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Tome 3- La responsabilité aquilienne et des contrats Titre 1- Le champ de la responsabilité contractuelle La responsabilité contractuelle n’est pas limitée au contrat. Elle est la sanction exclusive des obligations librement assumées par les parties à un contrat. Et en dehors des limites du contrat elle aurait vocation à sanctionner l'immense variété des manquements aux règles de prudence et de diligence qui s'imposent tous en dehors de tout rapport contractuel. C'est très nuancé et il y a un lien entre les deux responsabilités. Chapitre 1 er. Le domaine du contrat Section 1. La responsabilité contractuelle En principe la responsabilité est limitée au domaine du contrat (Ex: une des parties transgresse, elle crée un préjudice on me livre un autre produit que celui que j’ai commandé ). Pour mettre en cause la responsabilité contractuelle de son cocontractant il faut remplir trois conditions : Existence d’un contrat valide entre les parties dont l’inexécution découle d’une obligation du contrat Méconnaissance d’une obligation contractuelle (débiteur ou agent d’exécution) Dommage subi par créancier contractant Si le contrat n’existe pas encore ou plus on applique la responsabilité délictuelle. Il y a des nuances à ces deux cas : toute faute commise avant la conclusion ou après la fin du contrat n'est pas nécessairement sanctionnée par une responsabilité aquilienne. Si il n’y a pas de contrat entre l'auteur et la victime, on applique la responsabilité délictuelle, on ne met pas de responsabilité contractuelle en cause vu qu’il n’y en a pas. (Ex: un chien mord un passant : on applique la responsabilité du fait des animaux). Mais le fait qu’il existe un contrat n’empêche pas la responsabilité délictuelle (action ex delicto). Les parties contractantes peuvent se retrouver fortuitement en présence l'une de 1

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Tome 3- La responsabilité aquilienne et des contrats

Titre 1- Le champ de la responsabilité contractuelle

La responsabilité contractuelle n’est pas limitée au contrat. Elle est la sanction exclusive des obligations librement assumées par les parties à un contrat. Et en dehors des limites du contrat elle aurait vocation à sanctionner l'immense variété des manquements aux règles de prudence et de diligence qui s'imposent tous en dehors de tout rapport contractuel. C'est très nuancé et il y a un lien entre les deux responsabilités.

Chapitre 1 er. Le domaine du contrat

Section 1. La responsabilité contractuelle

En principe la responsabilité est limitée au domaine du contrat (Ex: une des parties transgresse, elle crée un préjudice on me livre un autre produit que celui que j’ai commandé). Pour mettre en cause la responsabilité contractuelle de son cocontractant il faut remplir trois conditions :

Existence d’un contrat valide entre les parties dont l’inexécution découle d’une obligation du contrat Méconnaissance d’une obligation contractuelle (débiteur ou agent d’exécution) Dommage subi par créancier contractant

Si le contrat n’existe pas encore ou plus on applique la responsabilité délictuelle. Il y a des nuances à ces deux cas : toute faute commise avant la conclusion ou après la fin du contrat n'est pas nécessairement sanctionnée par une responsabilité aquilienne.

Si il n’y a pas de contrat entre l'auteur et la victime, on applique la responsabilité délictuelle, on ne met pas de responsabilité contractuelle en cause vu qu’il n’y en a pas. (Ex: un chien mord un passant : on applique la responsabilité du fait des animaux). Mais le fait qu’il existe un contrat n’empêche pas la responsabilité délictuelle (action ex delicto). Les parties contractantes peuvent se retrouver fortuitement en présence l'une de l'autre et cette rencontre peut causer un dommage (ex : un accident de circulation entre bailleur et locataire). Lorsqu’un préjudice a été causé tout à fait en dehors de l’exécution du contrat, la victime obtiendra réparation sur base de 1382 et 1383. Donc, la responsabilité contractuelle suppose l’existence d’un contrat ET la violation d’une obligation mais cela peut poser des problèmes dans la mise en œuvre pour des situations limites.

Ex : un entrepreneur récolte les PDT sur la terre d’un agriculteur, la terre est parsemée de débris qui font subir à la machine de l’entrepreneur des dégâts. Peut-il invoquer 1384 (chose vicieuse). Le TPI de Bruges dit que l’entrepreneur peut invoquer 1384 car l’obligation de mettre le champ à disposition ne découle pas du contrat. La CA Gand dit le contraire: on est dans un contrat d’entreprise donc on est dans la responsabilité contractuelle donc 1384 ne serait pas applicable.

Enfin, il n'est pas toujours facile de déterminer s’il y a contrat entre deux personnes (un contrat est un accord de volonté en vue de produire des effets de droit). Dans un système où la règle est le consensualisme, il y a des situations ou l’on peut douter. ( Ex : dans le domaine des services bénévoles, la relation patient-médecin, l'autostop,… difficile de déterminer s’il y a contrat).

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Section 2. Les responsabilités pré- et post-contractuelles

§1 er. La responsabilité pré-contractuelle

Le contrat n’est pas encore conclu mais certaines obligations pèsent déjà comme une obligation de loyauté, de renseignement, de rectitude (pourparlers, on ne peut pas faire une rupture abusive de ceux-ci!). Il y a un devoir de bonne foi dans la conduite des négociations. On engage notre responsabilité délictuelle par la culpa in contrahendo qui résulte donc du manquements à ces obligations. Mais un contrat préliminaire ou « avant-contrat » peut être conclu par les parties avant la négociation du contrat (promesse de contrat, accord de confidentialité…). Des obligations contractuelles naissent et sont donc sanctionnées par la responsabilité contractuelle même si la violation intervient au moment où le contrat principal n'est pas conclu.

§2. La responsabilité post-contractuelle

Les fautes commises après le contrat sont sanctionnées par la responsabilité quasi délictuelle qui suit la même logique que la culpa in contrahendo. Certaines obligations du contrat peuvent survivre au contrat c'est la «liquidation du passé» (clauses relatives au sort des stocks, à la restitution de documents) ou en prolonger la durée (clause de non débauchage, de non concurrence). Là on applique la responsabilité contractuelle même si le fait générateur survient après la fin du contrat.

Il y a deux hypothèses pour que le contrat n'existe plus:

L’annulation: Elle sanctionne un défaut qui affecte la formation du contrat, un vice de forme. Tout se passe comme si le contrat n’avait jamais existé (effet rétroactif). Si une partie a commis une faute ayant contribué à l'annulation du contrat, elle peut réclamer à l'auteur de la faute des dommages et intérêts pour compenser le préjudice que les restitutions réciproques ne suffisent pas à combler. Cette responsabilité est aquilienne puisque le contrat a disparu rétroactivement.

La résolution : Elle sanctionne un défaut dans l'exécution d'un contrat valable, qui a donc bel et bien existé. Elle opère aussi avec un effet rétroactif. La partie lésée peut demander des dommages et intérêts pour compenser le préjudice subit que la résolution du contrat et les restitutions réciproques qui accompagnent celle-ci ne suffisent pas à combler (1184 al 2 C.civ. ). Nonobstant l'effet rétroactif de la résolution, qui devrait conduire à l'application des règles de la responsabilité aquilienne, la Cour de cassation considère que la responsabilité qui incombe aux parties en cas de résolution aux torts réciproques est de nature contractuelle.

Chapitre 2. Les recours contractuels directs au sein des groupes de contrats

Section 1. Présentation de la question

Si on applique l’art 1615 C.civ. de manière stricte, l'effet relatif des contrats ne peut profiter aux tiers. Même si il est «partie» au même groupe contractuel, celui qui est tiers ne peut remettre en cause la responsabilité contractuelle d’un des cocontractants. Remarque : il faut distinguer les effets internes (relativité) et externes du contrat (opposabilité aux tiers). Il y a cependant des nuances à apporter car des actions directes ont été instituées par le législateur:

- L'article 1798 C.civ. qui accorde aux ouvriers et sous traitant lors d’une construction d’une une action directe en paiement contre le maître de l’ouvrage. Protection de la personne la plus faible.

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- Les cours et tribunaux admettent les actions contractuelles directes dans certaines chaînes de contrat comme les ventes successives. Le sous acquéreur a le droit d’agir en garantie des vices cachés contre le fabricant ou les vendeurs intermédiaires.- La jurisprudence admet également que l'action en garantie décennale dont dispose le maitre de l'ouvrage contre l'architecte et l'entrepreneur se transmet de plein droit aux acquéreurs successifs de l'immeuble.- Selon un arrêt de la Cour de cassation du 18 mai 2006, le maitre de l'ouvrage peut exercer un recours contractuel direct en garantie des vices cachés contre le fournisseur des matériaux vendus à l’entrepreneur.

La doctrine est favorable à la reconnaissance d’une action contractuelle directe au profit du maitre de l'ouvrage contre les sous-traitants de l’entrepreneur. La Cour de cassation n’a jamais reconnu ce principe même si il a été appliqué par plusieurs Cour d'Appel. C’est un vrai problème car dans la construction il y a souvent des malfaçons et si l’entrepreneur tombe en faillite, le maitre de l'ouvrage ne dispose que d'une action en responsabilité délictuelle dont les limites ont été fixées strictement par arrêt Cour de cassation du 7 décembre 1973. Par contre, on l'a vu, le législateur a accordé au sous-traitant une action directe en paiement contre le maitre de l'ouvrage. Donc, la situation du maitre de l'ouvrage (victime d'une défaillance de l'entrepreneur général imputable au sous-traitant) est moins favorable que celles du sous-traitant (1798 C.civ. lui est favorable!!). La Cour d'Appel de Bruxelles a posé une question à la Cour Constitutionnelle pour savoir si l’art 1798 C.civ. Tel que modifié par la loi du 19 février 1990 ne créait pas une discrimination inconstitutionnelle au sens des art 10 et 11de la Constitution ? Car le maitre de l'ouvrage ne possède pas le même recours en action directe que le sous traitant.

La Cour Constitutionnelle a dit non car il existe une différence objective entre maitre d'ouvrage et sous-traitant:

La situation est différente en fonction de la nature de l’obligation dont l'exécution leur est demandée. Le sous-traitant demande le paiement d'une somme d’argent pour rémunérer le travail accompli alors que le maitre d'ouvrage demande exécution d’une obligation de faire non ou mal exécutée par l’entrepreneur. Dans le cadre de l’action directe en paiement, le maitre d'ouvrage peut opposer au demandeur (sous-traitant) les exceptions déduites de la convention qui le lie à l’entrepreneur principale. Le législateur a considéré que les sous-traitants se trouvent dans une position économique particulière par rapport à leur dépendance à l’égard de l’entrepreneur à l'instar des maçons, ouvriers,...

L'arrêt n'est pas critiquable mais il n'y a pas de solution. Les fondements envisageables pour justifier un recours ne manquent pas mais ils ne sont pas à l'abri des critiques eux. Nous allons les passer en revue.

Section 2. Comment justifier les actions contractuelles directes?

§1 er . Le recours à l’article 1122 CC (1er fondement envisagé)

L'article 1122 C.civ. Dit que «l'on est sensé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers ou ayants cause, à moins que le contraire soit exprimé, ou ne résulte de la nature de la convention». Il fonde la stipulation pour autrui, stipuler c’est se faire promettre ( Ex: Le maitre d'ouvrage se fait promettre la garantie décennale). Ce fondement a été invoqué par des auteurs pour justifier le droit reconnu aux acquéreurs successifs d’un immeuble de

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rechercher la responsabilité de l’entrepreneur ou l’architecte. Il en est de même pour les ventes en chaîne avec la garantie des vices cachés (qui doit bénéficier au nouvel acquéreur par stipulation de l'ancien acheteur).

P. RIGAUX soutient cette théorie pour fonder l’action contractuelle directe du maitre de l'ouvrage contre le sous-traitant. L’acquéreur ou maître (ayant cause à titre particulier) possède un titre légal pour exercer les droits de son auteur sans que ce dernier en soi pour autant privé.

MAIS une partie de la doctrine belge est hostile à cette théorie car selon DE PAGE l'article 1122 C.civ. vise tous les ayants cause sauf ceux à titre particulier. La doctrine française est aussi divisée sur l'interprétation à donner à 1122 C.civ. D'autres reproches sont adressés à l'argument de la stipulation pour l'ayant cause à titre particulier. La jurisprudence n’est pas non plus attirée par la théorie.

§2. La stipulation pour autrui (2ème fondement envisagé)

Le juge peut prendre en compte la stipulation expresse en faveur du maitre d'ouvrage à charge notamment des sous-traitants MAIS on trouve rarement ces clauses de stipulation spécifiques pour autrui dans les contrats d’entreprise. D'une manière plus intéressante, on pourrait songer à une stipulation implicite pour autrui au bénéfice du maitre de l'ouvrage à charge des sous-traitants. On justifierait donc : l’action en garantie du sous-acquéreur d'une chose vendue ou ouvragée OU la responsabilité du fournisseur ou du sous-traitant à l'égard du maitre de l'ouvrage. Cette thèse est défendue par M-A et PH FLAMME.

MAIS cela repose sur une fiction de volonté artificielle alors qu’une des conditions de la stipulation pour autrui est d’établir la volonté du stipulant (entrepreneur principal) de stipuler au profit d'un tiers (maitre de l'ouvrage). Celle-ci étant connue du promettant (sous-traitant) alors que dans la réalité elle n'est bien souvent pas consciente! La stipulation implicite est difficile à utiliser pour justifier un recours contractuel direct sauf si elle a été incontestablement voulue par les intéressés.

§3. La transmission de l’action propter rem à titre d’accessoire (3ème fondement envisagé)

C'est bien admis par la doctrine et la jurisprudence. On se fonde sur l’art 1615 C.civ. pour justifier la transmission des actions en garantie d'éviction et des vices cachés à titre d'accessoire de la chose vendue. Idem pour la garantie décennale et l’action contre le fournisseur des matériaux. Le maitre de l'ouvrage est fondé à agir directement en garantie des vices cachés contre le fournisseur des matériaux vendus à l'entrepreneur (Cf. arrêt Cour de cassation du 18 mai 2006 qui est fondé sur 1641 et suivant CC). Selon la Cour, cette action contractuelle dont dispose l'entrepreneur contre son fournisseur est transmise à titre d'accessoire de la chose au maitre de l'ouvrage.

Peut-on admettre que l'action en responsabilité contractuelle est en quelque sorte attachée à la chose ouvragée de sorte qu'elle se transmet accessoirement à cette dernière au maitre de l'ouvrage? Cette idée a été avancée par le Conseil des ministres devant la Cour d'arbitrage dans l'affaire qui a donnée lieu à l'arrêt précité du 28 juin 2006 : Ils se fondent sur 1615 C.civ. Qui est inscrit au titre du contrat de vente et pas d’entreprise mais tout comme le contrat de vente il y a transfert de propriété donc les droits attachés à la chose se transmette en toute hypothèse à titre d'accessoire donc cela peut AUSSI permettre au maitre de l'ouvrage de mettre en cause la responsabilité du sous-traitant. (ambigu et contestable selon Montero...)

1615 C.civ est propre à la vente et on dit que c’est un principe général qui confirme l’adage « l’accessoire suit le principal». Selon une autre opinion, on peut également utiliser 1135 C.civ. (on le combine avec 1615C.civ.).

C'est l'idée d’un lien entre l’action et le bien transmis qui explique la transmission propter rem comme un accessoire de la chose vendue ou ouvragée. Vu qu’il y a un fondement objectif, il n’y a pas le problème de

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volonté artificielle, l’action est attachée à la chose qui est identifiée et donc cédé avec le droit, elle suit le droit. Il s'oppose donc à la stipulation implicite pour autrui ou à la cession de créance tacite. La formulation est ambiguë car la transmission de l’action est fondée sur la qualité de propriétaire du sous acquéreur. J-H HERBOTS dit que le droit d'action est accessoire de la propriété (ambulat cum dominio) plutôt que de la chose. Elle n'irait donc qu'à son propriétaire actuel. (Ex : le locataire ne peut agir directement sur un fondement contractuel par rapport au fabricant-vendeur ou entrepreneur.)

Dès lors que le contrat d'entreprise emporte un transfert de propriété, la référence à la notion d'accessoire peut-elle servir à justifier l'action contractuelle directe du maitre de l'ouvrage contre le sous-traitant de son débiteur contractuel ? (Conseil des ministres) A cela, la doctrine trouve qu'il n'y a aucune raison de distinguer la chose transmise par un contrat de vente ou par un louage d'ouvrage.

C'est contestable. En matière d'immeubles la propriété est acquise par le maître de l’ouvrage par un mode originaire d’acquisition c’est l’accession, par incorporation des matériaux au sol (et non par un mode dérivé qui réalise un transfert de droit). DONC le maitre de l'ouvrage ne tient pas son droit de l’entrepreneur mais il acquiert un droit nouveau «pur et dépouillé de toute prérogative accessoire». La théorie de l’accessoire ne fonctionne pas si la sous traitance porte sur de simples prestations non translatives de droit. Mais si il n'y a pas de fourniture de matériaux, il n'y a pas de res donc AUCUN droit ne peut être transmis propter rem. La notion d’accessoire n’est pas un fondement général ! Le principe de la transmission de l’action est incompatible avec le régime de l’action récursoire car le contractant intermédiaire en dispose malgré la transmission (illogique).

En conclusion, cette théorie de l’accessoire est très pratique ds le cadre des chaînes de contrat translatif de propriété ( c-à-d qui se terminent par un contrat de transfert, vente+vente ou entreprise + vente). L’action contractuelle est fondé sur un transfert de l’action du titulaire originaire puisque l'action contractuelle directe reconnue à la victime est fondée sur le transfert de l'action comme accessoire de la propriété. Le régime du contrat originaire s’applique pour : contenu d'une obligation transgressée, étendue de la réparation, …Le recours à la notion d'accessoire est critiquée en raison de certaines difficultés inhérentes au régime technique global de la solution. ( Ex : Le principe de transmission de l'action serait incompatible avec le régime de l'action récursoire dont dispose encore le contractant intermédiaire nonobstant sa transmission).

§4. La notion des groupes de contrats (4ème fondement)

B. TEYSSIE et J. NERET (France) proposent les groupes de contrats comme fondement pour justifier la reconnaissance d’action contractuelle directe en responsabilité pour les chaînes et les ensembles de contrat.Les tiers et les parties sont appréciés à l’échelle du groupe qui est une réalité économique. La relativité des conventions (1165 C.civ.) ne trouverait que sa justification qu’en dehors du groupe de contrat, obligeant les vrais tiers à situer leurs actions en responsabilité sur le terrain délictuel.

Teyssié s'est évertué à dresser une savante typologie des groupes de contrats rencontrés dans la pratique. Il distingue les chaines de contrats et les ensembles contractuels.

Chaines de contrats = constituées de plusieurs conventions intervenant successivement sur un même objet. Il y distingue les chaines :

par addition = se caractérisent par la succession dans la conclusion et l'exécution des contrats entre même parties (Ex: suite de contrats de bail formés par tacite reconduction) et entre parties différentes (Ex: ventes successives).

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par diffraction = se caractérisent par une succession dans la conclusion des contrats, mais par une conjonction dans leur exécution (Ex: sous-location, sous-entreprise, réassurance,...).

Ensembles contractuels = regroupent une série de conventions conclues pour assurer la réalisation d'un même objectif et dès lors soudées par une identité de cause. Il y distingue :

Les ensembles de contrats interdépendants (Ex: coassurance, ensemble de contrats de transport,...). Les ensembles de contrats à dépendance unilatérale entre même parties (contrat de logiciel, contrat de maintenance,...) ou entre parties différentes (leasing complexe, contrat de prêt assorti d'un contrat de cautionnement,...)

Il se demande si le groupe de contrat ne peut être considéré comme un facteur de création de rapports contractuels. En effet, il est permis de se demander si la formation d'un chaine ou d'un ensemble ne se traduit par la création de rapports contractuels secondaires entre les personnes qui, parties à un même groupe, ne sont néanmoins liées, dans leurs relations réciproques par aucun contrat. Une doctrine abondante insiste sur la nécessité de soumettre à un même régime, celui de la responsabilité contractuelle, tous ceux qui n'avaient subi un dommage que parce qu'ils avaient un lien avec le contrat initial. Il faut renoncer à une stricte application du principe de relativité au sein des groupes de contrats et adopter un point de vue conforme à la réalité. J. NERET estime que cette vision individualiste, abstraite et analytique des cloisonnements, que dresserait entre maitre et sous-traitant la relativité des conventions est dépassée. Il préfère voir une opération économique globale plutôt que deux contrats superposés régis par des rapports d'antériorité et de hiérarchie et de nombreux auteurs acquiescent. Il est contraire à la prévisibilité contractuelle qu’une partie soit assignée en responsabilité délictuelle sous prétexte qu’il est tiers. (Ex: le débiteur principal a confié à un tiers l’exécution du contrat, la responsabilité délictuelle pourrait déjouer les clauses du contrat pour assurer la prévisibilité contractuelle).

La Cour suprême Française (ch. Civile) a adopté cette théorie des groupes de contrat. Elle casse une décision, dans un arrêt du 8 mars 1988, qui avait apprécié la responsabilité du sous traitant par rapport au maitre de l'ouvrage sur un fondement délictuel. (Voir arrêt p.20). Par un autre arrêt du 21 juin 1988, la ch. Civile affirme la portée générale de l’extension de la responsabilité contractuelle à tout les groupes de contrat. Suite aux critiques de la doctrine, la Cour de cassation va mettre fin à cette jurisprudence dans un arrêt d’assemblée plénière du 12 juillet 1991. La Cour réaffirme que les conventions n’ont d’effets qu’entre les parties et sanctionne les juges qui avaient retenu la responsabilité nécessairement contractuelle d'un sous-traitant à l'égard d'un maitre de l'ouvrage, au motif que le premier n'était pas contractuellement lié au second. Elle rejette donc la notion de groupe de contrat comme fondement pour une extension du champ d’application de la responsabilité contractuelle.

En Belgique, on n'a jamais soutenu la théorie des groupes de contrat. On critique l’imprécision du concept et la difficulté de mesurer la non application du principe de l’art 1615 C.civ. La doctrine est attachée à la théorie légaliste de l’action directe (pas d’action sans texte légal). Il y a la règle de «la double limite» qui implique que le sous débiteur peut opposer à la fois les stipulations de son propre contrat et celles du contrat passé avec le débiteur intermédiaire (Régime peu favorable au demandeur). Comment apprécier lorsque sous débiteur est tenu d’une obligation de moyen et le débiteur intermédiaire d’une obligation de résultat ? Il y a aussi une imprécision du concept de groupe de contrat. On ne sait donc plus où s’arrête le champ de la responsabilité contractuelle.

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En conclusion, la théorie comme fondement autonome a été abandonné en France et jamais appliqué en Belgique. La conséquence c’est que le fondement est non fondé. C’est tout de même une belle intuition qui correspond à réalité économique: il y a de plus en plus de groupes de contrat. Cela demande à être mieux structuré sur le plan juridique.

§5. Synthèse

Chacun des fondements peut être critiqué. La justification tirée de la notion de groupe de contrats est critiquée en doctrine et rejetée en jurisprudence. Tous les mécanismes qui reposent sur une sollicitation de la volonté plus ou moins artificielle sont écartés. La transmission de l’action à titre d’accessoire est prise en considération mais il y a une inaptitude à fonder une action contractuelle directe au profit de tiers participant à un même groupe contractuel.

Les seules hypothèses dans lesquelles il est permis à une partie contractante d'agir en responsabilité contractuelle contre un tiers participant au même groupe contractuel sont les suivantes:

L’existence d’une action directe prévue par la loi (Ex: 1798 et 1999 C.civ.) ou admise par la jurisprudence (Ex: vente en chaînes) Une stipulation expresse en faveur du tiers (Ex: je vous garanti pour les vices et cela vaut pour le sous acquéreur). Le recours à l’action oblique qu’un créancier exerce contre le débiteur de son débiteur.

En dehors de ces cas, on applique la responsabilité contractuelle.

Titre 2. Le concours des responsabilités

Chapitre 1 er . La responsabilité délictuelle entre contractants

Section 1. Présentation du problème

Un créancier a-t-il un droit d’option entre la voie contractuelle et la voie délictuelle pour obtenir réparation ? (« cumul de responsabilités») Mais le créancier ne cumule pas les actions, il en choisit une. On parle plutôt de concours ou d’option de responsabilités. Les règles ne sont pas d’ordre public donc le juge ne peut pas les soulever d’office. Donc, il accueille l’action en responsabilité et applique ce régime tant que le défendeur ne conteste. Même s’il y a un rapprochement des ordres de responsabilités, chaque ordre reste bien distinct. Il est parfois plus intéressant d’agir en responsabilité délictuelle plus tôt que contractuelle (Ex: pour éluder une clause limitative qui est dans le contrat ou échapper à une prescription contractuelle abrégée). La voie délictuelle peut être aussi préférée afin de bénéficier d'une présomption de responsabilité fondée sur les articles 1384 et s. C.civ. ou pour obtenir l'intervention de l'assureur dans les cas où le contrat d'assurance responsabilité civile ou protection juridique couvre uniquement la responsabilité extra-contractuelle.

L'action ex delicto est-elle ouverte au créancier? A quelles conditions?

Nécessité d'une faute mixte ? Pour que la question de l'option se pose il faut que le manquement reproché au débiteur doit pouvoir s’analyser comme une faute contractuelle ET faute délictuelle.

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La faute suppose la violation d’une obligation contractuelle. Donc, on exclut le concours lorsque la faute est délictuelle même si elle est commise à l’occasion du contrat. Seule la responsabilité délictuelle est envisageable.

La faute reprochée doit constituer un manquement à l’obligation générale de prudence ET diligence qui s’impose à tous. Si la faute est purement contractuelle. Il y a transgression d’un engagement particulier voulu par les parties. Seule la responsabilité contractuelle est envisageable. Ex: le vendeur ne livre pas la chose.

EXEMPLES DONNES AU COURS QUI NE SONT PAS DANS LE SYLLABUS:Arrêt de la Cour de cassation du 7 novembre 1969 : Vétérinaire vient inspecter une vache, elle va le blesser. La cour répond que selon elle il n’y a pas de contrat, il n’y a pas de recours sur 1385 C.civ. La décision est cassée par la juridiction de fond car on ne peut affirmer que s’il y a un contrat c’est d’office contractuel. Il n'y a pas vraiment de concours, c'est la responsabilité délictuelle qui prime.

Arrêt de la Cour d'Appel de Liège du 4 septembre 1987 : Les autorités militaires demandent le déplacement d’une fosse septique. L'architecte doit veiller au respect des servitudes et règlements administratifs. Or, il y a faute de l’architecte car il a établit la fosse dans une zone ou on ne peut pas construire et c’est à 10 cm d’un pipe line de l’OTAN. On agit sur base de 1382 C.civ. pour le non respect de la servitude légale. Cela permet d’échapper au régime de la garantie décennale et bénéficier d’une prescription de 30 ans. On peut également échapper à la clause concomitoire qui oblige l’arbitrage. Il est évident qu’il y a faute délictuelle : obligation légale qui lui impose de vérifier, même si c’est à l’occasion du contrat. Le dommage affecte non seulement le cocontractant mais aussi les tiers.

Arrêt de la Cour de cassation du 4 juin 1931 : Une société privée d'électricité agit contre la société distributrice d'électricité. Elle agit sur une base délictuelle pour contourner une disposition du contrat (clauses limitatives de responsabilité). La cour dit que ce n'est pas la responsabilité délictuelle ; le droit de recevoir son électricité trouvait son origine dans le contrat . Il n'y a pas de problème de concours.

La question du concours est circonscrite, comment la résoudre? Il y a trois voies de solutions :

Thèse du cumul absolu: Les règles de la responsabilité délictuelle sont le minimum de protection sur lequel toute victime, contractante ou non, pourrait légitimement compter.

Thèse du non-cumul : Affirme la primauté du contrat qui est l’expression de la volonté des parties. Le fait de recourir à la responsabilité délictuelle serait équivaut à déjouer la prévisibilité contractuelle. On voulait agir sur une base contractuelle et on arrive à la responsabilité délictuelle. C’est une thèse qui est soutenue en France sur le fondements de l’autonomie de la volonté, de la liberté contractuelle ET la force obligatoire des contrats: on incorpore au contrat des obligations légales et on les contractualise pour que la responsabilité ne soit que contractuelle. Il y a un risque d'élargissement excessif du champ contractuel.

Thèse du cumul limité : On affirme la primauté du contrat sans exclure l’action délictuelle. Il faut déterminer quel est le domaine objectif du contrat, son noyau dur et en dehors de ces limites l’action délictuelle est ouverte. Cette approche permet d’éviter les discriminations injustifiées entre victimes (si elles sont liés ou pas par un contrat).

Section 2 . L’état du droit sur la question du concours

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§1 er La jurisprudence de la Cour de Cassation

La Cour de cassation s’est prononcée sur la question dans un célèbre arrêt du 7 décembre 1973. (Voir p 26-27). Cet arrêt concerne un agent d’exécution ou préposé du débiteur mais il est également applicable au débiteur lui-même. Cet arrêt rompt la jurisprudence antérieure qui était favorable à l’option entre les deux ordres de responsabilité. Dans les années 50 des auteurs (DABIN, LAGASSE, DE PAGE,...) avaient déjà manifesté leur hostilité à la thèse du concours des responsabilités.

La cour a confirmé sa position comme dans l’arrêt du 14 octobre 1985 qui envisage les relations entre cocontractants (voir p. 27). L'interprétation à donner à la formulation a fait l'objet de controverse: est-ce une prohibition du concours ou un affinement des conditions mises au concours? Deux conditions devraient être réunies pour que puisse être admis le concours des responsabilités contractuelle et aquilienne : l'une est relative à la faute et l'autre au dommage. Mais ces deux conditions font débat.

§2. Les thèses en présence

THESE de la VERDWIJNINGSTHEORIE : (disparition) Un courant doctrinal majoritaire dit que le jurisprudence de la Cour de cassation exclut toute possibilité de concours entre les deux responsabilités. Dès l'instant où le débiteur a méconnu une obligation du contrat seule sa responsabilité contractuelle peut être engagée. Ils interprètent selon la littéralité des termes: « La violation, non de l’obligation contractuelle, mais d’une obligation qui s’impose à tous». La responsabilité délictuelle n’est possible qu’en dehors du contrat, c'est-à-dire si la faute constitue uniquement la violation du devoir général de prudence. La faute doit être complètement étrangère au contrat et le dommage doit être étranger à la conclusion/exécution du contrat. La faute délictuelle est verrouillée, même si la faute contractuelle représente aussi la violation d’une obligation générale de prudence sur base de 1382 C.civ. et la faute du défendeur doit avoir causé «un dommage autre que celui résultant seulement de la mauvaise exécution du contrat». Cela renvoie au dommage contractuel défini par les art 1149 à 1151 C.civ. Il y a presque une interdiction du concours des responsabilités.

THESE de la VERFIJNGSTHEORIE : (affinement)Pour d'autres, la Cour a affiné les conditions d’application du concours de responsabilités. Deux conditions doivent être remplies cumulativement. 1) Il faut une faute qui consiste non seulement en la violation du contrat mais aussi en la violation de l’obligation générale de prudence. 2) La faute doit être à l’origine d’un dommage qui n’est pas seulement constitué par la privation de l’avantage que le contractant devait normalement retirer de la correcte exécution du contrat.Le concours est possible en cas d’existence d’une faute et d’un dommage qui ne sont pas de nature purement contractuelle.

==> État de la question par rapport à deux arrêts récents de la Cour de cassation:

Arrêt du 29/09/2006, de la 1ère ch civile de la Cour de cassation: Elle va modifier la formulation des conditions du concours des responsabilité (favorable à la verfijningstheorie): « non seulement (au lieu de non pas) à l’obligation contractuelle mais aussi (au lieu de mais) au devoir général de prudence. La cour précise que la condition relative à la faute est moins sévère: il n’est pas exigé que la faute soit totalement étrangère au contrat. La condition relative au dommage est inchangée: la faute doit causer un dommage autre que celui qui est dû à la mauvaise exécution du contrat.

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Arrêt contradictoire du 27/11/2006, de la 3ème ch civile de la Cour de cassation: Il stipule que les parties ne peuvent invoquer les règles de la responsabilité délictuelle dans le cadre de leur relation contractuelle car il découle de leur contrat que les parties ont voulu se soumettre à la responsabilité contractuelle. Suite de l’arrêt p. 30. Cet arrêt est favorable à la verdwijningstheorie en condamnant le concours des responsabilités.

§3. Appréciation critique

Selon la VERDWIJNINGSTHEORIE, le concours est dissimulé. Dès que l’obligation relève du contrat, on exclut la responsabilité délictuelle. Sauf si il y a violation d’une obligation générale de prudence et que le dommage ne résulte pas de la mauvaise exécution du contrat.

Le contrat ne comprend pas que ce que les parties ont convenu mais aussi les équités et usages de la loi et la bonne foi (1135 et 1134 C.civ.). Le développement des fonctions complétives et modératrices de la bonne foi contribue aussi à étendre le champ du contrat et à refouler la responsabilité aquilienne. L’action délictuelle a peu de chances de satisfaire à l’exigence d’un dommage étranger à l’exécution du contrat. Les articles 1149 et suivants sont interprétés largement par la jurisprudence. L'article 1150 C.civ. dit qu’on ne répare que le dommage prévisible mais la cour étend cela. Il suffit que le dommage soit prévisible quant à son principe et pas nécessairement dans toute son étendue. Ensuite 1151 dit qu’on ne répare que le dommage direct et immédiat et la Cour dit qu’on répare le dommage indirect et médiat pourvu qu'il soit une suite nécessaire de l'inexécution de la convention.

La tendance est à l’extension du domaine du contrat, à la contractualisation d'obligations extra-contractuelles . Ceci, l'action créatrice des juges et la conception actuelle du dommage réparable au titre de la responsabilité contractuelle réduisent presqu’à rien le champ de la responsabilité délictuelle. C’est critiquable car on consacre l’hégémonie et la toute puissance du contrat.

Selon la VERFIJNINGSTHEORIE, le concours serait admis en cas de violation d'une obligation découlant du contrat pourvu que la faute reprochée constitue également un manquement au devoir général de prudence qui s'impose à tous. Ce que la Cour a voulu dire c'est que le fait d’introduire une obligation légale dans le contrat n'a pas pour effet d'en changer la nature telle que sa transgression ne pourrait être sanctionnée que par une responsabilité contractuelle. Le concours est admis en cas de violation d’une obligation découlant du contrat à condition que la faute reprochée constitue un manquement au devoir général de prudence. L'essence du contrat est d'obtenir l'exécution de l'avantage escompté. Tout accident qui pourrait se produire relève de l'obligation générale de prudence et diligence.

Montero aime cette théorie car: cela enraye la dilatation du contrat, qui va de pair avec une absorption dans sa sphère de domaines qui relèvent naturellement de la responsabilité aquilienne même si l'obligation est contractuelle. Ex: Protection des biens et des personnes.

Arrêts de la Cour de cassation du 18 mai 1961 Même si on doit respecter 1382 et 1383 C.civ., cela ne modifie pas la nature de cette obligation légale pour ne lui reconnaitre qu'un caractère conventionnel.

et du 26 septembre 1990. (Voir p. 32)Mme de Kimps confie ses enfants à mme Niels pour un séjour de vacances. Il y a deux moniteurs chargés de surveiller (obligation contractuelle de garde). Un soir les

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enfants étaient saouls, un surveillant les a surpris, a confisqué la bouteille et est parti. Mais un des enfants sauta du balcon et se blessa. La Cour d'Appel de Bruxelles dit que Mme Niels est responsable contractuellement des fautes commises par ses préposés mais ne retient pas la responsabilité quasi délictuelle des moniteurs. Il n'y a donc pas de responsabilité délictuelle car c'est un manquement à une obligation contractuelle, aucun dommage ne ressort du contrat.

La Cour de cassation casse cette décision et admet le concours des responsabilités lorsque la faute contractuelle est en même temps constitutive d'une infraction pénale. Elle dit que quand une partie contractante a un préposé, celui-ci peut être engagé par sa responsabilité délictuelle à cause de l'obligation générale de prudence. Cette solution apparait aux tenants de la thèse majoritaire exposée comme une exception au principe de la prohibition du concours qui s'expliquerait par des considérations d'ordre social. Elle se justifie plus naturellement dans la seconde thèse dès lors que l'auteur d'une infraction pénale a nécessairement méconnu le devoir général de prudence qui s'impose à tous.

Grâce à cette interprétation, on encadre dans des limites raisonnables le pouvoir des parties et juge d’intégrer au contrat des obligations légales, en préservant la possibilité pour la victime de choisir la voie de la responsabilité délictuelle. La jurisprudence de la Cour Cass parait donc aller dans ce sens en limitant la prohibition du concours des responsabilités aux seules hypothèses où la faute et le dommage sont purement contractuels.

Section 3. Les conditions du concours

La faute ne doit pas être purement contractuelle: c'est-à-dire si elle constitue non seulement une violation du contrat, mais également la méconnaissance de l’obligation générale de prudence. On reconnait alors qu'il existe deux types d'obligations :

1) Les obligations purement contractuelles qui trouvent leur origine et leurs conditions d'existence dans le contrat. Ces obligations forment le noyau dur du contrat. Elles ne s’imposent pas aux tiers et ils ne peuvent s’en prévaloir. La violation d’une obligation purement contractuelle est sanctionnée par la responsabilité contractuelle. Ex: Achat de marchandises, on ne peut invoquer 1382 C.civ. si la marchandise n’est pas conforme à ce qui est demandé OU quelqu'un fait construire une maison s’il y a des malfaçons, il ne pourra agir que sur base de la responsabilité contractuelle car c’est eu égard au contrat que je peux me plaindre.

2) Les obligations mixtes: obligation qui sont la transposition en termes contractuels de devoirs légaux qui s’impose à tous en dehors du contrat. La violation d’une obligation mixte ouvre un droit d’option entre un des deux ordres de responsabilité. Ex : obligation de sécurité en matière de contrat médical, obligation de respecter les règles de l’art pour un professionnel.

Le dommage ne doit pas être purement contractuel : le concours n'est admis que si la faute a causé un dommage autre que celui qui résulte de la mauvaise exécution du contrat. Elle suggère qu'il existe deux types de dommage:

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1) Les dommages inconcevables indépendamment du contrat. Ce type de dommage renvoie au noyau dur du contrat. Il s’agit de la privation d’un avantage économique que le cocontractant devait normalement retirer de la correcte exécution du contrat. Ex: un maitre d'ouvrage ne peut obtenir la réparation sur une base délictuelle, de l’effondrement d’un mur, c’est par le contrat que l’on établit le dommage.

2) Dommages qui peuvent survenir indépendamment de toute relation contractuelle.Ex: si le mur s’effondre sur le maitre d'ouvrage, là il peut agir sur base de la responsabilité délictuelle pour obtenir réparation des lésions corporelles qu’il a subi à cette occasion.

En conclusion, la voie délictuelle n’est ouverte qu’en présence d’une faute mixte ou d’un dommage de second type.

EXEMPLES DONNES AU COURS !!!!

Ex1 : Des gens vont au club Med à Djerba, il paie un prix forfaitaire ac la formule all in. On leur sert des huîtres pas fraîches, ils vont être infectés et malades pendant plusieurs jours. Le tribunal de Commerce de Bruxelles rend un arrêt: on admet le concours. Il y a une obligation contractuelle de fournir un produit sain et une obligation délictuelle de sécurité qui concerne l’intégrité physique.

Ex2 : Un garagiste n’est pas tenu à une obligation de sécurité contractuelle à un client qui se tient près de la voiture. Le client est blessé au cours de la réparation. On applique seulement la responsabilité délictuelle, il n’y a pas d’hypothèse de concours.

Chapitre 2. La responsabilité délictuelle à l’égard d’un agent d’exécution du cocontractant

Section 1. Présentation du problème

Le débiteur confie parfois l’exécution de ses engagements contractuels à des substituts ou auxiliaires.

Ex : en matière médicale. L’hôpital conclu un contrat avec le patient , une convention portant sur les soins normaux: hébergement, repas, soins post opératoires; et les actes médicaux où il faut recourir à des agents d’exécution: médecin, infirmière,..

Comment le créancier peut il rechercher la responsabilité de ces agents d’exécution qui n’effectuerait pas correctement leur mission? On ne peut pas utiliser la responsabilité contractuelle. Alors la responsabilité délictuelle? On a vu que la voie de la responsabilité contractuelle était condamnée sauf dans des circonstances particulières (stipulation pour autrui, action directe prévue par une loi,...). Il reste à savoir si une action en responsabilité délictuelle est possible. La réponse est fournie par l'arrêt du 7 décembre 1973 qui consacre «l'immunité de l'agent d'exécution».

Section 2. L’immunité de l’agent d’exécution

Faits : Une usine suisse a vendu 6 tours hydrauliques à une société indienne. Il y a un transport terrestre et maritime à Calcutta. L'armateur a passé un sous contrat d'arrimage. Le contrat d’arrimage consiste à charger

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les tours sur le bateau. Il y a rupture d'une élingue et une des tour s'écrase sur le sol. La vente avait été conclue CIF c'est-à-dire, les risques sont à charge du vendeur jusqu'à la livraison. Celui-ci se fait indemniser par l'assureur qui, subrogé dans les droits du vendeur, se retourne contre l'arrimeur. La Cour d'Appel de Gand dit que cette action est fondée avec une réserve étonnante. Elle applique une clause limitative de responsabilité contre l'arrimeur. On a une action contre l'arrimeur alors qu'il n'y a pas de contrat entre le vendeur et lui. La Cour d'Appel passe par un raccourci... C'est alors que la Cour de cassation fixe les limites du concours.

Contrat de transport Transporteur (Anvers-Calcutta)Assureur Vendeur (Anvers) Contrat d'arrimage

Arrimeur (Calcutta) Action subrogatoire

Arrêt de la Cour de cassation du 7 décembre 1973

Du point de vue de sa responsabilité aquilienne à l'égard du créancier principal, le tiers, agent d'exécution se pose dorénavant dans les mêmes termes que celle du concours des responsabilités entre parties contractantes. De ce fait, la question de l'admissibilité de l'action ex delicto contre l'agent d'exécution se pose dorénavant dans les mêmes termes que celle du concours des responsabilités entre parties contractantes. La responsabilité délictuelle de l’agent d’exécution (ou préposé) ne peut être engagée que si la faute constitue la violation non seulement de l’obligation contractuelle mais d’une obligation qui s’impose à tous et si cette faute a causé un dommage autre que celui qui résulte seulement de la mauvaise exécution du contrat.

On assimile l’agent d’exécution au débiteur principal mais c’est relatif:

- L’agent d’exécution est considéré comme tiers par rapport à la formation du contrat. Le créancier principal ne peut pas mettre en cause sa responsabilité contractuelle et ne dispose que d’une action contre son propre débiteur qui est responsable pour son substitut, logique vu que l’agent d’exécution n’a pas participé au contrat. On applique le système de la «responsabilité contractuelle pour autrui» MAIS il se peut que le débiteur principal soit insolvable ou qu’il y a une clause limitative de responsabilité du fait de ses agents d’exécution.

- L’agent d’exécution n’est pas un tiers par rapport à l’exécution. Il engage sa responsabilité envers le créancier principal au regard des conditions de la théorie du concours. Dans la controverse à ce propos, l'action ex delicto sera plus ou moins verrouillée que l'on soit pour l'une ou l'autre thèse.

En conclusion, l’agent d’exécution est immunisé sur le plan de la responsabilité envers le créancier principal (théorie de l’immunité de l’agent d’exécution à laquelle la Cour reste attachée et elle a voulu cantonner les contractants dans la sphère contractuelle).

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Même si elle est critiquée, cette solution semble justifiée. Le débiteur principal s'est engagé personnellement, pourquoi ne serait-il plus tenu d'exécuter ses engagements sous prétexte qu'il en aurait confié l'exécution en tout ou en partie à un tiers? L’agent d’exécution est juridiquement transparent, il est l’instrument au moyen duquel le débiteur principal exécute le contrat. C’est pour cela que s’il y a une faute dans l’exécution des obligations par l’agent d’exécution, c’est le cocontractant qui en est responsabilité. La Cour de cassation dit : « l’agent d’exécution n’est pas tiers par rapport à l’exécution du contrat». DABIN et LAGASSE avaient anticipé en 1950 en disant : « Lorsque l'inexécution d'un contrat résulte de la faute commise par le préposé de l'un des contractants, sur le plan de l'exécution du contrat, la partie victime ne connait que son cocontractant, dont le préposé n'a été que l'instrument...».

Le concept de responsabilité contractuelle du fait d'autrui peut paraitre inutile car la responsabilité du débiteur principal découle de l'inexécution des obligations qu'il a personnellement assumées... même si leur exécution à été confiée à des substituts.

Si l’action aquilienne était admise à l’encontre de l’agent d’exécution, le créancier pourrait se soustraire aux stipulations contractuelles qu’il a négociées et acceptées. Il y a bouleversement des prévisions contractuelle. C’est pour cela que la voie délictuelle n’est ouverte que si la faute contractuelle de l’agent d’exécution consiste en la violation de l’obligation générale de prudence et si elle a causé un dommage différent de celui qui résulte de la mauvaise exécution du contrat. Là, l’action délictuelle ne déjoue pas les prévisions.

Dans un arrêt du 7 novembre 1997, la cour a même élargi la portée de l’immunité de l’agent d’exécution aux organes (voir arrêt p. 38). Cela veut dire les administrateurs et les gérants des personnes morales de droit privé; et les organes des personnes morales de droit public sont concernés.

Remarque: l’action délictuelle contre l’agent d’exécution est admise lorsque la faute contractuelle se double d’une infraction pénale.

Section 3. Quid de l’action de l’agent d’exécution contre le créancier principal ?

Est-ce que la jurisprudence de la Cour suite à l'arrêt du 7 décembre 1973 doit-elle être étendue aux situations où une action en responsabilité délictuelle est exercée, en sens inverse, par l'agent d'exécution contre le créancier principal?

Arrêt de la Cour de cassation du 14 décembre 1990 :

Faits :

Intercommunale Fond des routes SA BSL travaux routiers

Contrat de sous traitance

Sous traitent Bollen (doit enlever des arbres le long de la route)

Une action délictuelle est dirigée par un sous-traitant de l'entrepreneur principal contre le maitre d'ouvrage. Il était reproché à ce dernier Finalement, le fond des routes va retirer tous les arbres et donc Bollen a perdu un

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avantage économique. Bollen veut agir sur base d’une action délictuelle. Cette action délictuelle n’est pas fondée sur les conditions du concours.

Arrêt : le juge du fond a estimé que le maitre d'ouvrage s’était rendu coupable d’une faute délictuelle envers le sous traitant. Dans le pourvoi en cassation, le maitre d'ouvrage fait valoir que le dommage invoqué par le sous traitant se confond ac la perte d’un avantage qui ressort du contrat et donc que le dommage est purement contractuel argument rejeté par la cour Cass (voir passage de l’arrêt p 38-39). Cet arrêt ne reproduit pas les conditions du concours ds l’hypothèse de l’action délictuelle du sous traitant contre le cocontractant de son créancier.

Arrêt du 26 avril 2002:

Faits :

Henkel Ecola Serveco

Contrat de sous traitance

Watco industrial cleaning

Le contrat porte sur l’enlèvement et le traitement des déchets industriels. Watco fait une opération de pompage et des vapeurs jaunes et puantes se sont échappées de l’un des fûts contenant les produits enlevés. Le préposé du sous traitant fut incommodé et les citernes du camion furent gravement endommagées. C’était un produit d’extrême acidité sans que le cocontractant soit prévenu; il y a un manquement à l’obligation d’information, de mise en garde qui a trompé la confiance légitime.

Arrêt: La cour va changer complètement d’avis et dit qu’il y a lieu de soumettre le recours en responsabilité délictuelle exercé par l’agent d’exécution contre le maitre d'ouvrage aux conditions restrictives de l’action (c.à.d. manquement à l’obligation générale de prudence s’imposant à tous et si cette faute a causé un dommage autre que celui qui résulte de la mauvaise exécution du contrat)

Elle casse l’arrêt car «il ne résulte ni de ces considérations ni d’aucune autre que la faute de la demanderesse a causé un dommage autre que celui qui résulte de la mauvaise exécution du contrat».

Titre III. La coexistence des responsabilités

Chapitre 1 er. . La responsabilité délictuelle du contractant à l’égard des tiers

Section 1. Présentation générale

§1 er . Position du problème

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A B

C

« A » exécute mal une obligation du contrat et il en résulte un dommage pour « C ». A quelles conditions un contractant pourrait-il être rendu responsable, sur une base quasi-délictuelle, à l'égard d'un tiers pour manquement à une obligation contractuelle?

Au 19ème, les auteurs considéraient que « C », la victime ne pouvait pas agir pour demander la réparation à « A » sur base délictuelle donc de 1382C.civ. car l’effet relatif des conventions s’y oppose : un contrat ne peut ni profiter (sauf dans le cas de 1121C.civ.) au tiers, ni nuire (1165 C.civ.). Mais les réticences à une telle action furent rapidement vaincues pour des raisons évidentes. L'existence d'un contrat pourrait, à la limite, servir d'alibi pour nuire aux tiers. Mais l'engagement dans un contrat n'autorise nullement quelqu'un à méconnaitre l'obligation générale de prudence et les intérêts légitimes d'autrui. Pour atténuer la rigueur de l'article 1165, la doctrine distingue, parmi les conséquences d'un contrat, les effets internes (ne concernent que les parties) et les effets externes (opposables aux tiers).

Arrêt Cour de cassation du 27 mai 1909 :La distinction des effets y a été bien établie. Il a fallu affiner le concept de relativité des conventions :

Effets internes : le contrat crée des droits et des obligations à charge des parties au contrat. Il y a un effet relatif. Principe de relativité qui concerne les effets internes.

Effet externes : le contrat existe et il modifie l’ordonnancement de la vie. Donc, il peut causer préjudice à des tiers. Principe d’opposabilité qui est relatif au effets externes.

On admet que la mauvaise exécution du contrat puisse être source d’un dommage pour un tiers qui pourrait agir en responsabilité contre le contractant s’il démontre un dommage dans son chef.

A B

C

«A» manque à une obligation contractuelle et crée un dommage à «C» qui peut retenir sa responsabilité délictuelle. A condition que la transgression puisse s’analyser comme un manquement à l’obligation générale de prudence et de diligence. Par contre, «C» ne peut pas demander que l’on exécute une obligation du contrat (car c’est contraire aux effets externes).

Ex : Il y a contrat entre une entreprise qui dispose d’un ascenseur et une société chargée de la maintenance de l’ascenseur. Un tiers est victime d’un dysfonctionnement de l’ascenseur. Il y a violation du contrat MAIS aussi un manquement à l’obligation générale de prudence et de diligence. Le tiers peut agir en responsabilité >< la société de maintenance.

§2. Principe de solution

Le principe de relativité des conventions empêche toujours que le tiers puisse exiger l'exécution d'un contrat auquel il n'est pas partie. Le tiers peut se prévaloir du contrat en tant qu’élément de fait pour déduire des conséquences juridiques le concernant. Il peut agir sur une base délictuelle lorsqu’un même fait constitue à la

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fois une transgression du contrat et une faute délictuelle. Il y a coexistence des responsabilités qui est acceptée en Belgique.

La position est différente en France et en Belgique (pour les conditions de coexistence des responsabilités) :

FRANCE: La faute délictuelle devait être détachée du contrat mais aujourd'hui on accepte que l’inexécution du contrat peut, en elle-même, constituer une faute délictuelle par rapport aux tiers.BELGIQUE: La solution est différente car incompatible avec 1615 C.civ. Donc, le fait érigé en faute contractuelle peut être également constitutif d’une faute quasi délictuelle au sens de 1382 et 1383 C.civ.

Ce qu'il convient de vérifier c'est que les prétentions du tiers ont bien une source juridiquement différente du contrat, même si c'est l'inexécution de celui-ci qui est la cause de son dommage.La coexistence des responsabilités n’est pas soumise aux conditions du concours des responsabilités car il suffit que la violation du contrat constitue en même temps une faute délictuelle (pas besoin de la condition d'un dommage différent de celui qui résulte de l'inexécution du contrat, on voit mal le tiers être lésé d'un avantage par ex économique attendu du contrat!).

Section 2. Illustrations

Un même fait peut engager la responsabilité aquilienne envers un cocontractant et contractuelle envers un tiers lésé. Dans bien des cas, le dommage causé au tiers dérive non pas tellement de la violation du contrat, mais plutôt de l'acte illicite en soi, c'est-à-dire indépendamment du contrat. En cas de méconnaissance d'un texte légal ou réglementaire prescrivant ou interdisant un comportement déterminé, le cocontractant commet aussi une faute aquilienne lors de la transgression de ses obligations. En effet, on ne peut déroger à ce qu'a dit le législateur sous prétexte que l'on a conclu un contrat. Dans cet ordre d'idée, toute infraction pénale implique de soi une faute aquilienne, même si elle résulte de la violation d'une obligation contractuelle.

De même, l’existence d’un contrat ne dispense pas les parties de respecter l’obligation générale de prudence et de diligence aux sens de 1382 et 1383 C.civ. (bon père de famille).

En cas de manquements à l’obligation de conseil d’information qui s’impose aux parties lors de la formation et de l’exécution du contrat : hypothèse de faute MIXTE car le tiers peut souffrir d’un dommage causé par l’information erronée.

1) Fautes professionnelles: on retrouve souvent des fautes contractuelles avec une obligation générale de prudence et de diligence comme pour les architectes et les entrepreneurs (responsabilité délictuelle envers les propriétaires des immeubles voisins).

2) Dans certains cas, le contrat est un élément purement adventice de la responsabilité, il n'a pas été l'élément déterminant du dommage MAIS il y a des hypothèses où le contrat apparaît comme l’élément essentiel de la responsabilité. (LIMPENS)

Ex: contrat de conseil : une personne est chargée de donner des renseignements commerciaux. Si elle dit qu’une société a des problèmes des liquidités et que ce n’est pas vrai, le client ne va pas conclure de contrat et va peut être manquer une très bonne affaire avec la société. Les renseignements sont dus au client mais peuvent affecter la société qui pourrait agir sur base de 1382 C.civ.

LIMPENS a été inspiré par DEMOGUE et VAN RYN qui ont écrit en 1930 : «une action en responsabilité quasi-délictuelle n'est recevable que s'il y a, dans le chef du demandeur, lésion d'un droit. Certes ni le contrat ni la

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loi ne confèrent directement un droit au tiers à qui la faute contractuelle cause un dommage. Mais il existe des droits subjectifs que la loi sanctionne sans les définir, laissant au juge le soin de les déceler dans chaque espèce qui lui est soumise. Ce droit existe lorsque le contrat devait en fait profiter au tiers et que le débiteur le savait. Cette condition se trouve réalisée notamment lorsqu'il y a entre son créancier et ce tiers un convention dont son propre contrat est l'accessoire, ou qui forme avec lui une seule opération économique. » En effet, si une personne joue un rôle actif dans une opération juridique complexe, dont elle connait l'étendue et les répercussions, ce fait suffit pour engager sa responsabilité à l'égard de ceux qui y participent et qui ont connaissance du rôle qu'elle y joue.

Section 3. Inopposabilité aux tiers des exceptions tirées du contrat

Quand un tiers agit en responsabilité aquilienne contre une partie à un contrat auquel il est étranger, par application de 1165C.civ., aucun élément du contrat ne peut être invoqué, à titre d'exception par le défendeur à l'action. Les clauses exonératoires de responsabilité qui se trouvent dans le contrat ne peuvent être opposées aux tiers. C'est logique vu que l’action délictuelle dirigée contre le contractant s’appuie que sur la preuve du manquement du défendeur à l’obligation générale de prudence et de diligence (qui s’imposent à tous ET à l’égard de tous). De plus, ce sont des effets internes du contrat.

MAIS des auteurs ont soulignés l’incohérence du système : car le tiers peut se prévaloir, en tant que fait, d’un contrat inexécuté pour établir la faute délictuelle du débiteur en lui interdisant d’opposer les clauses limitatives de responsabilité y figurant.En effet, si le tiers subit un dommage de transgression d’une obligation purement contractuelle et pourrait engager sa responsabilité contractuelle, là le tiers ne pourrais pas bouleverser l’équilibre du contrat DONC, le tiers ne pourrais se prévaloir des clauses (à condition qu’elles soient valables).

Le juge peut tenir compte comme d’un fait, des termes du contrat pour déterminer l’étendue et les obligations assumées et le caractère de la faute. Par conséquent, le juge peut aussi prendre en compte les clauses limitatives de responsabilité, en tant qu’élément de fait, pour déterminer dans quelles mesure l’intérêt légitime du tiers à la bonne exécution du contrat a pu être lésé. On applique le régime des effets EXTERNES du contrat (sans méconnaitre les prescrits de 1165 C.civ.). L'arrêt du 27 mai 1909 est invoqué à l'appui de cette analyse, en ce qu'il précisait qu' «il n'appartient pas au juge de scinder l'acte dont il faisait la base de sa décision, d'avoir égard à certaines stipulations et d'en rejeter d'autres». Cette opinion est défendable mais n'a pas encore reçu de consécration jurisprudentielle.

Ex1 : Cass 11 juin 1981 : État charge une société de travaux de déblayer, élargir et approfondir le canal Albert

État Société

Bateau

Le contrat est mal exécuté et un bateau fait naufrage (qui est tiers au contrat) et il est victime d’une mauvaise exécution il peut mettre en cause la responsabilité délictuelle de la société sur base de 1382.

Ex2 : BXL 19 mars 1996 : un courtier en assurance ne peut ignorer que le contrat d’assurance est important car il doit être bénéfique pour les tiers victimes qui possèdent une action directe. Il faut une assurance valable car en cas d’accident le tiers peut bénéficier des indemnités ET DONC le courtier engage sa responsabilité délictuelle envers les tiers lésés.

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Chapitre 2. La responsabilité délictuelle de l’agent d’exécution à l’égard des tiers (qui ne sont pas parties au contrat dans lequel il a été appelé à intervenir).

Les principes de la coexistence des responsabilités s’applique aussi au fait dommageable de l’agent d’exécution ou du préposé. Ils ne bénéficient pas de la quasi immunité envers les tiers qui découle de l’arrêt du 7 décembre 1973.

Arrêt de la Cour de cassation du 25 octobre 1990 Des particuliers commandent 1000l de mazout à la S.A. B.P. Un agent d’exécution fait la livraison et il oublie de vérifier le dispositif de sécurité du réservoir de dévisser le bouchon du trou d’aération. La cuve déborde et le mazout se déverse dans les étangs de piscicultures du voisin. La Cour approuve le juge du fond d'avoir condamné le livreur à la réparation intégrale du préjudice sur la base des articles 1382 et 1383 C.civ.

Titre IV. La tierce complicité

Chapitre 1. Présentation du problème

Dans quelles circonstances un acte accompli par un tiers peut -il s'avérer dommageable pour une partie contractante en sorte que sa responsabilité aquilienne puisse être mise en cause par celle-ci ? Le problème n'est pas limité à la tierce complicité. Ex1 : L'impossibilité d'exécution d'un contrat peut résulter du fait d'un tiers réunissant toutes les conditions de la cause étrangère exonératoire pour le débiteur. Ce dernier peut néanmoins agir en responsabilité délictuelle contre le tiers qui est à l'origine de l'inexécution du contrat. Ex2 : un tiers peut commettre une faute professionnelle préjudiciable à un contractant, sans pour autant s'être rendu complice de la méconnaissance par le débiteur de ses obligations découlant du contrat. Mais dans ces deux exemples la faute commise par le tiers ne présente aucune spécificité. On se concentrera sur la question de savoir dans quelle mesure un tiers à un contrat peut être tenu pour complice dans la violation par le débiteur de ses obligations contractuelles.

A B

C

C est complice de la violation par A de son contrat avec B.A= Le cercle de droit qui a un contrat d’exclusivité avec la brasserie Jupiler: le cercle ne vendra que des bières Jupiler (concession exclusive de vente).C= Stella qui propose un contrat plus avantageux qui amène A à violer son engagement. C se rend complice de la violation par A de ses obligations contractuelles.

C’est compliqué car on doit concilier des principes antagonistes et concurrents (C est censé tenir compte du contrat entre A et B, qui a modifié l’ordonnancement juridique) que sont la relativité des conventions (1165 C.civ.) et les principes de liberté du commerce et de libre concurrence (déposé dans 1382 C.civ.). A partir de quand peut-on considérer que C a fait une faute, qu’il abuse de son droit ? C’est ça toute la grande difficulté : déterminer les critères de la faute complice (Il y a beaucoup de controverse et de doctrine à ce sujet). Le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle du tiers complice du débiteur dans la violation d'une obligation du contrat git dans le principe d'opposabilité des effets externes de celui-ci.

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Cfr. Arrêt de la Cour de cassation du 27 mai 1909. La relativité des conventions concerne les effets internes et les effets externes s'imposent aux tiers. La conclusion d’un contrat constitue un fait nouveau qui modifie l’ordonnancement juridique et qui s’impose donc aux tiers et dont ils doivent tenir compte. Le principe de l'opposabilité des effets externes du contrat les autorisent à invoquer l'existence d'un contrat pour en tirer les effets de droit et ils ne peuvent agir à leur guise comme si le contrat n’existait pas. Bien entendu, le tiers ne peut exercer aucun droit tiré d'un contrat et ne peut se voir imposer aucune obligation de ce contrat.

Donc, en cas de violation d’une obligation contractuelle avec la complicité d'un tiers, le débiteur engage sa responsabilité contractuelle par rapport au créancier (principe de la relativité du contrat) et le tiers engage sa responsabilité délictuelle par rapport au créancier (principe des effets externes du contrat) peuvent être condamné in solidum.

Chapitre 2. Les conditions de la tierce complicité

En fonction de quels critères peut-on estimer que leurs actes sont constitutifs d'une faute quasi délictuelle ? Et conformément aux articles 1382 ou 1383 C.civ. Pour que le tiers complice soit déclaré responsable à l'égard du créancier, encore faut-il que ce dernier fasse état d'un préjudice en lien causal avec la faute commise par le premier.

Section 1. Quel type de fraude dans le chef du tiers complice ?

La question est fort controversée et la jurisprudence de la Cour de cassation est hésitante. Si on avait une conception trop large de la tierce complicité, on imposerait une obligation générale d’abstention aux tiers étrangers au contrat leur interdisant de contracter avec une personne au motif qu'elle serait déjà engagée dans un lien contractuel. Mais il n'y a pas de textes à l’appui et c’est contraire à la liberté contractuelle et libre concurrence. Il faut sauvegarder la vigueur de ces principes en admettant qu'ils peuvent être limités par le devoir général de prudence et déterminer à quelles conditions le tiers dépasse les limites de l’exercice normal de la liberté de contracter par une personne prudente et diligente c-à-d commet un abus de droit et donc faute délictuelle au sens de 1382 et 1383 C.civ.

Trois thèses ont été avancées par la doctrine:

Fraude qualifiée : le tiers n'engage sa responsabilité que si une fraude caractérisée est établie dans son chef c.à.d. que le tiers a agi en vue d’aider le débiteur à violer ses engagements contractuels.

La méconnaissance consciente des droits contractuels du créancier : le tiers engage sa responsabilité aquilienne à l'égard du créancier dès l’instant où il a porté atteinte aux droits contractuels de celui-ci en pleine connaissance de cause. On ne doit pas montrer que le tiers a adopté une attitude active ni qu'il s'est concerté avec le débiteur pour l'amener à méconnaitre ses engagements contractuels. Critère condamné par la Cour de cassation.

Arrêt de la Cour de cassation du 17 juin 1960: une société belge a une concession d’exclusivité d’importation avec une société étrangère qui s’est engagée n’écouler ses produits que sur la marché belge, pourtant la société étrangère va conclure un contrat avec une société C et cass dit qu’il ne suffit pas de dire qu’il y avait contrat. (+ arrêt du 9 novembre 1973).

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La fraude simple : le tiers engage sa responsabilité dès l’instant où il connaissait ou devait connaître les obligations contractuelle du débiteur et a néanmoins participé consciemment à la violation par le débiteur. Le tiers ne doit pas avoir agi avec l’intention de nuire, ni en usant de manœuvre mais le concours du tiers complice est exigé : outre la méconnaissance consciente des droits contractuels du créancier, le tiers ait participé directement et en connaissance de cause à l'inexécution du contrat. Arrêt de la Cour de cassation du 22 avril 1983 qui consacre cette théorie (fin d'une période d'incertitude). Les juridictions de fond se sont ralliées à ce critère et il y a eu confirmation par l’arrêt du 28 novembre 2002.

Section 2. Les conditions de la responsabilité du tiers complice

Un contrat valable au moment où le débiteur contracte avec le tiers complice Une faute contractuelle du débiteur La connaissance par le tiers des obligations contractuelle du débiteur (ou aurait dû connaître ou cherché à connaître ces obligations) La participation directe et consciente du tiers à la violation d’une obligation du contrat par le débiteur La preuve du dommage subi par le créancier La preuve du lien de causalité unissant ce dommage à la faute du tiers complice.

Chapitre 3. Les sanctions de la tierce complicité

Sanction = responsabilité délictuelle du tiers à l'égard du créancier.On applique les principes du droit commun : réparation intégrale, évaluée in concreto (comme la perte d’une chance si elle est certaine). On replace la victime ds la situation ds laquelle elle serait si l’acte litigieux n’avait pas été commis. Une réparation pécuniaire est aussi possible. Il y a condamnation in solidum du tiers complice et du débiteur

La jurisprudence admet une autre forme de réparation, la suppression de l’acte illicite comme ordre de cessation de la pratique déloyale ou inopposabilité au créancier du contrat passé entre le débiteur et le tiers. Cette dernière sanction parait la plus adéquate lorsque c'est par la conclusion d'un acte juridique que le tiers a méconnu les droits du créancier résultant d'un contrat antérieur. Encore est-il envisageable de sanctionner la tierce complicité par la nullité du contrat litigieux.

Ex : Mons 8 octobre 1990 : c’est la vente à tempérament (revente de voiture) très courant dans la jurisprudence

ETS VDK Société assurance du crédit

Christian de Wever SA crédit général Contrat de financement

Delmée

Il y a un contrat de vente d’un véhicule neuf BMW avec Christian. Il y a une clause dans le contrat (art 3) qui dit que jusqu’au parfait paiement des remboursements échelonnés, l’emprunteur s’interdit d’apporter des changements donc interdiction de revente du véhicule avant le remboursement complet. La société de financement prend une assurance du risque crédit car la société de crédit fait certain acte de cession de dt, d’action, privilèges, garanties nées de sa créance à l’égard de Christian. Mais avant d’avoir terminé de rembourser, Christian a revendu sa voiture (accidentée) à Delmée qui

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est un garagiste professionnel. Delmée ne pouvait pas ignorer le contrat de financement on assimile celui qui devait savoir à celui qui sait. Le crédit général va faire jouer son assurance qui peut invoquer la tierce complicité de Delmée.

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