l’image par f donne deux limites différentes.

Exercice 5.1.5. Soient X et Y deux ensembles et d1 et d2 (resp. �1 et �2) deux distanceséquivalentes sur X (resp. Y ). Alors si f est continue en a de (X, d1) dans (Y, �1), alors elle estcontinue en a de (X, d2) dans (Y, �2).

Exercice 5.1.6. Soit (X, d) un espace métrique et A une partie de X. Pour tout x dans X,on pose

d(x,A)déf= inf

a2Ad(x, a).

1) Démontrer que

8(x, x0) 2 X2 ,��d(x,A)� d(x0, A)

�� d(x, x0).

2) En déduire que x 7! d(x,A) est continue.

5.2 Notion d’ouverts et de fermés

Définition 5.2.1. Soit (X,d) un espace métrique. Soient a un élément de X et r un réelstrictement positif. On appelle boule ouverte (resp. fermée) de centre a et de rayon r et l’onnote B(a, r) (resp. Bf (a, r)) l’ensemble des points x de X dont la distance à a est strictementinférieure (resp. inférieure ou égale) à r.

Exemple Dans R muni de la distance définie par la valeur absolue, les boules ouvertes sontles intervalles ouverts

]a, b[=ia+ b

2�

b� a

2, a+ b

2+

b� a

2

h

et les boules fermés sont les intervalles fermés

[a, b] =ha+ b

2�

b� a

2, a+ b

2+

b� a

2

50

Page 51: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Définition 5.2.2. Une partie O d’un espace métrique (X,d) est dite ouverte si pour toutélément a de O il existe une boule ouverte centrée en a incluse dans O. On convient aussi quel’ensemble vide est un ouvert.

Une partie F de X est dite fermée si son complémentaire dans X est ouvert.

Exemple L’espace entier X est toujours ouvert et fermé .

Proposition 5.2.3. Soit (X, d) un espace métrique. Une boule ouverte est un ouvert et uneboule fermée est un fermé.

Démonstration. C’est essentiellement une variation autour de l’inégalité triangulaire. Soient aun point de X et x0 un point de la boule B(a, r). Nous allons démontrer que

B(x0, r � d(x0, a)) ⇢ B(a, r)

ce qui assurera que la boule B(a, r) est un ouvert. Pour ce faire, observons que si x appartientà B(x0, r � d(x0, a)), l’inégalité triangulaire assure que

d(x, a) d(x, x0) + d(x0, a)

< r � d(x0, a) + +d(x0, a)

< r .

Considérons maintenant un point x0 de�Bf (a, r)

�c et montrons que

B(x0, d(x0, a)) ⇢�Bf (a, r)

�c

ce qui assure le résultat. Pour ce faire, observons que l’inégalité triangulaire dite "renversée"(voir la proposition 4.1.2 permet d’écrire que si x appartient à B(x0, d(x0, a)), alors

d(x, a) � d(x0, a)� d(x0, x)

> d(x0, a)� (d(x0, a)� r)

> r .

D’où le résultat.

Proposition 5.2.4. Soient X un ensemble et d1 et d2 deux distances équivalentes sur X.Alors les ouverts de l’espace métrique (X, d1) sont les ouverts de l’espace métrique (X, d2).

Démonstration. Si O est un ouvert de l’espace métrique (X, d1), cela signifie que

8x0 2 O , 9r0 > 0 / d1(x, x0) < r0 =) x 2 O .

Si d2(x, x0) <r0�

, alors d1(x, x0) < r0 et donc x appartient à O.

Proposition 5.2.5. Une union d’ensembles ouverts est toujours ouverte. Une intersectiond’ensembles fermés est toujours fermée.

Démonstration Soit (Oi)i2I une famille quelconque d’ensemble ouverts. On considère un élé-ment x de

[

i2IOi. Cette appartenance signifie qu’il existe un indice ix tel que x appartiene

à Oi. Cet ensemble étant ouvert, il existe une boule ouverte B(x, r) incluse dans Oi donc dansla réunion. Donc la réunion

[

i2IOi est un ouvert. La propriété pour les fermés s’obtient par

passage au complémentaire. 2

51

Page 52: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Proposition 5.2.6. Une intersection finie d’ensembles ouverts est toujours ouverte. Uneréunion finie d’ensembles fermés est toujours fermée.

Démonstration Soit (Oi)1jN une famille finie d’ouverts et x un élément den\

1=1

Oi. Les

ensembles Oi éant des ouverts,

8i 2 {1, · · · , n} , 9ri > 0 / B(x, ri) ⇢ Oi .

Posons rdéf= min

1jN

ri. On a

8i 2 {1, · · · , n} , B(x, r) ⇢ B(x, ri) ⇢ Oi .

Ainso donc, B(x, r) ⇢n\

1=1

Oi et cette intersection est donc ouverte. La propriété sur la réunion

finie des fermés s’obtient par passage au complémentaire. 2

La proposition suivante est très utile pour démontrer qu’un ensemble est un ouvert ou unfermé.

Proposition 5.2.7. Soit f une fonction de X, d) dans (Y, �) continue en tout point de X.Soit V un ouvert (resp. fermé) de Y , alors f�1(V ) est un ouvert (resp. un fermé) de Y .

Démonstration Vu que f�1(V c) = (f�1(V ))c, il suffit de démontrer la proposition dans le casoù V est un ouvert. Soit x0 un point de f�1(V ). Par définition de l’image réciproque, celasignifie que f(x0) appartient à V . L’ensemble V étant un ouvert, par définition il existe un réelstrictement positif "0 tel que la boule ouverte de centre f(x0) et de rayon "0 incluse dans V .La continuité de f au point x0 assure l’existence d’un réel strictement positif ↵0 tel que

d(x, x0) < ↵0 =) �(f(x), f(x0)) < "0 .

Ceci signifie que f�(Bd(x0,↵0)

�⇢ B�(f(x0), "0). Comme cette boule st incluse dans V , on en

déduit que donc que f�Bd(x0,↵0)

�⇢ B. Par définition de l’image réciproque, ceci implique

que Bd(x0,↵0) est inclus dans f�1(V ) ce qui démonte que f�1(V ) est un ouvert. 2

Ceci permet est un critère commode pour démontrer que des parties de Rd définies pasdes inégalités sont des ouverts (les inégalités sont strictes) ou des fermés (les inégalités sontlarges).

Une autre critère est également très utile ; c’est la caractérisation dite séquentielle desfermés. Voici ce sont il s’agit.

Proposition 5.2.8 (Caractérisation séquentielle des parties fermées). Soit (X, d) un espacemétrique et A une partie de X. Cette partie A est fermée si et seulement si tout point ` de Xlimite d’une suite d’éléments de A appartient à A.

Démonstration Elle repose sur le lemme suivant :

Lemme 5.2.9. Une partie A d’un espace métrique (X, d) est fermée si et seulement si pourtout point x0 de X

8r > 0 , B(x0, r) \A 6= ; =) x0 2 A . (5.1)

52

Page 53: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Démonstration Écrivons la contraposée de (5.1) qui est

x0 62 A =) 9r0 > 0 / B(x0, r0) \A = ;

ce qui s’écritx0 62 A =) 9r0 > 0 / B(x0, r0) ⇢ Ac.

Ceci signifie exactement que Ac est un ouvert. D’où le lemme. 2

Conclusion de la démonstration de la proposition 5.2.9 L’assertion (5.2.9) est équivalente à

8n 2 N , B(x0, 2�n) \A 6= ; =) x0 2 A.

ce qui est équivalent à l’existence d’une suite (an)n2N d’éléments de A convergeant vers x0. 2

Ce critère est très utile notamment des le cadre des espaces normés de dimension infiniecomme le montre l’exemple traité par la proposition suivante.

Proposition 5.2.10. On considère l’espace normé (`1(N), k · k1) introduit par la défini-tion 4.2.1 page 39. On considère c0(N) l’ensemble de suites tendant vers 0. C’est une partiefermé de `1(N).

Démonstration On applique le critère précédent. Soit (xn)n2N une suite d’éléments de `1(N)convergeant vers un élément x de `1(N). Démontrons que x appartient à c0(N). Pour ce faire,on observe que par définition de la convergence des suites dans `1(N),

8" > 0 , 9n" / kxn" � xk`1 <"

This implies that

8" > 0 , 9n" / 8j 2 N , |xn"(j)� x(j)| <"

2· (5.2)

As n" belongs to c0(N), an integer j" exists such that

8j � j" , |xn"(j)| "

2· (5.3)

D’après ces deux estimations, on déduit en utilisant l’inégalité triangulaire dans K et (5.2)que, pour tout j in N

|x(j)| = |x(j)� xn"(j) + xn"(j)|

|x(j)� xn"(j)|+ |xn"(j)|

kx� xn"k`1 + |xn"(j)|

"

2+ |xn"(j)| .

En utilisant (5.3), on conclut que

8j � j" , |x(j)| < "

et donc que c0(N) est fermé. 2

53

Page 54: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

5.3 Adhérence, intérieur, frontière et parties denses

Définition 5.3.1. Soit A d’un espace métrique (X, d), on dit que x0 est adhérent à A si etseulement si

8r > 0 / B(x, r) \A 6= ; .

On note A l’ensemble des points adhérents. à A. Une partie A d’un espace métrique (X, d) estdite dense dans A si A = X.

Remarquons tout d’abord que A contient A et que si A et B sont deux parties de X tellesque A soit inclus dans B, alors A est inclus dans B.

Proposition 5.3.2. Soit (E,N) un espace vectoriel normé. Alors l’adhérence d’une bouleouverte est la boule fermé de même centre et de même rayon.

Démonstration Soient x0 un élément de E et r0 un rayon strictement positif. On considère unélément x de E tel que N(x� x0) = r0. On considère le segment [x0, x] c’est-à-dire

�x(�)

déf= x0 + �(x� x0) avec � 2 [0, 1]

.

On a

N�(x(�)� x0

�= �N(x� x0) = �r0 et

N�x� x(�)

�= (1� �)N(x� x0) = (1� �)r0.

Ainsi donc pour tout rayon r strictement positif, l’ensemble B(x0, r0) \ B(x, r) contient tousles x(�) pour � dans l’intervalle

i1�

r

r0, 1h. 2

Proposition 5.3.3. L’adhérence d’une partie A d’un espace métrique est le plus petit fermécontenant A.

Démonstration Montrons tout d’abord que A est fermé. Si x0 n’appartient pas à A, alors ilexiste un rayon strictement positif r0 tel que B(x0, r0) \ A = ; c’est-à-dire que B(x0, r0) estincluse dans Ac. Mais pour tout x dans B(x0, r0), on a

B�x, r0 � d(x, x0)

�⇢ B(x0, r0) ⇢ Ac

et donc x n’appartient pas à (A)c ce qui signifie que (A)c est ouvert.Considérons maintenant un fermé F contenant A et démontrons que F contient A. Soit x0

un élément de A. En appliquant la définition avec r = 2�n, on construit une suite (an)n2Nd’éléments de A telle que d(x0, an) 2�n. Comme F est fermé et contient A, la caractérisationséquentielle des fermés assure que x0 appartient à F . 2

Exercice 5.3.4. Démontrer que F est fermé si et seulement si F = F .

Proposition 5.3.5 (Caractérisation séquentielle de l’adhérence). Soit A une partie d’un es-pace métrique (X, d). L’adhérence de A est l’ensemble des points ` de X tels qu’il existe unesuite (an)n2N d’éléments de A qui converge vers `.

Démonstration Il suffit d’appliquer la définition avec r = 2�n et la définition d’une suiteconvergente. Les détails sont laissés en exercice. 2

54

Page 55: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

On en déduit immédiatement le corollaire suivant.

Corollaire 5.3.6 (Caractérisation séquentielle de la densité). Une partie A de X est densesi et seulement si, pour tout élément de X il existe une suite d’éléments de A qui convergevers x.

Exercice 5.3.7. Démontrer que l’ensemble des nombres dyadiques c’est-à-dire l’ensemble desnombres de la forme

NX

n=1

"n2n

avec "n 2 {0, 1} est dense dans [0, 1].

Définition 5.3.8. Pour toute partie A d’un espace métrique (X, d) on appelle intérieur de Al’union de tous les ouvert contenus dans A. C’est le plus grand (au sens de l’inclusion) ouvert

contenu dans A, on le note�A.

5.4 Suites de Cauchy, complétude et espace de Banach

Définition 5.4.1. Une suite (xn)n2N d’un espace métrique (X, d) est dite de Cauchy lorsqu’elleest bornée et que

limn!1

supp

d(xn+p, xn) = 0.

Un espace métrique (X, d) est dit complet lorsque toute suite de Cauchy est convergente.

Remarque La définition d’une suite de Cauchy peut être aussi être écrite sous la formeéquivalente plus habituelle

8" > 0 , 9n" / 8n � n" , 8p , d(xn+p, xn) < " .

Proposition 5.4.2. Toute suite convergente est une suite de Cauchy.

Démonstration Si (xn)n2N converge vers x, alors

8" , 9n" / 8n � n" , d(xn, x) <"

L’inégalité triangulaire permet d’écrire que

8n � n" , 8p 2 N , d(xn, xn+p) d(xn, x) + d(x, xn+p) <"

2+

"

2= "

ce qui assure le résultat. 2

Proposition 5.4.3. Une suite de Cauchy admettant une valeur d’adhérence converge verscelle-ci.

Démonstration Soit (xn)n2N une suite de Cauchy admettant une valeur d’adhérence x. Pardéfinition, un réel strictement positif " étant donné, on dispose de deux entiers n" et m" etd’une fonction d’extraction ' telle que

8n � n" , 8p 2 N , d(xn+p, xn) <"

2et 8n � m" , d(x'(n), x) <

"

Ainsi donc, en prenant n � max{m", n"}, on assure que

d(xn, x) d(xn, x'(n)) + d(x'(n), x) <"

2+

"

2= " .

On a donc bien la convergence de (xn)n2N vers x. 2

55

Page 56: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Corollaire 5.4.4. (R, | · |) est complet.

Démonstration C’est une conséquence de la proposition 5.4.3 et du Théorème de Bolzano-Weierstrass 1.3.10 page 10. 2

Exemple L’ensemble des rationnels Q ne l’est pas, [0, 1[ non plus, mais [0, 1] l’est.

Proposition 5.4.5. Si X est un espace métrique complet alors un sous-ensemble A de X estcomplet pour la distance induite si et seulement si A est fermé dans X.

Démonstration Si A est fermé, et que (xn)n2N est une suite de Cauchy constituée d’élémentsde A, alors la suite (xn)n2N converge dans X (par complétude) et sa limite appartient à A(caractérisation séquentielle des fermés) : les suites de Cauchy de A convergent donc dans A !Réciproquement si A est complet pour la distance induite et que (xn)n2N est une suite d’élé-ments de A convergeant vers un élément x de X, alors en particulier cette suite est de Cauchy :elle converge dans A et par unicité de la limite x appartient bien à A. 2

Nous allons maintenant donner une suite d’exemples d’espace de Banach.

Définition 5.4.6. Un espace de Banach est un espace vectoriel normé complet.

Proposition 5.4.7. Tout espace vectoriel normé de dimension finie, muni d’une norme quel-conque, est un espace de Banach.

Démonstration Par le Théorème 6.2.3 page 64 (que nous démontrons en temps voulu), toutes lesnormes sur E sont équivalentes. Si E est de dimension d, on sait qu’il existe un isomorphismede E sur Rd , permettant de considérer sur E la norme k · k1, induite de la norme k · k1sur Rd . Une suite de Cauchy dans E s’identifie alors à une suite de vecteurs de Rd dontchaque composante forme une suite de Cauchy de nombres réels : la convergence en découle.2

Nous allons maintenant donner une liste d’exemples d’espaces de Banach.

Proposition 5.4.8. Soit X un ensemble, on désigne par B(X;K) l’ensemble des fonctions fbornées de X dans K c’est-à-dire telles que

kfkB(X;K)déf= sup

x2X|f(x)| < 1 .

Alors�B(X;K), k · kB(X;K)

�est un espace de Banach

Démonstration. Le fait que k · kB(X;K) soit une norme sur B(X;K) est un exercice fortementrecommandé laissé au lecteur. Démontrons qu’une suite de Cauchy de

�B(X;K), k · kB(X;K)

converge. Soit (fn)n2N une telle suite. Par définition, ceci implique que

8" > 0 , 9n" / 8n � n" , 8p 2 N , kfn+p � fnkB(X;K) < " . (5.4)

Par définition de la norme k · kB(X;K), ceci implique que

8" > 0 , 9n" / 8n � n" , 8p 2 N , 8x 2 X , |fn+p(x)� fn(x)| < " . (5.5)

En particulier, pour tout x de X la suite (fn(x))n2N est une suite de Cauchy de K qui estcomplet. Elle converge donc vers un élément de K que l’on désignera par f(x). Il nous restedeux choses à démontrer :

— la fonction f ainsi définie appartient à B(X;K) ;

56

Page 57: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

— la suite (kfn � fkB(X;K))n2N tend vers 0, c’est-à-dire que la suite (fn)n2N tend vers fau sens de la topologie de B(X;K).

Pour démontrer le premier point, appliquons (5.4) avec " = 1. Il en résulte que, pour toutentier p,

kfn1+pkB(X;K) kfn1+p � fn1kB(X;K) + kfn1kB(X;K)

1 + kfn1kB(X;K) . (5.6)

Par définition de la norme k · kB(X;K), ceci implique que

8x 2 X , 8p 2 N , |fn1+p(x)| 1 + kfn1kB(X;K) .

Comme pour tout x de X, on a limp!1

fn1+p(x) = f(x), on en déduit que

8x 2 X , |f(x)| 1 + kfn1kB(X;K)

et donc que f appartient à B(X;K).Démontrons maintenant le second point. En passant à la limite p tendant vers l’infini dans

l’inégalité (5.5), on trouve que

8" > 0 , 9n" / 8n � n" , 8x 2 X , |f(x)� fn(x)| "

c’est-à-dire que8" > 0 , 9n" / 8n � n" , kf � fnkB(X;K) "

ce qui conclut la démonstration de la proposition.

Remarque Cette norme est dite norme de la convergence uniforme.

Proposition 5.4.9. L’espace vectoriel (`2(N), k · k`2) est un espace de Banach.

Démonstration. Soit (xn)n2N une suite de Cauchy de `2(N), nous allons construire un élément xde `2(N) tel que

limn!1

kxn � xk`2 = 0 .

Vu que `2(N) est inclus dans `1(N) et que pour tout x0 dans `2(N), on a kx0k`1 kx0k`2 , lasuite (xn)n2N est une suite de Cauchy de `1(N). La proposition 5.4.8 appliquée avec X = Nassure l’existence d’un élément x de `1(N) tel que lim

n!1kxn�xk`1 = 0. Il nous faut maintenant

démontrer que— L’élément x de `1(N) appartient à `2(N) ;— La suite (kxn � xk`2)n2N tend vers 0.

Observons tout d’abord que le fait que la suite (xn)n2N soit de Cauchy s’écrit

8" > 0 , 9n" / 8n � n" , 8p 2 N ,X

j2N|xn+p(j)� xn(j)|

2 "2 . (5.7)

En appliquant cette inégalité avec " = 1 et l’inégalité triangulaire, on trouve que, pour toutentier N ,

vuutNX

j=0

|xn1+p(j)|2

vuutNX

j=0

|xn1+p(j)� xn1(j)|2 +

vuutNX

j=0

|xn1(j)|2

1 + kxn2k`2 .

57

Page 58: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

En passant à la limite dans la somme finie ci-dessus, on trouve que

8N 2 N ,NX

j=0

|x(j)|2 (1 + kxn1k`2)2.

ce qui implique que x appartient à `2(N). Démontrons maintenant que la suite (kxn�xk`1)n2Ntend vers 0. Pour ce faire, observons que l’inégalité (5.7) implique que

8" > 0 , 9n" / 8n � n" , 8p 2 N , 8N 2 N ,NX

j=0

|xn+p(j)� xn(j)|2 "2 .

Comme on a8j 2 N , 8n 2 N , lim

p!1xn+p(j) = x(j) ,

on en déduit que

8" > 0 , 9n" / 8n � n" , 8N 2 N ,NX

j=0

|x(j)� xn(j)|2 "2 .

Par définition de la somme d’une série à termes positifs, on en déduit que

8" > 0 , 9n" / 8n � n" ,X

j2N|x(j)� xn(j)|

2 "2 .

D’où le résultat.

Proposition 5.4.10. L’espace C0([a, b];R) des fonctions continues de [a, b] dans R muni dela norme de la proposition 4.3.1 est un espace de Banach.

Démonstration. Nous allons utiliser le lemme suivant.

Lemme 5.4.11. Soit (X, d) un espace métrique et A une partie fermée de X. Alors l’espacemétrique (A, dA⇥A) est un espace complet.

Démonstration. Soit (an)n2N une suite de Cauchy d’éléments de A. C’est une suite de Cauchyd’éléments de X qui est complet. Donc la suite (an)n2N converge vers un élément x de X. Laproposition 5.2.8 assure que x appartient à A ce qui démontre le lemme.

Poursuite de la démonstration de la proposition 5.4.10 Nous sommes donc ramenés à dé-montrer que C0([a, b];R) est une partie fermée de B([a, b];K). Pour ce faire, on utilise lacaractérisation séquentielle des fermés établie à la proposition 5.2.8. Considérons une suite defonctions (fn)n2N continues sur [a, b] qui converge vers f dans B([a, b];K). Nous allons démon-trer que f est continue ce qui assurera la propositon 5.4.10. L’inégalité triangulaire dans K etla définition de la norme sur B([a, b];K) assure que pour tout couple (t, t0) de [a, b] et pourtout entier n,

|f(t)� f(t0)| |f(t)� fn(t)|+ |fn(t)� fn(t0)|+ |fn(t0)� f(t0)|

2kf � fnkB([a,b];K) + |fn(t)� fn(t0)|.

Soit " un réel strictement positif. Comme la suite (fn)n2N converge vers f , il existe un entier n"

tel quekf � fn"kB([a,b];K) <

"

58

Page 59: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Ainsi donc

|f(t)� f(t0)| "

2+ |fn"(t)� fn"(t0)| . (5.8)

La fonction fn" étant continue en t0, il existe un réel strictement positif ↵" tel que

|t� t0| < ↵" =) |fn"(t)� fn"(t0)| <"

On déduit alors de (5.8) que

|t� t0| < ↵" =) |fn"(t)� fn"(t0)| < "

ce qui conclut la démonstration de la proposition 5.4.10.

Remarque L’essentiel de la démonstration ci-dessus consiste à démontrer que la limite uni-forme d’une fonction continue est continue.

Proposition 5.4.12. Dans un espace vectoriel normé tout sous-espace de dimension finie estfermé.

Démonstration D’après la proposition 5.4.7 un tel sous-espace est complet : il est donc néces-sairement fermé. 2

Le résultat suivant, très important, est l’équivalent dans un espace de Banach du résultatdisant qu’une série réelle absolument convergente est convergente.

Théorème 5.4.13. Dans un espace de Banach E, siX

n2NkxnkE < 1 ,

alors la suite SN

déf=

NX

n=0

xn converge dans E.

Démonstration Par une application répétée de l’inégalité triangulaire on montre

kSN+P � SNkE

N+PX

n=N+1

kxnkE

1X

n=N+1

kxnkE .

Comme la suite des restes d’une série réelle convergente converge vers 0, la suite (SN )N2N estde Cauchy ; la complétude de E permet de conclure. 2

Théorème 5.4.14 (Point fixe de Picard). Soit X un espace métrique complet et f une appli-cation de X dans X contractante, c’est-à-dire telle que

8(x, x0) 2 X2 , d(f(x), f(x0)) k d(x, x0) avec k < 1 .

Alors il existe un unique élément a 2 X tel que f(a) = a.

59

Page 60: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Exercice 5.4.15. Le but de cet exercice est de démontrer le théorème de Picard. On se placedans le cadre de l’énoncé ci-dessus.

1) Pourquoi la fonction f est-elle continue ?Soit x0 un point de X. On définit la suite récurrrente

xn+1 = f(xn) .

2) Démontrer que

8n 2 N \ {0} , d(xn+1, xn) k d(xn, xn�1) .

3) En déduire que

8(n, p) 2 N2 , d(xn+p, xn) kn

1� kd(x1, x0) .

4) En déduire que la suite est de Cauchy et conclure.

60

Page 61: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Chapitre 6

Compacité

La notion de compacité est une notion importante mais très difficile à manier en dimensioninfinie. Dans tout ce chapitre (X, d) désignera un espace métrique complet.

6.1 Définition et propriétés générales

La théorie repose sur le lemme suivant.

Lemme 6.1.1. Soit (X, d) un espace métrique complet et F une partie fermée de X. Les deuxconditions suivantes sont équivalentes :

i) toute suite d’éléments de F admet une valeur d’adhérence appartenant à F .ii) l’ensemble F peut être recouvert par un nombre fini de boules de taille arbitrairement

petites. Plus précisement,

8" > 0 , 9(xj)1jN 2 XN /F ⇢

N[

j=1

B(xj , "). (6.1)

Démonstration Supposons que l’assertion ii) ne soit pas vraie. Nous allons construire une suited’éléments de F qui n’admet pas de valeur d’adhérence. Soit x0 un élément de F . Le fait quel’hypothèse (6.1) ne soit pas vraie implique en particulier qu’il existe un "0 tel que F n’est pasinclus dans la boule B(x0, "0). Soit x1 un élément de F \B(x0, "0). Comme F n’est pas inclusdans la réunion des deux boules, il existe un élément x2 de F tel que

x2 2 F \

1[

j=0

B(xj , "0)

Supposons construits N éléments de F désignés par (xj)0,jn�1 tels que

8j n� 1 , xj 2 F \

j�1[

j0=0

B(x0j , "0)

Par hypothèse, il existe xn dans F \

n�1[

j=0

B(xj , "0). La suite ainsi construite par récurrence

vérifie8(n,m) 2 N2 / n 6= m, d(xn, xm) � "0.

Une telle suite n’admet aucune sous-suite convergente.

61

Page 62: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Supposons maintenant ii) et considérons une suite (xn)n2N d’éléments de F . Nous allonsprocéder d’une manière qui rappelle la démonstration du théorème de Bolzano-Weierstrass(voir le théorème 1.3.10 page 10).

L’hypothèse de recouvrement implique l’existence d’un élément ↵0 de X tel que l’en-semble X0 défini par

X0déf=�m/ xm 2 B(↵0, 2

�1)

soit infini. On pose alors'(0)

déf= minX0.

Remarquons que pour tout m 2 X0, on a d(xm, x'(0)) 2�1. De même, il existe un élément ↵1

de X tel que l’ensemble X1 définie par

X1déf=�m 2 X0 / xm 2 B

�↵1, 2

�2)

soit infini. On pose alors'(1)

déf= min

�m 2 X1 /m > '(0)

.

Supposons construites une suite finie strictement croissante d’entiers ('(`))0`n, une suitede points (↵`)0`n de X et une suite décroissante d’ensembles infinis d’entiers (X`)0`n

telles que8` n , '(`) 2 X` et m 2 X` =) xm 2 B(↵`, 2

�`).

Vu que l’ensemble F est recouvert par un nombre fini de boule de rayon 2�(n+1), il existe unpoint ↵n+1 de X tel que

Xn+1déf=�m 2 Xn / xm 2 B(↵n+1, 2

�(n+1))

est infini. On définit alors '(n+1) comme le plus petit éléments de Xn+1 strictement supérieurà '(n). On a ainsi défini par récurrence une fonction d’extraction ' telle qu’en particulier

8(n, p) 2 N2 , d(x'(n), x'(n+p)) < 2�(n+1).

Il en résulte immédiatement que la suite (x'(n))n2N est de Cauchy donc converge car l’espacemétrique (X, d) est complet. 2

Définition 6.1.2. Soit (X, d) un espace métrique. On dit qu’une partie A de X est compactsi et seulement si elle est fermé et vérifie l’une de deux conditions du théorème ci-dessus.

Remarquons que toute partie fermée incluse dans une partie compacte est compacte.

Le théorème suivant décrit les propriétés des applications continues sur une partie compacted’un espace métrique.

Théorème 6.1.3 (de Heine). Soit f continue d’un espace métrique compact (X, d) à valeursdans un espace métrique (Y, �). Pour tout compact K de (X, d), l’ensemble image f(K) est uncompact de (Y, �). De plus, la fonction f|K est uniformément continue sur K ce qui signifie que

8" > 0 , 9↵" > 0 / d(x, x0) ↵" =) �(f(x), f(x0)) < " .

Démonstration Pour démontrer que f(K) est compact, considérons une suite (yn)n2N de f(K).Par définition, il existe une suite (xn)n2N d’éléments de K telle que yn = f(xn). L’ensemble Kétant supposé compact, il existe une fonction d’extraction ' et un point x de K tel que la sous-suite (x'(n))n2N converge vers `. La fonction f étant continue, alors la suite y'(n) = f(x'(n))converge vers f(`) ce qui assure que f(K) est compact.

62

Page 63: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Pour démontrer l’uniforme continuité, nous allons procéder par contraposition. Supposonsque la fonction f ne soit pas uniformément continue. Cela implique que

9"0 > 0 , 8↵ > 0 , 9(x, x0) 2 X2 / d(x, x0) < ↵ et �(f(x), f(x0)) � "0 .

En appliquant cela avec ↵ = 2�n, on en déduit l’existence de deux suites (xn)n2N et (x0n)n2Ntelles que

d(xn, x0n) < 2�n et �(f(xn), f(x

0n)) � "0 .

Comme l’espace métrique (X, d) est compact, il existe une fonction d’extraction ' et un point `de X tels que

limn!1

x'(n) = ` .

Vu que d(xn, x0n) < 2�n, ceci implique que la suite (x0'(n))n2N converge elle aussi vers `.

L’inégalité triangulaire implique que

"0 �(f(x'(n)), f(x0'(n))) �(f(x'(n)), `) + �(`, f(x0

'(n))) .

Ceci implique que

�(f(x'(n)), `) � "0 ou bien �(f(x0'(n)), `) � "0 .

La fonction f n’est donc pas continue en ` ce qui conclut la démonstration du théorème. 2

Nous allons maintenant donner un corollaire très utile dans le cadre des fonctions à valeursréelles.

Corollaire 6.1.4. Soit f une fonction continue d’un espace métrique compact (X, d) à valeursdans R. La fonction f est borné et il existe deux éléments xm et xM de X tels que

f(xm) = infx2X

f(x) et f(xM ) = supx2X

f(x) .

Démonstration Observons tout d’abord que f(K) est un ensemble compact de R, c’est-à-direun fermé borné. Il existe donc ym et yM dans f(K) tels que

ym = infx2X

f(x) et yM = supx2X

f(x) .

Par définition de l’image, on a le résultat. 2

6.2 Compacité dans les espaces vectoriels de dimension finie

Théorème 6.2.1. Les parties compactes de R sont les parties fermées et bornées.

Démonstration Ceci n’est rien d’autre que le théorème de Bolzano-Weiestrass (voir page 10).2

Le théorème principal sur la compacité est le suivant.

Théorème 6.2.2. Un ensemble K dans Rd est compact au sens de la norme k · k1 si etseulement s’il est à la fois fermé et borné, i.e., s’il existe un R > 0 tel que K ⇢ [�R,R]d.

Remarquons que dans l’énoncé de ce théorème, nous avons précisé le choix de la norme.La raison en est que ce résultat est clef pour démontrer que toutes les normes sur un espacevectoriel de dimension finie sont équivalentes.

63

Page 64: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Démonstration du théorème 6.2.2. Pour démontrer le sens direct, il suffit de démontrer que siune partie K n’est pas bornée, alors on peut construire une suite d’éléments de K qui n’admetaucun suite convergente. Si K n’est pas bornée, pour tout entier n il existe un élément xnde K tel que kxnk1 � n. Toute sous-suite (x'(n))n2N vérifie

kx'(n)k1 � '(n) � n .

Les suites convergentes étant bornées, nous avons démontré que K n’est pas compact.Nous allons démontrer la réciproque dans le cas où d = 2. D’après la remarque suivante la

définition 6.1.2, il suffit de démontrer que [�R,R]2 est compact. Pour ce faire, considérons unesuite (xk)k2N d’éléments de [�R,R]2. Nous allons procédé par deux extractions successives.D’après le théorème de Bolzano-Weierstrass page 10, il existe une fonction d’extraction '1 etun réel x1 de l’intervalle [�R,R] tel que

limk!1

x'1(k)1 = x1 .

En appliquant à nouveau le théorème de Bolzano-Weierstrass à la suite (x'1(k)2 )k2N, il existe

une fonction d’extraction '2 et un réel x2 de l’intervalle �[R,R] tels que

limk!1

x('1�'2)(k)2 = x2 .

D’après l’inégalité (1.2) page 10, on a

limk!1

x('1�'2)(k)1 = x1 .

Ainsi donc on a bienlimk!1

x('1�'2)(k) = (x1, x2) dans R2 .

Comme annoncé page 43 on peut établir le déduire le théorème 4.3.9 que nous rappelons.

Théorème 6.2.3. Soit E un espace vectoriel normé. Si la dimension de E est finie alors laboule unité fermée est compacte et toutes les normes sur E sont équivalentes. Réciproquement,si la boule unité fermée est compacte, alors l’espace vectoriel E est de dimension finie.

Démonstration. Soit E un espace vectoriel normé de dimension finie N . Nous allons démontrer qu’ilexiste une bijection linéaire continue d’inverse continue de RN muni de la norme k · k1 sur E. Consi-dérons une base (�!e j)1jN de E et l’application linéaire bijective I définie par

I

8><

>:

RN�! E

x = (xj)1jN 7�!

NX

j=1

xj�!e j .

L’application I(x) est une bijection linéaire. Montrons qu’elle est continue. On a

kI(x)kE

NX

j=1

|xj | k�!e jkE

Mkxk1 avec Mdéf=

NX

j=1

k�!e jkE .

64

Page 65: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

L’application I étant linéaire, on en déduit que

kI(x)� I(y)kE Mkx� yk1.

L’applicationx 7�! kI(x)kE

est donc continue de RN dans R+. D’après la proposition 5.2.7 page 52, la sphère SN�1 est un fermé.C’est bien sûr un ensemble borné puisqu’inclus dans [�1, 1]d. Donc c’est un compact. De plus, I étantbijective, elle ne s’annule pas sur SN�1. D’après le corollaire 6.1.4, il existe un réel strictement positif mtel que

8x 2 RN\ {0} , m

���I⇣ x

kxk1

⌘���E M.

L’application I étant linéaire, on a

8x 2 RN , mkxk1 kI(x)kE Mkxk1. (6.2)

Donc I et I�1 sont des bijections linéaires continues. Donc toutes les normes sur E sont équivalentes.Donc les ouverts (resp. les fermés) (resp. les compacts) de E sont exactement les images des ouverts(resp. des fermés) (resp. des compacts) de RN par I. Donc la boule unité fermée de E est un compactcar c’est un fermé inclus dans l’image par I dans la boule fermé de centre 0 et de rayon m�1. Donc laboule unité de E est compacte.

La réciproque est basée sur le lemme géométrique suivant.

Lemme 6.2.4. Soit (E, k · k) un espace vectoriel normé. On supose qu’il existe un réel � de l’inter-

valle ]0, 1[ et une famille finie (xj)1jN telle que

SEdéf= {x 2 E , kxk = 1} ⇢

N[

j=1

B(x,�).

Alors la famille (xj)1jN est une partie génératrice de E.

Si l’on admet ce lemme un instant, il suffit d’utiliser la caractérisation de la compacité avec lesboules pour conclure. 2

Démonstration du lemme 6.2.4 Soit F le sous espace vectoriel de E engendré par la famille desvecteurs (xj)1jN . C’est un espace vectoriel de dimension finie donc d’après la partie directe duthéorème, l’espace normé (F, k · k) est complet. Donc c’est un fermé de E.

Nous allons considérer un vecteur y de E \ {0} et démontrer qu’il est dans l’adhérence de F ce quiassurera le lemme. Le point clef consiste à établir le fait suivant :

8y 2 E , 9y1 2 F / ky � y1k �kyk. (6.3)

Si y = 0, on prend y1 = 0. Supposons y non nul. Par hypothèse, il existe un j de {1, · · · , N} tel que���

y

kyk� xj

��� �

ce qui s’écrit ky � kykxjk �kyk et qui démontre donc l’assertion (6.3).Itérons le processus. L’assertion (6.3) implique

9y2 2 F / ky � y1 � y2k �ky � y1k �2kyk.

Par récurrence, on construit ainsi une suite (yn)n2N d’éléments de F telle que

8n 2 N ,���y �

nX

j=1

yj��� �nkyk.

Il est clair que l’on a

limn!1

nX

j=1

yj = y

ce qui implique que y appartient à F car F est fermé et le lemme est ainsi démontré.

65

Page 66: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

6.3 Brève évocation du cas de la dimension infinie

Le fait dominant de la compacité en dimension infinie est qu’une boule fermée n’est jamais

compacte comme l’affirme le théorème 6.2.3. Nous nous contenterons de donner un exempleen dimension infinie.

Proposition 6.3.1. Soit (�j)j2N une suite de nombres réels positifs tendant vers 0 à l’infini.Alors l’ensemble ⇤ des suites telles que

8j 2 N , |x(j)| �j

est un compact de `1(N).

Démonstration. Nous allons utiliser la propriété de recouvrement. Soit " un réel strictementpositif. Il existe un entier j" tel que

8j � j" , �j "

2· (6.4)

Considérons maintenant l’ensemble K" définit par

K"

déf=�y 2 Rj" / 8j j" � 1 , |yj | �j

.

L’ensemble K" est inclus dans la boule de Rj" de centre 0 et de rayon max0jj"�1

�j qui est

compact. Ainsi donc, il existe une famille finie (xk)1N" de Rj" telle que

K" ⇢

N"[

k=1

B1⇣xk,

"

2

⌘. (6.5)

Posonsexk(j) = xk(j) si j j" � 1 et 0 sinon.

Démontrons que

⇤ ⇢

N"[

k=1

B`1(N)(exk, ").

Considérons un élément y de ⇤. L’élément (y(0), · · · , y(j"� 1) de Rj" est inclus dans un boulede rayon "/2 de Rj" et de centre xk. Nous avons donc

ky � exkk`1 supj�j"

�j + sup0jj"�1

|y(j)� xk(j)|

"

2+

"

2= " .

66

Page 67: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Chapitre 7

Espaces de Banach et applications

linéaires continues

7.1 Applications linéaires continues

Dans cette section, on considère deux espaces normés (E, k · kE) et (F, k · kF ) deux espacesvectoriels normés sur K = R ou K = C.

Définition 7.1.1. On désigne par L(E,F ) l’ensemble des applications linéaires de E dans Fet par L(E,F ) l’ensemble des linéaires continues de E dans F .

Théorème 7.1.2. Soient E et F deux espaces vectoriels normés et L une application linéairede E dans F . Les deux conditions sont équivalentes :

1. Il existe une boule ouverte B telle que L soit bornée sur B, c’est-à-dire l’application

supx2U

k`(x)kF < 1.

2. il existe un réel k strictement positif tel que que

8(x, x0) 2 E2 , kL(x)� L(x0)kF kkx� x0kE .

Démonstration Il est clair qu’il suffit de démontrer que 1. implique 2. . L’hypothèse 1. impliquel’existence d’un point x0 de E et de deux nombres réels strictement positifs r et M tels que

8x 2 BE(x0, r) , kL(x)kF M .

Nous allons maintenant procéder par translation, puis homogénéité.Pour tout x appartenantà BE(0, r), le pointn x0 + x appartient à BE(x0, r). Ainsi donc, par linéarité de L et parhomogénéité de k · kF , on a

kLxkF = kL(�x0 + x+ x0)kF

k � L(x0) + L(x+ x0)kF

kL(x0)kF + kL(x+ x0)kF

M0 avec M0def= kL(x0)kF +M .

67

Page 68: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

On utilise maintenant un argument d’homogénéité. Soit x un élément non nul de E, on a

r

2kxkEx 2 BE(0, r) et ainsi donc

���L⇣ r

2kxkEx⌘���

F

M .

La linéarité de L et l’homogénéité de k · kF assurent alors que

r

2kxkEkL(x)kF M et donc que kL(x)kF k kxkE avec k =

2M

En remplaçant x par x�x0 dans l’inégalité ci-dessus et en utilisant la linéarité de L, on conclutla démonstration. 2

Proposition 7.1.3. Si une application f de (E, k · kE) dans (F, k · kF ) est linéaire continueet que NE et NF sont deux normes respectivement sur E et F respectivement équivalentesà k · kE et k · kF , alors f est continue de (E,NE) dans (F,NF ).

Démonstration Conséquence immédiate de la caractérisation séquentielle de la continuité etde la Proposition 3.2. 2

Théorème 7.1.4. Si E est de dimension finie alors L(E,F ) = L(E,F ).

Démonstration Soit T une application linéaire et (e1, · · · , ed) une base de E. Toutes les normessur E étant équivalentes (Théorème 3.1), on peut sans perte de généralité (pour montrer lacontinuité de T ) munir E de la norme définie par

kx1e1 + · · ·xdedkEdéf= |x1|+ · · · |xd|.

On obtient alors grâce à la linéarité de T et aux axiomes définissant une norme

kT (x)kF =��T (x1e1 + · · ·xded)

��F

|x1|kT (e1)kF + · · · |xd|kT (ed)kF

En posant Adéf= max

1jd

kT (ej)kF on en déduit que kT (x)kF akxkE ce qui est exactement la

caractérisation iv) de la continuité des applications linéaires dans le Théorème 3.4. 2

Nous allons maintenant étudier l’espace L(E,F ).

Proposition 7.1.5. Soient (E, k·kE et (F, k·kF ) deux espaces vectoriels normés, alors L(E,F )est un espace vectoriel et la fonction k · kL(E,F ) définie par

k · kL(E,F )

8<

:

L(E,F ) �! R+

f 7�! supx2E

kxkE1

kf(x)kF

est une norme sur L(E,F ).

Démonstration La positivité de k · kL(E,F ) est immédiate. Supposons que kfkL(E,F ) = 0. Cecisignifie que

8x 2 E / kxkE 1 , kf(x)kF = 0.

Comme k · kF est une norme, ceci implique que

8x 2 E / kxkE 1 , f(x) = 0.

68

Page 69: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Soit x un élément de E \ {0}. Comme����

x

kxkE

����E

= 1 on a alors

f

✓x

kxkE

◆=

1

kxkEf(x) = 0 et donc f(x) = 0.

La vérification de la propriété d’homogénéïté est laissée au lecteur. Démontrons l’inégalitétriangulaire. L’inégalité triangulaire pour k · kF assure que

8x 2 E / kxkE = 1 , k(f + g)(x)kF kf(x)kF + kg(x)kF .

La borne supérieure étant un majorant, on a

8x 2 E / kxkE = 1 , k(f + g)(x)kF kfkL(E,F ) + kgkL(E,F ) .

La borne supérieure étant le plus petit des majorants, on a

kf + gkL(E,F ) kfkL(E,F ) + kgkL(E,F )

ce qui permet de conclure la démonstration. 2

Proposition 7.1.6. Soit f 2 L(E,F ). On a l’identité suivante :

supx2E

kxkE1

kf(x)kF = supx2E

kxkE=1

kf(x)kF

Démonstration Il est immédiat que

supx2E

kxkE=1

kf(x)kF supx2E

kxkE1

kf(x)kF

Démontrons l’inégalité inverse. Pour tout x 2 E non nul, on a����f⇣ x

kxkE

⌘����F

supx2E

kxkE=1

kf(x)kF .

Par linéarité de f et homogénéïté de la norme, on en déduit que, pour tout x de E \ {0},

kf(x)kFkxkE

=

����f⇣ x

kxkE

⌘����F

supx2E

kxkE=1

kf(x)kF .

D’où le résultat. 2

Proposition 7.1.7. Soient (E, k · kE), (F, k · kF ) et (G, k · kG) trois espaces vectoriels normés.Si A 2 L(E,F ) et B 2 L(F,G), alors B �A 2 L(E,G) et vérifie

kB �AkL(E,G) kBkL(F,G)kAkL(E,F ).

Démonstration Une composition d’application linéaires continues est bien sûr linéaire continue.Ensuite, pour vecteur x de E de norme 1, on peut écrire

kB �A(x)kG kBkL(F,G)kA(x)kF kBkL(F,G)kAkL(E,F )

ce qui, en passant au supremum, implique bien l’inégalité énoncée. 2

69

Page 70: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Théorème 7.1.8. Si E est un espace vectoriel normé quelconque et F un espace de Banach,alors L(E,F ) muni de la norme k · kL(E,F ) est également un espace de Banach.

Démonstration Soit (Ln)n2N une suite de Cauchy de L(E,F ). Pour tout élément x de E, lasuite (Ln(x))n2N est de Cauchy dans F puisque kLn(x)�Ln+p(x)kF kLn�Ln+pk. Puisque Fest complet, la suite (Ln(x))n2N converge pour tout x, on note cette limite L(x). En passantà la limite l’égalité de linéarité, valable pour tout � 2 R, on obtient L(x+�y) = L(x)+�L(y)on obtient f 2 L(E,F ). Par ailleurs, puisque la suite (Ln)n2N est de Cauchy dans L(E,F ),elle est en particulier bornée (Proposition 2.8), d’où l’on tire immédiatement que

8x 2 E , 8n 2 N , kLn(x)kF kLnkL(E,F )kxkE MkxkE

ce qui assure bien que f 2 L(E,F ), d’après le Théorème 3.4.Montrons maintenant que la suite (Ln)n2N converge vers f dans (L(E,F ), k · kL(E,F )).

Soit " un réel strictement positif et n" donné par le caractère de Cauchy tel que

8n � n" , 8p 2 N , 8x 2 BE(0, 1) , kLn(x)� Ln+p(x)kF < ".

En passant à la limite lorsque p tend vers l’infini, on trouve que

8n � n" , 8x 2 BE(0, 1) , kLn(x)� L(x)kF "

ce qui implique que kLn � LkL(E,F ) ". 2

Corollaire 7.1.9. Soit A est un élément de L(E;E). Alors, pour tout entier n, on a

kAnkL(E;E) kAk

n

L(E;E).

Démonstration Il suffit d’appliquer la proposition ci-dessus avec E = F = G et A = B pourdire que kA2

kL(E;E) kAk2L(E;E) et de faire une récurrence en appliquant la proposition ci

dessus avec B = An et A. 2

7.2 Les applications linéaires continues de E dans E

Dans cette section, nous allons donner quelques propriétés de l’espace L(E,E) que l’onnote L(E). Lorsque l’espace E est de dimension finie d, cet espace s’identifie à l’espace desmatrices carrées Md⇥d(K). Dans ce cas de la dimension finie, l’ensemble des éléments inver-sibles s’identifie à l’ensemble des matrices de déterminant non nul.

Nous allons étudier l’ensemble des éléments inversibles de L(E) lorsque E est un espacede Banach de dimension infinie.

Définition 7.2.1. Soit A un élément de L(E). On dit que A est inversible si et seulement siil existe un élément B de L(E) tel que

B �A = A �B = IdE .

On note U(E) l’ensemble des éléments inversibles de L(E) et pour un élément A de U(E), onnote A�1 l’élément B vérifiant les relations ci-dessus .

Il convient de noter ici que le cas de la dimension infinie est très différent du cas de ladimension finie. En effet, dans le cas où E est de dimension finie, une application de E dans Eest injective si et seulement si elle est surjective. Ce n’est plus du tout le cas en dimensioninfinie comme le montre la proposition suivante.

70

Page 71: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Proposition 7.2.2. On considère l’espace `2(N) défini dans la définition 4.2.5 page 40. Onconsidère les deux applications linéaires T+ et T� définies par

(T+(x))(j) = x(j + 1) et T�(x)(j) = x(j � 1) pour j � 1 et T�(x)(0) = 0

Les deux applications T± appartiennent à L(`2(N)). L’application T+ est surjective mais pasinjective et ’application T� est injective mais pas surjective. Enfin, on a

T+ � T� = Id`2(N) mais T� � T+ 6= Id`2(N) .

Démonstration Le fait que T± soient deux applications linéaires continues de `2(N) dans lui-même est un exercice laissé au lecteur. Observons que T+ n’est pas injective car T+(e0) =0où e0(j) = 0 pour j différent de 0 et e0(0) = 0. Par contre, elle est surjective car pour touteélément (y(j))j2N de `2(N), si l’on pose x(j) = y(j�1) pour j � 1 et x(0) = 0. On a T+(x) = y.Par contre, T� est injective et pas surjective car T (e0) = 0. De plus, on a

T+ � T� = Id`2(N) et T� � T+(e0) = 0.

La proposition est démontrée. 2

Nous allons maintenant démontrer que l’ensemble U(E) des éléments inversibles de L(E)est un ouvert. Dans le cas de la dimension finie, U(E) est identifié aux matrices carré inversiblesqui sont les matrices de déterminant non nul qui est un ouvert en tant qu’image réciproqued’un ouvert (R \ {0}) par une application continue car polynomial (le déterminant).

Dans le cas de la dimension infinie, cela fonctionne fonctionne très différemment. Tout estbasé sur le lemme (fondamental) suivant.

Lemme 7.2.3. Soit E un espace de Banach. La boule ouverte de centre IdE et de rayon 1 estincluse dans U(E).

Démonstration La démonstration s’inspire de la formule suivante bien connue suivante :

8x 2]� 1, 1[ ,1

1� x=

1X

n=0

xn

Ici, on va simplement écrire cette formule sous la forme approchée

1� xN+1 = (1� x)NX

n=0

xn =⇣ NX

n=0

xn⌘(1� x)

et y remplacer x par A, puis passer à la limite. Plus précisément, pour tout élément A de L(E)et pour tout entier N , on a

IdE �AN+1 = (IdE �A) �NX

n=0

An =⇣ NX

n=0

An

⌘� (Id�A). (7.1)

Comme kAkL(E) est strictement inférieur à 1, le théorème 5.4.13 page 59 assure que la

suite⇣ NX

n=0

An

N2Nest convergente vers B. La proposition 7.1.7 (avec E = F = G) peut

s’interpréter comme le fait que les applications⇢

L(E) �! L(E)B 7�! B �A

et⇢

L(E) �! L(E)B 7�! A �B

71

Page 72: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

sont des applications linéaires continues de L(E) dans L(E). Ainsi donc, en passant à la limitelorsque N tend vers l’infini dans la relation (7.1), on trouve que

IdE = (IdE �A) �B = B � (Id�A).

Le lemme est démontré. 2

On en déduit maintenant le théorème suivant.

Corollaire 7.2.4. Soit E un espace de Banach, alors l’ensemble U(E) des éléments inversiblesde L(E) est un ouvert.

Démonstration Nous allons démontrer que si A0 est un élément de U(E), alors la boule ouverte(dans L(E)) de centre A0 et de rayon kA�1

0 k�1L(E) est incluse dans U(E). Il s’agit en fait d’une

démonstration algébrique qui utilise le lemme précédent qui affirme ceci pour A0 = Id.Nous allons tout d’abord vérifier que U(E) est un groupe (non commutatif) pour la com-

position. Pour ce faire, considérons deux élément A0 et A1 de U(E). Alors on a

A0 �A�10 = A�1

0 �A0 = IdE et A1 �A�10 = A�1

1 �A1 = IdE

On en déduit que

A0 �A1 �A�11 �A�1

0 = IdE et A�11 �A�1

0 �A0 �A1 = IdE

ce qui s’écrit

(A0 �A1) �A�11 �A�1

0 = IdE et A�11 �A�1

0 � (A0 �A1) = IdE

et donc

(A0 �A1)�1 = A�1

1 �A�10 . (7.2)

Écrivons maintenant que

A = A0 +A�A0 = A0�IdE �A�1

0 (A0 �A)�.

Le lemme précédent assure que si kA�10 (A � A0)kL(E) est strictement inférieur à 1, alors

l’application linéaire IdE +A�10 (A�A0) appartenait à U(E). Grâce à la proposition 7.1.7,

kA�A0kL(E) < kA�10 kL(E) =) kA�1

0 (A�A0)kL(E) < 1

ce qui conclut la démonstration du corollaire. 2

7.3 Quelques exemples de calcul de normes de matrices

Dans cette section, nous allons considérer des applications linéaires de Rn dans Rm et lesidentifier à leur matrice A dans les bases canoniques de Rn et Rm. On notera A = (A`

k)`,k où `

est l’indice de ligne et k l’indice de colonne. L’application linéaire associée est alors définie par

(Ax)` =nX

k=1

A`

kxk .

Si N et eN sont deux normes sur Rn et Rm respectivement, nous voulons calculer explicitement

NN, eN (A)

def= sup

N(x)=1

eN(Ax).

pour différents choix den ormes N et eN .

72

Page 73: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Proposition 7.3.1. Si N et eN sont les normes infini sur Rn et Rm respectivement, alors

N1,1(A) = max1`m

nX

k=1

|A`

k| .

Démonstration. Observons tout d’abord que, pour tout h de Rn, on a

kA · hk1 = max1`m

���nX

k=1

A`

khk���

max1`m

nX

k=1

|A`

k| |h|k

max1`m

⇣ nX

k=1

|A`

k|

⌘khk1 .

Ainsi donc on a N1,1(A) max1`m

nX

k=1

|A`

k| . Pour démontrer l’égalité, considérons un entier `0

tel que

max1`m

nX

k=1

|A`

k| =

nX

k=1

|A`0k|.

Ensuite on considère le vecteur h0 défini par

h0déf=

0

B@A`0

1...

sgA`0n

1

CA

qui est un vecteur de norme 1 égale à 1 et tel que

nX

k=1

A`0khk =

nX

k=1

|A`0k| .

On a donc bien l’égalité.

Proposition 7.3.2. Si N = k · k1 sur Rn et eN = k · k1 sur Rm, alors

N1,1(A) = max1`m

1kn

|A`

k| .

Démonstration. Observons que

kA · hk1 = max1`m

���nX

k=1

A`

khk���

max1`m

nX

k=1

|A`

k| |h|k

⇣max

1`m

1kn

|A`

k|

⌘khk1 .

73

Page 74: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Ainsi donc on a N1,1(A) max1`m

1kn

|A`

k| . Pour démontrer l’égalité, considérons un couple d’en-

tiers (k0, `0) tel que|A`0

k0| = max

1`m

1kn

|A`

k| .

Soit h0 le vecteur dont toutes les composantes sont nulles sauf la k0 ième qui vaut sgA`0k0

. On a

kh0k1 = 1 et (A · h0)`0 = |A`0k0| .

L’égalité est ainsi démontrée.

Nous allons maintenant étudier le cas où les deux normes N et eN sont les normes eu-clidiennes sur Rn et Rm respectivement. Ce cas est relativement plus délicat que les deuxautres.

Proposition 7.3.3. Si les deux normes N et eN sont les normes euclidiennes sur Rn et Rm

respectivement, alors on a

N2,2(A) X

1`m

1kn

(A`

k)2 et N2,2(A) =

p⇢(tAA) (7.3)

où ⇢(B) est la plus grande valeur propre de la matrice B lorsque B est une matrice définiepositive.

Démonstration. Démontrons tout d’abord l’inégalité. Pour cela, écrivons que, d’après l’inéga-lité de Cauchy-Schwarz (en k), nous avons, pour vecteur h de Rn,

k A · hk22 =mX

`=1

⇣ nX

k=1

A`

khk⌘2

mX

`=1

⇣ nX

k=1

(A`

k)2⌘⇣ nX

k=1

h2k

khk22X

1`m

1kn

(A`

k)2.

L’égalité est plus délicate à démontrer. La sphère étant compacte, et l’application h 7! A · hétant linéaire donc continue, il existe un vecteur h0 de norme euclidienne égale à 1 telle que

kA · h0k2 = M0déf= N2,2(A).

Soit h un vecteur quelconque de Rn, on considère alors la fonction

Ph

⇢R �! Rt 7�! M2

0 kh0 + thk22,Rn � kA(h0 + th)k22,Rm

Observons tout d’abord que pour tout vecteur x non nul de Rd, on a���A

x

kxk2

���2,Rm

M0 et donc kAxk2,Rm M0kxk2,Rn .

74

Page 75: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

La fonction Ph(t) est donc positive. En utilisation les propriétés de la norme euclidienne et lalinéarité de A, on peut développer la fonction P comme suit

Ph(t) = M20 + 2tM2

0 (h0|h)Rn +M0t

2khk22,Rn

� kA · h0k22,Rm � 2t(A · h0|A · h)Rm � t2kA · hk22,Rm

= 2t⇣M2

0 (h0|h)Rn � (A · h0|A · h)Rm �

1

2t�M2

0 khk22,Rn � kA · hk22,Rm

�⌘.

Comme Ph(t) doit être une quantité positive pour tout réel t, on en déduit

8h 2 Rn , M20 (h

0|h)Rn = (A · h0|A · h)Rm .

On peut maintenant écrire que

(A · h0|A · h)Rm =mX

`=1

(A · h0)m(A · h)m

=X

1`m

1k,k0n

A`

kA`

k0h0khk0

=nX

k0=1

✓ X

1`m

1kn

A`

kA`

k0h0k

◆hk0

=�tAA · h0

��h�Rn avec (tAA)k

k0déf=

mX

`=1

A`

kA`

k0 .

Ceci conclut la démonstration.

Exercice 7.3.4. Si n = m et A = Id, on a

N2,2(Id) = 1 etX

1`n

1kn

Id`k= n .

Ainsi donc, on voit bien que l’inégalité (7.3) peut être stricte.

7.4 Une application de la notion d’espace complet : l’exponen-

tielle de matrices

Dans cette section, on considèrera un espace de Banach E sur K et un élément A de L(E),c’est-à-dire un application linéaire continue de E dans E. Pour fixer les idées, on peut enparticulier penser au cas où E = Kd et dans ce cas un élément A de L(E) peut être identifiéà une matrice d⇥ d à coefficients dans K. On peut par exemple munir dans ce cas E = Kd dela norme infini ou bien de la norme euclidienne, cas où nous avons calculé kAkL(E) (voir lesexercices 7.3.1 et 7.3.2).

Proposition 7.4.1. La série de terme général⇣An

n!

n2Nest convergente dans L(E).

75

Page 76: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Démonstration. D’après la proposition 7.1.7, on a���An

n!

���L(E)

kAkn

L(E)

n!·

Pour tout nombre réel, la série de terme général undéf=

rn

n!est convergente car il est visible que

le quotient un+1/un tend vers 0. La proposition 5.4.13 page 59 permet de conclure.

Notation On note expAdéf=

1X

n=0

An

n!·

Proposition 7.4.2. Soient A et B deux éléments de L(E) qui commutent, i.e. AB = BA.Alors on a

exp(A+B) = expA � expB .

Démonstration. Comme les applications linéaires A et B commutent, on a

(A+B)n

n!=

1

n!

nX

k=0

✓nk

◆An�kBk

=nX

k=0

An�k

(n� k)!

Bk

k!.

On en déduit que

NX

n=0

(A+B)n

n!=

X

k+k0N

Ak0

k0!

Bk

k!

=

✓ NX

k0=0

Ak0

k0!

◆✓ NX

k=0

Bk

k!

◆�RN avec

RN

déf=

X

0k,k0N

N<k+k0

Ak0

k0!

Bk

k!·

Par inégalité triangulaire itérée, nous avons, d’après la proposition 7.1.7, we infer that

kRNkL(E) X

0k,k0N

N>k+k0

kAkk0

L(E)

k0!

kBkk

L(E)

k!

. La somme k + k0 étant supérieur ou égal à N , au moins l’un des deux indices k ou k0 estsupérieur ou égal à la partie entière de N/2. Ainsi donc, on peut écrire que

kRNkL(E)

✓ X

k0�[N2 ]

kAkk0

L(E)

k0!

◆X

k2N

kBkk

L(E)

k!+

✓X

k02N

kAkk0

L(E)

k0!

◆ X

k�[N2 ]

kBkk

L(E)

k!

✓ X

k0�[N2 ]

kAkk0

L(E)

k0!

◆exp(kBkL(E)) + exp(kAkL(E))

X

k�[N2 ]

kBkk

L(E)

k!

Thus limN!1

kRNkL(E) = 0.

76

Page 77: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Comme il est bien connu en dimension finie, la fonction exponentielle permet de résoudredes équations les systèmes d’équations différentielles linéaires à coefficients constants. En fait,ceci est fonctionne indépendant du fait d’être en dimension finie ou non.

Corollaire 7.4.3. Soit A un élément de L(E) où E est un espace de Banach. La fonction

t 7�! exp(tA)

est l’unique solution de l’équation

(LODE)d

dtU(t) = AU(t) et U(0) = IdE .

Démonstration. La démonstration est très simple. Il s’agit de démontrer que

d

dt(exp(tA) = A exp(tA) . (7.4)

Elle reprend la démonstration classique du cas des réels. Étudions

�(h)def=

exp((t0 + h)A)� exp(t0A)� hA exp(t0A)

h

La proposition précédente implique que

�(h) = exp(t0A)exp(hA)� IdL(E) �hA

Par définition de l’exponentielle, on a

��exp(hA)� IdL(E) �hA��L(E)

|h|2X

k2N

kAkk�2L(E)

k!

Cela assure (7.4) et donc le fait que exp(tA) est solution de (LODE). Pour démonter l’unicité, il suffitd’observer que si U(t) est solution de (LODE), alors 1

d

dt

�U(t)A exp(�tA)

�= AU(t) exp(�tA)�AU(t) exp(tA) = 0.

ce qui assure le résultat.

1. Le lecteur vérifiera que U(t) et A commutent.

77

Page 78: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

78

Page 79: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Chapitre 8

Espaces de Hilbert

8.1 Produit scalaire, orthogonalité

Définition 8.1.1. Soit E un K-espace vectoriel avec K = R ou K = C. On appelle produitscalaire sur E une application de E ⇥ E dans K notée (·|·) vérifiant

(i) pour tout y appartenant à E, l’application x 7�! (x|y) est linéaire.(ii) pour tout couple (x, y) de E ⇥ E, (x|y) = (y|x).(iii) pour tout x appartenant à E, (x|x) est un réel positif.(iv) (x|x) = 0 () x = 0.

Remarque Les deux premières propriétés impliquent la semi-linéarité par rapport à yc’est-à-dire

(x|y + �z) = (x|y) + �(x|z).

Exemple Sur Cd , la formule

(x|y) =dX

j=1

xjyj

définit un produit scalaire.

Proposition 8.1.2. Soit `2(N) l’espace des suites (x(j))j2N à valeurs dans C telles que lasérie de terme général |x(j)|2 soit convergente. Alors pour tout x et x0 de `2(N) la série determe général (x(j)x0(j))j2N est absolument convergente et la formule

(x|x0)`2déf=X

j2Nx(j)x0(j)

définit un produit scalaire sur `2(N).

Démonstration. Le lemme 4.1.8 page 38 assure que la série de terme général (x(j)x0(j))j2Nest absolument convergente. Il suffit alors de vérifier les propriétés algébriques sur les sommesfinies

SN (x, x0)déf=

NX

j=1

x(j)x0(j)

et de faire tendre N vers l’infini.

79

Page 80: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Théorème 8.1.3 (Cauchy-Schwarz). Si (·|·) est un produit scalaire sur E, on a alors pourtout (x, y) 2 E2 l’inégalité

|(x|y)|2 (x|x)(y|y).

L’égalité se produit si et seulement si x et y sont proportionnels.

Démonstration Pour tout (x, y) 2 E2 et pour tout � de C on a

0 (x� �y, x� �y)

= (x|x)� �(x|y)� �(x|y) + |�|2(y|y)

(x|x)� 2<e��(x|y)

�+ |�|2(y|y).

En écrivant que (x|y) = ⇢ei✓ et en prenant � = tei✓ dans l’inégalité ci-dessus, il vient, pourtout réel t,

P (t)déf= (x|x)� 2t⇢+ t2(y|y) 0.

Cela n’est possible que si le discriminant du polynôme réel P est négatif ou nul, i.e.

⇢2 (x|x)(y|y)

ce qui est bien l’inégalité demandée puisque ⇢ = |(x|y)|. Si il y a égalité alors le polynôme Padmet une racine réelle t0. Ainsi donc pour � = t0ei✓ on a

(x� �y|x� �y) = 0

ce qui implique bien que x et y sont liés. 2

Théorème 8.1.4. Si (·|·) est un produit scalaire sur E , la formule kxkdéf=p(x|x) définit une

norme sur E. L’inégalité de Cauchy-Schwarz s’exprime donc ainsi :

|(x|y)| kxkkyk.

Démonstration La séparation et l’homogénéité sont aisées à prouver. Pour l’inégalité triangu-laire on écrit,

kx+ yk2 = kxk2 + kyk2 + 2<e(x|y)

kxk2 + kyk2 + 2kxk kyk

�kxk+ kyk

�2

ce qui implique bien kx+ yk kxk+ kyk. 2

Exemple Au produit scalaire (·|·)L2(A) précédemment introduit sur L2(A) correspond en faitla norme k · k2 que l’on avait déjà associé à cet espace. Dans ce cadre l’inégalité de Cauchy-Schwarz se réécrit ainsi :

8(f, g) 2 (C([a, b];K))2 ,

����Z

b

a

f(x)g(x)dx

���� ✓Z

b

a

|f(x)|2dx

◆ 12✓Z

b

a

|g(x)|2dx

◆ 12

.

Définition 8.1.5. Un espace préhilbertien est un espace vectoriel normé dont la norme pro-vient d’un produit scalaire. Dans un espace préhilbertien, Un vecteur x est dit orthogonal à ysi (x|y) = 0, on note cela x ? y.

80

Page 81: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Proposition 8.1.6. Dans un espace préhilbertien E le produit scalaire est continu de E ⇥Edans K.

Démonstration Soit (a0, b0) un point de E ⇥E. Pour un point (a, b) quelconque de E ⇥E, onpeut écrire que

��(a|b)� (a0|b0)�� =

��(a� a0|b) + (a0|b� b0)��

|(a� a0|b)|+ |(a0|b� b0)|

|(a� a0|b� b0)|+ |(a� a0|b0)|+ |(a0|b� b0)|.

D’après l’inégalité de Cauchy-Schwarz, on a��(a|b)� (a0|b0)

�� ka� a0kkb� b0k+ ka� a0kkb0k+ ka0kkb� b0k.

Ceci achève la démonstration. 2

Définition 8.1.7. Si A est une partie d’un espace préhilbertien E, on appelle orthogonal de Aet on note A? l’ensemble des vecteurs y de E orthogonaux à tout élément de A.

Proposition 8.1.8. L’orthogonal d’une partie est toujours un sous-espace vectoriel ferméde E.

Démonstration La structure vectoriel provient de la semi-linéarité du produit scalaire. Puisquele produit scalaire est continu, pour tout élément a de A, l’ensemble a? est fermé (caractéri-sation séquentielle) et

A? =\

a2Aa?

C’est donc une intersection de sous espaces vectoriels fermés et donc un sous espace vectorielfermé. 2

Théorème 8.1.9 (Pythagore). Dans un espace préhilbertien, si x et y sont orthogonaux, alors

kx+ yk2 = kxk2 + kyk2.

Si l’espace est réel, alors la réciproque est vraie.

Démonstration Il suffit d’écrire que

kx+ yk2 = kxk2 + kyk2 + 2<e(x|y).

ce qui assure le résultat. 2

Remarque La réciproque est fausse pour les espaces préhilbertiens complexes. En effet,dans C2, pour x = (1, 1) et y = (i, i), on a

kxk2 = 2, kyk2 = 2 et kxk2 + kyk2 = 2|1 + i|2 = 4 mais (x|y) = �2i 6= 0.

Proposition 8.1.10. Si E est un espace préhilbertien complexe, alors pour tout couple (x, y)de E2, on a

(x|y) =1

4

�kx+ yk2 + ikx+ iyk2 � kx� yk2 � ikx� iyk2

�.

Si E est un espace préhilbertien réel, alors pour tout (x, y) 2 E2, on a

(x|y) =1

2

�kx+ yk2 � kxk2 � kyk2

�.

81

Page 82: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Démonstration. Dans le cas réel, il suffit d’écrire que kx+yk2 = kxk2+2<e(x|y)+kyk2. Dansle cas complexe, écrivons que

Qdéf= kx+ yk2 + ikx+ iyk2 � kx� yk2 � ikx� iyk2

= kxk2 + 2<e(x|y) + kyk2 + ikxk2 + 2i<e(x|iy) + ikyk2

� kxk2 + 2<e(x|y)� kyk2 � ikxk2 + 2i<e(x|iy)� ikyk2

= 4<e(x|y) + 4i<e(x|iy) .

En utilisant que (x|iy) = �i(x|y), on trouve que Q = 2<e(x|y) + 2i=m(x|y) ce qui assure lerésultat.

Proposition 8.1.11 (Identité du parallélogramme). Dans un espace préhilbertien on a tou-jours

kxk2 + kyk2 =1

2

�kx+ yk2 + kx� yk2

�.

Démonstration. Pour démontrer cette inégalité il suffit d’observer que

kx+ yk2 + kx� yk2 = kxk2 + 2<e(x|y) + kyk2 + kxk2 � 2<e(x|y) + kyk2

ce qui assure le résultat.

Définition 8.1.12. On appelle espace de Hilbert un espace préhilbertien complet.

Théorème 8.1.13. L’espace

`2(N) déf=n(un)n2N 2 CN /

X

n2N|un|

2 < 1

o

est un espace de Hilbert pour le produit scalaire

(u|v)`2(N)déf=X

n2Nunvn .

8.2 Quelques rappels de géométrie euclidienne

Dans cette section, nous considérons un espace vectoriel E sur K de dimension finie Nmuni d’un produit scalaire noté (·|·).

Théorème 8.2.1. Il existe une base orthonormée (ej)1jN i.e. une base telle que

8(j, j0) 2 {1, · · · , N}2 , (ej |ej0) = �j,j0 .

Démonstration. On utilise le procédé d’orthogonalisation dit de Gramm-Schmidt. On considèreune base (aj)1jN de l’espace vectoriel E. On pose

e1déf=

a1ka1k

·

Ensuite on pose

e2déf=

a2 � (a2|e1)e1ka2 � (a2|e1)e1k

·

82

Page 83: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Et par récurrrence on définit

ek+1déf=

ak+1 �P

k

j=1(ak+1|ej)ej���ak+1 �P

k

j=1(ak+1|ej)ej���·

La famille (ej)1jN est une base orthogonale.

Théorème 8.2.2. Soit F un sous-espace vectoriel de dimension finie d’un espace pré-hilber-tien H et x un point de H. Il existe un unique point f de F tel que

kx� fk = minf 02F

kx� f 0k .

Si (fj)1jdimF est une base orthonormée de F , le point f est donné par

pF (x)déf=

dimFX

j=1

(x|fj)fj .

C’est la projection orthogonale de x sur F .

Démonstration. Soit (fj)1jdimF est une base orthonormée de F donnée par le théorème 8.2.1ci-dessus. Posons

pF (x)déf=

dimFX

j=1

(x|fj)fj .

Soit f un vecteur quelconque de F . On a

kx� pF (x)k2 = kx� pF (x)k

2 + 2<e(x� pF (x)|f) + kfk2.

Comme f =dimFX

j=1

(f |fj)fj , on a

(x� pF (x)|f) = (x|f)� (pF (x)|f)

=dimFX

j=1

(x|fj)(f |fj)�dimFX

j=1

(x|fj)(f |fj)

= 0 .

Ainsi donc,8f 2 F , kx� pF (x) + fk2 = kx� pF (x)k

2 + kfk2.

D’où le théorème.

Théorème 8.2.3. Soit A une matrice à coefficients dans K et hermitienne (i.e. aj,i = ai,j). Ilexiste une base orthonormée (ej)1jN de KN et une suite (�j)1jN de nombre réels telles que

8j 2 {1, · · · , N} , Aej = �jej .

Démonstration. On considère l’application

QA

⇢KN

�! Rx 7�! (Ax|x) .

83

Page 84: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Notons que comme A est hermitienne, QA est bien à valeurs réelles. D’après le théorème 7.1.4page 68 et la proposition 8.1.6, l’application QA est continue comme composée d’applicationscontinues. D’après le théorème 6.2.2 page 63, la sphère

SN�1 déf=�x 2 KN / kxk2 = 1

est compact. Le théorème 6.1.3 page 62 assure qu’il existe un vecteur e1 de SN�1 tel que

�1déf= max

x2⌃N�1(Ax|x) = (Ae1|e1) .

Pour tout x in KN\{0}, on a

(Ax|x)� �1kxk22 = kxk2

✓⇣A⇣ x

kxk

⌘���x

kxk

⌘� �1

0 .

En application cette inégalité pour x = e1 + th où t est un réel quelconque et h un vecteurde KN quelconque, on trouve que�A(e1 + th)|e1 + th

�� �1ke1 + thk2 = (Ae1|e1)� �1 + 2t<e(Ae1 � �1e1|h)

+ t2�(Ah|h)� �1khk

2�

= 2t<e(Ae1 � �1e1|h) + t2�(Ah|h)� �1khk

2�.

Comme cette quantité doit être négative ou nulle pour tout t , donc on a

8h 2 KN , <e(Ae1 � �1e1|h) = 0

En changeant h en ih dans le cas où K = C, on en déduit que

8h 2 KN , (Ae1 � �1e1|h) = 0

et donc que Ae1 = �1e1. On démontre que A((K e1)?) est inclus dans (K e1)? et on conclutpar récurrence.

La détermination de la norme de kAkL(KN,KN ) dans le cas des normes euclidiennes (voir Exer-

cice 7.3.3 page 74) est donc bien fondée puisque tAA est hermitienne.

8.3 Projection orthogonale en dimension infinie

Théorème 8.3.1 (Projection orthogonale). Si F est un sous-espace vectoriel fermé d’un espacede Hilbert H alors on a les propriétés suivantes :

(i) Pour tout élément x de H, il existe un unique élément de F , noté PF (x) par la suite,tel que

kx� PF (x)k = d(x, F ).

(ii) PF (x) est également l’unique élément de F vérifiant x� PF (x) 2 F?.(iii) L’application PF : x 7! PF (x) ainsi définie est une application linéaire continue de H

dans lui-même vérifiant PF (x) = x pour x 2 F aini que kPF k 1.(iv) On a H = F � F? au sens suivant : pour tout élément x de H il existe un unique

couple (p, z) 2 F ⇥ F? tel que x = p+ z.L’application PF est appelée projection orthogonale sur F et PF (x) est le projecté ortho-

gonal de x sur F .

84

Page 85: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Démonstration Commençons par étudier le cas où le sous-espace vectoriel F est de dimen-sion finie. On considère une base orthonormée (fj)1jdimF et alors la démonstration duthéorème 8.2.2 peut-être recopiée mot pour mot. Pour démontrer le cas général, nous allonsconsidérer une quelconque suite minimisante et démontrer qu’elle est de Cauchy. Une suiteminimisante est une suite (xn)n2N telle que

limn!1

kx� xnk = d(x, F ).

L’identité du parallèlogramme impose

kx� xnk2 + kx� xn+pk

2 =1

2k2x� (xn + xn+p)k

2 +1

2kxn � xn+pk

2.

Ceci peut être réecrit

1

2kxn � xn+pk

2 = kx� xnk2 + kx� xn+pk

2� 2���x�

xn + xn+p

2

���2.

Puisque F est un espace vectoriel,xn + xn+p

2appartient aussi à F . Il en résulte que

���x�xn + xn+p

2

���2� d(x, F )2.

On en déduit que

1

2kxn � xn+pk

2 kx� xnk

2 + kx� xn+pk2� 2d(x, F )2 .

Comme limn!1

kx� xnk = d(x, F ), la suite (xn)n2N est de Cauchy 1. Elle converge donc vers unélément de F que l’on nomme p qui vérifie kx� pk = d(x, F ). Nous avons démontré que touteminimisante était convergente. Soient p1 et p2 deux points de F tels que

kx� p1k = kx� p2k = d(x, F ).

La suite de F définie par x2n = p1 et x2n+1 = p2 est une suite minimisante donc de Cauchyd’après ce qui précède et donc p1 = p2. On désigne dorénavant par PF (x) l’unique élémentde F tel que kx� PF (x)k = d(x, F ).

Soit � un réel. On a, pour tout y de F ,

kx� (�y + (1� �)PF (x)k2� kx� PF (x)k

2.

Calculons le terme de gauche de cette inégalité.��x� (�y + (1� �)PF (x))

��2 =��x� PF (x)� �(y � PF (x))

��2

= kx� PF (x)k2� 2�<e

�x� PF (x)|y � PF (x)

+ �2ky � PF (x))k

2 .

On en déduit que

8y 2 F , 2�<e�x� PF (x)|y � PF (x)

�+ �2

ky � PF (x))k2� 0.

1. Le lecteur est invité à écrire les détails

85

Page 86: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Ceci impose que8y 2 F ,<e

�x� PF (x)|y � PF (x)

� 0.

Comme F est un espace vectoriel et que F (x) appartient à F , on en déduit que

8z 2 F ,<e�x� PF (x)|z

�= 0

En changeant z en iz dans le cas complexe, on en déduit que x�PF (x) 2 F?. Soit maintenant zun élément de F tel que x� z 2 F?. On a, pour tout y de F ,

kx� (z + y)k2 = kx� zk2 + kyk2 � kx� zk2.

Le point ii) est démontré.Pour tout x de H, on écrit

x = PF (x) + x� PF (x).

L’unicité de PF assure la linéarité et l’on a d’après le théorème de Pythagore

kxk2 = kPF (x)k2 + kx� PF (x)k

2

ce qui implique bien kPF (x)k kxk . 2

Remarque En pratique, quand on cherche le projeté d’un vecteur x sur un sous-espace F , ilsuffit donc de trouver un élément p de F tel que x� p est orthogonal à tout élément de F .

Théorème 8.3.2. Si F est un sous-espace vectoriel fermé d’un espace de Hilbert H, alors ona (F?)? = F .

Démonstration On a toujours F ⇢ (F?)?. Inversement si x est un élément de F , alors x sedécompose en x = p+ z avec (p, z) 2 F ⇥ F?. Mais alors z = x� p appartient également à Fet est donc orthogonal à lui-même, c’est-à-dire que z = 0 et x = p 2 F . 2

Remarque La situation précédente est propre aux sous-espaces fermés, il peut tout à faitarriver que l’orthogonal de l’orthogonal ne corresponde pas à l’espace lui-même comme on vale voir ci-bas.

Définition 8.3.3. Une partie A d’un espace de Hilbert est dite totale si l’espace vectorielengendré par A est dense.

Théorème 8.3.4. Soit A une partie d’un espace de Hilbert. Alors A est totale si et seulementsi A? = {0}.

Démonstration Si V = VectA est dense et si x 2 A?, alors V ⇢ x? par (semi-)linéarité duproduit scalaire. Puisque x? est fermé il contient également V qui égale tout l’espace pardensité : x est orthogonal à lui-même et donc nul.

Réciproquement, supposons que A? = {0} et posons Fdéf= VectA. Comme A est inclus

dans F , on a que F? est inclus dans A? = {0}. Le théorème 8.3.2 assure alors que F = {0}?

et donc que F = H. D’où le résultat. 2

86

Page 87: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

8.4 Séries orthogonales, bases hilbertiennes

Définition 8.4.1. Dans un espace de Hilbert une famille de vecteurs est orthogonale si seséléments sont orthogonaux deux à deux et orthonormale si de plus tous ses éléments sont denormes 1.

Un exemple fondamental d’une telle famille est le suivant. Soit (en)n2N la suite de `2(N)donnée par

en(n) = 1 et en(j) = 0 si j est différent de n.

Lemme 8.4.2. Soient (x1, · · · , xN ) une famille orthogonale finie d’un espace de Hilbert. On a����

NX

j=1

xj

����2

=NX

j=1

kxjk2.

En particulier, une famille orthogonale constituée de vecteurs non nuls est toujours libre.

Démonstration Il suffit de développer le produit scalaire✓ NX

j=1

xj

����NX

k=1

xk

◆.

La liberté de la famille est ensuite immédiate. 2

Lemme 8.4.3. Soit (ej)1jN une famille orthonormée finie dans un espace de Hilbert H.Posons F

déf= Vect{ej}. Alors pour tout vecteur x 2 H, on a

PF (x) =NX

j=1

(x|ej)ej

Démonstration Bien sûr, PF (x) appartient à F . De plus, pour tout vecteur w de F , un calculrapide montre que

8k 2 N , x� PF (x) = x�

NX

j=1

(x|ej)ej ? ek

ce qui caractérise bien le projeté de x sur F . 2

Proposition 8.4.4 (Inégalité de Bessel). Soient H un espace de Hilbert et (en)n2N une suiteorthonormée. Pour tout élément x de l’espace H, la série de nombre réels positifs de termegénéral |(x|en)|2 est convergente et vérifie de plus

X

n2N|(x|en)|

2 kxk2.

Démonstration Considérons l’espace vectoriel FN engendré par les vecteurs en pour n variantde 0 à N . On sait que si pFN désigne la projection orthogonale sur FN , alors

PFN (x) =NX

n=0

(x|en)en et que kpFN (x)k2 kxk2.

Ceci s’écritNX

n=0

|(x|en)|2 kxk2

et le résultat en découle. 2

87

Page 88: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Théorème 8.4.5. Soit (xn)n2N une suite orthogonale dans un espace de Hilbert H. Les deuxpropriétés suivantes sont équivalentes

(i) La suite (SN )N2N défine par SN

déf=

NX

n=0

xn est convergente dans H ;

(ii)X

n2Nkxnk

2 < 1.

Dans ce cas on a l’égalité ����X

n2Nxn

����2

=X

n2Nkxnk

2 .

En particulier si (en)n2N est une famille orthonormée, et (cn)n2N, alors la suiteNX

n=0

cnen

converge si et seulement si la suite (cn)n2N 2 `2(N) et dans ce cas����X

n2Nxn

����2

= k(cn)n2Nk2`2(N) .

Remarque Dans le cadre des espaces de Banach, on a vu que la convergence normale d’unesérie entraînait la convergence de celle-ci. Ce résultat est bien évidemment vrai pour les espacesde Hilbert (qui sont des cas particuliers d’espaces de Banach) ; le résultat précédent constitueune réelle amélioration de cette propriété puisque l’espace `1(N) est inclus dans l’espace `2(N).

Démonstration du théorème 8.4.5 On pose zNdéf=

NX

n=0

xn. Par orthogonalité on peut écrire

kzN � zmk2 =

NX

n=m+1

kxnk2

ce qui permet de voir que (zN )N2N est de Cauchy (puisque la somme des carrés est supposéeconvergente). On a par ailleurs, toujours par orthogonalité,

kzNk2 =

NX

n=0

kxnk2

si bien qu’en passant à la limite quand N tend vers +1 on obtient le résultat voulu. 2

Définition 8.4.6. On appelle "base hilbertienne dénombrable" d’un espace de Hilbert H unesuite orthonormée (en)n2N qui est totale dans H.

Aussi étrange que cela puisse paraître, en dimension infinie, une base hilbertienne dénom-brable n’est pas une base au sens de l’algèbre linéaire. En effet, par définition, une base estune partie génératrice par combinaison linéaire, lesquelles sont nécessairement finies.

Théorème 8.4.7. Soit (en)n2N une base hilbertienne dénombrable d’un espace de Hilbert H.Alors, tout vecteur x de H se décompose en

x =X

n2N(x|en)en et l’on a l’identité de Parseval kxk2 =

X

n2N|(x|en)|

2.

88

Page 89: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Ceci peut se traduire de la manière suivante : l’application I définie par

I

⇢H �! `2(N)x 7�!

�(x|en)

�n2N

est une isométrie linéaire surjective.

Démonstration D’après l’inégalité de Bessel, on aX

n2N|(x|en)|

2 < 1 .

et le théorème 8.4.5 on a donc convergence de la suite⇣ NX

n=0

(x|en)en⌘

N2Nvers un élément z

de H. Par continuité du produit scalaire, et puisque (en)n2N est orthonormée, on constateque pour tout entier positif n, on a (z|en) = (x|en), i.e. z � x ? en pour tout n 2 N etdonc z � x 2 Vect{en , n 2 N} (par linéarité du produit scalaire), la suite (en)n2N étantsupposée totale, on a finalement (z � x) 2 H ce qui implique bien z = x. L’identité deParseval est une conséquence du Théorème de Pythagore et de la continuité de la norme. Deplus, si (an)n2N est un élément quelcinque de `2(N), le théorème 8.4.5 assure que l’on a lasuite(SN )N2N définie par

SN

def=

NX

n=0

a(n)en

converge vers un élément x de H et que, pour tout entier positif n, on a (x|en) = an. 2

Exercice 8.4.8. La famille (en)n2N des suites en dont tous les termes valent 0 sauf le n ièmequi vaut 1 est une base hilbertienne dénombrable de `2(N).

8.5 L’espace L2(A)

Le but de cette section est de démontrer que l’espace des (classes d’équivalence de) fonctionsde carré intégrable sur une partie A de Rd est un espace séparable, c’est-à-dire qu’il existe unepartie dénombrable dense.

Théorème 8.5.1. Il existe une partie dénombrable de L2(A) qui est dense dans L2(A)

Démonstration. Nous verrons que d’après le théorème 1.5.4 page 14 de Bernstein, il suffit dedémontrer le résultat suivant :

Théorème 8.5.2. L’ensemble des fonctions continues nulles en dehors d’une boule est densedans l’espace L2(Rd).

Démonstration. Observons tout d’abord qu’il suffit de démontrer cette propriété pour A = Rd.En effet, une fois prouvé le résultat pour Rd, il suffit de prendre les restrictions à A des élémentsde la partie dense. d’autre part, on peut supposer les fonctions à valeurs réelles car si elle sontà valeurs complexes, il suffit d’appliquer le résultat à la partie réelle et la partie imaginaire.D’autre part, comme, pour une fonction à valeurs réelles, on peut écrire

f(x) = f+(x)� f�(x) avec a+ = max{a, 0} et a� = max{0,�a}.

89

Page 90: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Il suffit donc de démontrer que

8f 2 L2(A;R+) , 8" > 0 , 9g 2 C0c (Rd;R+) / kf � gkL2(A) < " (8.1)

où C0c (Rd;R+) désigne l’ensemble des fonctions continues sur Rd nulles en dehors d’une boule.

Dans toute la suite, toutes les fonctions considérées sont toutes à valeurs positives. La dé-monstration de cette assertion est assez longue. Elle comprend trois étapes principales quisont autant de lemmes que nous allons admettre dans un premier temps. Tout d’abord on"régularise", au sens de la théorie de la mesure, les fonctions de L2(Rd).

Lemme 8.5.3. Les fonctions bornées nulles en dehors d’une boule sont denses dans L2(Rd).

Ensuite, on utilise que les fonctions ci-dessus peuvent être approximées par des fonctionsne prenant qu’un nombre fini de valeurs. Plus précisement, on a le lemme suivant.

Lemme 8.5.4. Soit g une fonction bornée positive identiquement nulle en dehors d’uneboule B. Il existe une fonction h de B dans R+ prenant un nombre fini de valeurs positivestelle que

kg � hkL2 < " .

Enfin, on va utiliser le résultat suivant qui est difficile à établir et que nous ne démontreronsque très partiellement.

Lemme 8.5.5. Soit C une partie de B ; il existe une fonction � continue de Rd nulle en dehorsd’une boule (éventuellement plus grande que B) telle que

k1C � �kL2 < " .

Nous allons maintenant établir l’assertion (8.1) à l’aide de ces trois lemmes. Soit f unefonction positive de carré intégrable et " un réel strictement positif. Le lemme 8.5.3 assurel’existence d’une fonction g bornée et nulle en dehors de B telle que

kf � gkL2 <"

3· (8.2)

Le lemme 8.5.4 assure l’existence d’une fonction h ayant un nombre finie de valeurs et nulleen dehors de B telle que

kg � hkL2 <"

3· (8.3)

Une fonction ayant un nombre finie de valeurs 2 s’écrit

h =NX

n=0

↵n1An

où les An sont des parties de B. Le lemme 8.5.5 assure que pour tout entier n compris entre 0et N , il existe une fonction �n continue et nulle en dehors d’une boule telle que

k1An � �nkL2 <e

3(↵n + 1)N·

2. Une telle fonction est dite étagée dans la terminologie classique de la théorie de la mesure

90

Page 91: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

En posant �déf=

NX

n=0

↵n�n et en appliquant l’inégalité triangulaire, on trouve que

kh� �kL2 =���

NX

n=0

↵n(1An � �n)���L2

NX

n=0

↵nk1An � �n)kL2

"NX

n=0

↵ne

3(↵n + 1)N

"

Avec les inégalités (8.2) et (8.3), ceci assure l’assertion (8.1) et donc le théorème 8.5.2.

Conclusion de la démonstration du théorème 8.5.1 Soit f une fonction de L2(Rd;R+). Il existeune fonction � continue nulle en dehors [�R,R]d telle que

kf � �kL2 <"

Supposons que d = 1. Nous allons maintenant utiliser le théorème de Stone-Weierstrass 1.5.4page 14 qui affirme des polynômes sont denses dans les fonctions continues sur un intervallefermé borné.

Démonstration du lemme 8.5.3. Soit f une fonction positive représentant un élément de L2(Rd)(qui peut être choisie finie en tout point). On définit alors la suite de fonction

fn(x)déf= 1B1(0,n)(x)1{x2Rd

,/f(x)n}(x)f(x)

Pour tout x, la suite (fn(x))n2N est une suite croissante qui vaut f(x) pour n assez grand.Ainsi donc,

8x 2 Rd , limn!1

|f(x)� fn(x)|2 = 0 et |f(x)� fn(x)|

2 2fn(x)|

2 + |f(x)|2 4|f(x)|2.

Le théorème de convergence dominée assure alors que limn!1

kf � fnk2L2 = 0 ce qui assure le

lemme 8.5.3

Démonstration du lemme 8.5.4. Nous allons utiliser un découpage "horizontal" de la fonctionqui est très différent de celui utilisé dans la section 1.6 pour construire l’intégrale des fonctionscontinues. Soient g une fonction positive, bornée et nulle en dehors d’une boule B et � un réelstrictement positif. Pour tout entier positif k, on définit l’ensemble

Ak

déf=�x 2 B , / k� g(x) < (k + 1)�

.

Dit autrement Ak = g�1�[k�, (k+1)�[

�. Remarquons que, la fonction f étant bornée, il existe

un entier N� tel que l’ensemble Ak est vide si k est supérieur à N�. De plus, les ensembles Ak

sont deux à deux disjoints et leur réunion est B. Ceci se traduit par le fait que

1B =N�X

k=0

1Ak . (8.4)

91

Page 92: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

On définit alors la fonction h� par

h�déf=

N�X

k=0

k�1Ak .

Nous allons démontrer que h� est une approximation de g. Pour ce faire, écrivons que

kg � h�k2L2 =

Z

B|g(x)� h�(x)|

2dx.

D’après la relation (8.4), on a

kg � h�k2L2 =

Z

B

⇣ N�X

k=0

1Ak(x)|g(x)� h�(x)|2⌘dx

=N�X

k=0

Z

Ak

|g(x)� h�(x)|2dx

=N�X

k=0

Z

Ak

|g(x)� k�|2dx

Par construction des ensembles Ak, pour tout x dans Ak on a |g(x)� k�| �. Ainsi donc ontrouve que

kg � h�k2L2

N�X

k=0

Z

Ak

�2dx

�2Z

B

⇣ N�X

k=0

1Ak(x)⌘dx

�2µd(B).

Ceci démontre le lemme 8.5.4.

Démonstration du lemme 8.5.5. Cette démonstration complète dépasse le cadre de ce cours etnous allons admettre l’étape cruciale qui nécessite une utilisation fine de la construction de lamesure de Lebesgue. Il s’agit du lemme suivant

Lemme 8.5.6. Soient A une partie bornée de Rd et " un réel strictement positif. Il existe uncompact K et une ouvert borné U tels que

K ⇢ A ⇢ U et µd(U \K) < " .

Une fois ce lemme admis, on considère, pour un ensemble B quelconque de Rd, la fonction

d(·, C)

(Rd

�! R+

x 7�! infc2C

d(x, c)

Nous laissons au lecteur le soin de démontrer que

8(x, x0) 2 Rd ,��d(x,C)� d(x0, C)

�� d(x, x0)

92

Page 93: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

ainsi que le fait que B est fermé si et seulement si d(x,B) = 0 implique que x appartient à B.Retournons à la démonstration du lemme 8.5.5. Soit C une partie de B. Le lemme 8.5.6

ci-dessus établit l’existence d’un ouvert U et d’un compact K tel que

K ⇢ C ⇢ U et µd(U \K) < " .

Posons alors�(x)

def=

d(x, U c)

d(x,K) + d(x, U c)·

Comme K est inclus dans U , l’intersection entre K et U c est vide. Comme ces deux ensemblessont fermés, la fonction d(x,K) + d(x, U c) ne s’annule pas. La fonction � est donc continuesur Rd. De plus, si x appartient à K, alors �(x) vaut 1 et � vaut 0 en dehors que U qui estborné. On en déduit que

8x 2 Rd , |�(x)� 1C(x)| 1U\K(x).

En effet, si x appartient à K (inclus dans C), alors �(x) = 1 = 1C(x). Si x appartient à U \K,le fait que les deux fonctions � et 1C soient à valeurs dans l’intervalle [0, 1] implique que

|�(x)� 1C(x)| 1 = 1U\K(x)

Toutes les fonctions sont nulle en dehors de U .

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Page 94: TOPOLOGIE, ANALYSE HILBERTIENNE, INTÉGRATION

Liste des questions de cours pour l’examen du mercredi 12 janvier 2022

— Énoncé et démonstration du théorème de Bolzano-Weierstrass 1.3.10 page 10 ;

— Calcul deZ

Re�x

2dx (Proposition 2.4.5 page 28) ;

— Énoncé et démonstration de la proposition 3.2.3 page 31 ;

— Énoncé et démonstration de la proposition 5.4.8 page 56

— Énoncé et démonstration de la proposition 3.2.3 page 31 ;

— Énoncé et démonstration du lemme 7.2.3 page 71 ;

— Énoncé du théorème de projection orthogonale 8.3.1 page 84 et démonstration despoints i) et ii).

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