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Thèse présentée pour obtenir le grade de : DOCTEUR DE L’UNIVERSITE DE MONTPELLIER II Ecole doctorale : Information Structures Systèmes Présentée par Sara DEPIERRE Etude des mécanismes d’altération du verre par des eaux cimentaires Soutenue le 22 Octobre 2012 devant le jury composé de : Mme Anne CHABAS M. Jean-Baptiste D’ESPINOSE DE LA CAILLERIE M. André AYRAL M. Martin CYR Mme Agnès SMITH M. Frédéric ANGELI M. Fabien FRIZON Mme Sophie BETREMIEUX Mme Christelle MARTIN M. Karel LEMMENS Rapporteur Rapporteur Examinateur Examinateur Examinateur Directeur de thèse Encadrant CEA Invité Invité Invité

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DOCTEUR DE L’UNIVERSITE DE MONTPELLIER II

Ecole doctorale : Information Structures Systèmes

Présentée par

Sara DEPIERRE

Etude des mécanismes d’altération du verre

par des eaux cimentaires

Soutenue le 22 Octobre 2012 devant le jury composé de :

Mme Anne CHABAS

M. Jean-Baptiste D’ESPINOSE DE LA CAILLERIE

M. André AYRAL

M. Martin CYR

Mme Agnès SMITH

M. Frédéric ANGELI

M. Fabien FRIZON

Mme Sophie BETREMIEUX

Mme Christelle MARTIN

M. Karel LEMMENS

Rapporteur

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Examinateur

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Examinateur

Directeur de thèse

Encadrant CEA

Invité

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À mes parents

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"Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas,

c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles."

Sénèque

(Lettres à Lucilius XVII, 104)

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Remerciements

C’est avec beaucoup d’émotions et un immense plaisir que j’écris ces quelques pages, qui

représentent bien peu comparé à ce que, vous tous, m’avez apportés au long de cette expérience. Je

suis persuadée et convaincue qu’au-delà de l’aspect purement scientifique, c’est au travers des

nombreuses rencontres que j’ai grandi et me suis enrichie.

Je tiens à remercier tout d’abord mes encadrants, Frédéric Angeli et Fabien Frizon, qui ont

su brillamment et à leur manière, m’encadrer et me soutenir tout au long de cette épopée.

Frédéric, c’est avec une certaine fierté que je me rends compte que nos échanges ont

véritablement évolué, que nous avons appris à nous connaître au cours de ces trois ans. Malgré

notre perception bien différente de l’encadrement, nous avons progressivement trouvé notre

équilibre.

Fabien, ton soutien sans faille m’a toujours relevé dans les moments difficiles. Tu as su être à

mon écoute, être patient et me redonner confiance grâce au reflet que tu me renvoyais. Tu m’as

aussi montré que tous les deltas E se valent d’être franchis. Je te remercie infiniment.

Je voudrais également remercier chaleureusement Stéphane Gin. Bien que tu ne fusses pas

officiellement dans l’encadrement de ma thèse, tu as toujours été présent. J’ai beaucoup apprécié

nos longues conversations scientifiques que je regrette depuis quelques mois déjà.

Je souhaite remercier chaleureusement Agnès Smith, ancienne directrice de l’Ecole

Nationale Supérieure de Céramique Industrielle de Limoges, pour avoir présidé mon jury de thèse,

ainsi qu’Anne Chabas et Jean-Baptiste d’Espinose de la Caillerie pour avoir accepté de rapporter ce

manuscrit quelque peu volumineux… Je tiens également à remercier Martin Cyr et André Ayral

pour l’avoir examiné.

Cette thèse a été réalisée à l’interface entre deux laboratoires du Commissariat à l’Energie

Atomique et aux Energies Alternatives de Marcoule, au Laboratoire de Comportement à Long

Terme des matrices de conditionnement (LCLT) et au Laboratoire de Physico-Chimie des Matériaux

Cimentaires (LP2C). Je tiens à remercier Bruno Lorrain pour m’avoir accueilli au sein du Service

d’Etude des Matrices de Conditionnement.

Cette thèse n’aurait pas eu lieu s’il n’y avait pas eu une problématique industrielle à la base.

Pour cette raison, je remercie Sophie Bétremieux d’AREVA de m’avoir offert l’opportunité de

réaliser ces travaux. Un grand merci également à Christelle Martin et Xavier Bourbon de l’Agence

Nationale pour la Gestion des Déchets Radioactifs pour avoir suivi mes travaux de recherche et

avoir relu avec attention, voire méticulosité, mon manuscrit. Je remercie également Isabelle Ribet

pour avoir su coordonner l’aspect fondamental de cette thèse à l’aspect industriel.

Mes remerciements s’adresse maintenant à ma grande famille avec laquelle j’ai eu

énormément de plaisir et de joie à travailler durant ces années : le LCLT ! Parce que le LCLT, c’est

tous les jours de la bonne humeur, des personnes sur qui on peut compter et une qualité de travail

incomparable, je n’oublierai jamais…

…Chouchou, icône du LCLT qui m’a appris à nager le crawl et avec qui j’ai réalisé ALISE,

…Nicole, pour les discussions que nous avons eues, j’aurai aimé qu’elles soient plus

nombreuses,

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…Diane, spéciale dédicace de Julia : merci d’avoir été là ! Comme on se l’est déjà dit, nous

aurions pu indéniablement être amies si nous avions fait notre thèse ensemble…

…Patrick, toutes ces « petites questions » que je suis allée te poser et auxquelles tu as toujours

répondu avec justesse. Je serai toujours épatée par tes calculs mentaux !

…Yves, pour ta culture vertigineuse et pour nous avoir régalés avec les croissants aux amandes

du mercredi,

…Frédéric B., tu m’as beaucoup apporté, je pense notamment aux incertitudes où finalement, tu

avais raison, il y avait une certitude, c’est que je l’ai belle et bien eue ma thèse !! Merci aussi pour

tous tes conseils avisés et ta justesse dans tes réflexions,

…Chantal, fue un placer conocerte y charlar contigo en el labo. Tenemos muchos momentos inolvidables,

con el famoso « hello, que tal ? »,

…Jean-Pierre, pour m’avoir montré une apparition divine au MEB, à force de temps passé à

scruter les petits grains de verre,

…Pierre, malheureusement je ne serai pas arrivé jusqu’au GRAAL, mais je te remercie pour ton

aide sur CHESS et pour nos discussions scientifiques,

…Géraldine, la belfortaine qui m’a soutenu face à Jean-Pierre et Chouchou, le territoire de

Belfort n’est pas en Allemagne !

…Virginie, une ex du LCLT, pour toutes nos conversations et ta bonne humeur !

…Merci aussi à Nadine et Anne-Sophie pour leur gentillesse et leur disponibilité,

…Et enfin Guillaume Garaix, tu as été un stagiaire extraordinaire ! Tu cultives une réelle passion

pour la Science. Je te souhaite beaucoup de bonnes choses pour la suite.

Au LP2C, je souhaite remercier Céline Cau-dit-Coumes pour les échanges scientifiques que

nous avons eus au cours de la thèse.

J’aimerais remercier les personnes avec qui j’ai collaborées : Laurent Dupuy pour les

nombreuses analyses ToF-SIMS à Biophy Research, Pascale Jégou pour les caractérisations XPS au

service IRAMIS du CEA Saclay, Benoît Queffelec pour avoir accepté de faire une formation sur les

incertitudes qui m’a beaucoup appris, le professeur Philippe Vieillard de l’Université de Poitiers

pour m’avoir initié à la modélisation thermodynamique sur les zéolithes et pour être venu à ma

soutenance, Gaëtan Raimondi pour les nombreuses analyses ICP-AES réalisées à Solaize, Myriam

Chartier et Nicolas Massoni pour les caractérisations en DRX, Martianne Cabié pour les découpes

FIB et les observations aux MET du CP2M à l’Université de Saint-Jérôme de Marseille, Patrick

Lebescop pour m’avoir accueilli quelques jours au LECBA du CEA Saclay et enfin Karel Lemmens

et Karine Ferrand pour m’avoir accueilli au SCK à Mol en Belgique et pour avoir partager nos

connaissances sur nos travaux.

Viens maintenant le moment de remercier stagiaires, thésards et post-docs qui ont peuplé

les allées du LCLT !

Tout d’abord, un grand merci aux anciens qui ont su nous accueillir et nous aider à faire nos

premiers pas dans l’altération des verres : Bruno, Boris, Anne, Claire.

Un grand merci à Mathieu, le têtard qui devint crapaud, et à Benjamin n°1, qui restera têtard

encore quelques mois. Merci particulièrement à vous deux pour tous les moments passés ensemble,

notamment au squash, en co-voiturage, en soirée ou encore en train de porter canapés et machine à

laver !

Merci à Estelle, ma collègue de bureau avec qui j’ai partagé ces trois années, les bons

moments comme les plus difficiles. Investie et avertie, tu m’as souvent montré l’exemple. Tu as

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également toujours su positiver, souvent plus pour les autres que pour toi-même… Je te souhaite

bonne chance pour la suite !

Je voudrais remercier Ibrahim (super cuistot libanais), Emilien (Petanquos est en toi),

Quentin (Fabrique en Thym), Benjamin n°2, Maxime, Vanessa, Benoît, Mehdi, et les plus jeunes,

Julie, Isabelle et Joris.

Je voudrais aussi remercier les autres thésardes avec qui nous nous sommes soutenues :

Hassiba, Amélie, Séverine, Estelle…

Enfin, merci aussi aux expat’ du 438 : Cédric, Elodie, JB, Jennifer, Emilie, Seif, Prune, Adrien,

Pierre…

A tous ceux-là et à tous ceux que j’ai oubliés, je vous remercie sincèrement d’avoir été là,

directement ou indirectement, au cours de ces trois années.

Je voudrais adresser un remerciement particulier à Fabien, Nicole et Frédéric B. qui m’ont

encouragé à réaliser un de mes rêves d’enfance, celui de jouer du piano. Un autre remerciement

particulier également que j’adresse à Sophie Schuller qui a su être là aux bons moments.

J’ai une pensée pour tous mes amis Thomas, Jean, Droupi, Gillou, Marina, Martin… et en

particulier Anneso, Cha et Claudia pour être venues me soutenir le 22 octobre 2012 ! La thèse m’a

permis également de faire de belles rencontres, je pense en particulier à Hugo M. ou encore Aurélie

que j’ai rencontré au congrès SGT.

Je remercie profondément ma famille, particulièrement mes parents qui ont toujours cru en

moi, qui m’ont encouragé et soutenu dans n’importe quelle circonstance et ce, depuis toujours. J’ai

pleinement conscience que si j’en suis là, c’est en grande partie grâce à vous.

Mes dernières pensées sont pour Jérémy, qui a su me soutenir et surtout me supporter

pendant ces trois années, surtout à la fin…

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Table des matières Abréviations……………………………………………………………………………………….….....…..17

INTRODUCTION………………………………………….………………………………...……..……....19

CHAPITRE I. CONDITIONNEMENT ET PROJET DE STOCKAGE DES DECHETS NUCLEAIRES……………………………………………………………………….....……..……………...23 I. Les différents types de déchets radioactifs.......................................................................................... 25

II. Le choix de la vitrification des déchets radioactifs ............................................................................ 26

II.1. Le verre et ses propriétés physico-chimiques.................................................................................... 26

II.2. Les déchets vitrifiés .......................................................................................................................... 27

III. Concept de stockage réversible en couche géologique profonde .................................................... 28

IV. Concept de stockage pour les déchets HA et MA-VL ....................................................................... 30

V. La gestion des déchets radioactifs au-delà de nos frontières ........................................................... 32

Références bibliographiques........................................................................................................................ 36

CHAPITRE II. ETAT DES CONNAISSANCES SUR LA DEGRADATION DU VERRE ET DU CIMENT……………………………………………………………………………………………….….….37 I. Comportement du verre en milieu aqueux......................................................................................... 39

I.1. Mécanismes réactionnels ................................................................................................................. 39

I.2. Cinétiques d’altération..................................................................................................................... 45

I.3. Influence du pH sur les mécanismes et cinétiques d’altération ....................................................... 47

II. Le matériau cimentaire : du ciment à la dégradation d’une pâte cimentaire................................. 52

II.1. Le matériau cimentaire .................................................................................................................... 52

II.2. Altération d’un matériau cimentaire ............................................................................................... 58

III. Les objectifs de la thèse .......................................................................................................................... 62

Références bibliographiques........................................................................................................................ 63

CHAPITRE III. METHODOLOGIE, PROTOCOLES ET TECHNIQUES

EXPERIMENTALES…………………………………………………………………………..………..…...67

I. Méthodologie........................................................................................................................................... 68

I.1. Le système verre - matériau cimentaire ........................................................................................... 68

I.2. Modèle d’évolution de l’altérabilité du matériau cimentaire ........................................................... 69

I.3. Solutions représentatives d’états d’évolution .................................................................................. 69

II. Protocoles expérimentaux ..................................................................................................................... 71

II.1. Les verres : élaboration et composition ............................................................................................ 71

II.2. Synthèse des solutions d’eaux cimentaires ...................................................................................... 73

II.3. Protocoles d’altération ..................................................................................................................... 73

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III. Expression des résultats......................................................................................................................... 75

IV. Calculs d’incertitude .............................................................................................................................. 77

IV.1. Préambule ........................................................................................................................................ 77

IV.2. Processus de l’estimation de l’incertitude de la mesure................................................................... 78

IV.3. Estimation de l’incertitude sur la perte de masse normalisée.......................................................... 79

IV.4. Principe de la régression linéaire simple.......................................................................................... 80

IV.5. Incertitude sur la vitesse initiale d’altération.................................................................................. 81

IV.6. Conclusions...................................................................................................................................... 83

V. Traitement des données avec le code géochimique JCHESS............................................................ 84

VI. Techniques d’analyse et de caractérisation ......................................................................................... 85

VI.1. Analyse de solution.......................................................................................................................... 85

VI.2. Caractérisation du solide.................................................................................................................. 87

Références bibliographiques........................................................................................................................ 90

CHAPITRE IV. INFLUENCE DES EAUX CIMENTAIRES SUR L’ALTERATION DU VERRE EN REGIME INITIAL : RÔLE SPECIFIQUE DU CALCIUM………………………………...........……....91 I. Terminologie et concept de vitesses en régime initial ........................................................................ 93

II. Influence des eaux cimentaires sur les cinétiques d’altération du verre en régime initial............ 94

II.1. Conditions expérimentales................................................................................................................ 94

II.2. Influence du rapport S/V .................................................................................................................. 95

II.3. Influence du pH ................................................................................................................................ 96

II.4. Influence de la composition de la solution d’altération................................................................... 100

II.5. Comparaison des cinétiques en fonction du milieu d’altération ..................................................... 105

II.6. Bilan de l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial..................... 106

III. Rôle antagoniste du calcium sur l’altération du verre en régime initial........................................ 107

III.1. Effet du calcium en fonction du pH sur l’altération du verre en régime initial ............................. 107

III.2. Influence de la concentration en calcium à différents pH............................................................... 124

III.3. Bilan du rôle antagoniste du calcium en régime de vitesse initiale ................................................ 126

Références bibliographiques....................................................................................................................... 128

CHAPITRE V. INFLUENCE DU CALCIUM SUR L’ALTERATION DU VERRE EN REGIME DE CHUTE DE VITESSE……………………………………………………………………………..…….…131 I. Le magnésium, alcalino-terreux constitutif des matériaux d’environnement du stockage et son

influence sur l’altération du verre.............................................................................................................. 134

I.1. Influence du magnésium sur l’altération du verre ......................................................................... 134

I.2. Influence du magnésium de l’eau de Bure sur l’altération du verre............................................... 136

I.3. Conclusion concernant l’effet du magnésium sur l’altération du verre ......................................... 138

II. Etude de l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime de chute de

vitesse............................................................................................................................................................. 139

II.1. Conditions expérimentales.............................................................................................................. 139

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II.2. Comparaison des cinétiques en eaux cimentaires et en eau désionisée ........................................... 139

II.3. Altération du verre en régime de chute de vitesse en solution S1 .................................................. 141

II.4. Altération du verre en régime de chute de vitesse en solution S2 .................................................. 143

II.5. Bilan sur l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime de chute de

vitesse........................................................................................................................................................ 147

III. Etude de l’influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse........... 148

III.1. Conditions expérimentales.............................................................................................................. 148

III.2. Cinétiques d’altération.................................................................................................................... 149

III.3. Caractérisation des solides .............................................................................................................. 152

III.4. Bilan de l’influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse ................ 162

IV. Détermination de vitesses initiales par le biais d’un protocole d’altération original .................. 168

IV.1. Validité des mesures de vitesses initiales à partir de ce protocole d’altération ............................... 168

IV.2. Comparaison des vitesses initiales à partir de deux protocoles différents....................................... 168

IV.3. Origine des différences de vitesses en solution cimentaire avec et sans Portlandite ...................... 171

V. Discussion et conclusion sur l’influence du calcium en régime de chute de vitesse ................... 172

V.1. Similitudes entre deux alcalino-terreux : le calcium et le magnésium ........................................... 172

V.2. Analogie avec l’hydratation du ciment ........................................................................................... 172

V.3. Conclusions : mécanismes et paramètres pilotant l’altération du verre ......................................... 174

Références bibliographiques ....................................................................................................................... 179

CHAPITRE VI. ALTERATION DU VERRE EN SOLUTION S1 : PRECIPITATION DE ZEOLITHES ET MECANISMES ASSOCIES………………………………...……………………...…181 I. Etude bibliographique........................................................................................................................... 184

I.1. Les zéolithes .................................................................................................................................... 184

I.2. Formation et stabilité des zéolithes ................................................................................................. 193

I.3. Paramètres influant le phénomène de reprise d’altération.............................................................. 201

II. Etude expérimentale des mécanismes et des cinétiques d’altération du verre en présence de

zéolithes ......................................................................................................................................................... 207

II.1. Conditions expérimentales.............................................................................................................. 207

II.2. Problématique ................................................................................................................................. 207

II.3. Cinétiques d’altération et caractérisation des solides...................................................................... 209

III. Modélisation thermodynamique des expériences ............................................................................ 232

III.1. Expériences RA80 et RA200 .......................................................................................................... 236

III.2. Expériences RA1000 et RA2000 .................................................................................................... 237

III.3. Bilan des expériences par la modélisation thermodynamique......................................................... 238

IV. Discussion ............................................................................................................................................... 239

IV.1. Description des processus et mise en évidence des paramètres clés ................................................ 239

IV.2. Caractéristiques des zéolithes.......................................................................................................... 241

IV.3. Relation entre les caractéristiques des zéolithes et les cinétiques d’altération du verre.................. 243

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V. Conclusion .............................................................................................................................................. 248

Références bibliographiques ....................................................................................................................... 250

CHAPITRE VII. LE CIMENT BAS PH, UNE ALTERNATIVE ?.........................................................255 I. Introduction............................................................................................................................................ 257

II. Caractéristiques chimiques d’un ciment bas pH............................................................................... 257

II.1. Rôle des ajouts................................................................................................................................. 258

II.2. Association d’additifs au sein des ciments...................................................................................... 259

II.3. Solutions à l’équilibre avec un béton bas pH.................................................................................. 260

III. Etude du régime de chute de vitesse en solution bas pH ................................................................ 262

III.1. Comparaison de l’altération du verre en solution bas pH et en eau désionisée .............................. 262

III.2. Caractérisation de la pellicule d’altération ..................................................................................... 267

III.3. Effet des différentes solutions cimentaires sur l’altération du verre............................................... 276

IV. Conclusion .............................................................................................................................................. 278

Références bibliographiques....................................................................................................................... 279

CHAPITRE VIII. DISCUSSION………………………………..………………………………...……...281 I. Paramètres clés et mécanismes d’altération du verre en présence de calcium............................. 283

I.1. Influence du calcium à très faible rapport S/V................................................................................ 283

I.2. Influence du calcium à fort rapport S/V ......................................................................................... 285

I.3. Compétition des mécanismes .......................................................................................................... 286

II. Phénoménologie liée à la précipitation de phases secondaires : similitudes et différences entre

les zéolithes et les C-S-H.............................................................................................................................. 288

II.1. Structures et caractéristiques de ces phases.................................................................................... 288

II.2. Formation de zéolithes et de C-S-H : mécanisme de nucléation / croissance.................................. 288

II.3. Influence de la précipitation de C-S-H et de zéolithes sur l’altération du verre ............................. 289

II.4. Phénomènes limitants au cours d’altération en présence de C-S-H et de zéolithes ........................ 291

II.5. Paramètres clés pilotant les mécanismes d’altération..................................................................... 293

III. Figures de dissolution du verre, une analogie avec la dissolution des cristaux ? ........................ 295

III.1. Théorie de la dissolution des cristaux ............................................................................................. 295

III.2. Observations de figures de dissolution ........................................................................................... 297

IV. Perspectives de l’étude.......................................................................................................................... 300

Références bibliographiques ....................................................................................................................... 302

CONCLUSION………………………………………….………………………………...………....……..305

ANNEXE A : Nomenclature Qn ................................................................................................................. 308

ANNEXE B : Calculs d’incertitudes (1/2)................................................................................................. 309

ANNEXE C : Calculs d’incertitudes (2/2) ................................................................................................ 316

ANNEXE D : Spectroscopie des Photoélectrons X ................................................................................ 325

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ANNEXE E : Tableaux de résultats détaillés – Chapitre IV................................................................. 328

ANNEXE F : Spectroscopie des Photoélectrons X ................................................................................. 330

ANNEXE G : Diffractogrammes des rayons X – Chapitre V ............................................................... 335

ANNEXE H : Expérience d’altération à échelle 1 - ALISE ................................................................... 337

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Abréviations

CSD-B Colis Standard de Déchets de moyenne activité

Verre de référence pour un type de déchets MA-VL

VS Verre Simplifié, verre issu de la composition simplifiée du verre de référence

CSD-B

R7T7 Verre de référence pour les déchets de haute activité

SON68 Equivalent du verre R7T7 inactif

HA Haute Activité

MA-VL Moyenne Activité à Vie Longue

FMA-VC Faible et Moyenne Activité à Vie Courte

TFA Très Faible Activité

MOX Mélange d’OXydes

COx Callovo-Oxfordien, couche géologique dans laquelle le laboratoire souterrain

de Bure est implanté. On parle d’ « eau du COx » pour l’eau de site

MW Verre anglais Magnox pour les déchets de haute activité

C-S-H Famille des silicates de calcium hydraté

S/V Rapport de surface de verre sur le volume de solution pour les essais

d’altération du verre (cm-1)

l/s Rapport massique de liquide sur solide lors de l’hydratation du ciment

Andra Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs

EDS Spectromètre X à Dispersion d’Energie

MEB Microscope Electronique à Balayage

ToF-SIMS Spectrométrie de Masse d'Ions Secondaires à Temps de Vol

XPS Spectroscopie des Photoélectrons X

CHESS CHemical Equilibrium with Species and Surfaces

LQ Limite de Quantification

Nomenclature cimentière :

C CaO

S SiO2

A Al2O3

H H2O

F Fe2O3

S SO3

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INTRODUCTION

Répondre au besoin énergétique croissant dans le monde constitue un enjeu phare de ce

début de XXIème siècle. Une prise de conscience collective de répondre aux besoins énergétiques de

notre génération tout en respectant l’environnement et le droit des générations futures à satisfaire

ces mêmes besoins est née au sein de notre société.

Revenons au siècle dernier. Dès la fin de la seconde guerre mondiale, quelques pays

explorent la voie de l’utilisation pacifique de l’énergie atomique et notamment de la production

d’électricité. L’engouement pour cette nouvelle source d’énergie est tel qu’elle est devenue la

première ressource énergétique en France : actuellement, 79 % de l’électricité produite provient de

nos centrales nucléaires. L’énergie nucléaire présente l’avantage de produire une énergie

abondante, fiable et économiquement compétitive. Un point fait cependant débat depuis les années

1960 : la gestion de ses déchets radioactifs. Quelle que soit la politique menée en matière d’énergie

nucléaire dans un avenir proche en France, le devenir des déchets radioactifs à vie longue est au

cœur des préoccupations et reste un défi pour notre génération et celles à venir.

La France a fait le choix du traitement du combustible usé il y a plus de 30 ans. Cette

opération consiste à extraire l’uranium et le plutonium, qui représentent une matière valorisable, et

à confiner le déchet ultime constitué des produits de fission et des actinides mineurs. Suite à l’étape

de traitement et de recyclage du combustible usé, le déchet ultime est conditionné au sein d’une

matrice vitreuse garantissant le confinement des radionucléides et optimisant le volume final des

colis à stocker. Le colis, formé de la matrice et de ses conteneurs, doit également répondre à des

exigences de manutention. Les colis sont ensuite entreposés en attente de trouver une solution

pérenne pour être stockés. Cette étape nécessaire permet aux colis de refroidir, diminuant ainsi la

charge thermique et le coût de leur stockage ultérieur. Les déchets de haute activité (HA) ainsi

qu’une partie des déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL) sont conditionnés au sein

d’une matrice vitreuse borosilicatée. Le verre, comme nous le verrons par la suite, présente de

bonnes capacités à confiner les radioéléments.

Depuis la loi Bataille de 1991, puis celle de 2006, l’Agence Nationale pour la gestion des

Déchets Radioactifs (Andra) travaille à la conception d’un stockage géologique profond réversible

en vue d’accueillir, notamment, les colis vitrifiés contenant les déchets HA et MA-VL. La sûreté du

stockage repose sur le concept multi-barrières protégeant la biosphère de la dispersion des

radionucléides de sorte que la radiotoxicité à l’exutoire soit inférieure au seuil d’exposition des

populations (0,25 mSv/an). Les trois barrières principales auxquelles il est possible d’allouer des

performances de confinement sont en premier lieu la matrice de conditionnement, c’est-à-dire le

verre au sein duquel sont confinés les radionucléides, ensuite le surconteneur métallique, et enfin

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INTRODUCTION

20

la roche hôte du site de stockage, milieu argileux de faible perméabilité. La compréhension des

mécanismes régissant les interactions entre les différents matériaux de stockage dans l’eau de site

est la première étape à valider dans le processus de stockage des déchets nucléaires.

Toute démarche visant à comprendre le comportement à long terme d’un matériau est

d’abord basée sur l’expérimentation. A travers la réalisation et l’interprétation d’expériences sur

des systèmes de complexité croissante, les mécanismes principaux mis en jeu au cours de

l’altération peuvent être identifiés. L’utilisation de modèles mécanistiques permet de valider les

mécanismes clés et les modèles opérationnels afin d’extrapoler les résultats à de plus longues

échéances. Le recours à l’étude d’analogues archéologiques et naturels est une source de validation

complémentaire aux modèles puisque ce sont les seuls vestiges qui témoignent d’une altération de

plusieurs milliers voir millions d’années, temps inaccessibles à l’échelle humaine.

L’Andra prévoit différents scénarios de stockage en fonction du type de déchets, du nombre

estimé de colis, de la viabilité des colis dans leur environnement… La très longue période

radioactive des déchets HA en ont fait un sujet d’étude prioritaire. Le concept de référence retenu

pour ces déchets a donné lieu à de nombreuses années de recherche sur leur matrice de

conditionnement, le verre R7T71, qui ont permis d’acquérir de solides connaissances sur les

mécanismes d’altération du verre en milieu aqueux. Pour les déchets vitrifiés MA-VL, l’Andra

envisage plusieurs concepts avec différents matériaux d’environnement. Un concept actuellement

à l’étude consiste à placer les colis vitrifiés au sein de surconteneurs en béton dans des galeries du

stockage profond, il s’agit du concept de référence pour les colis non vitrifiés de déchets MA-VL.

Malgré un faible débit hydrique, le site de stockage va progressivement se resaturer en eau.

Les colis vitrifiés entreront en contact d’une eau de composition chimique complexe qui va être

fonction du temps de contact avec les matériaux d’environnement (roche hôte, matériaux

d’ouvrage : béton). L’eau va, entre autre, acquérir un caractère fortement basique durant son

passage au sein de la masse de béton constituant les surconteneurs. Une fois le conteneur en acier

corrodé, le verre se retrouvera en contact de cette eau chargée.

Etant donnée la complexité du système global, une approche de l’altération du verre par

des eaux cimentaires simplifiées se justifie par la nécessité d’identifier des phénomènes dominants

en fonction de la chimie de la solution ainsi que des durées d’altération envisagées. Dans ce cas, le

rôle de l’acier du colis comme barrière de confinement est négligé, seule est prise en compte

l’interaction entre la matrice vitreuse et l’environnement proche, le milieu cimentaire. Afin de

valider le choix d’un stockage en environnement cimentaire des colis vitrifiés MA-VL, l’objectif est

1 Matrice vitreuse de référence des déchets de haute activité portant le nom des ateliers de fabrication, R7 et T7, situés à

La Hague.

Page 21: Thèse présentée pour obtenir le grade de

INTRODUCTION

21

d’étudier l’altération du verre en eaux cimentaires et d’évaluer l’impact de cet environnement sur

les cinétiques d’altération du verre.

Cette thèse a été réalisée en collaboration étroite entre deux laboratoires du Commissariat à

l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives de Marcoule, le Laboratoire de Comportement à

Long Terme des matrices de conditionnement (LCLT) et le Laboratoire de Physico-Chimie des

matériaux Cimentaires (LP2C).

Le premier chapitre reprend plus en détail le contexte de cette étude, en abordant les choix

qui ont été faits et ceux à venir concernant la gestion des déchets nucléaires. Dans le cadre du

concept de stockage actuellement envisagé pour les déchets MA-VL vitrifiés, le deuxième chapitre

présente un état des connaissances sur la dégradation des deux matériaux qui constituent le cœur

de cette étude : le verre et le ciment. Il convient de noter que de nombreux éléments de

bibliographie sont insérés dans les différents chapitres, chacun d’eux traitant de thématiques

spécifiques. Le troisième chapitre est consacré à la méthodologie appliquée dans cette étude. Les

protocoles d’altération utilisés ainsi que les techniques d’analyse et de caractérisation y sont

présentés.

Les trois chapitres suivants traitent de l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du

verre dans les différents régimes d’altération, ceux-ci étant développés dans l’état des

connaissances. Ainsi, le quatrième chapitre s’attache à étudier l’influence des eaux cimentaires en

régime de vitesse initiale, principalement grâce au suivi des cinétiques. La dernière partie de ce

chapitre, portant sur l’effet du calcium, met en évidence ses rôles antagonistes qui sont fonction du

pH. Le régime de chute de vitesse est traité dans le cinquième chapitre. La première partie

concernant l’altération du verre en eaux cimentaires rend compte de la nécessité de maintenir une

concentration en calcium. En découle alors la seconde partie qui confirme le rôle prépondérant du

calcium dans ce régime d’altération. Le sixième chapitre concerne l’effet de la précipitation de

zéolithes sur les mécanismes et les cinétiques d’altération du verre. Par les outils d’analyse et de

modélisation, nous mettons en évidence les paramètres clés et les phénomènes limitants au cours

de ces altérations.

Le septième chapitre constitue une ouverture vers un autre type de ciment, le ciment bas

pH, dont l’utilisation pourrait être envisagée dans le concept de stockage. L’altération du verre est

étudiée en contact d’une solution à l’équilibre avec ce liant. Les résultats viennent conforter les

mécanismes proposés dans les précédents chapitres.

L’ensemble de ces résultats est repris au huitième chapitre dans lequel nous tâchons de

mettre en cohérence l’influence des paramètres clés qui se sont dégagés de chacun des chapitres.

L’objectif est de donner une vision globale des mécanismes d’altération en milieu cimentaire en

fonction des conditions d’altération.

Page 22: Thèse présentée pour obtenir le grade de

INTRODUCTION

22

Page 23: Thèse présentée pour obtenir le grade de

23

CHAPITRE I. CONDITIONNEMENT ET PROJET DE

STOCKAGE DES DECHETS NUCLEAIRES

I. Les différents types de déchets radioactifs......................................................................................25

II. Le choix de la vitrification des déchets radioactifs ........................................................................26

II.1. Le verre et ses propriétés physico-chimiques ...........................................................................26

II.2. Les déchets vitrifiés.......................................................................................................................27

III. Concept de stockage réversible en couche géologique profonde ...............................................28

IV. Concept de stockage pour les déchets HA et MA-VL....................................................................30

V. La gestion des déchets radioactifs au-delà de nos frontières .......................................................32

Références bibliographiques .....................................................................................................................36

Page 24: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires

24

Ce premier chapitre s’attache à définir le cadre dans lequel s’inscrit cette étude : la gestion à

long terme des déchets nucléaires. Après une présentation des différents types de déchets

radioactifs et du mode de gestion associé, nous nous focalisons sur les déchets vitrifiés de type HA

et MA-VL qui possèdent deux points communs :

- une matrice de conditionnement qui est le verre. Nous justifierons alors le choix pour ce

matériau,

- un concept de stockage en couche géologique profonde. Nous aborderons l’évolution de

la législation qui a conduit à étudier le devenir des déchets nucléaires, les principes sur

lesquels reposent la sûreté du stockage et les différentes étapes nécessaires à la

réalisation du projet de stockage.

Afin de situer la France dans la gestion de ses déchets radioactifs, un bilan de la situation est établi

dans d’autres pays utilisant le nucléaire comme source d’énergie.

Page 25: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires

25

I. Les différents types de déchets radioactifs

Les déchets radioactifs proviennent de nombreux secteurs d’activité. Les cinq principaux

sont les suivants, les pourcentages étant donnés pour chacun d’eux par ordre décroissant et en

volume [1] :

- le plus important est le secteur électronucléaire (62 %) regroupant les centrales nucléaires

de production d’électricité ainsi que les usines dédiées à la fabrication et au traitement du

combustible nucléaire,

- le secteur de la défense (17 %) avec principalement des activités liées à la force de

dissuasion et à la propulsion nucléaire,

- le secteur de la recherche pour le nucléaire civil, les laboratoires de recherche médicale, de

chimie, de physique des particules entre autres (17 %),

- le secteur de l’industrie notamment pour l’extraction des terres rares, la stérilisation et

conservation des produits alimentaires (3 %),

- et enfin le secteur médical (1 %).

Tableau I-1. Catégories de déchets nucléaires en France et mode de gestion associé. En italique figure

également l’inventaire en volume (m3) des colis primaires à fin 2010, d’après l’Andra [1].

Période Durée de vie

Activité Courte (période < 30 ans) Longue (période > 30 ans)

Très Faible

Activité (TFA)

Déchets TFA

Stockés en surface au centre de stockage TFA de l’Aube - 360 000 m3

Faible Activité

(FA)

Déchets FA-VL

Centre de stockage à faible

profondeur à l’étude (entre 15 et

200 m). Mise en service prévue en

2020 - 87 000 m3

Moyenne

Activité (MA)

Déchets FMA-VC

(Déchets A)

Stockés en surface dans le centre

de l’Aube qui a succédé au

centre de stockage de la Manche

- 830 000 m3

Déchets MA-VL (Déchets B)

Centre de stockage profond (à

500 m) à l’étude. Mise en service

envisagée pour 2025 - 41 000 m3

Haute Activité

(HA)

Déchets HA (Déchets C)

Centre de stockage profond (à 500 m) à l’étude. Mise en service

envisagée pour 2025 - 2700 m3

Page 26: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires

26

En France, dans l’industrie électronucléaire, environ deux tiers du combustible usé est

retraité, ce qui signifie qu’une partie constitue de la matière valorisable réutilisée dans le cadre de

la fabrication de combustible (MOX1) et qu’une autre partie, le déchet ultime, est vitrifiée.

Afin de trouver des solutions de gestion adaptées aux déchets, les déchets produits doivent être

distingués à travers une classification basée sur deux critères : le niveau de radioactivité et la durée

pendant laquelle le déchet présente un risque radiologique (Tableau I-1).

Nous nous intéresserons par la suite aux déchets vitrifiés de catégorie B et C tous deux

amenés à être stockés en couche géologique profonde.

II. Le choix de la vitrification des déchets radioactifs

Les déchets ultimes issus du traitement du combustible sont des solutions de produits de

fission et actinides mineurs, ils se trouvent donc sous forme liquide. La solidification de ces déchets

est une nécessité pour plusieurs raisons. Elle permet tout d’abord de réduire significativement le

volume de déchets. La solidification des déchets assure également de meilleures propriétés de

confinement et de manutention par rapport à l’état liquide. Enfin, cet état permet de répondre aux

exigences de sûreté.

II.1. Le verre et ses propriétés physico-chimiques

Le choix du verre comme matrice de conditionnement pour les déchets radioactifs se justifie

sur de nombreux points. Le verre est un matériau solide caractérisé par sa structure amorphe. Cette

structure non organisée à longue distance lui offre la capacité d’incorporer divers types d’éléments

en quantités variables. Les radionucléides introduits font partie intégrante du réseau vitreux : ils

forment des liaisons avec les éléments constitutifs du verre (Figure II-1). Leur incorporation est

généralement homogène au sein de la matrice vitreuse.

Le verre présente également, la particularité d’être un matériau ayant une bonne stabilité et

durabilité chimique. Ces deux propriétés en font un matériau de référence pour le confinement des

déchets radioactifs.

En fonction de la composition des solutions de produits de fission à conditionner, des études

approfondies sont menées sur la formulation du verre ainsi que sur ses propriétés physico-

chimiques (conductivité électrique, thermique, rhéologie…) pour qu’elles répondent aux exigences

du procédé de vitrification.

1 Le combustible MOX est un Mélange d’Oxyde de plutonium et d’uranium.

Page 27: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires

27

(a) (b)

Figure II-1. Représentation obtenue par dynamique moléculaire. (a) Structure du verre avec les

principaux oxydes constitutifs (SiO2, B2O3, Na2O, Al2O3). (b) Incorporation des produits de fission sous

forme d’oxydes (PF2O3…). Les produits de fission sont confinés au sein du réseau vitreux en formant des

liaisons avec les éléments constitutifs du verre. D’après Godon [2].

La solidification des solutions de produits de fission est nécessaire. Le verre a été choisi comme

matrice de conditionnement car il présente les propriétés adéquates en termes de structure,

stabilité et durabilité chimique pour confiner les radionucléides.

II.2. Les déchets vitrifiés

Seuls les déchets C et une partie des déchets B sont vitrifiés. Par la suite, nous détaillons

leur origine ainsi que les caractéristiques des colis primaires vitrifiés.

Les déchets de haute activité (HA) ou déchets C, sont des éléments radioactifs non

valorisables issus du traitement des combustibles usés contenant des produits de fission et des

actinides mineurs. Ces déchets ultimes sont vitrifiés, le « colis » final étant constitué de la matrice

vitreuse contenant les déchets radioactifs ainsi que le conteneur en acier. Ils représentent seulement

0,2 % du volume total des déchets radioactifs français mais 95 % de la radioactivité totale, toutes

catégories confondues. Dans l’attente de la mise en service d’un site de stockage profond, ces

déchets sont entreposés sur leur site de production (La Hague, Marcoule et Cadarache).

Les déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL) ou déchets B proviennent

essentiellement de la filière électronucléaire. Ils rassemblent principalement des métaux (gaines de

combustibles, coques et embouts entourant le combustible usé), des boues issues du traitement des

effluents contaminés et des équipements liés à l’exploitation du parc nucléaire. Leur volume,

comme leur radioactivité, s’élèvent à environ 4 % du total des déchets radioactifs. Ils dégagent peu

de chaleur et sont compactés ou conditionnés dans des matrices cimentaires, bitumineuses ou

vitreuses. Ils doivent être ensuite placés par quatre dans des surconteneurs en béton pour faciliter

les opérations de manutention. De même que pour les déchets de catégorie C, les colis MA-VL sont

entreposés sur leur site de production (La Hague, Marcoule et Cadarache). Parmi ce type de

déchets, les effluents liquides de décontamination issus principalement de la mise à l’arrêt définitif

de l’usine UP2-400 à La Hague sont vitrifiés (verre CSD-B) et conditionnés au sein de conteneurs en

acier, l’ensemble étant appelé « Colis Standard de Déchets de type B ». Leur production a débuté

en 2010 à La Hague. Notre travail de recherche a été réalisé à partir du verre de référence CSD-B.

Page 28: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires

28

III. Concept de stockage réversible en couche géologique

profonde

Survenue suite au soulèvement de l’opposition pour le projet de stockage des déchets

radioactifs, la loi dite Bataille de 1991 a prévu un délai de 15 ans de réflexion pour étudier le

devenir de ces déchets radioactifs permettant ainsi d’approfondir les recherches selon trois axes :

- la séparation et transmutation des radionucléides à vie longue,

- l’entreposage de longue durée en surface ou en faible profondeur,

- le stockage géologique.

Durant cette période, les études menées au CEA ont porté sur les deux premiers axes, l’Andra

(Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs) étant chargée d’étudier la faisabilité de

principe d’un stockage de déchets radioactifs HA en couche géologique profonde.

La loi du 18 juin 2006 confirme l’orientation pour un stockage géologique profond et définit un

calendrier des principales étapes, du débat public à la mise en service du stockage (Figure III-1). La

loi stipule que le centre de stockage doit être une installation réversible pendant au moins cent ans.

Cette réversibilité devra permettre de retirer les colis stockés dans le cas où un nouveau mode de

gestion serait envisagé mais également pour laisser la possibilité aux générations futures de

modifier ou de réorienter le processus de stockage. L’Andra est actuellement chargée de concevoir

un centre de stockage profond réversible, les colis vitrifiés étant entreposés dans l’attente de

l’ouverture de ce site de stockage.

Figure III-1. Calendrier de la vie du centre de stockage français : de sa conception à sa fermeture, d’après

l’Andra2.

L’entreposage des colis est une étape provisoire mais nécessaire avant celle du stockage.

Cette solution permet (i) de passer la phase thermique et (ii) d’attendre que les colis aient une

2 http://www.andra.fr/

Page 29: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires

29

activité acceptable vis-à-vis de l’intégrité de la couche géologique dans laquelle ils seront stockés.

Le stockage géologique s’est imposé comme la solution de référence à travers la communauté

internationale pour minimiser les risques pour les générations futures. Le concept de stockage est

un ouvrage permettant d’isoler les colis de la biosphère par un concept multi-barrières (décrit

ci-dessous). Son acceptabilité repose sur la démonstration que le relâchement des radionucléides

susceptible d’atteindre la biosphère n’atteindra jamais une radiotoxicité supérieure à 0,25 mS/an

(limite réglementaire d’exposition des populations).

La sûreté d’un stockage repose sur plusieurs barrières s’opposant au relâchement et à la

migration des radionucléides : la première est le colis primaire (matrice de conditionnement), la

deuxième est le conteneur en acier (conteneur primaire) et enfin la troisième est le milieu

géologique qui constitue une barrière naturelle. Cet ensemble constitue le concept multi-barrières.

Les colis se dégraderont très progressivement dans le temps : dégradation des bétons, du

conteneur métallique puis de la matrice vitreuse dépendant des conditions thermiques, chimiques,

hydrauliques, radiologiques et mécaniques. Cette dégradation des colis entraînera un relâchement

progressif dans l’environnement d’une fraction des radionucléides confinés dans le verre. Les

radionucléides peuvent être retenus ou solubilisés en fonction des environnements chimiques

qu’ils rencontreront. La lenteur de la diffusion retarde leur migration et la plupart disparaissent

par le phénomène naturel de décroissance radioactive.

Concrètement, le site d’étude retenu par le gouvernement en 1998 se situe dans la commune

de Bure à la limite de la Meuse et de la Haute-Marne. Cette zone géographique, et plus

particulièrement cette couche géologique, a été retenue puisqu’elle présente les propriétés requises

pour la création d’un site de stockage sûr, à savoir un environnement géologiquement stable (pas

de failles pouvant favoriser la circulation de l’eau, bonne homogénéité sur une grande surface) de

bonnes propriétés de confinement (propriétés de rétention des substances radioactives, faible

conductivité hydraulique des argilites) ainsi qu’un comportement favorable aux perturbations

extérieures (performance thermique et mécanique). Le sous-sol de cette zone géographique est

constitué d’argilites dans la couche du Callovo-Oxfordien constituant un domaine géologiquement

stable du bassin parisien, avec une succession de couches horizontales de calcaires, de marnes et de

roches argileuses. La couche étudiée est une roche argileuse d’au moins 130 mètres de puissance,

datant de 155 millions d’années et située à une profondeur comprise entre 400 et 600 mètres.

Dans le cadre de la loi Bataille, le laboratoire de recherche souterrain de Bure a vu le jour en

2007. Exploité par l’Andra, ce laboratoire a pour but d’évaluer les propriétés de confinement du

milieu géologique à 500 mètres de profondeur dans le cadre du stockage des déchets HA et

MA-VL. De nombreuses expériences in-situ sont réalisées afin d’étudier les interactions entre les

matériaux des différentes barrières (béton, acier) et la roche hôte.

La sûreté du stockage est fondée sur le concept multi-barrières. Le concept de stockage doit être

réversible. Des études in-situ ont débuté au laboratoire de recherche souterrain de Bure.

Page 30: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires

30

IV. Concept de stockage pour les déchets HA et MA-VL

Pour les déchets HA, le concept de stockage de référence consiste en une alvéole

horizontale de 40 m de long et de 70 cm de diamètre, revêtue d’un chemisage métallique en acier

(Figure IV-1). Un dispositif automatique permettrait de placer les conteneurs primaires à l’intérieur

et éventuellement de les retirer dans le cadre de la réversibilité du concept de stockage.

Figure IV-1. Concept de stockage pour les déchets HA d’après l’Andra [3].

Pour les déchets MA-VL, le concept actuellement étudié est celui d’alvéoles de stockage de

250 m de long pour un diamètre extérieur d’environ 10 m. Une fois la structure de soutènement et

le revêtement en béton mis en place, la section utile serait de 5-6 m environ (Figure IV-2).

Le concept de référence pour les déchets MA-VL non vitrifiés consiste à placer les colis primaires

au sein de surconteneurs en béton et d’empiler ceux-ci dans des galeries du stockage profond

(Figure IV-3). Pour les déchets vitrifiés de catégorie MA-VL, l’Andra envisage plusieurs concepts

avec différents matériaux d’environnement, et notamment le concept de référence pour les

déchets non vitrifiés.

Page 31: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires

31

Figure IV-2. Concept de stockage pour les déchets

MA-VL d’après l’Andra [3].

Figure IV-3. Disposition des conteneurs en béton

dans la galerie d’après l’Andra [3].

Le volume des déchets MA-VL nécessitera une quarantaine d’alvéoles de stockage, soit une

surface souterraine de l’ordre de 3 km². Pour stocker les déchets HA, une superficie plus

importante sera nécessaire puisqu’étant plus thermiques, le nombre de colis par alvéoles devra être

réduit et l’espacement entre les alvéoles elles-mêmes devra être augmenté. La superficie sera de

l’ordre de 6 km² [3].

Figure IV-4. Schéma de principe d’une architecture de stockage avec la surface occupée pour les déchets B

(MA-VL) et C (HA) d’après l’Andra [4].

Le concept de stockage en couche géologique profonde envisagé par l’Andra est conçu pour

recevoir les déchets HA et MA-VL et éventuellement des combustibles usés.

Page 32: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires

32

V. La gestion des déchets radioactifs au-delà de nos frontières

Au travers des travaux initiés par l’AEN / OCDE (Agence pour l’Energie Nucléaire de

l’OCDE), l’AIEA (Agence Internationale de l’Energie Atomique) et la Commission Européenne, des

échanges réguliers se font au niveau international dans le but d’organiser un partage

d’expériences, de faire émerger des principes techniques communs mais également de mettre en

commun l’effort de recherche. Les pays exploitant le nucléaire de façon importante sont actifs au

niveau international (Etats-Unis, Canada, Japon, Chine, Corée, Allemagne, Suède, Finlande,

Espagne, Belgique, Suisse). Dans l’ensemble des pays disposant d’un parc électronucléaire,

différentes options de gestion des déchets sont envisagées ou développées. Le stockage en couche

géologique profonde est aujourd’hui considéré comme étant la solution de référence pour la

gestion définitive des déchets HA et MA-VL. Cependant, le degré d’avancement et la stratégie

adoptée varient d’un pays à l’autre. Afin d’avancer dans le projet de stockage en couche

géologique, des laboratoires de recherche souterrains ont vu le jour dans plusieurs pays. Le

Tableau V-1 fait état de la situation actuelle pour 10 pays ayant un poids important au niveau de la

communauté internationale.

L’Allemagne, la Finlande et les Etats-Unis disposent d’installations souterraines accueillant des

déchets radioactifs. Pour les déchets HA-VL et les combustibles irradiés, aucun pays n’a de site

de stockage définitif mis en service. Néanmoins, la France et la Finlande ont des projets bien

avancés concernant le choix du site et les concepts de stockage. La Suède, quant à elle, a choisi

son site de stockage définitif pour les déchets HA et MA-VL et le combustible usé.

Parmi les concepts étrangers existant à l’heure actuelle, le concept belge présente des

similitudes avec le concept envisagé en France pour les déchets de catégorie B, notamment par

rapport à l’interaction entre la matrice vitreuse et l’environnement cimentaire. Le concept de

stockage de référence pour les verres belges de haute activité consisterait à stocker les colis de

déchets vitrifiés au sein d’une succession d’enveloppes en stockage géologique profond dans

l’argile de Boom. Comme l’illustre la Figure V-1, les colis sont placés au sein d’une enveloppe en

acier au carbone, entourée par une enveloppe de ciment Portland et elle-même encerclée par une

dernière enveloppe d’acier inoxydable. Cette structure d’ensemble est désignée sous le terme

« Supercontainer ». Dans ce concept, la performance du conditionnement des colis repose sur le fait

que l’acier au carbone résiste à la corrosion dans des milieux fortement alcalins et non sur la

durabilité de la matrice vitreuse. Cependant, des études sont menées sur le comportement à long

terme du verre en milieu cimentaire depuis 2004 par le SCK-CEN (Centre d'étude de l'Énergie

Nucléaire belge). Une collaboration scientifique a été initiée afin de partager nos expériences et

contribuer à faire avancer la compréhension dans ce domaine novateur.

Page 33: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires

33

Figure V-1 . Schéma de la section d’une galerie contenant le « Supercontainer » belge avec le combustible

usé, d’après Bennett et Gens [5]

Un programme de recherche a débuté en 2004 afin de démontrer que le choix du

« Supercontainer » et de son design respectent les exigences de sûreté [6]. Il s’agit notamment

d’étudier l’effet d’une enveloppe cimentaire sur la dissolution du verre. L’ensemble des tests

réalisés est hiérarchisé suivant différents critères de conservatisme. Deux verres sont à l’étude, le

verre SM539 dit « PAMELA », qui est le verre belge de référence pour le confinement des déchets

de haute activité, et le SON68, qui correspond au verre français R7T7 inactif. Différents types de

tests sont menés afin de déterminer les régimes d’altération des verres (vitesse initiale, chute de

vitesse, vitesse résiduelle et éventuelle reprise d’altération). Des tests semi-intégraux, plus réalistes,

ont été mis en place en cellule de percolation.

Page 34: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires

34

Tableau V-1. Bilan de la gestion des déchets radioactifs dans les 10 principaux pays nucléarisés (excepté la Russie).

Pays Parc électronucléaire Déchets Situation actuelle Milieu de stockage

Déchets à pouvoir

exothermique négligeable - Autorisation de stockage sur le site de Konrad

Anciennes mines de

fer

Allemagne

36 réacteurs

dont 19 en « mise à

l’arrêt définitif »

Déchets à fort pouvoir

exothermique (HA-VL et

combustible usé)

- Etudes pour le stockage réalisées dans le sel (site de Gorleben

envisagé)

FMA-VC - Travaux de construction d’un centre de stockage en surface à Dessel

Belgique 7 réacteurs HA-VL et MA-VL

- Recherche active depuis 1974

- Laboratoire souterrain à Mol Argile de Boom

FMA-VC - Recherche dans le site de Bruce Calcaire

Canada 18 réacteurs HA-VL & combustible

usé

- Programme expérimental important sur le stockage du combustible

usé (1980-2000)

- Programme de recherche de site de stockage (2010-2014)

Granite

FMA-VC - Mise en service d’un site de stockage de surface d’El Cabri en 1992

TFA - Mise en service d’une installation de surface sur le site d’El Cabri en

2008

Espagne 10 réacteurs

HA / MA-VL et

combustible usé

- Entreposage en attendant la reprise des recherches sur le stockage en

formation géologique profonde après 2010

Déchets militaires à vie

longue (FMA)

- Mise en service d’un site de stockage géologique au Nouveau-Mexique

en 1999 Formation salifère

Etats-Unis 104 réacteurs

Combustible usé et HA

- Installation souterraine creusée en 1993 pour démontrer la faisabilité

du stockage : projet suspendu à ce jour

- Abandon du projet de stockage sur le site de Yucca Mountain en 2009

Tuff volcanique

Page 35: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires

35

Pays Parc électronucléaire Déchets Situation actuelle Milieu de stockage

Déchets d’exploitation

des centrales

électronucléaires

- Stockage dans des silos souterrains sur les sites de production Granite

Finlande 4 réacteurs

Combustible usé - Construction d’un laboratoire souterrain en 2004

- Stockage d’ici 2020 à l’île d’Olkiluoto Granite

FMA-VC - Mise en service du site de stockage de surface de Rokkasho-Mura en

1992

Japon 54 réacteurs Combustible usé et

HA / MA-VL

- Entreposage des fûts sur les sites des centrales

- Construction de deux laboratoires de recherche souterrains à caractère

méthodologique

- Etude d’un site de stockage en subsurface

Argile et granite

FMA-VC - Mise en service d’un site de stockage à Drigg Royaume-

Uni 19 réacteurs

HA / MA-VL - Accord pour le choix d’un site de stockage définitif (entreposage

préalable de 50 ans pour les HA-VL), pas de site identifié

FMA-VC - Stockage en subsurface (à 50 m sous la mer Baltique) vers le site de

Forsmark Granite

Suède 10 réacteurs Combustible usé et

HA / MA-VL

- Choix du site de stockage définitif : Forsmark à Osthammar

- Laboratoire souterrain à 450 m de profondeur Granite

FMA-VC - Entreposage dans l’attente d’un stockage définitif

Suisse 5 réacteurs Combustible usé et

HA / MA-VL

(retraitement)

- Laboratoires souterrains granitique du Grimsel et argileux à Mont-

Terri

- Entreposage sur les sites du Zwilag et Zwibez près de la centrale de

Beznau (40 ans)

- Programme de recherche en cours dans la perspective d’un stockage

géologique

Argile

Page 36: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires

36

Références bibliographiques

[1] 2012, Inventaire national des matières et déchets radioactifs édition 2012, les essentiels. [2] Godon N., 2004, Dossier de référence sur le comportement à long terme des verres

nucléaires. Rapport interne CEA. [3] 2005, Dossier 2005 - Les recherches de l'Andra sur le stockage géologique des déchets

radioactifs à haute activité et à vie longue. [4] 2005, Dossier 2005 Argile -Tome Architecture and management of a geological repository. [5] Bennett D.G. and Gens R., 2008, Overview of European concepts for high-level waste and

spent fuel disposal with special reference waste container corrosion. Journal of Nuclear

Materials 379, 1-8. [6] Lemmens K. and Ferrand K., 2010, Report Supercontainer Tests on HLW glass 2004-2008

and 2009-2014, status May 2010. Rapport interne SCK-CEN 112.

Page 37: Thèse présentée pour obtenir le grade de

37

CHAPITRE II. ETAT DES CONNAISSANCES SUR LA

DEGRADATION DU VERRE ET DU CIMENT

I. Comportement du verre en milieu aqueux......................................................................................39

I.1. Mécanismes réactionnels..............................................................................................................39

I.1.1. Hydratation.........................................................................................................................39

I.1.2. Interdiffusion.......................................................................................................................40

I.1.3. Hydrolyse ............................................................................................................................42

I.1.4. Compétition entre interdiffusion et hydrolyse ....................................................................42

I.1.5. Formation du gel par recondensation, précipitation...........................................................43

I.1.6. Précipitation de phases secondaires.....................................................................................44

I.1.7. Mécanismes et pellicule d’altération ...................................................................................44

I.2. Cinétiques d’altération .................................................................................................................45

I.2.1. Régime de vitesse initiale ....................................................................................................46

I.2.2. Régime de chute de vitesse ..................................................................................................46

I.2.3. Régime de vitesse résiduelle ................................................................................................47

I.2.4. Régime de reprise d’altération.............................................................................................47

I.3. Influence du pH sur les mécanismes et cinétiques d’altération .............................................47

I.3.1. Effet du pH sur la solubilité de la silice...............................................................................47

I.3.2. Effet du pH sur les régimes de vitesse.................................................................................49

II. Le matériau cimentaire : du ciment à la dégradation d’une pâte cimentaire ............................52

II.1. Le matériau cimentaire.................................................................................................................52

II.1.1. Le ciment .............................................................................................................................52

II.1.2. Hydratation des phases anhydres du ciment Portland .......................................................53

II.1.3. Les phases hydratées du ciment Portland et leurs propriétés..............................................53

II.2. Altération d’un matériau cimentaire ..........................................................................................58

II.2.1. Mécanismes mis en jeu lors de l’altération d’un béton par l’eau........................................58

II.2.2. Processus d’hydrolyse / décalcification ...............................................................................59

II.2.3. Influence du pH à température ambiante............................................................................60

III. Les objectifs de la thèse.......................................................................................................................62

Références bibliographiques .....................................................................................................................63

Page 38: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

38

Ce chapitre s’attache à présenter les deux matériaux qui constituent le cœur de ce travail : le

verre et le matériau cimentaire.

Nous détaillons les différents mécanismes réactionnels responsables des cinétiques

observées lors de l’altération du verre en milieu aqueux. Ces mécanismes sont fonction de

nombreux paramètres, en particulier le pH qui, comme nous le verrons ultérieurement, joue un

rôle essentiel dans cette étude.

Nous présentons ensuite le matériau cimentaire, avant et après hydratation puis nous

abordons le processus d’altération et les mécanismes mis en jeu.

Page 39: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

39

I. Comportement du verre en milieu aqueux

Depuis de nombreuses années, l’altération du verre en milieu aqueux fait l’objet d’études

approfondies [1-4]. Par la suite, nous allons décrire la phénoménologie de l’altération du verre en

milieu aqueux, communément admise, en portant une attention particulière aux mécanismes

réactionnels qui la pilotent et aux cinétiques associées.

I.1. Mécanismes réactionnels

Cinq mécanismes principaux caractérisent l’altération du verre en milieu aqueux :

- l’hydratation qui correspond à la pénétration des molécules d’eau dans le verre,

- l’échange ionique ou interdiffusion qui est la phase durant laquelle les éléments mobiles

(bore et cations modificateurs de réseau) s’échangent avec les protons de l’eau,

- l’hydrolyse du réseau silicaté,

- la formation d’une pellicule d’altération (communément appelée « gel ») à l’interface verre

sain / solution, issue de la recondensation d’espèces hydrolysées,

- la précipitation de phases secondaires en surface du gel formé, principalement des

phyllosilicates et des zéolithes dans le cas des verres aluminoborosilicatés.

Lors de l’altération d’un verre, l’ensemble de ces réactions entre en jeu avec des contributions

dépendantes de la composition chimique du verre, des conditions d’altération et de la chimie de la

solution. Ces mécanismes vont être décrits dans le cas d’un verre silicaté puis les paramètres

pouvant les modifier au premier ordre seront discutés.

I.1.1. Hydratation

L’hydratation du verre correspond à la pénétration de molécules d’eau dans le réseau

silicaté. Ce mécanisme dépend de l’encombrement stérique imposé par les vides présents dans le

réseau vitreux et donc principalement de l’agencement tridimensionnel des tétraèdres de silice. La

diffusion des molécules est d’autant plus probable que la taille des anneaux formés par les

tétraèdres est grande. Dans un réseau silicaté, l’interconnexion de six tétraèdres de silice forme des

anneaux de taille caractéristique de 0,24 nm alors que les molécules d’eau ont un diamètre

cinétique de 0,28 nm. L’espace étant trop restreint pour permettre la diffusion des molécules, la

seule façon que l’eau a de pénétrer dans le verre est la rupture par hydrolyse des liaisons

covalentes Si-O-Si formant les anneaux (Figure I-1).

La présence de gros cations dans la composition d’un verre silicaté modifie l’assemblage

des tétraèdres, les anneaux formés peuvent créer des vides de taille supérieure et ainsi favoriser

l’hydratation.

Page 40: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

40

Figure I-1. Coefficient de diffusion de l’eau à 90°C à travers des structures silicatées en fonction du rapport

entre le diamètre des anneaux de silice et le diamètre cinétique d’une molécule d’eau. La ligne en pointillés

donne approximativement la transition entre un régime de diffusion pure et une avancée de l’eau par des

réactions d’hydrolyse pour des anneaux contenant 6 tétraèdres silicatés. D’après Bunker [2].

Ce mécanisme est étroitement associé au mécanisme d’interdiffusion et il est rarement

étudié comme un mécanisme à part entière [2].

I.1.2. Interdiffusion

L’interdiffusion correspond à l’échange entre des alcalins du réseau vitreux (M) et des

espèces hydrogénées présentes en solution (H2O, OH-, H3O+). Les réactions en fonction de l’espèce

hydrogénée sont les suivantes :

OHMOHSiOHMOSi 23 ++−→≡+−−≡ ++ −+ ++−→≡+−−≡ OHMOHSiOHMOSi 2

La réaction d’échange ionique est irréversible car le départ du cation engendre un

réarrangement structural. Quelque soit l’espèce hydrogénée qui s’échange, le mécanisme

d’interdiffusion entraîne une augmentation de pH puisque soit il consomme des protons, soit il

crée des ions hydroxyles. L’interdiffusion est favorisée en milieu acide et neutre [1] et engendre un

relâchement sélectif des alcalins : la dissolution est non congruente. Le processus d’interdiffusion

crée une zone de verre appauvri en alcalins, appelée verre « hydraté ». Les éléments constitutifs du

verre sont relâchés, selon un processus diffusif, i.e. proportionnellement à la racine carrée du

temps car lorsque l’épaisseur de verre hydraté augmente, les échanges se font de plus en plus

lentement.

Dans le cas du verre SON68 (R7T7 inactif), les mécanismes de diffusion de l’eau et

d’échanges d’ions sont simultanément responsables du processus d’interdiffusion [5, 6].

L’écriture de la constante d’équilibre qui décrit l’échange d’ions montre que la vitesse

d’échange est dépendante de la composition du verre et de sa structure, du pH et de la

composition de la solution [2] :

Page 41: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

41

++−→≡++−−≡ NaOHSiHNaOSi

[ ][ ][ ][ ]+

+

−−=

HONaSi

NaOHSiK

Bunker montre que la réactivité des sites de protonation est différente suivant la nature des

sites (Figure I-2). La zone de pH dans laquelle l’interdiffusion est significative dépend fortement de

l’unité structurale du verre. Par exemple à température ambiante, l’unité structurale [ ]−−≡ OSi perd

son Na+ dès que le pH est inférieur à 12.

Figure I-2. Echange ionique sur différentes structures anioniques dans le verre en fonction du pH de la

solution, d’après Bunker [2].

Ce processus est caractérisé par la vitesse de diffusion et surtout par le coefficient de

diffusion d’une espèce donnée au sein du verre hydraté. L’augmentation du pH notamment

conduit à une diminution du coefficient de diffusion. Pour le verre SON68 à 50 °C, Chave et al. ont

déterminé une dépendance du coefficient de diffusion (D) au pH qui s’écrit [3]:

03,035,02512 ][10.29,2).( ±−−−− = OHsmD

Le coefficient de diffusion décroît d’un facteur 4 quand le pH passe de 8 à 10. Le coefficient de

diffusion dépend du pH, de la température, de la composition du verre et de celle de la

composition altérante.

Le processus d’interdiffusion se produit à l’interface verre sain / solution et entraîne une

dissolution sélective. La vitesse de diffusion décroît rapidement en racine du temps avec

l’épaisseur de la zone de verre appauvri. L’interdiffusion est favorisée en milieu acide, à

température élevée, pour des verres riches en alcalins et pour des solutions peu chargées en

alcalins.

Page 42: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

42

I.1.3. Hydrolyse

L’hydrolyse s’attaque aux liaisons pontantes (Si-O-Si, Si-O-Al, Si-O-Zr…) ce qui conduit à

une dépolymérisation et une dissolution du réseau silicaté, celui-ci est modifié par les réactions

suivantes :

≡−+−↔≡+≡−−≡ −− SiHOOSiOHSiOSi −− +−↔≡+−≡ OHOHSiOHOSi 2

Ces réactions sont réversibles et la dissolution est congruente. Ce mécanisme est une réaction de

surface qui se produit à l’interface couche hydratée / solution.

Dans un verre silicaté, l’attaque d’une unité silicatée par un ion hydroxyle forme un réactif

intermédiaire pentacoordiné et conduit à la libération de l’acide orthosilicique selon les réactions

suivantes [2] :

443 )()()( OHSiOSiOHSiOSiOHOHSiOSi −+−→≡−−→≡+−−≡ −−

C’est l’hydrolyse des liaisons les plus stables qui va limiter l’hydrolyse du matériau global,

c’est le cas des liaisons Si-O qui sont nombreuses pour les verres silicatés. Dans des verres plus

complexes, l’existence d’oxygènes non pontants (NBO1) augmente la réactivité des sites au sein du

réseau et favorise ainsi la réaction d’hydrolyse. Les cinétiques d’hydrolyse dépendent de la

distribution des unités structurales locales et de la chimie de la solution.

L’hydrolyse du réseau vitreux dépend de la température, du pH, de la composition du

verre et de la composition de la solution [4]. Lorsque le pH augmente et par là même, la

concentration en ion hydroxyle, la réaction d’hydrolyse est favorisée. La présence en solution de

certains cations ou anions peut catalyser ou inhiber ce mécanisme.

L’hydrolyse du réseau vitreux correspond à la dépolymérisation et la dissolution du verre par

rupture de ses liaisons pontantes. Ce phénomène est catalysé par l’augmentation de la

température et du pH de la solution.

I.1.4. Compétition entre interdiffusion et hydrolyse

L’interdiffusion et l’hydrolyse du réseau vitreux sont en compétition dans la première

phase de l’altération. Ces réactions et leur prépondérance l’une par rapport à l’autre vont conduire

à des cinétiques d’altération variables au cours du temps et dépendantes de la composition du

verre et de la nature de la solution. Ainsi, aux premiers instants d’une altération, c’est

l’interdiffusion qui est essentiellement responsable du passage des alcalins en solution. Mais avec

l’augmentation de l’épaisseur du verre hydraté, les échanges ioniques se font de plus en plus

1 Voir annexe A.

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CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

43

lentement et c’est alors le mécanisme d’hydrolyse des liaisons pontantes qui devient prépondérant.

A partir de ce moment là, les fronts de diffusion et d’hydrolyse progressent à la même vitesse et

l’épaisseur de verre hydraté reste constante : un état stationnaire est atteint.

I.1.5. Formation du gel par recondensation, précipitation

Suite à l’interdiffusion et à l’hydrolyse du réseau vitreux, les espèces solubilisées se

recondensent pour former un gel. Le matériau formé à l’interface verre sain / solution est

amorphe, poreux (voire nanoporeux) et hydraté. Le gel est principalement constitué de silicium et

d’espèces faiblement solubles (zirconium, aluminium, calcium, terres rares).

Le gel est un matériau poreux dont la taille caractéristique des pores dépend du régime

d’altération étudié et de la composition du verre. A titre indicatif, les tailles de pores varient du

nanomètre pour de très forts rapports S/V2 à la dizaine de nanomètres en milieu renouvelé [7, 8].

La formation du gel se fait généralement de façon isovolumique [9, 10].

Le gel n’est pas le squelette résiduel d’un verre progressivement dépolymérisé et n’est pas

assimilable au verre hydraté. Le gel est le résultat de l‘atteinte en solution d’un équilibre local

(condensation / recondensation) [5, 11, 12] et d’un équilibre par rapport à la solution globale

(précipitation). Ces deux mécanismes, recondensation et précipitation, peuvent être l’un ou l’autre,

voire simultanément à l’origine de la formation du gel, leur proportion varie avec la composition

du verre altéré, les conditions d’altération et les éléments considérés.

La saturation de la solution vis-à-vis du silicium favorise la densification de cette pellicule

amorphe. Le gel agit comme une barrière diffusionnelle vis-à-vis des espèces réactives d’autant

plus que sa densité est élevée. Un gel peut être considéré comme passivant lorsque son

développement entraîne un ralentissement de l’altération. Ainsi Gin a remis en eau désionisée un

échantillon de verre SON68 préalablement altéré pendant 600 jours à un rapport S/V de 50 cm-1 et a

constaté une vitesse 300 fois inférieure à la vitesse initiale qui aurait été observée dans le cas d’un

verre non altéré [13]. Le caractère passivant du gel dépend fortement de sa composition, de la

rétention en silicium et en éléments insolubles mais aussi de sa texture poreuse.

Le gel peut évoluer au cours du temps par transformation in-situ d’une phase initialement

amorphe en phases de plus en plus ordonnées [14]. D’un point de vue structural, l’évolution du gel

se traduit par un accroissement de l’ordre à courte distance et une diminution de son volume poral

[15].

Le gel est un matériau amorphe, poreux et hydraté formé par recondensation / précipitation des

espèces solubilisées suite à l’interdiffusion et l’hydrolyse du réseau vitreux. Ce matériau peut

présenter un caractère passivant vis-à-vis de la diffusion des espèces réactives.

2 Le rapport S/V correspond au rapport de la surface de verre par le volume de solution, il est exprimé en cm-1.

Page 44: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

44

I.1.6. Précipitation de phases secondaires

Les phases secondaires résultent de la précipitation à l’interface gel / solution d’éléments en

solution provenant de l’altération du verre et se recombinant éventuellement avec ceux de la

solution environnante. La précipitation des phases secondaires entraîne donc une consommation

des éléments présents en solution au cours de l’altération du verre (notamment Si et Al). Leur

formation est favorisée en milieu fermé ou en milieu fortement confiné. La nature des phases est

largement influencée par la chimie de la solution d’altération et leur précipitation est limitée par la

disponibilité de leurs éléments constitutifs.

Les phases cristallisées qui se développent à l’interface gel / solution sont essentiellement de

deux types :

- des smectites (phyllosilicates) qui sont des cristaux structurés en feuillets de petites tailles.

La formation des phyllosilicates à la surface du gel se fait par dissolution / précipitation. Les

éléments constitutifs des phyllosilicates (notamment silicium et aluminium), solubilisés à

l’interface, diffusent au travers du gel et précipitent à l’interface gel / solution à l’atteinte d’une

limite de solubilité. Les phyllosilicates consomment Zn, Fe, Ni mais aussi une petite fraction de Na,

Al, Si provenant du verre. Ces phases se forment dès les premiers instants de l’altération mais les

expériences à fort rapport S/V favorisent leur formation et leur observation. La précipitation de ces

phases semble être gouvernée par des équilibres thermodynamiques [11], elle dépend donc de la

température, du pH et de la concentration des différents éléments constitutifs en solution.

- des zéolithes (tectosilicates) se formant préférentiellement en milieu basique et / ou à

hautes températures [16, 17]. La formation de ces phases secondaires s’accompagne généralement

d’une forte reprise d’altération. La précipitation des zéolithes est soumise, contrairement aux

phyllosilicates, à des effets cinétiques de nucléation / précipitation beaucoup plus importants [18].

La première partie du chapitre VI est une étude bibliographique portant sur les mécanismes de

formation de ces phases aluminosilicatées et leurs conditions de formation.

La précipitation à l’interface gel / solution d’éléments en solution conduit à la formation de

phases secondaires, telles que des phyllosilicates ou des zéolithes.

I.1.7. Mécanismes et pellicule d’altération

L’ensemble des mécanismes vus précédemment conduit à l’altération du verre sous forme

de pellicule d’altération constituée de différentes couches (Figure I-3) :

- la première couche correspond au verre hydraté, désalcalinisé et déboraté issu du

processus d’interdiffusion,

- un gel, issu de l’hydrolyse du réseau vitreux suivie de la recondensation et précipitation

des éléments solubilisés. L’évolution du milieu environnant engendre une évolution du gel au

cours du temps,

- la couche en contact direct avec la solution constituée de phases secondaires précipitées.

Nous distinguerons par la suite ces trois couches : le verre hydraté, le gel et les phases secondaires.

Page 45: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

45

Figure I-3. Formation progressive de la pellicule d’altération au cours du temps. Les épaisseurs des couches

d’altération sont données à titre illustratif.

Les mécanismes réactionnels associés à l’altération des verres conduisent à une évolution de

la vitesse d’altération du verre au cours du temps et des conditions d’altération. Nous allons donc

maintenant nous attacher à présenter les différents régimes d’altération d’un verre borosilicaté.

I.2. Cinétiques d’altération

Durant le processus de lixiviation d’un verre en milieu aqueux, les mécanismes réactionnels

engendrent différents régimes d’altération comme l’illustre la Figure I-4. Ils peuvent durer plus ou

moins longtemps suivant la composition du verre et les conditions d’altération. Pour chaque

régime, les mécanismes prépondérants sont présentés.

Figure I-4 . Différents régimes d’altération d’un verre borosilicaté au cours du temps.

Page 46: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

46

I.2.1. Régime de vitesse initiale

Dans les premiers instants de l’altération, les mécanismes d’interdiffusion et d’hydrolyse se

déroulent simultanément. Cependant, le régime d’interdiffusion est transitoire puisqu’il suit un

processus diffusif. C’est donc la vitesse d’hydrolyse qui contribue principalement à la vitesse

initiale d’altération.

Par définition, la vitesse initiale est la vitesse maximale de dissolution du verre obtenue dans des

conditions loin de la saturation, c’est-à-dire en milieu fortement dilué et lorsqu’aucune barrière

diffusionnelle ne vient ralentir l’altération [19]. Cette dernière, liée à l’hydrolyse du réseau vitreux

par l’action de la solution altérante, dépend du pH, de la composition du verre et de la température

mais également de la composition chimique de la solution lixiviante [20]. Au chapitre IV sont

données des définitions de la vitesse initiale en fonction des conditions d’altération.

Notons que pour le verre R7T7, la vitesse initiale à 100 °C et pH neutre est de 2 g.m-2.j-1 (soit

0,7 µm.j-1). Plusieurs équations fournissent la dépendance de la vitesse initiale en fonction du pH et

de la température en eau désionisée mais elles s’appliquent à des domaines restreints. Le premier

terme est une constante de vitesse mesurée à température T0 et pH 7, le second terme marque la

dépendance en température et le dernier celle de la dépendance en pH :

)0;7max(

11

0000

010),( −∗

−−

⋅⋅= pHNTTRT

E

T

a

eVpHTV

Dans le cas de l’altération du verre R7T7, l’équation suivante s’applique à des températures

comprises entre 25 et 100 °C et des pH compris entre 6 et 10. 00TV est la vitesse initiale à pH 7 et

100 °C (1,7 g.m-2.j-1), Ea l’énergie d’activation associée à la vitesse initiale d’altération du verre R7T7

(76 kJ.mol-1), N0 une constante de dépendance au pH déterminée expérimentalement et égale à 0,4.

Cette équation a été déterminée pour le verre CSD-B (chapitre IV, § II.3.).

I.2.2. Régime de chute de vitesse

La chute de vitesse est un régime complexe qui correspond à la transition entre le régime de

vitesse initiale et celui de vitesse résiduelle. L’augmentation des concentrations en solution conduit

à la recondensation d’une partie du silicium dissous sous forme d’une phase amorphe, poreuse et

hydratée, le gel [21]. La formation de cette phase entraîne une diminution de la vitesse de passage

des éléments traceurs de l’altération, la dissolution devient largement incongruente. La chute de

vitesse est due à une diminution de l’affinité de dissolution du verre et à la formation d’un gel

passivant limitant le transport de la silice dissoute depuis l’interface verre / gel vers la solution. Le

caractère passivant du gel augmente avec l’augmentation des concentrations en solution favorisant

la recondensation des éléments au sein du gel. A ce stade, la vitesse d’altération du verre peut

diminuer de plusieurs ordres de grandeur.

Page 47: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

47

I.2.3. Régime de vitesse résiduelle

La chute de vitesse laisse place au régime dit de vitesse résiduelle. Cette vitesse évolue peu

ou pas à long terme. Deux mécanismes sont à l’origine d’une vitesse résiduelle :

- la diffusion des éléments issus de l’altération du verre au sein du gel entraînant une

sursaturation à l’interface verre hydraté / gel et la diffusion des éléments mobiles associée à la

pénétration de l’eau jusqu’à l’interface verre / verre hydraté (vitesse d’interdiffusion supérieure à la

vitesse d’hydrolyse) [22],

- la formation de phases secondaires de types phyllosilicates qui entretient une hydrolyse

résiduelle en consommant du silicium mais également de l’aluminium et des éléments comme le

sodium et le calcium.

A terme, lorsque la vitesse est plus ou moins stabilisée, les fronts d’altération de l’interdiffusion et

de l’hydrolyse avancent à la même vitesse.

Dans le cas du R7T7, à l’atteinte des conditions quasi-stationnaires en silicium en solution, on

mesure une vitesse d’altération très faible, de 4 ordres de grandeur inférieure à la vitesse initiale à

90 °C, égale à 2,4.10-4 ± 0,6 g.m-².j-1 (< 0,1 nm.j-1).

I.2.4. Régime de reprise d’altération

La reprise d’altération correspond à une augmentation de la vitesse d’altération suite à la

chute de vitesse. Le mécanisme principal lié à la reprise d’altération est la formation de phases

secondaires, plus ou moins cristallisées, qui déclenche, voire entretient, une hydrolyse résiduelle en

consommant les éléments formateurs de la pellicule d’altération (aluminium, silicium…). Ces

phases entraînent un pompage des éléments constitutifs du gel, ce qui le déstabilise et inhibe son

caractère passivant. D’après les études expérimentales et théoriques menées jusqu’à présent, le

phénomène de reprise d’altération dépend essentiellement du rapport S/V, du pH, de la

composition du verre et de la solution lixiviante. La reprise d’altération est, entre autre, favorisée à

des pH fortement basiques [17, 23]. Nous reviendrons plus en détail sur ce phénomène et les

mécanismes associés au chapitre VI.

I.3. Influence du pH sur les mécanismes et cinétiques d’altération

Le pH est un paramètre chimique clé dans l’altération des verres puisqu’il régit les

concentrations des ions hydroxyles et hydroniums à la base des mécanismes principaux

d’altération de la matrice vitreuse : hydratation, hydrolyse des liaisons du réseau iono-covalent et

échanges ioniques entre les alcalins et les protons de la solution.

I.3.1. Effet du pH sur la solubilité de la silice

Dans le cas de silice pure, la réaction de dissolution du verre peut s’écrire de la façon

suivante en considérant l’acide orthosilicique comme le premier produit de la réaction :

4422 2)( SiOHOHSiO verre ↔+

Page 48: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

48

A pH neutre ou légèrement basique, la forme de silice stable est l’acide orthosilicique. Lorsque le

pH augmente, les espèces se dissocient selon les réactions suivantes :

+− +↔ HSiOHSiOH 4344

+−− +↔ HSiOHSiOH 24243

où K1 = 10-9,17 et K2 = 10-10,17 à 90 °C [24]. La valeur de K1 est légèrement différente pour Helgeson

[25] : K1 = 10-8,97.

La solubilité du verre peut être écrite à partir de la concentration en H4SiO4 à saturation. Cette

hypothèse constitue la base de la loi cinétique du premier ordre :

−=

*0

44

441SiOH

SiOH

C

Cvv

44SiOHC : concentration en silicium dissous à l'interface réactionnelle.

*

44SiOHC : concentration du silicium dissous à l’interface réactionnelle à saturation avec le verre.

V0 : vitesse de dissolution maximale du verre.

La loi du premier ordre implique la définition, à une température donnée, « d’une limite de

solubilité » en acide orthosilicique qui reste indépendante du pH (Figure I-5 (a)). La mesure de

cette valeur à saturation est généralement obtenue à partir d’expériences de lixiviation en eau

initialement désionisée, menées à fort rapport S/V et en milieu non renouvelé. Pour valeur de

référence, la solubilité proposée pour le R7T7 à 90 °C est *

44SiOHa = 10-3,01 mol.L-1 [1].

(a) (b)

Figure I-5. (a) Evolution de la solubilité en silicium total du verre R7T7 à 90°C en fonction du pH. Si1 [26] et

Si2 [24] d’après Jégou [27]. (b) Solubilité de la silice amorphe en fonction du pH à 25 °C, d’après Iler [28].

Page 49: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

49

Une augmentation du pH entraîne la dissociation de l’acide orthosilicique et par là même,

une augmentation de la concentration en silicium total (Figure I-5 (b)). La concentration en H4SiO4

à saturation est indépendante du pH contrairement à la concentration totale en silicium dans la

solution. A partir des réactions de dissociation de H4SiO4, une relation peut être établie entre la

concentration de silicium dissout et le pH :

++= −− pHpHSiOHSi

KKCC

221

10101

44

Notons que la dissociation de l’acide orthosilicique devient un facteur essentiel pour les pH

supérieurs à 9,5. L’effet du pH est plus complexe dans des verres nucléaires que dans une phase

silicatée pure.

I.3.2. Effet du pH sur les régimes de vitesse

I.3.2.1 Influence du pH en milieu dilué

Advocat et al. [1] comparent les mécanismes mis en jeu dans des milieux fortement dilués

(très faibles rapports S/V) dans une large gamme de pH à 90 °C. Lorsque le pH atteint une valeur

supérieure à 6,2, une transition s’opère entre une dissolution sélective et congruente du verre

(Figure I-6).

En milieu acide à pH imposé, les rapports de congruence sont significativement supérieurs

à ceux du verre, ce qui indique un relâchement préférentiel du bore et des modificateurs du réseau

vitreux. En milieu basique, tous les éléments sont relâchés en quantité proportionnelle à celle de la

composition du verre, la dissolution est donc congruente. Dans les conditions de basicité étudiée,

la présence de silice au sein de la pellicule d’altération ne semble pas affecter la cinétique de

corrosion du verre puisque les concentrations des éléments majeurs du réseau Si, B, Na

augmentent linéairement en fonction du temps. Par conséquent, la pellicule d’altération ne

constitue pas une barrière diffusionnelle aux échéances courtes.

Figure I-6. Cinétiques d’altération en fonction du pH à 90°C, d’après Advocat et al. [1].

Page 50: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

50

En milieu dilué, l’acidité du milieu favorise la dissolution sélective des modificateurs de réseau

(Na, Li) assurant l’échange interdiffusionnel avec les protons H+ de la solution. La basicité du

milieu n’induit pas d’extraction préférentielle, la dissolution est congruente et fortement

dépendante du pH. A ces pH, le mécanisme d’hydrolyse est largement prédominant, ce qui

entraîne la rupture des liaisons covalentes du réseau silicaté.

I.3.2.2 Influence du pH en conditions de saturation

L’effet du pH sur les cinétiques d’altération du verre SON68 a été étudié dans des

conditions de saturation [23].

Une réaction en chaîne simplifiée permet d’illustrer l’effet du pH sur l’évolution chimique

du système et les cinétiques de dissolution : par le contrôle des concentrations en ions H3O+ et OH-,

le pH modifie les réactions d’hydrolyse et de condensation des espèces silicatées, qui à leur tour,

modifient la structure du gel et les coefficients de diffusion des espèces réactives.

L’altération à long terme est dépendante du pH. La Figure I-7 montre que le minimum

d’altération est observé à pH 9,5 qui correspond au pH proche de l’équilibre avec le verre SON68

(pH de 9,1 à 90 °C) ; en deçà et au-delà de cette valeur, l’altération augmente brusquement avec

une dépendance plus marquée dans les pH basiques.

Figure I-7. Pourcentage de verre altéré après 1 jour et 594 jours en fonction du pH imposé, d’après Gin et

Mestre [23].

Par ailleurs, Gin et Mestre [23] montre que pour des pH compris entre 7 et 9, la vitesse

d’altération chute de quatre ordres de grandeur par rapport à la vitesse initiale après un mois. La

chute de vitesse est relativement indépendante du pH entre pH 9 et 10,5, une chute légèrement

plus faible est observée pour les pH 7 et 8 ainsi que 10,5 et 11.

Pour les pH 11 et 11,5, la chute de vitesse est suivie d’une reprise d’altération. La reprise

d’altération se produit plus rapidement pour pH 11,5 après 50 jours environ alors qu’à pH 11, elle

survient après 250 jours. Aucune reprise n’a été observée à pH 10,5. Ces résultats expérimentaux

sont en accord avec l’étude menée par Ribet et al. [17] où il est constaté qu’aucune reprise

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CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

51

d’altération ne se produit pour des pH inférieurs à 10,7 alors que presque tous les verres sont sujets

à des reprises d’altération pour des pH supérieurs à 11 (Figure I-8).

Figure I-8. Pertes de masse normalisées en fonction du temps calculées à partir du relâchement du bore à pH

10,5, 11 et 11,5, d’après Gin et Mestre [23].

L’influence du pH sur le phénomène de reprise d’altération est repris plus en détail au

chapitre VI (§ I.3.4.).

Page 52: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

52

II. Le matériau cimentaire : du ciment à la dégradation d’une

pâte cimentaire

Dans le langage courant, le béton désigne un matériau de construction composite fabriqué à

partir de granulats (sable, gravillons) agglomérés par un liant (ciment + eau). Le ciment,

constituant de base du béton, est un liant hydraulique. C’est une matière inorganique finement

moulue qui, gâchée avec de l'eau, forme une pâte qui fait prise, durcit en réaction au processus

d'hydratation et conserve ses propriétés mécaniques même sous eau. Il s’agit d’un matériau poreux

hétérogène essentiellement constitué de phases solides réactives en équilibre avec la solution

porale.

Plusieurs travaux ont montré que le granulat peut être considéré inerte chimiquement

lorsqu’il est correctement choisi. Cette étude s’attachera donc à la description des mécanismes de

dégradation d’une pâte cimentaire3 en considérant que les granulats des mortiers ou des bétons ne

réagissent ni avec le liant, ni avec le milieu extérieur.

II.1. Le matériau cimentaire

II.1.1. Le ciment

Le ciment dit « Portland » est constitué principalement de clinker et de sulfate de calcium.

Le clinker résulte de la cuisson jusqu’à fusion partielle (vers 1450 °C) puis du broyage d’un

mélange de roches calcaires (80 %) et argileuses (20 %). Les ciments sont classés par catégorie,

notées CEM I à CEM V, en fonction de leur teneur en clinker et de la nature des autres constituants.

Le ciment CEM I, constitué à 95 % de clinker, est le matériau de référence utilisé dans cette étude,

en particulier du point de vue des compositions des solutions cimentaires interstitielles. Le Tableau

II-1 donne les proportions des différents constituants du clinker.

Tableau II-1. Proportion des constituants du clinker.

Constituant Notation cimentière 4 Formulation en

oxyde

Proportion dans le

clinker

Silicate tricalcique C3S 3CaO.SiO2 50-70 %

Silicate bicalcique C2S 2CaO.SiO2 15-30 %

Aluminate de calcium C3A 3CaO.Al2O3 5-10 %

Ferroaluminate de calcium C4AF 4CaO.Al2O3.Fe2O3 5-15 %

3 On dénommera ciment, le liant anhydre et pâte cimentaire, le liant hydraté.

4 Tout au long de ce chapitre, les notations cimentaires seront employées. Les correspondances sont : C = CaO ;

S = SiO2 ; A = Al2O3 ; F = Fe2O3 ; S = SO3 ; H = H2O.

Page 53: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

53

II.1.2. Hydratation des phases anhydres du ciment Portland

Les minéraux constitutifs des grains de ciment (C3S, C2S…) sont hydrauliques, ce qui

signifie qu’en présence d’eau, ils forment des minéraux hydratés qui précipitent et s’organisent en

une structure mécaniquement résistante. Les réactions d’hydratation sont donc la cause directe du

phénomène de prise.

L’hydratation du ciment Portland conduit à l’obtention de trois types de produits dont les

proportions sont rapportées dans le Tableau II-2.

Tableau II-2. Proportion des principaux produits d’hydratation du ciment Portland.

Constituant Proportion dans le ciment hydraté

Silicate de Calcium Hydraté C-S-H 50-70 %

Portlandite CH 20-25 %

Ettringite et monosulfates 5-15 %

L’hydratation des silicates C3S et C2S produit des silicates de calcium hydratés (C-S-H) et de la

Portlandite (CH) selon les réactions bilans suivantes :

C3S + (y+3-x) H → CxSHy + (3-x) CH

C2S + (y’+2-x’) H → Cx’SHy’ + (2-x’) CH

Le C3A est le constituant cinétiquement le plus réactif du clinker. Il réagit très rapidement avec

l’eau pour donner des hydrates métastables (C4AH13, C2AH8) qui se transforment en un aluminate

de calcium hydraté C3AH6. Cependant, la précipitation de ces phases induit une perte d’ouvrabilité

de la pâte de ciment. Afin d’éviter ce désagrément, du gypse (CSH12) est ajouté, ce qui provoque la

formation d’ettringite (C6AS3H32) (ou trisulfoaluminate de calcium hydraté) autour des grains de

C3A. Après quelques heures, la quantité subsistante de gypse est faible, l’ettringite réagit avec le

C3A restant pour former des monosulfoaluminates de calcium (C4ASH12). Lorsque tous les sulfates

sont épuisés, ce sont les hydroaluminates de calcium comme C4AH13 qui précipitent.

Enfin, pour ce qui est de l’hydratation du C4AF, elle est comparable à celle du C3A, il convient de

substituer les aluminates par des ferroaluminates dans les réactions précédentes.

II.1.3. Les phases hydratées du ciment Portland et leurs propriétés

La pâte de ciment durcie constitue donc un système hétérogène comprenant un solide

poreux, une phase liquide et généralement une phase gazeuse présentes dans les pores. Le solide

est formé de minéraux hydratés et éventuellement de ciment anhydre résiduel si la quantité d’eau

est insuffisante pour une hydratation complète.

II.1.3.1 La Portlandite

La Portlandite (CH) est la seule phase solide qui soit présente sous forme relativement pure

avec quelquefois des petites quantités d’ions étrangers. Elle cristallise en plaquettes hexagonales

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CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

54

parfois massives, sa surface spécifique est donc faible. Les cristaux de Portlandite précipitent à

partir de la solution interstitielle.

La Portlandite est la phase la plus soluble de la pâte de ciment hydratée. Par son équilibre de

solubilité, elle maintient le pH de la solution interstitielle (tampon de pH ~ 12,5) et la teneur en

calcium en solution. L’équilibre de solubilité peut s’écrire de la façon suivante :

Ca(OH)2 = Ca2+ + 2 OH-

Une caractéristique de la Portlandite est sa rétro-solubilité : sa solubilité diminue avec la

température. Par exemple, la solubilité en calcium passe de 32 mM à 15 °C à 3 mM à 85 °C.

II.1.3.2 Les C-S-H

II.1.3.2.1 Structure des C-S-H

Les Silicates de Calcium Hydratés (C-S-H) forment un gel organisé sur quelques centaines

de nanomètres. Les dimensions typiques des particules nanométriques agrégées les unes aux

autres sont de l’ordre de 60 x 30 x 5 nm3 [29]. Ce matériau présente donc un mode d’organisation

intermédiaire entre celui d’un cristal tridimensionnel et d’un solide amorphe. L’arrangement local

est dépendant des conditions d’hydratation du ciment (rapport eau / ciment). Contrairement à la

Portlandite, les C-S-H se développent essentiellement sous la forme d’une couche entourant les

grains de ciment anhydres.

Les particules nanométriques présentent une structure lamellaire. La résolution structurale

directe de C-S-H de synthèse a montré l’analogie de ces matériaux avec la structure, proposée par

Hamid [30], de la tobermorite (C5S6H5) [31, 32], qui est un silicate de calcium hydraté naturel de

rapport C/S égal à 0,83. Le feuillet est constitué d’une double couche d’atomes de calcium associée

de part et d’autre à deux couches de tétraèdres de silicates (Figure II-1). Les couches de silicates

sont constituées de chaînes linéaires infinies de tétraèdres de silicium, un motif de trois tétraèdres

de silice est appelé « dreierketten » (Figure II-2). L’interfeuillet est composé par des molécules d’eau

et des ions calcium.

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CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

55

Figure II-1. Structure tridimensionnelle de la tobermorite 11 Å, d’après Hamid [30]. Les paramètres de

maille sont les suivants : a/2 = 5,58 Å ; a = 7,39 Å ; c/2 = 11,389 Å. Les atomes de calcium en pointillés sont

distribués statistiquement entre les mailles.

Figure II-2. Représentation de la structure « dreierketten » des C-S-H, tiré de Viallis-Terrisse [33] .

Les données de la littérature rapportent que la longueur des chaînes silicatées varie avec la

concentration en hydroxyde de calcium de la solution d’équilibre [33-36]. Plus le rapport C/S est

important, plus la longueur de la chaîne silicatée est courte. A l’inverse, plus le rapport C/S est

faible et plus la longueur de la chaîne silicatée est grande. Les spectres RMN du 29Si de C-S-H de la

Figure II-3 montrent que lorsque le rapport C/S augmente, l’intensité des raies attribuées aux

tétraèdres Q2 et Q2p (annexe A) diminue, ce qui se traduit par une diminution de la longueur des

chaînes silicatées.

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CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

56

La variation du rapport C/S modifie également l’environnement structurel du silicium. Lorsque le

rapport C/S augmente, on observe un accroissement du déplacement chimique vers les bas champs

de la position des raies de RMN du 29Si [33, 35, 37]. Cette modification est expliquée par une

diminution de l’angle moyen Si-O-Si dans les chaînes silicatées en fonction de la présence de

calcium dans l’interfeuillet [37, 38]. Cette diminution de l’angle Si-O-Si entraîne une diminution

des dimensions de la cellule unitaire suivant l’axe b [39].

II.1.3.2.2 Solubilité des C-S-H

La stœchiométrie des C-S-H obtenue est imposée par la quantité de calcium présente dans

la solution interstitielle. Il est possible d’écrire leur composition sous la forme (CaO)x(SiO2)y(H2O)z

avec 0,6 < x/y < 2 et 1 < z < 4 [40]. La composition des C-S-H est généralement définie par le rapport

molaire C/S. Ces phases contrôlent la concentration de silice en solution et le pH en l’absence de

Portlandite (12,4 > pH > 10,5).

De nombreuses études expérimentales montrent l’existence de plusieurs C-S-H de stœchiométrie,

de structure ou de morphologie variables [35, 38, 39, 41-43]. Ces études rapportent également que

le rapport C/S du solide varie en fonction de la concentration en calcium de la solution d’équilibre

(Figure II-4) : plus la concentration en calcium en solution est élevée, plus le rapport C/S du solide

est important.

Un phénomène singulier apparaît sur cette courbe : il existe des sections de courbes verticales

caractéristiques de points invariants correspondant à la présence de deux solides en équilibre avec

la solution. Nonat et al. proposent l’existence de trois phases C-S-H [44] :

- C-S-H α, phase de rapport à 0,66 ≤ C/S < 1, à l’équilibre avec une solution d’hydroxyde de

calcium à 2 mmol/L,

- C-S-H β, phase de rapport 1 < C/S < 1,5, apparaît pour des concentrations en hydroxyde de

calcium variant entre 2 et 20 mmol/L,

Figure II-3. Evolution de l’intensité des raies attribuées aux tétraèdres de silicium de C-S-H en fonction du

rapport C/S. Une représentation simplifiée des C-S-H correspondants illustre cette évolution. D’après Chen

[35] et Viallis-Terrisse [33].

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CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

57

- C-S-H γ, phase de rapport 1,5 < C/S < 2, la concentration en hydroxyde de calcium est

supérieure à 20 mmol/L.

L’évolution du rapport C/S du solide en fonction de la concentration en calcium de la solution ainsi

que des différentes phases C-S-H ont été reportées en Figure II-5.

D’un point de vue de l’équilibre des C-S-H en solution, différents composés peuvent être

observés en fonction de la température. La dissolution non congruente des C-S-H rend délicate la

Figure II-4. Représentation de l’évolution du rapport C/S du solide en fonction de la concentration en

calcium dans la solution d’équilibre à température ambiante à partir de données expérimentales de la

littérature, d’après Frizon [45].

Figure II-5. Représentations schématiques de l’évolution du rapport C/S du solide en fonction de la

concentration en calcium dans la solution d’équilibre et des différentes phases C-S-H avec les points

invariants A, B, C, D. Tirés de Viallis-Terrisse [33].

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CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

58

description simple de l’évolution de ces phases en fonction de la température. Retenons qu’avec la

température et la forte limitation de solubilité de la Portlandite, celle-ci vient contrôler la solubilité

des C-S-H par l’intermédiaire de celle du calcium en solution. Au niveau structural, une réaction à

température plus élevée entraîne une meilleure cristallisation pouvant conduire à des minéraux

totalement cristallins.

II.1.3.3 L’ettringite et le monosulfoaluminate

L’ettringite et le monosulfoaluminate respectivement abrégées phases AFt (Alumino-Ferrite

monoCalcique) et AFm (Alumino-Ferrite triCalcique), contrôlent tous deux la concentration en

sulfate de la solution.

Les composés de type AFm se présentent sous la forme de fines plaquettes hexagonales

avec un clivage marqué selon le plan de base. Ils possèdent une structure en feuillets qui dérive de

celle de la Portlandite par remplacement d’un atome de calcium sur trois par un atome

d’aluminium.

Les phases AFt se présentent sous la forme de cristaux aciculaires à base hexagonale.

Les travaux de Atkins [42, 46] et ceux de Damidot [47, 48] mettent en évidence l’extension

du domaine de stabilité du monosulfo-aluminate au détriment de celui de l’ettringite en fonction

de la température. Notons que l’évolution de la température d’équilibre de ces deux phases est très

dépendante du pH.

Les principales phases hydratées d’une pâte cimentaire ont été présentées. Il convient à

présent de présenter le comportement des matériaux à base de liants hydrauliques qui est

essentiellement déterminé par l’évolution physico-chimique de la pâte de ciment qui le constitue.

La plupart des mécanismes de dégradation, qu’ils soient d’origine physique ou chimique, ont un

élément en commun : ils mettent en jeu un transport de matière dans le réseau poreux de la phase

liante.

II.2. Altération d’un matériau cimentaire

La lixiviation est un lessivage des produits solubles de la pâte de ciment durcie (Portlandite,

ettringite, monosulfoaluminate de calcium hydraté, C-S-H).

II.2.1. Mécanismes mis en jeu lors de l’altération d’un béton par l’eau

La dégradation d’une pâte cimentaire résulte des déséquilibres chimiques liés à la

modification de la composition de la solution interstitielle directement au contact avec les phases

solides.

Lorsque l’on immerge une pâte de ciment ou un béton dans une solution aqueuse, il se produit

deux phénomènes consécutifs ayant chacun sa propre cinétique :

Page 59: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

59

- un transport de matière par diffusion dans la porosité du ciment hydraté, engendré par les

gradients de concentrations entre la solution interstitielle de la pâte de ciment et la solution

agressive,

- des réactions chimiques de dissolution-précipitation, provoquées par les variations de

concentrations résultant de la diffusion.

Les phases solides se mettent en équilibre localement avec les espèces dissoutes

correspondantes dont les concentrations sont gérées par les lois d‘équilibre chimique. Les

équilibres chimiques sont atteints très rapidement par rapport aux temps caractéristiques de

diffusion. Etant donné que c’est le phénomène le plus lent qui imposera sa vitesse, ce sont les

phénomènes de transport diffusif au travers de la porosité qui régissent la vitesse d’altération des

matériaux cimentaires.

La durabilité des matériaux cimentaires dépend de nombreux paramètres notamment

l’hydrolyse / décalcification, la dégradation chimique en présence d’ions agressifs, la carbonatation

(sous eau ou atmosphérique)… Au cours de cette synthèse, nous nous attacherons uniquement au

processus d’hydrolyse / décalcification qui va être le phénomène de base principal à étudier dans

le cadre de la compréhension de la dégradation en milieu saturé5.

II.2.2. Processus d’hydrolyse / décalcification

Dans les matériaux cimentaires, la réaction d’hydrolyse correspond à l’action des espèces

dissociées de l’eau sur les phases solides de la matrice cimentaire et la décalcification correspond à

l’appauvrissement en calcium du matériau suite au départ des ions Ca2+ fixés dans les phases

solides.

Le processus d’hydrolyse / décalcification des matériaux cimentaires a été étudié par Adenot [49].

Indépendamment des vitesses de dégradation qui peuvent varier selon les approches

expérimentales, les phénomènes mis en jeu sont identiques :

- une zonation minéralogique du matériau et l’apparition d’un front de dégradation

parallèle à la surface exposée de l’échantillon,

- une limite entre la partie saine et la partie dégradée se caractérisant par un front net de

dissolution de la Portlandite et / ou des silicates de calcium anhydres résiduels. La vitesse

d’altération semble augmenter avec la teneur en Portlandite, dont la dissolution favorise la

dégradation en créant une porosité supplémentaire,

- une décalcification progressive des C-S-H entre la partie saine et la surface,

- une cinétique d’altération limitée par la diffusion et des équilibres chimiques locaux entre

la solution porale et le ciment hydraté en cours de dégradation. Ainsi on observe (pour une

composition de la solution maintenue constante) des quantités lixiviées et une avancée des fronts

de dégradation proportionnelle à la racine carrée du temps.

5 Les conditions dites « saturées » signifient que la dégradation a lieu lors d’un contact prolongé entre un matériau

cimentaire et une solution aqueuse sans phase gazeuse.

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CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

60

Figure II-6. Résultats expérimentaux obtenus avec une pâte de ciment CEM I altérée dans une solution

déminéralisée à pH 8,5 et détails de la zonation résultante, adaptée de Adenot [49].

Comme nous le verrons dans le chapitre suivant, le modèle d’évolution thermodynamique

des pâtes cimentaires sur lequel est basée la présente étude repose sur une discrétisation de

l’évolution du système global et moyenne ainsi le comportement du matériau. Cela signifie

notamment que la progression du front de dégradation dans le matériau n’est pas prise en compte

et que pour un état de dégradation donné, l’ensemble des phases constitutives de la pâte de ciment

est considéré comme homogène dans la profondeur du matériau.

II.2.3. Influence du pH à température ambiante

En fonction des conditions physico-chimiques du milieu, la stabilité des hydrates d’un

ciment est très variable. Le pH apparaît comme l’un des principaux facteurs caractérisant leur

stabilité. Deux approches complémentaires permettent de rendre compte de l’impact du pH sur la

stabilité des phases hydratées. La première approche développée par Berner [50] schématise

l’évolution du pH de l’eau interstitielle en fonction de l’état d’altération d’un mortier comme

l’illustre la Figure II-7.

Figure II-7. Evolution du pH de la solution interstitielle en fonction de l’état de dégradation d’un mortier à

base de ciment CEM I, d’après Berner [50].

Page 61: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

61

La seconde approche consiste à étudier les domaines de stabilité des différents hydrates en

fonction du pH se basant sur l’analyse des solubilités respectives des principaux hydrates selon

Bourbon [51].

Figure II-8. pH d’équilibre et solubilité des principaux hydrates, d’après Bourbon [51].

Berner note que lors de la première étape de dégradation, la solution porale est constituée

d’hydroxydes alcalins (Na,K)OH fortement solubles.

Avec l’abaissement du pH, la concentration des hydroxydes alcalins diminue et ils tendent à

disparaître. La dissolution de la Portlandite présente dans la pâte cimentaire va conduire à saturer

la solution porale à une concentration totale en ions Ca2+ de 22 mM. Cette phase tamponne le pH à

une valeur proche de 12,5. Tant qu’il y a de la Portlandite dans le matériau, celui-ci peut être

considéré comme sain.

Les C-S-H à fort rapport C/S (C/S > 1,8) apparaissent et l’abaissement progressif du pH entraîne

une diminution de leur stabilité, avec une diminution conjointe du rapport C/S. A cet état

d’altération, le matériau est qualifié de « matériau altéré ». Les concentrations en calcium seront

inférieures à 20 mM et le pH inférieur à 12 pour des rapports C/S ≤ 1,4. La concentration en silice

est généralement faible, inférieure de 0,03 mM. Au cours de la dissolution des C-S-H, d’autres

hydrates, comme l’ettringite et le monosulfoaluminate, sont susceptibles de se décomposer et donc

de jouer un rôle dans le comportement chimique des bétons au cours de la phase « altérée ».

A un pH proche de 11, les C-S-H ont un rapport C/S inférieur à 1, la concentration totale en ions

Ca2+ chute entre 1 et 5 mM alors que la concentration totale en silice augmente pour atteindre des

valeurs comprises entre 2 et 6 mM. A pH 11,1, la dissolution des C-S-H est congruente, les rapports

C/S en solution et de la phase solide sont égaux à 0,83, à ce stade le matériau est qualifié de

« matériau dégradé ». On considèrera alors comme dernière phase le C-S-H que l’on peut décrire à

C/S < 0,9 par la tobermorite.

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CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

62

Lorsque les C-S-H se dissolvent complètement, le restant de brucite (Mg(OH)2) se dissout à pH 10,4

après quoi le pH chute jusqu’à des valeurs proches de la neutralité. Le matériau subsistant sera

alors composé majoritairement de gel de silice, le matériau est dit « neutralisé ».

De nombreuses phases hydratées présentes en faibles quantités au cours de l’altération

n’ont pas été prises en compte car elles n’affectent pas l’évolution du système de manière décisive

vis-à-vis d’un contrôle du pH en solution. Nous retiendrons que la Portlandite tamponne le pH à

une valeur proche de 12,5 et que les C-S-H peuvent contrôler le pH jusqu’à une valeur de 10,5

suivant le rapport C/S.

III. Les objectifs de la thèse

Au cours de ce chapitre, nous avons décrit le verre et le ciment à travers les mécanismes

d’altération auxquels ils étaient soumis durant les différentes étapes de leur dégradation. Nous

avons notamment rapporté la forte augmentation de la solubilité du verre à pH basique. Il apparaît

donc raisonnable, a priori, de soulever la question de l’influence des eaux cimentaires sur la

durabilité du verre.

Bien que très différents d’un point de vue structural, ces deux matériaux sont en partie

constitués de même éléments chimiques, notamment par le silicium, le calcium, le sodium ou

encore l’aluminium. Ainsi, au cours de l’altération, les éléments constitutifs du verre, au même titre

que ceux du ciment, peuvent réagir ensemble pour former des hydrates ou d’autres phases

secondaires.

Ces deux remarques soulèvent en réalité des questions plus profondes liées au contexte de

l’étude. La durabilité du verre en condition de stockage est un enjeu important puisque le verre

constitue la matrice de conditionnement des déchets radioactifs. Peu de travaux portent sur l’étude

de la durabilité du verre en environnement cimentaire [52]. Cette étude apparaît donc essentielle

pour déterminer les mécanismes qui pilotent les cinétiques d’altération du verre en milieu

cimentaire.

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CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

63

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CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

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CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

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Page 66: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment

66

Page 67: Thèse présentée pour obtenir le grade de

67

CHAPITRE III. METHODOLOGIE, PROTOCOLES ET

TECHNIQUES EXPERIMENTALES

I. Méthodologie.......................................................................................................................................68

I.1. Le système verre - matériau cimentaire .....................................................................................68

I.2. Modèle d’évolution de l’altérabilité du matériau cimentaire .................................................69

I.3. Solutions représentatives d’états d’évolution ...........................................................................69

II. Protocoles expérimentaux .................................................................................................................71

II.1. Les verres : élaboration et composition......................................................................................71

II.2. Synthèse des solutions d’eaux cimentaires................................................................................73

II.3. Protocoles d’altération..................................................................................................................73

II.3.1. Mode dynamique.................................................................................................................73

II.3.2. Mode statique......................................................................................................................74

III. Expression des résultats.....................................................................................................................75

IV. Calculs d’incertitude ..........................................................................................................................77

IV.1. Préambule.......................................................................................................................................77

IV.2. Processus de l’estimation de l’incertitude de la mesure..........................................................78

IV.3. Estimation de l’incertitude sur la perte de masse normalisée ................................................79

IV.4. Principe de la régression linéaire simple ...................................................................................80

IV.5. Incertitude sur la vitesse initiale d’altération............................................................................81

IV.6. Conclusions ....................................................................................................................................83

V. Traitement des données avec le code géochimique JCHESS .....................................................84

VI. Techniques d’analyse et de caractérisation....................................................................................85

VI.1. Analyse de solution.......................................................................................................................85

VI.1.1. Colorimétrie.........................................................................................................................86

VI.1.2. Chromatographie ionique....................................................................................................86

VI.1.3. ICP-AES .............................................................................................................................87

VI.2. Caractérisation du solide..............................................................................................................87

VI.2.1. Microscopie Electronique à Balayage..................................................................................87

VI.2.2. Diffraction des Rayons X....................................................................................................87

VI.2.3. Spectroscopie des photo-électrons X....................................................................................88

VI.2.4. Time Of Flight – Secondary Ion Mass Spectroscopy..........................................................88

Références bibliographiques .....................................................................................................................90

Page 68: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales

68

I. Méthodologie

Le comportement à long terme du verre est étudié depuis de nombreuses années dans des

solutions lixiviantes de complexités croissantes :

- en eau désionisée et en eau à pH acide ou basique, afin de mettre en évidence les

mécanismes de base à l’origine des cinétiques observées,

- en eau contenant des produits de corrosion issus de l’altération des colis en acier, en eau en

équilibre avec des phases cimentaires, matériaux d’environnement des colis en condition de

stockage profond ou encore en eau en équilibre avec l’argilite du site, le Callovo-Oxfordien,

appelée « eau de Bure » : autant de systèmes permettant d’étudier l’altération du verre dans des

milieux spécifiques.

Suivant les conditions d’altération, la chimie des eaux représentatives d’un environnement en

condition de stockage profond influence les mécanismes et les cinétiques d’altération du verre.

I.1. Le système verre - matériau cimentaire

Du concept envisagé par l’Andra (Chapitre I) consistant à stocker les colis de déchets

vitrifiés MA-VL au sein de surconteneurs en béton est né le besoin d’approfondir nos

connaissances sur la phénoménologie de l’altération du verre en milieu cimentaire et les

mécanismes qui lui sont associés. Afin de simplifier le système global verre – acier du colis – béton

– argilite du site et de mettre en lumière les mécanismes clés, il a été nécessaire de déconvoluer les

effets, et pour cela, de ne considérer dans un premier temps que la matrice vitreuse et le milieu

cimentaire. Ce système binaire se justifie également en conditions de stockage. Lors de la

resaturation du site, l’eau percole très lentement en régime diffusif et s’équilibre avec les matériaux

d’ouvrage. Les solutions qui pénètrent jusqu’aux colis primaires proviennent d’eaux de percolation

au travers des bétons d’ouvrages et des bétons des surconteneurs, leur composition est donc très

proche des solutions interstitielles des bétons de colis de stockage.

Etant donné le pH fortement basique du milieu d’altération, l’acier du conteneur est passivé

et sa vitesse d’altération estimée est de l’ordre de 0,1 µm par an. Ainsi, la dégradation du ciment

sera étudiée en eau désionisée, sans tenir compte du fait qu’il s’agit, en condition de stockage,

d’une eau de site ayant une composition plus complexe.

Le milieu cimentaire sera représenté par des solutions de compositions représentatives

d’états physico-chimiques d’évolution d’une pâte de ciment Portland CEM I. Il a été choisi que

l’ensemble des compositions soit représentatif d’un comportement moyen d’un matériau

cimentaire en tenant compte à la fois de sa composition initiale et du facteur principal d’altérabilité

chimique à savoir l’hydrolyse / décalcification. Le modèle physico-chimique d’évolution dont sont

issues les compositions des eaux cimentaires est basé sur des analyses de solutions interstitielles

récupérées par extraction ainsi que sur des calculs et des évaluations faites sur la base de

l’exploitation d’expérimentations [1].

Page 69: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales

69

I.2. Modèle d’évolution de l’altérabilité du matériau cimentaire

Le modèle d’évolution simplifié proposé par Bourbon [1] permet de caractériser de façon

quantitative les différents états de dégradation potentiels d’une pâte de ciment (Figure I-1). Cette

approche nécessite de discrétiser le système global en sous-systèmes correspondants aux différents

hydrates. Il en résulte trois grands états correspondants à une évolution chimique et physique des

matériaux pouvant être décrite de la manière suivante, ici à température ambiante :

- les bases fortes (Na,K)OH issues de l’hydratation des oxydes alcalins sont neutralisées, le

pH décroît jusqu’à une valeur de 12,5,

- la Portlandite qui est la base la plus forte et l’hydroxyde le plus soluble, après les

hydroxydes alcalins, tamponne le milieu à un pH de 12,5,

- les C-S-H voient leur rapport C/S diminuer, ce qui indique une décalcification croissante de

la phase. Le pH décroît parallèlement de 11,5 à 10,5, limite basse de la stabilité des C-S-H.

Tobermorite

sain altéré dégradé

Temps (log t)

(Na,K)OH

Ca(OH)2C-S-H

C/S≈1,212,5

10,5

S1S2

S3tobermorite

Tobermorite

sain altéré dégradé

Temps (log t)

Tobermorite

sain altéré dégradé

Temps (log t)Temps (log t)

(Na,K)OH

Ca(OH)2C-S-H

C/S≈1,212,5

10,5

S1S2

S3tobermorite

Figure I-1. Evolution des hydrates et de l’altérabilité du matériau cimentaire en fonction du pH.

I.3. Solutions représentatives d’états d’évolution

La solution 1 (S1) représente les milieux les plus alcalins, faisant référence à un matériau

sain pour des pH ≥ 13. La solution 2 (S2) correspond à une solution en équilibre avec la Portlandite.

La solution 3 (S3) est représentative de milieux dont la chimie en solution est contrôlée par les

C-S-H, leur état de dégradation correspondant étant donné par le rapport molaire C/S d’environ

1,2 pour cette solution.

Les solutions S1 et S2 correspondent aux premières solutions qui arriveront au contact de la

matrice vitreuse. La resaturation complète des ouvrages de stockage est prévue après plusieurs

siècles, voire milliers d’années. Les compositions des eaux de percolation des colis primaires ne

seront pas modifiées significativement pendant au moins plusieurs milliers ou dizaine de milliers

d’années. Les solutions S1 et S2 représentent donc des états de dégradation correspondants aux

Page 70: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales

70

stades prépondérants à considérer dans le cadre du concept de stockage envisagé par l’ANDRA. La

solution S3 n’a donc pas été étudiée dans le cadre de ce travail.

Les compositions de l’ensemble des solutions ont été modélisées à 25 °C et 50 °C. Le choix

des températures s’explique par deux raisons. D’une part, c’est à 25 °C que les bases de données

thermodynamiques sont les plus exhaustives, ce qui permet de modéliser des compositions plus

réalistes. D’autre part, l’étude s’inscrit dans le cadre du comportement à long terme des verres dont

les processus de dégradation sont très lents. Il a donc été choisi d’effectuer des expérimentations à

50 °C afin d’accélérer les processus réactionnels et d’accéder à des mécanismes au long terme. Les

études concernant l’influence de la température sur la composition de la solution porale et plus

spécifiquement sur la représentativité du système solide / liquide à 50 °C sont rares. Entre 5 °C,

20 °C et 50 °C, les compositions varient peu après 150 jours [2]. A 50 °C, la concentration en ion

sulfate augmente et les concentrations en ions aluminium et fer diminuent légèrement.

Les expériences sont menées en boîte à gants, laquelle est à 30 °C. Cette différence de

température entre 25 et 30 °C ne modifie pas significativement l’équilibre des solutions

cimentaires.

Les compositions prises en compte pour les solutions d’eaux cimentaires S1 et S2 sont

présentées dans les Tableau I-1 et Tableau I-2.

Tableau I-1. Compositions théoriques de la solution d’eau cimentaire S1 à 25°C et 50°C issues de calculs

géochimiques [1].

S1b1 : Alcalins

Na K Ca Si OH pH

Concentration totale

(mol.L-1) à 25°C 6,55.10-2 1,61.10-1 2,2.10-3 3.10-6 2,31.10-1 13,2 ± 0,1

Concentration totale

(mol.L-1) à 50°C 6,55.10-2 1,61.10-1 1,2.10-3 2.10-6 2,29.10-1 12,6

Tableau I-2. Compositions théoriques de la solution d’eau cimentaire S2 à 25°C et 50°C issues de calculs

géochimiques [1].

S2b : Portlandite

Ca pH

Concentration totale

(mol.L-1) à 25°C 2.10-2 12,4 ± 0,1

Concentration totale

(mol.L-1) à 50°C 1,5. 10-2 11,7

1 La nomenclature employée correspond à celle de la note de l’Andra [1].

Page 71: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales

71

Concernant la solution S1, le silicium n’a pas été ajouté lors de la synthèse car cet élément n’est pas

dosable compte-tenu de la dilution à appliquer (dilution par 15 imposée par le potassium) et de la

limite de quantification du silicium (0,05 mg.L-1).

II. Protocoles expérimentaux

II.1. Les verres : élaboration et composition

Dans le cadre de la vitrification des effluents de rinçage de l’usine UP2-400, un verre CSD-B

associé à un domaine de composition, a été défini comme verre de référence. Il est constitué de 20

oxydes et a fait l’objet de caractérisations aussi bien d’un point de vue de ses propriétés physico-

chimiques d’élaboration que de ses propriétés en condition d’altération en eau désionisée.

Tableau II-1. Composition du verre CSD-B en pourcentage molaire d’oxydes (théorique et analysé) et en

pourcentage massique d’oxydes analysé.

CSD-B

Oxyde % mol

théorique

% mol

analysé

% massique

analysé

SiO2 55,02 54,84 50,31

B2O3 13,63 13,54 14,39

Na2O 13,33 13,29 12,58

Al2O3 5,61 5,6 8,72

Li2O 4,77 5,04 2,3

CaO 3,64 3,68 3,15

Fe2O3 1,17 1,17 2,89

ZrO2 1,06 1,02 1,92

NiO 0,29 0,33 0,38

MoO3 0,32 0,31 0,69

CoO 0,03 0,27 0,31

P2O5 0,19 0,19 0,41

SO3 0,11 0,11 0,14

BaO 0,15 0,14 0,33

Ce2O3 0,15 0,14 0,7

MnO2 0,14 0,13 0,17

Nd2O3 0,08 0,08 0,4

RuO2 0,01 0,07 15

Cr2O3 0,03 0,03 0,08

La2O3 0,06 <0,06 <0,06

Page 72: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales

72

Un second verre dénommé Verre Simplifié (VS) est constitué des sept éléments majeurs du

verre de référence CSD-B qui représentent 97 % molaire des oxydes du verre de référence. Du fait

de son nombre réduit d’éléments, l’utilisation de ce verre permet de mettre en évidence le rôle des

oxydes majeurs du verre CSD-B. Il a été montré, pour le verre nucléaire SON68, que ces verres

simplifiés permettent d’obtenir une bonne représentativité des principaux régimes d’altération du

verre nucléaire [3-5]. Les compositions en pourcentage molaire d’oxydes des verres CSD-B et VS

figurent respectivement dans les Tableau II-1 et Tableau II-2.

Tableau II-2. Composition du verre VS en pourcentage molaire d’oxydes (théorique et analysé) et en

pourcentage massique d’oxydes analysé.

VS

Oxyde % mol

théorique

% mol

analysé

% massique

analysé

SiO2 56,69 55,99 53,32

B2O3 14,04 14,52 16,02

Na2O 13,74 13,58 13,34

Al2O3 5,77 5,77 9,32

Li2O 4,92 5,28 2,5

CaO 3,74 3,81 3,39

ZrO2 1,09 1,06 2,07

Une fois pesées et mélangées, les poudres d’oxydes sont portées à 1250 °C pendant

3 heures. Une partie du verre est coulée en creuset graphite afin d’obtenir des barreaux, l’autre

partie est coulée sur une plaque métallique. Le verre subit ensuite un recuit d’une heure à 530 °C

(température de transition vitreuse + 20 °C) dans le creuset graphite.

Après élaboration, le verre, coulé sur plaque, est broyé puis tamisé afin d’obtenir des plages

granulométriques définies (Tableau II-3). La poudre est lavée à l’acétone et subit un dernier lavage

dans un bac à ultrasons afin d’éliminer les fines particules avant d’être séchée à l’étuve à 50 °C. Les

barreaux de verre sont tronçonnés afin d’obtenir des monolithes de 4 mm d’épaisseur. Ils sont polis

puis lavés au bac à ultrasons dans l’acétone.

La poudre a été caractérisée par la méthode BET par adsorption de Kr pour obtenir la

surface spécifique des poudres de verre de chacune des plages granulométriques (Tableau II-3).

Les compositions chimiques des verres ont été analysées par fluorescence X suite à une fusion

alcaline, hormis pour le bore et le lithium, qui eux ont été analysés respectivement en spectromètre

à torche plasma et absorption atomique.

Page 73: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales

73

Tableau II-3. Surface spécifique déterminée par BET pour les différentes plages granulométriques des verres

CSD-B et VS.

Surface développée (cm2.g-1)

Plage granulométrique Verre CSD-B Verre VS

5 – 15 µm 5940 -

20 – 40 µm 1780 1585

40 – 80 µm 1025 1005

80 – 125 µm 520 517

II.2. Synthèse des solutions d’eaux cimentaires

Des protocoles spécifiques ont été mis en place afin de réaliser la synthèse des solutions

d’eaux cimentaires. Les solutions alcalines étant très sensibles à la carbonatation atmosphérique,

l’eau et la chaux ont été décarbonatées et l’ensemble du processus a été réalisé en boîte à gants sous

atmosphère d’azote, du début de la synthèse jusqu’à la fin des altérations. Tout au long de la

synthèse, les solutions sont agitées.

Le protocole de synthèse de la solution S2 consiste à ajouter la chaux décarbonatée à la solution en

température et à agiter l’ensemble durant 24 heures. Le pH est mesuré en température et un

prélèvement de solution est analysé par chromatographie ionique pour valider la concentration en

calcium. Si la composition expérimentale est proche de celle théorique, alors la solution est filtrée et

conservée en boîte à gants.

Dans le cas de la solution S1, la première partie du protocole est identique. Après validation de la

concentration en calcium, la potasse et la soude sont ajoutées à la solution, sous forme liquide pour

une meilleure précision des quantités mesurées par rapport aux pastilles solides. L’ensemble des

concentrations est validé par analyse de solution ainsi que le pH en température. La solution est

ensuite filtrée et conservée en boîte à gants.

II.3. Protocoles d’altération

Deux modes d’altération sont utilisés, en système fermé ou ouvert, permettant d’obtenir des

cinétiques correspondant à des régimes d’altération spécifiques.

II.3.1. Mode dynamique

Ce mode permet d’obtenir des vitesses initiales d’altération en système ouvert2. Le lixiviat

ne restant pas en contact avec le verre, la saturation vis-à-vis de la silice n’est pas atteinte

moyennant un paramétrage adapté. Ce « test colonne » permet d’altérer les poudres en contrôlant

2 On parlera de milieu ouvert lorsqu’il y a renouvellement de la solution altérante et respectivement de milieu fermé

lorsqu’il n’y a pas de renouvellement de solution.

Page 74: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales

74

plusieurs paramètres : le débit, la composition et le pH de la solution. La Figure II-1 représente un

schéma de principe du montage. L’échantillon à altérer se trouve sous forme de poudre maintenue

dans une cellule (réacteur ou colonne) de 4 mm de diamètre et 5 cm de longueur, soumise à un flux

ascendant de solution altérante. Une pompe péristaltique assure le renouvellement de la solution

altérante dans la cellule. Son débit de l’ordre de quelques millilitres par minute est suffisamment

important pour éviter toute rétroaction des éléments en solution sur la vitesse de dissolution du

verre. La granulométrie de la poudre de verre se situe dans la fraction 80 - 125 µm. Le réacteur est

placé dans une étuve à 30°C ou 50°C, la mesure de température se faisant à l’entrée de la colonne.

Le lixiviat est prélevé en sortie de colonne et ensuite analysé par colorimétrie.

L’altération est ici contrôlée par la surface de verre et par le débit de la solution altérante. La vitesse

d’altération est alors calculée selon l’équation suivante :

Sx

QCV

i ⋅⋅=

Q : débit de la solution altérante (m3.j-1),

S : surface de verre (m²),

xi : fraction massique de l’élément i dans le verre,

C : concentration en élément i (g.m-3).

Figure II-1. Schéma de principe d’un test colonne.

II.3.2. Mode statique

Le mode statique permet d’étudier l’ensemble des régimes d’altération. Un paramètre-clé

de l’expérience est le rapport S/V qui va permettre d’atteindre des progrès de réaction différents.

Tout comme en mode dynamique, la température, la composition et le pH de la solution sont des

paramètres importants.

Pour mesurer des vitesses en régime initial, le rapport S/V doit être très faible pour

maintenir des conditions éloignées de la saturation en silice. Les solutions sont fortement agitées

pour homogénéiser la solution. Les tests sont réalisés sur une durée pouvant varier de sept heures

à plusieurs jours suivant les conditions d’altération. Les chutes de vitesse, les vitesses résiduelles et

éventuellement les reprises d’altération seront, elles, mesurées à fort rapport S/V : dans ces

Page 75: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales

75

conditions, la solution est rapidement saturée vis-à-vis des principaux produits d’altération. Les

échéances de prélèvement sont alors effectuées en fonction du régime étudié.

Les tests sont réalisés dans des réacteurs en téflon Savillex® (PolyTétraFluoroEthylène) en

boîte à gants. La mesure du pH est réalisée à l’aide d’un pH-mètre Metrohm® équipé d’une

électrode ROSS 813 RC, les solutions tampons utilisées sont à pH 9,81 et 12,00 à 25 °C. Les

prélèvements de solution sont effectués à différentes échéances et le lixiviat est directement filtré

avec un filtre-seringue GHP 0,45 µm avant sa sortie à l’air ambiant.

Nous préciserons au début de chaque chapitre le protocole d’altération utilisé ainsi que les

caractéristiques des essais.

III. Expression des résultats

Les cinétiques obtenues sont issues des analyses de solutions. La concentration en éléments

est obtenue soit par colorimétrie, spectrométrie par torche plasma (ICP) ou encore

chromatographie ionique. Après avoir corrigée cette valeur du facteur de dilution, les pertes de

masse normalisées NLi (g.m-2) sont calculées de la manière suivante :

i

ii

xV

SC

NL⋅

=

où Ci (g.m-3), S/V (m-1) et xi (gramme de i par gramme de verre) sont respectivement la

concentration en solution de l’élément i, le rapport de la surface de verre sur le volume de la

solution en contact et la fraction massique de l’élément i dans le verre.

De la perte de masse normalisée, peut être déduite la vitesse d’altération Vi (g.m-2.j-1) en fonction de

l’élément i :

dt

NLdV i

i

)(=

Au cours d’une lixiviation, il apparaît que les paramètres intervenant dans la formule des

pertes de masse normalisées NLi (g.m-2) varient au cours de la réaction. Le volume de solution

évolue compte-tenu des prélèvements et de l’évaporation. De même, la surface réactive du verre en

contact avec la solution s’amenuise avec le progrès de la réaction. Le calcul des pertes de masse

normalisées s’effectue donc de façon itérative ce qui permet de tenir compte des variations de ces

paramètres :

it

tititiititi

xV

S

CCNLNLNLNL

−+=∆+= −

−−1

11

)()()()()()(

Page 76: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales

76

On peut également calculer l’épaisseur équivalente de verre altéré EEi (m-1) de l’élément i

s’il est un traceur de l’altération, en fonction des pertes de masse normalisées NLi et de la masse

volumique du verre ρρρρ (g.m-3) pour une géométrie ne présentant pas de variation de surface au

cours du temps (plaque de verre infinie) :

ρi

i

NLEE =

La prise en compte de la variation du volume de solution et de la correction de la surface

est nécessaire surtout pour des tests statiques menés au long terme. Ces variations sont calculées à

partir du modèle du cœur rétrécissant [4]. Les grains de verre sont assimilés à des sphères de rayon

moyen correspondant à la moyenne géométrique de la plage granulométrique de la poudre

considérée. La surface active pour chaque échéance est alors calculée en considérant le pourcentage

d’altération du verre.

Il est possible de déterminer la fraction de verre altérée qui est le rapport entre la masse

d’élément i (traceur de l’altération) passée en solution et la masse de l’élément i présent

initialement dans le verre. La fraction de verre altéré fVAi par élément est obtenue à partir de la

concentration en élément Ci, du volume de solution V, de la masse initiale de verre m0, de la

fraction massique de l’élément xi :

iverre

iVAi

xm

VCf

⋅⋅

=0

Calculée à partir d’un élément traceur de l’altération, cette fraction fVAi peut être interprétée comme

le degré d’altération du verre.

Le calcul de la fraction de verre altéré peut-être amélioré en prenant en considération la variation

de volume aux temps t et t-1 :

[ ]iverre

ttititVAitVAi

xm

VCCff

⋅⋅−

+= −− 0

11

)()()()(

Remarquons que le calcul effectué à partir de la fraction de verre altéré fVAi par élément et

du rayon initial r0 (m) de la poudre de verre permet de déterminer l’épaisseur altérée EEi en tenant

compte de la géométrie sphérique des grains :

03/1 ))1(1( rfEE VAii −−=

Les pertes de masse normalisées peuvent s’exprimer également en fonction de la fraction de

verre altéré fVAi et de la surface spécifique Sspé (m2.g-1) de la poudre de verre considérée :

Page 77: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales

77

spe

VAi

ispeverre

ii S

f

xSm

VCNL =

⋅⋅⋅

=0

Un dernier paramètre que nous utiliserons est le facteur de rétention FRi qui permet de

mettre en évidence la rétention d’un élément du verre par rapport au traceur de l’altération qui, lui,

n’est pas retenu dans les phases secondaires :

traceur

ii NL

NLFR −= 1

IV. Calculs d’incertitude

IV.1. Préambule

Travailler sur l’incertitude des résultats de mesure s’est avéré être une nécessité. D’une part

un résultat de mesure se doit d’être encadré et d’autre part, les résultats de mesure étant intégrés à

des modèles de comportement à long terme, il est nécessaire de maîtriser l’incertitude.

La définition du terme d’incertitude est : « Un paramètre associé au résultat d’une mesure, qui

caractérise la dispersion des valeurs et pourrait être raisonnablement attribué au mesurande »3.

L’incertitude d’une mesure n’implique pas un doute affectant la validité de la mesure ; au

contraire, la connaissance de l’incertitude implique une confiance accrue dans la validité du

résultat de la mesure. Il s’agit donc de l’évaluer le plus exactement possible, ce que nous nous

proposons de faire ici.

La démarche suivie consiste à estimer l’incertitude des résultats de mesure par la méthode

dite de « loi de propagation des incertitudes ». En réalité, deux méthodes existent mais leur

approche est sensiblement différente. La méthode la plus directe, mais qui peut s’avérer très

fastidieuse, consiste à répéter un certain nombre de fois une expérience définie dans des conditions

strictement identiques. Pour réduire le facteur d’élargissement et ainsi obtenir de meilleures

statistiques, il est nécessaire de répéter l’expérience environ vingt fois dans le cas où la grandeur

suit une loi normale. Cette approche était inenvisageable dans le cadre d’une thèse : la seconde

méthode a donc été utilisée. Cette approche est basée sur une hypothèse forte qui dit que les

grandeurs xi, permettant de déterminer la grandeur y, décrivent une statistique gaussienne autour

d’une valeur moyenne (loi normale), pour laquelle on détermine un écart-type.

Nous détaillerons dans un premier temps le processus à suivre pour estimer l’incertitude

sur les points de mesure (perte de masse normalisée, NL) et dans un second temps le principe de la

régression linéaire et l’estimation de l’incertitude sur la vitesse d’altération. Seuls des résultats clés

de cette étude sont présentés, les calculs ainsi que les résultats sont développés en annexe C. Nous

3 International Vocabulary of Basic and General terms in Metrology. ISO, Geneva, (1993). (ISBN 92-67-10175-1)

Page 78: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales

78

demanderons donc au lecteur de s’y référer pour éclairer les résultats importants donnés par la

suite.

Avant de présenter la partie théorique des calculs d’incertitude, il semble important de

souligner un point particulier. Cette première observation n’est pas intuitive a priori : l’incertitude

sur la pente du modèle de régression linéaire (incertitude sur V0) est indépendante de l’incertitude

sur chacun des points de mesure (pertes de masse normalisées), sauf dans le cas de modèles plus

complexes de régression linéaire (appelée régression pondérée), rarement utilisés en pratique.

Cette méthode consiste à affecter un poids à un écart-type : cela signifie qu’un point bien connu

(faible écart-type) aura plus de poids dans le modèle de régression, ou bien que la droite de

régression se rapprochera plus des points dont les écart-types sont petits (bien connus). Ainsi les

écart-types calculés sur chacun des points pondèrent la régression.

L’estimation de l’incertitude sur les points de mesure permettra de rendre compte du poids

de chacune des variables de base intervenant dans le calcul de l’incertitude du résultat et ainsi

d’offrir la possibilité de diminuer une incertitude jugée trop importante en modifiant par exemple

le protocole expérimental ou la méthode d’analyse et ainsi d’améliorer la méthode de la mesure.

Quant à l’estimation de l’incertitude sur le modèle utilisé pour déterminer les coefficients de

régression, elle permettra de juger de la pertinence du modèle et de sa fiabilité.

IV.2. Processus de l’estimation de l’incertitude de la mesure

Quatre étapes constituent le processus de l’estimation de l’incertitude associée à un résultat

de mesure :

- spécification du mesurande,

- identification des sources d’incertitude,

- quantification des composantes de l’incertitude, c’est-à-dire de chacune des contributions à

l’incertitude prise séparément,

- réalisation du calcul de l’incertitude type composée uc(y).

La procédure utilisée pour estimer l’incertitude globale dépend des données disponibles. Il s’agit

de concilier les exigences en matière d’information avec les données disponibles, ce qui a constitué

une des étapes les plus délicates du processus.

L’identification des sources d’incertitudes consiste à évaluer les paramètres xi affectant la grandeur

y. Dans notre cas, un certain nombre de variables ont été identifiées, celles supposées avoir un effet

non négligeable sur la grandeur y.

La relation générale entre l’incertitude-type composée uc(y(x1,x2…xn)) d’une valeur y et l’incertitude

des paramètres x1, x2, xn dont elle dépend est :

∑∑≠==

∂∂⋅

∂∂+⋅

∂∂=

kinki

kikini

ii

c xxux

y

x

yxu

x

yxxyu

,1,,1

2

2

21 ),()(,...)),((

Page 79: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales

79

Où u(x1,xk) est la covariance entre xi et xk et ∂y/∂xi, la dérivée partielle de y par rapport à xi, est le

coefficient de sensibilité.

Dans le cas où les paramètres x1, x2, xn sont indépendants, la covariance est nulle et le second terme

disparaît :

∑=

∂∂=

nii

ic xu

x

yxxyu

,1

2

2

21 )(,...)),((

Le calcul de l’incertitude-type composée peut être simplifié car les différentielles partielles peuvent

être arrondies selon :

)(

)())((

i

iii

xu

xyxuxy

x

y −+≈∂∂

Pour des cas complexes, une méthode numérique, suggérée par Kragten [6], est utilisée. Elle

permet de calculer l’incertitude-type composée à partir de la formule de calcul utilisée pour

déduire le résultat final, des valeurs numériques ainsi que de leurs incertitudes-types. La méthode

du tableur et sa construction sont détaillées dans le guide EURACHEM [7].

IV.3. Estimation de l’incertitude sur la perte de masse normalisée

La démarche explicitée précédemment a été appliquée sur l’ensemble des tests réalisés, afin

de comparer l’effet des variables de bases et de leur paramétrage. Un cas détaillé est présenté en

annexe B, il suit le processus de l’estimation de l’incertitude pour des pertes de masse normalisées

sur un test statique en vitesse initiale (verre CSD-B altéré en solution S1 à 30 °C).

Concernant la part de variance de chacune des variables, il a été montré que 3 variables

principales sur 22 ont un poids important dans le calcul d’estimation d’incertitude sur la perte de

masse normalisée, à savoir, la surface spécifique BET, le pourcentage massique d’oxyde et la

concentration en l’élément considéré. La part de variance pour chacune de ces trois variables est

fonction de l’élément considéré. En régime de vitesse initiale, une quatrième variable doit être prise

en compte, celle de la concentration dans le blanc de l’élément considéré, car les concentrations

analysées sont très faibles dans ce régime d’altération, son poids n’est alors plus négligeable.

Concernant l’estimation de l’incertitude sur la perte de masse normalisée, les résultats

montrent que la concentration en élément considéré est un paramètre clé. En régime de chute de

vitesse, si on considère que l’incertitude sur la concentration dépend de la concentration pour

chaque élément (incertitude par gamme de concentration), on peut conclure que quel que soit le

test, l’incertitude relative sur les pertes de masse normalisées est constante pour l’élément

considéré.

Page 80: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales

80

IV.4. Principe de la régression linéaire simple

On recherche des estimateurs de α0 et α1 qui minimisent la somme des carrés des distances

entre les points observés et les points sur la droite, comptés parallèle à (Oy). Les coefficients de

régression a0 et a1 étant les estimateurs de α0 et α1.

XaaY ⋅+= 10

ii xaay ⋅+= 10ˆ

iy : ordonnée du point sur la droite qui a pour abscisse xi ou encore yi estimé

iiiii xaayyye ⋅−−=−= 10ˆ

ei : le résidu au point i, il représente l’écart au modèle (Figure IV-1)

Figure IV-1. Schéma de principe illustrant la notion de résidu.

On cherche alors a0 et a1 tels que :

∑=

n

iie

1

2 soit minimum

La solution du problème des moindres carrés est donnée par les deux relations ci-dessous :

)(

),(1

10

XVar

YXCova

xaya

=

−=

Avec ∑=

−−=

n

i

ii

n

yyxxYXCov

1

))((),( et ∑

=

−=

n

i

i

n

xxXVar

1

2)()(

Page 81: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales

81

Les paramètres de la régression et les écart-types sur ces paramètres peuvent être estimés

par calcul. Deux tests, appelés test intrinsèque et test extrinsèque, permettent par la suite de valider

le modèle utilisé à partir du test de Fisher.

Comme précisé dans le préambule, l’estimation de l’incertitude sur chacun des points de

mesure est indépendante de celle sur le modèle de régression linéaire utilisé pour déterminer les

coefficients de régression a0 et a1 (a0 : ordonnée à l’origine, a1 : pente). En effet, les écart-types sur

chacun des points de mesure n’interviennent pas dans les estimations des paramètres du modèle

de régression linéaire d’après les formules ci-dessous :

∑=

=

n

xasas

XnVar

sas

i

r

2

10

1

)()(

)()(

Avec 2

1

2

−=∑

=

n

e

s

n

ii

r , l’écart-type résiduel.

L’incertitude sur l’estimation d’une prévision est donnée par la formule suivante qui est

représentée par deux hyperboles encadrant les résultats. L’écart-type sera minimum en x .

2

1

20

0

)(

)(11)ˆ(

∑=

−++=

n

ii

r

xx

xx

nsys

IV.5. Incertitude sur la vitesse initiale d’altération

L’estimation de l’incertitude sur la vitesse initiale d’altération est obtenue pour le même

essai : test statique avec le verre CSD-B altéré en solution S1 à 30°C. Le logiciel Lumière 5.49 est

utilisé pour réaliser ces calculs. En annexe B figure une image du tableur avec les résultats de cette

simulation. La Figure IV-2 est une image du graphique obtenu avec le logiciel Lumière. Les pertes

de masse normalisées en silicium sont représentées en fonction du temps, en haut à gauche sont

affichées les valeurs estimées par le modèle des coefficients a0 et a1. Sur cette image figurent

également la droite de régression linéaire (en bleu) ainsi que les hyperboles correspondantes à un

intervalle de confiance à 95 % (en rouge).

D’après les résultats obtenus (annexe B), nous pouvons dire que le risque sur a1 est

quasiment nul (0,07 %) et que celui sur a0 est plus élevé (13,51 %). Le risque sur l’hypothèse H1 (i.e.

de dire que a0 ≠ 0) pour a0 est supérieur à 5 %, ce qui signifie que a0 n’est pas significativement

différent de 0. La pente obtenue dans le cas de la régression sans constante est de 0,0317 ±

Page 82: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales

82

0,0091 g.m-2.j-1 avec un niveau de confiance à 95 % (0,0317 g.m-2.j-1 ± 27 %). Dans ce cas, le modèle de

régression linéaire passant par l’origine est un modèle adapté à notre essai.

(a) (b)

Figure IV-2. Images du graphique, obtenu par le logiciel Lumière, de la régression linéaire des NLSi en

fonction du temps (a) régression avec constante, (b) régression sans constante. Les points bleus sont les

points de mesure, la droite bleue correspond à la régression linéaire et les courbes rouges sont les hyperboles

de confiance à 95 %.

Pour l’ensemble des vitesses initiales, il a été choisi de pondérer les régressions linéaires par

les incertitudes sur les pertes de masse normalisées en chacun des points puisque nous disposons

de ces données, i. e. des incertitudes en chacun des points. Comme précisé dans le préambule, cette

méthode consiste à affecter un poids d’autant plus grand que son écart-type est petit (i. e. un poids

d’autant plus grand que le point est « bien connu », avec une grande précision). Les coefficients de

la régression a0 et a1 dépendent donc, dans ce cas, des incertitudes sur les pertes de masse

normalisées (Figure IV-3). La pente obtenue dans le cas de la régression pondérée sans constante

est de 0,0323 ± 0,0051 g.m-2.j-1 avec un niveau de confiance à 95 % (0,0323 g.m-2.j-1 ± 16 %).

Figure IV-3. Image du graphique, obtenu par le logiciel Lumière, de la régression linéaire des NLSi en

fonction du temps régression pondérée par les écart-types sans constante. Les points bleus sont les points de

mesure, la droite bleue correspond à la régression linéaire et les courbes rouges sont les hyperboles de

confiance à 95 %.

Page 83: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales

83

IV.6. Conclusions

Rappelons tout d’abord que l’incertitude sur le modèle de régression linéaire (vitesse) est

indépendante de celle de chacun des points de mesure (NL). En d’autres termes, l’incertitude sur

la vitesse dépend de celles sur la perte de masse normalisée si et seulement si la régression linéaire

est pondérée par les incertitudes sur les pertes de masse normalisées.

L’étude réalisée sur l’estimation de l’incertitude sur la perte de masse normalisée ainsi que

celle associée à une pente (vitesse) a permis de montrer que, quel que soit l’élément considéré,

l’incertitude sur la perte de masse normalisée dépend principalement de trois variables (surface

BET, pourcentage massique d’oxyde et concentration en l’élément considéré). La part de variance

associée à chacune de ces variables est cependant dépendante de l’élément.

La forte incertitude relative pour des faibles valeurs de NL est due aux importantes

incertitudes aux faibles concentrations. La Figure IV-4 montre que l’incertitude sur la perte de

masse normalisée dépend fortement, aux faibles valeurs de NL, de l’incertitude sur la

concentration de l’élément considéré. La diminution de l’incertitude relative sur la perte de masse

normalisée permet par la suite, lors de régression linéaire pondérée, de donner plus de poids à

certains points et ainsi d’obtenir une meilleure estimation de la vitesse.

0

10

20

30

40

0,00 0,10 0,20 0,30 0,40 0,50 0,60 0,70 0,80

NL(Si) (g/m²)

Ince

rtitu

de r

elat

ive

(%)

1cm-11cm-1 bis0,5cm-10,25cm-1

0

20

40

60

80

100

0,00 0,10 0,20 0,30 0,40 0,50 0,60 0,70 0,80

NL(Si) (g/m²)

Par

t de

varia

nce

(C(S

i)) (

%)

1cm-11cm-1 bis0,5cm-10,25cm-1

Figure IV-4. (a) Evolution de l’incertitude relative en fonction des pertes de masse normalisées du silicium à

différents rapports S/V (a) Evolution de la part de variance de la concentration en silicium en fonction des

pertes de masse normalisées du silicium à différents rapports S/V.

Au cours d’une expérience d’altération, l’incertitude relative sur la perte de masse

normalisée diminue exponentiellement pour atteindre une valeur seuil, obtenue à partir d’une

certaine valeur de NL (Figure IV-5). La valeur à l’asymptote est fonction de l’élément (pour Si,

incertitude relative (IR) ≥ 10 % et pour B, IR ≥ 17 % environ) et plus précisément de l’incertitude sur

le pourcentage massique de l’oxyde associé (celui-ci est de 2 % et 14 % pour le silicium et le bore

respectivement). Un des objectifs des calculs d’incertitudes est de montrer quelles sont les variables

ayant un poids important dans l’incertitude de la grandeur étudiée et si possible de réduire cette

proportion. Dans notre cas d’étude, il s’avère qu’une solution pour diminuer cette incertitude est

d’améliorer la méthode de détermination de la teneur en oxyde dans le verre. Pour une incertitude

de 5 % au lieu de 10 % actuellement sur la surface BET, la valeur à l’asymptote de l’incertitude

a b

Page 84: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales

84

relative sur le silicium serait de 5,3 % (au lieu de 10 % environ). Dans le cas où l’incertitude sur la

teneur en oxyde de bore serait de 5 %, au lieu de 15 % actuellement, l’incertitude relative sur le

bore serait de 12 % environ au lieu de 17 %.

0

10

20

30

40

0,00 0,20 0,40 0,60 0,80 1,00 1,20

NL (g/m²)

Ince

rtitu

de r

elat

ive

(%)

C13-50 CS1-50

CS1-50bis CS2-50

C13-50 CS1-50

CS1-50bis C12-30

Si

B

Figure IV-5. Evolution de l’incertitude relative en fonction des pertes de masse normalisées du bore et du

silicium pour des tests statiques en régime de vitesse initiale.

Comme nous le verrons dans les chapitres de résultats, l’incertitude sur les mesures semble

faible pour des expériences censées être reproductibles, c’est le cas de certaines vitesses initiales. Il

est probable que des biais modifient sensiblement la valeur des vitesses et que les incertitudes

calculées soient faibles. Plusieurs explications à ces observations sont possibles, notamment deux

facteurs :

- l’influence des fines de broyage. Si, lors du prélèvement de la poudre, celle-ci est ségrégée,

alors la surface spécifique considérée n’est plus valable,

- le phénomène de nucléation. Ce phénomène est fonction de nombreux paramètres, entre

autre des impuretés en solution. D’une expérience à l’autre, suivant le déroulement de la filtration

des solutions, des fines de broyage ou encore du nettoyage du réacteur, ce paramètre peut

sensiblement varier.

Ainsi la première méthode décrite au préambule consistant à répéter un certain nombre de fois

l’expérience pourrait prendre en compte ces biais et d’éventuels paramètres liés aux phénomènes

non encore étudiés. Confronter les incertitudes obtenues par la loi de propagation des incertitudes

et celles obtenues par approche statistique d’expériences répétées permettrait de mettre en lumière

le poids des biais et des variables majoritaires.

V. Traitement des données avec le code géochimique JCHESS

L’approche par modélisation thermodynamique des données permet de confirmer les

résultats obtenus, d’interpréter les expériences mais également de pouvoir mettre en avant

d’éventuels phénomènes qui n’avaient pas été pris en compte.

Page 85: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales

85

Développé par l’Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris [8], CHESS (CHemical

Equilibrium with Species and Surfaces) est un code de spéciation géochimique, JCHESS est son

interface graphique. Ce code permet de modéliser des systèmes aqueux complexes en calculant la

spéciation des espèces en solution et les indices de saturation des minéraux. Il repose sur le

principe des composantes principales qui permet de former à partir d’un nombre minimum

d’espèces de base toutes les autres espèces de la solution. Le calcul de spéciation est basé sur

différentes lois comme l’équation de conservation de la matière, la loi d’action de masse ou la loi de

Van’t Hoff.

Ses multiples fonctionnalités (spéciation, précipitation et dissolution des phases)

permettent, par exemple, de recalculer le pH d’une solution en supposant une balance ionique

entre les cations et les ions OH- et par comparaison avec le pH expérimental, de valider les

analyses. Si des écarts importants sont observés, il est nécessaire de s’interroger sur des erreurs

d’analyse, d’espèces non prises en compte ou encore de la présence de carbonates. Une deuxième

application est celle de la détermination de l’indice de saturation de phases susceptibles de

précipiter dans le système. La précipitation des phases minérales est donc interdite et on obtient les

indices de saturation définis par la relation suivante :

=K

QIS log

avec Q le produit des activités ioniques et K la constante de solubilité de la phase.

Lorsque IS < 0, la solution est sous-saturée par rapport au minéral, il y a alors dissolution du

minéral ; à l’inverse, si IS > 0, la solution est sursaturée par rapport au minéral, il peut précipiter

d’un point de vue thermodynamique. Il convient ensuite de prendre en compte l’aspect cinétique

de la précipitation. L’utilisation de ce code reste limitée car la plupart des expériences ont été

réalisées à 50 °C et les constantes d’équilibre sont renseignées à 25 °C pour les phases cimentaires.

VI. Techniques d’analyse et de caractérisation

L’étude expérimentale de l’altération de verre en solution aqueuse résulte d’un suivi

régulier et d’une analyse à la fois de la solution et des solides en présence. A un instant t, la

solution lixiviante reflète, par le passage des éléments constitutifs du verre en solution, un état

d’altération du verre. La caractérisation des couches d’altération et des phases secondaires permet

de conforter les analyses de solution et d’apporter des informations complémentaires sur les

phases (composition, morphologie…).

VI.1. Analyse de solution

Trois techniques d’analyse de solution ont été utilisées au cours de cette étude, d’une part,

en fonction des quantités de solution disponibles et des limites de quantification imposées par la

technique et d’autre part, afin de répondre aux exigences de délais. La colorimétrie permet de

doser un élément à la fois, principalement le bore et le silicium, dans la journée. Suivant le type de

Page 86: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales

86

colonne utilisée, la chromatographie ionique permet quant à elle d’analyser plusieurs éléments

simultanément, à savoir les alcalins et les alcalino-terreux pour une colonne cations et les anions

(Cl-, SO42-, NO3-…) pour une colonne anions. Suivant la disponibilité de l’appareil, les résultats

peuvent également être obtenus dans la journée. L’ICP-AES (Inductively coupled Plasma - Atomic

Emission Spectroscopy) est quant à elle une méthode d’analyse multi-élémentaire qui nécessite des

délais beaucoup plus importants, de l’ordre du mois. Nous rappellerons succinctement les

principes de ces techniques ainsi que le protocole d’analyse.

VI.1.1. Colorimétrie

Cette technique est basée sur le dosage d’un complexe coloré, formé entre un réactif

spécifique et l’élément à doser. En se plaçant à la longueur d’onde d’absorbance maximale du

complexe, la concentration peut-être déterminée grâce à la loi de Beer-Lambert :

ClA ⋅⋅= ε

Avec A l’absorbance, ε le coefficient d’extinction molaire (L.mol-1.cm-1), l la longueur de la cuve

(cm) et C la concentration de l’élément à doser (mol.L-1).

Le spectromètre utilisé est le modèle Cary 50 UV-Vis Varian®. Cette technique est employée pour

doser le silicium et le bore lors de tests statiques à faibles rapports S/V autrement dit, pour

déterminer des vitesses initiales. Les solutions lixiviantes étant très chargées en ions et à des pH

supérieurs à la gamme indiquée, un protocole d’analyse spécifique a été mis en place. Le pH est

notamment ajusté pour être ramené dans la gamme attendue. Dans certains cas, notamment dans

des solutions fortement chargées en K et Ca, un effet de matrice est observé. Cet effet est mis en

évidence par les différences de concentrations obtenues par étalonnage dans l’eau et dans la

solution d’altération. Lorsqu’il existe un effet de matrice, l’étalonnage est systématiquement réalisé

dans la solution d’altération. Notons qu’un étalonnage est nécessaire à chaque analyse car

l’absorbance est très sensible aux variations de température. Dans la gamme utilisée

(0,01 – 5 mg.L-1), le complexe silico-molybdique jaune est réduit en bleu de silicomolybdène. La

longueur d’onde d’analyse est à 820 nm. Les incertitudes sont inférieures à 5 % pour la gamme

1 - 4 mg.L-1 et de l’ordre de 15 % pour la gamme 0,1 - 1 mg.L-1.

VI.1.2. Chromatographie ionique

La chromatographie ionique est une méthode de dosage des espèces ioniques. Elle repose

sur la séparation de composés électriquement chargés entraînés par un liquide (phase mobile) à

travers une résine échangeuse d’ions (phase stationnaire) placée dans une colonne. Cette résine

présente à sa surface des groupes fonctionnels permettant la rétention des espèces dont on désire

obtenir la séparation. La colonne pour doser les cations est la plus utilisée dans cette étude. La

limite de quantification des principaux éléments dosés est répertoriée dans le Tableau VI-1. Pour

l’ensemble des éléments, l’incertitude est d’environ 2 à 3 % pour une gamme de 0,1 à 10 ppm.

Page 87: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales

87

Tableau VI-1. Limites de quantifications des cations et anions dosés en chromatographie ionique.

Elément Li Na K Cs Mg Ca Sr Ba Cl- NO3- SO42-

Concentration

(µg.L-1) 2 1 2 50 5 1 50 100 10 5 10

VI.1.3. ICP-AES

L’ICP-AES est une méthode d’analyse multi-élémentaire de type spectrométrie d’émission

avec excitation par un plasma. Le principe de la mesure repose sur l’ionisation de l’échantillon au

contact d’un plasma d’argon. L’analyse se fait ensuite par des photomultiplicateurs disposés en arc

de cercle de façon à balayer une large gamme spectrale. L’incertitude sur la concentration est

fonction de la valeur de celle-ci (elle est de 20 % pour une concentration inférieure à 0,2 ppm, de

10 % entre 0,2 et 1 ppm, de 5 % entre 1 et 5 ppm et enfin de 3% au-delà de 5 ppm). Les analyses ont

été réalisées par le Service central d’analyse du CNRS à Solaize.

VI.2. Caractérisation du solide

Les deux premiers outils étant communément utilisés dans le domaine de la caractérisation

du solide, seul un bref rappel de la technique sera donné. En revanche, les deux dernières

techniques, moins utilisées, méritent d’être détaillées.

VI.2.1. Microscopie Electronique à Balayage

La Microscopie Electronique à Balayage (MEB) permet de rendre compte de l’état de

surface du verre altéré (texture) et des phases secondaires (morphologie) en observation directe.

Couplé à la spectroscopie en énergie dispersive (EDS), le MEB permet également d’obtenir une

microanalyse chimique du matériau. La réalisation de sections polies offre entre autres la

possibilité d’obtenir des informations semi-quantitatives sur la composition chimique des couches

et phases et d’évaluer des épaisseurs de couches d’altération. Deux MEB ont été utilisés au cours

de cette étude, un MEB JEOL JSM-6330F principalement pour les observations directes et un MEB

ZEISS Supra 55 pour réaliser des cartographies sur sections polies et caractériser des objets de taille

inférieure à quelques microns. La poire d’excitation, fonction de la porosité du matériau sondé, est

de l’ordre de 1 µm3. En ce qui concerne la préparation des échantillons, ceux-ci doivent être

conducteurs afin d’évacuer la quantité importante d’électrons venant frapper la surface de

l’échantillon et nécessite donc d’être métallisés, généralement au platine.

VI.2.2. Diffraction des Rayons X

Les poudres de verre altérées ont été analysées par DRX à l’aide du diffractomètre X’Pert de

Philips®, qui utilise la raie Kα1 du cuivre (λ = 1,5418 Å). Les paramètres d’analyse sont de 40 kV et

40 mA. La plage angulaire balayée est comprise entre 5° et 80°. Le temps total d’acquisition varie

Page 88: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales

88

suivant l’estimation de la quantité de phases secondaires observée au MEB, il peut aller de 2 à 8

heures. Les diffractogrammes sont exploités à l’aide du logiciel EVA et de la base de données JCP2.

VI.2.3. Spectroscopie des photo-électrons X

La spectroscopie XPS (X-Ray Photoelectron Spectroscopy) ou ESCA (Electron Spectroscopy

for Chemical Analysis) est une méthode d’analyse de l’extrême surface du solide. Elle permet

d’obtenir à la fois la composition chimique d'une surface d'un matériau (sur une profondeur de

10 nm environ) et des informations sur la nature chimique des éléments. L'intérêt de la technique

résulte de la variation des énergies de liaison des atomes photo-ionisés en fonction de leurs

environnements chimiques. Applicable à tous les solides, notamment aux isolants, la méthode

permet l’analyse des tous les éléments à l’exception de l’hydrogène et de l’hélium.

Comparativement au SIMS ou à la spectroscopie Auger, l’XPS est une méthode causant peu de

dégâts d’irradiation et ne présentant pas d’artefacts majeurs. La méthode n’est pas absolue en

général, mais relative par rapport à un élément pris comme étalon interne, elle mesure les rapports

stœchiométriques en pourcentage atomique. Dans ce cas, elle est quantitative avec une répétabilité

de 3 % et une justesse de l’ordre de 20 à 30 %.

La spectroscopie XPS est basée sur la mesure de l’énergie cinétique des photoélectrons

éjectés de l’échantillon sous l’impact de rayons X. Peu de résultats proviennent de cette technique

dans ce manuscrit, c’est pourquoi le principe de la méthode ainsi que les spécificités liées à la

caractérisation de monolithes de verre sont détaillés en annexe D. Les caractérisations ont été

réalisées au Service de Physique et Chimie des Surfaces et Interfaces (SPCSI) du CEA Saclay.

VI.2.4. Time Of Flight – Secondary Ion Mass Spectroscopy

Le ToF-SIMS (Time of Flight - Secondary Ions Mass Spectroscopy) est une technique

d’analyse chimique de surface. La Figure VI-1 illustre le principe de l’appareil. Un faisceau d’ions

primaires va bombarder la surface de l’échantillon et interagir avec les éléments présents dans les

premières couches nanométriques. Cet effet induit l’émission de rayonnements et de particules de

différentes natures (photons, électrons secondaires, ions, atomes). Les ions positifs secondaires

vont être collectés et analysés en fonction du temps de parcours dans l’analyseur.

Le ToF-SIMS présente une très bonne résolution en masse qui permet de différencier les

différents isotopes d’un même élément et d’analyser l’ensemble des éléments de l’échantillon. Le

SIMS utilisé en mode statique permet, grâce à la faible intensité des ions primaires (Ip < 1 nA.cm-2),

de consommer une fraction de la première couche atomique au cours de l’analyse. Dans le cas de

profils en profondeur, un premier faisceau d’ions primaires Bi+ bombarde la surface de

l’échantillon sur une aire de 100 x 100 µm². Une fois les ions secondaires positifs analysés, un

second faisceau d’ions primaires O2+ vient abraser la surface de l’échantillon sur 350 x 350 µm².

Cette succession de cycles d’analyse / abrasion dure jusqu’à l’atteinte d’une profondeur visée.

Dans le cas d’analyse de pellicules d’altération de verre, il est nécessaire de prendre

quelques précautions. Le premier point est, dans le cas de matériaux isolants, l’accumulation de

Page 89: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales

89

charges en surface perturbant l’émission et l’extraction des ions secondaires. Un faisceau

d’électrons à faible énergie (~20 eV) est donc utilisé pour compenser les charges positives en

surface et permettre de neutraliser la surface.

Figure VI-1. Schéma de principe du ToF-SIMS (Biophy Research).

Un deuxième point concerne la profondeur réellement sondée durant l’analyse. Connaissant le

temps d’abrasion et la profondeur du cratère, mesurée par profilométrie, une vitesse d’abrasion

moyenne peut être estimée. Cependant dans le cas d’analyses de couches de densités différentes,

l’épaisseur de la pellicule d’altération est bien souvent faussée. Les pellicules d’altération obtenues

dans des milieux fortement dilués seront probablement moins denses que le verre, la vitesse réelle

d’abrasion est donc plus grande. Cet artefact est atténué dans des conditions d’altération proche de

la saturation.

Un troisième point est lié à la rugosité de la surface analysée. Si la surface présente une rugosité

non négligeable par rapport à l’épaisseur de la couche analysée, le signal obtenu sera un mélange

de différentes couches au niveau d’une interface. Le signal obtenu sera alors lissé et ne représentera

pas le profil réel des éléments en fonction de la profondeur.

Un dernier point concerne l’interprétation des données. Les intensités ne sont pas absolues et elles

sont généralement utilisées de façon qualitative. En effet, de faibles variations au sein de la matrice

sont susceptibles d’induire d’importantes modifications sur le pouvoir ionisant de l’élément

considéré et donc de faire varier l’intensité de l’élément analysé. Les analyses quantitatives des

pellicules d’altération restent difficilement accessibles par cette méthode de caractérisation mais les

profils chimiques en profondeur sont précieux lorsqu’ils sont couplés aux analyses chimiques en

solution pour interpréter l’ensemble des données.

Les analyses ont été réalisées à Biophy Research à Fuveau sur l’appareil TOF5 d’ION TOF.

Au cours des prochains chapitres, nous étudions l’altération des verres CDS-B et VS à

travers, successivement, les régimes de vitesse initiale (chapitre IV), chute de vitesse (chapitre V) et

reprise d’altération (chapitre VI).

Page 90: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales

90

Références bibliographiques

[1] Bourbon X., 2010, Compositions de solutions de type "eaux cimentaires". Document interne

ANDRA, C.NT.ASCM.09.0010 13. [2] Lothenbach B. et al., 2007, Effect of temperature on the pore solution, microstructure and

hydration products of Portland cement pastes. Cement and Concrete Research 37, 483-491. [3] Trotignon L. et al., 1992, The compared aqueous corrosion of 4 simple borosilicate glasses -

Influence of Al, Ca and Fe on the formation and the nature of secondary phases Journal of

Nuclear Materials 190, 228-246. [4] Jégou C., 1998, Mise en évidence expérimentale des mécanismes limitant l'altération du

verre R7T7 en milieu aqueux. Critique et proposition d'évolution du formalisme cinétique. Thèse de l'Université Montpellier II, 224.

[5] Gin S. et al., 2012, Effect of glass composition on the short-term and long-term dissolution rates of ten nuclear borosilicate glasses. in press.

[6] Kragten J., 1994, Calculating standard deviations and confidence-intervals with a universally applicable spreadsheet technique. Analyst 119, 2161-2165.

[7] Williams A. et al., 2000, Guide Eurachem / CITAC, Quantifier l'incertitude dans les mesures analytiques. Ellison, S. (LGC - UK), Rosslein, M. (EMPA - Suisse), Williams, A (UK). 112.

[8] van der Lee A. et De Windt L., 2002, CHESS Tutorial and Cookbook. Updated for version 3.0. Centre d'Informatique Géologique, Fontainebleau, France, 114.

Page 91: Thèse présentée pour obtenir le grade de

91

CHAPITRE IV. INFLUENCE DES EAUX CIMENTAIRES

SUR L’ALTERATION DU VERRE EN REGIME INITIAL :

RÔLE SPECIFIQUE DU CALCIUM

I. Terminologie et concept de vitesses en régime initial....................................................................93

II. Influence des eaux cimentaires sur les cinétiques d’altération du verre en régime initial .....94

II.1. Conditions expérimentales ..........................................................................................................94

II.2. Influence du rapport S/V..............................................................................................................95

II.3. Influence du pH.............................................................................................................................96

II.3.1. Influence du protocole d’altération .....................................................................................97

II.3.2. Comparaison des vitesses initiales en eau à pH ajusté à l’équation Vi(T,pH) ....................98

II.4. Influence de la composition de la solution d’altération.........................................................100

II.4.1. Solution cimentaire S1......................................................................................................100

II.4.2. Solution cimentaire S2......................................................................................................103

II.5. Comparaison des cinétiques en fonction du milieu d’altération..........................................105

II.6. Bilan de l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial .......106

III. Rôle antagoniste du calcium sur l’altération du verre en régime initial ...................................107

III.1. Effet du calcium en fonction du pH sur l’altération du verre en régime initial.................107

III.1.1. Conditions expérimentales ................................................................................................107

III.1.2. Cinétiques et mécanismes d’altération..............................................................................108

III.1.3. Discussion sur la base de la littérature .............................................................................114

III.2. Influence de la concentration en calcium à différents pH.....................................................124

III.2.1. Conditions expérimentales ................................................................................................124

III.2.2. Résultats et discussion ......................................................................................................124

III.3. Bilan du rôle antagoniste du calcium en régime de vitesse initiale .....................................126

Références bibliographiques ...................................................................................................................128

Page 92: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

92

Ce chapitre présente l’influence des eaux cimentaires S1 et S2, et plus particulièrement

l’influence du calcium, sur l’altération des verres CSD-B et VS en régime de vitesse initiale.

Nous verrons tout d’abord qu’il a été nécessaire de repréciser le concept de vitesse en

régime initial et de définir des terminologies spécifiques associées aux conditions d’altération.

La deuxième partie de ce chapitre concerne la détermination des vitesses initiales dans les

différentes solutions d’altération et fait état des artefacts et difficultés rencontrés, liés à la

composition et au pH des solutions lixiviantes. Nous montrons que le calcium des eaux cimentaires

est à l’origine d’une diminution significative de la vitesse initiale comparée à une altération menée

au même pH.

La dernière partie traite spécifiquement de l’altération du verre en régime initial en

présence de calcium dans le but de comprendre par quels mécanismes cet élément engendre une

telle diminution de la vitesse initiale. Pour cela, les altérations sont réalisées sur une large gamme

de pH ainsi qu’à différentes concentrations en calcium. Cette approche met en évidence un double

rôle du calcium, fonction du pH, dont nous discuterons l’origine en nous basant sur les données de

la littérature.

Page 93: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

93

I. Terminologie et concept de vitesses en régime initial Les résultats obtenus en régime initial en milieu cimentaire ont révélé la nécessité de

revisiter le concept de vitesse initiale. Jusqu’à présent, la vitesse initiale était définie comme étant la

vitesse d’hydrolyse du réseau vitreux silicaté en milieu dilué. C’est la vitesse maximale obtenue

dans des conditions pour lesquelles il n’y a pas de rétroaction des produits d’altération (espèces

passées en solution, pellicule d’altération). Cette vitesse dépend de trois paramètres : la

température, le pH et la composition du verre [1].

Cette définition ne prend pas en compte l’influence de la composition de la solution

lixiviante. Or, les résultats le prouveront à de nombreuses reprises, ce paramètre doit être pris en

compte.

Il convient tout d’abord de distinguer la vitesse d’interdiffusion de la vitesse d’hydrolyse qui, tout

deux, font référence à des mécanismes différents :

La vitesse d’interdiffusion est la vitesse liée au mécanisme d’échanges des cations modificateurs

du verre (et bore) avec les protons (ou hydronium) de la solution. Ce phénomène est favorisé en

milieu acide et neutre dans les premiers instants de l’altération.

La vitesse d’hydrolyse correspond à la vitesse d’altération du verre lié au mécanisme d’attaque

chimique des liaisons formatrices d’un réseau vitreux (notamment liaisons Si-O-Si).

Selon les conditions d’altération (pH, température, composition du verre…) et l’échéance étudiée,

la vitesse maximale d’altération du verre peut correspondre soit à un mécanisme d’interdiffusion,

soit à un mécanisme d’hydrolyse.

Le régime d’interdiffusion est transitoire puisque la vitesse d’interdiffusion diminue en 1/ t avec

l’augmentation de l’épaisseur de verre hydraté. Elle égale la vitesse d’hydrolyse qui, elle, est

constante tant qu’il n’y a pas rétroaction des éléments en solution. A terme, la vitesse d’hydrolyse

pilote la dissolution du verre. La détermination de la vitesse d’altération du verre en régime initial

se fera donc à partir du silicium. Une nouvelle définition de la vitesse d’hydrolyse du verre

fonction des conditions d’altération en régime initial a donc été proposée :

La vitesse intrinsèque du verre correspond à la vitesse d’hydrolyse du réseau silicaté mesurée en

eau désionisée à pH neutre sans qu’il y ait rétroaction des éléments issus de l’altération du verre

pour une composition de verre et à une température données.

La vitesse initiale en eau à pH ajusté est la vitesse d’hydrolyse du réseau silicaté mesurée à pH et

température donnés sans qu’il y ait rétroaction des éléments issus de l’altération du verre. Elle

dépend du pH, de la température et de la composition du verre.

Page 94: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

94

La vitesse initiale est la vitesse d’hydrolyse du réseau silicaté mesurée à pH et température

donnés, dans une solution de composition donnée, sans rétroaction des éléments issus du verre.

Elle dépend du pH, de la température, de la composition du verre et de la composition de la

solution.

Dans cette étude, nous ferons appel aux termes de :

- vitesse initiale en eau à pH ajusté, ViREF, lors d’altérations en milieu KOH, qui constitue le

milieu de référence,

- vitesse initiale, ViS1 et ViS2 respectivement lors d’altérations en eaux cimentaires S1 et S2.

II. Influence des eaux cimentaires sur les cinétiques d’altération

du verre en régime initial

II.1. Conditions expérimentales

Deux protocoles sont couramment utilisés pour déterminer la vitesse initiale : le test

colonne et le test statique. Ces deux protocoles ont été présentés dans le chapitre précédent. Des

problèmes de reproductibilité en milieu de référence (KOH) à fort pH en test colonne nous ont

amené à choisir le mode statique à faible rapport S/V pour mener les campagnes de mesure de

vitesses initiales. De plus, les concentrations atteintes au cours de l’expérience par ce mode

d’altération sont plus importantes que celles obtenues par test colonne, ce qui est un atout, compte-

tenu des conditions d’altération rendant délicates les analyses (pH fortement basique, présence de

calcium…). La précision des résultats est donc améliorée.

Les essais sont réalisés dans des réacteurs en téflon Savillex® (PolyTétraFluoroEthylène) sur

une durée pouvant varier de sept heures à plusieurs jours suivant les conditions d’altération. A

chaque échéance, 6 mL de solution sont prélevés. Les tests sont réalisés en boîte à gants sous

atmosphère d’azote. La solution est directement filtrée avec un filtre-seringue GHP 0,45 µm. Les

solutions en attente d’analyse sont ensuite stockées en boîte à gants afin d’éviter tout phénomène

de carbonatation.

Le pH initial fixé par la solution lixiviante, reste libre au cours de l’expérience : une analyse

est effectuée au début et à la fin de chaque expérience. La mesure du pH (pH-mètre Metrohm®

équipé d’une électrode ROSS 813 RC) s’effectue également en boîte à gants puisqu’à aucun

moment les réacteurs ne sont sortis à l’air ambiant durant les expériences. Les solutions utilisées

pour étalonner le pH-mètre sont tamponnées à 9,18 et 12,00 à 25 °C.

Les prélèvements sont analysés en spectrophotométrie UV-Visible par dosage du silicium,

qui est l’élément majoritaire au sein du verre, le bore étant, dans nos conditions expérimentales,

fréquemment situé sous les limites de quantification. A cause de la forte basicité des solutions

cimentaires et KOH, un protocole de dosage spécifique a été mis en place. L’étalonnage est réalisé

de façon systématique dans la matrice, les solutions sont acidifiées de manière à respecter les

Page 95: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

95

gammes de pH à chaque étape de la préparation des échantillons à doser. Une vérification de la

concordance du maximum d’absorbance et de la longueur d’onde indiquée dans le kit de dosage

permet de valider la mesure.

Le Tableau II-1 récapitule l’ensemble des essais menés au cours de ce chapitre.

Tableau II-1. Récapitulatif des tests statiques à très faibles rapports S/V. Les rapports S/V de chacun des

essais sont reportés dans les tableaux de résultats.

Référence Verre Solution pH Température

(°C) Nombre d’essais

C13-30 CSD-B KOH 13,2 30 4

S13-30 VS KOH 13,2 30 1

C12-30 CSD-B KOH 12,4 30 1

S12-30 VS KOH 12,4 30 1

C7-30 CSD-B eau désionisée 7,2 30 1

S7-30 VS eau désionisée 7,2 30 1

S1-30 VS S1 13,2 30 2

C1-50 CSD-B S1 12,6 50 3

S1-50 VS S1 12,6 50 1

S2-30 VS S2 12,4 30 1

C2-30 CSD-B S2 12,4 30 1

S2-50 VS S2 11,7 50 1

C2-50 CSD-B S2 11,7 50 4

II.2. Influence du rapport S/V

En régime initial, la vitesse maximale d’altération est, par définition, indépendante du

rapport S/V. Afin de le vérifier, le verre CDS-B a été altéré en eau ajustée à pH 13,2 (KOH) à 30°C

pour trois valeurs de rapport S/V (Figure II-1 et Tableau II-2).

Figure II-1. Influence du rapport S/V sur la vitesse initiale du verre CSD-B altéré en eau à pH 13,2 à 30°C.

Tableau II-2. Evolution de la vitesse initiale du verre CSD-B altéré en eau à pH 13,2 à 30°C.

S/V (cm-1) 1,1 ± 0,1 1,1 ± 0,1 0,58 ± 0,07 0,27 ± 0,02

ViREF (g.m-2.j-1) 0,32 ± 0,04 0,32 ± 0,03 0,36 ± 0,04 0,37 ± 0,06

Page 96: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

96

Le rapport S/V le plus faible se situe à 0,27 cm-1, il correspond à des concentrations en

solution situées aux limites de quantification liées aux instruments de mesure.

Dans la gamme de S/V étudiée, la vitesse initiale en eau à pH ajusté pourrait sembler

dépendre du rapport S/V (Figure II-1) mais du fait de l’importance des incertitudes observées, il

n’est pas raisonnablement possible de prédire une évolution de la vitesse d’altération en fonction

du rapport S/V. Les valeurs des vitesses ainsi que leur incertitude permettent d’affirmer que les

vitesses dans cet intervalle de rapport S/V ne sont pas significativement différentes : la vitesse

initiale ViREF est ainsi considérée indépendante du rapport S/V dans une gamme comprise entre

0,25 et 1 cm-1.

Notons dès à présent que les expériences en mode statique seront réalisées à un rapport S/V

proche de 0,25 cm-1 et 0,5 cm-1 (sauf certains cas particuliers, où le S/V sera plus grand afin

d’augmenter les concentrations en éléments à doser).

L’influence du rapport S/V a été étudiée en eau à pH ajusté. Pour des valeurs comprises entre

0,27 cm-1 et 1,1 cm-1, ce paramètre n’a pas d’effet significatif sur les valeurs de vitesses initiales

en eau à pH ajusté.

II.3. Influence du pH

La détermination des vitesses initiales en eau à pH ajusté (7, 12,4 et 13,2) à 30 °C servira de

base de comparaison aux altérations en eaux cimentaires.

Dans le cadre d’études précédentes, des expériences de lixiviation en mode dynamique (test

colonne) avaient été réalisées sur le verre CSD-B dans une gamme de pH de 7 à 11 et de

température de 30 °C à 90 °C. Une équation décrivant les variations de la vitesse initiale en eau à

pH ajusté en fonction du pH et de la température pour le verre CSD-B a été établie :

( ) )0;7max(

000

00 1011

exp, −⋅

−−= pHNa

Ti TTR

EVpHTV

Les valeurs V0T0, N0 et Ea0 ont été déterminées par la méthode des moindres carrés. Les paramètres

proviennent des expériences dédiées spécifiquement aux variations de température pour les

différentes conditions de pH, les valeurs des paramètres sont les suivantes :

11

0

0

1

1200

..315,8

373

05,033,0

.590

..3,05,2

0

−−

−−

=

=±=

±=

±=

KmolJR

KT

N

molkJE

jmgV

a

T

V0T0 étant la vitesse intrinsèque à T = 373 K et pH = 7, Ea0 l’énergie d’activation apparente et N0

paramètre lié à la dépendance au pH.

Page 97: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

97

II.3.1. Influence du protocole d’altération

En mode dynamique, la vitesse d’altération dépend fortement du rapport Q/S1. En effet, la

vitesse maximale de dissolution n’est obtenue que dans une certaine gamme de rapport Q/S

suffisamment élevée (Figure II-2). L’inconvénient majeur de ce protocole expérimental est la faible

quantité d’éléments dosables : bien souvent les limites de quantification empêchent toute

détermination.

En mode dynamique, une autre méthode existe. Il s’agit, non plus de rechercher une zone où la

vitesse serait maximale (Figure II-2) mais une zone où l’évolution de la vitesse d’altération en

fonction de la concentration est linéaire (Figure II-3). Par extrapolation à une concentration nulle,

une vitesse d’altération hypothétique majorant la vitesse maximale de dissolution peut être

déterminée (Figure II-3).

Figure II-2. Schéma évolutif de la vitesse

d’altération en fonction du rapport Q/S.

Figure II-3. Principe de détermination d’une vitesse

majorante du Vi.

L’influence du protocole d’altération et de la méthode de détermination de la vitesse initiale en eau

à pH ajusté a été étudiée sur le verre VS altéré en eau à pH ajusté (pH 12,4 et 13,2) à 30 °C. Les

résultats obtenus, selon l’une ou l’autre des méthodes, sont présentés dans le Tableau II-3.

Tableau II-3. Vitesses initiales du verre VS altéré en eau à pH ajusté à 30°C, déterminées selon les 2 types de

méthode en mode dynamique et comparées au mode statique.

pH

(30 °C)

ViREF (g.m-2.j-1)

test dynamique

ViREF extrapolée (g.m-2.j-1)

test dynamique

ViREF (g.m-2.j-1)

test statique

S/V = 0,25 cm¬1

13,2 0,40 ± 0,03 0,43 ± 0,01 0,35 ± 0,02

12,4 - 0,34 ± 0,01 0,28 ± 0,04

On peut conclure que la valeur de la vitesse initiale à pH 13,2 est très proche de celle obtenue par

extrapolation. La méthode extrapolée, bien qu’elle permette d’obtenir une vitesse initiale

majorante, est une bonne méthode pour obtenir des vitesses initiales au vue des incertitudes.

1 Débit de la solution altérante (m3.j-1) sur la surface développée par le verre (m2).

Page 98: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

98

L’influence du protocole d’altération utilisé ainsi que le mode de détermination de la vitesse ont

été étudiés en eau à pH ajusté. Ces deux paramètres n’ont pas d’effets significatifs sur les

valeurs de vitesses initiales en eau à pH ajusté dans les conditions considérées.

II.3.2. Comparaison des vitesses initiales en eau à pH ajusté à l’équation Vi(T,pH)

Les verres VS et CSD-B sont altérés à différents pH à 30 °C. Les vitesses initiales en eau à

pH ajusté sont obtenues par régression linaire des pertes de masse normalisées en silicium sur des

échéances variables en fonction du pH de la solution. Les Figure II-4 et Figure II-5 illustrent les

pertes de masse normalisées en silicium pour quelques expériences figurant dans le Tableau II-4.

Dans ces milieux et à cette température, les points sont très bien alignés, ce qui permet de

confirmer que nous sommes bien en régime de vitesse initiale. Remarquons pour les expériences

C13-30 (Figure II-4 (a)) et C12-30 (Figure II-4 (c)) que le dernier point de mesure effectué après 3

jours d’altération n’est plus dans l’alignement des premiers points. A cette échéance, les espèces

solubilisées ont rétroagi sur le verre : un régime de chute de vitesse a débuté.

(a) (b)

(c) (d)

Figure II-4. Evolution des pertes de masse normalisées en silicium en fonction du temps pour les verres VS et

CSD-B altérés à 30 °C : (a) verres CSD-B et (b) VS altérés à pH 13,2 ; (c) verres CSD-B et (d) VS altérés à

pH 12,4.

Page 99: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

99

(a) (b)

Figure II-5. Evolution des pertes de masse normalisées en silicium en fonction du temps pour les verres VS et

CSD-B altérés à 30 °C : verres (a) CSD-B et (b) VS altérés à pH 7,2.

Les valeurs de vitesses initiales en eau à pH ajusté sont comparées aux valeurs obtenues par

l’équation Vi(T, pH) (Figure II-6). L’ensemble de ces valeurs sont présentées dans le Tableau II-4.

Rappelons que l’équation Vi(T, pH) est issue de données expérimentales obtenues sur le verre

CSD-B et non sur le verre VS. A 30 °C, les résultats ont été obtenus expérimentalement jusqu’à pH

12,5.

Tableau II-4. Valeurs des vitesses initiales en eau à pH ajusté à 30°C.

Référence Verre S/V (cm-1) pH ViREF (Si) (g.m-2.j-1) Vi(T,pH)

C13-30 CSD-B 1,00 13,2 0,32 ± 0,03 0,37

C13-30 CSD-B 1,00 13,2 0,32 ± 0,03 0,37

C13-30 CSD-B 0,50 13,2 0,36 ± 0,04 0,37

C13-30 CSD-B 0,25 13,2 0,37 ± 0,06 0,37

S13-30 VS 0,25 13,2 0,35 ± 0,02 0,37

C12-30 CSD-B 1,00 12,4 0,23 ± 0,03 0,20

S12-30 VS 0,25 12,4 0,30 ± 0,03 0,20

C7-30 CSD-B 0,50 7,2 0,0009 ± 0,0002 0,004

S7-30 VS 0,50 7,2 0,0015 ± 0,0002 0,004

Les valeurs des vitesses d’altération rendent compte de la bonne représentativité du verre simplifié

VS vis-à-vis du verre CSD-B. En effet, leurs rapports de vitesse de dissolution sont inférieurs à un

facteur 1,4. De plus, les valeurs ne sont pas significativement différentes par calcul. Remarquons

également que les vitesses déterminées en mode statique sont reproductibles et qu’elles suivent

l’équation Vi(T,pH) à 30 °C.

Page 100: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

100

0,0

0,1

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

0,7

6 8 10 12 14

pH (30°C)

V (

g.m

-2.j-1

)

Figure II-6. Evolution des vitesses initiales en eau à pH ajusté des verres CSD-B (rouge) et VS (vert) à

différents pH à 30°C ; la courbe en pointillés représente l’extrapolation de l’équation Vi(T,pH).

Les vitesses initiales en eau à pH ajusté obtenues en test statique à trois pH différents sont en

accord avec les valeurs de vitesses obtenues par l’équation Vi(T,pH) à 30 °C. Les vitesses

initiales en eau à pH ajusté déterminées en mode statique sont reproductibles. Le verre VS est

un bon analogue au verre CSD-B dans ces conditions d’altération.

II.4. Influence de la composition de la solution d’altération

L’une des difficultés majeures de l’étude des vitesses initiales en eaux cimentaires est la

détermination de ces vitesses. Comme nous allons le voir, la durée du régime initial est très bref,

voire non mesurable suivant les conditions d’altération. Il a donc été nécessaire de réaliser un

compromis sur la valeur du rapport S/V. En effet, à trop faible rapport S/V, les concentrations se

situent sous les limites de quantification alors qu’à des rapports S/V trop élevés, on ne se situe plus

à proprement parlé dans le régime initial. A cela s’ajoute le fait que la valeur de la vitesse initiale

est dépendante du nombre des points de mesure, de l’échéance de ceux-ci et de leur alignement. Il

s’avère donc complexe de déterminer une incertitude sur la vitesse. Cette approche permet

d’obtenir une valeur de vitesse initiale indicative et présente donc un caractère subjectif.

II.4.1. Solution cimentaire S1

La solution S1 présente un effet de matrice important lors de l’analyse en

spectrophotométrie UV-Visible. Les tendances observées résultent de points légèrement dispersés

et des concentrations proches des limites de quantification (LQ) (Figure II-7 (a), (b) et Figure II-8

(d)). A 30 °C, seul le silicium est dosable, alors qu’à 50 °C et avec l’augmentation du rapport S/V, il

devient possible de doser le bore (Figure II-8 (a), (b) et (c)). On remarque qu’à 50 °C, la dispersion

des points s’atténue.

Page 101: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

101

(a) (b)

Figure II-7. Evolution des pertes de masse normalisées en silicium en fonction du temps pour le verre

VS à 30°C en solution S1 (a) et (b) : test de reproductibilité.

A 50 °C se pose un autre problème : pour un même élément, deux pentes sont obtenues durant

l’expérience, marquant des régimes d’altération distincts. La vitesse initiale déterminée à partir du

silicium présente deux pentes (Figure II-8 (a)) : une première pour un intervalle de temps inférieur

à 7 h qui est supérieure à une deuxième pente, similaire à celle déterminée à partir du bore (Figure

II-8 (b)). De même, d’après la Figure II-8 (c), c’est le bore cette fois qui présente deux pentes

différentes suivant l’échéance de temps. Or, d’après la définition de la vitesse initiale, un

changement de pente traduit un changement de régime d’altération.

La pente la plus élevée est bien obtenue dans les premiers instants de l’altération, elle est

donc susceptible de correspondre à la vitesse initiale, mais cette première pente mesurable

correspond-elle réellement à la vitesse initiale ? S’il existe une rétroaction, il est possible qu’une

pente plus importante existe à un instant antérieur, où la vitesse n’est pas mesurable. Les

conditions expérimentales ne permettent pas de répondre à cette interrogation.

Cette remarque rend compte de la difficulté à déterminer une vitesse initiale et montre la limite de

ces expériences. Comme nous l’avons dit préalablement, le paramètre clé de ce protocole

d’altération est le rapport S/V, sur lequel il est nécessaire de faire un compromis :

- d’une part, pour se situer au dessus des limites de quantification,

- et d’autre part, afin d’éviter tout phénomène de rétroaction. En effet, si les conditions

d’altération conduisent à une concentration en silicium telle qu’il puisse rétroagir sur le verre, alors

la vitesse déterminée n’est plus une vitesse initiale. Il convient donc de travailler dans une gamme

de concentrations suffisamment faible afin de s’affranchir des effets inhibiteurs du silicium sur la

vitesse de dissolution du verre.

Au rapport S/V s’ajoute l’effet de matrice due à la composition de la solution et son pH, qui sont

également des paramètres à prendre en compte puisqu’ils augmentent la valeur de la limite de

quantification.

La diminution des pertes de masse normalisées en silicium et en bore après un certain

temps d’altération peut être due à deux phénomènes différents :

Page 102: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

102

- la passivation du verre par une éventuelle rétroaction du silicium en surface du verre

avec, ou non, des éléments constitutifs de la solution, d’où un relâchement également inférieur du

bore.

- la réaction en solution entre le silicium et le bore (seuls éléments dosables) avec des

éléments constitutifs de la solution S1 pour former des phases secondaires. La concentration dosée

en solution n’est donc plus le reflet du degré d’altération du verre.

Les simples données cinétiques ne permettent pas de trancher, ce sont les caractérisations du solide

qui permettront d’éclaircir ces résultats cinétiques, comme nous le verrons par la suite.

(a) (b)

(c) (d)

Figure II-8. Evolution des pertes de masse normalisées (a) en silicium, (b) en bore et (c) en silicium et bore

pour le verre CSD-B altéré en solution S1 à 50°C. (d) Evolution des pertes de masse normalisées en silicium

pour le verre VS altéré en solution S1 à 50 °C.

Le Tableau II-5 récapitule les vitesses initiales obtenues sur l’ensemble des tests réalisés en

solution cimentaire S1. Pour des conditions expérimentales identiques (verre, granulométrie, S/V,

température, protocole d’altération), des valeurs de vitesses initiales sensiblement différentes sont

obtenues à 50 °C. Cette dispersion des valeurs nous indique que les expériences ne sont pas

reproductibles à cette température et qu’il s’avère délicat de déterminer une vitesse initiale dans

ces conditions d’altération.

Page 103: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

103

Tableau II-5. Vitesses initiales obtenues en solution S1.

Référence Verre T (°C) S/V

(cm-1)

ViS1 (Si)

(g.m-2.j-1)

ViS1 (B)

(g.m-2.j-1)

S1-30 VS 30 0,25 0,024 ± 0,004

S1-30 VS 30 0,25 0,027 ± 0,002

C1-50 CSD-B 50 0,50 0,23 ± 0,06

0,080 ± 0,007

C1-50 CSD-B 50 0,50 0,039 ± 0,002 0,12 ± 0,02

0,05 ± 0,02

C1-50 CSD-B 50 0,50 0,09± 0,03

S1-50 VS 50 0,25 0,08 ± 0,03

L’ensemble des graphiques et les valeurs de vitesses obtenues permettent de rendre compte de

la difficulté de déterminer avec précision une vitesse initiale dans les conditions expérimentales

de l’étude (solutions chargées, faible rapport S/V). L’évolution des pertes de masse normalisées

présente deux pentes, la première pouvant correspondre à la vitesse initiale.

II.4.2. Solution cimentaire S2

Tout comme la solution S1, la solution S2, riche en calcium, présente un effet de matrice

important lors du dosage en spectrophotométrie UV-Visible. En termes d’évolution des pertes de

masse normalisées, celles-ci ne suivent pas l’évolution linéaire attendue compte tenu du

paramétrage. Au contraire, les pertes de masse normalisées présentent une courbure importante et

ce, dès les premiers instants. D’après les différents graphiques de la Figure II-9, ce comportement

peut s’apparenter à un phénomène diffusif puisque les points suivent une tendance en racine

carrée du temps. Ce comportement commun au silicium et au bore (Figure II-9 (c) et (d)) pourrait

être attribuable à la formation d’une couche à caractère passivant en surface des grains de verre.

On ne peut toutefois pas exclure l’hypothèse de la formation de phases secondaires calciques à

base de silicium et de bore. D’après la littérature, à ces pH basiques, le calcium tend à recondenser

avec le silicium en milieu alcalin [2] pour former des phases de type C-S-H mais également avec le

bore sous forme de borates de calcium [3]. Cet effet pourrait expliquer les cinétiques d’altération

des verres à 30 °C et 50 °C. Les mécanismes sous-jacents seront éclaircis par la caractérisation des

solides.

La problématique de la validité du protocole d’altération dans ces conditions spécifiques

d’altération se pose donc à nouveau avec la solution S2. Les valeurs de vitesses initiales obtenues

avec différents paramétrages sont présentées dans le Tableau II-6. La dispersion des valeurs est

due (i) à la non-linéarité des points de mesures et (ii) à la subjectivité quant au choix des points

pour la régression linéaire. Attribuer une incertitude à ces valeurs n’a donc pas de sens.

Page 104: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

104

(a) (b)

(c) (d)

Figure II-9. Evolution des pertes de masse normalisées en silicium en fonction du temps en solution S2 (a)

pour le verre CSD-B altéré à 30 °C ; (b) pour le verre VS altéré à 50 °C. Evolution des pertes de masse

normalisées (c) en silicium et (d) en bore en fonction du temps pour le verre CSD-B altéré en solution S2 à

50 °C.

Remarquons par exemple, pour le verre CSD-B, que sa vitesse initiale en solution S2 est plus

importante d’un ordre de grandeur à 30 °C qu’à 50 °C d’après les valeurs du Tableau II-6. A

présent, si l’on examine les Figure II-9 (a) et (c), les régressions linéaires respectives effectuées pour

obtenir les vitesses sont tout à fait différentes quant au nombre de points pris en compte et surtout

aux échéances correspondantes. Ainsi, proposer un raisonnement à partir des simples valeurs de

vitesses « initiales » peut aboutir à des conclusions erronées.

Tableau II-6. Vitesses initiales obtenues en solution S2.

Référence Verre T (°C) S/V

(cm-1)

ViS2 (Si)

(g.m-2.j-1)

ViS2 (B)

(g.m-2.j-1)

S2-30 VS 30 0,25 0,017

C2-30 CSD-B 30 1,00 0,026

S2-50 VS 50 0,25 0,02

C2-50 CSD-B 50 0,5 0,0024

C2-50 CSD-B 50 0,5 0,0021

C2-50 CSD-B 50 0,5 0,001

C2-50 CSD-B 50 0,5 0,20

Page 105: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

105

Le problème de reproductibilité se pose à nouveau et celle des incertitudes associées

également. Il semble qu’un mécanisme ne soit pas pris en compte dans cette approche. Si tel est le

cas, l’utilisation de ce protocole avec ces solutions d’altération (S1 et S2) ne permet pas de mesurer

des vitesses initiales, au sens de la définition donnée au paragraphe I.

La réactivité possible du calcium avec les éléments lixiviés du verre, considérés comme

traceurs de l’altération dans ce régime, remet en question le choix du traceur. Cette problématique

reviendra de façon récurrente au cours de cette étude.

D’un point de vue des cinétiques, l’étude de l’altération du verre en solution S2 en régime

initial est complexe. Le relâchement du silicium et du bore suit un régime diffusif d’après

l’évolution des pertes de masse normalisées.

Les résultats obtenus, en particulier à 50 °C où les chutes de vitesse sont plus rapides, montrent

la difficulté de déterminer une vitesse initiale en solution cimentaire. Le problème de

reproductibilité dans certaines expériences pose la question des mécanismes sous-jacents aux

cinétiques.

II.5. Comparaison des cinétiques en fonction du milieu d’altération

Les vitesses d’altération sont difficilement comparables étant donnée l’incertitude sur la

validité de ces valeurs en solutions cimentaires S1 et S2. Il apparaît en solution S1 que les vitesses

aux premiers instants sont plus importantes que celles à une échéance ultérieure, ce sont donc les

vitesses maximales qui sont considérées. De même dans le cas de la solution S2, ce sont les vitesses

maximales obtenues qui sont utilisées à titre de comparaison avec le milieu de référence. Nous

avons montré que les vitesses initiales en eau à pH ajusté obtenues expérimentalement étaient en

accord avec celles obtenues à partir de l’équation Vi(T,pH). Les vitesses initiales en eau à pH ajusté

sont également représentées ici.

L’objectif ici est de mettre en avant l’effet de la composition de la solution (S1, S2) par

rapport à l’effet du pH (milieu KOH) (Figure II-10 (a) et (b)).

(a)

0

0,1

0,2

0,3

0,4

KOH - 13,2 S1 - 13,2 KOH - 12,4 S2 - 12,4

CSD-BVSVi(T,pH)

(b)

0

0,5

1

1,5

2

KOH - 13,2 S1 - 13,2 KOH - 12,4 S2 - 12,4

CSD-BVSVi(T,pH)

Figure II-10. Comparaison des vitesses initiales en eau à pH ajusté (KOH) et en solutions cimentaires

(S1 et S2) pour les verres CSD-B et VS à (a) 30 °C et (b) 50 °C.

En solution cimentaire, le verre VS présente des vitesses initiales plus faibles que le verre

CSD-B en solution S1 à 50 °C et en solution S2 à 30 °C. Bien que la détermination de ces vitesses

30 °C 50 °C

Page 106: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

106

reste discutable, le verre VS semble être un bon analogue du verre CSD-B pour l’ensemble des

expériences. Les éléments mineurs ne semblent donc pas avoir d’effets prépondérants dans ce

régime d’altération.

Le résultat majeur mis en avant par la Figure II-10 est la diminution de la vitesse initiale

d’altération en eaux cimentaires par rapport à celle en eau à pH ajusté. Les rapports des vitesses en

milieu KOH et en solutions cimentaires sont compris entre 5 et 54. D’après les tests, la borne haute

ne peut être plus élevée puisque les vitesses en solutions cimentaires sont sous-estimées par la

méthode de régression linéaire quelque peu subjective. A l’inverse, la borne basse est une valeur

minimale qui peut être plus faible pour les mêmes raisons. Les moyennes des rapports est de 11 et

22 en solution S1 et S2 respectivement, ce qui signifie que les vitesses initiales d’altération en

solutions cimentaires sont inférieures d’un ordre de grandeur à celles en milieu KOH.

Ces expériences étant réalisées au même pH pour un verre et une température donnée, cette

différence est due à la composition chimique des solutions cimentaires. Le seul élément présent en

solution S2 est le calcium, en solution S1 environ 10 % de calcium est présent par rapport à la

solution S2. Il est donc fort probable que cet élément, à ce pH basique, ait un rôle prépondérant

dans la diminution des vitesses initiales. A ce stade, il est impossible de savoir si cet élément réagit

avec les éléments du verre pour former des phases secondaires ne conduisant pas à de réelle

diminution de l’altération ou s’il existe une réactivité du calcium avec la surface du verre pour

former une couche passivante.

II.6. Bilan de l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en

régime initial

Pour un même pH, la vitesse initiale en milieu cimentaire diminue d’environ un ordre de

grandeur par rapport à son homologue en KOH. Il s’agit d’un résultat majeur de cette étude qui

met en avant l’effet du calcium et qui a amené à revisiter le concept de vitesse initiale. Il a été

montré que le verre simplifié VS est un bon analogue du verre CSD-B vis-à-vis de ce régime

d’altération.

Nous avons mis en évidence la difficulté de déterminer des vitesses initiales en eaux

cimentaires et souligné les artefacts liés à une estimation de ces vitesses. La question de

l’adaptabilité du protocole d’altération en régime initial dans ces conditions spécifiques

d’altération est soulevée. Au chapitre V, une réponse nous est donnée : des vitesses initiales ont pu

être mesurées dans des conditions ne correspondant pas à celles du régime initial. Le lecteur peut

donc se rendre au paragraphe IV du chapitre V pour prendre connaissance de ces vitesses et des

conditions d’acquisition.

Le calcium des solutions cimentaires semble être à l’origine de la diminution des vitesses

initiales. Afin de comprendre le mécanisme lié au calcium à ce pH, la partie suivante vise à

approfondir l’influence de l’ion calcium sur l’altération du verre sur une gamme de pH plus

étendue et à différentes concentrations en calcium permettant de doser un plus grand nombre

d’éléments lixiviés du verre.

Page 107: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

107

III. Rôle antagoniste du calcium sur l’altération du verre en

régime initial

Nous traitons dans une première partie de l’influence du calcium sur une gamme de pH

étendue par rapport à un milieu de référence (KOH / HCl). Les cinétiques permettent de discuter

des mécanismes sous-jacents, fonction du pH, tandis que des caractérisations en XPS de l’extrême

surface du verre altéré complètent cette partie expérimentale. Une discussion alimentée par la

littérature permet de proposer des mécanismes d’altération liés au calcium en fonction du pH de la

solution.

La deuxième partie s’attache à étudier l’influence de la concentration en calcium sur les

cinétiques. Ces résultats confortent les mécanismes proposés dans la partie précédente.

III.1. Effet du calcium en fonction du pH sur l’altération du verre en régime

initial

III.1.1. Conditions expérimentales

Les expériences sont réalisées sur le verre VS de granulométrie 80 - 125 µm à 50 °C. Deux

séries d’essais permettent de rendre compte de l’effet du calcium par rapport à un effet du pH :

- la première série correspond aux essais de référence en milieu HCl / KOH pour une

gamme de pH s’étendant de 3 à 11,7 (à 50 °C),

- la seconde série d’essais est réalisée aux mêmes pH que ceux de la série précédente, en

présence de 150 mg.L-1 de calcium en solution.

Les difficultés liées à la détermination de vitesses initiales en eaux cimentaires ont conduit à

choisir une concentration de référence en calcium inférieure à celle de la solution S2. La

concentration maximale en calcium choisie est de 150 mg.L-1 (soit 3,75 mmol.L-1), elle correspond à

une solution de Portlandite à pH 11,1 à 50 °C. Des essais préliminaires ont montré qu’à cette

teneur, les concentrations en traceurs sont augmentées pour une même échéance et la durée du

régime initial est allongée, ce qui permet d’obtenir des pertes de masse normalisées supérieures et

mieux alignées.

Dans la nomenclature utilisée, le premier nombre correspond à la concentration en calcium

en mg.L-1 (0 ou 150), le deuxième nombre est le pH de la solution à 50 °C. Par exemple, l’expérience

« 150-11,7 » signifie que le verre est altéré dans une solution de 150 mg.L-1 de calcium à pH 11,7.

Le pH des solutions est ajusté par ajout d’HCl ou de KOH avant le lancement mais

également durant l’altération s’il y a des variations de pH. Pour éviter tout phénomène de

carbonatation, les altérations en solution calcique à pH supérieur à 5 sont menées en boîte à gants.

Le rapport S/V ainsi que la durée des expériences sont paramétrés afin que les concentrations des

éléments à doser soient supérieures aux limites de quantification et pour éviter tout phénomène de

Page 108: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

108

rétroaction sur le verre. Pour l’ensemble des expériences, le rapport S/V est de 0,5 cm-1, hormis

pour les expériences à pH 6, 7 et 8 où il est de 0,25 cm-1. Sept prélèvements sont réalisés à échéances

régulières, les solutions sont filtrées à 0,45 µm puis une partie est conservée au réfrigérateur pour

analyse UV, l’autre est acidifiée à l’acide nitrique concentré (18 M) pour être analysée en ICP-AES.

Seul le silicium est analysé par les deux techniques, les résultats montrent que les analyses de

solution ne sont pas significativement différentes, excepté à pH 10,5 et 11. Les incertitudes étant

plus importantes en analyse UV dans ces deux cas, les valeurs en ICP seront utilisées par la suite.

Les éléments dosés en ICP-AES sont le silicium systématiquement et dans certains essais le bore et

le lithium également.

La détermination des vitesses est réalisée en écartant les points aberrants liés à des

problèmes d’analyse ainsi que les points aux dernières échéances lorsque ceux-ci présentent un net

infléchissement. Le nombre de points utilisés pour la régression linéaire pondérée figure dans le

tableau complet en annexe E. La régression linéaire permettant d’estimer la vitesse est pondérée

par les incertitudes sur les pertes de masse normalisées. Les incertitudes sont systématiquement

données avec un intervalle de confiance à 95 %.

Pour distinguer les deux séries d’expériences, nous ferons appel aux termes de vitesse

initiale en eau à pH ajusté Vi(pH) et de vitesse initiale en milieu calcique Vi(Ca) pour différencier

l’effet du pH de celui du calcium. L’indice i correspond à l’élément à partir duquel la vitesse est

déterminée.

III.1.2. Cinétiques et mécanismes d’altération

La terminologie et les concepts de vitesses associées en régime initial ont été définis au

paragraphe I de ce chapitre. Rappelons néanmoins que le régime d’interdiffusion est transitoire et

que c’est le mécanisme d’hydrolyse qui pilote la dissolution du verre. En milieu de référence, le

poids des mécanismes d’interdiffusion et d’hydrolyse est fonction du pH de la solution :

- A pH acide et neutre (jusqu’à pH 8 environ), la dissolution n’est pas congruente dans les

premiers instants [4, 5]. Les éléments mobiles du verre (modificateurs et bore) sont lixiviés

préférentiellement par rapport au silicium. Les vitesses d’interdiffusion et d’hydrolyse sont donc

sensiblement différentes. La détermination de la vitesse initiale se fera donc à partir du silicium

et non du bore ou du lithium bien qu’on puisse évoquer les vitesses d’hydrolyse et

d’interdiffusion relatives aux mécanismes sous-jacents.

- A pH basique (supérieur à 8), la dissolution devient congruente pour les éléments

majeurs du verre. La vitesse initiale peut donc être déterminée à partir des alcalins (lithium,

sodium), du bore ou du silicium.

Un récapitulatif des résultats est présenté dans les Tableau III-1 et Tableau III-2.

Page 109: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

109

Tableau III-1. Vitesses initiales en eau à pH ajusté du verre VS altéré sur une gamme de pH variant de 3 à

11,7 à 50 °C. IC est l’intervalle de confiance à 95 % associé à la vitesse initiale en eau à pH ajusté.

Référence VSi

(g.m-2.j-1) IC (Vsi)

(%) VB

(g.m-2.j-1) IC (VB)

(%) VLi

(g.m-2.j-1) IC (VLi)

(%) 0-3 0,018 49,28 0,249 17,23 0,231 13,84

0-4 0,010 3,00

0-5 0,006 10,11

0-6 0,006 15,03

0-7 0,007 31,40 0,067 10,29 0,071 15,13

0-8 0,032 7,65

0-9 0,093 10,90

0-10 0,278 2,66

0-11,7 0,588 15,30 0,542 8,44 0,781 22,22

Tableau III-2. Vitesses initiales du verre VS altéré dans 150 mg.L-1 de calcium sur une gamme de pH variant

de 3 à 11,7 à 50 °C. IC est l’intervalle de confiance à 95 % associé à la vitesse initiale.

Référence VSi

(g.m-2.j-1) IC (Vsi)

(%) VB

(g.m-2.j-1) IC (VB)

(%) VLi

(g.m-2.j-1) IC (VLi)

(%) 150-3 0,047 29,2 0,300 21,5 0,272 28,3

150-4 0,017 13,8

150-5 0,017 12,9

150-6 0,026 11,4

150-7 0,049 72,0 0,051 13,7 0,063 14,5

150-8 0,152 3,9

150-9 0,306 7,0

150-10 0,497 2,5 0,480 3,1 0,603 19,6

150-10,5 0,597 9,1 0,566 6,3 0,622 7,3

150-11 0,400 4,5 0,378 4,5 0,448 2,5

150-11,7 0,090 22,6 0,117 36,0 0,202 105,5

Les vitesses initiales en eau à pH ajusté et en milieu calcique sont représentées sur la

gamme de pH de 3 à 11,7 en Figure III-1. Les variations importantes d’incertitudes sur les vitesses

initiales sont dues principalement au nombre de points de mesure et à leur alignement.

L’évolution des vitesses initiales en eau à pH ajusté est en accord avec la littérature [4, 6].

Les vitesses augmentent presque de deux ordres de grandeur entre pH 6 et 11,7.

En revanche, l’évolution des vitesses initiales en milieu calcique est singulière : jusqu’à pH 10,5, la

tendance est similaire à celle obtenue en milieu de référence, au-delà, la vitesse diminue fortement

avec le pH. Cette évolution révèle l’existence d’un pH auquel les mécanismes d’altération liés au

calcium sont probablement modifiés.

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CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

110

0,0

0,1

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

0,7

2 4 6 8 10 12

pH (50°C)

VS

i (g.

m-2

.j-1)

VSi(Ca)

VSi(pH)

Figure III-1. Comparaison de l’évolution des vitesses initiales en silicium en milieu de référence et en milieu

calcique à 50 °C.

Ainsi, selon le pH considéré, la présence de calcium peut conduire à une augmentation ou

une diminution de la vitesse initiale d’altération du verre, résultant d’une modification conjointe

des vitesses d’hydrolyse et d’interdiffusion.

L’influence du calcium sur la vitesse d’hydrolyse, dépendante du pH, peut être caractérisée

en considérant l’évolution du rapport des vitesses d’hydrolyse VSi(Ca)/VSi(pH) en fonction du pH

(Figure III-2).

0

1

2

3

4

5

2 4 6 8 10 12pH (50°C)

VS

i(Ca)

/ V

Si(p

H)

Figure III-2. Influence du calcium sur la vitesse d’hydrolyse en fonction du pH à 50 °C.

Aux pH neutres (entre 6 et 8), l’ajout de calcium aux solutions d’altération conduit à une

augmentation jusqu’à un facteur 5 des vitesses d’hydrolyse du réseau silicaté. A pH 4, le calcium

ne semble pas avoir d’effet notable sur la vitesse d’hydrolyse. Au-delà d’un pH probablement

compris entre 10,5 et 11, le calcium diminue la vitesse d’hydrolyse du réseau vitreux jusqu’à

atteindre un facteur 6,5 à pH 11,7.

Page 111: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

111

Le calcium en solution augmente la vitesse d’hydrolyse du réseau silicaté pour des pH

inférieurs à 10,5 alors qu’au-delà, il conduit à une diminution de la vitesse d’hydrolyse.

De façon similaire, l’influence du calcium sur le relâchement du bore et du lithium peut être

mise en évidence en considérant les évolutions des rapports VB(Ca)/VB(pH) et VLi(Ca)/VLi(pH)

(Tableau III-3). Ces résultats laissent suggérer que lorsque le pH augmente, le calcium diminue la

vitesse de départ du bore et du lithium. Rappelons que le bore est un élément formateur de réseau

et qu’il est lixivié par un mécanisme d’hydrolyse. Le lithium quant à lui est un élément

modificateur du réseau vitreux qui peut être lixivié à la fois par mécanismes d’interdiffusion et

d’hydrolyse. Ces deux éléments semblent donc avoir un comportement similaire quel que soit le

milieu d’altération. On parlera, par abus de langage, de « vitesse d’interdiffusion » pour ces deux

éléments.

Tableau III-3. Rapport de vitesses d’altération en régime initial pour le silicium, le bore et le lithium.

pH VSi(Ca)/VSi(pH) VB(Ca)/VB(pH) VLi(Ca)/VLi(pH) 3 2,63 1,202 1,181

7 4,41 0,764 0,885

11,7 0,15 0,259 0,259

Enfin, la prépondérance d’un mécanisme par rapport à l’autre selon le milieu d’étude est

représentée sur la Figure III-3 sur laquelle sont reportés les rapports de vitesse d’altération en bore

et en lithium par rapport à la vitesse d’hydrolyse en silicium dans les différents milieux et en

fonction du pH.

0

2

4

6

8

10

12

14

3 7 10 10,5 11 11,7pH (50°C)

Rap

port

de

vite

sses

B/Si_Ca

Li/Si_Ca

B/Si_pH

Li/Si_pH

Figure III-3. Rapport de vitesses du bore et lithium par rapport au silicium dans les expériences de référence

et en milieu calcique à différents pH à 50 °C.

A partir de ces résultats, il est possible de proposer une vision synoptique de la présence de

calcium sur l’altération en régime initial en fonction du pH.

Page 112: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

112

III.1.2.1 pH acide et neutre : pH 3 et 7

A pH 3 et 7, les rapports d’interdiffusion sont de 1,2 et 0,8 respectivement (le bore et le

lithium sont parfaitement congruents), i.e. proches de 1. Le calcium n’a donc pas d’influence sur la

vitesse d’interdiffusion à ces deux pH (Tableau III-3).

Comme attendu, en milieu de référence, les dissolutions sont fortement incongruentes. En

milieu calcique, l’incongruence est moins marquée (Figure III-3). Dans ces deux milieux, le bore et

le lithium sont lixiviés préférentiellement par rapport au silicium. Ainsi, à pH 3 et 7, l’ajout de

calcium diminue l’incongruence entre le silicium et les éléments mobiles du réseau, ce qui signifie

que l’épaisseur relative de la couche de gel augmente par rapport à l’épaisseur de la couche de

verre hydraté.

Par ailleurs, les résultats de la Figure III-3 montrent que la vitesse d’interdiffusion peut être

supérieure d’un ordre de grandeur à la vitesse d’hydrolyse. Ce résultat n’est pas sans

conséquences : bien que le régime d’interdiffusion soit transitoire, le mécanisme associé conduit à

modifier la cinétique d’hydrolyse du réseau vitreux [4, 7]. D’un point de vue phénoménologique,

l’échange d’un proton H+ avec un alcalin du verre entraîne la formation d’un groupe silanol et

l’augmentation du pH local, conduisant à la catalyse de la réaction d’hydrolyse :

)()( 442 aqSiOHOHOHOHSi →+−− −

Grambow [8] met cependant en avant la possibilité de recondensation des groupements silanols

formés par l’interdiffusion, deux à deux, selon :

OHSiOSiOHSi 22 +≡−−→≡−≡

La littérature concernant l’influence du mécanisme d’interdiffusion sur le mécanisme d’hydrolyse

est peu fournie. Néanmoins, par la modification de la vitesse de formation des groupements

silanols, la réaction d’échange entre un ion et une espèce hydratée modifie l’état du réseau vitreux

directement ou indirectement.

Le calcium augmente la vitesse d’hydrolyse sans modifier significativement la vitesse

d’interdiffusion à pH 3 et 7.

III.1.2.2 Gamme de pH entre 8 et 11

En milieu de référence, bien que le lithium et le bore n’aient pas été analysés, il est connu

que la dissolution est congruente [4]. En milieu calcique à présent, la Figure III-3 permet de

montrer que le relâchement du bore et du lithium est congruent à celui du silicium, donc que les

vitesses pour chaque élément ne sont pas significativement différentes. Or, dans cette gamme de

pH, l’ajout de calcium engendre une augmentation de la vitesse d’hydrolyse (Figure III-2). Cela

signifie donc que les vitesses d’interdiffusion augmentent également. Remarquons que l’effet du

calcium s’atténue en augmentant le pH dans cette gamme (Figure III-2).

Page 113: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

113

Par ailleurs, soulignons également que l’hydrolyse du réseau silicaté, exacerbée en présence de

calcium, conduit non seulement au relâchement du silicium mais également aux relâchements des

modificateurs de réseau (Na, Li) et du bore. Ainsi, la part des éléments modificateurs relâchés liée

au mécanisme d’interdiffusion est probablement faible devant celle liée au mécanisme d’hydrolyse.

Le calcium augmente la vitesse d’hydrolyse ainsi que la vitesse d’interdiffusion à des pH

compris entre 8 et 11.

III.1.2.3 Gamme de pH supérieure à 11

A pH 11,7, le rapport de vitesses d’interdiffusion, identique pour le bore et le lithium, est de

0,26 (Tableau III-3). L’ajout de calcium conduit donc à une diminution d’un facteur 4 de la vitesse

d’interdiffusion à ce pH. Bien qu’il y ait un facteur 1,7 entre les rapports de vitesse d’hydrolyse et

d’interdiffusion, la comparaison des vitesses initiales en silicium, en bore et en lithium nous

conduit à affirmer que celles-ci ne sont pas significativement différentes (Tableau III-2). Ainsi, à ce

pH, le calcium apparaît affecter de manière équivalente la vitesse d’hydrolyse et la vitesse

d’interdiffusion.

Au-delà de pH 11 et en milieu calcique, l’incongruence du bore et du lithium, de 1,3 et de

2,2 respectivement, par rapport au silicium semble nettement plus marquée que dans le milieu de

référence. Cependant, l’incertitude sur la vitesse d’interdiffusion en lithium en milieu calcique est

importante (Tableau III-2), cette valeur s’explique par le fait que les points sont relativement

dispersés. Les vitesses d’interdiffusion entre le bore et le lithium ne sont donc pas significativement

différentes. Ainsi, à partir de pH 11, le calcium de la solution conduit à la fois à une diminution de

la vitesse d’hydrolyse d’un facteur 6,5 par rapport au milieu de référence et à une diminution des

vitesses d’interdiffusion du bore et du lithium d’environ un facteur 5 et 4 respectivement.

De même que dans la gamme de pH entre 8 et 11, et a fortiori au-delà de pH 11, le

mécanisme d’interdiffusion est négligeable devant celui d’hydrolyse. Le relâchement des éléments

modificateurs et du bore provient majoritairement de l’hydrolyse du réseau silicaté. On peut alors

parler de vitesse d’interdiffusion « apparente » du lithium.

La part de lithium lixiviée par mécanisme d’interdiffusion augmente avec l’ajout de calcium, il en

est de même pour le bore.

Au-delà de pH 11, le calcium diminue fortement la vitesse d’hydrolyse ainsi que la vitesse

d’interdiffusion.

III.1.2.4 Bilan des cinétiques et mécanismes

De façon systématique, la présence de calcium modifie significativement les vitesses

d’hydrolyse. Quant aux vitesses d’interdiffusion, il apparaît que le calcium n’a pas d’influence à

des pH inférieurs à 7. En effet, à des pH acides à neutres, le mécanisme d’échange entre un cation

Page 114: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

114

modificateur du réseau silicaté (ou bore) et un proton (ou hydronium) de la solution est

prépondérant par rapport au mécanisme d’hydrolyse, le front d’interdiffusion est donc plus avancé

que celui d’hydrolyse. Le calcium interdiffusant peu, il ne modifie pas ce mécanisme.

La Figure III-4 illustre l’influence du calcium sur les mécanismes d’interdiffusion et

d’hydrolyse suivant le pH de la solution. Il apparaît clairement qu’à un pH supérieur à 11, le

calcium a un effet favorable sur l’altération du verre en régime de vitesse initiale.

Suivant le pH, le calcium interagit différemment avec le verre. Jusqu’à pH 10,5 environ, il

augmente la vitesse d’hydrolyse alors qu’à pH 11,7, il la diminue. Entre ces deux pH, la différence

entre la vitesse d’hydrolyse en milieu de référence et en présence de calcium diminue, s’annule

puis devient négative (Figure III-2).

L’action du calcium sur l’altération du verre s’inverse suivant le pH, ce qui indique qu’elle doit être

régie par deux mécanismes antagonistes. Entre pH 10,5 et 11,7, les deux mécanismes doivent

coexister et voir leur prédominance s’inverser, marquant un régime de transition.

Grâce à la littérature, nous allons maintenant discuter et proposer des mécanismes à l’origine de

l’évolution de ces cinétiques qui sont fonction du calcium.

III.1.3. Discussion sur la base de la littérature

La littérature est riche de travaux concernant l’influence d’ions sur l’altération de minéraux

silicatés à pH neutre, notamment dans le domaine de la géologie et des systèmes hydrothermaux.

Bien que ce ne soit pas le verre, mais souvent le quartz, qui soit étudié, les résultats montrent de

très fortes similitudes entre ces deux matériaux et confirment que c’est la liaison Si-O qui pilote le

mécanisme de dissolution. Les observations d’une augmentation de la vitesse initiale en présence

d’électrolyte à pH neutre sont nombreuses. Plusieurs approches existent pour expliquer le rôle des

cations, en revanche, une seule semble mettre en cohérence l’ensemble des résultats pour expliquer

le rôle du calcium à pH neutre.

En ce qui concerne l’influence du calcium à pH basique, peu de travaux portent sur

l’altération du verre en présence de calcium en régime de vitesse initiale à ces pH. Seules des

Figure III-4. Schéma illustrant l’influence du calcium sur les mécanismes d’interdiffusion et d’hydrolyse en

fonction du pH de la solution. Les épaisseurs des couches d’altération sont arbitraires.

Page 115: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

115

hypothèses sont formulées, sans aucune preuve expérimentale. Grâce à la complémentarité de la

littérature dans le domaine du verre et du ciment, nous allons cependant pouvoir proposer une

explication à ce résultat.

III.1.3.1 Effet du calcium à des pH proches de la neutralité

III.1.3.1.1 Littérature concernant l’influence des cations sur la vitesse initiale de minéraux silicatés à des

pH proches de la neutralité

De nombreux travaux ont été réalisés concernant l’influence de l’électrolyte sur la

dissolution de minéraux silicatés en régime de vitesse initiale à des pH proches de la neutralité.

Dans le domaine de systèmes géologiques hydrothermaux, le quartz a notamment fait l’objet

d’études en température (entre 100 et 300 °C) en présence de cations alcalins et alcalino-terreux [9-

11]. Toutes rapportent une augmentation de la vitesse initiale de dissolution, jusqu’à deux ordres

de grandeur suivant les conditions d’altération. Dans le cas de la silice amorphe, la présence de

NaCl augmente la vitesse de dissolution d’un ordre de grandeur pour des températures comprises

entre 40 °C et 250 °C [12]. Une étude récente de Jollivet et al. [13] montre que la vitesse initiale du

verre SON68 en eau de Bure est cinq fois plus élevée qu’en eau désionisée à pH neutre à 90 °C.

L’influence du cation a également été étudiée. Les études de Dove et Nix [10] et de

Dove [11] indiquent que l’influence des différents cations sur la vitesse initiale d’altération du

quartz suit l’ordre suivant : Mg2+ < Ca2+ ≈ Li+ ≈ Na+ ≈ K+ < Ba2+. A pH 10 à 25 °C, le calcium et le

sodium conduisent à des augmentations modérées de la vitesse initiale d’altération de la silice

amorphe, cependant l’effet du sodium est négligeable devant celui du calcium [14]. Jollivet et al.

[13] montrent que l’altération du verre SON68 en présence de cations alcalins et alcalino-terreux

conduit à des vitesses initiales supérieures à celle en eau désionisée (Figure III-5). Ils remarquent

notamment que l’effet du calcium est trois fois plus important que celui du magnésium et des

cations alcalins, même si la concentration en sodium est quatre fois supérieure à celle du calcium

dans l’eau de Bure. Ils concluent que l’augmentation de la vitesse en eau de Bure par rapport à

l’eau désionisée est due majoritairement à l’ion calcium et dans un second ordre à la force ionique

de la solution.

Différentes hypothèses ont été avancées pour expliquer l’influence de la nature du cation

sur la vitesse initiale de dissolution du quartz ou de la silice amorphe, entre autres le rayon du

cation hydraté [10] ou la vitesse d’échange des atomes d’oxygène de la 1ère sphère de coordination

autour du cation [11]. Cependant, ces hypothèses ne se vérifient pas pour l’ensemble des cations

alcalins et alcalino-terreux. Jollivet et al. [13] testent également la cohérence entre l’évolution des

vitesses initiales et d’autres propriétés des cations : l’électronégativité, le rayon de la sphère

hydratée du cation, le nombre de molécules d’eau solvatant le cation, le coefficient de diffusion du

cation dans l’eau… De même que dans les autres études, ces diverses propriétés des cations ne

permettent pas de mettre en évidence le rôle du calcium.

Page 116: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

116

Par une approche de spéciation et de complexation de surface, Dove et Elston [15]

proposent une relation basée sur les fractions de sites de surface qui permet de rendre compte de la

variation de la vitesse initiale du quartz en fonction de la concentration en NaCl de la solution. En

effet, la spéciation de surface évolue avec le pH de la solution [6, 16, 17], de même que les

propriétés de la double couche électrique à l’interface silice / solution. Bien qu’il existe des

controverses concernant la position du point de charge nulle2 (PCN) et du point isoélectrique3 [18],

les résultats sont compatibles dans la gamme de pH de 4 à 10, où la charge de surface de la silice

est négative. Pour des pH supérieurs au pH PCN, la densité de charge négative à la surface de la

silice augmente avec le pH [17, 19]. Janusz et al. [20] étudient l’adsorption du calcium sur la fumée

de silice en présence de NaClO4. Ils montrent que les ions Ca2+ s’adsorbent sur les sites Si-O- mais

également sur les sites Si-OH qui s’accompagne dans ce cas du relâchement d’ions H+. Plusieurs

études rapportent également que l’adsorption de calcium à la surface de la silice augmente avec le

pH [20-22] et que dans le domaine d’existence des C-S-H, la réaction des sites Si-O- avec les protons

est très faible étant donné l’ordre de grandeur du pH [22] (Figure III-6).

2 Le point de charge nulle correspond au pH auquel la surface du solide ne présente pas de charges.

3 Le point isoélectrique correspond au pH auquel les charges positives et négatives de la surface s’annulent.

Figure III-5. Influence de la nature des cations en solution pour une force ionique de 0,1 mol.L-1, sur la

vitesse initiale du verre SON68 à 90 °C, d’après Jollivet et al. [13]. DW correspond à l’eau désionisée qui est

le milieu de référence.

Figure III-6. Calcul de densités d’adsorption des ions calcium et des protons à la surface de la silice en

fonction du pH à partir d’un modèle de complexation de surface, d’après Henocq [22].

Page 117: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

117

Basé sur l’approche de Dove et Elston [15], Jollivet et al. [13] étudient l’influence des fractions

molaires de sites de surface en fonction des différents cations qui constituent l’eau de Bure. Pour

cela, ils considèrent que la surface de verre se ramène à une surface de silice et ils supposent que la

vitesse initiale est pilotée au premier ordre par l’hydrolyse des liaisons Si-O. Ils montrent alors que

la vitesse initiale du verre SON68 augmente avec la fraction molaire de sites métalliques X[SiO]mM

(Figure III-7).

La formation de ce complexe métallique en surface de la silice entraîne un affaiblissement de la

liaison Si-O, ce qui la rend plus hydrolysable [10, 23]. Par calculs ab initio, Dove et Crerar [9]

évoquent que la variation de l’ouverture de l’angle Si-O-Me (Me = cation) peut faciliter

l’accessibilité aux molécules d’eau. Suivant le type de complexe qui se forme à la surface du verre,

les mécanismes sont différents : les complexes de sphères externes4 mettent en jeu des mécanismes

électrostatiques, et sont souvent moins stables que les complexes de sphère interne5, qui eux

mettent en jeu des liaisons ioniques, voire covalentes [24]. Wallace et al. [23] montrent que les

complexes de sphères internes sont plus favorables à la rupture des liaisons Si-O et suggèrent un

mécanisme en deux étapes :

- l’adsorption spécifique du cation à l’oxygène de la liaison Si-O, rendant l’ensemble plus

sensible à l’attaque par l’eau,

- l’hydrolyse de la liaison Si-O sur le côté par le complexe de sphère interne.

La corrélation entre la vitesse initiale et la fraction de sites métalliques à la surface du verre permet

donc d’expliquer l’influence des cations, notamment du calcium, du magnésium et du sodium sur

la vitesse initiale du verre SON68 en eau de Bure.

4 Une molécule au moins s’interpose entre le groupement fonctionnel de surface et l’ion auquel il est lié.

5 Aucune molécule d’eau ne s’interpose entre le groupement fonctionnel de surface et l’ion auquel il est lié.

Figure III-7. Evolution de la vitesse initiale du verre SON68 à 20 °C à pH 7 et à force ionique constante

(0,1 mol.L-1) en présence de différents cations et en eau de Bure (GW) en fonction de la fraction de sites

métalliques pour les cations alcalins et alcalino-terreux, d’après Jollivet et al. [13].

Page 118: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

118

III.1.3.1.2 Cohérence de nos essais avec la littérature

L’augmentation de la vitesse d’altération en régime initial en présence de calcium par

rapport à un essai au même pH est cohérente avec les résultats de la littérature. Ces derniers

permettent d’expliquer l’origine de cette augmentation et le rôle spécifique du calcium par rapport

à d’autres cations alcalins et alcalino-terreux. Le pH et la composition de la solution engendre une

spéciation de surface du verre puis une complexation des cations avec les sites de surface. D’après

la Figure III-7 et les hypothèses formulées par Jollivet et al. [13], le calcium forme un nombre de

sites métalliques en surface plus important que le potassium au même pH. Par conséquent, le

calcium augmente la fréquence d’hydrolyse de la liaison Si-O et donc l’altération du verre par

rapport au milieu KOH au même pH.

III.1.3.2 Effet du calcium à pH basique

Plusieurs hypothèses peuvent être formulées pour tenter d’expliquer la brusque diminution

de la vitesse initiale en présence de calcium au-delà de pH 10,5. Remarquons tout d’abord que ce

pH est proche de celui du début du domaine d’existence des C-S-H [22], comme nous l’avons

évoqué au paragraphe précédent. Cependant, l’observation au MEB des grains de verre altéré ne

révèle pas l’existence de phases de type C-S-H, ni d’aucune autre phase, tout du moins avec cet

outil de caractérisation.

Nous pouvons invoquer la variation de spéciation du calcium avec le pH, cependant la fraction

d’ion Ca(OH)+ reste relativement faible comparativement à celle en ion Ca2+ (calculs issus de

CHESS): à pH 10,5, la concentration en ion Ca(OH)+ est de 0,33 % et à pH 11,1 et à pH 11,7, elle est

de 1,27 % et 7 % respectivement. Concernant l’évolution de la spéciation de la surface du verre, sa

charge négative augmente avec le pH [6, 16, 17], la surface va sorber de moins en moins de protons

et de plus en plus de calcium (Figure III-6). Une inversion des effets attribués à la complexation de

surface semble peu probable.

Remarquons enfin qu’à pH neutre, le calcium présent dans l’eau de Bure ne pénètre pas

dans la pellicule d’altération [13] alors qu’à pH basique dans les essais en présence de calcium, la

caractérisation des pellicules d’altération met en évidence la pénétration de calcium. Cette

observation met en évidence une différence d’interaction du calcium avec la surface du verre

altéré.

III.1.3.2.1 Littérature concernant l’altération du verre

Deux études semblent intéressantes pour apporter des éléments d’interprétation à ce

phénomène. Elles concernent l’altération de verres simples en eau désionisée à des rapports S/V

élevés, pour lesquels le régime d’altération n’est plus celui de la vitesse initiale.

La première étude concerne des expériences d’altération réalisées sur deux verres simples, à quatre

oxydes (62,0SiO2-19,1B2O3-13,4Na2O-5,5CaO6 : CJ8) et cinq oxydes (59,8SiO2-18,5B2O3-12,9Na2O-

6 Les compositions théoriques sont exprimées en pourcentage molaires d’oxydes.

Page 119: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

119

5,3CaO-3,5ZrO2 : CJ9) à pH imposé entre 7 et 10, à 90 °C et pour des rapports S/V de 20 cm-1 et

48 cm-1, respectivement pour les verres CJ8 et CJ9 [25]. Ces expériences rendent compte de la

variation de l’interaction du calcium avec les éléments du verre en fonction du pH. A pH inférieur

à 8, le calcium interagit principalement avec les autres éléments structurants du gel (zirconium,

aluminium). Au-delà de pH 9, le calcium commence à interagir avec le silicium : à pH 10, des

C-S-H précipitent et engendrent une reprise d’altération alors qu’à pH 9, il semble qu’il y ait une

interaction Si-Ca au sein du gel. Ce dernier phénomène se caractérise par une forte limitation de

l’activité en calcium ainsi qu’une diminution notable du coefficient de diffusion de l’eau et des ions

solvatés dans le gel.

La seconde étude porte également sur l’altération d’un verre simple à cinq oxydes (62,5SiO2-

16,6B2O3-13,1Na2O-6,0CaO-1,8ZrO2) altéré en eau désionisée à 90 °C et à un rapport S/V de 80 cm-1

[26]. Le suivi des cinétiques indique que la vitesse d’altération atteint un plateau et est non

mesurable après 86 jours d’altération et que le pH est constant au cours de l’altération et égal à 9,1

à 90 °C. La caractérisation en ToF-SIMS et la modélisation Monte Carlo montrent que cet arrêt de la

dissolution est dû à une fermeture de la porosité du gel proche de l’interface gel / solution, après la

densification de cette couche par la recondensation du silicium. La caractérisation en ToF-SIMS

montre également une augmentation significative des teneurs en silicium et en calcium à l’interface

gel / solution, sur une profondeur qui correspond à la zone de gel passivant (Figure III-8). Nous

pouvons supposer que la fermeture de porosité n’est pas seulement due à la recondensation du

silicium mais aussi à l’interaction Si-Ca en surface du gel.

Ces deux études réalisées mettent en évidence qu’à de plus forts rapports S/V et autour de

pH 9 à 90 °C, il existe une interaction spécifique entre le calcium du verre lixivié et celle du silicium

au sein de la pellicule d’altération, et ce plus particulièrement à l’interface gel / solution. Cette

pellicule présente un caractère passivant puisqu’elle diminue le coefficient de diffusion de l’eau et

des éléments solvatés dans le gel [25] et / ou puisque sa structure évolue pour induire une

fermeture de porosité [26].

Figure III-8. Profils ToF-SIMS du calcium et du silicium au sein de la pellicule d’altération de verre altéré

86 jours en eau désionisée à 80 cm-1 à 90 °C, adapté de Jollivet et al. [26].

Page 120: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

120

D’autres travaux réalisés à des pH plus basiques, correspondant au domaine d’existence

des C-S-H, mettent en évidence le rôle favorable du calcium par rapport à d’autres cations sur

l’altération du verre.

Ishikawa et al. [27] rapportent que l’influence des différents cations sur la vitesse initiale d’un verre

ternaire (71,7SiO2-15,0Na2O-13,3CaO) altéré entre pH 10 et 11,5 à 70 °C suit l’ordre suivant :

Ca2+ < Li+ < Na+ < Sr2+ < Ba2+. Pour expliquer la faible altération du verre en présence de calcium, ils

suggèrent la formation d’un film protecteur de C-S-H en surface du verre, sans en donner de

preuve expérimentale. Deux autres études réalisées par Oka et al. [28, 29] mettent également en

évidence le rôle inhibiteur du calcium sur l’altération de silice amorphe à pH basique par la

diminution des cinétiques. Ils supposent que la formation d’une couche de C-S-H à la surface du

verre agit comme une barrière diffusionnelle, présentant donc des propriétés protectrices.

A pH basique, ces études rapportent que la présence de calcium en solution conduit à une

diminution significative de la vitesse par rapport à d’autres cations. Leurs auteurs supposent la

formation d’une fine couche protectrice de Si-Ca en surface du verre qui constituerait une barrière

diffusionnelle.

III.1.3.2.2 Littérature concernant l’hydratation du ciment

Il est intéressant de constater que des hypothèses semblables sont formulées pour expliquer

l’origine de la période dormante dans le cas de l’hydratation de C3S.

Durant l’hydratation du ciment, après une réaction initiale de quelques minutes succède une

période d’induction pouvant durer entre 1 et 6 heures, avant la poursuite de la réaction

d’hydratation. L’origine de cette période d’induction fait actuellement débat au sein de la

communauté scientifique et diverses hypothèses ont été proposées [30, 31] :

- La première hypothèse repose sur l’existence d’une couche d’hydrate métastable en

surface des grains d’alite qui atteindrait l’équilibre avec la solution après la période initiale [32-34].

Jennings et al. [35] montrent l’existence de deux courbes de solubilité de C-S-H à partir de données

de la littérature sur la composition de solutions porales de pâtes cimentaires (Figure III-9). La

courbe présentant les concentrations en calcium et en silicium les plus élevées correspondrait à

l’équilibre de cette solution avec la couche d’hydrate métastable à différents rapports C/S.

Une des difficultés majeure avec cette hypothèse est qu’aucune observation expérimentale directe

n’a mis en évidence l’existence de cette phase. Cependant, une approche par simulation de

l’hydratation de C3S prenant en compte l’hypothèse d’existence de cet hydrate métastable,

reproduit quantitativement les résultats obtenus expérimentalement [36].

Page 121: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

121

De récentes études de RMN du 29Si mettent en évidence l’existence d’une phase Ca-Si contenant

des monomères de silice hydratée au tout début de l’hydratation. Bellmann et al. [37] démontrent

alors que l’hydratation du C3S se déroule en deux étapes, par formation d’une phase silicatée

intermédiaire qui se convertit en une phase C-S-H lorsque la solution devient suffisamment

concentrée en calcium (Figure III-10). Les travaux très récents de Bellmann et al. [38] concernent

l’analyse de la surface de C3S au cours de la période d’induction. Après 30 minutes d’hydratation,

ils déterminent la composition du volume analysé en XPS : 44 %mass de C3S et 56 %mass de phase

intermédiaire (hydrate métastable). Aucun C-S-H n’est détecté. Grâce au MEB haute résolution et à

des considérations géométriques, il apparaît que cette phase intermédiaire se présente sous forme

d’une fine couche de 2 nm d’épaisseur qui recouvrirait la totalité de la surface des grains de C3S.

Figure III-9. Concentrations en silicium et en calcium de solutions porales de pâtes cimentaires collectées

suite à une importante recherche bibliographique réalisée par Jennings et al. [35].

Figure III-10. Représentation schématique du processus de dissolution du C3S en deux étapes, avec A=C3S,

B = phase intermédiaire et C = C-S-H, d’après Bellmann et al. [37].

Page 122: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

122

Cette première hypothèse est discutée pour plusieurs raisons [31], notamment par la formation de

piqûres à la surface des grains d’alite et de la morphologie des C-S-H sous forme d’amas.

- La seconde hypothèse repose sur la cinétique de dissolution des grains d’alite et

l’évolution de l’état de saturation de la solution. Selon Nonat et al. [39, 40], la faible réactivité

durant la période d’induction est liée à une diminution significative de la vitesse de dissolution à

cause de l’augmentation de la concentration en hydroxyde de calcium de la solution et de la

croissance de piqûres à la surface des grains de C3S. Scrivener et Nonat [31] font appel à la

dissolution des cristaux d’alite et l’évolution de l’état de sous-saturation dans les premiers

instants : dès que le C3S est en contact avec de l’eau, il se dissout et les concentrations en calcium,

silicium et hydroxydes augmentent, ce qui a pour conséquence de diminuer le degré de sous-

saturation et donc la vitesse de dissolution [41].

Comme le soulignent Scrivener et Nonat [31], des points restent à éclaircir concernant cette seconde

hypothèse.

III.1.3.2.3 Lien entre la littérature et nos essais : une caractérisation de la pellicule d’altération en XPS

Pour développer notre raisonnement à partir des données de la littérature, nous allons tout

d’abord exposer un résultat expérimental complémentaire aux cinétiques d’altération.

Des caractérisations de surface en XPS ont été réalisées sur le verre VS altéré en solution S2

durant 24 heures à 30 °C pour rendre compte de l’évolution de la variation de composition avant et

après altération. La préparation des échantillons et l’acquisition des données sont développées en

annexe F. Notons simplement que la caractérisation en XPS nécessite une préparation spécifique de

l’échantillon : entre autre, la surface de verre doit être fraîchement fracturée pour ne pas avoir subi

d’hydratation par les molécules d’eau présente dans l’air ambiant.

Une analyse qualitative des fenêtres des spectres du Ca 2p pour le verre fracturé sain permet de

montrer que le calcium est présent en quantité beaucoup plus faible en extrême surface (Figure

III-11), comparé au verre fracturé altéré.

(a) (b)

Figure III-11. Spectre XPS du Ca 2p du verre VS fracturé (a) sain et (b) altéré en solution S2.

Page 123: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

123

Les analyses semi-quantitatives sur le verre fracturé sain et altéré figurent dans le Tableau III-4. Les

rapports entre le verre fracturé altéré et sain sont similaires pour le silicium, bore, sodium,

zirconium et aluminium pour le verre VS. Les rapports mettent clairement en évidence un

enrichissement en calcium : l’extrême surface du verre altéré est enrichie 7,3 fois par rapport au

pourcentage dans le verre sain, ce qui signifie qu’une quantité importante de calcium provenant de

la solution est présente en surface de l’échantillon. Le rapport C/S du volume analysé du verre

altéré est de 0,7 contre 0,07 dans le cas du verre fracturé sain de référence. Ce premier rapport C/S

est probablement sous-estimé car les pourcentages des éléments du verre fracturé altéré indiquent

qu’une fraction non négligeable de verre sain est contenue dans le volume analysé.

Tableau III-4. Comparaison des compositions analysées d’un monolithe de verre VS fraîchement fracturé

sain et altéré en solution S2 à 30 °C pendant 1 jour.

Elément Verre fracturé

sain (% at) Verre fracturé altéré (% at)

Rapport

Na 9,39 6,19 0,7

O 58,01 62,49 1,1

Ca 1,34 9,81 7,3 B 7,48 5,39 0,7

Zr 0,37 0,27 0,7

Si 19,59 13,77 0,7

Al 3,82 2,09 0,5

L’objectif initial de l’utilisation de cette technique était d’obtenir des informations structurales sur

la pellicule d’altération lors de l’incorporation du calcium en régime initial. Utilisée pour

caractériser de très faibles épaisseurs de l’ordre de la dizaine de nanomètres, cette technique

permet d’obtenir des informations sur la structure du verre suite par exemple à des variations de

compositions [42-47]. Une seule étude existe sur l’étude de pellicules d’altération [48]. En réalité,

après avoir surmonté les difficultés liées à la préparation de l’échantillon, les caractérisations n’ont

pas permis de rendre compte d’une différence de structure au sein de la pellicule (décalage des

pics à de plus grandes ou plus faibles énergies) avec l’incorporation du calcium. Néanmoins

l’analyse quantitative confirme l’enrichissement de cette couche en calcium et permet de

déterminer un rapport estimatif C/S de 0,7.

La caractérisation en XPS de la pellicule d’altération du verre VS altéré en solution S2 montre

une incorporation importante du calcium au sein de la pellicule d’altération. Le rapport C/S

estimatif est de 0,7.

La littérature mentionne à plusieurs reprises la diminution de la vitesse initiale d’altération

en présence de calcium à pH basique. Ces mêmes études supposent l’existence d’une couche

passivante Si-Ca en surface des grains de verre sans que celle-ci n’ait été mise en évidence

expérimentalement. Cependant, à de forts rapports S/V et des pH proches de 9 à 90 °C,

Page 124: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

124

l’enrichissement en Si-Ca de la surface du gel semble être à l’origine d’une diminution du

coefficient de diffusion de l’eau et des ions solvatés. Nous pouvons supposer que la fermeture de

porosité observée dans l’étude de Jollivet et al. [26] n’est pas seulement due à la recondensation du

silicium mais également à la synergie Si-Ca à la surface du gel. Par ailleurs, l’existence d’une

couche d’hydrate en surface des grains de C3S est une hypothèse forte pour expliquer l’origine de

la période dormante lors de l’hydratation du ciment. La solubilité de cette phase, intermédiaire à

celle du C3S et des C-S-H, conduirait à sa formation dans les premiers instants de l’hydratation

puis à sa dissolution progressive au profit des C-S-H avec l’augmentation de la concentration en

calcium.

Notre système verre + Ca(OH)2 présente de fortes similitudes avec celui de l’hydratation

de grains de C3S par le pH du milieu et les éléments lixiviés. L’ensemble de ces observations peut

donc être interprété pour proposer un mécanisme d’altération lié au calcium à pH basique.

Au pH étudié, correspondant au domaine d’existence des C-S-H, le calcium en solution

présente une affinité pour le silicium de la pellicule d’altération. La synergie Si-Ca au sein de cette

couche conduit probablement à une restructuration de la pellicule d’altération donc une

modification de ses propriétés de transport. Cette couche de verre altéré deviendrait alors une

barrière diffusionnelle pour l’eau et les ions solvatés, conduisant à une diminution de la fréquence

de rupture des liaisons Si-O et donc une diminution de la vitesse d’altération.

La partie suivante porte sur l’influence de la concentration en calcium sur les vitesses

initiales à différents pH. Nous allons voir que ces résultats confortent les mécanismes envisagés.

III.2. Influence de la concentration en calcium à différents pH

III.2.1. Conditions expérimentales

Une troisième série d’essais a été réalisée dans le but d’étudier l’influence de la

concentration en calcium en solution à différents pH. De même que dans les deux séries

antérieures, les expériences sont réalisées sur le verre VS de granulométrie 80 - 125 µm à 50 °C. Les

deux concentrations en calcium étudiées sont de 5 et 50 mg.L-1, sachant que les valeurs de vitesses à

0 et 150 mg.L-1 de calcium sont issues des deux séries précédentes. Les expériences sont réalisées à

pH 7 et 11,7 ainsi qu’à pH 10,5 et 11 mais uniquement à 5 mg.L-1. La nomenclature utilisée est la

même quel pour les essais précédents, ainsi l’expérience « 5-10,5 » signifie que l’altération est

menée dans 5 mg.L-1 de calcium à pH 10,5 à 50 °C.

Les prélèvements sont dosés par ICP-AES, le silicium est systématiquement analysé, le bore

et le lithium uniquement pour certains essais.

III.2.2. Résultats et discussion

Les incertitudes sont données avec un intervalle de confiance à 95 %. Un récapitulatif des

résultats est présenté dans le Tableau III-5, le tableau complet est en annexe E.

Page 125: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

125

Tableau III-5. Vitesses initiales du verre VS altéré dans différentes concentrations de calcium sur une

gamme de pH variant de 7 à 11,7 à 50 °C. IC est l’intervalle de confiance à 95 % associé à la vitesse initiale.

Référence VSi

(g.m-2.j-1) IC (Vsi)

(%) VB

(g.m-2.j-1) IC (VB)

(%) VLi

(g.m-2.j-1) IC (VLi)

(%) 5-7 0,03 5,89

50-7 0,04 4,53

5-10,5 0,50 6,12 0,49 5,81 0,58 23,87

5-11 0,57 4,95 0,56 6,34 0,61 34,10

5-11,7 0,41 9,87 0,38 4,56 0,42 103,91

50-11,7 0,20 3,26

D’après la Figure III-12, les évolutions des vitesses d’hydrolyse en fonction de la

concentration en calcium de la solution sont tout à fait différentes suivant le pH de la solution.

A pH neutre, la vitesse d’hydrolyse augmente brutalement d’un facteur 3 à l’ajout de

5 mg.L-1 de calcium et d’un facteur 4 avec 50 mg.L-1 de calcium. Au-delà, la vitesse n’évolue guère

par ajout de calcium. Il semble donc qu’il existe un seuil à partir duquel le calcium n’a plus

d’influence sur la vitesse d’hydrolyse.

Ce résultat est en cohérence avec ceux de la littérature. Dans le cas du quartz, la vitesse

d’hydrolyse augmente fortement entre 0 et 0,01 mol.L-1 de cations alcalino-terreux (Figure III-13). A

des concentrations plus élevées que 0,01 mol.L-1 [10] et 0,05 mol.L-1 [9], l’augmentation de la vitesse

devient faible. Dans l’étude d’Icenhower et Dove [12], la valeur seuil pour la silice amorphe en

présence de NaCl est autour de 0,02 mol.L-1.

Le mécanisme supposé être à l’origine de l’augmentation de la vitesse initiale est un

mécanisme de surface. L’évolution des vitesses à pH 7 conforte cette hypothèse. A de faibles

concentrations en cation, le nombre de sites de surface complexé augmente fortement avec la

concentration en cation. Au-delà du seuil de concentration, tous les sites de surface sont occupés, la

fréquence de rupture des liaisons Si-O est alors maximale.

-2,0

-1,5

-1,0

-0,5

0,0

0 50 100 150Concentration Ca (mg.L -1)

Log(

VS

i) (g

.m-2

.j-1)

pH 7pH 10,5

pH 11pH 11,7

Figure III-12. Vitesses d’hydrolyse à différentes concentrations en calcium à pH 7 ; 10,5 ; 11 et 11,7 à 50 °C.

Page 126: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

126

A pH 11,7, la vitesse d’hydrolyse diminue fortement puis plus progressivement avec la

concentration en calcium mais n’atteint pas de valeur seuil, tout du moins jusqu’à 150 mg.L-1 de

calcium (Figure III-12). Cette évolution confirme qu’il s’agit bien d’un mécanisme différent de celui

à pH neutre qui est à l’origine de cette diminution de la vitesse d’hydrolyse : ce mécanisme n’est

probablement pas surfacique mais volumique.

En effet, les caractérisations en XPS montrent une incorporation du calcium au sein du verre altéré.

Il semble donc que la quantité de calcium incorporée augmente avec la concentration de celui-ci,

diminuant ainsi la vitesse d’hydrolyse.

D’après le Tableau III-5, les vitesses en bore, en lithium et en silicium à pH basique ne sont pas

significativement différentes, la dissolution est donc bien congruente : le calcium contribue

réellement à passiver l’altération du verre.

Au deux pH 10,5 et 11, correspondant à la zone de transition de l’effet du calcium (Figure

III-1), des vitesses sont obtenues pour des concentrations à 5 mg.L-1 et 150 mg.L-1 de calcium. Il est

intéressant de constater qu’à pH 10,5, la vitesse d’hydrolyse augmente légèrement avec la

concentration en calcium alors qu’à pH 11, la vitesse diminue et suit la tendance des cinétiques à

pH 11,7.

L’ensemble de ces évolutions confirment que :

- le calcium est à l’origine de ces cinétiques d’altération,

- le calcium agit sur la vitesse d’hydrolyse par deux mécanismes différents qui sont

fonction du pH, l’un surfacique à pH inférieur à 10 et l’autre volumique à pH supérieur à 11,

- le pH de transition se situe entre 10,5 et 11 à 50 °C.

III.3. Bilan du rôle antagoniste du calcium en régime de vitesse initiale

L’étude de l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial rend

compte de l’effet prépondérant du calcium qui est à l’origine d’une diminution d’un ordre de

grandeur de la vitesse initiale par rapport à un essai au même pH.

Figure III-13. Evolution de la vitesse de dissolution du quartz en présence de barium, de calcium et de

magnésium à différentes concentrations à 200°C et proche de la neutralité, d’après Dove et Nix [10].

Page 127: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

127

Afin d’étudier plus spécifiquement l’effet du calcium, des essais ont été menés sur une

gamme de pH étendue et à différentes concentrations en calcium. Il apparaît que la présence de

calcium conduit à une augmentation de la vitesse d’hydrolyse du réseau silicaté pour des pH

inférieurs à 10,5 alors qu’au-delà de pH 11, il conduit à une diminution de la vitesse d’hydrolyse.

Cette rupture dans l’évolution des cinétiques en présence de calcium met en évidence l’existence

de deux mécanismes différents qui sont fonction du pH.

Grâce à la littérature, les mécanismes à l’origine de ces cinétiques ont été discutés.

Il apparaît qu’à pH neutre, le calcium interagit avec le verre par un mécanisme surfacique : les ions

calcium forment des complexes métalliques avec les sites de surface du verre, ce qui favorise

l’hydrolyse de la liaison Si-O. Le calcium crée un nombre de sites métalliques plus important que

d’autres cations, ce qui affaiblit les liaisons silicatées et par conséquent, augmente la fréquence

d’hydrolyse de la liaison Si-O.

A pH basique supérieur à 11, la littérature est moins fournie concernant ce phénomène.

Néanmoins, la complémentarité de la littérature du verre et du ciment peut être interprétée pour

proposer un mécanisme d’altération. Au pH étudié, correspondant au domaine d’existence des

C-S-H, le calcium en solution présente une affinité pour le silicium de la pellicule d’altération. La

synergie Si-Ca au sein de cette couche conduit probablement à une restructuration de la pellicule

d’altération et donc à une modification de ses propriétés de transport. Cette couche de verre altéré

deviendrait alors une barrière diffusionnelle pour l’eau et les ions solvatés, conduisant à une

diminution de la fréquence de rupture des liaisons Si-O et donc à une diminution de la vitesse

d’altération.

L’étude des cinétiques d’altération à différentes concentrations en calcium confortent le fait que le

mécanisme à pH inférieur à 10 est surfacique alors qu’il devient volumique pour des pH

supérieurs à 11. Entre ces deux pH, début du domaine d’existence des C-S-H, ces deux mécanismes

doivent coexister et leur prédominance s’inverser.

L’une des perspectives de ce chapitre est d’approfondir l’étude de cette couche passivante

enrichie en calcium par XPS. L’obtention de la variation des rapports C/S et l’évolution des

énergies de liaisons par rapport à des références permettrait, par analogie, de converger sur

l’hypothèse formulée de l’hydrate métastable à l’origine de la période d’induction durant

l’hydratation du C3S.

Page 128: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

128

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[39] Garrault-Gauffinet S. et Nonat A., 1999, Experimental investigation of calcium silicate

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Page 130: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium

130

[40] Garrault S., Finot E., Lesniewska E. et Nonat A., 2005, Study of C-S-H growth on C3S

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Page 131: Thèse présentée pour obtenir le grade de

131

CHAPITRE V. INFLUENCE DU CALCIUM SUR

L’ALTERATION DU VERRE EN REGIME DE CHUTE DE

VITESSE

I. Le magnésium, alcalino-terreux constitutif des matériaux d’environnement du stockage et

son influence sur l’altération du verre ...................................................................................................134

I.1. Influence du magnésium sur l’altération du verre.................................................................134

I.2. Influence du magnésium de l’eau de Bure sur l’altération du verre ...................................136

I.3. Conclusion concernant l’effet du magnésium sur l’altération du verre..............................138

II. Etude de l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime de chute de

vitesse............................................................................................................................................................139

II.1. Conditions expérimentales ........................................................................................................139

II.2. Comparaison des cinétiques en eaux cimentaires et en eau désionisée ..............................139

II.3. Altération du verre en régime de chute de vitesse en solution S1 .......................................141

II.4. Altération du verre en régime de chute de vitesse en solution S2 .......................................143

II.5. Bilan sur l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime de chute de

vitesse......................................................................................................................................................147

III. Etude de l’influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse......148

III.1. Conditions expérimentales ........................................................................................................148

III.2. Cinétiques d’altération ...............................................................................................................149

III.2.1. Caractéristiques des cinétiques d’altération à partir des éléments mobiles.......................150

III.2.2. Comparaison des essais en présence de Portlandite et des essais témoins.........................151

III.3. Caractérisation des solides.........................................................................................................152

III.3.1. Essai témoin SS2b-50........................................................................................................152

III.3.2. Essais en solutions cimentaires en présence de Portlandite..............................................154

III.4. Bilan de l’influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse .162

III.4.1. Influence de la concentration en Portlandite et de la présence de KOH sur la formation de

la couche de C-S-H.........................................................................................................................162

III.4.2. Figures de dissolution .......................................................................................................166

IV. Détermination de vitesses initiales par le biais d’un protocole d’altération original ............168

IV.1. Validité des mesures de vitesses initiales à partir de ce protocole d’altération .................168

IV.2. Comparaison des vitesses initiales à partir de deux protocoles différents .........................168

IV.3. Origine des différences de vitesses en solution cimentaire avec et sans Portlandite ........171

V. Discussion et conclusion sur l’influence du calcium en régime de chute de vitesse..............172

V.1. Similitudes entre deux alcalino-terreux : le calcium et le magnésium ................................172

V.2. Analogie avec l’hydratation du ciment....................................................................................172

V.3. Conclusions : mécanismes et paramètres pilotant l’altération du verre .............................174

Page 132: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

132

V.3.1. Paramètres influents .........................................................................................................174

V.3.2. Schémas d’évolution des différents essais .........................................................................176

Références bibliographiques....................................................................................................................179

Page 133: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

133

Au cours du précédent chapitre, nous avons étudié l’influence des eaux cimentaires et plus

particulièrement du calcium, en régime de vitesse initiale. Nous avons mis en évidence son double

rôle qui est fonction du pH dans ce régime d’altération. En eaux cimentaires, l’incorporation du

calcium au sein de la pellicule d’altération engendre une rétention des éléments et une diminution

d’un ordre de grandeur de la vitesse initiale par rapport à son homologue en KOH.

L’objectif de ce chapitre est d’étudier l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du

verre en régime de chute de vitesse. Nous allons voir que dans ce régime d’altération, l’élément qui

joue le rôle prépondérant est également le calcium.

La première partie, bibliographique, s’attache à exposer l’influence du magnésium sur l’altération

du verre. Cet élément, présent dans certains verres mais également dans l’argilite du site de

stockage, présente de fortes similitudes avec le calcium concernant les mécanismes mis en jeu lors

de l’altération du verre.

Une première série d’essais en eaux cimentaires permet d’appréhender le rôle du calcium et les

mécanismes sous-jacents de l’altération. Sur la base de ces résultats, la mise en œuvre d’une

seconde série d’essais en solutions cimentaires en présence de Portlandite précise l’effet du calcium

à long terme sur l’altération du verre.

La dernière partie montre qu’à partir d’un protocole d’altération paramétré pour déterminer des

cinétiques de chute de vitesse, il est possible de mesurer des vitesses initiales. Ces résultats

confirment l’effet du calcium en régime de vitesse initiale observé dans les précédents chapitres.

Enfin, ce chapitre aboutit à une discussion générale sur l’influence du calcium sur l’altération du

verre. Nous mettons en évidence les paramètres clés qui permettent d’expliquer les différentes

cinétiques observées en fonction des conditions d’altération.

Page 134: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

134

I. Le magnésium, alcalino-terreux constitutif des matériaux

d’environnement du stockage et son influence sur l’altération

du verre

Dans le concept de stockage de l’Andra, le verre au sein duquel sont confinés les

radionucléides sera au contact de l’eau de site après quelques centaines voir milliers d’années.

Cette eau aura été au contact des différents matériaux constituant les barrières successives de

confinement, sa composition chimique sera donc complexe et variable. L’étude de l’effet des

matériaux d’environnement sur l’altération du verre s’avère nécessaire puisqu’ils peuvent

contribuer à modifier les mécanismes d’altération ainsi que les cinétiques associées.

De nombreux travaux ont été réalisés dans ce cadre précis sur les verres nucléaires HA en

présence de fer et de matériaux argileux. Des études plus paramétriques permettent de rendre

compte de l’effet spécifique d’éléments constitutifs d’un matériau d’environnement (ou de

solutions à l’équilibre avec ce matériau sans tenir compte des propriétés de transport). L’approche

expérimentale sur des systèmes simples permet de rendre compte des phénomènes majeurs et des

mécanismes dans des conditions d’altération spécifiques et maîtrisées.

Rappelons que l’altération d’autres matériaux du site de stockage que le verre est étudiée,

l’argilite par exemple. Ce matériau constitue une des dernières barrières de confinement avant la

biosphère et présente une importante capacité de rétention des radioéléments. Cependant, ces

propriétés peuvent être dégradées en présence d’autres matériaux d’environnement, notamment

les matériaux cimentaires [1-3].

Nous tachons ici de présenter l’influence du magnésium, élément constitutif de certains

verres mais également de l’argilite du Callovo-Oxfordien, sur l’altération du verre. Comme nous le

verrons par la suite, cet alcalino-terreux présente de fortes similitudes avec le calcium concernant

les mécanismes d’altération du verre.

I.1. Influence du magnésium sur l’altération du verre

Le magnésium est à la fois un élément présent dans les eaux souterraines des sites

potentiels de stockage mais il fait également parti de la composition de certains verres nucléaires.

Son rôle a été étudié et mis en avant dans différentes conditions d’altération, qu’il soit présent dans

la composition du verre ou bien dans la solution d’altération.

Les travaux de Thien [4] portent sur l’étude de 25 verres AVM (Atelier de Vitrification de

Marcoule), altérés en eau désionisée à 50 °C durant 10 ans. Les verres AVM présentent la

particularité de contenir du magnésium (en % massique : 2,5 % < MgO < 7,5 %). Malgré de faibles

variations de composition, ces 25 verres présentent des comportements différents, tant au niveau

de la quantité de verre altéré que de la vitesse résiduelle. Le point commun à la quasi-totalité de ces

verres est la présence d’une phase secondaire contenant du magnésium, une smectite

trioctaèdrique. L’étude spécifique de deux des 25 verres (AVM6 et AVM10), présentant des degrés

Page 135: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

135

d’altération extrêmes dans le domaine d’étude, ont permis de mettre en évidence un double rôle

du magnésium. L’ajout de magnésium au sein de la solution altérante provoque la formation

massive de smectites trioctaèdriques pour les deux verres [5]. Cependant, la répercussion sur les

cinétiques d’altération ainsi que sur les quantités de verre altéré sont remarquablement différentes.

Dans le cas de l’AVM10, les cinétiques d’altération et les quantités de verre altéré augmentent,

alors que dans le cas de l’AVM6, ces paramètres diminuent malgré la précipitation des phases

secondaires. Le phénomène suspecté d’être à l’origine de ce ralentissement de l’altération est

l’incorporation du magnésium au sein du gel, qui renforcerait son caractère passivant. Des

expériences sur des verres ne contenant pas de magnésium, altérés dans des solutions riches en cet

élément, ont permis de valider cette hypothèse. Les verres AVM étant dépourvus de calcium, seuls

le sodium et le magnésium peuvent compenser les charges négatives induites par la présence

d’aluminium tétraédrique au sein du gel. Lorsque le sodium est compensateur de charges, il

semble que le coefficient de diffusion dans le gel soit plus élevé que dans le cas du magnésium. Le

rôle du magnésium est donc intimement lié à la composition du verre et celle de la solution

d’altération. Le pH joue également un rôle clé, puisqu’entre 9 et 9,5, la formation de phases

secondaires silico-magnésiennes est favorisée alors qu’entre pH 8,2 et 8,5, le magnésium aurait

tendance à s’incorporer dans le gel.

Les verres Magnox (MW), équivalent anglais des verres AVM, contiennent également du

magnésium. Lixivié en eau désionisée à 90 °C durant 12 ans, le verre MW s’altère environ 10 fois

plus rapidement que le verre SON68 en régime de vitesse résiduelle [6]. Les caractérisations des

solides ont révélé la présence d’argiles riches en magnésium dont la composition est intermédiaire

entre la montmorillonite, la saponite et l’hectorite.

L’influence du magnésium comme élément constitutif de la solution altérante a également

été étudiée : sur des verres simples [7], sur des verres nucléaires comme nous venons de le voir [4]

ainsi que dans des systèmes intégraux [8].

En présence d’hydromagnésite, l’altération d’un verre simplifié à six oxydes augmente par rapport

à l’eau désionisée, à cause de la formation de silicates magnésiens [7]. Le magnésium provenant de

la dissolution de l’hydromagnésite réagit avec le silicium du verre pour former ces phases

secondaires.

Le dépouillement d’une expérience intégrale de 25 ans d’altération d’un bloc de verre SON68 en

milieu granitique a permis également de montrer la formation de telles phases, silico-

magnésiennes [8]. Le magnésium provient dans ce cas de la mise à l’équilibre avec le milieu

granitique (1% massique de MgO) avant injection de solution dans le réacteur contenant le bloc de

verre. L’analyse de la solution de lixiviation révèle qu’elle est dépourvue de magnésium. La

formation de phyllosilicates magnésiens serait donc à l’origine de l’entretien d’une vitesse

constante à long terme supérieure à la vitesse résiduelle en solution granitique maintenue à une

faible teneur en magnésium (6 - 8 mg.L-1). Ainsi, le magnésium de la solution altérante renouvelée

fréquemment joue un rôle majeur dans l’augmentation de la dissolution du verre.

Page 136: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

136

Qu’il soit présent au sein du verre ou en solution, le rôle du magnésium est double :

- le magnésium induit la formation de phases secondaires silico-magnésiennes consommatrices

de silicium qui activent l’altération du verre. Cependant, cette précipitation est auto-régulée

puisque la précipitation de ces phases, en diminuant le pH, ralentit leur formation,

- le magnésium peut s’incorporer dans le gel comme compensateur de charge à la place du

sodium et augmenter ainsi le caractère passivant de cette couche.

Ce double rôle est fonction de la formation de phases secondaires, du pH, de la composition du

verre et de celle de la solution d’altération.

I.2. Influence du magnésium de l’eau de Bure sur l’altération du verre

L’eau de Bure est en équilibre avec l’argilite du site de stockage, elle est appelée également

eau du COx pour Callovo-Oxfordien. Son pH est de 7,2 à 25 °C (6,01 à 90 °C), elle contient du

magnésium, calcium, silicium et des anions [9]. L’influence de l’eau de Bure a été étudiée sur

différentes compositions de verre et à différents régimes d’altération. La majorité des expériences

ont été réalisées sur le verre SON68.

En régime de chute de vitesse et de vitesse résiduelle, l’eau de Bure a une influence

défavorable sur l’altération du verre SON68 car elle conduit à une augmentation à la fois de la

vitesse et de la quantité de verre altéré par rapport à un milieu en eau désionisée [9].

Jollivet et al. [9] ont montré que l’élément jouant le rôle prépondérant était le magnésium. Deux

phénomènes expliquent ce comportement. D’une part, le magnésium précipite sous forme de

phases silico-magnésiennes à l’interface gel / solution, ce qui a pour conséquence de dissoudre une

partie du gel. D’autre part, la précipitation de cette phase engendre une diminution de pH, ce qui

conduit à augmenter la diffusivité de la pellicule d’altération. En Figure I-1 est illustrée l’évolution

anti-corrélée de la consommation du magnésium et de l’augmentation des pertes de masse

normalisées des traceurs en solution à deux rapports S/V différents.

(a) (b)

Figure I-1. Evolution anti-corrélée des traceurs de l’altération (NL(B), NL(Na), NL(Li)) et de la

consommation du magnésium (concentration en Mg) au cours du temps à des rapports S/V de (a) 3 cm-1 et (b)

10 cm-1, d’après [9].

Page 137: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

137

On constate que plus la surface de verre disponible est importante, plus la vitesse de

consommation de magnésium augmente, le régime de chute de vitesse est donc d’autant plus

rapide. Après consommation du magnésium en solution, la vitesse d’altération du verre est

équivalente à celle en eau désionisée. Jollivet et al montrent également que la cinétique de

précipitation du magnésium évolue linéairement en fonction du flux de silicium provenant de la

dissolution du verre.

En régime de chute de vitesse et vitesse résiduelle, l’augmentation des cinétiques d’altération du

verre SON68 ainsi que des quantités de verre altéré en eau de Bure par rapport à l’eau

désionisée est due à la présence de magnésium qui favorise la précipitation de phases silico-

magnésiennes avec le silicium provenant de la dissolution du gel. Le maintien de telles vitesses

dépend de la surface de verre exposée (et donc du flux de silicium provenant du verre), de la

concentration en magnésium en solution et de son éventuel renouvellement en condition de

stockage.

L’influence de l’eau de Bure a également été observée sur les verres AVM [4].

Contrairement à l’altération du verre SON68, l’eau de Bure a un effet favorable ou neutre sur

l’altération de ces verres. Les deux paramètres de l’eau de Bure qui permettent de conserver ou

bien de diminuer l’altération par rapport à celle en eau désionisée sont à la fois la teneur en

calcium et le pH relativement faible de la solution. Rappelons que les verres de l’ensemble du

domaine de composition ne contiennent pas de calcium mais du magnésium, contrairement au

verre SON68. Le calcium présent en solution va remplacer le magnésium comme compensateur de

charges au sein du gel. Thien [4] a montré que le gel présente une affinité qui est fonction de la

nature du cation : Ca2+ > Mg+ > Na+. La composition du gel (et du verre) est donc un élément clé du

comportement du verre en eau désionisée et en eau de Bure. En effet, dans le cas d’un verre dont

les charges induites par la présence d’aluminium sont compensées par du magnésium, son

comportement sera inchangé en présence de calcium puisque celui-ci s’insèrera à la place du

magnésium dans le gel pour maintenir son caractère passivant. Dans le cas d’un verre dont les

charges au sein du gel sont compensées majoritairement par du sodium, le calcium le remplaçant,

la vitesse d’altération va être diminuée par rapport à une altération en eau désionisée. Le pH joue

également un rôle important, car du fait de sa valeur plus faible en eau de Bure, il limite la

précipitation de phases secondaires silico-magnésiennes.

Le calcium contenu dans l’eau de Bure agit comme compensateur de charges de l’aluminium

dans la pellicule d’altération des verres AVM et augmente son caractère passivant. La

composition du verre et donc celle de la pellicule d’altération détiennent un rôle clé sur

l’influence qu’a l’eau de Bure sur l’altération du verre.

Page 138: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

138

I.3. Conclusion concernant l’effet du magnésium sur l’altération du verre

Le magnésium, provenant du verre ou fourni par l’environnement en conditions de

stockage profond, peut avoir :

- une influence défavorable sur le verre dans le cas de la précipitation de phases secondaires

qui déstabilise, voire dissout, une partie du gel et modifie ses propriétés structurales, chimiques et

morphologiques,

- une influence favorable lorsque l’élément s’insère dans le gel comme compensateur de

charges.

Ainsi, l’influence de la nature de la solution lixiviante sur l’altération du verre, caractérisée par sa

composition chimique et son pH, dépend de la composition du verre, des conditions d’altération

(S/V, température), de l’évolution du pH au cours de l’altération. Le poids de chacun de ces

paramètres conditionne les quantités de verre altéré ainsi que la cinétique d’altération du verre. La

composition, la structure et la morphologie de la pellicule d’altération sont fondamentales

puisqu’elles induisent ses propriétés de transport et de stabilité vis-à-vis de la solution altérante.

Page 139: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

139

II. Etude de l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du

verre en régime de chute de vitesse

II.1. Conditions expérimentales

Cinq expériences sont menées à 200 cm-1 et à 50 °C (Tableau II-1) :

- en solution S1, avec le verre CSD-B (CS1) et le verre VS (SS1),

- en solution S2, avec le verre CSD-B (CS2) et le verre VS (SS2)

- en eau désionisée, avec le verre CSD-B (CEP) (expérience de référence).

Pour l’ensemble des expériences, la fraction granulométrique utilisée est de 20 - 40 µm, la surface

spécifique associée mesurée par BET est de 1780 et de 1585 cm2.g-1, respectivement pour le verre

CSD-B et le verre VS (l’incertitude associée est de 10 %). 7,9 g de poudre de verre sont immergés

dans 70 mL de solution lixiviante dans un réacteur en Téflon. Les expériences sont menées en étuve

en boîte à gants pour éviter tout phénomène de carbonatation. Le pH est laissé libre. Les pH des

solutions tampons utilisées sont de 9,81 et 12,00 à 25 °C. Les prélèvements de solution sont

effectués à différentes échéances. Le lixiviat est directement filtré avec un filtre-seringue GHP 0,45

µm en boîte à gants, avant d’être sorti pour être acidifié à l’acide nitrique 0,5 N, puis conservé au

réfrigérateur en attente de l’analyse ICP-AES. Certains éléments sont systématiquement dosés : Si,

B, Na, Li, Al, Ca, tandis que d’autres dépendent de la composition du verre (Mo pour le verre CSD-

B) et de la solution d’altération (K en solution S1).

Des prélèvements de solide sont effectués à certaines échéances. La poudre de verre altéré est

observée au MEB en observation directe et en section polie si nécessaire.

Tableau II-1. Récapitulatif des tests statiques à fort rapport S/V menés en solution S1, S2 et en eau

désionisée à 50°C.

Référence Verre Solution Granulométrie

(µm)

S/V

(cm-1)

m verre

(g)

V solution

(mL)

CS1 CSD-B S1 20 - 40 200 7,86 70

SS1 VS S1 20 - 40 200 7,86 70

CS2 CSD-B S2 20 - 40 200 7,86 70

SS2 VS S2 20 - 40 200 7,86 70

CEP CSD-B eau désionisée 20 - 40 200 7,86 70

II.2. Comparaison des cinétiques en eaux cimentaires et en eau désionisée

La Figure II-1 représente les pertes de masse normalisées en lithium, élément traceur de

l’altération dans ces expériences, en fonction du temps pour les quatre expériences en eaux

cimentaires et celle en eau désionisée. Les cinétiques des expériences réalisées en solution S1 sont

représentées jusqu’à 269 jours d’altération car au-delà de cette échéance, un régime de reprise

Page 140: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

140

d’altération débute comme nous le verrons au chapitre suivant. Pour les essais en solution S1, les

pertes de masse normalisées sont sensiblement différentes entre le verre CSD-B et le verre VS.

Dans le cas des essais menés en solution S2, les pertes de masse normalisées en lithium ne sont pas

significativement différentes. Il semble donc que pour cette solution d’altération, les éléments

mineurs de la composition du verre n’aient pas d’influence significative.

0,00

0,05

0,10

0,15

0,20

0,25

0,30

0 100 200 300 400 500 600 700

Temps (j)

NL(

Li)

(g.m

-2)

CS1

CS2

CEP

SS1SS2

Figure II-1. Comparaison des pertes de masse normalisées en lithium pour les tests CS1, SS1, CS2, SS2 et

CEP à 50°C. Des problèmes d’analyses ont eu lieu pour les points à 43 et 70 jours d’altération dans les

essais CS1 et SS1.

Comparativement au test de référence mené en eau désionisée, le degré d’altération du

verre CSD-B à la dernière échéance est plus important, d’un facteur 2,1 et 1,6 en solution S1 et S2

respectivement (Tableau II-2). Les cinétiques d’altération en solution S1 ne sont pas comparées aux

essais en solution S2 et en eau désionisée à de plus courtes échéances à cause de la fluctuation des

points suite à un problème d’analyse. Cependant, il convient de remarquer que les vitesses des

essais CS2 et CEP ne sont pas significativement différentes.

Tableau II-2. Caractéristiques des cinétiques d’altération des expériences CS1, SS1, CS2, SS2 et CEP : vitesse

d’altération V(Li), pourcentage de verre altéré (VA(Li)), facteur de rétention du bore par rapport au lithium

(FR(B)), épaisseur équivalente en lithium (EE(Li)). La vitesse d’altération est calculée entre les échéances

indiquées. Les trois derniers paramètres sont donnés à l’échéance finale.

Référence Echéance

(j)

V(Li)

(g.m-2.j-1)

VA(Li)

(%) FR(B)

EE(Li)

(nm)

CS1 123 - 269 2,5.10-4 ± 71,4 % 3,8 0,13 84,7

SS1 123 - 269 5,4.10-4 ± 53,3 % 2,3 0,25 59,0

CS2 177 - 647 3,1.10-5 ± 56,3 % 2,9 0,16 64,6

SS2 177 - 647 V(Na)

2,2.10-5 ± 50,0 % 2,3 0,16 58,3

CEP 142 - 613 5,8.10-5 ± 31,9 % 1,9 0,08 44,8

Page 141: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

141

Le pH des essais CS1 et SS1 fluctue dans l’intervalle de confiance à 12,5 ± 0,2 et ne montre

pas de tendance spécifique. En revanche, en solution S2, le pH diminue d’environ une unité durant

les 30 premiers jours d’altération, puis il reste constant à 10,7 ± 0,2. Le pH de l’expérience CEP se

maintient autour de 9,8 ± 0,2.

Il convient de noter que le bore, habituellement traceur de l’altération en eau

désionisée [10], est ici plus retenu que le lithium dans les essais en eaux cimentaires. Cette

différence s’explique (i) soit par une rétention sélective du bore au sein du verre altéré, (ii) soit par

une réactivité du bore avec le calcium en solution pour former des phases secondaires.

En raison d’un relâchement plus important sur les échéances courtes, le degré d’altération du

verre CSD-B altéré en solution S2 est supérieur à celui en eau désionisée. Cependant, la vitesse

d’altération sur les échéances longues n’est pas significativement différente de celle en eau

désionisée au vu des incertitudes.

II.3. Altération du verre en régime de chute de vitesse en solution S1

Il convient à présent d’analyser les évolutions des pertes de masses normalisées des

éléments lixiviés du verre pour les essais CS1 (Figure II-2) et SS1 (Figure II-3).

0,00

0,05

0,10

0,15

0,20

0,25

0,30

0 50 100 150 200 250 300

Temps (j)

NL

i (g.

m-2

)

0

10

20

30

40

Si B Al

Li Na Ca

CS1

[Ca]

(m

g.L

-1)

Figure II-2. Evolution des pertes de masse normalisées en Li, B, Si, Al, Na et de la concentration en Ca de la

solution en fonction du temps lors de l’essai CS1. Les traits en pointillés sont un guide pour les yeux.

Les relâchements en sodium, en lithium et en bore sont assez congruents. Le silicium et

l’aluminium sont fortement retenus. Ces évolutions sont similaires à celle d’une chute de vitesse en

eau désionisée. Cependant, la concentration en calcium en solution, reportée sur l’axe droit des

ordonnées, chute brutalement, et ce, dès le premier jour d’altération. Ce résultat est valable pour

les deux essais CS1 et SS1. Sa concentration après un jour d’altération fluctue par la suite entre 0,2

et 2 mg.L-1.

Page 142: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

142

0,00

0,05

0,10

0,15

0,20

0 50 100 150 200 250 300

Temps (j)

NL

i (g.

m-2

)

0

10

20

30

40Si B AlLi Na Ca

SS1

[Ca]

(m

g.L

-1)

Figure II-3. Evolution des pertes de masse normalisées en Li, B, Si, Al, Na et de la concentration en Ca de la

solution en fonction du temps lors de l’essai SS1. Les traits en pointillés sont un guide pour les yeux.

Un prélèvement réalisé à 123 jours d’altération révèle l’existence de deux types de phases

secondaires en surface des grains de verre altéré. Les premières phases correspondent aux

phyllosilicates dont la précipitation naissante est clairement visible (Figure II-4 (a)). Les amorces de

phyllosilicates sont très peu denses mais réparties de façon homogène à la surface des grains de

verre. La seconde phase, elle aussi peu dense, se présente sous forme d’amas filamenteux de

l’ordre de quelques microns (Figure II-4 (b)). Ces phases sont très enrichies en calcium par rapport

au verre et d’après leur morphologie, il est possible que ce soit des phases de type C-(A)-S-H.

La consommation brutale de calcium dès le premier jour indique que ces phases nucléent

rapidement en surface du verre.

(a) (b)

Figure II-4. Images MEB de la surface de grains de verre prélevés de l’essai CS1 à 123 jours d’altération.

Présence de phases filamenteuses et peu denses sous forme d’amas.

Dès le premier jour, l’altération du verre en solution S1 conduit à une consommation du calcium

pour former des phases secondaires probablement de type C-(A)-S-H. Cette phase contrôle par

la suite la concentration en calcium de la solution.

Page 143: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

143

II.4. Altération du verre en régime de chute de vitesse en solution S2

Les cinétiques d’altération des deux verres en solution S2 sont représentées en Figure II-5 et

Figure II-6. De même que dans les deux essais précédents (CS1 et SS1), les départs du lithium et du

sodium sont congruents compte-tenu des incertitudes sur les pertes de masse normalisées. Les

départs du sodium et du bore le sont également. Cependant, le lithium est lixivié

préférentiellement par rapport au bore puisque leurs incertitudes sur les pertes de masse

normalisées sont significativement différentes, ce qui est en accord avec le facteur de rétention du

bore (Tableau II-2).

La solubilité du silicium et de l’aluminium augmente avec le pH, d’où un seuil de concentration

(ou pertes de masse normalisées) supérieur en solution cimentaire S1 que S2.

0,00

0,04

0,08

0,12

0,16

0,20

0 200 400 600

Temps (j)

NL

i (g.

m-2

)

0

100

200

300

400

500

600Si B Na

Al Li Ca

CS2

[Ca]

(m

g.L

-1)

Figure II-5. Evolution des pertes de masse normalisées en Li, B, Si, Al, Na et de la concentration en Ca de la

solution en fonction du temps lors de l’essai CS2. Les traits en pointillés sont un guide pour les yeux.

0,00

0,04

0,08

0,12

0,16

0,20

0 200 400 600

Temps (j)

NL

i (g.

m-2

)

0

100

200

300

400

500

600Si B Na

Al Li Ca

[Ca]

(m

g.L

-1)

SS2

Figure II-6. Evolution des pertes de masse normalisées en Li, B, Si, Al, Na et de la concentration en Ca de la

solution en fonction du temps lors de l’essai SS2. Les traits en pointillés sont un guide pour les yeux.

De la même façon que dans les essais en solution S1, le calcium, initialement présent en

solution à une teneur de 512 mg.L-1, est consommé très rapidement pour atteindre des

Page 144: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

144

concentrations variant entre 15 et 25 mg.L-1. Cette consommation brutale est anti-corrélée au

relâchement du silicium, aussi bien dans l’essai CS2 (Figure II-7 (a)) que dans l’essai SS2 (Figure

II-7 (b)). Ce comportement est similaire à celui observé dans les essais sur le verre SON68 en eau de

Bure avec le magnésium [9].

(a)

0

4

8

12

16

20

0 5 10 15Temps (j)

[Si]

(mg.

L-1

)

0

200

400

600Si

Ca

[Ca]

(m

g.L

-1)

CS2

(b)

0

10

20

30

40

50

0 5 10 15Temps (j)

[Si]

(mg.

L-1

)

0

200

400

600Si

Ca

[Ca]

(m

g.L

-1)

SS2

Figure II-7. Evolution des concentrations en silicium et calcium durant les 15 premiers jours d’altération

dans les essais (a) CS2 et (b) SS2.

Un prélèvement de solide réalisé à 219 jours d’altération permet de constater la prise en

masse des grains de verre altéré au fond du réacteur. Des observations au MEB mettent en

évidence la formation de phases secondaires en surface des grains de verre (Figure II-8), similaires

à celles observées dans les essais en solution S1.

(a) (b)

(c)

Figure II-8. Observations MEB des grains de verre prélevés à 219 jours d’altération de l’essai (a) et (b) SS2

et (c)CS2. Présences d’amas filamenteux de C-(A)-S-H en surface des grains et de corrosion par piqûres.

Page 145: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

145

Une section polie de ces grains agglomérés rend compte de la présence de ces phases secondaires

entre les grains de verre (Figure II-9 (a)). D’après la cartographie de la Figure II-10, cette phase est

très riche en calcium et en silicium.

(a) (b)

Figure II-9. Section polie de grains de verre prélevés de l’essai SS2 à 219 jours d’altération. (a) Présence de

phase cimentaire entre les grains de verre. (b) Piqûres visibles sur la tranche d’un grain de verre.

Figure II-10. Cartographie EDS d’un grain de verre de la Figure II-9 (a) (verre VS altéré 219 jours en solution

S2 à 50°C).

L’ensemble de ces informations suggère qu’il s’agit d’une phase de type C-(A)-S-H :

- par la teneur importante en calcium et silicium de ces phases au vu de la caractérisation

des solides,

- par la prise en masse des grains de verre, phénomène cohérent avec celui observé lors de

la précipitation de C-S-H au cours de l’hydratation d’un ciment [11, 12],

- par l’évolution anti-corrélée des concentrations en calcium et en silicium.

A partir des pertes de masse normalisées en traceur (Li) et en silicium, une quantité de silicium

consommée peut être déterminée. En supposant (i) que la totalité du calcium consommé contribue

à la formation de ces phases et (ii) que le silicium ne se recondense pas pour former la pellicule

Ca Si

Al Na Si - Ca

Page 146: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

146

d’altération, les rapports C/S des phases précipitées sont calculés et représentés en Figure II-11. Les

valeurs de ces rapports sont cohérentes avec celles connues des phases C-S-H (0,6 < C/S < 1,5), qui

sont fonction de la concentration en calcium dans la solution d’équilibre [13]. Le rapport C/S

calculé à la première échéance est probablement le plus réaliste compte-tenu des hypothèses.

0,4

0,6

0,8

1,0

1,2

0 2 4 6 8Temps (j)

Rap

port

C/S

CS2

SS2

Figure II-11. Evolution des rapports C/S estimatifs des phases de type C-(A)-S-H précipitées en surface des

grains de verre dans les essais CS2 et SS2.

La concentration en calcium, environ dix fois supérieure à celle en solution S1, ainsi que sa

consommation quasi-totale est cohérente avec une densité de phase en surface des grains plus

importante et donc une prise en masse des grains de verre.

Rappelons qu’aux premières échéances de l’expérience, le pH diminue d’environ une unité. Cette

variation est également en accord avec la précipitation de ces phases qui s’accompagne d’une

baisse de pH.

Les éléments constitutifs de la phase, la prise en masse des grains de verre, l’évolution anti-

corrélée des concentrations en silicium et en calcium ainsi que la chute de pH confortent donc

notre hypothèse quant à la nature de la phase qui précipite, de type C-(A)-S-H.

Remarquons que la surface du verre présente des figures d’altération particulières, sous

forme de piqûres (Figure II-8). Leur forme est irrégulière et leur taille moyenne varie suivant la

composition du verre : le diamètre moyen des piqûres est de l’ordre de 30 nm pour le verre CSD-B

alors qu’il est de l’ordre de 300 nm pour le verre VS. Grâce à l’observation au MEB d’un grain de

verre altéré sur la tranche, le profil des piqûres est clairement visible (Figure II-9 (b)). Les trous

présents en surface des grains de verre sont d’une profondeur similaire. L’épaisseur d’altération du

verre est évaluée à environ 200 nm. A 219 jours d’altération, l’épaisseur équivalente de verre altéré

en lithium est de 57 nm. Malgré le manque d’observations MEB et donc de représentativité du

système, ces valeurs semblent cohérentes pour formuler l’hypothèse que le volume de verre altéré

correspondrait au volume des piqûres avant leur dissolution.

Concernant ce mode de dissolution jusque-là peu observé et encore inexpliqué [14, 15], des

questions subsistent :

Page 147: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

147

- cette corrosion spécifique est-elle liée à l’altération en milieu basique ?

- la présence de calcium joue-t-elle un rôle ?

A cause de la forte réactivité du calcium avec le silicium lixivié, le calcium est consommé après

quelques dizaines de jours par la formation de phases de type C-(A)-S-H. Cette phase se forme

en surface des grains de verre et conduit à une prise en masse de l’ensemble de la poudre. Le pH

et / ou la présence de calcium en concentration importante semblent être à l’origine d’une

altération spécifique du verre, dite de « corrosion par piqûres ». Le verre s’altère par piqûres

dont le front de progression semble parallèle à la surface des grains de verre.

II.5. Bilan sur l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en

régime de chute de vitesse

Ces expériences en solutions cimentaires présentent toutes la même particularité : le

calcium initialement présent en solution réagit avec le silicium lixivié provenant du verre pour

former des phases secondaires de type C-(A)-S-H.

La formation de ces phases contrôlent l’activité en calcium [16]. Dès les premières échéances, la

concentration en calcium atteint la limite de solubilité de la phase, ce qui conduit à maintenir un

relâchement important en silicium. En théorie, le rapport C/S des phases C-(A)-S-H est donc amené

à diminuer.

La brusque chute de la concentration en calcium indique que la cinétique de

nucléation / précipitation de la phase de type C-(A)-S-H est rapide. La précipitation de cette phase

durant une courte période engendre un degré d’altération à plus long terme supérieur en solutions

S1 et S2 par rapport à l’eau désionisée. Lorsque le calcium est consommé en quasi-totalité, la

vitesse d’altération du verre est équivalente à celle en eau désionisée. Le calcium présent en

solution a donc un effet similaire à celui du magnésium, présent sous forme d’hydromagnésite [7]

ou encore dans l’eau de Bure [9].

Ces expériences permettent de rendre compte de la réactivité du calcium et du silicium mais la

consommation du calcium et l’altération postérieure similaire à celle en eau désionisée ne

permettent pas de déterminer à long terme l’influence du calcium sur l’altération du verre.

La question qui se pose est de savoir si le maintien de la concentration en calcium et du pH à long

terme conduisent à une réaction préférentielle du silicium à précipiter sous forme de phases

secondaires plutôt qu’à recondenser pour former une pellicule d’altération passivante.

Des expériences similaires ont donc été réalisées pour rendre compte de l’influence du calcium à

long terme sur l’altération du verre en maintenant des concentrations en calcium constantes.

Page 148: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

148

III. Etude de l’influence du calcium sur l’altération du verre en

régime de chute de vitesse

III.1. Conditions expérimentales

Afin d’étudier l’effet du calcium sur l’altération du verre à moyen terme, sa concentration

doit être maintenue constante en solution au cours de l’essai. Pour cela, de la chaux est ajoutée en

excès aux expériences en eaux cimentaires. De cette façon, le pH et la concentration en calcium sont

maintenus constants par redissolution de la Portlandite en excès. Le terme de Portlandite sera

utilisé par la suite car la chaux (CaO) s’hydrate instantanément dans l’eau pour former de la

Portlandite (Ca(OH)2).

Quatre expériences en présence de Portlandite et deux expériences témoins en eau à pH

ajusté sont réalisées. Les essais sont menés à un rapport S/V de 10 cm-1 avec le verre VS à 30 °C et

50 °C. Le rapport S/V a été choisi de façon à diminuer la surface réactive de verre (et donc le flux de

silicium) et ainsi permettre de compenser la quantité de calcium consommée par une dissolution

suffisamment rapide de la Portlandite. Le rapport massique de chaux sur verre est de 1. Les

expériences témoins réalisées à 50 °C permettent de distinguer l’effet du pH de l’effet du calcium

sur l’altération du verre puisqu’il s’agit d’altérations dans une solution d’eau à pH ajusté (KOH)

aux mêmes pH que les eaux cimentaires. Dans ces essais témoins, le pH est réajusté au cours du

temps. Le protocole d’altération est le même que celui décrit au paragraphe II.1. Le Tableau III-1

présente les caractéristiques des six essais réalisés.

Tableau III-1. Récapitulatif des tests menés en solution S1, S2 en présence de Portlandite et en eau à pH

ajusté à 50°C.

Référence Verre Solution Granulométrie

(µm)

S/V

(cm-1)

m verre

(g)

V solution

(mL)

T

(°C)

SS1P-50 VS S1 + CaO 40 - 80 10 1,5 150 50

SS1P-30 VS S1 + CaO 40 - 80 10 1,5 150 30

SS1b-50 VS eau à pH

ajusté (KOH) 40 - 80 10 1,5 150 50

SS2P-50 VS S2 + CaO 40 - 80 10 1,5 150 50

SS2P-30 VS S2 + CaO 40 - 80 10 1,5 150 30

SS2b-50 VS eau à pH

ajusté (KOH) 40 - 80 10 1,5 150 50

L’essai témoin SS1b-50 s’arrête à 154 jours d’altération suite à un problème d’évaporation.

Les autres expériences ont été arrêtées après environ un an d’altération. Les essais en présence de

Portlandite se présentent de la même façon avec :

- au fond du réacteur, un matériau solide formé de l’ensemble des grains de verre et de

phases cimentaires,

- en suspension, une phase solide sous forme de petits amas. Cette phase a été filtrée à

l’isopropanol pour évacuer les molécules d’eau, séchée puis caractérisée en DRX.

Page 149: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

149

III.2. Cinétiques d’altération

Dans tous les essais, la plupart des pertes de masse normalisées en sodium et en lithium ne

sont pas significativement différentes, néanmoins, celles en sodium sont souvent supérieures.

Les pertes de masse normalisées des éléments lixiviés du verre sont présentées dans les Figure

III-1, Figure III-2 et Figure III-3.

0

1

2

3

4

5

6

0 100 200 300

Temps (j)

NL

i (g.

m-2

)

Si B AlLi Na

SS1P-50

0

1

2

3

4

5

6

7

0 100 200 300

Temps (j)N

Li (

g.m

-2)

Si B AlLi Na

SS1P-30

Figure III-1. Evolution des pertes de masse normalisées en Li, B, Si, Al, Na, Ca dans les essais SS1P-50 et

SS1P-30.

0

1

2

3

4

5

6

0 100 200 300

Temps (j)

NL

i (g.

m-2

)

Si B AlLi Na

SS2P-50

0

1

2

3

4

0 100 200 300

Temps (j)

NL

i (g.

m-2

)

Si B Al

Li Na

SS2P-30

Figure III-2. Evolution des pertes de masse normalisées en Li, B, Si, Al, Na, Ca dans les essais SS2P-50 et

SS2P-30.

0

1

2

3

4

5

0 50 100 150

Temps (j)

NL

i (g.

m-2

)

Si B NaCa Al Li

SS1b-50

0,0

0,4

0,8

1,2

1,6

0 100 200 300

Temps (j)

NL

i (g.

m-2

)

Si B AlLi Na Ca

SS2b-50

Figure III-3. Evolution des pertes de masse normalisées en Li, B, Si, Al, Na, Ca dans les essais SS1b-50 et

SS2b-50.

Page 150: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

150

Les pH des essais SS1P-50 et SS1b-50 sont tous deux de 12,6 ± 0,2. Ceux des expériences

SS2P-50 et SS2b-50 sont respectivement de 11,7 ± 0,2 et 11,8 ± 0,2, ils ne sont donc pas

significativement différents. Les tests témoins sont bien maintenus au même pH que leur test

associé en Portlandite. Pour les expériences menées à 30 °C, les pH sont de 13,0 ± 0,2 et 12,3 ± 0,2

respectivement en solution S1 et S2. Le pH des solutions tamponnées par la Portlandite sont bien

maintenus à une valeur moyenne, il en est de même pour les tests témoins.

Les différences majeures sur l’évolution des pertes de masse normalisées entre les essais

réalisés en présence de Portlandite et les essais témoins sont :

- les seuils de solubilité du silicium et de l’aluminium. Dans les essais en eaux cimentaires,

la concentration de l’aluminium est entre 4 et 7 fois inférieure à celle en eau à pH ajusté. De même,

la concentration en silicium est entre 50 et 75 fois inférieure en présence de Portlandite,

- le bore est plus retenu dans les essais en solution S2 qu’en solution S1,

- les pertes de masse normalisées en calcium des expériences témoins sont très faibles,

- le régime de vitesse résiduelle est rapidement atteint dans les tests témoins alors que

l’augmentation des pertes de masse normalisées des traceurs en solutions cimentaires reste

importante.

III.2.1. Caractéristiques des cinétiques d’altération à partir des éléments mobiles

Le Tableau III-2 présente les vitesses d’altération ainsi que les caractéristiques d’altération

des 6 essais. Les vitesses sont déterminées par régression linéaire pondérée des pertes de masses

normalisées en lithium et en sodium.

Les valeurs de vitesses en solution S1 sont à considérer avec prudence au vu de l’évolution bruitée

des pertes de masse normalisées et des incertitudes associées. La fluctuation des NL(Na) et NL(Li)

peut être due à une réaction de sorption sur des phases secondaires.

La vitesse en lithium dans l’essai SS1b-50 est prise en 3 points non alignés, ce qui explique

l’incertitude associée. Il convient donc de considérer la vitesse à partir du sodium.

Tableau III-2. Caractéristiques des cinétiques d’altération des essais en Portlandite et en eau à pH ajusté à

partir du sodium et du lithium : vitesse d’altération, pourcentage de verre altéré, épaisseur équivalente. Les

deux derniers paramètres sont donnés à l’échéance finale. Les valeurs soulignées sont données à titre

indicatif mais ne doivent pas être considérées à cause des incertitudes associées à la vitesse.

Référence Echéance

(j)

V(Na)

(g.m-2.j-1)

V(Li)

(g.m-2.j-1)

VA(Na)

(%)

VA(Li)

(%)

EE(Na)

(µm)

EE(Li)

(µm)

SS1P-50 166-344 -2,0.10-4 ± 4735% 3,9.10-3 ± 121% 40,0 29,7 1,9 1,3

SS1P-30 153-332 1,3.10-2 ± 53% 6,5.10-3 ± 74% 48,0 39,2 2,3 1,8

SS1b-50 35-154 1,9.10-3 ± 0,2% -5,8.10-4 ± 1168% 34,9 27,3 1,6 1,2

SS2P-50 166-344 8,8.10-3 ± 45% 8,8.10-3 ± 39% 42,4 38,6 2,0 1,8

SS2P-30 153-332 6,0.10-3 ± 10% 5,6.10-3 ± 10% 30,8 28,0 1,4 1,2

SS2b-50 153-332 6,6.10-4 ± 70% 3,5.10-4 ± 57% 9,5 8,9 0,4 0,4

Page 151: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

151

Pour chacun des essais, les vitesses d’altération en lithium et en sodium ne sont pas

significativement différentes. Ces deux éléments semblent donc être les éléments les plus lixiviés

bien que nous n’ayons pu démontrer leur non réactivité vis-à-vis des phases secondaires.

A 50 °C, le degré d’altération du verre est identique en solution S1 et S2 avec Portlandite

alors qu’à 30 °C, il est plus faible d’un facteur 1,5 en solution S2.

Les expériences sont menées à un rapport S/V vingt fois plus faible que celui des

expériences en eaux cimentaires sans ajout de Portlandite. L’échéance finale correspondrait donc à

environ 17 jours d’altération à un rapport S/V de 200 cm-1. En considérant cependant l’état

d’altération à l’échéance finale (269 et 647 jours respectivement en solution S1 et S2), le verre VS

présente un degré d’altération au moins 30 fois supérieur en présence de Portlandite. C’est donc le

maintien de la concentration en calcium qui conduit à des degrés d’altération aussi importants.

III.2.2. Comparaison des essais en présence de Portlandite et des essais témoins

La Figure III-4 rend compte de l’influence de la Portlandite sur l’altération du verre à 50 °C dans les

solutions S1 et S2. L’arrêt du test SS1b-50 à 154 jours d’altération ne permet pas de comparer les

vitesses d’altération à long terme.

(a)

0

1

2

3

4

5

6

0 50 100 150

Temps (j)

NL

i (g.

m-2

)

Li NaLi Na

SS1P-50SS1b-50

(b)

0

1

2

3

4

5

6

0 100 200 300

Temps (j)

NL

i (g.

m-2

)

Li NaLi Na

SS2P-50

SS2b-50

Figure III-4. Comparaison des pertes de masse normalisées en Li et Na dans les essais (a) SS1P-50 et

SS1b-50 et (b) SS2P-50 et SS2b-50.

A pH 12,6, la présence de calcium semble provoquer une chute de vitesse plus rapidement et à des

concentrations deux fois plus faibles en traceurs (Figure III-4 (a)). Cependant, la chute de vitesse est

beaucoup moins marquée en solution cimentaire puisqu’elle est environ seize fois plus faible.

A pH 11,7, le pourcentage de verre altéré en présence de Portlandite est quatre fois plus élevé que

dans le test témoin. La chute de vitesse intervient plus tardivement et est plus faible d’un facteur

150 environ (Figure III-4 (b)).

Le Tableau III-3 indique les valeurs de chute de vitesse pour les six essais. Les vitesses initiales

utilisées pour déterminer les chutes de vitesse sont celles obtenues par régression linéaire dans les

premiers jours d’altération de ces expériences. Nous verrons au paragraphe IV que ces vitesses

peuvent être considérées comme des vitesses initiales. Il convient de remarquer que la chute de

pH 11,7

pH 12,6

Page 152: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

152

vitesse de l’essai témoin SS1b-50 est déterminée à partir de la vitesse à moyen terme (154 jours

d’altération), elle est probablement encore plus faible à plus long terme.

Tableau III-3. Chute de vitesse calculée pour les six essais. Pour les essais avec Portlandite, la vitesse

initiale est celle obtenue durant les premiers jours d’altération. Pour les essais témoins, la vitesse initiale est

celle obtenue à partir de l’équation Vi(T,pH). Les vitesses à long terme sont celles du Tableau III-2.

Référence Vi/V(traceur) Référence Vi/V(traceur)

SS1P-50 63 SS2P-50 9

SS1P-30 4 SS2P-30 4

SS1b-50 1021 SS2b-50 1464

Les faibles chutes de vitesse observées dans les essais en présence de Portlandite sont dues à la fois

à :

- la présence de calcium et le maintien de sa concentration qui conduisent à des vitesses

d’altération à long terme élevées,

- des vitesses initiales plus faibles qu’en eau à pH ajusté.

En présence de Portlandite, les cinétiques d’altération permettent de rendre compte (i) du

maintien d’une vitesse élevée à long terme et (ii) d’une chute de vitesse plus faible d’un à deux

ordres de grandeur. Le degré d’altération du verre est également plus important en présence de

Portlandite. Le maintien d’une vitesse élevée à long terme serait dû à la formation de phases

secondaires consommatrices d’éléments formateurs (Si, Al, Zr…) d’une pellicule d’altération

passivante.

Bien que la chute de vitesse dans les essais en présence de Portlandite soit faible, ce

changement de régime existe. Notons que dans le cas de la solution S1, la chute de vitesse se

produit plus rapidement qu’en milieu KOH (bien que la vitesse à long terme reste plus

importante). Quelle est l’origine de cette chute de vitesse ? Est-ce l’incorporation de calcium au sein

du gel ou bien la formation de phases secondaires en surface des grains de verre ? Les

caractérisations effectuées sur le solide vont permettre d’apporter des éléments de réponse.

III.3. Caractérisation des solides

III.3.1. Essai témoin SS2b-50

L’observation directe au MEB des grains de verre altéré en eau à pH ajusté à 11,8 ± 0,2

révèle un état de surface homogène à l’échelle de la dizaine de microns, mais inhomogène à celle

du micron. Aucune phase secondaire n’a été mise en évidence.

Page 153: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

153

(a) (b)

(c)

Figure III-5. Observations MEB de grain de verre de l’essai SS2b-50 altérés 332 jours. (a) et (b) Surface

piquetée et (c) présence de piqûres.

La surface présente d’importantes variations de contraste dues à la présence de nombreuses

piqûres de l’ordre de la centaine de nanomètres de diamètre (Figure III-5 (a)). La fracture d’un

grain de verre en Figure III-5 (b) et (c) permet de mettre clairement en évidence que la surface du

grain de verre est totalement piquée sur une profondeur de 600 nm environ. Certaines piqûres

semblent vides et d’autres remplies de gel très poreux. La surface des grains est recouverte d’une

couche de gel qui masque les piqûres lorsque les grains sont observés directement (Figure III-5 (a)).

La chute de vitesse de trois ordres de grandeur indique qu’il existe un équilibre entre les

mécanismes de diffusion des éléments à travers le gel vers la solution et la recondensation des

éléments au sein du gel. Bien que l’altération se fasse par piqûres, celles-ci semblent passives à long

terme. Il est donc fort probable que ce soit la chimie de la solution initiale qui ait engendrée ce type

de dissolution.

L’épaisseur équivalente calculée à partir des analyses de solution est d’environ 400 nm.

L’hypothèse formulée au paragraphe II.4 selon laquelle le volume de verre altéré correspond au

volume des piqûres avant leur dissolution semble cohérente une fois encore. Les piqûres observées

de profil sont similaires dans ces deux essais. La seule différence réside dans l’absence de calcium

en solution dans cet essai, contrairement à CS2. L’altération du verre par piqûres serait donc due à

un effet du pH.

Page 154: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

154

L’altération du verre en eau à pH ajusté révèle une surface (i) piquée de façon homogène sur

une profondeur de 600 nm et (ii) recouverte d’une couche de gel dont la texture semble poreuse.

Cette dissolution par piqûres est due au premier ordre à un effet du pH qui favorise ce type de

dissolution au cours des premières étapes de l’altération.

III.3.2. Essais en solutions cimentaires en présence de Portlandite

L’observation au MEB des solides reste relativement difficile car une multitude de phases

de différentes tailles et morphologies coexistent, la section polie en Figure III-6 permet d’en rendre

compte. Nous tacherons à travers cette partie de montrer les phénomènes représentatifs des faciès

d’altération des grains de verre et des types de phases secondaires.

Figure III-6. Vue d’ensemble d’une section polie du matériau solide pris en masse au fond du réacteur de

l’essai SS2P-30.

III.3.2.1 Morphologie des figures de dissolution

La Figure III-7 illustre les faciès d’altération de grains de verre altérés de l’essai SS2P-50. Le

semi-profil rend visible la surface du grain de verre qui semble être pourvue d’une multitude de

piqûres hémisphériques de l’ordre du micron.

Une section polie de grains de verre agglomérés lors de l’essai SS2P-30 a mis en évidence

l’existence de piqûres de tailles importantes sur plusieurs grains de verre (Figure III-8). Elles

mesurent plusieurs microns de profondeur, voire plus d’une dizaine de micron. Leur forme est

variable, elles sont soit arrondies, soit allongées. Contrairement à l’essai témoin, ces piqûres

semblent remplies de phases secondaires et non de gel recondensé.

La Figure III-9 rend compte de la coexistence de ces deux types de piqûres.

Les formes et tailles des piqûres sont tout à fait différentes de celles observées dans le test témoin

SS2b-50.

Page 155: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

155

L’altération en présence de calcium semble modifier la géométrie des piqûres de dissolution et

engendrer une augmentation de leur taille.

III.3.2.2 Observations et caractérisations qualitatives de C-S-H en MEB et par analyse EDS

Pour l’ensemble des essais en présence de Portlandite, des phases secondaires recouvrent

les grains de verre et forment une sorte de gangue autour d’eux (Figure III-10). La fracture de

grains de verre altéré permet de visualiser cette couche en surface (Figure III-11) dont l’épaisseur

Figure III-7. Observations MEB d’une section polie de grains de verre de l’essai SS2P-50. Présence de

nombreuses piqûres de l’ordre du micron en surface du verre.

Figure III-8. Observations MEB d’une section polie de grains de verre agglomérés de l’essai SS2P-30.

Présence de piqûres de plusieurs microns.

Figure III-9. Observations directes au MEB de grains de verre de l’essai SS2P-30. Présence de nombreux

cratères recouvrant la surface des grains de verre et de piqûres de plusieurs microns.

Page 156: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

156

est égale ou supérieure à celle calculée à partir de l’analyse de solution (voir Tableau III-2). Cette

différence d’épaisseur peut s’expliquer (i) soit par le fait que les éléments les plus mobiles ne sont

pas réellement traceurs de l’altération du verre, (ii) soit par la formation d’une phase secondaire en

surface présentant une épaisseur supérieure à celle qu’occuperait le gel.

Deux pointés EDS de la couche en surface du grain de verre de la Figure III-11 (c) ont été

réalisés, l’un proche de l’interface avec le verre sain (zone 1, en vert) et l’autre proche de l’interface

avec la solution (zone 2, en rouge). La phase de la zone 1 présente une teneur en silicium beaucoup

plus importante que celle de la zone 2, alors que l’effet est inverse pour le calcium (Figure III-12). A

partir de ces caractérisations, nous pouvons supposer l’existence, non pas de zones enrichies en

silicium et en calcium mais de gradients anti-corrélés de ces mêmes éléments. Cette hypothèse est

probable puisque le flux de silicium provient du verre alors que celui de calcium provient de la

solution. La phase qui précipite à l’interface verre / solution pourrait donc être représentative des

gradients de concentrations des éléments dans l’un ou l’autre des milieux.

La présence de sodium et d’aluminium peut être due (i) soit à l’analyse d’une fraction de verre (si

le verre est présent sous la surface), (ii) soit à leur présence réelle dans la couche, auquel cas, ce

gradient reflète la diffusion des éléments lixiviés.

La Figure III-13 permet de rendre compte d’un phénomène intéressant. Sur cette

cartographie sont présents des grains de verre (distinguables à partir du sodium et de l’aluminium)

et un amas de cristaux de Portlandite. L’image MEB de référence montre la présence de phases

autour des grains de verre et de l’amas de Portlandite. L’analyse EDS permet de mettre en

Figure III-10. Observations directes au MEB de grains de verre recouverts de phases secondaires de l’essai (a)

et (b) SS2P-50 et (c) SS2P-30.

Figure III-11. Observations directes au MEB de la présence d’une couche dense en surface des grains de verre

de l’essai (a) SS1P-30, (b) SS1P-50 et (c) SS2P-50.

a b c

a b c

Page 157: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

157

évidence que cette phase contient les mêmes éléments : du silicium et du calcium. Il semble donc

que le silicium du verre réagissent avec le calcium provenant de la Portlandite et inversement, ce

qui confirme les observations précédentes.

Figure III-12. Analyse EDS en deux zones de la couche en surface du verre de l’image (c) de la Figure III-11.

Figure III-13. Cartographie EDS de grains de verre et phases secondaires de l’essai SS2P-30.

Le plus remarquable est la mise en évidence de la précipitation de C-S-H sur les cristaux de

Portlandite. En effet, lors de l’hydratation d’un ciment Portland, la solubilité des C-S-H étant

inférieure à celle de la Portlandite, les nucléi de C-S-H précipitent sur la surface des grains de C3S,

avant la formation de cristaux de Portlandite. Dans notre système, la nucléation des C-S-H est

hétérogène, et peut se produire à partir de deux surfaces : celle du verre et celle de la Portlandite.

Verre

Portlandite

Page 158: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

158

Les images MEB de la Figure III-14 mettent en évidence la formation de phases C-S-H

autour des grains de verre. Une zone plus dense de phase semble définir le contour du grain de

verre d’une taille supérieure. Ce liseré pourrait donc être assimilé à la zone de nucléation des

C-S-H, qui correspondrait à la surface initiale des grains de verre (Figure III-15 (a)), de sorte qu’aux

premiers instants de l’altération, les nucléi de C-S-H se formeraient en surface de grains de verre et

croitraient au détriment du verre. Un schéma illustrant ce phénomène a été réalisé à partir de ces

observations (Figure III-15).

Précédemment, nous avons précisé qu’il existait des différences d’épaisseur de ces couches en

surface des grains de verre et celles obtenues par l’analyse de la solution. Ici, l’épaisseur de 5 µm

est supérieure à celle calculée, de 2,3 µm. L’hypothèse d’éléments mobiles non traceurs de

l’altération est donc probable. Il est en effet possible qu’une partie des alcalins se soit sorbée sur les

C-S-H [17]. Cependant, le sodium, qui lui est détectable contrairement au lithium en EDS,

n’apparaît pas être retenu dans des phases secondaires.

a

Figure III-15. (a) Grossissement de la Figure III-14 (b) avec les centres de nucléation des C-S-H matérialisés

par les traits jaunes. Schéma illustrant la (b) nucléation / (c) croissance des C-S-H à partir de la surface des

grains de verre.

III.3.2.3 Observations et caractérisations d’autres phases secondaires

La section polie réalisée à partir de grains de verre agglomérés de l’essai SS2P-50 rend

compte de la présence de phases secondaires entre les grains de verre (Figure III-16), plus

Figure III-14. Observations directe au MEB de la présence d’une couche dense en surface des grains de verre

de l’essai (a) et (b) SS1P-30 et (c) SS2P-30.

a b c

Page 159: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

159

particulièrement de l’enrichissement de ces phases en silicium et aluminium. Dans le bas de

l’image MEB, un fin liseré est très enrichi en aluminium et en calcium. De même, l’ensemble des

phases présentent entre les grains sont enrichies en calcium, aluminium, silicium, et légèrement en

zirconium. Ces caractérisations qualitatives confirment donc la formation de phases secondaires à

partir des éléments structurants de la pellicule d’altération [18, 19]. Ces observations sont

caractéristiques de l’ensemble des essais en présence de Portlandite.

Figure III-16. Cartographie EDS de grains de verre agglomérés de l’essai SS2P-50.

L’observation directe des grains de verre et des phases secondaires en MEB a permis de

mettre en évidence l’existence de plusieurs cristaux massifs au cours de l’altération. Dans l’essai

SS1P-30, des cristaux sous forme de plaquette hexagonale sont riches en aluminium et en calcium

(Figure III-17 (a)). De même, dans l’essai SS2P-30, des cristaux constitués des mêmes éléments se

présentent cette fois sous forme de bâtonnets à section hexagonale (Figure III-17 (b)). L’analyse en

EDS ne permet pas d’identifier les éléments légers (bore, lithium, carbone…) et donc de confirmer

s’il s’agit de phases de type C-A-H.

Des caractérisations sur les poudres à l’arrêt des essais montrent que ce type de phases est toujours

présent.

Les caractérisations au MEB confirment l’existence de phases secondaires riches en calcium,

aluminium et silicium, voire en zirconium. Des phases riches en aluminium et en calcium ont

pu être identifiées par analyse EDS.

Page 160: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

160

(a) (b)

Figure III-17. Observations directes au MEB de phases secondaires de type aluminates de calcium

hydratés (a) sous forme de plaquettes hexagonales de l’essai SS1P-30 à 95 jours d’altération et (b) sous

forme de bâtonnets à section hexagonale de l’essai SS2P-30 à 95 jours d’altération.

La phase solide surnageante a été caractérisée par DRX après filtration, arrêt d’hydratation

et séchage en boîte à gants. La superposition des quatre diffractogrammes est donnée ici en Figure

III-18. L’ensemble des diffractogrammes avec l’identification des pics est présenté en annexe G.

Afin de visualiser la présence de nombreux pics, le diffractogramme a volontairement été coupé en

intensité.

Il apparaît clairement les pics caractéristiques de la Portlandite dans chacun des essais, ce qui

confirme sa présence en excès à l’arrêt des tests.

Diverses phases ont pu être identifiées, elles sont reportées dans le Tableau III-4. Des phases

carbonatées, de type calcite ou carboaluminates, sont présentes dans les essais. Il semble donc que

malgré les précautions employées (décarbonatation de la chaux et de l’eau de synthèse,

manipulations en boîte à gants), des carbonates aient été présents et ont réagi avec les éléments de

la solution. L’hémicarboaluminate et le monocarboaluminate consomment l’aluminium de la

solution.

Des phases de types borate de calcium (et d’aluminium) hydraté sont présentes également dans

tous les essais. La présence de ces phases indique la réactivité à la fois de l’aluminium et du bore

avec le calcium de la solution. La consommation du bore par ces phases est en cohérence avec la

rétention du bore par rapport au lithium et/ou au sodium observée précédemment (paragraphe

III.2).

Page 161: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

161

Figure III-18. Superposition des quatre diffractogrammes des phases surnageantes des essais en présence de

Portlandite. La lettre « P » indique les pics caractéristiques de la Portlandite.

La précipitation de ces phases impose une concentration en aluminium en solution. Nous avons vu

également la très faible concentration du silicium, cependant, aucune phase de type C-S-H n’a pu

être mise en évidence par DRX. Leur caractère faiblement cristallin limite grandement leur

identification.

Tableau III-4. Récapitulatif des phases identifiées par DRX dans les essais en présence de Portlandite.

Phase Formule chimique Référence

JCPDS1

SS

1P-5

0

SS

1P-3

0

SS

2P-5

0

SS

2P-3

0 Portlandite Ca(OH)2 01-072-0156 X X X X

Borate de calcium

hydraté Ca(B(OH)4)2(H2O)2 01-070-2480 X X X

Borate de calcium et

d’aluminium hydraté

Ca6Al2[B(OH)4]3,8(OH)14,2.

20H2O 00-047-0419 X X

Calcite CaCO3 00-005-0586 X X X X

Monocarboaluminate C3A.CaCO3.11H2O 00-041-0219 X X

Hémicarboaluminate C3A.0,5CaCO3.0,5Ca(OH)2.

11,5H2O 00-041-0221 X

Les caractérisations de la phase surnageante par DRX rendent compte (i) de la présence en excès

de Portlandite et (ii) de l’existence de phases de type borate de calcium (et d’aluminium)

hydraté. Ce dernier point confirme la consommation d’aluminium observée au MEB.

1 Fiches de référence constituants la base de données en DRX (JCPDS : « Joint Committee on powder diffraction standards »)

Page 162: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

162

III.4. Bilan de l’influence du calcium sur l’altération du verre en régime de

chute de vitesse

Les expériences réalisées en présence de Portlandite répondent à l’objectif initial de

maintenir constant à la fois la concentration en calcium et le pH de la solution d’altération. Les

analyses de solution rendent compte de l’influence du calcium sur l’altération du verre en termes

de degré d’altération du verre et de maintien de vitesses élevées à long terme. Les caractérisations

du solide, en accord avec les analyses de solution, mettent en évidence la formation de phases

secondaires autour des grains de verre. Ces phases sont riches en éléments structurants de la

pellicule d’altération : silicium, aluminium, zirconium. L’identification de phases riches en bore,

habituellement traceur de l’altération, montrent que le calcium en solution contribue à consommer

les éléments lixiviés du verre pour former des phases secondaires.

Il est également possible que le sodium et/ou le lithium soient en partie consommés, par formation

de phases secondaires ou par sorption sur celles-ci. Dans ce cas, ces deux éléments ne seraient plus

réellement traceurs de l’altération, mais seulement les éléments dosables les plus lixiviés.

Cependant, les caractérisations n’ont pas permis de mettre en évidence de tels phénomènes.

Dans les essais témoins, les concentrations en aluminium et en silicium sont élevées alors

que celle en calcium est très faible. La couche de gel passivante est stable car la solution est saturée

par rapport aux éléments la constituant. En présence de Portlandite, la précipitation des phases

cimentaires diminuent les activités en silicium et en aluminium conduisant à l’altération du verre

pour maintenir ces activités en solution. Le maintien de la concentration en calcium conduit donc à

la non recondensation des éléments mobilisés dans les phases secondaires (au détriment d’un gel

passivant) et à l’altération continue du verre pour maintenir les activités de ces éléments en

solution [20].

La chute de vitesse observée est due à la formation progressive d’une couche de C-S-H

dense en surface des grains de verre, qui crée une barrière diffusive : les ions calcium réagissent

avec la silice dissoute pour former des produits de réaction qui limitent la diffusion des ions

lixiviés. Nous avons proposé l’existence d’un gradient anti-corrélé du calcium et du silicium au

sein de cette couche ainsi que la nucléation probable des C-S-H à partir de la surface initiale des

grains de verre. Les C-S-H peuvent cependant croître aussi bien à partir de la surface du verre que

de celle de la Portlandite. Sur ce dernier point, il conviendrait de réaliser des observations et des

analyses spécifiques pour déterminer à partir de quelle surface les germes présentent une affinité

plus importante.

III.4.1. Influence de la concentration en Portlandite et de la présence de KOH sur la

formation de la couche de C-S-H

III.4.1.1 Littérature

La cinétique d’hydratation du ciment Portland et les hydrates formés ont fait l’objet de

nombreuses études [21, 22]. Garrault [23] a étudié l’influence de paramètres tels que la

Page 163: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

163

concentration de la Portlandite et le rapport liquide sur solide (l/s) sur les cinétiques de

nucléation / croissance des C-S-H.

Lors de l’hydratation de ciment Portland, les C-S-H nucléent sur les grains de C3S.

L’hydrate est peu soluble en comparaison du composé anhydre C3S. Au cours de l’hydratation du

ciment, la dissolution des grains de C3S conduit à des solutions riches en ions silicates, calcium et

hydroxyles. Lorsque les concentrations atteignent un seuil de sursaturation par rapport aux C-S-H,

ceux-ci précipitent. Leur croissance se poursuit à la surface des grains de silicate anhydres jusqu’à

ce que le recouvrement complet de leur surface limite la diffusion des réactifs à travers la couche

d’hydrate.

Différents paramètres peuvent modifier les cinétiques d’hydratation de C3S et C2S,

notamment la concentration en Ca(OH)2, le rapport l/s ou encore la présence d’électrolytes.

Plus la concentration en hydroxyde de calcium est importante, plus la réaction démarre

lentement et plus le taux d’avancement atteint au moment du recouvrement complet des grains

par les C-S-H est élevé [22]. En effet, la concentration en hydroxyde de calcium modifie le mode de

croissance des hydrates : à des fortes concentrations en Ca(OH)2, la croissance se fait

perpendiculairement au grain, ce qui permet d’atteindre des taux d’avancement plus important au

moment du recouvrement complet du grain (Figure III-19).

Figure III-19. Schéma illustrant les différents modes de croissance des C-S-H en fonction de la concentration

en Portlandite, d’après Garrault-Gauffinet [23].

En ce qui concerne la mise en suspension du ciment, il faut un rapport l/s suffisamment

élevé pour que les concentrations en solution atteignent la solubilité des C-S-H. Lors de

l’hydratation du ciment, ce rapport détermine la concentration en Ca(OH)2 de la phase liquide et a

donc une influence sur le type de C-S-H formé et la cinétique d’hydratation. A faible rapport l/s, on

se trouve tout de suite dans les conditions de formation de C-S-H γ (rapport C/S élevé), dont la

croissance se fait préférentiellement perpendiculairement au grain de silicate anhydre.

Page 164: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

164

Le rapport l/s modifie le nombre de germes de C-S-H précipités initialement par unité de surface

des grains de silicate anhydres. Plus le rapport est faible, plus la période initiale (ou temps

d’induction) est longue.

L’hydratation de C3S dans des solutions électrolytiques a été étudiée car elle est plus

représentative de celle du ciment. L’hydroxyde de potassium est connu pour son effet accélérateur

d’hydratation [24, 25]. En présence de KOH, la solubilité des C-S-H est diminuée (Figure III-20) et

l’hydratation démarre plus vite car le nombre de germes initiaux de C-S-H est plus important. En

revanche, pour une même concentration en Ca(OH)2 et dans des solutions sous-saturées de

Ca(OH)2, ce sel n’a cependant pas d’effet sur le rapport C/S.

La présence d’électrolyte ne modifie pas les mécanismes à l’origine des cinétiques d’hydratation,

elle est toujours contrôlée par la nucléation / croissance des C-S-H. Les variations des cinétiques

s’interprètent à partir des modifications du nombre de germes initiaux et de leur mode de

croissance.

Figure III-20. Composition de la phase liquide à l’équilibre avec les C-S-H pour différentes concentrations

en KOH, d’après Nachbaur [25].

III.4.1.2 Essais SS1P-50 et SS2P-50

Pour mémoire, les compositions des deux solutions cimentaires S1 et S2 sont différentes :

- la solution S1 est riche en KOH (286 mmol.L-1) et présente une concentration faible en

calcium (0,9 mmol.L-1) à 50 °C,

- la solution S2 est une solution à l’équilibre avec Ca(OH)2, soit à 15 mmol.L-1 à 50 °C.

D’après la littérature, les compositions des solutions doivent modifier à la fois, la solubilité des

C-S-H, le nombre de germes et leur mode de croissance. Ainsi, en solution S1, par rapport à la

solution S2 :

- le nombre de cristaux initialement formés doit être plus élevé,

- la réaction doit commencer plus rapidement,

Page 165: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

165

- la croissance des nucléi doit se faire préférentiellement parallèlement à la surface des

grains.

L’ensemble de ces paramètres implique que le taux d’avancement de la réaction au moment du

recouvrement complet des grains, équivalent au changement de pente, doit être plus faible en

solution S1. D’après la Figure III-21, l‘évolution des cinétiques est bien cohérente avec l’ensemble

des hypothèses avancées.

0,0

0,8

1,6

2,4

3,2

4,0

4,8

0 10 20 30 40 50

Temps (j)

NL(

Li)

(g.m

-2)

SS1P-50SS2P-50

Figure III-21. Comparaison de l’évolution des pertes de masse normalisées en lithium dans les essais

SS1P-50 et SS2P-50. Les traits en pointillés sont des guides pour les yeux.

Dans les essais témoins, la chute de vitesse se produit plus rapidement à pH plus faible car

la limite de solubilité de la silice amorphe est également plus faible. Par rapport à ces essais de

référence, l’évolution des cinétiques dans les essais en présence de Portlandite est également

cohérente. A forte concentration en Ca(OH)2 (S2), la chute de vitesse se produit plus tardivement et

à un pourcentage de verre altéré plus important. En solution S1, un nombre de cristaux plus élevé

et un mode de croissance parallèle aux grains de verre conduit à un recouvrement des grains de

verre plus rapidement et donc une chute de vitesse plus précoce.

Les mécanismes de nucléation / croissance des C-S-H en solution S1 et S2 sont représentés en

Figure III-22 par un schéma illustratif. Ces évolutions tiennent compte de la solubilité des C-S-H,

du nombre de cristaux et de leur mode de croissance.

Ainsi, d’après les travaux de Nachbaur [25] et de Garrault [23], l’évolution des cinétiques en

présence de Portlandite et dans les essais témoins en KOH sont cohérentes.

Page 166: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

166

Figure III-22. Schéma illustrant les différents modes de croissance des C-S-H en fonction de la concentration

en Portlandite et en KOH, i.e. de la composition des solutions S1 et S2. Les courbes représentent les

cinétiques de la Figure III-4, observées dans les essais témoins (gris) et en présence de Portlandite (orange).

III.4.2. Figures de dissolution

Au cours des altérations en régime de chute de vitesse, des figures de dissolution sous

forme de piqûres ont été observées. Suivant la composition de la solution d’altération, la

morphologie et la taille des piqûres sont tout à fait différentes.

Nous avons mis en évidence dans l’essai témoin SS2b-50 la présence d’une multitude de piqûres

dont la profondeur est constante et la répartition homogène. Ces piqûres sont recouvertes d’une

couche de gel, visible en coupe et en observation directe de la surface des grains de verre.

Quelques piqûres semblent même remplies par ce gel. Ces piqûres se sont donc probablement

formées avant la chute de vitesse, qui est de trois ordres de grandeur.

Nous pouvons proposer un mécanisme de formation de ces piqûres permettant d’expliquer le

faciès d’altération du verre :

- aux premiers instants de l’altération, l’état de sous-saturation conduit à la dissolution du

verre sous forme de piqûres,

- la dissolution de ces zones d’attaque dans le verre conduit à augmenter les concentrations

en solution et à atteindre la solubilité de la silice amorphe,

- les mécanismes de recondensation/précipitation deviennent importants par rapport à

celui d’hydrolyse,

Page 167: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

167

- une couche de gel passivant se forme en surface du verre et dans les piqûres, limitant

ainsi le transport des espèces.

Dans le cas d’altération du verre au même rapport S/V mais dans des solutions riches en

calcium, deux types de figures de dissolution coexistent :

- une multitude de cupules hémisphériques sur la totalité de la surface des grains de verre,

- quelques piqûres de grande taille, pouvant aller jusqu’à plusieurs microns de profondeur.

La surface des grains de verre est recouverte d’une couche de C-S-H, différente de celle d’un gel

passivant puisqu’elle ne contient pas d’aluminium, de zirconium et probablement beaucoup de

silicium. Aucun gel passivant ne se forme en surface des grains de verre piqués, seule cette phase

consommatrice de silicium précipite à sa surface. Les images MEB rendent compte de la présence

de ces phases au cœur des grandes piqûres. La formation de cette couche, bien qu’elle constitue

une barrière diffusionnelle à plus long terme, contribue à former ces piqûres de grande taille.

La nature des éléments en solution, ici du potassium et du calcium, modifie la morphologie

des piqûres. Leur taille est fonction de l’écart à la solubilité des phases plus ou moins passivantes

qui se forment au sein du système. La Figure III-23 représente les différents types de figures de

dissolution en fonction des conditions d’altération.

Figure III-23. Schéma illustratif des piqûres caractéristiques dues à un effet du pH et à deux effets cumulés,

le pH et la présence de calcium.

Page 168: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

168

IV. Détermination de vitesses initiales par le biais d’un

protocole d’altération original

Le chapitre IV s’est attaché à déterminer des vitesses initiales en eaux cimentaires à partir

d’altération en test statique à très faible rapport S/V. Nous avons montré la difficulté à déterminer

des vitesses initiales avec ce protocole d’altération notamment à cause des concentrations trop

importantes en calcium. En réalité, la fenêtre temporelle pendant laquelle le verre s’altère en

régime de vitesse initiale est soit très courte, soit inexistante à cause de la forte réactivité du

silicium lixivié vis-à-vis du calcium à ces pH basiques.

Les expériences de chute de vitesse réalisées en présence de Portlandite présentent un premier

régime d’altération durant lequel les cinétiques sont constantes dans un intervalle de temps

pouvant aller jusqu’à 35 jours suivant l’expérience. Nous allons montrer qu’elles peuvent être

considérées comme des vitesses initiales et par la suite, nous en discuterons l’origine.

IV.1. Validité des mesures de vitesses initiales à partir de ce protocole

d’altération

Au cours du chapitre III (§ I.) ont été définis les termes de vitesse liée aux mécanismes

d’altération (interdiffusion ou hydrolyse).

La durée du régime pendant laquelle les deux mécanismes d’altération (interdiffusion et

hydrolyse) peuvent coexister et la prépondérance de l’un sur l’autre dépend essentiellement du pH

pour un même verre. Advocat et al. [26] montrent que pour le verre SON68, la dissolution est

sélective vis-à-vis du sodium et du bore à pH inférieur à 7 à 90 °C alors qu’elle est congruente à

partir de pH 8. Aux pH basiques, notamment à ceux auxquels les essais sont menés, la dissolution

du verre est congruente. La vitesse initiale peut donc être déterminée à partir du dosage des

alcalins, du bore ou encore du silicium, dans la mesure où tous ces éléments sont considérés

comme traceurs de l’altération.

Dans les expériences en présence de Portlandite, le relâchement du silicium n’est pas

congruent à celui des alcalins, il ne peut être utilisé comme traceur dans ce cas-là. C’est donc à

partir du lithium, du sodium et du bore que nous allons déterminer ces vitesses d’altération.

IV.2. Comparaison des vitesses initiales à partir de deux protocoles

différents

La Figure IV-1 permet de comparer les pertes de masse normalisées en silicium des essais

en tests statiques à très faible rapport S/V (inférieur à 0,5 cm-1) obtenues pour le verre VS avec celles

en lithium, bore et sodium pour les essais en présence de Portlandite à rapport S/V de 10 cm-1. Le

sodium n’est pas représenté dans le cas d’altération en solution S1 : la solution étant fortement

chargée en cet élément, les vitesses d’altération présentent des incertitudes trop importantes

Page 169: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

169

(supérieures à 200 %). Le bore et le lithium semblent congruents et les points de mesure sont

alignés et passent par l’origine, ce qui est caractéristique d’un régime de vitesse initiale.

0,0

0,4

0,8

1,2

1,6

0 10 20 30

Temps (j)

NL

i (g.

m-2

)

SS1P-30_Li

SS1P-30_B

SS1-30_Si

S1 - 30°C

0,0

0,1

0,2

0,3

0,4

0 5 10 15

Temps (j)

NL

i (g.

m-2

)

SS2P-30_Li

SS2P-30_B

SS2P-30_Na

SS2-30_Si

S2 - 30°C

Figure IV-1. Comparaison des cinétiques d’altération aux premiers instants du verre VS altéré en régime

de chute de vitesse à 10 cm-1 et en régime initial en eaux cimentaires S1 et S2 à 30 et 50 °C. L’encart est un

agrandissement des données en régime initial du silicium dans les solutions S1 et S2 à 50°C

Le Tableau IV-1 donne les valeurs de vitesses déterminées à partir des expériences en

présence de Portlandite, appelées VCT pour « vitesse à court terme ». Ces vitesses sont comparées à

celles obtenues en régime de vitesse initiale. Le nombre de points de mesure utilisés pour réaliser

la régression linéaire pondérée correspond aux points de mesure représentés sur la Figure IV-1.

Tableau IV-1. Comparaison des vitesses initiales (Vi(Si)) et des vitesses déterminées dans les premiers jours

d’altération dans les essais en présence de Portlandite (VCT(X)). Les rapports des vitesses sont calculés à

partir des vitesses les plus élevées.

Milieu d’altération VCT(Li) VCT(B) VCT(Na) Vi(Si) VCT(X) / Vi(Si)

S1-50 0,244 ± 8,3% 0,160 ± 2,3% - 0,08 3,1

S1-30 0,038 ± 6,1% 0,030 ± 13,4% - 0,027 1,4

S2-50 0,082 ± 7,9% 0,077 ± 6,4% 0,102 ± 3,4% 0,02 5,1

S2-30 0,021 ± 5,9% 0,024 ± 16,2% 0,027 ± 14% 0,017 1,6

Les incertitudes sur les vitesses à court terme sont faibles, ce qui indique que les points de

mesures sont bien alignés.

0,00

0,01

0,02

0,03

0,04

0,0 0,1 0,2 0,3Temps (j)

NL(

Si)

(g.m

-2)

0,0

0,4

0,8

1,2

0 1 2 3 4 5 6

Temps (j)

NL

i (g.

m-2

)

SS1P-50_LiSS1P-50_BSS1-50_Si

S1 - 50°C

0,0

0,3

0,6

0,9

1,2

0 2 4 6 8

Temps (j)

NL

i (g.

m-2

)

SS2P-50_Li

SS2P-50_B

SS2P-50_Na

SS2-50_Si

S2 - 50°C

0,00

0,01

0,02

0,03

0,04

0,05

0,0 0,5 1,0 1,5

Temps (j)N

L(S

i) (g

.m-2

)

Page 170: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

170

En solution S1, les vitesses à court terme en bore et en lithium sont significativement différentes. Il

semble que le bore soit légèrement retenu par rapport au lithium, il est possible que le calcium de

la solution interagisse avec le bore. En solution S2, les vitesses ne sont pas significativement

différentes entre ces deux éléments, par contre, c’est le sodium qui est lixivié préférentiellement.

Les rapports de vitesses montrent que les vitesses à court terme sont supérieures à celles

obtenues en régime de vitesse initiale. A 30 °C, ce rapport est de 1,4 et 1,6, respectivement en

solution S1 et S2. A 50 °C, cette différence est beaucoup plus marquée puisque le rapport est de 3,1

en solution S1 et de 5,1 en solution S2. Plus la température est importante, plus l’atteinte de la

solubilité vis-à-vis d’une phase secondaire silicatée est rapide et la rétroaction d’autant plus

efficace. La Portlandite étant rétrosoluble, le calcium en solution réagira plus facilement. Ainsi, les

vitesses initiales avec le protocole attendu sont plus sous-estimées à 50 °C qu’à 30 °C.

A titre de comparaison, le même calcul a été effectué sur les tests témoins. Les valeurs de vitesses

dans les premiers jours d’altération sont entre 4 et 10 fois plus faibles que les vitesses initiales en

eau à pH ajusté. A cette échéance, la rétroaction est effective, le verre ne s’altère pas en régime de

vitesse initiale.

Ainsi, la vitesse à court terme déterminée à partir de l’expérience à rapport S/V de 10 cm-1

correspond, par définition, à la vitesse initiale d’altération du verre en solution cimentaire.

Les valeurs des vitesses initiales en milieu cimentaire ayant été déterminées, comparons-les

à celles de référence en milieu KOH afin de rendre compte de l’effet du calcium par rapport à

l’effet du pH (Tableau IV-2).

Tableau IV-2. Comparaison des vitesses de référence Viref(Si) et des vitesses initiales déterminées dans les

premiers jours d’altération dans les essais en présence de Portlandite (VCT(X)).

Milieu d’altération VCT(X) Viref(Si) Viref(Si) / VCT(X)

pH 12,6 - 50 °C 0,244 2,148 8,8

pH 13,2 - 30 °C 0,038 0,374 9,8

pH 11,7 - 50 °C 0,102 1,073 10,5

pH 12,4 - 30 °C 0,027 0,202 7,4

Les vitesses de référence sont celles déterminées à partir de l’équation Vi(T,pH), obtenue à

partir de mesures réalisées sur le verre CSD-B. Son utilisation est valable car nous avons montré

qu’en milieu de référence (KOH), les verres CSD-B et VS sont de bons analogues (chapitre IV).

Quels que soient le pH et les températures considérés, les vitesses initiales sont au minimum d’un

facteur sept, voire d’un ordre de grandeur, inférieures à celles obtenues dans le milieu de référence.

Les résultats ainsi obtenus au cours de ce chapitre, dont les incertitudes de mesure sont faibles,

confirment le rôle favorable du calcium à ces pH, mis en évidence au chapitre IV.

Page 171: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

171

IV.3. Origine des différences de vitesses en solution cimentaire avec et sans

Portlandite

Les rapports de vitesses VCT et Vi varient entre 1,4 et 5,1 suivant la solution cimentaire et la

température. Le protocole d’altération utilisé habituellement en régime initial s’avère donc

inadapté pour mesurer une vitesse initiale en eau cimentaire, en particulier pour les températures

élevées. C’est à plus fort rapport S/V et en présence de Portlandite qu’une détermination de la

vitesse initiale est possible. Ce résultat n’est paradoxal qu’en apparence :

- En effet, si à fort rapport S/V, le flux d’éléments sortant du verre est suffisamment

important pour que des phases cimentaires se forment avec le calcium en solution, la précipitation

d’une faible quantité de phases n’a pas d’effet inhibiteur sur la dissolution du verre. Au contraire,

la consommation du silicium et de l’aluminium par ces phases est compensée par la dissolution du

verre.

- En revanche, à très faible rapport S/V et à très court terme, la surface de verre en contact

avec la solution est trop faible pour produire un flux de silicium permettant d’atteindre un état de

sursaturation nécessaire et suffisant à la précipitation de C-S-H. Dans ce cas, le calcium, non

seulement pénètre au sein de la pellicule d’altération mais crée avec le silicium lixivié

probablement une interaction plus forte que dans le cas de la vitesse initiale. Cette forte synergie

Si-Ca engendre alors une diminution plus importante de la vitesse par rapport aux essais à fort

rapport S/V.

Il semble donc que le paramètre clé qui contrôle ces mécanismes soit le rapport S/V puisque

le flux sortant de silicium et le degré de sursaturation en dépendent.

La mesure de vitesse initiale avec ce protocole est donc possible car la surface de verre et le

rapport S/V sont suffisamment importants pour entraîner la précipitation de phases secondaires et

conduire à une dissolution continue du verre. Cependant, la diminution de la vitesse initiale par

rapport à la vitesse initiale en eau à pH ajusté suppose la concurrence de deux mécanismes qui

sont (i) l’incorporation du calcium au sein de la pellicule de verre altéré et (ii) la précipitation de

phases secondaires. Ainsi, les valeurs de vitesses initiales rendent compte de ce double rôle du

calcium.

La détermination de vitesses initiales a été possible par l’utilisation d’un protocole non conçu, à

la base, pour ce régime d’altération. L’augmentation du rapport S/V et la présence de Portlandite

en solution conduisent à un maintien du régime de vitesse initiale pendant plusieurs jours,

voire plusieurs dizaines de jours. La diminution de la vitesse initiale par rapport au milieu de

référence au même pH s’explique par le double rôle joué par calcium qui (i) s’incorpore au sein

du gel et (ii) précipite avec les éléments lixiviés du verre pour former des phases secondaires.

Ces résultats confirment ainsi le rôle favorable du calcium en vitesse initiale par rapport au

milieu de référence au même pH.

Page 172: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

172

V. Discussion et conclusion sur l’influence du calcium en

régime de chute de vitesse

V.1. Similitudes entre deux alcalino-terreux : le calcium et le magnésium

Dans l’approche bibliographique de ce chapitre, l’influence du magnésium sur l’altération

du verre a été développée à cause des fortes similitudes qu’il présente avec le calcium.

Le magnésium, présent au sein de l’argilite du Callovo-Oxfordien mais également dans certains

verres nucléaires, joue un double rôle qui est fonction du pH. Il présente la capacité de s’incorporer

dans la pellicule d’altération comme compensateur de charge et ainsi d’augmenter le caractère

passivant de cette couche. A l’inverse, il peut précipiter sous forme de phases silico-magnésiennes

consommatrices de silicium.

Tout comme le magnésium, le calcium peut pénétrer au sein de la pellicule d’altération ou

bien réagir avec les éléments lixiviés, entre autre le silicium, pour former des phases silico-calcique.

Le passage d’un mécanisme à l’autre est fonction du pH mais également du rapport S/V qui

contrôle le flux d’éléments sortant du verre et l’état de saturation de la solution.

Dans les essais en présence de Portlandite, aucune pellicule d’altération à caractère

passivant similaire à celle obtenue dans les essais témoins ne se forme. Cependant, la précipitation

de C-S-H en surface du verre constitue une couche dense assimilable à un gel de par sa structure.

Ce gel-ci est différent de celui classiquement observé lors d’altération en eau désionisée, puisque ce

dernier conduit à des chutes de vitesse de plusieurs ordres de grandeur. Le gel silico-calcique est,

au contraire, à l’origine de la dissolution du verre et du maintien d’une vitesse résiduelle élevée.

Ainsi :

- le magnésium précipite à l’interface gel / solution sous forme de phases silico-

magnésiennes et déstabilise le gel néoformé par dissolution,

- le calcium, par sa réaction avec le silicium lixivié, précipite instantanément à l’interface

verre / solution sous forme de C-S-H, et dissout le verre sain.

En résumé, le calcium qui est un élément présent dans l’environnement du stockage, tout

comme le magnésium, peut jouer à long terme un rôle défavorable sur la durabilité du verre. Ces

études sont donc nécessaires pour comprendre les mécanismes à l’origine des cinétiques observées

et de connaître les paramètres clés qui influencent le système.

V.2. Analogie avec l’hydratation du ciment

Au cours de ce chapitre, nous avons mis en avant le rôle prépondérant du calcium sur les

cinétiques d’altération et proposé des mécanismes à l’origine de ces cinétiques. Les caractéristiques

de l’évolution des expériences, tant au niveau de la chimie de la solution que des phases en

présence, contribuent à faire une analogie avec l’hydratation des grains de C3S.

Lors des essais en solutions cimentaires, la consommation quasi-totale du calcium en

solution est due à la précipitation de C-S-H en surface des grains de verre. Ces phases précipitent

Page 173: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

173

sous forme d’amas. Lors de l’hydratation du ciment, les C-S-H nucléent en surface des grains de

C3S [23]. En solution S2, plus riche en calcium, la précipitation plus massive de cette phase

engendre une prise en masse des grains de verre entre eux. Les C-S-H sont en effet responsables de

la coagulation de la pâte cimentaire et de sa rigidification par leur formation préférentiellement au

point de contact de grains de C3S (Figure V-1) [12].

Le maintien de la concentration en calcium par ajout de Portlandite en excès révèle la formation

d’une couche uniforme de C-S-H en surface des grains de verre, similaire à ce qui est observé à la

surface des grains d’alite (Figure V-2).

Au cours de la période d’induction de l’hydratation du ciment, les grains de C3S se dissolvent par

piqûres. Or, dans nos expériences à pH basique, et également en présence de calcium, on observe

également l’apparition de nombreuses piqûres à la surface des grains de verre (Figure V-3).

Figure V-1. Au premier stade d’hydratation du ciment, les C-S-H se forment préférentiellement aux points de

contact des grains de C3S (gauche). A un stade plus avancé, les grains de C3S se sont dissous et une quantité

correspondante de C-S-H s’est formée. Les points de contact entre les grains de C3S, via les C-S-H, sont plus

nombreux et sont responsables de la cohésion du matériau. D’après Jönsson et al. [12].

Figure V-2. Comparaison d’images MEB illustrant la précipitation de C-S-H en surface (a) de grains de C3S,

d’après Scrivener [27], et de grains de verre (b) VS de l’essai SS1P-30 et (c) CSD-B de l’essai CS2.

b c a

Page 174: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

174

La précipitation de C-S-H, dont la solubilité est plus faible que celle du silicate anhydre, entraîne

une dissolution de celui-ci. Dans le cas de l’altération du verre, le mécanisme est similaire puisque

c’est la stabilité des C-S-H vis-à-vis du verre qui engendre sa dissolution.

Par la suite, l’appel aux mécanismes de nucléation/croissance des C-S-H et de leurs cinétiques de

croissance a permis d’expliquer les cinétiques d’altération du verre observées dans nos différentes

conditions d’altération. Les paramètres clés à l’origine des cinétiques de nucléation / croissance des

C-S-H et donc de celle d’hydratation du ciment, permettent de rendre compte du maintien de

vitesse initiale, de la chute de vitesse puis d’une vitesse résiduelle élevée, et ce, suivant les

compositions des solutions S1 et S2.

Ces nombreuses similitudes permettent de conforter l’analogie entre l’hydratation du

ciment et l’altération du verre en milieu cimentaire. D’une façon simplifiée, les grains de verre, à

l’image des grains d’alite, représentent à la fois la source de silicium (principal oxyde du verre)

mais également une surface nécessaire à la nucléation des C-S-H.

V.3. Conclusions : mécanismes et paramètres pilotant l’altération du verre

L’ensemble des résultats obtenus met en lumière les mécanismes et paramètres clés à

l’origine des différents régimes et cinétiques d’altération observés.

La durabilité du verre est dépendante de la force motrice que représente la précipitation de phases

secondaires. Les conditions d’altération sont primordiales mais certains paramètres influencent

davantage les mécanismes d’altération.

V.3.1. Paramètres influents

V.3.1.1 Le rapport S/V

L’influence des eaux cimentaires, et plus particulièrement du calcium, sur l’altération du verre a

été étudiée dans deux régimes de vitesse. Le paramètre principal qui varie et permet d’atteindre

ces différents régimes est le rapport S/V. Ainsi, dans des mêmes conditions d’altération

(composition du verre, solution d’altération, température), ce rapport S/V est à l’origine de

(a) (b)

Figure V-3. (a) Fracture d’un grain d’alite révélant la présence de piqûres à sa surface, d’après Scrivener [27].

(b) Grain de verre VS de l’essai SS2 dont la surface est totalement piquées.

Page 175: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

175

cinétiques tout à fait différentes. En réalité, ce paramètre modifie à la fois le flux d’éléments lixiviés

du verre et le degré de saturation de la solution. Ce phénomène est représenté en Figure V-4.

Si le flux de silicium sortant est suffisant pour atteindre un état de sursaturation qui permette la

nucléation de phases secondaires, alors la précipitation de ces phases pilotera la dissolution du

verre, via l’activité des éléments en solution.

V.3.1.2 La concentration en calcium de la solution

Dans nos essais, un autre paramètre est crucial, celui de la teneur de calcium initialement et

au cours de l’altération. En eau cimentaire, la consommation très rapide de calcium stoppe le

mécanisme de nucléation / croissance des C-S-H au profit de la formation d’un gel passivant. La

chute de vitesse est alors similaire à celle observée en eau désionisée. Lorsque de la chaux est

ajoutée en excès, ce mécanisme de nucléation / croissance pilote le système et conduit à une

dissolution du verre. A de forts rapports S/V, la concentration en calcium ainsi que son évolution

au sein du système peut engendrer des mécanismes tout à fait différents.

Lorsque les essais sont réalisés à très faible rapport S/V, la concentration initiale en calcium a un

poids moins important puisque la faible consommation de celui-ci, relativement à la surface de

verre, ne modifie pas l’équilibre du système. Nous avons cependant mis en avant que plus la

concentration en calcium augmentait, plus la vitesse initiale diminuait, pour des concentrations

comprises entre 5 et 150 mg.L-1 de calcium. L’influence de sa concentration n’est donc pas

négligeable à de très faibles rapports S/V.

V.3.1.3 La présence d’hydroxyde de potassium

Au cours de ce chapitre, nous avons fait appel aux études réalisées sur l’hydratation du

ciment et plus particulièrement sur les cinétiques de croissance des C-S-H. L’ajout d’électrolyte à la

solution initiale modifie le système. L’hydroxyde de potassium diminue la solubilité des C-S-H

sans changer le rapport C/S de l’hydrate et augmente le nombre de germes initiaux, conduisant à

une hydratation plus rapide du ciment. Ainsi, la composition de la solution S1 par rapport à la

Figure V-4. Schéma représentant l’influence du rapport S/V sur l’état de saturation de la solution à un

instant t de l’altération du verre.

Page 176: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

176

solution S2, pour des conditions d’altération identiques, engendre des cinétiques différentes,

comme nous l’avons vu dans les tests en présence de Portlandite.

V.3.1.4 Et d’autres paramètres…

D’autres paramètres jouent également un rôle sur l’altération du verre, c’est le cas

notamment de la composition du verre. Les essais en présence de Portlandite ont été réalisés

uniquement à partir du verre VS. Cependant, à partir des essais en solution cimentaire, les

éléments minoritaires de la composition du verre CSD-B ne semblent pas jouer un rôle crucial sur

les cinétiques d’altération. Il conviendrait cependant d’étudier d’autres verres et de voir les

conséquences des variations de composition sur les cinétiques d’altération, mais ceci relève d’une

autre étude.

Enfin, un dernier paramètre dont nous n’avons parlé jusqu’ici est le pH. Dans nos conditions, ce

paramètre reste fixe au cours des essais, ou diminue d’une unité, sans être à l’origine de la

modification des processus d’altération. Notons cependant que ce paramètre joue au premier ordre

sur les mécanismes d’altération du verre en présence de calcium, et ce, suivant les régimes

d’altération. Ce point sera abordé dans le chapitre de discussion (chapitre VIII).

V.3.2. Schémas d’évolution des différents essais

Afin de rendre compte des mécanismes sous-jacents aux cinétiques observées, des schémas

d’évolution sont présentés pour différents essais (Figure V-5). Grâce à la mise en évidence des

paramètres influents, une description des phénomènes peut être donnée. Il convient de garder à

l’esprit qu’un certain nombre de caractérisations complémentaires et qu’une approche par

modélisation thermodynamique seraient nécessaires pour confirmer ces mécanismes.

V.3.2.1 Essai à très faible rapport S/V en solution S2 (chapitre IV) : SS2-50

Le flux de silicium sortant est trop faible pour permettre la nucléation de germes de C-S-H

stables. Il est également possible que la surface de verre soit tellement faible que la surface totale

développée par les germes est trop faible pour modifier les cinétiques d’altération sur ce régime

d’altération. En parallèle, le calcium pénètre en quantité dans la pellicule de verre altéré et conduit

à une rétention des éléments au sein du verre. L’altération se poursuit principalement par

interdiffusion à travers la couche de verre altéré enrichie en calcium.

V.3.2.2 Essai témoin à faible rapport S/V (10 cm-1) en solution KOH : SS2b-50

Dans cet essai, il n’y aucune présence de calcium en solution initialement, la quantité de

silicium nécessaire à une éventuelle nucléation est donc très importante. A ce pH basique, la

dissolution dans les premiers instants se fait par piqûres. La limite de solubilité d’un gel passivant

est atteinte rapidement, ce qui conduit à la recondensation / précipitation des espèces les moins

solubles (Al, Zr, Ca) et du silicium. Les piqûres sont passives et l’altération se poursuit lentement

par diffusion à travers le gel passivant.

Page 177: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

177

V.3.2.3 Essai à fort rapport S/V (200 cm-1) en solution S2 : CS2

A ce fort rapport S/V, le flux de silicium est beaucoup plus important et le degré de

sursaturation des C-S-H est atteint très rapidement. La brusque consommation du calcium montre

que le temps d’induction doit donc être négligeable. Parallèlement à la croissance des C-S-H, la

concentration en calcium en solution diminue et il est possible qu’une partie du silicium lixivié

commence à recondenser pour constituer un gel en surface des grains de verre : la limite de

solubilité des C-S-H augmente. Le rapport C/S des C-S-H doit donc diminuer au cours du temps.

Une fois le calcium consommé, les C-S-H ne recouvrent pas la totalité de la surface des grains de

verre, ceux-ci se dissolvent alors jusqu'à atteindre des concentrations en solution qui favorisent la

formation d’une pellicule d’altération passivante. L’égalité des vitesses à long terme en solution S2

et en eau désionisée témoigne d’un mécanisme commun de diffusion à travers cette couche

passivante.

V.3.2.4 Essai à faible rapport S/V (10 cm-1) en solution S2 en présence de Portlandite : SS2P-30

ou SS2P-50

La vitesse dans les premiers jours correspond à la vitesse initiale d’altération, ce qui signifie

que le silicium lixivié est consommé instantanément. La précipitation de nucléi est effective mais

elle n’induit pas de rétroaction inhibitrice sur le verre durant cette période.

Les vitesses initiales étant inférieures d’un ordre de grandeur environ aux vitesses initiales en eau à

pH ajusté, ce seul mécanisme de nucléation / croissance ne permet pas d’expliquer cette différence

significative. Parallèlement à la nucléation des C-S-H, le calcium pénètre probablement dans les

premières couches de verre altéré, et limite ainsi l’hydrolyse du réseau silicaté.

La dissolution du verre pour compenser le silicium consommé par les C-S-H est progressive et

continue. Lorsque les C-S-H recouvrent la totalité de la surface des grains de verre, la couche forme

une barrière diffusionnelle limitant ainsi le transport des espèces. Ce mécanisme conduit à la chute

de vitesse observée. Cette couche d’hydrate présente des propriétés beaucoup moins passivantes

que celle d’un gel de verre altéré puisque les chutes de vitesse sont un à deux ordres de grandeur

plus faibles. La vitesse d’altération du second régime d’altération est fonction de la présence de

Portlandite en excès en solution et des propriétés de transport à travers la couche de C-S-H formée

en surface du verre. Il est probable que tant que la solution reste sursaturée vis-à-vis des phases

secondaires consommatrices d’éléments structurants (Si, Al, Zr...), cette vitesse se maintienne (ou

diminue progressivement en racine carrée du temps).

Page 178: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

178

Essai à très faible rapport S/V en solution S2 : SS2-50 Légende

Essai témoin à faible rapport S/V (10 cm-1) en solution KOH: SS2b-50

Essai à fort rapport S/V (200 cm-1) en solution S2 : CS2

Essai à faible rapport S/V (10 cm-1) en solution S2 en présence de Portlandite : SS2P-30 ou SS2P-50

Les pointillés bleus entre les

3ème et 4ème vignettes

matérialisent la chute de

vitesse.

Figure V-5. Schémas d’évolution des mécanismes de quatre essais représentants différentes conditions d’altération. Les paramètres de la légende sont fixés

arbitrairement.

Page 179: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

179

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CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse

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Page 181: Thèse présentée pour obtenir le grade de

181

CHAPITRE VI. ALTERATION DU VERRE EN

SOLUTION S1 : PRECIPITATION DE ZEOLITHES ET

MECANISMES ASSOCIES

I. Etude bibliographique........................................................................................................................184

I.1. Les zéolithes .................................................................................................................................184

I.1.1. Structure et propriétés ......................................................................................................184

I.1.2. Synthèses de zéolithes par voie hydrothermale .................................................................185

I.1.3. Mécanismes de formation des zéolithes.............................................................................186

I.2. Formation et stabilité des zéolithes...........................................................................................193

I.2.1. Les zéolithes issues de l’altération de verre naturel ..........................................................194

I.2.2. Les zéolithes issues de l’altération d’argiles en milieu alcalin ..........................................195

I.2.3. La merlinoite et la phillipsite, deux zéolithes potassiques et sodiques ..............................195

I.2.4. Stabilité et métastabilité des zéolithes ...............................................................................197

I.2.5. Les limites de la littérature sur la synthèse des zéolithes par voie hydrothermale ............200

I.3. Paramètres influant le phénomène de reprise d’altération...................................................201

I.3.1. Rôle de la composition du verre ........................................................................................201

I.3.2. Rôle de la composition de la solution d’altération.............................................................203

I.3.3. Rôle de la température.......................................................................................................204

I.3.4. Rôle du pH ........................................................................................................................204

I.3.5. Rôle du S/V sur reprise d’altération..................................................................................205

II. Etude expérimentale des mécanismes et des cinétiques d’altération du verre en présence de

zéolithes........................................................................................................................................................207

II.1. Conditions expérimentales ........................................................................................................207

II.2. Problématique..............................................................................................................................207

II.3. Cinétiques d’altération et caractérisation des solides ............................................................209

II.3.1. Expérience RA80...............................................................................................................209

II.3.2. Expérience RA200.............................................................................................................213

II.3.3. Expérience RA200S ..........................................................................................................216

II.3.4. Expérience RA1000...........................................................................................................221

II.3.5. Expérience RA2000...........................................................................................................226

III. Modélisation thermodynamique des expériences.........................................................................232

III.1. Expériences RA80 et RA200.......................................................................................................236

III.2. Expériences RA1000 et RA2000.................................................................................................237

III.3. Bilan des expériences par la modélisation thermodynamique.............................................238

IV. Discussion .............................................................................................................................................239

IV.1. Description des processus et mise en évidence des paramètres clés ...................................239

Page 182: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

182

IV.2. Caractéristiques des zéolithes....................................................................................................241

IV.2.1. Nucléation et croissance des zéolithes...............................................................................241

IV.2.2. Métastabilité des zéolithes.................................................................................................241

IV.2.3. Liens entre les zéolithes et la chimie de la solution ...........................................................242

IV.3. Relation entre les caractéristiques des zéolithes et les cinétiques d’altération du verre...243

IV.3.1. Influence du pH sur la cinétique de précipitation des zéolithes........................................243

IV.3.2. Cinétiques de dissolution du verre....................................................................................244

IV.3.3. Figures de dissolution du verre.........................................................................................247

V. Conclusion.............................................................................................................................................248

Références bibliographiques....................................................................................................................250

Page 183: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

183

Jusqu’à présent, nous avons étudié l’influence des solutions cimentaires S1 et S2 sur

l’altération du verre en régime de vitesse initiale et en régime de chute de vitesse. Nous avons

montré que le couple calcium-pH jouait un rôle prépondérant sur l’altération du verre dans ces

deux régimes. A fort rapport S/V notamment, la présence de calcium engendre la précipitation de

C-S-H. Dans certaines conditions, à fort rapport S/V et en solution S1 à 50 °C, d’autres phases

secondaires sont susceptibles de précipiter : des zéolithes. Bien souvent la précipitation de ces

phases est associée au régime de reprise d’altération.

Dans notre étude, nous allons montrer que la formation de zéolithes n’engendre pas

nécessairement de régime de reprise d’altération mais peut contribuer à maintenir une vitesse

résiduelle élevée. Nous déterminerons quels sont les paramètres et les mécanismes à l’origine de

ces différences d’évolution.

La première partie de ce chapitre est une étude bibliographique étendue qui s’attache à

présenter les conditions et les mécanismes de formation des zéolithes puis les paramètres

influençant le phénomène de reprise d’altération. L’étude expérimentale portant sur les cinétiques

et les mécanismes d’altération du verre en présence de zéolithes fait l’objet de la deuxième partie.

La modélisation thermodynamique des expériences en troisième partie permettra de comprendre

les phénomènes limitants, à la base des cinétiques observées. Enfin, dans la dernière partie, des

mécanismes mettant en cohérence l’ensemble des résultats expérimentaux et de modélisation

thermodynamique seront proposés. Cela conduira à identifier plusieurs perspectives d’études

nécessaires à l’approfondissement de notre connaissance sur les conséquences de la précipitation

de zéolithes sur la durabilité du verre.

Page 184: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

184

I. Etude bibliographique Les zéolithes sont des matériaux aluminosilicatés dont la caractéristique principale est leur

structure sous forme de canaux. Cette structure leur confère des propriétés d’échanges d’ions, de

rétention ou encore de tamis moléculaire, autant d’applications qui éveillent l’intérêt des

industriels. Les géologues et minéralogistes s’intéressent à la synthèse hydrothermale de ces

matériaux afin de simuler les conditions de formation géologique en laboratoire. Aussi de

nombreuses études sont-elles dédiées à la synthèse de zéolithes de structures, et donc de

propriétés, spécifiques.

De notre point de vue, la zéolithe est une phase secondaire néoformée à partir des éléments

constitutifs du verre et de ceux présents initialement en solution. En ce sens, sa formation engendre

nécessairement une consommation des éléments et un déplacement des équilibres entre les

différentes phases en présence. La précipitation de cette phase au sein de nos systèmes soulève

alors plusieurs questions :

- Quelles sont les caractéristiques de ces phases cristallisées ?

- Dans quelles conditions ces phases se forment-t-elles ?

- A long terme, quelles sont les conséquences sur la pérennité du gel et la durabilité

chimique du verre ?

En premier lieu, une description de la structure, des propriétés ainsi que de la synthèse des

zéolithes sera exposée. En prenant soin de rappeler les mécanismes de formation des cristaux en

solution, nous tacherons de développer les différents mécanismes de formation des zéolithes. Dans

un deuxième temps, nous détaillerons les caractéristiques des milieux naturels où se forment des

zéolithes et la stabilité thermodynamique de ces dernières. Enfin, la dernière partie de cette étude

bibliographique se focalisera sur l’ensemble des paramètres influçant le phénomène de reprise

d’altération lors de la lixiviation du verre.

I.1. Les zéolithes

I.1.1. Structure et propriétés

Les zéolithes sont des aluminosilicates appartenant à la famille des tectosilicates. Leur

structure cristalline résulte de l’agencement de tétraèdres SiO4 et AlO4, les deux tétraèdres étant

reliés l’un à l’autre par un oxygène. D’après la règle de Lowenstein (Si ≥ Al), deux tétraèdres AlO4-

ne peuvent pas être consécutifs à l'intérieur de la structure. Lorsque tous les oxygènes sont

partagés entre les tétraèdres de silicium et d’aluminium, la structure est tridimensionnelle et

constituée de canaux ouverts (Figure I-1).

Page 185: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

185

(a)

(b)

Figure I-1. Structures tridimensionnelles (a) de la merlinoite (tétragonale) et (b) de la phillipsite

(orthorhombique), d’après IZA1.

Ainsi, le rapport Si/Al qui est une des caractéristiques de la structure des zéolithes peut

varier de 1 jusqu’à l’infini. La substitution d’un silicium par un aluminium (trivalent) engendre la

création d’une charge négative, compensée par un cation situé dans les cavités de la structure. Pour

les zéolithes naturelles, les cations compensateurs peuvent être des alcalins (Na+, K+…) ou des

alcalino-terreux (Ca2+, Ba2+…). Dans le cas de zéolithes synthétiques, il peut s’agir de molécules

organiques (cation ammonium…).

Il existe actuellement 201 types structuraux répertoriés par l’IZA (International Zeolite

Association). Elles sont identifiées par un code composé de trois lettres capitales.

I.1.2. Synthèses de zéolithes par voie hydrothermale

Plusieurs méthodes de synthèse sont utilisées, la plus connue et la plus ancienne étant la

synthèse par voie hydrothermale qui permet de créer de nouvelles structures jusqu’alors non

observées dans la nature. Ce mode de synthèse a été utilisé pour la première fois par Barrer [1]

dans les années 1940 afin de reproduire des zéolithes naturelles à haute pression (100 bars) et

température (200 °C). La synthèse par voie hydrothermale requiert une température inférieure à

250 °C. La durée du processus peut varier de quelques heures à plusieurs jours. Le mélange

réactionnel est constitué par :

- des réactifs (Si, Al) formant la charpente zéolithique,

- un agent structurant pouvant être un cation (alcalin ou alcalino-terreux) ou une molécule

organique,

- un agent minéralisant (OH- ou F-),

- et un solvant (couramment l’eau).

L’agent minéralisant, ici les ions hydroxyles, permet aux réactifs de solubiliser les espèces

alumino-siliciques. Le rapport Si/Al constituant les zéolithes est fortement dépendant de la teneur

en agent minéralisant [2-4]. En effet, plus la basicité du milieu augmente, plus la solubilité de la

silice augmente et donc leur capacité à se recondenser diminue alors que celle des aluminates reste

1 International Zeolite Association sur http://www.iza-structure.org/databases/.

Page 186: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

186

constante, plus le rapport Si/Al des zéolithes sera faible. A pH plus faible, la formation de zéolithes

siliciques est donc favorisée. Cette constatation a été faite par Muller et al. [5] lors de la

caractérisation de zéolithes formées durant l’altération de verre nucléaire.

L’agent structurant quant à lui favorise la structuration de la matière au niveau atomique et

moléculaire. En effet, la présence d’un cation en solution modifie localement la structure primitive

de l’eau par rupture des liaisons hydrogènes [6]. Une classification des cations tenant compte de

leur caractère chaotrope ou cosmotrope existe. Le sodium et le lithium sont des cations favorisant

la réorganisation de nombreuses couches de solvant autour d’eux, ils sont appelés « ions

structurants ». A l’inverse, le potassium ne parvient pas à immobiliser autour de lui de nombreuses

molécules de solvant, dans ce cas la perte de la structure primitive de l’eau n’est pas compensée

par une restructuration des molécules d’eau autour de l’ion, celui-ci est dit « déstructurant ».

Les cations s’entourent des réactifs et de leurs sphères d’hydratation pour les polycondenser,

prédéfinissant ainsi les caractéristiques des pores (taille et forme). Par la suite, les cations alcalins et

alcalino-terreux restent dans les cavités de la structure comme compensateur de charges de la

charpente minérale.

I.1.3. Mécanismes de formation des zéolithes

I.1.3.1 Mécanismes de cristallisation en solution

I.1.3.1.1 Sursaturation

La nucléation puis la croissance des nucléi est due initialement à une sursaturation de la

solution. La force motrice de ces deux phénomènes est la différence des potentiels chimiques

qu’ont les molécules respectivement dans la solution mère sursaturée µ et dans la solution saturée

µs à l’équilibre. L’expression de cette différence est la suivante, par molécule :

βµµµ lnTkBs =−=∆

avec kB la constante de Boltzmann, T la température et β le degré de sursaturation :

*C

C=β

avec C la concentration de la solution avant cristallisation et C* sa concentration à saturation (ou

encore sa solubilité).

Si β > 1, les cristaux vont croître, si β < 1, les cristaux vont se dissoudre et si β = 1, les

cristaux sont à l’équilibre. Rappelons que les cinétiques sont toujours plus rapides dans les milieux

plus concentrés à un même degré de sursaturation β [7][7][7][7].

I.1.3.1.2 Nucléation

La nucléation est l’étape durant laquelle les premiers nucléi stables vont être formés. Deux

types de nucléation existent. La nucléation primaire correspond à l’apparition des cristaux d’une

Page 187: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

187

phase considérée dans une solution qui en est dépourvue. Par opposition, dans la nucléation

secondaire, les nouveaux germes proviennent de cristaux de la même phase existante en solution.

La nucléation primaire se divise en deux types, elle peut être homogène si les germes se forment

dans la solution ou bien hétérogène dans le cas où les germes se forment sur un substrat (paroi du

réacteur, particules étrangères…). Les nucléations primaires homogène et hétérogène sont des

processus activés, nécessitant le franchissement d’une barrière énergétique.

I.1.3.1.2.1 Nucléation primaire homogène

Les molécules, diffusant aléatoirement par mouvement Brownien dans la solution, se

rencontrent puis coalescent pour former des petits agrégats. La probabilité de rencontre augmente

avec les concentrations et la sursaturation. La formation d’un germe stable prêt à croître nécessite

une énergie de Gibbs, faisant intervenir deux énergies de volume et de surface antagonistes :

γβ STkV

G B +Ω

−=∆ ln

où V est le volume d’un germe constitué de molécules de volume Ω, S est la surface d’un germe et γ

est l’énergie interfaciale cristal-solution. ∆G passe par une valeur critique (∆G*) lorsque le germe a

une taille critique (r*) à l’équilibre instable δ∆G/δr = 0. Les expressions de ces deux paramètres sont

les suivantes (Figure I-2) :

βγ

ln

2*

Tkr

B

Ω= et 2

32

)ln(3

16*

βγπ

TkG

B

Ω=∆

Globalement, la taille du germe critique est d’autant plus petite que la sursaturation et la

température sont importantes et que l’énergie interfaciale cristal-solution est plus petite.

Figure I-2. Schéma illustrant l’évolution de l’énergie libre d’activation de nucléation en fonction du

rayon du germe.

Page 188: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

188

I.1.3.1.2.2 Nucléation primaire hétérogène

Dans le cas de la nucléation hétérogène, le germe se développe sur un support. Sa

géométrie change et dépend de l’affinité avec le support. Le germe forme un angle de contact α

avec le support, d’autant plus faible que l’affinité entre le germe et le support augmente (Figure

I-3). Le rôle du support est de catalyser la nucléation en abaissant la barrière énergétique mise en

jeu. L’enthalpie libre de formation du germe est alors :

)(.hom αFGGhet ∆=∆ avec 2)cos1()cos2(25,0)( ααα −⋅+⋅=F

Figure I-3. Schéma illustrant la formation d’un germe sur un substrat au cours de la nucléation primaire

hétérogène.

I.1.3.1.2.3 Cinétique de nucléation

La cinétique de nucléation J, appelée « fréquence de nucléation », correspond au nombre de

cristaux se formant dans la solution saturée par unité de volume et par unité de temps. En

simplifiant le système, on peut écrire :

)exp(*

0 Tk

GKJ

B

∆−=

où le coefficient cinétique K0 est :

000 υNK =

avec N0 le nombre de molécules de soluté par unité de volume, ν0 est la fréquence à laquelle les

germes de taille critique r* deviennent surcritiques et se développent en cristal. Il existe une

sursaturation critique en dessous de laquelle la fréquence de nucléation est presque nulle et au-

delà de laquelle elle augmente très rapidement (Figure I-4).

Page 189: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

189

Figure I-4. Schéma illustrant la courbe de fréquence de nucléation J en fonction de la sursaturation.

La cinétique de nucléation dépend non seulement de l’état de sursaturation mais aussi de la

manière et de la vitesse à laquelle il est atteint [7].

I.1.3.1.1 Croissance

Le développement d’un germe et sa transformation en cristal a lieu tant que le milieu est

sursaturé. Des mécanismes de croissance et vitesses de croissance interviennent sur les différentes

faces du cristal. Le processus global de croissance se décompose en deux étapes qui sont

premièrement, le transfert de matière de soluté de la solution à la surface du cristal puis

deuxièmement, l’incorporation des unités de croissance dans les faces. Le cristal ne comporte que

les faces à faible vitesse de croissance.

I.1.3.1.2 Transitions de phase et murissement d’Ostwald

Lors de la diminution de la sursaturation dans un système fermé, deux phénomènes se

produisent :

- une disparition de la plupart des cristaux, surtout des petits, au profit des gros par le

murissement d’Ostwald. Le nombre de cristaux diminue alors que la taille moyenne augmente.

- une transition de phase peut être observée mettant en jeu les aspects thermodynamiques

et cinétiques des différentes phases. En solution, lorsque différentes phases coexistent, la seule

phase stable est celle dont la solubilité est la plus faible. Cependant, selon la règle d’Ostwald, la

phase la plus stable est rarement celle qui nuclée en premier. En général, lorsque deux phases sont

susceptibles de se former en solution sursaturée, la phase métastable précipite la première car les

facteurs cinétiques qui imposent la nucléation l’emportent sur les facteurs thermodynamiques qui

imposent l’équilibre final. Par la suite, la phase métastable va se dissoudre au profit de la

croissance de la phase stable.

I.1.3.2 Mécanismes de formation des zéolithes

La compréhension des mécanismes du processus de cristallisation des zéolithes a débuté

lors des synthèses réalisées par Barrer [1] dans les années 50. La complexité du système est due à

un nombre important de variables et à leur interdépendance au sein du système au cours du temps

Page 190: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

190

(pH, composition chimique du système initial, température, pression, temps) modifiant la

cinétique de croissance.

I.1.3.2.1 Période d’induction

Lors du suivi cinétique de la cristallisation des zéolithes, il existe une période d’induction,

définie comme étant le temps de synthèse qui précède la détection des premiers cristaux de

zéolithes. Durant cette période se forment les nucléi. On comprend que ce temps est fonction de la

performance de la technique d’analyse utilisée. La théorie classique de la nucléation divise cette

période τ en trois sous-périodes [8] :

gnr ttt ++=τ

où tr correspond au temps de relaxation (temps nécessaire pour atteindre un état quasi-stationnaire

d’amas de molécules), tn est le temps de formation de nucléi de zéolithes stables et tg le temps

nécessaire pour que les nucléi croissent jusqu’à une taille détectable.

Le pH a une influence notable sur la durée de la période d’induction. La Figure I-5 met en évidence

qu’une augmentation de pH permet de réduire significativement le temps d’induction.

Figure I-5. Influence du pH sur la cinétique de cristallisation de la mordénite à 300°C, d’après Mullin et

Cobex [9].

I.1.3.2.2 Nucléation

Lors de la synthèse des zéolithes se forme un gel inhomogène qui n’est pas à l’équilibre

avec la solution. Au cours du temps, l’équilibre s’établit entre le gel et la solution via des réactions

de dissolution / condensation induisant une restructuration du gel. Les cations structurants

s’entourent d’anions (polymères silicatés et aluminosilicatés formés de tétraèdres) formant des

géométries particulières [10]. Localement, une phase pré-cristalline forme un nucleus, stable

lorsqu’il atteint le rayon critique (Figure I-6).

Page 191: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

191

Figure I-6. Augmentation de l’ordre au cours du processus de nucléation / croissance des zéolithes,

d’après Cundy et Cox [11].

La nucléation des zéolithes reste un mécanisme loin d’être encore bien compris, plusieurs

théories existent notamment sur le lieu de formation des premiers nucléi. Dans la littérature, trois

modèles alternatifs de nucléation et croissance des zéolithes sont décrits [11, 12]. La première

approche est celle de la nucléation en solution. Cette théorie suppose que les nucléi se forment

dans la phase liquide et qu’une fois atteint leur rayon critique, la croissance des nucléi se fait grâce

à l’apport d’entités solubles via la solution. Dans ce cas, la présence d’un gel ou phase amorphe

servirait de réservoir de nutriments pour la croissance des cristaux par la

dissolution / recondensation des éléments le constituant. La seconde approche est la nucléation à

partir du gel, ce qui suppose la préexistence d’une phase solide amorphe. Au cours du temps, sa

réorganisation induirait la formation de nucléi qui croîssent dans le gel (transformation solide-

solide) ou dans la solution (mécanisme de formation autocatalytique). Une troisième théorie,

actuellement la plus reconnue, est basée sur une nucléation hétérogène se produisant à la surface

ou dans les particules de gel et une croissance qui aurait lieu en solution par l’incorporation

d’espèces solubles autour des nucléi [13].

Une étude récente a montré, lors de la synthèse d’hydrogel aluminosilicaté, que la

distribution des nucléi au sein du gel variait au cours du temps [14]. Lors de la précipitation de

l’hydrogel, une première population de nucléi, répartis de façon non homogène, se forme au sein

de celui-ci. Dans ce cas, il s’agit d’une nucléation autocatalytique. Au cours du temps, une seconde

population apparaît en surface et sub-surface du gel existant.

Le rôle du gel dans le processus de nucléation a été mis en évidence par Itani [15]. L’étude

des étapes précédant la nucléation de zéolithes à partir d’un gel aluminosilicaté riche en

hydroxyde de sodium a permis de faire un lien entre les propriétés physico-chimiques du gel et la

nucléation de la zéolithe. Un système riche en cations alcalins favorise la formation d’un gel à

structure ouverte (mésopores) permettant un échange accru entre la solution et les particules de gel

et donc conduisant à une augmentation du nombre (et de la taille) des mésopores. Cette porosité

favorisant les échanges de nutriments par l’augmentation de l’interface solide-liquide, il en résulte

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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

192

une vitesse de nucléation et de formation des zéolithes plus importante que dans un système plus

pauvre en cations alcalins. Itani [16] montre également que le nombre de nucléi est limité par la

diffusion des nutriments lorsque le gel est dense et présente une surface spécifique très faible. A

l’inverse, un fort gradient de concentration à l’interface solide-liquide favorise l’échange entre ces

deux phases conduisant à une augmentation de la vitesse de nucléation.

I.1.3.2.3 Croissance

La maille élémentaire de la zéolithe est constituée par l’agencement d’unités secondaires

formées de tétraèdres. La croissance d’un germe ayant atteint le rayon critique nécessite la

diffusion de ces unités constructives (Figure I-7) à sa surface puis leur intégration suivant les

directions cristallographiques. La croissance cristalline est donc limitée par ces deux paramètres.

Cependant, des études ont montré que l’énergie d’activation pour la cristallisation

(~ 66 - 72 kJ.mol-1) correspond aux énergies de rupture et de formation des liaisons T-O-T. Cette

valeur étant trop élevée pour être attribuée à la diffusion des nutriments (~ 16 - 17 kJ.mol-1) [17, 18],

l’étape limitant la croissance des zéolithes serait celle de l’intégration des blocs élémentaires à la

surface des nucléi.

Figure I-7. Principales unités de construction secondaires (Secondary Building Units) obtenues par

assemblage de tétraèdres (Primary Building Units).

Les zéolithes sont des matériaux métastables et par conséquent, la cinétique joue un rôle important

lors de la cristallisation. La formation des zéolithes suit la loi d’Ostwald, ainsi lorsque le temps de

cristallisation augmente, la formation d’une phase stable est plus favorable [19].

Différents paramètres influencent la croissance des cristaux de zéolithes. Barrer montre que la

vitesse de croissance augmente avec le pH [17], en accord avec la Figure I-5 [9]. Une plus forte

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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

193

concentration en précurseurs dissous dans la solution permet un transport plus rapide à la surface

des cristaux en croissance, de même qu’une réaction de surface plus rapide pour intégrer les

précurseurs au réseau cristallin. L’état de sursaturation de la solution modifie le mode de

croissance des zéolithes [20], de même que l’état de sous-saturation a un effet sur le mode de

dissolution des cristaux [21, 22]. Il est communément admis que la croissance de gros cristaux n’est

obtenue qu’en ralentissant la vitesse de croissance et en limitant le nombre de germes.

La représentation de la quantité totale de cristaux formés en fonction du temps suit une allure de

sigmoïde. Cette évolution se décrit par une période d’induction, une période d’accélération de la

croissance des cristaux puis une période de ralentissement due à l’épuisement de réactifs

nécessaires à la croissance des cristaux.

De nombreuses questions subsistent à cause des nombreux paramètres influençant l’évolution

du système. Les études menées sur l’étape de nucléation mettent en avant le rôle complexe des

propriétés physico-chimiques de l’hydrogel, dont la vitesse de nucléation dépend fortement. La

concentration en cations alcalins, le choix des réactifs induisent des vitesses de polymérisation

et une morphologie (porosité et surface spécifique) du gel différentes. En résultent une surface

d’échange et des gradients de concentrations favorisant plus ou moins la vitesse de diffusion

des nutriments dans le gel et par conséquent le temps d’induction et la vitesse de nucléation.

Ainsi, une augmentation du pH diminue le temps d’induction et augmente la vitesse de

nucléation et de croissance des zéolithes. Par ailleurs, en fonction du vieillissement du gel, le

lieu de nucléation change.

I.2. Formation et stabilité des zéolithes

Les zéolithes sont des produits d’altération de matériaux minéraux en contact de solutions

plutôt alcalines durant une période de temps variable. Elles peuvent être par exemple issues de

l’altération de roches volcaniques contenant du verre par des eaux à caractère basique, ou de

l’altération d’argiles dans des solutions alcalines, représentatives de solutions d’altération d’un

béton sain. La variabilité des caractéristiques physico-chimiques du milieu géologique favorise la

formation d’une grande diversité de zéolithes. Les études en laboratoire reproduisent des

conditions de formation similaires pour tenter de comprendre les mécanismes de formation de ces

phases et d’en prévoir les conséquences sur le matériau d’origine. L’étude thermodynamique des

zéolithes en fonction de leur milieu de formation permet de définir des domaines de stabilité de ces

phases. Cette approche permet de valider les hypothèses sur le processus de diagénèse dans le cas

d’étude de zéolithes en formation géologique. Une section de ce paragraphe sera consacrée aux

zéolithes rencontrées lors de nos expériences.

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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

194

I.2.1. Les zéolithes issues de l’altération de verre naturel

Les zéolithes naturelles sont principalement issues de l’altération hydrothermale de roches

volcaniques constituées de verre naturel dans des environnements à pH neutre à alcalins à faible

température [23] (Figure I-8).

Figure I-8. Relations entre pH, température et formation de minéraux par voie hydrothermale [24].

Leur formation dépend au premier ordre de la composition du fluide (activité en silice,

concentration des cations et pH) puisque des assemblages zéolithiques très différents sont observés

dans des conditions similaires de température et de composition de roche mère (protolithe). La

température est également un facteur important assurant la stabilité de la zéolithe ; la pression

quant à elle joue un rôle secondaire.

Les zéolithes siliciques telles que la clinoptilolite ou mordenite proviennent de l’altération

de verres siliceux (contenant entre 45 % et 75 % en masse de silice) alors que les zéolithes plus

alumineuses comme la phillipsite ou l’analcime sont issues de l’altération de verres basaltiques. Il

est intéressant de noter que dans les zéolithes naturelles communément rencontrées, il existe

principalement des zéolithes sodiques et calciques mais pas de zéolithes à dominante potassique.

Le potassium est généralement présent dans les zéolithes capables de voir varier de façon

significative leurs proportions en différents cations (e.g. chabazite, phillipsite, clinoptilolite). La

formation de phillipsite est favorisée dans des environnements tels que les sédiments de mer peu

profonde pour de faibles activités en silice. La présence de chabazite, merlinoite et phillipsite rend

compte d’un milieu riche en potassium.

La stabilité à long terme de zéolithes naturelles peut être interprétée qualitativement en

faisant appel à la règle d’Ostwald pour laquelle un assemblage minéral voit progressivement

augmenter son degré de stabilité thermodynamique.

La présence de zéolithes au sein des couches d’altération de verre basaltique a été observée

pour des échantillons vieux de plus d’un million d’années [25]. L’étude de verres islandais âgés de

3 à 4 millions d’années a révélé que l’espace, initialement vide, entre les grains de verre était

systématiquement comblé par des zéolithes (chabazite, analcime ou phillipsite) et de la palagonite

(pellicule d’altération de verre basaltique) [26]. Ce « ciment zéolithique » est associé à une couche

épaisse de gel d’altération constituant un écran physico-chimique qui permettrait de ralentir

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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

195

l’altération du verre. La présence de zéolithes constituerait sur ces échantillons une barrière de

diffusion. Ces résultats apparaissent être en contradiction avec le comportement observé pour les

verres nucléaires pour lequel la formation de zéolithes entraîne une reprise d’altération (voir I.3).

Les mécanismes par lesquels s’altèrent les verres naturels en présence d’eau sont complexes

et ceux initiant la formation des zéolithes à partir d’un verre naturel encore mal compris. Les

zéolithes peuvent être également formées par réaction d’autres types d’aluminosilicates en milieu

alcalin, comme par exemple à partir d’argile.

I.2.2. Les zéolithes issues de l’altération d’argiles en milieu alcalin

Au sein des stockages géologiques des déchets radioactifs, le béton est utilisé comme

matériau de construction et se trouve donc en contact avec le matériau d’environnement du site.

Dans plusieurs concepts (français, suisse et belge), l’argile est le matériau d’environnement choisi

pour ses propriétés de rétention notamment. L’interaction entre l’argile et le ciment est étudié en

laboratoire par le biais d’expériences d’altération d’argiles en milieu alcalin [27-32]. Les phases

principales issues de l’altération hydrothermale des argiles sont des zéolithes.

Contrairement au domaine de l’altération de verre naturel, celui de l’altération d’argiles en

milieu alcalin favorise la formation de quelques types de zéolithes (merlinoite, phillipsite,

chabasite, analcime). L’altération de bentonite en solution cimentaire, équivalente à la solution S1,

riche en KOH et NaOH, entre 35 et 90 °C conduit à la formation de phillipsite-(Na,K) [29]. Cette

argile contient du verre volcanique qui, de surcroît par rapport à la montmorillonite, favorise la

nucléation hétérogène de zéolithes au sein de l’argile altérée [30]. Une autre étude montre que

l’altération de bentonite à 60 °C conduit à la formation de chabazite et merlinoite, tandis qu’à 90 °C,

la merlinoite est la zéolithe majoritaire en solution fortement alcaline (K,Na)OH [32]. L’altération

de l’argilite du Callovo-Oxfordien, roche hôte du stockage géologique français, par des solutions

alcalines entraîne la formation d’analcime, de chabazite et de phillipsite en milieu NaOH et de

chabazite en milieu KOH [31].

I.2.3. La merlinoite et la phillipsite, deux zéolithes potassiques et sodiques

La merlinoite et la phillipsite sont deux types de zéolithes contenant du potassium comme

cation structurant. La merlinoite est moins courante dans le milieu naturel que la phillipsite.

Contrairement à la phillipsite, la merlinoite peut contenir exclusivement du potassium [33].

L’étude thermodynamique de Donahoe porte sur l’autogenèse des zéolithes et feldspaths observés

dans la région de Searles Lake en Californie [34]. La construction d’un diagramme de phases en

Figure I-9 permet de mettre en avant le rôle joué par la chimie de la solution dans la formation de

ces phases. Ce diagramme confirme les tendances observées dans la littérature : la phillipsite

présente un rapport Na/K plus important que la merlinoite, alors que leur rapport Si/Al sont

approximativement les mêmes [35-37]. A teneur égale en K et Na en solution, la merlinoite aura

donc tendance à incorporer sélectivement K par rapport à Na [35].

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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

196

Le pH de la solution influence, entre autre, le rapport Si/Al caractéristique des zéolithes. Le

type de cation alcalin influence quant à lui une séquence de cristallisation [29]. Le sodium étant

plus cosmotrope que le potassium, il va favoriser l’agencement des molécules d’eau autour de lui

et la formation d’une structure de zéolithe. La composition de la solution joue donc un rôle

important sur la durée respective des périodes d’induction, de nucléation et de croissance.

Vigil de la villa et al. [29] montrent que les rapports Si/Al et Na/(Na+K) de la phillipsite sont

indépendants de ceux du substrat (argile ou verre volcanique). Ils en concluent que la force motrice

de la formation des zéolithes est la composition de la solution altérante.

Dans une étude à partir de solutions claires dans lesquelles le pH, la concentration en silice et le

rapport Na/(Na+K) sont fixes, Donahoe montre cependant que le rapport Si/Al des zéolithes est

indépendant de celui en solution. La phillipsite a alors pour rapport Si/Al 2,19 et la merlinoite, 1,86

[2]. Les études divergent quant au poids du rôle de la composition du substrat et de celui de la

solution.

Lors de la découverte de la merlinoite en 1977, Passaglia et al. [38] remarquent que la

merlinoite et la phillipsite ont une morphologie similaire. Dans les deux cas, les cristaux sont de

longs prismes tétragonaux (Figure I-10). La merlinoite est orthorhombique alors que la phillipsite

est monoclinique. Cependant, une morphologie de zéolithes n’est pas le reflet d’une composition

chimique. Graham et al. [39] montrent que malgré une morphologie toujours similaire de la

phillipsite, leurs compositions varient grandement.

Figure I-9. Domaine de stabilité de zéolithes et feldspath à 25°C et pH 9,5, adaptée de Donahoe et al. [34].

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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

197

Figure I-10. Exemple de morphologie des cristaux de (a) merlinoite et de (b) phillipsite formés par

réaction hydrothermale à 200°C pendant 30 jours dans, respectivement, 0,1 N NaOH et dans 0,01 N KOH,

d’après Kawano et Tomita [36].

Donahoe constate que pour une structure d’une zéolithe donnée, l’intensité des pics ainsi que la

distance interréticulaire varient en fonction de la composition chimique [35]. La relation entre la

structure, la composition chimique et la morphologie des cristaux est plus complexe qu’il n’y paraît

à première vue.

I.2.4. Stabilité et métastabilité des zéolithes

Les zéolithes naturelles ou de synthèse constituent des solutions solides par rapport aux

cations interchangeables, au rapport Si/Al, à la teneur en eau. De faibles variations de composition

induisent des variations significatives des propriétés thermodynamiques.

Les données thermodynamiques des zéolithes peuvent être obtenues expérimentalement ou

bien être estimées par calculs. L’utilisation de compositions obtenues par caractérisation a des

limites compte tenu de la représentativité des analyses mais également de la variabilité de

composition sur un même site géologique. Une approche thermodynamique est donc souhaitable.

Trois modèles existent, basées sur des hypothèses différentes. Chermak et Rimstidt [40] utilisent un

modèle de détermination de l’enthalpie de formation basé sur le modèle des contributions des

unités polyédriques. Le modèle développé par Navrotsky et Tian [41] est fondé sur la nature de la

structure, la composition et les données thermodynamiques de verres aluminosilicatés. Enfin, le

dernier modèle développé par Vieillard et Mathieu [42-45] se base sur des calculs de données

cristallographiques et composition chimique en utilisant le volume molaire des phases anhydres et

hydratées ainsi que le nombre de molécules d’eau dans la phase.

Chipera [23] met en évidence des différences importantes dans les domaines de stabilité obtenus

suivant la composition chimique implémentée au calcul (Figure I-11).

a b

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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

198

Figure I-11. Modélisation des domaines de stabilité de zéolithes dans divers environnements

géochimiques en utilisant une activité en silice à l’équilibre avec la cristobalite à 35 °C [23].

Compositions chimiques représentatives (a) de l’altération de tuf volcanique (Yucca Mountain, Nevada),

(b) de zéolithes formées à partir d’assemblages de roches volcaniques mafiques2, (c) zéolithes formées

dans des lacs salins / alcalins et (d) mélange de compositions issues de la diagénèse3 (clinoptilolite et

chabazite) et des lacs salins / alcalins (analcime, erionite, phillipsite).

De nombreuses études portant sur les propriétés thermodynamiques des phases

rencontrées lors de l’altération de verres naturels ou d’argiles mentionnent la limite de leurs

résultats, notamment à cause du manque de données sur les compositions chimiques des zéolithes,

mais également des C-S-H [3, 46, 47].

L’approche par modélisation est limitée par plusieurs points essentiels :

- les cinétiques de dissolution et croissance des phases sont peu connues et incertaines,

- la variation de la surface de verre réactive à considérer, d’une part parce que la

dissolution se fait par piqûres, et d’autre part parce que les cristaux recouvrent une partie

importante de la surface dans certains cas,

- peu de données thermodynamiques existent sur les zéolithes, en température et sur les

gammes de composition possibles,

- les données thermodynamiques portant sur la spéciation des éléments clés tels que le

silicium mais aussi l’aluminium à fort pH sont incertaines.

Les zéolithes sont des phases cristallisées métastables. En géologie, il est courant d’observer

des zones de compositions différentes sur un cristal de zéolithe entre la base (ou le centre) du

cristal et sa périphérie [39]. Ces différentes zones indiquent la variation des conditions

2 Adjectif décrivant un minéral de silicate ou une roche qui est riche en magnésium et en fer (olivines, le pyroxène,

l'amphibole, et la biotite). Les roches mafiques les plus courantes sont le basalte et de gabbro.

3 La diagénèse correspond à l'ensemble des processus physico-chimiques et biochimiques par lesquels les sédiments sont

transformés en roches sédimentaires.

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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

199

environnementales (composition de la solution, pH, température) lors de la formation des

zéolithes. La métastabilité des zéolithes est illustrée par la Figure I-12 où la croissance d’un type de

zéolithe se fait sur le substrat d’une autre zéolithe, à ses dépends.

Figure I-12. Exemple de métastabilité de zéolithes. (a) Instabilité de zéolithe de type KI par rapport a la

phillipsite : la zéolithe KI hexagonale forme le substrat sur lequel la phillipsite prismatique nucléé et croît

[28]. (b) Croissance de cristaux de merlinoite au dépend de ceux de chabazite [32].

La métastabilité des zéolithes observées au sein d’un

système peut s’interpréter grâce à la loi d’Ostwald,

dont nous avons évoqué le principe précédemment

(I.1.3.2.3), et qui est illustrée en Figure I-13.

Dans un premier temps, c’est la phase la plus soluble

et la moins stable qui précipite. Ensuite, elle est

remplacée progressivement par une série de phases de

plus en plus stables. En réalité, le système va

préférentiellement former des phases dont la

précipitation est cinétiquement favorisée : la

nucléation de la phase la plus stable est favorisée

cinétiquement par rapport à une phase analogue

moins soluble, ceci parce que la phase la plus soluble

présente une énergie interfaciale minéral / solution

plus faible. Lorsque la composition de la solution

évolue, les cinétiques relatives de précipitation et

dissolution changent : il en résultera la formation

progressive d’un assemblage de phases secondaires

plus stables.

Dans cette approche métastable de l’équilibre, chaque

étape a une énergie d’activation relativement petite qui diminue l’énergie libre totale d’une petite

quantité alors que dans le cas d’une étape unique, une grande énergie d’activation est nécessaire à

la formation de la phase la plus stable, ce qui induit une importante diminution de l’énergie libre

du système.

Figure I-13. Comparaison de l’évolution des

phases observées expérimentalement avec

une illustration de la loi d’Ostwald par une

succession d’étapes, tiré de Bauer [28].

a b

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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

200

I.2.5. Les limites de la littérature sur la synthèse des zéolithes par voie hydrothermale

Le phénomène de formation des zéolithes est relativement complexe et encore mal compris

malgré la mise en place de protocoles de synthèse simples.

Lors de la synthèse de zéolithes par voie hydrothermale, les réactifs (gel de silice,

hydroxyde d’aluminium) sont dissous dans de la soude puis mélangés et agités durant une

période suffisamment longue pour observer la nucléation / croissance des zéolithes. Dans notre

système, la disponibilité des réactifs et agents structurants et minéralisants est totalement

différente puisque l’apport de silicium et d’aluminium provient de la dissolution du verre dans un

premier temps puis dépend par la suite d’équilibres entre les différentes phases en présence (verre,

gel, phyllosilicates, zéolithes…). Des variations de la dissolution-recondensation du gel, de la

dissolution du verre et de la composition de la solution, non seulement due à la précipitation des

zéolithes mais également des phyllosilicates, modifient les équilibres en solution.

Dans des systèmes classiques, le pH est tamponné par une forte teneur en hydroxyde alcalins

(NaOH, KOH) ou alcalino-terreux (Ca(OH)2) alors que dans notre système, le pH évolue au cours

de l’expérience.

Ces différences rendent les interprétations plus délicates dans notre système, du fait de la

dissolution du verre et des phénomènes de dissolution / recondensation du gel. Ainsi des

équilibres thermodynamiques et cinétiques plus complexes se mettent en place.

Lors de la synthèse hydrothermale, il a été montré que de nombreux paramètres

modifiaient l’enchaînement des réactions au sein du système [17] : le caractère plus ou moins

structurant du cation, l‘agitation ou non de la solution, la nature chimique des réactifs, l’ordre dans

lequel ceux-ci ont été mélangés.

L’approche par des systèmes simples montre également que de nombreuses questions

subsistent, notamment concernant les mécanismes de nucléation des zéolithes, entre autres la

localisation spatio-temporelle des premiers nucléi ainsi que la nature des espèces impliquées dans

leur formation.

Le type de zéolithe qui précipitera à partir d’un gel aluminosilicaté est fortement dépendant

du cation présent dans le gel parent. Par analogie, les flux de cations provenant du verre, du gel,

des phases secondaires et de la solution modifient l’équilibre du système et ont donc un effet sur le

type de zéolithe formé au cours de la réaction. Qui plus est, la stabilité des zéolithes est

relativement difficile à modéliser à cause de la variabilité de leur composition chimique.

L’ensemble de la littérature portant sur la synthèse de zéolithes par voie hydrothermale est une

source riche d’informations. Néanmoins les conditions de synthèse, entre autres, limitent

l’analogie pouvant être faite avec notre système. A cela s’ajoute le fait que, malgré l’apparente

simplicité des protocoles expérimentaux, de nombreuses questions subsistent notamment sur

les mécanismes de nucléation des zéolithes. Des différences notables entre la voie classique de

synthèse des zéolithes et notre système rendent l’interprétation des résultats et la validation de

mécanismes relativement complexes.

Page 201: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

201

L’observation de zéolithes au sein d’expériences réalisées en présence de verre apporte des

éléments de compréhension complémentaires, notamment sur l’influence de paramètres au cours

de l’altération.

I.3. Paramètres influant le phénomène de reprise d’altération

Etant une phase amorphe, le verre est thermodynamiquement métastable par rapport à des

phases cristallisées. De la transformation du verre en phases cristallisées via la solution résulte la

formation de produits de complexité croissante : des oxydes hydratés simples à des phases

cristallisées beaucoup plus complexes, comme par exemple les argiles ou encore les zéolithes. Les

conséquences de la formation de ces phases sur l’altération du verre ne sont pas totalement

élucidées, néanmoins une classe de minéraux, les zéolithes, ont dans certains cas un effet

accélérateur sur la dissolution du verre. Nous verrons à travers différentes études que cet effet a été

mis en évidence expérimentalement mais également grâce aux outils de simulation.

L’occurrence du phénomène de reprise d’altération est le résultat de la précipitation de

zéolithes [5, 48]. Cependant, la précipitation de telles phases n’engendre pas systématiquement de

reprise d’altération [49]. L’objectif ici est de mettre en évidence les paramètres importants qui

favorisent ou inhibent la formation de ces phases du point de vue de l’altération du verre.

I.3.1. Rôle de la composition du verre

L’aluminium a un rôle important sur la durabilité du verre [48, 50-53]. Les tétraèdres de

silicium et d’aluminium qui se retrouvent au sein de la pellicule d’altération sont interconnectés.

La structure et la morphologie de cette couche lui apportent un caractère passivant. Cependant,

l’aluminium a un rôle crucial dans la formation de zéolithes et donc sur une éventuelle reprise

d’altération. Van Iseghem et Grambow [54] ont étudié deux verres nucléaires belges, SM58 et

SAN60, dont les différences de composition portent principalement sur la teneur en aluminium

(Si/Al = 40 et 2 respectivement) et en alcalins. A faible rapport S/V, la vitesse initiale en eau

désionisée est relativement plus faible pour le verre SAN60 à cause de sa forte teneur en

aluminium. A l’inverse, à fort rapport S/V, l’altération du verre SAN60 se poursuit au-delà de la

saturation vis-à-vis de la silice amorphe et l’analcime précipite (zéolithe sodique couramment

observée dans le cas de reprises d’altération). Le comportement du verre SAN60 dans ces

conditions est lié à la forte teneur en aluminium dans le verre entraînant une perturbation de la

saturation en silice. La simulation révèle que la précipitation d’analcime est susceptible

d’engendrer une reprise d’altération pouvant atteindre des cinétiques du même ordre de grandeur

que la vitesse initiale selon le rapport Si/Al du verre.

A la suite de l’étude réalisée par Van Iseghem et Grambow, Strachan et Croak [49]

poursuivent la simulation de l’altération de verres simples pour mettre en avant l’effet de

composition sur le comportement à long terme du verre en eau désionisée. Cet effet est étudié par

rapport à la précipitation de l’analcime. A l’aide du code géochimique EQ3/6 [55], Strachan et

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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

202

Croak calculent le domaine de stabilité de la silice amorphe vis-à-vis de l’analcime pour différentes

compositions de verre.

Figure I-14. Domaine de stabilité de la silice amorphe vis-à-vis de l’analcime à différentes teneurs en

aluminium dans un verre simple à 6 oxydes, d’après Strachan et Croak [49]. Lorsque

« Glass Reacted » = 0, la silice amorphe est stable vis-à-vis de la précipitation d’analcime.

Lorsque la précipitation de l’analcime est favorisée par rapport à la silice amorphe

(« Glass reacted < 0 » sur la Figure I-14), autrement dit au gel, celle-ci entraîne une dissolution du

verre plus ou moins importante et peut donc provoquer une reprise d’altération.

Un résultat important de cette étude est la dépendance de la précipitation d’analcime à la teneur en

aluminium. Une faible variation de la teneur en aluminium entraîne une précipitation d’analcime

déstabilisant alors le gel contrairement au sodium par exemple, pour lequel la même variation de

composition présente un effet beaucoup moins marqué. L’effet de l’aluminium est mis en évidence

par la Figure I-14 où sont représentés les domaines de stabilité de la silice amorphe vis-à-vis de

l’analcime.

L’état de sursaturation nécessaire à la précipitation d’analcime, et donc la déstabilisation du gel,

dépend au premier ordre du rapport Si/Al et au second ordre des autres composants du verre.

Pour des rapports Si/(Si+Al) < 0,7, la quantité de verre nécessaire à la précipitation d’analcime et

l’observation d’une reprise d’altération est cent à mille fois plus importante que pour des verres à

des rapports supérieurs.

Une substitution importante des alcalins (Li, Na) ou alcalino-terreux (Ca) par du bore diminue le

pH pour un même progrès de réaction. Néanmoins, les taux de substitution atteints dans la

simulation sont très élevés par rapport aux taux observés dans les verres nucléaires. Un pH élevé

favorisant le phénomène de reprise, une augmentation de la teneur en alcalins ou alcalino-terreux

par rapport au bore est également un paramètre à prendre en compte [48].

Une vaste étude, réalisée par Ribet et al. [48], sur plus de quatre-vingt dix compositions de

verre a eu pour but de modéliser les données de lixiviation en fonction de la composition des

verres par une analyse statistique des données. La Figure I-15 montre le rôle important des alcalins

sur l’augmentation du pH alors que le silicium, le fer et le bore ont tendance à le diminuer. Notons

que l’aluminium a ici un effet négligeable sur le pH.

Page 203: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

203

Figure I-15. Influence des composants du verre sur l’équilibre du pH en solution par une approche

statistique, d’après Ribet et al. [48].

Les analyses de la composition de la solution lixiviante [48] et les caractérisations des phases issues

de l’altération [5] mettent en avant les effets importants de la composition du verre. La

caractérisation des phases secondaires est réalisée conjointement en DRX et MEB. Trois groupes de

verres caractéristiques ressortent de cette analyse :

- le premier groupe est défini par le fait qu’aucune reprise d’altération n’est observée et que

le pH à 20°C est inférieur à 10,7, valeur en dessous de laquelle aucune reprise d’altération ne s’est

produite. Seuls des phyllosilicates ont été détectés au MEB, en DRX aucun pic n’indique de phase

cristalline.

- le deuxième groupe se caractérise par un pH d’équilibre proche de 11 sans qu’aucune

reprise d’altération ne se soit produite. Cependant, des cristaux ayant précipité ont été observés en

plus des phyllosilicates. L’analyse EDS de leur composition montre qu’il s‘agit de zéolithes de type

phillipsite. En DRX, aucun pic ne sort pour cette phase probablement du fait de sa trop faible

quantité.

- le troisième groupe réunit l’ensemble des verres pour lesquels une reprise d’altération a

eu lieu. Dans ce cas, les analyses DRX et EDS identifient des phyllosilicates en abondance ainsi

qu’une structure de type zéolithe.

La nucléation de ces cristaux est susceptible d’induire une reprise d’altération. Il peut y avoir des

limitations de croissance de cette phase résultant d’un faible taux résiduel. Comme le suggère Gin

et Mestre [56], l’aspect thermodynamique ne suffit pas, l’aspect cinétique doit être pris en compte

pour expliquer que l’état de sursaturation n’implique pas la croissance des cristaux de zéolithes et

donc une reprise d’altération.

I.3.2. Rôle de la composition de la solution d’altération

De nombreuses reprises d’altération sont observées en eau initialement désionisée selon la

composition du verre, le temps d’altération ou encore la température, paramètres jouant un rôle

Page 204: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

204

majeur dans l’observation d’une reprise d’altération. Cependant, la précipitation de zéolithes est

favorisée en présence de cations alcalins et fort pH. Ribet et Gin [57] étudient l’altération du verre

SON68 en milieu KOH et NaOH à des pH de 11,4 à 90 °C. Ils montrent que la nature du cation

alcalin affecte la période de transition avant la reprise d’altération ainsi que la nature des zéolithes

précipitées. La reprise d’altération survient plus rapidement en présence d’hydroxyde de sodium

que de potassium. Ce résultat est en accord avec le caractère cosmotrope du sodium qui favorise la

structuration du cristal. Les zéolithes caractérisées par DRX et MEB en milieu sodique sont des

cristaux d’analcime (Na(AlSi2O6).H2O) alors qu’en milieu potassique, il s’agit de merlinoite

(K5Ca2(Al9Si23O64).24H2O). La composition de la solution d’altération modifie la nature de la

zéolithe formée et le temps de latence avant la reprise d’altération.

I.3.3. Rôle de la température

L’augmentation de la température favorise les phénomènes de dissolution-précipitation.

L’altération d’un verre nucléaire chinois dans une eau souterraine montre une reprise d’altération à

150 °C alors qu’à 90 °C, aucune reprise n’est observée durant le temps de l’expérience [58]. Pour

une gamme de température comprise entre 20 °C et 200 °C, le phénomène de reprise d’altération se

produira d’autant plus rapidement que la température est élevée [59]. Néanmoins, la variation de

la température induit un changement de l’équilibre du système. Des phases stables à 25 °C ne le

sont pas forcément à 50 °C ou 90 °C. La température a un rôle majeur sur les cinétiques de

précipitation et donc également sur la nature des phases formées d’après la loi d’Ostwald.

I.3.4. Rôle du pH

Ces phénomènes de reprise d’altération ont été mis en évidence au cours d’études menées

dans des laboratoires américains, en particulier au Vitreous State Laboratory (Washington D.C.), et

concernant majoritairement la vitrification des déchets nucléaires de West-Valley. Des expériences

de lixiviation ont été menées sur de longues échéances (jusqu’à 14 ans) sur près d’une centaine de

verres et sur des domaines de composition assez proches du domaine des verres CSD-B, avec

toutefois des quantités d’aluminium et de silicium généralement inférieures [48]. Une tendance

significative a été observée concernant la relation entre le pH d’équilibre et l’occurrence d’une

reprise d’altération. En particulier, aucune reprise d’altération ne s’est produite pour des pH

inférieurs à 10,7 alors que pour des pH supérieurs à 11, presque tous les verres sont sujets à des

reprises d’altération (Figure I-16).

Page 205: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

205

-4.0 -3.5 -3.0 -2.5 -2.0 -1.5 -1.0 -0.59.0

9.5

10.0

10.5

11.0

11.5

12.0

pH (20°C)

Log (Rate_3000d)

no Res. + Res.

Figure I-16. pH de la solution d’altération en fonction de la vitesse d’altération à 3000 jours des

différents verres étudiés par Ribet et al. Les points remplis correspondent aux verres sur lesquels aucune

reprise d’altération n’a été observée tandis que les points clairs représentent les verres avec reprise

d’altération. Adapté de Ribet et al.[48].

Le rôle clé du pH dans l’occurrence du phénomène de reprise d’altération est également mis en

évidence par Barkatt et al. [60]. Ils montrent que pour des verres présentant une reprise d’altération

en eau désionisée (pH90°C > 10), l’altération dans les mêmes conditions en milieu tamponné à pH

neutre (pH90°C 7,05) ne présente aucune reprise dans l’intervalle de temps étudié (300 jours). Dans

le cas d’une reprise d’altération, la diminution brutale du pH en présence de zéolithes induit leur

dissolution et un arrêt de la reprise d’altération [57].

I.3.5. Rôle du S/V sur reprise d’altération

Une augmentation du paramètre S/V permet d’atteindre de plus fort progrès de réaction

et donc l’état de saturation plus rapidement. Pour un même verre altéré dans les mêmes

conditions, l’augmentation du rapport S/V entraîne le début d’une reprise d’altération à des temps

plus courts [60, 61] (Figure I-17).

Page 206: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

206

Figure I-17. Evolution de la concentration en bore en fonction du temps dans le cas de l’altération d’un

verre en solution alcaline (NaOH à 0.001 M) à 90°C à 20 cm-1 et 30 cm-1, d’après Barkatt et al. [60].

L’existence, l’ampleur et la durée du phénomène de reprise d’altération sont extrêmement

sensibles aux faibles variations de compositions du verre (notamment en aluminium et

également en alcalins), de la solution d’altération ainsi que des conditions d’altération (pH, S/V,

température). Le pH de la solution est un paramètre clé puisqu’au-delà d’environ 10,5 à 20 °C,

les verres sont fortement sujets aux reprises d’altération. La teneur en alcalins du verre

augmente le pH de la solution, à l’inverse du bore et du silicium. Par ailleurs, la teneur en

aluminium est un autre paramètre fondamental. La simulation a montré que lorsque le rapport

Si/(Si+Al) est inférieur à 0,7, la probabilité d’observer un phénomène de reprise s’accroît

fortement. Une faible variation de concentration en aluminium peut être un élément

déclencheur. Le temps d’induction sera d’autant plus court que la température, le rapport S/V et

le pH seront élevés.

Jusqu’à présent dans la littérature, aucun auteur n’a rapporté l’observation de succession de

phénomènes de reprise d’altération lors de la précipitation de zéolithes. Barkatt et al. [60] le

soulignent précisément. Une reprise d’altération peut-elle perdurer ou bien s’amenuise-t-elle au

cours du temps ? Quels en sont les mécanismes clés ?

Page 207: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

207

II. Etude expérimentale des mécanismes et des cinétiques

d’altération du verre en présence de zéolithes

Jusqu’à présent, la précipitation de zéolithes a été observée uniquement, mais de façon

systématique, lors d’altérations du verre en solution S1 à 50°C.

II.1. Conditions expérimentales

Afin d’atteindre rapidement d’importants progrès de réaction et ainsi des conditions de

saturation, les tests relatifs aux reprises d’altération sont menés à fort et très fort rapport S/V. Le

Tableau II-1 récapitule l’ensemble des tests réalisés. Pour les quatre expériences RA80, RA200,

RA200S et RA1000, la poudre de verre est altérée en solution, l’ensemble des prélèvements étant

réalisé dans le réacteur tout au long du test. Dans le cas du test RA2000, un réacteur correspond à

une échéance. Le volume initial de solution (0,5 mL) est trop faible pour pouvoir effectuer une

mesure du pH à l’arrêt de l’expérience. Pour les autres tests, la mesure du pH, les prélèvements et

leur acidification s’effectuent de la même façon que celle développée dans le cas de la chute de

vitesse à 200 cm-1 (Chapitre V, § II.). Les tests RA80 et RA1000 ont été arrêtés et une analyse

approfondie du solide a pu être réalisée.

Tableau II-1 . Récapitulatif des paramètres des tests statiques à fort rapport S/V menés en solution S1 à

50°C.

Référence Verre Granulométrie

(µm) S/V

(cm-1) m verre

(g) V solution

(mL) RA80 CSD-B 40 - 80 80 12,31 120 RA200 CSD-B 20 - 40 200 7,86 70 RA200S VS 20 - 40 200 7,86 70 RA1000 CSD-B 5 -15 1000 8,42 50 RA2000 CSD-B 40 - 80 2000 1,00 0,5

II.2. Problématique

Pour l’ensemble des expériences présentées ici, des zéolithes ont été observées de façon

systématique. Cependant, leurs caractéristiques physico-chimiques (nature, morphologie…) ainsi

que leur formation (temps d’induction, nucléation / croissance, nombre de cristaux…) diffèrent

selon les expériences.

La différence entre les fractions de verre altéré déterminées à partir des concentrations en

bore et molybdène dans le Tableau II-2 montre que ce dernier est l’élément le plus lixivié. Nous

considérerons cet élément comme traceur de l’altération.

Page 208: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

208

Tableau II-2. Comparaison des fractions de verre altéré déterminées à partir des concentrations en bore et

molybdène.

FVA(B) FVA(Mo) Échéance (jrs) RA80 0,59 0,60 836 RA200 0,48 0,54 452 RA1000 0,80 1,00 578 RA2000 0,05 0,05 273

Les cinétiques d’altération du verre CSD-B ont été représentées en Figure II-1 afin de

visualiser l’évolution des pertes de masse normalisées en molybdène suivant l’expérience

considérée. Cette comparaison met en évidence l’effet du rapport S/V et la taille de la

granulométrie puisque la composition du verre, la solution et la température sont identiques

initialement. Deux comportements distincts sont observables :

- les expériences RA80 et RA200 montrent qu’à la suite d’un temps de latence

correspondant à une chute de vitesse, se produit une brusque augmentation de l’altération du

verre,

- les expériences RA1000 et RA2000 ne présentent pas de régime de chute de vitesse

marqué, l’altération est continue tout au long des expériences.

0

2

4

6

8

10

12

14

16

0 200 400 600 800 1000

Temps (j)

NL(

Mo)

(g.

m-2

)

0,0

0,4

0,8

1,2

1,6

2,0RA80

RA200

RA1000

RA2000

NL(

Mo)

(g.

m-2

)

Figure II-1. Evolution des pertes de masse normalisées en molybdène pour les expériences RA80, RA200,

RA1000 et RA2000 avec le verre CSD-B altéré en solution S1 à 50 °C. Les traits en pointillés sont un guide

pour le lecteur.

Jusqu’à présent, dans le domaine de l’altération de verres nucléaires, les études rapportent

que la reprise d’altération survient suite à un régime de vitesse résiduelle ou de chute de vitesse.

Cette reprise est due à la nucléation / croissance de zéolithes à la surface des grains de verre ou en

solution. La croissance de ces phases entraîne une consommation d’éléments, principalement de

l’aluminium, présents dans la pellicule d’altération par dissolution / précipitation. La pellicule

d’altération est alors déstabilisée et son caractère passivant amoindri, entrainant ainsi une

Page 209: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

209

augmentation des pertes de masse normalisées en éléments traceurs de l’altération (notamment B,

Na, Li) [56].

Le cas des expériences RA1000 et RA2000 est différent puisque l’altération du verre est continue,

aucun régime de reprise d’altération n’est observé. Les différences surprenantes de régime

d’altération du verre sont intimement liées à la formation de zéolithes au cours de l’altération.

Plusieurs questions surviennent :

- quels sont les paramètres déterminants qui conduisent à ces différents régimes d’altération

du verre ?

- quels sont les mécanismes mis en jeu ?

- ces évolutions résultent-elles de mécanismes différents ou bien de phénomènes limitants

différents ?

Afin de répondre à ces questions, les résultats des expériences sont exposés puis discutés.

II.3. Cinétiques d’altération et caractérisation des solides

II.3.1. Expérience RA80

Lors de l’altération du verre CSD-B menée à un rapport S/V de 80 cm-1 en solution S1 à

50 °C, une reprise d’altération a été observée. Le suivi cinétique de l’expérience a révélé une

brusque augmentation des pertes de masse normalisées en bore et silicium et une chute de pH

d’environ une unité autour de 700 jours (Figure II-2). L’analyse de la solution a également montré

une chute brutale de la concentration en aluminium (Figure II-3). L’arrêt du test a eu lieu à

836 jours d’altération et n’a donc pas permis de continuer à suivre la cinétique d’altération du

verre.

0

2

4

6

8

10

12

14

0 200 400 600 800

Temps (j)

NL(

Mo)

(g.

m-2

)

11,0

11,5

12,0

12,5

13,0

pH (

50°C

)

0

10

20

30

40

50

60

0 200 400 600 800

Temps (j)

[Al]

(mg.

L-1

)

Figure II-2. Evolution du pH et des pertes de

masse normalisées en molybdène jusqu’à 836 jours

d’altération dans le test RA80.

Figure II-3. Evolution de la concentration en

aluminium dans le test RA80.

La vitesse avant reprise est déterminée à partir des pertes de masse normalisées du

molybdène, elle est de 1,5.10-4 g.m-2.j-1. Malgré le peu de points de mesure, la vitesse de reprise

d’altération peut être estimée à 7,6.10-2 g.m-2.j-1, soit environ 500 fois supérieure à celle avant la

reprise. Cette vitesse de reprise est trois fois plus faible que la vitesse initiale déterminée dans les

mêmes conditions soit 2,4.10-1 g.m-2.j-1 (essai SS1P-50, Chapitre V, § IV.2.).

Page 210: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

210

Lors de l’arrêt du test, nous avons constaté qu’au fond du réacteur, la poudre de verre

s’était agglomérée en formant une sorte de galette (Figure II-4), alors que la poudre de verre reste

généralement sous forme dispersée. Des précipités blancs étaient présents sur la surface de la

galette ainsi qu’en suspension dans la solution. L’ensemble a été filtré afin de récupérer les

précipités en suspension ainsi que le lixiviat.

Figure II-4. Photo de la « galette » formée par agglomération de grains de verre après arrêt du test RA80.

Des observations directes ainsi que des sections polies des grains de verre ont été réalisées

et observées au MEB. La Figure II-5 montre clairement des cupules sur le verre altéré, le gel

craquelé et des phyllosilicates en surface de celui-ci puis des cristaux parallélépipédiques en forme

de bouquet en surface du gel. Ils mesurent environ 5 µm de long par 1 µm² de section. Cette

croissance sous forme de bouquet à partir d’une zone à la surface du gel montre un mécanisme de

croissance à partir d’un site de nucléation dans un matériau amorphe. L’agglomération des grains

de verre sous forme de galette à l’échelle macroscopique résulte de la précipitation de phases

secondaires visibles à l’échelle microscopique comme le montre la section polie (Figure II-6).

Etant donnée la morphologie sous forme de cupules de la pellicule d’altération, il est

difficile d’établir une épaisseur moyenne précise de cette couche, il faudrait un nombre de mesures

important. Néanmoins, elle semble être comprise entre 2,5 et 4 µm, ce qui est en accord avec la

valeur obtenue par l’analyse de solution qui conduit à une épaisseur équivalente en molybdène de

4 µm.

(a) (b)

Figure II-5. (a) Image MEB d’un grain de verre altéré en solution S1 à 50 °C, (b)

Surface d’un grain de verre avec les phyllosilicates et de nombreux cristaux de

zéolithes.

Page 211: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

211

(a) (b)

Figure II-6. (a) Image MEB d’une section polie de grains de verre altérés en solution

S1 à 50 °C, (b) grossissement fois cinq de la figure (a).

Les caractérisations en EDS sur les cristaux montrent que différentes compositions

chimiques de zéolithes coexistent à une même échéance. La plupart des zéolithes sont potassique et

sodique, certaines sont aussi calciques. L’analyse semi-quantitative des cristaux de zéolithes a été

réalisée sur une section polie à partir du prélèvement final. Les zéolithes ont un rapport Si/Al de

2,42 ± 0,32 et Na/K de 0,69 ± 0,10. La formule chimique n’est pas directement connue par l’analyse

en EDS puisque la teneur en hydrogène ne peut être obtenue. Néanmoins, une composition

approchée peut-être donnée : Na3.7K5.4Si21.3Al8.9O60.6Hx. Notons que cette formule chimique n’est pas

équilibrée.

Une analyse DRX de ces phases cristallines montre qu’il s’agit de zéolithes de type

merlinoite (Figure II-7). Les analyses en DRX permettent de mettre en évidence un type structural

de zéolithe (réseau de Bravais) mais pas une composition chimique. Il convient de préciser

également qu’une phase présente à un trop faible pourcentage volumique (< 5 %) n’est pas

détectable en DRX. La phase majoritaire est donc, ici, de structure similaire à la merlinoite. Des

zéolithes de ce type ont été observées dans le cas d’altération de verre SON68 en solution

potassique [57].

Lin

(Cou

nts)

0

10000

20000

2-Theta - Scale

4 10 20 30 40 50 60 70

Figure II-7. Diffractogramme de rayons X de la poudre surnageante suite à l’arrêt de l’expérience RA80.

Cristaux de merlinoite.

Merlinoite

Page 212: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

212

VERRE SAIN

GEL

ZEOLITHES

VERRE SAIN

GEL

ZEOLITHES

Figure II-8. Cartographie d’une section polie où apparaissent le verre sain, le gel et les cristaux de zéolithes.

La cartographie obtenue par EDS permet de montrer nettement les zones de verre sain, de

gel et de cristaux de zéolithes (Figure II-8). Les cristaux sont très riches en aluminium, silicium,

potassium et sodium. Le gel est très appauvri en sodium alors qu’il est enrichi en calcium par

rapport au verre. On remarque notamment que le gel est totalement dépourvu d’aluminium. Cette

dernière observation est en accord avec le mécanisme de formation des zéolithes proposé par Gin

et Mestre [56] à partir de la dissolution du verre SON68 à pH 11,5 à 90 °C. Ce mécanisme se

décompose en cinq étapes :

- le verre se dissout en apportant une quantité importante d’aluminium en solution et dans le

gel passivant formé,

- l’aluminium est consommé pour former les germes de zéolithes. Cette étape correspond à la

nucléation,

- l’ensemble de l’aluminium de la solution est consommé par le processus de

nucléation / croissance des zéolithes. L’aluminium contenu dans le gel est alors consommé

progressivement pour permettre la croissance des cristaux,

- le gel se trouve déstabilisé et perd son caractère passivant, la reprise d’altération est

effective,

- la croissance des zéolithes peut être limitée par un pH trop faible et par le manque

d’aluminium.

Page 213: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

213

II.3.2. Expérience RA200

L’expérience RA200 a été réalisée à un rapport S/V de 200 cm-1. La Figure II-9 illustre

l’évolution des pertes de masse normalisées en molybdène ainsi que le pH. Remarquons que ces

évolutions sont similaires à celles du test RA80, où une brusque reprise d’altération du verre avait

été observée. Les pertes de masse normalisées en molybdène avant reprise sont également du

même ordre de grandeur que celles mesurées dans le test RA80. Les vitesses avant reprise sont

égales à 1,5.10-4 g.m-2.j-1 et 3,0.10-4 g.m-2.j-1 respectivement pour les expériences RA80 et RA200.

La vitesse de reprise d’altération à partir du molybdène est de 4,2.10-2 g.m-2.j-1, soit 140 fois plus

grande que la vitesse avant reprise et 5,5 fois inférieure à la vitesse initiale.

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

0 200 400 600 800

Temps (j)

NL(

Mo)

(g.

m-2

)

10,4

10,8

11,2

11,6

12,0

12,4

12,8

13,2

pH (

50°C

)

0

10

20

30

40

50

60

70

0 100 200 300 400 500 600 700

Temps (j)

[Al]

(mg.

L-1

)

Figure II-9. Evolution du pH et des pertes de masse

normalisées en molybdène pour le test RA200.

Figure II-10. Evolution de la concentration en

aluminium dans le test RA200.

L’évolution de la concentration en aluminium dans la solution se décompose en plusieurs

étapes (Figure II-10). Après une augmentation très rapide en solution durant les premiers jours,

cette concentration diminue progressivement durant la phase supposée d’induction des zéolithes

pour chuter brutalement vers 270 jours d’altération. La teneur finale est autour du mg.L-1

d’aluminium en solution. Cette évolution nous fournit deux indications essentielles à la

compréhension des mécanismes sous-jacents.

Premièrement, durant le régime de chute de vitesse pour le verre (ou temps d’induction

pour les zéolithes), la diminution progressive de la teneur en aluminium en solution nous indique

que celui-ci est consommé soit par la formation de phyllosilicates, soit par sa recondensation pour

former le gel ou encore par nucléation / croissance progressive de nucléi de zéolithes. Ce dernier

point semble probable puisque la croissance massive de zéolithes intervient par la suite. En

supposant une vitesse de croissance des cristaux proportionnelle à la surface des cristaux, la vitesse

de croissance est donc très faible au début, voire non mesurable durant la période d’induction,

avant d’augmenter de plus en plus rapidement.

Deuxièmement, il est intéressant de noter que la chute brutale de l’aluminium est antérieure

à l’augmentation des pertes de masse normalisées en éléments du verre (molybdène, silicium, bore,

sodium, lithium…). Cette différence de plusieurs dizaines de jours indique que la redissolution

accrue du verre est postérieure au phénomène de consommation de l’aluminium en solution. Ceci

Page 214: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

214

conforte le mécanisme proposé précédemment : dans un premier temps, l’aluminium en solution

est consommé et dans un deuxième temps, c’est l’aluminium présent au sein du gel qui va servir

de réservoir à la croissance des cristaux, conduisant ainsi à une redissolution du verre.

(a) (b)

Figure II-11. Images MEB de grains de verre CSD-B altéré en solution S1 à 200 cm-1 à 50°C durant 527 jours,

(a) formation d’une pellicule d’altération sous forme de cupules, (b) couche dense de zéolithes recouvrant la

pellicule d’altération.

Tout comme dans l’expérience RA80, une masse solide s’est formée au fond du réacteur à

cause de la formation de nombreux cristaux de zéolithes. Les profils d’altération et la morphologie

de la pellicule d’altération sous forme de cupules se retrouvent également dans cette expérience

(Figure II-11). D’après les analyses de solution, l’épaisseur équivalente en molybdène attendue à

527 jours est de 2,2 µm. Trop peu de mesures ont été effectuées pour établir une épaisseur

moyenne précise car l’épaisseur de verre altéré varie sensiblement d’un grain de verre à un autre. Il

semble néanmoins que l’épaisseur de verre altéré soit un peu plus importante que celle obtenue

par analyse de solution. Il est possible que le molybdène s’incorpore à d’autres phases ou qu’il soit

partiellement retenu dans la pellicule d’altération.

Une cartographie d’une section polie de monolithe de verre altéré durant 648 jours a été

réalisée en ToF-SIMS (Figure II-12). De gauche à droite sont visualisés le verre sain, une zone de

décollement, une couche de gel et enfin une zone de phases secondaires. Les variations d’intensité

à l’interface entre le verre sain et la zone de décollement sont dues à des variations du rendement

d’ionisation conduisant à des effets de bord. Les zéolithes sont bien enrichies en silicium,

aluminium, sodium et potassium. Cette cartographie met en évidence que le lithium est en partie

retenu dans les zéolithes, ce qui confirme que le lithium n’est pas traceur de l’altération lorsqu’il y

a précipitation de zéolithes au sein du système. Il apparaît que le bore n’est pas retenu au sein des

produits d’altération (échelle logarithmique pour cet élément). Néanmoins, cette cartographie n’a

pas permis de mettre en évidence la présence significative de molybdène au sein des produits

d’altération.

Gel Verre sain Cristal de zéolithe

Page 215: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

215

Figure II-12. Cartographie d’une section polie d’un monolithe de verre retiré de l’expérience RA200 à

648 jours d’altération, obtenue par ToF-SIMS.

L’observation au MEB permet de rendre compte de la diversité de morphologie des cristaux

de zéolithes obtenus (Figure II-13). Différents types de zéolithes coexistent à une même échéance.

En effet, à 540 jours d’altération, la chute du pH de la solution de plus d’une unité déstabilise les

zéolithes formées et favorise la formation de zéolithes à plus fort rapport Si/Al. De même, les

concentrations en sodium et potassium ont évolué, ce qui peut déstabiliser les zéolithes existantes.

(a) (b)

Figure II-13. (a) et (b) Images MEB de grains de verre CSD-B altérés durant 540 jours en

solution S1 à 200 cm-1 à 50 °C, grains recouverts de zéolithes de différentes morphologies.

L’analyse EDS des cristaux a permis d’estimer les rapports stœchiométriques

caractéristiques des zéolithes à partir d’une section polie d’un monolithe altéré 648 jours. Les

rapports Si/Al et Na/K sont respectivement égaux à 2,71 ± 0,14 et 0,73 ± 0,06. Ces rapports sont

proches de ceux obtenus lors de l’expérience RA80. De même que dans l’expérience précédente, la

Page 216: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

216

composition moyennée (non équilibrée) des cristaux de zéolithe a été estimée :

Na4.0K5.5Si21.8Al8.1O60.7Hx.

L’essai RA200 se poursuivant, de très faibles quantités de solide sont prélevées. La poudre est mise

en suspension dans l’éthanol et déposée sur un support à bruit de fond. Malgré ce protocole

d’analyse, l’intensité des pics de diffraction reste du même ordre de grandeur que celui du bruit de

fond. Le diffractogramme n’a pas permis d’identifier les zéolithes présentes.

Les expériences RA80 et RA200 présentent de fortes similitudes, tant du point de vue des

cinétiques (évolution du pH, NL(Mo) et concentration en Al) que de celui des phases solides

(caractéristiques des couches d’altération, tailles des cristaux de zéolithes, agglomération des

grains de verre…).

Les reprises d’altération RA80 et RA200 se caractérisent cinétiquement par une brusque

augmentation des traceurs de l’altération en solution (molybdène, bore, lithium…)

concomitante à une baisse sensible du pH et de la concentration en aluminium. De nombreux

cristaux de zéolithes sont présents en surface des grains de verre altérés sur la pellicule

d’altération, ce qui explique la prise en masse des grains. Le gel est quasiment dépourvu

d’aluminium, celui-ci étant consommé par la formation des zéolithes. La nucléation / croissance

de ces phases entraîne donc, via leur consommation d’aluminium, un amoindrissement du

caractère passivant du gel et donc une reprise d’altération.

La vitesse de reprise d’altération est inférieure d’un facteur trois minimum à la vitesse initiale,

elles sont donc du même ordre de grandeur. Dans cette gamme de rapport S/V, seule l’échéance

à laquelle se produit la reprise est modifiée.

II.3.3. Expérience RA200S

Les expériences RA200 et RA200S sont menées dans les mêmes conditions, seule la

composition du verre change. Ces deux expériences permettent donc de mettre en avant l’effet des

éléments mineurs sur le phénomène de reprise d’altération. Le traceur utilisé ici pour comparer ces

deux expériences est le bore puisque le verre VS ne contient pas de molybdène. En effet, les

différences de fractions de verre altéré déterminées à partir du bore et du molybdène sont faibles

pour le verre CSD-B, de 0,50 et 0,54 respectivement.

L’ensemble des graphiques de la Figure II-14 rend compte de l’évolution des différents

paramètres cinétiques et chimiques entre les expériences RA200 et RA200S. Leur évolution est

cohérente pour les deux verres. Le verre CSD-B connaît une reprise d’altération antérieure à celle

du verre VS, ce qui est visible par les pertes de masse normalisées en bore (Figure II-14 (a)), la

concentration en aluminium de la solution (Figure II-14 (b)) et le pH (Figure II-14 (c)). La

composition du verre a donc une influence sur le temps d’induction préalable à la phase de

nucléation / croissance, sur la vitesse de reprise d’altération ainsi que sur l’état d’altération final

(Tableau II-3).

Page 217: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

217

La Figure II-14 (d) rend compte de la rétention du bore par rapport au lithium. Suivant le

régime d’altération, le traceur n’est pas le même : durant le régime de chute de vitesse, le lithium

est l’élément le plus lixivié alors qu’au cours de la reprise d’altération, il s’agit du bore. La rétention

d’un élément par rapport à l’autre suivant le régime d’altération peut s’expliquer, soit par une

rétention spécifique de l’élément au sein de la pellicule d’altération, soit par la précipitation de cet

élément dans des phases secondaires. Dans l’essai RA200, l’analyse ToF-SIMS a montré que le

lithium était retenu dans les zéolithes (Figure II-12), ce qui est cohérent avec l’inversion des

traceurs en fonction du régime d’altération.

(a)

0

1

2

3

4

5

6

7

0 100 200 300 400 500 600 700

Temps (j)

NL

B (

g.m

-2)

RA200S

RA200

(b)

0

10

20

30

40

50

60

70

80

0 100 200 300 400 500 600 700

Temps (j)

[Al]

(mg.

L-1

)

RA200S

RA200

(c)

10,8

11,2

11,6

12,0

12,4

12,8

0 100 200 300 400 500 600 700

Temps (j)

pH (

50°C

)

RA200S

RA200

(d)

-0,6

-0,4

-0,2

0,0

0,2

0,4

0 100 200 300 400 500 600 700

Temps (j)

FR

(B)

RA200S

RA200

Figure II-14. Comparaison de l’évolution (a) des pertes de masse normalisées en bore, (b) de la concentration

en aluminium, (c) du pH et (d) du facteur de rétention en bore par rapport au lithium dans les tests RA200 et

RA200S. Les traits en pointillés sont un guide pour le lecteur.

La reprise d’altération a lieu à des temps plus longs avec le verre VS. L’étude de l’étape

antérieure à la reprise d’altération a été réalisée sur les deux verres. Des prélèvements de poudres à

126 jours d’altération ont été caractérisés au MEB. Pour une même échéance, l’état de surface des

grains de verre est différent suivant la composition du verre :

- Les grains de verre CSD-B présentent un état d’altération avancé par rapport au verre VS

(Figure II-15 a). De nombreuses figures de dissolution sont présentes en surface du verre ainsi

qu’un tapis peu dense de phyllosilicates. Les fines de broyage sont également visibles, ce qui

montre que ce sont les grains de verre qui se dissolvent préférentiellement par rapport aux fines.

- En surface des grains de verre VS, aucun phyllosilicate n’est observé (Figure II-15 b). Le

verre ne contient pas de fer, nickel, cobalt ou d’autres métaux intervenant comme compensateurs

Page 218: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

218

de charges au sein des feuillets d’argile. Cette même observation a été faite sur l’étude de verres

simples [62]. Le verre présente également des figures de dissolution mais en plus faible quantité

que le verre CSD-B.

(a) (b)

Figure II-15. Etat de surface des grains avant reprise d’altération à 126 jours d’altération pour les verres (a)

CSD-B et (b) VS.

Ces observations antérieures au phénomène de reprise d’altération permettent de conforter

l’évolution des cinétiques entre les deux verres étudiés. La surface de verre CSD-B présente des

phyllosilicates, non présents sur le verre VS, mais également des phases dont la morphologie est

similaire à celle des C-S-H. L’état de surface des grains de verre CSD-B semble donc plus dégradé

que celui du verre VS pour une même échéance. Ces résultats sont les conséquences des différences

de composition des verres et non liés à un problème de reproductibilité des essais.

Tableau II-3. Comparaison des vitesses d’altération en bore avant et pendant le phénomène de reprise

d’altération pour les expériences RA200 (verre CSD-B) et RA200S (verre VS).

RA200 RA200S V(B) avant RA (g.m-2.j-1) 6,3.10-5 3,8.10-5

V(B) RA (g.m-2.j-1) 3,9.10-2 1,7.10-2 V(B) RA / V(B) avant RA 615 429

FVA(B) à 648 jrs 0,62 0,48

La vitesse d’altération avant et pendant la reprise ainsi que la fraction de verre altéré sont

données dans le Tableau II-3. Bien que la vitesse de reprise d’altération soit environ deux fois plus

importante pour le verre CSD-B que le verre VS, les vitesses sont du même ordre de grandeur. Les

rapports des vitesses avant reprise et pendant reprise sont équivalents pour les deux verres. En

revanche, après 648 jours de lixiviation, la fraction de verre altéré est 1,3 fois plus importante pour

le verre CSD-B que pour le verre VS, ce qui est une différence notable.

Au vue des observations MEB, la morphologie des figures de dissolution est différente.

Dans le cas du verre VS, elles sont beaucoup plus grandes en diamètre, moins profondes et

Page 219: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

219

également moins nombreuses (Figure II-11 et Figure II-16). Ces différences observées seront

discutées dans le paragraphe IV.

Figure II-16. Images MEB de grains de verre VS altérés durant 527 jours en solution S1 à 200 cm-1 à 50°C.

Présence de nombreux petits cristaux en surface des grains et figures de dissolution sous forme de grosses

cupules.

Les différences de composition entre le gel et les zéolithes sont mises en évidence dans la Figure

II-17. De même que dans l’expérience RA200, les zéolithes sont plus riches en aluminium, silicium,

sodium et potassium que le gel. A l’inverse, elles sont dépourvues de calcium.

Figure II-17. Spectre EDS du gel (rouge) et des zéolithes (bleu) à partir de la section polie de verre VS altéré

durant 648 jours en solution S1 à 200 cm-1 à 50°C.

De même que pour l’essai RA200, l’expérience RA200S se poursuit et le diffractogramme

obtenu ne permet pas d’identifier les zéolithes présentes dans l’essai.

Les zéolithes formées en présence de verre VS ont des rapports stœchiométriques qui diffèrent de

ceux obtenus avec le verre CSD-B. Le Tableau II-4 récapitule les valeurs mesurées par analyse EDS,

toutes les mesures ont été effectuées sur les monolithes altérés durant 648 jours.

Page 220: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

220

Tableau II-4. Comparaison de la teneur en éléments et des rapports stœchiométriques caractéristiques des

cristaux de zéolithes dans les expériences RA200 et RA200S (en mole d’éléments). Détermination par EDS.

Na K Si Al O Si/Al Na/K RA200 4,01 ± 0,25 5,51 ± 0,26 21,84 ± 0,25 8,08 ± 0,33 60,58 ± 0,14 2,71 ± 0,14 0,73 ± 0,06 RA200S 5,63 ± 1,73 5,24 ± 0,18 20,35 ± 1,80 9,07 ± 1,21 59,72 ± 1,01 2,29 ± 0,48 1,08 ± 0,36

A plusieurs reprises nous prétendons que les zéolithes ne sont pas en équilibre avec leur

environnement. Ceci signifie qu’à un même instant t, si le pH de la solution est le même, les

zéolithes ne devraient pas être caractérisées par le même rapport Si/Al, puisque d’après la

littérature, le rapport Si/Al est fonction au premier ordre de l’alcalinité de la solution [2-5]. Cette

idée est représentée sous forme d’un schéma de principe en Figure II-18.

Figure II-18. Schéma de principe illustrant le temps de déphasage existant entre la composition d’une

zéolithe et la chimie de la solution. L’étoile symbolise l’instant des prélèvements de solide et de

solution.

Prenons l’exemple des essais RA200 et RA200S : à 648 jours d’altération, le pH à 50 °C des solutions

dans ces deux expériences est respectivement de 10,98 ± 0,2 et 11,07 ± 0,2, compte-tenu des

incertitudes de la mesure, ces pH ne sont pas significativement différents. Cependant, ce rapport

Si/Al est plus faible dans le cas du verre VS, de même pour le rapport Na/K (Tableau II-4). Bien que

le pH au moment du prélèvement soit le même dans les deux expériences, le rapport Si/Al est

différent. Cette observation conforte le fait que les zéolithes ne sont pas à l’équilibre avec leur

environnement. A un instant t, les caractéristiques des zéolithes reflètent les conditions d’altération

d’un instant antérieur t-1.

Cette observation se vérifie ici : dans l’expérience RA200S, à une échéance antérieure à 648 jours, le

pH est supérieur à celui du test RA200. Or, le rapport Si/Al, anti-corrélé au pH, est inférieur dans

l’expérience RA200S.

La variation de la chimie de la solution n’a donc pas d’effet immédiat sur les zéolithes ; les

zéolithes évoluent hors-équilibre.

RA200S

RA200

Page 221: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

221

La composition du verre, notamment les éléments mineurs, modifie le temps d’induction

préalable à la nucléation / croissance, l’état d’altération final du verre ainsi que la vitesse de

reprise d’altération. Le verre CSD-B connaît un phénomène de reprise à la fois plus précoce,

plus rapide et plus intense que le verre VS. La caractérisation antérieure au phénomène de

reprise d’altération révèle un état de surface plus dégradé dans le cas du verre CSD-B. Les

rapports stœchiométriques des phases observées à une même échéance permettent de montrer

que les zéolithes sont métastables dans notre système.

II.3.4. Expérience RA1000

L’expérience RA1000 a été réalisée à un fort rapport S/V de 1000 cm-1. De même que dans

les deux tests précédents, un suivi cinétique régulier est effectué. Cependant, l’évolution des pertes

de masse normalisées des éléments traceurs de l’altération est totalement différente. Dans ce cas,

les pertes de masse normalisées sont linéaires au cours du temps, aucune chute de vitesse ne se

produit. A priori, à ce fort rapport S/V, on se serait attendu à observer une chute de vitesse et

l’atteinte d’un plateau plus rapidement et donc une reprise d’altération intervenant également plus

tôt dans le temps.

Au vu des données cinétiques, deux comportements sont clairement visibles :

- les traceurs de l’altération (Mo, B, Li, Na) augmentent de façon monotone durant

l’expérience, de même que le pH et la teneur en potassium au sein de la solution diminuent

constamment et linéairement (Figure II-19 et Figure II-20 (b)),

- le silicium et l’aluminium ont quant à eux des évolutions totalement différentes. Il semble

exister une symétrie entre les teneurs respectives de ceux-ci en solution (Figure II-20 (a)) : le

silicium augmente jusqu’à un maximum puis diminue tandis que l’aluminium voit sa

concentration diminuer jusqu’à une valeur seuil puis augmenter et enfin rechuter.

0,0

0,4

0,8

1,2

1,6

2,0

0 100 200 300 400 500 600

Temps (j)

NL

i (g.

m-2

)

0

1

2

3

4

5

6Si B NaLi Al MoK

[K] (

g.L

-1)

Figure II-19. Evolution des pertes de masse normalisées des éléments du verre et de la concentration en

potassium de la solution pour le test RA1000. Le trait en pointillés est un guide pour le lecteur.

Page 222: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

222

Le suivi de la concentration en potassium de la solution indique une consommation continue de

celui-ci, il peut soit s’incorporer dans le gel, soit être un élément constitutif des phases secondaires

(Figure II-19). L’évolution continue du pH est en accord avec celles des éléments lixiviés et de la

concentration en potassium. Le pH chute progressivement de 12,4 à 10,7 à 50 °C en 440 jours

d’altération (Figure II-20 (b)).

Le relâchement continu des éléments du verre indique que, s’il se forme un gel par

recondensation du silicium, celui-ci n’a pas un caractère passivant puisqu’il n’induit pas de chute

de vitesse significative, contrairement aux expériences RA80 et RA200.

(a)

0

500

1000

1500

2000

2500

3000

0 100 200 300 400 500 600

Temps (j)

[Si]

(mg.

L-1

)

0

2

4

6

8

10

12

[Al]

(mg.

L-1

)

(b)

10,0

10,5

11,0

11,5

12,0

12,5

0 100 200 300 400 500 600 700

Temps (j)

pH (

50°C

)

Figure II-20. (a) Evolution des pertes de masse normalisées en silicium et de la concentration en aluminium

dans le test RA1000, (b) évolution du pH à 50°C dans le test RA1000.

Les observations au MEB réalisées sur des sections polies de grains de verre altérés après 219 jours

montrent clairement l’existence d’une pellicule de verre altéré (Figure II-21 (c) et (d)). La

cartographie en Figure II-22 rend compte de l’appauvrissement en aluminium de cette pellicule et

de l’enrichissement en potassium et calcium. La pellicule de verre altéré ne présente pas de

caractère passivant probablement à cause d’une morphologie et d’une composition chimique ne

permettant pas un frein au transport des espèces lixiviées du verre.

Les premiers prélèvements solides ont été effectués à partir de 120 jours d’altération. A ce

stade, de nombreux cristaux de zéolithes sont présents (Figure II-21 (a) et (b)). Bien qu’aucun

prélèvement antérieur n’ait été réalisé, la nucléation / croissance des zéolithes semble avoir lieu dès

les premiers instants de l’altération. Au vue des cinétiques, l’aluminium en solution est consommé

très rapidement ainsi que le silicium (par différence avec le départ des traceurs). La stabilité et la

croissance des cristaux de zéolithes formés induisent la dissolution progressive du verre par sa

consommation d’éléments au sein de la solution.

Après 200 jours d’altération, un changement se produit : le pH, la vitesse de consommation

du potassium et celle du relâchement des traceurs diminuent, la concentration en silicium tend à

diminuer alors que celle de l’aluminium tend au contraire à augmenter. Avec la diminution du pH,

le rapport Si/Al des zéolithes augmente [2-5]. La diminution du pH induit donc une déstabilisation

des zéolithes néoformées qui se traduit par un relâchement de l’aluminium en solution. Les

équilibres en solution et la stabilité relative des différentes phases en présence sont modifiés. La

diminution de la vitesse d’altération du verre peut s’expliquer par deux hypothèses :

Page 223: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

223

- l’aluminium issu de la déstabilisation des zéolithes est disponible pour pénétrer dans la

pellicule d’altération. La présence d’aluminium en plus grande quantité en solution peut se

recondenser pour favoriser le caractère passivant de la pellicule d’altération [51, 52],

- la vitesse de croissance des zéolithes augmente avec le pH de la solution [9, 17]. La

diminution du pH de la solution à la fois déstabilise les zéolithes et diminue leur vitesse de

croissance. L’effet de pompe dû à la croissance des zéolithes est alors réduit.

Il est possible que ces deux phénomènes soient simultanés.

Il est intéressant de constater également que la chute continue du pH de plus d’une unité

n’induit pas de variation significative de la vitesse d’altération du verre pendant au moins les 200

premiers jours d’altération. Cette observation confirme une fois de plus le caractère métastable des

zéolithes dans ce milieu. Il convient cependant de remarquer que deux paramètres peuvent se

compenser et permettre de maintenir la vitesse de consommation constante des éléments en

solution : la diminution de la vitesse de croissance des zéolithes et l’augmentation de la surface de

celles-ci.

A partir de 120 jours d’altération, des prélèvements de solide ont été effectués

régulièrement. La Figure II-21 (a) montre que de nombreux parallélépipèdes sont enchevêtrés avec

les grains de verre. Contrairement au test RA80, les cristaux ne croissent pas en surface de grains.

Ceci est probablement dû au fait que la granulométrie employée est beaucoup plus faible, entre 5 et

15 µm contre 40 et 80 µm pour le test RA80. Les grains sont de même taille que les cristaux dans

leur grande dimension, soit entre 5 et 10 µm de longueur. Les grains de verre sont recouverts d’un

tapis dense de phyllosilicates.

(a) (b)

(c) (d)

Figure II-21. (a) et (b) Observation directe de grains de verre altérés, recouverts de phyllosilicates,

enchevêtrés avec des cristaux de zéolithes à 120 jours d’altération. (c) et (d) Images MEB d’une section

polie de grains altérés après 219 jours. Présence de zéolithes entre les grains de verre altérés.

Page 224: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

224

Les sections polies permettent de rendre compte de la pellicule d’altération tant au niveau

de sa morphologie que de sa composition chimique. La cartographie en Figure II-22 montre les

différentes phases solides : le verre sain, le gel et les zéolithes. Le gel est dépourvu de sodium et

d’aluminium alors qu’il est enrichi en calcium par rapport au verre. Les zéolithes quant à elles sont

constituées de silicium, aluminium, potassium et en plus faible proportion de sodium.

De fortes similitudes sont donc observées entre les expériences RA80, RA200 (à la suite de la

reprise d’altération) et RA1000 : le gel est appauvri en aluminium et présente un caractère

passivant très amoindri.

Figure II-22. Cartographie d’une section polie avec des grains de verre, du gel et des zéolithes.

Le gel observé au MEB rend compte de l’hétérogénéité de l’épaisseur de cette phase qui en

réalité ne constitue pas une couche uniforme. Il semble que le gel soit le résultat de la croissance de

figures de dissolution sous forme de sphérules qui se rejoignent. L’ensemble forme alors une

couche dont l’interface avec le verre sain n’est pas parallèle au bord du grain. Il serait nécessaire

d’effectuer un nombre important de mesures pour déterminer une épaisseur moyenne d’altération.

A la suite de l’arrêt de l’expérience, la poudre a été caractérisée en DRX. Les

diffractogrammes de rayons X des zéolithes dans les expériences RA80 et RA1000 sont à première

vue très similaires. Néanmoins, la comparaison de ces diffractogrammes met en évidence des

différences dans l’absence ou la présence de certains pics (Figure II-23). Dans le test RA1000

apparaît un pic à d = 6,35 Å (2θ = 13,94 °), non présent dans le test RA80. A l’inverse, dans

l’expérience RA80, un pic, entre autre, apparaît à d = 9,5 Å (2θ = 9,30 °). Ces deux pics permettent

de différencier la phase majoritaire présente lors du prélèvement, à savoir la merlinoite dans le test

RA80 et la phillipsite dans le test RA1000. Ces différences ont été observées par Passaglia et al. [38]

et Donahoe et al. [35]. Différents types de phillipsite existent, la proportion Si/Al varie mais

également les cations K, Na, Ca. La phillipsite a été observée à plusieurs reprises dans le cas

d’altération du verre [56, 57, 63].

Ca Si

Al Na K

Page 225: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

225

Lin

(Cou

nts)

0

10000

20000

30000

40000

50000

2-Theta - Scale

4 10 20 30 40 50 60 70

Figure II-23. Comparaison des diffractogrammes de rayons X entre les expériences RA80 et RA1000. En

rouge sont identifiées les différences majeures.

Lin

(Cou

nts)

0

10000

20000

30000

40000

2-Theta - Scale

4 10 20 30 40 50 60 70

Figure II-24. Diffractogramme de rayons X obtenu sur la poudre surnageante suite à l’arrêt de l’expérience

RA1000. Cristaux de phillipsite.

De même que pour les expériences précédentes, une analyse EDS des cristaux a permis

d’estimer les rapports stœchiométriques caractéristiques des zéolithes à partir d’une section polie

d’un monolithe altéré 620 jours (échéance finale). Les rapports Si/Al et Na/K sont respectivement

égaux à 2,89 ± 0,08 et 1,16 ± 0,16. Ces rapports sont tous deux plus élevés que dans le cas des

expériences précédentes. La composition moyennée des cristaux de zéolithe est la suivante :

Phillipsite

RA1000

RA80

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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

226

Na6.1K4.9Si21.6Al7.5O59.9Hx. Le rapport Si/Al de cette phase est beaucoup plus important que celui de la

phillipsite à l’équilibre4, proche de 1,7.

D’après la littérature, la formation de merlinoite nécessite un pH et / ou une concentration en

potassium plus importante par rapport à la phillipsite [35]. Une autre étude de Donahoe et Liou [2]

rapporte que la structure de la phillipsite siliceuse est remplacée par la structure de la merlinoite

moins siliceuse lorsque le pH augmente. Dans l’expérience RA80, le pH et la concentration en

potassium (RA200) sont constants durant le régime de chute de vitesse (ou encore durant le temps

de latence avant la reprise d’altération). Ainsi, lors de la cristallisation soudaine des zéolithes, ces

paramètres sont élevés. Dans ce cas, la formation de la merlinoite est favorisée. Au contraire, lors

de l’expérience RA1000, le pH et la concentration en potassium diminue progressivement au cours

du temps, ce qui favorise la formation de phillipsite.

L’augmentation du rapport S/V à 1000 cm-1 a engendré une évolution tout à fait différente des

cinétiques comparativement aux expériences RA80 et RA200. L’ensemble des variables associées

à l’altération du verre (pH, concentration en K, NL(Mo), NL(B), NL(Na), NL(Li)) évoluent

linéairement dans le temps. Le maintien de la vitesse d’altération malgré la chute continue du

pH durant les 22 premiers jours confirme le caractère métastable des zéolithes. Après 200 jours

d’altération, la diminution de la vitesse d’altération est due à la déstabilisation des zéolithes par

la diminution du pH. Cette rétroaction peut conduire (i) à une diminution de la vitesse de

croissance des cristaux et (ii) à une incorporation de l’aluminium à la pellicule d’altération.

La caractérisation du solide a permis de mettre en évidence (i) l’existence d’une couche

d’altération appauvrie en aluminium, similaire à RA80 et RA200, et (ii) l’existence de cristaux de

zéolithes qui supporte l’hypothèse de la précipitation dans les premiers instants.

II.3.5. Expérience RA2000

Le test RA2000 se distingue des trois précédents par les objectifs qu’il vise :

- au cours des autres expériences, seul le suivi cinétique était régulier, le prélèvement de

solide pour sa caractérisation était plus sporadique. Dans ce type de test se pose le problème de

représentativité des prélèvements solides. Peu de matière et de solution doivent être prélevées afin

de ne pas perturber le système, ni modifier le rapport S/V. Ce test a donc été paramétré

spécifiquement de manière à limiter les problèmes de représentativité lors des prélèvements de

solide ainsi que les phénomènes de surconcentration locale liée à un plus fort rapport S/V local au

sein de la poudre de verre. Pour cela, autant d’expériences ont été lancées que de prélèvements ont

été effectués, soit en tout 24 réacteurs. Ainsi, à chaque prélèvement, une expérience est arrêtée et le

verre est conservé dans son intégralité.

- le second objectif est de caractériser le phénomène complexe de nucléation / croissance des

zéolithes car nous ne disposons que de peu d’informations concernant la précipitation des cristaux

4 Source : webmineral.com

Page 227: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

227

de zéolithes au cours du temps. Des prélèvements réguliers permettent ainsi de suivre ce

phénomène.

Le rapport S/V visé est supérieur à celui du test RA1000, il est de 2000 cm-1. Chaque réacteur

contient 1 g de verre de granulométrie 40-80 µm. 0,5 mL de solution S1 affleure le verre de manière

à ne pas avoir de solution surnageante. Lors du prélèvement, la poudre et le lixiviat sont récupérés

et centrifugés pour les séparer. La quantité de lixiviat obtenue est de 0,3 mL environ, le pH ne peut

donc pas être mesuré. La solution acidifiée est ensuite analysée par ICP-AES. La poudre de verre

est séchée en étuve à 30 °C.

A l’image du test RA1000, l’évolution des pertes de masse normalisées sont linéaires au

cours du temps. Notons que cette évolution est continue malgré l’indépendance des réacteurs entre

eux, ce qui prouve la reproductibilité du protocole d’altération.

Les expériences RA1000 et RA2000 ont des caractéristiques cinétiques tout à fait similaires :

- le potassium, alcalin majoritaire dans la solution S1, est progressivement consommé,

- le molybdène est l’élément traceur de l’altération,

- le sodium et le lithium sont relâchés à la même vitesse,

- l’aluminium est maintenu à de très faibles concentrations.

0,0

0,2

0,4

0,6

0,8

0 100 200 300 400 500

Temps (j)

NL

i (g.

m-2

)

0

1

2

3

4

5

6

7Si BNa Al

Li K

[K] (

g.L

-1)

Figure II-25. Evolution des pertes de masse normalisées des éléments du verre et de la concentration en

potassium de la solution dans le test RA2000.

Dans cette expérience, aucune donnée sur le pH n’est disponible à cause des très faibles

quantités de solution récupérées. Néanmoins, compte-tenu des nombreuses similitudes entre les

cinétiques des expériences RA1000 et RA2000, il est fort probable que le pH diminue linéairement

au cours de l’expérience. Nous verrons dans le paragraphe concernant l’approche par modélisation

thermodynamique (III.2) que cette hypothèse est confirmée.

Page 228: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

228

0

500

1000

1500

2000

2500

0 100 200 300 400 500

Temps (j)

[Si]

(mg.

L-1

)

0

2

4

6

8

10

[Al]

(mg.

L-1

)

Figure II-26. Evolution de la concentration en silicium et en aluminium dans le test RA2000.

La symétrie de l’évolution du silicium et de l’aluminium se retrouve dans cette expérience. La

concentration en aluminium chute pour atteindre une valeur minimale avant d’augmenter et de

diminuer à nouveau. A l’inverse, la concentration en silicium augmente dans un premier temps

puis diminue. Remarquons qu’entre 30 et 50 jours d’altération, la vitesse d’altération du verre

semble diminuer légèrement, tout comme dans l’expérience RA1000.

Ces cinétiques confortent les hypothèses formulées dans le cas de l’expérience précédente : la

stabilité et la croissance des cristaux de zéolithes formés induisent la dissolution progressive du

verre par sa consommation d’éléments au sein de la solution.

Comme cela a été précisé auparavant, cette expérience permet de suivre de façon

représentative l’évolution des cristaux à chaque échéance. Les observations au MEB révèlent une

évolution morphologique des cristaux de zéolithes comme l’illustre la Figure II-27. Au début les

cristaux ont tous une morphologie très similaire, les cristaux sont sous forme de prismes

tétragonaux très bien définis, les angles sont saillants. L’extrémité du cristal présente un motif en

croix. A des temps plus longs (ici à 273 jours), les cristaux s’arrondissent et perdent leur rapport de

taille, leur section devient plus grande alors que la longueur des cristaux diminue. A 420 jours, les

cristaux sont mal définis, moins bien organisés et ils perdent d’avantage ce rapport

longueur / section.

(a) (b) (c)

Figure II-27. Evolution de la morphologie des cristaux de zéolithes à (a) 105 jours, (b) 273 jours et

(c) 420 jours

Page 229: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

229

Ces observations MEB qui rendent compte de l’évolution morphologique des cristaux confirment

l’hypothèse faite pour l’expérience RA1000 : la baisse du pH et la variation de la chimie de la

solution conduisent à une déstabilisation des zéolithes. L’augmentation de la concentration en

aluminium en solution après 170 jours d’altération est un argument supplémentaire qui appuie

l’hypothèse de la déstabilisation des zéolithes et la augmentation de leur rapport Si/Al.

La caractérisation par DRX montre que l’intensité des pics de diffraction des cristaux de zéolithes

augmente entre les échéances à 270 jours et 370 jours. Cette évolution permet de mettre en évidence

une augmentation de la cristallinité. Cette variation ne permet pas de savoir s’il s’agit de la

nucléation et croissance de nouveaux cristaux ou bien la poursuite de la croissance des cristaux

préexistants. Néanmoins, cette information permet d’affirmer que la croissance et / ou nucléation

des cristaux de zéolithes se poursuit malgré la diminution du pH et la variation de la chimie de la

solution.

L’évolution morphologique des cristaux (Figure II-27) traduit la réorganisation de leur structure en

fonction de leur environnement bien que les phases restent métastables. Il convient également de

préciser que la croissance de ces cristaux est (thermodynamiquement ou cinétiquement) favorisée

par rapport à la formation d’un gel passivant puisque la vitesse d’altération du verre reste

importante.

Des observations MEB aux premières échéances mettent en évidence le début de la

formation des phyllosilicates en surface du verre (Figure II-28). Le tapis se forme progressivement,

cependant sa densité reste faible comparée à celle du test RA1000. Les particules

submicrométriques sont des fines, antérieures à l’expérience. Les premiers cristaux de zéolithe ont

été observés après 105 jours d’altération. Il est difficile de dire précisément à partir de quelle

échéance ils sont visibles. Les cristaux sont très peu nombreux et il est nécessaire de parcourir un

grand nombre de grains de verre pour identifier un cristal. L’analyse par DRX ne permet pas

d’apporter des précisions sur ce point car il n’y a pas assez de cristaux pour que cette phase soit

détectée.

(a) (b) (c)

Figure II-28. Densification des phyllosilicates en surface du verre après (a) 1 semaine, (b) 2 semaines et (c)

13 semaines d’altération.

Durant les 100 premiers jours, les cristaux ont une morphologie similaire à ceux des autres

expériences, ils sont sous forme de bâtonnets. Remarquons que les zéolithes obtenues dans les tests

RA1000 et RA2000 ont des morphologies très semblables, en comparant les Figure II-21 (a) et

Page 230: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

230

Figure II-29. Cependant leur recouvrement ou enchevêtrement est différent de celui observé dans

les expériences RA80 et RA200. Ici, les cristaux croissent sur un cristal existant (Figure II-29). Il

semble donc que deux types de nucléation coexistent, une nucléation primaire hétérogène (les

premiers cristaux croissent à l’interface verre / solution) et une nucléation secondaire (croissance

des cristaux sur un cristal préexistant). Une fois les premiers cristaux formés, l’affinité entre le

nucléi et le cristal préexistant est supérieure à celle entre le nucléi et la surface des grains de verre.

Figure II-29. Observation directe de grains de verre altérés avec des cristaux de zéolithes à (a) 105

jours, (b) et (c) 126 jours d’altération.

Remarquons également que le nombre de cristaux est beaucoup plus faible que dans les

expériences précédentes. Leur taille est cependant plus grande. Aucune quantification du nombre

de cristaux n’est réalisable dans ces expériences. Cependant, cette différence notable en termes de

nombre de cristaux par rapport aux autres expériences peut s’expliquer par deux hypothèses :

- l’affinité chimique entre le support et les nucléi est réduite. Il devient

thermodynamiquement et/ou cinétiquement plus favorable de faire croître les cristaux existants

plutôt que d’en faire nucléer d’autres à l’interface verre / solution,

- il existe une notion de nombre de sites de nucléation par unité de surface. Sachant que dans

cette expérience la surface du verre est au moins dix fois inférieure à celle des autres tests (Tableau

II-5), il est cohérent d’observer beaucoup moins de cristaux.

Tableau II-5. Tableau récapitulatif des paramètres initiaux des tests réalisés sur le verre CSD-B en solution

S1 à 50 °C.

RA80 RA 200 RA1000 RA2000 S/V (cm-1) 80 200 1000 2000

Granulométrie (µm) 40-80 20-40 5-15 40-80 Surface initiale estimée (m²) 0,94 1,10 4,91 0,10

Les prélèvements réguliers de verre sur l’expérience RA2000 permettent de mettre en

évidence les étapes de formation de la pellicule d’altération caractéristique, obtenues dans les

expériences précédentes (Figure II-6, Figure II-11 et Figure II-21 (c)). L’interface entre la pellicule

d’altération et le verre n’est pas parallèle au bord initial du grain de verre mais présente des

surfaces concaves sous forme de cupules. Aux premières échéances, les observations MEB de la

Page 231: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

231

surface des grains de verre révèlent la présence de trous circulaires dans le verre qui, au cours de

l’altération, se multiplient et grossissent jusqu’à se rejoindre pour former une pellicule d’altération

(Figure II-30).

(a) (b) (c)

Figure II-30. Observation des figures de dissolution du verre à (a) 90 jours, (b) 126 jours et (c) 420 jours

d’altération.

Ces observations réalisées au cours du temps permettent de mettre en évidence l’évolution de

l’altération du verre et la formation de verre altéré. Ces figures d’altération semblent indiquer une

attaque préférentielle de sites en surface du verre.

Les rapports stœchiométriques des cristaux obtenus par analyse EDS ont été mesurés à

partir d’une section polie de grains de verre altérés 370 jours. Les rapports Si/Al et Na/K sont

respectivement égaux à 2,88 ± 0,09 et 0,93 ± 0,15. Le rapport Si/Al est identique à celui obtenu dans

l’expérience RA1000. Le rapport Na/K est légèrement plus faible mais reste plus élevé que pour les

zéolithes des expériences RA80 et RA200. La composition moyennée des cristaux de zéolithe est la

suivante : Na6.7K4.1Si22.9Al8.0O61.5Hx. Le type de zéolithe n’a pas pu être déterminé ici puisque la

quantité de cristaux est trop faible pour obtenir un signal exploitable et fiable en DRX.

L’objectif de cette expérience est atteint, les caractérisations du solide aux différentes échéances

ont permis de suivre l’évolution de la morphologie des cristaux et celle des figures de

dissolution.

Les cinétiques d’altération du verre sont similaires à celles de l’expérience RA1000, continues et

linéaires. Malgré la déstabilisation des zéolithes, liée à la variation du pH de la solution

(évolutions morphologiques en MEB), le processus de nucléation / croissance se poursuit

(augmentation de la cristallinité en DRX).

La relative stabilité des cristaux de zéolithes formés par rapport au gel et leur croissance

conduisent à la dissolution progressive du verre par la consommation d’éléments au sein de la

solution.

Le test RA2000 a permis de mettre en évidence que deux types de nucléation coexistaient : la

nucléation primaire hétérogène et la nucléation secondaire.

Page 232: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

232

III. Modélisation thermodynamique des expériences L’approche par modélisation thermodynamique des données expérimentales permet

d’interpréter les expériences mais aussi de pouvoir conforter des hypothèses.

L’objectif est ici de déterminer les évolutions des indices de saturation des phases susceptibles de

précipiter dans nos systèmes. L’indice de saturation est défini par la relation suivante :

=K

QIS log

avec Q le produit des activités ioniques et K la constante de solubilité de la phase.

Rappelons que lorsque IS < 0, la solution est sous-saturée par rapport au minéral, il y a alors

dissolution du minéral ; à l’inverse, si IS > 0, la solution est sursaturée par rapport au minéral,

celui-ci est susceptible de précipiter.

Les bases de données thermodynamiques existantes ne contiennent pas les zéolithes

observées expérimentalement, la phillipsite et la merlinoite. Seules des zéolithes sodiques comme

l’analcime et la natrolite sont référencées sur une large gamme de température. Il a donc été

nécessaire d’évaluer les log K des phases observées grâce à un programme de calcul de propriétés

thermodynamiques des zéolithes développé par Vieillard et Mathieu [43-45]. Les énergies libres de

Gibbs ont été calculées à partir des compositions expérimentales corrigées et des structures

cristallines identifiées par DRX. Des hypothèses ont été faites sur le volume molaire anhydre et

hydraté des zéolithes et leur nombre de molécules d’eau à saturation. L’arrêt des expériences RA80

et RA1000 a permis de caractériser en DRX les phases et d’en déterminer une structure cristalline,

ce qui n’a pas été le cas pour les deux autres expériences, RA200 et RA2000.

Les compositions chimiques déterminées par EDS ne sont pas équilibrées. Or, pour évaluer

les paramètres thermodynamiques de ces phases, il convient de les équilibrer parfaitement. La

stœchiométrie de la phase repose sur le nombre d’oxygène par maille :

- la somme des atomes tétraédriques doit être égale à la moitié du nombre d’atomes

d’oxygène,

- le nombre d’atomes d’aluminium qui se substituent aux atomes de silicium doit être égal à

la somme des atomes de sodium et potassium.

Le nombre d’oxygène des formules empiriques varient en fonction du type de zéolithe5. Notons

que les indices de saturation des phases sont fonction de la stœchiométrie de la phase. Dans la suite

de l’étude, nous avons donc choisi de déterminer les indices de saturation à partir des formules

chimiques calculées pour un oxygène.

Les formules chimiques recalculées (MER pour merlinoite et PHI pour phillipsite) à partir de 64

oxygènes sont données dans le Tableau III-1 avec les compositions déterminées

5 Source : webmineral.com

Page 233: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

233

expérimentalement. Les compositions calculées sont proches de celles déterminées par analyse

EDS.

Tableau III-1. Compositions expérimentales et calculées des phases observées dans les expériences RA80 et

RA1000 à partir de O = 64.

Na K Si Al O

RA80 3,74 ± 0,87 5,38 ± 0,77 21,33 ± 1,14 8,93 ± 0,85 60,62 ± 0,81

MER 3,95 5,68 22,37 9,63 64

RA1000 6,10 ± 0,63 4,87 ± 0,41 21,61 ± 0,38 7,49 ± 0,23 59,93 ± 0,47

PHI 6,5 5,2 20,29 11,71 64

Afin de valider les log K obtenus pour la merlinoite et la phillipsite, les log K de l’analcime

et de la natrolite ont été calculés par le modèle de Vieillard puis comparés aux log K de la base de

données CHESS : les log K varient de ± 0,1 environ. Les paramètres calculés à partir de ce modèle

pour la phillipsite et la merlinoite sont donc fiables.

Pour valider notre démarche, nous comparerons dans un premier temps les évolutions des indices

de la merlinoite et de la phillipsite avec celles de l’analcime et la natrolite. Les valeurs des log K des

quatre phases considérées ont été calculées à partir de l’énergie libre de Gibbs de formation et

implémentées dans la base de données CHESS avec le formalisme suivant :

Analcime-O=1 composition = -0.640 H[+], 0.160 Al[3+], 0.160 Na[+], 0.340 SiO2(aq), 0.487 H2O logK = -1.0491(25), -0.9679(50) vol.weight = 2265.27 kg/m3 Natrolite-O=1 composition = -0.800 H[+], 0.200 Al[3+], 0.200 Na[+], 0.300 SiO2(aq), 0.600 H2O logK = -1.8886(25), -1.7426(50) vol.weight = 2265.27 kg/m3 Phillipsite-O=1 composition = -0.732 H[+], 0.183 Al[3+], 0.102 Na[+], 0.081 K[+], 0.317 SiO2(aq), 0.741 H2O logK = -1.5364(25), -1.4176(50) vol.weight = 2265.27 kg/m3 Merlinoite-O=1 composition = -0.602 H[+], 0.1505 Al[3+], 0.0615 Na[+], 0.089 K[+], 0.350 SiO2(aq), 0.660 H2O logK = -2.2739(25), -2.0981(50) vol.weight = 2265.27 kg/m3

La composition des deux phases considérées a été déterminée expérimentalement à une

échéance donnée. L’idéal serait de modéliser la variation du log K avec celle de la composition

chimique de la solution. Pour cela, il conviendrait de réaliser un prélèvement solide à chaque

prélèvement de solution en tenant compte du problème de représentativité de celui-ci, et de

Page 234: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

234

réaliser des sections polies et analyses quantitatives en EDS sur un certain nombre de cristaux.

Cette démarche n’a pas été réalisée dans le cadre cette thèse. Soulignons à nouveau que la

modélisation mise en place vise uniquement à comparer les évolutions des indices de saturation de

la merlinoite et de la phillipsite dans les différentes expériences pour mieux mettre en évidence les

phénomènes limitants dans chacune des expériences.

Les données d’entrée du logiciel CHESS sont les concentrations des éléments en solution, le

pH de la solution et la température. En bloquant la précipitation des phases, on obtient les indices

de saturation d’un cortège de phases susceptibles de précipiter. Deux approches sont possibles

pour obtenir les indices de saturation, faire une balance électrique avec les ions OH-, le pH est alors

libre, ou bien imposer la valeur du pH mesurée expérimentalement. Dans le premier cas, il

convient de vérifier l’adéquation des pH libres et mesurés mais la balance électrique est nulle. Dans

le second cas, la balance électrique n’est pas nulle. La Figure III-1 permet de rendre compte des

différences entre le pH mesuré (imposé) et le pH libre prédit par CHESS.

RA80

11,0

11,5

12,0

12,5

13,0

0 200 400 600 800 1000

Temps (j)

pH (

50°C

)

pH mesurépH libre

RA200

10,0

10,5

11,0

11,5

12,0

12,5

13,0

0 100 200 300 400 500 600 700

Temps (j)

pH (

50°C

)

pH mesurépH libre

RA1000

10,0

10,5

11,0

11,5

12,0

12,5

13,0

0 100 200 300 400 500 600 700

Temps (j)

pH (

50°C

)

pH mesurépH libre

RA2000

10,0

10,5

11,0

11,5

12,0

12,5

13,0

0 50 100 150 200

Temps (j)

pH (

50°C

) pH libre

Figure III-1. Comparaison des pH mesurés expérimentalement et laissés libres dans la modélisation dans les

expériences RA80, RA200 et RA1000. Evolution du pH libre dans l’essai RA2000.

Seul le pH libre est représenté pour l’expérience RA2000 puisque le pH n’a pas pu être mesuré

expérimentalement. Cependant, l’évolution du pH libre est cohérente avec les cinétiques obtenues

ainsi qu’avec l’évolution de celui de l’essai RA1000. Les pH libres ne sont pas significativement

différents pour ces trois expériences hormis pour les trois et quatre derniers points des expériences

Page 235: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

235

RA80 et RA200 qui correspondent à une forte reprise d’altération. Pour la suite, nous effectuerons

la balance électrique sur l’espèce OH-.

Dans un premier temps, l’objectif de notre modélisation thermodynamique est de suivre les

évolutions des indices de saturation de la merlinoite et phillipsite et non de s’appuyer sur les

valeurs de ces indices de saturation, ceux-ci étant dépendants de la stœchiométrie de la phase.

La Figure III-2 représente l’évolution des indices de saturation de la merlinoite et de la

phillipsite pour les différentes expériences. Les évolutions sont tout à fait similaires pour les deux

phases considérées.

-2,0

-1,8

-1,6

-1,4

-1,2

-1,0

-0,8

-0,6

0 200 400 600 800

Temps (j)

IS m

erlin

oite

RA80RA200RA1000RA2000

MERLINOITE

-0,6

-0,4

-0,2

0,0

0,2

0,4

0,6

0 200 400 600 800Temps (j)

IS p

hilli

psite

RA80RA200RA1000RA2000

PHILLIPSITE

Figure III-2. Evolution des indices de saturation de la merlinoite et de la phillipsite pour les expériences

RA80, RA200, RA1000 et RA2000.

La Figure III-3 permet de comparer les évolutions des indices de saturation de la merlinoite et de la

phillipsite à celles des indices de saturation de l’analcime et de la natrolite. Ces deux figures

rendent compte de l’évolution similaire des indices de saturation des différents types de zéolithes,

ce qui valide ainsi la démarche de comparer les évolutions des indices de saturation d’une phase

pour les différentes expériences. Par la suite, nous étudierons l’évolution de l’indice de saturation

de la phillipsite, celle de la merlinoite étant tout à fait similaire.

-0,4

-0,2

0,0

0,2

0,4

0,6

0 200 400 600Temps (j)

IS

-1,5

-1,4

-1,3

-1,2

-1,1

-1

-0,9

-0,8natroliteanalcimephillipsitemerlinoite

RA200

IS m

erlin

oite

-0,1

0

0,1

0,2

0,3

0 100 200 300 400 500 600

Temps (j)

IS

-1,4

-1,3

-1,2

-1,1

-1natroliteanalcimephillipsitemerlinoite

RA1000

IS m

erlin

oite

Figure III-3. Evolution des indices de saturation de la natrolite, de l’analcime, de la phillipsite et de la

merlinoite dans les expériences RA200 et RA1000.

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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

236

III.1. Expériences RA80 et RA200

Dans le cas de l’expérience RA80, les concentrations en potassium n’ont pas été mesurées

au cours du temps. Il a donc été nécessaire de donner une valeur arbitraire et de vérifier

l’adéquation avec le pH mesuré.

Les Figure III-4 et Figure III-5 représentent l’évolution des indices de saturation de la

phillipsite au cours du temps ainsi que les pertes de masse normalisées des traceurs.

Dans ces deux expériences, l’indice de saturation augmente très rapidement (3 points) et atteint

une valeur seuil. Le trait en pointillés bleu correspondant à ce seuil a été placé à titre indicatif.

Après un certain temps, 600 jours en RA80 et 300 jours en RA200, les indices de saturation

augmentent brutalement.

-0,5

-0,4

-0,3

-0,2

-0,1

0,0

0,1

0 200 400 600 800Temps (j)

IS p

hilli

psite

0,0

0,2

0,4

0,6

0,8

1,0

IS phillipsiteNL(Li)NL(Mo)

NL

i (g.

m-2

)

RA80

Figure III-4. Comparaison des évolutions des indices de saturation de la phillipsite et des pertes de masse

normalisées des éléments mobiles du verre pour l’expérience RA80.

-0,2

-0,1

0,0

0,1

0,2

0,3

0,4

0,5

0 200 400 600

Temps (j)

IS p

hilli

psite

-0,1

0,3

0,7

1,1

1,5

IS phillipsiteNL(Li)NL(Mo)

NL

i (g

.m-2

)

RA200

Figure III-5. Comparaison des évolutions des indices de saturation de la phillipsite et des pertes de masse

normalisées des éléments mobiles du verre pour l’expérience RA200.

Les évolutions des indices de saturation sont semblables à celles des éléments mobiles du verre

(molybdène ou lithium). Le régime de chute de vitesse correspond au palier des indices de

saturation. L’augmentation brutale des pertes de masse normalisées en molybdène et en lithium

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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

237

caractérisant le phénomène de reprise d’altération est concomitante à une augmentation des

indices de saturation. Les caractérisations ont montré que la précipitation était effective durant

cette période, une augmentation des indices de saturation traduit donc l’existence d’un phénomène

limitant la consommation des éléments de la solution.

La similitude de ces évolutions signifie que (i) la valeur seuil correspond à une valeur de

sursaturation de la phillipsite dans la solution et que (ii) la cinétique de croissance de la phillipsite

est limitante lors de la reprise d’altération, ce qui a pour conséquence d’augmenter les indices de

saturation.

L’atteinte de la sursaturation vis-à-vis de la phillipsite (valeur seuil) n’engendre pas, du

moins pendant un certain temps, de précipitation visible, cette étape correspond au temps

d’induction (I.1.3.2.1). Il semble donc que la dissolution du verre soit l’étape limitante. A l’inverse,

lorsque débute la reprise d’altération, l’augmentation des indices de saturation au-delà de la valeur

seuil indique que la croissance des zéolithes est limitante.

III.2. Expériences RA1000 et RA2000

De même que pour les expériences précédentes, les Figure III-6 et Figure III-7 représentent

les évolutions des indices de saturation de la phillipsite dans la solution au cours du temps ainsi

que les pertes de masse normalisées des traceurs. L’évolution est ici différente de la précédente. On

constate que l’indice de saturation des premiers points de mesure est déjà élevé. Cette constatation

est logique puisque ces expériences sont menées à plus fort rapport S/V, l’état de sursaturation est

atteint plus rapidement. Les points de mesure suivants fluctuent dans un intervalle d’indice de

saturation.

-0,10

-0,05

0,00

0,05

0,10

0,15

0,20

0 200 400 600Temps (j)

IS p

hilli

psite

0,0

0,4

0,8

1,2

1,6

2,0IS phillipsiteNL(B)NL(Mo)

RA1000

NL

i (g.

m-2

)

Figure III-6. Comparaison des évolutions des indices de saturation de la phillipsite et des pertes de masse

normalisées des éléments mobiles du verre pour l’expérience RA1000.

Dans l’expérience RA1000, les points à partir de 256 jours d’altération ont des valeurs plus élevées

que la borne supérieure de l’intervalle d’indices de saturation. Cette augmentation est liée à

l’évolution des pertes de masses normalisées des éléments mobiles du verre (Figure III-6). La

vitesse de dissolution du verre diminue à partir de cette échéance. Le pH de la solution a fortement

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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

238

diminué de 1,5 unité puis continue à diminuer. D’après les pH obtenus par calcul pour l’expérience

RA2000, les valeurs sont supérieures à celles du test RA1000. De plus, le pourcentage de verre

altéré est proche de 100 % alors qu’il atteint seulement 5 % en RA2000. Le bore relâché ayant un

effet tampon en solution, la dissolution du verre diminue.

Les évolutions des indices de saturation et des pertes de masse normalisées sont similaires

pour les deux expériences RA1000 et RA2000. La dissolution continue du verre au cours du temps

est en accord avec la précipitation des zéolithes observées en MEB et avec la stabilité des indices de

saturation. Le maintien des indices de saturation dans un intervalle restreint de valeurs (i) marque

la limite de sursaturation de la phase dans le système et (ii) la précipitation des zéolithes n’est pas

limitante. Dans ces expériences, le phénomène de dissolution du verre est le phénomène limitant.

III.3. Bilan des expériences par la modélisation thermodynamique

L’approche par modélisation thermodynamique a été possible grâce à la détermination des

log K à partir de la composition chimique et de la structure cristalline des phases observées

expérimentalement. Malgré la métastabilité des zéolithes dans notre système et le calcul des indices

de saturation à partir d’une seule valeur de log K, les évolutions des indices permettent de mettre

en évidence les phénomènes limitants pour chaque type d’évolution de cinétiques :

- Dans les expériences à faible rapport S/V (RA80 et RA200), l’étape de chute de vitesse est

limitée par la dissolution du verre puisque cette valeur correspond à la valeur seuil de

sursaturation nécessaire à la précipitation. Lors de la reprise d’altération, l’augmentation des

indices de saturation au-delà de cette valeur permet d’affirmer que la cinétique de croissance des

zéolithes est limitante.

- Dans les expériences à fort rapport S/V (RA1000 et RA2000), le maintien des indices de

saturation autour d’une valeur médiane indique que la précipitation est effective mais que c’est la

dissolution continue du verre qui est limitante.

-0,2

0,0

0,2

0,4

0,6

0 100 200 300 400 500Temps (j)

IS p

hilli

psite

0,0

0,2

0,4

0,6

IS phillipsiteNL(Mo)NL(B)

RA2000

NL

i (g.

m-2

)

Figure III-7. Comparaison des évolutions des indices de saturation de la phillipsite et des pertes de masse

normalisées des éléments mobiles du verre pour l’expérience RA2000.

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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

239

IV. Discussion Dans l’ensemble des expériences réalisées en solution S1 à 50 °C, la précipitation de

zéolithes a engendré le maintien d’une vitesse résiduelle élevée ou l’occurrence d’une reprise

d’altération suivant le rapport S/V. La première partie de la discussion est focalisée sur la

description des processus qui engendrent ces cinétiques. Par la suite, nous tacherons de faire une

synthèse des caractéristiques de la formation des zéolithes comme la nucléation/croissance, leur

métastabilité et enfin nous ferons le lien entre ces caractéristiques et les cinétiques de dissolution

du verre.

IV.1. Description des processus et mise en évidence des paramètres clés

Selon la théorie classique de la nucléation [7], le temps d’induction (tind) nécessaire à la

formation de nucléi stables dépend de la sursaturation (β) et de l’énergie interfaciale

cristal / solution (γ):

023

32

lnln)(

ln KkT

ftind −Ω=

βγ

où f est un facteur de forme, Ω le volume molaire, k la constante de Boltzmann, T la température et

K0 une constante cinétique.

A très fort rapport S/V (RA1000 et RA2000), aucune période d’induction n’est observée alors qu’à

plus faible rapport S/V (RA80 et RA200), un temps d’induction plus ou moins long précède le

régime de reprise d’altération. Le raisonnement est construit sur l’hypothèse que le rapport S/V

joue un rôle clé dans les premiers instants de l’altération qui sera déterminant pour la formation

des zéolithes et donc la suite de l’évolution des cinétiques.

L’état de sursaturation est atteint plus rapidement à fort rapport S/V. La formation d’un

nucléus est donc favorisée puisque les particules se rencontrent plus facilement par mouvement

brownien. D’après la théorie de la nucléation / croissance et en supposant à ce stade que l’énergie

interfaciale cristal / solution est identique dans les quatre expériences, la taille critique du nucléus

r* est d’autant plus petite que la sursaturation est importante et que l’énergie interfaciale

cristal / solution est plus faible [7]. A un même instant t, la formation de nucléi stables sera effective

à de forts rapports S/V alors qu’à de plus faibles rapports S/V, le rayon critique sera encore trop

important pour que des nucléi stables se forment. Cette étape est cruciale pour la suite de

l’évolution des cinétiques d’altération.

A de très forts rapports S/V (RA1000 et RA2000), les nucléi ayant atteint leur rayon critique,

la croissance des cristaux de zéolithes est à la fois cinétiquement et thermodynamiquement

favorisée par rapport à la formation d’un gel passivant. La stabilité et la croissance des cristaux est

la force motrice de la dissolution du verre. C’est donc la dissolution du verre qui limite la

croissance des zéolithes, ce qui a été confirmé par modélisation thermodynamique. Le

ralentissement de la cinétique d’altération est dû à la déstabilisation des cristaux néoformés par la

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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

240

chute du pH. Cependant, l’augmentation de la cristallinité à ces échéances prouve que les zéolithes

restent plus stables que la formation d’un gel passivant.

A de plus faibles rapport S/V (RA80 et RA200), le temps d’atteinte du régime de

sursaturation vis-à-vis des nucléi est plus long. Le rayon critique à atteindre étant plus élevé, la

recondensation des espèces lixiviées devient cinétiquement plus favorable que la formation des

zéolithes, thermodynamiquement favorisée. Un processus classique de

dissolution / recondensation se met en place. Rapidement, la pellicule de verre altéré acquiert un

caractère passivant. On observe alors un régime de chute de vitesse pendant la période

d’induction. Le phénomène de diffusion au sein de la pellicule d’altération est un frein au transport

et limite donc l’apport des nutriments nécessaires à la formation des nucléi. Après un certain

temps, la nucléation et la croissance des nucléi est effective et engendre une dissolution du gel par

consommation de l’aluminium. La modélisation thermodynamique met en évidence que la

croissance des zéolithes est l’étape limitante lors de la reprise d’altération puisque les indices de

saturation augmentent fortement au-delà de la valeur seuil de sursaturation nécessaire à la

précipitation des zéolithes.

Figure IV-1. Mécanismes et cinétiques d’altération au cours du temps en fonction du rapport S/V. Les lignes

orange indiquent le phénomène limitant à chaque étape.

Les cinétiques d’altération du verre ont des allures de sigmoïde (Figure II-2 et Figure II-9),

caractéristique du phénomène de zéolithisation [17]. A ce stade, les mécanismes sont similaires

dans l’ensemble des expériences : la chute de pH déstabilise les cristaux néoformés, ce qui a pour

conséquence de ralentir la cinétique d’altération du verre.

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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

241

Le schéma de la Figure IV-1 illustrent les deux cinétiques et leurs mécanismes et phénomènes

limitants associés.

Le rapport S/V est le paramètre clé puisqu’il engendre un état de sursaturation dans les premiers

instants qui va favoriser soit la formation d’un gel passivant, soit la formation de nucléi de

zéolithes. Les zéolithes sont thermodynamiquement plus stables que le verre et le gel, ainsi, une

fois les nucléi formés, leur croissance devient une force motrice de dissolution du verre. Les

cinétiques d’altération du verre sont le reflet des phénomènes limitants dans le système.

IV.2. Caractéristiques des zéolithes

IV.2.1. Nucléation et croissance des zéolithes

Le processus de nucléation peut avoir lieu en solution, au sein du gel par restructuration de

celui-ci ou à l’interface gel / solution lors de synthèses hydrothermales [11, 12]. Lors d’une

nucléation primaire hétérogène, l’affinité du nucléus avec le support peut catalyser la nucléation.

Dans les expériences RA1000 et RA2000, la nucléation a lieu à l’interface entre la surface des grains

de verre et la solution, à ce stade, il est peu probable que les nucléi se développent dans la pellicule

d’altération. Dans l’expérience RA2000, après un certain temps d’altération, les observations MEB

ont montré que la nucléation secondaire était plus favorable que la nucléation primaire hétérogène.

Ceci signifie qu’une fois les cristaux néoformés, il est énergétiquement plus favorable pour les

nucléi de se former sur les cristaux existants qu’à la surface du verre ou qu’au sein du gel des

cupules (appauvri en aluminium).

Pour les expériences RA80 et RA200 dans lesquelles la reprise d’altération a lieu après une chute de

vitesse, la formation des nucléi peut se produire au sein de la pellicule d’altération car la période

d’induction est relativement longue, ce qui laisse le temps au gel de se restructurer. La nucléation

peut également avoir lieu en surface du gel. Par la suite, les cristaux croissent à partir du gel, le

verre altéré constitue alors une source d’éléments formateurs des cristaux de zéolithes.

IV.2.2. Métastabilité des zéolithes

La métastabilité des zéolithes a été mise en évidence à plusieurs reprises :

- La comparaison des expériences RA200 et RA200S a permis de montrer que la variation de

la chimie de la solution, entre autre la chute de pH, n’a pas d’effet immédiat sur le rapport Si/Al

des zéolithes.

- La caractérisation de la morphologie des cristaux dans l’expérience RA2000 nous indique

qu’à partir d’un certain temps d’altération, la morphologie des cristaux évolue, signe d’une

déstabilisation due à une chute de pH significative. Ribet et Gin [57] montrent qu’une chute brutale

du pH par ajout d’HCl induit une chute de vitesse immédiate mais une dissolution progressive des

cristaux qui est totale après 91 jours. Dans l’expérience RA2000, malgré la déstabilisation des

zéolithes, le processus de nucléation / croissance se poursuit puisque la cristallinité augmente au

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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

242

cours du temps. Les zéolithes, bien que métastables dans leur environnement, restent

thermodynamiquement plus stables que le gel et le verre.

- D’après la loi de transition de phases d’Ostwald, la précipitation de phases métastables est

cinétiquement favorisée à un degré de sursaturation élevé. Dans les expériences à faible rapport

S/V où la croissance des zéolithes est très brève, il est fort probable que les zéolithes formées soient

plus métastables que celles des expériences à fort rapport S/V. Les observations MEB de

prélèvements solides dans le test RA200 mettent d’ailleurs en évidence la coexistence de zéolithes

de morphologies différentes.

Bien que les zéolithes soient métastables, elles coexistent et continuent de croître en

présence de phyllosilicates, qui sont également des phases aluminosilicatées. Ces deux phases ne

sont donc pas en compétition, probablement parce que la croissance de ces minéraux n’est pas

limitée par le même élément. L’élément limitant la croissance des zéolithes est l’aluminium. Les

phyllosilicates ne sont pas observés lors de l’altération du verre simple VS, ce qui confirme la

nécessité d’autres éléments tels que du fer ou du zinc à la formation de ces minéraux.

IV.2.3. Liens entre les zéolithes et la chimie de la solution

Les zéolithes se caractérisent par leurs rapports Si/Al et Na/K. Ces rapports

stœchiométriques ont été déterminés par analyse EDS des cristaux en section polie (Tableau IV-1).

Des précautions doivent être prises sur le raisonnement à appliquer à partir de ces mesures. Tout

d’abord, les rapports obtenus correspondent à une échéance précise et un nombre limité de pointés

ont été réalisés (entre 4 et 10). Ensuite, il est nécessaire de garder à l’esprit que ces phases ne sont

pas à l’équilibre avec leur environnement et qu’à cela s’ajoute, la variation plus ou moins rapide de

leur environnement.

Ces précisions ayant été apportées, il est intéressant de constater que le rapport Si/Al des zéolithes

est plus faible pour un pH plus élevé (Figure IV-3), ce qui est en accord avec la littérature [2-5].

10,0

10,5

11,0

11,5

12,0

12,5

13,0

0 200 400 600 800 1000

Temps (j)

pH (

50°C

)

RA80

RA200RA1000

2,3

2,4

2,5

2,6

2,7

2,8

2,9

3,0

10,4 10,6 10,8 11,0 11,2 11,4 11,6

pH (50°C)

Si /

Al

RA80

RA200

RA1000

Figure IV-2. Evolution du pH dans les expériences

RA80, RA200 et RA1000.

Figure IV-3. Relation entre le pH et le rapport Si/Al

caractéristique des zéolithes.

Au regard de la Figure IV-2, si l’on tient compte de la métastabilité des phases par rapport à leur

environnement chimique à l’instant du prélèvement (temps de déphasage inférieur à 200 jours), on

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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

243

constate que cette tendance n’est pas modifiée : l’ensemble des points serait translaté à des pH plus

élevés et leur ordre serait conservé.

Il existe également une cohérence entre le type de zéolithe observée et la chimie de la

solution. La structure des zéolithes obtenues dans les expériences RA80 et RA1000 a été identifiée

par analyse DRX. La merlinoite est la phase principale dans le test RA80 alors qu’il s’agit de la

phillipsite dans le cas du test RA1000. Le Tableau IV-1 récapitule les valeurs des rapports

stœchiométriques mesurés. Ceux-ci sont plus importants dans les expériences RA1000 et RA2000.

Dans la littérature, l’étude de la stabilité des zéolithes montre que la phillipsite présente un rapport

Na/K plus important que la merlinoite [35-37], ce qui est le cas d’après les valeurs obtenues. La

formation de la merlinoite est favorisée par un environnement riche en potassium et/ou un pH

plus élevé. Cependant, Donahoe rapporte que la formation de merlinoite est plutôt conditionnée

par le rapport Na/K de la solution que par le pH [35].

Tableau IV-1. Rapports Si/Al et Na/K des cristaux de zéolithes mesurés par analyse EDS dans les différentes

expériences réalisées sur le verre CSD-B en solution S1 à 50 °C.

Si/Al Na/K Echéance (j) RA80 2,42 ± 0,32 0,69 ± 0,10 836 (finale) RA200 2,71 ± 0,14 0,73 ± 0,06 648 RA1000 2,89 ± 0,08 1,16 ± 0,16 620 (finale) RA2000 2,88 ± 0,09 0,93 ± 0,15 370

Bien que les zéolithes formées soient métastables et qu’il faille un certain temps pour que la chimie

de la solution ait un impact sur les caractéristiques des zéolithes, l’observation de phillipsite dans

l’expérience RA1000 semble cohérente puisqu’à la fois :

- le pH de la solution diminue progressivement,

- l’altération du verre conduit à une augmentation de la concentration en sodium,

- la croissance des cristaux de zéolithes consomment le potassium présent en solution.

IV.3. Relation entre les caractéristiques des zéolithes et les cinétiques

d’altération du verre

IV.3.1. Influence du pH sur la cinétique de précipitation des zéolithes

Les variations du pH et des concentrations molaires [Na + K – B] en solution sont

représentées en Figure IV-4.

La corrélation entre ces deux paramètres montre (i) que le pH est principalement fonction de ces

trois éléments et (ii) que la chute de pH est due au relâchement du bore qui a un effet tampon.

Cette corrélation a déjà été mise en évidence pour le verre SON68 par Ribet et Gin [57].

A plus long terme, la chute de pH entraîne une diminution de la vitesse de croissance des cristaux

de zéolithes, ce qui engendre une diminution des vitesses d’altération du verre dans l’ensemble des

expériences. La précipitation des zéolithes est la force motrice du relâchement du bore qui lui, par

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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

244

son effet tampon, constitue un frein à la croissance des cristaux. La précipitation des zéolithes est

donc auto-régulée dans nos conditions.

10,40

10,80

11,20

11,60

12,00

12,40

12,80

-200 -100 0 100 200

[Na+K-B] (mmol.L -1)

pH (

50°C

)

RA1000

RA200

Figure IV-4. Corrélation entre l’évolution du pH de la solution et la concentration (Na+K-B).

Dans le cas où la teneur en bore diminuerait et celle en sodium augmenterait dans la composition

du verre, il serait possible que la reprise d’altération s’entretienne jusqu’à dissolution complète du

verre, de même à plus fort rapport S/V avec le maintien d’une vitesse continue. Cette remarque est

cohérente avec les résultats de simulation sur des verres simples de Strachan et Croak [49], puisque

la précipitation de l’analcime est favorisée en augmentant le rapport Na/(Na+B).

IV.3.2. Cinétiques de dissolution du verre

Le Tableau IV-2 récapitule les vitesses avant et pendant la reprise d’altération pour les tests

RA80 et RA200 ainsi que les vitesses résiduelles d’altération pour les tests RA1000 et RA2000.

Tableau IV-2. Récapitulatif des vitesses d’altération du verre au cours des différents régimes dans les

expériences RA80, RA200, RA1000 et RA2000.

RA80 RA 200 RA1000 RA2000 S/V (cm-1) 80 200 1000 2000

V avant RA (g.m-2.j-1) 1,5.10-4 3,0.10-4 V RA (g.m-2.j-1) 7,6.10-2 4,2.10-2

3,8.10-3 1,5.10-3

Dans les expériences RA80 et RA200, la vitesse avant et pendant la reprise augmente de

plus de deux ordres de grandeur. Les vitesses d’altération des tests RA1000 et RA2000 sont

intermédiaires aux vitesses avant et pendant la reprise d’altération des expériences RA80 et RA200.

Les vitesses de reprise d’altération, obtenues par régression linéaire des pertes de masse

normalisées du molybdène en fonction du temps, sont représentées en fonction du rapport S/V en

Figure IV-5.

Pour les expériences RA80 et RA200, ces vitesses correspondent à la pente la plus

importante observée pendant ce régime.

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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

245

0,001

0,01

0,1

0 500 1000 1500 2000

S/V (cm -1)

log

V R

A (

g.m

-2.j-1

)

Figure IV-5. Evolution des vitesses de reprise d’altération (en molybdène) en fonction du rapport S/V pour

les expériences de la Figure II-1.

On constate que la vitesse de reprise d’altération diminue rapidement avec l’augmentation du

rapport S/V. Dans les expériences à fort rapport S/V, la dissolution du verre limite la précipitation

des zéolithes, ce qui peut expliquer la différence d’un ordre de grandeur avec les expériences à

faible S/V.

IV.3.2.1 Comparaison des expériences RA80 et RA200

Pour les expériences RA80 et RA200, la période d’induction diminue également avec

l’augmentation du rapport S/V. Ces deux expériences sont comparables en termes de cinétiques et

mécanismes. Pour expliquer ces différences, diverses hypothèses peuvent être proposées :

- Le pH est un paramètre clé dans la formation des zéolithes. Un fort pH diminue la période

d’induction, augmente la vitesse de formation des nucléi et celle de croissance des cristaux [9].

Néanmoins, entre ces deux expériences, le pH avant reprise est similaire, 12,38 ± 0,1 et 12,47 ± 0,1

pour les expériences RA80 et RA200 respectivement. Le pH ne permet donc pas d’expliquer cette

différence de vitesse de reprise d’altération du verre.

- L’hypothèse selon laquelle il existe une densité critique de nucléi par unité de surface du

verre (en supposant que la vitesse de croissance est constante) est invalidée au vue des résultats

obtenus : la surface de verre dans l’expérience RA80 est inférieure à celle dans l’expérience RA200

alors que les vitesses diminuent avec le rapport S/V.

- Il est cependant envisageable que le nombre de cristaux dépende d’autres paramètres,

notamment de l’état de sursaturation du système ou encore de la morphologie du gel. Une

cinétique de nucléation plus importante à plus faible rapport S/V peut expliquer une vitesse de

croissance des cristaux plus grande et donc une reprise d’altération plus brutale. La fréquence de

nucléation augmente avec l’état de sursaturation et l’affinité entre le nucleus et son support. Cette

fréquence de nucléation est également dépendante de la fréquence à laquelle les germes de taille

critique deviennent surcritiques (§ I.1.3.1.2.3).

- Les nucléi se forment durant la période d’induction à l’interface gel / solution. Les

mécanismes de formation des nucléi à partir d’un gel sont mal connus, plusieurs théories existent

Page 246: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

246

(§ I.1.3.2.2). La morphologie du gel ainsi que sa composition ont un rôle clé dans la formation des

nucléi. Il a été montré qu’un système riche en cations alcalins favorise la formation d’un gel

mésoporeux. Une porosité importante augmente l’interface d’échange gel / solution et la diffusion

des éléments, il en résulte une vitesse de nucléation et formation des zéolithes plus importante [15].

La morphologie et la composition du gel est donc une source d’explication à la vitesse de reprise

d’altération du verre. Pour conforter cette hypothèse, il s’avère nécessaire de réaliser des

caractérisations du gel avant la reprise d’altération dans les deux expériences.

Deux hypothèses permettent d’expliquer les différences de vitesses de reprises d’altération aux

rapports S/V de 80 cm-1 et 200 cm-1 : une différence de fréquence de nucléation et/ou une

morphologie et composition différente du gel avant reprise.

IV.3.2.2 Comparaison des expériences RA1000 et RA2000

La différence de vitesses d’altération entre les expériences à plus fort rapport S/V, RA1000

et RA2000, peut s’expliquer par le nombre de cristaux. En faisant l’hypothèse qu’il existe une

distribution statistique et homogène de sites de nucléation à la surface des grains de verre, le

nombre de nucléi formés est directement proportionnel à la surface de verre initiale. Dans

l’expérience à 2000 cm-1, le nombre de cristaux est beaucoup plus faible qu’à 1000 cm-1 sachant que

la surface de verre est environ 50 fois plus faible. En considérant une vitesse identique de

croissance des cristaux, plus il y a de cristaux, plus la vitesse de consommation des éléments

augmente et la vitesse de dissolution du verre également.

Dans l’expérience RA2000, une fois les cristaux néoformés, il est énergétiquement plus favorable

pour les nucléi de se former sur les cristaux existants qu’au sein du gel des cupules ou qu’à la

surface du verre. La réactivité de la source (ici verre ou gel) joue un rôle clé dans les mécanismes de

nucléation. L’existence de nucléation secondaire met en évidence la compétition de phénomènes

contribuant à diminuer l’énergie libre de Gibbs de formation des nucléi. Le mûrissement

d’Ostwald est un mécanisme pouvant également entrer en compétition et favoriser la dissolution

des petits cristaux au profit des gros. Remarquons que la continuité de l’évolution du pH et de la

chimie de la solution au cours du temps contribue à la transition de phases successives d’Ostwald

et donc également au mûrissement d’Ostwald.

Cette hypothèse est tout à fait cohérente avec celle de la distribution statistique de sites de

nucléation à la surface des grains de verre.

La différence de vitesses d’altération entre les essais RA1000 et RA2000 est liée au nombre de

cristaux de zéolithes. Deux facteurs peuvent modifier ce nombre de cristaux :

- au premier ordre, un paramètre géométrique qui est la densité de sites de nucléation fonction

d’une distribution statistique de sites de surface,

- et au second ordre, l’évolution thermodynamique du système qui peut favoriser la nucléation

secondaire ou encore le mûrissement d’Ostwald.

Page 247: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

247

IV.3.3. Figures de dissolution du verre

Contrairement à l’altération en eau désionisée, l’altération en solution S1 conduit à la

formation d’une pellicule d’altération dont l’interface verre / gel n’est pas parallèle au bord du

grain. L’expérience RA200, mais surtout la RA2000, permettent de mettre en évidence l’évolution

de la dissolution du verre qui conduit à cette pellicule d’altération non uniforme. Parallèlement à

la précipitation des zéolithes, des zones circulaires de dissolution préférentielle apparaissent en

surface du verre (Figure IV-6 (a), (b) et (c)).

L’avancée de la réaction conduit (i) à multiplier ces zones de dissolution et (ii) à augmenter leur

taille. Progressivement, ces cupules se rejoignent pour former une pellicule plus ou moins continue

(Figure IV-6 (d)). L’apport de matière se fait donc par dissolution au sein de ces cupules, ce qui

engendre leur croissance. Cette évolution est représentée schématiquement en Figure IV-7. Notons

qu’il existe un contraste chimique important au sein de la cupule : à l’interface avec le verre, le gel

formé est soit plus poreux, soit moins riche en éléments lourds que le cœur et la surface extérieure

de la cupule.

Les différences de morphologie et de nombre des piqûres entre le verre CSD-B et le verre VS sont

probablement dues à leur différence de composition qui modifie les équilibres chimiques au sein

de la solution.

(a) (b)

(c) (d)

Figure IV-6. (a) Figures de dissolution ou « cupules » visibles sur les grains de verre VS à 527 jours

d’altération (essai RA200S). (b) et (c) Grossissement sur l’effondrement de la zone de verre altéré de la

figure (a). (d) Multiplication des cupules et coalescence sur le verre CSD-B altéré pendant 360 jours

(essai RA200). Le contraste a été accentué pour visualiser les figures de dissolution.

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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

248

Figure IV-7. Vue schématique en coupe de la formation de la pellicule d’altération à partir de la formation,

croissance, multiplication et coalescence de cupules hémisphériques.

Au cours de ces travaux, nous n’avons pas pu déterminer l’origine précise de ces figures de

dissolution. Plusieurs hypothèses peuvent être proposées. Leur formation peut être aléatoire (cas

des piqûres dans les métaux), cependant, il est fort probable que la dissolution préférentielle d’un

site et / ou la formation de nucléi sur un site spécifique soient liées à une structure et / ou chimie

spécifique activée par les conditions d’altération. Rappelons que pour les essais RA80 et RA200, la

nucléation se fait probablement à partir du gel (en son sein ou à l’interface avec la solution), auquel

cas l’affinité est différente de celle que le nucléus peut avoir avec le verre. La composition et la

structure du support de nucléation sont donc importantes.

Cependant, est-ce la nucléation de cristaux de zéolithes sur ces sites qui engendre, par leur

formation, une zone locale de verre altéré ? La caractérisation des grains n’a pas permis de

confirmer cette hypothèse, à l’échelle du MEB, aucun cristal n’a pu être identifié au centre de ces

cupules. Si cette hypothèse est vérifiée alors le fait de ne pas observer de cristaux peut s’expliquer

soit par leur redissolution due au mûrissement d’Ostwald ou bien par décrochement de ceux-ci.

Néanmoins, les images MEB rendent compte d’un point au centre de la cupule, probablement

l’origine de la dissolution (Figure IV-6 (c)).

Il semble qu’il y ait une symétrie entre le phénomène de nucléation / croissance des zéolithes dû

à un état de sursaturation et un phénomène de nucléation / croissance des cupules dû à

l’instabilité du verre par rapport aux zéolithes.

V. Conclusion Le rapport S/V joue un rôle important puisque son augmentation entraîne une diminution

du temps d’induction [60, 61]. Cependant, nous avons montré que ce paramètre était à l’origine des

cinétiques d’altération observées. Suivant la valeur de ce rapport, la stabilité relative de la

formation d’un gel passivant ou des nucléi de zéolithes est différente à cause de l’état de

sursaturation et des paramètres associés (taille du rayon critique…). Grâce à la modélisation

thermodynamique, il a été possible de confirmer quels étaient les mécanismes limitants suivant les

Page 249: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

249

expériences et donc le rapport S/V. Cependant, les mécanismes sous-jacents restent similaires, ce

sont leurs intensités qui sont modifiées.

La composition du verre joue un rôle majeur comme le souligne bon nombre d’auteurs [48, 49, 54].

Par simulation, Strachan et Croak [49] montrent qu’une faible variation de la teneur en aluminium

modifie grandement les domaines de stabilité de la silice amorphe et de l’analcime. Certains

éléments comme le bore diminue le pH alors que d’autres comme les alcalins vont l’augmenter

[48]. Nous avons vu que le pH est un paramètre clé dans le phénomène de reprise d’altération. A

partir de pH 10,7 à 20 °C, l’occurrence d’une reprise d’altération est fort probable [48]. Le pH est

corrélé à la variation de la somme des concentrations molaires [Na+K-B], ce qui prouve que ces

trois éléments imposent le pH de la solution. Durant la reprise d’altération, la chute de pH

systématique est donc due au relâchement du bore qui agit comme tampon [57] et à la

consommation relative de sodium et potassium lors de la croissance des zéolithes. Ainsi la

composition du verre et plus particulièrement les teneurs en bore et sodium, jouent un rôle central

car ils permettent l’autorégulation du système. A partir d’une certaine teneur en bore et sodium, il

est probable qu’aucune chute de pH ne soit effective et que le phénomène de reprise d’altération

soit entretenu.

En guise de perspectives, il serait nécessaire d’approfondir les caractérisations du gel

puisque, comme nous l’avons vu, il constitue le siège de la nucléation des cristaux de zéolithes et

suivant ses propriétés structurales, morphologiques et chimiques, il peut modifier le nombre de

cristaux et leur fréquence de nucléation.

Afin d’asseoir les mécanismes proposés et d’évaluer la métastabilité des zéolithes, il

conviendrait de réaliser un bilan de matière pour connaître l’évolution des rapports Si/Al et Na/K

des zéolithes et du gel au cours de l’altération. Ces paramètres permettraient de calculer des logK à

chaque échéance et de déterminer un état de sursaturation correspondant à l’échéance considérée.

La vitesse d’altération du verre durant la précipitation des zéolithes est fonction du rapport

S/V à long terme. Elle peut atteindre l’ordre de grandeur de la vitesse initiale (à un facteur 3 près) à

faible rapport S/V. Il convient donc d’étudier l’influence de la composition du verre sur le

phénomène de reprise d’altération afin d’écarter tout risque d’augmentation irréversible du pH

conduisant à une probable reprise jusqu’à altération totale du verre.

Pour les expériences RA80 et RA200, la nucléation spontanée a entraîné la formation d’une

multitude de cristaux en surface du gel, à l’échelle macroscopique, la prise en masse de l’ensemble,

grains de verre et zéolithes. Une question sous-jacente se pose : est-ce que cette consolidation

résultant de la précipitation des phases cristallines est un frein potentiel au relâchement des

éléments ? Dans le cas de l’altération de verres islandais âgés de 3 à 4 millions d’années, Le Gal [26]

a observé la formation d’un « ciment zéolithique » qui comblait systématiquement les interstices

entre les grains de verre et en conclut qu’il fait office de barrière de diffusion. A long terme, la

formation massive de ces phases peut-elle colmater les fissures d’un colis et diminuer

artificiellement la surface réactive du colis ?

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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

250

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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

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Page 254: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés

254

Page 255: Thèse présentée pour obtenir le grade de

255

CHAPITRE VII. LE CIMENT BAS PH, UNE

ALTERNATIVE ?

I. Introduction ..........................................................................................................................................257

II. Caractéristiques chimiques d’un ciment bas pH ...........................................................................257

II.1. Rôle des ajouts .............................................................................................................................258

II.2. Association d’additifs au sein des ciments..............................................................................259

II.3. Solutions à l’équilibre avec un béton bas pH ..........................................................................260

III. Etude du régime de chute de vitesse en solution bas pH.............................................................262

III.1. Comparaison de l’altération du verre en solution bas pH et en eau désionisée ................262

III.1.1. Conditions expérimentales ................................................................................................262

III.1.2. Cinétiques d’altération en solution bas pH et en eau désionisée.......................................262

III.2. Caractérisation de la pellicule d’altération..............................................................................267

III.2.1. Conditions expérimentales ................................................................................................267

III.2.2. Caractérisation..................................................................................................................267

III.2.3. Discussion.........................................................................................................................274

III.3. Effet des différentes solutions cimentaires sur l’altération du verre ...................................276

IV. Conclusion.............................................................................................................................................278

Références bibliographiques ...................................................................................................................279

Page 256: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?

256

Ce chapitre présente le ciment bas pH comme matériau cimentaire alternatif au ciment

Portland pour le concept de stockage des colis vitrifiés MA-VL.

Après avoir décrit les spécificités physico-chimiques du ciment bas pH, nous détaillerons

les compositions des solutions d’équilibre qui ont été utilisées pour mener les expériences

d’altération. Le régime de chute de vitesse est étudié compte tenu de son importance dans le

comportement à long terme du verre.

Les cinétiques d’altération et les caractérisations sont en accord pour rendre compte de

l’effet bénéfique de l’altération du verre en solution bas pH. Les fortes similitudes observées avec

les essais en solution S2 à très faible et fort rapports S/V permettent de conforter les mécanismes

intuités dans les chapitres IV et V. Ces premiers résultats encourageants rendent compte de l’effet

bénéfique du ciment bas pH, du point des vue de ses propriétés chimiques, sur la durabilité du

verre.

Page 257: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?

257

I. Introduction

L’altération du verre en présence de solutions représentatives d’un matériau cimentaire

CEM I sain engendre la formation de phases secondaires de types zéolithes en solution S1 ou

encore de C-S-H en solution S2. La précipitation de telles phases conduit au maintien d’une vitesse

résiduelle élevée, voire à une reprise d’altération, par la consommation des éléments réticulants du

gel. La chimie spécifique des solutions cimentaires, caractérisées par un pH fortement basique ainsi

que par l’abondance d’hydroxydes alcalins et de calcium est à l’origine de la formation de ces

phases. Le ciment Portland ne semble donc pas constituer un milieu favorable vis-à-vis de la

durabilité chimique du verre.

Afin de développer des concepts d’alvéole dédiée, une réflexion est menée quant à

l’utilisation d’un béton bas pH comme matériau de colis de stockage. La dénomination du béton

« bas pH » provient de la valeur du pH de la solution interstitielle voisine de 11, sensiblement

inférieure à celle des bétons usuels, voisine de 13,5 à l’état sain. L’altération du verre en contact

d’une solution interstitielle d’un béton bas pH présente à première vue un atout majeur : un pH

faible de plus de 2 unités par rapport au CEM I. Une diminution de cet ordre peut avoir un effet

très favorable car la dissolution de la silice augmente rapidement pour des pH fortement

basiques [1]. Il faut néanmoins prendre en compte la composition de la solution. Dans les essais en

eaux cimentaires S1 et S2, il a été montré que le calcium en solution était capable de jouer un rôle

antagoniste en fonction du régime d’altération mais aussi du pH de la solution. Par son

incorporation à la pellicule d’altération, il permet de diminuer d’un ordre de grandeur la vitesse

initiale par rapport à un milieu de référence au même pH.

Au vu des caractéristiques du béton bas pH, une partie de ce travail a porté sur l’étude de

l’altération du verre en contact avec une eau représentative d’une solution interstitielle d’un béton

bas pH. La question sous-jacente est de savoir si la chimie particulière des ciments bas pH peut

jouer un rôle plus favorable que le ciment CEM I. Notons qu’au cours de ce chapitre, nous

utiliserons le terme de « ciment bas pH » puisque dans la mesure où les granulats sont

correctement choisis pour être non réactifs, l’évolution chimique du béton est gouvernée par celle

de la pâte.

II. Caractéristiques chimiques d’un ciment bas pH

Contrairement au ciment Portland classique pour lequel on dispose d’un important retour

d’expériences notamment grâce au génie civil, le ciment bas pH est étudié au sein de la

communauté internationale depuis 2003 dans le cadre du concept de stockage profond des déchets

radioactifs [2, 3]. La forte alcalinité du ciment Portland peut se révéler préjudiciable au maintien

des caractéristiques physico-chimiques de l’argile du site [4-6]. L’utilisation d’un ciment composé,

Page 258: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?

258

générant des solutions interstitielles moins alcalines, est donc une alternative envisagée et

actuellement à l’étude1 [2, 7, 8].

II.1. Rôle des ajouts

Les ciments composés sont constitués d’une base de ciment Portland à laquelle sont

additionnés de façon importante des ajouts choisis pour leur propriétés hydrauliques ou

pouzzolaniques. Les composés pouzzolaniques2 regroupent essentiellement les pouzzolanes

naturelles, les cendres volantes et la fumée de silice. Parmi les ajouts aux propriétés hydrauliques,

on trouve principalement les laitiers de hauts fourneaux (Figure II-1).

L’ajout de pouzzolanes modifie la composition chimique de la solution interstitielle d’un

matériau cimentaire et conduit en particulier à :

- une forte diminution de la concentration en alcalins ce qui se traduit par une chute du pH

de la solution interstitielle. La sorption du sodium et du potassium sur les phases hydratées

favorise également la diminution de la teneur en alcalins,

- la disparition ou la diminution de la teneur en Portlandite dans les matériaux,

- et l’enrichissement en silice des C-S-H avec des rapports C/S compris entre 1,1 à 1,5, ce qui a

pour conséquence de diminuer le pH d’équilibre.

1 Notre étude s’intéresse aux propriétés chimiques de la solution interstitielle d’un liant bas pH. Par conséquent, les

effets de ces ajouts sur la chaleur d’hydratation, la porosité ou encore les propriétés mécaniques des pâtes et bétons bas

pH ne seront pas été abordées ici. Cependant, le lecteur intéressé pourra se référer aux travaux de Codina [8] et Bach

[9].

2 Les pouzzolanes sont des composés qui réagissent avec la Portlandite pour former des C-S-H.

Figure II-1. Localisation des composés minéraux (% massique) ajoutés au ciment Portland dans le

diagramme ternaire CaO-SiO2-Al2O3, d’après Bach [8].

Page 259: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?

259

Durant l’hydratation des bétons et pâtes de liant bas pH, la Portlandite formée au cours des

réactions d’hydratation est consommée en quelques mois au profit de C-S-H « secondaires », ou de

C-A-S-H secondaires, issus de réactions pouzzolaniques. A terme, ces réactions ont deux

conséquences principales : d’une part la concentration en alcalins mesurée dans la solution

interstitielle diminue fortement, et d’autre part la Portlandite disparaît de l’assemblage

minéralogique du matériau final. En conséquence, le pH de la solution porale est contrôlé

majoritairement par l’équilibre de dissolution des C-(A)-S-H.

Le pH des solutions interstitielles des liants étudiés dans les travaux de Codina [7]

atteignent des valeurs (11,7 à 12,2 après un an d’hydratation) inférieures au moins d’une unité par

rapport au pH d’un ciment Portland. Des hydratations accélérées montrent que ces pH peuvent, en

théorie, encore évoluer pour atteindre des valeurs proches de 11. Il convient de remarquer que les

valeurs de pH obtenues sur pâtes sont supérieures à celles mesurées sur bétons (pH entre 11,7 et

11,6 sur des bétons bas pH âgés entre 7 et 20 mois). Cet écart peut provenir d’une meilleure

dispersion de la fumée de silice dans les bétons grâce aux cisaillements lors du malaxage en raison

de la présence de granulats.

L’ajout de pouzzolanes à un ciment Portland diminue le pH de la solution interstitielle par (i) la

diminution de la concentration en alcalins, (ii) la consommation de la Portlandite et (iii) la

formation de C-S-H plus riches en silice. Expérimentalement, les valeurs de pH des solutions

interstitielles de liants bas pH sont inférieures au moins d’une unité par rapport au pH d’un

ciment Portland.

II.2. Association d’additifs au sein des ciments

Le remplacement d’une fraction de ciment Portland par ces additifs présente des avantages

et des inconvénients concernant les propriétés mécaniques, de transport ou encore de prise des

ciments. Différentes compositions de ciment binaires, ternaires et quaternaires ont été étudiées.

L’ajout de fumée de silice conduit à une diminution importante de pH de la solution interstitielle:

le pH devient inférieur à 11 lorsque le pourcentage de silice excède 55 % dans le liant (Figure II-2).

Cette corrélation met en évidence le rôle de la silice dans la diminution du pH de la solution

interstitielle.

Il convient de retenir que l’utilisation d’ajouts en remplacement d’une fraction du ciment

Portland est nécessaire pour diminuer la concentration des alcalins dans la solution interstitielle,

consommer la Portlandite par réaction pouzzolanique.

Page 260: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?

260

Figure II-2. Corrélation entre le pH d’équilibre et la teneur en silice dans le liant, d’après Cau-dit-Coumes

[2]. FS : fumée de silice ; CV : cendres volantes ; MK métakaolin ; L : Laitier.

II.3. Solutions à l’équilibre avec un béton bas pH

Pour obtenir la composition chimique et le pH des solutions interstitielles, il est nécessaire

d’extraire cette solution du matériau cimentaire. Dans les travaux de Codina [7], les extractions de

solution interstitielle ont été effectuées sur des pâtes (E/L3 = 0,5) de différents âges et conservées en

sac étanche à température ambiante. L’extraction de solutions interstitielles se fait sur des

éprouvettes cylindriques de 10 cm de haut et 6,7 cm de diamètre, par enfoncement d’un piston

d’extrémité conique. Après extraction sous vide, la solution porale est transportée dans une boîte à

gants sous atmosphère d’azote pour mesurer son pH à l’abri du CO2 atmosphérique.

La solution à l’équilibre avec un béton bas pH, appelée S5 (pour faire référence à la

nomenclature de l’ANDRA [9]), se distingue des deux solutions S1 et S2 puisqu’elle représente une

eau cimentaire en équilibre avec un béton bas pH, et non un état de dégradation d’un ciment

Portland.

La composition de cette solution a été obtenue à deux températures, 25 et 50 °C. L’influence

de la température sur la chimie de la solution a été étudiée à partir de pâtes de ciment CEM I et bas

pH portées à trois températures : 20, 50 et 80 °C durant leur période d’hydratation [8]. Aussi bien

pour le ciment CEM I que pour les matériaux bas pH, le pH des solutions interstitielles diminue

avec la température. Pour le ciment CEM I, les valeurs de pH mesurées correspondent à celle de la

Portlandite à la même température, ce qui confirme que la Portlandite contrôle le pH dans ce cas.

Cependant, au sein des matériaux bas pH, cette évolution est due à la diminution du rapport C/S

des hydrates avec la température.

La composition à 25 °C est basée sur des analyses effectuées sur des matériaux à base de

CEM I (37,5 %) additionnés de fumée de silice (32,5 %) et de cendres volantes (30 %) [7, 8]. La

3 E/L est le rapport de la masse d’eau sur la masse de liant.

Page 261: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?

261

composition à 50 °C résulte, elle, de la comparaison entre des données expérimentales obtenues à

20 et 80 °C sur ces matériaux et de la simulation de la composition à partir de celle à 25 °C. Les

compositions des deux solutions S5 à 25 et 50 °C figurent dans le Tableau II-1.

Le magnésium et l’aluminium n’ont pas été ajoutés à la solution lors de sa synthèse car leur

teneur respective, 0,1 mg.L-1 et 0,047 mg.L-1, n’est pas détectable en ICP-AES compte tenu des

limites de quantification (respectivement pour Al et Mg : 0,2 mg.L-1 et 0,1 mg.L-1) et de la dilution à

appliquer. D’autre part, cette étude se concentre sur le rôle des éléments majeurs constitutifs de la

solution, compte tenu de leur très faible concentration, l’aluminium et le magnésium sont donc

considérés comme négligeables sur les principaux phénomènes d’altération.

Tableau II-1. Compositions théoriques de la solution d’eau cimentaire « bas pH » S5 à 25°C et 50°C issues de

calculs géochimiques [9].

Na K Mg Ca Si SO4 Al OH pH

Concentration

totale (mol.L-1)

à 25°C

4,7. 10-3 1,5. 10-3 2. 10-6 4,7. 10-3 6. 10-4 6,7. 10-3 4. 10-6 10-3 10,8 ± 0,2

Concentration

totale (mol.L-1)

à 50°C

4,7. 10-3 1,5. 10-3 1,95. 10-6 4,87. 10-3 7,8. 10-4 6,7. 10-3 3,89. 10-6 10-3 10,3

Les analyses des solutions synthétisées fluctuent autour de la valeur théorique dans les

pourcentages d’erreurs suivants (Tableau II-2) :

Tableau II-2. Pourcentage d’erreur entre la composition théorique et la composition analysée pour les

solutions S5 à 30°C et 50°C.

Na K Ca Si SO4

Erreur entre la composition

théorique et analysée (%) < 10 < 10 < 3 < 10 < 3

Le pH en température des solutions synthétisées est de 11,23 ± 0,2 et de 10,49 ± 0,2

respectivement à 30 °C et 50 °C.

La solution à 25 °C a été utilisée en boîte à gants à la température de celle-ci, c’est-à-dire 30 °C en

supposant que la variation de l’équilibre de la solution était négligeable sur sa composition.

Les deux verres CSD-B et VS ont été altérés en condition de régime de chute vitesse à un

rapport S/V de 200 cm-1. Les caractérisations du solide nous apportent des précisions sur les

mécanismes mis en jeu au cours de l’altération du verre dans ce type d’eaux cimentaires.

Page 262: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?

262

III. Etude du régime de chute de vitesse en solution bas pH

III.1. Comparaison de l’altération du verre en solution bas pH et en eau

désionisée

III.1.1. Conditions expérimentales

En régime de chute de vitesse, trois expériences ont été réalisées. Les deux premières en

solution S5 avec le verre CSD-B et le verre VS. La troisième correspond à une altération du verre

CSD-B en eau désionisée, elle constitue l’expérience de référence. Ces essais ont été menés dans les

mêmes conditions expérimentales que celles décrites dans le chapitre V (§ II.1.) pour les chutes de

vitesses en solutions S1 et S2. Le Tableau III-1 récapitule les paramètres de ces trois tests.

Tableau III-1. Récapitulatif des tests statiques à fort rapport S/V menés en solution S5 et en eau désionisée à

50°C.

Référence Verre Solution Granulométrie

(µm)

S/V

(cm-1)

m verre

(g)

V solution

(mL)

CS5 CSD-B S5 20 - 40 200 7,86 70

SS5 VS S5 20 - 40 200 7,86 70

CEP CSD-B eau désionisée 20 - 40 200 7,86 70

III.1.2. Cinétiques d’altération en solution bas pH et en eau désionisée

La Figure III-1 représente les pertes de masse normalisées en lithium pour les expériences

CS5, SS5 et CEP. Le lithium est l’élément le plus lixivié lors de ces altérations, c’est donc cet

élément qui nous sert de traceur de l’altération du verre. Il apparaît que les deux expériences

réalisées en solution S5 présentent des quantités de verre altéré ainsi que des cinétiques

d’altération plus faibles qu’en eau désionisée.

0,00

0,02

0,04

0,06

0,08

0,10

0,12

0,14

0 100 200 300 400 500 600 700

Temps (j)

NL(

Li)

(g.m

-2)

SS5

CS5

CEP

Figure III-1. Comparaison des pertes de masse normalisées en lithium pour les tests CS5, SS5 et CEP à 50°C.

Page 263: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?

263

Le pourcentage de verre altéré à 613 jours est de 1,17 % et 0,87 % respectivement pour les

expériences CS5 et SS5 et de 1,82 % pour l’expérience CEP. A 613 jours, le verre CSD-B est 1,6 fois

plus altéré en eau désionisée qu’en solution S5. De même les vitesses d’altération entre 142 et 613

jours sont de 3,2.10-5 g.m-2.j-1 et 2,7.10-5 g.m-2.j-1 pour les expériences CS5 et SS5 alors qu’elle est de

5,8.10-5 g.m-2.j-1 pour l’expérience CEP (Tableau III-2). Dans ces conditions expérimentales, le verre

CSD-B s’altère donc 1,8 fois plus rapidement en eau désionisée qu’en solution bas pH.

Les expériences réalisées en solution S5 présentent des pH à 50 °C supérieurs de 0,3 à 0,6

unités par rapport à ceux obtenus en eau désionisée (Figure III-2). Ainsi, bien que les pH des tests

menés en solution S5 soient légèrement plus élevés qu’en eau désionisée, le degré d’altération du

verre et sa cinétique d’altération sont plus faibles qu’en eau désionisée. Ce résultat met en évidence

le rôle des éléments constitutifs de la solution S5. La composition chimique de la solution bas pH

permet, non seulement de compenser l’effet d’un pH plus élevé du fait de sa composition mais

également d’agir favorablement sur la diminution du degré d’altération du verre.

0,0

0,1

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

0,7

0,8

0,9

0 200 400 600 800

Temps (j)

Del

ta p

H

CS5/CEP

SS5/CEP

Figure III-2. Evolution de la différence de pH à 50 °C entre les expériences CS5/CEP et SS5/CEP.

Regardons de plus près l’évolution des pertes de masse normalisées des éléments lixiviés

du verre en fonction du temps pour les expériences CS5 (Figure III-3) et SS5 (Figure III-4). Les

cinétiques pour les deux verres sont très semblables :

- le lithium est l’élément le plus lixivié, il est donc considéré comme traceur de l’altération

bien que nous n’ayons pu démontrer sa non-réactivité vis-à-vis des phases (éventuel phénomène

de sorption),

- le sodium est le second élément le plus lixivié, rappelons cependant qu’il est présent à une

teneur de 4,7 mmol.L-1 dans la solution mère,

- le bore, habituellement traceur de l’altération, semble partiellement retenu,

- les pertes de masse normalisées en aluminium et silicium sont très faibles,

- la concentration en calcium diminue rapidement de 26 mg.L-1 et 31 mg.L-1 (à partir d’une

concentration initiale de 195 mg.L-1) respectivement dans les tests CS5 et SS5, puis reste constante

durant la suite de l’altération.

Page 264: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?

264

0,00

0,01

0,02

0,03

0,04

0,05

0,06

0,07

0 100 200 300 400 500 600 700

Temps (j)

NL

i (g.

m-2

)

0

50

100

150

200

250

Si B Li

Al Na Ca

[Ca]

(mg.

L-1

)

CS5

Figure III-3. Evolution des pertes de masse normalisées en Li, B, Si, Al, Na et de la concentration en Ca de la

solution en fonction du temps lors de l’altération du verre CSD-B en solution S5 à 200 cm-1 et à 50°C. Les

traits en pointillés sont un guide pour les yeux.

0,00

0,01

0,02

0,03

0,04

0,05

0,06

0 100 200 300 400 500 600 700

Temps (j)

NL

i (g.

m-2

)

0

50

100

150

200

250

Si B LiNa Al Ca

[Ca]

(mg.

L-1

)

SS5

Figure III-4. Evolution des pertes de masse normalisées en Li, B, Si, Al, Na et de la concentration en Ca de la

solution en fonction du temps lors de l’altération du verre VS en solution S5 à 200 cm-1 et à 50°C. Les traits

en pointillés sont un guide pour les yeux.

Les résultats expérimentaux pour le verre CSD-B et le verre VS sont similaires, ce qui indique dans

ce cas (i) que les éléments mineurs de la composition du verre CSD-B n’ont pas d’influence

significative sur l’altération du verre dans ce milieu et (ii) que le verre VS est un bon analogue du

verre CSD-B.

Un point intéressant dans ces expériences en solution bas pH est la consommation partielle

et relativement faible du calcium en solution. Cette évolution indique que la concentration en

calcium est imposée par la solubilité d’une phase secondaire ou du gel.

Les observations MEB sur les grains de verre CSD-B altérés 164 jours en solution S5 révèlent la

présence de phases C-S-H sous forme d’amas (Figure III-5 (a)). La surface du verre est également

parsemée de piqûres de l’ordre de quelques dizaines de nanomètres de diamètre (Figure III-5 (b)).

Ces observations sont très similaires à celles réalisées en solution S1 et S2 dans les mêmes

conditions d’altération (Chapitre V, § II.). Cependant, le calcium était très rapidement consommé

Page 265: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?

265

en totalité pour former des C-S-H, ensuite, les cinétiques se poursuivaient comme s’il s’agissait

d’une altération en eau désionisée. Le maintien de la concentration en calcium après la formation

des C-S-H semble donc bénéfique pour la durabilité du verre.

(a) (b)

Figure III-5. Observations MEB de la surface des grains de verre CSD-B altérés en solution S5 à

50 °C durant 164 jours. (a) Présence d’amas de C-S-H et (b) de piqûres en surface des grains de verre.

Afin de comparer ces évolutions à celles obtenues dans le test CEP en eau désionisée, les

pertes de masse normalisées des éléments lixiviés ont été représentées en Figure III-6.

0,00

0,02

0,04

0,06

0,08

0,10

0,12

0,14

0 100 200 300 400 500 600 700

Temps (j)

NL

i (g.

m-2

)

Si B Al

Li Na

CEP

Figure III-6. Evolution des pertes de masse normalisées en Li, B, Na, Si, Al en fonction du temps lors de

l’altération du verre CSD-B en eau désionisée à 200 cm-1 et à 50°C.

La dissolution des éléments mobiles du verre est ici congruente. L’altération en eau désionisée ne

conduit donc pas à la rétention spécifique des éléments mobiles du verre. Quant au calcium,

provenant uniquement de la lixiviation du verre, il se situe toujours sous la limite de détection. Cet

élément recondense probablement au sein de la pellicule d’altération comme compensateur de

charges des unités [AlO4]- et [ZrO6]2- [10].

Le Tableau III-2 présente différents paramètres quantifiant l’altération du verre dans les

trois expériences CS5, SS5 et CEP.

Page 266: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?

266

Tableau III-2. Caractéristiques des cinétiques d’altération des expériences CS5, SS5 et CEP : vitesse

d’altération V(Li), pourcentage de verre altéré (VA(Li)), facteur de rétention du bore par rapport au lithium

(FR(B)), épaisseur équivalente en lithium (EE(Li)). Les valeurs sont celles obtenues à 613 jours d’altération,

hormis pour la vitesse d’altération calculée entre 142 et 613 jours.

Référence V(Li)

(g.m-2.j-1)

VA(Li)

(%) FR(B)

EE(Li)

(nm)

CS5 3,2.10-5 ± 12,5 % 1,17 0,72 25,6

SS5 2,7.10-5 ± 23,2 % 0,87 0,66 21,8

CEP 5,8.10-5 ± 31,9 % 1,82 0,08 44,8

D’après les incertitudes, les vitesses en lithium des essais CS5 et CEP sont significativement

différentes. Elles sont du même ordre de grandeur bien que celle en solution S5 soit 1,8 fois

inférieure.

Les épaisseurs équivalentes en solution S5 sont très faibles, respectivement de 25,6 nm pour le

verre CSD-B et de 21,8 nm pour le verre VS à la dernière échéance. En eau désionisée, elle est de

44,8 nm, soit 1,7 à 2 fois plus importante qu’en solution bas pH. On retrouve ce résultat exprimé en

pourcentage de verre altéré en lithium.

Au-delà de la diminution remarquable du degré d’altération du verre en solution bas pH par

rapport à l’eau désionisée, un paramètre important est le facteur de rétention, calculé à partir du

lithium qui est traceur de l’altération. La rétention du bore est beaucoup plus élevée en solution

bas pH, de 0,72 et 0,66 respectivement dans les expériences CS5 et SS5 comparée à celle observée en

eau désionisée, de 0,08. L’incongruence bore / lithium en présence de calcium a été mise en

évidence en régime de chute de vitesse (chapitre V, § II.2.). Cependant, le facteur de rétention du

bore était seulement de 0,16 dans l’essai CS2 après 647 jours d’altération. Lors des essais en

présence de Portlandite, nous avions mis en évidence la formation de phases secondaires de type

borate de calcium notamment. L’incongruence bore / lithium était donc due à la consommation du

bore par le calcium en solution pour former des phases cimentaires. En solution S5, nous pouvons

nous demander si cette incongruence ne peut pas être due à une rétention du bore au sein de la

pellicule d’altération plutôt qu’à sa consommation par des phases secondaires compte tenu du

maintien de la concentration en calcium de la solution. Nous allons pouvoir répondre à ces

interrogations grâce à la caractérisation de la pellicule d’altération en ToF-SIMS.

Malgré un pH légèrement supérieur en solution bas pH, le verre CSD-B s’altère 1,6 fois moins

en solution S5 qu’en eau désionisée mais également 1,8 fois moins rapidement. Cette

diminution du degré d’altération et de la cinétique d’altération est due à la composition

chimique de la solution bas pH. Tout comme les essais solution S1 et S2, le calcium en solution

réagit avec le silicium lixivié pour former des C-S-H. Cependant, le calcium n’est que

partiellement consommé contrairement aux essais en solution S1 et S2.

Page 267: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?

267

III.2. Caractérisation de la pellicule d’altération

III.2.1. Conditions expérimentales

Deux expériences spécifiques ont été réalisées dans le but de comprendre l’effet de la

composition chimique de la solution bas pH sur l’altération du verre, elles sont présentées dans le

Tableau III-3. L’expérience CS5a est exactement la même expérience que l’expérience CS5, vue au

paragraphe précédent. La seconde constitue un blanc de l’expérience CS5a puisqu’il s’agit de

l’altération du verre CSD-B en milieu NaOH/KOH, de même rapport molaire que dans la solution

bas pH (rapport massique Na/K = 1,8), au même pH. Cette expérience permet ainsi de mettre en

avant l’effet des éléments de la solution bas pH sur l’altération du verre.

Des monolithes de verre ont été placés dans un panier percé en Téflon immergé dans la solution

altérante en vue d’être caractérisés en ToF-SIMS. Ils ont été retirés de la solution après 37 jours

d’altération. Cette échéance était suffisante car (i) l’évolution des profils des éléments se maintient

après un mois, le calcium a été consommé en partie et (ii) la pellicule d’altération présente une

épaisseur analysable en ToF-SIMS.

Tableau III-3. Tests statiques à fort rapport S/V menés en solution S5 et en milieu NaOH/KOH à 50°C.

Référence Verre Solution Granulométrie

(µm)

S/V

(cm-1)

m verre

(g)

V solution

(mL)

CS5a CSD-B S5 20 - 40 200 7,86 70

CNaK CSD-B NaOH/KOH 20 - 40 200 7,86 70

III.2.2. Caractérisation

L’analyse de la solution à 37 jours d’altération a permis de calculer les épaisseurs

équivalentes pour les différents éléments lixiviés du verre dans les deux expériences (Figure III-7).

Dans le cas de l’expérience CS5a, l’épaisseur équivalente en calcium traduit une consommation du

calcium en solution ramenée à une fraction de verre altéré et donc une épaisseur équivalente.

On constate ici que l’élément le plus lixivié n’est pas le même suivant l’expérience, il s’agit du

lithium dans le test CS5a, comme précédemment alors que dans le test de référence CNaK, il s’agit

du bore. Les épaisseurs de verre altéré sont de 10,0 nm et 17,4 nm respectivement pour les

expériences CS5a et CNaK.

Pour le test CS5a, on retrouve les mêmes résultats que précédemment (§ III.1.2.) :

- le bore est soit retenu au sein de la pellicule d’altération, soit il réagit avec le calcium en

solution au vu des épaisseurs équivalentes,

- le calcium est consommé, de même, soit par des phases secondaires, soit par son

incorporation au sein de la pellicule d’altération.

Dans le test CNaK, le calcium est analysable car sa concentration en solution est supérieure à la

limite de quantification. Cependant, l’épaisseur équivalente est très faible ce qui indique une

Page 268: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?

268

rétention au sein de la pellicule d’altération (compensateur de charges des unités [AlO4]- et [ZrO6]2-)

ou bien une formation de phases secondaires.

-25

-20

-15

-10

-5

0

5

10

15

20

1 2 3 4 5 6

EE

i (nm

)

CS5a

CNaK

Si B Na Ca Li Mo

Figure III-7. Evolution des épaisseurs équivalentes en Si, B, Na, Ca, Li, Mo dans les expériences CS5a et

CNaK après 37 jours d’altération à 50 °C.

La caractérisation en ToF-SIMS des profils élémentaires en profondeur présente un

avantage par rapport à d’autres techniques : le seuil de détection, fonction de l’élément, est très

faible, de l’ordre de la femtomole. L’artefact principal sur de si faibles épaisseurs d’altération est le

risque d’obtenir des profils diffus aux interfaces. Malgré ce biais possible, nous allons voir ici que

les profils élémentaires sont tout à fait différents pour ces deux expériences.

Les Figure III-8, Figure III-9 et Figure III-10, Figure III-11 représentent les profils

élémentaires au sein de la pellicule d’altération respectivement dans les expériences CNaK et CS5a.

Afin de permettre de comparer qualitativement les évolutions des différents profils élémentaires,

ceux-ci ont été normalisés au signal du verre. L’axe des abscisses correspond à la profondeur

d’abrasion déduite de la vitesse d’abrasion et de la profondeur du cratère (profilométrie 3D).

L’épaisseur d’altération en ToF-SIMS est d’environ 30 nm et 18 nm respectivement pour les

expériences CNaK et CS5a. Ces épaisseurs sont cohérentes avec celles obtenues par analyse de

solution.

Dans l’expérience CNaK, la pellicule d’altération est très appauvrie en lithium et en bore, ce

qui est bon accord avec les analyses de solution (Figure III-7). Le calcium est retenu au sein de la

pellicule, de même que l’aluminium et le zirconium dont les profils semblent même indiquer un

léger enrichissement. Ces éléments ont pu se recondenser après une dissolution totale du gel dans

les tout premiers instants. La plus forte rétention du calcium par rapport au sodium peut

s’expliquer par l’affinité des unités [AlO4]- et [ZrO6]2- à être compensées par le calcium plutôt que

par le sodium [10]. La pellicule d’altération semble aussi être enrichie en silicium par rapport au

signal du verre. Cet élément a probablement recondensé sous forme d’espèces plus polymérisées.

Page 269: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?

269

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

0 10 20 30 40

Profondeur (nm)

Inte

nsité

(u.

a.)

Li BNa CaZr AlSi

Figure III-8. Profils des éléments au sein de la pellicule d’altération dans l’expérience CNaK à 37 jours

d’altération, intensité normalisée au signal du verre.

0

5

10

15

20

25

30

35

0 10 20 30 40

Profondeur (nm)

Inte

nsité

(u.

a.) K

H

Figure III-9. Profils du potassium et de l’hydrogène au sein de la pellicule d’altération dans l’expérience

CNaK à 37 jours d’altération, intensité normalisée au signal du verre.

Dans l’expérience réalisée en solution bas pH, CS5a, les profils élémentaires sont différents de ceux

obtenus dans l’essai CNaK. Trois zones sont clairement distinctes :

- les deux premiers nanomètres correspondent à une couche de verre altéré très fortement

enrichi en calcium. Cette couche est dépourvue de sodium et de lithium alors que le silicium

semble s’y recondenser,

- entre 2 et 7 nm de profondeur, il s’agit d’une couche de verre altéré où le calcium exogène

présente plus de difficulté à pénétrer. Le sodium est partiellement retenu ainsi que tous les autres

éléments hormis le lithium qui présente un profil linéaire encore très appauvri,

Page 270: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?

270

- entre 7 nm et l’interface avec le verre sain à 18 nm, les profils des éléments du verre ne

reviennent que progressivement à leur teneur dans le verre sain. Ce léger déficit est compensé par

le calcium qui pénètre alors jusqu’à l’interface avec le verre sain (Figure III-11 (b)).

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

0 5 10 15 20

Profondeur (nm)

Inte

nsité

(u.

a.)

Li BNa CaZr AlSi

Figure III-10. Profils des éléments au sein de la pellicule d’altération dans l’expérience CS5a à 37 jours

d’altération, intensité normalisée à la composition du verre.

(a)

0

4

8

12

16

0 5 10 15 20

Profondeur (nm)

Inte

nsité

(u.

a.) K

H

(b)

0,5

0,7

0,9

1,1

1,3

1,5

0 5 10 15 20

Profondeur (nm)

Inte

nsité

(u.

a.)

Li B

Ca Al

Si

Figure III-11. (a) Profils du potassium et de l’hydrogène au sein de la pellicule d’altération dans l’expérience

CS5a à 37 jours d’altération, intensité normalisée à la composition du verre. (b) Représentation de la Figure

III-10 avec la teneur nominale du verre égale à 1.

L’élément le plus lixivié au sein de la couche d’altération est le lithium, ce qui confirme

l’analyse de solution et notre choix pour ce traceur. Le profil du bore est en effet différent de celui

du lithium indiquant une rétention importante du bore au sein de la couche d’altération. Cette

observation nous permet donc d’affirmer que la différence d’épaisseurs équivalentes entre le

lithium et le bore est, en partie, due à une rétention du bore au sein du gel. Il est néanmoins

possible qu’une fraction du bore lixivié ait réagit avec le calcium pour former, par exemple, des

borates de calcium.

Page 271: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?

271

Le profil du zirconium montre une décroissance linéaire au sein du gel alors que cet

élément reste dans la pellicule d’altération, voire se recondense, dans le cas de l’expérience CNaK.

D’après la littérature, ce comportement est lié à la fois au pH basique et à la teneur en calcium en

solution [12, 13]. En effet, la solubilité de l’hydroxyde de zirconium augmente avec la basicité du

milieu [11, 12]. En présence de calcium à des pH compris entre 10 et 12 à 25 °C, il se forme un

complexe ternaire Ca-ZrIV-OH qui augmente la solubilité de Zr(OH)4 suivant la réaction

suivante [13] :

[ ] ++− ↔++ 463

24 )(32)()( OHZrCaCaOHsOHZr

L’étude de la solubilité de Zr(OH)4 en fonction du milieu permet de mettre en évidence que la

présence de NaOH-NaCl jusqu’à pH 12 n’a aucune effet sur le solubilité de Zr(OH)4 alors que dans

une solution de CaCl2, suivant la concentration, la solubilité de Zr(OH)4 augmente brutalement de

plusieurs ordre de grandeur (Figure III-12). La différence de profil du zirconium au sein de la

pellicule d’altération est donc fonction du pH de la solution mais surtout de la présence et de la

teneur en calcium dans la solution lixiviante. En présence de calcium à pH supérieur à 10, le

zirconium forme un complexe avec le calcium.

Figure III-12. Solubilité de ZrO2.xH2O(s) dans NaClO4, NaCl, et CaCl2 à 20-25 °C, d’après Brendebach [12].

L’aluminium est retenu au sein du gel, son intensité normalisée est proche de 1. Cependant,

contrairement à l’altération en NaOH / KOH, ici l’aluminium ne se recondense pas. L’aluminium

peut être un élément mobilisé dans des phases cimentaires. Il est possible que la pénétration d’une

teneur importante en calcium empêche la recondensation de l’aluminium, contrairement à

l’expérience CNaK.

La rétention de l’aluminium au sein de la pellicule d’altération provient de l’incorporation du

calcium qui agit comme compensateur de charge, préférentiellement au sodium qui lui est lixivié.

C’est la pénétration du calcium au sein de la pellicule d’altération à ce pH qui apparaît induire ces

profils élémentaires spécifiques (Al, Si, Zr…).

Page 272: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?

272

Le profil du silicium au sein du gel est à peu près constant et sa teneur est proche de celle

dans le verre. Une légère augmentation est observable autour des deux premiers nanomètres,

correspondant à la zone d’enrichissement en calcium.

Le profil du calcium montre que celui-ci pénètre de façon importante dans la pellicule

d’altération. Le calcium est donc consommé via deux mécanismes distincts puisqu’il forme

également des phases C-S-H en surface des grains de verre.

A titre indicatif, nous pouvons estimer la densité d’atomes de calcium par nm3 en supposant que

tout le calcium consommé en solution pénètre dans la pellicule d’altération et comparer cette

valeur à d’autres études.

Pour référence, dans un verre simplifié à six oxydes (en %mol : 60SiO2-12B2O3-16Na2O-4Al2O3-6CaO-

2ZrO2), la densité d’atomes de calcium par nm3 est de 0,5 pour une densité d’atomes de 25 par nm3.

Chave et al. [13] étudient la réactivité de l’interface verre / solution dans une solution riche en

calcium à pH 8,7 à 90 °C. Le verre dépourvu de calcium (en %mol : 64SiO2-13B2O3-17Na2O-4Al2O3-

2ZrO2) est pré-altéré en eau désionisée pendant 70 jours à 80 cm-1 et à 90 °C, il se forme alors une

pellicule d’altération peu passivante. A cette échéance est ajouté du calcium qui va être

partiellement consommé, entraînant une forte chute de vitesse. Une caractérisation en ToF-SIMS

montre l’incorporation du calcium au sein de la pellicule de verre pré-altéré et une teneur qui

augmente avec la profondeur de la pellicule d’altération. A partir de leurs données, la densité

moyenne d’atomes de calcium par nm3 au sein de la pellicule de gel est de 1,31. Cette valeur est 2,6

fois plus élevée que celle du verre à six oxydes. Dans cette étude, la densité en calcium est

beaucoup plus importante à cause de l’appauvrissement du gel en éléments du verre qui permet la

pénétration du calcium de la solution en quantité significative.

Dans l’expérience CS5a après 37 jours d’altération et en supposant que tout le calcium consommé

ait pénétré dans la pellicule d’altération, la densité d’atomes de calcium par nm3 dans le gel serait

de 1,75. Cette valeur calculée est plus élevée que la valeur précédente de 1,3. Compte tenu d’une

consommation partielle du calcium par la précipitation de C-S-H, la densité de calcium est donc

cohérente avec les données de Chave et al. [13], le gel est bien fortement enrichi en calcium.

Il est à présent intéressant de suivre l’évolution de la densité de calcium au sein de la

pellicule de verre altéré en faisant toujours l’hypothèse que tout le calcium consommé a pénétré

dans le gel. La Figure III-13 met en évidence la corrélation entre la densité d’atomes de calcium

dans le gel et l’épaisseur de celui-ci : la densité d’atomes de calcium dans le gel diminue

linéairement avec l’augmentation de l’épaisseur du gel.

Page 273: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?

273

y = -0,1268x + 3,1786R2 = 0,9819

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0

0 5 10 15 20 25 30

EE(Li) (nm)

Den

sité

ato

mes

de

calc

ium

/ nm

3

CS5CS5a

Figure III-13. Corrélation de la densité moyenne de calcium au sein de la pellicule de verre altéré et de

l’épaisseur de verre altéré en lithium pour les expériences CS5 et CS5a.

La Figure III-14 représente la consommation de calcium en solution et sa densité dans le gel

au cours du temps. Il apparaît que la concentration de calcium reste constante entre 25 et 143 jours

environ, sa concentration est probablement à l’équilibre vis-à-vis du gel ou bien d’une autre phase.

Cependant la densité du calcium, elle, diminue au sein du gel et l’épaisseur de verre altéré

augmente. Cela signifie que malgré la poursuite de lixiviation du verre, le calcium ne pénètre plus

dans le gel ou plus difficilement. Cette remarque est en accord avec les gradients de calcium

obtenus en ToF-SIMS. Une hypothèse peut être formulée à ce stade : une zone externe riche en

calcium limite le transport des espèces réactives jusqu’au verre sain.

La pénétration du calcium en quantité importante au début de l’altération conduit à une

chute de vitesse. Par la suite, le calcium ne pénètre plus dans la pellicule d’altération, le seul

mécanisme d’altération effectif semble alors être l’interdiffusion au vu des profils ToF-SIMS.

L’altération se poursuit à de très faibles valeurs de vitesse, la pénétration du calcium n’est plus

détectable, ce qui est en cohérence avec les Figure III-13 et Figure III-14.

-30

-25

-20

-15

-10

-5

0

0 100 200 300 400

Temps (j)

Con

som

mat

ion

du C

a (m

g.L

-1)

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0Consommation Ca - CS5

Consommation Ca - CS5a

CS5_Densité Ca par nm3

CS5a_Densité Ca par nm3

Den

sité

ato

mes

de

Ca

/ nm

3

Figure III-14. Evolution de la variation de concentration en calcium en solution et de la densité moyenne de

calcium au sein de la pellicule d’altération.

Page 274: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?

274

Remarquons que les points correspondants à l’expérience CS5a sont dans l’alignement de ceux de

l’expérience CS5 ce qui valide le caractère reproductible de l’expérience.

III.2.3. Discussion

A pH identique, le verre CSD-B présente des épaisseurs d’altération 1,6 fois plus faibles en

solution bas pH qu’en solution NaOH / KOH. La composition de la solution, notamment le

calcium, est à l’origine de cette diminution. Les caractérisations en MEB et en ToF-SIMS mettent en

évidence que la consommation partielle du calcium de la solution est due (i) à la précipitation de

C-S-H et (ii) à son incorporation au sein de la pellicule d’altération.

Malgré la précipitation d’une partie du calcium sous forme de C-S-H, sa pénétration dans les

premiers nanomètres du gel :

- engendre une rétention spécifique des éléments du verre, notamment du bore,

- empêche la recondensation d’espèces peu solubles (Zr, Al),

- conduit à la diminution de son incorporation (maintien de la concentration en calcium de la

solution avec l’augmentation de l’épaisseur de verre altéré).

Ces phénomènes suggèrent que cette couche enrichie en calcium inhibe les mécanismes

d’hydrolyse et d’interdiffusion.

Les profils spécifiques du lithium et du calcium dans les deux expériences CS5a et CNaK

sont schématisés en Figure III-15. Le décrochement du lithium correspond au front

d’interdiffusion. En solution NaOH / KOH, le calcium du verre est partiellement retenu et le

décrochement du lithium correspond à l’interface avec le verre sain. En revanche, dans l’expérience

CS5, le profil du lithium décroche bien avant l’interface avec le verre sain, ce qui signifie que le

calcium modifie probablement la morphologie de la pellicule d’altération (possible diminution de

la taille des pores ou de la tortuosité), ce qui limite l’échange interdiffusionnel.

Les profils ToF-SIMS en solution S5 en régime de chute de vitesse indiquent une

incorporation du calcium en surface du gel et un léger enrichissement en silicium. Ces observations

sont cohérentes avec les éléments de la littérature pour comprendre l’origine du mécanisme de

passivation en régime de vitesse initiale en solution riche en calcium (Chapitre IV, § III.). Ces fortes

(a) (b)

Figure III-15. Comparaison des profils élémentaires en lithium et calcium dans les expériences (a) CNaK et

(b) CS5.

Page 275: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?

275

similarités suggèrent que le mécanisme de passivation est de même nature dans ces deux

expériences. La passivation née de l’incorporation significative du calcium dans les premiers

nanomètres de la pellicule d’altération semble possible dans ces deux essais, en tenant compte du

pH et des rapports S/V :

En régime de vitesse initiale en solution S2, le pH fortement basique (11,7 à 50 °C) favorise

une dissolution importante du verre. Cependant, étant donné le très faible rapport S/V, le flux de

silicium est peu important. L’état de sursaturation de la solution n’est alors pas favorable à la

nucléation de C-S-H dans les premiers instants : le mécanisme d’incorporation du calcium est donc

prépondérant. La couche constitue alors un frein diffusionnel limitant le flux de silicium et donc la

probabilité de formation de C-S-H.

A l’inverse, en régime de chute de vitesse en solution S5, le pH de la solution est plus faible

qu’en solution S2 (10,3 à 50 °C). La solubilité du verre est donc sensiblement diminuée et le flux de

silicium également, bien qu’il s’agisse du régime de chute de vitesse. La formation de C-S-H

indique cependant que l’état de sursaturation nécessaire à la nucléation / croissance de cette phase

a été atteint. Parallèlement à la précipitation de C-S-H, le calcium pénètre dans le gel. Lorsque la

solubilité diminue par consommation d’une fraction de calcium et de silicium, le degré de

saturation de la solution vis-à-vis des C-S-H diminue. Le mécanisme d’incorporation et de frein

diffusionnel est alors prépondérant.

Ces observations sont représentées en Figure III-16 sous forme de schémas d’évolution des

mécanismes en fonction de l’avancée de l’altération pour les essais SS2-50 et CS5.

Essai à très faible rapport S/V en solution S2 : SS2-50 Légende

Essai à fort rapport S/V (200 cm-1) en solution S5 : CS5

Figure III-16. Schémas d’évolution des mécanismes des essais SS2-50 en régime initial et CS5 en régime de

chute de vitesse. Les paramètres de la légende sont fixés arbitrairement.

Page 276: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?

276

La composition de la solution bas pH présente un effet favorable sur l’altération du verre par

l’incorporation du calcium au sein de la pellicule d’altération qui constitue un frein

diffusionnel. Ces essais confirment le mécanisme décrit au chapitre IV.

Il convient à présent de comparer les cinétiques et les degrés d’altération du verre dans les

différentes solutions cimentaires pour comparer la solution S5 aux solutions S1 et S2 issues de la

dégradation du ciment Portland.

III.3. Effet des différentes solutions cimentaires sur l’altération du verre

La Figure III-17 (a) représente les pertes de masse normalisées en lithium pour les quatre

expériences CS1, CS2, CS5 et CEP. Les conditions expérimentales sont identiques, seules les

solutions d’altération changent (composition chimique et pH) ainsi que les échéances de

prélèvement, précisées dans le Tableau III-4. Le cas de l’expérience CS1 est particulier puisqu’après

177 jours d’altération, un régime de reprise d’altération débute. Ici, nous considérerons donc l’essai

CS1 jusqu’à cette échéance uniquement.

Les incertitudes sur les pertes de masse normalisées dans les différentes expériences sont

significativement différentes au cours du temps (Figure III-17 (a)). Aux échéances considérées, le

verre CSD-B s’altère 3,3 fois et 2,9 fois plus respectivement en solution S1 et S2 par rapport à une

altération en solution S5. Le pH de la solution S5 est moins élevé que celui des solutions

cimentaires représentant les deux premiers stades de dégradation d’un ciment CEM I (Figure III-17

(b)). Ce paramètre contribue à la diminution de degré d’altération du verre pour une même

échéance.

(a)

0,00

0,05

0,10

0,15

0,20

0,25

0,30

0 100 200 300 400 500 600 700

Temps (j)

NL(

Li)

(g.m

-2)

S1

S2

S5

Eau pure

(b)

9

10

11

12

13

0 100 200 300 400 500 600 700Temps (j)

pH (

50°C

)

S1

S2

S5

Eau pure

Figure III-17. (a) Evolution de l’altération du verre CSD-B dans les différentes eaux cimentaires S1, S2, S5 et

en eau désionisée à 50°C, (b) évolution des pH de ces mêmes solutions durant l’altération à 50°C.

Cependant, au cours de cette étude, nous avons mis en évidence le rôle prépondérant du

calcium sur l’altération du verre. Dans les chutes de vitesse réalisées en solution S1 et S2 à un

rapport S/V de 200 cm-1, le calcium est très rapidement consommé pour former des phases

cimentaires, la chute de vitesse est alors équivalente à celle observée en l’absence de calcium. Il

Eau désionisée

Eau désionisée

Page 277: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?

277

convient donc de comparer les chutes de vitesse des expériences en présence de Portlandite (SS1P-

50 et SS2P-50) pour rendre compte de l’effet du calcium à plus long terme.

Le pourcentage de verre altéré (déduit du lithium dissous) dans l’expérience CS5 est 25 et 35 fois

plus faible que dans les essais SS1P-50 et SS2P-50 respectivement (Tableau III-4). De même, les

épaisseurs d’altération dans les expériences SS1P-50 et SS2P-50 sont supérieures au micron alors

qu’en solution bas pH, à une échéance supérieure, elles sont de l’ordre de 26 nm, soit deux ordres

de grandeurs inférieures. D’un point de vue des cinétiques, les vitesses d’altération en solutions

cimentaires S1 et S2 sont également supérieures à celle en solution S5 de deux ordres de grandeur.

Ainsi, la composition chimique et le pH de la solution S5 permet de fortement réduire le degré

d’altération du verre ainsi que sa vitesse d’altération à moyen terme par rapport aux solutions

cimentaires S1 et S2.

Tableau III-4. Caractéristiques des cinétiques d’altération des expériences CS1, SS1P-50, CS2, SS2P-50, CS5,

et CEP : vitesse d’altération V(Li), pourcentage de verre altéré VA(Li), épaisseur équivalente EE(Li). Les

intervalles de temps utilisés pour estimer les vitesses ainsi que les échéances auxquelles sont données VA(Li)

et EE(Li) sont indiqués. La vitesse d’altération dans le test SS1P-50 est celle en bore.

Référence Intervalle

de temps (j)

V(Li)

(g.m-2.j-1)

Echéance

(j)

VA(Li)

(%)

EE(Li)

(nm)

CS1 123 - 269 2,5.10-4 ± 71,3 % 269 3,84 84,7

SS1P-50 226 - 344 V(B)

4,0.10-3 ± 38,7 % 344 29,70 1315

CS2 177 - 647 3,7.10-5 ± 56,3 % 647 3,40 75,0

SS2P-50 226 - 344 4,1.10-3 ± 18,6 % 344 41,87 1963

CS5 142 - 613 3,2.10-5 ± 12,5 % 613 1,17 25,6

CEP 142 - 613 5,8.10-5 ± 31,9 % 613 1,82 44,8

Ces différences d’altération sont dues (i) au pH et (ii) aux conditions chimiques induites par

l’utilisation d’un rapport S/V élevé. Dans la gamme de pH des solutions S1 et S2, la dissolution de

la silice augmente fortement. Le fort rapport S/V de 200 cm-1 engendre alors un flux de silicium (et

d’autres éléments du verre) suffisamment important pour atteindre un état de sursaturation qui

permette la nucléation / croissance de phases cimentaires consommatrices d’éléments formateurs

de la pellicule d’altération. En effet, le temps d’induction avant précipitation de C-S-H diminue

exponentiellement avec l’augmentation du degré de sursaturation de la solution (Figure III-18). A

ce stade, bien qu’une proportion du calcium se soit insérée dans les premiers nanomètres de la

pellicule d’altération, son effet est négligeable par rapport à celui de précipitation de phases

secondaires.

En solution S5, le pH étant relativement plus faible (d’au moins deux unités), il limite (i) la

dissolution de la silice et (ii) la formation de C-S-H. Dans ces conditions, ce sont des C-S-H de faible

rapport C/S qui sont susceptibles de précipiter.

Page 278: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?

278

Figure III-18. Variation du temps d'induction tind avant précipitation des germes de C-S-H en fonction du

degré de sursaturation ββββ de la solution dans le cas de la nucléation homogène de C-S-H, d’après

Garrault-Gauffinet [14].

IV. Conclusion

L’étude de l’altération du verre en solution bas pH rend compte de l’effet favorable de cette

solution comparativement aux solutions cimentaires S1 et S2 vis-à-vis de l’altération des verres.

Les caractérisations en ToF-SIMS ainsi que les évolutions de densité d’atomes de calcium au sein

du gel mettent en évidence que l’incorporation du calcium dans les premiers nanomètres du gel

constitue une barrière diffusionnelle. Ces caractérisations apportent des éléments de validation du

mécanisme d’incorporation du calcium intuité au chapitre V.

Deux paramètres clés sont à l’origine de ce mécanisme : le pH et le rapport S/V.

Comparativement aux solutions S1 et S2, le pH de la solution interstitielle d’un ciment bas pH est

entre 1,5 et 2 unités inférieur. Ainsi, à un même rapport S/V, le flux de silicium est beaucoup plus

faible en solution bas pH qu’en eaux cimentaires. Dans ces dernières, l’atteinte de la saturation vis-

à-vis des C-S-H conduit à une dissolution importante et continue du verre alors qu’en solution bas

pH, une fraction du calcium s’incorpore pour constituer une couche passivante à l’interface

verre / solution.

Ainsi, en solution bas pH, le calcium présente la capacité de s’incorporer au sein de la

pellicule d’altération, engendrant ainsi une forte chute de vitesse et un très faible degré d’altération

du verre. D’un point de vue de la réactivité chimique avec le verre, le ciment bas pH semble être un

matériau qui garantisse une plus longue durabilité du verre que le ciment Portland.

Page 279: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?

279

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[12] Brendebach B., Altmaier M., Rothe J., Neck V. et Denecke M.A., 2007, EXAFS study of

aqueous ZrIV and ThIV complexes in alkaline CaCl2 solutions: Ca3[Zr(OH)6]4+ and

Ca4[Th(OH)8]4+. Inorganic Chemistry 46, 6804-6810.

[13] Chave T., Frugier P., Gin S. et Ayral A., 2011, Glass-water interphase reactivity with

calcium rich solutions. Geochimica et Cosmochimica Acta In Press, Corrected Proof.

[14] Garrault-Gauffinet S., 1998, Etude expérimentale et par simulation numérique de la

cinétique de croissance et de la structure des hydrosilicates de calcium, produits

d'hydratation des silicates tricalcique et dicalcique. Thèse de l'Université de Bourgogne.

Page 280: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?

280

Page 281: Thèse présentée pour obtenir le grade de

281

CHAPITRE VIII. DISCUSSION

I. Paramètres clés et mécanismes d’altération du verre en présence de calcium.........................283

I.1. Influence du calcium à très faible rapport S/V........................................................................283

I.1.1. Influence du calcium à pH basique ...................................................................................283

I.1.2. Influence du calcium à pH neutre et inférieur à 10,5 .......................................................284

I.2. Influence du calcium à fort rapport S/V...................................................................................285

I.2.1. Littérature sur l’influence du calcium à pH neutre et légèrement basique.......................285

I.2.2. Essais en solution cimentaire avec ou sans Portlandite....................................................285

I.3. Compétition des mécanismes....................................................................................................286

II. Phénoménologie liée à la précipitation de phases secondaires : similitudes et différences

entre les zéolithes et les C-S-H.................................................................................................................288

II.1. Structures et caractéristiques de ces phases ............................................................................288

II.2. Formation de zéolithes et de C-S-H : mécanisme de nucléation / croissance.....................288

II.3. Influence de la précipitation de C-S-H et de zéolithes sur l’altération du verre................289

II.4. Phénomènes limitants au cours d’altération en présence de C-S-H et de zéolithes ..........291

II.5. Paramètres clés pilotant les mécanismes d’altération............................................................293

III. Figures de dissolution du verre, une analogie avec la dissolution des cristaux ? ...................295

III.1. Théorie de la dissolution des cristaux ......................................................................................295

III.2. Observations de figures de dissolution....................................................................................297

IV. Perspectives de l’étude........................................................................................................................300

Références bibliographiques....................................................................................................................302

Page 282: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VIII – Discussion

282

Les précédents chapitres exposent le comportement du verre lixivié dans deux eaux

cimentaires représentatives du ciment Portland ainsi que dans une solution à l’équilibre avec un

ciment bas pH. Les différents régimes étudiés révèlent des mécanismes clés à l’origine des

cinétiques d’altération, où la chimie et la composition des eaux cimentaires jouent un rôle

fondamental.

La première partie de cette discussion s’attache à mettre en lien les chapitres IV et V portant

sur l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime de vitesse initiale et de

chute de vitesse. Dans ces deux régimes, la présence de calcium joue un rôle prépondérant suivant

le rapport S/V ainsi que le pH de la solution.

La deuxième partie traite des similitudes et des différences entre les deux phases

principales secondaires formées, les zéolithes et les C-S-H, sur les mécanismes et les cinétiques

d’altération du verre. Nous verrons alors qu’elles présentent de nombreux points communs et qu’il

est possible de déterminer des paramètres clés qui vont piloter les mécanismes à l’origine des

cinétiques.

Enfin, la dernière partie aborde une thématique particulière à laquelle nous avons fait

référence dans les différents chapitres : les figures de dissolution. Nous en avons observé de façon

systématique dans notre système, quelles qu’étaient les conditions d’altération. Nous nous

appuierons sur la théorie de la dissolution des cristaux pour apporter des éléments de réflexion.

Page 283: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VIII – Discussion

283

Au travers des différents chapitres, nous avons vu que la phénoménologie de l’altération du

verre en milieu cimentaire était complexe. Suivant le régime d’altération considéré et la nature des

eaux cimentaires, la composition de la solution conduit à des cinétiques d’altération très variées.

Nous avons proposé pour chacune d’elles des mécanismes pouvant être à l’origine de ces

évolutions. Ces mécanismes reposent sur un certains nombre d’hypothèses et s’appuient sur les

données de la littérature, issue aussi bien du domaine du verre que du ciment. Dans ce chapitre de

discussion, nous allons tâcher de mettre en lumière les points communs et les paramètres clés de

ces systèmes, si différents et pourtant pilotés par des mécanismes similaires. La modélisation

thermodynamique ainsi qu’un certain nombre de caractérisations seraient nécessaires à la

validation de ces mécanismes, nous aborderons ce point au cours de la discussion. L’ensemble sera

ensuite repris dans la conclusion et les perspectives.

I. Paramètres clés et mécanismes d’altération du verre en

présence de calcium

Les chapitres IV et V traitent de l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en

régime de vitesse initiale et de chute de vitesse. Les résultats expérimentaux mettent clairement en

évidence le rôle prépondérant du calcium sur les mécanismes et les cinétiques d’altération. Dans

nos conditions expérimentales, la présence de calcium engendre des effets favorables en régime de

vitesse initiale alors qu’en régime de chute de vitesse, le maintien de sa teneur en solution

représente un effet néfaste pour la durabilité du verre à long terme.

Cette partie vise à mettre en parallèle l’influence du calcium en fonction du régime

d’altération, que l'on appréhende expérimentalement en jouant sur le rapport S/V, mais également

sur le pH de la solution altérante. Nous allons tenter de montrer qu’à partir de ces paramètres, les

mécanismes proposés permettent de rendre compte des cinétiques observées.

I.1. Influence du calcium à très faible rapport S/V

I.1.1. Influence du calcium à pH basique

Le résultat majeur obtenu en régime initial est la diminution d’un ordre de grandeur de la

vitesse initiale par rapport à celle mesurée au même pH en milieu KOH. La détermination de

vitesses initiales via le protocole d’altération en mode statique à très faible rapport S/V reste

difficile dans nos conditions expérimentales, ce qui rend les mesures entachées d'erreurs

importantes. Cependant, lors de l’altération du verre en présence de Portlandite et à plus fort

rapport S/V (10 cm-1), le régime de vitesse initiale se maintient pendant plusieurs jours, voire

plusieurs dizaines de jours. Bien que les vitesses déterminées par ce protocole soient plus élevées

que celles déterminées à très faible rapport S/V, elles restent bien inférieures à celles obtenues dans

le milieu de référence (KOH), d’un facteur 7 minimum.

Le calcium présent en solution est à l’origine de cette diminution de vitesse. Au

chapitre IV (§ III.1.3.), le mécanisme retenu pour expliquer ce résultat se base sur la littérature issue

Page 284: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VIII – Discussion

284

aussi bien du verre que du ciment. Le mécanisme se résume ainsi : à pH basique (domaine

d’existence des C-S-H), le calcium qui pénètre au sein de la couche de gel interagit avec le silicium

et modifie les propriétés structurales et / ou morphologiques du gel et donc ses propriétés de

transport.

Différentes expériences ont permis de conforter l’existence ainsi que la nature de ce mécanisme :

Au chapitre V (§ IV.3.), nous expliquons pourquoi, à un rapport S/V de 10 cm-1 en présence

de Portlandite, un régime de vitesse se maintient pendant plusieurs jours, voire dizaines de jours.

A ce rapport S/V, le flux d’éléments sortant du verre semble suffisamment important pour que des

phases cimentaires se forment en faible quantité avec le calcium en solution, sans pour autant

présenter d’effet inhibiteur sur la dissolution du verre. Ce premier mécanisme permet de

comprendre que, si le rapport S/V est suffisamment élevé, les phases secondaires précipitent et

conduisent à une dissolution continue du verre. Cependant, cette vitesse initiale reste inférieure

d’un facteur 7 à la vitesse initiale en eau à pH ajusté. Cette expérience met en évidence l’existence

d’un autre mécanisme à l’origine de cette diminution : l’incorporation du calcium au sein du gel

conduisant à une interaction forte avec le silicium et une diminution de la vitesse initiale.

Le chapitre VII concernant l’influence d’une eau à l’équilibre avec un ciment bas pH sur

l’altération du verre en régime de chute de vitesse apporte des éléments qui corroborent ce

mécanisme. Nous montrons que la consommation partielle du calcium de la solution est due (i) à la

précipitation de C-S-H et (ii) à son incorporation au sein de la pellicule d’altération. Le profil

ToF-SIMS ainsi que les analyses de solution montrent que la couche de gel enrichie en calcium en

surface (i) entraîne une rétention des éléments du verre, (ii) limite les échanges entre le verre et la

solution et (iii) inhibe les mécanismes d’hydrolyse des liaisons pontantes Si-O mais également

d’interdiffusion, au vu des profils du lithium, en modifiant probablement la morphologie de la

pellicule d’altération.

D’après le chapitre IV qui relève d’une étude plus paramétrique sur une large gamme de

pH, il a été mis en avant que le mécanisme par lequel agissait le calcium était un mécanisme

volumique et non surfacique, ce qui a été confirmé lors de l’étude de l’influence des variations de

concentrations en calcium. Les caractérisations XPS montrent que la couche en surface du gel est

fortement enrichie en calcium.

D’après l’ensemble des résultats des essais réalisés dans différentes conditions d’altération,

le calcium joue bien un rôle fondamental sur les mécanismes et les cinétiques d’altération du verre.

I.1.2. Influence du calcium à pH neutre et inférieur à 10,5

A un pH inférieur à 10,5, le calcium augmente l’altération du verre par rapport à des essais

de référence au même pH. Grâce à des travaux de la littérature portant sur des minéraux silicatés

en régime initial, il a été possible de rendre compte de l’augmentation de la vitesse initiale en

présence de calcium. Le pH et la composition de la solution engendrent une spéciation

particulière de la surface du verre mettant en jeu des réactions de complexation du calcium avec

les sites de surface du verre. Le calcium engendre un nombre de sites métalliques de surface plus

Page 285: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VIII – Discussion

285

important que le potassium au même pH [1, 2] qui affaiblissent la liaison Si-O. C’est la raison pour

laquelle le calcium augmente la fréquence d’hydrolyse de la liaison Si-O et par là même,

l’altération du verre par rapport au milieu KOH au même pH.

I.2. Influence du calcium à fort rapport S/V

I.2.1. Littérature sur l’influence du calcium à pH neutre et légèrement basique

Divers auteurs ont étudié l’effet de la composition du verre sur les cinétiques d’altération

[3-5]. Ces études réalisées sur des verres simples mettent en évidence le rôle du calcium sur

l’altération du verre en régime de vitesse résiduelle.

A pH neutre et en régime de chute de vitesse ou de vitesse résiduelle, le calcium est connu

pour être un élément structurant du gel [6, 7]. Il joue un rôle majeur dans le processus de

restructuration du gel par la synergie qu’il développe avec l’aluminium et le zirconium. L’ajout

d’aluminium ou de zirconium à un verre quaternaire (en %mol : 62,0SiO2-19,1B2O3-13,4Na2O-

5,5CaO) conduit à de fortes chutes de vitesse et une diminution significative de la vitesse résiduelle

[5]. Sans ces éléments, l’altération du verre quaternaire en eau désionisée à 90 °C (pH 9,2) conduit à

la précipitation de C-S-H et donc à un régime de reprise d’altération [5].

Des caractérisations en RMN du 43Ca montrent qu’à pH neutre, l’environnement local du

calcium provenant de la solution et s’insérant dans le gel est le même que dans le verre [8]. Des

expériences de lixiviation sur des verres simples sans calcium dans des solutions de différentes

concentrations en calcium rendent compte que cet élément présente le même effet lorsqu’il

provient du verre ou de la solution à pH neutre [9] : une diminution de la vitesse d’altération.

Chave et al. [9] montrent que l’ajout de calcium en solution sur un verre pré-altéré exempt

de calcium conduit à une diminution des cinétiques et que celle-ci est d’autant plus importante que

la concentration en calcium augmente. La consommation de calcium est donc dépendante de la

quantité de verre altéré.

Des expériences d’altération réalisées sur deux verres simples, à quatre oxydes

(en %mol : 62,0SiO2-19,1B2O3-13,4Na2O-5,5CaO) et cinq oxydes (en %mol : 59,8SiO2-18,5B2O3-

12,9Na2O-5,3CaO-3,5ZrO2), à pH imposé entre 7 et 10 à 90 °C, rendent compte de la variation de

l’interaction du calcium avec les éléments du verre en fonction du pH [4]. A pH inférieur à 8, le

calcium interagit principalement avec les autres éléments structurants du gel (zirconium,

aluminium). Au-delà de pH 9, le calcium commence à interagir avec le silicium. A pH 9, il semble

qu’il y ait une interaction Si-Ca au sein du gel alors qu’à pH 10, des C-S-H précipitent et

engendrent une reprise d’altération.

I.2.2. Essais en solution cimentaire avec ou sans Portlandite

L’ensemble des résultats dont nous allons discuter est issu du chapitre V concernant

l’influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse.

Page 286: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VIII – Discussion

286

Quelle que soit l’expérience, en eaux cimentaires avec ou sans Portlandite en solution, le

calcium réagit avec le silicium lixivié pour former des C-S-H. La consommation très rapide du

calcium dans les essais sans Portlandite nous a conduits à réaliser des essais en maintenant

constante la concentration en calcium afin de mettre en évidence l’influence de cet élément sur

l’altération du verre à long terme. Ces essais sont riches d’enseignement puisqu’ils mettent en

évidence la consommation des éléments lixiviés du verre (Si, Al, Zr, B…) par la formation de

phases cimentaires, caractérisées au MEB et à la DRX. Le maintien de la concentration en calcium

conduit donc à la non recondensation des éléments mobilisés dans les phases cimentaires et à

l’altération continue du verre pour maintenir les activités de ces éléments en solution.

Rappelons néanmoins que le recouvrement par les C-S-H de la surface des grains de verre

engendre un changement de cinétique. Ces phases, consommatrices des éléments du verre, créent

elles-mêmes un frein au transport des espèces réactives, similaire à celui observé lors de

l’hydratation de C3S. Ce frein est cependant très progressif car les vitesses à long terme restent

élevées.

I.3. Compétition des mécanismes

Après avoir rappelé les mécanismes à l’origine des cinétiques d’altération à faible et à fort

rapport S/V en fonction du pH, nous allons montrer comment les paramètres clés mettent en

compétition ces mécanismes d’altération du verre.

En simplifiant notre système, nous pouvons présenter quatre cas d’altération différents suivant les

paramètres (S/V,pH) en présence de calcium :

A pH neutre et à très faible rapport S/V : le flux de silicium est trop faible pour recondenser

efficacement à la surface du verre. Le calcium en solution se sorbe alors sur les sites de surface du

verre et crée des complexes métalliques qui favorisent l’hydrolyse de la liaison Si-O à une

fréquence supérieure à celle d’un milieu de référence en KOH.

A pH basique et à très faible rapport S/V : le flux de silicium est trop faible dans ce cas pour

permettre la nucléation de germes de C-S-H. Le calcium pénètre alors dans la couche de gel et

conduit à une rétention des éléments au sein du gel par une synergie Si-Ca. L’altération se poursuit

principalement par un mécanisme d’interdiffusion à travers la couche de gel enrichie en calcium.

A pH neutre et légèrement basique et à fort rapport S/V : ces conditions sont optimales pour

former un gel passivant puisque les concentrations augmentent rapidement en solution. Le calcium

de la solution participe alors à la restructuration de ce gel en interaction avec les éléments

formateurs du réseau vitreux. L’altération se poursuit principalement par un mécanisme

d’interdiffusion à travers ce gel.

A pH basique et à fort rapport S/V : le flux de silicium sortant du verre est tel que le degré

de sursaturation de la solution vis-à-vis des C-S-H est atteint instantanément. La précipitation de

ces phases engendre alors, via une consommation des éléments en solution, une dissolution du

verre. Malgré le frein diffusionnel que constitue la couche de C-S-H en surface des grains, le verre

continue de s’altérer à une vitesse élevée.

Page 287: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VIII – Discussion

287

La Figure I-1 représente de façon schématique l’influence de ces deux paramètres, le pH et

le rapport S/V, sur les mécanismes d’altération du verre et donc sur la durabilité du verre. Il

apparaît clairement qu’une modification d’un de ces deux paramètres peut engendrer une

compétition entre ces différents mécanismes. On notera, par ailleurs, que l’ensemble de ces

mécanismes peut se produire de manière simultanée pour chaque condition.

Figure I-1. Schéma représentant les mécanismes qui pilotent l’altération du verre dans des solutions

chargées en calcium en fonction du rapport S/V et du pH de la solution. La couleur verte symbolise l’effet

favorable du calcium, à l’inverse, le rouge symbolise l’effet défavorable du calcium sur l’altération du verre.

Au chapitre IV (§ III.1.2.), en régime de vitesse initiale, nous avons montré que l’évolution de la

vitesse initiale en présence de calcium change brutalement autour de pH 10,5 et 11 à 50 °C. Entre

ces deux pH, les mécanismes de sorption en surface du verre et d’incorporation du calcium au sein

du gel dans la pellicule d’altération coexistent et sont en compétition.

Dans notre système plus spécifiquement, i.e. à pH basique, nous pouvons résumer de façon

simplifiée la phénoménologie de l’altération du verre en présence de calcium : si le flux de silicium

sortant est suffisant pour atteindre et maintenir un état de sursaturation qui permette la nucléation

de phases secondaires (C-S-H), alors la précipitation de ces phases pilotera la dissolution du verre,

via l’activité des éléments en solution.

Il est intéressant de remarquer, comme nous l’avons déjà souligné dans le chapitre V, les

fortes similitudes de mécanismes engendrés par la présence de magnésium et de calcium. A fort

rapport S/V, ces deux alcalino-terreux ont la particularité de, soit pénétrer au sein de la pellicule

d’altération, soit réagir avec les éléments lixiviés, entre autre le silicium, pour former des phases

secondaires. Il se trouve que le passage d’un mécanisme à l’autre est également fonction du pH

dans le cas du magnésium mais il dépend aussi du rapport S/V qui contrôle le flux d’éléments

sortant du verre et l’état de saturation de la solution.

Page 288: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VIII – Discussion

288

II. Phénoménologie liée à la précipitation de phases secondaires :

similitudes et différences entre les zéolithes et les C-S-H

L’objet de cette partie est de mettre en évidence les liens étroits qui existent entre les

zéolithes et les C-S-H, deux types de phases secondaires susceptibles de se former au sein de notre

système. Au cours des chapitres V et VI, en étudiant l’influence des eaux cimentaires en régime de

chute de vitesse, nous avons également étudié l’effet de la formation de ces phases secondaires sur

l’altération du verre à long terme. Toutes deux nécessitent des éléments du verre pour se

développer, au détriment de celui-ci. Ces phases très différentes d’un point de vue structural,

présentent en réalité de nombreux points communs qui peuvent être appréhendés par une vision

globale de notre système.

Tout au long de cette partie, nous ferons référence à des résultats obtenus dans les chapitres

précédents. Ainsi, dans le cas des zéolithes, il convient de se référer au chapitre VI et dans les cas

des C-S-H, au chapitre V.

II.1. Structures et caractéristiques de ces phases

Les zéolithes sont des phases cristallines aluminosilicatées dont la structure

tridimensionnelle résulte de l’arrangement de tétraèdres de SiO4 et AlO4. Les C-S-H présentent un

mode d’organisation intermédiaire entre celui d’un cristal tridimensionnel et d’un solide amorphe

puisqu’ils forment un gel organisé sur quelques centaines de nanomètres.

Ces deux matériaux se définissent par un rapport stœchiométrique dépendant de la chimie de leur

environnement : le rapport Si/Al dans le cas des zéolithes et le rapport Ca/Si (C/S) pour les C-S-H.

Le rapport Si/Al des zéolithes est égal au minimum à un et peut prendre des valeurs allant jusqu’à

70 pour des zéolithes siliciques. Le rapport C/S des C-S-H varie entre 0,66 et 2, cet intervalle définit

le domaine d’existence de cette phase.

Leur rapport respectif est fonction du pH de la solution. Avec une diminution du pH, le rapport

Si/Al des zéolithes augmente et le rapport C/S des C-S-H diminue. La solubilité de la silice varie

fortement dans cette gamme de pH basique, ainsi avec une diminution du pH, la propension de la

silice à se recondenser augmente significativement, ce qui contribue à l’évolution de ces rapports.

D’un point de vue du pH, les domaines d’existence de ces deux phases se recouvrent en partie.

Les zéolithes identifiées au sein de notre système sont riches en potassium et en sodium, elles sont

de type phillipsite et merlinoite. Leurs rapports stœchiométriques, déterminés à une échéance

donnée, est compris entre 2,4 et 2,9 pour le rapport Si/Al et entre 0,7 et 1,2 pour le rapport Na/K.

Dans le cas des C-S-H, aucune détermination précise n’a pu être réalisée.

II.2. Formation de zéolithes et de C-S-H : mécanisme de

nucléation / croissance

Ces deux phases, bien que structurellement et chimiquement très différentes, se forment via

le même processus physico-chimique : la nucléation / croissance de nucléi. Un rappel théorique de

Page 289: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VIII – Discussion

289

ces mécanismes a été donné au chapitre VI (§ I.1.3.1.), ils ont été ensuite approfondis dans les

chapitres respectifs traitant de ces phases.

Une différence importante entre ces deux phases est le temps d’induction antérieur au

processus de nucléation / croissance.

En milieu cimentaire, Garrault-Gauffinet [10] rapporte que le temps d’induction avant la

nucléation / croissance de C-S-H est trop court pour être mesurable lors de l’hydratation de C3S.

Dans notre système, la chute brutale de calcium dès le premier jour d’altération (S/V = 200 cm-1)

confirme que la précipitation des C-S-H est quasiment instantanée.

Le cas des zéolithes se révèle plus complexe. Suivant le rapport S/V et donc l’état de sursaturation

de la solution S1 à 50 °C, les cinétiques d’évolution sont totalement différentes. A des rapports S/V

supérieurs à 1000 cm-1, les zéolithes nucléent et croissent également très rapidement dès les

premiers jours (bien qu’elles n’aient pas été mises en évidence aux premières échéances, les

évolutions des concentrations le confirment). Cependant, à des rapports S/V inférieurs à 200 cm-1,

le temps d’induction varie notamment en fonction du rapport S/V. Globalement, à 80 cm-1, la

reprise d’altération a lieu après 600 jours d’altération alors qu’à 200 cm-1, elle se produit aux

alentours d’un an.

Cette différence est cruciale puisque la formation de ces phases peut piloter la dissolution du verre.

Nous y reviendrons par la suite.

Un point commun à ces deux phases dans notre système est le type de nucléation par lequel

elle se forme : par nucléation hétérogène. En effet, toutes deux nucléent à la surface des grains de

verre. Il a été observé également que les C-S-H pouvaient se développer en surface d’amas de

Portlandite (essai SS2P-30, chapitre V, § III.3.2.2.). Suivant le mode de croissance des C-S-H, ceux-ci

peuvent rapidement recouvrir la surface des grains de verre, au même titre que les grains d’alite

lors de l’hydratation du ciment. Les zéolithes croissent sous forme de bâtonnets à partir de

l’interface verre / solution. Dans le cas de reprise d’altération, la nucléation spontanée engendre la

formation d’un grand nombre de cristaux qui forment alors une couche relativement dense en

surface des grains de verre.

Leur croissance par la suite dépend de divers paramètres, notamment l’approvisionnement

en leurs éléments constitutifs ou encore le pH de la solution.

II.3. Influence de la précipitation de C-S-H et de zéolithes sur l’altération

du verre

Comme nous l’avons déjà mise en évidence à plusieurs reprises, la formation de phases

secondaires constituées d’éléments lixiviés du verre conduit à une dissolution accrue de celui-ci

pour maintenir les activités des ions en solution. Ce mécanisme implique que les phases

secondaires sont thermodynamiquement plus stables que le verre et que le gel, même passivant.

Comme nous l’avons souligné précédemment, les zéolithes et les C-S-H sont définis par

leur rapport stœchiométrique. Ces derniers dépendent de deux éléments, dont un correspond à

l’élément limitant la croissance de ces phases :

Page 290: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VIII – Discussion

290

- pour les C-S-H, il s’agit du silicium dans le cas où l’on suppose le milieu tamponné par la

Portlandite,

- pour les zéolithes, bien que le silicium entre dans la composition de base de cette phase, il

est présent à une teneur cinq fois plus importante au sein du verre que l’aluminium. Ce dernier est

donc l’élément limitant.

Lors de l’altération du verre en eau désionisée, l’aluminium et le calcium, participent et

favorisent la recondensation d’un gel passivant. Au cours d’altération du verre en milieu

cimentaire, ils sont consommés par la croissance des phases secondaires, ce qui engendre une

dissolution du gel ou directement du verre, dans le cas où aucun gel passivant ne s’est formé.

Néanmoins, leur consommation conduit à des cinétiques et des mécanismes sensiblement

différents. Nous allons montrer qu’il s’agit d’une dissemblance notable entre les zéolithes et les

C-S-H.

Dans le cas où le rapport S/V est suffisamment élevé pour atteindre un état de sursaturation

de la solution vis-à-vis des phases secondaires, la nucléation / croissance de ces phases conduit au

maintien d’une vitesse d'altération constante et élevée dans les premiers jours d’altération.

Cependant, dans le cas des C-S-H, cette vitesse correspond à la vitesse initiale, deux ordres de

grandeur supérieure à celle obtenue dans le cas des zéolithes. En effet, en présence de Portlandite,

la formation instantanée de C-S-H consomme la totalité du silicium lixivié qui constitue

habituellement l’élément majoritaire du gel. Le maintien de la vitesse initiale est donc

principalement dû à la consommation du silicium.

Dans le cas des zéolithes, leur précipitation débute rapidement et maintient un régime d’altération

à vitesse constante à très fort rapport S/V (1000 cm-1 et 2000 cm-1). L’élément limitant nécessaire à la

croissance des phases est principalement l’aluminium au vu des rapports stœchiométriques Si/Al

du verre et des phases. Pour une dissolution congruente du verre et en considérant les rapports

Si/Al mesurés, les zéolithes vont consommer la totalité de l’aluminium et seulement la moitié du

silicium. L’autre fraction du silicium lixivié est donc disponible pour recondenser et former un gel.

Les vitesses d’altération en présence de zéolithes dès les premiers jours sont donc beaucoup plus

faibles que la vitesse initiale car une quantité importante de silicium peut recondenser et ainsi

limiter la dissolution du verre.

Par conséquent, bien que la formation de ces phases soit « instantanée », l’élément limitant leur

croissance et le rapport stœchiométrique des phases par rapport au verre sont deux paramètres

fondamentaux qui conduisent au maintien d’une vitesse plus ou moins élevée.

A de plus longues échéances et dans le cas de précipitations de C-S-H et de zéolithes dès le

début de l’altération, on peut remarquer que les vitesses à long terme sont du même ordre de

grandeur :

- en solution S1 et en présence de Portlandite avec précipitation de C-S-H, la vitesse en

lithium de l’essai SS1P-50 est de : V SS1P-50 (Li) = 3,9.10-3 g.m-2 .j-1,

Page 291: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VIII – Discussion

291

- en solution S1 avec précipitation de zéolithes, les vitesses en molybdène dans les essais

RA1000 et RA2000 sont respectivement de : VRA1000(Mo) = 3,8.10-3 g.m-2 .j-1 et

VRA2000(Mo) = 1,5.10-3 g.m-2 .j-1.

Il n’est pas aisé de comparer des essais si différents en termes de granulométrie, de rapport S/V,

d’échéances d’altération, de mécanismes d’altération… Au vu de la similitude des vitesses

d’altération à long terme, on peut néanmoins supposer que les propriétés de transports de la

couche à l’interface entre le verre et la solution sont semblables, bien que d’autres paramètres

influent également. Dans le cas des essais en Portlandite, ce sont les phases secondaires de type

C-S-H qui constituent cette couche. En revanche, dans le cas des essais avec précipitation de

zéolithes, la couche est en réalité un gel dépourvu d’aluminium issu de la recondensation du

silicium et d’autres éléments peu solubles.

Il convient de souligner une dernière différence concernant la précipitation de ces phases : il

s’agit de la nature des traceurs de l’altération, ou les éléments les plus lixiviés que nous utilisons

comme traceurs. Lors d’essais de reprise d’altération en présence de zéolithes, nous avons montré

le changement de traceurs : avant reprise, il s’agit du lithium tandis que durant la reprise, il s’agit

soit du molybdène (verre CSD-B) ou du bore (verre VS). En effet, les caractérisations montrent

qu’une fraction de lithium est retenue au sein des zéolithes. En présence de C-S-H, le bore n’est

jamais traceur puisqu’il forme des phases de type borate de calcium (notamment) : ce sont le

lithium et / ou le sodium qui sont alors les éléments utilisés comme traceurs de l’altération.

II.4. Phénomènes limitants au cours d’altération en présence de C-S-H et

de zéolithes

Nous allons à présent discuter les différentes cinétiques observées dans plusieurs essais et

des phénomènes limitants associés.

Dans un processus incluant la dissolution d’une phase et la précipitation d’une autre,

l’avancement de la réaction a bien souvent une allure de sigmoïde. La vitesse est maximale au

point d’inflexion, on observe donc une période accélérée puis décélérée respectivement avant et

après ce point d’inflexion.

Ce type d’évolution a été observé lors de précipitation de zéolithes à de faibles rapports S/V

(chapitre VI, § III.3.). Les caractérisations ainsi que la modélisation thermodynamique ont permis

de mettre en évidence les mécanismes limitants qui pilotent les cinétiques d’altération du verre.

L’étape de chute de vitesse est limitée par la dissolution du verre. Lorsque la nucléation des nucléi

est effective, la consommation de l’aluminium en solution conduit à la dissolution partielle du gel

puis du verre. Durant le régime de reprise d’altération, les indices de saturation augmentent

fortement au-delà de la valeur seuil de sursaturation nécessaire à la précipitation des zéolithes. La

croissance des zéolithes devient alors limitante. Après un certain temps, la vitesse de reprise

d’altération diminue progressivement. Ce phénomène est probablement dû à la chute du pH qui

engendre soit la déstabilisation des zéolithes par une diminution de leur vitesse de croissance, soit

la diminution de la vitesse de dissolution du verre.

Page 292: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VIII – Discussion

292

Deux autres types de cinétiques ont été obtenus, elles résultent d’une précipitation qui a

lieu dès les premiers instants de l’altération.

Lors de la précipitation de zéolithes à très forts rapports S/V, la vitesse est constante

durant une longue période, avant de diminuer ensuite progressivement. La modélisation

thermodynamique nous indique que durant le premier régime d’altération, la précipitation des

zéolithes est effective mais que c’est la dissolution du verre qui est limitante. De la même façon

qu’à plus faible rapport S/V, la vitesse de dissolution du verre diminue progressivement après un

certain temps probablement à cause de la chute significative du pH. De même, les phénomènes

limitants à l’origine de cette évolution peuvent être soit la déstabilisation des zéolithes, soit à la

diminution de la vitesse de dissolution du verre.

Enfin, une dernière cinétique est celle observée lors de la précipitation de C-S-H dans les

essais en présence de Portlandite (Chapitre IV, § III.3.). Les cinétiques peuvent être scindées en

deux périodes durant lesquelles les vitesses sont constantes. La première période correspond au

régime de vitesse initiale où deux mécanismes coexistent et pilotent la dissolution du verre : la

précipitation de C-S-H et l’incorporation du calcium dans la pellicule d’altération. Etant en régime

de vitesse initiale, c’est la dissolution du verre qui est limitante. Par la suite, la précipitation de

C-S-H se poursuit et les phases finissent par former une couche à la surface des grains de verre, ce

qui correspond à la seconde période. Dans ce régime de chute de vitesse, la dissolution du verre est

contrôlée la diffusion des ions à travers cette couche d’hydrates.

Remarquons que dans le cas du C3S, l’hydratation est contrôlée par la vitesse de croissance

des C-S-H jusqu’à ce que ces phases recouvrent la surface des grains par une couche continue. A

partir de ce moment, l’hydratation est contrôlée par la diffusion des ions à travers cette couche

d’hydrates. Le phénomène limitant dans la première période de l’hydratation est donc différent de

celui observé dans notre système.

La Figure II-1 illustre ces cinétiques ainsi que les phénomènes limitants associés pour ces

trois systèmes.

Page 293: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VIII – Discussion

293

Figure II-1. Représentation schématique des mécanismes et des cinétiques d’altération au cours du temps en

fonction des phases secondaires et du rapport S/V. Les phénomènes limitants sont indiqués en orange.

II.5. Paramètres clés pilotant les mécanismes d’altération

Nous avons discuté des phénomènes limitants ainsi que des mécanismes à l’origine des

cinétiques observées. Il convient à présent de préciser quels sont les paramètres clés qui pilotent

ces mécanismes durant l’altération. Dans la première partie de ce chapitre, nous avons évoqué

l’importance du pH et du rapport S/V lors de l’altération du verre en présence de calcium. Au

cours du chapitre VI (§ IV.1.) concernant la précipitation des zéolithes, nous avons discuté des

processus d’altération ainsi que des paramètres clés associés.

Le paramètre thermodynamique macroscopique qui va contrôler la cinétique des réactions

est le degré de saturation de la solution, i.e. l’écart à l’équilibre. De ce paramètre dépendent les

processus de recondensation / précipitation du gel et de nucléation / croissance des phases

secondaires. Cependant, ces processus sont également fonction d’un facteur cinétique. Comme

Page 294: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VIII – Discussion

294

nous l’avons évoqué au chapitre V (§ I.1.3.1.2.), selon la règle d’Ostwald, la phase la plus stable est

rarement celle qui nuclée en premier : lorsque deux phases sont susceptibles de se former en

solution sursaturée, la phase métastable précipite la première car les facteurs cinétiques qui

imposent la nucléation l’emportent sur les facteurs thermodynamiques qui imposent l’état final. Ce

facteur, plus aléatoire, ne sera pas pris en compte par la suite.

Plusieurs paramètres de base influent sur le degré de saturation de la solution, mais avec

des poids différents. Quel que soit le système, il semble que le premier paramètre qui joue un rôle

déterminant soit le rapport S/V puisque ce dernier modifie le flux d’éléments lixiviés du verre et

donc le degré de saturation de la solution. En effet, lors de la précipitation de zéolithes, ce

paramètre est déterminant aux premiers instants d’altération : à très fort rapport S/V, l’état de

sursaturation est atteint plus rapidement qu’à plus faible rapport S/V, les nucléi de zéolithes vont

donc précipiter au détriment de la formation d’un gel passivant. De même, pour des conditions

d’altération fixées (concentration en calcium, pH de la solution…), la précipitation de C-S-H est

effective si le degré de sursaturation est atteint, ce qui correspond à un flux de silice et donc un

rapport S/V spécifiques.

Il est important de remarquer que le degré de saturation de la solution dépend également

de la chimie de la solution, par sa composition chimique et son pH.

La composition de la solution d’altération joue aussi un rôle prépondérant sur le degré de

saturation. Prenons l’exemple de la précipitation des C-S-H : leur formation dépend du silicium

lixivié du verre (lié au rapport S/V) mais également du calcium initialement présent en solution. Le

degré de saturation est donc, dans ce cas, dépendant à la fois du rapport S/V et de la composition

de la solution initiale et au cours du temps.

Le pH de la solution a également un rôle central et joue à différents niveaux dans notre système.

Sa valeur défini tout d’abord les domaines d’existence des phases secondaires. Ensuite, la variation

de pH en milieu basique modifie significativement le flux d’éléments lixiviés du verre. Enfin, il

modifie les compositions des phases précipitées : les rapports stœchiométriques des zéolithes et

des C-S-H dépendent directement du pH de la solution.

D’autres paramètres ont un rôle important : la composition du verre ou encore la

température. Cependant, dans le cadre de notre étude, ces derniers ont eu un second rôle. En ce

qui concerne la composition du verre, nous avons étudié l’influence de la composition de la

solution sur le verre de référence CSD-B. Au chapitre VI (§ I.3.1) est détaillé l’influence de la

composition du verre sur le régime de reprise d’altération, notamment l’importance des teneurs en

aluminium mais également en alcalins par rapport au bore. Les verres CSD-B et VS présentaient

des cinétiques ainsi que des degrés d’altération assez différents. Il convient également de

remarquer que la composition du verre influe sur le pH de la solution. Enfin, la température peut

accélérer les cinétiques de précipitation mais peut également engendrer la formation d’autres

phases non représentatives d’une température en condition de stockage par exemple.

Page 295: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VIII – Discussion

295

III. Figures de dissolution du verre, une analogie avec la

dissolution des cristaux ?

Un point commun à l’ensemble des chapitres qui constituent ce manuscrit est l’observation

systématique de figures atypiques de dissolution du verre. Petites, grandes, profondes, ces figures

de dissolution ont des morphologies et des tailles différentes suivant les conditions et les échéances

d’altération. Classiquement, i.e. lors d’altération de verres en eau désionisée, la dissolution du

verre est homogène sur la surface des grains et le gel forme une couche dont l’interface verre / gel

est parallèle au bord du grain. Quelques études mentionnent la présence de figures d’altération du

verre singulières, notamment en milieu basique et donc dans des solutions fortement chargées en

ions [11-13]. Cependant, aucune hypothèse n’est avancée pour expliquer cette phénoménologie,

seule l’hétérogénéité du verre est proposée comme étant à l’origine de ces figures d’altération.

Dans le domaine de la géochimie des minéraux où des figures d’altération similaires sont

observables, des études récentes de Dove et al. [14, 15] montrent que des mécanismes analogues à

ceux observés dans la théorie classique de la nucléation / croissance des cristaux peuvent expliquer

le comportement de certains minéraux (quartz, feldspath, gibbsite, calcite…). Nous allons donc

présenter ce concept puis comparer nos observations à la littérature.

III.1. Théorie de la dissolution des cristaux

La théorie de la dissolution des cristaux suppose que la dissolution peut être décrite comme

l’inverse de la nucléation / croissance. Dove et al. [14] proposent alors de modifier les équations de

la théorie de la nucléation / croissance pour inclure la dissolution et ainsi prédire les différentes

étapes de dissolution du quartz et d’autres aluminosilicates (kaolinite, feldspath…).

Trois types de mécanismes de dissolution sont proposés, analogues à ceux existants dans la

théorie de la nucléation / croissance :

- la formation en nombre de petites piqûres par nucléation homogène sur une surface sans

défaut, appelées « vacancy islands »,

- la formation de piqûres initiées par un défaut (dislocation), appelées « etch pit »,

- la propagation de piqûres par marche à partir des dislocations, appelées « step retreat ».

L’énergie nécessaire (∆Gcrit) pour former ces piqûres provient du degré de sous-saturation de la

solution (β ou Ω). En fonction de ce paramètre, l’énergie d’activation nécessaire à la formation de

ces piqûres varie ainsi que le type de mécanisme de dissolution (Figure III-1). Plus le degré de

sous-saturation est élevé, plus la barrière énergétique pour former la piqûre est faible. Il convient

de noter que l’énergie interfaciale développée par un défaut peut considérablement être diminuée

par rapport à l’énergie libre de surface d’un cristal parfait.

Pour des degrés de sous-saturation importants, l’énergie interfaciale est telle qu’une

nucléation homogène peut avoir lieu. Avec l’avancée de la réaction, le degré de sous-saturation

diminue et il devient énergétiquement plus favorable de nucléer à partir de défauts de surface,

notamment aux dislocations.

Page 296: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VIII – Discussion

296

Au degré de sous-saturation peuvent être associé des vitesses de dissolution : la Figure III-2

montre que la vitesse de dissolution augmente avec l’écart à l’équilibre. Il est intéressant de

remarquer que pour un même degré de sous-saturation, la présence d’électrolyte dans la solution

augmente la vitesse de dissolution du quartz (Figure III-2). Ces observations sont cohérentes avec

les résultats de notre étude en présence de calcium en régime initial (chapitre IV, § III.1.).

Figure III-1. Différents processus de dissolution du

quartz obtenus par AFM en fonction du degré de

sous-saturation et de la chimie de la solution

(échelle = 1 µm), adapté de Dove et al. [15].

Figure III-2. Vitesses de dissolution du quartz en

fonction du degré de sous-saturation ΩΩΩΩ et

dépendance à la présence ou l’absence d’électrolytes,

d’après Dove et al. [14].

Des études réalisées à partir des l’analyse topologique de la surface (AFM, interférométrie),

des cinétiques d’altération fonction de l’environnement mais également de simulations Monte

Carlo rendent compte de la validité de cette théorie et de ces principes [14-17].

Une caractérisation par interférométrie permet d’illustrer les différents mécanismes par lesquels la

dissolution se produit. Il s’agit de dolomite altérée pendant une heure à pH 3 à 25 °C [16]. L’image

montre clairement (i) la dissolution globale de la surface (la surface annotée 1 correspond à la

surface de référence qui a été protégée durant l’altération) et (ii) la surface réactive parsemée de

« etch pits ».

Lasaga et Luttge [16] proposent un modèle de dissolution permettant de rendre compte des

variations de vitesse de dissolution des cristaux. La Figure III-4 illustre ce modèle conceptuel dans

sa globalité, avec une dissolution globale (« step retreat ») puis des modes de dissolution conduisant

à la formation de piqûres (« etch pit »).

De récents travaux de Juilland et al. [18] s’appuient sur cette théorie pour expliquer l’origine de la

période d’induction. En effet, il a été constaté que les grains présentent de nombreuses piqûres à

leur surface lors de l’hydratation du C3S.

Page 297: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VIII – Discussion

297

Figure III-3. Observation par interférométrie à

balayage vertical de dolomite altérée 1 h à pH 3 à

25°C montrant des « etch pit » individuels et la

dissolution globale du minéral (1 : surface initiale),

d’après Lasaga et Luttge [16].

Figure III-4. Modèle de dissolution intégrant deux

modes de dissolution, « etch pit » and « step

retreat », d’après Lasaga et Luttge [16].

Nous avons donné un aperçu des bases sur lesquelles repose la théorie de la dissolution des

cristaux et des outils qui permettent de la valider. De plus amples informations sont disponibles

dans les références citées.

III.2. Observations de figures de dissolution

Comme nous l’avons précisé précédemment, quel que soit le régime d’altération, nous

avons observé des figures de dissolution localisées à la surface du verre. L’objectif n’est pas

d’appliquer directement la théorie de la dissolution des cristaux à nos essais mais plutôt de mettre

en évidence les similitudes intéressantes qui suggèrent que cette théorie pourrait aussi s’appliquer

au verre.

Dans les chapitres V, VI et VII, correspondant à des altérations du verre à fort rapport S/V

dans différentes conditions d’altération, la surface du verre présente de façon systématique des

figures de dissolution que nous avons appelées piqûres ou cupules suivant leur morphologie. La

Figure III-5 donne un échantillonnage des différentes morphologies qui ont pu être observées au

cours de cette étude.

Au chapitre V, nous avons montré que ces piqûres n’étaient pas uniquement dues à la

présence de calcium, puisqu’en milieu KOH, on observe une surface piquée de façon homogène

sur une profondeur constante (Figure III-5 (c)). Les piqûres sont recouvertes d’une couche de gel

passivant, ce qui indique que la dissolution a lieu dans les premiers temps de l’altération, avant le

régime de chute de vitesse.

En présence de Portlandite, au même pH, deux types de piqûres coexistent : une multitude de

piqûres hémisphériques et quelques piqûres de taille importante (Figure III-5 (d)). Le calcium

semble donc modifier la géométrie des piqûres et contribuer à l’augmentation de leur taille.

Page 298: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VIII – Discussion

298

Figure III-5. Figures de dissolution de différentes morphologies et tailles suivant les conditions et les

échéances d’altération : verres (a) VS (SS2)et (b) CSD-B (CS2) altérés en solution S2 à 50°C à 200 cm-1

pendant 219 jours ; verre VS altéré (c) en KOH (SS2b-50) et (d) en S2 (SS2P-30) à 10 cm-1 pendant 332 jours ;

(e) verre VS (RA200S) altéré en S1 à 50°C à 200 cm-1 pendant 527 jours ; (f) verre CSD-B (RA200) altéré en

S1 à 50°C à 200 cm-1 pendant 360 jours.

Des premières observations ont été réalisées en AFM sur un monolithe de verre altéré en

KOH à pH 11,7 en régime de vitesse initiale après huit heures d’altération. D’après la Figure III-6, il

apparaît clairement qu’il existe déjà des piqûres de dissolution à cette échéance, similaires à celles

observées sur la dolomite (Figure III-3). Ces piqûres, très petites en diamètre, peuvent atteindre un

micron de profondeur.

Au chapitre VI portant sur la précipitation des zéolithes, l’essai RA2000 a permis de suivre

l’évolution de la formation des cupules circulaires (Figure III-5 (e) et (f)). Eparses au début de

l’altération, elles grossissent et se multiplient jusqu’à coalescer et former alors une couche de gel

dont l’interface verre / gel n’est pas parallèle au bord initial du grain.

Les Figure III-5 (a) et (b) correspondent respectivement aux verres VS et CSD-B altérés en

solution S2. Un point remarquable est la différence de taille de ces piqûres, de l’ordre de 300 nm

pour le verre VS et de 30 nm pour le verre CSD-B. Seule la composition chimique du verre change

ainsi que l’équilibre en solution au cours de l’altération. On peut supposer que la complexification

de la composition engendre une augmentation des hétérogénéités de surface avec le désordre, à

l’origine de cette différence de taille de piqûres.

D’après la théorie de la dissolution des cristaux, l’initiation de la piqûre est favorisée par un défaut

du cristal, car l’énergie interfaciale est fortement diminuée. Nous avons vérifié l’homogénéité de

notre verre au MEB ainsi qu’au MET haute résolution, aucune hétérogénéité n’est visible aux

différentes échelles. Une hypothèse pouvant expliquer ces différences de densité de piqûres en

a b c

d e f

verre verre

C-S-H

C-S-H verre

verre

1 µm 600 nm 600 nm

20 µm 20 µm

Page 299: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VIII – Discussion

299

fonction du la composition du verre est l’existence d’une distribution statistique de sites activés par

le milieu d’altération, qui constitueraient des sites plus énergétiques.

Figure III-6. Images AFM réalisées sur un monolithe de verre VS altéré en solution KOH à pH 11,7 à 50 °C

durant 7 heures (chapitre IV, § I.1.1.). Observations de piqûres à la surface du monolithe.

La formation de piqûres ne s’accompagne pas systématiquement de la précipitation de

phases secondaires (essai SS2b-50), cependant lorsque c’est le cas, la dissolution accrue et continue

du verre engendre des piqûres de taille importante, ce qui signifie que la poursuite de la

dissolution intervient préférentiellement à l’endroit des piqûres existantes.

D’après nos observations, nous pouvons retenir que :

- les piqûres s’amorcent dès les premiers instants de l’altération puis tant que le degré de

sous-saturation est suffisant, elles se multiplient et grossissent, tout comme un nucléi en cristal

dans le cas de la sursaturation,

- la présence de calcium conduit à une modification de la morphologie et la taille des piqûres,

- différents types de mécanismes peuvent coexister : dissolution homogène du verre et

dissolution par piqûres homogènes et hétérogènes,

Des caractérisations sont en cours pour voir si la présence de calcium au même pH modifie

ce phénomène ou non. Il conviendrait également de réaliser des essais en protégeant une partie de

la surface du verre et estimer après altération la proportion de verre dissous de façon homogène et

par piqûres par rapport à la surface initiale.

Il convient de noter qu’une spécificité liée à ce type de dissolution n’a pas été prise en compte dans

nos calculs : la variation de la surface réelle du verre en fonction de l'avancement réactionnel. Dans

le cas de dissolution par piqûres, la surface augmente en réalité, au moins durant un certain temps.

La surface considérée est donc sous-estimée, ce qui surestime les vitesses d’altération. Il est difficile

d’évaluer l’impact de cette spécificité. Une perspective serait de quantifier et mesurer ces figures de

dissolution au long d’une expérience au MEB pour rendre compte de la variation réelle de la

surface.

Ces premiers éléments constituent une base de réflexion au phénomène observé. Les fortes

similitudes entre la théorie de la dissolution des cristaux et nos observations suggèrent que cette

théorie puisse s’étendre à notre matériau amorphe, le verre.

Page 300: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VIII – Discussion

300

IV. Perspectives de l’étude

A travers cette étude, nous avons apporté des éléments de compréhension aux cinétiques

observées et proposé des mécanismes à l’aide de la littérature sur la phénoménologie de l’altération

du verre en milieu cimentaire. Comme dans toute étude limitée dans le temps, de nombreuses

perspectives apparaissent nécessaires à la validation de certains points et essentielles à la poursuite

de ce travail.

Tout d’abord, l’ensemble des mécanismes proposés peut être consolidé par des

caractérisations complémentaires ainsi que par la modélisation thermodynamique.

La caractérisation du gel à l’interface verre / solution est notamment une perspective récurrente de

notre étude.

En régime de vitesse initiale, la synergie Si-Ca à l’interface verre / solution constitue une

barrière diffusionnelle. Cependant, le mécanisme à l’origine de ce résultat reste assez obscur. Est-ce

une modification structurale qui conduirait à rendre cette couche de l’ordre de la dizaine de

nanomètres passivante ? Les nombreuses études dans le domaine du ciment et la difficulté que

représente la caractérisation de couches si fines rendent compte de la complexité de la tâche. La

caractérisation en XPS semble être néanmoins une des perspectives les plus pertinentes pour

caractériser l’évolution structurale de cette couche grâce, notamment, à la variation des énergies de

liaison. Notons que la mise en œuvre de cette technique appliquée au verre s’avère délicate à cause

de la pollution de l’extrême surface des échantillons.

Dans le cas de la précipitation de zéolithes, et notamment lors des reprises d’altération, le

gel constitue le siège de la nucléation des cristaux de zéolithes. Suivant ses propriétés structurales,

morphologiques et chimiques, il peut modifier le nombre de cristaux et leur fréquence de

nucléation. En ce sens, des caractérisations spécifiques du gel apparaissent souhaitables pour

apporter des éléments de compréhension sur les mécanismes et les cinétiques d’altération en

présence de zéolithes.

Durant cette étude, nous n’avons pas mentionné la réaction alcali-silice [19] bien que la

solution S1 riche en alcalins constitue potentiellement un milieu favorable à cette réaction.

Précisons tout d’abord que ces réactions chimiques se produisent entre les alcalins du ciment et les

granulats de silice réactive dans les bétons. La réaction produit un gel expansif qui engendre des

contraintes et finalement la fissuration du matériau. Au chapitre V portant sur l’altération du verre

en eaux cimentaires en présence de Portlandite, un point non abordé concerne la possible

formation d’une couche de gel non pas par réaction pouzzolanique, mais par réaction alcali-silice.

De plus amples caractérisations de cette couche se révèlent nécessaires pour déterminer

précisément de quelle phase il s’agit. Notons néanmoins que la morphologie des phases observées

en sections polies ressemble fortement à celle des C-S-H. De plus, la cohérence entre les résultats

expérimentaux et l’interprétation qu’il en est fait à partir de la littérature sur les C-S-H confortent

notre analyse. L’une des perspectives de ce travail est l’étude plus approfondie de la couche qui se

forme en surface des grains de verre, notamment sa composition, sa structure et son évolution au

cours de la réaction.

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CHAPITRE VIII – Discussion

301

Un autre outil avec lequel nous pourrions conforter nos résultats expérimentaux est la

modélisation thermodynamique. Grâce à cette approche, nous serions en mesure de déterminer le

degré de saturation des solutions vis-à-vis des C-S-H ou encore d’évaluer des rapports C/S dans

nos différents systèmes. Cependant, deux difficultés limitent grandement cette approche :

- le manque de phases représentatives de notre système,

- le manque de données fiables en température pour les phases cimentaires dans les

différentes bases de données.

A cela s’ajoute que les essais n’ont pas été réalisés avec l’objectif d’être exploité par modélisation.

Nous avons fait le choix de travailler à 50 °C pour atteindre de plus fort progrès de réaction.

Notons par exemple que les reprises d’altération ont été observables grâce à l’augmentation de la

température qui a permis d’accélérer les cinétiques de réaction. Il conviendrait donc de réaliser des

essais plus paramétriques à température ambiante, par exemple à partir d’un verre ternaire ou

quaternaire, pour ensuite modéliser les résultats.

Afin d’aller plus loin concernant l’influence du milieu cimentaire sur la durabilité du verre,

il serait intéressant d’évaluer l’influence des autres éléments mineurs constituants non plus des

solutions simplifiées mais des solutions à l’équilibre avec du ciment à différentes stades de

dégradation. Par la suite, il conviendrait de travailler avec des matériaux cimentaires et non plus

avec des eaux cimentaires puisque celles-ci ne permettent pas de maintenir les concentrations en

solution. L’ajout de Portlandite est un premier pas vers ce type de système.

Page 302: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VIII – Discussion

302

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[19] Glasser L.S.D. and Kataoka N., 1981, The chemistry of alkali-aggregate reaction. Cement

and Concrete Research 11, 1-9.

Page 304: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CHAPITRE VIII – Discussion

304

Page 305: Thèse présentée pour obtenir le grade de

305

CONCLUSION

Cette étude s’inscrit dans le cadre de la gestion des déchets nucléaires et concerne plus

spécifiquement le type de concept de stockage en couche géologique profonde envisagé pour les

déchets vitrifiés de moyenne activité à vie longue. Le concept actuellement à l’étude consistant à

placer les colis primaires au sein de surconteneurs en béton implique la présence d’une quantité

importante de béton à proximité des colis de déchets vitrifiés. La forte alcalinité et la composition

chimique de l’eau interstitielle sont deux facteurs susceptibles de modifier significativement les

mécanismes d’altération du verre. Or, la durabilité du verre en condition de stockage est un enjeu

important puisque ce matériau constitue la première barrière de confinement des radionucléides.

Etant donnée la complexité du système global, une approche de l’altération du verre par des eaux

cimentaires simplifiées se justifie par la nécessité d’identifier des mécanismes dominants en

fonction de la chimie de la solution.

Ainsi, l’objectif de ce travail de thèse était d’étudier pour la première fois de manière

détaillée la phénoménologie de l’altération du verre en eaux cimentaires et de mettre en évidence

les mécanismes clés à l’origine de ces évolutions.

Notre approche a consisté à étudier les cinétiques d’altération du verre en eaux cimentaires

dans les différents régimes d’altération. Trois compositions de solution porale cimentaires ont été

étudiées : les deux premières sont représentatives des deux premiers stades de dégradation d’un

ciment Portland et la dernière correspond à un équilibre avec un béton bas pH. A partir de

l’ensemble des essais réalisés, il ressort que le rapport S/V et la chimie de la solution (composition

chimique et pH) pilotent les mécanismes et donc les cinétiques d’altération du verre de la manière

suivante :

Le rapport S/V modifie le flux d’éléments lixiviés du verre et donc le degré de saturation de

la solution. Ainsi, si le flux d’éléments sortant est suffisant pour atteindre et maintenir un état de

sursaturation qui permette la nucléation de phases secondaires (C-S-H et / ou zéolithes), alors la

précipitation de ces phases pilotera la dissolution du verre, via l’activité des éléments en solution.

L’élément chimique constitutif de la solution qui joue un rôle fondamental sur les

cinétiques d’altération du verre est le calcium. Son influence est principalement fonction du pH de

la solution et du rapport S/V. Dans nos conditions d’altération, i.e. à pH basique, le calcium

présente un effet favorable sur l’altération du verre à très faible rapport S/V, à cause de son

incorporation au sein de la pellicule d’altération et de la synergie Si-Ca qui conduisent à une

augmentation des propriétés de passivation de cette couche. En revanche, à fort rapport S/V, le

calcium a un effet de pompe qui contribue à dissoudre le verre jusqu’à ce que la formation des

C-S-H soit elle-même un frein à la dissolution du verre.

Quels qu’aient été les essais et les conditions d’altération associées, nous avons proposé des

mécanismes pour expliquer l’origine des différentes cinétiques observées. Les phénomènes

limitants ont été identifiés et certains ont été confirmés grâce à la modélisation thermodynamique,

Page 306: Thèse présentée pour obtenir le grade de

CONCLUSION

306

notamment dans le cas de la précipitation des zéolithes. L’étude de l’altération du verre en

présence d’eau cimentaire en équilibre avec un ciment bas pH confirme les mécanismes proposés

qui permettent de comprendre le rôle bénéfique du ciment bas pH par rapport à un ciment

Portland vis-à-vis de l’altération du verre.

Diverses perspectives constituent une étape de validation de ces mécanismes.

Dans l’ensemble des essais, la caractérisation approfondie du gel apparaît essentielle puisque les

mécanismes reposent en parti sur les propriétés structurales, morphologiques et chimiques de cette

couche.

En enrichissant les bases de données des phases observées en température, l’approche par

modélisation thermodynamique permettrait de confirmer l’évolution des degrés de saturation des

solutions vis-à-vis des phases secondaires observées.

Il serait également intéressant d’étudier l’effet de la composition du verre d’une part, pour mettre

en évidence un lien éventuel entre la morphologie des figures de dissolution et les hétérogénéités

dues à la variation de composition des verres et d’autre part, par exemple, pour limiter la

formation des phases secondaires.

Enfin, pour aller plus loin concernant l’influence du milieu cimentaire sur la durabilité du verre, il

conviendrait de travailler avec des matériaux cimentaires et non plus avec des eaux cimentaires

puisque celles-ci ne permettent pas de maintenir les concentrations en solution.

Cette étude a permis de clairement identifier les paramètres et les mécanismes clés à

l’origine des cinétiques observées et ainsi d’évaluer l’impact d’un environnement cimentaire

Portland sur l’altération du verre et d’ouvrir des pistes sur les concepts de béton bas pH. Ces

travaux offrent donc les premières bases nécessaires à la réflexion quant au concept de stockage

envisagé pour les colis vitrifiés MA-VL.

Page 307: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

307

ANNEXES

ANNEXE A : Nomenclature Qn ................................................................................................................308

ANNEXE B : Calculs d’incertitudes (1/2)................................................................................................309

ANNEXE C : Calculs d’incertitudes (2/2)................................................................................................316

ANNEXE D : Spectroscopie des Photoélectrons X................................................................................325

ANNEXE E : Tableaux de résultats détaillés – Chapitre IV................................................................328

ANNEXE F : Spectroscopie des Photoélectrons X.................................................................................330

ANNEXE G : Diffractogrammes des rayons X – Chapitre V ..............................................................335

ANNEXE H : Expérience d’altération à échelle 1 - ALISE...................................................................337

Page 308: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

308

ANNEXE A : Nomenclature Qn

La nomenclature couramment utilisée pour décrire les matériaux silicatés concerne la

dénomination des tétraèdres de silicium sous forme de Qn, n représentant le nombre de tétraèdres

de silicium liés à celui étudié (ou encore le nombre d’oxygènes pontants).

Q0 Q1 Q2

Q3 Q4

Page 309: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

309

ANNEXE B : Calculs d’incertitudes (1/2)

Incertitude sur la perte de masse normalisée, étude détaillée d’un cas: vitesse

initiale déterminée en test statique en solution S1 avec le verre CDS-B à 30°C

Mesurande

Au cours d’une lixiviation, il apparaît que les paramètres intervenant dans la formule des

pertes de masse normalisées NLi (g.m-2) varient au cours de la réaction. Le calcul des pertes de

masse normalisées s’effectue donc de façon itérative ce qui permet de tenir compte des variations

de ces paramètres. La méthode de mesure correspondant à un essai en mode statique sur un

échantillon de poudre de verre, conduit à l’expression suivante des pertes de masse normalisées

NLi au pas de temps t1 et au pas de temps t pour l’élément i constitutif du verre :

i

tavtPE

ticorr

ti

xV

S

CNL

=

1

1

1

)()(

i

tavtPE

ticorrticorrtiititi

xV

S

CCNLNLNLNL

−+=∆+= −−−

111

)()()()()()(

Identification et quantification des sources d’incertitude

Les sources d’incertitudes ou encore les variables de base intervenant dans le calcul de la

perte de masse normalisée sont données ci-dessous (Tableau 1). Les informations disponibles sur

l’incertitude de chacune des variables figurent dans la colonne IC (95 %), signifiant intervalle de

confiance avec un niveau de confiance à 95 %. La valeur inscrite est donnée soit dans l’unité de la

variable, soit en pourcentage suivant l’information obtenue. Les composantes de l’incertitude sont

ensuite uniformisées dans la dernière colonne, nommée écart-type u(x), celui-ci étant dans la même

unité que la variable. Les valeurs des variables sont celles obtenues au pas de temps t2 pour un test

statique en solution S1 avec le verre CDS-B à 30°C.

Page 310: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

310

Tableau 1. Ensemble des sources et composantes de l’incertitude à considérer pour le calcul de

l’estimation de l’incertitude de la perte de masse normalisée en silicium. Les valeurs des variables sont

issues d’un test statique en solution S1 avec le verre CDS-B à 30°C au pas de temps t2. Les valeurs en gras

correspondent aux variables qui voient leur valeur varier à chaque pas de temps.

Variable x Signification des variables Valeur x Unité IC(95 %) Unité Ecart-

type u(x)

mSav Masse du savillex vide 164,49 g 0,0002 g 1,0E-04

mSav+poud Masse du savillex+poudre 164,65 g 0,0002 g 1,0E-04

mSav+poud+sol Masse du savillex+poudre+solution 324,38 g 0,03 g 1,5E-02

S BET Surface BET du verre 0,1025 m²/g 10 % 5,1E-03

RC SiO2 Rapport de conversion de l'élément Si dans

le verre (gx/g verre) 2,14 0 %

% m SiO2 Pourcentage massique de SiO2 dans le verre 49,76 % 2 % 5,0E-01

C0 SiO2 Concentration brute dans le blanc en SiO2

obtenue par ICP 0,144 mg/L 20 % 1,4E-02

C SiO2 Concentration brute au pas de temps t en

SiO2 obtenue par ICP 0,206 mg/L 20 % 2,1E-02

RC B2O3 Rapport de conversion de l'élément B dans

le verre (gx/g verre) 3,22 0 %

% m B2O3 Pourcentage massique de B2O3 dans le

verre 14,23 % 15 % 1,1E+00

C0 B2O3 Concentration brute dans le blanc en B2O3

obtenue par ICP 0,016 mg/L 20 % 1,6E-03

C B2O3 Concentration brute au pas de temps t en

B2O3 obtenue par ICP 0,016 mg/L 20 % 1,6E-03

mb0 Masse de la bouillotte vide pour le blanc 3,7276 g 0,001 g 5,8E-04

mb+s0 Masse de la bouillotte+solution pour le

blanc 8,1648 g 0,001 g 5,8E-04

mb+s+a0 Masse de la bouillotte+solution+acide pour

le blanc 8,3036 g 0,001 g 5,8E-04

a Densité de l'acide 1,404

mb Masse de la bouillotte vide pour le blanc 3,746 g 0,001 g 5,8E-04

mb+s Masse de la bouillotte+solution pour le

blanc 7,437 g 0,001 g 5,8E-04

mb+s+a Masse de la bouillotte+solution+acide pour

le blanc 7,573 g 0,001 g 5,8E-04

mSav

avt PE(t-1)

Masse du savillex avant la PE au pas de

temps (t-1) 324,19 g 0,03 g 1,7E-02

mSav

aps PE(t-1)

Masse du savillex après la PE au pas de

temps (t-1) 320,17 g 0,03 g 1,7E-02

mSav avt PE(t) Masse du savillex avant la PE au pas de

temps (t) 320,15 g 0,03 g 1,7E-02

Les effets du pH et de la température sont négligés car, dans cette étude, le pH est maintenu

à 13,2 ± 0,2 et la température à 30 ± 1°C.

Page 311: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

311

Calcul de l’incertitude-type composée

La méthode du tableur est appliquée à ce cas complexe. Un tableur est associé à un pas de

temps. A la suite de cette partie de l’annexe figure le tableur au pas de temps t2 correspondant aux

valeurs du Tableau 1.

Les résultats sont illustrés sous forme de diagramme de barres par la Figure 1 et sous forme d’un

tableau (Tableau 2) dans lequel est calculée la part de la variance de chacune des variables.

0% 20% 40% 60% 80% 100%

1

2

3

4

5

6

7

Ech

éanc

e

Part de variance totale de chaque variable (%)

S BET

C0 Si

C Si

Figure 1. Part de la variance des variables majeures en fonction des échéances

Tableau 2. Part de la variance de chacune des variables à chaque pas de temps par ordre décroissant.

Variable t1 t2 t3 t4 t5 t6 t7

C Si 59,8 66,2 74,3 74,2 75,5 77,2 79,1

C0 Si 39,8 32,3 22,1 22,2 20,4 17,9 14,9

S BET 0,5 1,4 3,5 3,5 3,9 4,7 5,7

% m SiO2 0,02 0,06 0,15 0,15 0,17 0,20 0,25

mSav 8,3E-05 2,5E-04 6,3E-04 6,3E-04 7,1E-04 8,5E-04 1,0E-03

mSav+poud 8,3E-05 2,5E-04 6,3E-04 6,3E-04 7,1E-04 8,5E-04 1,0E-03

mb+s 6,8E-05 8,4E-05 8,9E-05 9,0E-05 8,7E-05 9,4E-05 7,9E-05

mb+s+a 6,3E-05 7,8E-05 8,3E-05 8,4E-05 8,1E-05 8,8E-05 7,4E-05

mb+s0 3,5E-05 2,8E-05 1,9E-05 1,9E-05 1,8E-05 1,6E-05 1,3E-05

mb+s+a0 3,3E-05 2,7E-05 1,8E-05 1,8E-05 1,7E-05 1,5E-05 1,2E-05

mSav+poud+sol 1,8E-06 5,4E-06 1,4E-05 1,4E-05 1,7E-05 2,0E-05 2,6E-05

mSav avt PE(t) 0,0E+00 1,7E-06 2,9E-05 2,8E-05 5,1E-05 1,1E-04 2,7E-04

mSav avt PE(t-1) 0,0E+00 1,7E-06 2,9E-05 2,8E-05 5,1E-05 1,1E-04 2,7E-04

C B 2,5E-07 5,4E-07 2,1E-06 2,1E-06 2,6E-06 3,5E-06 5,2E-06

C0 B 1,3E-07 3,7E-07 9,2E-07 9,1E-07 1,0E-06 1,2E-06 1,4E-06

mb 7,9E-08 1,1E-07 1,1E-07 1,1E-07 1,1E-07 1,2E-07 8,4E-08

mb0 3,2E-08 2,6E-08 1,8E-08 1,8E-08 1,6E-08 1,4E-08 1,2E-08

% m B2O3 9,0E-09 7,5E-09 1,2E-07 1,2E-07 1,8E-07 2,9E-07 5,8E-07

RC SiO2 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00

RC B2O3 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00

ra 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00

mSav aps PE(t-1) 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00

Cet exemple d’estimation de l’incertitude sur la perte de masse normalisée met en avant les effets

prépondérants de la concentration en silice initiale (C0Si) et à chaque échéance de prélèvement (CSi).

Page 312: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

312

Les composantes de l’incertitude sur la masse du Savillex (mSav) et celle du Savillex + poudre

(mSav+poud) augmentent au cours des échéances.

0,E+00

2,E-03

4,E-03

6,E-03

8,E-03

1,E-02

0,00 0,05 0,10 0,15 0,20 0,25 0,30

Temps (j)

(g/m

²)

uc(NL)NL

Figure 2. Evolution au cours du temps des pertes de masse normalisées et de l’incertitude-type composée sur

les NL(Si).

On peut remarquer que les incertitudes-types composées sont relativement constantes au

cours du temps comparées à l’évolution des NL(Si), l’hypothèse forte d’homocédasticité est donc

respectée dans ce cas.

Page 313: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

313

Page 314: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

314

Interface du logiciel LUMIERE pour le test statique avec le verre CSD-B altéré en solution S1 à 30°C

(a) avec une régression linéaire avec constante, (b) régression linéaire sans constante et (c)

régression linéaire sans constante pondérée par les incertitudes sur les pertes de masse normalisées

en chacun des points.

Page 315: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

315

Page 316: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

316

ANNEXE C : Calculs d’incertitudes (2/2)

Incertitude sur la perte de masse normalisée : comparaison de différents cas

d’étude

Régime de chute de vitesse

Part de variance pour chaque variable et élément dosé

Quel que soit le test considéré en régime de chute de vitesse, seules trois variables sur les

vingt-deux initiales ont un poids dont la somme est supérieure à 99,5 %. Il s’agit de la surface

spécifique BET, du pourcentage massique d’oxyde et de la concentration en l’élément considéré,

comme l’illustre la Figure 3. Pour chaque élément considéré, ici B, Si et Li, ces diagrammes en

barres mettent en évidence que la part de variance de ces trois variables est fonction de l’élément.

Les données numériques figurent dans le Tableau 3.

Remarquons que quel que soit le test et pour un élément considéré, ces pourcentages ne

varient quasiment pas. Il est intéressant de constater que la part de variance du pourcentage

massique d’oxydes est bien supérieure pour le bore que pour le silicium ou le lithium. En effet,

l’incertitude-type sur la composition du verre diffère suivant l’élément, elle est de 15 % pour le

bore contre 4 % pour Li et 2 % pour Si. Le poids de chacune des variables initiales dans la variance

est donc intimement lié aux incertitude-types de celles-ci.

(a)

0% 20% 40% 60% 80% 100%

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

Ech

éanc

e

Part de variance pour chaque variable (%)

S BET% m B2O3C B

(b)

0% 20% 40% 60% 80% 100%

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

Ech

éanc

e

Part de variance totale de chaque variable (%)

S BET

% m SiO2

C Si

(c)

0% 20% 40% 60% 80% 100%

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

Ech

éanc

e

Part de variance totale de chaque variable (%)

S BET

% m Li2O

C Li

Figure 3. Part de la variance des variables majeures en fonction des échéances (a) pour le bore, (b) le silicium

et (c) le lithium pour le test CS1-50 (verre CSD-B altéré en solution S1 à 50°C pendant 270 jours).

Page 317: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

317

Tableau 3. Part de la variance moyenne des trois variables majeures pour le bore, le silicium et le lithium

pour le test CS1-50.

Part de la variance (%)

Eléments Surface BET % massique d'oxyde Concentration

B 30,28 66,57 3,08

Si 87,35 3,78 8,67

Li 78,66 13,34 7,80

Un autre exemple, celui du test CS2-50 correspondant à l’altération du verre CSD-B en

solution S2 à 50°C pendant 270 jours, permet de mettre en évidence l’impact de la concentration en

élément sur la part de la variance. En ICP, à chaque gamme de concentration est affectée une

incertitude liée à l’étalonnage de l’appareil. Pour les trois éléments considérés, la variation de la

part de la variance due à la variation de l’incertitude sur les concentrations est clairement mise en

évidence sur la Figure 4 (entre les échéances 1 et 2 pour le bore et entre les échéances 4 et 5 pour le

silicium et le lithium). La surface BET et le pourcentage massique d’oxyde étant des variables

d’entrée fixées, au cours du temps seule la concentration impactera les parts de variance

respectives pour chacune des variables.

(a)

0% 20% 40% 60% 80% 100%

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

Ech

éanc

e

Part de variance totale de chaque variable (%)

S BET

% m B2O3

C B

(b)

0% 20% 40% 60% 80% 100%

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

Ech

éanc

e

Part de variance totale de chaque variable (%)

S BET

% m SiO2

C Si

(c)0% 20% 40% 60% 80% 100%

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

Ech

éanc

e

Part de variance totale de chaque variable (%)

S BET

% m Li2O

C Li

Figure 4. Part de la variance des variables majeures en fonction des échéances (a) pour le bore, (b) le silicium

et (c) le lithium pour le test CS2-50 (verre CSD-B altéré en solution S2 à 50°C pendant 270 jours).

En régime de chute de vitesse, 3 variables principales sur 22 ont un poids important dans le

calcul d’estimation d’incertitude sur la perte de masse normalisée, à savoir, la surface spécifique

BET, le pourcentage massique d’oxyde et la concentration en l’élément considéré. La part de

variance pour chacune de ces trois variables est fonction de l’élément considéré.

Page 318: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

318

Incertitude sur les pertes de masse normalisées en régime de chute de vitesse

Après avoir vu en détail la part de variance de chaque variable sur différents éléments,

examinons l’incertitude-type composée des pertes de masse normalisées en régime de chute de

vitesse.

Le Tableau 4 présente les incertitudes relatives aux pertes de masse normalisées en bore,

silicium et lithium pour les différents tests avec un niveau de confiance à 95 %. Les essais

considérés sont des tests statiques où le verre est altéré en eau pure ou en solution cimentaire à

50°C. Les prélèvements sont analysés en ICP. Le type de solution lixiviante et la composition du

verre n’ont pas d’incidence directe sur l’incertitude-type composée des pertes de masse

normalisées pour un élément considéré (Tableau 4), sauf pour le cas spécifique du silicium dans le

test CS5 comme nous allons le voir. En effet, à chaque élément est affectée une incertitude-type due

à l’écart-type associé à la détermination de la teneur de cet élément dans la composition du verre.

Les valeurs entre parenthèses sont les incertitudes relatives obtenues aux premières échéances. La

diminution des incertitudes relatives est due à l’augmentation de la concentration et donc à la

diminution de l’incertitude-type lié à l’étalonnage en ICP (incertitude-type associée à la gamme

dominante de concentration au cours du test).

Tableau 4. Incertitudes relatives moyennes des pertes de masse normalisées du bore, silicium et lithium pour

différents tests en régime de chute de vitesse, données à un niveau de confiance à 95 %. C et S se réfèrent

respectivement aux verres CSD-B et VS. Les annotations S1, S2, S5 et ref (eau pure) se réfèrent quant à elles à

la solution lixiviante. Les valeurs indiquées entre parenthèses sont les incertitudes relatives obtenues aux

premières échéances.

Incertitude relative pour différents tests (%)

CS1 SS1 CS2 CS5 Cref

NL(B) 17,3 17,3 17,3 17,3 17,3 (26,2)

NL(Si) 10,2 10,2 10,5 28,9 10,2

NL(Li) 10,7 10,7 10,8 (11,5) 11,5 11,5

La valeur de l’incertitude relative sur NL(Si) obtenue pour le test CS5 de 29 % correspond à

la moyenne des incertitudes relatives sur les NL(Si) aux 9 échéances. Ce test CS5 se distingue des

précédents car la solution lixiviante contient du silicium dans sa composition à hauteur de 22 ppm.

Une autre variable de base intervient donc dans le diagramme en barre, celle de la concentration

initiale en silicium (Figure 5). Au cours de l’altération, la concentration en silicium augmente mais

ne dépasse pas 33 ppm à 185 jours ce qui explique à la fois la diminution de la part de variance de

la concentration initiale et sa forte proportion par rapport à celle de la concentration au cours du

temps (CSi). Le Tableau 5 indique l’évolution de l’incertitude relative sur la perte de masse

normalisée pour ce test. La diminution de l’incertitude relative provient du fait que l’incertitude-

type composée augmente très peu par rapport aux pertes de masse normalisées. Cette évolution est

Page 319: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

319

liée aux concentrations et probablement à l’écart de concentration entre (Ct – C0). En effet, celui-ci

est faible au début de l’altération et augmente progressivement avec le temps.

0% 20% 40% 60% 80% 100%

1

2

3

4

5

6

7

8

9

Ech

éanc

e

Part de variance totale de chaque variable (%)

S BET% m SiO2C0 SiC Si

Temps NL(Si)

(g.m2.j-1)

u(NL(Si))

(g.m2.j-1)

Incertitude

relative (%)

t1 1,6 4,0E-04 1,1E-04 56,9

t2 3,6 5,7E-04 1,2E-04 41,1

t3 7,6 7,0E-04 1,2E-04 34,3

t4 16,7 1,0E-03 1,3E-04 25,2

t5 25,4 9,9E-04 1,3E-04 25,9

t6 43,6 1,2E-03 1,4E-04 21,9

t7 70,6 1,4E-03 1,4E-04 19,9

t8 142,6 1,7E-03 1,5E-04 17,6

t9 184,7 1,8E-03 1,6E-04 17,1

Figure 5. Part de la variance des variables

principales en fonction des échéances pour le

silicium dans le test CS5 (verre CSD-B altéré en

solution S5 à 50°C pendant 185 jours).

Tableau 5. Evolution des pertes de masse normalisées

en silicium, des incertitudes-types composées et de

l’incertitude relative pour le test CS5 à 50°C.

En considérant une gamme de concentration pour chaque élément (et donc une incertitude

donnée), on peut conclure que quel que soit le test, l’incertitude relative sur les pertes de masse

normalisées est constante pour l’élément considéré.

Régime initial

Avant de débuter l’analyse des résultats d’estimation d’incertitude, des précisions doivent

être apportées quant aux expériences menées en régime initial. Il s’agit de tests statiques agités de

courte durée (pouvant variée de la journée à une dizaine de jours). Les concentrations des éléments

lixiviés sont donc très faibles, de l’ordre du mg.L-1, contrairement en régime de chute de vitesse.

L’élément systématiquement dosé est le silicium, dans certains cas, le bore est également analysé si

les conditions expérimentales le permettent. Les concentrations sont, à la différence des tests en

chute de vitesse, déterminées par spectrophotométrie UV-Visible. Dans ce cas, l’estimation de

l’incertitude-type sur la concentration a été estimée par calcul. Les détails de la démarche

d’estimation de l’incertitude liée aux concentrations déterminées par spectrophotométrie UV-

Visible est à la fin de cette annexe.

Part de variance pour chaque variable et élément dosé

En régime initial, tout comme en régime de chute de vitesse, trois variables ont un poids

important, à savoir : la surface spécifique BET, le pourcentage massique d’oxyde et de la

concentration de l’élément considéré. Cependant en fonction du test et des conditions d’altération,

une quatrième variable a un poids non négligeable, il s’agit de la concentration dans le blanc de

Page 320: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

320

l’élément considéré. Son poids sera d’autant plus important que le rapport des écarts-types de Ci et

C0i est important. Lorsque ce rapport est supérieur à 10, la part de la variance de la concentration

dans le blanc est totalement négligeable. Pour un rapport proche ou inférieur à 1, ce poids doit être

pris en compte.

Contrairement au régime de chute de vitesse où la concentration est déterminée par ICP, en

régime initial, elle a été obtenue par spectrophotométrie UV-Visible. Or, comme le paragraphe

précédent le montre, l’incertitude sur la concentration est calculée pour chaque échéance. Alors

qu’en ICP, une incertitude type est annoncée suivant une gamme de concentration, en

spectrophotométrie UV-Visible, une incertitude type est calculée pour chaque échéance. La part de

variance de la concentration évolue donc de façon continue et plus proche de la réalité. Dans ce

régime, les concentrations en silicium et bore étant beaucoup plus faibles que dans les tests

statiques à fort S/V, la part de la variance sur la concentration au cours du temps aura tendance à

beaucoup diminuer. La Figure 6 et la Figure 7 mettent en avant cette remarque pour différents

milieux.

Proportionnellement aux poids des autres variables, le poids du pourcentage massique

d’oxyde est toujours supérieur dans le cas du bore que dans celui du silicium car l’incertitude-type

sur la composition du verre est 7,5 fois plus importante pour le bore que pour le silicium.

(a)0% 20% 40% 60% 80% 100%

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

Ech

éanc

e

Part de variance totale de chaque variable (%)

S BET

% m SiO2

C Si

(b)0% 20% 40% 60% 80% 100%

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

Ech

éanc

e

Part de variance totale de chaque variable (%)

S BET

% m B2O3

C0 B

C B

Figure 6. Part de la variance des variables majeures en fonction des échéances (a) pour le silicium et (b) pour

le bore pour le test CS1-50 (verre CSD-B altéré en solution 1 à 50°C pendant 9 jours).

(c)

0% 20% 40% 60% 80% 100%

1

2

3

4

5

6

7

8

Ech

éanc

e

Part de variance totale de chaque variable (%)

S BET

% m SiO2

C0 Si

C Si

(d)

0% 20% 40% 60% 80% 100%

1

2

3

4

5

6

7

8

Ech

éanc

e

Part de variance totale de chaque variable (%)

S BET

% m B2O3

C0 B

C B

Figure 7. Part de la variance des variables majeures en fonction des échéances (a) pour le silicium et (b) pour

le bore pour le test C13-50 (verre CSD-B altéré en eau pure à pH ajusté à 12,6 à 50°C pendant 1 jour).

La part de la variance de la concentration dans le cas du bore est beaucoup plus importante

que dans celui du silicium. Une des raisons principales est que la concentration en silicium en

solution est environ 5 fois plus importante que celle du bore.

Page 321: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

321

En régime initial, la part de variance de chacun des paramètres varie au cours des

échéances alors qu’en régime de chute de vitesse, pour chaque test, il est possible de déterminer

des parts de variance fixes au cours du temps.

Il s’avère relativement complexe de faire des interprétations sur l’ensemble des résultats

obtenus dans ce régime car de façon assez systématique, il existe un contre-exemple. Néanmoins,

quelques conclusions peuvent être données :

- la part de variance de la concentration diminue au cours des échéances,

- la part de variance de la concentration initiale doit être prise en compte lorsque le rapport

des écarts-types de Ci et C0i est inférieur à 1,

- la part de variance de la concentration à la dernière échéance est très faible, voire

négligeable dans le cas du silicium.

En régime initial, 4 variables principales doivent être prises en compte dans le calcul

d’estimation d’incertitude sur la perte de masse normalisée, à savoir, la surface spécifique BET,

le pourcentage massique d’oxyde, la concentration en l’élément considéré mais également la

concentration dans le blanc de l’élément considéré. Cette dernière variable doit être considérée

car les concentrations analysées sont très faibles dans ce régime d’altération, son poids n’étant

alors plus négligeable.

Incertitude sur les pertes de masse normalisées en régime initial

Contrairement au régime de chute de vitesse, les coefficients de variation des pertes de

masse normalisées ne sont pas constants pour un élément considéré. Comme il avait été souligné

précédemment, la concentration est la variable clé dans les variations de l’incertitude relative pour

un élément donné. Dans le cas du régime initial, les incertitudes sur les concentrations sont

calculées pour chaque concentration, il ne s’agit pas de gamme de concentrations comme en ICP.

Les incertitudes relatives diminuent avec les échéances de temps (Figure 8 et Tableau 6 ; Figure 9 et

Tableau 7). Les cas présentés ci-dessous permettent de mettre en évidence une relation entre la

concentration et l’incertitude relative en fonction des échéances. En effet, l’incertitude relative sur

la perte de masse normalisée diminue jusqu’à, en général, une valeur minimale proche de celle

donnée dans le Tableau 4.

Dans le cas de la perte de masse normalisée sur le silicium, l’incertitude relative finale est

proche de 10,2 %. Dans le cas du bore, il est proche de 17 %.

Page 322: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

322

0% 20% 40% 60% 80% 100%

1

2

3

4

5

6

7

8

Ech

éanc

e

Part de variance totale de chaque variable (%)

S BET

% m SiO2

C Si

Temps NL(Si)

(g.m2.j-1)

u(NL(Si))

(g.m2.j-1)

Incertitude

relative (%)

t1 0,01 0,03766 0,0028 14,7

t2 0,02 0,04595 0,0031 13,3

t3 0,03 0,05482 0,0034 12,4

t4 0,04 0,06295 0,0037 11,8

t5 0,05 0,06870 0,0039 11,5

t6 0,06 0,07390 0,0042 11,3

t7 0,07 0,08125 0,0045 11,0

t8 0,09 0,08983 0,0048 10,8

Figure 8. Part de la variance des variables

majeures en fonction des échéances pour le test

S12-50.

Tableau 6. Evolution des pertes de masse normalisées

en silicium, des incertitudes-types composées et de

l’incertitude relative pour le test S12-50.

0% 20% 40% 60% 80% 100%

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

Ech

éanc

e

Part de variance totale de chaque variable (%)

S BET

% m B2O3

C0 B

C B

Temps NL(B)

(g.m2.j-1)

u(NL(B))

(g.m2.j-1)

Incertitude

relative (%)

t1 0,2 0,0297 0,0103 69,5

t2 0,2 0,0383 0,0104 54,4

t3 0,3 0,0363 0,0104 57,3

t4 1,2 0,1099 0,0131 23,8

t5 2,0 0,2043 0,0158 15,5

t6 5,2 0,4620 0,0370 16,0

t7 6,3 0,5220 0,0423 16,2

t8 7,3 0,5641 0,0460 16,3

t9 8,2 0,6144 0,0505 16,4

t1

0 9,1 0,6493 0,0537

16,5

Figure 9. Part de la variance des variables

majeures en fonction des échéances pour le test

CS1-50.

Tableau 7. Evolution des pertes de masse normalisées en

bore, des incertitudes-types composées et de

l’incertitude relative pour le test CS1-50.

Page 323: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

323

Estimation de l’incertitude sur la concentration mesurée en

spectrophotomètre UV-Visible

Les quatre étapes successives du processus d’estimation de l’incertitude détaillées au

paragraphe 6.5 ont été suivies. Trois sources d’incertitudes majeures ont été identifiées, à savoir :

- l’incertitude sur l’étalon, liée la préparation des solutions étalons et les dilutions associées,

- l’incertitude sur l’étalonnage correspondant à l’incertitude sur les concentrations prédites

à un niveau donné,

- l’incertitude du kit de dosage.

Dans un premier temps, l’incertitude sur l’étalon a été exprimée. Afin de quantifier les

composantes de l’incertitude, il est nécessaire de réaliser un bloc-diagramme qui rend compte des

étapes successives réalisées au cours de l’expérience. La préparation des solutions étalons pour

réaliser l’étalonnage s’effectue par deux dilutions successives. Les dilutions sont réalisées par

pesée.

Le premier terme de l’équation (1) correspond à la tare de la bouillotte avant l’ajout de la

solution mère étalon ( 2 car 2 pesées sur la bouillotte). La solution mère est obtenue par dilution

d’une masse refm de solution mère étalon de concentration refC et dilué à la masse finale de

solution 1fm .

Les étalons, ou solutions filles, sont ensuite obtenus par dilution à partir de cette solution

mère (2). La procédure est la même, la solution fille est obtenue par dilution d’une masse im de

solution mère et diluée à la masse finale de solution 2fm .

L’incertitude-type de l’étalon )( étalonétalon Cu est donnée par l’équation (3). Pour chacun des

cinq étalons préparés, une incertitude-type est calculée. La valeur )( étalonétalon Cu la plus grande des

cinq a été choisie pour être incrémentée au calcul d’incertitude-type de la concentration et ainsi la

majorer.

2

1

1

22

01

01)()()(2)(

+

+

⋅=

f

f

ref

ref

m

m

m

mu

m

mu

m

mu

C

Cu (1)

2

2

2

22

02

02)()()(2)(

+

+

⋅=f

f

i

i

f

f

m

mu

m

mu

m

mu

C

Cu (2)

Page 324: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

324

(3)

Les solutions mères étalons en silicium comme en bore sont certifiées à ±refC 0,5 % avec un

niveau de confiance à 95 %.

L’incertitude-type composée sur la concentration est obtenue par l’équation suivante :

(4)

où l’incertitude sur la concentration liée à l’étalonnage )(Cuétalonnage est obtenue, à l’aide du

logiciel LUMIERE©, en utilisant la fonction « Prévisions/Etalonnage » avec un niveau de confiance

à 95 %. L’incertitude sur la concentration liée au kit de dosage est de ± 0,041 mg.L-1.

Une estimation de l’incertitude sur l’étalon a été calculée pour les cinq étalons. Le protocole

de préparation des étalons exposés ci-dessus étant systématiquement le même, la plus grande

valeur de l’incertitude sur la concentration (1 g.L-1) est une valeur majorante. C’est cette valeur qui

a été prise pour tous les calculs de uc(C). Les incertitudes sur l’étalon )(Cuétalon et sur le kit

)(CukitUV sont donc fixes. Pour chaque expérience réalisée, l’incertitude-type sur la concentration

uc(C) varie avec l’incertitude sur l’étalonnage )(Cuétalonnage . La valeur de l’incertitude-type sur la

concentration est ensuite implémentée dans le tableur pour estimer l’incertitude-type sur la perte

de masse normalisée.

222)()()()(

+

+

=

f

f

m

m

ref

ref

étalon

étalonétalon

C

Cu

C

Cu

C

Cu

C

Cu

222 )()()()( CuCuCuCu kitUVétalonnageétalonc ++=

Page 325: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

325

ANNEXE D : Spectroscopie des Photoélectrons X

Principe de la méthode

La spectroscopie XPS est basée sur la mesure de l’énergie cinétique des photoélectrons

éjectés de l’échantillon sous l’impact de rayons X d’énergie hν connue et de l’ordre du KeV.

Une fois l’échantillon placé dans le sas d’introduction et le vide réalisé (10-7 mbar),

l’échantillon est transféré en chambre d’analyse. Le matériau est irradié par une source de

rayons X, (raies d’émission Kα du magnésium ou de l'aluminium, respectivement à 1253,6 et

1486,6 eV). Les photons interagissent essentiellement avec les électrons du cortège électronique des

atomes subissant :

- une diffusion inélastique avec les électrons de valence,

- une absorption par effet photoélectrique.

Figure 10. Schéma de principe d'un ensemble de spectrométrie de photoélectrons X. (1) Tube à rayons X ; (2)

Echantillon ; (3) Système de focalisation électronique ; (4) Spectromètre ; (5) Détecteur à électrons

(channeltron) ; (6) Système d'acquisition et de traitement des données. (Institut Rayonnement Matière de

Saclay).

Cet effet correspond à l’interaction entre le photon et un électron de cœur : le photon

disparaît en cédant la totalité de son énergie à l’électron qui est éjecté de son orbitale. Un système

de lentille attire l’électron vers un analyseur hémisphérique constitué de deux électrodes.

L’électron en entrant dans l’analyseur est soumis à un champ électrique, créé par la différence de

potentiel entre les électrodes, qui disperse la trajectoire des électrons en fonction de leur énergie

cinétique (Figure 10). La mesure de l’énergie cinétique de l’électron permettra de connaître

l’énergie de liaison de l’électron dans l’atome.

D’après le principe de la conservation de l’énergie de l’effet photoélectrique, l’énergie hν

des photons incidents se répartit entre Ei, l’énergie d’ionisation correspondant à l’éjection d’un

électron d’une orbitale de cœur de l’atome, Ecin, l’énergie cinétique communiquée au photoélectron

émis et sortieφ, travail de sortie de l’électron de l’échantillon :

Page 326: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

326

sortiecini EEh φν ++=

L’énergie d’excitation hν et le travail de sortie étant connus, la mesure de l’énergie cinétique

Ecin des photoélectrons permet de déterminer Ei. L’énergie d’ionisation est aussi appelée énergie de

liaison EL, elle correspond l’énergie à fournir pour éjecter un électron d’une orbitale atomique.

Utilisation de l’XPS pour l’étude de l’altération de monolithes de verre :

Lors de l’analyse de matériaux isolants, comme c’est le cas du verre, l’émission des

photoélectrons laisse des charges résiduelles positives sur la surface. Cet effet de charge ralentit les

photoélectrons et déplace donc les énergies de liaisons mesurées vers des valeurs plus élevées.

Pour compenser cet effet de charge, la surface de l‘échantillon est en général neutralisée par flood

gun. Cette technique consiste à irradier la surface du matériau par un faisceau d’électrons de faible

énergie (inférieur à 10 eV)1. La mesure de la valeur de l'effet de charge s'effectue en utilisant un

étalon interne ou externe, ici on utilise la raie principale de l’or, Au 4f 7/2.

Un autre point important concernant l’analyse de monolithes de verre altéré est la prise en

compte du libre parcours moyen dans les coefficients de sensibilité. La distance parcourue par les

électrons avant d’atteindre la surface dépend de plusieurs paramètres dont les principaux sont :

l’énergie initiale de l’électron et la nature du milieu que cet électron traverse, notamment la

variation de densité. Puisque l’énergie cinétique des électrons caractérise l’état chimique de

l’atome, il devient intéressant de connaître la distance qu'un électron peut parcourir sans changer

d'énergie cinétique. On appelle libre parcours moyen la distance parcourue par un électron entre

deux chocs inélastiques. Lors du traitement des données quantitatives, à chaque élément et sa raie

associée, des facteurs de sensibilité sont attribués, il s’agit des facteurs de Wagner. Ces facteurs, à la

différence de ceux de Scofield, tiennent compte du libre-parcours moyen parcouru par un électron.

Traitement des données

Des analyses semi-quantitatives peuvent être extraites des spectres XPS normalisés en se

basant sur la hauteur des pics et sur la surface sous les pics. L'identification de l'état chimique d'un

élément peut être obtenue à partir de la mesure exacte de la position des pics et de leurs

séparations en énergie.

Le logiciel AVANTAGE v2.18 permet de traiter des spectres. La surface sous le pic est

calculée après retrait du fond continu suivant le modèle de Shirley. Les échantillons ont subi tout

d’abord un balayage global en énergie (survey) puis à des énergies bien définie pour chaque

élément, des accumulations de mesure sur les pics principaux sont effectués de manière à obtenir

des spectres à haute résolution énergétique.

1 Huchital D.A. and McKeon R.T., 1972, Use of an Electron Flood Gun to Reduce Surface Charging in X-Ray

Photoelectron Spectroscopy. Vol. 20: AIP. 158-159.

Page 327: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

327

Il est possible de réaliser une analyse semi-quantitative en utilisant l’équation suivante qui

donne l’expression de la concentration atomique :

∑=

ii

iii FS

FSCat

avec Cati la concentration atomique en élément i

Si la surface sous le pic attribué à l’élément i

Fi le facteur de sensibilité pour l’élément i et pour le niveau énergétique considéré pour la mesure

de Si. Dans cette étude, les facteurs de sensibilité utilisés sont ceux donnés par Wagner et al.2.

2 Wagner C.D., et al., 1979, Handbook of x-ray photoelectron spectroscopy, ed. E.G.E. Muilenberg. Minnesota.

Page 328: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

328

ANNEXE E : Tableaux de résultats détaillés – Chapitre IV

Vitesses initiales en eau à pH ajusté du verre CSD-B altéré sur une gamme de pH variant de 3 à 11,7 à 50 °C.

IC est l’intervalle de confiance à 95 % associé à la vitesse initiale en eau à pH ajusté.

pH Manip V(Si) u(v) k*u(v) IC (%) V(Si) min V(Si) max 3 0-3 0,0178 0,0044 8,79E-03 49,28 0,009 0,027 Si icp 0,2493 0,0215 4,30E-02 17,23 0,206 0,292 B icp 0,2307 0,0160 3,19E-02 13,84 0,199 0,263 Li icp 0,0240 0,0005 1,04E-03 4,33 0,023 0,025 Si uv 4 0-4 0,0096 0,0001 2,88E-04 3,00 0,009 0,010 Si uv 0,0111 0,0002 4,42E-04 3,97 0,011 0,012 Si icp 5 0-5 0,0059 0,0003 5,92E-04 10,11 0,005 0,006 Si uv 0,0069 0,0004 8,11E-04 11,81 0,006 0,008 Si icp 6 0-6 0,0060 0,0005 9,05E-04 15,03 0,005 0,007 Si uv 0,0068 0,0004 8,92E-04 13,21 0,006 0,008 Si icp 7 0-7 0,0072 0,0011 2,26E-03 31,40 0,005 0,009 Si icp 0,0667 0,0034 6,87E-03 10,29 0,060 0,074 B icp 0,0713 0,0054 1,08E-02 15,13 0,061 0,082 Li icp 0,0112 0,0007 1,33E-03 11,93 0,010 0,013 Si uv 8 0-8 0,0317 0,0012 2,43E-03 7,65 0,029 0,034 Si uv 0,0331 0,0010 2,01E-03 6,06 0,031 0,035 Si icp 9 0-9 0,0933 0,0051 1,02E-02 10,90 0,083 0,103 Si uv 0,1012 0,0045 9,08E-03 8,98 0,092 0,110 Si icp

10 0-10 0,2780 0,0037 7,38E-03 2,66 0,271 0,285 Si uv 0,3014 0,0017 3,32E-03 1,10 0,298 0,305 Si icp

11,7 0-11,7 0,5884 0,0450 9,00E-02 15,30 0,498 0,678 Si icp 0,5424 0,0229 4,58E-02 8,44 0,497 0,588 B icp 0,7807 0,0867 1,73E-01 22,22 0,607 0,954 Li icp 0,6152 0,0867 1,73E-01 28,20 0,442 0,789 Si uv

Vitesses initiales du verre CSD-B altéré dans différentes concentration de calcium sur une gamme de pH

variant de 7 à 11,7 à 50 °C. IC est l’intervalle de confiance à 95 % associé à la vitesse initiale.

pH Manip V(Si) u(v) k*u(v) IC (%) V(Si) min V(Si) max 3 5_3 0,0955 0,0036 7,26E-03 7,61 0,088 0,103 Si icp 50-3 0,0937 0,0048 9,54E-03 10,18 0,084 0,103 Si icp 7 5_7 0,0346 0,0010 2,03E-03 5,89 0,033 0,037 Si icp 50-7 0,0449 0,0010 2,03E-03 4,53 0,043 0,047 Si icp

10,5 5-10,5 0,5014 0,0153 3,07E-02 6,12 0,471 0,532 Si icp 0,4857 0,0141 2,82E-02 5,81 0,457 0,514 B icp 0,5806 0,0693 1,39E-01 23,87 0,442 0,719 Li icp

11 5_11 0,5666 0,0140 2,80E-02 4,95 0,539 0,595 Si icp 0,5568 0,0176 3,53E-02 6,34 0,521 0,592 B icp 0,6081 0,1037 2,07E-01 34,10 0,401 0,816 Li icp

11,7 5-11,7 0,4130 0,0204 4,08E-02 9,87 0,372 0,454 Si icp 0,3827 0,0087 1,74E-02 4,56 0,365 0,400 B icp 0,4212 0,2188 4,38E-01 103,91 -0,016 0,859 Li icp

11,7 50-11,7 0,2037 0,0033 6,64E-03 3,26 0,197 0,210 Si icp

Page 329: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

329

Vitesses initiales du verre CSD-B altéré dans 150 mg.L-1 de calcium sur une gamme de pH variant de 3 à 11,7

à 50 °C. IC est l’intervalle de confiance à 95 % associé à la vitesse initiale.

pH Manip V(Si) u(v) k*u(v) IC (%) V(Si) min V(Si) max 3 150-3 0,0469 0,0068 1,37E-02 29,20 0,033 0,061 Si icp 0,2997 0,0322 6,43E-02 21,47 0,235 0,364 B icp 0,2724 0,0386 7,71E-02 28,30 0,195 0,350 Li icp 0,0446 0,0020 4,01E-03 9,00 0,041 0,049 Si uv 4 150-4 0,0166 0,0011 2,29E-03 13,79 0,014 0,019 Si uv 0,0128 0,0002 4,60E-04 3,58 0,012 0,013 Si icp 5 150-5 0,0169 0,0011 2,18E-03 12,91 0,015 0,019 Si uv 0,0178 0,0007 1,39E-03 7,81 0,016 0,019 Si icp 6 150-6 0,0256 0,0015 2,92E-03 11,38 0,023 0,029 Si uv 0,0274 0,0013 2,66E-03 9,70 0,025 0,030 Si icp 7 150-7 0,0493 0,0177 3,55E-02 71,98 0,014 0,085 Si icp 0,0510 0,0035 6,99E-03 13,70 0,044 0,058 B icp 0,0631 0,0046 9,17E-03 14,53 0,054 0,072 Li icp 0,0537 0,0034 6,87E-03 12,79 0,047 0,061 Si uv 8 150-8 0,1519 0,0029 5,88E-03 3,87 0,146 0,158 Si uv 0,1646 0,0050 1,00E-02 6,10 0,155 0,175 Si icp 9 150-9 0,3059 0,0108 2,16E-02 7,05 0,284 0,327 Si uv 0,3273 0,0122 2,44E-02 7,44 0,303 0,352 Si icp

10 150-10 0,4973 0,0062 1,23E-02 2,48 0,485 0,510 Si icp 0,4798 0,0074 1,49E-02 3,10 0,465 0,495 B icp 0,6031 0,0592 1,18E-01 19,63 0,485 0,721 Li icp 0,5408 0,0153 3,07E-02 5,67 0,510 0,571 Si uv 10,5 150-10,5 0,5972 0,0271 5,42E-02 9,08 0,543 0,651 Si icp

0,5664 0,0179 3,57E-02 6,31 0,531 0,602 B icp 0,6224 0,0227 4,54E-02 7,30 0,577 0,668 Li icp 0,4351 0,0476 9,53E-02 21,90 0,340 0,530 Si uv

11 150-11 0,4003 0,0090 1,80E-02 4,50 0,382 0,418 Si icp 0,3780 0,0085 1,71E-02 4,52 0,361 0,395 B icp 0,4485 0,0057 1,14E-02 2,55 0,437 0,460 Li icp 0,2701 0,0137 2,74E-02 10,13 0,243 0,297 Si uv 11,7 150-11,7 0,0898 0,0102 2,03E-02 22,61 0,070 0,110 Si icp

0,1170 0,0211 4,21E-02 36,00 0,075 0,159 B icp 0,2021 0,1066 2,13E-01 105,52 -0,011 0,415 Li icp 0,0902 0,0027 5,34E-03 5,92 0,085 0,096 Si uv

Page 330: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

330

ANNEXE F : Spectroscopie des Photoélectrons X

Préparation de l’échantillon et acquisition des données

Dans le cas de la caractérisation de pellicule d’altération, le verre fracturé est introduit

directement dans la solution d’altération puis il est plongé dans de l’éthanol pour éviter tout

contact avec l’air ambiant, en attente d’être caractérisé.

Les spectres obtenus sont étalonnés par rapport à la raie principale de l’or, Au 4f 7/2 (84 eV).

L’effet de charge sur la surface de verre est d’environ + 4 eV pour le verre VS. Sur chaque

échantillon, un premier spectre complet est enregistré entre 0 et 1200 eV pour visualiser tous les

pics utiles. Afin d’obtenir une meilleure précision, les fenêtres en énergie ont été réduites pour

chaque élément sélectionné. Elles sont centrées sur la valeur moyenne du pic dans une gamme

pouvant varier de 4 à 12 eV suivant l’élément considéré. Les spectres sont enregistrés en mode

haute résolution (E = 0,4 eV). Pour le verre fracturé sain et altéré, l’ensemble des spectres sont en

présentés ci-dessous.

Les facteurs de sensibilité utilisés sont ceux de Wagner3. Pour le sodium, la raie principale

est la raie Na 1s (1072 eV). Cependant, en considérant cette raie, le pourcentage atomique de

sodium dans le verre est fortement sous-estimé. Les facteurs de sensibilité pour la raie Na 1s étant

de 2,3 (comparativement à la raie Na 2s qui est de 0,3), la quantité de sodium estimée correspond à

une épaisseur équivalente beaucoup plus faible. C’est la raie Na 2s qui est donc prise en compte.

3 Wagner C.D., et al., 1982, Auger and photoelectron line energy relationships in aluminum-oxygen and

silicon-oxygen compounds. Vol. 21: AVS. 933-944.

Page 331: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

331

Verre VS fracturé sain

Page 332: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

332

Page 333: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

333

Verre VS fracturé altéré

Page 334: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

334

Page 335: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

335

ANNEXE G : Diffractogrammes des rayons X – Chapitre V

SS2P-30

00-005-0586 (*) - Calcite, syn - CaCO3 - Y: 0.79 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Hexagonal (Rh) - a 4.98900 - b 4.98900 - c 17.06200 - alpha 90.000 - beta 90.000 - gamma 120.000 - Primitive - R-3c (167) - 6 - 367.780 - I/Ic PDF 2. - F30= 57(0.001-070-2480 (C) - Calcium Boron Hydroxide Hydrate - Ca(B(OH)4)2(H2O)2 - Y: 1.80 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Monoclinic - a 8.04000 - b 6.69000 - c 7.95000 - alpha 90.000 - beta 104.900 - gamma 90.000 - Primitive - P2/c (13) - 2 - 413.2300-041-0221 (*) - Calcium Aluminum Oxide Carbonate Hydroxide Hydrate - Ca4Al2O6(CO3)0.5(OH)·11.5H2O/3CaO·Al2O3·0.5Ca(OH)2·0.5CaCO3·11. - Y: 6.25 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Hexagonal (Rh) - a 5.76700 - b 5.76700 - c 49.209000-047-0419 (*) - Calcium Aluminum Borate Hydroxide Hydrate - Ca6Al2[B(OH)4]3.8(OH)14.2·20H2O - Y: 5.28 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Hexagonal - a 11.02200 - b 11.02200 - c 21.38000 - alpha 90.000 - beta 90.000 - gamma 120.000 - Pr00-004-0733 (I) - Portlandite, syn - Ca(OH)2 - Y: 12.50 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Hexagonal - a 3.59300 - b 3.59300 - c 4.90900 - alpha 90.000 - beta 90.000 - gamma 120.000 - Primitive - P-3m1 (164) - 1 - 54.8830 - I/Ic PDF 1.4 - F28= 14(Operations: X Offset -0.131 | Background 0.000,1.000 | ImportFile: X12-271 ASS2-30s.raw - Type: 2Th/Th locked - Start: 3.010 ° - End: 59.997 ° - Step: 0.017 ° - St ep time: 2. s - Temp.: 25 °C (Room) - Time Started: 0 s - 2-Theta: 3.010 ° - Theta: 1.505 ° - Phi: 0.0 0 ° - Aux1: 0.0 - Aux2: 0.0 - Aux3: 0.0 - Di

Lin

(Cou

nts)

0

10000

20000

30000

2-Theta - Scale

5 10 20 30 40 50 60

SS2P-50

01-086-0174 (C) - Calcite - synthetic - Ca(CO3) - Y: 6.25 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Hexagonal (Rh) - a 4.98800 - b 4.98800 - c 17.06800 - alpha 90.000 - beta 90.000 - gamma 120.000 - Primitive - R-3c (100-041-0219 (*) - Calcium Aluminum Oxide Carbonate Hydrate - Ca4Al2O6CO3·11H2O/3CaO·Al2O3·CaCO3·11H2O - Y: 2.65 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Triclinic - a 5.78300 - b 5.74400 - c 7.85600 - alph01-072-0156 (C) - Portlandite, syn - Ca(OH)2 - Y: 12.50 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Hexagonal - a 3.58530 - b 3.58530 - c 4.89500 - alpha 90.000 - beta 90.000 - gamma 120.000 - Primitive - P-3m1 (164) - 01-070-2480 (C) - Calcium Boron Hydroxide Hydrate - Ca(B(OH)4)2(H2O)2 - Y: 10.55 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Monoclinic - a 8.04000 - b 6.69000 - c 7.95000 - alpha 90.000 - beta 104.900 - gamma 90.Operations: Background 0.026,1.000 | ImportFile: X12-269 ASS2-50s.raw - Type: 2Th/Th locked - Start: 3.010 ° - End: 59.997 ° - Step: 0.017 ° - St ep time: 2. s - Temp.: 25 °C (Room) - Time Started: 0 s - 2-Theta: 3.010 ° - Theta: 1.505 ° - Phi: 0.0 0 ° - A

Lin

(Cou

nts)

0

10000

20000

30000

40000

50000

2-Theta - Scale

5 10 20 30 40 50 60

Page 336: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

336

SS1P-50

01-086-0174 (C) - Calcite - synthetic - Ca(CO3) - Y: 3.13 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Hexagonal (Rh) - a 4.98800 - b 4.98800 - c 17.06800 - alpha 90.000 - beta 90.000 - gamma 120.000 - Primitive - R-3c (101-070-2480 (C) - Calcium Boron Hydroxide Hydrate - Ca(B(OH)4)2(H2O)2 - Y: 6.25 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Monoclinic - a 8.04000 - b 6.69000 - c 7.95000 - alpha 90.000 - beta 104.900 - gamma 90.000-044-1481 (*) - Portlandite, syn - Ca(OH)2 - Y: 50.00 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Hexagonal - a 3.58990 - b 3.58990 - c 4.91600 - alpha 90.000 - beta 90.000 - gamma 120.000 - Primitive - P-3m1 (164) - Operations: Background 0.000,1.000 | ImportFile: X12-269 ASS2-50s.raw - Type: 2Th/Th locked - Start: 3.010 ° - End: 59.997 ° - Step: 0.017 ° - St ep time: 2. s - Temp.: 25 °C (Room) - Time Started: 0 s - 2-Theta: 3.010 ° - Theta: 1.505 ° - Phi: 0.0 0 ° - A

Lin

(Cou

nts)

0

10000

20000

30000

40000

50000

2-Theta - Scale

5 10 20 30 40 50 60

SS1P-30

00-005-0586 (*) - Calcite, syn - CaCO3 - Y: 3.13 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Hexagonal (Rh) - a 4.98900 - b 4.98900 - c 17.06200 - alpha 90.000 - beta 90.000 - gamma 120.000 - Primitive - R-3c (167) - 6 -00-041-0219 (*) - Calcium Aluminum Oxide Carbonate Hydrate - Ca4Al2O6CO3·11H2O/3CaO·Al2O3·CaCO3·11H2O - Y: 3.13 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Triclinic - a 5.78300 - b 5.74400 - c 7.85600 - alph01-072-0156 (C) - Portlandite, syn - Ca(OH)2 - Y: 12.50 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Hexagonal - a 3.58530 - b 3.58530 - c 4.89500 - alpha 90.000 - beta 90.000 - gamma 120.000 - Primitive - P-3m1 (164) - 00-047-0419 (*) - Calcium Aluminum Borate Hydroxide Hydrate - Ca6Al2[B(OH)4]3.8(OH)14.2·20H2O - Y: 6.25 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Hexagonal - a 11.02200 - b 11.02200 - c 21.38000 - alpha 90.000Operations: X Offset -0.073 | X Offset -0.058 | Background 1.000,1.000 | ImportFile: X12-270 ASS1-30s.raw - Type: 2Th/Th locked - Start: 3.010 ° - End: 59.997 ° - Step: 0.017 ° - St ep time: 2. s - Temp.: 25 °C (Room) - Time Started: 0 s - 2-Theta: 3.010 ° - Theta: 1.505 ° - Phi: 0.0 0 ° - A

Lin

(Cou

nts)

0

10000

20000

30000

2-Theta - Scale

5 10 20 30 40 50 60

Page 337: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

337

ANNEXE H : Expérience d’altération à échelle 1 - ALISE

L’altération du verre en solution cimentaire S1 à 50 °C conduit à la précipitation de

zéolithes, ce qui engendre soit le maintien d’une vitesse résiduelle élevée, soit un régime de reprise

d’altération. Dans le chapitre VI, nous étudions à l’échelle du laboratoire les mécanismes

responsables de la formation des zéolithes et leurs conséquences sur la durabilité du verre. Nous

avons montré que le rapport S/V était responsable, via l’atteinte d’un état de sursaturation, de la

compétition entre la formation d’un gel passivant et la nucléation / croissance des zéolithes. Les

phénomènes limitants ne sont alors pas les mêmes au cours de l’altération.

L’objectif de cette annexe est de suivre l’altération d’un colis de verre à l’échelle 1en creuset

froid dans les mêmes conditions que celles utilisées au laboratoire (solution S1) et de voir si les

expériences à ces deux échelles sont cohérentes :

- Y a-t-il précipitation de zéolithes ?

- Quel type de cinétique observe-t-on ?

- Les mécanismes mis en évidence à l’échelle du laboratoire sont-ils observés à l’échelle 1 ?

Conditions expérimentales

Un appareillage à échelle 1, dénommé ALISE4, consiste à altérer en condition statique un

bloc de verre (coulé dans un panier perforé en acier inoxydable) dans un très faible volume de

solution à température fixe. La Figure 11 (a) présente un schéma de principe du montage d’ALISE.

(a) (b)

Figure 11. (a) Schéma de montage d’ALISE. (b) Introduction du gros bloc dans la cuve d’ALISE.

Le lancement de l’essai ALISE date du 22 avril 2010 (Figure 11 (b)), il se poursuit toujours

deux ans plus tard. Le bloc de verre utilisé avait été prélixivié en Soxhlet5 durant 4 jours. Il pèse 332

4 ALISE : Appareillage de LIxiviation Statique Electrique

5 L’appareillage de type « Soxhlet Gros Bloc » permet l’altération d’un bloc de verre à 100 °C en conditions de

renouvellement constant de la solution.

Page 338: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

338

kg et est lixivié en présence d’un volume initial de 39 L de solution S1 à 50°C. Le volume d’eau

n’est pas compensé par réajustement. Une pompe permet d’homogénéiser la solution avant

d’effectuer un prélèvement.

Le suivi consiste à vérifier le maintien de la température au niveau de trois thermocouples et à

réaliser des prélèvements de quelques millilitres régulièrement. Après filtration à 0,45 µm (filtre-

seringue GHP) et acidification, les solutions sont analysées par ICP-AES. Les éléments dosés sont

les suivants : Si, B, Na, Li, Mo, Al, Ca, K. Un prélèvement de solide a également été réalisé.

Cinétique d’altération d’un colis

Les Figure 12 et Figure 12 rendent compte de l’évolution des quantités de verre altéré

jusqu’à 100 jours et 693 jours d’altération respectivement.

0

10

20

30

40

50

60

0 20 40 60 80 100

Temps (j)

QV

Ai (

g)

0

10

20

30

40Si BLi MoAl

[Ca]

(m

g.L

-1)

Figure 12. Evolution des quantités de verre altéré jusqu’à 100 jours d’altération et de la concentration en

calcium de la solution à 50 °C.

L’évolution des quantités de verre altéré par élément rend compte d’une part que le

calcium, initialement présent en solution en quantité importante, a été très majoritairement

consommé et d’autre part, qu’une chute de vitesse a lieu après environ 40 jours d’altération (Figure

12). Notons que dans les premiers jours, le relâchement du silicium et du bore est congruent puis

après 40 jours, l’écart entre les quantités de verre altéré en silicium et en bore devient plus

important.

Entre 168 et 265 jours d’altération, une variation notable des quantités de verre altéré en

bore, en silicium et en aluminium est visible (Figure 13). Les quantités de verre altéré en bore, en

molybdène et en lithium augmentent alors que celle en aluminium diminue. Ces cinétiques

globales indiquent qu’une reprise d’altération se produit. Cette reprise est progressive et se

poursuit à 700 jours. Contrairement aux essais en laboratoire, le lithium n’est pas retenu dans les

phases secondaires, il reste traceur de l’altération au même titre que le molybdène ou encore le

bore. Il convient de noter également que le pH ne varie presque pas : il se maintient à environ

12,45 ± 0,2.

Page 339: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

339

0

40

80

120

160

200

240

280

320

0 100 200 300 400 500 600 700

Temps (j)

QV

Ai (

g)

Si BAl MoLi

Figure 13. Evolution des quantités de verre altéré jusqu’à 693 jours d’altération.

Le Tableau 8 donne les vitesses d’altération en gramme de verre par jour pour la période

antérieure à la chute de vitesse et pendant la reprise d’altération. Quel que soit l’élément considéré,

ces deux vitesses sont du même ordre de grandeur. Pour le molybdène qui est l’élément le plus

relâché, la vitesse avant 30 jours d’altération est supérieure d’un facteur 1,6.

Tableau 8. Vitesses d’altération du bloc de verre déterminées pour deux intervalles de temps, avant la chute

de vitesse et pendant la reprise d’altération.

Intervalle

de temps V(Si)

(g.j-1)

V(B)

(g.j-1)

V(Li)

(g.j-1) V(Mo)

(g.j-1)

< 30 j 0,56 0,68 0,89 0,89

> 403 j 0,18 0,48 0,47 0,54

Jusqu’à présent, la reprise d’altération se poursuit à vitesse constante. Il serait intéressant

dans les prochaines échéances de voir l’impact de la diminution de la teneur en aluminium sur

l’évolution des cinétiques globales.

Caractérisation du solide

Un prélèvement de solide a été réalisé à 475 jours d’altération pour caractériser la pellicule

d’altération et mettre en évidence la présence éventuelle de phases secondaires.

Les observations MEB montrent la présence de cristaux de zéolithes à l’interface verre / solution au

niveau de la surface supérieure du bloc (Figure 14 et Figure 15). Dans les fissures, quelques

cristaux disparates se trouvent dans la zone la plus large de la fissure.

Cette phase a été identifiée par DRX comme étant une zéolithe de type chabazite, essentiellement

constituée de silicium, d’aluminium, de potassium et dans une moindre mesure de sodium (Figure

15). Sa morphologie sous forme de sphérules est différente de celle des phases observées dans les

essais en laboratoire (Figure 15).

Page 340: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

340

(a) (b)

Figure 14. Morceau de verre prélevé : (a) face externe et (b) face interne au bloc de verre. L’existence d’une

couche brunâtre est clairement visible sur la face externe du morceau de verre.

Figure 15. Morphologie des cristaux de zéolithes tapissant la surface du bloc de verre en contact direct avec

la solution et analyse EDS au MEB des éléments majoritaires constitutifs de cette phase.

La caractérisation de la pellicule d’altération révèle que celle-ci est constituée de différentes

couches (Figure 16) :

- en surface de l’échantillon se trouve une couche uniforme formant un tapis de cristaux de

zéolithes,

- sous ce tapis de zéolithes se trouve une sous-couche d’environ 500 nm d’épaisseur, riche

en Si, K, Fe, Al, Ca, Mn et Ce (Figure 17),

- entre cette sous-couche et le verre sain se trouve une couche de gel d’épaisseur comprise

entre 10 et 15 µm, riche en Si, Al, K, Ca et Fe avec un peu de Na (Figure 17).

Page 341: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

341

Figure 16. Couche brunâtre observée au MEB (a) a l’endroit et (b) à l’envers. Différentes couches sont

distinguables.

Le gel semble constitué de deux couches (Figure 17) et apparaît très poreux. Il semble qu’au

sein de la couche de gel existent également des sortes de canaux visibles sur la Figure 16 (b).

Figure 17. Esquille de gel et de la sous-couche observée au MEB. Analyse EDS sur ces deux couches : (a) sous-

couche et (b) gel.

Un schéma représentant les différentes couches est proposé en Figure 18 à partir de

l’observation directe au MEB de trois échantillons.

b a

a b

a

b

Page 342: Thèse présentée pour obtenir le grade de

ANNEXES

342

Figure 18. Schéma représentant les différentes couches d’altération en surface du verre sain.

La caractérisation au MEB de sections polies montre que les petites fissures sont colmatées

par une couche de produits d’altération. Deux couches riches en calcium, en fer, en silicium et en

potassium sont clairement visibles. Les cristaux de zéolithes sont présents uniquement à la surface

du verre en contact avec la solution.

Figure 19. (a) Observation d’une fissure en section polie au MEB. (b) Grossissement fois 5 de l’image (a).

Figure 20. Cartographie EDS de la Figure 19 (b).

Ca Si

Al K Fe

Na

b a

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ANNEXES

343

La caractérisation en observation directe au MEB de l’intérieur des fissures révèle

l’existence de phases de type C-S-H (Figure 21 (a) et (b)). D’après les observations réalisées, il

semble qu’au fur et à mesure qu’on pénètre dans la fissure, les cristaux de zéolithes laissent la

place à une phase secondaire riche en calcium, de type C-S-H.

(a) (b) Figure 21. Observation directe au MEB de l’intérieur d’une fissure. (a) Présence de phases de type C-S-H en

amas. (b) Coexistence d’un cristal de zéolithe et de cette phase filamenteuse.

On peut supposer que le scénario d’altération puisse être interprété en fonction de

l’ouverture de la fissure.

Bilan de l’expérience à échelle 1 Les cinétiques correspondent à celles des essais RA80 et RA200 puisqu’une chute de vitesse

est observée avant la reprise d’altération. Cependant, ici, la reprise d’altération est continue et dure

depuis un an environ.

Ces premières caractérisations réalisées sur l’expérience à échelle 1 permettent de discuter des

similitudes et des différences avec les essais en laboratoire.

Les similitudes aux expériences en laboratoire sont les suivantes :

- phénomène de reprise d’altération avec précipitation de zéolithes,

- rapide consommation du calcium correspondant à la précipitation de C-S-H,

Les différences avec les expériences en laboratoire peuvent se résumer en quatre points

principaux :

- pas de variation notable du pH de la solution au cours de la reprise d’altération,

- nature et morphologie de la phase zéolithe,

- absence de figure d’altération sous forme de cupules,

- existence d’une sous-couche entre le gel et le tapis de zéolithes,

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RESUME

Etude des mécanismes d’altération du verre par des eaux cimentaires

Dans le cadre du concept Français de stockage géologique profond des déchets radioactifs, il

est envisagé de stocker les colis vitrifiés de déchets de Moyenne Activité à Vie Longue au sein de

surconteneurs en béton. La chimie de l’eau interstitielle étant susceptible de modifier la durabilité

chimique des matrices vitreuses, cette étude a été menée afin d’appréhender la phénoménologie

d’altération du verre au contact d’eaux cimentaires. Trois solutions cimentaires ont été étudiées :

deux solutions représentatives des deux premiers stades de dégradation d’un ciment Portland et

une solution à l’équilibre avec un béton bas pH. Les conditions dans lesquelles le rapport S/V

(surface de verre sur volume de solution) et la chimie de la solution pilotent les mécanismes

d’altération du verre sont clairement établies.

Si le flux d’éléments relâchés par le verre est suffisant pour atteindre et maintenir un état de

sursaturation qui permette la nucléation de phases secondaires (C-S-H et zéolithes), alors la

précipitation de ces phases pilote la dissolution du verre. Les rôles antagonistes du calcium ont été

mis en évidence en fonction du régime d’altération du verre. A faible rapport S/V, l’incorporation

du calcium au sein de la pellicule d’altération augmente ses propriétés passivantes. A l’inverse, à

fort rapport S/V, le calcium précipite sous forme de phases cimentaires consommatrices d’éléments

réticulants de la pellicule d’altération, ce qui engendre le maintien d’une vitesse d’altération élevée.

Le rôle bénéfique d’un ciment bas pH vis-à-vis de l’altération du verre est expliqué à partir de ces

résultats. Ce travail constitue une première étape visant à la compréhension fine des mécanismes

d’altération du verre en milieu cimentaire.

Mots clés : Verre, ciment, durabilité chimique, C-S-H, zéolithes, calcium, pH

ABSTRACT

Study of glass alteration mechanisms in cement waters

In the French deep geological repository concept, intermediate-level vitrified waste

packages could be disposed of concrete medium. Chemical composition and pH of the interstitial

leaching water are expected to influence the chemical durability of glass. Investigations have thus

been carried out to study glass dissolution mechanisms and kinetics in contact with cement waters.

Three cement pore waters were studied: the first two correspond to two stages of the Portland

cement aging and the third corresponds to equilibrium with a low pH concrete. The S/V ratio

(glass-surface-area-to-solution-volume ratio) and the chemistry of cement waters are the two main

parameters that control glass alteration mechanisms.

If the leaching flow from the glass allows a degree of supersaturation to be reached and maintained

which leads to nucleation of secondary phases, then precipitation of these phases drives glass

dissolution. At a very low S/V ratio, the calcium uptake into the alteration layer increases its

passivating properties. Conversely, at a high S/V ratio, the calcium precipitates as cementitious

phases consuming elements which form the alteration layer. The glass dissolution is maintained at

a high rate.

This study contributes to highlighting the beneficial role of low pH cement in glass alteration, and

is a first step towards understanding the mechanisms between the glass and the cement medium.

Keywords: Glass, cement, chemical durability, C-S-H, zeolites, calcium, pH