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1 L’EVALUATION DES ACTIFS IMMOBILIERS Bernard THION Chercheur associé au CEREG, Université Paris-Dauphine Plan de l’étude I- Caractéristiques, typologie et formation des actifs immobiliers §1- La notion d’actif immobilier et ses caractéristiques A. Caractéristiques fondamentales B. Conséquences C. Caractéristiques particulières D. Un bien ambivalent §2- Typologie des biens immobiliers A. Classification des immeubles B. L’immobilier résidentiel C. L’immobilier non résidentiel D. Autres classifications E. Conclusion sur la classification §3- Elaboration du produit immobilier A. La prospection foncière et l’acquisition du terrain B. Le montage d’une opération immobilière C. Financement et rentabilité d’une opération immobilière §4- Conclusion sur la typologie et l’élaboration des produits immobiliers II- Evaluation des biens immobiliers §1- La valeur en théorie §2- Méthodes traditionnelles d’évaluation A. Méthode par comparaison B. Méthode de capitalisation des loyers C. Méthode d’évaluation par les coûts D. Rapprochement des méthodes : la conciliation §3- Méthodes d’évaluation plus récentes A. Evaluation par les cash flows B. La méthode hédoniste §4- Conclusion

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L’EVALUATION DES ACTIFS IMMOBILIERS Bernard THION

Chercheur associé au CEREG, Université Paris-Dauphine

Plan de l’étude

I- Caractéristiques, typologie et formation des actifs immobiliers

§1- La notion d’actif immobilier et ses caractéristiques A. Caractéristiques fondamentales B. Conséquences C. Caractéristiques particulières D. Un bien ambivalent

§2- Typologie des biens immobiliers A. Classification des immeubles B. L’immobilier résidentiel C. L’immobilier non résidentiel D. Autres classifications E. Conclusion sur la classification

§3- Elaboration du produit immobilier A. La prospection foncière et l’acquisition du terrain B. Le montage d’une opération immobilière C. Financement et rentabilité d’une opération immobilière

§4- Conclusion sur la typologie et l’élaboration des produits immobiliers

II- Evaluation des biens immobiliers

§1- La valeur en théorie

§2- Méthodes traditionnelles d’évaluation A. Méthode par comparaison B. Méthode de capitalisation des loyers C. Méthode d’évaluation par les coûts D. Rapprochement des méthodes : la conciliation

§3- Méthodes d’évaluation plus récentes A. Evaluation par les cash flows B. La méthode hédoniste

§4- Conclusion

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LʼEVALUATION DES ACTIFS IMMOBILIERS

I- Caractéristiques typologie et formation des actifs immobiliers

Des terrains désertiques aux palais des Mille et une Nuits, des montagnes rocheuses aux gratte-ciels de nos cités surpeuplées, les actifs fonciers et immobiliers sont d’une infinie variété. Leur valorisation qui utilise des méthodes complexes passe nécessairement par leur définition et leur classification mais aussi, pour les constructions immobilières, par une meilleure compréhension du processus permettant leur élaboration.

Mais préalablement il convient de signaler l’ambiguïté des termes fonciers et immobiliers dans le langage parler. Les expressions real estate aux Etats-Unis ou property an Royaume-Uni qui traduisent la notion d’immobilier englobent à la fois les terrains et les immeubles construits sur ces terrains. En France, la notion de foncier plutôt réservée au sol s’applique parfois aux immeubles érigés sur ces terrains comme dans l’expression “ propriétaire foncier ” et la notion d’immobilier utilisée de préférence pour les immeubles est presque toujours étendue aux terrains nus, le terme de marché immobilier concernant normalement l’un et l’autre. Ces ambiguïtés au niveau du vocabulaire proviennent de la nature particulière des “ objets ” immobiliers. Un immeuble n’existe que s’il repose sur un terrain et, tout terrain a vocation à recevoir un jour au moins un immeuble afin d’abriter les personnes qui l’exploitent ou en ont la jouissance. De là découle un certain nombre de caractéristiques dont l’analyse suivie d’une typologie constituent les deux premiers paragraphes de cette section. La troisième sera consacrée à l’élaboration du produit immobilier dont le déroulement influence la valorisation des immeubles neufs tout comme ses caractéristiques

§1- La notion d’actif immobilier et ses caractéristiques Suivant sa définition le mot foncier assimilé à bien-fonds, signifie : “ un bien immeuble constitué par un domaine qu’on exploite ou un sol sur lequel on bâtit ”. Ainsi ne peut-on dissocier réellement ni l’immeuble du terrain qui le supporte, ni la terre de l’usage qui en sera fait. Par contre, la pratique et les réglementations déterminent deux catégories : d’une part les terrains à bâtir ou bâtis et d’autre part les terres agricoles. Les Américains y rajoutent les réserves détenues par les Indiens. Dans l’étude des biens immobiliers, qui traditionnellement regroupent les terrains à bâtir et les constructions, plusieurs caractéristiques apparaissent comme fondamentales. Elles proviennent de la nature même du bien. D’autres plus particulières se rapportent à l’importance de la valeur des biens immobiliers et aux réglementations qui l’accompagnent. Enfin, l’aspect ambivalent de ce bien qui peut être considéré comme un produit ou comme un service induit des caractéristiques complémentaires.

A- Caractéristiques fondamentales Un bâtiment repose nécessairement sur un terrain, indestructible et sans substitut, sur lequel il est immobilisé. Les conséquences en sont non seulement l’hétérogénéité du bien et son manque de fongibilité, mais aussi l’importance considérable de l’emplacement et la durabilité des immeubles dans le temps.

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Indestructibilité du sol Sauf certains cas très rares (effondrement d'un terrain situé en bord de falaise, par exemple), les terrains sont indestructibles. Le fait que les terrains soient indestructibles ne signifie toutefois nullement que la valeur de ces terrains ne puisse fluctuer de façon très importante. Pensons par exemple la valeur des terrains dans les "villes fantôme": le terrain existe bel et bien, mais il n'existe pas de demande pour de tels produits et leur valeur est par conséquent très faible. Les bâtiments en revanche sont destructibles. Comme nous le verrons lorsque nous présenterons une prochaine caractéristique des actifs immobiliers, à savoir la caractéristique d'investissements à long terme, même si les constructions sont destructibles elles ont, sauf exceptions, une longue durée de vie.

Immobilité Cette caractéristique se comprend très facilement en ce qui concerne les terrains. En effet, un terrain est par définition immobile. On peut toutefois également considérer que la plupart des constructions1 ne peuvent pas être déplacées, sauf si l'on est disposé à engager des grands coûts pour réaliser ce projet. La conséquence de l'immobilité des biens immobiliers est que l'économie locale joue le plus souvent un rôle très important sur la valeur des objets immobiliers. Selon l'activité économique réalisée dans un bien immobilier donné, un changement majeur dans l'économie d'une région entraînera non pas un déplacement de l'immeuble (qui comme nous l'avons vu est impossible), mais un changement d'affectation du bien. Les exemples pouvant illustrer cette caractéristique des biens immobiliers sont très nombreux. Port-Grimaud, par exemple, a été construit sur des terrains destinés auparavant aux chantiers navals. La conjoncture s'étant modifiée, il a été nécessaire de modifier l'affectation de ces terrains d'une activité de chantiers navals à celle d'immobilier de loisirs. De nombreux entrepôts à New York et dans d'autres villes ont été transformés en grands appartements ("lofts").

Non substituable C’est une caractéristique importante qui le différencie fondamentalement des matières premières traditionnelles. Car, si le terrain peut être considéré comme la “ matière première ” d’une opération immobilière, aucun autre substitut ne peut être réellement utilisé pour le remplacer. Même la mer, les lacs ou les rivières sur lesquelles peuvent reposer des bâtiments n’offrent pas de caractéristiques comparables. Or, lorsqu’on peut substituer par exemple l’aluminium au cuivre, on peut modifier durablement les conditions du marché de cette matière première. Ce n’est pas le cas pour le sol. Un immeuble ne peut se concevoir sans le terrain qui le supporte et, sans terrain, on ne peut construire d’immeuble. Par contre, si on ne peut trouver de substitut à la terre, la satisfaction des besoins auxquels répond un immeuble donné peut être trouvée dans un immeuble voisin. On peut ainsi transformer des ateliers - voire des églises - en logement, des habitations en bureau ou, depuis le développement du “ télétravail ”, abandonner un appartement à dans le 19e arrondissement pour une villa à Arcachon.

B- Conséquences Trois conséquences essentielles résultent de la nature particulière du bien immobilier : le manque d’homogénéité des produits existant sur le marché, l’importance de la localisation et le fait que ce soit un produit durable.

1Certaines constructions très "légères" peuvent être déplacées (mobile-home, pavillons préfabriqués).

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L'hétérogénéité Signifie que deux biens immobiliers ne peuvent jamais être exactement les mêmes. Le caractère hétérogène des biens immobiliers résulte à la fois de l’unicité de chaque terrain et la possibilité d’y élever des bâtiments de forme, de volume et d’utilisation très variés. Deux parcelles de terrain ne peuvent jamais être exactement identiques car même si leurs caractéristiques sont très semblables, elles ne peuvent avoir les mêmes coordonnées géographiques. Outre cet aspect, les terrains diffèrent souvent selon leur destination (immobilier résidentiel, commercial, industriel), leur taille, leur accessibilité, leur orientation, leur forme. Deux bâtiments également sont le plus souvent différents: ils peuvent se distinguer par exemple selon la qualité de leur construction, leur âge, leur état d'entretien, leur affectation, leur volume, ou leur localisation. Comme on peut le voir, les sources d'hétérogénéité des biens immobiliers sont extrêmement nombreuses, beaucoup plus nombreuses que pour un bien aussi précieux que l'or. Dans le cas de l'or en effet, il suffit de donner le degré de pureté du métal pour le caractériser de façon précise, alors que pour l'immobilier, il convient en tout cas de donner l'adresse, la surface ou le volume de l'immeuble, la surface du terrain sur lequel est construit l'immeuble, l'année de construction, l'état de rénovation, l'affectation du bâtiment. Même si un acheteur potentiel dispose de tous ces éléments, il voudra visiter l'objet afin de pouvoir mieux le caractériser.

Absence de fongibilité. Sur un terrain indestructible, les constructions peuvent être reproduites dans le temps, à l’identique ou différemment en fonction des données du marché. Par contre, une fois l’immeuble réalisé il est malaisé de le diviser en éléments plus petits ou de concevoir des répartitions différentes. Transformer un immeuble de grands logements (4-5 pièces) en immeubles de petits appartements peut se révéler difficile voire impossible à réaliser s’il y a, par exemple, nécessité de construire des parkings supplémentaires.

Très grande importance de la localisation. Cette caractéristique se retrouve dans de nombreux manuels traitant de l'investissement immobilier. Ces manuels indiquent en effet fréquemment que les trois éléments les plus importants d'un bien immobilier sont: 1) sa localisation, 2) sa localisation et 3) sa localisation! De cette caractéristique des biens immobiliers, il découle que des décisions prises sur des terrains adjacents peuvent avoir un impact très important sur la valeur d'un terrain. Cet impact peut d'ailleurs aussi bien être positif que négatif. Les exemples illustratifs sont nombreux. Un terrain sur lequel est située une villa peut perdre beaucoup de valeur si une route à grand trafic est construite juste à côté de celui-ci. En revanche, un terrain où est située une station-service peut voir sa valeur s'accroître si l'accessibilité de ce terrain est améliorée, notamment par une modification de l'infrastructure routière.

Bien durable. Cela différencie le bien immobilier des biens de grande consommation et des biens industriels et le rapproche de grandes catégories telles l’automobile et les produits électroniques grands publics. Mais curieusement l’INSEE dans ses études sur la consommation n’inclut pas le logement dans la catégorie des biens durables. Suivant Merunka (Merunka⊥D., «⊥Marketing des produits durables⊥», in Encyclopédie de gestion, p.⊥1918-1936, Economica, 1997), la catégorie des biens durables reste d’ailleurs un concept flou. Trois spécificités importantes sont généralement reconnues à ces biens: ils sont discrets (ils ne peuvent être fractionnés), ils représentent une partie importante du budget des ménages et ils rendent aux consommateurs un niveau de service pendant une longue période de temps. La demande de biens durables émane essentiellement de trois sources: le premier équipement, les achats d’unités additionnelles et les achats de remplacement. Or, compte tenu du taux d’équipement élevé des

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ménages dans de nombreuses catégories de produits, les volumes en premier équipement ne peuvent être que faibles et le multi équipement limité. C’est donc l’achat de remplacement qui constitue la source la plus importante du volume des ventes. Or, il apparaît que le produit durable sera remplacé, après une longue période d’utilisation (de 5 à 15 ans), par un produit très différent du produit initialement possédé compte tenu de l’évolution technologique ou de l’évolution générale du marché. Les autres spécificités de ces biens sont une conséquence de leur durabilité: ils peuvent s’acheter neufs ou d’occasion, se louer ou faire l’objet d’un crédit-bail. Les études de marketing sur les produits durables - qui ignorent les constructions immobilières - présentent cependant des conclusions fort utiles pour le développement du marché immobilier. Ainsi, un grand nombre de recherches ont montré que la plupart des consommateurs s’engagent dans peu de recherche d’information lors de l’achat d’un bien durable. Elles montrent aussi que le phénomène d’obsolescence peut inciter au renouvellement du bien. L’obsolescence peut se définir comme la perte relative de valeur du bien dû à des changements de style (obsolescence de style ou obsolescence symbolique) ou à des améliorations de la qualité (obsolescence fonctionnelle). Cela s’applique aussi au marché de l’immobilier et en particulier à celui des bureaux. De même, la vente de produits durables est souvent associée à une série de services comme la garantie, la livraison, le financement, la réparation et la maintenance. La promotion des ventes est aussi un outil essentiel du management des produits durables et les dépenses promotionnelles sont même un peu plus importantes dans le domaine des biens durables que dans celui des biens de grande consommation. Elles portent le plus souvent sur le prix et les conditions de paiement. En fait, la promotion est souvent un moyen pour convaincre les consommateurs d’acheter maintenant plutôt que de reporter leur achat à plus tard. Le marché immobilier sera ainsi plus proche du marché de l’automobile ou du marché de l’art que du marché de la grande distribution.

C- Caractéristiques particulières Tout bien immobilier a une valeur unitaire élevée qui résulte à la fois de son emplacement, des matériaux et des techniques nécessaires à son élaboration et du temps de leur mise en oeuvre. L’immobilier est un bien “ lourd ” qui nécessite des moyens de production importants. Et cela détermine un cycle de production assez long. Mais cela nécessite aussi la disposition de grandes sommes d'argent pour pouvoir investir sur le marché immobilier. Les caractéristiques qui découlent de cette valeur élevée concernent la nature de l’investissement immobilier, les transactions et les modalités de financement de ce bien.

Investissements à long terme. Le fait que les placements immobiliers constituent des placements à long terme découle de trois éléments: l'indestructibilité des terrains et la longue durée de vie des bâtiments, la motivation de nombreux investisseurs et la législation. Si le premier élément ne nécessite pas d'explications complémentaires, il n'en va pas de même pour les deux autres. En ce qui concerne la motivation des investisseurs, on peut citer le cas des particuliers qui acquièrent un logement ou des entreprises achetant des locaux pour exercer leur activité. Dans ces deux cas, le bien immobilier est acheté principalement dans une optique de jouissance du bien et l'optique de tels investisseurs est dans la plupart des cas clairement à long terme. De nombreux autres investisseurs acquièrent de l'immobilier à des fins de rapport mais raisonnent toutefois également dans une optique à long terme: c'est le cas par exemple des caisses de retraite ou des compagnies d'assurance. En ce qui concerne l'effet de la législation sur le caractère à long terme des investissements immobiliers, nous pouvons citer le cas de l'impôt sur les plus-values immobilières qui est très souvent dégressif (c'est-à-dire que plus le bien est conservé longtemps et plus le taux d'impôt sur une éventuelle plus-value est faible) et le

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niveau souvent élevé des coûts sur les transactions immobilières. Ces deux exemples de lois ont certainement un effet dissuasif sur les reventes très rapides de biens immobiliers. Par contre, il faut souligner deux caractéristiques de l’investissement immobilier qui supprime toute possibilité d’assimilation avec les actifs financiers. En premier lieu, l’immobilier est une forme d’investissement qui exige une gestion active. Cette gestion couvre des domaines aussi différents que la technique du bâtiment, l’action commerciale, le droit et la fiscalité. Elle est aussi la contrepartie du maintien du capital investi. En second lieu, l’immobilier est le seul actif pour lequel le détenteur est à même d’agir directement et concrètement sur sa valorisation, notamment par sa rénovation.

Illiquidité Elle signifie qu'il faut souvent beaucoup de temps pour pouvoir vendre un objet immobilier au prix du marché. Il est certainement possible d'accélérer la vente si l'on est prêt à faire une concession au niveau du prix, mais les réglementations qui s’appliquent à la vente des immeubles et qui sont destinées à protéger les parties entraînent de toute façon des délais importants. L'illiquidité des biens immobiliers découle à la fois de la valeur unitaire élevée des objets immobiliers, de leur hétérogénéité et du formalisme des transactions. Ainsi pour l'immobilier titrisé, on observe une liquidité sensiblement plus élevée que pour les investissements directs dans la "pierre". Il existe également un lien évident entre l'illiquidité des biens immobiliers et leur caractère d'investissement à long terme. Le sens du lien de causalité entre ces deux caractéristiques est en revanche plus ardu à établir.

Endettement hypothécaire. Cette caractéristique découle de la valeur unitaire élevée des biens immobiliers. En effet, dans de nombreux cas, les investisseurs ne disposent pas de liquidités suffisantes pour acquérir un objet immobilier en ayant intégralement recours à des fonds propres et financent leur achat en ayant partiellement recours à des crédits bancaires. Du point de vue de la banque, notons qu'elle peut prêter une proportion élevée de la valeur d'un objet car elle dispose d'une garantie constituée par le bien immobilier lui-même (garantie hypothécaire). Si le propriétaire de l'objet n'est pas en mesure de rembourser le prêt qui a été consenti par la banque, cette dernière pourra vendre le bien et récupérer le montant du prêt accordé (pour autant, bien entendu, que la valeur de réalisation de l'objet soit au moins égale au solde de l'emprunt).

D- Un bien mais aussi un service L’immobilier est aussi un service qui répond à un besoin fondamental : celui d’être abrité et protégé contre les intempéries et les agressions extérieures. Il concerne non seulement l’habitat résidentiel des particuliers mais aussi la plupart des constructions commerciales : bureaux, locaux d’activité ou magasins.

Le « service » du logement et l’intervention de l’Etat Cette caractéristique des objets immobiliers a pour conséquence les interventions nombreuses de l'État dans le secteur sensible du logement. Ces interventions sont souvent destinées à limiter certains abus et à donner la possibilité au plus grand nombre de dormir sous un toit. Elles visent aussi bien à faciliter l'accession à la propriété qu'à protéger les locataires (loyers contrôlés ou bloqués, versement de subventions). En définitive, si le nombre élevé des caractéristiques des biens immobiliers témoigne de sa complexité, il complique aussi l’élaboration d’une typologie. Compte tenu du très grand degré d’hétérogénéité de ces biens, plusieurs classifications peuvent être proposées. Dans le cadre d’une étude économique celles qui paraissent les plus pertinentes, parce qu’elles font l’objet de marchés particuliers, reposent sur deux axes, d’une part celui du type d’immeuble et de son usage, d’autre part celui de la localisation géographique.

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§2- Typologie des biens immobiliers Une observation préliminaire concerne les terrains vierges - qu’ils soient en milieu industriel, agricole ou urbain - et ceux qui supportent des constructions ou des infrastructures comme les routes, les ponts ou les voies ferrées. Dans la classification qui suit, le terme immeuble désignera un terrain construit, sachant que les terrains nus peuvent entrer dans chacune des grandes catégories proposées. Une typologie des biens fonciers sera présentée en dernier lieu. Elle repose sur les différentes fonctions possibles de cette acquisition.

A- Classification des immeubles Logements et locaux d’activité

La première distinction repose sur l’habitat. Certains immeubles sont destinés à loger les habitants d’une commune, ce sont des immeubles résidentiels et d’autres abritent leurs activités ou leurs loisirs et sont désignés sous le nom d’immeubles commerciaux ou non-résidentiels. Ces distinctions correspondent à l’organisation de marchés différents, même si en théorie il est toujours possible de transformer des bureaux en habitation ou des ateliers en “ loft ” et réciproquement. Longtemps, les immeubles d’habitation ont d’ailleurs été incorporés ou juxtaposés aux locaux d’activité. Dans les campagnes, les exploitations agricoles regroupent fréquemment ces deux types d’immeubles. En ville, on trouve encore de nombreux témoignages de cette promiscuité. À Bordeaux, par exemple, les immeubles du quartier des Chartrons sont organisés autour du négoce du vin. De belles maisons sur la rue permettent de loger les habitants sur plusieurs étages. Mais l’entresol abrite les bureaux. Un grand porche permet l’accès à l’arrière du bâtiment qui comporte les chais dans lesquels étaient entreposés les barriques de vin. Mais les facilités de communications et la réduction du temps de travail ont débouché sur une séparation de la destination des immeubles. D’une façon générale, les habitants ne résident plus sur leur lieu de travail. Cette séparation progressive a même permis de passer des immeubles mixtes qui regroupent encore commerce et habitation à des immeubles dits “ intelligents ” conçus uniquement pour le travail en bureau.

Typologie Toute classification des immeubles en différentes catégories pose un certain nombre de problèmes car il est nécessaire d’intégrer plusieurs notions. Si l’on souhaite rapprocher chaque bien du sous marché sur lequel il est traditionnellement évalué seule une présentation matricielle convient. En effet, un bien immobilier se définit non seulement par un genre donné, mais aussi par un type de construction, un usage et un statut de détention. Cela correspond d’ailleurs à l’ambivalence de ce bien à la fois produit et service. D’où la présentation adoptée dans le tableau n° 1 qui permet de segmenter chaque catégorie de bien suivant différents sous marchés. On pourra ainsi différencier une maison secondaire neuve construite par un particulier, d’un appartement en résidence à temps partagé, les deux étant utilisé pour les loisirs des particuliers.

Tableau n°1- Typologie des biens immobiliers

RESIDENTIEL

Construction (Produit)

Statut d’occupation

(Service)

Détention (Utilisation)

Individuel (maison) Neuf Rapport Privé Collectif (appartement) Réhabilité Jouissance Public Résidences services Ancien Loisir Temps partagé

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Hôtels

NON RESIDENTIEL Construction (Produit)

Statut d’occupation

(Service)

Détention (Utilisation)

• Immeubles commerciaux Classique Locatif Administrations

Commerces Immeubles intelligents

Crédit-bail Investisseurs

Locaux professionnels Centres commerciaux

Pleine propriété Sociétés privées

Bureaux

• Immeubles industriels Classique Locatif Administrations

Entrepôts industriels Centre d’activités Crédit-bail Sociétés privées Ateliers, locaux d’activité Pleine propriété Sociétés publiques Usines, industrie lourde

• Autres types

Monument- tourisme Administrations Santé / Education Ouvrages d’art Public Sociétés privées Casernes, prisons et divers Collectivités Infrastructures

B- L’immobilier résidentiel Définition

Sont considérés comme biens résidentiels les immeubles dans lesquels es individus choisissent de vivre tout ou partie de leur vie. Le logement familial doit garantir l’autonomie et la vie privée de ses habitants. On y trouve donc aussi bien les maisons et appartements traditionnels que, les résidences services, les hôtels et les maisons de retraite. Les prisons et les chambres d’hôpital n’en font pas partie puisqu’ils ne résultent pas d’un choix délibéré. Lorsqu’il s’agit de les quantifier, on distingue d’abord la résidence principale de la résidence secondaire ou occasionnelle puis les logements individuels des logements collectifs et les logements neufs des logements anciens, chaque sous-catégorie pouvant faire l’objet d’une décomposition suivant le nombre de pièces de l’appartement ou de la maison. Pour désigner la taille des logements les professionnels utilisent d’ailleurs des abréviations et des normes qui ne sont pas toujours standardisées. Ainsi, dans le neuf le T3 désigne un logement de trois pièces alors que dans l’ancien on parle plus fréquemment de F3, la cuisine pouvant être comptabilisée par certain comme une pièce alors qu’elle est généralement exclue de ce décompte.

Evolution Le parc immobilier résidentiel fait l’objet d’un décompte lors des recensements de la population. Les chiffres ci-après sont issus de l’exploitation de l’enquête de recensement 2004, première du nouveau dispositif de recensement instauré par la loi du 27 février 2002. La nouvelle méthode de recensement substitue au comptage traditionnel organisé tous les huit ou neuf ans une technique d’enquêtes annuelles. L’ensemble du parc immobilier atteignait 30,2 millions de logements avec une augmentation de 5,2% par rapport à 1999. Le nombre de logements augmente au même rythme qu’au cours

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de la décennie quatre-vingt dix soit 1% en moyenne par an. Parmi ces logements 84% sont classés en résidence principale, en augmentation d’un point depuis 1999, résultat d’une diminution équivalente des logements vacants. 37% des logements sont des maisons individuelles non mitoyennes, 20% des maisons individuelles jumelées, et 42,4% se situent dans un immeuble d’habitation de deux logements ou plus.

Tableau 1 – Répartition du parc des logements et évolution depuis 1982 2004 1999 1990 1982

nombre (en millions)

% nombre (en millions)

% % %

Résidences principales 25,431 84,0 23,810 83,0 82,1 82,6 Résidences secondaires 2,987 9,9 2,902 10,1 10,7 9,6 Logements vacants 1,846 6,1 1,989 6,9 7,2 7,8 Ensemble 30,263 100,0 28,702 100,0 100,0 100,0

Sources : recensements de la population, Insee Première n°1001 Sur le plan géographique, prés de 60% de ce parc se répartit à égalité entre la campagne et les villes de moins de 100.000 habitants. Les grandes agglomérations avec la région parisienne (15%) et les villes de plus de 100.000 habitants (27%) concentrent le reste. Lorsqu’on rapproche les évolutions de ce parc de celles de la population on constate avec quelque surprise que sur plus d’un quart de siècle, l’augmentation du nombre de résidences principales (+ 7,7 millions) a été sensiblement le même que celui de la population (+ 8,0 millions). Cela signifie que l’on est passé d’une situation de relative pénurie en logements dans les années 70 à une situation plutôt confortable qui a permis une réduction sensible du nombre de personnes par logement. On peut en déduire que le marché du logement est plutôt devenu un marché d’offre qu’un marché dirigé par la demande.

Tableau 2 - Evolution démographique et résidences principales

(Nombre en milliers) 1975 1982 1990 1993 1999 2004

Population 52.656 54.335 56.615 57.804 58.878 60.663

Résidences principales 17.745 19.525 21.554 22.254 23.810 25.431

Nombre de personnes par logement (moyenne)

2,97 2,78 2,63 2,60 2,47 2,39

Source: INSEE,INED, Compte du Logement, Insee Première n°1001 Le nombre de résidences principales augmentant aussi rapidement que la population, le nombre moyen de personnes par logement continue à baisser. Il est désormais de 2,4, après 2,5 en 1999 et 3,1 en 1962. Il faut dire que de plus en plus de personnes vivent seules. En quarante ans, la proportion de ces personnes a plus que doublé passant de 6,1% à prés de 14% en 2004, soit actuellement 8,3 millions de personnes dont 5 millions de femmes vivant seules dans un logement. Près d’un ménage sur trois se compose d’une seule personne contre une sur cinq en 1962. Habiter seul ne signifie plus vivre sans compagnon, certains couples choisissant, en effet, d’habiter chacun son propre logement, provisoirement ou durablement. Entre 20 et 30 ans, 2,5% des hommes et femmes vivant seuls déclarent vivre en couple avec une personne habitant dans un autre logement. Cette proportion augmente avec l’âge puisque entre 50 et 59 ans, 5,3% des hommes déclarent vivre dans cette situation mais seulement 3,5% des femmes.

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Tableau 3 - Taille des ménages

1999 2004

Nombre de ménages (en milliers) 24 347 26 046

Ménages d’une personne (%)

Ménages de deux personnes (%)

Ménages de trois ou quatre personnes (%)

Ménages de cinq personnes ou plus (%)

30,8

30,9

30,1

8,2

32,5

32,3

28,1

7,1

Source : Insee Première n°1001 La taille des ménages est plus importante en zone rurale (2,6) qu’en zone urbaine. Cette taille diminue lorsque celle de l’agglomération s’élève, jusqu’à 200 000 habitants. Au-delà, et en particulier dans l’agglomération parisienne, elle est légèrement plus élevée. Au sein des agglomérations, la taille moyenne est plus faible dans les villes-centre (2,2) que dans les banlieues. En particulier à Paris, les ménages ne comptent en moyenne que 1,9 personne.

Tableau 4 - Résidences principales selon le type d’habitat Types d’habitat

(en millions d’unités) 1962 1968 1975 1982 1990 1999 2004

Collectif 5,9

40,7% 6,8

43,2% 8,0

44,9% 8,4

43,1% 8,9

41,2% 10,0

41,0% 11,0 42,4

Individuel 5,5

37,8% 6,2

39,2% 7,8

43,7% 9,4

48,1% 11,4

53,1% 13,6

56,2% 14,7 56,3

Autre * 3,1

21,5% 2,8

17,5% 2,0

11,4% 1,7

8,8% 1,2

5,7% 0,7

2,9% 0,3 1%

Ensemble 14,6 15,8 17,7 19,6 21,5 24,3 26,0

* dont fermes, chambres d’hotel, meublés, logements foyers pour personnes âgées, etc. Source : Recensement de la population, Insee Première n°1001 Jusqu’au milieu des années 70 le nombre d’appartements en résidence principale est plus important que celui des maisons. L’effort de reconstruction après la guerre a essentiellement porté sur la construction d’immeubles et le développement de villes nouvelles comme Sarcelles. Mais cette tendance c’est inversée depuis, les jeunes ménages préférant s’installer dans des maisons aux environs immédiats des villes surtout lorsqu’ils ont des enfants. Ainsi, dans les communes périphériques la part des ménages d’une personne n’est que de 20% contre 42% en centre-ville, alors que les trois quarts des ménages sont des familles dont la moitié compte au moins un enfant. Bien que 2,4 millions de logements, soit 10,5% du parc peuvent être qualifiés de surpeuplés suivant la norme INSEE, en revanche les deux tiers sont “sous-peuplés” et ces proportions n’ont pas varié depuis 1992. Le surpeuplement est rare dans l’habitat individuel, où plus de 8 logements sur 10 comportent plus de pièces que la norme. Mais dans le collectif il concerne plus d’un ménage sur cinq. A noter aussi que le confort des résidences principales continue à s’améliorer et que moins de 4% des logements, pour la plupart construits avant 1949, ne dispose pas du minimum de confort, c’est à dire de W-C intérieurs et d’au moins une douche. Cette proportion qui était de

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10% en 1988, ne cesse de se restreindre sous l’effet de la construction neuve d’une part, de la destruction des logements les plus vétustes ou de leur rénovation d’autre part.

Tableau 5 - Répartition du statut d’occupation des résidences principales 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1999 2004 Propriétaires (en %) 50,9 52,1 53,4 54,1 54,2 54,1 54,3 56,7 Locataires (en %) 41,1 40,2 39,2 38,8 39,0 39,3 38,3 40,0 Autres statuts (en %) 8,0 7,7 7,4 7,1 6,8 6,6 7,4 3,3 Milliers de logements 20.121 20.624 21.093 21.554 22.012 22.497 23.810 25.431

Source : Les Comptes du Logement, Insee Première n°1001 On observe ainsi qu’en 20 ans, le nombre des propriétaires occupants a augmenté de 40 %, passant de 10,2 millions en 1984 à 14,4 millions en 2004. C'est dire l'importance que continuent d’accorder les Français à la détention d'un patrimoine immobilier. En moyenne, au cours de la vie, on est locataire jusqu'à l'âge de trente ans (quatre Français sur cinq), puis accédant à la propriété jusqu'à cinquante ans (un ménage sur deux), puis propriétaire à partir de soixante ans. Ainsi, 56,7% des ménages étaient propriétaires de leur logement principal en 2004 et seulement 40,0% locataires, les autres étant dans la plupart des cas logés gratuitement par leur employeur. Deux autres critères sont fréquemment utilisés pour classer les logements. Ils se rapportent à son financement. D’une part on distingue le secteur locatif du secteur acquisition et, d’autre part les logements bénéficiant d’un financement public (HLM) de ceux financés par des fonds privés. On dénombre 7,4 millions de propriétaires occupants, 5,1 millions de propriétaires accédants, 8,8 millions de locataires (dont 4,1 millions en secteur HLM) et 1,7 million de statuts divers (meublés, logement gratuit, logement de fonction).

Tableau 6 – Secteur locatif : taille du ménage et type de logement HLM Libre Tous secteurs

Taille du ménage Oct. 1995 Oct. 2000 Oct. 1995 Oct. 2000 Oct. 1995 Oct. 2000 Une personne 27,8 33,3 39,0 44,0 34,7 39,8 Deux personnes 28,5 25,7 30,4 28,1 29,4 26,8 Trois et plus 43,7 41,0 30,6 27,9 35,8 33,4 Source : Insee Première, n°807 - septembre 2001 En octobre 2000, parmi les résidences principales locatives, 44,5% sont des HLM,

52% font partie du secteur libre et seulement 3,5% sont soumises à la loi de 1948. Parmi ces logements locatifs, 83% appartiennent à des particuliers, 13% à des sociétés et 4% à une collectivité publique

Le résidentiel en Europe L’Europe des quinze dispose aujourd’hui de 170 millions de logements dont 80% sont concentrés dans cinq grand pays. Les deux plus importants sont l’Allemagne avec 22% de ce parc et la France avec 16,7%. Viennent ensuite l’Italie (15,5%) le Royaume –Uni (14,5%) puis l’Espagne. Si pour chaque pays on rapproche le parc de sa population, on s’aperçoit qu’il y a une relative abondance des biens immobiliers en Europe, un même logement n’étant partagé au plus que par trois personnes. Ainsi, la France compte aujourd’hui 490 logements pour 1000 habitants. D’après Claudie Louvot-Ruvanot [2001], cette densité est très comparable à celle que l’on trouve en Allemagne de l’Est, en Espagne et en Suède (cf. Louvot-Runavot⊥Cl., Le logement dans l’Union européenne⊥: la propriété prend le pas sur la location, Economie et Statistique,

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2001, no⊥343).. Elle est moindre au Royaume-Uni et au Pays-Bas avec 420 logements pour 1000 habitants et intermédiaire en Allemagne de l’Ouest (445/1000). En revanche, elle est beaucoup plus faible en Irlande, probablement parce que les grandes familles y sont plus nombreuses. La proportion des logements vacants dans ce parc est beaucoup plus variable. Elle est en effet estimé à 30% en Grèce, 20% en Italie et 15% en Espagne. Mais en France (7,7%), au Royaume-Uni (4%) et en Allemagne (3%) ces chiffres sont nettement moins élevés. De même la proportion des résidences secondaires est très variable d’un pays à l’autre. Alors qu’elle atteint 6% en Espagne et en Suède et 4% en France et au Portugal, cette catégorie est presque inexistante en Allemagne, au Pays-Bas et au Royaume-Uni. Le nombre moyen d’occupants par logement - qui s’apparente au nombre de personnes par ménage puisque statistiquement un ménage est défini comme l’ensemble des personnes partageant une même résidence principale - fait apparaître une similitude entre la France (2,4), la Grande Bretagne et la Belgique (2,4), mais aussi l’Allemagne (2,2) alors que l’Espagne le Portugal et l’Irlande connaissent un taux d’occupation élevé (3,1) encore supérieur à celui de l’Italie (2,8) et de la Grèce (2,7). Si pour les pays du Sud ce taux élevé peut être lié à la faiblesse de leur PIB, ce n’est toutefois pas le cas de l’Irlande qui dans ce domaine est plus proche du Royaume-Uni que de l’Italie .

C- L’immobilier non résidentiel Par définition, entrent dans la catégorie des immeubles non résidentiels tous les biens immobiliers qui ne sont pas destinés à l’habitation, c’est à dire d’une part les immeubles d’entreprise et, d’autre part divers bâtiments à usage collectifs comme les églises, les écoles et les hôpitaux. Selon Heurteux (Heurteux⊥C., L’immobilier d’entreprise, PUF, Que sais-je⊥?, 1993), un immeuble d’entreprise est un bâtiment ayant pour fonction d’abriter une ou plusieurs activités de l’entreprise. Ce peut être une usine, un entrepôt, des bureaux, un magasin, ou un local high tech. L’immobilier d’entreprise regroupe en fait les locaux de deux secteurs d’activité, le secteur commercial (bureaux et commerces) qui couvre l’ensemble des activités tertiaires et le secteur industriel (usines) pour les activités de production. On distingue donc habituellement deux catégories d’immeubles d’entreprise : d’une part les immeubles commerciaux pour les activités tertiaires et, d’autre part les immeubles industriels (entrepôts et ateliers de fabrication) pour les activités de production. Mais cette distinction souffre bien sûr de quelques exceptions. Ainsi en est-il du nouveau concept des « hôtels d’entreprise ». Dotés de services communs, ces bâtiments s’articulent autour de cellules modulables, réparties entre bureaux à l’étage et ateliers en rez-de-chaussée.

Les immeubles commerciaux L’immobilier commercial se répartit en trois branches : les commerces, les locaux professionnels et les bureaux. Ils ont pour caractéristique fondamentale de faire l’objet d’un bail commercial. Ce bail est, rappelons-le, un élément du fonds de commerce au même titre que le nom, l’enseigne, la propriété industrielle, la clientèle, les marchandises, le matériel et l’outillage. Les commerces : cela va du simple magasin, à l’hypermarché en passant par l’agence de tourisme, ou la galerie commerciale regroupant une multitude de boutiques. Les commerces traditionnels présentent sur le plan juridique deux caractéristiques particulières. Il s’agit du pas-de-porte (somme versée au propriétaire pour occuper un local), le droit au bail (somme versée à l’ancien locataire en compensation de la cession d’un bail avantageux).

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L’implantation des grandes surfaces sont, quant à elles très réglementées depuis la loi Royer (L.⊥no⊥73-1193, 27⊥déc. 1973). Les locaux professionnels. Ils abritent des commerces de nature civile et correspondent à l’exercice d’une profession libérale comme celle de médecin ou d’avocat. Ces activités sont souvent réalisées dans d’anciens appartements car à la différence des locaux polyvalents ou des bureaux, les locaux professionnels réclament peu de spécificités particulières. Les bureaux. Cette appellation pour un bâtiment est relativement récente. Les premiers immeubles de bureaux sont en effet apparus dans les grandes villes au début du XXe siècle. La demande émane alors de sociétés commerciales (chemin de fer, grands magasins,...) et des grandes banques. Mais c’est surtout à partir des années 60 que la construction d’immeubles de bureaux a connu un réel développement en France. L’administration fiscale distingue en premier lieu les bureaux de type classique et immeubles administratifs divers ne présentant pas de caractère particulier, ensuite les bureaux de haute technologie - immeubles intelligents ou à haute valeur ajoutée - et enfin les bureaux techniques divers dans lesquels sont associés plusieurs types d’activités commerciales. Les immeubles mixtes font la jonction entre immeubles commerciaux et immeubles industriels. Il s’agit de bâtiments flexibles combinant espaces de bureaux et d’activités ou de stockage. Ils se multiplient notamment dans les parcs d’affaires. Aménagés comme de véritables campus, offrant aux entreprises toute une panoplie de services communs (poste, restaurant interentreprises, gardiennage) dans un environnement accessible et valorisant (espace vert), ces parcs se sont développés aux abords des grandes villes dans les années quatre vingt.

Les immeubles industriels Entre les ateliers de fabrication légère, les entrepôts industriels et les usines, ces immeubles présentent des dispositions et des volumes très variés. Les entrepôts sont parmi ces trois catégories ceux qui ont le plus évolué depuis l’avènement de la société de consommation. Ils ont quitté les enceintes des usines pour s’implanter en périphérie des grandes villes et sont de plus en plus détenus soit par des sociétés de logistique qui stockent et acheminent les produits pour le compte des fabricants, soit par des groupes tels GARONOR qui proposent à la location des cellules banalisées.

Les bâtiments à usage collectif et divers Entrent dans cette catégorie les bâtiments destinés aux loisirs et à la culture (musée, églises, monuments historiques,...), à l’éducation (écoles, universités), à la santé (hopitaux, cliniques,...), à l’armée et à la justice. Pour la plupart ils appartiennent à l’Etat et aux collectivités locales. Il faut ajouter à ces bâtiments administratifs, toutes les infrastructures comme les routes et les voies ferrées mais aussi les canaux dont celui du Midi a récemment été inscrit à l’inventaire des monuments historiques.

D- Autres classifications Typologie suivant la localisation géographique

On ne peut identifier un bien immobilier suivant ses caractéristiques fonctionnelles ou utilitaires sans le positionner parallèlement sur le plan géographique, puisque chaque situation est unique et immuable. Ce qui aboutit à vouloir construire une typologie des différentes localisations. Celle-ci concernera en premier lieu le pays, puis la région. Il faudra alors dessiner les régions et en faire un découpage qui le plus fréquemment correspondra à celui réalisé par l’administration : les départements pour la France, les Länder en Allemagne, les

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cantons en Suisse, etc... Et l’on différenciera alors la ville de la campagne, puis les grandes villes des petites villes, pour s’intéresser à des quartiers ou des arrondissements. Mais l’intérêt essentiel de cette typologie des localisations est de pouvoir être croisée avec la typologie par type d’immeubles décrite précédemment. On construit alors un outil qui permet de rendre plus homogène des comparaisons de biens de nature hétérogènes et donc par essence difficilement comparables. C’est à partir de ces croisements que les grands commercialisateurs comme CB Richard Ellis Bourdais et Atis Real Auguste Thouard publient des comparaisons sur le marché des bureaux dans les grandes capitales. De son coté la Chambre des Notaires de Paris a longtemps construit un indice des logements anciens en découpant Paris par arrondissement et en regroupant les appartements suivant les critères de taille et d’ancienneté. Selon le but poursuivi, à partir de ces typologies, il est donc possible de considérer de nombreuses catégories et sous catégories. Mais si cette façon de procéder permet de réduire le nombre des sources d’hétérogénéité, elle ne peut les éliminer toutes puisque chaque bien immobilier est unique.

Typologie des biens fonciers Une typologie proposée par Comby (Comby⊥J., Radiographie des charges foncières et décision d’achat du terrain, ADEF, 1993). classe les terrains suivant les diverses fonctions possibles d’une acquisition foncière. Six catégories sont étudiées :

o Le terrain comme bien de production (ex: les terres agricoles) o Le terrain comme bien de consommation (ex: terrain de chasse) o Le terrain comme matière première pour les aménageurs o Les terrains neufs o Les terrains d’occasion o Les terrains recyclés et les terrains à valeur zéro.

Cette typologie essaie de rapprocher chaque catégorie d’objets fonciers d’un marché spécifique. Cependant le sol n’est pas une « matière première » comme les autres. Etant un produit non reproductible, il est par nature un bien rare et diffère ainsi fondamentalement des autres types de biens. Pour Topalov, c’est un produit dérivé. Ce qui est produit, ce sont les équipements; ce qui est objet de propriété, c’est le sol, c’est à dire un droit d’usage sur une fraction d’espace dont les utilisations possibles sont déterminées par l’activité productive de la société (Topalov⊥C., Les promoteurs immobiliers, Mouton, 1974).

E- Conclusion sur la classification La nécessité de classifier les biens immobiliers est la contrepartie de leur infinie variété. Mais dans la pratique, les critères de classification utilisés sont relativement peu nombreux et portent sur les biens faisant l’objet de marchés développés, c’est à dire les immeubles résidentiels et les immeubles d’entreprises. Ainsi les indices publiés par les principaux pays pour suivre l’évolution des prix des biens immobiliers portent généralement sur ces deux grandes catégories avec en sous-catégories la taille des logements pour le résidentiel et la différenciation entre bureaux et commerces pour les immeubles d’entreprises. Sur le plan géographique ce sont les limites administratives des grandes régions qui sont le plus souvent retenues. Cependant, des études réalisées aux Etats-Unis ont montré que pour la localisation il était plus pertinent d’utiliser l’activité économique d’une région qu’un découpage géographique.

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§3 - Elaboration du produit immobilier La connaissance des biens immobiliers ne peut se limiter à leur identification. Le processus nécessaire à leur élaboration constitue aussi une caractéristique essentielle qui nécessite un développement particulier. Ce processus comporte deux phases. La première correspond à la recherche du terrain et la seconde est constituée par le montage de l’opération immobilière qui doit aboutir à la livraison de l’immeuble.

A. La prospection foncière et l’acquisition du terrain L’emplacement du terrain est le critère premier du choix d’un investissement immobilier. Lorsqu’il s’agit d’une opération destinée à la vente ou à la location, l’environnement orientera la conception du programme. De lui dépendra, en effet, le type de bien à commercialiser pour répondre au mieux à la demande locale. La prospection foncière a pour objectif de collecter des informations suffisamment fiables pour entreprendre l’étude d’une opération immobilière. Pour ce faire, elle dispose de deux outils privilégiés : le plan d’occupation des sols (POS) devenu plan local d’urbanisme (PLU) en 2000 et le cadastre. Une autre source d’informations plus complète mais d’accès plus difficile est aussi possible. Il s’agit du fichier immobilier du conservateur des hypothèques. Cette prospection doit déboucher sur la découverte d’un terrain à vendre et aboutir à la conclusion d’une promesse de vente

POS et PLU Le POS est un document d’urbanisme, institué par la loi d’orientation foncière no⊥67-1253 du 30⊥décembre 1967 qui réglemente les droits d’utilisation des sols d’un territoire communal. Il est mis en place ou révisé par délibération du conseil municipal. Il est facultatif mais, dans les faits, il s’impose aux grandes agglomérations et groupements de commune de plus de 100.000 habitants. Réparti entre différentes zones, il permet de délimiter celles où il est interdit de construire, celles où la construction est soumise à la délivrance d’un permis de construire et le secteur sauvegardé du centre-ville où l’architecture des immeubles doit être conservée et remise en valeur en raison de sa grande qualité. Il précise, en outre l’existence des servitudes publiques. Dans les communes qui ne sont pas dotées d’un POS, les autorisations de construire sont assujetties au Règlement National d’Urbanisme et placées sous le contrôle de l’Etat. Pour les zones constructibles, le POS donne la densité de construction attachée à chacune d’entre elles. Cette densité autorisée est fonction du Coefficient d’Occupation des Sols (COS) qui varie d’une zone à une autre. La recherche d’un promoteur immobilier se fera naturellement sur les emplacements où le COS est le plus élevé, afin de multiplier les surfaces à vendre pour un terrain donné. Ainsi un COS de 3 sur un terrain de 1.000 m2 autorisera la construction d’un immeuble de 3.000 m2 de surface hors œuvre net (SHON). Ce coefficient de constructibilité va devenir un des éléments intrinsèques de la valeur du terrain dont le prix sera d’autant plus élevé que le COS qui lui est applicable est élevé. Par ailleurs, le POS édicte toute une série de règles à respecter en matière de construction. Ces règles – appelées prospects - vont de la distance minimale à respecter entre deux constructions à leur alignement sur la voie publique, en passant par le nombre de places de parking par logement ou l’aspect extérieur des bâtiments. Dans la nouvelle loi sur la « solidarité et le renouvellement urbain » (L.⊥no⊥2000-1208, 13⊥déc. 2000, JO 14⊥déc., p.⊥19777)⊥, le POS est remplacé par le plan local d’urbanisme (PLU) qui en élargit les possibilités. Ceci étant le POS demeure en vigueur tant qu’il n’est pas procédé à sa révision.

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Le cadastre C’est un ensemble de relevés topographiques et d’inventaires administratifs qui authentifie les limites parcellaires des propriétés foncières en désignant leurs propriétaires. Les informations disponibles en mairie se répartissent en trois fichiers :

• le plan cadastral composé de feuilles parcellaires et d’un tableau d’assemblage représentant le territoire communal;

• la matrice cadastrale, qui inventorie pour chaque propriétaire l’ensemble des biens fonciers lui appartenant dans la commune et lui attribue un numéro matriciel;

• les états de section, qui définissent pour chaque parcelle géographiquement identifiée sa surface et son ou ses détenteurs.

La consultation des microfiches cadastrales permet donc d’obtenir des informations précieuses sur la superficie exacte des parcelles, leurs dépendances, l’état civil et l’adresse du ou des propriétaires et sur la configuration des immeubles entourant le terrain étudié.

Le fichier du conservateur des hypothèques Ce fichier recense les propriétaires et les immeubles tout en archivant les actes soumis à publication, les mutations, les ventes, les donations ainsi que les inscriptions de privilèges, comme les hypothèques les charges et les servitudes qui grèvent le terrain ou l’immeuble. Plus de 140 millions de fiches d’immeubles et de propriétaires répartis entre 354 bureaux des hypothèques sont à la disposition de tous. Mais l’accès n’est pas libre. Une demande sur un formulaire administratif approprié, assortie d’un paiement de 75 à 200 francs selon l’extrait d’acte demandé, ainsi qu’un délai de dix à quinze jours sont nécessaires pour obtenir les informations recherchées. Les fiches personnelles de propriétaires listent tous les biens immobiliers que possède une personne dans le ressort géographique du bureau des hypothèques consulté. Mais pour y accéder, il faut pouvoir décliner l’état civil du propriétaire et, pour les entreprises, le numéro de Siren ou de registre du commerce. Les fiches d’immeubles récapitulent la situation juridique du bien, ses propriétaires successifs, les dates des actes de vente, les prix et les principales servitudes. Il faut fournir la référence cadastrale du bien concerné. Le fichier conserve tous les actes enregistrés depuis le 1er Janvier 1956. Les actes antérieurs sont déposés dans des centres d’archives spéciaux. Les bureaux des Hypothèques sont en cours d’informatisation, cette procédure devant s’achever en l’an 2002. Lorsque l’informatisation sera achevée, il sera possible de consulter les données depuis son domicile en s’abonnant à un serveur minitel ou internet. Ceci étant pour se procurer un terrain, il faut d’abord déterminer son propriétaire à le vendre, puis signer un contrat de transfert de propriété.

La promesse de vente Une fois détecté le terrain et en avoir fait une étude de faisabilité sommaire, il s’agit d’entamer les négociations avec le propriétaire pour aboutir à un engagement de celui-ci. Plusieurs difficultés vont surgir qui peuvent repousser la date de signature de la promesse de vente. Il suffit ainsi que le terrain fasse partie d’une succession délicate à régler. Ce peut être aussi le propriétaire qui n’est plus très sûr de vouloir vendre, l’estimation qu’il s’était fait de son bien ne correspondant pas au prix proposé. Mais la pierre d’achoppement de ces négociations concerne aussi souvent l’immobilisation du bien pendant une période d’observation plus ou moins longue. Il est d’usage, en effet, d’obtenir du vendeur une promesse unilatérale de vente avec un délai important permettant de lever les réserves qui peuvent entacher la constructibilité du terrain. La promesse de vente prévoit souvent deux étapes. Dans un premier temps le vendeur (le promettant) s’engage envers l’acheteur (le bénéficiaire) – généralement un promoteur - à ne vendre son terrain qu’à lui, si ce dernier souhaite l’acquérir dans un délai donné, fixé

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fréquemment à six mois. Le bénéficiaire de son côté ne s’engage pas à acheter - à la différence d’un compromis - mais simplement à déposer une demande de permis de construire pendant cette durée. Cette promesse doit être enregistrée afin d’être opposable. Elle l’est par les soins de l’acheteur. A la levée de l’option six mois plus tard, la promesse unilatérale de vente devient synallagmatique puisque l’acheteur s’engage alors juridiquement et financièrement. Cet engagement demeure conditionnel pendant un nouveau délai de six mois. Les conditions suspensives sont alors, dans la plupart des cas : - l’obtention du permis de démolir - l’obtention du permis de construire - la purge du recours des tiers contre ces deux décisions administratives - la purge du droit de préemption urbain Cette deuxième période de la promesse prévoit le versement d’une indemnité d’immobilisation, sous forme de caution bancaire, qui restera acquise au vendeur si le bénéficiaire ne veut pas conclure la vente alors que les conditions suspensives seraient toutes réalisées. La réalisation des conditions suspensives provoque normalement la signature de l’acte authentique chez le notaire, avec paiement complet du prix le jour de la vente. Ce paiement peut, le cas échéant, inclure une dation. Une fois le terrain acquis, il reste à ériger l’immeuble puis à le vendre. Il y a alors une multiplication des acteurs et des tâches à réaliser.

B- Le montage d’une opération immobilière La promotion immobilière a pour objectif de réaliser un ouvrage - immeuble d’habitation, bureaux, centre commercial, station touristique - destiné à être revendu sur le marché immobilier. C’est une activité assez récente. Avant 1914, le maître d’ouvrage, « quiconque prend la décision de construire un immeuble, en définit les caractéristiques générales et en gère le risque financier est maître d’ouvrage », était presque exclusivement un propriétaire immobilier qui construisait un immeuble de « rapport » sur son patrimoine foncier. Le phénomène du promoteur, prenant l’initiative de lancer un programme immobilier, est lié à la division d’un immeuble en logements et à la multiplicité des propriétaires potentiels qui n’ont des rapports tout au long de la construction qu’avec des promoteurs. La profession de promoteur de construction immobilière s’est créée et développée en dehors de toute réglementation. Il faut attendre la loi no⊥67-3 du 3⊥janvier 1967 sur la vente d’immeubles à construire et la loi no⊥71-579 du 16⊥juillet 1971 relative à diverses opérations de construction pour qu’il en soit fait état officiellement. Suivant les statuts de la Fédération Nationale des Promoteurs Constructeurs (FNPC), l’activité du promoteur consiste à « prendre de façon habituel et dans le cadre d’une organisation permanente l’initiative de réalisations immobilières et assumer la responsabilité de la coordination des opérations intervenant pour l’étude, l’exécution et la mise à disposition des usagers de programme de construction ». De fait, le promoteur c’est le « maître d’ouvrage », l’homme orchestre d’une opération immobilière auquel échoient les responsabilités suivantes : choix du terrain, choix de l’architecte et de son projet, recherche des financements, choix des entrepreneurs, coordination, gestion et vente de l’opération. Il doit donc avoir des compétences de tous ordres - juridiques, financières, architecturales, techniques, commerciales - au service d’un véritable esprit d’entreprise.

Les acteurs d’une opération immobilière Fondamentalement deux acteurs sont essentiels dans une opération immobilière et en ont l’initiative : l’investisseur qui apporte les capitaux et le promoteur qui est chargé de la réaliser. Pour les petites opérations il est d’ailleurs fréquent que ce soit la même personne qui

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joue les deux rôles. L’expression maître d’ouvrage désigne soit le promoteur lui-même lorsqu’il a constitué une SCI dont il est gérant, soit l’investisseur - une société foncière par exemple - pour lequel l’immeuble est réalisé. Dans ce dernier cas le promoteur devient maître d’ouvrage délégué. Les promoteurs ont souvent été architectes ou entrepreneurs avant de se lancer dans la maîtrise d’ouvrage. L’architecte qui dessine les plans et prépare un descriptif des travaux se fait généralement aidé par un bureau d’études techniques (B.E.T.) pour le calcul de structure du béton ou les installations de chauffage et climatisation. Il peut être chargé de la coordination des travaux lorsque les entreprises travaillent en « corps d’état séparé ». C’est le maître d’œuvre de l’opération.

Les différentes phases d’une opération immobilière Schématiquement le processus de l’élaboration d’une opération immobilière se déroule selon les phases suivantes. 1- Le promoteur munie d’une promesse de vente d’un terrain demande à l’architecte de présenter un projet, de déposer un permis de construire et de rédiger un descriptif des travaux. 2- A partir de ce descriptif est lancé un appel d’offre auprès des entrepreneurs. 3- En réponse à cet appel d’offre et après consultation de leurs fournisseurs (négociants et fabricants), les entrepreneurs adressent à l’architecte et au promoteur des devis chiffrés qui permettent d’évaluer le coût des travaux. 4- Le promoteur fait alors une étude de marché pour connaître le prix de vente des locaux envisagés et établi un bilan prévisionnel de l’opération. 5- Il recherche des investisseurs qui puissent, soit se porter acquéreur de l’ensemble de l’opération, soit participer à un tour de table en tant qu’apporteurs de capitaux. Dans le premier cas, l’opération peut être lancée sans plus attendre. 6- Sinon, une fois le tour de table réuni, il est nécessaire de constituer avec les apporteurs de fonds et futurs associés une société civile (Société Immobilière de Construction Vente ou Société en Nom Collectif). Cette société achètera le terrain et obtiendra les crédits nécessaires à la réalisation des travaux. 7- Une fois le permis de construire obtenu et les réserves foncières levées, les travaux peuvent alors débuter. 8- Parallèlement au démarrage des travaux aura lieu la mise en vente « en l’état futur d’achèvement » des locaux prévus. Le promoteur aura généralement recours à l’aide des commercialisateurs ou des agents immobiliers pour vendre l’ensemble immobilier en un minimum de temps. 9- La fin d’une opération immobilière qui permet la dissolution de la SCI, intervient lorsque tous les travaux ont été livrés, les réserves levées, l’ensemble des locaux vendus, les fournisseurs payés et les bénéfices distribués aux associés. Ce qui peut prendre plus d’une bonne dizaine d’années. La responsabilité du constructeur est, en effet de dix ans à compter de la réception des travaux. Cette responsabilité est couverte par un contrat spécial de garantie décennale souscrit auprès d’une compagnie d’assurances.

Les différents postes du budget Le budget d’une opération immobilière - appelé aussi bilan financier - traduit deux nécessités; d’une part celle de détailler les divers éléments concourant à la détermination du bénéfice et, d’autre part de préparer une répartition dans le temps des dépenses et des recettes. C’est une sorte de compte d’exploitation dont les divers postes sont ventilés dans trois colonnes faisant apparaître simultanément les montants hors taxes, la T.V.A. correspondante et les montants taxes incluses. Cet outil de gestion doit être actualisé périodiquement afin de suivre l’évolution des différents postes en fonction des aléas rencontrés pendant toute la durée de l’opération qui peut se prolonger sur plusieurs années.

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La structure du budget comporte les postes suivants - en dépenses : le terrain et ses aménagements, les travaux de construction, les frais de gestion et de ventes, la T.V.A. résiduelle et les frais financiers; - en recettes : les ventes et certains produits accessoires. La présentation est parfaitement adaptée à la description chiffrée du déroulement d’une opération immobilière. On y trouve en effet, se succédant dans l’ordre chronologique de leur apparition : - les éléments concernant l’acquisition du terrain, puis ceux de son aménagement; - les différentes dépenses concernant la construction puis celles relatives au suivi du chantier (honoraires d’architecte et des bureaux de contrôle); - les frais de gestion et les frais financiers - les frais relatifs à la commercialisation - la T.V.A. résiduelle, écart entre la T.V.A. sur les dépenses engagées et les ventes réalisées - les recettes sur ventes. Le shéma 33.1 donne la décomposition du prix de revient en ses différents éléments et les regroupements qui font traditionnellement l’objet d’agrégation.

Shéma 1 Décomposition du prix de revient d’une opération immobilière

A reprendre sur l’ancienne édition

Il faut enfin souligner que l’ordre de ces postes va du plus certain (l’acquisition du terrain) au plus aléatoire (le produit des ventes), car si le promoteur peut contrôler ses dépenses avec une relative précision, il reste dans l’entière dépendance du marché et cela durant de nombreux mois en ce qui concerne ses ventes. Chacun de ces postes représente aussi l’une des composantes essentielles de la stratégie suivie par le promoteur en matière d’approvisionnement en terrain, de qualité du produit, de choix des financements et de politique de vente. En fait, les deux premiers facteurs sont étroitement liés l’un à l’autre. De l’emplacement du terrain et de sa surface dépendra le type de construction à réaliser - logements ou bureaux, immeuble en bande ou immeuble tour, etc... - et la qualité du produit à mettre sur le marché. Les frais financiers sont la résultante à la fois de sa politique financière, c’est à dire de l’importance relative des fonds propres et des emprunts, et de sa politique commerciale. Celle-ci se traduira par une cadence des ventes plus ou moins rapide et donc des besoins faibles ou élevés en matière de crédit. Les frais de promotion regroupent à la fois les frais engagés par le promoteur pour gérer le bon déroulement de l’opération tant au niveau de l’élaboration du produit que pour sa commercialisation.

Bilan financier d’une opération immobilière Tableau 34.1- Exemple de présentation du bilan financier d’une opération immobilière Désignation des postes (montants en €) HT TVA TTC

I. Charges foncières

• prix du terrain

• frais d’acquisition

• VRD (Voiries, Réseau et Divers) et taxes

347 490

274 490

9 000

73 000

49 210

34 520

1 670

13 020

396 690

300 000

10 670

86 020

II. Construction

• travaux marchés

759 700

600 000

138 660

111 600

898 360

711 600

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• révisions

• imprévus

• conception et contrôles

30 000

80 000

49 700

5 580

14 880

6 600

35 580

94 880

56 300

III. Frais de gestion 100 000 18 600 118 600

IV. Frais de commercialisation 160 000 29 760 189 760

V. Frais financiers 100 000 100 000

VI. TVA résiduelle 77 430 77 430

Prix de revient (total I à VI) 1467 190 313 660 1 780 850

VII. Recettes sur ventes 1 686 340 313 660 2 000 000

VIII. Marge (VII – Prix de revient) 210 915 210 915

Il faut rajouter à ces postes celui de la T.V.A., quelque peu anachronique si l’on se réfère à un budget traditionnel, mais tout à fait essentiel dans le cas de la promotion immobilière. Le promoteur raisonnera suivant les postes du budget en incluant ou en excluant la T.V.A. Lorsqu’il parlera d’un prix de vente, il s’agira d’un prix ttc puisque c’est le seul qui intéresse son client. Par contre avec les entrepreneurs les négociations porteront sur des montants ht. Cette présentation du budget possède un autre avantage: les montants ttc correspondent aux flux financiers c’est à dire aux encaissements et aux décaissements prévisibles. A partir d’un planning des travaux et un planning des ventes, il est relativement aisé d’en déduire un budget de trésorerie qui sera un outil précieux de négociation pour l’importance et la durée des crédits à mettre en place. La prévision des flux de trésorerie permet de déterminer les besoins de financement prévisionnel d’une opération immobilière et d’en déduire les frais financiers correspondants. Le plan de trésorerie (voir tableau 1.7) se découpe entre les grandes étapes de réalisation de l’opération dont certaines correspondent aux possibilités d’appels de fonds prévus pour les contrats de vente en l’état futur d’achèvement. Suivant l’article⊥R.⊥261-14 du Code de la construction et de l’habitation qui précise que le paiement du prix convenu se fait en fonction de l’état d’avancement des travaux, ces appels de fonds ne peuvent dépasser 35 % du prix de vente à l’achèvement des fondations, 70 % à la mise hors d’eau, c’est à dire une fois que le toit de l’immeuble a été réalisé et 95% à la fin des travaux. Les 5 % restant sont à verser après la réception définitive des travaux.

Plan de trésorerie Tableau 35.1- Exemple de présentation du plan de trésorerie d’une opération immobilière

Total 1er trim. 2e trim. 3e trim. 4e trim. 5e trim. 6e trim. 7e trim.

Planning Achat terrain

Début travaux

Fondation Hors d’eau

Fin travaux

Livraison

I. Charges foncières 396 690 310 670 44 510 41 510 II. Construction 898 360 151 840 151 840 161 330 161 330 161 330 110 710 III. Frais de gestion 118 600 23 720 23 720 23 720 23 720 23 720 IV. Frais de ventes 189 760 37 950 37 950 37 950 37 950 37 950 V. Frais financiers Fonction des crédits bancaires VI. TVA résiduelle 77 430 38 710 38 720 Prix de revient hors F.F. 1 680

850 310 670 196 350 213 510 223 000 264 510 261 710 210 110

Dépenses cumulées 310 670 507 020 720 530 943 530 1 208 030 1 469 750 1 680 850

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Ventes cumulées 400 000 800 000 1 200 000 1 600 000 2 000 000 Encaissements 140 000 560 000 840 000 1 520 000 2 000 000 Besoins financement 310 670 507 020 580 530 383 530 368 030 -50 250 -310 915 Capitaux propres 200 000 200 000 200 000 200 000 200 000 200 000 0 0 Crédits bancaires 110 670 307 020 380 530 183 530 168 030 0 0

Le plan de trésorerie présenté sur le tableau 35.1 reprend ainsi les éléments du bilan financier du tableau n°34.1, en les répartissant sur sept trimestres pendant lesquels apparaissent les différentes étapes de réalisation de l’opération et leur contrepartie financière en terme de dépenses et de recettes. Les encaissements sont déduits des ventes cumulées en appliquant le taux réglementaire fonction de l’avancement des travaux. En supposant que les fonds propres se limitent à 200 000 €, on voit que les crédits bancaires nécessaires au financement de l’opération atteindront au maximum 380 530 €. Il est aisé, connaissant le taux de ces crédits, d’en déduire le montant exact des frais financiers prévus forfaitairement au moment de l’élaboration du budget.

Graphique 35.1 Evolution des besoins de financement d’une opération immobilière

C. Financement et rentabilité d’une opération immobilière Le plan de trésorerie met en évidence l’importance et la durée du recours au crédit. Le graphique correspondant, illustre l’évolution des besoins de trésorerie pour l’exemple proposé. La courbe qui relie les sept losanges délimite avec l’axe horizontal la surface correspondant au volume des besoins en financement sur la durée des sept trimestres, besoins qui deviennent négatifs à partir du 6e. Plus les encaissements sont tardifs et plus la première partie de cette courbe se déplace vers le haut. L’augmentation de surface correspondante traduit l’importance des besoins supplémentaires en financement. Un retard de six mois dans le planning des ventes allonge d’autant la durée de l’opération et crée d’une part un décalage vers les 9e et 10e trimestre des histogrammes représentants le cumul des encaissements avec,

-50000

0

50000

100000

150000

200000

Trimestres

Mon

tant

s en

KF

Cumul encaissements Cumul dépenses Besoins financement

Cumul encaissements 0 0 14000 56000 84000 152000 200000

Cumul dépenses 31067 50702 72053 94353 120803 146975 168085

Besoins financement 31067 50702 58053 38353 36803 -5025 -31915

1 2 3 4 5 6 7

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d’autre part, un relèvement de la courbe des besoins. Il peut accroître considérablement le volume des crédits nécessaires et donc le montant des frais financiers. Il peut même mettre en péril l’opération toute entière si le plan de financement n’a pas été correctement négocié avec les partenaires financiers. En revanche, pour les ventes réalisées avant le démarrage des travaux, un contrat de réservation peut être conclu avant le contrat de vente définitif. Il est au maximum de 5 % du prix prévu si la signature du contrat de vente doit intervenir dans l’année qui suit celle du contrat de réservation, de 2 % si la signature du contrat de vente doit avoir lieu dans les deux années qui suivent celle du contrat de réservation mais aucun dépôt ne peut être demandé si ce délai est plus important. La somme correspondant au dépôt de garantie est versée soit sur un compte bloqué au nom de l’acheteur, soit chez le notaire.

Concours et garanties financières Comme cela a été évoqué dans la sous-section 2, le financement d’une opération immobilière destinée au public - et non à une société acquéreuse - se fait généralement dans le cadre de la constitution d’une SCI adoptant le statut de société immobilière de construction-vente. Les capitaux nécessaires à la réalisation de l’opération proviennent de trois sources: les fonds propres, les crédits accordés par les banques et les appels de fonds demandés aux clients du programme au fur et à mesure de son avancement. Lors du lancement de l’opération la répartition entre ces trois sources de financement se fait fréquemment sur les bases suivantes exprimées en pourcentage du prix de revient de l’opération: - fonds propres: 20 % - crédits bancaires: 40 % - montant des réservations et impasse: 40 %. Cette répartition correspond au fait que, en bonne orthodoxie bancaire, le rapport entre capitaux empruntés et capitaux propres ne doit pas dépasser le chiffre 2 et que la charge foncière représente environ 20 % du prix de revient de l’opération. En fait, les règles évoluent en fonction de la surface financière du promoteur, de la qualité du programme proposé et des tendances antérieures du marché immobilier. Pour réunir les fonds propres nécessaires à l’opération le promoteur, qui ne dispose que rarement des capitaux correspondants, essaye en premier lieu de regrouper dans un « tour de table » les futurs partenaires de l’opération, au premier rang desquels figurent le banquier qui interviendra dans la distribution des crédits d’accompagnement et des crédits acquéreurs, l’assureur qui couvrira l’ensemble de l’opération et, si nécessaire, l’entreprise générale qui aura le marché des travaux. Il peut même proposer au vendeur du terrain de participer à ce tour de table par l’intermédiaire d’une dation sur une partie du prix demandé. Il est bien évident que, dans les périodes difficiles, ces partenaires sont prêts à prendre des risques pour pouvoir obtenir de nouveaux marchés et améliorer ainsi leur chiffre d’affaires. Par contre, ils ont tendance à majorer le prix de leurs prestation car, en tant qu’associé, les offres qu’ils feront seront peu débattues, ce qui a parfois pour conséquence de rendre le prix de l’opération moins compétitif. Les concours proposés par les banques au promoteur sont adaptés au déroulement des opérations et peuvent se regrouper en trois catégories: - le crédit-terrain et le crédit-viabilité, - le crédit d’accompagnement, - les cautions de garantie. La première catégorie est destinée aux opérations dans lesquelles la part du terrain est supérieure aux fonds propres, comme dans le cas des programmes par tranche ou dans ceux des lotissements. Le crédit d’accompagnement est le cas le plus général. Il vient en complément de l’autofinancement et des versements des acquéreurs et permet d’assurer la trésorerie de l’opération durant la période où les dépenses ne sont pas intégralement couvertes

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par ces financements. Une hypothèque est en principe demandée en garantie. Elle peut être confortée par toute une gamme de garanties traditionnelles comme la caution solidaire des associés ou le natissement des titres de la SCI. En outre les promoteurs qui ont recours au crédit d’accompagnement sont astreints généralement à laisser gérer leurs comptes par la banque prêteuse ou par le chef de pool lorsque plusieurs banques participent à ce crédit. Cela signifie que la banque ouvre deux comptes: l’un de « réservations » qui enregistre les réservations des acquéreurs, l’autre de « chantier » qui fonctionne la plupart du temps sans carnet de chèques. Ce compte enregistre au crédit les apports du promoteur ainsi que le produit des ventes et au débit, les règlements effectués directement par la banque, aux entrepreneurs de travaux, sur présentation de situations dûment approuvées par l’architecte et le promoteur. Le compte « réservations » sera soldé au profit du compte « chantier » après passation de l’acte authentique. Lorsque les travaux seront achevés et payés et le crédit remboursé, le promoteur pourra alors disposer à son gré des sommes encaissées au titre des ventes. Ainsi, le crédit promoteur correspond plus à une autorisation de découvert dont le plafond et la durée ont fait l’objet d’une confirmation qu’à un crédit traditionnel comportant un plan d’amortissement contractuel. Les garanties financières ont été rendues obligatoires par la loi no⊥67-3 du 3⊥ janvier 19672, dans le cas des ventes en l’état futur d’achèvement (VEFA). Elles constituent une sécurité pour l’acquéreur. Parallèlement, elles donnent au promoteur l’assurance que la banque ne lui retirera pas son soutien durant la période de réalisation et de commercialisation de l’opération. Chaque vente doit être assortie d’une garantie d’achèvement. Celle-ci n’est en fait obligatoire que lorsque le promoteur ne remplit pas certaines conditions ayant trait au plan de financement de l’opération. Ainsi on considère qu’il y a « garantie intrinsèque », c’est à dire dispense de garantie financière lorsque le financement de l’opération est assuré à hauteur de 75 % du prix de vente par l’ensemble constitué par les fonds propres du vendeur, le montant des réservations et les crédits confirmés. Lorsque ces conditions ne sont pas respectées, le banquier doit donner une garantie dite « extrinsèque » sous forme d’une convention de cautionnement aux termes de laquelle il s’oblige envers chaque acquéreur, solidairement avec le promoteur, à payer les sommes nécessaires à l’achèvement de l’immeuble. Les garanties financières grèvent bien évidemment le coût final de l’opération. Elles représentent généralement 1 % du prix de vente. Le coût de ces crédits est très élevé. En règle générale, les établissements bancaires perçoivent trimestriellement une double rémunération de leurs engagements par crédit: d’une part des agios calculés sur le taux de base bancaire majoré d’une marge ou spread de 1 à 3% suivant les cas et, d’autre part, une commission d’engagement sur le trimestre à venir de l’ordre de 1 à 1,5 % du crédit autorisé. Mais c’est essentiellement la durée d’utilisation du crédit qui influencera directement le résultat de l’opération. Le promoteur en cas de mévente peut suivre une double stratégie. Soit diminuer son prix de vente pour être plus concurrentiel et, obtenant une commercialisation plus rapide, réduire le temps d’utilisation des crédits et donc leur coût; soit maintenir ses prix et espérer, malgré l’augmentation inéluctable du coût des financements, conserver une marge positive. La banque a tendance à vouloir privilégier cette seconde solution car, d’une part la garantie hypothécaire est assise sur la valeur des appartements restant à vendre et d’autre part un allongement des crédits permet à la banque d’augmenter ses recettes.

2 Suivant les notaires, « Le législateur s’est beaucoup préoccupé de la sécurité des versements de fonds (le paiement du prix) mais moins de l’objet de l’investissement (l’achèvement de la chose) », 93e congrès des notaires de France sur L’investissement immobilier.

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La rentabilité d’une opération immobilière Dans une opération immobilière, le coût de construction est la seule variable aisément maîtrisable. La structure d’un prix de vente évolue dans le temps notamment en fonction de la part du foncier et des frais financiers. Ainsi, entre 1986 et 1989 le prix des terrains a été multiplié par 3 à Paris, ce qui a profondément modifié son importance relative dans le prix de vente. Mais ces dernières années ont est revenu à des niveaux beaucoup plus modeste. Afin de fixer les idées sur la part respective des différents postes de dépenses dans un prix de vente, voici les résultats obtenus sur un échantillon d’une centaine d’opérations dans les années 803, avant le déclanchement de la « bulle spéculative » :

Décomposition du prix de vente d’une opération en logements collectifs

Postes Région parisienne Province France entière Terrain 17 % 11 % 14 % Construction 54 % 63 % 59 % Frais de promotion 12 % 11 % 11,4 % Frais financiers 7 % 5 % 6,1 % TVA résiduelle 5 % 4 % 4 % Bénéfice net 5 % 6 % 5,5 % Prix de vente 100 % 100 % 100 %

On notera que les coûts de construction sont un peu supérieurs à la moitié du prix de vente en région parisienne, là où l’incidence foncière est la plus importante. La part du bénéfice net dégagé par une opération n’est pas considérable puisqu’il se situe entre 5 % et 6 %. Cependant, il faut se rappeler qu’il est destiné à rémunérer des capitaux qui dépassent rarement 20 % du prix de revient. Si l’on s’intéresse à la rentabilité et au risque correspondant à ces opérations, on obtient les résultats suivants qui peuvent être rapprochés de ceux obtenus dans un placement en actions dans des sociétés immobilières cotées en bourse à la même époque.

Rentabilité et risque des opérations de promotion immobilière Région

parisienne Province France entière Bourse

Rentabilité 11,4 % 23,2 % 18 % 11,8 % Risque 18,6 % 21,1 % 20,8 % 5,2 %

Il en ressort que le risque est près de quatre fois plus élevé que celui du placement en bourse, ce qui est une des caractéristiques des opérations immobilières, pour une rentabilité qui est au mieux deux fois plus forte pour les opérations en province.

§4- Conclusion sur la typologie et l’élaboration des produits immobiliers Cette première partie a permis de mettre en évidence la variété, la nature complexe des actifs fonciers et immobiliers et le processus de leur élaboration. L’immobilier c’est à la fois un bien durable reposant sur un sol indestructible ce qui favorise l’investissement et, un service qui répond à un besoin fondamental, celui du logement. Ce logement peut être soit résidentiel et c’est le cas des immeubles à usage d’habitation, soit non résidentiel lorsqu’il correspond à des 3 Compte tenu des difficultés d’obtention des données, rare sont les études consacrées à la rentabilité des opérations immobilières. Les résultats présentés ont fait l’objet d’une thèse intitulée « Risque et rentabilité de la promotion immobilière ».

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locaux dans lesquels s’exercent différentes activités. Dans l’un et l’autre cas sa mise en oeuvre est longue et onéreuse. L’élaboration d’un actif immobilier comprend, en effet, deux phases essentielles, la recherche du terrain et la construction de l’ouvrage. Pour les opérations importantes elle associe un promoteur et des apporteurs de capitaux réunis dans un tour de table. L’opération se déroule en plusieurs phases qui sont suivies à partir d’un bilan financier et un plan de trésorerie remis régulièrement à jour en fonction de l’état d’avancement des travaux et de la commercialisation. Ces différentes caractéristiques et le processus particulier de la construction d’un immeuble déterminent des informations importantes au niveau de sa valorisation.

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II- Evaluation des biens immobiliers

§1- La valeur en théorie L’évaluation des biens immobiliers telle qu’elle se pratique fait souvent référence à la notion de valeur plutôt qu’à celle du prix. Le but de cet article est de montrer que ces deux notions coexistent depuis très longtemps dans la littérature économique et qu’il est donc parfaitement logique que les méthodologies utilisées pour l’évaluation y fasse référence. Ainsi est-on conduit à étudier les différentes techniques d’expertises immobilières, avec leurs avantages et leurs inconvénients. Il semble que l’on soit passé insensiblement de méthodes d’appréciations empiriques à des méthodes issues de la théorie financière. La méthode hédoniste échappe pourtant à cette classification dans la mesure où s’inspirant de la nouvelle théorie du consommateur, elle valorise un immeuble, non pas dans sa globalité, mais élément par élément.

Valeur plurale des actifs Traditionnellement les biens immobiliers sont évalués à partir d’expertises réalisées par des professionnels lors d’une mutation à titre onéreux. Mais deux possibilités sont à envisager : soit il s’agit d’un bien devant faire l’objet d’une transaction immédiate, soit il s’agit de la valorisation d’un immeuble faisant partie d’un patrimoine qui sera conservé en l’état. Dans le premier cas, la valeur de marché sera considérée comme la référence. Dans le second cas, il peut sembler naturel que l’appréciation se fasse sur d’autres critères sachant que le détenteur n’a pas d’obligation au niveau de la vente et qu’aucun acquéreur potentiel ne s’est présenté spontanément. Cette dernière situation concerne notamment les gérants des SCPI et les compagnies d’assurances qui ont l’obligation légale de procéder régulièrement à l’évaluation des actifs inscrits au bilan. Mais s’interroger sur l’incidence de la situation du détenteur d’un bien immobilier sur la valeur de ce bien, c’est supposer à priori qu’il n’existe pas un seul prix mais plusieurs pour un immeuble déterminé. Cette question de la valeur plurale des actifs a déjà fait l’objet de nombreux débats. Certains économistes distinguent prix et valeur d’un bien, tandis que d’autres soulignent que le prix obtenu sur un marché est le seul indicateur fiable de la valeur. Une présentation des thèses en présence fera l’objet d’une première partie. Elle annonce un autre débat, celui entre les tenants des méthodes d’expertise classique présentées en deuxième partie et ceux qui leur préfèrent les méthodes modernes exposées en dernière partie.

La valeur chez les Anciens Le terme valeur appartient d’abord à la philosophie et la valeur dans son sens le plus général « consiste dans l’accord des jugements collectifs que nous portons sur l’aptitude des objets à être plus ou moins, et par un plus ou moins grand nombre de personnes, crus désirés ou goûtés »(Foulquié, Dictionnaire de la langue philosophique, PUF⊥1962, p.⊥747).. Déjà les Grecs au IVe siècle avant J.C., considérant que l’échange résulte du fait que les individus recherchent des biens pour vivre bien mais ne produisent pas tout ce dont ils ont besoin, distinguaient une valeur d’usage et une valeur d’échange des biens. La première est celle qui venait satisfaire un besoin déterminé chez un individu, la seconde celle qui lui permettait d’obtenir un autre bien par l’échange (Aristote). Les chinois à la même époque avaient une conception plus étatique de l’équilibre des échanges et estimaient que : « s’il y a peu ou insuffisance, ce sera lourd; s’il y a beaucoup ou en abondance, ce sera léger... le grand profit de l’économie légère-lourde provient du fait d’employer une politique lourde contre une situation légère et de mettre en vente à bon marché des produits pour assurer l’équilibre du marché contre une situation lourde » (Kouang-Tchong, Le Kouan-Tseu; IVe siècle av. J.C.)

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cité par Wolff⊥J., Les pensées économiques des origines à nos jours, Economica⊥1993, p.⊥21). Mais c’est à partir de la fin du XVIIIe siècle avec Adam Smith, puis David Ricardo que se constitue une véritable théorie de la valeur dont le but est, comme il s’agit d’économie, de parvenir à construire une explication des prix. La difficulté de l’entreprise, comme le rappelle Mouchot [1994], est double. D’une part, il s’agit d’expliquer la distinction entre valeur d’usage et valeur d’échange et, d’autre part de répondre à la question : quelle est la source de la valeur, la rareté, le travail, ou les deux à la fois ? Adam Smith émet une double hypothèse sur cette origine. La première s’applique à un état primitif. À ce stade, où il n’y a pas accumulation des capitaux et appropriation du sol, c’est uniquement la quantité de travail incorporée dans la production d’un bien qui détermine sa valeur. La seconde concerne un état avancé de la société. Dans ce contexte, où certains individus ont accumulé des capitaux et sont devenus propriétaires terriens, la valeur doit tenir compte de la rémunération de l’ensemble des facteurs de production. En d’autres termes, la valeur d’un bien équivaut à la somme des salaires (prix du travail), des profits (rémunération du capital) et de la rente (loyer de la terre). Parallèlement, il différencie le « prix naturel » qui est le point central vers lequel gravitent continuellement les prix de toutes les marchandises et le « prix de marché », prix actuel auquel une marchandise se vend communément. Il peut être ou au-dessus ou en dessous ou précisément au niveau du prix naturel (Smith⊥A., La richesse des nations⊥1776). Comme tous les économistes qui le suivent, A. Smith reconnaît que le bien économique peut être appréhendé de manière subjective par la satisfaction qu’il procure, et c’est la notion de valeur d’usage, ou de manière objective à partir de la quantité de bien échangé qui détermine la notion de valeur d’échange. Mais du fait de son caractère subjectif « donc non communicable en un langage intelligible » (Dieterlen⊥P., L’idéologie économique, Cujas 1964 et Mouchot précité), la valeur d’usage ne peut faire l’objet d’un discours scientifique et n’est donc pas prise en compte dans la théorie de la valeur. De ce fait, les théories de la valeur apparaissent comme des explications partielles des prix et alimentent les discussions entre prix « réel » et prix « théorique ». Ces théories se répartissent d’ailleurs en deux familles : celles qui se fondent sur le travail (Ricardo, Marx) et celles qui se fondent sur la rareté (Walras, Pareto) qui seront évoquées successivement.

Théories sur la valeur C’est pour pouvoir mesurer la valeur du Produit National Brut anglais que David Ricardo élabore sa théorie de la valeur (Ricardo⊥D., Des principes de l’économie politique et de l’impôt, 1817). Il oppose les biens rares et les biens non rares. S’agissant des premiers leur valeur dépend surtout de leur rareté. Or, on ne peut pas s’attacher à étudier des biens dont la valeur dépend « de la fortune, du goût et du caprice » ou qui sont fabriqués à partir de situations de monopoles. Pour les seconds dont la quantité peut s’accroître par « l’industrie de l’homme et dont la production est encouragée par une concurrence libre de toute entrave », la valeur ne dépend pas d’un échange particulier, mais surtout de la quantité de travail nécessaire à la production de ce bien. Tout en reconnaissant l’importance du marché, il estime que le profit et la rente sont des connaissances de la valeur et non pas des causes de celle-ci et que par conséquent il ne faut pas en tenir compte pour son calcul. Enfin, pour Léon Walras et les théoriciens de la rareté, la valeur d’échange se détermine sur le lieu d’échange, c’est-à-dire sur le marché. Pour eux, c’est la demande qui est essentielle car elle « doit être considérée comme le fait principal, et l’offre comme un fait accessoire. On n’offre pas pour offrir, on offre que parce qu’on ne peut pas demander sans offrir; l’offre n’est qu’une conséquence de la demande »(Walras⊥L., Eléments d’économie politique pure, 1874). Le prix résulte d’un état d’équilibre général, c’est-à-dire au moment où le profit pur est nul, où l’entrepreneur disparaît. « Ils subsistent alors non comme entrepreneurs mais comme

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propriétaires fonciers, travailleurs ou capitalistes dans leurs propres entreprises ou dans d’autres ». Il ressort de ces théories - qualifiées de classiques et néo-classiques - que le prix d’un bien ne résulte pas simplement du libre jeu de la concurrence et de la confrontation naturelle de l’offre et de la demande mais s’établit, pour les uns en fonction de la valorisation des facteurs de production, pour les autres en fonction de la demande liée à un phénomène de rareté. On retrouve ainsi les bases de discussions fréquentes sur l’origine des augmentations des prix immobiliers. Certains les attribuent essentiellement au foncier, qui devient alors un élément majeur du coût de la production immobilière et d’autres à la demande issue de la rareté d’une catégorie d’immeubles. Ces discussions apparaissent aussi, certes de manière un peu différente, au niveau des valeurs mobilières. Il s’agit alors de savoir s’il faut apprécier la valeur d’une société sur la base du prix des dernières transactions réalisées sur ses actions - transactions qui portent généralement sur une faible partie des titres disponibles sur le marché (phénomène de rareté) - ou à partir de l’analyse des données fondamentales de la société ayant émise ces titres (rémunération des facteurs de production). Or, à partir du milieu des années cinquante la représentation de l’économie globale en termes de prix et de marché où le rôle principal est tenu par le taux d’intérêt commence à devenir prépondérante. En se basant sur le résultat d’analyses empiriques ou des raisonnements purement déductifs ou théoriques la réponse actuelle des économistes sur le point de savoir s’il faut différencier le prix de la valeur d’un actif est négative. Pour expliquer cette position, Paul Samuelson a inventé le concept de « prix fantôme » car, précise-il, « on a jamais vu sur terre ou sur mer, la vraie valeur, le vrai prix. On l’a vu uniquement dans les bibliothèques des économistes » et il ajoute qu’aucune estimation de la valeur intrinsèque n’est plus précise que le prix de marché sur lequel acheteur et vendeur se mettent d’accord.

Hypothèse des anticipations rationnelles Paul Samuelson est le premier économiste américain a avoir reçu en 1970 le prix Nobel de sciences économiques. Il est à l’origine d’une des plus importantes innovations théoriques connue sous le nom d’Hypothèse des anticipations rationnelles, selon laquelle la plupart des êtres humains ont des préférences stables et bien définies, et font des choix rationnels cohérents avec ces préférences. Il a étudié comment le comportement humain détermine les anticipations et comment les anticipations déterminent les prix spéculatifs sur les marchés financiers. Les théories économiques classiques, développées notamment par A. Smith, reposaient sur l’existence d’une main invisible qui guidait le système de la libre entreprise, des marchés concurrentiels et de la propriété privée, les individus s’efforçant de suivre uniquement leur propre intérêt. Samuelson développe l’idée selon laquelle le comportement des investisseurs produit des prix qui fluctuent de manière aléatoire mais reflètent au mieux les valeurs intrinsèques. « On pourrait s’attendre à ce que les gens sur les marchés qui poursuivent de manière avide et intelligente leur intérêt personnel, tiennent compte des évènements futurs dont il est possible de voir, en un sens probabiliste, qu’ils projettent leur ombre devant eux ». Comme le précise P. Berstein (Berstein⊥P.-L., Des idées capitales, PUF 1995), Samuelson insiste beaucoup sur l’importance de l’information car aucun investisseur en action, aucun acheteur de marchandises livrables à une date future, et aucun prêteur ou emprunteur ne peut arriver à une décision sans disposer d’une quelconque information, ou suivant la formule de J. Treynor, rédacteur en chef du Financial Analyst Journal : « si vous n’êtes pas assuré de devenir riche en utilisant toutes les informations disponibles, par contre, vous pouvez être certain que vous deviendrez pauvre si vous ne le faites pas ».

Quatre principes fondamentaux En définitive, quatre principes généraux peuvent être énumérés concernant la double notion de valeur et de prix :

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1) Les prix ont tendance à tourner autour de la « vraie valeur ». 2) En théorie, la concurrence rétablit toujours l’égalité entre le prix d’un bien et sa

valeur. 3) Aucune autre estimation de la valeur intrinsèque n’est plus précise que le prix de

marché. 4) Encore faut-il que ceux qui achètent ou qui vendent disposent de la même information.

De la théorie à la pratique Le message important qui résulte de ces réflexions - dans un contexte de relative abondance des biens immobiliers - est donc, finalement, qu’aucune autre valeur n’apparaisse plus proche de la valeur intrinsèque que celle donnée par le prix de marché. Cela signifie que lorsqu’on recherche la valeur réelle d’un bien, il faut essentiellement se fier à sa valeur de marché. Lorsque le marché n’est pas systématiquement efficient, ce qui est assez fréquent en matière d’immobilier notamment quand la concurrence faute d’être parfaite est à peine réelle et que l’information existante est partiale, il faut pouvoir cependant être en mesure d’estimer les biais provoqués par cet état particulier. C’est ce qui se produit souvent pour les actions des sociétés foncières lorsqu’on observe une décote importante de leur cours sur le marché boursier. Cette différence, qui peut atteindre trente à quarante pour cent, entre la valeur d’expertise des biens immobiliers détenus par la société et celle résultant de la valorisation des cours des titres de la société traduit, pour l’essentiel, le manque de confiance des acheteurs dans les informations diffusées par la société, en particulier pour la valorisation des immeubles inscrits au bilan. Aussi, lorsque le marché n’est pas efficient, ne serait-ce que par manque d’organisation, le problème est alors d’établir un prix qui soit le plus proche du marché, c’est-à-dire qui tienne compte du maximum d’informations disponibles. Or, fondamentalement, le prix résulte de deux facteurs : - le premier tient compte des informations du moment, ou des informations exploitables sur les données observées dans le passé; - le second, tout aussi important, correspond à des estimations sur l’avenir des biens ou des actifs étudiés. Le prix de marché sera le prix d’équilibre résultant des observations sur les transactions passées et sur les estimations futures de la rentabilité du bien. Le vendeur a tendance à se baser sur des informations passées ou actuelles pour définir son prix. Il connaît les conditions dans lesquelles il s’est procuré le bien, son prix d’acquisition et les rendements qu’il a pu en obtenir. Par contre, l’acheteur doit nécessairement anticiper les conditions d’exploitation, le rendement locatif et le prix de revente du bien dans les années futures. Il y a donc deux approches assez différentes, l’approche « passée » et l’approche « future », qui transparaissent dans toute négociation immobilière. Cette dualité se retrouve aussi dans les techniques utilisées pour la mise en vente des biens immobiliers. Ainsi, en Ecosse, le vendeur fait un appel d’offre sans préciser le prix qu’il souhaite obtenir de la cession de son bien. Au vue des résultats de sa consultation, si la meilleure offre lui paraît acceptable, il décide de le céder. Sinon il retire son bien de la vente. Les acheteurs sont dans une position assez difficile car ils font une offre sans connaître exactement ni le nombre d’acheteurs potentiels ni le prix qu’ils vont proposer. Cela les oblige à faire une étude de marché assez exhaustive. En France et généralement dans les pays latins, c’est le vendeur qui fixe le prix et les acheteurs potentiels se présentent ou non en fonction des prétentions du vendeur. Ce n’est que lorsqu’il y a plusieurs acheteurs en lice qu’une procédure d’appel d’offre est parfois mise en place. Dans le premier cas on est dans une logique de marché et d’anticipations sur le futur puisque les acheteurs projettent nécessairement les conséquences de leur décision sur les années à venir. Dans le second cas, c’est la référence aux facteurs de production qui prédomine, les vendeurs étant surtout

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sensibles à la marge qu’ils vont dégager sur la cession par rapport aux éléments de son coût d’acquisition. De ces modalités de mise en vente résultent aussi deux méthodologies d’évaluation. La première tient lieu de fondement de l’expertise traditionnelle. La seconde, surtout pratiquée par les anglo-saxons, tend à épouser les méthodes financières d’évaluation. Le prix doit résulter de la confrontation entre les résultats de ces deux méthodologies, qui traduisent en définitive la confrontation entre l’offre du vendeur et la demande de l’acheteur.

§2- Méthodes traditionnelles d’évaluation Traditionnellement, la valeur vénale est déterminée : soit par une approche par comparaison directe, soit par capitalisation d’un revenu effectif ou théorique. La méthode par le coût de remplacement n’est utilisée que de façon marginale, à titre consultatif ou par défaillance des autres méthodes.

La valeur à dire d’expert L’expertise n’est pas une science exacte. On peut également dire qu’elle n’est pas une science rigide. L’expertise est un acte de lecture des marchés à partir de normes qui sont parfois contestables mais qui ont l’avantage de définir un cadre unique pour toutes les évaluations. L’analyse des méthodes consacrées par l’usage répond à un double objectif : -définir un principe commun à l’expertise : un acte de lecture du marché -définir une limite commune à l’expertise : un manque de lisibilité du marché. De façon schématique, le processus général d’évaluation repose sur une définition de la valeur, des méthodes de détermination de la valeur, une phase de conciliation. Définition de la valeur vénale La valeur que cherche à déterminer l’expert est la valeur dite vénale, également intitulée valeur marchande, prix de marché, valeur de réalisation. Dans le guide méthodologique relatif à l’évaluation des actifs immobiliers, le concept de valeur vénale est défini de la façon suivante par les professionnels de l’expertise : « La valeur vénale correspond au prix auquel un bien ou un droit de propriété peut être raisonnablement cédé en cas de mise en vente amiable au moment de l’expertise les conditions suivantes étant supposées réunies :

a- libre volonté du vendeur b- l’existence d’au moins deux acquéreurs potentiels. c- la disposition d’un délai raisonnable pour la négociation, compte tenu de la nature du bien et de la situation du marché. d- le maintien de la valeur à un niveau sensiblement stable pendant ce délai. e- des conditions de mise en vente et de publicité normale. f- que les parties en présence n’ont pas été influencées par des raisons de convenance personnelles. »

Il est en outre précisé par ce guide, que la valeur vénale d’un bien peut être défini sous deux hypothèses : - la valeur libre d’un bien ou supposé tel, partant du principe que le bien est vacant et libre de toute occupation, - la valeur du bien occupé qui tient compte de la présence dans les lieux d’occupants titrés ou non.

Définition de la Cour de cassation A noter que ces différentes conditions concernent le fonctionnement du marché et non la notion même de valeur et que, logiquement, la prise en compte des anticipations de l’acquéreur sur le rendement locatif lié à la présence ou non d’occupants, devrait faire l’objet

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d’une méthodologie unique. En effet, pour qu’il y ait prix de marché, il faut nécessairement l’existence d’un marché concurrentiel. D’où la définition retenue par la Cour de cassation : « la valeur vénale d’un bien est constituée par le prix qui pourrait en être obtenu par le jeu de l’offre et de la demande dans un marché réel au jour de la mutation. » (Cass. com., 6⊥mai 1986, no⊥84-17.553, Chancel, Bull. IV, no81, p.⊥70).

A. Méthode par comparaison Une méthode préconisée par l’administration des impôts

L’évaluation par comparaison a les faveurs de l’administration et de l’expertise traditionnelle. « L’administration des impôts préconise généralement l’utilisation de la méthode d’évaluation par comparaison et considère qu’en aucun cas, la moyenne arithmétique des résultats obtenus en appliquant différentes méthodes, aussi nombreuses soient-elles, ne saurait traduire la valeur vénale réelle d’un immeuble. Pour l ’administration, seule une analyse rigoureuse des prix constatés sur le marché permet d’éliminer les valeurs extrêmes et de dégager des tendances dominantes d’un marché apparemment discordant. La méthode d’évaluation par comparaison procède directement de l’application de ces principes. Par ailleurs, c’est la principale méthode utilisée non seulement par l’administration, mais aussi par les experts privés et les juridictions qui ont à connaître des litiges portant sur les valeurs immobilières. Les autres méthodes ne sont utilisées que lorsque les résultats obtenus par la méthode d’évaluation par comparaison ont besoin d’être confortés en raison notamment de la faiblesse de l’activité du marché local. (Rép. Peyrou, Sén. 25 mars 1982, p. 835) »4. C’est donc, en France, une méthode fondamentale d’application générale.

Les éléments de la comparaison Le principe de la méthode comparative est simple. Ayant à estimer un bien quelconque, l’évaluateur recherchera des exemples de ventes récentes de biens comparables. Pour mener à bien la comparaison, on réduira l’ensemble des biens à une dénomination commune, appelée réduction. Les biens immobiliers se caractérisant essentiellement par leurs dimensions, les réductions les plus courantes sont des unités de surface (mètre carré pour les terrains à bâtir, hectare pour les terrains d’agrément ou de culture, mètre carré utile pour les appartements, etc.). Il existe toutefois d’autres types de réductions comme la chambre pour les hôtels, les lits pour les cliniques, la place spectateur pour les établissements de spectacle. La valeur unitaire ainsi définie sera multipliée par le nombre de m2 du bien expertisé pour en obtenir sa valeur. Cette méthode se résume à une règle de trois. Elle repose sur le critère de substitution : un acheteur informé n’accepte pas de payer un bien à un prix supérieur au prix du bien qui pourrait lui procurer les mêmes avantages. Si cette méthode est simple dans son principe, elle est plus difficile à mettre en oeuvre. Elle nécessite la recherche de transaction d’unité comparable par une étude exhaustive, objective et critique du marché. Cette lecture du marché conditionne le résultat et la fiabilité de cette méthode. Les principales sources de données sur les ventes sont les suivantes : les notaires et agents immobiliers, les conservations des hypothèques (toute personne qui a connaissance, soit des noms, prénoms et date de naissance du vendeur ou de l’acquéreur, soit des références cadastrales du bien cédé, peut obtenir la copie d’un acte de vente auprès de la conservation des hypothèques). On doit, par contre, ne pas retenir les informations recueillies dans les journaux et les répertoires des maisons à vendre. En effet, l’écart entre les prix annoncés et les prix obtenus entraîneraient un biais statistique.

4 Cité par les Editions Francis Lefebvre dans l’ouvrage intitulé « Evaluation », 1992, p. 20

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De façon générale, l’expert doit, à partir de ces sources d’information, sélectionner toutes les ventes qui ont eu lieu dans le sous-marché immédiat de l’objet d’évaluation. L’objectif de cette sélection est d’obtenir un échantillon homogène, la méthode par comparaison consistant à transposer au bien à évaluer une valeur que l’on souhaite représentative. La comparabilité étant une notion relative il s’agit de retenir des mutations récentes (unité de temps), présentant des similitudes de localisation (unité de lieux), et des caractéristiques physiques comparables.

Les facteurs qui influencent la comparaison L’unité de lieu : Pour l’évaluation d’immeuble de rapport, la comparaison doit s’effectuer dans des secteurs du marché où sont offerts des services comparables à des loyers comparables. Il est d’usage de considérer une aire géographique plus vaste que pour les unités résidentielles, ou l’unité de lieu est le quartier. S’il est impossible de trouver des ventes dans le même quartier, on devra étendre la prospection à des quartiers qui ont les mêmes caractéristiques (accessibilité, type de construction, taxe, type de ménage) L’unité de temps : Son amplitude est fonction du dynamisme du marché sous-jacent au bien expertisé. Les éléments de référence présentent par définition une antériorité à la date d’expertise. Si le marché étudié présente une forte volatilité, les éléments de référence seront très vite en décalage avec le marché. Il est dans ce cas nécessaire de réduire l’unité de temps. L’unicité du bien : Dans l’absolu l’unicité de chaque bien oblige l’expert à faire des ajustements. L’analyse du marché exige ainsi une observation par caractéristique à ajuster. De ce fait, le nombre de propriétés comparables à retenir est directement déterminé par le nombre de caractéristiques différentes de l’objet expertisé. L’expert devrait définir la contribution marginale de chaque caractéristique pour homogénéiser les comparables à l’objet expertisé, soit par une régression linéaire simple, de façon séquentielle pour des biens présentant plusieurs caractéristiques distinctes, soit par une régression linéaire multiple, c’est le principe de la méthode hédoniste.

Les limites de la méthode par comparaison : La fiabilité de cette méthode est liée aux possibilités de lecture du marché. Ainsi, dans le cadre de marché étroit, caractérisé par une pénurie relative d’objets comparables en raison de la forte identité du bien à expertiser, l’expert aura des difficultés à la mettre en oeuvre. Dans les cas extrêmes, l’importance des ajustements pénalisera cette méthode. Un second reproche concerne l’intégration du facteur temps : la méthode par comparaison est focalisée sur le passé. Ainsi, elle ne fait que reproduire la tendance passée à la hausse comme à la baisse. Ce qui peut aboutir à une amplification des mouvements du marché. Par exemple, si des hausses de 10% ont été observées deux années de suite, les prix seront augmentés d’un pourcentage équivalent l’année suivante, même si entre-temps le marché s’est stabilisé ou retourné. En fait, cette méthode fait trop souvent référence au prix du dernier objet vendu qui constitue alors abusivement le marché. La valeur dite vénale, fondée sur des transactions passées est naturellement en contradiction avec une logique acheteuse qui doit essayer d’anticiper les évènements futurs. Il en résulte nécessairement des blocages et parfois une multiplication des panneaux « à vendre » dans nos cités.

B. Méthode par capitalisation des loyers Présentation de la méthode

Il apparaît évident que la valeur d'un bien ne peut être indépendante des revenus qu'il procure. Aussi est-il naturel de calculer le rapport entre le montant du loyer annuel et la valeur d'un immeuble. Le professionnel connaissant ce rapport peut l'appliquer au loyer d'un immeuble afin d'en déterminer la valeur. Le rendement locatif jugé approprié par l'évaluateur est donc utilisé comme taux de capitalisation du loyer. Bien évidemment, l'inverse de ce taux, c'est-à-

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dire le rapport entre la valeur de l'immeuble et le montant annuel des loyers5 permet de déterminer le nombre d'années nécessaires pour que les revenus locatifs égalisent le montant de l'investissement. Ainsi la méthode d’évaluation par capitalisation du revenu permet d’obtenir la valeur vénale d’un immeuble en appliquant au revenu de cet immeuble un coefficient de capitalisation. Elle repose alors sur l’existence d’une corrélation entre le revenu d’un immeuble et sa valeur marchande. Sa mise en oeuvre nécessite la détermination du revenu généré par l’immeuble et du taux de capitalisation. Sur le plan théorique, si l’on désigne par R le taux de capitalisation, et par L(t) et V(t) le loyer et la valeur du bien à un instant (t), on peut écrire V(t)=L(t)/R. Cette relation exprime sur le plan purement mathématique que la valeur du bien serait équivalente, dans l’hypothèse d’un loyer fixe égal à L, à la valeur d’une rente perpétuelle dont la rente serait le loyer. R, est également appelé taux de rendement. Nous verrons par la suite qu’il est possible de lever l’hypothèse de constance des loyers et de substituer à la notion de rendement le concept de rentabilité utilisée dans la méthode financière. L’estimation par capitalisation peut être également considérée comme un cas particulier de la méthode comparative, la détermination du taux de capitalisation se faisant à partir de la lecture du marché immobilier, par comparaison. La mise en oeuvre de cette méthode nécessite de déterminer le revenu généré par le bien et le taux de capitalisation applicable à ce revenu. Cette méthode peut être déclinée de différentes façons selon l’assiette de revenu considéré auxquelles correspond des taux de rendements distincts. Pour la détermination du revenu, il est préférable de se baser sur le revenu brut et non sur le revenu net. Le revenu net est trop fluctuant pour constituer une base d’évaluation. En raison de la sensibilité de la valeur vénale au taux de capitalisation, la détermination de ce taux constitue une étape importante. Le choix du taux de capitalisation se fait par référence au marché immobilier. L’expert va rechercher parmi les données du marché, un certain nombre de ventes pour lesquelles il connaît les revenus et les prix de vente. Si les biens retenus constituent un échantillon homogène représentatif du bien expertisé, les taux de capitalisations sont proches et permettent d’en déduire un taux de capitalisation normal. Reste à appliquer ce taux au revenu de l’objet expertisé. Plusieurs critères doivent être considérés pour obtenir un échantillon homogène. La méthode par capitalisation traite des flux de revenu sans distinguer leur origine. Il faut donc s’assurer que la répartition entre la valeur du terrain et du bâtiment soit approximativement la même. Le taux de capitalisation est un taux de rendement et non une rentabilité. Il faut donc s’assurer que les biens utilisés dans les comparaisons subissent approximativement la même appréciation ou dépréciation que le bien étudié. Ils doivent donc être d’âge similaire et situés dans des marchés similaires. Le taux de rendement doit récompenser le risque assuré par le propriétaire. L’échantillon doit être constitué de biens présentant un niveau de risque similaire. Dans la pratique, la difficulté de trouver des termes comparables conduit l’expert à ajuster le taux de capitalisation issu du marché.

Le choix du taux de capitalisation Pour mener à bien cette opération, il est nécessaire de connaître les facteurs qui influencent ce taux. Le taux de capitalisation varie en sens inverse de la classe de l’immeuble. Plus celui-ci est de haut de gamme, plus le taux de capitalisation est faible. Lorsque le bien étudié comporte des cours ou des terrains importants, le taux de capitalisation retenu est largement inférieur aux taux habituellement constatés pour des constructions identiques, car la valeur vénale du terrain représente une part importante de la valeur totale du bien. Pour un bien

5 Au XVIIIe siècle on utilisait déjà l'expression "au denier" pour désigner ce multiplicateur.

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vétuste, le taux de capitalisation est élevé car ces immeubles exigent de grosses réparations et sa valeur vénale s’en trouve réduite. Le taux va également varier avec le régime d’occupation. L’étude des facteurs qui influencent le taux de capitalisation permet de comprendre l’adoption d’un taux majoré ou minoré par rapport au taux observé. Toutefois la quantification de l’impact de ces facteurs reste à l’appréciation de l’expert dans une large mesure. En raison de la forte sensibilité de la valeur vénale au taux de capitalisation, la détermination du taux de capitalisation n’est pas neutre. En la jugeant arbitraire, elle alimente le discours des détracteurs de cette méthode. L’étude de l’impact du taux de capitalisation sur la valeur vénale permet de mieux comprendre l’enjeu du débat.

Tableau - Variation des valeurs en fonction d’une variation du taux de capitalisation Augmentation du taux de

Les valeurs diminuent de (%)

Baisse du taux de Les valeurs augmentent de (%)

1 à 2 -50,00 2 à 1 100,00 2 à 3 -33,33 3 à 2 50,00 3 à 4 -25,00 4 à 3 33,33 4 à 5 -20,00 5 à 4 25,00 5 à 6 -16,67 6 à 5 20,00 6 à 7 -14,29 7 à 6 16,67 7 à 8 -12,50 8 à 7 14,29 8 à 9 -11,11 9 à 8 12,50 9 à 10 -10,00 10 à 9 11,11 10 à 11 -9,09 11 à 10 10,00

Ce tableau illustre la sensibilité de la valeur vénale au taux de capitalisation. On remarque que cette sensibilité n’est pas linéaire : les variations de valeurs obtenues pour une même variation de taux n’évoluent pas de façon constante. On constate que la sensibilité est corrélée négativement au taux. Ces relations sont valides à la hausse comme à la baisse mais de manière non symétrique. En inversant la causalité, on peut également chercher à déterminer un intervalle de confiance d’un taux de capitalisation pivot, représentant un écart identique de valeur de +/- 5% pouvant correspondre à la marge d’évaluation propre à l’expert.

Tableau - Evolution de l’intervalle de confiance pour un écart de 5% Taux pivot Intervalle de

confiance

Amplitude de l’intervalle de

confiance 1 0,95 1,05 0,10 2 1,90 2,11 0,20 3 2,86 3,16 0,30 4 3,81 4,21 0,40 5 4,76 5,26 0,50 6 5,71 6,32 0,60 7 6,67 7,37 0,70 8 7,62 8,42 0,80 9 8,57 9,47 0,90 10 9,52 10,53 1,00 11 10,48 11,58 1,10

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Ce tableau met en évidence que l’amplitude de l’intervalle de confiance est fonction du niveau du taux. Elle augmente au fur à mesure que le taux augmente. En partant de l’idée que l’expertise n’est pas une science exacte, et qu’il existe une imprécision de l’ordre de 5% dans la fixation de la valeur vénale, juger de l’arbitraire de cette méthode revient à se demander lorsque les taux sont très faibles, si une lecture rigoureuse du marché, fondé sur des critères objectifs permet de définir un taux de capitalisation appartenant à l’intervalle de confiance. Dans ce cas, rejeter cette méthode revient à dire que l’analyse du marché n’est pas suffisamment discriminante. Pour des taux très élevés, on peut aussi se demander, si la lecture du marché n’est pas discréditée par la faible sensibilité de la valeur vénale à ce type de taux qui se manifeste par une forte amplitude de l’intervalle de confiance. Il reste enfin à étudier l’attitude de l’expert face à un loyer hors marché. La première question posée est de savoir si cette situation est susceptible de perdurer. Les dispositions légales étant en faveur du locataire et non du propriétaire, deux cas sont à distinguer : Logement loué trop cher : Cette situation défavorable au locataire est limitée dans le temps compte tenu des facilités du locataire à quitter les lieux. Pour déterminer la valeur du bien, on capitalisera le loyer jugé normal et non l’effectif au taux de capitalisation du marché. Logement mal loué : Cette situation défavorable au propriétaire s’inscrivant dans le temps, on devra pratiquer une décote par actualisation de la perte du loyer, considérée comme la différence entre le loyer normal et le loyer constaté. Pour déterminer la décote, il est nécessaire d’estimer la durée pendant laquelle le loyer ne pourra pas être ajusté. Cette durée est fonction du type de bail et des conditions de financement. Pour un logement en loi de 48, avec un droit au maintien dans les lieux, on ne peut retenir que l’espérance de vie du locataire. Pour les autres cas de location, le renouvellement de bail permet la remise à niveau du loyer. Parfois, ce sont les conditions de financement qui plafonnent les loyers pour une certaine durée. Les dispositions légales induisent un rapport de force en faveur du locataire. La rente de situation du propriétaire a une durée de vie plus courte que celle du locataire. Au niveau de l’expertise, cela se traduit par l’enregistrement d’une décote, et la non prise en compte d’une surcote.

Limites de la méthode de capitalisation L’utilisation de cette méthode suppose que le taux de capitalisation retenu traduise la valeur de marché du bien immobilier correspondant, c’est-à-dire qu’à des revenus locatifs identiques correspondent des prix de marché identiques. Comme c’est rarement le cas, l’expert est obligé d’ajuster à la fois les taux et les revenus en fonction de règles plus ou moins arbitraires qui limitent d’autant les possibilités d’application. En outre les ajustements de taux, même minime, déterminent souvent des variations de valeur très importantes qu’il y a lieu de contrôler en se référant aux prix pratiqués sur le marché. En définitive, ces ajustements aboutissent à recalculer le taux de capitalisation en partant de la valeur de marché - obtenue par comparaison - et, donc, en quelque sorte, de rendre inutile cette méthode d’évaluation par capitalisation.

C. Méthode d’évaluation par les coûts Exposé de la méthode

Cette méthode est surtout utilisée pour les expertises demandées à la suite de la survenance d’un sinistre. La question posée est alors de connaître le montant de l’indemnisation à verser au propriétaire du bien immobilier pour qu’il retrouve son immeuble en l’état. Si, par exemple, un incendie a ravagé l’ensemble, le montant de l’indemnité sera équivalent à la valeur de l’immeuble au moment du sinistre excepté le prix du terrain. Pour déterminer cette valeur on procède à une évaluation du prix de reconstruction à neuf, duquel on déduit un certain nombre d’abattements permettant d’ajuster cette valeur à l’état du

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bien au moment du sinistre. En y ajoutant le prix du terrain on obtient la valeur de l’immeuble. Mais ces abattements étant plus ou moins bien justifié, il en résulte des critiques assez virulentes pour l’application de cette méthode à la détermination de la valeur vénale des biens immobiliers. Pour autant, alors qu’en France cette méthode n’est pas reconnue par les tribunaux, en Suisse elle sert de base à l’évaluation des fonds immobiliers. Le principe se résume à la relation suivante :

V = Prix du terrain + (Prix construction neuve - Dépréciations)

1°) Le prix du terrain résulte d’une évaluation par la méthode de comparaison avec les avantages et les inconvénients de cette méthode, mais appliquée à un élément restreint de l’ensemble (de 10% à 20% suivant la localisation). En particulier, la topographie du terrain, sa configuration géométrique, son orientation et sa localisation sont des éléments qu’il faut pouvoir correctement ajuster dans la comparaison. 2°) Détermination du coût de reconstruction à neuf Théoriquement, on peut soit reconstruire, soit remplacer. Reconstruire, c’est : « Produire une réplique exacte du bâtiment. Cette réplique doit incorporer les mêmes matériaux, les mêmes procédés de construction et les mêmes particularités de design et de décoration que le bâtiment initial. Cette réplique incorpore donc les éléments de désuétude et de suréquipement qui peuvent affecter le bâtiment ». Remplacer, c’est : « Produire un bâtiment substituable : un bâtiment qui, sans nécessairement reprendre le même modèle ni les mêmes matériaux, pourra procurer la même utilité à son utilisateur » (ces définitions s’inspirent du Dictionary of Real Estate Apppraisal reprises par les manuels d’expertise canadiens et citées par Achour⊥D. (1992). La première possibilité coûte plus chère et la seconde est souvent plus utile. En effet, le recours à des matériaux de substitution et des procédés de construction novateurs ainsi que l’élimination des désuétudes physiques et fonctionnelles dans le cas du remplacement aboutit à des économies et une meilleure utilisation du bâtiment. Plutôt que reconstruire on préfère donc généralement remplacer. Deux techniques sont généralement utilisés pour déterminer le prix du neuf. Soit la comparaison directe entre bâtiment de même nature ramené au mètre carré de surface (chambres pour un hôtel, magasins dans un centre commercial,...), soit la sommation des prix de revient actuels des différentes composantes de la construction. Dans ce dernier cas, on peut soit simplifier en décomposant le moins possible (par exemple en fonction de différents lots : fondations, maçonnerie, charpente couverture, second œuvres) ou au contraire détailler les quantités de matériaux utilisés et les temps requis pour leur mise en place. Une variante est de reprendre le prix de construction à neuf à partir, lorsqu’elle est connue, de la décomposition des prix de la construction à l’époque de sa réalisation, puis d’appliquer à ces divers éléments un indice de revalorisation comme celui du bâtiment (BT 01) ou celui de la société centrale des architectes. Le prix du neuf est alors déduit du coût originel de la construction en actualisant ses composantes à partir d’index appropriés. 3°) Dépréciations On distingue généralement la dépréciation physique résultant de la détérioration d’un bâtiment ou de la vétusté de ses équipements, la dépréciation fonctionnelle ou obsolescence liée à la diminution de l’utilité du bâtiment, et la dépréciation économique provenant d’une modification de son environnement ou de son cadre juridique. Ce dernier facteur peut d’ailleurs être dans certains cas une source d’amélioration compensant pour tout ou partie les dépréciations précédemment citées. L’estimation de ces dépréciations ne repose pas sur une méthodologie très rigoureuse mais sur un ensemble de pratiques adaptées de la multiplicité

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des causes de dépréciations. La méthode la plus simple et probablement la plus convaincante, lorsque le marché présente de nombreuses transactions sur des biens analogues, consiste à observer la dépréciation dans des immeubles comparables. Le montant de la dépréciation, en prix au mètre carré, correspondra à l’écart entre une construction neuve et un bâtiment ancien de même type. La plus critiquée, notamment par les tribunaux, est celle qui, partant d’une estimation du prix du bâtiment à son origine puis de sa revalorisation, détermine des coefficients d’abattements en fonction de la longévité des différentes parties du bâtiment. Par exemple, si la couverture doit être changée tous les 25 ans et que 15 années sont passées depuis la dernière réfection, un coefficient d’abattement de 60% sera appliqué par rapport à la valeur réactualisée de la toiture.

Critique des méthodes basées sur le prix de revient de la construction Les nombreuses opérations, le choix de coefficients ou d’abattements sont une source d’erreur et d’arbitraire dans la mise en oeuvre de ces méthodes basées sur le prix de revient théorique de l’opération, celui-ci étant déterminé par une estimation de la valeur du terrain et du prix de la construction après en avoir valorisé les éléments et ajusté leur valeur en fonction de taux de dépréciation. La validation des différentes informations sur les coûts ou sur les ajustements se fait par une comparaison continue avec les données du marché. Cette comparaison avec le marché est le seul soutien des informations sur les prix des terrains, sur les prix des composantes, sur les profits des entrepreneurs et des promoteurs, sur la mesure des dépréciations et enfin sur la mesure des ajustements des effets extérieurs. Le paradoxe de cette méthode, c’est que lorsque les données du marché existent, mieux vaut utiliser la méthode par comparaison et lorsque ces données n’existent pas, la technique des coûts est peu probante.

Amélioration: la méthode des promoteurs Ce ne sont donc pas les fondements de la méthode qui doivent être remis en cause, mais leur mise en application. Aussi, peut-on préférer la variante suivante : plutôt que d'essayer de déterminer quelle sont les sources de dépréciation d'un immeuble ancien pour en mesurer l’importance, on estime les coûts de remise en état nécessaires pour assurer à l'immeuble une durée de vie et une utilité comparable à celle d'un immeuble neuf. Les coûts de remise à neuf sont alors déduits du coût de reconstruction à neuf pour obtenir la valeur de l'objet en l'état. Cette méthode améliorée de la méthode des coûts s'effectue en cinq étapes:

1) Estimation de la charge foncière qui ne peut se faire que par comparaison. 2) Estimation du coût de reconstruction à neuf d'un immeuble identique. Cette estimation est à rapprocher de la valeur d'assurances. 3) Estimation des frais liés à la commercialisation de l'immeuble et de la marge rétribuant le vendeur. 4) Estimation de la valeur des travaux pour remise à neuf. Les entrepreneurs sont capables d'évaluer ceux-ci avec une grande précision. 5) La valeur de l'immeuble à évaluer correspond donc à la somme de la valeur du terrain, du coût de construction d'un immeuble identique et des frais de commercialisation et de promotion (c’est-à-dire les points 1, 2, et 3 ci-dessus), moins le coût de remise à neuf (point 4).

En ce qui concerne l'obsolescence, il faut noter que c'est une notion très relative, qu'il s'agisse de locaux d'habitation ou de bureaux. Ce qui convient aux uns en matière d'utilisation ne convient pas forcément aux autres. En fait, il faut se référer principalement au confort d'utilisation qui, pour l'essentiel, se résume aux volumes et à leurs possibilités d'utilisation, à l'insonorisation, aux accès et aux distributions. Or, en la matière et lorsque l'immeuble n'est pas trop spécialisé, il est relativement aisé de déterminer un coût de transformation et de remise à neuf qui tienne compte des normes actuelles.

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L'avantage de cette méthode est de pouvoir cantonner l'appréciation de l'expert à une partie restreinte de l'évaluation de l'immeuble. En effet, le prix d'un immeuble neuf peut être décomposé en ces différents éléments dont les prix sont pour les uns établis sur devis avec une grande précision et pour les autres varient suivant l'état du marché. Les premiers sont relatifs à la construction et les seconds aux frais annexes à la promotion. Des prix de vente élevés ont pour conséquence d'allonger les délais de commercialisation et donc les frais financiers, ce qui relativise leur incidence bénéfique sur la marge. A titre d’exemple, on peut reprendre la décomposition du prix de vente du bilan d’un promoteur proposé à l’article 34:

Décomposition du prix de vente d’un immeuble POSTES €/m2 en % Charge foncière 300 15 Construction -Gros oeuvre 560 28 -Second oeuvre 560 28 -Etude-contrôles 80 4 Frais annexes 500 25 Prix de vente (t.t.c.) 2 000 100

Par rapport à la méthode d'évaluation par comparaison, cette adaptation de la méthode d'évaluation par les coûts présente alors deux avantages immédiats: - le premier est la possibilité d'un arbitrage permanent entre le neuf et l'ancien puisque, pour l'ancien, le prix est calculé à partir d'une construction neuve dont sont déduits les frais de remise en état; - le second est de mettre en évidence les conséquences d'une évolution des prix sur la valeur du terrain, seul facteur réellement spéculatif.

D. Rapprochement des méthodes : la conciliation La phase de conciliation

L’utilisation de plusieurs méthodes permet à l’expert d’appréhender le bien sous différents angles. Dans la phase de conciliation, l’expert décide de la confiance relative qui doit être accordée au résultat obtenu par chacune des méthodes pour définir un résultat synthétique. Cette approche bien qu’arbitraire est plus satisfaisante qu’un rapport mono méthode. Tout en représentant des angles de vue différents, les méthodes par capitalisation et par comparaison repose sur un principe commun : la lecture du marché immobilier. Elles ont donc une limite commune: la nécessité d’un marché immobilier sous-jacent au bien expertisé suffisamment lisible pour permettre leur utilisation.

§3- Méthodes d’évaluation plus récentes Les différentes méthodes présentées ci-dessus ont l’inconvénient de faire systématiquement référence à des données passées et à des comparaisons avec des biens, par nature, hétérogènes. Les méthodes modernes s’efforcent d’utiliser des valeurs anticipées sur le future ou d’homogénéiser des éléments hétérogènes. Ainsi, la méthode d’actualisation des cash-flows qui fera l’objet d’un premier point est représentative du comportement d’achat des investisseurs alors que la méthode hédoniste présentée dans un second point s’efforce à la fois d’améliorer les termes de la comparaison et d’en déduire des modèles reproductibles sur le futur.

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A. Evaluation par les cash flows La méthode des cash flows

Cette méthode permet de lever l’hypothèse de constance de loyers utilisée dans le cadre de la méthode par capitalisation, tout en élargissant la lecture du marché immobilier au marché financier notamment pour la fixation du taux d’actualisation. Comme elle est prospective, elle correspond plus à une logique investisseur. On renonce à une satisfaction immédiate et certaine contre une espérance de revenus permettant un enrichissement plus important. Elle repose sur le principe que la valeur d’un bien est égale à la somme actualisée de ses revenus futurs. L’actualisation porte sur les flux périodiques d’exploitation et la valeur finale de l’objet.

• Revenu périodique Il s’agit d’un revenu net, c’est-à-dire du revenu locatif après déduction de tout ce que paye normalement le propriétaire au titre des loyers qu’il encaisse, notamment les travaux d’entretiens qui lui incombent, mais indépendamment de l’impôt sur le revenu et du remboursement des emprunts. Les grosses réparations peuvent être déduit soit des revenus soit de la valeur de l’investissement. Les immeubles faisant normalement l’objet d’un bail, le montant des loyers à venir s’en déduit naturellement, du moins jusqu’à l’échéance du bail. Pour la suite, il faut prévoir les conditions de renouvellement du bail.

• Valeur finale de l’objet Tout en étant dans une logique acheteuse, il ne faut pas tenir compte des caractéristiques spécifiques de l’acheteur. En effet on ne cherche pas une valeur de convenance, mais une valeur vénale déterminée par les caractéristiques physiques, juridiques, économiques du bien uniquement. Libre à l’acheteur potentiel de juger de la pertinence de l’achat en fonction des caractéristiques qui lui sont propres. La valeur du bien à la fin de l’horizon temps dépend des conditions du marché prévalant à cet instant futur. On peut faire l’hypothèse, suivant l’évolution prévisible de l’environnement économique, qu’elle va demeurer stable ou qu’elle va augmenter ou diminuer. Elle est ensuite actualisée. Dans la méthode par capitalisation, la valeur finale du bien est absente.

• Le taux d’actualisation C’est le taux de rentabilité exigé par le marché pour ce type d’investissement. Sa fixation se fait par référence au marché financier. Au taux de rémunération des obligations à long terme, on rajoute une prime de risque pour tenir compte du fait que le marché immobilier est à la fois plus risqué et moins liquide. La construction additive du taux d’actualisation pose le problème d’une prime de risque qui croit avec le temps pour des raisons purement mathématiques. Cela nous conduit à considérer l’horizon temps à retenir. Le choix de l’horizon temps n’est pas neutre car le cycle de vie économique et juridique de l’objet n’est pas linéaire. Il est toutefois possible de lisser l’impact ponctuel des rénovations en constituant une provision annuelle. De même, en choisissant un horizon de temps supérieur à cinq ans, on évite le biais lié aux droits de mutation. De plus, le risque d’erreur d’appréciation des loyers et de la valeur finale augmentant avec le temps, il est nécessaire de s’imposer une limite supérieure. Ceci afin de conserver le caractère probable des anticipations. La formation des anticipations ne doit pas subir l’emprise du présent. Dans la pratique, on utilise un horizon de temps de 6 à 12 ans. Cette méthode par le choix de l’horizon temps est également arbitraire. Elle présente toutefois un intérêt majeur : sa mise en application nécessite la possibilité d’avoir une connaissance approfondie de l’immeuble.

Comparaison avec la capitalisation La méthode des cash flows diffère de la méthode par capitalisation dans la mesure où, pour la première on utilise un revenu net, pour la seconde un loyer brut. C’est un taux de rentabilité qui est retenu dans le premier cas et un taux de rendement qui caractérise le second. Dans la

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méthode par capitalisation, le choix du taux de capitalisation fait souvent référence au taux d’amortissement (plus la longévité du bien est importante, plus le taux est faible). Cette vision comptable s’oppose à l’approche financière. C’est ainsi, qu’en l’absence de comparaison similaire, l’expert va ajuster le taux de capitalisation en fonction de la durée de vie économique du bien. Dans le cas de l’approche actuarielle, on se base sur des anticipations et non sur des données observées comparables. De ce fait, cette méthode nécessite une analyse approfondie des possibilités de l’immeuble en termes de gain. Plus complète, elle est aussi plus lourde à mettre en oeuvre. En outre, déduire la valeur présente du bien en fixant sa valeur future est un défi au temps.

Simplification de la méthode des cash flows L’adoption de deux hypothèses concernant l’évolution des flux de trésorerie permet de faciliter l’usage de cette méthode. La première est de prévoir une évolution moyenne du taux de croissance « g » des loyers à très long terme. La seconde est d’estimer la revalorisation annuelle du bien à partir de ce même taux. Cela signifie qu’au bout de « n » années, la valeur V du bien deviendra :

Vn = V0 (1+g)n (I) Sous ces deux hypothèses, la valeur actuelle du bien est donnée par la relation :

(II)

L1 : loyer net annuel de la première année qui suit l’acquisition, k : taux de rentabilité espéré par le marché pour ce type d’investissement, g : taux de croissance anticipé des loyers nets.

La détermination du taux de rentabilité espéré est fonction de la nature de l’investissement et de son niveau de risque. Selon l’investisseur, k peut être plus ou moins élevé. Toutefois sa limite inférieure doit être celle du coût des financements de l’opération dont une partie correspond au coût des crédits immobiliers. Ce taux minimal permet de connaître le prix d’achat que ne doit pas dépasser le bien immobilier pour que, compte tenu de leur croissance espérée g, les revenus locatifs couvrent le coût du financement. Si l’on désigne par i ce coût la

relation (II) devient alors :

A noter que la relation (II) peut aussi s’écrire :

(III)

Comme, d’une part, le rapport L1/V0 correspond au rendement locatif immédiat, et d’autre part g - suivant la relation (I) - définit l’espoir de plus-value réalisée sur la revente du bien, on peut dire que le choix du taux k résulte d’un arbitrage entre le rendement et la plus-value. Ainsi la rentabilité espérée d’un appartement à Neuilly proviendra plus de l’espérance de plus-value que de son rendement locatif, ce dernier étant généralement assez faible. Pour g, s’agissant d’un taux de croissance sur longue période, il est nécessaire de tenir compte du taux de rotation des locataires et de vacance de l’immeuble mais aussi du taux d’inflation sur lequel sont généralement indexés les loyers. A titre d’exemple, on peut prendre le cas d’un appartement qui se louera 12.000 € par an, net de charge, avec une progression des loyers ne dépassant pas 2% par an sur le long terme. Si le financement est uniquement réalisé par emprunt à un taux moyen voisin de 6%, pour que l’acquisition soit intéressante, il faudra que son prix soit inférieur au rapport entre 12.000 € et l’écart de taux (6% - 2%) ce qui donne : 300 000 €. A noter que dans ce cas, le rendement locatif net atteint 4% (12 000 divisé par 300 000). Si la rentabilité espérée par l’acquéreur est plus élevée que le coût de financement de ce logement, par exemple 7% au lieu de 6%, il

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faudra soit que la progression des loyers et l’espérance de plus-value atteigne 3%, soit que le prix d’acquisition ne dépasse pas 240 000 € au lieu des 300 000 € calculés précédemment. Cet exemple met aussi en évidence la grande sensibilité du prix de l’immobilier à la fois à la croissance des revenus locatifs et au coût des crédits à long terme. On observera d’ailleurs que la relation (II) est aussi utilisée dans le modèle FDW (présenté par ailleurs dans la section sur le marché immobilier) qui décrit les facteurs d’évolution de ce marché.

Limites de la méthode De manière plus générale le taux de rentabilité espéré par les investisseurs tient compte de deux paramètres. Le premier, le taux « sans risque » correspond, dans une logique de placement sur longue période, au taux des emprunts à long terme garantis par l’Etat. Si la rentabilité espérée pour un investissement immobilier est inférieure ou égale à ce taux sans risque, il est clair qu’il vaut mieux investir dans des obligations émises par l’Etat plutôt que dans le projet immobilier. Le second est une prime de risque qui tient compte à la fois de la moindre liquidité du placement immobilier par rapport à un placement en valeur mobilière et d’une rentabilité plus incertaine que les placements obligataires. En toute logique, cette prime de risque de l’ordre de 2% ne doit pas incorporer l’aléa sur les revenus locatifs dans la mesure où celui-ci est déjà incorporé dans l’estimation du taux de croissance à long terme des loyers, c’est-à-dire le g de l’équation (II). La difficulté d’apprécier correctement les différents paramètres influant sur la détermination du prix, c’est-à-dire les cash flows correspondants aux revenus locatifs des années futures, la plus ou moins value de cession et le taux de rentabilité espéré par l’investisseur, fait que les praticiens ont tendance à moduler la prime de risque en fonction du résultat qu’ils veulent atteindre, c’est-à-dire celui qui leur paraît le plus réaliste. Ce résultat peut devenir alors une agrégation de la méthode par comparaison et de la méthode par capitalisation avec les biais qui découlent nécessairement de leur application. C’est ainsi que les indices anglo-saxons fondés sur les évaluations d’expert utilisant la méthode actuarielle apparaissent parfois comme présentant des phénomènes d’auto-corrélation. Cependant, la nécessité d’expliquer un prix de marché par l’évolution dans le futur de ses composantes principales, demeure un facteur essentiel de la validation de cette méthode. Ainsi au carrefour de l’immobilier et de la finance, cette méthode apporte à l’expertise traditionnelle, quelques éléments de la théorie financière et représente un développement externe de cette technique. Mais l’expertise a également un mode de croissance interne : l’amélioration de la lecture du marché immobilier.

B. La méthode hédoniste L’amélioration de la lecture du marché: la méthode hédoniste

Que ce soit au niveau de l'achat ou de la location, qu'il s'agisse du propriétaire ou du locataire, chacun cherche à connaître le juste prix du logement qui, à un moment donné, se trouve disponible sur le marché. Traditionnellement, cette valeur est déterminée par comparaison avec les transactions plus ou moins récentes dont on a connaissance. Mais comme les biens immobiliers sont par essence hétérogènes, c’est-à-dire différents tant au point de vue de la localisation que de leurs caractéristiques propres (taille, construction, ...), cet exercice se révèle souvent assez ardu et les fourchettes d'évaluation peuvent atteindre aisément les 15 à 20%. Une méthode permet cependant de donner une estimation beaucoup plus précise de la valeur d'un bien immobilier. Elle consiste à étudier statistiquement les caractéristiques essentielles des logements qui, dans une localité donnée, influencent significativement leur prix, puis de donner une valeur à chacune d'entre elles. En additionnant la valeur des

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différentes caractéristiques composant le bien immobilier, on obtient avec une marge d'erreur assez faible le prix de marché du bien considéré. Cette méthode dite "hédoniste" connaît depuis quelques années un développement important tant en Amérique du Nordqu’en Europe.

Fondements de la méthode La détermination d’un prix à partir de l’offre et de la demande d’un bien suppose qu’il existe des quantités homogènes de ce bien. Lorsqu’on est en présence de biens par nature hétérogènes, comme les logements, la question se pose de savoir si toute la théorie micro-économique traditionnelle peut s’appliquer. Le problème réside dans la prise en compte de la différenciation des biens dans l’analyse du comportement du consommateur et le débat porte notamment sur la permanence ou la transformation dans le temps de ses préférences. Voir Rosa⊥J.-J., Vrais et faux besoins, L’économique retrouvée, Economica, Paris, 1977. Dans la théorie traditionnelle de la consommation, les biens se définissent ainsi : « Sont des biens les ‘objets’ que le consommateur considère comme tels, c’est-à-dire ceux dont il souhaite posséder davantage ». Le bien économique ainsi conçu n’a d’existence qu’en tant qu’équivalent d’une certaine quantité d’autres biens, deux quantités quelconques étant équivalentes ou échangeables si elles ont la même valeur6. La pauvreté du concept, notamment l’incapacité à prendre naturellement en compte l’apparition de biens nouveaux ou les variations de qualité des biens existants aboutit à l’impossibilité de construire une théorie de la demande tant qu’on ne précise pas de quelle manière les biens participent à la satisfaction de ces besoins. L’hypothèse d’homogénéité des biens est particulièrement réductrice, notamment lorsqu’on s’intéresse aux biens durables. Aussi, la reformulation de la théorie de la consommation dite « Nouvelle Théorie du Consommateur » a ouvert de nouvelles perspectives. C’est à Kelvin Lancaster que revient le mérite de cette reformulation à partir de la synthèse d’un certain nombre de questions posées par la prise en compte de l’hétérogénéité des biens dans l ’analyse du comportement du consommateur. Voir Lancaster⊥K., A new approach of consumer theory, Journal of Political Economy, avril⊥1966. Cette nouvelle théorie repose sur la prise en considération des attributs, ou caractéristiques des biens déterminant leur qualité. Lancaster propose de renouveler la notion de bien, en posant que les consommateurs tirent leur utilité des caractéristiques des biens, et non pas des biens eux-mêmes, ce qui signifie aussi que les biens ne sont pas désirés pour eux-mêmes, mais pour les services qu’ils rendent. Dès lors, ce n’est plus l’offre et la demande d’un bien qui déterminent son prix, mais l’offre et la demande pour les caractéristiques qu’il contient. L’analyse hédoniste ou hédonique des prix, dont l’objet est d’étudier la formation du prix des biens complexes, exploite cette hypothèse, et explique le prix des biens par leurs caractéristiques. Sherwin Rosen a permis le développement des analyses hédonistes en définissant les hypothèses et en proposant un modèle d’équilibre sur un marché de biens hétérogènes explicitant les fonctions d’offre et de demande pour les caractéristiques de ces biens. Voir Rosen⊥S., Hedonic price and implicit markets⊥: product differenciation in pure competition, Journal of Political Economy 1974, no⊥1. Les hypothèses sont les suivantes : - les caractéristiques sont objectivement mesurables et les biens en nombre suffisant pour que les transactions portent sur l’ensemble de ces caractéristiques, le bien étant un ensemble « non dénouable » de caractéristiques. En effet, si les caractéristiques sont définies de façon « objective », elles se présentent de façon identique pour tous les consommateurs, ce qui permet de les définir comme des biens.

6 Voir I. Maleyre, thèse p. 100

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- la structure des prix est un paramètre, c’est-à-dire une grandeur mesurable, pour les acheteurs comme pour les vendeurs. L’équilibre de marché est atteint lorsque le prix permet de faire correspondre pour l’ensemble des caractéristiques les quantités demandées aux quantités offertes. Mais le modèle de Rosen permet aussi d’établir que la fonction hédonique des prix ne peut être assimilée à une fonction de demande et indique la voie à suivre pour parvenir à déduire les fonctions de demande recherchées des informations fournies par le marché. Cela signifie que dans la composition du modèle n’entrent que des caractéristiques du bien et non celles qui correspondent à la demande tels : le revenu, la taille du ménage ou les préférences des acquéreurs. Pour identifier les fonctions de demande de caractéristiques deux étapes sont nécessaires. La première consiste à estimer la fonction hédonique des prix, d’où l’on déduit, pour chaque observation de l’échantillon, les prix marginaux des caractéristiques. La seconde conduit à l’identification des fonctions de demande en introduisant les prix marginaux comme variables dépendantes dans les fonctions d’enchère pour les différentes caractéristiques. Suivant Alonso, une courbe d’enchères sur deux caractéristiques du logement comme la quantité de sol et la distance au centre, correspondra à « l’ensemble des prix du sol que l’individu accepte de payer à différentes distances du centre, en laissant son niveau de satisfaction constant »(Alonso⊥W., Location and land use, Harvard University Press⊥1960).. En définitive, comme le souligne Maleyre [1994], avec le modèle de Rosen, « on obtient pour chacune des caractéristiques, une fonction de demande implicite reliant les caractéristiques du ménage, les caractéristiques du logement et le prix de demande ».

Le modèle « hédoniste » Le modèle mathématique le plus utilisé est celui de la régression linéaire qui se présente sous la forme :

V = b0 + b1X1 + b2X2 + ... + biXi + bnXn + e avec :

V = la valeur du bien ou variable dépendante, appelée encore variable expliquée Xi = les variables explicatives (i = 1, ..., n) b0 = la constante bi = le coefficient estimé pour la variable i e = le terme de l’erreur ou résidu

La technique de la régression linéaire permet d’obtenir des valeurs de b0 et de bi qui réduisent les écarts e au minimum. La constante b0 est la valeur dépendante lorsque toutes les variables explicatives ont une valeur de zéro. Les coefficients bi mesurent les variations du prix V qui correspondent à une variation de chaque Xi. Les coefficients représentent donc la contribution marginale à la variable dépendante de chaque variable explicative. Le terme d’erreur e est la portion résiduelle du prix V d’une observation qui n’est pas représentée ni expliquée par le modèle de régression calculé. Dans les modèles hédonistes, on connaît les différentes valeurs de V correspondant à un échantillon ainsi que les variables explicatives Xi (surface, présence d’un garage, etc.) et l’on cherche à déterminer le poids de chaque caractéristique bi. Celui-ci indique l’augmentation ou la diminution de la valeur marchande expliquée par un changement de la valeur d’une caractéristique particulière, en supposant que toutes les autres variables sont maintenues constantes. Par exemple, l’augmentation de la surface d’un appartement amènera une augmentation de sa valeur indépendamment de sa situation ou de son confort proportionnellement au coefficient bi déterminé par la régression. Autre exemple, en introduisant la date de l’observation dans les variables explicatives on pourra construire un indice de l’évolution des prix pour les immeubles d’un ou plusieurs quartiers ou en comparant les prix des maisons et des appartements.

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Applications Ces modèles furent tout d’abord utilisés pour l’industrie automobile. Il s’agissait alors de déterminer l’effet sur le prix de la voiture d’une variation de différents attributs telle la puissance du moteur ou la transmission automatique. Très rapidement, c’est au niveau de l’immobilier que se multiplièrent les applications, au point que de nouveaux modèles spécifiques furent mis en oeuvre comme le modèle du centre de gravité qui traite du coût des transports en fonction de la localisation ou l’estimation des fonctions de prix hédonistes appliquées aux nuisances telles que le bruit (Richardson⊥H.W., Vipond⊥J. et Furbey⊥R.A., Determinants of urban house prices, Urban economics⊥1974, vol.⊥25, p.⊥34-35⊥). Les auteurs examinent les différentes théories de la localisation et cherchent à déterminer laquelle de ces théories est apte à expliquer le mieux la valeur d’une maison : « Le silence constitue un bien public qui est atteint par le bruit. Comme il s’agit d’une ressource limitée, il devrait posséder un prix » Les travaux de Lancaster et de Rosen ont suscité de nombreuses applications, un peu partout dans le monde, d’abord aux Etats-Unis, au Canada et en Grande-Bretagne puis dans toute l’Europe, en Australie et au Japon.

Exemple chiffré Pour expliquer les principes de cette méthode, supposons que trois logements A, B, C, situés dans le même immeuble, n'offrant pas de particularités au niveau de l'étage ou de l'exposition et ne différant que par leur surface soient loués annuellement aux prix suivants:

appartement A : 8 100 € pour 75 m2, soit 108 € le m2 appartement B : 9 600 € pour 100 m2, soit 96 € le m2 appartement C : 12 600 € pour 150 m2, soit 84 € le m2

Supposons en outre que, toujours dans ce même immeuble, un appartement de 125 m2 peu différent des autres soit mis en location. Quel doit en être le prix? A partir des méthodes traditionnelles, les experts interrogés répondront probablement sur la base les loyers des appartements B et C, très comparables par la taille à celui que l’on cherche à estimer, que le prix moyen au m2 doit être de (96+84)/2 = 90 €/m2, ce qui appliqué à 125 m2 donne un loyer mensuel de 11 250 €. Tout aussi logiquement, en prenant la moyenne des trois premiers logements proposés, soit 96 €/m2, on aurait obtenu un loyer de 12 000 € par an. Cet exemple simplifié met en évidence les limites de la méthode par comparaison, d’utilisation pourtant très courante.

Tableau 67.1 : Méthode traditionnelle Loyer annuel Surface Loyer €/m2 Appartement A 8 100 75 108 Appartement B 9 600 100 96 Appartement C 12 600 150 84

Appartement D ? = 11 250 125 (96 + 84)/2 = 90

La méthode hédoniste considère, quant à elle, que la valeur d’un bien résulte de la somme des prix que l’on peut attribuer à ses différentes caractéristiques. Pour un bien immobilier ce sera essentiellement la surface, la localisation, l’état du bâtiment et les éléments de son confort. Dans le cas présenté, le facteur qui différencie fondamentalement ces trois logements est la surface. Mais, le prix de l’unité de surface doit être identique pour les quatre appartements puisqu’il s’agit d’une unité de mesure appliquée au même ensemble. C’est, en fait, le prix qu’il faut payer pour avoir un m2 supplémentaire indépendamment de toute autre considération.

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Pour les appartements A et B, l'écart de 25 m2 correspond à une augmentation de prix de 1.500 €. Le prix du m2 supplémentaire vaut donc 60 €. Il se justifie également dans la comparaison des appartements B et C et, par conséquent, détermine le prix recherché. Le prix d'un appartement de 125 m2 pourra ainsi être évalué en partant de celui de 100 m2 soit 9.600 € et en rajoutant 25 m2 x 60 € = 1.500 €. On obtient ainsi 11.100 € au lieu de 11.250 € trouvé initialement. On notera par la même occasion que l'appartement hypothétique ayant une surface nulle vaudrait : 9.600 - 100m2 x 60 € =3.600 €. Ce montant de 3.600 € résulte de caractéristiques indépendantes de la surface, comme l'emplacement ou la qualité de l'immeuble. Si par exemple dans l'immeuble voisin, qui est plus ancien et mal entretenu, on observe que les loyers pour une surface équivalente sont inférieurs de 800 € à ceux de notre immeuble de référence, on pourra logiquement en déduire que la bonne qualité de l'immeuble vaut par appartement 800 € de plus que la mauvaise. Enfin, si ces immeubles ne présentent pas d'autres caractères particuliers on en déduira que les 2.800 € restants proviennent à la fois de la qualité du quartier, de la localisation des immeubles dans ce quartier et pour une part, de l’ajustement des observations collectées. A partir d’un échantillon suffisamment représentatif, il sera possible de déterminer le prix à attribuer aux différences de situation de ces appartements et même à la présence d’autres éléments comme un ascenseur ou un parking.

Tableau 67.2 : Principes de la méthode hédoniste Ecart de loyer Ecart de

superficie Loyer / m2 sup.

B - A 1 500 25 60 C - B 3 000 50 60

Loyer D = Loyer B + 25 m2 x 60 = 9 600 + 1 500 = 11 100 € Surface nulle --> 9 600 – 100 m2 x 60 = 3 600 €

Caractéristiques Valeur Surface : 125 m2 x 60 € 7 500 Etat du bâtiment 800 Localisation 1 200 Confort + ajustement 1 600 Total 11 100

Mais la mise en oeuvre de la méthode hédoniste, comme le suggère cet exemple, suppose la possibilité d'observer un nombre d'autant plus élevé de logements (ou de bureaux) que l'on souhaite valoriser un nombre important de caractéristiques et connaître parmi celles-ci, celles qui ont une incidence systématique soit sur le prix du logement quand on étudie le prix des transactions, soit sur sa valeur locative quand on étudie le prix des loyers.

Une application en grandeur nature:les loyers de Bordeaux Cette méthode est utilisée depuis l’an 2000 pour le calcul de l’indice Notaires-Insee à partir de la base de données BIEN. Mais peu d’applications de cette méthode ont été développées en France au niveau des loyers. Cependant, en 1994 une équipe de recherche a déterminé sur la ville de Bordeaux la valeur locative des appartements de cette agglomération à partir d’un modèle hédoniste (7). Le tableau 68.1 en donne les principaux résultats pour l’année 1995.

7 Les résultats ont fait l’objet de deux publications, l’une dans la revue Finance sous le titre : « Estimation de la

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Tableau 68.1 Valeur des caractéristiques du loyer d’un appartement

Caractéristiques Base Très bon Constante d’ajustement 750 Surface : prix/m2 28,50 Ascenseur 240 2 salles de bains 140 Parking 280 Quartier 0 + 190 Localisation dans quartier 0 + 220 Etat du bâtiment 0 + 260

Sur le plan statistique, le modèle présente les particularités suivantes : - Les loyers sont des loyers charges incluses. - La régression linéaire des loyers sur les différentes variables retenues donne pour ce modèle un R2 ajusté de 84,4 %. Cela signifie que plus des 5/6ème de la variance du loyer peut être expliqué par ces variables. - L’ensemble des variables est significatif au seuil de 95% sauf la variable quartier qui l’est à 90%. - La variable quartier a été définie sur une échelle de 1 à 3, par la distance en temps à partir du centre de Bordeaux (place des Grands Hommes, au centre du Triangle d’Or):

o 3 (très bon) correspond à une distance inférieure ou égale à 10 minutes à pied; o 2 (bon) correspond à une distance comprise entre 10 minutes à pied et dix

minutes en autobus; o 1 (très moyen) correspond à un trajet supérieur à 10 minutes en autobus.

- Les variables qualité de la localisation et état du bâtiment ont aussi été mesurées sur une échelle de 1 à 3, mais à partir de l’appréciation faite par les enquêteurs.

A partir de ce tableau, pour connaître la valeur théorique d’un appartement, il suffisait d’appliquer les chiffres donnés. Ainsi un appartement de 100 m2, de standing moyen, sans ascenseur ni parking, avec une situation et une localisation communes devait se louer en 1995:

prix de 100 m2 x 28,50 F = 2.850 F valeur de la constante d’ajustement = 750 F Total = 3.600 F

S’il possédait un ascenseur, il fallait rajouter 240 F. Si en plus il est situé dans un très bon quartier (+190 F) et très bien localisé dans ce quartier (+220 F), son loyer passait à 4.250 francs. Ces résultats confirment souvent l'opinion des professionnels et donnent des indications précieuses sur la valeur qu'il faut attribuer à leurs estimations. Ainsi, le quartier et la localisation dans le quartier, apparaissent comme des éléments déterminants dans l'élaboration du prix. Il en va de même de l'état du bâtiment, du nombre de salle de bains, de la présence d'un ascenseur ou d’un parking. Mais, dans l'échelonnement des prix, l’importance de ces caractéristiques est très secondaire comparativement à celle de la superficie de l'appartement. Au vu des résultats obtenus on pourrait écrire, en plagiant la formule consacrée par les professionnels, que les trois critères essentiels pour déterminer le loyer d'un appartement sont: (1) la surface, (2) la surface et (3) la surface. La valeur explicative de l'ensemble des variables retenues - c’est-à-dire les

valeur locative des appartements : une étude empirique sur l’agglomération bordelaise » et l’autre dans le Journal de la Société de Statistique de Paris sous le titre : « Quantification de variables qualitatives et modèles hédonistes ou comment apprécier la situation d’un immeuble ».

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caractéristiques des appartements - résulte en effet, pour plus des trois-quarts de la composante surface. Ce qui signifie que pour le même prix entre un appartement de 80 m2 dans un très bon quartier avec une très bonne localisation et un appartement de 100 m2 dans un mauvais quartier mal desservi et peu commerçant, c'est ce dernier qui emportera malgré tout la préférence. En conclusion, le gros avantage de la méthode hédoniste, qui repose sur le principe fondamental que "ce n'est pas un bien en lui-même qui procure de la satisfaction aux individus mais plutôt les caractéristiques de ce bien ", est de permettre de déterminer le prix d'un bien immobilier en partant des quelques caractéristiques qui, statistiquement, influencent le plus sa valeur, avec une forte probabilité pour que ce prix corresponde à celui du marché. L’hédonisme en économie, c’est suivant le Petit Robert, une « conception de l’économie selon laquelle toute activité économique repose sur la poursuite du maximum de satisfactions avec le moindre effort ». Appliquée à l’immobilier, la méthode hédoniste permet, notamment, de valoriser ses satisfactions personnelles afin de sélectionner celles qui demandent un effort minimum pour leur obtention. Par contre, il est inutile de vouloir appliquer cette méthode d'évaluation à des appartements dont l'emplacement et la qualité architecturale font que la rareté les apparente plus à une œuvre d'art qu'à un simple immeuble d'habitation et que, ce faisant, ils échappent à toute étude statistique.

Conclusion L’étude de l’approche traditionnelle a démontré que la fiabilité des méthodes d’évaluation immobilière est intimement liée à l’information dont on dispose. L’expertise ne se heurte pas à des obstacles conceptuels mais à des difficultés d’information. L’expert n’est pas neutre vis-à-vis de la diffusion de l’information. En effet, la pénurie d’information handicape l’exercice de sa profession tout en justifiant son existence : rente de situation et rente d’information vont de paire. On comprend alors que la diffusion de l’information, dans une large mesure, reste cantonnée à la sphère professionnelle. Toutefois, le client est l’usufruitier de cette démarche. L’amélioration de la lecture du marché immobilier passe par l’élaboration d’outil d’information. Dans le cadre de l’approche traditionnelle, on a déjà signalé l’importance de la constitution d’une base de données. Cette base sera d’autant plus significative qu’elle s’inscrira dans le temps. Cette vision dynamique est résumée dans la notion d’indice. L’approche moderne, qui utilise les techniques actuarielles, bénéficie quant à elle des outils développés à partir de l’étude des marchés financiers pour cerner l’évolution prévisible des taux de croissance et des taux d’intérêts. Mais pour compléter son analyse l’expert peut aussi raisonner en sens inverse. Parallèlement à l’évaluation d’un bien en fonction d’anticipations sur le futur, il peut, connaissant le prix proposé à la vente ou celui estimé par l’acheteur, déterminer le taux de croissance des loyers et le taux de rentabilité espéré qu’implique chacun de ces prix. Il lui sera alors plus aisé de concilier des intérêts à priori divergents. La méthode hédoniste quant à elle introduit un nouveau système d’appréciation puisqu’elle considère que la valeur d’un bien est fonction de ses différentes caractéristiques ou attributs qui se valorisent de manière indépendante. Il s’agit d’une idée particulièrement novatrice dans la mesure où le bien immobilier n’est pas considéré comme une entité mais comme un ensemble de services qui sont valorisés individuellement par le marché et dont la somme détermine le meilleur prix d’échange. L’intérêt de cet approche c’est de mettre en évidence qu’une modification d’une caractéristique, emplacement, surface, etc., va se répercuter sur le prix.

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