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*Titre : *Grand Larousse de la langue française en sept volumes. Tome quatrième, Ind-Ny / [sous la direction de Louis Guilbert, René Lagane, Georges Niobey] *Auteur : *Larousse *Éditeur : *Librairie Larousse (Paris) *Date d'édition : *1975 *Contributeur : *Guilbert, Louis (1912-1977). Directeur de publication *Contributeur : *Lagane, René. Directeur de publication *Contributeur : *Niobey, Georges. Directeur de publication *Sujet : *Français (langue) -- Dictionnaires *Type : *monographie imprimée *Langue : * Français *Format : *1 vol. (paginé 2621-3697) ; 27 cm *Format : *application/pdf *Droits : *domaine public *Identifiant : * ark:/12148/bpt6k1200535k </ark:/12148/bpt6k1200535k> *Identifiant : *ISBN 2030007404 *Source : *Larousse, 2012-144943 *Relation : *Notice d'ensemble : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34294780h *Relation : * http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb345742880 *Provenance : *bnf.fr Le texte affiché comporte un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance obtenu pour ce document est de 100 %. downloadModeText.vue.download 1 sur 1066 Cet ouvrage est paru à l’origine aux Editions Larousse en 1989 ; sa numérisation a été réalisée avec le soutien du CNL. Cette édition numérique a été spécialement recomposée par les Editions Larousse dans le cadre d’une collaboration avec la BnF pour la bibliothèque numérique Gallica. downloadModeText.vue.download 2 sur 1066 II downloadModeText.vue.download 3 sur 1066

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  • *Titre : *Grand Larousse de la langue française en sept volumes. Tomequatrième, Ind-Ny / [sous la direction de Louis Guilbert, René Lagane,Georges Niobey]

    *Auteur : *Larousse

    *Éditeur : *Librairie Larousse (Paris)

    *Date d'édition : *1975

    *Contributeur : *Guilbert, Louis (1912-1977). Directeur de publication

    *Contributeur : *Lagane, René. Directeur de publication

    *Contributeur : *Niobey, Georges. Directeur de publication

    *Sujet : *Français (langue) -- Dictionnaires

    *Type : *monographie imprimée

    *Langue : * Français

    *Format : *1 vol. (paginé 2621-3697) ; 27 cm

    *Format : *application/pdf

    *Droits : *domaine public

    *Identifiant : * ark:/12148/bpt6k1200535k

    *Identifiant : *ISBN 2030007404

    *Source : *Larousse, 2012-144943

    *Relation : *Notice d'ensemble :http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34294780h

    *Relation : * http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb345742880

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    indindatable [ɛd̃atabl] adj. (de in- et dedatable ; 1970, Robert). Qui ne peut pasêtre daté : Des ruines indatables.

    inde [ɛd̃] n. m. (lat. indicum, indigo, neutresubstantivé de l’adj. Indicus, Indien, deIndia, l’Inde, dér. de Indi, Indorum, n. m.plur., « les Indiens » [l’indigo étant consi-déré comme originaire de l’Inde] ; v. 1160,Benoît de Sainte-Maure, au sens 1 [« cou-leur... extraite de la guède », 1701, Liger] ;sens 2, 1600, O. de Serres). 1. Couleur bleuetirée de l’indigo, et, par extens., couleurbleue extraite de la guède : Une robe detaffetas couleur inde. Ϧ 2. Anc. nom del’INDIGO.

    indébrouillable [ɛd̃ebrujabl] adj. (dein- et de débrouiller ; 1764, Voltaire). Quel’on ne peut pas débrouiller (au pr. et aufig.) : Écheveau indébrouillable. Affaire,question indébrouillable.

    indécachetable [ɛd̃ekaʃtabl] adj. (dein- et de décacheter ; 1845, Bescherelle). Quel’on ne peut pas décacheter, qui est trèsdifficile à décacheter (rare) : Un paquetindécachetable.

    indécelable [ɛd̃eslabl] adj. (de in- et dedécelable ; 1943, Sartre). Qui ne peut êtredécelé : Des traces indécelables à l’oeil nu.• SYN. : imperceptible, invisible. — CONTR. :décelable, perceptible, visible.

    indécemment [ɛd̃esamɑ̃] adv. (deindécent ; 1537, Saliat, écrit indécentement[indécemment, 1580, Montaigne], au sens1 ; sens 2, 1845, Bescherelle). 1. De façoncontraire à la bienséance : Louvois futaccusé de s’être réjoui indécemment de lamort de Turenne (Voltaire). Ϧ 2. De façoncontraire aux bonnes moeurs, à la pudeur :Être vêtu indécemment.

    indécence [ɛd̃esɑ̃s] n. f. (lat. indecentia,inconvenance, de indecens, -entis [v. l’art.suiv.] ; 1568, L. Le Roy, au sens 3 ; sens 1,1690, Furetière ; sens 2, 1666, Molière).

  • 1. Caractère de ce qui est contraire auxrègles de la bienséance : J’ajoute qu’il yaurait une espèce d’indécence à introduiredans une fête que je veux bien donner chezMme Verdurin une personne que j’ai retran-chée à bon escient de ma familiarité, unepécore sans naissance, sans loyauté, sansesprit (Proust). Il est permis de penser qu’ily a quelque indécence à célébrer ainsi unedécouverte [la bombe atomique] qui se metd’abord au service de la plus formidable ragede destruction dont l’homme ait fait preuvedepuis des siècles (Camus). Ϧ 2. Caractèrede ce qui est contraire aux bonnes moeurs,à la morale : L’indécence des propos, desmanières. Des images confuses se formaient

    au-dedans de lui, qu’il suivait jusqu’à uncertain degré d’indécence, et il les chassait(Mauriac). Ϧ 3. Action, propos, chosecontraires à la décence ou aux bienséances :Dire, commettre une indécence.

    •SYN. : 1 impolitesse, inconvenance,incorrection ; 2 grivoiserie, immodestie,impudeur, impudicité, polissonnerie ;3 grossièreté, impertinence, incongruité,obscénité.

    indécent, e [ɛd̃esɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. inde-cens, -entis, inconvenant [en parlant depersonnes ou de choses], de in-, préf. àvaleur négative, et de decens, -entis, conve-nable, bienséant, part. prés. adjectivé du v.impers. decere, être convenable ; XIVe s.,Dict. général, au sens 2 ; sens 1, av. 1681,Patru ; sens 3, 1618, Cabinet satyrique).1. Qui est contraire à la décence ; qui mani-feste un manque de retenue, de respect dela bienséance et des convenances moraleset sociales : Faire un étalage indécent desa fortune. Il est indécent de répondre surce ton à un homme de son âge. Ϧ 2. Class.Qui ne convient pas, qui n’est pas appro-prié à son objet : Toutes ces expressions quile rapportent [Dieu] à quelque temps, quile fixent à un certain lieu, sont impropreset indécentes (Fénelon). Ϧ 3. Qui blesse lapudeur par manque de convenance auxbonnes moeurs : Cette robe, songeait Denis,serait indécente, comme toutes les robes debal (Mauriac). C’était une grande fille à lachevelure d’un blond pervers, et qui avaitune façon indécente de rire dans le nez deshommes (Aymé). Propos indécents.

    • SYN. : 1 choquant, déplacé, impoli, incon-gru, inconvenant, incorrect, malséant ;3 déshonnête, égrillard, grivois, immodeste,impudique, licencieux, obscène, osé.

  • indéchiffrable [ɛd̃eʃifrabl] adj. (de in- etde déchiffrable ; v. 1673, Retz, au sens 1 ;sens 2, 1690, Furetière [aussi « très difficile àlire » ; en parlant d’un morceau de musique,1873, Larousse] ; sens 3, 1690, Furetière).1. Se dit d’un texte chiffré que l’on nepeut pas traduire en clair : Message indé-chiffrable. Ϧ2. Dont on ne parvient pasà découvrir le sens : Inscription indéchif-frable. Écriture inconnue, indéchiffrable.Ϧ Par extens. Très difficile à lire : Manuscritindéchiffrable. Ϧ Se dit d’un morceau demusique impossible ou très difficile à exé-cuter : Un air indéchiffrable. Ϧ 3. Fig. Trèsdifficile à comprendre, à pénétrer, à expli-quer : Je me suis attaché à vous, Marie. Etpourtant vous m’êtes une énigme, vous êtesindéchiffrable (Martin du Gard). Orsennanous voit et nous entend, ajouta-t-il enrelevant sur moi un regard indéchiffrable(Gracq). Dans cet univers indéchiffrable etlimité, le destin de l’homme prend désor-mais son sens (Camus).

    • SYN. : 2 illisible ; 3 énigmatique, incom-préhensible, inexplicable, inextricable,mystérieux, sibyllin.

    indéchirable [ɛd̃eʃirabl] adj. (de in- et dedéchirer ; 1845, Bescherelle). Qui ne se laissepas déchirer : Cet unique objet de literie,indéchirable, formé d’une couverture piquéeentre deux toiles, lui répugnait (H. Bazin).• SYN. : solide. — CONTR. : fragile

    indécis, e [ɛd̃esi, -iz] adj. (bas lat.indecīsus, indécis, du lat. class. in-, préf. àvaleur négative, et decīsus, part. passé dedecīdere, couper, retrancher, décider, régler,de de-, préf. marquant la séparation, et decaedere, frapper, abattre, briser, fendre ;1466, Bartzsch, au sens 1 [« non jugé — enparlant d’un procès » ; « dont l’issue estencore incertaine », 1756, Voltaire] ; sens2, 1753, Buffon). 1. Se dit de ce qui n’estpas décidé, tranché : La question du finan-cement de l’opération est restée indécise.Ϧ Dont l’issue est encore incertaine :Bataille indécise. Ϧ2. Se dit de ce que l’onne peut pas déterminer, distinguer nette-ment ; mal défini : J’appliquais à son visagerendu indécis par le crépuscule le masque demes rêves les plus passionnés (Proust). Deloin en loin, le blafard éclairage des réver-bères ponctuait l’ombre d’une flamme indé-cise (Carco). Parvenu sur la rive, il regardaitau loin la ligne indécise de la mer (Camus).• SYN. : 1 ambigu, douteux, équivoque, flot-tant, incertain, indéterminé ; 2 confus, flou,

  • imprécis, indéterminable, indiscernable,indistinct, trouble, vague.

    ◊ adj. et n. (1798, Acad., comme adj. ; av.1747, Vauvenargues, comme n.). Se ditd’une personne qui ne parvient pas à sedécider, qui n’a pas encore pris un parti :C’est un esprit indécis. Il paraissait indécissur le choix des moyens. S’efforcer de rallierà soi les indécis.

    •SYN. : hésitant, irrésolu, ondoyant,velléitaire.

    indécision [ɛd̃esizjɔ]̃ n. f. (de indécis,d’après décision ; 1611, Cotgrave, au sens2 ; sens 1, 1867, Littré). 1. État, caractère dece qui est indécis, mal déterminé, vague :L’indécision d’un contour, d’un sourire.La mer semble partout entourée par lesbleuâtres montagnes, semble fermée commeun lac ; elle est très diaphane, à cette heurenocturne, la mer sans navires, très vapo-reuse et spectrale dans des indécisions grises(Loti). Ϧ2. Manque, absence de décision ;caractère, état d’une personne indécise :Il resta plusieurs jours dans l’indécision.Son indécision lui a fait manquer plusieursbonnes occasions.

    • SYN. : 1 flou, imprécision ; 2 doute, embar-ras, hésitation, incertitude, indétermina-tion, irrésolution, perplexité.

    indéclinabilité [ɛd̃eklinabilite] n. f. (dér.savant de indéclinable ; av. 1714, Fénelon,au sens 1 ; sens 2, 1765, Encyclopédie).1. Class. Caractère de ce qui ne peut êtreévité : Donnez aux contreremontrantsl’indéclinabilité ou irrésistibilité, ils n’endemandent jamais davantage (Fénelon).downloadModeText.vue.download 10 sur 1066

    GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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    Ϧ 2. Caractère des mots qui ne se déclinentpas, bien qu’ils appartiennent à une caté-gorie de mots déclinables.

    indéclinable [ɛd̃eklinabl] adj. (lat.impér. indeclinabilis, qui ne dévie pas, et,à basse époque, dans la langue des gram-mairiens, « indéclinable », du lat. class.in-, préf. à valeur négative, et du bas lat.grammatical declinabilis, déclinable, dér.du lat. class. declinare, détourner, incliner,infléchir, changer les mots au moyen de

  • flexions, de de-, préf. à valeur intensive,et du v. archaïque clinare, incliner, fairepencher ; v. 1380, Aalma, au sens 2 [pourun mot qui garde la même forme à tous lescas, 1867, Littré] ; sens 1, XVe s., Godefroy).1. Class. Qui ne peut être évité : Le plaisirindélibéré produira dans l’homme un bonvouloir d’une manière invincible, indécli-nable et toute-puissante (Fénelon). Ϧ2. Sedit, en grammaire, de mots qui ne reçoiventpas les signes du genre, du nombre ni de lapersonne : L’adverbe est indéclinable. ϦSedit d’un mot qui garde la même forme àtous les cas, bien qu’appartenant à unecatégorie de mots déclinables.

    ◊ n. m. (1838, Acad.). Mot indéclinable.

    indécollable [ɛd̃ekɔlabl] adj. (de in-et de décoller ; 1845, J.-B. Richard deRadonvilliers). Qui ne se laisse pas, ou quise laisse difficilement décoller.

    indécomposable [ɛd̃ekɔp̃ozabl] adj. (dein- et de décomposer ; 1738, Voltaire, ausens 1 ; sens 2, 1873, Larousse). 1. Qui nepeut être décomposé : Les corps simples sontindécomposables. Ϧ 2. Fig. Qui ne peut êtredivisé en éléments séparés, qu’on ne peutanalyser : Un ensemble indécomposable.• SYN. : 2 inanalysable.

    indéconcertable [ɛd̃ekɔs̃ɛrtabl] adj.(de in- et de déconcerter ; 1884, A. Daudet).Qui ne se laisse pas déconcerter (rare) :Cet horrible passé, confessé par elle chaquefois avec la même indéconcertable franchise(Daudet).

    indécousable [ɛd̃ekuzabl] adj. (de in- etde découdre ; 1873, Larousse). Qui ne peutêtre décousu : Une couture indécousable.

    indécrassable [ɛd̃ekrasabl] adj. (de in- etde décrasser ; milieu du XXe s., aux sens 1-2).1. Qu’on ne peut décrasser, rendre propre.Ϧ2. Fig. et fam. Indécrottable.

    indécrochable [ɛd̃ekrɔʃabl] adj. (de in-et de décrocher ; milieu du XXe s., aux sens1-2). 1. Qu’on ne peut décrocher. Ϧ2. Fig. etfam. Impossible ou très difficile à obtenir :Un titre indécrochable.

    indécrottable [ɛd̃ekrɔtabl] adj. (de in-et de décrotter ; 1611, Cotgrave, au sens 1 ;sens 2, av. 1654, Guez de Balzac). 1. Qui nepeut être décrotté, nettoyé : Des chaussuresindécrottables. Ϧ 2. Fig. et fam. Se dit d’unepersonne qu’on ne peut améliorer, corri-

  • ger de ses défauts, de ses insuffisances, de

    son ignorance, etc. : Un animal fangeuxet indécrottable, avec un moral de maîtred’école et un physique de tambour-major(Gautier). Son camarade de lit, un butorindécrottable (Hermant). J’ai bien peur quevous ne restiez pour la vie et pour l’éternitél’individu indécrottable que vous avez tou-jours été (Aymé).

    • SYN. : 1 indécrassable (fam.) ; 2 impénitent,incorrigible, incurable, invétéré.

    indédoublable [ɛd̃edublabl] adj. (de in-et de dédoubler ; 1863, Presse scientifiquedes Deux Mondes [t. II, p. 170], au sensgénéral de « qui ne peut être dédoublé » ;en chimie, 1962, Larousse). En chimie, quine peut être dédoublé : Un polypeptideindédoublable.

    indéfectibilité [ɛd̃efɛktibilite] n. f.(dér. savant de indéfectible ; 1677, Mme deSévigné [indéfectibilité de l’Église, 1743,Trévoux]). Caractère de ce qui est indé-fectible, éternel : L’indéfectibilité d’un senti-ment. ϦIndéfectibilité de l’Église, privilègeattribué à l’Église de durer jusqu’à la findu monde.

    indéfectible [ɛd̃efɛktibl] adj. (de in-et du moyen franç. défectible, sujet àdéfaillance [XVIe s.], bas lat. defectibilis,même sens, de defectum, supin du lat.class. deficere, se séparer de, casser, fairefaute, abandonner, de de-, préf. marquantla séparation, la cessation, et de facere,faire ; 1501, F. Le Roy, au sens 1 [en théo-logie, 1835, Acad.] ; sens 2, 1957, Robert).1. Littér. Qui ne peut cesser d’être, qui dureéternellement : La matière est indéfectible.Cette beauté indéfectible et consommée(Huysmans). Véronique, en effet, se dérobeaux griefs ; sur son indéfectible onctionsouriante tout glisse, sarcasme, moque-rie... (Gide). J’eus la certitude que l’amourest, par son essence, unique, constant,indéfectible (Chardonne). ϦSpécialem.En théologie, se dit de l’Église, qui doitdurer jusqu’à la fin du monde. Ϧ 2. Qui nepeut faire défaut, manquer : Une mémoireindéfectible.

    • SYN. : 1 éternel, immarcescible (littér.),immuable, impérissable, indestructible ; 2solide, sûr. — CONTR. : 1 éphémère, fragile,précaire ; 2 mauvais.

    indéfectiblement [ɛd̃efɛktibləmɑ̃] adv.

  • indéfectiblement [ɛd̃efɛktibləmɑ̃] adv.(de indéfectible ; 1873, Larousse). De façonindéfectible : Être indéfectiblement dévouéà quelqu’un. Le pape est venu enseignerindéfectiblement la vérité (Veuillot).

    indéfendable [ɛd̃efɑ̃dabl] adj. (de in- etde défendable ; 1663, Molière, au sens 2 ;sens 1, 1893, Dict. général ; sens 3, 1897,Bloy). 1. Qui ne peut être défendu militai-rement : Une position, une place indéfen-dable. Ϧ 2. Qui ne peut être valablementsoutenu, justifié (avec un terme abstrait) :C’est un mot étymologiquement indéfen-dable (M. Prévost). Cette doctrine, qui

    n’était pas indéfendable, faisait de jour enjour du chemin dans les esprits (Duhamel).Ϧ3. Se dit d’une personne dont on ne peutprendre la défense, sa conduite, ses actesétant manifestement condamnables oucritiquables : À ce point de vue, l’indéfen-dable Clotilde eût été réprouvée par lesmoralistes économes (Bloy). Je suis indé-fendable, balbutia-t-il. Je ne me défendraipas (Mauriac).

    • SYN. : 2 insoutenable.

    indéfendu, e [ɛd̃efɑ̃dy] adj. (de in- etde défendu, part. passé de défendre ; 1667,Corneille). Vx. Qui est sans défense :[Attila] ravageait les peuples indéfendus(Corneille).

    indéfini, e [ɛd̃efini] adj. (lat. impér.indefinitus, indéfini, vague, de in-, préf.à valeur négative, et du lat. class. definitus,précis, déterminé, part. passé adjectivé dedefinire, délimiter, de de-, préf. à valeurintensive, et de finire, limiter, borner, ache-ver, dér. de finis, limite, terme ; XIVe s., puis1545, Bonivard, au sens I, 1 ; sens I, 2, av.1794, Condorcet [par opposition à infini,1641, Descartes] ; sens I, 3, 1817, Gérardinde Mirecourt [tige indéfinie, 1855, Nysten ;inflorescence indéfinie, 1845, Bescherelle] ;sens II, 1, 1873, Larousse ; sens II, 2,1867, Littré [proposition indéfinie, 1752,Trévoux ; jugement indéfini, XXe s.] ; sensII, 3, 1607, Maupas [aussi article indéfiniet pronom indéfini ; adjectif indéfini, 1873,Larousse ; passé indéfini, 1803, Boiste ; pré-térit indéfini, 1548, Sébillet]).

    I. QUI N’EST PAS FINI. 1. Qui n’est pas li-mité, délimité, ou ne peut l’être : Je seraisdemeuré un temps indéfini à l’écouter età la regarder (Maupassant). Ϧ 2. En phi-losophie, par opposition à fini, se dit dece qui, étant rationnellement fini, peut

  • cependant devenir plus grand que toutequantité donnée : Des progrès indéfinis.Le nombre des individus d’une espèceest indéfini. Ϧ Spécialem. Chez Des-cartes, par opposition à infini, se dit dece à quoi l’on ne peut assigner une finsous un rapport donné : Pour les chosesoù sous quelque considération seulementje ne vois point de fin, comme l’étenduedes espaces imaginaires, la multitude desnombres, la divisibilité des parties de laquantité [...], je les appelle indéfinies, etnon pas infinies, parce que de toutes partselles ne sont pas sans fin ni sans limites(Descartes). Ϧ 3. En botanique, se dit despièces florales dont le nombre n’est pasconstant : Étamines indéfinies. Ϧ Tigeindéfinie, tige dont le bourgeon terminals’allonge de manière indéfinie. Ϧ Inflo-rescence indéfinie, celle qui ne comportepas de fleur terminale et où l’axe peutcroître indéfiniment : La grappe est uneinflorescence indéfinie.

    II. QUI N’EST PAS DÉFINI. 1. Que l’on nepeut définir, qui demeure vague, indé-downloadModeText.vue.download 11 sur 1066

    GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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    terminé : Un trouble indéfini. Portantsa pierre à l’oeuvre indéfinie et sombre |Qu’avec le genre humain fait la création !(Hugo). Maintenant, il se levait, maisdans un tel accablement moral, en proieà un mal indéfini, si têtu, si envahissantqu’il vivait ses journées étendu sur unechaise longue, devant un grand feu debois (Zola). Le rêve, comme chaque ma-tin, s’achevait en raisonnements indéfi-nis, qui ressemblaient parfois à d’ingénusplaidoyers (Duhamel). Ϧ 2. En logique,qui n’est pas défini, déterminé dans sacompréhension : Terme indéfini. Ϧ Pro-position indéfinie, proposition généralequi convient à tous les êtres d’une mêmeespèce. ϦJugement indéfini ou limitatif,jugement affirmatif dont le prédicat estun terme négatif. Ϧ 3. En linguistique,se dit d’un terme qui exprime une idéegénérale sans l’appliquer à un objetdéterminé. (On dit aussi, substantiv.,un INDÉFINI.) ϦArticle indéfini, celuiqui présente l’être ou l’objet que le nomdésigne avec une individualisation indé-terminée (ex. :UN arbre, DES gens). [V.ARTICLE.] ϦAdjectif indéfini, celui qui

  • indique une indétermination (commeaucun, quelque, plusieurs, etc.). Ϧ Pro-nom indéfini, nominal qui présente unepersonne ou une chose avec indétermi-nation (comme on, quiconque, chose,rien, etc.). [V. art. spécial ci-après.]Ϧ Passé ou prétérit indéfini, anc. nom duPASSÉ COMPOSÉ.

    • SYN. I, 1 illimité, indéterminé, infini.Ϧ II, 1 confus, imprécis, incertain, indé-cis, indéfinissable, trouble. — CONTR. :I, 1 délimité, limité ; 2 fini. ϦII, 1 défini,déterminé, distinct, net, précis.

    ◊ indéfini n. m. (1641, Descartes).L’indéfini, ce qui n’est pas défini : Ledécor mouvant, élastique de l’indéfini(Baudelaire).

    GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE

    LES MOTS INDÉFINIS

    On appelle « indéfinis » un certainnombre de pronoms et d’adjectifs quel’on rapproche moins par l’identificationd’un trait commun que par l’absence decertains traits plus aisément reconnais-sables : ils ne sont pas « qualificatifs », ni« personnels », ni « possessifs », ni « dé-monstratifs », etc. De ce fait, le mot « in-définis » terminait la liste des pronoms etcelle des adjectifs dans la Nomenclaturede 1910, reconduite en 1949 : FerdinandBrunot, qui rédigea l’arrêté, formulaitd’ailleurs mainte réserve : selon lui, l’un etl’autre pouvaient être dits « réciproques »ou « distributifs », plusieurs « numéral ».Henri Yvon, dans un projet de réformede la nomenclature (le Français moderne,juill. 1956 et avr. 1958), proposait d’appe-ler « quantitatifs » les adjectifs indéfi-

    nis, et « nominaux » les pronoms. Unegrammaire hardiment novatrice, cellede Charles Bruneau et Marcel Heulluy(1937), éliminait sans autre forme de pro-cès de la classe des indéfinis les mots on,même et autre, qu’elle joignait aux « per-sonnels », différents, divers, plusieurs,quelques, quelques-uns, chaque, chacun,tout, qu’elle joignait aux « numéraux », etquiconque, qui que, quel que et quelque...que, qu’elle joignait aux « relatifs ». Il nemanquait à ces réformateurs que de s’ac-corder entre eux.

    DÉFINITION FORMELLE

  • Les pronoms indéfinis sont substituablesaux autres classes de pronoms et auxnoms propres ; comparer :

    Ils sont venus. / Tous sont venus.

    Jean a parlé. / Quelqu’un a parlé.

    Cette équivalence formelle justifie seule-ment l’appellation de « pronoms ».

    Les adjectifs indéfinis précèdent géné-ralement le nom ou le pronom, soit à laplace de l’article, soit avant l’article, soitaprès l’article :

    certains arbres, tous les arbres,les mêmes arbres ;

    mais quelques-uns peuvent suivre le nomou le pronom :

    un arbre quelconque,

    les arbres mêmes, nous tous.

    La place de ces adjectifs n’est donc pas uncritère d’unité.

    Il arrive qu’un mot indéfini soit employécomme adverbe, et devienne de ce faitinvariable :

    Rapporter les emballages, même

    déchirés.

    Elle a quelque cinquante ans.

    Ils sont tout émus.

    Mais cette possibilité n’existe que pourmême, quelque et tout.

    Ce n’est donc pas du côté de la « distribu-tion » qu’on peut trouver le point com-mun définissant les mots « indéfinis ».

    DÉFINITION FONCTIONNELLE

    Serait-ce du côté de la fonction ?

    La réponse est à chercher dans le plandes signifiés, en liaison avec le signifiédu nom (v. ce mot, art. spécial) ou dupronom, lequel s’identifie par beaucoupde traits à la notion d’« ensemble » desmathématiciens.

    L’idée d’« ensemble » suppose des élé-

  • ments x (x1, x2, x3, etc.) en nombre va-riable, réunis et définis par une propriétéconstante p, qui peut être une qualité(tout élément x de l’ensemble des chevauxest défini par la somme des caractèrespermanents de l’espèce « cheval ») ou une

    relation (tout élément x de l’ensemble desParisiens est défini par le fait d’habiterParis).

    Le contenu sémantique qualitatif du nom,et celui des adjectifs qualificatifs épi-thètes, est un composant de la constantep. Or, les mots indéfinis ne visent jamaisl’indication d’une « qualité », qu’ils soientpronoms (tout, quelqu’un) ou adjectifs(d’autres/ quelques chevaux) ; s’ils ont unemploi qualificatif, ils cessent d’être indé-finis (un livre très quelconque, des bruitsdivers), ou, du moins, ne le sont pas parlà (« Jeanne et moi, nous avons la mêmerobe » : la ressemblance qualitative dedeux robes est suggérée par l’expressiond’une identité substantielle).

    Les adjectifs possessifs et démonstratifsexpriment une « relation » entre l’élémentdésigné et certains points d’ancrage per-sonnels ou spatiaux de la situation : teschevaux (= les chevaux qui sont à toi),ces chevaux (= les chevaux qui sont ici) ;cette relation est encore partie intégrantede la constante p. Au contraire, les indé-finis n’expriment aucune référence à lasituation.

    Les adjectifs numéraux expriment laquantité, qui ne fait pas partie de laconstante : la dualité exprimée dans ungroupe nominal comme deux chevaux estune propriété de l’ensemble des chevauxdésignés, et non de chaque élément de cetensemble ; elle concerne la substance x,non la constante p. Or, il semble bien quela fonction des mots indéfinis concerneégalement la substance, non la constante,mais concerne-t-elle la « quantité » decette substance ? Certains linguistes l’ontpensé, et ont groupé les indéfinis avecles numéraux dans une classe unique de« quantificateurs ». Cette thèse n’est guèresoutenable pour les indéfinis autre etmême, comme l’a montré Michel Arrivédans le Français moderne (avr. 1965). Elles’applique mieux à des mots comme nul,quelques, maint(s), tous. On remarquerapourtant une différence entre l’indica-tion du nombre par un adjectif numé-ral comme trente et son indication par

  • l’adjectif indéfini tous : la première estabsolue, la seconde relative aux limites duréférentiel, c’est-à-dire, ici, de l’ensembleconsidéré ; trente élèves a le même sensquelle que soit l’unité de groupementscolaire où ces deux mots sont pronon-cés, mais tous les élèves peut signifiertrente dans une classe, cinq cents dansune école, trois mille dans un lycée, etc. ;de même les autres donne une indicationnumérique dans un référentiel connu àcondition qu’un premier sous-ensembled’éléments, résumable par les uns, ait étédésigné.

    L’indication de nombre donnée par lesindéfinis adjectifs ou articles n’est qu’uneffet résultant de leur valeur propre.downloadModeText.vue.download 12 sur 1066

    GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

    2564

    Même si l’on désigne trente pages endisant toutes les pages, l’expression dunombre n’est pas la fonction essentiellede l’adjectif tout, qui peut exprimer latotalité dans l’unité même : toute la page.L’« indéfini » doit s’opposer au « défini »dans le domaine des pronoms et desadjectifs comme dans le domaine de l’ar-ticle, où l’opposition est transcendante aunombre :

    un cheval/le cheval ; des chevaux/

    les chevaux.

    Comme le sens des articles, le sensdes adjectifs et des pronoms indéfiniss’éclaire par le recours à la notion d’iden-tité — que nous sentons intuitivementdans la conception de notre moi, et quenous transportons dans chaque objetconçu comme une substance.

    Les mots indéfinis sont des instrumentsde saisie des éléments d’un ensemble fon-dés sur les rapports qu’ils entretiennententre eux dans la substance ; un, quelque,certain, tel, même, autre expriment deslibertés ou des restrictions concernantl’identité sans référence à aucun élémentde détermination extérieur à l’ensemble ;chaque, tout, signifiant la saisie distribu-tive ou globale de tous les éléments d’unensemble, aboutissent à une détermi-nation de fait, en contradiction avec le

  • terme « indéfini », mais cette détermina-tion n’est pas leur fait ; un groupe nomi-nal comme tous mes enfants comporte :— une détermination externe expriméepar mes, qui rattache l’ensemble à uneconstante notoire ;

    —une détermination interne expriméepar tous, qui précise dans le cadre del’ensemble et sans en sortir la quantitéd’éléments concernés.

    Il n’est pas exclu que la suggestion dunombre prenne la première importance,et c’est pourquoi tels adjectifs indéfinisne s’emploient pratiquement qu’au pluriel(quelques, différents), quoiqu’il n’en aitpas toujours été de même. Le caractèreimprécis du nombre ainsi exprimé ex-plique pourquoi ces mots restent classésdans les « indéfinis » au lieu d’être ratta-chés au système des nombres, où la fonc-tion légitimerait leur intégration (le motplusieurs, de valeur absolue constante,est d’une réelle utilité en mathématiques,si le mot maint, de sens trop relatif, n’y aaucun emploi).

    Un certain nombre de mots indéfinis ontreçu des fonctions particulières qui leuront fait attribuer des désignations diffé-rentes : interrogatifs (qui, que), relatifs(qui, quiconque, lequel), concessifs (quelque). C’est alors la modalité, ou la fonc-tion syntaxique, ou la « circonstance »qui prend l’importance première. Le pro-

    nom on, de par sa distribution, est sou-vent intégré aux pronoms « personnels ».

    LE PRONOM « UN »

    L’emploi de un comme article (Il porteun chapeau) et son emploi comme adjec-tif numéral (Il n’a qu’un costume) sontétudiés ailleurs. On considère ce motcomme un pronom indéfini dans les em-plois suivants.

    • 1° Au singulier, précédé facultative-ment de l’article défini élidé (l’), il estnormalement suivi d’un complémentqui délimite le référentiel, c’est-à-direl’ensemble de référence, animé ou non :

    (l’)un de mes livres, (l’)une de nous.

    Il n’est pas possible de dire : *les deux(trois, etc.) de nous. En revanche, si l’en-semble de référence est représenté par

  • en (Donne-m’en un), l’emploi de l’articledevient impossible (*Donne-m’en l’un),et un doit être tenu pour un pronomnuméral.

    La langue littéraire emploie (l’)un(e) sanscomplément si le contexte supplée leréférentiel :

    Les orchidées tourmentées se

    penchent anxieusement vers Honoré ;

    une a l’air méchant

    (M. Proust).

    L’emploi de l’article est toujours faculta-tif, sauf dans la locution de deux chosesl’une ; comme devant on, l’article a sou-vent pour fonction d’éviter un hiatus : sil’un (mais : quand un).

    •2° Au singulier, sans article et sansantécédent, suivi d’une proposition rela-tive déterminative, un (une) signifie dansla langue familière « un homme » (« unefemme ») :

    Elle soupirait comme une qui a du

    chagrin

    (E. Pérochon).

    • 3° Au pluriel, précédé obligatoirementde l’article défini, un(e)s s’emploie seu-lement en corrélation avec le pronomautres (v. ci-après).

    HISTORIQUE

    On rencontre en ancien français commeaujourd’hui le pronom un ou une sansarticle et suivi d’un complément :

    une des tors (Villehardouin, § 174),

    une des lor (ibid., § 179).

    Le complément n’était pas nécessairequand le contexte offrait l’antécédent :

    Et dont[= alors] firent armerles galiestotes : li dux de Venise et li marchis deMonferrat entrerent en une ..

    (ibid., § 145).

    L’article défini s’employait devant un

  • comme aujourd’hui :

    De cels fu li uns Odes li Champenois[l’un de ceux-ci était Eudes le Cham-penois] (ibid., § 114).

    Il s’employa même jusqu’au XVIe s. devantun suivi d’un nom :

    de l’une mer à l’altre mer (Wace).

    L’un membre sera perclus, l’autre envigueur (Montaigne).

    Ce mariage paradoxal du défini à l’in-défini a sa clef dans un usage du latinvulgaire, où ille placé après un nom denombre avait la valeur référentielle d’uncomplément comme illorum, illarum ;comparer :

    illi duo : « ces deux-là »,duo illi : « deux de ceux-là ».

    La seconde construction, conservée enroumain, où unul signifie « un d’eux »,a été inversée en gallo-roman (commel’atteste le latin médiéval), et l’on expliqueainsi des constructions courantes comme :

    Des doze pers li dis en sunt ocis (laChanson de Roland).

    Sept somiers [= chevaux de charge]avoec moi menrai, les deus [= deuxd’entre eux] cargiés d’or et d’argent(Floire et Blancheflor, XIIe s.).

    Le tour se rencontre encore au XVIIe s. :

    Des trois les deux sont morts(Corneille).

    Il se maintient dans l’expression des frac-tions (les deux tiers) et dans le groupe l’un,l’une, dont il accuse le caractère « indéfi-ni » dans la mesure où il continue à expri-mer le rapport de l’élément à l’ensembleréférentiel, à la différence d’un numéralpur.

    L’emploi de un pour quelqu’un devantune proposition relative appartenait,dans l’ancienne langue, au français com-mun, et Pascal écrivait encore :

    Ma fantaisie me fait haïr un quisoufle en mangeant.

    Cependant, Corneille, quand il corri-

  • gea ses propres oeuvres, remplaça systé-matiquement un par quelqu’un dans cetemploi.downloadModeText.vue.download 13 sur 1066

    GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

    2565

    « AUTRE », « AUTRUI », « DIFFÉRENTS »,« DIVERS »

    Autre exprime l’altérité substantielle dedeux éléments d’un ensemble :

    Ta cravate est tachée, mets-en une

    autre.

    L’altérité peut glisser de la substance à sescaractères, et autre devient un adjectifqualificatif :

    Tâche de mettre une robe autre que

    la sienne.

    Je me sens tout autre.

    En revanche, les adjectifs différents etdivers, qui expriment normalement desdifférences de qualité (deux enfants trèsdifférents), en sont venus (le second dès lelatin) à exprimer la différence d’identitéet ont été construits comme l’article :

    Différentes personnes ont été

    consultées.

    J’ai agi pour diverses raisons.

    Comme adjectif indéfini, autre pré-cède le nom et doit être précédé d’unactualisateur :

    un autre nom, les autres rayons,

    mon autre robe, certains autres

    employés.

    L’article indéfini des est remplacé par de :

    d’autres employés.

    Il peut se rapporter dans les mêmesconditions à certains pronoms :

  • les autres miennes ;

    mais le plus souvent il est postposé auxpronoms en construction directe ouindirecte :

    Personne (d’)autre. Quoi d’autre ?

    Il s’ajoute directement aux formes to-niques plurielles du pronom personnelpour souligner l’identité par contraste :

    nous autres ; vous autres Anglais ; et

    familièrement : elles autres.

    Autre adjectif placé après le nom prend lavaleur qualificative .

    Mon Dieu, Madame : j’ai des idées

    autres (Brieux).

    Il peut cependant être postposé au sensindéfini, surtout s’il doit recevoir uncomplément de comparaison :

    Il s’était refusé à verser les deux cents

    francs de la pension entre des mains

    autres que celles de son père (Zola).

    Comme pronom indéfini, autre est éga-lement précédé d’un actualisateur ; alors

    • 1° Sans antécédent, il désigne despersonnes :

    Il n’est pas plus bête qu’un autre(P. Mille).

    Tu en aimes un autre ? (A. Daudet).

    Nul autre ne le sait.

    D’autres vont maintenant passer où

    nous passâmes (Hugo).

    Il prend avec l’article défini une valeurd’imprécision désinvolte dans la locutioncomme dit l’autre ; il devient nettementinsolent quand il désigne une personnequ’on pourrait nommer.

    La langue littéraire emploie dans un sensgénéral autrui, surtout dans les fonctionsde complément :

  • Respectez autrui.

    Le bien d’ autrui.

    La fonction sujet n’est pas sans exemple :

    Autrui nous est indifférent (Proust).La langue commune use d’un neutre cor-respondant, autre chose :

    Cherche autre chose de moins

    dangereux.

    • 2° Avec antécédent, il désigne des per-sonnes ou des choses :

    Prenez mon crayon, j’en ai un autre.

    Appelez Paul et les trois autres.

    L’article manque dans quelqueslocutions :

    de façon (manière) ou d’autre ; de

    temps à autre ;

    Je lui ai dit, entre autres... ;

    Les voyageurs pour Saint-Mihiel,

    Verdun et autres (Courteline).

    Autre est souvent employé en corrélationavec l’un. Ils sont ordinairement pro-noms et désignent deux ou plus de deuxparties d’un même ensemble :

    L’une parlait, l’autre écoutait.

    Les uns bavardaient, d’autres

    lisaient, d’autres jouaient.

    Ils peuvent être coordonnés par et, ou,ni :

    Les uns et les autres écoutaient.

    Dans ce cas, l’un peut adopter la natureadjective de l’autre :

    Ni l’un ni l’autre escadron (Michelet).Des phrases comme :

    L’un déteste l’autre,L’un a dit du mal de l’autre

    peuvent exprimer une relation à sens

  • unique ou réciproque ; mais le caractèreindéfini des deux pronoms permet deleur faire exprimer la réciprocité en les

    rapprochant dans une phrase à sujet plu-riel indépendamment exprimé :

    Ils se détestent l’un l’autre.

    Ils ont dit du mal l’un de l’autre.

    Qui veut les séparer doit d’abord leurôter le goût l’un de l’autre (Zola).

    HISTORIQUE

    • Le latin classique exprimait l’altéritépar

    — alter si le référentiel ne comptait quedeux éléments ;

    —alius s’il comptait plus de deuxéléments.

    Le latin impérial généralisa alter aux dé-pens d’alius, qui n’est conservé en ancienfrançais qu’au neutre sous la forme el(issu d’alid, doublet peu classique d’aliud,ou encore d’*ale, analogique de taled’après alis/talis) :

    Que fereient-il et ? (la Chanson de

    Roland, 1185).

    Les mots comme aussi (alsi), autant (al-tant), dont le premier élément continuaitali-, sont doublés en ancien français pardes mots remontant à alter : autresi,autretant.

    • Alter pouvait joindre à sa valeur indé-finie le sens numéral de « second », queconserve altre en ancien français :

    La premere est des Canelius les laiz,L’altre est de Turcs et la terce de Pers

    [Le premier corps de bataille est de laidsChananéens, Le second de Turcs et letroisième de Persans] (la Chanson deRoland, 3238 et 3240).

    Cet emploi sera éliminé dans la languesavante par segons (XIIe s.) et dans lalangue populaire par deusième (XIVe s.).

    • Une confusion est souvent faite, dansbien des langues, sur le sens des mots

  • signifiant « autre » : ils en viennent àmarquer non plus l’altérité d’un sous-en-semble dans un référentiel commun (despommes et d’autres fruits, des oranges),mais l’altérité d’un ensemble relative-ment à un autre (des pommes et d’autresoranges) ; cet emploi, normal en grec an-cien, s’observe en danois, en espagnol, enprovençal, en bas latin ; on en relève denombreux exemples en ancien français :

    Ja le ferrai do pié com un autre mas-tin [Je le frapperai du pied commeun chien] (Renaut de Montauban).downloadModeText.vue.download 14 sur 1066

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    • Autre pouvait être pronom ou adjectifsans actualisateur :

    Hom ki traïst altre nen est dreizqu’il s’en vant [L’homme qui trahitun autre, il n’est pas juste qu’il s’envante] (la Chanson de Roland, 3974).

    Adonc issi l’empereres [...] fors de la

    cité par autres portes [L’empereur

    sortit de la cité par une autre porte]

    (Villehardouin, § 177).

    De même qu’en latin alterum était mas-culin ou neutre, la forme du masculinsingulier fonctionnait en ancien fran-çais comme un neutre, signifiant « autrechose » :

    N’en voil or plus traitier

    D’altre voil cumencier

    (Ph. de Thaon).

    • Autrui était à autre sans article ce quecelui était à cil et à cel, un datif devenuun cas régime renforcé (v. ATTRIBUTION,art. spécial) ; le datif ayant exprimé enbas latin la possession, autrui présente enancien français la fonction possessive :

    J’ai vescu de l’ autrui chatel [= du

    bien d’autrui] (Rutebeuf).

  • Montaigne use encore du nom l’autruypour « le bien d’autrui » :

    On nous duict à nous servir plus de

    l’autruy que du nostre

    (Essais, III, XII).

    Mais, à son époque, la conscience de lavaleur casuelle était dès longtemps effa-cée, au point que G. Gougenheim relèvedéjà chez d’Aubigné un emploi d’autruycomme sujet :

    La gloire qu’autruy donne est par

    autruy ravie..

    •L’emploi d’autre sans article se ren-contre jusque chez Molière :

    Je viens ici pour autre sujet

    (le Mariage forcé).

    Mais l’édition de 1697 corrigeait le texteen un autre.

    L’emploi de l’article défini a toujours étépossible, comme devant un (v. plus haut)et par héritage du même tour latin : liautre remonte au gallo-roman ille alter,issu, par permutation, de alter ille, rem-plaçant en bas latin alter illorum, « unautre de ceux-là ». Originellement, l’ar-ticle du groupe l’autre marque donc seu-lement la détermination de l’ensembleréférentiel, mais comme l’élément setrouvait aussi déterminé par l’élimina-tion du sous-ensemble précédemmentdésigné (élément ou groupe d’éléments),cet article d’origine très particulière seconfondait avec tout article défini, et jus-

    tifiait le recours à l’article un(s) quand il yavait lieu de marquer l’indétermination :

    Et ne tarda guaires aprés que s’en

    ala uns autres halz hom de l’ost [de

    l’armée] (Villehardouin, § 109).

    • L’emploi de autre après nous, vous a unancêtre ou un modèle latin :

    At nos hinc alii sitientes ibimus Afros

    (Virgile, Églogue I, 65).

  • De là en provençal nautre, vautre, en es-pagnol nosotros, vosotros.

    • En latin, alter (comme alius) répétés’opposait à lui-même :

    Alter ridet, alter flet [L’un rit, l’autre

    pleure].

    Alter alteri auxilium fert [Ils se

    portent secours l’un à l’autre].

    Cet usage se perpétue dans des construc-tions (imitées du latin) comme :

    Autre est promettre, autre est donner

    (Dict. de l’Acad., 1932).

    Mais en bas latin apparaît l’oppositionunus/alter (Grégoire de Tours), continuéepar li uns/li altre(s) en ancien français :

    Et quant il i vinrent, i troverent II

    voies, l’une boine, et l’autre male

    (Istoire d’outre mer).

    La réciprocité n’est pas encore explicite-ment marquée dans des phrases comme :

    Li uns l’autre preudomme claime(le Vair Palefroi),

    mais toute ambiguïté est écartée quand leverbe est au pluriel :

    Li uns vers l’autre a esperon

    Par le gré brochent a bandon (le

    Roman de Thèbes).

    La construction en apposition du françaismoderne est rare avant le XIVe s. (J. Stéfa-nini, la Voix pronominale en ancien et enmoyen français).

    • L’emploi de divers comme adjectif in-défini remonte au bas latin : per diversasregiones (Lactance, début du IVe s.) ; diffé-rents a suivi le modèle.

    « MÊME »

    Autre a pour contraire même, qui ex-

  • prime l’unité d’identité :

    • 1° Précédé de l’article, même est ad-jectif s’il est suivi d’un nom ; il marquequ’un seul élément ou groupe d’éléments(exprimé par le nom) est le terme d’unerelation qui a pour source plusieurs élé-ments ou groupes d’éléments distincts,ou inversement ; c’est la valeur du latinidem et de l’anglais same :

    Jeanne et Paul ont le même père.

    Les mêmes tarifs sont appliqués auxhommes et aux femmes.

    L’une des deux sources peut être présen-tée comme l’étalon d’un jugement decomparaison (v. ce mot, art. spécial) :

    Tu as les mêmes goûts que moi.

    En l’absence de nom, le groupe article + mêmedevient pronom :

    Notre goût est le même.

    Il est neutre dans l’expression : Cela re-vient au même.

    • 2° Placé après le nom (ou le pronom),même est toujours adjectif ; il soulignepar redondance l’identité dans des condi-tions où elle pourrait être mise en doute ;c’est la valeur du latin ipse et de l’anglaishimself :

    Le Président même assistera à

    l’inauguration.

    Ce sont ses paroles mêmes.

    Lui-même vous répondra.

    Il est souvent associé à un pronom per-sonnel pour représenter le sujet de laphrase ou reprendre un pronom de sensréfléchi :

    Je voudrais être enfin moi-même.

    Connais-toi toi-même.

    Employé après un nom de qualité attri-but, il marque que le sujet incarne aumieux cette qualité :

    Mon père était la bonté même.

  • • 3° Même peut être un adverbe, inva-riable. Il marque alors qu’une conditionparticulière n’infirme pas la validitéd’une relation générale énoncée dans laphrase :

    Même prévenus, ses auditeurs se

    laissent duper.

    Il refusera, même si vous offrez le

    double.

    Il chasse même quand c’est interdit.

    Dans ces exemples, même est placé de-vant le membre de phrase exprimant lacondition spécifiée, mais son sens portesur l’assertion totale de la phrase : il ren-force non plus l’identité d’un des termesde la relation, mais tout l’énoncé, et, dece fait, sa place est assez libre ; il peut êtrerapproché du verbe :

    Ses auditeurs se laissent même duper

    quand ils sont prévenus.

    Il a même chassé quand c’était

    interdit.

    La différence entre même adjectif etmême adverbe apparaît dans des phrasescomme les suivantes :

    1. Il est arrivé le dimanche même.

    2. Il travaille même le dimanche.

    La première phrase fait porter l’affirma-tion sur l’identité du jour désigné : « ilest arrivé le dimanche (et non pas unautre jour) ». La deuxième la fait portersur l’action principale (travaille) dont ladownloadModeText.vue.download 15 sur 1066

    GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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    réalité, normale les autres jours, n’est pasinfirmée le dimanche :

    3. Je parlerai au commissaire même

    (à personne d’autre).

  • 4. Je parlerai même au commis-

    saire (à tout le monde, y compris le

    commissaire).

    Mais l’emploi adverbial de même ne s’ex-plique génétiquement que par l’existenced’un grand nombre de cas où l’identitéd’un objet ou d’une personne est unecondition qui pourrait infirmer l’asser-tion totale : il y a alors intersection entreles deux valeurs, et il en résulte une in-certitude orthographique :

    Les savants même(s) peuvent se

    tromper.

    Le problème ne se pose plus si même pré-cède le nom : Même les savants.

    HISTORIQUE

    Le latin classique exprimait par deuxmots différents, idem et ipse, les idéesque le français moderne distingue parla construction d’un seul mot, même,et qu’on appellera pour la commo-dité « identité » (idem homo, « le mêmehomme ») et « ipséité » (homo ipse,« l’homme même »).

    Au lieu de dire :

    Il habite la même maison quej’habite,

    on peut dire :

    Il habite cette maison même que

    j’habite.

    L’identité de la maison désignée estexprimée par le démonstratif cette, etmême souligne l’unité de cette identité ;le tour est expressif et exempt de touteambiguïté. Or, ce tour était répandu enlatin familier, où l’on remplaçait volon-tiers idem par hic/iste/ille + ipse ; Cicéronlui-même écrivait dans le Pro Roscio : istaipsa[= eadem] lege quae..., « par la mêmeloi qui... » ; en roman ipse, précédé ou nond’un démonstratif, élimina idem, commedans cette phrase de la pieuse dame Éthé-rie racontant son pèlerinage vers la fin duIVe s. (ErnoutThomas, § 216) :

    Non ipsa parte exire habebamus qua

  • intraveramus [Nous ne devions pas

    sortir du même côté que celui par

    lequel nous étions entrés] (Peregrina-

    tio Aetheriae).

    Dans d’autres contextes, la valeur d’ipséi-té soulignait une précision de nombre oude date en glissant vers le sens qu’exprime

    en français moderne un adverbe comme« exactement » :

    Trigenta dies erant ipsi [Il y a exacte-ment trente jours] (Cicéron, Lettres).

    Nunc ipsum [en ce moment même]

    (ibid.).

    Ipse est conservé sous la forme eps dansle vieux texte de la Passion (Xe s.) ; il yexprime l’ipséité dans :

    Tu eps l’as dit, respon Jesus.

    Mais ailleurs les conditions sont rempliespour qu’affleure l’idée d’identité unique :

    Lo nostrae seindra en eps cel di

    Veduz furae veiades cinc

    [Notre seigneur dans ce même jour a

    été vu cinq fois].

    Et ailleurs, l’emploi moderne adverbialest en germe :

    Chi eps los morz fai se revivre

    [Qui fait revivre même les morts].

    Par la suite, ipse n’apparaîtra que sous laforme es, ou is (de *ipsī), conservée dansla locution en es le pas, « sur-le-champ »(dans le même pas), devenue isnellepaspar contamination avec isnel, « rapide »,et dans les adverbes nees (neis), « pasmême » (nec ipsum), ades, « à l’instantmême ». C’est un pronom-adjectif com-posé d’ipse qui a donné même.

    Par une redondance que réprouvait Do-nat, ipse était employé après les pronomspersonnels déjà renforcés du suffixe

  • -met : egomet ipse ; une mauvaise couperattacha met au pronom de droite, quidevint *metipse, postulé par le provençalmedeis ; le renforcement par un suffixesuperlatif aboutit à *metipsĭmus, postulépar l’italien, par l’espagnol, et par l’an-cien français meesmes (meïsmes).

    Meïsmes, placé après le nom ou le pro-nom, exprimait ordinairement l’ipséité :

    Chi respondrat a mei, quant jomethesme le fis

    (Psautier de Cambridge, XIIe s.).

    A grant duel met la sue carn medisme[Elle fait grandement souffrir sachair même] (Vie de saint Alexis).

    Et li rois il meismes les prend a

    redresser (Berthe au grand pied).

    Mais certains contextes favorisentl’identité :

    et content ces novelles meïsmes [cesmêmes nouvelles] (Villehardouin).

    Placé avant le déterminant, il admet sou-vent les deux interprétations :

    Cumandad que il a sa mort fust ense-veli en meïme le sepulcre ou li bons

    huem fud ensevelis (le Livre des Rois).

    De meïsme t’espée t’irai je honte faire

    (Élie de Saint-Gille).

    Plus rarement, même était enclavé entrele déterminant et le nom, sans grande dif-férence de sens :

    La royne se velt ocirre [veut se tuer],

    Et de cele meime espee

    (Tristan, XIIe s.).

    En somme, la correspondance précisedu français moderne entre le sens et laconstruction de même n’était pas établie.

    Elle ne l’était pas encore tout à fait auXVIIe s. :

    A voir ainsi traité Et la même inno-

  • cence et la même bonté !

    (Molière, Sganarelle).

    Et sans être rivaux, nous aimons en

    lieu même

    (Corneille, la Place Royale).

    Des expressions comme en meïme le se-pulcre ont donné naissance à la locutioninvariable à même, que blâmait ThomasCorneille, mais que la langue modernen’a pas perdue :

    En buvant largement à même le

    grand fleuve

    (E. Rostand).

    La locution être à même de + infinitif datedu XIIIe s.

    Certains noms exprimant des notionsmassières concrètes ou abstraites ontété longtemps réfractaires à l’article (v.ce mot, art. spécial) ; même employéavec ces noms les précédait sans article :meïsme terre [la même terre], meïsmedesdeing [le même dédain] ; il en était demême devant les pluriels et après les pré-positions. Cet usage s’observe encore auXVIIe s. :

    Car toute nuit je fais mesme exercice(Desportes),

    et sporadiquement dans toute la littéra-ture, principalement quand le groupenominal n’exprime qu’une qualité :

    des manteaux de même couleur.

    Dès l’origine, l’emploi de même au sensd’ipse après le nom a tendu à se confondredownloadModeText.vue.download 16 sur 1066

    GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

    2568

    avec l’adverbe, ce que rend manifeste soitla présence d’un -s adverbial :

    Je t’enseignerai bien autre hui [unautre jour],Autre, non pas, mais ce meismes (le

  • Roman de la Rose),soit l’absence d’un-s désinentiel :

    Nuncerent vos cez paroles meïsme [Ils

    vous adressèrent ces paroles mêmes]

    (la Chanson de Roland, 204).

    Au XVIIe s., l’adverbe prenait encore l’-s :

    Mesmes quand la mer est calme, à

    peine y peut-on travailler (Vaugelas).Et Vaugelas proposait qu’on distinguâtl’adverbe par la présence ou l’absence d’-sselon qu’il suivait un nom singulier oupluriel, donnant pour exemple :

    Les choses même que je vous ai dites me

    justifient assez,

    et la chose mêmes que je vous ai dite, etc.Thomas Corneille rejeta mêmes adverbe ;l’Académie déconseilla de le placer aprèsle nom comme Vaugelas l’avait fait dansces exemples, où il se confond avecl’adjectif.

    « QUI », « QUEL », « OÙ », etc.

    Qui répété a la valeur indéfinie dans destextes comme :

    Qui casse le museau ; qui, son rival

    éborgne... (M. Régnier, Satire X).

    Les mots interrogatifs qui, quoi, lequel(pronoms), quel (adjectif), où (adverbe)prennent une valeur indéfinie dans deuxsortes d’emploi :

    •1° Précédés d’un verbe exprimantl’indétermination :

    Je ne sais qui/quoi/lequel/quel/où ; onne sait qui/ quoi/lequel/quel/où ; Dieusait qui/quoi/lequel/quel/ où, etc.

    Tu es l’égal de n’importe qui (Gyp).

    Ce mariage, c’était un point de

    départ vers elle ne savait quelle vie

    (Mauriac).

    D’autres mots interrogatifs reçoivent des

  • emplois analogues :

    Il viendra je ne sais quand.

    Elle dépense Dieu sait combien.

    Ils vivent on ne sait comment ;

    • 2° Suivis d’une proposition relative ausubjonctif introduite par que, ils expri-ment l’indétermination « concessive » :

    Qui que tu voies ; quoi que tu fasses ;quel que tu sois ; où que tu ailles, etc.

    Lequel des deux qui vienne, qu’ilvienne seul (Rousseau).

    Après quel, le verbe de la relative est tou-jours attributif :

    Quel qu’il puisse être/paraître.

    Les séquences qui que ce soit, quoi que cesoit, où que ce soit ont été grammatica-lisées en pronoms et adverbes indéfinis :

    Ne dis rien à qui que ce soit.

    On reconnaît une valeur indéfinie voi-sine dans le pronom quiconque et l’adjec-tif quelconque, dont les constructionssont très différentes.

    Quiconque est normalement sujet d’uneproposition relative à l’indicatif sansantécédent :

    Arrêtez quiconque passera.

    La langue moderne admet aussi son em-ploi comme pronom indéfini substituableà quelqu’un :

    Défense absolue de parler à qui-

    conque (A. Daudet).

    Quelconque est l’adjectif correspondant ;il se place après le nom :

    Montez dans un wagon quelconque.On a vu plus haut qu’il peut avoir le senset les constructions d’un adjectif quali-ficatif ; une valeur dépréciative s’attachesouvent à la position de quelconque entrel’article et le nom :

    Il a été attaqué par de quelconquesvoyous (Malraux).

  • HISTORIQUE

    L’emploi indéfini de qui répété est ancien :

    Chascuns a point [a éperonné] qui

    cheval qui destrier (le Couronnement

    de Louis, 1504).

    Il a pu naître d’un emploi adverbial deque... que :

    Il furent bien quinze mil, que petitque grant (Villehardouin),

    remontant au latin qua.. qua (Plaute,Cicéron) :

    Qua dominus, qua advocati, sibilis

    conscissi (sunt) [Tant le maître des

    jeux que ses acolytes ont été sifflés]

    (Cicéron, lettre à Atticus).

    Que... que disparaîtra après le XVIe s.,mais qui.. qui se maintiendra en françaislittéraire.

    Les séquences grammaticalisées comme(je) ne sais qui/quoi/ quel sont naturelleset d’ailleurs anciennes en français, sansqu’on soit obligé d’invoquer le modèlelatin nescio quis.

    Les propositions relatives indéfiniesexistaient au Moyen Âge (v. CONCES-SION, art. spécial) ; le jeu des deuxpronoms y était plus libre et plus variéqu’aujourd’hui, puisqu’on rencontre qui

    qui, que que, liquels que, combien que,com(ment) que, quant que. La nuanceconcessive semble absente quand lemode est l’indicatif, comme il arrivedans les vieux textes :

    Cui que il vuelt maintenir et aidier,

    Nuls nel porra honir ne vergoignier

    (le Couronnement de Louis, 577-8).

    La valeur indéfinie qui subsiste est doncattachée à la répétition du relatif, reprissous une forme généralement indifféren-ciée (que), mais qui peut être qui (sujet ou

  • cas régime pour cui) :

    Chi chi se doilet, a nostr’os est il goie[Qui que ce soit qui s’en attriste,pour nous il y a de la joie] (Vie desaint Alexis, 503).

    Damourette et Pichon ont interprété lepremier pronom comme un interrogatif(parce qu’il peut être comment, combienet quel, mais non comme ni dont), et le se-cond comme la conjonction que, béquilledu subjonctif : quoi que vous mangiezs’expliquerait par une « interrogation nonrésolue » : que vous mangiez... quoi ?

    En fait, comme et dont étaient aussi bieninterrogatifs que relatifs en ancien fran-çais, et on lit dans le Roman de Thèbes (v.2118) : Com loing que la riviere seit...

    Mais l’hypothèse de Damourette et Pi-chon est démentie par deux faits :

    — Qui en seconde place n’est pas sansexemple (v. plus haut) ;

    — La béquille du subjonctif n’apparaîtqu’au XIIIe s., c’est-à-dire bien après laconstruction qui que, présente dès lespremiers textes.

    La meilleure interprétation est celle quidonne le premier pronom pour un indé-fini en construction absolue, le secondpour un relatif de fonction indifférenciéedans la quasi-totalité des cas — la marquede fonction syntaxique étant portée parl’indéfini et le rôle de ligature étant assu-mé par le relatif seul.

    C’est l’avis de G. Moignet qui, dans sonEssai sur le mode subjonctif (1959), rap-proche pertinemment ces relatives à pro-nom complexe de relatives à antécédentsubstantif indéterminé, comme :

    Ja mes ne serai conneüz [reconnu]en leu ou aie esté veüz (le Roman deRenart).downloadModeText.vue.download 17 sur 1066

    GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

    2569

    L’indicatif est préféré au subjonctif quandl’indétermination fait place à la totalité :

  • Sempre fist bien ou que il pod (Vie de

    saint Léger, 40).

    Ce mode est normal après quant que(de quantum quod) :

    Je vos otri quanque m’avez ci quis

    [Je vous octroie tout ce que vous

    m’avez demandé ici] (la Chanson de

    Roland, 3202).

    Est-il légitime de parler, pour l’ancienfrançais, d’une série de mots indéfinisqui, que, quoi (pronoms), quel (adjectif),où (adverbe), etc., ou doit-on penser que,dès cette époque, l’unité morphologiquequi que, quoi que, etc., était réalisée ?

    Elle l’était depuis le latin si l’on en croitL. Foulet (Romania, 1918), qui voit dansquiqui, quique, queque l’aboutissementdes pronoms latins concessifs quisquis,quidquid, etc. Des inscriptions attestentla confusion en latin vulgaire de quisquiset quisque (« chaque ») :

    Quisque Manes inquetaberit habebit

    illas iratas

    [Quiconque troublera les Mânes

    s’attirera leur colère] (Pouzzoles).

    Que cette filiation soit exacte ou non,on ne peut manquer d’apercevoir unedifférence catégorique entre le pronomlatin exprimant l’indétermination par larépétition de quis ou quid et le pronomfrançais dont le second élément, inva-riable, tend à s’identifier à la conjonctionpolyvalente que (cf. De Boer, Revue delinguistique romane, 1928 ; Weerenbeck,Romania, 1936). Ce que à effet concessif apu s’employer par analogie après où, com,combien et après quel, dont il est séparédans les plus vieux textes :

    Ainz le desir mout a savoir,

    Quel duel que je en doie avoir (Chré-

    tien de Troyes, Yvain).

    Molière écrit encore en quel lieu quece soit, et le tour se conservera dans la

  • langue littéraire.

    Certaines créations analogiques, ainsique la graphie séparée, ordinairementobservée au Moyen Age, de qui que, quoique, légitiment amplement la conceptiond’une valeur indéfinie des pronoms qui etquoi, sous-jacente à leurs emplois inter-rogatifs et relatifs (v. INTERROGATIF, RE-LATIF, art. spéciaux), remontant à l’indo-européen, et restée pure dans les relativesindéfinies.

    L’indétermination pouvait être souli-gnée par l’emploi de mots comme onques(onkes), « jamais », dont la valeur étaitcelle de l’anglais ever dans la série whoe-

    ver (quiconque), wherever (où que cesoit), etc. :

    Cui qu’il onkes en attaingnoit

    Trestut le cors li purfendoit (Brut).

    On rencontre anciennement les sé-quences ki ki unques, qui unques, quiqu’onques ; la dernière, grammaticalisée,sera écrite quiconque sous l’influence dupronom concessif latin quicumque (quine peut être un étymon phonétique) :

    Quiconques trouveroit Phelippe

    d’Artevelle, on li donroit dis frans

    (Froissart).

    Avec assez de vraisemblance, Nyrop(G. H. L. F., § 449) voit dans quiconqueun mot savant altéré par l’étymologiepopulaire, puis rapproché de son modèleancien. La séparation même (ou tmèse)des éléments avait des modèles en latin :cui pol cumque occasio est (Plaute), quile cumque manent casus (Virgile). Le casde quelconque, qui rejoint formellementqualiscumque, est analogue :

    An quel leu que il onques aut[En quelque lieu qu’il aille jamais](Yvain, 5803).

    Quel c’onques voie que je tiegne

    (Perceval, 7016).

    La soudure morphologique des élémentsautorise la répétition de que dans ce der-nier exemple, et l’autorisera encore au

  • XVIe s. :

    Il n’y a nul conseil ne parlement ny

    assemblée, quel-conque qu’elle soit,

    qui n’ait son président (Calvin).

    Les graphies kékonk (Baïf), queconque(Rabelais) attestent une prononciationinvariable, conforme à l’invariabilité ori-ginelle de quel (lat. qualis) en genre. Dansles graphies quelzconques et quelleconqueadmises par Palsgrave, il faut voir desréfections savantes sans existence orale.Le mot, à cette époque, était adjectif oupronom.

    L’emploi comme adjectif indéfini puret simple, non suivi d’un verbe, peutrésulter d’une ellipse, ou plutôt de l’imi-tation d’une construction semblable dequaliscumque :

    Sin qualemcumque locum sequimur...

    [Mais si nous cherchons le premier

    endroit venu] (Cicéron).

    La même construction était admise enlatin pour quicumque employé commeadjectif ; de là, sans doute, des phrasestelles que :

    Depuis ce temps caphart quiconques

    n’est auzé entrer en mes terres

    (Rabelais).

    Cet emploi, plutôt qu’une ellipse, seraitfinalement à l’origine de l’emploi de qui-conque comme pronom indéfini sans

    verbe (v. plus haut) qui apparaît (trèsrarement) au XVIIe s. :

    Une envie de railler de toutes choseset de quiconque (Bourdaloue).

    FAMILLE DE « QUELQUE »

    • Quelque, adjectif, suffit à l’actuali-sation du nom, auquel il donne un sensindéterminé.

    Au singulier, il est propre à la langue lit-téraire, et fait porter l’indétermination :—soit sur l’identité si la substance

  • est « nombrière » (V. ARTICLE, art.spécial) :

    Il s’en approcha, avec l’espoir

    que cette cabane était habitée

    par quelque pieux anachorète

    (A. France) ;

    — soit sur la quantité si la substance est« massière » (ibid.) :

    Il s’est comporté avec quelque

    courage !

    La langue commune ne connaît cet em-ploi que dans la locution quelque temps.Mais, au pluriel, quelques est d’un usagecourant ; il précède les noms de subs-tances nombrières, et fait porter l’indé-termination sur l’identité tout en expri-mant le petit nombre :

    Quelques voyous font irruption dans

    la chambre de la reine (J. Delteil).

    La valeur numérale subsiste seule :—si quelques accompagne un nomdéterminé :

    Je n’ai pas pu placer mes quelques

    mots d’italien ;

    — s’il est intégré à une indication denombre :

    J’ai soixante et quelques (mille)

    francs.

    J’ai soixante (mille) francs et

    quelques.

    De ces emplois est à rapprocher l’emploiadverbial de quelque, invariable, dans lalangue littéraire au sens d’« environ » :

    Elle a quelque trente ans,

    et dans la locution quelque peu.

    Que l’indétermination porte sur l’iden-tité ou sur le nombre, quelque laisseentendre que la prise en compte de l’une

  • ou de l’autre est sans importance — d’où,selon Damourette et Pichon (§ 2810), lanuance de petite quantité.

    La même nuance s’observe dans les em-plois littéraires concessifs de quelque endownloadModeText.vue.download 18 sur 1066

    GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

    2570

    liaison avec qui ou que suivi du subjonctif(V. CONCESSION, art. spécial) :

    À quelque page que vous ouvriez le

    livre.

    Quelques efforts que vous fassiez.

    Quelque nombreux qu’ ils soient.

    Quelque adjectif et adverbe est à distin-guer de quel attribut + que, suivi d’unverbe attributif au subjonctif (v. plushaut) :

    Quels que soient les humains, il faut

    vivre avec eux (Gresset).

    Toute faute, quelle qu’ elle soit, peut

    être rachetée.

    • Quelqu’un, au singulier, employésans antécédent, est masculin et signifie« une personne quelconque (homme oufemme) » :

    Je suis amoureux de quelqu’un

    (S. Guitry).

    Il a pris par litote une valeur emphatiqueen fonction d’attribut :

    C’était quelqu’un, Adrien Bertrand

    (Fr. Carco).

    L’usage littéraire admet quelqu’un ouquelqu’une au singulier représentant unantécédent animé ou inanimé exprimépar un complément (quelqu’un de noustrois, quelqu’une de ses fantaisies) ou paren (Donnez-m’en quelqu’une).

  • Au pluriel, quelques-uns se rencontresans antécédent au sens de « quelqueshommes » :

    Quelques-uns préfèrent Corneille à

    Racine.

    Mais, dans l’usage normal, quelques-unset quelques-unes représentent des nomsde personnes ou de choses présents dansle contexte ; une valeur numérale (« unpetit nombre ») s’associe à la valeur indé-finie et la domine :

    J’ai des pastilles pour la toux, en

    veux-tu quelques-unes ?

    Au singulier comme au pluriel, quelqu’unadmet une épithète indirecte (v. ÉPI-THÈTE, art. spécial) :

    Je connais quelqu’un de haut placé.

    J’en ai quelques-unes de neuves.

    La construction directe est cependantpermise dans quelqu’un (d’)autre.

    •Quelque chose n’a jamais d’antécé-dent ; pendant neutre de quelqu’un, il si-gnifie « une chose quelconque » ; commequelqu’un, il reçoit en position d’attri-but, dans l’usage familier, une valeuremphatique :

    Pour la faire changer d’avis, c’est

    quelque chose !

    L’épithète est indirecte, et au masculin :quelque chose de beau.

    Quelque chose d’autre est le plus souventremplacé par autre chose :

    Il faut que ce quelque chose soit autrechose qu’une chose renouvelée desGrecs (Musset, Lettres de Dupuis etCotonet).

    HISTORIQUE

    Quelque est issu de quel.. que.

    Le rapprochement était normal dans lesphrases où quel était attribut :

    queus [= quelle] qu’ele soit (Chr. de

  • Troyes, Cligès).

    quel que il l’ait (Chr. de Troyes, Erec).D’où une hésitation entre quel part qu’ ilalt et quel que part il alt ou, avec répéti-tion de que, quelque part qu’ il alt.

    En quel que liu que jes [je les] trou-vaisse (Chr. de Troyes, Perceval).

    De quelque terre que il fussent (Vil-

    lehardouin, § 205).

    La formule était généralisée à laRenaissance.

    La conception de l’élément séparé quecomme un pronom relatif restait si netteà l’époque classique qu’on pouvait luifaire exprimer la fonction grammaticaleen employant à cette place qui, dont, où :

    Quelque indignation dont leur coeursoit rempli

    [c’est-à-dire : « De quelque indignationque... »] (La Fontaine).

    De là l’emploi de quelque adjectif indé-fini sans que, soit par ellipse du reste dela proposition, soit sur le modèle de qua-lisque, forme rare de qualiscumque quiétait construit de même en latin :

    Et cil se lieve a quel que peine

    [Et celui-ci se lève, avec quelque peineque ce soit] (Perceval).

    Employé devant un adjectif, quelquedevint un adverbe (quelque riches qu’ilssoient) dont l’invariabilité en nombrefut érigée en règle par Vaugelas (II, 56),qu’approuva l’Académie (Observations) ;l’invariabilité en genre était originelle.Baïf écrivait kéke la prononciation inva-riable de son temps, et Restaut, en 1730,recommanda de prononcer kèk.

    Vaugelas donnait aussi le mot pour ad-verbe, et invariable, devant un nom denombre (quelque cinq cens hommes) ;avant lui, il pouvait prendre l’-s adverbial.Quelqu’un, composé de quelque et un,n’apparaît qu’au XIVe s., et prend laplace de aucun, de plus en plus réservéaux contextes négatifs (v. plus loin) ; auXVIe s., il était prononcé kékun (Baïf).

  • L’homologue neutre de aucun (aliquemunum) était en ancien français auque(s)[de aliquid + s adverbial], vite adverbia-

    lisé, et dont l’emploi ne dépassa pas leXIVe s. Son principal concurrent avait étérien(s), qui, comme aucun, fut progressi-vement réservé aux contextes négatifs (v.plus loin). On usait aussi de chose sansarticle :

    Comment celui [à celui-ci] envoierai

    Chose de quoi puist avoir aise ?

    (le Vair Palefroi).

    Chose fut également limité aux contextesnégatifs, où on le rencontre encore auXVIIe s. :

    Chose ne leur parut à tous plus salu-

    taire (La Fontaine, Fables, II, II).

    La séquence quelque chose était préféréeen contexte positif ; au XVIe s., elle consti-tuait un véritable pronom, admettant uneépithète directe au féminin (accordéeavec chose) :

    S’il n’y avoit quelque chose mauvaisededans (Du Vair),

    mais une épithète directe au masculin,comme un pronom neutre :

    Quelque chose de bon (Du Bellay,

    Lettres).

    Au début du XVIIe s., le féminin prédo-mine encore :

    Je vous voulois tantôt proposer

    quelque chose ;

    Mais il n’est plus besoin que je vous

    la propose,

    Car elle est impossible (Corneille, le

    Menteur).

    Vaugelas admettait selon les construc-tions le neutre et le féminin, en laissantdécider l’« oreille ». Th. Corneille exigera

  • le neutre, approuvé par l’Académie.

    « CERTAIN », « TEL »

    Certain et tel peuvent être adjectifs. Em-ployés dans des conditions formelles sou-vent identiques à quelque, ils exprimentdes nuances différentes de la désignationdes éléments ; comparer :

    1. Jacques demanda quelques livres,

    2. Jacques demanda certains livres ;

    3. Jacques demanda tels livres.

    En 1, l’identité des livres est donnée pourtotalement indifférente (ad libitum) ; lenarrateur l’ignore ou la juge sans impor-tance pour son propos.

    En 2, il est suggéré que les livres ne sontpas n’importe lesquels : la liste des titresaccompagnait la demande de Jacques ; lenarrateur la connaît peut-être, mais ellealourdirait sans utilité son propos.

    En 3, il est spécifié que l’identité des livresdoit jouer un rôle essentiel dans le récit,mais cette indication générale suffit, sansdownloadModeText.vue.download 19 sur 1066

    GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

    2571

    rattachement plus précis au réel évoqué ;comparer :

    Il m’a convoqué pour tel jour à telle

    heure ;

    Il m’a convoqué pour mardi à seize

    heures.

    Certain, dans la langue commune d’au-jourd’hui, s’emploie :

    — sans article au pluriel seulement ;

    —avec l’article indéfini seulement ausingulier ; il prend alors une valeur atté-nuative (une certaine hardiesse), qui peutêtre ironique (un certain âge), ou se char-ger de nuances qualitatives (« Un certainsourire », de Fr. Sagan) ; employé para-doxalement devant un nom propre, il

  • souligne, ou suggère intentionnellement,l’obscurité (un certain Bonaparte).

    La place avant le nom distingue nette-ment tous ces emplois de la valeur qua-lificative (« sûr », « tenu pour vrai »),qui exige la postposition : une nouvellecertaine.

    Tel s’emploie aux deux nombres ; asso-cié à l’article indéfini, il prend la valeurquantitative ou comparative : une tellehardiesse, une hardiesse telle.

    Certain et tel peuvent être pronoms.

    Le premier est alors au pluriel, générale-ment au masculin :

    Certains ont tous les talents

    (Jouhandeau).

    Je ne puis partager l’indignation de

    certains (Gide).

    Selon le contexte, certains représenteun antécédent ou signifie « certainshommes ». M. Grevisse a relevé quelquesemplois du féminin :

    Mariette ne conserve pas tout, comme

    certaines (Hervé Bazin).

    Tel pronom sans article est littéraire, il seconserve dans les proverbes :

    Tel est pris qui croyait prendre.

    La langue commune emploie Un tel :monsieur Un tel, madame Une telle. Maisl’usage parlé le remplace de plus en pluspar X (Y, Z), symboles algébriques demême valeur (les lettres a, b, c, etc., ré-pondraient plutôt à la valeur de certains).

    HISTORIQUE

    Certain vient du bas latin *certanus,dérivé de l’adjectif certus (anc. franç.cert), « décidé », « sûr », généralementqualificatif, mais dont quelques emploistrès classiques faisaient le concurrent dequidam : certo die [à un jour fixé] ; certihomines [certains hommes] (Cicéron).C’est probablement dans la langue juri-

    dique que certain a développé son emploi

  • « indéfini » :

    S’il laisse et testament a une certaine

    personne dix livres (Ph. de Beauma-

    noir, XIIIe s.)

    Au XVIIe s., il était adjectif indéfini ausingulier comme au pluriel : certainrenard gascon (La Fontaine). La règlemoderne le plaçant avant ou après le nomselon son sens n’était pas rigoureusementappliquée :

    Vous savez, Iris, de certaine science

    (La Fontaine).

    Au pluriel, il pouvait être précédé de l’ar-ticle sous la forme de, tour conservé dansla langue littéraire :

    De certains rires sonnent bête,

    comme une pièce sonne faux

    (Goncourt).

    Tel, du latin talis, opposait primitivementsurtout une forme en -s (tels, d’où tieus,refait en tels), sujet singulier ou régimepluriel, à une forme sans -s (tel, de talemet de *tali), régime singulier ou sujet plu-riel ; un datif telui, analogique de celui,est rarement attesté. Des formes fémi-nines tele, teles, analogiques des adjec-tifs biformes, s’observent dès le XIIe s.Des composés itel, autel (ali + talem),autretel, de sens comparatif, avaient dis-paru au XVIe s. (quoique mentionnés parPalsgrave).

    « ON »

    Le pronom on a le statut distributionneldes pronoms personnels sujets : il peutoccuper la place du pronom il : il vient/on vient.

    Il est remplacé facultativement par l’ondans la langue littéraire après et, ou, où,qui, que, quoi, si, lorsque, et dans d’autrescas où aucune raison d’« euphonie » nepeut jouer :

    Si l’on veut ; ce que l’on veut.

    L’on comprend que lorsqu’il se tait,

  • c’est pour penser (Gide).

    Sa fonction propre est d’exprimer la per-sonne générale :

    Ce qu’on aime dans un livre, c’est ce

    qu’on y trouve se rapportant à soi

    (Gyp).

    On lui fait aussi désigner une ou plusieurspersonnes dont on ne peut ou ne veut paspréciser l’identité :

    Je suis sûr qu’on a marché dans

    l’escalier (Maupassant).

    Dans tous ces cas, il compte pour l’ac-cord comme un masculin singulier : Cesjours-là, on est désoeuvré ; à moins que

    le jugement énoncé ne concerne que lesfemmes :

    Quand on est jalouse, on ne raisonne

    pas.

    Dans les textes suivants, il remplaceje et vous en évitant par délicatesse oupar dignité la désignation directe de lapersonne :

    On vous épousera, toute fière que l’on est (Marivaux).

    Eh bien ! petite, est-on toujours

    fâchée ? (Maupassant).

    Dans ce cas, on le voit, les adjectifs ouparticipes sont accordés selon le sens.

    Dans la langue parlée, pour une simpleraison d’économie morphologique, onremplace nous :

    « On s’en va ensemble ? » demanda le

    forgeron, tout fier de son nouvel ami

    (H. Bordeaux).

    Le verbe est toujours au singulier, maisattributs ou participes sont accordéscomme avec nous :

    Jeanne et moi, on est cousines.

  • Aux fonctions autres que sujet, le rôle deon est joué par nous ou par vous, ou par seet soi dans l’emploi réfléchi :

    La liberté nous est nécessaire à tous.Quand on se plaint de tout, il ne vousarrive rien de bon (J. Chardonne).

    HISTORIQUE

    On, pronom indéfini, vient du latinhŏmo, nom commun ; son vocalismes’explique par l’absence d’accent dansla fonction pronominale préverbale ; laforme accentuée uem se relève d’ailleurssouvent à côté de on. Quand le cas régimeome (hominem), nom commun, a reçudéfinitivement l’h de son étymon latinévident, on, pronom indéfini, l’a définiti-vement abandonné.

    Comme substantif, on pouvait être pré-cédé de l’article défini, qui l’actualisaitsans lui donner obligatoirement un sensparticulier :

    Andromacha apelot [appelait] l’om

    La femme Hector [d’Hector] par son

    dreit non (Benoît de Sainte-Maure).Cet emploi de l’article résolut longtemps(facultativement) le problème de l’hia-tus dans les séquences comme dira l’on(Montaigne), où le t ne fut introduit dansla graphie qu’au XVIIe s. (V. EUPHONIE,art. spécial).

    Vaugelas a consacré à définir les condi-tions d’emploi et d’exclusion de l’on plu-sieurs remarques se terminant par desréserves prudentes : « ce n’est pas unefaute que d’y manquer », « il n’y aura pasgrand mal » ; l’Académie rejeta carré-downloadModeText.vue.download 20 sur 1066

    GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

    2572

    ment l’on du début des phrases et déclara« affecté » l’emploi systématique de si l’onpour si on.

    Une forme (l’)en alternait en ancien fran-çais avec (l’)on :

    Mout deit l’en bien sofrir d’Amor (le

  • Roman d’Eneas).

    Elle est expliquée :

    — soit par la délabialisation de la voyelle[ɔ]̃ dans l’emploi proclitique, comme cha-longier a donné chalengier ;

    — soit par une simplification dialectalede la diphtongue [yɛ]̃ en [ɛ]̃, d’où [ɑ̃].

    Chez Molière, où elle apparaît une fois,cette forme n’est plus qu’un dialectalismede la servante Martine :

    Hélas, l’an dit bien vrai (les Femmes

    savantes, II, V).

    L’emploi de homo comme pronom indé-fini, qu’ignorait le latin classique, seretrouve au Moyen Âge en provençal, enitalien, en espagnol et en portugais ; il nes’est conservé qu’en français et en cata-lan. Certains estiment que les languesromanes l’ont emprunté au français, oùil serait un calque du mot germaniqueman, qui était à la fois un nom et un pro-nom respectivement comme Mann etcomme man en allemand moderne.

    On se plaît à rapprocher une phrase desSerments de Strasbourg (842) :

    Si cum om per dreit son fradra salvardift [Comme on doit en toute justiceaider son frère],

    de la version germanique du mêmeserment :

    Sôsô man mit rehtû sinan bruodher

    scal.

    Peut-être le superstrat francique a-t-iljoué un rôle important dans la conserva-tion de on, mais l’emploi d’homo commepronom semble attesté en latin dès le IVe s.dans la Peregrinatio Aetheriae et dans unsermon de saint Augustin (354-430).

    On ou l’on restera longtemps à la limiteentre nom et pronom ; comparer :

    Sainz Boneface que l’um [l’on] martirapelet (Vie de saint Alexis, 566).

    Hum qui la vait repairier ne s’en puet

  • [Homme qui va là ne peut en reve-

    nir] (la Chanson de Roland, 293).

    Les emplois figurés de on pour je outoi (vous) dans la langue littéraire s’ex-pliquent par la métaphore ; on en ren-contre à toute époque. L’emploi populairede on pour nous pose plus de questions.L’usage généralisé qu’en fait le canadienparlé atteste son existence au moins dèsle début du XVIIe s. Un passage du Mi-racle de Notre-Dame le montre vivant au

    XIVe s. (G. Moignet, le Pronom personnelfrançais, 1965) :

    La ou on le visitera

    Moy et vous, chascune sepmaine.

    Dans plusieurs dialectes, le sujet on peutêtre suivi de la première personne dupluriel :

    On aurions tort (Mystère du VieilTestament, XVe s.).

    « PERSONNE », « RIEN », « AUCUN », « NUL »,etc.

    • Les pronoms personne et rien, toujoursau singulier, expriment l’idée de « per-sonne » et de « chose » avec la quantitézéro :

    — Soit avant ou après ne + verbe :

    Personne/Rien ne manque.

    Je ne vois personne/rien.

    Je n’ai vu personne/ Je n’ai rien vu.

    Leur épithète est construite indirecte-ment et au masculin :

    Je ne connais personne/rien de plus

    beau.

    La préposition est facultative avec autre :personne/rien (d’)autre ;

    — Soit en l’absence de verbe, sans ne :

    « Qui manque-t-il ? — Personne. »

    « Que manque-t-il ? — Rien. »

  • Rien sans ne se rencontre aussi dans cer-taines phrases positives après pour, sanset de :

    Nous avons fait tout cela pour rien.

    La guerre nous a laissés sans rien.

    Il épouse une fille de rien.

    Personne peut être suivi d’un nom oupronom définissant le référentiel : per-sonne de/d’entre nous ; après rien, lepronom jouant ce rôle ne peut être queneutre : rien de tout cela.

    Les deux mots sont compatibles avec cer-tains adverbes « négatifs » comme plus,jamais, mais non avec pas et point (v.NÉGATION, art. spécial).

    Les deux mots se rencontrent au senspositif de « quelqu’un », « quelque chose »en français littéraire dans des contextesinterrogatifs ou dubitatifs :

    Est-il personne qui danse mieux ?

    Si vous connaissez rien de meilleur,

    dites-le-moi.

    Après la conjonction de sens négatifsans que, la substitution de quelqu’un ouquelque chose est plus ou moins licite :

    Venez sans que personne/quelqu’unvous voie.

    Venez sans qu’il soupçonne rien/quelque chose.

    Personne peut être un nom, de genreféminin, variable en nombre, et de senspositif :

    Deux personnes sont venues.

    Rien peut être un nom, de genre mascu-lin, variable en nombre et signifiant « unetrès petite chose » :

    les Petits Riens, de Mozart.

    Rien du tout, désignant une personneou une chose de très peu de valeur, peutrecevoir le genre féminin :

    Je n’ai pas voulu avoir l’air d’une rien

  • du tout (S. Guitry).

    • Aucun est le plus souvent adjectif et ex-prime la quantité zéro pour le nom, qu’ilprécède à l’exclusion de tout article ; il estprécédé ou suivi de ne dans les mêmesconditions que personne et rien :

    Je ne lis aucun roman.

    Aucun roman ne m’intéresse.

    Aucune difficulté pour sortir.

    Il n’est mis au pluriel que devant un nomsans singulier :

    Vous n’aurez aucuns frais.

    Il peut être pronom, avec antécédent :

    J’ai là trois cents romans, (dont)

    aucun ne m’intéresse.

    Quand l’antécédent est en, l’épithète peutêtre directe ou indirecte :

    Je n’en ai aucun (de) bon.

    Aucun pronom se présente au pluriel sousla forme d’aucuns signifiant « quelquespersonnes », conservée en français litté-raire ou populaire :

    Et d’aucuns ne peuvent s’empêcher de

    s’écrier... (H. Barbusse).

    Aucun a le sens positif dans les mêmescontextes que personne et rien :

    Je doute qu’aucun/un de vous

    réussisse.

    • Nul appartient à la langue littéraire,où il exprime très fortement la négation.Comme adjectif indéfini, il s’emploie dela même manière qu’aucun :

    Je n’ai nulle envie de le lire.

    Mais il ne prend jamais le sens positif.

    Comme pronom, il peut avoir un anté-cédent ou prendre le sens de personne (enfonction de sujet seulement) :

  • Nul ne peut se vanter de se passer des

    hommes (Sully Prudhomme).

    • On peut classer avec les mots négatifsla locution grand-chose, qui ne s’emploieque dans un contexte négatif en fonctionautre que sujet :

    Je ne lui reproche pas grand-chose.Elle ne fait pas grand-chose de bon.downloadModeText.vue.download 21 sur 1066

    GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

    2573

    HISTORIQUE

    Nemo et nihil n’ont pas de descendantsfrançais.

    C’est seulement vers 1400 que le nom per-sonne (lat. persona, « personnage ») estdevenu pronom indéfini. Le sens généralde « personne humaine » était expriméjusque-là non seulement, au cas sujet, paron, mais aussi par creature, par âme, quis’est cantonné dans les contextes négatifset interrogatifs :

    « À qui avez-vous parlé ? — À âme »(Maupas ; exemple supprimé de sagrammaire en 1638),

    et par cors d’ome, que le même sortattendait :

    Corps d’homme n’étoit avec moi

    (Scarron).

    Au XVIIe s., on discutait sur le genre depersonne pronom ; Vaugelas conseillait :

    Je ne vois personne si heureux que

    lui,

    mais Je ne vois personne si heureuse

    qu’elle.

    Thomas Corneille et l’Académie exi-gèrent, dans le second cas, l’emploi d’unmot qui fît de personne un nom (aucunepersonne, point de personne).

    L’histoire de rien et de ses concurrents a

  • été faite par Robert Martin en 1966. Lemot remonte au latin rĕm (« chose ») et,précédé ou non de l’article (féminin), pré-senta le sens positif de « chose » pendanttoute la période de l’ancien français :

    Donc li remembret de son seignourceleste

    Que plus at chier que lote rien ter-restre (Vie de saint Alexis).

    Par verté vous di une rien

    (Continuation de Perceval, XIIIe s.).

    Il désignait aussi les femmes, avec unenuance affective qui n’excluait pas lerespect :

    Ala s’en la seintisme rien (Adgar,

    Légendes de Marie, XIIe s.).

    Mais son sens général le fil cantonnerdans certains contextes particulièrementnégatifs :

    Ge ne vi rien (la Mort le Roi Artu,XIIIe s.),

    et interrogatifs :

    Veïstes vos ore ici riens de cest appa-

    reill ? (ibid.).

    L’imprégnation de valeur négative semanifestera par l’incompatibilité avecd’autres mots négatifs :

    — Au XIVe s., R. Martin a relevé plus sou-vent la séquence nulle rien (42 fois) que

    nulle chose (39) ; au XVe s., nulle chosel’emporte à 22 contre 7 ;— Jusqu’au XVIIe s., l’association avec pasn’inverse pas le sens de rien :

    Ne m’en puez pas rien retenir(Eneas).

    On ne veut pas rien faire ici qui vous

    déplaise (Racine, les Plaideurs).

    Mais Martine se verra semoncée par les« femmes savantes » pour l’avoir employé(acte II, sc. VI) :