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UNIVERSIT PARIS NORD
U.F.R. DE SCIENCES CONOMIQUES
CENTRE DCONOMIE DE PARIS NORD
LA FORMATION DUNE ZONE MONTAIRE EN ASIE DE LEST
UNE APPLICATION DE LA THORIE DES
ZONES MONTAIRES OPTIMALES
Thse de Doctorat s Sciences conomiques
(arrt du 30 mars 1992)
prsente et soutenue publiquement le 26 novembre 2007 par
Cyriac GUILLAUMIN
Directeurs de thse
Madame Virginie COUDERT, Banque de France,
Professeur associe lUniversit Paris XIII
Monsieur Cuong LE VAN, Professeur lUniversit Paris I
Composition du jury
Madame Virginie COUDERT, Banque de France, Professeur associe
lUniversit Paris XIII
Madame Ccile COUHARDE, Professeur lUniversit de Versailles
Monsieur Cuong LE VAN, Professeur lUniversit Paris I
Monsieur Jacques MAZIER, Professeur lUniversit Paris XIII
Madame Valrie MIGNON (rapporteur), Professeur lUniversit Paris X
Monsieur Alain SAND (rapporteur), Professeur lcole Normale Suprieure
Lettres et Sciences Humaines
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Luniversit Paris XIII nentend donner aucune approbation ni improbation aux
opinions mises dans la thse. Ces opinions doivent tre considres comme propres
leur auteur.
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Remerciements
Je tiens tout dabord remercier mes directeurs de thse, Virginie Coudert et
Cuong Le Van, pour avoir accept dencadrer ce travail. Je leur exprime toute ma
reconnaissance pour la confiance et la libert quils mont accordes. Leurs suivis
rguliers, leurs disponibilits, leurs conseils, leurs remarques ainsi que leurs soutiens
ont t pour moi une grande aide. Sans eux, cette thse naurait pas t possible.
Je remercie galement El Mouhoub Mouhoud et Pascal Petit de mavoir accueilli
au sein du CEPN et de mavoir offert dexcellentes conditions de travail.
Je remercie les membres du CEPN parmi lesquels Angel Asensio, Claude
Chambon, Ccile Couharde, Jacques Mazier, Dominique Plihon, Francisco Serranito et
Ahn Dao Tran.
Je voudrais faire part de ma trs grande reconnaissance Claude Chambon et
Ccile Couharde pour leur disponibilit, leurs remarques et leurs suggestions tout au
long de mes recherches.
Mon travail a galement bnfici de laide et des conseils dAgns Bnassy-
Qur, Laurence Boone, Mathieu Gex, Manix Hdreville, Christophe Hurlin, Se-Eun
Jeong, Sopanha Sa et Sophie Saglio. Quils trouvent dans cette thse les remerciements
quils mritent.
Il me faut galement saluer les doctorants du CEPN et notamment ceux du ple 2
avec lesquels, malgr ma timidit et ma rserve, les discussions taient toujours des plus
intressantes.
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Je voudrais remercier Nisrine pour sa gentillesse, sa disponibilit et son travail,
car ce fut un rel plaisir de diriger avec elle les ateliers doctorants des ples 2 et 3
pendant deux ans. Jai une pense particulire pour mes collgues de bureau (le J214) :
Darine (quelle gentillesse !), Jean-Baptiste (merci de mavoir accueilli et fait une place),
et Marc (toujours les questions les plus pertinentes).
Corinne Marchand, Chantal Miry et Chantale Darin mritent galement toute ma
gratitude pour leur gentillesse et leur disponibilit sans faille.
Mes recherches ont galement bnfici des confrences et sminaires auxquels
jai assist ou particip.
Un grand merci Mireille Chiroleu-Assouline qui est un modle pour
lenseignement et la pdagogie. Je la remercie davoir t la premire mavoir fait
confiance pour enseigner ainsi que pour sa gentillesse et sa disponibilit. Je remercie
galement Jacques Mazier, Elisabeth Cudeville, Christine Erhel, Gilbert Faccarello et
Jean-Marie Le Page pour mavoir permis denseigner aux universits de Paris XIII,
Paris I et Paris II.
Jaimerais aussi remercier deux anciens qui ont toujours pris le temps de
rpondre toutes mes interrogations de doctorant, notamment vers la fin : Olivier
Bertrand et El Hadji Fall.
Je dois remercier Laurence, Cyril et Jean-Baptiste davoir accept de relire
certains chapitres et pour leurs disponibilits, remarques et suggestions.
Mme si je ntais pas toujours disponible, mes amis (fidles) mont soutenu et
encourag. Je dis merci Aminata, Azziz, Cyril, Estelle, Geoffray, Laurence et
Sbastien. Jai une pense particulire pour Estelle et Sbastien (et Biscotte) pour leur
ternelle gentillesse et leur soutien notamment dans les moments les plus difficiles.
Jaimerais remercier ma famille pour son soutien tout au long de mon travail. Je
remercie tout particulirement ma mre sans laquelle non seulement ma thse mais
toutes mes tudes nauraient pas connu cette russite. Jai galement bnfici de toute
la tendresse de Jessie que jembrasse chaleureusement.
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Enfin, jai plus quune pense pour mon grand-pre qui est parti avant
lachvement de ma thse. Jaurais aim quil soit l mais je sais quil a toujours t fier
de moi et quil veille sur nous. Au soir du 13 novembre 2005, jai pens tout arrter
mais le souvenir de ses conseils et de ses encouragements me linterdisait.
v
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A mon grand-pre,
ma mre,
Jessie.
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Some men see things as they are and say why.
I dream things that never were and say why not (Robert F. Kennedy, 1968).
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Introduction gnrale
Does Asia need a common currency ? My answer is yes, Asia needs a common
currency (Mundell, 2002).
Le choix dun rgime de change rsulte typiquement dune analyse cots-
bnfices des diffrents rgimes. Cette dcision a des consquences sur la politique
conomique dun pays, ses marges de manuvre et ses modes dajustements
macroconomiques. Les partenaires de ce pays sont galement plus ou moins impliqus
en fonction de leur sensibilit ou de leur influence par rapport celui-ci.
Cependant, le choix dun rgime de change ne se rsume pas deux solutions,
cest--dire une opposition entre un change fixe et un change flexible. Il existe tout un
continuum de solutions. Par exemple, Frankel (1999) distingue 9 rgimes de change
possibles allant de la fixit dure (dollarisation ou currency board) au flottement pur.
Lunion montaire est, depuis longtemps, tudie dans le cadre du dbat entre
rgimes de change fixe et flexible (Bourguinat, 1999). Elle est assimile un systme
de changes fixes o la coopration simpose de facto. La principale approche pour
tudier lunion montaire est assise sur la thorie des zones montaires optimales qui
explicite les circonstances dans lesquelles un groupe de pays a intrt former une
union montaire (Mundell, 1961 ; McKinnon, 1963 ; Kenen, 1969).
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Introduction gnrale
Lintrt port lunion montaire pour les pays dAsie de lEst remonte
presque une dcennie. Au lendemain de la crise financire de 1997, la question du choix
du rgime de change sest srieusement pose pour ces pays. Jusqu cet vnement, la
plupart dentre eux avaient opt pour des changes fixes unilatraux vis--vis du dollar
(FMI, 1999 ; Reinhart et Rogoff, 2002). Cet ancrage, de facto ou non, avait t effectu
pour diverses raisons : une peur du flottement (Reinhart, 2000 ; Calvo et Reinhart,
2002), une stratgie dexportations axe, essentiellement, vers les tats-Unis (Bnassy-
Qur, 1996, 1997).
Reinhart (2000) et Calvo et Reinhart (2002), montrent que lancrage de facto sur
le dollar reflte, pour ces pays, la peur de laisser leur taux de change flotter et la
confiance dans la premire monnaie du monde. Dune manire gnrale, la peur du
flottement a de multiples causes. Quand les circonstances sont propices (entres de
capitaux), les autorits montaires du pays vitent de laisser leur monnaie sapprcier
et donc de perdre de la comptitivit. Lorsque les circonstances sont dfavorables, la
dprciation est davantage crainte car (1) elle entrane de linflation donc une
apprciation relle et atteint par consquent la crdibilit de la parit (risque de crise de
change) et (2) les dettes tant publiques que prives tant libelles en monnaies
trangres, elle augmente la charge de la dette et aggrave la rcession.
Bnassy-Qur (1996, 1997) montre que les pays dAsie choisissent dancrer leur
monnaie sur le dollar plutt que sur le yen pour des raisons de stratgies dexportation.
Pour ces pays, dont la croissance repose essentiellement sur les exportations et les
investissements directs ltranger et dont les tats-Unis sont le principal partenaire,
lide de limiter les fluctuations du taux de change vis--vis du dollar est alors perue
comme un moyen de protger et dintensifier le commerce Asie-tats-Unis. De plus, la
stratgie dancrage sur le dollar rsulterait de labsence de coordination au niveau
rgional : chaque pays ancre sa monnaie sur le dollar car cest le choix de son
partenaire (Bnassy-Qur, 1997). Ainsi le dollar apparatrait comme un talon
limage de lor dans le systme de ltalon-or. Toutefois, Bnassy-Qur (1997) montre
galement que, collectivement, le maintien dun taux de change fixe par rapport au yen
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Introduction gnrale
permettrait des gains plus importants car le Japon occupe une place prpondrante au
niveau financier. En effet, le Japon apparat comme un crditeur bien plus important que
les tats-Unis, il est par ailleurs le premier investisseur direct de la zone Asie et, enfin,
sa monnaie est dj la principale devise dendettement long terme pour les pays de
lAsean (Frankel, 1992 ; Bnassy-Qur, 1996 ; Levasseur et Serranito, 1996).
Par ailleurs, la crise financire de 1997 a montr les faiblesses rcurrentes des
rgimes de changes fixes unilatraux, quils soient de facto ou non. En effet, un taux de
change fixe peut scarter de son quilibre de long terme car ce rgime est sujet
lapprciation relle (Obstfeld et Rogoff, 1995 ; Goldfajn et Valds, 1996), il est
vulnrable aux attaques spculatives (Williamson, 2000) et est susceptible de gnrer un
ala moral sil saccompagne de garanties implicites lendettement en devises
(Esquivel et Larrain, 1998). Toutefois, comme le dmontrent Calvo et Reinhart (2000,
2002) mais aussi Dornbusch (2001) et Coudert (2004), les rgimes de changes fixes
unilatraux ne sont pas ncessairement les coupables idals lors des crises de change1.
Cest pourquoi, ce type de rgime ne doit pas tre banni en tant que dtonateur des
crises de change mais plutt en raison du caractre non coopratif du systme entre les
banques centrales pour la gestion des parits.
Pour rsoudre la crise qui les touchait, le Fonds montaire international (FMI) a
mis en place un programme dassistance, octroyant une aide financire massive dun
montant de 117,7 milliards de dollars trois pays (Indonsie, Core du Sud et
Thalande), ce qui reprsentait, lpoque, le plus grand sauvetage financier de tous les
temps (FMI, 1998). Toutefois, cette aide tait conditionne par certaines contreparties.
Le FMI a ainsi, parmi dautres mesures comme la restructuration du systme financier
et une gouvernance plus efficiente, prconis aux pays dAsie de lEst de sorienter vers
des changes flexibles. Cette solution a fait lobjet de nombreux dbats, juste titre, car,
loppos des changes fixes, les rgimes de changes flottants sont loin de fonctionner
de faon optimale. Les taux de change dtermins par le flottement conduisent
1 Voir Kaminski et Reinhart (1999) pour le rle des taux de change fixes lors des crises financires.
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Introduction gnrale
dimportants msalignements, cest--dire damples et persistantes dviations par
rapport leur taux de change dquilibre de long terme (Williamson, 1983). Ils peuvent
galement nuire au commerce international (Bacchetta et Van Wincoop, 2000 ; Klein et
Shambaugh, 2006).
Les rgimes de changes flottants auraient tout de mme un avantage par rapport
aux rgimes de changes fixes concernant lajustement aux chocs macroconomiques.
Cependant, il faut diffrencier lorigine du choc (nominale ou relle). Dun point de vue
thorique, les changes fixes sont mieux mme de protger les conomies contre les
chocs nominaux alors que les changes flottants seraient plus appropris en cas de chocs
rels (Calvo et Mishkin, 2003). Confront un choc nominal, un taux de change fixe
joue un rle stabilisateur puisquil impose une discipline montaire ; loppos, un taux
de change flottant aurait tendance transmettre la perturbation la sphre relle
(Clarida et Gertler, 1994), augmentant ainsi la volatilit de lconomie. En cas de choc
rel, sur les termes de lchange par exemple, les changes flottants apportent une
meilleure rponse. Edwards et Levy-Yeyati (2003) confirment ces conclusions
thoriques mais leurs rsultats apparaissent isols dans la littrature conomique
mme sils confirment, comme Levy-Yeyati et Sturzenegger (2003), que les pays ayant
opt pour un change flottant obtiennent une croissance plus rapide et plus leve que
ceux qui ont opt pour un change fixe2. Cependant, il apparat que les taux de change
flottants ne parviennent pas totalement attnuer les chocs et auraient mme tendance
les amplifier (Frankel et Rose, 1994 ; Hausmann et alii, 1999). Ce fait est notamment
observable pour les pays mergents. Ceci sexplique, principalement, par trois raisons.
2 Nous pouvons galement citer les travaux de Gosh et alii (1997) qui effectuent une synthse sur
lefficacit des rgimes de change. Daprs leurs conclusions, les rgimes de change fixe, dans le pass,
ont t associs un taux dinflation plus faible et un investissement plus important mais galement une
croissance plus faible. En rgle gnrale, le rgime de change fixe est choisi pour matriser linflation qui
impose une discipline montaire. Mais, la diffrence de Levy-Yeyati et Sturzenegger (2003), les
conclusions de Gosh et alii (1997) montrent que, outre une inflation plus forte, les performances en terme
de croissance sont mdiocres.
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Introduction gnrale
Premirement, ces pays ont beaucoup de mal emprunter dans leur propre monnaie3 ou
prter4. Deuximement, les investisseurs internationaux sont extrmement
souponneux vis--vis du niveau dendettement. Enfin, il y a un manque de crdibilit
des banques centrales.
Les crises asiatique mais galement russe (1998), brsilienne (1999) et turque
(2001) ayant rvl les faiblesses, pourtant connues, dun change fixe avec une forte
mobilit des capitaux5, des auteurs comme Eichengreen (1999) ont mis lide que
seules deux solutions extrmes taient viables pour les pays mergents confronts de
forts mouvements de capitaux : un change rigoureusement fixe (du type dollarisation
complte ou currency board) ou bien un change entirement flexible. Cependant, ces
solutions en coins possdent des inconvnients non ngligeables pour les pays
mergents et ne sont plus dactualit depuis, entre autres, les vnements argentins de
2002.
Cest ainsi que les zones cibles ont de nouveau, aprs les travaux de Williamson
(1983) et Krugman (1991), t proposes par Bergsten (1999). La rflexion sur les
zones cibles part de la constatation de la grande instabilit induite par les changes
flottants, mais aussi de limpossibilit de revenir des taux de changes fixes dans le
contexte actuel de forte mobilit des capitaux (Obstfeld, 1986(a))6. Lanalyse par le
3 Eichengreen et Hausmann (1999) utilisent le terme de pch originel (original sin). 4 McKinnon et Schnabl (2006) utilisent le terme de vertu conflictuelle (conflicted virtue). 5 En rfrence au triangle de Mundell. Pour une tude de cas concrets sur la fixit du change et la mobilit
des capitaux, voir Davanne (2001). 6 Obstfeld (1986(a)) dresse un bilan de lexprience des taux de change flottants depuis labandon des
accords de Bretton Woods jusquau dbut des annes 1980 et effectue une comparaison entre changes
fixes et changes flottants. Les changes flottants auraient ainsi de nombreuses faiblesses parmi lesquelles
une sensibilit extrme aux chocs nominaux, une volatilit parfois inexplique court terme et labsence
dune contrainte montaire. Mais Obstfeld, mme sil propose un retour aux changes fixes, a conscience
quun retour un talon de change nest pas possible dautant plus avec la mobilit croissante des
capitaux. Il prconise ainsi une extension des changes flottants tels quils fonctionnent au dbut des
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Introduction gnrale
triangle de Mundell montre que la stabilisation des cours du change implique la
ncessit de recourir une forme de coopration montaire dont le principe des zones
cibles constitue une modalit. Une zone cible consiste en un encadrement des taux de
change dans une bande de fluctuation. Si le taux de change effectif dune monnaie
sloigne de son cours de rfrence7 et se rapproche dune des bornes de la bande de
fluctuation, les oprateurs, supposs rationnels, anticipent une intervention des autorits
montaires. Cest cette anticipation qui modifie lvolution du taux de change.
Lexistence de marges de fluctuation, en limitant la volatilit, empcherait la formation
de bulles spculatives nationales sur le change8. Toutefois ce type de rgime dpend
encore fortement de la crdibilit de la zone qui les adopte aux yeux des agents, ce qui
fait dfaut certains pays dAsie de lEst9, et de la largeur optimale de la bande de
fluctuation. En cas de marges trop larges, lautonomie de la politique montaire est
permise mais lancrage nominal et donc le caractre stabilisant du systme sont plus
faibles.
Cest pourquoi lide dune union montaire rgionale est apparue comme un
moyen de rconcilier la ncessit dune certaine flexibilit (par rapport au reste du
monde) et le besoin dune stabilit montaire, sinscrivant dans la recherche dun
systme montaire international plus stable (voir, par exemple, Obstfeld et Rogoff,
1995 ; Eichengreen, 1998 ; Fischer, 2001). Dans le mme temps, la mise en place de
annes 1980 avec des politiques conomiques plus coopratives notamment entre les pays de lOCDE et
linstauration de zones cibles. 7 Il faut bien videmment voquer les questions relatives ce taux de change dquilibre et sa
dtermination. Deux approches sont possibles, celle de Williamson (1983, 1994) qui est plus
macroconomique ou celle de Stein (1994, 2004) qui est plus microconomique. Pour un dtail de ces
deux approches ainsi que leurs applications voir, par exemple, Joly et alii (1996), Borowski et Couharde
(1999), Coudert (1999) et Dufrnot et alii (2000). 8 Les accords du Louvre (1987) se rfrent explicitement aux zones cibles puisque les volutions des taux
de change sont reprises en main grce linstauration de telles zones, qui dfinissent des grilles de parits
bilatrales, donnant aux banques centrales des repres dintervention. 9 Pour tre crdible, il faut des moyens dinterventions consquents.
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Introduction gnrale
lUnion conomique et montaire (UEM) et ladoption de leuro montraient, non sans
difficults, que lunion montaire pouvait, sinon viter les crises de change, rduire la
volatilit des taux de change et apporter une coordination ainsi quune coopration
montaire entre les pays participants.
Aujourdhui, avec lmergence de la Chine et son rle actif, ainsi que celui du
Japon, au niveau de laccumulation des rserves de change, la question du rgime de
change pour les pays dAsie de lEst simpose10.
Pourquoi les pays dAsie de lEst auraient-ils intrt adopter une union
montaire ou un accord de change du type Systme montaire europen (SME) ?
Pour rpondre cette question, nous devons distinguer les critres dune zone
montaire optimale des avantages que procure un tel rgime de change par rapport
dautres en terme de crdibilit de la banque centrale et de cohrence temporelle de ces
dcisions. Dans un premier temps, nous rappelons, dans un chapitre introductif, les
conditions doptimalit dune zone montaire. Pour dfinir si deux ou n pays ont intrt
former une zone montaire, la littrature traditionnelle sappuie sur, essentiellement, 3
critres qui furent dvelopps par Mundell (1961), McKinnon (1963) et Kenen (1969).
Ils correspondent la mobilit du facteur travail et la flexibilit des prix et des
salaires, louverture commerciale et la diversification des structures productives. Par
la suite, quatre autres critres sont venus enrichir la thorie des zones montaires
optimales : le fdralisme budgtaire, dvelopp par Johnson (1970), lintgration
financire, initie par Ingram (1962) puis par Scitovski (1967) et nouveau par Ingram
(1969, 1973), le critre dinflation tudi initialement par Haberler (1970), Fleming
(1971) et Magnifico (1972), enfin, la nature des chocs macroconomiques : symtrique
10 En juillet 2007, les rserves de change chinoises, massivement rinvesties en titres du Trsor amricain,
atteignaient les 1200 milliards de dollars, soit environ 20% des rserves de change mondiales, alors que
celles du Japon atteignaient environ 970 milliards de dollars (Investir, 2007(a), (c) ; Les Echos, 2007). En
moyenne, les rserves de change chinoises progressent de 15 milliards de dollars chaque mois (Investir,
2007(b)).
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Introduction gnrale
ou asymtrique. Ces diffrents critres ont donn lieu de nombreuses recherches
empiriques notamment au moment de la mise en place de lUEM. Cependant, comme le
rappelle Kenen (2003), la thorie des zones montaires optimales a galement montr
ses limites sur, essentiellement, deux points que nous exposons : un cadre de travail non
homogne et restrictif et le caractre endogne des zones montaires optimales. La
dernire partie de ce chapitre introductif consiste dterminer dans quelles mesures le
choix dune union montaire comme rgime de change serait meilleur quun change
fixe (unilatral) ou flexible pour les questions de crdibilit et de politiques de change.
Le cadre danalyse retenu est celui des modles de cohrence temporelle et de
crdibilit des politiques conomiques dvelopps par Kydland et Prescott (1977) et
Barro et Gordon (1983). Grce la formation dune union montaire, les banques
centrales peu crdibles des pays participants vont pouvoir importer la crdibilit des
autres banques centrales. Si certains auteurs, Braga de Macedo et alii (2001) par
exemple, proposent de gagner plutt que dimporter la crdibilit, linstauration dune
union montaire va permettre dinstaurer la coopration entre les banques centrales pour
atteindre un objectif commun. Les banques centrales peu crdibles ne seront ds lors
plus tentes de ne pas respecter leur dcision initiale de politique conomique
accentuant leur dfaut de crdibilit. Second point du modle, lunion montaire permet
dviter la concurrence strile par les taux de change et daboutir un meilleur rsultat
par rapport aux changes flottants (avec ou sans coordination) en terme de stabilisation
macroconomique.
La suite de la thse se droule en deux parties dont lobjectif majeur est dtudier
dans quelles mesures une zone montaire serait envisageable en Asie de lEst.
Dans une premire partie, nous tudions la nature des chocs macroconomiques.
La seconde partie est consacre ltude des degrs dintgration financire et
dinterdpendance et de coopration montaires.
Enfin, nous concluons et voquons quelques possibles pistes de recherches.
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Introduction gnrale
La premire partie, intitule union montaire et (a)symtrie des chocs : une
application aux pays dAsie de lEst, est organise en trois chapitres. Dans le chapitre
1, nous prsentons un cadre thorique du choix du rgime de change en fonction de la
nature des chocs. Ce cadre thorique va nous permettre danalyser les effets des chocs
symtrique et asymtrique en fonction de diffrents rgimes de change : union
montaire, changes flottants sans coordination et changes flottants avec coordination.
Nos rsultats montrent que lunion montaire et les changes flottants avec coordination
constituent un meilleur rgime de change que les changes flottants sans coordination en
cas de choc symtrique. La coopration tant un processus long et coteux, o la
tentation de dvier existe, les pays auraient alors intrt opter pour une union
montaire. A linverse, un choc asymtrique serait mieux gr en changes flottants
quen union montaire puisque lutilisation dune politique montaire commune ne
permet pas de stabiliser lconomie. Il faut alors dautres instruments de politique
conomique ou des mcanismes compensateurs. Nous terminons en tudiant brivement
les rponses apporter en fonction du type de choc, ct offre ou ct demande.
Dans le chapitre 2, nous proposons, aprs avoir prsent les travaux sur lEurope
et lAsie, didentifier et danalyser, dun point de vue empirique, les chocs affectant les
pays dAsie de lEst. La zone euro, tant avec les tats-Unis le processus dunion
montaire le plus abouti, est utilise comme point de comparaison. Pour effectuer ce
travail, nous prenons appui sur trois mthodes diffrentes les unes des autres : le taux de
change rel, lestimation des cycles conomiques et les modles vectoriels
autorgressifs structurels. Ces trois analyses montrent que les chocs en Asie de lEst
seraient davantage asymtriques que symtriques. Si une union montaire devait voir le
jour, elle ne pourrait tre compose de lensemble des pays de la rgion mais devrait
tre locale, cest--dire constitue de trois quatre pays pouvant, par la suite,
sagrandir. Dans la zone euro, les chocs seraient symtriques mme sil peut apparatre
une union montaire dite deux vitesses, cest--dire compose dun cur et dune
priphrie, confirmant les rsultats dtudes prcdentes (par exemple, Eichengreen,
xvi
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Introduction gnrale
1991 ; Bayoumi et Eichengreen, 1992 ; Von Hagen et Neumann, 1994). Cela tant, ces
trois principales mthodes peuvent souffrir dun manque de dynamisme dans ltude de
la corrlation des chocs macroconomiques (Fontagn et Freudenberg, 1999 ; Hnin,
2003 ; Fve, 2006).
Ainsi, lobjet du chapitre 3 est de dvelopper une approche dynamique de
l(a)symtrie et de la convergence des chocs. Dans la ligne des travaux de Cortihnas
(2006) et Xu (2006), nous utilisons un modle espace-tat bas sur le filtre de Kalman.
Grce ce modle, nous montrons, une fois encore, quil ny a pas de convergence
globale au niveau de la zone tudie mais une convergence relative entre certains pays.
Nos rsultats font galement apparatre que la crise financire de 1997 na pas eu les
mmes effets sur les pays de lAsean+3 et quil y a ce que nous pouvons appeler un
avant et un aprs crise. Lavant crise est notamment marqu par une relative
convergence des chocs (doffre et de demande) et nous nous interrogeons quant au rle
du dollar dans ce processus. Laprs crise souligne, dune manire gnrale, une
divergence mais nous montrons galement que les chocs de demande connatraient, de
manire relative, une plus grande convergence que les chocs doffre.
La deuxime partie est consacre ltude des degrs dintgration financire et
dinterdpendances et de cooprations montaires en Asie de lEst.
Le critre dintgration financire, initialement dvelopp par Ingram (1962) puis
Scitovski (1967) et nouveau Ingram (1969, 1973), est quel que peu marginalis dans
la thorie des zones montaires optimales. Or, lheure o les taux de change sont
essentiellement dtermins par des mouvements de capitaux plutt que commerciaux, le
degr dintgration financire joue un rle crucial dans le choix du rgime de change.
Par la suite, Mundell (1973(a)), Helpman (1981), Helpman et Razin (1982), mais
galement Neumeyer (1998), Flood et Marion (2002) et Aizenman et Marion (2003),
ont montr quune intgration financire leve inciterait les pays opter pour une
union montaire et regrouper leur rserve de change au sein dun pool.
xvii
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Introduction gnrale
Avec laccroissement des changes de biens et services et les mouvements de
capitaux, il existe des interdpendances au niveau international des politiques
macroconomiques. Les dcisions de politique montaire dun pays peuvent ainsi avoir
plus ou moins deffets sur ses voisins et rciproquement. Ds lors, le choix du rgime de
change doit seffectuer en fonction de la nature et lintensit des interdpendances entre
pays.
Notre premire investigation, chapitre 4, concerne lintgration financire et sa
mesure selon lapproche dveloppe par Feldstein et Horioka (1980). Nous effectuons
au pralable un tat des lieux en matire dintgration financire dans la zone Asie de
lEst. Diffrentes tudes montrent que les marchs financiers ne sont pas assez
dvelopps dans cette rgion malgr quelques initiatives. Les diffrents tests empiriques
mens partir de la mthodologie de Feldstein et Horioka (1980) montrent un degr
dintgration financire assez fort mais imparfait mme si une comparaison avec
dautres rgions, notamment lUnion europenne (UE) 15 pays et les douze nouveaux
membres de lUE rvle une intgration financire plus leve pour les pays dAsie de
lEst par rapport ces nouveaux membres mais plus faible par rapport aux pays de lUE
15. Malgr lattrait que procure lapproche de Feldstein et Horioka (1980), il existe un
certain nombre de critiques que nous ne pouvons ignorer. Cest pourquoi nous
prolongeons nos travaux empiriques ltude des taux dintrt nominaux.
Si certaines investigations ont eu lieu au niveau des taux dintrt rels (Chinn et
Frankel, 1995 ; Phyltakis, 1999 ; Ji, 2005 ; Ji et Kim, 2006), celles concernant les taux
dintrt nominaux censs reflter les dcisions des banques centrales sont plus rares
(Frankel, 1992 ; Fukasaku et Martineau, 1999). Le chapitre 5 effectue cette tude pour
mieux mesurer le degr dinterdpendance et de coopration montaires. Nous adoptons
une approche squentielle mme si certaines tudes justifient des approches non
squentielles (Toda et Yamamoto, 1995 ; Dolado et Ltkepohl, 1996). La recherche
empirique sappuie sur les tests de stationnarit puis de cointgration. Ces tests rvlent
xviii
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Introduction gnrale
la prsence de variables intgres dordre 1 (I(1)) et cointgres. Nous adoptons ainsi
une reprsentation VECM comme nous le permettent les travaux dEngle et Granger
(1987). Avec une telle reprsentation, nous menons des tests de causalit de court et de
long terme pour finir sur une analyse dynamique grce aux fonctions de rponses aux
chocs. Ces diffrentes tapes ont pour objectif de dtecter les ventuels taux
directeurs de la rgion ainsi que dtablir la possible influence du Japon et des tats-
Unis. Nos rsultats montrent que les taux amricain, coren, singapourien, thalandais
et, dune manire moindre, japonais sont les plus influents lintrieur de la rgion et
quils suscitent le plus de ractions. Lintensit de ces influences et des ractions est
galement fonction des priodes tudies.
xix
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Chapitre introductif
Les critres doptimalit dune zone
montaire
Le rel avantage que nous procure un taux de change flottant est quil nous
permet davoir des conditions montaires diffrentes de celles des tats-Unis [], des
conditions adaptes notre situation conomique. [] Les bienfaits quun taux de
change flexible nous procure sur le plan macroconomique dpassent encore de loin les
avantages dune rduction des cots de transaction. [] Tant et aussi longtemps que
notre pays sera un grand producteur de matires premires et que nous voudrons mener
des politiques conomiques qui sont adaptes nos besoins et exigent des conditions
montaires distinctes, nous avons tout avantage tirer parti du rle damortisseur que
joue un taux de change flexible (G. Thiessen1, 2000).
1 Gouverneur de la banque centrale du Canada. Allocution prononce le 4 dcembre 2000 Montral,
Qubec, Canada.
1
-
1.1 Introduction
1.1 Introduction
Pour introduire notre sujet, nous proposons de prsenter de manire singulire la
thorie sur laquelle sappuie cette thse. Nous proposons galement de dvelopper un
modle issu des enseignements de Kydland et Prescott (1977) et Barro et Gordon
(1983). Comme nous lavons annonc dans lintroduction gnrale, lobjectif de cette
thse est de dterminer les conditions dintroduction dune zone montaire en Asie de
lEst mais il ne suffit pas pour autant dappliquer quelques critres sans en montrer la
finalit ni mme, lorsque cest le cas, les limites.
Lunification montaire a t principalement tudie au travers de lapproche de la
thorie des zones montaires optimales qui explicite les circonstances dans lesquelles
deux ou n pays ont intrt former une union montaire.
La thorie des zones montaires optimales fut initie par Mundell (1961). Le
critre de Mundell (1961) repose sur la mobilit du facteur travail et la flexibilit des
prix et des salaires. Par la suite, McKinnon (1963) et Kenen (1969) dveloppent des
analyses sur louverture des conomies et sur la diversification des structures
productives. Ainsi, traditionnellement, les critres de zones montaires optimales sont
au nombre de trois. Cependant, il existe dautres critres, venant enrichir la thorie des
zones montaires optimales relatifs au fdralisme budgtaire (Johnson, 1970),
lintgration financire (Ingram, 1962, 1969, 1973), aux diffrentiels dinflation nuls
(Harberler 1970 ; Fleming, 1971 ; Magnifico, 1972) et au degr dasymtrie des chocs
macroconomiques.
Ces critres ont donn lieu de nombreuses recherches, tant sur le plan thorique
(Bayoumi, 1994 ; Ricci, 1997, Alesina, Barro et Tenreyro, 2002 ; Corsetti et Pesenti,
2002 ; Dellas et Tavlas, 2005), que sur le plan empirique (De Grauwe et Vanhaverbeke,
1991, Bayoumi et Eichengreen, 1993, Lafrance et St-Amand, 1994 ; Artis et Zhang,
1995 ; Zhang et alii, 2004 ; Babetskii et alii, 2005). Sur le plan thorique, les recherches
sont toutefois moins nombreuses que sur le plan empirique car la thorie des zones
2
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1.1 Introduction
montaires optimales ne dispose pas dun cadre de travail unifi. De ce fait, les modles
dvelopps ne sintressent qu un, voire deux critres de la thorie, le plus souvent il
sagit des critres de Mundell (1961), McKinnon (1963) et le degr dasymtrie des
chocs, et ne permettent pas de dgager des conclusions communes.
Sur le plan empirique, les recherches ont notamment t fructueuses depuis le
rapport Delors de 1989 qui posait les conditions pour une union montaire en Europe.
Sur le papier, les rapports Delors et de la Commission europenne (Emerson et
alii, 1990) prsentaient lunion montaire comme un cadre conomique o les taux de
croissance seraient plus levs, les taux dinflation ainsi que les taux dintrt plus
faibles et le commerce plus intense. Si Rose (2000) mais aussi Frankel et Rose (2000),
Rose et Engel (2000) et Rose et Van Wincoop (2001) montrent de tels effets pour le
commerce, il nen va pas de mme pour la croissance.
Les recherches consacres ce qui allait devenir lUnion conomique et
montaire (UEM) concluaient que lEurope ntait pas une zone montaire optimale.
Elles soulignaient galement que lunion montaire europenne tait une union dite
deux vitesses, cest--dire avec un cur et une priphrie. Ainsi, la perte du taux de
change comme moyen dajustement allait se rvler nfaste pour un certain nombre de
pays (essentiellement les pays du Sud de lUnion europenne). La thorie des zones
montaires optimales mettait en avant les cots subis par les pays participants en
omettant les bnfices. Ces bnfices, autres que microconomiques concernant la
suppression des cots de transaction lis la conversion des monnaies et la suppression
du risque de change, ne sont pourtant pas ngligeables lorsquil sagit de lutter contre
linflation et de crdibiliser les banques centrales.
Notre chapitre se droule de la manire suivante. Nous commenons par prsenter
les critres dits traditionnels de la thorie des zones montaires optimales ainsi que leurs
prolongements (section 1.2). Ensuite, nous voquons les faiblesses de ces critres
(section 1.3) ce qui nous amne souligner les bnfices macroconomiques, et plus
seulement microconomiques, de lunion montaire laide dun modle thorique
3
-
1.1 Introduction
(section 1.4). Enfin, nous concluons ce chapitre et prsentons la suite de nos recherches
(section 1.5).
1.2 La thorie des zones montaires optimales
La thorie des zones montaires optimales indique quun systme de taux de
change fixe [irrvocable] est le mieux appropri pour des pays troitement intgrs par
la mobilit des facteurs de production, le commerce international et par la
diversification des structures de production. Crer une zone montaire entre deux ou n
pays (rgions) prsentant entre eux des interdpendances rsulte dun arbitrage entre des
cots macroconomiques et des avantages microconomiques.
Les cots dadopter une union montaire sont essentiellement macroconomiques.
Le premier dentre eux est la perte, pour les pays de lunion, du taux de change comme
variable dajustement en cas de choc. En union montaire, il nest plus possible pour le
gouvernement ou les autorits montaires dun pays de modifier la valeur de la monnaie
par rapport aux autres monnaies. Le second cot est labandon de la politique
montaire. La politique montaire nest plus assigne des objectifs internes et
individuels mais des objectifs collectifs (car mene par une seule institution pour
lensemble des pays de lunion). Loffre de monnaie est unique et commune tous les
pays de lunion2.
Les avantages dune union montaire sont essentiellement microconomiques. Ils
concernent en premier lieu la suppression des cots de transaction lis la conversion
des monnaies et la suppression du risque de change. Nous pouvons galement voquer
la convergence des variables nominales comme le taux dinflation et les taux dintrt
2 Cependant, selon lorganisation de lunion, un degr dautonomie peut tre retrouv. Cest le cas dans
un systme dit asymtrique o le pays leader peut choisir sa propre politique montaire et o les autres
pays de lunion (les follower) salignent sur ce dernier.
4
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1.2 La thorie des zones montaires optimales
(De Grauwe, 1999). Ainsi, il y a une rduction des primes de risque, une meilleure
allocation de lpargne et de linvestissement donc une croissance plus forte et mieux
rpartie. Les avantages concernent enfin les banques centrales puisque, thoriquement,
chaque tat membre de lunion ralise une conomie de rserve de change.
1.2.1 Les fondements de la thorie
En 1944, les accords de Bretton Woods sont le rsultat dun compromis entre les
dlgations amricaine et britannique. Si les deux pays saccordent largement sur
lanalyse de la situation conomique et montaire de lentre-deux-guerres, les
divergences sont assez importantes quant au systme montaire international
construire. Deux plans vont sopposer : le plan White et le plan Keynes3. Mme si le
plan White est beaucoup plus modeste, il finit par tre adopt en juillet 1944.
3 Le plan Keynes repose sur deux lments essentiels. En premier, linstitution dune banque centrale
internationale, affranchie de toute puissance nationale, et mettant dans des limites dfinies sa propre
monnaie, le Bancor, qui serait la monnaie de rfrence internationale. En second, la mise en place dun
mcanisme international de compensation dont le rle serait dassurer le financement des dsquilibres
des balances des paiements par une mise en connexion quasi automatique entre pays dficitaires et pays
excdentaires, les seconds finanant les premiers par des crdits en Bancor. Ce mcanisme international
de compensation reprsente lexemple parfait dune banque centrale supranationale.
Le plan White propose un nouvel talon de change or (Gold Exchange Standard) mais avec une seule
devise cl : le dollar. Ainsi, les pays choisiraient une dfinition de la parit de leur monnaie soit en or, soit
en dollar, qui aurait donc un rle de monnaie internationale et dinstrument de rserve. Le plan White
prvoit galement la cration dun fonds de stabilisation montaire (pour aider les pays ayant des
difficults assurer la stabilit de leur monnaie) financ par des dpts des pays membres.
Au travers des plans Keynes et White, ce sont les divergences entre le Royaume-Uni et les tats-Unis, qui
saffichent quant au systme montaire international reconstruire. Les tats-Unis ont pour objectif
fondamental dviter la reproduction des dsordres internationaux des annes 1920-1930 qui ont rsult
de linstabilit des taux de change et des pratiques protectionnistes. Ils sont donc favorables des changes
fixes et la suppression des barrires protectionnistes. Le Royaume-Uni est plus proccup par les
5
-
1.2 La thorie des zones montaires optimales
Les dbuts du systme de Bretton Woods sont marqus par une situation de
pnurie de dollars (dollar gap). Les rserves de devises des pays europens tant au plus
bas, la circulation de dollar comme monnaie internationale ne peut se faire que de deux
manires : par la balance commerciale amricaine grce aux importations des tats-
Unis qui font sortir des dollars et par les prts et dons dans le cadre du plan daide
Marshall. Le dollar est alors lunique monnaie convertible en or.
De 1950 la fin des annes 1960, le systme montaire international est
relativement stable. Des secousses vont jalonner ces annes et finiront par condamner le
systme de Bretton Woods. En 1971, les tats-Unis connaissent leur premier dficit
commercial du XXe sicle. La convertibilit du dollar est suspendue en 1971 par le
prsident Nixon4 et dfinitivement abandonne en 1973. Les changes flottants sont alors
promus et dfinitivement officialiss lors des accords de la Jamaque en 1976.
Lexpos de Mundell
Robert Mundell est considr comme linstigateur de la thorie de lintgration
montaire. Il est galement un ardent partisan de leuro5 car dans une contribution de
1973 (Mundell, 1973(a)), il prconise la cration dune monnaie europenne quil
appelle Europa. Mais, paradoxalement, sa thorie des zones montaires optimales va
tre utilise par quelques conomistes pour sopposer la cration de lUEM.
Dailleurs, McKinnon (2000, 2002) souligne ce qui est appel le paradoxe de
Mundell, cest--dire la profonde conviction de Mundell pour une Europe montaire et
son article de 1961 qui va tre utilis par les opposants la monnaie unique.
Lorsque Robert Mundell publie son article en 1961 sur la thorie des zones
montaires optimales, le rgime de Bretton Woods, malgr ses premires difficults, est
problmes de chmage et de dflation. Il prconise des taux de changes rvisables, un recours limit au
contrle des changes commerciaux afin de favoriser les politiques nationales. 4 Lors de son intervention, le prsident Nixon dclara : Les tats-Unis ne peuvent plus continuer se
battre avec une main attache dans le dos. 5 A ce titre, Mundell est qualifi de pre intellectuel de leuro (Bnassy-Qur, 2003).
6
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1.2 La thorie des zones montaires optimales
toujours en vigueur. Seul le Canada se distinguait des autres pays membres du FMI par
un taux de change flottant mais trs peu volatil (Bordo, 2000 ; Macklem et alii, 2000). Il
existe cependant un dbat entre les partisans des changes fixes (systme de Bretton
Woods) et les partisans des changes flottants parmi lesquels, le plus clbre : Milton
Friedman6. Larticle de Mundell est tout fait novateur car il va rompre avec ce dbat
entre changes fixes versus changes flottants. Sa rupture se fait en deux points.
Premirement, pour Mundell, il ny a pas de rponse absolue dans le choix entre
changes fixes et changes flottants (Bnassy-Qur et alii, 2004). Il ny a pas de
solutions gnrales mais il sagit plutt dune analyse au cas par cas7.
Le second point de rupture concerne lide dunion montaire qui ne conciderait
pas ncessairement avec les frontires nationales. Ainsi, avant la mise en place de
lUEM, une rgion franaise aurait pu sallier avec une rgion allemande pour crer leur
propre monnaie et abandonner le franc et le mark.
Mundell (1961) pose une question, lpoque, peu conventionnelle : quels sont
les critres conomiques pour que deux ou n rgions adoptent une monnaie unique.
Pour y rpondre, Mundell se place dans un cadre de travail keynsien o les prix et les
salaires sont rigides court terme et o la mobilit du capital est faible.
Tout dabord, Mundell considre une zone montaire forme de deux pays, A et
B, touche par un choc asymtrique. Ce choc se concrtise par un glissement de la
demande du pays B vers le pays A. Le pays B voit son chmage augmenter et sa
balance courante se dgrader alors que le pays A doit faire face une acclration de
linflation et un excdent de sa balance courante. Le problme qui se pose concerne
lajustement que doit effectuer le pays A ou le pays B. Si les prix peuvent augmenter
dans la rgion A, le pays B partagera lajustement avec le pays A. Mais, si le pays A
poursuit une politique de lutte contre linflation, le chmage va augmenter dans B.
6 Voir Friedman (1953). 7 Frankel (1999), en dtaillant davantage le choix entre changes fixes et changes flottants, essayant ainsi
de mieux marquer la frontire sparant ces deux types de rgimes, dmontre quil ny a pas de rgime de
change optimal pour tous les pays et toutes les priodes.
7
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1.2 La thorie des zones montaires optimales
Ds lors, le taux de change devient linstrument dajustement par excellence
puisque la dprciation de la monnaie du pays B (ou lapprciation de la monnaie du
pays A) va permettre de rduire le chmage et le dficit de la balance courante du pays
B et de lutter contre linflation dans le pays A. Toutefois, le taux de change peut ne pas
suffire rgler lintgralit des problmes de balance courante. Pour le dmontrer,
Mundell prend lexemple dun monde compos de deux pays, le Canada et les tats-
Unis8 qui ont chacun leur monnaie et qui sont diviss en deux rgions : lEst et lOuest
(graphique 1.1). La rgion Est est spcialise dans la production de voitures et la rgion
Ouest est spcialise dans le bois. Si une augmentation de la productivit automobile se
traduit par une augmentation (et donc un excs) de la demande de bois, il y aura des
tensions inflationnistes lOuest et du chmage lEst. Les deux pays auront le choix
entre mener une politique montaire restrictive lOuest pour contenir linflation mais
aggraver le chmage lEst ou mener une politique montaire expansionniste lEst
pour lutter contre le chmage mais laisser linflation augmenter lOuest. Mais, il est
totalement impossible de lutter simultanment contre le chmage et linflation. Un des
deux objectifs devra tre privilgi. Ainsi, les changes flottants, entre les tats-Unis et
le Canada dans notre exemple, ne sont pas ncessairement prfrables lunion
montaire lorsque lon raisonne partir de monnaies nationales. Mais, si ces dernires
sont remplaces par des monnaies rgionales (une monnaie de lOuest et une de lEst),
le taux de change redevient un instrument dajustement des plus utiles : pour attnuer
limpact du choc, la banque centrale de lOuest verrait sa monnaie sapprcier alors que
la banque centrale de lEst verrait sa monnaie se dprcier.
8 Cet exemple nest certainement pas un hasard, Mundell tant lui-mme canadien (Bnassy-Qur,
2003).
8
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1.2 La thorie des zones montaires optimales
Dollar des tats-Unis
Dollar du Canada
Dol
lar d
e lO
uest
Dol
lar d
e lE
st
Graphique 1.1 : lexpos de Mundell et lopposition pays/rgion.
Source : Bnassy-Qur et alii (2004).
Si lon prolonge le raisonnement de Mundell et que lon suppose prsent un
choc asymtrique entre les tats-Unis et le Canada, la solution envisage ci-dessus nest
plus valide car en agissant, les banques centrales de lOuest et de lEst vont pnaliser
une des parties de lun des deux pays. Si, par exemple, la demande se dtourne du
Canada pour aller vers les tats-Unis, alors, laction de la banque centrale de lOuest
(laugmentation de son taux directeur et lapprciation de sa monnaie) va pnaliser
lOuest du Canada en aggravant le chmage, mais contrler linflation de lOuest des
tats-Unis. Dans le mme temps, laction de la banque centrale de lEst (la diminution
de son taux directeur et la dprciation de sa monnaie) va permettre de lutter contre le
chmage lEst du Canada mais concrtiser les tensions inflationnistes de lEst des
tats-Unis. De ce fait, il faudrait alors crer deux nouvelles banques centrales
(amricaine et canadienne). Il y aurait de ce fait, partir de notre exemple, 4 banques
centrales avec 4 monnaies diffrentes. Si lon prolonge lanalyse jusquau sein mme
dune rgion dun pays, par exemple lOuest du Canada que lon pourrait nouveau
sparer entre lEst et lOuest ou entre le Nord et le Sud, il faudrait crer nouveau deux
nouvelles banques centrales et deux nouvelles monnaies pour rpondre aux besoins
spcifiques de chacune de ces deux nouvelles rgions. Ds lors, il faudrait crer autant
9
-
1.2 La thorie des zones montaires optimales
de banques centrales et de monnaies locales quil existe de rgions touches par des
chocs qui ne sont pas de la mme nature. Bien videmment ceci nest pas possible car la
gestion des monnaies deviendrait quasi impossible tant donn les cots de transactions.
A terme, nous risquerions de revenir des conomies de troc.
La mobilit du travail et la flexibilit des prix et des salaires
Pour Mundell, se demander si deux ou n pays forment une zone montaire
optimale, donc, ont intrt former une union montaire, revient se demander sil
existe une parfaite mobilit de lun des facteurs de production : le travail. Ainsi, en
reprenant lexemple avec les rgions Est et Ouest, le taux de change peut tre supprim
comme moyen dajustement condition que le facteur travail de ces deux rgions puisse
se dplacer (de lEst vers lOuest dans notre exemple) sans aucune entrave. En effet, les
travailleurs de lEst peuvent se diriger vers lOuest, le chmage naugmentera pas
lEst et linflation sera contenue lOuest. De plus, les dsquilibres de balances
courantes seront supprims puisque en quittant lEst, les travailleurs vont toujours
consommer du bois, mais lOuest, donc les exportations de bois de lOuest et les
importations de bois de lEst diminuent.
De ce fait, Mundell prconise que des rgions possdant une forte mobilit du
travail ont tout intrt former une union montaire.
Le degr douverture de lconomie
McKinnon (1963) se fonde sur le critre douverture des conomies pour dfinir
une zone montaire optimale. Une conomie est considre comme ouverte si le rapport
des biens changeables au PIB est lev. Plus les pays sont ouverts les uns sur les
autres, plus ils ont intrt former une zone montaire commune pour ne pas tre
affects par les variations du taux de change. Sils sont relativement ferms, ils peuvent
opter pour des changes flottants.
McKinnon (1963) souligne que les cots lis labandon du taux de change
comme instrument de politique conomique diminuent en fonction du degr douverture
10
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1.2 La thorie des zones montaires optimales
des conomies et de limportance de leurs changes rciproques. Cet argument repose
sur deux constats. Premirement, si une conomie est trs ouverte, la rsorption des
dsquilibres en changes flottants implique une modification considrable de lindice
des prix (comprenant les biens changeables et non changeables) qui est dfavorable.
Si lconomie souhaite stabiliser lindice des prix, les variations du taux de change
induiront une augmentation du prix des biens changeables qui devrait tre compense
par une diminution du prix des biens non changeables. Cela ne pourrait tre obtenu
quavec une contraction de la demande donc du niveau demploi (hausse du chmage).
Le second aspect porte sur labsence dillusion montaire par les agents. Dans une
conomie o la part des importations dans la consommation est leve, les effets rels
de la variation du taux de change se feront beaucoup plus ressentir par les agents qui
seront moins incits accepter une diminution de leur salaire nominal. Le taux de
change devient ds lors un instrument trs limit pour corriger les dsquilibres
extrieurs. Il serait justifi dans ce cas de choisir les changes fixes.
La diversification de la structure productive
Ce critre fut dvelopp par Kenen (1969). Dans lexemple dvelopp par
Mundell (1961), chaque pays est mono-producteur, do le fort impact dun choc
spcifique. Kenen (1969) met en vidence limportance de la diversification de
lappareil productif. Un pays qui diversifierait sa production serait moins enclin un
choc sectoriel (quun pays spcialis) qui naffectera quune part infime de son
conomie et limpact sur lemploi serait faible. Il pourrait donc opter pour les changes
fixes. A linverse, un pays relativement spcialis aurait intrt opter pour des changes
flottants afin de mieux ragir aux chocs spcifiques qui le perturberaient. Par
consquent, des conomies diversifies constitueront plus facilement une union
montaire puisque les chocs asymtriques touchant chaque pays exerceront un effet
attnu. La mobilit intersectorielle du travail permettra lajustement.
11
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1.2 La thorie des zones montaires optimales
1.2.2 Les prolongements thoriques
A la suite des travaux initiaux voqus ci-dessus, dautres critres sont apparus
partir de la fin des annes 1960. Ils furent dvelopps par Ingram (1962), Scitovski
(1967) et Ingram (1969, 1973) et Johnson (1970). A la fin des annes 1970, un nouveau
critre apparatra se basant sur les prfrences homognes (Cooper, 1977 ;
Kindleberger, 1986)9.
Si, lheure actuelle, le critre de Johnson connat un regain dintrt, notamment
en Europe avec le Pacte de stabilit et de croissance et les diffrentes options qui
soffrent une union montaire en terme de politiques budgtaires, celui dIngram nest
pas mis en avant. Ainsi, il apparat ncessaire de redfinir le critre dintgration
financire et de lanalyser avec autant dattention que les critres traditionnels de
lanalyse mundellienne qui seffectuait dans une hypothse de faible mobilit des
capitaux. De plus, sil savrait efficace, le critre dintgration financire permettrait de
compenser labsence dautres critres comme la mobilit du travail.
Le critre dintgration financire
Le critre dintgration financire a t dfini par Ingram (1962) mais aussi
Scitovsky (1967) puis nouveau Ingram (1969, 1973). Le modle dIngram (1969) na
pas pour premire vocation danalyser si les conditions financires entre deux ou n pays
sont runies pour quils forment une zone montaire optimale, il est davantage centr
sur les problmes de linstabilit et du rquilibre des balances des paiements. Dans son
article de 1969, Ingram souligne que les prcdentes tudes sur les zones montaires
optimales se concentrent trop sur la mobilit dun seul facteur : le travail ; et omettent
les mouvements de capitaux.
9 Nous pouvons galement citer Bourguinat (1973) qui propose de soumettre les projets dunion
montaire une sorte dindicateur dopportunit faisant intervenir, en les pondrant, les critres de
Mundell (1961) et de McKinnon (1963) (Bourguinat, 1999).
12
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1.2 La thorie des zones montaires optimales
A lorigine, selon Ingram10, si les marchs financiers connaissent un niveau lev
dintgration, les zones montaires peuvent adopter des taux de change fixes. En
liminant toutes les restrictions sur les mouvements de capitaux, les diffrentiels de taux
dintrt sont galement limins et ainsi les variations de taux de change. Ce degr
dintgration financire sapplique en particulier aux marchs de capitaux long terme,
cest--dire celui des titres. Selon Ingram (1962, 1969, 1973), labsence dune
intgration de ces marchs peut constituer une source dinstabilit dans les balances des
paiements. Dans un contexte o lintgration financire est forte, la ncessit du recours
au taux de change sera limine en raison du mcanisme damortissement que
pourraient constituer les flux de capitaux.
Mundell (1973(b)) reprendra, en partie, cette notion dintgration financire en
dveloppant lide que lintgration financire, concrtise par un regroupement des
rserves de change des pays participant lunion au sein dun pool, permettra ces pays
de constituer une union montaire permettant un partage des risques et donc un meilleur
lissage inter-temporel de la consommation.
Dautres analyses ont mis laccent sur le rle des marchs financiers et leur
incompltude comme Helpman et Razin (1982) ou, plus rcemment, Neumeyer (1998).
Le fdralisme budgtaire
Johnson (1970) dveloppe lide dun fdralisme budgtaire comme critre de
zones montaires optimales. Il sagit, pour les pays participant une union montaire,
de constituer un budget commun. Pour Johnson (1970), une forte intgration fiscale
entre deux ou n pays rduit les modifications des taux de change rels. Supposons deux
pays, A et B, touchs par un choc asymtrique qui dplace la demande du pays B vers le
pays A. La chute des exportations du pays B sera compense par un accroissement des
revenus issus du budget (commun) et une baisse de sa contribution ce dernier. Ainsi,
le budget fdral agit comme un stabilisateur automatique du revenu rel mais aussi des 10 Nous pouvons galement citer ltude de Scitovsky (1967) malgr que le but de cette dernire est
dtudier les problmes de dsquilibres de balance des paiements et leur rquilibrage.
13
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1.2 La thorie des zones montaires optimales
taux de change rel. Cest, en quelque sorte, un systme dassurance revenu
automatique. Toutefois, ce systme possde deux inconvnients majeurs. En premier, le
principe dassurance gnre un ala moral : en rendant les consquences dun choc
moins pnibles, ces transferts nincitent pas les pays recourir aux canaux
dajustements possibles (sils existent). Ds lors, un pays touch par un choc ngatif
tend devenir un bnficiaire systmatique de transferts de la part des autres pays. En
second, la souverainet nationale en matire de politique budgtaire est remise en cause.
Le critre dinflation
Considrer le taux dinflation comme un critre de zones montaires optimales
prend comme appui les tudes dHaberler (1970), Fleming (1971) et Magnifico (1972),
selon lesquelles des pays qui auraient des diffrentiels dinflation nuls constitueraient
une zone montaire optimale. Le taux dinflation est apprhend comme un indicateur
qui synthtise la fois les diffrences de comptitivit des structures productives, de
comportements en matire de revendication salariale et les orientations prises par la
politique montaire. Un diffrentiel nul de taux dinflation entre deux pays garantit la
stabilit du taux de change (nominal et rel) lintrieur dune union montaire11.
Ainsi, une convergence des taux dinflation peut tre le signe dune coopration des
politiques montaires ou de mmes prfrences dans les politiques conomiques de ces
pays. A linverse, la divergence des taux dinflation peut tre due une absence de
coopration. Cependant, elle peut aussi rsulter dun phnomne transitoire li au
rattrapage (effet Balassa-Samuelson).
Les prfrences homognes
Ce critre, dvelopp par Cooper (1977) puis Kindleberger (1986), repose sur
lide que lunion montaire est le reflet dune demande commune aux populations des 11 La convergence en matire dinflation fut une condition reprise pour lun des [5] critres de
convergence ncessaire pour ladhsion lUEM : les prix ne doivent pas dpasser de 1,5 point la
moyenne des trois meilleurs rsultats (article 121 du trait instituant la Communaut europenne).
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1.2 La thorie des zones montaires optimales
diffrents pays. Lunion montaire est alors considre comme un bien collectif. Ds
lors, si les pays candidats une union montaire ont des changes intenses et des
prfrences homognes, pour les biens et services mais aussi pour les biens collectifs,
nous pouvons considrer quils remplissent les conditions dune zone montaire
optimale et quil peuvent crer une union montaire. Les prfrences collectives
refltent les objectifs, nominaux et rels, qui vont commander la mise en uvre et le
fonctionnement de lunion. Ces prfrences vont, ds lors, constituer les points de
convergence nominale (taux dinflation, taux dintrt) et/ou rel (taux de croissance,
taux de chmage). Il est primordial, pour constituer une union montaire, donc
terme utiliser une politique montaire unique, que les pays adoptent des points de
convergence (nominaux et/ou rels) et saccordent sur le fonctionnement de lunion
montaire (symtrique ou asymtrique).
Les modles thoriques
Les modles thoriques concernant les zones montaires optimales sont assez peu
nombreux. Il existe toutefois certaines contributions majeures. Bayoumi (1994) propose
un modle de zones montaires optimales partir dun cadre dquilibre gnral avec
une diffrenciation rgionale des biens. Il reprend le concept de zone montaire
rgionale de Mundell (1961) o la zone montaire ne correspond pas forcment avec les
frontires nationales. Il montre que les gains dune union montaire dpendent de la
nature et de la taille des chocs qui affectent les conomies, des cots de transactions, de
la mobilit du facteur travail entre les rgions et des relations entre les niveaux de
demande de biens dans les diffrentes rgions. Toutefois, le modle de Bayoumi (1994)
ne prend pas en compte le rle des actifs financiers et de la politique budgtaire. Le
modle de Ricci (1997) introduit les aspects rels et montaires de la cration dune
union montaire sans ngliger les arguments traditionnels. Il dveloppe ainsi un modle
montaire de commerce international avec rigidits nominales en adaptant le cadre
danalyse dvelopp par Dornbusch et alii (1977). Il introduit lhtrognit des
prfrences et tudie les cas o la main-duvre est immobile et mobile. Ses rsultats
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1.2 La thorie des zones montaires optimales
montrent que louverture croissante des conomies, en augmentant lampleur des chocs
rels, diminue les bnfices de lunion montaire. Ainsi, ces rsultats ne sont pas tous
en accord avec les arguments avancs par la littrature traditionnelle. Plus rcemment,
Alesina et Barro (2002) modlisent lintgration montaire comme un processus
unilatral de dollarisation dans lequel des pays avec une inflation importante adoptent
la monnaie de pays jugs vertueux dans ce domaine. Ils montrent que le pays type ayant
plus de bnfices que de cots abandonner sa propre monnaie est une petite conomie
ouverte, ayant des liens commerciaux intenses avec un partenaire plus grand, dont les
taux dinflation ont toujours taient contrls, et avec un cycle conomique trs corrl
avec le pays ancre. Ils montrent enfin que plus le nombre de pays augmente, plus le
nombre de pays adoptant la monnaie dun autre pays augmente galement. Enfin, Ching
et Devereux (2003) sintressent aux cots et aux bnfices dune union montaire en
reprenant largument de Mundell (1973(b)) selon lequel une union montaire permet un
partage du risque. Selon Mundell (1973(b)), une union montaire entre deux pays
permettrait le partage du risque de chocs asymtriques (dfavorables la constitution
dune zone montaire). Lintgration financire permet, ds lors, deffectuer des
transferts compensateurs rquilibrant les balances des paiements des pays concerns.
En constituant une union montaire, les agents des deux pays vont alors pouvoir
changer des titres financiers pour compenser leur perte de revenu due un choc ngatif
asymtrique. Le principe de la contribution de Mundell est bel et bien de former un pool
qui, limage dun fdralisme budgtaire, va permettre le partage du risque et le
lissage des utilits des agents. Toutefois, Ching et Devereux (2003) montrent, partir
dun modle comparant des conomies avec des monnaies nationales et une monnaie
unique, que ce principe du partage du risque nest pas si vident lorsque lon compare
ces deux types de systme montaire. Tout dpend de la taille des chocs asymtriques et
de limportance de lajustement du taux de change dans le partage du risque.
Les dveloppements empiriques ont t beaucoup plus nombreux. Nous allons
tenter de les synthtiser dans la section 1.2.3.
16
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1.2 La thorie des zones montaires optimales
1.2.3 Les travaux empiriques
Les critres noncs dans la section 1.2.1 peuvent tre insuffisants, ils ne
permettent pas tout le temps de dlimiter exactement les contours de la zone montaire
optimale. Comme le souligne Kenen (2003), la thorie des zones montaires optimales,
sappuyant sur les critres traditionnels, est alors mal employe. Ces critres bass sur
une analyse cots/bnfices opposent deux grands types de rgimes : fixes versus
flottants. Or, il existe tout un panel entre ces deux types de rgimes (Fixed versus
floating is an oversimplified dichotomy, Frankel, 1999). Pour Frankel (1999), les
rgimes de change constituent un continum au travers duquel la flexibilit se met peu
peu en place. Ainsi, il distingue 9 rgimes de change possibles allant de lunion
montaire au flottement pur en passant notamment par les rgimes intermdiaires.
Cest ainsi que toute une srie dtudes concernant le degr dasymtrie des chocs
que subissent les pays prtendant la mme union montaire sest dveloppe. Ces
tudes ont eu pour objectif danalyser le principal cot que constitue une union
montaire (la perte du taux de change en cas de choc asymtrique) mais galement
didentifier les facteurs ventuellement compensateurs (mobilit du facteur travail,
flexibilit des prix et des salaires, fdralisme budgtaire et intgration financire) ce
type de choc.
La mobilit du facteur travail et la flexibilit des prix
Nous lavons vu dans lexemple dvelopp par Mundell (1961), une des solutions
pour rpondre un choc asymtrique en labsence de taux de change est la mobilit du
facteur travail. Si, thoriquement, ce critre, quelques dtails prs, apparat comme
pertinent (Bayoumi, 1994 ; Ricci, 1997), la vrification empirique nest pas aussi
unanime selon les rgions tudies. Ainsi, des tests sur le march du travail europen
montrent une certaine rigidit du salaire rel en Europe comparativement aux tats-
Unis. Layard et alii (1991) montrent que lajustement par la flexibilit des salaires rels
en Europe est quivalente la moiti de celui constat aux tats-Unis. Une des
17
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1.2 La thorie des zones montaires optimales
explications se trouverait dans le mode de formation des salaires qui accentuerait les
dsquilibres rgionaux au sein de lUnion europenne. Labsence de protection de
lemploi aux tats-Unis apporte une explication supplmentaire (Boyer, 1992 ; Nicoletti
et alii, 1999 ; OCDE, 1999 ; Blanchard et Tirole, 2003).
Selon Blanchard et Katz (1992), les chocs asymtriques aux tats-Unis se
traduisent assez peu par un ajustement des prix et des salaires mais seraient
essentiellement absorbs par la migration interrgionale de la population active. Au
cours des annes 1970-1990, plus de la moiti de lajustement intervenu aux tats-Unis
pendant la premire anne qui suivait un choc a pris la forme de migrations. Dans
lUnion europenne, les ajustements soprent davantage par une variation des taux
dactivit12 (Decressin et Ftas, 1995). En Europe, la mobilit du facteur est beaucoup
plus faible car beaucoup plus difficile mettre en place malgr lharmonisation des
cadres administratifs du domaine du travail et la libre circulation des personnes
physiques adopte depuis 1986. Le taux brut de migration interrgionale de la
population active (pourcentage de la population qui change de rgion chaque anne) est
de lordre de 2 3% aux tats-Unis, de lordre de 1% au sein des grands pays europens
et, probablement, 10 fois plus faible entre pays europens (Pisani-Ferry, 1994).
Eichengreen (1993) montre galement que la mobilit du travail entre les tats fdrs
aux tats-Unis est presque trois fois suprieure la mobilit du travail en France et en
Allemagne.
Eichengreen (1991) analyse lajustement du Michigan lors du deuxime choc
ptrolier en rappelant que cet tat est le plus sensible des tats amricains aux cycles.
Fortement spcialis dans lindustrie automobile et soumis aux rigueurs dun hiver trs
froid, le Michigan a fortement souffert de la rcession conscutive au second choc
ptrolier. Selon Eichengreen (1991), lajustement illustre limportance aux tats-Unis
de la mobilit du travail puisque, pour se sortir de ce mauvais pas, le Michigan a eu
recours la mobilit du travail : presque 2% de la population active a chang dtat. 12 Les taux dactivit sont dfinis comme les entres-sorties de la population active des femmes, des
jeunes, des travailleurs de plus de 50 ans et travail temps partiel (Barthe, 2003).
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1.2 La thorie des zones montaires optimales
Bayoumi et Prasad (1997) effectuent une analyse tats-Unis-Europe pour
comparer le degr de diversification industrielle et limportance des diffrentes sources
de chocs et tudier les mcanismes dajustement sur le march du travail. Ils montrent
que la plus grande diffrence a lieu sur le march du travail et que celui des tats-Unis
tant plus intgr, la mobilit intra-rgionale du travail est un mcanisme dajustement
beaucoup plus important du ct des tats-Unis que du ct europen.
Mazier et alii (2002) confirment que la flexibilit des prix et des salaires
nautorise que des ajustements limits face des chocs affectant une rgion. Comme
Eichengreen (1993) et Pisani-Ferry (1994), ils montrent que la mobilit de la main
duvre joue, en Europe, un rle minime dans le rquilibrage face un choc.
Par ailleurs, lensemble de ces tudes montre que la mobilit du travail correspond
un mouvement dajustement de moyen terme et non de court terme.
Le fdralisme budgtaire
Lajustement aux chocs asymtriques peut galement seffectuer par des
mcanismes hors march, avec des transferts budgtaires entre membres dune mme
union montaire. Supposons une union montaire constitue de deux pays, A et B. Si la
demande se dplace des produits de B vers ceux de A, la chute des exportations de B est
compense par un accroissement des revenus fiscaux de A et ainsi par un accroissement
des revenus issus du budget fdral. Dans le mme temps, la contribution de B ce
budget diminue temporairement.
Dans les annes 1970, en Europe, le rapport Mac Dougall ouvre la voie lide
dun dveloppement consquent des finances publiques communautaires ncessaire la
russite de lUEM. Ce rapport prconisait ladoption dun budget fdral pour faire face
aux chocs asymtriques et pour rguler lactivit. Par ailleurs, ce budget fdral aurait
permis de financer dautres domaines que lagriculture. Ce rapport ne donnera pas
naissance un lan vers une politique budgtaire fdrale car les Europens, le
Royaume-Uni en chef de file, refusaient de dlguer leur autonomie budgtaire.
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1.2 La thorie des zones montaires optimales
Ltude conduite par Sala-i-Martin et Sachs (1991) teste le critre dintgration
fiscale de Johnson. Lobjectif est destimer dans quelle mesure le gouvernement des
tats-Unis assure les tats membres contre des chocs externes affectant des rgions.
Leurs rsultats montrent, quen moyenne, une rduction de 1 dollar du revenu par tte
dune rgion diminue la contribution de cette rgion au budget fdral de 34 cents et
augmente la contribution de ltat fdral cette rgion de 8 cents.
Lintgration financire
Ce critre na pas fait lobjet jusqu prsent dun nombre aussi lev dtudes
que les autres critres. De plus, la plupart de ces tudes tait consacre lEurope.
Eichengreen (1991) compare les diffrentiels de prix entre les bourses europennes
(composes de Paris et Dsseldorf) et celles du Canada (composes de Toronto et
Montral). Il montre que ce diffrentiel est beaucoup plus faible pour les bourses
canadiennes queuropennes.
Taylor et Tonks (1988) ont mis en vidence que labolition du contrle des
changes au Royaume-Uni en 1979 a conduit une intgration troite entre le march de
Londres et ceux de lAllemagne, du Japon et des tats-Unis.
Enfin, Dickinson (1991), adoptant une dmarche similaire celle de Taylor et
Tonks (1988), teste dans quelle mesure le relchement et labandon des contrles sur les
investissements de portefeuille en Allemagne, en France et au Japon partir du milieu
des annes 1980 ont affect lintgration entre les marchs financiers. Les rsultats de
Dickinson (1991) sont similaires ceux de Taylor et Tonks (1988) en ce qui concerne la
forte intgration des grands places financires (Londres, New York, Tokyo) et montrent
quen rgle gnrale, lintgration des places rgionales nest pas significative.
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1.3 La thorie des zones montaires est-elle encore dactualit ?
1.3 La thorie des zones montaires optimales
est-elle encore dactualit ?
La thorie des zones montaires optimales fait lobjet de nombreuses critiques
dont certaines sont reprises dans Emerson et alii (1990). Ces critiques portent,
essentiellement, sur le manque dunicit du cadre de travail et le caractre endogne
dune union montaire. Beine (1999) propose galement deux autres critiques
essentielles qui portent sur le caractre non oprationnel de la thorie des zones
montaires optimales et sur le caractre restrictif des bnfices pris en compte par cette
thorie.
1.3.1 Un cadre de travail trop restrictif
Lune des principales critiques mises lencontre de la thorie des zones
montaires optimales est le manque de cohrence du cadre danalyse. Contrairement au
modle IS-LM ou au modle de Mundell-Fleming, la thorie des zones montaires na
pas fait lobjet dune formalisation consensuelle. Chaque conomiste a dvelopp et
dveloppe encore aujourdhui un cadre qui ne prsente aucune base commune. Cette
absence de bases communes entranant alors le manque de liens entre les diffrents
critres proposs par les divers conomistes pose un problme et marque le manque de
consensus dans le cadre de lanalyse cots/bnfices du choix du rgime de change. Il
apparat de ce fait que les critres de Mundell, de McKinnon et de Kenen sont, en
dfinitif, plus orients vers larbitrage changes fixes/changes flottants que vers la
question fondamentale de constitution dune vritable union montaire. Cette absence
de cadre commun peut ainsi faire apparatre comme contradictoire la thorie des zones
montaires optimales. Tavlas (1994) relve ces problmes en parlant dindtermination
et dincohrence. Le problme dindtermination concerne lutilisation des diffrents
critres dune zone montaire optimale qui peuvent faire aboutir des conclusions
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1.3 La thorie des zones montaires est-elle encore dactualit ?
diffrentes. Par exemple, deux ou n pays avec des liens commerciaux trs levs
auraient intrt former une union montaire (McKinnon, 1963). Mais si, dans le mme
temps, ces deux ou n pays ont des structures productives trs spcialises, ils auront
alors tout intrt opter pour des changes flottants (Kenen, 1969). Ainsi, deux critres
qui sont censs renseigner sur la faisabilit dune union montaire entre deux ou n pays
aboutissent ici lindtermination.
Le problme de cohrence peut sexposer partir de lexemple voqu ci-dessus.
En effet, les petites conomies sont en gnral trs ouvertes et devraient donc adopter
un rgime de changes fixes mais elles sont galement trs spcialises dans la
production dun bien les incitant donc opter pour des changes flottants.
Dans la pratique, les critres dvelopps par la thorie des zones montaires
optimales ne fournissent pas un seuil critique partir duquel lunion montaire apparat
comme profitable. Artis (2002, 2006) reprendra cet argument sur le critre dasymtrie
des chocs.
Par ailleurs, la thorie des zones montaires optimales se concentre gnralement
sur ltude de deux pays (Mundell, 1961 ; Bayoumi, 1994 ; Ricci, 1997) et regarde les
chocs qui affectent ces deux pays. Il est rarement tenu compte des chocs extrieurs ces
deux pays. Or, lintroduction dun tiers peut bouleverser les rsultats escompts et
obtenus (Kawai, 1992 ; Mlitz, 1995). Ainsi, lorsquun pays tiers est introduit dans
lanalyse, le taux de change rapparat entre les deux pays constituant lunion montaire
et le pays tiers. Ds lors, lunion montaire peut retrouver des marges de manuvre en
cas de choc asymtrique avec le pays tiers.
1.3.2 Le caractre endogne des zones montaires
optimales
Le dernier aspect relativisant la thorie des zones montaires optimales initie par
Mundell en 1961 est le caractre endogne dune union montaire. Un pays a intrt
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1.3 La thorie des zones montaires est-elle encore dactualit ?
rejoindre une union montaire ds lors que les gains excdent les cots ce qui est le cas
au-del dun certain seuil dintgration conomique (Krugman, 1992). Cependant les
conclusions de ce raisonnement peuvent tre diffrentes ex ante et ex post. Autrement
dit, lunion montaire pourrait ainsi se rvler ex ante comme coteuse ou inimaginable
mais devenir ex post bnfique. Ainsi, lunion montaire pourrait influencer les critres
de zones montaires optimales. Le caractre endogne a t tudi, essentiellement, par
Krugman (1993) et Frankel et Rose (1997, 1998)13. Par ailleurs ces deux visions
sopposent. Pour Krugman (1993), la fixit [irrvocable] des taux de change pousserait
la spcialisation des pays et donc favoriserait lapparition de chocs asymtriques.
Krugman (1993) sappuie sur les enseignements des thories du commerce international
(notamment la prsence de rendements dchelles croissants) selon lesquelles
lintgration a pour corrolaire une intensification des avantages comparatifs conduisant
une plus grande spcialisation de la production. Celle-ci rduit les corrlations des
cycles conomiques et rend les pays membres plus vulnrables aux chocs asymtriques.
A linverse, Frankel et Rose (1997, 1998) estiment que lapprofondissement de
lintgration conomique favoriserait lapparition de cycles conomiques symtriques.
En effet, en constituant une union montaire, les deux ou n pays renforceraient leurs
liens commerciaux qui favoriseraient le rapprochement des cycles. Ds lors, une union
montaire considre comme coteuse ex ante peut devenir bnfique ex post. Frankel
et Rose (1997, 1998) remettent en cause le lien union montaire-spcialisation-
asymtrie des chocs en sappuyant sur le modle de gravit. Ils mettent ainsi en
vidence, pour 21 pays industriels sur la priode 1959-1993, que laccroissement du
commerce bilatral entre les pays est associ de manire positive la corrlation des
cycles.
Cette endognit rend compte de la critique de Lucas (1976) 14. Pour Lucas
(1976), et cest tout lobjet de sa critique adresse aux conomtres essentiellement 13 Nous pouvons galement citer les travaux de Rose et Engel (2000). 14 La critique de Lucas peut par ailleurs tre relativise. Voir, par exemple, Ericsson et Irons (1995), Fair
(1984 ; 1993), Favro et Hendry (1992), Malgrange (1989 ; 1990 ; 1992 ; 1996) et De Vroey et
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1.3 La thorie des zones montaires est-elle encore dactualit ?
keynsiens, les modles macroconomtriques nont aucun fondement
microconomique et reposent sur des quations dont les paramtres ne sont pas
invariants par rapport aux rgles de politique conomique : ils ne sont pas, dans ce sens,
des paramtres structurels la diffrence des paramtres caractrisant les prfrences et
la technologie, qualifis par Lucas de deep parameters. La critique de Lucas consiste
montrer lincohrence de mesurer les effets dune politique conomique partir dun
modle dont certains paramtres vont tre modifis par cette mme politique.
Lintroduction dune nouvelle rgle de politique conomique rend en effet obsolte le
modle conomtrique dont les paramtres estims reposent sur la politique
conomique suivie en moyenne dans le pass. Les paramtres estims ne sont alors plus
cohrents avec la politique conomique annonce. Les effets de cette dernire sont ds
lors errons ne pouvant tre valus en utilisant ces modles.
Malgrange (2007). Les critiques de la critique (Fve, 2006) portent, notamment, sur les fonctions de
comportement qui doivent changer. Par ailleurs, les modles dynamiques avec anticipations rationnelles
sont parfois mal spcifis et prsentent un mauvais ajustement aux donnes. Il est alors prfrable
dutiliser des modles ad hoc, prsentant une certaine invariance la politique conomique (Fair, 1993).
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1.4 Les avantages dune union montaire : un modle
1.4 Les avantages dune union montaire : un modle
Crdibilit et cohrence temporelle des dcisions
Si lunion montaire possde un inconvnient majeur : la perte du taux de change
comme variable dajustement, il nen reste pas moins vrai quelle apporte un certain
nombres davantages dans la lutte contre linflation, en terme de crdibilit des banques
centrales et dans la gestion des rserves de change. Lobjet de cette quatrime section
est de dvelopper un modle issu des travaux de Kydland et Prescott (1977) et Barro et
Gordon (1983) afin de mettre deux points en vidence pour mieux justifier le choix dun
tel rgime : la crdibilit des banques centrales et les politiques striles de change.
Avec le dveloppement dans les annes 1970 de la Nouvelle conomie Classique
(Lucas, Sargent, Wallace, Barro), une conception nouvelle des politiques budgtaire et
montaire est apparue. Kydland et Prescott (1977) et Barro et Gordon (1983) ont
dvelopp des modles mettant en cause les actions des autorits censs rguler
lactivit conomique dun pays. Le modle de Barro et Gordon (1983) voque les
problmes de crdibilit et de tentation de tricher que peut rencontrer une banque
centrale. Par exemple, une banque centrale qui annonce la priode un niveau de
prix pour la priode t aura tout intrt, une fois la priode t, de choisir un niveau de
prix (avec ), cest--dire faire ce que nous appelons de linflation surprise.
Les anticipations dinflation des agents sont alors errones, les salaires rels effectifs
sont infrieurs aux salaires rels anticips, les entreprises embauchent et le chmage
diminue. Ce scnario est valide uniquement si les anticipations des agents sont statiques
(Phillips, 1958) ou adaptatives (Friedman, 1968). Avec la Nouvelle conomie Classique
et le concept danticipations rationnelles (Lucas, 1972), la courbe de Phillips devient
une droite verticale, y compris court terme, et il nest plus possible pour la banque
centrale de tricher et deffectuer un arbitrage entre inflation et chmage. Ainsi, avec le
concept danticipations rationnelles, seule la fraction imprvisible de la masse
montaire, la surprise montaire, le choc, a une influence sur le niveau dactivit donc
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1.4 Les avantages dune union montaire : un modle
sur le chmage. Toute politique montaire systmatique ou prvisible est ainsi neutre.
Les changements dans la composante systmatique sont immdiatement intgrs dans
les anticipations de prix des agents et ainsi la production, et donc le chmage, restent
leur niveau naturel.
Lide du modle de Barro et Gordon (1983) est la suivante : si le jeu se droule
sur plusieurs priodes, toute tricherie de la part de la banque centrale sera sanctionne
par les agents, la crdibilit de la banque centrale est atteinte et les agents dcideront
dun niveau dinflation plus lev que celui qui aurait prvalu si la banque centrale
navait pas tr