THESE - VetAgro Sup vetagro sup . campus veterinaire de lyon année 2014 - thèse n° 029. anatomie...

130
VETAGRO SUP CAMPUS VETERINAIRE DE LYON Année 2014 - Thèse n° 029 ANATOMIE ET HÉMODYNAMIQUE CARDIAQUES CHEZ LES CROCODILIENS THESE Présentée à l’UNIVERSITE CLAUDE-BERNARD - LYON I (Médecine - Pharmacie) et soutenue publiquement le 29 août 2014 pour obtenir le grade de Docteur Vétérinaire par Christophe BOURGUIGNON Né le 25 septembre 1989 à Longjumeau

Transcript of THESE - VetAgro Sup vetagro sup . campus veterinaire de lyon année 2014 - thèse n° 029. anatomie...

VETAGRO SUP CAMPUS VETERINAIRE DE LYON

Année 2014 - Thèse n° 029

ANATOMIE ET HÉMODYNAMIQUE CARDIAQUES CHEZ LES

CROCODILIENS

THESE

Présentée à l’UNIVERSITE CLAUDE-BERNARD - LYON I (Médecine - Pharmacie)

et soutenue publiquement le 29 août 2014 pour obtenir le grade de Docteur Vétérinaire

par

Christophe BOURGUIGNON

Né le 25 septembre 1989 à Longjumeau

2

3

Liste des Enseignants du Campus Vétérinaire de LyonMise à jour :

12 mars 2014

Civilité Nom Prénom Unités pédagogiques Grade

M. ALOGNINOUWA Théodore Pathologie du bétail Professeur

M. ALVES-DE-OLIVEIRA Laurent Gestion des élevages Maître de conférences

Mme ARCANGIOLI Marie-Anne Pathologie du bétail Maître de conférences

M. ARTOIS Marc Santé Publique et Vétérinaire Professeur

M. BARTHELEMY Anthony Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences Contractuel

Mme BECKER Claire Pathologie du bétail Maître de conférences

M. BELLI Patrick Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie Maître de conférences Contractuel

Mme BENAMOU-SMITH Agnès Equine Maître de conférences

M. BENOIT Etienne Biologie fonctionnelle Professeur

M. BERNY Philippe Biologie fonctionnelle Professeur

Mme BERTHELET Marie-Anne Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences

Mme BONNET-GARIN Jeanne-Marie Biologie fonctionnelle Professeur

Mme BOULOCHER Caroline Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences

M. BOURDOISEAU Gilles Santé Publique et Vétérinaire Professeur

M. BOURGOIN Gilles Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences

M. BRUYERE Pierre Biotechnologies et pathologie de la reproduction Maître de conférences Stagiaire

M. BUFF Samuel Biotechnologies et pathologie de la reproduction Maître de conférences

M. BURONFOSSE Thierry Biologie fonctionnelle Maître de conférences

M. CACHON Thibaut Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences Stagiaire

M. CADORE Jean-Luc Pathologie médicale des animaux de compagnie Professeur

Mme CALLAIT-CARDINAL Marie-P ierre Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences

M. CAROZZO Claude Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences

M. CHABANNE Luc Pathologie médicale des animaux de compagnie Professeur

Mme CHALVET-MONFRAY Karine Biologie fonctionnelle Professeur

M. COMMUN Loic Gestion des élevages Maître de conférences

Mme DE BOYER DES ROCHES Alice Gestion des élevages Maître de conférences

Mme DELIGNETTE-MULLER Marie-Laure Biologie fonctionnelle Professeur

M. DEMONT Pierre Santé Publique et Vétérinaire Professeur

Mme DESJARDINS PESSON Isabelle Equine Maître de conférences Contractuel

Mme DJELOUADJI Zorée Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences

Mme ESCRIOU Catherine Pathologie médicale des animaux de compagnie Maître de conférences

M. FAU Didier Anatomie Chirurgie (ACSAI) Professeur

Mme FOURNEL Corinne Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie Professeur

M. FRANCK Michel Gestion des élevages Professeur

M. FREYBURGER Ludovic Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences

M. FRIKHA Mohamed-Ridha Pathologie du bétail Maître de conférences

Mme GILOT-FROMONT Emmanuelle Santé Publique et Vétérinaire Professeur

M. GONTHIER Alain Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences

Mme GRAIN Françoise Gestion des élevages Professeur

M. GRANCHER Denis Gestion des élevages Maître de conférences

Mme GREZEL Delphine Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences

M. GUERIN Pierre Biotechnologies et pathologie de la reproduction Professeur

Mme HUGONNARD Marine Pathologie médicale des animaux de compagnie Maître de conférences

M. JUNOT Stéphane Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences

M. KECK Gérard Biologie fonctionnelle Professeur

M. KODJO Angeli Santé Publique et Vétérinaire Professeur

Mme LAABERKI Maria-Halima Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences

M. LACHERETZ Antoine Santé Publique et Vétérinaire Professeur

Mme LAMBERT Véronique Gestion des élevages Maître de conférences

Mme LATTARD Virginie Biologie fonctionnelle Maître de conférences

Mme LE GRAND Dominique Pathologie du bétail Professeur

Mme LEBLOND Agnès Santé Publique et Vétérinaire Professeur

M. LEPAGE Olivier Equine Professeur

Mme LOUZIER Vanessa Biologie fonctionnelle Maître de conférences

M. MARCHAL Thierry Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie Professeur

Mme MIALET Sylvie Santé Publique et Vétérinaire

Inspecteur en santé publique

vétérinaire (ISPV)

Mme MICHAUD Audrey Gestion des élevages Maître de conférences

M. MOUNIER Luc Gestion des élevages Maître de conférences

M. PEPIN Michel Santé Publique et Vétérinaire Professeur

M. PIN Didier Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie Maître de conférences

Mme PONCE Frédérique Pathologie médicale des animaux de compagnie Maître de conférences

Mme PORTIER Karine Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences

Mme POUZOT-NEVORET Céline Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences

Mme PROUILLAC Caroline Biologie fonctionnelle Maître de conférences

Mme REMY Denise Anatomie Chirurgie (ACSAI) Professeur

M. ROGER Thierry Anatomie Chirurgie (ACSAI) Professeur

M. SABATIER Philippe Biologie fonctionnelle Professeur

M. SAWAYA Serge Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences

Mme SEGARD Emilie Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences Contractuel

Mme SERGENTET Delphine Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences

Mme SONET Juliette Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences Contractuel

M. THIEBAULT Jean-Jacques Biologie fonctionnelle Maître de conférences

M. VIGUIER Eric Anatomie Chirurgie (ACSAI) Professeur

Mme VIRIEUX-WATRELOT Dorothée Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie Maître de conférences Contractuel

M. ZENNER Lionel Santé Publique et Vétérinaire Professeur

4

5

REMERCIEMENTS

A Monsieur le Professeur Gilbert Kirkorian

De la Faculté de Médecine et de Maïeutique Lyon Sud, Qui nous a fait l'honneur d'accepter la présidence de notre jury de thèse,

Qu'il reçoive ici l'expression de nos hommages respectueux.

A Monsieur le Docteur Claude Guintard

Du campus vétérinaire de Nantes - ONIRIS, Qui nous a fait l'honneur d'encadrer ce travail,

Pour son soutien, sa disponibilité, sa gentillesse et ses conseils, Qu'il trouve ici l'expression de notre respect le plus profond.

A Monsieur le Professeur Jean-Luc Cadoré

Du Campus vétérinaire de Lyon - VetAgro Sup, Pour avoir accepté de juger ce travail et de participer à notre jury de thèse, Qu'il reçoive ici l'expression de toute ma gratitude et ma reconnaissance.

A Monsieur le Docteur Eric Betti

Du campus vétérinaire de Nantes - ONIRIS, Qui nous a fait l'honneur d'encadrer ce travail,

Pour sa présence, son aide, sa gentillesse, Qu'il trouve ici l'expression de notre respect le plus profond.

6

7

À Thierry Bordat. Cette étude vous est dédiée. À mes parents. Pour votre soutien permanent, dans tous les domaines. Pour votre amour, votre bienveillance. À ma famille. À Charlotte. Pour ton appui constant et ton aide. À mes amis parisiens, nantais, lyonnais.

À Image Et (Messieurs Cédric Tavernier et Yvan Richaudeau). Pour les examens tomodensitométriques. Au service d'imagerie d'ONIRIS (Dr Fusellier, Christian Raphaël et Sté-

phane Madec). Pour les examens IRM. Au CIRMA (Dr Seurin). Pour son aide dans l'exploitation des images. À Manuel Comte, Frédéric Lebatard, Catherine Picard, Pascale Bugnon. Pour leur aide, leur savoir-faire et leur sourire constant. À Isabelle Bublot, qui s'est rendue disponible tout au long de l'année, qui est mon interlocutrice de choix lorsque je me pose des questions quant à mon projet professionnel, entre autres. Je ne serai jamais assez reconnaissant pour tout cela. Merci infiniment. Aux Docteurs Isabelle Goy-Thollot et Stéphane Junot, qui m'ont apporté leur soutien à un moment crucial de mon cursus. Merci beaucoup.

8

TABLE DES MATIERES

REMERCIEMENTS ........................................................................................................................................5

TABLE DES FIGURES................................................................................................................................. 11

TABLE DES TABLEAUX............................................................................................................................. 15

TABLE DES ABREVIATIONS .................................................................................................................... 16

INTRODUCTION......................................................................................................................................... 19

PARTIE 1 : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE ............................................................................................ 21 I) RAPPELS DE TAXONOMIE ET DE PHYLOGENETIQUE CHEZ LES CROCODILIENS .................................................... 22

A) Taxonomie au sein de l'ordre Crocodylia ........................................................................................................ 22 B) Position phylogénétique de Crocodylia ............................................................................................................ 23

II) DEVELOPPEMENT EMBRYONNAIRE DU FUTUR APPAREIL CARDIOVASCULAIRE ................................................ 25 A) Initiation de l’embryogenèse : du zygote à la phase de gastrulation................................................. 25 B) L’organogenèse : mise en place de l’appareil circulatoire sanguin .................................................... 28

1) Etape de formation de l’ébauche cardiaque ........................................................................................................................... 28 2) Apparition d’un système artériel ................................................................................................................................................ 29 3) Structuration du cœur .................................................................................................................................................................... 32

a) Début de l’organogenèse cardiaque ..................................................................................................................................... 32 b) Mise en place des chambres cardiaques ............................................................................................................................. 32 c) Le cloisonnement cardiaque.................................................................................................................................................... 33

4) Apparition d’un système veineux ............................................................................................................................................... 34 a) Les veines vitellines et leur évolution en un système porte-hépatique .................................................................. 34 b) Les veines cardinales ................................................................................................................................................................. 34 c) Les veines ombilicales ............................................................................................................................................................... 34

C) Evolution de l’appareil cardiovasculaire : vers plus d’indépendance des deux circulations sanguines ............................................................................................................................................................................. 35

III) ANATOMIE DESCRIPTIVE DE L’APPAREIL CARDIOVASCULAIRE DES CROCODILIENS ....................................... 36 A) Anatomie externe ....................................................................................................................................................... 36

1) Aspect général ................................................................................................................................................................................... 36 2) Le sinus veineux................................................................................................................................................................................ 36 3) Les atriums ......................................................................................................................................................................................... 36 4) La masse ventriculaire ................................................................................................................................................................... 36 5) Les troncs artériels .......................................................................................................................................................................... 37 6) La circulation coronaire ................................................................................................................................................................. 42 7) Le péricarde........................................................................................................................................................................................ 42

B) Anatomie interne........................................................................................................................................................ 42 1) Aspect général ................................................................................................................................................................................... 42 2) Les ventricules .................................................................................................................................................................................. 42 3) Les valves cardiaques ..................................................................................................................................................................... 44 4) La chambre de chasse du ventricule droit .............................................................................................................................. 44 5) Les cartilages cardiaques .............................................................................................................................................................. 44 6) Les lieux de communication entre les deux aortes .............................................................................................................. 46

a) Le foramen de Panizza............................................................................................................................................................... 46 b) L’anastomose inter-aortique................................................................................................................................................... 48

IV) HEMODYNAMIQUE CARDIAQUE ET CONTROLES ASSOCIES ..................................................................................... 50 A) Hémodynamique cardiaque .................................................................................................................................. 50

1) Présentation générale ..................................................................................................................................................................... 50 2) Le cycle cardiaque ............................................................................................................................................................................ 51

a) Le cycle cardiaque gauche et la circulation systémique ................................................................................................ 51 b) Le cycle cardiaque droit et la circulation pulmonaire ................................................................................................... 53 c) Circulation du sang au sein de l'aorte gauche ................................................................................................................... 56

i) Sans participation du ventricule droit ............................................................................................................................. 56 ii) Avec participation du ventricule droit ........................................................................................................................... 61

9

3) Hémodynamique dans un contexte d’absence de shunt pulmonaire-à-systémique ............................................... 62 a) Fonction d’éjection du ventricule droit ............................................................................................................................... 62 b) Importance des cartilages cardiaques ................................................................................................................................. 62

4) Hémodynamique dans un contexte d’existence de shunt pulmonaire-à-systémique ............................................. 63 B) Contrôle de l'hémodynamique et du shunt pulmonaire-à-systémique ............................................. 68

1) La chambre de chasse du ventricule droit .............................................................................................................................. 68 2) L'anastomose inter-aortique ........................................................................................................................................................ 70 3) Le foramen de Panizza.................................................................................................................................................................... 72 4) Le système cardiovasculaire en général .................................................................................................................................. 73

C) Rôles potentiels du shunt pulmonaire-à-systémique ................................................................................. 75 1) Importance de l’aorte gauche chez l’embryon ....................................................................................................................... 75 2) Influence de l’aorte gauche sur la morphologie cardiaque ............................................................................................... 75 3) Influence sur la digestion .............................................................................................................................................................. 79 4) Perfusion de l'encéphale et du cœur ......................................................................................................................................... 81 5) Influence sur la capacité à plonger ............................................................................................................................................ 82

PARTIE 2 : ETUDE EXPERIMENTALE ................................................................................................ 85 I) MATERIEL ............................................................................................................................................................................. 86 II) METHODES .......................................................................................................................................................................... 87

A) Dissection ....................................................................................................................................................................... 87 B) Imagerie par résonance magnétique ................................................................................................................ 91 C) Tomodensitométrie ................................................................................................................................................... 92

III) RESULTATS ET DISCUSSION ........................................................................................................................................... 92 A) Résultats ......................................................................................................................................................................... 92

1) Situation, rapports et moyens de fixité .................................................................................................................................... 92 a) Situation et orientation ............................................................................................................................................................. 92 b) Rapports ......................................................................................................................................................................................... 94 c) Moyens de fixité ........................................................................................................................................................................... 95

2) Conformation extérieure ............................................................................................................................................................... 96 3) Conformation intérieure .............................................................................................................................................................. 110

a) La paroi du cœur........................................................................................................................................................................ 110 b) La cavité ventriculaire droite................................................................................................................................................ 112

i) Aspect général ........................................................................................................................................................................ 112 ii) La chambre de chasse du ventricule droit et la valve pulmonaire ..................................................................... 114

c) La cavité ventriculaire gauche .............................................................................................................................................. 116 d) Le foramen de Panizza ............................................................................................................................................................ 118 e) L'anastomose inter-aortique ................................................................................................................................................. 119

B) Discussion ................................................................................................................................................................... 121

CONCLUSION ..................................................................................................................................... 123

BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................................................... 124

ANNEXES .................................................................................................................................................. 128

10

11

TABLE DES FIGURES

Figure 1 : Arbre taxonomique de Crocodylia (TRUTNAU et SOMMERLAD 2006). ....................22 Figure 2 : Position phylogénétique des Crocodiliens (Crocodylia) (LECOINTRE et LE GUYADER 2001). ....................................................................................................................................................24 Figure 3 : Etapes de la segmentation (MCGEADY et al. 2006). ..........................................................26 Figure 4 : Etapes de la gastrulation (MCGEADY et al. 2006). ............................................................27 Figure 5 : Mise en place de l'appareil circulatoire sanguin embryonnaire des reptiles .........28 Figure 6 : Arcs aortiques des reptiles (BEAUMONT et CASSIER 1994). .........................................29 Figure 7 : Cardiogenèse, coupes transversales schématiques (BEAUMONT et CASSIER 1994). ..........................................................................................................................................................................31 Figure 8 : Mise en place des chambres cardiaques (BEAUMONT et CASSIER 1994)................31 Figure 9 : Cœur isolé de Crocodylus porosus (GRIGG 1991). ..............................................................39 Figure 10 : Troncs artériels principaux chez Crocodylus niloticus (GUIBE 1970). ...................40 Figure 11 : Quelques artères majeures de la région abdominale chez Crocodylus niloticus (GUIBE 1970). .........................................................................................................................................................41 Figure 12 : Schéma du cœur et des principales artères chez les Crocodiliens (GRIGG 1991). .......................................................................................................................................................................................43 Figure 13 : Cartilages cardiaques d'Alligator mississippiensis (GUIBE 1970). ..........................45 Figure 14 : Localisation du foramen de Panizza (GRIGG 1991)........................................................47 Figure 15 : Moulage intra-vasculaire de l'anastomose inter-aortique et des vaisseaux attenants (AXELSSON et FRANKLIN 2001). .............................................................................................48 Figure 16 : Marquage immuno-histochimique de l'anastomose inter-aortique ........................49 Figure 17 : Schéma des relations entre les ventricules et les artères principales chez Alligator Mississippiensis (SHELTON et JONES 1991). ..........................................................................50 Figure 18 : Schéma de la révolution cardiaque gauche........................................................................51 Figure 19 : Enregistrement simultané des pressions sanguines au sein de différents compartiments vasculaires chez Alligator mississippiensis (SHELTON et JONES 1991). ......53 Figure 20 : Enregistrement de la pression et du flux sanguins dans l'une des artères pulmonaires principales chez Alligator mississippiensis (SHELTON et JONES 1991). ............55 Figure 21 : Enregistrement des pressions sanguines dans le ventricule droit et une des artères pulmonaires principales chez Alligator mississippiensis (SHELTON et JONES 1991). .......................................................................................................................................................................................55 Figure 22 : Etude du flux sanguin dans l'aorte gauche en cas d'absence de participation du ventricule droit chez Alligator mississippiensis (SHELTON et JONES 1991). ..............................57 Figure 23 : Vues d'angioscopie mettant en évidence le foramen de Panizza et son recouvrement par la valvule aortique droite septale chez Crocodylus rhombifer (AXELSSON et FRANKLIN 2011). .............................................................................................................................................58 Figure 24 : Mise en évidence du foramen de Panizza chez Alligator mississippiensis.............59 Figure 25 : Etude du flux sanguin dans l'aorte gauche en cas de participation du ventricule droit chez Alligator mississippiensis (SHELTON et JONES 1991). ....................................................60 Figure 26 : Etude du flux sanguin dans l'aorte gauche en cas de participation précoce du ventricule droit chez Alligator mississippiensis (SHELTON et JONES 1991). ..............................61 Figure 27 : Etude de la pression et du flux sanguins dans les principaux troncs artériels en cas de shunt pulmonaire-à-systémique chez Crocodylus porosus (AXELSSON et FRANKLIN 1997). ..........................................................................................................................................................................64

12

Figure 28 : Effets de l'acétylcholine sur les pressions et flux sanguins des principaux troncs artériels (JONES et SHELTON 1993). ............................................................................................................65 Figure 29 : Etude des pressions et flux sanguins dans les principaux troncs artériels en fonction du comportement chez Alligator mississippiensis (JONES et SHELTON 1993). .......66 Figure 30 : Schéma des différents modèles hémodynamiques en fonction des phases du cycle cardiaque et de la pression sanguine systémique (JONES et SHELTON 1993)................67 Figure 31 : La valve de la chambre de chasse du ventricule droit ("cog-teeth-like valve") et sa contraction suite à une stimulation adrénergique (AXELSSON et FRANKLIN 2011). .......69 Figure 32 : Effet de la contraction du muscle entourant la valve de la chambre de chasse du ventricule droit sur les pressions sanguines systémique, pulmonaire et ventriculaire droite chez Alligator mississippiensis (SYME et al. 2002). ................................................................................70 Figure 33 : Innervation et libération des neuropeptides au sein de la paroi de l'anastomose inter-aortique (KARILA et al. 1995). .............................................................................................................71 Figure 34 : Effet de l'adrénaline et du L-NAME sur la résistance pariétale de l'anastomose inter-aortique (AXELSSON et FRANKLIN 2001). .....................................................................................72 Figure 35 : Circulation sanguine embryonnaire dans le cœur et les principaux troncs artériels chez les Crocodiliens (DZIALOWSKI et al. 2011)...................................................................76 Figure 36 : Effet de la ligature de l'aorte gauche sur la masse ventriculaire totale indexée .......................................................................................................................................................................................77 Figure 37 : Effet de la ligature de l'aorte gauche sur l'épaisseur des parois ventriculaires .78 Figure 38 : Sécrétion d'acide gastrique en fonction de la capacité à mettre en place un shunt pulmonaire-à-systémique (FARMER et al. 2008). ......................................................................80 Figure 39 : Débit sanguin au sein de l'aorte gauche en fonction du temps écoulé en période postprandiale (FARMER et al. 2008). ...........................................................................................................80 Figure 40 : Vue ventrale d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus). .........................................88 Figure 41 : Vue ventrale d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) après résection du plan cutané...............................................................................................................................................................88 Figure 42 : Vue ventrale d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) après résection des muscles superficiels des régions thoracique et cervicale. ....................................................................89 Figure 43 : Vue ventrale de la cavité générale d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) après section des côtes et des gastralia latéralement. ..........................................................................89 Figure 44 : Vue ventrale de la cavité générale d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) après retrait du tissu adipeux de la région thoracique. ........................................................................90 Figure 45 : Vue ventrale de la cavité générale d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) après retrait de l'enveloppe péricardique. .................................................................................................90 Figure 46 : Schéma d'explication des différentes coupes visualisées (CIRMA®). ......................91 Figure 47 : Vue ventrale de la cavité générale d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) et situation du cœur dans la région thoracique. ......................................................................................93 Figure 48 : Vue ventro-crâniale du cœur d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) et gubernaculum cordis après incision ventrale du péricarde selon le grand axe cardiaque. ..94 Figure 49 : Vue ventrale du cœur d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) et rapport ligamentaire entre l'apex du cœur et l'isthme inter-lobaire. .............................................................95 Figure 50 : Vue ventrale de la face ventrale du cœur d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) et ses principaux vaisseaux. ......................................................................................................97 Figure 51 : Vue dorsale de la face dorsale du cœur d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) et ses principaux vaisseaux. ......................................................................................................97 Figure 52 : Vue ventro-crâniale de la face ventrale du cœur d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) et ses principaux vaisseaux. ...................................................................................98 Figure 53 : Vue ventro-latérale gauche de la face ventrale du cœur d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) et ses principaux vaisseaux. ...................................................................................99

13

Figure 54 : Coupe dorsale d'IRM passant par le cœur chez un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) (légendée). ..................................................................................................................................... 100 Figure 55 : Coupe dorsale d'IRM passant par le cœur chez un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) (non légendée). ............................................................................................................................ 100 Figure 56 : Coupe dorsale d'IRM passant par les veines caves crâniales chez un caïman à lunettes (Caiman crocodilus). ....................................................................................................................... 101 Figure 57 : Coupe sagittale d'IRM passant par les crosses aortiques droite et gauche chez un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) (légendée). ..................................................................... 102 Figure 58 : Coupe sagittale d'IRM passant par les crosses aortiques droite et gauche chez un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) (non légendée). ............................................................ 102 Figure 59 : Coupe transversale d'IRM passant par l'aorte droite ascendante et descendante chez un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) (légendée). ........................................................... 103 Figure 60 : Coupe transversale d'IRM passant par l'aorte droite ascendante et descendante chez un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) (non légendée). .................................................. 103 Figure 61 : Coupe dorsale d'IRM passant par les aortes ascendantes droite et gauche chez un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) (légendée). ..................................................................... 104 Figure 62 : Coupe dorsale d'IRM passant par les aortes ascendantes droite et gauche chez un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) (non légendée). ............................................................ 104 Figure 63 : Coupe dorsale d'IRM passant par les aortes descendantes droite et gauche chez un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) (légendée). ..................................................................... 105 Figure 64 : Coupe dorsale d'IRM passant par les aortes descendantes droite et gauche chez un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) (non légendée). ............................................................ 105 Figure 65 : Coupe dorsale de tomodensitométrie passant par la partie dorsale du cœur et ses principaux vaisseaux chez un caïman à lunettes (Caiman crocodilus). .............................. 106 Figure 66 : Coupe dorsale de tomodensitométrie passant par la partie ventrale du cœur et ses principaux vaisseaux chez un caïman à lunettes (Caiman crocodilus). .............................. 107 Figure 67 : Coupe sagittale de tomodensitométrie passant par la partie droite du cœur et la crosse aortique droite chez un caïman à lunettes (Caiman crocodilus)..................................... 108 Figure 68 : Coupe sagittale de tomodensitométrie passant par la partie médiane du cœur et l'artère carotide commune chez un caïman à lunettes (Caiman crocodilus). .................... 109 Figure 69 : Vue ventro-latérale droite de la paroi du ventricule droit d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) après incision de la cavité ventriculaire droite de l'apex jusqu'à la base du cœur. ....................................................................................................................................................... 110 Figure 70 : Vue latérale droite agrandie de la paroi du ventricule droit d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus). ....................................................................................................................... 111 Figure 71 : Vue ventro-caudale de la cavité ventriculaire droite d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus). ......................................................................................................................................... 112 Figure 72 : Vue ventro-caudale de la cavité ventriculaire droite et de la valve aortique gauche d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) après incision longitudinale de l'aorte gauche. .................................................................................................................................................................... 113 Figure 73 : Vue ventro-caudale de la valve aortique gauche d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus). ......................................................................................................................................... 113 Figure 74 : Vue ventrale de la cavité ventriculaire droite et de la valve pulmonaire d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus). ................................................................................................... 114 Figure 75 : Vue ventrale de la chambre de chasse du ventricule droit d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus). ......................................................................................................................................... 115 Figure 76 : Vue ventrale de la valve pulmonaire d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus). ............................................................................................................................................................ 115 Figure 77 : Vue caudo-latérale gauche de la cavité ventriculaire gauche d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus). ....................................................................................................................... 116

14

Figure 78 : Coupe transversale d'IRM passant par les cavités ventriculaires droite et gauche chez un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) (légendée). ........................................... 117 Figure 79 : Coupe transversale d'IRM passant par les cavités ventriculaires droite et gauche chez un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) (non légendée). .................................. 117 Figure 80 : Vue crâniale du foramen de Panizza d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus). ............................................................................................................................................................ 118 Figure 81 : Vue ventrale de la cavité générale d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) et situation de l'anastomose inter-aortique après que le cœur, le foie et l'estomac aient été réclinés vers la gauche. .................................................................................................................................... 119 Figure 82 : Vue ventrale de l'anastomose inter-aortique d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus). ............................................................................................................................................................ 120

15

TABLE DES TABLEAUX

Tableau I : Action de quelques stimuli entraînant ou inhibant l'apparition ou le maintien d'un shunt pulmonaire-à-systémique chez diverses espèces de Crocodiliens (AXELSSON et FRANKLIN 1997). ..................................................................................................................................................74

16

TABLE DES ABREVIATIONS

A : Atrium ACM : Artère cœliaco-mésentérique A.D. : Aorte dorsale Adr : Adrénaline AG : Atrium gauche Ana : Anastomose inter-aortique AoD : Aorte droite Ao dorsale : Aorte dorsale AoG : Aorte gauche APC : Tronc pulmonaire APD : Artère pulmonaire droite APG : Artère pulmonaire gauche Asc. : Ascendante A.V. : Artère vitelline A.V. : Aorte ventrale (fig 8) Ang. : Angioblastème B : Bulbe cardiaque (fig 5, 8) BM : Bombésine C : Ebauche cardiaque (fig 5) C : Artère gastro-œsophagienne (fig 11) CA : Artère cœliaco-mésentérique C.A.E. : Conduit artériel embryonnaire CAM : Membrane chorio-allantoïdienne CAR, CarA : Artère carotide CC, CCA : Artère carotide commune C.C. : Veines cardinales communes (fig 5) CCVD : Chambre de chasse du ventricule droit C.E. : Artère carotide externe CED : Artère carotide externe droite CEG : Artère carotide externe gauche CGRP : Calcitonin gene-related peptide C.I. : Artère carotide interne Coel : Artère cœliaco-mésentérique C.Pe. : Cavité péricardique Cn.C. : Conduit carotidien Co. : Corde dorsale D : Tronc gastro-splénico-intestinal (fig 11) DAo : Aorte dorsale Desc. : Descendante E : Artère gastro-intestinale (fig 11) ECG : électrocardiogramme EIC : Espace intercostal En. : Endocarde Ep. : Epiblaste

F : Artère mésentérique (fig 11) FP, FoP : Foramen de Panizza GAL : Galanine G.C. : Gelée cardiaque GE : Echo de gradient GTA : Gaine des troncs artériels H : Artère intestinale (fig 11) HSP : Pression systémique élevée I : Artère hémorroïdale (fig 11) IRM : Imagerie par résonance magnétique J : Artères hépatiques (fig 11) kV : kilovolt LA : Atrium gauche LAo : Aorte gauche LAVC : Veine cave crâniale gauche LDA : Conduit artériel gauche LHD : Lobe hépatique droit LHG : Lobe hépatique gauche L. Lung : Poumon gauche LPA : Artère pulmonaire gauche LPD : Lobe pulmonaire droit LPG : Lobe pulmonaire gauche LPV : Veine pulmonaire gauche LSP : Pression systémique faible LT : Tronc brachio-céphalique gauche LV : Ventricule gauche mAs : milliampère-seconde M.D., M.V. : Mésocarde dorsal et ventral Mes. : Mésenchyme MV : Masse ventriculaire Myo. : Myocarde NO : Monoxyde d'azote NPY : Neuropeptide Y PA : Tronc pulmonaire, artère pulmonaire Ph. : Pharynx Pu. : Artère pulmonaire PVC : Veine cave caudale RA : Atrium droit RAo : Aorte droite RAVC : Veine cave crâniale droite RDA : Conduit artériel droit R. Lung : Poumon droit RPA : Artère pulmonaire droite Rpulm : Résistance de la chambre de chasse du ventricule droit

17

RPV : Veine pulmonaire droite RS : Artère sous-clavière droite RT : Tronc brachio-céphalique droit RV : Ventricule droit S : Sinus veineux (fig 5, 8) S. : Spiracle (fig 6) SA, S.C. : Artères sous-clavières SCD : Artère sous-clavière droite SCG : Artère sous-clavière gauche SE : Echo de spin So. : Somatopleure Sp. : Splanchnopleure SP : Substance P SOM : Somatostatine SUB, SubA, SubArt : Artère sous-clavière T.Ca. : Tube cardiaque TH : Tyrosine hydrolase T.N. : Tube nerveux TSE : Echo de spin rapide V : Ventricule V.C.A. : Veines cardinales crâniales VCCD : Veine cave crâniale droite VCCG : Veine cave crâniale gauche V.C.P. : Veines cardinales caudales VD : Ventricule droit VG : Ventricule gauche VIP : Vasoactive intestinal polypeptide V.S.I. : Veine sous-intestinale V.V. : Veine vitelline (G : Gauche)

18

19

INTRODUCTION

Le cœur chez les Vertébrés est un organe qui peut prendre de nombreuses formes. Les poissons arborent un cœur à un atrium et un ventricule. En comparaison, les Mammifères, Oi-seaux et Crocodiliens sont pourvus d'un cœur complètement cloisonné, à quatre cavités. Chez les autres reptiles, l'absence de séparation inter-ventriculaire entraine le mélange des sangs pauvre et riche en dioxygène. Bartolomeo Panizza est le premier à décrire, en 1833, le cœur d'un Crocodilien (Alli-

gator mississippiensis) et à mettre en évidence une communication à la base des deux aortes d'un Crocodilien. Depuis plusieurs dizaines d'années, on évoque les particularités anato-miques du cœur des Crocodiliens et les conséquences sur son fonctionnement. Il a été difficile de concevoir la manière dont le sang circule dans le cœur des Crocodiliens et de mettre en évidence son aspect variable et modulable. Une attention particulière est portée au temps de plongée des Crocodiliens et ce serait la redirection du sang au sein de l'appareil cardiovasculaire qui leur conférerait cet avantage. Ainsi, si certains aspects de l'hémodynamique cardiaque ont été exposés à plusieurs reprises dans le cadre de revues de physiologie, l'anatomie, en revanche, n'est que plus rarement traitée et les images mettant en évidence les différentes parties dont est constitué cet organe sont peu nombreuses. Il est important de noter que l'anatomie cardiaque est uniforme dans les familles des Alligatoridae et Crocodylidae (AXELSSON et FRANKLIN 1997) et que l'ensemble des pu-blications qui s'y intéressent la considère ainsi. La première partie est bibliographique et elle met en commun les connaissances dont fait état la littérature à ce jour concernant l'anatomie et l'hémodynamique cardiaques des Cro-codiliens. Nous avons choisi dans un premier temps de présenter les espèces membres de l'ordre des Crocodiliens et de replacer cet ordre par rapport à d'autres groupes d'animaux. Nous avons rappelé par la suite les étapes de la mise en place du cœur au cours du dévelop-pement embryonnaire chez les Crocodiliens. Nous avons fait le choix d'exposer les caractéris-tiques structurales du cœur, connues à ce jour, chez l'individu adulte. Nous avons finalement étudié les flux sanguins cardiaques en fonction des conditions de vie et des stimuli auxquels l'animal est possiblement exposé. Au cours de la partie expérimentale, nous avons constitué un atlas anatomique du cœur des Crocodiliens. Pour cela, nous avons disséqué des individus et utilisé des techniques d'imagerie médicale comme l'imagerie par résonance magnétique et la tomodensitométrie afin de mettre en valeur les particularités structurales du cœur des Crocodiliens qui autorisent cette hémodynamique originale. L'atlas a pour intérêt de présenter ces structures au lecteur pour qu'il puisse se rendre compte réellement de leur localisation et de leur forme afin de les re-connaître par la suite.

20

21

PARTIE 1 :

ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

22

I) Rappels de taxonomie et de phylogénétique chez les Crocodiliens

A) Taxonomie au sein de l'ordre Crocodylia

Figure 1 : Arbre taxonomique de Crocodylia (TRUTNAU et SOMMERLAD 2006).

Ordre Famille Sous-famille Genre Espèce Sous-espèce

�Crocodylia �Alligatoridae �Alligatorinae �Alligator �Alligatormississippiensis

�Alligatorsinensis

�Caimaninae �Caiman �Caimancrocodilus �Caimancrocodilusapaporiensis

�Caimancrocodiluschiapasius

�Caimancrocodiluscrocodilus

�Caimancrocodilusfuscus

�Caimanlatirostris

�Caimanyacare

�Melanosuchus �Melanosuchusniger

�Paleosuchus �Paleosuchuspalpebrosus

�Paleosuchustrigonatus

�Crocodylidae �Crocodylus �Crocodylusacutus

�Crocodylusintermedius

�Crocodylusjohnsoni

�Crocodylusmindorensis

�Crocodylusmoreletii

�Crocodylusniloticus

�Crocodylusnovaeguineae

�Crocodyluspalustris

�Crocodylusporosus

�Crocodylusrhombifer

�Crocodylussiamensis

�Crocodylussuchus

�Mecistops �Mecistopscataphractus

�Osteolaemus �Osteolaemustetraspis �Osteolaemustetraspisosborni

�Osteolaemustetraspistetraspis

�Gavialidae �Gavialinae �Gavialis �Gavialisgangeticus

�Tomistominae �Tomistoma �Tomistomaschlegelii

23

La figure 1 met en évidence les dernières avancées en matière de taxonomie chez les Crocodiliens (fig 1). En effet, de nombreuses espèces existent et les différencier est depuis longtemps une source de désaccord entre scentifiques. Des critères morphologiques, ostéologiques, biochimiques (analyse des albumines sériques, par exemple) et génétiques entre autres ont permis, une fois combinés, de rapprocher certaines espèces ou au contraire de les éloigner. Actuellement, une des interrogations redondantes concerne la place du faux gavial (Tomistoma schlegelii) et sa proximité taxonomique avec les genres Crocodylus, Osteolaemus et Gavialis. D'abord considéré comme très éloigné du genre Galvialis, le genre Tomistoma appartiendrait, à la lumière des séquençages génomiques récents, à un taxon commun (HARSHMAN et al. 2003). De plus, ce taxon serait lui-même plus proche de la famille des Crocodilidae que des Alligatoridae (TRUTNAU et SOMMERLAD 2006). Cette classification évoluera à mesure des nouvelles découvertes. L'espèce Crocodylus niloticus, par exemple, rassemble de nombreux individus aux caractéristiques morphologiques parfois très éloignées et comportant probablement plusieurs sous-espèces sur le continent africain (TRUTNAU et SOMMERLAD 2006).

B) Position phylogénétique de Crocodylia

Les Crocodiliens (Crocodylia) ont été souvent rapprochés des lézards pour leur conformation externe pouvant être considérée comme similaire (LECOINTRE et LE GUYADER 2001). Le groupe des reptiles a été formé à partir des Chéloniens, des Squamates, des Rhynchocéphales et des Crocodiliens (fig 2). Cependant, il ne s'agit pas d'un groupe monophylétique mais plutôt d'un groupe paraphylétique. En effet, ils ont un ancètre commun faisant partie des Sauropsides mais il leur manque le groupe-frère des Oiseaux. Ainsi on ne peut pas classer phylogénétiquement les reptiles comme un groupe à part entière puisqu'ils partagent avec les Oiseaux des caractères dérivés propres aux Sauropsides tels qu'un iris comportant des muscles striés ou encore la présence d'une hypapophyse sous les vertèbres cervicales. Les Crocodiliens et les Oiseaux forment le groupe monophylétique des Archosauriens (fig 2). Ils partagent des caractères dérivés propres, comme l'existence d'un gésier (partie musculaire de l'estomac) et d'une fenêtre antéorbitaire. C'est une ouverture latérale de la paroi du crâne, en avant de l'orbite. Elle disparaît secondairement chez les Crocodiliens. Les Crocodiliens sont plus proches des Oiseaux que des Lézards, ces derniers appartenant aux Lépidosauriens (autre branche des Diapsides). Les Crocodiliens présentent des caractères dérivés propres, absents chez les Oiseaux. On peut citer par exemple l'existence d'un palais secondaire, d'une fosse temporale de forme triangulaire et d'une ligne de flexion de la cheville oblique et passant entre l'astragale et le calcaneum.

24

Figure 2 : Position phylogénétique des Crocodiliens (Crocodylia) (LECOINTRE et LE GUYADER 2001).

25

II) Développement embryonnaire du futur appareil cardiovasculaire

A) Initiation de l’embryogenèse : du zygote à la phase de gastrulation

Comme chez les autres Vertébrés, l’œuf de Crocodilien subit une segmentation au cours de laquelle de nombreuses cellules filles, appelées blastomères, naissent à partir de la division de la cellule œuf (BEAUMONT et CASSIER 1994). Les illustrations d'œuf de Sauropside utilisées ici sont issues de l'étude des Oiseaux (fig 3). En effet la segmentation, dite télolé-cithe, est la même que chez les reptiles (MCGEADY et al. 2006). Seul le pôle animal, dé-pourvu de réserves vitellines, subit des divisions de mitose. Le site de segmentation, au con-tact du vitellus, est une structure discoïde appelée blastodisque. Ses plans de clivages sont ini-tialement verticaux, ce qui entraîne la mise en place des blastomères dans un unique plan. Le centre de ce disque recouvre une partie du vitellus qui se modifie en se clarifiant. On appelle cette zone la cavité sub-germinale (fig 3). Le blastodisque est désormais appelé blastoderme et il est constitué de deux zones. La zone centrale se nomme la zone pellucide. Elle est tran-slucide, mince et recouvre la cavité sub-germinale. La zone périphérique l'entourant se nomme la zone opaque. Elle est composée de cellules larges et recouvre du vitellus. L'em-bryon est issu de la zone pellucide, alors que les cellules de la zone opaque consomment les réserves vitellines et fournissent de l'énergie à l'embryon (fig 3). La zone pellucide subit une segmentation selon un plan de clivage horizontal et deux couches se séparent. La couche ex-terne est l'épiblaste et la couche interne est l'hypoblaste. Elles sont séparées par un espace ap-pelé blastocœle. La segmentation prend fin et la gastrulation débute. Les blastomères migrent de façon ordonnée et mettent en place une structure tri-lamellaire composée de l’ectoderme, le mésoderme et l’endoderme (MCGEADY et al. 2006) (fig 4). Les blastomères convergent en formant un sillon primitif (fig 4). A l'une des extrémités de ce sillon, les cellules se concen-trent et constituent le nœud primitif. On peut ainsi définir les orientations crâniale, caudale, gauche et droite. Au cours de leur migration, les cellules subissent une invagination au sein du sillon et du nœud primitifs. Certaines d'entre elles vont composer le mésoderme. L’organogenèse se déroule de manière assez similaire chez les Vertébrés. Notre étude se dirigera vers l’évolution du mésoderme, tissu embryonnaire dont le système cardiovasculaire est issu. Il forme d'abord une couche cellulaire située entre l'épiblaste et l'hypoblaste. Le mé-soderme est étranglé longitudinalement formant les parties dorsale, intermédiaire et ventrale. Le mésoderme dorsal est à l'origine des somites. Le mésoderme intermédiaire participe à l'élaboration des tissus urinaires et génitaux. Le mésoderme ventral (ou latéral) se scinde en une couche interne, dite splanchnique et une couche externe, dite somatique. Le mésoderme splanchnique et l'endoderme s'unifient formant la splanchnopleure (fig 7). Le mésoderme so-matique et l'ectoderme s'unifient formant la somatopleure. Le cloisonnement du mésoderme ventral finit par disparaître au profit d’une réunion ventrale des cavités cœlomiques droite et gauche. Il en résulte que le tube digestif est appendu par le mésentère dorsal. La splan-chnopleure est à l’origine du cœur, des ébauches vasculaires et sanguines dit angioblastème, d’une partie de la paroi du tube digestif et d’une partie des gonades. Le muscle cardiaque est strié mais il est exceptionnellement issu de la splanchnopleure. La musculature viscérale, faite de fibres lisses, constitue le reste des tissus provenant de la splanchnopleure.

26

Figure 3 : Etapes de la segmentation (MCGEADY et al. 2006).

L'œuf présenté ici est celui de l'oiseau, depuis la première division jusqu'à la formation du blastoderme. A gauche, le blastodisque est présenté en vue dorsale et les coupes transversales correspondantes sont présentées à droite.

27

Figure 4 : Etapes de la gastrulation (MCGEADY et al. 2006).

L'œuf présenté ici est celui de l'oiseau, depuis le blastodisque jusqu'à la formation du sillon primitif. A gauche, l'embryon est présenté en vue dorsale et les coupes transversales corres-pondantes sont présentées à droite. Les flèches indiquent la direction de la migration cellu-laire.

28

B) L’organogenèse : mise en place de l’appareil circulatoire sanguin

1) Etape de formation de l’ébauche cardiaque Les premières ébauches vasculaires propres à l’embryon forment un double système de tubes en cul-de-sac. La paire de tubes ventraux comporte les ébauches de deux veines vitel-lines, de deux tubes cardiaques et de deux aortes ventrales. La paire de tubes dorsaux com-porte les ébauches de deux aortes dorsales. Initialement séparés, les tubes cardiaques droit et gauche ainsi que la partie adjacente des ébauches d’aortes ventrales droite et gauche fusion-nent (fig 5A, 5B). Les parties antérieures des ébauches d’aortes dorsales et ventrales se réu-nissent (fig 5B). Des veines cardinales naissent de la partie caudale de l’ébauche cardiaque. Les veines cardinales crâniales et caudales drainent respectivement le sang des parties cépha-lique et tronco-caudale de l’embryon (fig 5C). Les ébauches d’aortes dorsales croissent crâ-nialement et fusionnent en regard de l’ébauche cardiaque (fig 5D, 5E). La circulation san-guine embryonnaire devient fonctionnelle à partir de l'instant où les structures précédemment citées rejoignent le système vitellin. La circulation vitelline est complétée par une circulation allantoïdienne permettant les échanges respiratoires au travers de la coquille.

Figure 5 : Mise en place de l'appareil circulatoire sanguin embryonnaire des reptiles

(BEAUMONT et CASSIER 1994). I-VI : Arcs aortiques I à VI ; A : Atrium ; A.D. : Aorte dorsale ; A.V. : Artère vitelline ; B : Bulbe cardiaque ; C : Ebauche cardiaque ; C.C. : Veines cardinales communes ; S : Sinus vei-neux ; V : Ventricule ; V.C.A, V.C.P. : Veines cardinales, crâniales et caudales ; V.S.I. : Veine sous-intestinale ; V.V. : Veine vitelline (G : Gauche).

29

2) Apparition d’un système artériel Le système artériel se met en place à partir des arcs aortiques péri-pharyngiens (fig 6). En effet, suite à la réunion crâniale des ébauches d’aortes dorsales et ventrales formant l’arc I, d’autres arcs aortiques se mettent en place (de I à VI) par bourgeonnement au niveau des ra-cines aortiques dorsales et de l’aorte ventrale.

Figure 6 : Arcs aortiques des reptiles (BEAUMONT et CASSIER 1994).

A : Vue latérale gauche. B : Vue ventrale schématique. 1-4 : Fentes branchiales 1 à 4 ; III-VI : Arcs aortiques III à VI ; A.D. : Aorte dorsale ; C.A.E. : Conduit artériel embryonnaire ; C.E. : Artère carotide externe ; C.I. : Artère carotide interne ; Cn.C. : Conduit Carotidien ; Pu. : Artère pulmonaire ; S. : Spiracle ; S.C. : Artères sous-clavières. Les arcs aortiques I et II se forment complètement mais disparaissent très tôt au cours du développement embryonnaire. L’arc aortique III, aussi appelé arc aortique carotidien, se forme complètement et reste présent chez le Crocodilien adulte (fig 6). La partie crâniale des racines aortiques dorsales forme les artères carotides internes. Les artères carotides externes proviennent soit du prolon-gement de l’aorte ventrale crânialement (unie aux arcs aortiques I et II vestigiaux), soit du bourgeonnement crânial de l’arc aortique carotidien. Le segment de l'artère carotide commune correspond à l’aorte ventrale reliant les arcs aortiques III et IV. Ce segment est joint à l’arc aortique IV droit. Les segments de racines aortiques dorsales reliant l’arc III à l’arc IV, ou conduits carotidiens, sont vestigiaux chez l’adulte, se réduisant à des ligaments fibreux pleins. L’arc aortique IV, aussi appelé arc aortique systémique, se forme complètement et reste présent chez le Crocodilien adulte (fig 6). Deux arcs aortiques dissymétriques perdurent. Ils proviennent tous les deux du cavum latéro-dorsal droit du ventricule (cavum venosum). Les deux arcs aortiques communiquent à leur départ par le foramen de Panizza. L'arc aortique droit est issu du ventricule gauche et porte les artères carotides. L'arc aortique gauche est issu du ventricule droit.

30

L’arc aortique V disparaît très vite et est absent chez l’adulte. L’arc aortique VI, aussi appelé arc aortique pulmonaire, est à l’origine des artères pul-monaires (fig 6). Un conduit artériel pair est présent durant la vie embryonnaire reliant bilaté-ralement les arcs aortiques aux artères pulmonaires. A l’âge adulte, les deux conduits artériels ne sont plus fonctionnels. Ils ont chacun dégénéré en un ligament artériel fibreux. On peut noter l’existence d’un sphincter de chaque artère pulmonaire (droite et gauche) entre le départ du conduit artériel et le poumon qui permet de shunter la circulation pulmo-naire durant la vie embryonnaire. Chez les Crocodiliens, les artères sous-clavières (irriguant les membres thoraciques par la suite) prennent initialement leur départ au niveau des racines aortiques dorsales en tant qu’artères inter-segmentaires. Celles-ci s’anastomosent ensuite avec l’ébauche d’artère caro-tide commune. Le départ aortique des artères sous-clavières s’atrophie : les artères sous-clavières ont pour départ définitif l’arc carotidien.

31

Figure 7 : Cardiogenèse, coupes transversales schématiques (BEAUMONT et CASSIER 1994).

De A à D : évolution dans le temps. Ang. : Angioblastème ; Co. : Corde dorsale ; C.Pe. : Cavité péricardique ; En. : Endocarde ; Ep. : Epiblaste ; G.C. : Gelée cardiaque ; M.D. : Mésocarde dorsal ; M.V. : Mésocarde ven-tral ; Mes. : Mésenchyme ; Myo. : Myocarde ; Ph. : Pharynx ; So. : Somatopleure ; Sp. : Splanchnopleure ; T.Ca. : Tube cardiaque ; T.N. : Tube nerveux.

Figure 8 : Mise en place des chambres cardiaques (BEAUMONT et CASSIER 1994).

A : Vue latérale gauche après les mouvements de constriction transversale. B : Vue latérale gauche après les mouvements de flexion en S. V-VI : Arcs aortiques V et VI ; A. : Atrium ; A.V. : Aorte ventrale ; B. : Bulbe cardiaque ; S. : Sinus veineux ; V. : Ventricule.

32

3) Structuration du cœur

a) Début de l’organogenèse cardiaque Le cœur est issu de l’endothélioblastème (mésenchyme d’origine splanchnopleurale). Ce tissu mésenchymateux forme rapidement deux tubes - ébauches vasculaires - parallèles. Ces tubes sont renflés en un point, leur donnant le nom de tubes endocardiques. Ils fusionnent à ce niveau créant une structure impaire et médiane (fig 7). Dans le même temps, les cavités cœlomiques adjacentes fusionnent ventralement puis dorsalement suite à la rupture respective des mésocardes ventral puis dorsal. L’ébauche car-diaque est ainsi constituée de deux manchons endothéliaux concentriques. Le plus interne est le tube cardiaque lui-même : on parle d'endothélium. Le plus externe est la splanchnopleure péricardique séparée du reste de la splanchnopleure cœlomique : on parle de mésothélium épicardique. Entre ces deux manchons, il y a la gelée cardiaque provenant de l'endothélium (fig 7). C’est une substance acellulaire contenant glycosaminogycannes, glycoprotéines et col-lagène dans un réseau fibrillaire. Cette substance formera le myocarde. En effet, les fibres musculaires futures proviennent d’une prolifération du mésothélium épicardique au sein de la gelée cardiaque, alors que sa trame conjonctive est issue des cellules mésenchymateuses pro-venant de l'endothélium. Certaines proliférations localisées de ces cellules mésenchymateuses entraîneront la formation de bourrelets endocardiques à l’origine des valves et septa car-diaques.

b) Mise en place des chambres cardiaques Au début du développement embryonnaire, l’ébauche cardiaque a la forme d’un tube. Des mouvements de constriction transversale entraînent la création de quatre chambres se succédant dans l’axe caudo-crânial du Crocodilien : sinus veineux, atrium, ventricule, bulbe cardiaque (fig 8A). - le sinus veineux : c’est un réservoir à parois minces, peu musculaires qui reçoit le sang vei-neux par les veines vitellines et cardinales communes. - l’atrium : cette chambre est vaste. Ses parois musculeuses sont plus épaisses que celles du sinus veineux, contractiles et extensibles. - le ventricule : c’est la chambre aux parois musculaires les plus épaisses et contractiles. - le bulbe cardiaque : ses parois sont épaisses et caractérisées par 4 crêtes endocardiques lon-gitudinales. Le bulbe cardiaque (bulbus cordis) se prolonge ensuite par le départ des troncs artériels. Cette ébauche de cœur croît et s’allonge plus vite que la cavité péricardique qui l’entoure. Ainsi elle subit deux types de mouvements de flexion. Une flexion en S vient placer l’atrium et le sinus veineux dorsalement au bulbe cardiaque et au ventricule. Une flexion en U fait glisser le bulbe cardiaque et le ventricule sur la droite tandis que l’atrium et le sinus vei-neux se déplacent sur la gauche (fig 8B).

33

c) Le cloisonnement cardiaque

Les branchies étant remplacées par les poumons, une petite circulation se met en place. Simultanément, le cœur subit un cloisonnement. Le sang oxygéné provenant des veines pul-monaires est alors séparé du sang désoxygéné provenant des veines de la circulation générale. Ce cloisonnement a lieu au niveau de l’atrium, du ventricule et du bulbe cardiaque. Le sinus veineux n’est pas cloisonné et fait partie du cœur droit. En effet, les veines pulmonaires abou-chent directement dans l’atrium gauche. Le sinus veineux régresse progressivement, s’incorporant partiellement à l’oreillette droite. Il conserve deux petites valvules sino-atriales le séparant de l’oreillette droite. Le bulbe cardiaque s’incorpore en partie au sein des ventri-cules, surtout le droit, laissant place à un anneau musculaire. Le cloisonnement de l’atrium s’effectue en relation avec l’apport de sang oxygéné par les veines pulmonaires qui débou-chent directement dans l’atrium. Un septum primum en forme de croissant vient scinder l’atrium depuis la région crânio-dorsale entre la communication sinu-atriale et l’abouchement des veines pulmonaires. Cette séparation n’est pas totale et une communication - foramen

primum - persiste au niveau des bourrelets endocardiques, eux-mêmes présents à l’entrée du canal atrio-ventriculaire. Cette communication est rapidement obstruée par l’apparition d’un septum intermedium provenant des bourrelets endocardiques du canal atrio-ventriculaire. Simultanément à cette séparation atriale complète, chez les Crocodiliens, un foramen

secondum ou anciennement trou de Botal perce en partie antérieure la cloison atriale nouvel-lement formée. De cette manière, la circulation pulmonaire est shuntée et le sang provenant des veines de la circulation générale est renvoyé dans le cœur gauche puis dans la circulation générale de nouveau. Le foramen ovale se referme. Le cloisonnement ventriculaire est total chez les Crocodiliens (contrairement aux autres reptiles). La cloison est constituée de deux parties. La partie musculeuse a pour origine l’apex du cœur. La partie membraneuse a pour origine le bourrelet endocardique atrio-ventriculaire et rejoint le bord libre de la partie musculeuse. Le cœur est cloisonné en deux parties indé-pendantes : un ventricule droit correspondant au cavum pulmonaire (ventral) additionné de la partie droite du cavum dorsal et un ventricule gauche correspondant à la partie gauche du ca-

vum dorsal. Le tronc artériel, qui fait suite au bulbe cardiaque, se cloisonne avant le bulbe cardiaque. Le mésenchyme péritroncal le pince jusqu’à le scinder longitudinalement selon un tracé héli-coïdal. Il s’agit là d’un mécanisme extrinsèque au cœur. Le bulbe cardiaque se cloisonne indépendamment dans le sens crânio-caudal selon, cette fois, un mécanisme intrinsèque au cœur. Trois des quatre crêtes endocardiques croissent en partie distale du bulbe et scindent le bulbe en suivant longitudinalement le tracé des cloisons déjà réalisées au sein du tronc artériel. Deux septa sont formés. Le septum aortico-pulmonaire sépare l’arc IV (systémique) de l’arc VI (pulmonaire). Le septum aortique sépare les deux arcs aortiques. La limite entre le bulbe et le tronc artériel est matérialisée par une paire de valvules par arc. En partie proximale, seul le septum aortique se prolonge dans le ventricule en rejoi-gnant le septum inter-ventriculaire.

34

4) Apparition d’un système veineux

a) Les veines vitellines et leur évolution en un système porte-hépatique

Les veines vitellines proviennent de la surface du sac vitellin et abouchent dans le sinus veineux. De la veine vitelline gauche part une veine sous-intestinale (BEAUMONT et CASSIER 1994) (GUIBE 1970) qui s’étend jusqu’au cloaque. Quand le foie se différencie, il est situé caudalement au cœur au niveau du trajet des veines vitellines et un réseau de capil-laires se met en place : le système porte hépatique. Caudalement au foie, la veine sous-hépatique constitue la veine porte hépatique. Crânialement au foie, les veines vitellines consti-tuent les veines sus-hépatiques qui abouchent dans le sinus veineux.

b) Les veines cardinales L’embryon possède une paire de veines cardinales crâniales et une paire de veines car-dinales caudales reliées de chaque côté par une veine cardinale commune (fig 5E). Au cours du développement embryonnaire, les veines cardinales crâniales et communes persisteront : ce sont les futures veines jugulaires et veines caves crâniales. La veine caudale bourgeonne pour former une ou deux veines sous-cardinales. Un réseau de capillaires se met en place au niveau des ébauches de rein. Ce réseau relie les veines cardinales caudales et les veines sous-cardinales formant le système porte rénal. On parle alors de veines rénales afférentes (ou de Jacobson) et efférentes. Les veines cardinales caudales, drainant directement le sang des veines rénales efférentes et abouchant dans les veines cardinales communes, disparaissent. Le sang des veines rénales efférentes est transporté par une veine cave caudale néoformée, elle-même étant rejointe crânialement par les veines sus-hépatiques.

c) Les veines ombilicales La veine ombilicale droite s'abouche dans la veine ombilicale gauche avant son entrée dans l’embryon. Elle se prolonge par un conduit veineux appelé ductus venosus qui traverse le foie, en le shuntant, puis rejoint le cœur.

35

C) Evolution de l’appareil cardiovasculaire : vers plus d’indépendance des deux circulations sanguines

Initialement, la circulation sanguine des Crocodiliens est dite simple, de type branchial. Elle se modifie progressivement devenant double, de type pulmonaire. Cependant, cette nou-velle circulation sanguine ne sera fonctionnelle qu’à la naissance. Ainsi, entre le moment où la circulation pulmonaire existe et sa mise en fonctionnement, les poumons sont traités par l’organisme comme des organes banals à irriguer. Deux dispositifs permettent de shunter la quasi-totalité de la circulation pulmonaire et d’irriguer le placenta via les artères ombilicales. Le placenta fournira le sang oxygéné et les métabolites nécessaires au développement de l’embryon. La communication inter-atriale permet de faire passer une grande partie du sang provenant des veines caves directement dans le cœur gauche, puis dans la circulation géné-rale. Les deux conduits artériels reliant chaque crosse aortique à une artère pulmonaire per-mettent de libérer une grande partie du sang provenant du ventricule droit directement dans les aortes gauche et droite. En définitive, seule une part minime du sang initialement destiné aux poumons y parvient réellement. La naissance est le signal initiant la suppression de la circulation ombilicale. Elle débute par une oblitération des artères ombilicales en partie distale. En effet, elles ne s’oblitèrent pas dans leur partie proximale s’étendant jusqu’à la vessie et continuent d’irriguer cette dernière. L’occlusion est d’abord fonctionnelle par vasoconstriction, puis anatomique par transforma-tion de ces artères en ligaments fibreux ombilicaux latéraux. L’occlusion définitive peut durer plusieurs semaines. L’oblitération des veines allantoïdiennes est accompagnée de la fermeture du ductus venosus.

D’autre part, les deux shunts de la circulation pulmonaire se ferment. Le conduit artériel devient le ligament artériel. Ceci étant réalisé, une quantité massive de sang parvient depuis les poumons jusqu’au cœur gauche. Le septum primum vient alors se plaquer sur le septum

secondum et obstruer le foramen ovale. Ces mécanismes ne sont pas instantanés, car la respi-ration se met en place progressivement avant l’éclosion. Cette obstruction peut durer quelques semaines.

36

III) Anatomie descriptive de l’appareil cardiovasculaire des Crocodiliens

A) Anatomie externe

1) Aspect général Le cœur des Crocodiliens s’étend à égale distance des parois thoraciques droite et gauche, des premières et des dernières côtes. Il est situé contre la paroi thoracique ventrale, le battement du cœur étant visible extérieurement chez l’animal positionné en décubitus dorsal (GRIGG 1991). Il est accolé dorsalement aux bronches souches et bordé par les lobes hépa-tiques de chaque côté. En effet, il est important de noter que les Crocodiliens ne possèdent pas de diaphragme pour séparer les cavités thoracique et abdominale (VAN WILPE 2012). Le cœur des reptiles représente entre 0,20% et 0,32% de la masse corporelle totale. (WYNEKEN 2009). Le cœur des Crocodiliens est constitué extérieurement d’une masse ven-triculaire, de deux oreillettes, d’un sinus veineux et il est jointif d’une vascularisation arté-rielle et veineuse. Il est maintenu en position physiologique par le sac péricardique qui l'entoure et par les vaisseaux qui s'y rattachent. Le sac péricardique est lui-même en rapport avec la membrane post-pulmonaire qui recouvre la face crâniale du foie (VAN DER MERWE et KOTZE 1993).

2) Le sinus veineux Les veines caves caudales, crâniale gauche et crâniale droite ainsi que la veine coronaire débouchent au sein du sinus veineux. Chez Alligator mississippiensis, il est décrit que des veines hépatiques débouchent directement dans le sinus veineux. Le sinus est relié à l’oreillette droite par un orifice obliquement transverse. Deux valvules dites sinu-atriales bor-dent cet orifice (fig 9). Sur le côté droit de l’orifice, les valvules fusionnent formant un bour-relet appelé “ligament suspenseur”. Parfois, les valvules se chevauchent (WYNEKEN 2009). Histologiquement, la paroi du sinus veineux contient des cardiomyocytes en faible proportion par rapport au reste du tissu cardiaque.

3) Les atriums Les deux atriums du cœur des Crocodiliens sont très développés et recouvrent partiel-lement les ventricules (fig 9). Ils sont disposés obliquement et l’atrium droit est d’une taille légèrement plus importante que celle de l’atrium gauche. Les atriums sont reliés aux ventri-cules par les orifices atrio-ventriculaires s’ouvrant en partie dorsale du ventricule correspon-dant.

4) La masse ventriculaire La masse ventriculaire est de forme conique et est aplatie dorso-ventralement. Un sillon ventriculaire est bien visible sur la face dorsale. Le sillon coronaire est masqué par les oreil-lettes sur la face ventrale. Le cœur des Crocodiliens comporte deux cavités ventriculaires complètement séparées par un septum inter-ventriculaire.

37

5) Les troncs artériels Deux troncs aortiques et un tronc pulmonaire reçoivent le sang éjecté par le cœur des Crocodiliens (fig 9). L’aorte droite provient du ventricule gauche. L’aorte gauche et le tronc pulmonaire sont adjacents et proviennent du ventricule droit. On peut noter la différence de diamètre des deux aortes, surtout chez les animaux de plus grande taille : l’aorte droite est plus large que l’aorte gauche (GRIGG 1991). Les deux aortes ne sont pas totalement indépen-dantes. En effet, une communication inter-aortique existe à leur base. Il s’agit du foramen de Panizza. Les deux aortes forment rapidement un arc ou une "crosse" et se dirigent caudale-ment dans l'abdomen avant de se rejoindre via l’anastomose inter-aortique. En effet, entre le cœur et chaque arc, l'aorte ascendante s'étend ventralement et en aval de l'arc, l'aorte descen-dante s'étend dorsalement. L’aorte droite donne naissance très tôt à deux troncs brachio-céphaliques (fig 10). Le tronc brachio-céphalique droit se divise en une artère sous-clavière droite et une artère caro-tide externe droite. Le tronc brachio-céphalique gauche, quant à lui, se ramifie en donnant naissance à une artère carotide commune et une artère se divisant elle-même en une artère sous-clavière gauche et une artère carotide externe gauche. L'artère carotide commune s’incurve à proximité de la partie gauche de l’œsophage et vient longer la colonne vertébrale ventralement. Elle donne naissance aux artères carotides internes. L’aorte gauche ne se ramifie pas et se prolonge vers l’abdomen. Elle est jointive de l’aorte droite au niveau de l’anastomose inter-aortique. Caudalement au cœur, en aval de l'anastomose inter-aortique, les aortes gauche et droite deviennent respectivement les artères cœliaco-mésentérique et abdominale (ou dorsale). L'ar-tère cœliaco-mésentérique se divise en plusieurs artères irriguant l'appareil digestif. L'aorte abdominale participe aussi à la perfusion de l'appareil digestif et se prolonge caudalement ve-nant perfuser l'appareil uro-génital et les membres pelviens (fig 11).

38

Fig 9. Cœur isolé de Crocodylus porosus (GRIGG 1991).

A : Vue dorsale avec sinus veineux ouvert. B : Le cœur gauche a été incisé le long de la ligne pointillée A-A (fig 9A). Les flèches conti-nues indiquent le trajet du sang dans une situation normale. Le sang provient de l’atrium gauche, parcourt le ventricule gauche et est éjecté dans la crosse aortique droite avec passage possible dans l’aorte gauche via le foramen de Panizza. C : Vue ventrale. D : Le cœur droit a été incisé le long de la ligne pointillée B-B (fig 9C). Les flèches continues indiquent le trajet du sang dans une situation normale. Le sang provient de l’atrium droit, par-court le ventricule droit et est éjecté dans le tronc pulmonaire. La flèche pointillée désigne le trajet du sang éjecté du ventricule droit vers l’aorte gauche en cas de shunt pulmonaire-à-systémique. LA : Atrium gauche ; LAo : Aorte gauche ; LAVC : Veine cave crâniale gauche ; LPA : Ar-tère pulmonaire gauche ; LPV : Veine pulmonaire gauche ; LT : Tronc brachio-céphalique gauche ; LV : Ventricule gauche ; PVC : Veine cave caudale ; RA : Atrium droit ; RAo : Aorte droite ; RAVC : Veine cave crâniale droite ; RPA : Artère pulmonaire droite ; RPV : Veine pulmonaire droite ; RT : Tronc brachio-céphalique droit ; RV : Ventricule droit.

39

Figure 9 : Cœur isolé de Crocodylus porosus (GRIGG 1991).

A B

C D

FoP

FoP

LT RT LT RT

LT RT LT RT

40

Figure 10 : Troncs artériels principaux chez Crocodylus niloticus (GUIBE 1970).

ACM : Artère cœliaco-mésentérique ; AoD : Aorte droite ; AoG : Aorte gauche ; CED : Ar-tère carotide externe droite ; CEG : Artère carotide externe gauche ; CC : Artère carotide commune ; LT : Tronc brachio-céphalique gauche ; RT : Tronc brachio-céphalique droit ; SCD : Artère sous-clavière droite ; SCG : Artère sous-clavière gauche.

41

Figure 11 : Quelques artères majeures de la région abdominale chez Crocodylus niloticus (GUIBE 1970).

Vue ventrale. ACM : Artère cœliaco-mésentérique ; Ao dorsale : Aorte dorsale ; AoG : Aorte gauche ; C : Artère gastro-œsophagienne ; D : Tronc gastro-splénico-intestinal ; E : Artère gastro-intestinale ; F : Artère mésentérique ; H : Artère intestinale ; I : Artère hémorrhoïdale ; J : Artères hépatiques

AoG

ACM

Ao dorsale

42

6) La circulation coronaire Les ostia coronariens ont pour origine le sinus aortique droit et alimentent les artères coronaires prenant naissance sur l’aorte droite.

7) Le péricarde Il est constitué d'une lame interne, dite viscérale et d'une lame externe, dite pariétale. L'existence d'un gubernaculum cordis chez les Crocodiliens varie selon des espèces. C’est un ligament reliant le péricarde et l’apex du cœur.

B) Anatomie interne

1) Aspect général Le cœur des Crocodiliens est formé de quatre cavités et d’un septum séparant totale-ment les deux ventricules et les deux atriums (fig 12). Chez les reptiles autres que les Croco-diliens, ce cloisonnement n’est pas total, le cœur étant constitué d’un seul ventricule subdivisé en trois cavités interconnectées anatomiquement entre elles. Cette division totale des atriums et des ventricules exclut tout shunt intra-cardiaque, comme chez les Mammifères et les Oi-seaux. Ainsi les Crocodiliens peuvent fournir des pressions sanguines différentes dans la cir-culation systémique et dans la circulation pulmonaire.

2) Les ventricules Les deux ventricules cardiaques sont complètement séparés par un septum myocar-dique (fig 12). Celui-ci est formé de deux portions. La pars muscularis est la portion caudo-dorsale de cette cloison. Elle est épaisse et musculaire. Contrairement aux autres reptiles, son bord antérieur n’est pas libre, mais complété par la pars endocardialis. Cette portion provient du bourgeonnement de la crête endocardique bulbaire gauche isolant par ailleurs les deux troncs aortiques. De cette manière, les deux ventricules sont séparés et les deux troncs aor-tiques aussi. Histologiquement, le myocarde est composé d’un tissu d'aspect spongieux avec des trabécules, recouvert d’une couche de myocarde organisée en spirale, elle-même recouverte une couche au sein de laquelle les cardiomyocytes sont organisés longitudinalement. (WYNEKEN 2009)

43

Figure 12 : Schéma du cœur et des principales artères chez les Crocodiliens (GRIGG 1991).

Ici, les troncs artériels ont été « déroulés » afin de simplifier leur relation avec les ventricules attenants. Les cœurs droit et gauche sont complètement cloisonnés. L’aorte gauche et le tronc pulmonaire font saillie du ventricule droit. Le foramen de Panizza relie les deux aortes. Le diamètre de l’aorte gauche est nettement inférieur à celui de l’aorte droite. Ao dorsale : Aorte dorsale ; LA : Atrium gauche ; LAo : Aorte gauche ; PA : Artère pulmo-naire ; LT : Tronc brachio-céphalique gauche ; LV : Ventricule gauche ; RA : Atrium droit ; RAo : Aorte droite ; RT : Tronc brachio-céphalique droit ; RV : Ventricule droit.

Ao dorsale

Appareil digestif

RT LT

44

3) Les valves cardiaques

Une étude (MCINTOCH et al. 1967) chez Alligator mississippiensis a montré que la valve atrio-ventriculaire droite comporte une seule valvule avec des cordages tendineux mal définis. Le ventricule droit possède deux orifices par lesquels s’échappe le sang vers le tronc pulmonaire et l’aorte gauche. Les valves bordant ces deux orifices sont chacune bi-valvulées avec des valvules de forme semi-lunaire. La valve du tronc pulmonaire (valve pulmonaire) est située plus crânialement que les valves aortiques. Elle est bordée de deux parties cartilagi-neuses formant un orifice elliptique. On observe que la valve pulmonaire est deux fois plus grande que la valve aortique gauche. La valve atrio-ventriculaire gauche comporte une valvule majeure et une valvule mi-neure. La valve de l’aorte droite est bi-valvulée. Sa valvule ventrale (septale) est jointive du septum inter-ventriculaire. Elle est de plus grande taille que la valvule pariétale et participe à la fermeture de la communication entre le ventricule gauche et l’oreillette gauche, mais aussi à la fermeture du foramen de Panizza. Il est important de noter qu’il n’existe pas d’orifice valvulaire à l’abouchement vei-neux pulmonaire sur l’atrium gauche. (WYNEKEN 2009)

4) La chambre de chasse du ventricule droit Il s'agit d'un volume en forme de cône du ventricule droit situé juste en amont de la valve pulmonaire. La paroi cardiaque fait protrusion en plusieurs sites formant ainsi des in-dentations dont les formes sont complémentaires : c'est la "cog-teeth-like valve". Lorsqu'une contraction des parois de la chambre de chasse a lieu, le rapprochement de ces indentations peut provoquer une obstruction plus ou moins importante au sein du ventricule droit entravant l’éjection du sang dans le tronc pulmonaire. Elles auraient un rôle dans le phénomène actif de résistance vasculaire pulmonaire.

5) Les cartilages cardiaques Les Crocodiliens font partie des reptiles comportant des cartilages intra-cardiaques (WHITE 1956). Il sont très développés et sont au nombre de trois (fig 13). Un cartilage cen-tral trifurqué est situé à la base de l’aorte gauche. Il contient un processus inter-ventriculaire dans le septum, un processus semi-lunaire qui renforce la valvule dorsale de l’aorte gauche et un processus foraminal entourant le foramen de Panizza. Un deuxième cartilage se situe ven-tro-latéralement au cœur, du côté droit. Il a la forme d’une baguette incurvée. Il est en contact avec la base de la valvule dorsale de l’aorte gauche et soutient aussi l'orifice atrio-ventriculaire droit. Les cartilages précédemment décrits confèrent de la rigidité à l’aorte gauche et maintiennent béant le foramen de Panizza. Les muscles du septum inter-ventriculaire viennent s’y insérer. Un troisième cartilage nodulaire est présent à la base du tronc pulmonaire.

45

Figure 13 : Cartilages cardiaques d'Alligator mississippiensis (GUIBE 1970).

1 : Processus atrio-ventriculaire ; 2 : Valvules atrio-ventriculaires droites ; 3 : Processus fora-minal ; 4 : Valvules aortiques gauches ; 5 : Processus semi-lunaire ; 6 : Valvule pulmonaire ; 7 : Nodule cartilagineux de la base du tronc pulmonaire ; 8 : Cartilage central ; 9 : Processus intra-ventriculaire ; 10 : Processus semi-lunaire ; 11 : Cartilage ventro-latéral.

46

6) Les lieux de communication entre les deux aortes

a) Le foramen de Panizza C’est en 1833 que Bartolomeo Panizza a rédigé la première description du système car-diovasculaire d’un Crocodilien, Crocodilus lucius, maintenant appelé Alligator mississippien-

sis. Il a étudié la morphologie cardiaque générale et a mis en évidence le foramen qui porte désormais son nom : le foramen de Panizza.

C’est un orifice présent dans la paroi commune des deux aortes, à leur base et les reliant entre elles (fig 14). Son ouverture est dépendante de plusieurs facteurs : le gradient de pres-sion existant entre les deux aortes et une éventuelle obstruction par la valvule aortique droite septale. De nombreuses publications ont permis notamment d’étudier la position des valvules de la valve aortique droite par rapport au foramen en fonction du cycle cardiaque et ses con-séquences sur l’hémodynamique.

Cet orifice peut permettre à du sang provenant des ventricules de se mélanger. Cela in-tervient notamment au cours de la plongée, permettant au sang provenant du ventricule droit d’être éjecté par l’aorte droite via le foramen de Panizza.

Le foramen est entouré en partie par des pièces de cartilage. Leur fonction est inconnue à l’heure actuelle mais ils sont supposés permettre un contrôle du diamètre du foramen (GRIGG 1989). Il est entouré d’un anneau de muscles lisses qui pourraient lui conférer un rôle de pseudo-sphincter.

Cet orifice est de forme ovale chez les Alligators, semi-lunaire chez le genre Crocody-

lus. Il est situé en regard des valvules aortiques septales. Le passage du sang à travers le fo-ramen de Panizza n’est possible que lorsque ces valvules ne l’obstruent pas et sont abaissées. Les aortes sont alors remplies de sang et la pression sanguine aortique vient les abaisser.

47

Figure 14 : Localisation du foramen de Panizza (GRIGG 1991).

Il est situé dans la paroi commune aux aortes droite et gauche au niveau de leur chevauche-ment (cercle en pointillés). Il est partiellement recouvert de la valvule aortique gauche septale. LAo : Aorte gauche ; LV : Ventricule gauche ; PA : Tronc pulmonaire ; RAo : Aorte droite ; RV : Ventricule droit.

48

b) L’anastomose inter-aortique C’est la seconde communication existant entre les deux aortes chez le Crocodilien adulte. Son diamètre interne correspond à 50% du diamètre interne de l’aorte droite (fig 15). Cela permet de présager de sa capacité à tolérer des débits sanguins élevés (AXELSSON et FRANKLIN 1997). C’est un vaisseau richement innervé. Des expériences de marquage im-muno-histochimique ont pu mettre en évidence une immuno-réactivité aux substance P, soma-tostatine, tyrosine hydroxylase, neuropeptide Y, galanine, VIP et bombésine (fig 16).

Figure 15 : Moulage intra-vasculaire de l'anastomose inter-aortique et des vaisseaux attenants

(AXELSSON et FRANKLIN 2001).

Mise en évidence de leurs tailles relatives à l'état dilaté à l'aide de methyl methacrylate - Mercox CL-2B.

Anastomosis : Anastomose inter-aortique ; Cœliac artery : Artère cœliaque ; Dorsal aorta : Aorte dorsale ; Left aorta : Aorte gauche ; Right aorta : Aorte droite.

49

Figure 16 : Marquage immuno-histochimique de l'anastomose inter-aortique

(AXELSSON et FRANKLIN 1997).

Coupe transversale de l'anastomose inter-aortique. Mise en évidence de l'immuno-réactivité à la substance P.

50

IV) Hémodynamique cardiaque et contrôles associés

A) Hémodynamique cardiaque

1) Présentation générale Les Crocodiliens présentent deux circulations sanguines : une grande circulation systé-mique et une petite circulation pulmonaire (fig 17). Les deux oreillettes ainsi que les deux ventricules cardiaques sont complètement cloisonnés n’entraînant pas le mélange intra-cardiaque des sangs provenant des deux circulations sanguines et comportant des concentra-tions en métabolites totalement différentes. Cependant, l’anatomie vasculaire extra-cardiaque rend le cœur des Crocodiliens unique et l'hémodynamique de celui-ci très particulière et déli-cate à interpréter.

Figure 17 : Schéma des relations entre les ventricules et les artères principales chez Alligator Mississip-

piensis (SHELTON et JONES 1991).

Les "P" et les "F" désignent les points de mesures de la pression sanguine et du flux sanguin respectivement, au cours des différentes études. BODY : Corps ; CA : Artère cœliaco-mésentérique ; CarA : Artère carotide ; DAo : Aorte dorsale (abdominale) ; FP : Foramen de Panizza ; GUT : Intestins ; HEAD : Tête ; LAo : Aorte gauche ; LUNG : Poumons ; LV : Ventricule gauche ; PA : Artère pulmonaire ; PECT : Région pectorale ; RAo : Aorte droite ; RV : Ventricule droit ; SubA : Artère sous-clavière.

51

Dans les conditions habituelles de vie des Crocodiliens, du sang pauvre en dioxygène et riche en dioxyde de carbone provient de la grande circulation. Les cellules des différents tis-sus de l’organisme consomment du dioxygène et synthétisent du dioxyde de carbone via le cycle oxydatif de Krebs. Rappelons que, comme chez les autres reptiles, des molécules de glucose sont absorbées par la cellule. Le glucose est dégradé en pyruvate au cours de la glyco-lyse. Le pyruvate traverse la membrane mitochondriale afin d’être oxydé au cours du cycle de Krebs. Des molécules de dioxyde de carbone ainsi que de l’énergie utilisable par la cellule sont synthétisées. Les déchets du métabolisme oxydatif des cellules issues d’un même tissu, et constituant un organe sont évacués ensemble dans le flux veineux de la circulation systémique vers le cœur droit. Celui-ci éjecte le sang désoxygéné en direction des poumons via le tronc pulmo-naire et ses ramifications afin qu’il soit oxygéné et qu’il perde la quasi totalité de son dioxyde de carbone au niveau des alvéoles pulmonaires. Le sang gagne ensuite la circulation veineuse pulmonaire en direction du cœur gauche d’où il sera éjecté via l’aorte droite assurant la perfu-sion des organes.

2) Le cycle cardiaque

a) Le cycle cardiaque gauche et la circulation systémique

Figure 18 : Schéma de la révolution cardiaque gauche.

Au cours de la révolution cardiaque gauche, la phase de systole ventriculaire contribue à l'éjection du sang (ici, ce sont les phases de contraction iso-volumique L1 et d'éjection L2 et L3) et la phase de diastole ventriculaire contribue au remplissage du cœur (ici, ce sont les phases de relaxation iso-volumique L4 et de remplissage ventriculaire gauche L5) (fig 18).

52

Le cycle cardiaque débute par la phase L1, c'est-à-dire une contraction ventriculaire iso-volumique (fig 19). La pression ventriculaire gauche augmente mais le volume de sang conte-nu dans le ventricule gauche reste le même. La valve atrio-ventriculaire gauche se referme, empêchant le reflux de sang du ventricule vers l’atrium gauche. La pression artérielle (dans l'aorte droite) est dite minimale. Il s’agit de la pression artérielle diastolique, ou post-charge. Au début de la phase L2, la pression ventriculaire gauche devenant supérieure à la pres-sion artérielle diastolique, la valve aortique droite s’ouvre et le sang est éjecté dans l’aorte droite. L'aorte droite a la capacité de se dilater grâce à l'élasticité de sa paroi et de transformer le flux pulsatile reçu en un flux continu. La pression aortique droite est égale à la pression ventriculaire gauche. La phase L3 est une phase de transition qui débute quand la pression ventriculaire gauche et la pression aortique droite atteignent leur valeur maximale et au cours de laquelle ces pressions commencent à décroître. Le début de la phase L4 est marqué par une pression ventriculaire gauche devenant infé-rieure à la pression aortique droite. Au cours de cette détente iso-volumique, la pression aor-tique droite diminue lentement alors que la pression ventriculaire gauche chute. Le volume de sang contenu dans le ventricule gauche est constant. La valve aortique droite se ferme. La pression ventriculaire gauche finit par atteindre une valeur nulle. Cette phase initie la diastole ventriculaire. La phase L5 débute avec l'ouverture de la valve atrio-ventriculaire gauche qui a lieu quand la pression ventriculaire gauche devient inférieure à la pression atriale gauche. Un remplissage ventriculaire gauche - passif - a lieu dans un premier temps : le sang afflue de l’atrium gauche en direction du ventricule gauche. La majeure partie du remplissage ventricu-laire a lieu passivement. Il est d’abord rapide (protodiastole) puis lent (mésodiastole) au fur et à mesure de la diminution du gradient de pression entre l’atrium gauche et le ventricule gauche. C’est à la fin de la diastole ventriculaire qu'a lieu la systole auriculaire et ainsi l’achèvement - actif - du remplissage ventriculaire gauche. La contraction atriale chasse le sang de l'atrium dans le ventricule. La valve atrio-ventriculaire gauche s’ouvre et éjecte ainsi du sang dans la cavité ventriculaire gauche (télédiastole).

53

Figure 19 : Enregistrement simultané des pressions sanguines au sein de différents compartiments vascu-

laires chez Alligator mississippiensis (SHELTON et JONES 1991).

Ces mesures ont été effectuées à un rythme cardiaque de 52 battements/minute chez un spé-cimen de 3,6 kg. Les phases du cycle cardiaque sont inscrites en haut du graphique, commençant par un "R" et par un "L" pour les cœurs droit et gauche respectivement. LV et trait rouge foncé : Ventricule gauche ; PA et trait bleu clair : Artère pulmonaire; RAo et trait rouge clair : Aorte droite ; RV et trait bleu foncé : Ventricule droit.

b) Le cycle cardiaque droit et la circulation pulmonaire Au cours de la révolution cardiaque droite, on observe une systole ventriculaire (ici, ce sont les phases de contraction iso-volumique R1p, d'éjection R2p et la phase R3p) et une dias-tole ventriculaire (ici, ce sont les phases de relaxation iso-volumique R4p et de remplissage ventriculaire droit R5p) (fig 19). La phase R1p débute avec une contraction iso-volumique du ventricule droit, synchrone du début de la phase L1 évoquée précédemment. Cependant, il faut noter que l’augmentation de pression est très faible comparée à celle de la phase L1 du ventricule gauche. La pression artérielle pulmonaire devient inférieure à la pression ventriculaire droite et la valve pulmo-naire s'ouvre au cours de la phase R1p. Cependant, l'éjection du sang n'a pas encore lieu. La phase R2p commence lorsque du sang est éjecté du ventricule droit dans le tronc pulmonaire. La pression ventriculaire droite est déjà supérieure à la pression artérielle pulmo-naire et la valve pulmonaire est ouverte depuis 80 ms. En effet, il existe un délai (80 ms) entre l'instant où le gradient de pression entre le ventricule droit et le tronc pulmonaire devient fa-vorable à l’éjection du sang (pendant la phase R1p) et l’éjection de sang proprement dite (dé-but de R2p). De plus, au cours de la phase d'éjection R2p, le gradient de pression entre l'artère pulmonaire et le ventricule droit est important. Ce délai et ce gradient de pression important pendant l'éjection semblent imputables aux caractéristiques de la chambre de chasse du ven-tricule droit, juste en amont de la valve pulmonaire. Sa paroi myocardique se contracte acti-

54

vement et les nodules fibreux endocardiques ("cog-teeth-like valve"), formant un anneau au sein de la chambre de chasse, s’intercalent entre eux. La chambre de chasse est ainsi en me-sure de provoquer une sub-obstruction du flux sanguin s'échappant du ventricule droit vers le tronc pulmonaire, maintenant un gradient de pression entre ces deux compartiments. D'autre part, on peut noter que l'éjection systolique ventriculaire droite commence tôt, à savoir envi-ron 80 ms avant l'éjection systolique ventriculaire gauche. La phase R3p commence lorsque la chambre de chasse du ventricule droit se contracte activement et ne permet plus au sang d'être éjecté dans le tronc pulmonaire. Le débit sanguin et la pression dans l'artère pulmonaire chutent (fig 20). La pente de la pression ventriculaire droite augmente car il n'y a pas d'éjection sanguine alors que le myocarde du ventricule droit continue de se contracter. Cette éjection sanguine en deux étapes est caractéristique du ventri-cule droit (fig 21). La phase R4p débute lorsque la pression ventriculaire droite devient inférieure à la pres-sion artérielle pulmonaire et la valve pulmonaire se ferme. C'est une phase de relaxation iso-volumique et le début de la diastole ventriculaire. La phase R5p débute lorsque la pression ventriculaire droite devient inférieure à la pres-sion atriale droite. La valve atrio-ventriculaire droite s'ouvre. Le remplissage passif est rapide au début (protodiastole), puis lent (mésodiastole). Le remplissage devient actif lors de la sys-tole atriale, caractérisée par une contraction atriale droite et une éjection dans le ventricule droit du sang restant dans l'atrium droit.

55

Figure 20 : Enregistrement de la pression et du flux sanguins dans l'une des artères pulmonaires princi-

pales chez Alligator mississippiensis (SHELTON et JONES 1991).

Le spécimen pèse 4,6 kg. PA et trait bleu clair : Artère pulmonaire. Les traits noirs verticaux séparent les phases du cycle cardiaque droit pulmonaire.

Figure 21 : Enregistrement des pressions sanguines dans le ventricule droit et une des artères pulmonaires

principales chez Alligator mississippiensis (SHELTON et JONES 1991). Le spécimen pèse 3,8 kg. PA et trait bleu clair : Artère pulmonaire ; RV et trait bleu foncé : Ventricule droit. Les traits noirs verticaux séparent les phases du cycle cardiaque droit pul-monaire.

56

c) Circulation du sang au sein de l'aorte gauche

Comme nous l'avons étudié précédemment, l'aorte gauche provient du ventricule droit. Elle a la possibilité d'en recevoir du sang. Elle communique aussi avec l'aorte droite par l'intermédiaire du foramen de Panizza à sa base et par l'anastomose inter-aortique située en aval des aortes gauche et droite descendantes. La circulation sanguine dans l'aorte gauche peut être issue de la circulation sanguine dans l'aorte droite uniquement, avec passage par le fora-men de Panizza et l'anastomose inter-aortique, ou recevoir du sang depuis le ventricule droit.

i) Sans participation du ventricule droit Dans cette situation, la valve aortique gauche est fermée et l'aorte gauche ne reçoit pas de sang du ventricule droit au cours de la révolution cardiaque. Sa circulation sanguine est dépendante de l'éjection sanguine du ventricule gauche. Il est important de noter que le flux net parcourant l’aorte gauche est très faible et toujours bien inférieur en valeur absolue au flux parcourant l'aorte droite (fig 22). La circulation aortique gauche comporte trois phases dis-tinctes (AXELSSON et FRANKLIN 1997) (fig 22).

Au début de l'éjection ventriculaire systolique gauche, c'est-à-dire au début de la phase L2, le flux aortique gauche est antérograde. Il s'agit d'un volume de sang minime provenant de l’éjection de sang dans l'aorte droite via le foramen de Panizza, que la valvule aortique droite septale n’obstrue pas encore.

A partir de l'éjection ventriculaire systolique gauche, c'est-à-dire la majeure partie de la phase L2 et la phase L3, le flux aortique gauche est rétrograde. Le sang contenu dans le ven-tricule gauche est éjecté dans l'aorte droite. La valvule aortique droite septale vient se plaquer contre le foramen de Panizza et aucun passage sanguin ne le traverse (fig 23). Le sens du flux s'explique par le passage du sang de l'aorte droite vers l'aorte gauche en direction du cœur (flux rétrograde) par l'intermédiaire de l'anastomose inter-aortique : c’est l’effet de boucle ou “around-the-loop”. Il est important de garder en mémoire que la valve aortique gauche em-pêche au flux rétrograde de venir dans le ventricule droit. L'aorte gauche agit comme un ré-servoir dont la paroi est élastique. De l'énergie est ainsi stockée, prête à être libérée lors de la diastole. A partir de la diastole ventriculaire gauche, c'est-à-dire les phases L4 et L5 et durant la contraction ventriculaire gauche iso-volumique (phase L1), le flux aortique gauche devient antérograde. La valve aortique droite est fermée. La valvule aortique droite septale se détache de la paroi commune aux deux aortes et n'empêche plus le passage du sang de l'aorte droite vers l'aorte gauche via le foramen de Panizza (fig 23). Le flux aortique gauche antérograde (diastolique) a une amplitude systématiquement plus élevée que celle du flux aortique gauche rétrograde (systolique). Cela confirme le fait que le flux engendré grâce à l'énergie stockée par les parois élastiques de l'aorte gauche au cours de la systole ventriculaire droite n'est pas seul responsable du flux aortique gauche antérograde (diastolique). Un passage supplémen-taire, minime, via le foramen de Panizza existe et vient entraîner du sang depuis l'aorte droite jusque dans l'aorte gauche.

57

Figure 22 : Etude du flux sanguin dans l'aorte gauche en cas d'absence de participation du ventricule

droit chez Alligator mississippiensis (SHELTON et JONES 1991).

Le spécimen pèse 4,6 kg. Dans ce cas, les flux antérogrades et rétrogrades ont été mesurés et valent respectivement 3,4 mL.min-1 et 3,0 mL.min-1. LAo : Aorte gauche ; RAo : Aorte droite ; SubArt : Artère sous-clavière. Les traits noirs verticaux séparent les phases du cycle car-diaque gauche.

58

Figure 23 : Vues d'angioscopie mettant en évidence le foramen de Panizza et son recouvrement par la val-

vule aortique droite septale chez Crocodylus rhombifer (AXELSSON et FRANKLIN 2011).

Le foramen de Panizza est indiqué par une étoile (*) et les valvules aortiques droites par des flèches blanches. La valvule aortique droite septale est désignée par la flèche de gauche sur chaque vue. Cette séquence (1-4) montre la position des valvules en fonction du temps : 1 : Diastole 2 : Systole précoce 3 : Systole tardive 4 : Diastole précoce

59

La courbe de pression sanguine au sein de l'aorte gauche est semblable en allure à celle de l'aorte droite. Cependant, la pression reste toujours plus faible dans l'aorte gauche que dans l'aorte droite au cours de la systole ventriculaire. Pour Grigg et Johansen, l'augmentation de pression sanguine initiale dans l'aorte gauche durant la systole est causée principalement par la pression transmurale provenant de l'aorte droite et du tronc pulmonaire, contenus de manière très serrée dans la même gaine de troncs artériels (GRIGG et JOHANSEN 1987). En revanche, Shelton et Jones déclarent qu'elle est due à l'effet "around-the-loop" (SHELTON et JONES 1991). Durant la diastole ventriculaire, le foramen de Panizza est ouvert, ce qui pro-voque l'égalisation des pressions dans les deux aortes. On note l'existence d'un "pic forami-nal" plus ou moins prononcé en fonction du gradient de pression entre les deux aortes en sys-tole (fig 24). Ce gradient dépend d'éventuelles fuites au niveau du foramen de Panizza causées par une apposition anormale de la valvule aortique droite septale et surtout de la résistance à l'écoulement du flux du à l'effet "around-the-loop". Plus cette résistance augmente, moins le flux aortique gauche rétrograde (systolique) provoque une augmentation de la pression san-guine dans l'aorte gauche en systole, plus le gradient de pression est important et le pic fora-minal est prononcé.

Figure 24 : Mise en évidence du foramen de Panizza chez Alligator mississippiensis

(SHELTON et JONES 1991).

Enregistrement de la pression sanguine au sein des principaux troncs artériels chez un spéci-men de 3,8 kg. Alors que la valve aortique droite s'est fermée (pic de pression dans les deux aortes) et que les pressions diminuent pendant la diastole, l'ouverture du foramen de Panizza provoque l'apparition du "pic foraminal" signant une égalisation des pressions aortiques droite et gauche. Foramen spike : Pic foraminal ; LAo : Aorte gauche ; PA : Artère pulmonaire ; RAo : Aorte droite.

60

Figure 25 : Etude du flux sanguin dans l'aorte gauche en cas de participation du ventricule droit chez Al-

ligator mississippiensis (SHELTON et JONES 1991).

Enregistrement de la pression sanguine et du flux sanguin au sein des deux aortes et de l'artère sous-clavière chez un spécimen de 3,3 kg. Le flux d'éjection du sang du ventricule droit dans l'aorte gauche s'oppose au flux rétrograde. Le flux antérograde est prématuré (ici, au début de L3). LAo : Aorte gauche ; RAo : Aorte droite ; SubArt : Artère sous-clavière.

61

ii) Avec participation du ventricule droit Dans cette situation, la valve aortique gauche s'ouvre au cours de la phase d'éjection sanguine du ventricule droit et l'aorte gauche reçoit du sang du ventricule droit pendant au moins une partie de la systole ventriculaire droite. Sa circulation sanguine est dépendante de l'éjection sanguine du ventricule gauche et du ventricule droit. La phase R2s débute avec l'éjection de sang du ventricule droit dans l'aorte gauche. Cette éjection de sang entraîne l'apparition d'un flux antérograde qui vient s'opposer au flux rétrograde provenant de l'aorte droite via l'anastomose inter-aortique. Le flux devient ainsi antérograde en phase L3 précoce (fig 25) voire en phase L2. Dans cette dernière situation, le flux rétrograde vient presque disparaître laissant un flux antérograde traverser l'aorte gauche durant tout le cycle (fig 26). Les flux aortiques gauche et droit deviennent ainsi presque syn-chrones. Il ne faut pas oublier que malgré un flux qui peut être antérograde durant la quasi-totalité du cycle cardiaque, le débit sanguin de l'aorte gauche reste inférieur au débit sanguin du tronc pulmonaire.

Figure 26 : Etude du flux sanguin dans l'aorte gauche en cas de participation précoce du ventricule droit

chez Alligator mississippiensis (SHELTON et JONES 1991).

Enregistrement de la pression sanguine et du flux sanguin au sein des deux aortes et de l'artère sous-clavière chez un spécimen de 3,3 kg. Le flux d'éjection du sang du ventricule droit dans l'aorte gauche s'oppose au flux rétrograde, presque inexistant ici. Le flux antérograde apparaissant au milieu de la phase L2. Les oscilla-tions très rapprochées de début et de fin d'enregistrement sont artéfactuelles. LAo : Aorte gauche ; RAo : Aorte droite ; SubArt : Artère sous-clavière.

62

3) Hémodynamique dans un contexte d’absence de shunt pulmo-naire-à-systémique

a) Fonction d’éjection du ventricule droit Lors d’une étude (BEAUMONT et CASSIER 1994), des mesures de concentration en dioxygène ont été effectuées dans le sang transporté par le tronc pulmonaire, l’aorte gauche et l’aorte droite. Le sang transporté par le tronc pulmonaire contient un sang pauvre en dioxy-gène (1,08% de dioxygène en volume) alors que les deux rameaux aortiques gauche et droit contiennent un sang riche en dioxygène (respectivement 6% et 5,9% de dioxygène en vo-lume). Les mesures effectuées dans les atriums droit et gauche rapportent respectivement 1,04% et 5,64% de dioxygène en volume. On note une incohérence quant au pourcentage de dioxygène contenu dans l'atrium gauche, qui devrait être supérieur à 6%. Une autre étude (MCINTOCH et al. 1967) chez l’animal dans des conditions de vie normales montre qu’après une injection de produit de contraste directement au sein de l’atrium droit, une opacification était visible radiographiquement au niveau de l’atrium droit, du ventricule droit, et du tronc pulmonaire. Ceci met en évidence un passage presque systé-matique du sang issu du ventricule droit vers le tronc pulmonaire. On déduit de ces deux tra-vaux que le sang qui traverse l’aorte gauche, tout comme le sang qui traverse l’aorte droite, provient du ventricule gauche. Il s'agit de sang riche en dioxygène. De plus, il découle de ces mesures que le sang pauvre en dioxygène contenu dans le ventricule droit ne pénètrerait pas dans l’aorte gauche. La redirection du sang quasi-exclusive du ventricule droit vers le tronc pulmonaire est en partie permise par un jeu de pressions entre les circulations sanguines sys-témique et pulmonaire. Des mesures de pression effectuées dans l’aorte gauche chez Crocody-

lus porosus ont mis en évidence une pression plus importante que dans le ventricule droit tout au long du cycle cardiaque (GRIGG et JOHANSEN 1987). D'autre part, la pression sanguine systémique à l'état normal d'un Crocodilien est supérieure à la pression sanguine pulmonaire (HICKS et al. 1996).

b) Importance des cartilages cardiaques Le foramen de Panizza est de manière générale obstrué en systole par la valvule aor-tique droite septale. Au début de la systole et au cours de la diastole, du sang est expulsé de-puis l’aorte droite dans l’aorte gauche via le foramen de Panizza. Cette effraction peut avoir lieu via le foramen, maintenu ouvert par l’un des processus du cartilage central. De plus, le cartilage central possède un processus venant s’immiscer au sein de la valvule aortique gauche opposé à la valvule septale (fig 13). Cette valvule rendue rigide empêche mécanique-ment le flux sanguin de parvenir dans l’aorte gauche en le canalisant vers le tronc pulmonaire. D’autre part, les valvules atrio-ventriculaires droites voisines participent à l’obstruction du passage du sang entre le ventricule droit et l’aorte gauche lors de la systole ventriculaire. Ceci est du au processus atrio-ventriculaire du cartilage ventro-latéral pénétrant dans leurs parties membraneuses.

63

4) Hémodynamique dans un contexte d’existence de shunt pulmo-naire-à-systémique

Sabatier a mis en évidence très tôt le fait que la circulation pulmonaire puisse être shun-tée par l’éjection de sang depuis le ventricule droit directement dans l’aorte gauche (SABATIER 1873). Ce shunt a été observé lors des périodes de plongée de Crocodiliens mais surtout dans le contexte d’études expérimentales au cours desquelles diverses interventions mécaniques et pharmacologiques sont pratiquées. Cependant, Grigg décrit qu’un shunt peut se développer chez des animaux au repos, chez qui la pression sanguine systémique est basse (GRIGG et JOHANSEN 1987). Pour que du sang participe à un shunt pulmonaire-à-systémique, il faut nécessairement que la pression sanguine pulmonaire excède la pression sanguine systémique. Pour ce faire, trois possibilités sont envisageables (AXELSSON et FRANKLIN 1997) : une augmentation de la pression sanguine pulmonaire, une diminution de la pression sanguine systémique ou une augmentation du volume de remplissage télé-diastolique du ventricule droit mettant en jeu la loi de Starling. La résistance vasculaire de la circulation pulmonaire est elle-même dépendante de la contraction de la chambre de chasse du ventricule droit et de la résistance vasculaire pulmonaire sensu stricto. Axelsson a ligaturé les deux artères pulmonaires droite et gauche entraînant un blocage de la circulation artérielle perfusant les poumons (AXELSSON et FRANKLIN 1997). Ainsi il n’y a plus de sang drainé depuis les poumons et le flux de retour veineux au sein du ventricule gauche avoisine une valeur nulle. Le sang traverse désormais l’anastomose inter-aortique dans le sens inverse (de l’aorte gauche vers l’aorte droite). Comme le mettent en évidence les tra-cés de pression sanguine (fig 27), les pressions dans l’aorte gauche et dans le ventricule droit sont superposables au cours de la contraction ventriculaire. La pression dans l’aorte droite est faible et seulement due à l’éjection de sang provenant du cœur droit via le foramen de Paniz-za. En effet, dans ce cas, le retour veineux pulmonaire est très faible, donc la pré-charge et la pression engendrées par le ventricule gauche le sont aussi (Loi de Starling). Contrairement au passage aortique droite-gauche alternativement rétrograde (par l'anas-tomose inter-aortique) et antérograde (par le foramen de Panizza) existant en l’absence de shunt, le passage aortique dans le sens gauche-droite ne présente ici pas d'effet “around-the-loop”, c’est-à-dire de flux rétrograde dans l’aorte droite. L'éjection est monophasique et syn-chrone du flux aortique droit. Une conséquence de ce shunt est la perfusion de tout l’organisme grâce au cœur droit seul. Bien que sa paroi soit légèrement moins épaisse (cependant bien moins asymétrique que celui des Oiseaux et des Mammifères) que la paroi du ventricule gauche, le ventricule droit parvient tout de même à augmenter sa contractilité et produit une pression sanguine systé-mique physiologique (JONES et SHELTON 1993). Des injections d'acétylcholine ont été effectuées par voie intraveineuse, ou directement dans le tronc pulmonaire ou encore directement dans la cavité ventriculaire droite (AXELSSON et al. 1989) (JONES et SHELTON 1993). Ce sont les effets chronotrope néga-tif, vasodilatateur au niveau systémique et vasoconstricteur au niveau pulmonaire qui ont été recherchés (fig 30A, 30E). L'éjection a d'abord été mixte avec une éjection du sang dans le tronc pulmonaire dans la première phase de l'éjection ventriculaire et dans l'aorte gauche dans la seconde phase.

64

Figure 27 : Etude de la pression et du flux sanguins dans les principaux troncs artériels en cas de shunt

pulmonaire-à-systémique chez Crocodylus porosus (AXELSSON et FRANKLIN 1997).

Enregistrement de la pression sanguine (P) et du flux sanguin (F) au sein des aortes, d'une des artères pulmonaires principales artères et du ventricule droit chez un crocodile marin vigile (Crocodylus porosus). A : Pas de shunt pulmonaire-à-systémique. B : Post-occlusion des deux artères pulmonaires : shunt pulmonaire-à-systémique. Noter l'inversion du flux au sein de l'anastomose inter-aortique. Ana : Anastomose inter-aortique ; LAo : Aorte gauche ; PA : Artère pulmonaire ; RAo : Aorte droite ; RV : Ventricule droit. Rapidement, l'éjection dans l'aorte gauche s'est effectuée durant les deux phases, avec un flux devenant monophasique et synchrone du flux aortique droit (fig 28). Ces observations hémodynamiques sont la conséquence d’un shunt pulmonaire-à-systémique provoqué méca-niquement ou chimiquement par les expérimentateurs (artificiellement, par des ligatures des artères pulmonaires droite et gauche ou par une augmentation du tonus parasympathique). D'ailleurs, des flux aortiques gauches monophasiques n'ont pas été décrits chez l'animal ne subissant pas d'intervention.

65

Figure 28 : Effets de l'acétylcholine sur les pressions et flux sanguins des principaux troncs artériels

(JONES et SHELTON 1993).

Enregistrement de la pression sanguine et du flux sanguin au sein des principaux troncs arté-riels chez un alligator vigile (Alligator mississippiensis) de 2,8 kg. L'enregistrement débute 15 secondes après l'injection de 2 µg d'acétylcholine dans le tronc pulmonaire. LAo : Aorte gauche ; PA : Tronc pulmonaire ; RAo : Aorte droite. Cependant, dans les conditions de vie naturelles des Crocodiliens, ce shunt peut interve-nir suite à des modifications comportementales de l'animal. Une étude a montré que chez les animaux vigiles et alertes et chez les animaux anesthésiés, la seconde augmentation de pres-sion du ventricule droit n'atteignait jamais une valeur suffisante (inférieure à la pression sys-témique) pour ouvrir la valve aortique gauche et entraîner l'éjection du sang dans l'aorte gauche directement (fig 30A, 30B, 30C) (JONES et SHELTON 1993). Le flux sanguin aor-tique gauche antérograde est seulement engendré par le sang reçu au moment du flux rétro-grade (les parois élastiques de l'aorte gauche agissent comme un réservoir) et par la contribu-tion de l'aorte droite via le foramen de Panizza. En revanche, des animaux vigiles maintenus dans un état calme ont été laissés dans un milieu aquatique, libres de se déplacer et de remon-ter à la surface. Un shunt pulmonaire-à-systémique était observé la plupart du temps, s'éten-dant de quelques battements à 15 minutes (fig 29). Dans ce cas, une bradycardie était obser-vée et une hypotension y était associée. On observait alors une éjection mixte avec une éjec-tion du sang dans le tronc pulmonaire durant la première phase de l'éjection ventriculaire et dans l'aorte gauche durant la seconde phase (fig 30A, 30B, 30D).

66

Figure 29 : Etude des pressions et flux sanguins dans les principaux troncs artériels en fonction du com-

portement chez Alligator mississippiensis (JONES et SHELTON 1993).

Enregistrement de la pression sanguine au sein de principaux troncs artériels chez un alliga-tor vigile (Alligator mississippiensis) de 2,4 kg. A : Animal alerte, au milieu du laboratoire. B : Animal laissé au calme. Un shunt pulmonaire-à-systémique s'établit associé à une brady-cardie et à une hypotension systémique. LAo : Aorte gauche ; PA : Tronc pulmonaire ; RAo : Aorte droite ; SA : Artère sous-clavière.

67

Figure 30 : Schéma des différents modèles hémodynamiques en fonction des phases du cycle cardiaque et

de la pression sanguine systémique (JONES et SHELTON 1993). A : Diastole avec remplissage ventriculaire et un flux artériel maintenu par l'énergie stockée dans les parois des troncs aortiques. Le foramen de Panizza est ouvert. B : Systole précoce avec ouverture de la "cog-teeth valve" et fermeture du foramen de Panizza par la valvule aortique droite septale. C : Seconde phase de la systole avec la "cog-teeth valve" fermée et une pression sanguine sys-témique élevée chez un animal alerte. Le foramen est fermé et il n'y a pas d'éjection de sang du ventricule droit vers l'aorte gauche. D : Seconde phase de la systole avec la "cog-teeth valve" fermée et une pression sanguine systémique faible chez un animal alerte. Le foramen est fermé et il y a une éjection de sang du ventricule droit vers l'aorte gauche. E : Les deux phases de la systole avec une vascularisation pulmonaire constrictée et une vas-cularisation systémique relâchée, comme après une injection d'acétylcholine. Les pressions du ventricule droit et du tronc pulmonaire égalent la pression systémique. L'éjection systolique du ventricule droit dans l'aorte gauche est monophasique. Le foramen est fermé. CAR : Artère carotide ; Coel : Artère cœliaco-mésentérique ; DAo : Aorte dorsale (abdomi-nale) ; HSP : Pression systémique élevée ; LAo : Aorte gauche ; LV : Ventricule gauche ; LSP : Pression systémique faible ; PA : Tronc pulmonaire ; RAo : Aorte droite ; RV : Ventricule droit ; SUB : Artère sous-clavière.

68

B) Contrôle de l'hémodynamique et du shunt pulmonaire-à-systémique

1) La chambre de chasse du ventricule droit Les protrusions de l'endocarde au niveau de la chambre de chasse du ventricule droit ("cog-teeth-like valve") peuvent subir un mouvement de contraction et venir s'imbriquer entre elles entraînant une obstruction de l'éjection sanguine pulmonaire (fig 31). C'est le cas durant la seconde étape de systole du ventricule droit. Cette obstruction peut être plus ou moins complète et provoquer l'apparition de profils de pression intra-ventriculaire droite changeant au cours du temps, parfois spontanément (AXELSSON et FRANKLIN 1997). La relaxation de la chambre de chasse du ventricule droit est soupçonnée d'être sous contrôle adrénergique positif. Une augmentation du tonus orthosympathique favoriserait l'éjection du sang dans la circulation pulmonaire, au détriment d'un shunt pulmonaire-à-systémique. En revanche, en cas diminution du tonus orthosympathique, l'obstruction de la chambre de chasse du ventri-cule droit provoque une augmentation de la pression au sein du ventricule droit et une ouver-ture de la valve aortique gauche s'ouvre entraînant une mise en place du shunt pulmonaire-à-systémique (AXELSSON et FRANKLIN 2011). Il est inhabituel qu'une stimulation adréner-gique provoque une relaxation du muscle cardiaque. Cela semble être le cas pour le muscle entourant la chambre de chasse du ventricule droit (fig 31). Une étude vient compléter les travaux précédents selon une approche différente. Ce ne serait pas tant une stimulation du système orthosympathique évoluant sur quelques minutes et favorisant la relaxation qui contrôlerait la chambre de chasse du ventricule droit, mais plutôt la conduction de l'onde de dépolarisation au sein du cœur droit, entraînant un contrôle du shunt battement après battement (SYME et al. 2002) (fig 32). En effet, il existe une zone de ralentissement de l'onde de dépolarisation à la base de la valve de la chambre de chasse du ventricule droit, s'apparentant à un nœud. Il entraîne un retard d'environ 250 ms de la dépola-risation du muscle de cette valve par rapport à la dépolarisation de la base du ventricule droit. Plus ce retard est important, plus la contraction du muscle entourant la chambre de chasse du ventricule droit se déroulera tard (la deuxième étape d'augmentation de pression du ventricule droit s'effectue tard), plus l'éjection de sang aura lieu dans le tronc pulmonaire et moins le shunt sera fonctionnel. Au contraire, moins ce retard est important, plus la contraction du muscle entourant la chambre de chasse du ventricule droit se déroulera tôt (la deuxième étape d'augmentation de pression du ventricule droit s'effectue tôt), moins l'éjection de sang aura lieu dans le tronc pulmonaire et plus le shunt sera fonctionnel. La stimulation vagale et l'injec-tion d'acétylcholine réduisent le retard de l'onde de dépolarisation et favorisent donc le shunt pulmonaire-à-systémique (SYME et al. 2002). Il est important de noter que l'étude de Syme et son équipe a montré une diminution de l'amplitude de l'onde de dépolarisation du muscle en-tourant la valve de la chambre de chasse du ventricule droit à la suite des stimulations vagales et des injections d'acétylcholine, ceci en défaveur du shunt. En effet, cette diminution d'ampli-tude de l'onde de dépolarisation sous-entendrait que la contraction des muscles de la paroi de la chambre de chasse serait moins puissante et que l'obstruction entraînant le shunt serait moins efficace.

69

Figure 31 : La valve de la chambre de chasse du ventricule droit ("cog-teeth-like valve") et sa contraction

suite à une stimulation adrénergique (AXELSSON et FRANKLIN 2011). A : Vues d’angioscopie mettant en évidence la "cog-teeth-like valve" de la chambre de chasse du ventricule droit via le tronc pulmonaire. Cette séquence (1-3) montre la position des protrusions de la valve de la chambre de chasse du ventricule droit au cours du temps. 1 et 2 : Systole 3 : Diastole précoce, les valvules pulmonaires se refermant. B : Graphique mettant en évidence l'effet sur la résistance de la chambre de chasse du ventri-cule droit d'un bolus d'adrénaline injecté dans le ventricule droit chez un crocodile marin (Crocodylus porosus). L'adrénaline diminue sa résistance par un mécanisme bêta-adrénergique, évoquant le fait que l'éjection du sang dans la vascularisation pulmonaire soit favorisée par un tonus orthosympathique élevé. Rpulm : Résistance de la chambre de chasse du ventricule droit ; Adr : Adrénaline.

70

Figure 32 : Effet de la contraction du muscle entourant la valve de la chambre de chasse du ventricule

droit sur les pressions sanguines systémique, pulmonaire et ventriculaire droite chez Alligator mississip-

piensis (SYME et al. 2002).

On peut observer le retard de l'onde d'électrocardiogramme (ECG) de la chambre de chasse par rapport à celle du centre du ventricule droit. Cog-wheel : ici, le muscle entourant la valve de la chambre de chasse du ventricule droit ; PA : Tronc pulmonaire ; RV : Ventricule droit.

2) L'anastomose inter-aortique Après l'avoir exposé en 1992 au 12ème National Scientific Meeting of the Bayliss &

Starling Society de Belfast, Karila a publié une étude de référence au cours de laquelle il a pu montrer la présence d'une média et d'une adventice très développées au sein de la paroi de l'anastomose inter-aortique et, grâce à des techniques d'immuno-réactivité, son équipe a pu mettre en évidence la présence d'une riche innervation et de nombreux neuropeptides (KARILA et al. 1995) (fig 16, 33). L'anastomose inter-aortique joue ainsi un rôle de pseudo-sphincter, subissant constriction et relaxation en réponse à sa stimulation par les neuropep-tides. Le neuropeptide Y et la substance P ont pour action de relaxer l'anastomose inter-aortique, de favoriser le passage du sang de l'aorte droite vers l'artère cœliaco-mésentérique et ainsi d'augmenter la perfusion sanguine de l'appareil digestif. La substance P augmente le dé-bit sanguin dans l'aorte gauche, suggérant l'apparition d'un shunt pulmonaire-à-systémique. La neurotensine augmente la résistance vasculaire de l'anastomose inter-aortique et du lit vascu-laire des intestins dans un premier temps, entraînant une diminution du flux puis joue un effet contraire dans un second temps. C'est surtout Axelsson qui a montré la manière dont s'effec-tue la régulation de la résistance pariétale de l'anastomose inter-aortique (AXELSSON et al. 2001). Celle-ci est sous contrôle de l'interaction entre la stimulation adrénergique et celle du monoxyde d'azote (NO). La sécrétion basale in situ de NO permet la relaxation de l'anasto-mose inter-aortique. Une stimulation adrénergique entraîne une vasoconstriction suivie im-médiatement par une relaxation médiée par le NO (fig 34). L'origine neurale ou endothéliale du NO est encore indéterminée.

71

Figure 33 : Innervation et libération des neuropeptides au sein de la paroi de l'anastomose inter-aortique

(KARILA et al. 1995).

BM : Bombésine ; CGRP : Calcitonin gene-related peptide ; GAL : Galanine ; NPY : Neuro-peptide Y ; SOM : Somatostatine ; SP : Substance P ; TH : Tyrosine Hydrolase ; VIP : Vaso-active Intestinal Polypeptide.

Le sang transporté par l’artère cœliaco-mésentérique à l'appareil digestif provient en grande majorité de l’aorte droite via l’anastomose inter-aortique (AXELSSON et al. 1991). Un des rôles de la régulation anastomotique pourrait être de réguler le flux sanguin de l'aorte droite vers l'artère cœliaco-mésentérique. Une autre fonction pourrait être de supprimer l'effet "around-the-loop" par vasoconstriction, faisant ainsi chuter la pression sanguine au sein de l'aorte gauche. Un gradient de pression favorable à l'éjection du sang du ventricule droit dans l'aorte gauche s'installe et entraîne un shunt pulmonaire-à-systémique. Un troisième rôle pour-rait être au contraire d'éviter un effet "around-the-loop" en cas de shunt pulmonaire-à-systémique préexistant. Le tableau I résume l'effet de quelques stimuli entraînant ou inhibant l'apparition ou le main-tien d'un shunt pulmonaire-à-systémique chez diverses espèces de Crocodiliens (tab I).

72

Figure 34 : Effet de l'adrénaline et du L-NAME sur la résistance pariétale de l'anastomose inter-aortique

(AXELSSON et FRANKLIN 2001).

Le L-NAME est un inhibiteur de la "nitric oxide synthase". L'adrénaline augmente la résistance pariétale de l'anastomose inter-aortique mais le monoxyde d'azote (NO) s'y oppose immédiatement. L'effet du L-NAME met en évidence une sécrétion basale de monoxyde d'azote (NO) permettant la relaxation pariétale de l'anastomose inter-aortique.

3) Le foramen de Panizza Le foramen de Panizza (fig 23) est pourvu d'un anneau de muscles lisses sur sa circon-férence. Cet anneau possède une riche innervation et est stimulé par la libération de nombreux neuropeptides (AXELSSON et FRANKLIN 1997). Par exemple, l'adrénaline entraîne sa constriction et la diminution de son diamètre, évitant un débit trop élevé de l'aorte droite vers l'aorte gauche en diastole. En revanche, le VIP (Vasoactive Intestinal Polyeptide) le relâche et augmente son diamètre favorisant un shunt pulmonaire-à-systémique (KARILA et al. 1995) (AXELSSON et FRANKLIN 2001). La disposition des cartilages cardiaques par rapport au foramen de Panizza change en fonction du cycle cardiaque et module son diamètre (WHITE 1956) mais ceci a encore été peu décrit. La modulation de l'ouverture du foramen de Panizza est sûrement l'un des déterminants majeurs du shunt pulmonaire-à-systémique. Grigg et Jo-hansen rappellent que l'asynchronisme entre les pressions aortiques droite et gauche est asso-cié à un foramen de faible diamètre, une augmentation de pression aortique gauche initiale due à une transmission transmurale (provenant de l'aorte droite et du tronc pulmonaire, conte-nus de manière très serrée dans la même gaine de troncs artériels), puis l'apparition du pic fo-raminal. La mise en place d'un shunt pulmonaire-à-systémique avec ouverture de la valve aor-tique gauche pourrait être associée à une baisse de pression systémique et à l'ouverture du fo-ramen de Panizza compatible avec un synchronisme des pressions aortiques droite et gauche (GRIGG et JOHANSEN 1987).

73

4) Le système cardiovasculaire en général Le shunt pulmonaire-à-systémique peut être provoqué par une baisse de la pression sanguine systémique, et/ou une augmentation de la pression sanguine pulmonaire. D'une ma-nière générale, une stimulation de l'organisme par le système orthosympathique empêchera l'apparition du shunt alors qu'une stimulation de l'organisme par le système parasympathique le favorisera. Une étude a montré que la bradykinine abaissait la pression sanguine systé-mique et favorisait le shunt pulmonaire-à-systémique chez Alligator mississippiensis (COMEAU et al. 1992).

74

Tableau I : Action de quelques stimuli entraînant ou inhibant l'apparition ou le maintien d'un shunt pul-

monaire-à-systémique chez diverses espèces de Crocodiliens (AXELSSON et FRANKLIN 1997).

75

C) Rôles potentiels du shunt pulmonaire-à-systémique

1) Importance de l’aorte gauche chez l’embryon Eme, Crossley et Hicks ont mené une étude concernant le débit cardiaque chez l’embryon d’alligator (Alligator Mississpiensis) en y effectuant pour la première fois une chi-rurgie cardiaque (EME et al. 2011). L’aorte gauche a été ligaturée en aval du tronc compre-nant les principaux vaisseaux cardiaques (donc en aval du foramen de Panizza) mais en amont de l’anastomose inter-aortique. Des mesures de débit cardiaque et de consommation d’oxygène par l’embryon ont été réalisées. Ils ont pu mettre en évidence chez l'embryon attei-gnant 90% de son développement que la moitié du débit cardiaque systémique traverse l’aorte gauche. Elle joue un rôle majeur dans l’établissement du débit cardiaque chez l’embryon d’alligator. Il s’agit d’une façon supplémentaire de détourner le flux sanguin de la circulation pulmonaire non fonctionnelle chez l’embryon, les autres façons étant le passage du sang par les conduits artériels et l'existence du foramen ovale (fig 35). En revanche, ils ont pu mettre en évidence qu’un apport normal en sang oxygéné aux organes embryonnaires ne nécessite pas l’existence de l’aorte gauche. En effet, on peut supposer que le conduit artériel droit ainsi que le foramen de Panizza suffisent à leur délivrer du sang oxygéné. Chez les embryons de Crocodiliens, le trou de Botal semble être inconstant. Le shunt pulmonaire-à-systémique via le foramen de Panizza pourrait "remplacer" cette communica-tion (DZIALOWSKI et al. 2011).

2) Influence de l’aorte gauche sur la morphologie cardiaque Eme et son équipe ont publié une étude au cours de laquelle ils ont ligaturé l’aorte gauche en amont et en aval du foramen de Panizza (EME et al. 2011). Ils ont étudié l’influence de cette oblitération artérielle sur la morphologie cardiaque et sur le temps de plongée chez l’Alligator du Mississippi (Alligator mississippiensis). Ils ont débuté leur étude en partant du constat suivant : une partie du sang contenu dans le ventricule droit à un mo-ment donné est éjecté dans l’aorte gauche et traverse le foramen de Panizza avant de s’écouler dans l’aorte droite : c'est le principe du shunt pulmonaire-à-systémique (MALVIN et al. 1995). Jones a montré que les alligators (Alligator mississippiensis) calmes présentaient 85% du temps un shunt pulmonaire-à-systémique (JONES 1996). Cette étude a pour but de mon-trer en quelle mesure le shunt pulmonaire-à-systémique tient un rôle de conservation de la morphologie cardiaque.

76

Figure 35 : Circulation sanguine embryonnaire dans le cœur et les principaux troncs artériels chez les

Crocodiliens (DZIALOWSKI et al. 2011).

Les flèches représentent les possibilités de shunt pulmonaire-à-systémique. En bleu, le sang est peu oxygéné. En rouge, le sang est bien oxygéné. Les pointillés représentent les shunts potentiels de la circulation sanguine embryonnaire. Ant(erior) Body : Partie antérieure du corps ; CAM : Membrane chorio- allantoïdienne ; Cog-teeth valve : valve de la chambre de chasse du ventricule droit ; FoP : Foramen de Panizza ; LA : Atrium gauche ; LAo : Aorte gauche ; LDA : Conduit artériel gauche ; L. Lung : Pou-mon gauche ; LPA : Artère pulmonaire gauche ; Lungs : Poumons ; LV : Ventricule gauche ; Post(erior) Body : Partie postérieure du corps ; RA : Atrium droit ; RAo : Aorte droite ; RDA : Conduit artériel droit ; R. Lung : Poumon droit ; RPA : Artère pulmonaire droite ; RV : Ven-tricule droit.

77

L’absence de shunt possible était permanente et d’une durée de 20 à 22 mois. Cette du-rée était suffisamment longue pour observer une modification de la conformation cardiaque mais suffisamment courte pour éviter la néoformation d’un shunt. Durant cette période, l'ab-sence de shunt a forcé le ventricule droit à n'éjecter le sang que dans le tronc pulmonaire, ce qui a entraîné une augmentation de la post-charge au niveau du cœur droit. De plus, le retour veineux pulmonaire est devenu plus important et la pré-charge a augmenté au niveau du cœur gauche. Cette charge de travail supplémentaire est sûrement à l'origine de l'augmentation de taille du cœur par hyperplasie majoritairement. Cette augmentation atteint 65% au bout d'un an et demi par rapport aux animaux témoins (fig 36, 37).

Figure 36 : Effet de la ligature de l'aorte gauche sur la masse ventriculaire totale indexée

(EME et al. 2009).

La masse ventriculaire totale est indexée au poids de l'animal. A : "Sham" : Animaux témoins. B : "Unsuccessful" : L'aorte gauche a été ligaturée en aval du foramen de Panizza. C : "Successful" : L'aorte gauche a été ligaturée en amont du foramen de Panizza.

78

Figure 37 : Effet de la ligature de l'aorte gauche sur l'épaisseur des parois ventriculaires

(EME et al. 2009).

Vue

ven

trale

de

la c

ircul

atio

n sa

ngui

ne c

ardi

aque

et é

pais

siss

emen

t des

par

ois

vent

ricul

aire

s ch

ez le

s an

imau

x té

-m

oins

(Sha

m),

chez

les

anim

aux

avec

une

liga

ture

en

aval

du

fora

men

de

Pani

zza

(US-

LAo)

et c

hez

les

anim

aux

avec

une

liga

ture

en

amon

t du

fora

men

de

Pani

zza

(S-L

Ao)

. C

CA

: A

rtère

car

otid

e co

mm

une

; LA

o : A

orte

gau

che

; LPA

: A

rtère

pul

mon

aire

gau

che

; RA

o : A

orte

dro

ite ;

RPA

: A

rtère

pul

mon

aire

dro

ite ;

RS

: A

rtère

sou

s-cl

aviè

re d

roite

; C

og-to

oth

valv

e : v

alve

de

la c

ham

bre

de

chas

se d

u ve

ntric

ule

droi

t.

79

3) Influence sur la digestion Farmer et son équipe ont cherché à connaître l'influence potentielle du shunt pulmo-naire-à-systémique sur la digestion des Crocodiliens en utilisant des alligators (Alligator mis-

sissippiensis) (FARMER et al. 2008). Ils ont pour cela mesuré la concentration d'acide gas-trique et suivi l'évolution des dimensions d'une vertèbre de bœuf déglutie chez deux popula-tions d'animaux. La première était constituée d'animaux témoins, laissés au calme et chez qui le shunt pulmonaire-à-systémique pouvait se produire. Ils ont ligaturé l'aorte gauche des ani-maux de la seconde population, empêchant le shunt de se produire. Ils ont mis en évidence que la sécrétion d'acide gastrique était plus élevée lorsqu'un shunt se mettait en place. Cepen-dant, cette sécrétion accrue ne s'effectue qu'à une température optimale et est plus accentuée 24 heures après le repas (fig 38). Une fois la nourriture déglutie, on note une augmentation du débit sanguin aortique gauche, synonyme d'une mise en place du shunt (fig 39). D'autre part, chez les animaux capables de shunt, la vertèbre ingérée était systématiquement digérée plus rapidement que chez les animaux dont l'aorte gauche avait été occluse. Le dioxyde de carbone stimule la sécrétion d'acide gastrique par les cellules fundiques de l'estomac. Ainsi, en cas de shunt, la concentration sanguine en dioxyde de carbone est plus élevée et le flux sanguin ac-cordé à l'appareil digestif est plus important puisqu'il provient de l'artère cœliaco-mésentérique, et donc pour partie de l'aorte gauche dont le débit est augmenté. Cette phase de la digestion accrue semble être fortement corrélée à la température corporelle des individus. Ceci expliquerait en partie l'avantage des individus dominants à pouvoir occuper préférentiel-lement les places davantage exposées au soleil. Il est important de noter que de nombreux fac-teurs favorisant le shunt pulmonaire-à-systémique entrent aussi en jeu dans la stimulation de la digestion (acétylcholine, substance P, par exemple). La concentration élevée en dioxyde de carbone permettrait plus de carboxylations au niveau hépatique et une synthèse accrue de pro-téines, telle que la glutamine. Gardner et son équipe ont aussi réalisé des occlusions de l'aorte gauche chez des alli-gators (Alligator mississippiensis) pour provoquer l'incapacité à mettre un shunt pulmonaire-à-systémique en place (GARDNER et al. 2011). Ils ont abaissé brutalement la température ambiante de 10°C. Ils ont alors pu observer une augmentation du pH sanguin veineux (pHv) associé à une diminution de la pression partielle en CO2 veineux (PvCO2), très vite compensée chez les animaux témoins alors que les animaux incapables de shunt conservaient une PvCO2 basse et un pHv haut. Ces observations sont en accord avec l'étude de Farmer de 2008 et une digestion facilitée par une rétention du dioxyde de carbone dans le sang en cas de shunt pul-monaire-à-systémique.

80

Figure 38 : Sécrétion d'acide gastrique en fonction de la capacité à mettre en place un shunt pulmonaire-

à-systémique (FARMER et al. 2008).

Sécrétion d'acide gastrique mesurée à 12h et à 24h après un repas constitué de viande de bœuf. Barre noire : 12h après le repas, animaux capables de shunt. Barre blanche : 12h après le repas, animaux incapables de shunt. Barre rayée en diagonale : 24h après le repas, animaux capables de shunt. Barre rayée horizontalement : 24h après le repas, animaux incapables de shunt.

Figure 39 : Débit sanguin au sein de l'aorte gauche en fonction du temps écoulé en période postprandiale

(FARMER et al. 2008).

Le cercle vide représente la mesure avant le repas. Les cercles pleins représentent les mesures après le repas. LAo : Aorte gauche.

81

4) Perfusion de l'encéphale et du cœur Certains auteurs voient un intérêt du shunt pulmonaire-à-systémique quant à la préser-vation d'un débit sanguin suffisant pour perfuser l'encéphale et le muscle cardiaque. En effet, en cas de vasoconstriction au niveau des poumons, le retour sanguin et donc l'éjection de sang depuis le ventricule gauche sont diminués fortement. Le shunt permettrait la circulation de sang du ventricule droit à la base de l'aorte droite via le foramen de Panizza. Cela autoriserait une quantité de sang supplémentaire à venir irriguer les artères carotides et les artères coro-naires (AXELSSON et FRANKLIN 1997). D'autres auteurs comparent le shunt pulmonaire-à-systémique au mélange intra-ventriculaire du sang chez les autres reptiles (GRIGG et JOHANSEN 1987). Ils évoquent le fait que chez les Crocodiliens, le mélange des sangs pauvres et riches en dioxygène s'effectue plus distalement aux circulations coronaire et cérébrale, notamment au niveau de l'anastomose inter-aortique. On peut finalement évoquer la stimulation que pourrait provoquer le shunt sur la cir-culation sanguine cérébrale. Le shunt, ajoutant du sang pauvre en dioxygène à la circulation systémique, provoque une diminution de la pression sanguine en dioxygène. Söderström et son équipe ont montré que chez le crocodile marin (Crocodylus porosus), l'hypoxémie en-traîne une libération de vasodilatateurs tels que le monoxyde d'azote (NO) et l'adénosine qui agissent au niveau cérébral (SÖDERSTRÖM et al. 1999). Ce mécanisme pourrait permettre un apport constant du cerveau en dioxygène et en glucose.

82

5) Influence sur la capacité à plonger Les avis divergent suivant les publications et les bénéfices d'un shunt pulmonaire-à-systémique sur la plongée restent hypothétiques (AXELSSON et FRANKLIN 2011). Grigg et Johansen envisagent l'idée que les poumons puissent se comporter comme un stock de dioxy-gène (GRIGG et JOHANSEN 1987). Une fois le shunt pulmonaire-à-systémique mis en place, le sang pauvre en dioxygène ne traverse plus les poumons. Le dioxygène contenu dans l'air inspiré juste avant la plongée n'est donc plus entraîné dans la circulation sanguine en di-rection des organes. La suppression intermittente du shunt au cours de la plongée pourrait ain-si libérer seulement la quantité nécessaire en dioxygène pour subvenir aux besoins des or-ganes. Un autre intérêt a été évoqué. Le sang provenant du shunt est riche en dioxyde de car-bone. Une fois mélangé au sang issu du ventricule gauche, la concentration en dioxyde de carbone du sang délivré aux organes est plus élevée. Or, Grigg a montré que le dioxyde de carbone réduisait l'affinité de l'hémoglobine du Crocodilien adulte pour le dioxygène (GRIGG et al. 1993), ce qui serait en faveur d'une libération facilitée du dioxygène aux organes au cours de la plongée. Hicks et Wang considèrent l'existence d'un shunt pulmonaire-à-systémique comme une possibilité de réguler la pression sanguine en dioxygène. Lorsque le shunt est en place, la pression sanguine partielle en dioxygène diminue. Ils ont mis en évi-dence le fait qu'une hypoxie modérée peut entraîner une régulation négative du métabolisme basal des reptiles se traduisant par une inhibition des mécanismes de synthèse de l'ATP mais aussi de dégradation de l'ATP. Ainsi, chez l'animal en plongée, la mise en place du shunt permettrait une demande moindre en énergie par l'ensemble des tissus (HICKS et WANG 2004). Eme et son équipe pensent en revanche que le développement d'un shunt pulmonaire-à-systémique ne permet pas de prolonger la durée des plongées, ni le nombre de plongées pro-longées. En effet, après avoir ligaturé l'aorte gauche en amont du foramen de Panizza chez certains individus et ainsi leur avoir enlevé la possibilité de mise en place d'un shunt, ils n'ont pas noté de différence significative quant à la fréquence ou la durée des plongées par rapport aux animaux témoins (EME et al. 2009). Le shunt pulmonaire-à-systémique ne serait pas un caractère évolutif propre aux animaux amenés à effectuer des plongées.

83

84

85

PARTIE 2 : ETUDE EXPERIMENTALE

Constitution d'un atlas d'anatomie cardiaque des Crocodiliens

86

I) Matériel Nous avons été en relation avec La Planète des Crocodiles®, parc animalier et floral à Civaux (86). Des Crocodiliens et des tortues y sont élevés. Ils nous ont fait don de plusieurs spécimens vivants. Les spécimens vivants étaient des animaux nains ou à la queue jugée trop courte ou déviée, qui entraient dans cadre d'un retrait de la mise à la reproduction par abat-tage. La lettre de don est fournie en annexe (Annexe 1). Les animaux utilisés pour cette étude expérimentale sont des caïmans à lunettes (Caiman crocodilus). - Un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) femelle de 4,5 ans de 5,2 kg, donné vi-vant, identifié par puce électronique Virbac® BackHome® (250229600052523) a été utilisé pour l'examen d'imagerie par résonance magnétique et pour la dissection. - Un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) femelle de 4 ans de 5,2 kg, donné vivant, identifié par puce électronique Virbac® BackHome® (250229600054085) a été utilisé pour l'examen d'imagerie par résonance magnétique et pour la dissection. - Un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) mâle de 4 ans de 8 kg, donné congelé, identifié par puce électronique Virbac® BackHome® (985100006676786) a été utilisé pour l'examen tomodensitométrique et pour la dissection. Une anesthésie a été nécessaire afin d'immobiliser les deux spécimens utilisés pour l'examen d'imagerie par résonance magnétique en raison de la durée d'acquisition importante d'une heure et demie (identifications électroniques : 250229600052523 et 250229600054085). Cette anesthésie générale a été induite par une administration intramusculaire dans le triceps brachial de médétomidine (Domitor®, Lilly France®, France) à 100 µg/kg et de kétamine (Imalgène®, Mérial®, France) à 10 mg/kg. A l'issue de ces examens, l'euthanasie a été réali-sée par administration intrapéritonéale de pentobarbital sodique (Doléthal®, Vétoquinol®, France) à 6 mL/kg.

87

II) Méthodes

A) Dissection

L'animal est placé en décubitus dorsal (fig 40). Une incision du plan cutané est effec-tuée à l'aide d'une lame de scalpel No. 22. Elle a pour origine la partie caudale de l'extrémité rostrale des mandibules. Elle s'étend le long de la face médiale de la mandibule gauche, puis latéralement aux muscles cervicaux gauches, avant de traverser le membre thoracique gauche ventralement en regard de l'articulation scapulo-humérale. L'incision est prolongée latérale-ment à la cage thoracique et aux flancs de l'animal, puis vient traverser le membre pelvien gauche ventralement en regard de la partie proximale du fémur. Une incision du plan cutané ventral de la partie basale de la queue de l'animal est réalisée caudalement à l'orifice cloacal permettant de rejoindre les parties gauche et droite de l'animal. Le plan cutané est individuali-sé de manière à former un volet cutané (fig 41). Les muscles de la région cervicale ventrale sont disséqués de manière à dégager la partie médiane de la trachée et la vascularisation principale. Les muscles superficiels des ré-gions thoracique et cervicale sont disséqués afin de dégager les côtes (fig 42). Les côtes et les gastralia sont sectionnées latéralement afin de mettre en évidence les organes de la cavité thoracique (fig 43). Le tissu adipeux est retiré afin de pouvoir distinguer le cœur, les troncs artériels, les poumons et les premières bronches, ainsi que les lobes hépatiques (fig 44). La masse car-diaque peut être individualisée à l'aide d'une pince après avoir retiré le péricarde l'enveloppant (fig 45). Avant d'être disséqué, un des caïmans a subi une injection intraveineuse post-mortem

de latex selon le protocole suivant. Le plan cutané a été incisé en regard en région cervicale, en face ventrale, à gauche. Le plan musculaire sous-jacent a été dilacéré. Un cathéter 20G a été mis en place sur la veine jugulaire gauche avant d'être ligaturé au plan musculaire. Une injection de 60 mL de latex (Adam Montparnasse®, France) a été réalisée. Lorsqu'il s'agit d'un caïman ayant subi une injection intraveineuse de latex, cela est précisé dans la légende des figures. Les photographies ont été effectuées à l'aide d'un appareil photo Nikon® D40. Pour les figures 69, 70, 74, 75 et 76, le cœur a été immergé dans de l'eau avant d'être photographié.

88

Figure 40 : Vue ventrale d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus).

Une injection intraveineuse de latex a été effectuée préalablement. Le lieu de la dissection de la veine jugulaire gauche est indiqué par une étoile (*) rouge.

Figure 41 : Vue ventrale d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) après résection du plan cutané.

Une injection intraveineuse de latex a été effectuée préalablement.

4 cm

*

4 cm

89

Figure 42 : Vue ventrale d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) après résection des muscles superfi-

ciels des régions thoracique et cervicale.

Une injection intraveineuse de latex a été effectuée préalablement.

Figure 43 : Vue ventrale de la cavité générale d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) après section des

côtes et des gastralia latéralement.

Une injection intraveineuse de latex a été effectuée préalablement.

2 cm

2 cm

90

Figure 44 : Vue ventrale de la cavité générale d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) après retrait du

tissu adipeux de la région thoracique.

La masse cardiaque est représentée par une étoile noire (*). Une injection intraveineuse de latex a été effectuée préalablement. LHD : Lobe hépatique droit ; LHG : Lobe hépatique gauche.

Figure 45 : Vue ventrale de la cavité générale d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) après retrait de

l'enveloppe péricardique.

Une injection intraveineuse de latex a été effectuée préalablement.

1 cm

1 cm

91

B) Imagerie par résonance magnétique

Les images de ces deux caïmans à lunettes ont été réalisées à l’aide d’un appareil d’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) clinique de champ statique proche de 1 Tesla (B0=0,94999 Tesla) (Magnetom Harmony, Siemens Healthcare®, USA). L’antenne d’émission incluse dans le tunnel de l’aimant est une antenne corps entier. Le caïman anesthésié est placé sur le lit en décubitus ventral et successivement, des coupes ont été effectuées dans les 3 plans : coupes dorsales (du ventre au dos), coupes sagit-tales (de son côté droit à son côté gauche) et coupes transverses (fig 46). La difficulté est de trouver le bon compromis entre la taille importante de l’animal et l’épaisseur des coupes, avec une durée acceptable de l’examen. Pour augmenter la distance imagée en une séquence, les inter-coupes ont la même épaisseur que les coupes au lieu des 10% habituellement utilisés. L’épaisseur des coupes varie principalement (hors repérage) de 3 à 5 mm. Les séquences utili-sées sont : - Echo de spin (SE) pondérée T1, avec des Temps de Répétition (TR) variant de 481 à 722 ms et un Temps d'Echo (TE) à 12 ms. - Echo de spin rapide (TSE, Turbo SE®) pondérée T2, avec TR à 4370 ms et TE à 115 ms. - Echos de gradients à l'état d'équilibre avec gradients équilibrés (GE, True FISP®), avec TR à 10,7 ms, TE à 5,4 ms, avec un angle de basculement (FA) de 80°. Les valeurs de TR, TE et d'épaisseur de coupe ("thickness", sur les images) sont indi-quées pour chaque image d'IRM. Toutes les acquisitions sont en deux dimensions (2D). Nous avons utilisé le logiciel de visualisation OSIRIX®.

Figure 46 : Schéma d'explication des différentes coupes visualisées (CIRMA®).

92

C) Tomodensitométrie

Les images ont été effectuées à l'aide d'un appareil de tomodensitométrie (Somatom Sensation 16, Siemens Healthcare®, USA). Le voltage était de 100 kV et l'ampérage de 250 mAs. Nous avons choisi une épaisseur de coupe à 1,5 mm, un incrément de reconstruction de 1 mm. Le filtre de convolution utilisé est un filtre H20. Nous avons, comme pour l'examen IRM, effectué une reconstruction en deux dimensions dans les trois plans de l'espace : coupes dorsales, sagittales et transverses (fig 46). Nous avons choisi de visualiser les images à l'aide du logiciel OSIRIX®.

III) Résultats et discussion

A) Résultats

1) Situation, rapports et moyens de fixité

a) Situation et orientation Le cœur se situe au sein de la cavité thoracique (fig 47). Son extrémité crâniale est caudale à la bifurcation des bronches souches (carina), au niveau du troisième espace inter-costal. Son extrémité caudale se situe à hauteur du sixième espace intercostal. Le cœur siège à égale distance des parois thoraciques latérales. L'apex du cœur est caudal. La base du cœur est crâniale. Le grand axe cardiaque est crânio-caudal. Le cœur subit une rotation d'environ 45° selon l'axe longitudinal. Le ventricule droit et l'oreillette droite sont ainsi orientés ventralement à droite. A l'inverse, le ventricule gauche et l'oreillette gauche sont orientés dorsalement à gauche.

93

Figure 47 : Vue ventrale de la cavité générale d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) et situation du

cœur dans la région thoracique.

Une injection intraveineuse de latex a été effectuée préalablement.

1 cm

94

b) Rapports Le cœur est lié au péricarde par l'intermédiaire du ligament gubernaculum cordis (fig 48). Le tiers crânial des bords latéraux du cœur est en rapport avec les poumons de chaque côté. Les deux tiers caudaux des bords latéraux ainsi que l'apex du cœur sont en rapport avec les lobes hépatiques (fig 49, 65). Le foie est recouvert crânialement par la membrane post-pulmonaire qui vient s'immiscer dans l'isthme séparant les deux lobes hépatiques. Cette mem-brane est elle-même reliée fermement au péricarde par l'intermédiaire d'un ligament au sein de l'isthme inter-lobaire (fig 49). La face dorsale est en rapport avec les poumons (fig 59, 60). La face ventrale est en rapport avec les côtes et du tissu adipeux (fig 43).

Figure 48 : Vue ventro-crâniale du cœur d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) et gubernaculum cor-

dis après incision ventrale du péricarde selon le grand axe cardiaque.

1 cm

95

Figure 49 : Vue ventrale du cœur d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) et rapport ligamentaire

entre l'apex du cœur et l'isthme inter-lobaire.

On note l'existence de la membrane post-pulmonaire (triangles blancs) et du ligament y reliant le cœur (hexagone noir). Une injection intraveineuse de latex a été effectuée préalablement. LHG : Lobe hépatique gauche ; LHD : Lobe hépatique droit.

c) Moyens de fixité Le cœur est maintenu en place par le ligament le reliant à la membrane post-pulmonaire, elle-même accolée à la face crâniale du foie (fig 49). De plus, il est en continuité avec la vascularisation qui en fait saillie (fig 45, 47), notamment les troncs artériels regroupés au sein d'une gaine, crânialement au cœur. D'autre part, le cœur est accolé aux deux lobes hé-patiques latéralement. L'empreinte cardiaque y est aisément visualisable au cours de la dissec-tion.

1 cm

96

2) Conformation extérieure Si l'on considère simplement son aspect général, la masse cardiaque est de forme oblongue. Elle est constituée de la masse ventriculaire, des oreillettes et de la gaine contenant le départ des troncs artériels (fig 50, 51, 52, 53). Cette gaine est solidaire des artères, les ren-dant indissociables les unes des autres au cours de la dissection. La gaine regroupant les troncs artériels forme une masse de taille similaire à la masse ventriculaire. Elle est de couleur blanc-rosé alors que la masse ventriculaire et les oreillettes sont de couleur rouge foncé. La face ventrale est caractérisée par la masse ventriculaire caudalement, l'oreillette droite crânialement à droite et la gaine des troncs artériels crânialement à gauche (fig 50). La face dorsale est caractérisée par la masse ventriculaire caudalement, l'oreillette gauche à gauche, la gaine des troncs artériels crânialement à gauche et le sinus veineux à droite (fig 51). L'aorte droite et les troncs brachio-céphaliques droit et gauche proviennent du ventri-cule gauche. L'aorte gauche et les artères pulmonaires gauche et droite proviennent du ventri-cule droit. Toutes ces artères sont contenues dans la gaine évoquée précédemment (fig 50, 51, 52, 53, 65, 66, 67). Les veines caves antérieures gauche et droite et la veine cave caudale abouchent sur le sinus veineux (fig 51, 56). Les veines pulmonaires abouchant sur l'oreillette gauche ne sont pas visibles ici. Les deux aortes forment chacune une crosse à orientation sagittale (fig 57, 58, 67). Les aortes droite et gauche ascendantes sont définies comme les portions aortiques situées entre le cœur et la crosse (fig 61, 62). Les aortes droite et gauche descendantes sont définies comme les portions aortiques situées en aval de (caudalement à) la crosse (fig 63, 64). L'aorte ascen-dante est ventrale par rapport à l'aorte descendante (fig 59, 60). Pour les figures 50 et 51, les légendes sont les suivantes : AoD : Aorte droite ; AoG : Aorte gauche ; AD : Atrium droit ; AG : Atrium gauche ; APD : Artère pulmonaire droite ; APG : Artère pulmonaire gauche ; CC : Artère carotide commune ; CED : Artère carotide externe droite ; CEG : Artère carotide externe gauche ; SCD : Artère sous-clavière droite ; SCG : Artère sous-clavière gauche ; VCCD : Veine cave crâniale droite ; VCCG : Veine cave crâniale gauche ; VD : Ventricule droit.

97

Figure 50 : Vue ventrale de la face ventrale du cœur d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) et ses

principaux vaisseaux.

Une injection intraveineuse de latex a été effectuée préalablement.

Figure 51 : Vue dorsale de la face dorsale du cœur d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) et ses prin-

cipaux vaisseaux.

Une injection intraveineuse de latex a été effectuée préalablement.

1 cm

1 cm

98

Figure 52 : Vue ventro-crâniale de la face ventrale du cœur d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) et

ses principaux vaisseaux.

Une injection intraveineuse de latex a été effectuée préalablement. AoD : Aorte droite ; AoG : Aorte gauche ; AD : Atrium droit ; APD : Artère pulmonaire droite ; CC : Artère carotide commune ; CED : Artère carotide externe droite ; CEG : Artère carotide externe gauche ; SCD : Artère sous-clavière droite ; SCG : Artère sous-clavière gauche ; VCCD : Veine cave crâniale droite ; VCCG : Veine cave crâniale gauche ; VD : Ventricule droit.

1 cm

99

Figure 53 : Vue ventro-latérale gauche de la face ventrale du cœur d'un caïman à lunettes (Caiman croco-

dilus) et ses principaux vaisseaux.

Une injection intraveineuse de latex a été effectuée préalablement. AoG : Aorte gauche ; AD : Atrium droit ; APG : Artère pulmonaire gauche ; CC : Artère carotide commune ; CED : Ar-tère carotide externe droite ; CEG : Artère carotide externe gauche ; SCD : Artère sous-clavière droite ; SCG : Artère sous-clavière gauche ; VCCD : Veine cave crâniale droite ; VCCG : Veine cave crâniale gauche ; VD : Ventricule droit.

1 cm

100

Figure 54 : Coupe dorsale d'IRM passant par le cœur chez un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) (lé-

gendée).

Séquence en écho de gradient (GE) à l'état d'équilibre avec gradients équilibrés (True FISP®). AD : Atrium droit ; AoD : Aorte droite ; AoG : Aorte gauche ; GTA : Gaine des troncs arté-riels ; LHD : Lobe pulmonaire droit ; VD : Ventricule droit.

Figure 55 : Coupe dorsale d'IRM passant par le cœur chez un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) (non

légendée).

Séquence en écho de gradient (GE) à l'état d'équilibre avec gradients équilibrés (True FISP®).

101

Figure 56 : Coupe dorsale d'IRM passant par les veines caves crâniales chez un caïman à lunettes (Caiman

crocodilus).

Séquence en écho de spin (SE) pondérée T1. LHD : Lobe hépatique droit ; MV : Masse ven-triculaire ; VCCD : Veine cave crâniale droite ; VCCG : Veine cave crâniale gauche.

102

Figure 57 : Coupe sagittale d'IRM passant par les crosses aortiques droite et gauche chez un caïman à

lunettes (Caiman crocodilus) (légendée).

Séquence en écho de spin rapide (TSE, Turbo SE®) pondérée T2. AoD : Aorte droite ; AoG : Aorte gauche.

Figure 58 : Coupe sagittale d'IRM passant par les crosses aortiques droite et gauche chez un caïman à

lunettes (Caiman crocodilus) (non légendée).

Séquence en écho de spin rapide (TSE, Turbo SE®) pondérée T2.

103

Figure 59 : Coupe transversale d'IRM passant par l'aorte droite ascendante et descendante chez un

caïman à lunettes (Caiman crocodilus) (légendée).

Séquence en écho de spin (SE) pondérée T1. AoD asc : Aorte droite ascendante ; AoD desc : Aorte droite descendante ; LPD : Lobe pulmonaire droit ; LPG : Lobe pulmonaire gauche.

Figure 60 : Coupe transversale d'IRM passant par l'aorte droite ascendante et descendante chez un

caïman à lunettes (Caiman crocodilus) (non légendée).

Séquence en écho de spin (SE) pondérée T1.

104

Figure 61 : Coupe dorsale d'IRM passant par les aortes ascendantes droite et gauche chez un caïman à

lunettes (Caiman crocodilus) (légendée).

Séquence en écho de spin rapide (TSE, Turbo SE®) pondérée T2. AoD : Aorte droite ; AoG : Aorte gauche.

Figure 62 : Coupe dorsale d'IRM passant par les aortes ascendantes droite et gauche chez un caïman à

lunettes (Caiman crocodilus) (non légendée).

Séquence en écho de spin rapide (TSE, Turbo SE®) pondérée T2.

105

Figure 63 : Coupe dorsale d'IRM passant par les aortes descendantes droite et gauche chez un caïman à

lunettes (Caiman crocodilus) (légendée).

Séquence en écho de spin rapide (TSE, Turbo SE®) pondérée T2. AoD : Aorte droite ; AoG : Aorte gauche.

Figure 64 : Coupe dorsale d'IRM passant par les aortes descendantes droite et gauche chez un caïman à

lunettes (Caiman crocodilus) (non légendée).

Séquence en écho de spin rapide (TSE, Turbo SE®) pondérée T2.

106

Figure 65 : Coupe dorsale de tomodensitométrie passant par la partie dorsale du cœur et ses principaux

vaisseaux chez un caïman à lunettes (Caiman crocodilus).

AoD : Aorte droite ; AoG : Aorte gauche ; LPD : Lobe pulmonaire droit ; LPG : Lobe pulmo-naire gauche ; LHD : Lobe hépatique droit ; MV : Masse ventriculaire.

107

Figure 66 : Coupe dorsale de tomodensitométrie passant par la partie ventrale du cœur et ses principaux

vaisseaux chez un caïman à lunettes (Caiman crocodilus).

AoG : Aorte gauche ; CC : Artère carotide commune ; LHD : Lobe hépatique droit ; MV : Masse ventriculaire.

108

Figure 67 : Coupe sagittale de tomodensitométrie passant par la partie droite du cœur et la crosse aor-

tique droite chez un caïman à lunettes (Caiman crocodilus).

.

109

Figure 68 : Coupe sagittale de tomodensitométrie passant par la partie médiane du cœur et l'artère caro-

tide commune chez un caïman à lunettes (Caiman crocodilus).

MV : Masse ventriculaire.

110

3) Conformation intérieure

a) La paroi du cœur Après retrait du péricarde fibreux, la paroi ventriculaire est observable. Elle est com-posée, de l'extérieur vers l'intérieur, de l'épicarde, du myocarde et de l'endocarde (fig 67, 68). L'endocarde n'est pas visible ici. L'épicarde est lisse et mince alors que le myocarde est spon-gieux et épais. Les cavités ventriculaires sont pourvues de nombreux reliefs trabéculaires.

Figure 69 : Vue ventro-latérale droite de la paroi du ventricule droit d'un caïman à lunettes (Caiman cro-

codilus) après incision de la cavité ventriculaire droite de l'apex jusqu'à la base du cœur.

Noter l'aspect spongieux du myocarde (double flèche noire).

1 mm

111

Figure 70 : Vue latérale droite agrandie de la paroi du ventricule droit d'un caïman à lunettes (Caiman

crocodilus).

Noter l'aspect spongieux du myocarde (double flèche noire). (Loupe binoculaire Wild® M3, grossissement X16)

625 µm

112

b) La cavité ventriculaire droite

i) Aspect général La cavité ventriculaire droite communique avec l'oreillette droite au niveau de la valve atrio-ventriculaire droite (fig 69, 70). Cette valve est constituée de deux valvules qui s'appo-sent l'une contre l'autre, entraînant alternativement la fermeture et l'ouverture de la valve. La cavité ventriculaire droite est séparée complètement de la cavité ventriculaire gauche par le septum inter-ventriculaire (fig 76, 77). La cavité ventriculaire droite libère du sang au travers de deux orifices : la valve aortique gauche et la valve pulmonaire (fig 69). Ces deux valves comportent chacune deux valvules. La valve aortique gauche sépare la cavité ventriculaire droite de l'aorte gauche (fig 70). Elle comporte une valvule septale (fig 71) et une valvule pariétale. La valvule septale masque le foramen de Panizza, communication inter-aortique qui permet le passage du sang à la base des deux aortes. Il est décrit dans la suite de cette étude. La valve pulmonaire sépare la cavité ventriculaire droite du tronc pulmonaire. Elle comporte deux valvules (fig 74). La chambre de chasse du ventricule droit est située juste en amont de la valve pulmo-naire (fig 71). Elle sera décrite plus en détail par la suite.

Figure 71 : Vue ventro-caudale de la cavité ventriculaire droite d'un caïman à lunettes (Caiman crocodi-

lus).

Une injection intraveineuse de latex a été effectuée préalablement. Mise en évidence de la valve atrio-ventriculaire droite et de ses deux valvules (triangles noirs), de la valve aortique gauche et de la valve pulmonaire. AD : Atrium droit.

1 cm

113

Figure 72 : Vue ventro-caudale de la cavité ventriculaire droite et de la valve aortique gauche d'un caïman

à lunettes (Caiman crocodilus) après incision longitudinale de l'aorte gauche.

AD : Atrium droit ; AoG : Aorte gauche. Une injection intraveineuse de latex a été effectuée préalablement.

Figure 73 : Vue ventro-caudale de la valve aortique gauche d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus).

Détail de la figure 72 (encadré noir). La valvule aortique gauche septale est visible (triangles noirs). AoG : Aorte gauche ; CCVD : Chambre de chasse du ventricule droit et sa "cog-teeth-like valve". Une injection intraveineuse de latex a été effectuée préalablement.

1 cm

1,5 mm

114

ii) La chambre de chasse du ventricule droit et la valve pulmonaire

La chambre de chasse du ventricule droit correspond à un volume situé juste en amont de la valve pulmonaire (fig 74). Elle comporte sur toute sa circonférence des indentations en-docardiques formant ainsi un anneau nommé "cog-teeth-like valve" (fig 75). Ces indentations sont de taille irrégulière. Elles peuvent se rapprocher les unes des autres et venir se chevau-cher en réponse à des stimuli et ainsi empêcher l'éjection du sang vers le tronc pulmonaire.

Figure 74 : Vue ventrale de la cavité ventriculaire droite et de la valve pulmonaire d'un caïman à lunettes

(Caiman crocodilus).

Mise en évidence de la chambre de chasse du ventricule droit (fig 75, encadré noir) et de la valve pulmonaire (fig 76, encadré pointillé). Le tronc pulmonaire et l'aorte gauche ont été in-cisés longitudinalement. AD : Atrium droit ; APC : Tronc pulmonaire ; CCVD : Chambre de chasse du ventricule droit ; VD : Ventricule droit.

2,5 mm

115

Figure 75 : Vue ventrale de la chambre de chasse du ventricule droit d'un caïman à lunettes (Caiman cro-

codilus).

Détail de la figure 74 (encadré noir). Mise en évidence des indentations endocardiques (triangles noirs). APC : Tronc pulmonaire. (Loupe binoculaire Wild ® M3, grossissement X16).

Figure 76 : Vue ventrale de la valve pulmonaire d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus).

Détail de la figure 74 (encadré pointillé). Mise en évidence des deux valvules de la valve pulmonaire. CCVD : Chambre de chasse du ventricule droit ; triangles noirs : indentations endocardiques.

835 µm

1,25 mm

116

c) La cavité ventriculaire gauche L'incision de la paroi ventriculaire depuis l'apex jusqu'à sa base met en évidence une cavité et deux orifices. La cavité ventriculaire gauche communique avec l'oreillette gauche au niveau de la valve atrio-ventriculaire gauche (fig 77). Cette valve est constituée de deux val-vules qui s'apposent l'une contre l'autre, entraînant alternativement la fermeture et l'ouverture de la valve. La cavité ventriculaire gauche est séparée complètement de la cavité ventriculaire droite par le septum inter-ventriculaire (fig 78, 79). La cavité ventriculaire gauche libère du sang au travers d'un unique orifice : la valve aortique droite. Cette valve comporte une valvule septale recouvrant le foramen de Panizza et une valvule pariétale. Il a été choisi de ne pas représenter la valve aortique droite en raison de son analogie avec la valve aortique gauche.

Figure 77 : Vue caudo-latérale gauche de la cavité ventriculaire gauche d'un caïman à lunettes (Caiman

crocodilus).

Mise en évidence de la valve atrio-ventriculaire gauche et de ses deux valvules (triangles noirs). AG : Atrium gauche. Une injection intraveineuse de latex a été effectuée préalable-ment.

1 cm

117

Figure 78 : Coupe transversale d'IRM passant par les cavités ventriculaires droite et gauche chez un

caïman à lunettes (Caiman crocodilus) (légendée).

Séquence en écho de spin rapide (TSE, Turbo SE®) pondérée T2. LPD : Lobe pulmonaire droit ; LPG : Lobe pulmonaire gauche ; VD : Ventricule droit ; VG : Ventricule gauche.

Figure 79 : Coupe transversale d'IRM passant par les cavités ventriculaires droite et gauche chez un

caïman à lunettes (Caiman crocodilus) (non légendée).

Séquence en écho de spin rapide (TSE, Turbo SE®) pondérée T2.

118

d) Le foramen de Panizza C'est une communication entre les deux aortes, localisée à la base de celles-ci (fig 80). C'est une structure difficile à mettre en évidence lors de la dissection et non visualisable à l'IRM ou à l'examen tomodensitométrique sans produit de contraste. En effet, de chaque côté, la valvule septale des valves aortiques vient le recouvrir. C'est l'accolement ou l'éloignement de la valvule aortique droite septale qui est partiellement responsable du passage du sang entre les deux aortes en fonction du cycle cardiaque ou de l'existence ou non d'un shunt pul-monaire-à-systémique.

Figure 80 : Vue crâniale du foramen de Panizza d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus).

L'extrémité d'une pince a été insérée dans le foramen depuis l'aorte droite jusque dans l'aorte gauche pour le rendre plus visible. Noter la position du foramen, recouvert par la valvule aor-tique gauche septale. AoG : Aorte gauche ; FoP : Foramen de Panizza.

1 cm

119

e) L'anastomose inter-aortique On appelle l'anastomose inter-aortique le vaisseau artériel situé entre l'aorte droite et l'aorte gauche en région abdominale crâniale contre la colonne vertébrale (fig 81). C'est un autre lieu de communication bidirectionnel, alternativement, entre les sangs provenant des deux aortes. Il est important de noter que, caudalement à l'anastomose inter-aortique, l'aorte gauche devient l'artère cœliaco-mésentérique et l'aorte droite devient l'aorte dorsale ou aorte abdominale (fig 82).

Figure 81 : Vue ventrale de la cavité générale d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus) et situation de

l'anastomose inter-aortique après que le cœur, le foie et l'estomac aient été réclinés vers la gauche.

Une injection intraveineuse de latex a été effectuée préalablement.

2 cm

120

Figure 82 : Vue ventrale de l'anastomose inter-aortique d'un caïman à lunettes (Caiman crocodilus).

On note la position oblique de l'anastomose inter-aortique (flèche blanche) entre les aortes droite et gauche. C'est un vaisseau de faible diamètre comparé aux aortes. ACM : Artère cœ-liaco-mésentérique ; AoD : Aorte droite ; Ao dorsale : Aorte dorsale ou abdominale ; AoG : Aorte gauche.

5 mm

Ao dorsale

121

B) Discussion

Au cours de cette étude, nous avons tenté de mettre en parallèle les données d'anato-mie disponibles à l'heure actuelle dans la littérature avec les structures qu'il est possible de mettre en évidence expérimentalement. Il faut bien noter que seulement quelques individus ont été utilisés pour servir de modèle anatomique. Cette étude n'est donc pas représentative de l'ensemble des Crocodiliens mais sert d'aide à l'identification des structures décrites dans la littérature. Les particularités anatomiques du cœur des Crocodiliens sont souvent mises en avant pour expliquer certains de leurs comportements. Beaucoup d'hypothèses sont émises quant à l'intérêt potentiel d'un shunt pulmonaire-à-systémique : durée en plongée accrue, di-gestion facilitée, par exemple. Cependant, la littérature fournit très peu d'images d'observation directe ou indirecte du cœur des Crocodiliens. Le protocole d'anesthésie pratiqué avait pour but d'abolir la motricité de l'animal et de réduire les effets du stress occasionné au cours de l'examen IRM. Cela nous a permis de réité-rer les acquisitions d'animaux vivants et donc d'un cœur en situation et conformation physio-logiques. Ce protocole s'est révélé efficace. Il est intéressant de noter que les drogues ont été administrées par voie intramusculaire. Les différentes techniques abordées au cours de cette étude sont complémentaires les unes des autres et permettent de parvenir à une vision la plus complète possible de l'anatomie du cœur des Crocodiliens. L'autre but de cette étude est de pouvoir comparer les différentes techniques entre elles et leur apport relatif dans le cadre de la description anatomique cardiaque des Crocodiliens. La dissection est la seule technique d'ob-servation directe des structures mise en œuvre ici. C'est celle qui nous a livré le plus d'infor-mations. Elle s'est parfois révélée difficile à mettre en œuvre en raison de la taille modeste des spécimens utilisés et de leur cœur. Leur taille a cependant représenté un avantage pour nos expérimentations, rendant la contention et le transport plus aisées et moins dangereux. De plus, cela nous a permis de réaliser les acquisitions d'IRM et de tomodensitométrie à l'aide d'appareils adaptés à l'Homme et ne présentant que peu d'espace pour y placer les animaux. Les dissections ont été facilitées par l'injection de latex par voie intraveineuse et la manipulation des cœurs dans l'eau. L'injection de latex a permis de mettre en évidence les vaisseaux principaux qu'il nous était impossible d'individualiser correctement sans prépara-tion. Cette technique nous a notamment aidés à suivre certaines structures artérielles cervi-cales, relativement éloignées du cœur. Le trajet des deux troncs anonymes dont sont issues l'artère carotide commune, les artères sous-clavières et les artères collatérales du cou est ca-ractéristique des Crocodiliens. Chez les Mammifères, ces artères sont issues de la crosse aor-tique. Chez les Crocodiliens, ces artères s'implantent parallèlement à l'aorte droite et en amont de la crosse aortique. Si la dissection a été très instructive, elle ne permet pas de visualiser l'organe en situation physiologique. D'autre part, elle sous-entend que les spécimens doivent être euthanasiés. Les photographies doivent être réalisées instantanément au cours de la dis-section et la lyse post-mortem des tissus n'autorise pas de retour en arrière pour photographier de nouveau l'organe étudié. L'IRM et la tomodensitométrie permettent, une fois les acquisitions effectuées, de choisir les prises de vue les plus intéressantes parmi les coupes et de construire des images en trois dimensions. Les examens IRM ont été une aide précieuse à l'étude de la conformation externe du cœur. En effet, il a été possible d'en différencier les parties telles que la gaine des troncs arté-riels et la masse ventriculaire et d'individualiser précisément le trajet des aortes en particulier. Les séquences en écho de spin rapide pondérées en T2 nous ont aussi permis d'augmenter le

122

contraste et de mettre en évidence les cavités cardiaques, sans utilisation de produit de con-traste. Nous avons choisi des séquences rapides pour les images pondérées en T2 car le TR élevé nous imposait des temps d'acquisition trop importants. L'utilisation de la tomodensitométrie s'est montrée intéressante pour la réalisation de coupes sagittales et dorsales. Il aurait été instructif de parvenir à administrer un produit de contraste par voie intraveineuse sur un animal vivant afin de pouvoir visualiser les trajets san-guins cardiaques et les communications inter-cavitaires. Outre les particularités anatomiques que sont l'aorte gauche, le foramen de Panizza, l'anastomose inter-aortique et la chambre de chasse du ventricule droit, certaines différences entre le cœur des Mammifères et celui des Crocodiliens méritent d'être soulignées. L'absence de cloisonnement transversal du cœlome permet aux lobes hépatiques de border le cœur des Crocodiliens alors que la position thoracique du cœur des Mammifères empêche ce contact. Il serait intéressant de comparer avec précision l'épaisseur pariétale du ventricule droit d'un cœur de Mammifère et de Crocodilien. Le ventricule droit du Crocodilien doit pouvoir sup-pléer le ventricule gauche en cas de mise en place d'un shunt pulmonaire-à-systémique, ce qui n'est jamais le cas du cœur de Mammifère. L'asymétrie entre les deux ventricules est ainsi beaucoup moins prononcée chez les Crocodiliens que chez les Mammifères. Pour créer un atlas anatomique complet, il faudrait pouvoir disséquer davantage d'es-pèces, davantage de spécimens au sein de chaque espèce et mettre en parallèle les clichés ob-tenus afin de pouvoir les comparer. Il serait très instructif de procéder à des examens d'image-rie médicale en utilisant des produits de contraste dans le but de mieux caractériser la confor-mation interne du cœur des Crocodiliens. Un examen d'angioscopie aurait été intéressant pour nous permettre de d'observer directement la conformation interne in vivo des individus. Ce-pendant, cette technique s'avère être très coûteuse et a déjà fait l'objet d'une publication de ré-férence (AXELSSON et al. 1996). Enfin, la fluoroscopie serait une aide à l'étude de l'hémo-dynamique cardiaque.

123

CONCLUSION

Cette étude bibliographique nous a aidés à réaliser un état des lieux des données pu-bliées traitant de l'anatomie et de la circulation du sang au sein du cœur des Crocodiliens. Pour commencer, nous avons choisi de rappeler quelles sont les espèces se rattachant à l'ordre des Crocodiliens et de situer phylogénétiquement cet ordre par rapport à d'autres groupes d'animaux. Dans un deuxième temps, il nous a paru important de retracer les étapes néces-saires à la mise en place du cœur au cours de l'embryogenèse. Ensuite, nous avons étudié les différentes descriptions anatomiques faisant partie de la littérature actuelle. Enfin, nous avons analysé le mode de fonctionnement de la pompe cardiaque par la recherche de la variabilité hémodynamique cardiaque. Cela nous a amenés à faire état des différents contrôles impliqués, chez des animaux confrontés à des environnements changeants, par exemple. L'étude expérimentale a été, de par les techniques employées, une occasion de mettre l'accent sur les caractéristiques structurales permettant cette modulation de la circulation san-guine et de fournir au lecteur des images lui facilitant la compréhension de la physiologie car-diaque des Crocodiliens. Les dernières avancées technologiques en matière d'hémodynamique des Crocodiliens portent sur les techniques télémétriques. Elles pourraient permettre à l'animal d'évoluer dans un environnement naturel et d'adopter un comportement naturel tout en enregistrant, à dis-tance et instantanément, de nombreux paramètres hémodynamiques. Il serait envisageable d'effectuer ces mesures chez des animaux faisant partie d'un échantillon suffisamment large pour mener une étude statistique concluante à propos des adaptations hémodynamiques au cours de la plongée. Il reste à espérer que cela puisse nous éclairer davantage sur la redistribu-tion sanguine et la mise en place d'un shunt-pulmonaire-systémique durant la pongée.

124

BIBLIOGRAPHIE

AXELSSON M., FRANKLIN C.E. (2011) Elucidating the responses and roles of the cardiovascular system in crocodilians during diving: Fifty years on from the work of C.G. Wilber. Comparative Biochemistry and Physiology Part A: Molecular & Integrative Physiology, 160, (1), 1-8 AXELSSON M., FRANKLIN C.E. (1997) From Anatomy to Angioscopy: 164 Years of Crocodilian Cardiovascular Research, Recent Advances, and Speculations. Comparative Biochemistry and Physiology Part A: Physiology, 118, (1), 51-62 AXELSSON M., FRANKLIN C.E. (2001) The calibre of the foramen of Panizza in Crocodylus porosus is variable and under adrenergic control. Journal of comparative physiology B, 171, (4), 341-346 AXELSSON M., OLSSON C., GIBBINS I., HOLMGREN S., FRANKLIN C.E. (2001) Nitric oxide, a potent vasodilator of the aortic anastomosis in the estuarine crocodile, Crocodylus porosus. General and comparative endocrinology, 122, (2), 198-204 AXELSSON M., FRANKLIN C.E., LÖFMAN C.O., NILSSON S., GRIGG G.C. (1996) Dynamic anatomical study of cardiac shunting in crocodiles using high resolution angioscopy. Journal of Experimental Biology, 199, (2), 359-365 AXELSSON M., FRITSCHE R., HOLMGREN S., GROVE D., NILSSON S. (1991) Gut blood flow in the estuarine crocodile, Crocodylus porosus. Acta Physiologica Scandinavica, 142, (4), 509-516 AXELSSON M., HOLM S., NILSSON S. (1989) Flow dynamics of the crocodilian heart. American Journal of Physiology - Regulatory, Integrative and Comparative Physiology, 256, (4), 875-879 BEAUMONT A., CASSIER P. (1994) Biologie animale. Les Cordés, anatomie comparée des Vertébrés. 6ème édition. Dunod, Paris, 648 p. COMEAU S., LANCE V.A., HICKS J.W., CONLON J.M. (1992) Purification and biological activity of alligator bradykinin. American Journal of Physiology - Regulatory, Integrative and Comparative Physiology, 263, (2), 400-404

125

DZIALOWSKI E.M., SIRSAT T., VAN DER STERREN S., VILLAMOR E. (2011) Prenatal cardiovascular shunts in amniotic vertebrates. Respiratory Physiology & Neurobiology, 178, (1), 66-74 EME J., CROSSLEY II D.A., HICKS J.W. (2011) Role of the left aortic arch and blood flows in embryonic American alligator (Alligator mississippiensis). Journal of comparative physiology B, 181, (3), 391-401 EME J., GWALTHNEY J., BLANK J.M., OWERKOWICZ T., BARRON G., HICKS J.W. (2009) Surgical removal of right-to-left cardiac shunt in the American alligator (Alligator mississippiensis) causes ventricular enlargement but does not alter apnoea or metabolism during diving. The Journal of Experimental Biology, 212, (21), 3553-3563 FARMER C.G., URIONA T.J., OLSEN D.B., STEENBLIK M., SANDERS K. (2008) The right-to-left shunt of crocodilians serves digestion. Physiological and biochemical zoology, 81, (2), 125-137 GARDNER M.N., STERBA-BOATWRIGHT B., JONES D.R. (2011) Ligation of the left aorta in alligators affects acid–base balance : A role for the R-L shunt. Respiratory Physiology & Neurobiology, 178, (2), 315-322 GRIGG G.C., JOHANSEN K. (1987) Cardiovascular dynamics in Crodylus porosus breathing air and during volontary aerobic dives. Journal of Comparative Physiology, 157, (3), 381-392 GRIGG G.C., WELLS R.M.G., BEARD L.A. (1993) Allosteric control of oxygen binding by haemoglobin during embryonic development in the crocodile Crocodylus porosus : the role of red cell organic phosphates and carbon dioxide. The Journal of Experimental Biology, 175, (1), 15-32 GRIGG, G.C. (1991) Central Cardiovascular Anatomy and Function in Crocodilia. In : WOOD S.C., WEBER R.E., HARGENS A.R., MILLARD R.W. (eds). Physiological Adaptations in Vertebrates : Respiration, Circulation, and Metabolism. Lung Biology in Health and Disease, Volume 56. Marcel Dekker, New York, 339-354 GUIBÉ J. (1970) Tome XIV, Fascicule II, Reptiles Caractères Généraux et Anatomie. In : GRASSE P. (eds). Traité de Zoologie Masson et cie, Paris, 429-473 HARSHMAN J., HUDDLESTON C.J., BOLLBACK J.P., PARSONS T.J., BRAUN M.J. (2003) True and false gharials: a nuclear gene phylogeny of crocodylia. Systematic Biology, 52, (3), 386-402

126

HICKS J.W., WANG T. (2004) Hypometabolism in reptiles : behavioural and physiological mechanisms that reduce aerobic demands. Respiratory Physiology & Neurobiology, 141, (3), 261-271 HICKS J.W., ISHIMATSU A., MOLLOI S., ERSKIN A., HEISLER N. (1996) The mechanism of cardiac shunting in reptiles: a new synthesis. The Journal of Experimental Biology, 199, (6), 1435-1446 JONES D.R. (1996) The Crocodilian central circulation : avian or reptilian ? Verhandlungen der Deutschen Zoologischen Gesellschaft, 89, (2), 209-218 JONES D.R., SHELTON G. (1993) The physiology of the Alligator heart : left aortic flow patterns and right-to-left-shunts. Journal of Experimental Biology, 176, (1), 247-269 KARILA P., et al. (1995) Neuropeptide immunoreactivity and co-existence in cardiovascular nerves and autonomic ganglia of the estuarine crocodile, Crocodylus porosus, and cardiovascular effects of neuropeptides. Regulatory Peptides, 58, (1), 25-39 LECOINTRE G., LE GUYADER H. (2001) Classification phylogénétique du vivant. 2ème édition. Belin, Paris, 543 p. MALVIN G.M., HICKS J.W., GREENE E.R. (1995) Central vascular flow patterns in the alligator Alligator mississipiensis. American Journal of Physiology - Regulatory, Integrative and Comparative Physiology, 38, (5), 1133-1139 MCGEADY T.A., QUINN P.J., FITZPATRICK E.S., RYAN M.T. (2006) Cleavage. Gastrulation. In : Veterinary Embryology. Blackwell Publishing, Oxford, 25-38 MCINTOCH H.D., MORRIS JR. J.J., WHALEN R.E., HERNANDEZ R.R., HACKEL D.B. (1967) Bilateral Fonctional Subaortic Stenosis in the Alligator. Transactions of the American Clinical and Climatological Association, 78, 119-128 SÖDERSTRÖM V., NILSSON G.E., RENSHAW G.M.C., FRANKLIN C.E. (1999) Hypoxia stimulates cerebral blood fow in the estuarine crocodile (Crocodylus porosus) Neuroscience Letters, 267, (1), 1-4 SABATIER A. (1873) Etudes sur le cœur et la cirulation centrale dans la série des vertébrés. Annales des Sciences Naturelles. Zoologie et Paléontologie, 5, 1-89

127

SHELTON G., JONES D.R. (1991) The Physiology of the Alligator hear: The Cardiac Cycle. Journal of Experimental Biology, 158, (1), 539-564 SYME D.A., GAMPERL K., JONES D.R. (2002) Delayed depolarization of the cog-wheel valve and pulmonary-to-systemic shunting in alligators. The Journal of Experimental Biology, 205, (13), 1843-1851 TRUTNAU L., SOMMERLAD R. (2006) Crocodilians. Their Natural History and Captive Husbandry. Chimaira, Frankfurt am Main, 646 p. VAN DER MERWE N.J., KOTZÉ S.H. (1993) The topography of the thoracic and abdominal organs of the Nile crocodile (Crocodylus niloticus). The Onderstepoort journal of veterinary research, 60, (3), 219-222 VAN WILPE E. (2012) Liver and gallbladder morphology of the juvenile Nile crocodile, Crocodylus niloticus (Laurenti, 1768). Master's Dissertation. University of Pretoria, Pretoria, 177 p. WHITE F. N. (1956) Circulation in the reptilian heart (Caiman sclerops). Anatomical Record, 125, (3), 417-432 WYNEKEN J. (2009) Normal Reptile Heart Morphology and Function. Veterinary Clinics of North America: Exotic Animal Practice, 12, (1), 51-63

128

ANNEXES

Annexe 1. Lettre de don de Crocodiliens de La Ferme des Crocodiles® à ONIRIS (anciennement Ecole Nationale Vétérinaire de Nantes) ci-contre.

129

130

BOURGUIGNON CHRISTOPHE TITRE : Anatomie et hémodynamique cardiaques chez les Crocodiliens Thèse d’Etat de Doctorat Vétérinaire : Lyon, 29 août 2014 RESUME :

L'ordre des Crocodiliens (Crocodylia) est caractérisé par une hémodynamique origi-nale. Cette hémodynamique est permise par des caractéristiques structurales qui leur sont propres. Dans un premier temps, nous avons étudié la mise en place du cœur et son anatomie d'après les données bibliographiques disponibles à l'heure actuelle. Il se démarque des cœurs mammaliens par le mélange possible des sangs issus des deux ventricules. Il se démarque des autres Reptiles par son cloisonnement complet et l'existence de quatre cavités séparées. Ces particularités nous mènent vers l'étude de la circulation du sang chez les Crocodiliens. Elle est très variable et modulable en fonction des conditions de vie et des divers stimuli rencontrés par l'animal. Enfin, nous nous avons entrepris la constitution d'un atlas anatomique du cœur des Crocodiliens à l'aide de dissections, la tomodensitométrie et l'imagerie par résonance ma-gnétique. La mise en évidence de structures telles que le cône sub-pulmonaire, les deux aortes, le foramen de Panizza ainsi que l'anastomose participe à la compréhension du fonc-tionnement cardiaque et permet de s'interroger sur les avantages possiblement conférés à ces animaux. MOTS CLES : - Crocodiliens - Anatomie - Hémodynamique - Cœur JURY : Président : Monsieur le Professeur Gilbert KIRKORIAN 1er Assesseur : Monsieur le Docteur Claude GUINTARD 2ème Assesseur : Monsieur le Professeur Jean-Luc CADORÉ DATE DE SOUTENANCE : 29 AOÛT 2014

ADRESSE DE L’AUTEUR : 47 allée de la Croix Saint-Pierre 91190 GIF-SUR-YVETTE