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IL SERA A PARIS LE 5 MAIVingt ans après sa tournée mondiale, lechef des lndiens Kayapos d'Amazonie vaquitter son village pour plaider en EuropeIa cause de son peuple et de < sa > forêt.Rencontre exclusive avant son départ etla publication en France de ses Mémoires.Telde et photos Jedn-Piete Dutilleux

i le volcan islaldais n'endécide pas autrement, 1e chef indienKalapo Ropni l\,lebktire, dit Raoni,posera ]e pied ( r) à Paris,le 3 mai, àII h 20 précisémenl. Son prcn er ren-dez vous est 1i{é à I s heures, chez I'oph-talmo. Raod a besonr de lunettes. Sonresad sur ie monde et sur sa fàrêt llmâ-zonenne narùe n€ mdnque pou1lanr pàs

ct'acuiié. C'csl poLlr La défcndrc r]Jlc foisencorc dcvant 1es puissants - i] doit rcn-contrer Nicolâs Sârko7,v à l'El)'sée les nrai, ainsj que laque.s Chhac le 6 qu'i]a accepté .et ultinre vor?ge. Il veut plaicler ercore ure fois 1a cause des peuplesincliens et de r sa r forêt anrzrnienne,pounlon de la planète, et eDrpêcher laconstmction du banage de Belo N,lontequi \'" eryloutn les t€res de nombreusesiribus. Comme en écho à sa premièremise en gard€, il v.r tout juste \.ingt et unans. Le 2l ar.ril, il a accepté de nous rece-voir dans son \ilage. lntenjel.vsD. A quoi ressemble votrequotidien àuiourdhui ?

Râoni. À1.r vic cst simplc comnlc ccllrd'un Indien, je ne possède prexpe nen,je r.is de la péche, de la chasse et de lacueilletie en lorê1. Ie suis très \.ieurç à

pré\ent et je passe beaucoup de temps à

racoDter les histones de notre peupleaux enfarts pour qu'ils n'oublient pasqu'ils sont avirt tout des Indiens Kqnpos. .le rencontre le plus sour€nt possl-ble lnes frères nrdlelrs que ic dois sâ1ls

cesse nobiliscr pouf châsscr lcs chcr-cheLLrs d'or, lcs biLchcrons, les alelcursde bétâil qûi crrlhissent illég.tlcneiinos teffes et les détruis€nt. I assiste aLLssi

:i d€ tréquentes Éunions avcc lcs autrcschcfi Kâlâpos. Après bien des ànùées,j'âi réu-ssi à rétablir une pair durabLe...

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27

... cntre nous. Nlâis j'ai bien peul

luâpfes ma mort cett€ unton ne vore

vsD. eest quoi lê bonheurFoÙr Râoni ?

R. J'trinre rne bâign€r dant les lirgons à

l ùnbre des A ands arbres, en compâgnic

de ma fcnxnq de mes cnlànts et de mes

petits enfânts. lvfbakik'!â est ma seule et

uniquc fùnme, ele m'â dorné dir en

frùls, dont quatre nrnL mort!. À la màr

so,r, c'esi ele qui connrande. l'airne proli)ùcicûrent ma fennne, ele m ùioujNrssoutenu, mais elle soLLffre beaucoupdumntnlcsâbsences.vsD. Ouevou! instire lâ civilisàtion

R. Ce n'est Pxs lc morrde .les lidicns,c'est u'r aufe monde qu' ne ûc concemepas, je ne veu\ pas que les Indicns de

vicnnent cornme lcs Blancs. ie n'rimepâs ce mond€ oùlescullno)eD de!i!tcdignemcnt est d'àvoir clc l'argent. Nou\r'avons p.rs ifl€nté i'argcnt €t nous r'en

avons pas besoiù. Notre iorêt nous a

toujoLrs donùé dc quoi viu e âvec dlgnité. Cbez les Blàncs, il taut payer pourtoùt, même poùr dler auxtoilettes I

vsD, avêz-vous reçu dês nouvellesd€ Sting (') ?

R. Àu début, iI nous aâidés, puis on n'aplus entendLL pader de lui pendant d;{nerf ans. \ous espérons qo'un jour ilnous aidera à Douveâu, car il ré.oltebeaucoup d'argent âvec sa fôndatlonlancée à l'époque. Il avait promis qu'ilviendrait ce 19 ardl pour l'in.rugurationcle notre nouveau village, nous arrcns

mêm€ ccnrshuit une inlirme e €t une

câsc pour lui, noùs fa\.ons attendlL, mais

vsD. Commênt voyêz-vous l'âvenirdês lndl€ns êt de l'amazonlê ?

R. jcsuis très inquiet. \/otre moncte âttire les Indiens, et lcs rcnd dépendànts.

Ils veulcnt toutes ces choscs des Blancs

mais ne savent pa-s corrmcnt les obtenir

siion en lèissant les en\ahisscurs sacci

gef notre forêt. ls soni stupides de croiqfils peu\.e,rr vivre comme €ux 5âr

le n teres, ils devierdront les plus pâr

vrcs parllli lês pàuvres. C'est sous le 8olvemement dlr président Lulâ que h nrêt am.rzonierxre a le plus soulTert. Nllderni€r voyage en l.urope a d'ailleupour but d'ârrêter la constructioù c

barrège de Belo N{oDte âvant que nor

soyons iorcés de nous bâttr€ une fois ,

plus. le dois sécuriser notre terdtoiune fois Pour toutes avânt de mottri\'lon messâge est simple : s'il n'y a plde forêts pour netto)'er l'air, les vents

les pluies deviendront de plus en Plforts, il n'y aura plus d'ombre, le sol

va tout brùler I Ce sera alors la 1ln d

Lldiens mais aussi de toute l'humèniqui disparaitra âvec toutes scs vaches

(') h .hnrtlu] I ^rn

nûmld\,[ 11i,r û ù,n

i,ru i. -.5 f! :g !./:r ! rLr.l ,lr 2l

ENTRECHEFs

aaChez les

Blâncs, il fautpayer pourtout, même

pour aller auxtoilettes !

,,

DETERMINE

Æix#lim,i'":.'#inondiale h)?ermédiâtisée, accompa gnépar le chantelù Sting l-â première cam,pagne internationale pour la défense des

forêts tropicales, en paticuLier les im-mmses telIitoires que lui et ses guerdel s

défendent depuis desormais trois décennies âvec l'énergie du désespoir en A]nazonie brésili€nne. Après avotu obteru unpa$eport et fac.ord du président brésilien losé Sarnrry, Raoni f.ient à Paris aumois d'arril. Il est reçu par le présidentûançais, François Mitlernid. Une rencontre âu sommet qui l'int onise instan-tanément comme le h&aut des peuplesindiens et sensibilise la planète entière.Dans lâ for €€, Raoni \ôite quinze palsen deLL! mois. Le roi d'Espagne luanCarlos,le prince Chades, le pape lean-Paul II et bien d'aures le soutiennentomciellement daûs son combat. Ët 1es

dons afilueni de toutes pâfis 1.ers l fondation des lndiens au Brésil, lâ FundaçêoMata Virgem. Durant trois longuesannées, grace aux huits de cette canpagne, les limites de la rcserve Kâ)apo sontdéiirries et en6n étabiics. Des équipes detechniciens accompagnés d'Irdienstaiuent les coupe-feu, posent des centai-ncs de bomes et de panneauninrerdisârtl'âccès sur tout le périmètre de 1â résen'equi d€\,ient, de frcto, la plus grande drBrésil avec près de 200 000 kilomèlrescnrés (im tiels de la France), incluanr lepârc nâtional dr1 Xjngu qui la jorrale. Etle 19 aott 1993, le president brésilien Ita-mar Flanco signe le décrct Fésidentieloficialisant la résen'e Ka\'"po.

UN TRIoMPHÊ APRÈSVINGT ANS DÊ LUTTEPour Raoni, c est le trlomphe aprèsvingi ans de luttes âcharDées pour uri-6er les tribus Kâyâpos soLrvent en gûeraeentre elles, et mieux conûer ( l'envâ}liq'seur ', la civiltuation occidentâ1e. Raoniutilise sâ renommée pour venir en âideà de nombreÙles âutres iribus, dans touiIe Brésil. Il réalise à quel point 1a sur-veillânce de cet immense territoire deforêt prinùe est qursimen t impossibleà assumer snns aide extériewe. Des pré-

dateurs en tout genre enrahissentla Ésene pour en er,lmire clandestinem€nt or et bois précie[r., ou poul planterdu sojâ sur des milliers d'hectares.Les jemes Indiens, soudoyés par lesKuben (les Blancs), laissent orpai[eurs etbûcherons poursuirre leur saccage enéchange de maigres compensations.Mais Raoni, lidele à sa mission, ù'abandonne pas le combat.

SAUVËR CE OUI PEUTL'ÊTRE ENCOREEn 2000, il lance t|rle nouvelle campagne et faft âppel, une fois de plus, à ceuxqui l'âlîient aidé dès 1989. Certains nel'ont prs oublié. Il revient eD France etretrouve son amj le président lacquesChirac. Sous son impulsion,le gouver-nement ûançais finance une étudc defâisâbilité d'un projet d'nNtitut Raoni,en pl€'i.e forêt amazorienne, pour pro-téger durabl€ment la grande résefleKalBpo. Dix ans plus t?rd, alors que 1â

corruption corrode les volontés lesmie!-.( tIempées, Raoni n'a toujours prsréuni ies fonds nécessâtues poùr créer cetinstitut. Tant bien que mal, le chefauplateau labial maintient 1es tribus Kal"pos unies. 1l est le seul et le demier àpouvot le fàire. Quatre de ses dir en-fânts sont motr et, palmi les swvi\ants,âucun n'a sa clédibilité, son charisme, sa

ôrce de camctère. Sa disparition ren-drait les Kayapos encore plus lrhéra-bles au yeux de ceur qui convoirentleun tenes ancestrales, l'un des dernierslambeaux de ]a plus grande forêt dumonde. Dans son testament qu'il nouslilre à la fin de ses Mtnoires ("), il ex-prime le soùhâit qùe les Indiens restent6dè1es à leur langue et à leur culture,qu'ils protègent 1â forêt qùi leur pemetde sun ivre. Son ultiûe appel pour sau-1.e.r ce qui peut ]'être encore.

Raoni demeurera dans l'histoirecomme le dernier grand chef indien,qui a connu le monde libre et sauvage( d'ar€nt,. En une seule vie, ce pèlerininfatigabie aula traversé cinq mile ansd'histojre, entre ]'âge de pierre et l'ère

('l Rmni. \Iétut$ d un tufirdien, 4r..id"-PieteDutilLes, èd. d, Rothù. 2721,., 19.!tôs.