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1
Royaume du Maroc
Université Cadi Ayyad
Faculté des Sciences Juridiques
Economiques et Sociales de Marrakech
U.F.R: Théorie Economique et Techniques Quantitatives
Thèse pour l’obtention du Doctorat en Sciences Economiques
Soutenue par:
Mohamed HAMDAOUI
Sous la direction du Professeur:
Brahim BOUAYAD
Jury
Brahim BOUAYAD Professeur à la Faculté de Droit de Marrakech Président
Touhami ABDELKHALEK Professeur à l’I.N.S.E.A à Rabat Examinateur
Idriss ELABBASSI Professeur à la Faculté de Droit de Marrakech Examinateur
Bachir LAKHDAR Professeur à la Faculté de Droit de Marrakech Examinateur
2000-2001
Incitations à l’Intégration Verticale
et
Performances Economiques
2
Résumé
Les notions de firme et d’intégration verticale sont loin d’être faciles à aborder
et posent, par conséquent, de nombreuses difficultés théoriques et empiriques.
Ainsi, la définition de l’intégration verticale se réfère essentiellement au
transfert interne à la firme et à la substitution de l’échange non-marchand à
l’échange marchand. Toutefois, la diversité des approches de la firme implique
d’importantes divergences dans la définition, la délimitation et la mesure de
l’intégration verticale. Cette diversité s’est traduite, également, par un grand
débat théorique sur la nature des déterminants de l’intégration verticale et ses
effets sur l’efficience économique. Ce débat oppose, d’une part, les tenants de la
théorie du monopole qui expliquent l’intégration par les différentes formes
d’imperfection de marché et l’accusent d’être, souvent, une source
d’inefficience économique, et d’autre part, les adeptes de la théorie de
l’efficacité qui l’expliquent par des considérations essentiellement
transactionnelles liées au choix, par les firmes, de la forme de gouvernance la
plus efficace.
Sur le plan empirique, l’étude de l’intégration verticale pose de nombreuses
difficultés d’ordre méthodologique et pratique. A cet effet, la démarche
poursuivie dans ce travail adopte une approche interindustrielle afin de mesurer
le degré d’intégration verticale dans les industries manufacturières marocaines et
de vérifier empiriquement les hypothèses théoriques se rapportant aux
incitations à l’intégration et aux effets de celle-ci sur les performances
économiques. Ainsi, les principaux résultats obtenus révèlent :
- D’abord, la faiblesse et la dispersion du degré d’intégration des branches
industrielles marocaines.
- Ensuite, l’explication du degré d’intégration par les facteurs traduisant les
principales hypothèses théoriques.
- Enfin, la corrélation négative entre l’intégration verticale et les performances
industrielles, notamment, la profitabilité et la flexibilité stratégique.
3
Abstract
Notions of firms and vertical integration are difficult to appraoch and pose,
therefore, many theoretical and empirical problems. Accordingly, the definition
of vertical integration refers, mainly, to firm’s internal transfert and use of the
non-market rather than the market exchange. However, the diversity of firm’s
approaches imply important divergences in definition, delimitation and measure
of vertical integration. It implies, also, a great theoretical debate upon the
determinant’s nature of vertical integration and their effects on economic
efficiency. This debate brings together the monopoly theory supporters who
explain away vertical integration with the different market imperfections, and
the efficiency theory followers who justify it, mainly, by the transactional
considerations that are closely linked to the firm’s choice of the most efficient
governance form.
On the empirical side, vertical integration poses many methodological and
practical problems. To that effects, our work processes adopt a cross-section
approach in measuring the degree of vertical integration in moroccan
manufactured industries and making empirical verification of theoretical
hypotheses concerning vertical integration determinants and their effects on
economic performances. Thus, the main results obtained reveal :
- The weakness and the dispersion of the moroccan industries degree of
vertical integration.
- The explanation of the degree of vertical integration by factors rendering the
main theoretical hypotheses.
- The negative correlation between vertical integration and industrial
performances, in particular profitability and strategic flexibility.
4
Remerciements
Avant tout, je tiens à exprimer toute ma gratitude et ma reconnaissance au
Professeur Brahim BOUAYAD qui a eu l’amabilité de diriger ce travail avec
une grande rigueur et un énorme dévouement intellectuel. Je le remercie,
également, pour sa patience et sa grande générosité durant toutes les années qu’a
nécessité la réalisation de ce travail.
Mes remerciements s’adressent également aux Professeurs Touhami
ABDELKHALEK, Idriss ELABBASSI et Bachir LAKHDAR d’avoir accepter
d’évaluer ce travail en dépit de leurs différentes préoccupations.
Ma reconnaissance s’adresse aussi au Professeur Ahmed Souissi Directeur de
l’Ecole Supérieure de Technologie de Safi pour le soutien moral et l’assistance
logistique qu’il n’a cessé de me prodiguer depuis de nombreuses années.
Ma sincère gratitude s’adresse également à toutes les personnes qui m’ont
apporté leur concours et leur soutien pour la réalisation de ce travail. Je pense,
en particulier, à Messieurs :
- Abdessamad Boussalhi de l’Ecole Supérieure de Technologie de Safi.
- Mohamed Makhfouk de l’Ecole Supérieure de Technologie de Safi.
- Brahim Elmorchid de la Faculté de Droit de Marrakech.
- Salah Zkim de l’Ecole Nationale de Commerce et de Gestion de Settat.
- Aomar Ibourk de la Faculté de Droit de Marrakech.
- Abdelhadi Ait Sliman de l’Ecole Supérieure de Technologie de Salé.
Mes remerciements vont, enfin, à tous mes amis m’ayant assuré, chacun à sa
manière, des conditions meilleures de travail. Je pense particulièrement à H.
Sakouat, D. Medkouri, K. Ettahiri, M. Hicham, M. Boukil. Par ailleurs, je prie
mes autres amis de m’excuser pour ne pas les avoir cité par leurs noms.
5
A mes parents,
mes sœurs et mes frères
6
Table des Matières
Résumé ............................................................................................................….2
Absract .........................................................................................................….....3
Remerciements .................................................................................................…4
Dédicaces .........................................................................................................…5
Liste des figures ...........................................................................................…...15
Liste des tableaux ..........................................................................................…..17
Introduction générale ......................................................................................…19
Chapitre 1 : Les approches de la théorie de la firme
1.1 Introduction .............................................................................................…..26
1.2 La théorie néoclassique de la firme ..............................................................28
1.2.1 Conditions de production et conditions de l’offre dans
l’approche marginaliste de la firme .................................................28
1.2.2 La remise en cause de l’approche marginaliste de la firme ............31
1.3 La théorie de l’agence ..................................................................................36
1.3.1 Les relations et les coûts d’agence ..................................................37
1.3.2 Les branches de la théorie de l’agence ............................................39
1.3.3 Les versions du modèle principal-agent ...........................................40
1.3.4 Mécanismes incitatifs et résolution des conflits d’intérêts
entre actionnaires et dirigeants ........................................................41
1.3.4.1 Résolution des conflits par les mécanismes internes .........42
7
1.3.4.1.1 Incitation des dirigeants par la rémunération .........42
1.3.4.1.2 La concurrence par la comparaison .......................43
1.3.4.1.3 La supervision .......................................................44
1.3.4.2 Les mécanismes incitatifs externes ....................................45
1.3.4.2.1 Le marché de travail des dirigeants .......................45
1.3.4.2.2 Le marché financier ..............................................47
1.3.4.2.3 La concurrence sur le marché des produits ..........49
1.4 La théorie des coûts de transaction ...........................................…...............51
1.4.1 Les coûts de transaction : origines, signification et définition .........51
1.4.2 Coûts de transaction et nature de la firme ........................................54
1.4.3 Prolongements de la théorie des coûts de transaction ......................57
1.4.3.1 Hypothèses sur le comportement ........................................57
1.4.3.1.1 Rationalité limitée et incertitude-complexité .........58
1.4.3.1.2 Opportunisme et petit nombre ...............................58
1.4.3.1.3 Asymétrie de l’information ...................................59
1.4.3.1.4 L’atmosphère ........................................................60
1.4.3.2 La spécificité des actifs ......................................................61
1.4.4 Critiques adressées à la théorie des coûts de transaction .................64
1.5 La théorie des droits de propriété .................................................................67
1.5.1 Définition et caractéristiques des droits de propriété ......................67
1.5.2 Les contrats incomplets ...................................................................68
1.5.3 Contrats incomplets et droits résiduels de contrôle .........................70
1.5.4 Limites de la théorie des droits de propriété ....................................74
1.6 Conclusion ...............................................................................…................75
Chapitre 2 : Intégration verticale : Eléments de définition, de
délimitation et de mesure
2.1 Introduction .......................................................................................…........76
2.2 Eléments de définition de l’intégration verticale .........................................77
8
2.2.1 Définition .............................................................................…...…77
2.2.2 Les dimensions de l’intégration verticale ....................................…84
2.2.2.1 Stades de l’intégration verticale .....................................…84
2.2.2.2 Etendue de l’intégration verticale ..................................…85
2.2.2.3 Degré de l’intégration verticale .....................................…85
2.2.2.4 Forme de l’intégration verticale .....................................…85
2.3 Les relations verticales en théorie et en pratique .....................................…87
2.3.1 Le contrôle vertical ....................................................................….88
2.3.1.1 Définition des concepts de contrôle vertical et des
restrictions verticales ....................................................….88
2.3.1.2 Restrictions verticales et efficience ................................…91
2.3.1.2.1 Restrictions verticales et amélioration du
bien-être ...........................................................….92
2.3.1.2.2 Restrictions verticales et détérioration du
bien-être ...........................................................….95
2.3.2 Les politiques d’impartition .........................................................…97
2.3.2.1 Evolution de l’environnement et essor des politiques
d’impartition .................................................................….97
2.3.2.2 Champ d’application .......................................................…98
2.3.2.3 La sous-traitance: une forme d’impartition .....................100
2.3.2.3.1 Définition ............................................................100
2.3.2.3.2 Sous-traitance de capacité ou de spécialité ........101
2.3.2.4 Les nouvelles formes de partenariat vertical ....................101
2.3.2.4.1 Définition ............................................................101
2.3.2.4.2 Les origines du partenariat vertical .....................102
2.3.2.4.3 Principes du partenariat vertical ..........................103
2.3.2.4.4 Modalités d’instauration d’un partenariat
vertical ...............................................................104
2.4 Mesures de l’intégration verticale ..............................................................106
9
2.4.1 Mesures des transferts internes .....................................................106
2.4.1.1 Mesure de l’équipement ..................................................107
2.4.1.2 Mesure de l’emploi .......................................................…108
2.4.2 Etendue de la participation d’une firme dans les différents
stades ........................................................................................…109
2.4.2.1 Mesure de la tendance de l’intégration verticale .............109
2.4.2.2 Ratio d’Adelman …..........................................................109
2.4.3 Mesure basée sur le tableau d’entrée-sortie ..................................112
2.4.3.1 Présentation du modèle de Leontief .................................112
2.4.3.2 Définition de l’indice VIC ...............................................113
2.4.3.3 Propriétés de l’indice VIC ...............................................114
2.4.3.4 Les facteurs qui agissent sur la valeur du VIC .................115
2.4.4 Mesure des dimensions de l’intégration verticale .........................116
2.4.4.1 Degré de l’intégration verticale .......................................116
2.4.4.2 Stades de l’intégration verticale ..............................….....117
2.4.4.3 Etendue de l’intégration verticale ....................................118
2.4.4.4 Forme de l’intégration verticale .......................................118
2.5 Conclusion .............................................................................................…119
Chapitre 3 : Imperfection des marchés, pouvoir de monopole
et intégration verticale
3.1 Introduction .............................................................................................…121
3.2 Concurrence, monopole et efficience économique ....................................122
3.2.1 Efficience des marchés concurrentiels ..........................................122
3.2.2 Inefficiences des monopoles .........................................................123
3.3 Intégration verticale et comportement stratégique ......................................126
3.3.1 Intégration verticale et barrières à l’entrée ....................................126
3.3.1.1 Présentation des barrières à l’entrée .................................126
3.3.1.1.1 Supériorité en matière de coûts ............................127
10
3.3.1.1.2 Economies d’échelle ............................................128
3.3.1.1.3 Différenciation des produits .................................129
3.3.1.2 Intégration verticale et barrières à l’entrée .......................130
3.3.2 Forclusion de marché et écrasement des prix ...............................132
3.3.2.1 Ecrasement des prix .........................................................132
3.3.2.2 Forclusion de marché .......................................................135
3.4 Intégration verticale et distorsions de monopole.........................................138
3.4.1 Intégration verticale et double marge ............................................138
3.4.2 Intégration verticale et problème de négociation ..........................144
3.4.2.1 Monopole bilatéral et indétermination des prix ...............144
3.4.2.2 Intégration verticale et efficience ......................................147
3.5 Intégration verticale et exercice du pouvoir de monopole ..........................154
3.5.1 Intégration verticale et discrimination par les prix .........................154
3.5.1.1 Présentation de la discrimination par les prix ..................154
3.5.1.1.1 Problème d’arbitrage ..........................................155
3.5.1.1.2 Types de discrimination ......................................156
3.5.1.1.3 Discrimination et bien-être social .......................159
3.5.1.2 Intégration verticale et discrimination par le prix ............160
3.5.1.2.1 Discrimination sur les marchés finals .................160
3.5.1.2.2 Discrimination sur les marchés intermédiaires ....163
3.5.2 Intégration verticale et distorsion des proportions variables ........164
3.5.2.1 Présentation du problème .................................................164
3.5.2.2 Intégration verticale et bien-être social ............................166
3.6 Incertitude et problèmes d’agence ..............................................................168
3.6.1 Diversification et synchronisation .................................................169
3.6.2 Rationnement et garantie d’approvisionnement et de débouchés ..172
3.6.3 Information privée et problèmes d’agence ....................................173
3.7 Conclusion .............................................................................................…176
11
Chapitre 4 : Intégration verticale et théories contractuelles
4.1 Introduction ............................................................................................…177
4.2 Discussion des arguments classiques de l’intégration verticale .................178
4.2.1 Interdépendance technologique ......................................................178
4.2.2 Cycle de vie des industries ............................................................180
4.2.3 Discrimination par les prix ............................................................184
4.2.4 Distorsion des proportions variables .............................................186
4.3 Les limites organisationnelles de l’intégration verticale ............................187
4.3.1 Les limites à la taille de la firme ....................................................188
4.3.2 Intégration verticale et difficultés de l’intervention sélective .......190
4.3.2.1 Les pertes dues à l’utilisation inadéquate des actifs ........192
4.3.2.2 Les pertes dues aux manipulations comptables ...............192
4.3.2.3 L’affaiblissement des incitations à l’innovation ...............193
4.4 Spécificité des actifs et intégration verticale ..............................................195
4.4.1 Choix séquentiel de la technologie et du mode d’organisation .....195
4.4.2 Choix simultané de la technologie et du mode d’organisation .....198
4.5 Monopole bilatéral et problème du hold up ...............................................202
4.5.1 La transformation fondamentale ....................................................202
4.5.2 Le problème du hold up dans une relation de monopole bilatéral 204
4.6 Spécificité des actifs et intégration verticale: évidences empiriques ..........208
4.6.1 Les études empiriques intra-industrielles ......................................210
4.6.1.1 Spécificité des actifs humains ..........................................211
4.6.1.2 Spécificité des actifs physiques et du site .........................214
4.6.2 Les études empiriques inter-industrielles ......................................218
4.7 Conclusion .............................................................................................…222
Chapitre 5 : Les caractéristiques du secteur industriel marocain
5.1 Introduction ...........................................................................................….223
12
5.2 Contexte socio-politique et stratégie de développement au Maroc ............224
5.2.1 Planification et développement : 1960-1972 .................................225
5.2.2 La planification marocaine dans le contexte de stagnation
et de crise : 1973-1985 ...........................................................…228
5.2.3 Ajustement structurel et planification ............................................230
5.3 L’environnement institutionnel au Maroc ..................................................231
5.3.1 Le cadre juridique .....................................................................…232
5.3.1.1 Le droit de propriété .........................................................232
5.3.1.2 Le droit commercial .........................................................233
5.3.1.3 Le système judiciaire .......................................................233
5.3.2 Réforme du système comptable ....................................................234
5.3.2.1 Pertinence et fiabilité des informations comptables ........235
5.3.2.2 Qualité de l’analyse économique ......................................235
5.3.2.3 Qualité de l’analyse financière .........................................236
5.3.3 La loi sur la concurrence et la législation antitrust .........................237
5.4 Le contexte économique du secteur industriel marocain ............................238
5.4.1 Dualités de l’activité économique au Maroc .................................239
5.4.1.1 La dualité secteur public-secteur privé .............................239
5.4.1.2 La dualité secteur formel-secteur informel .......................240
5.4.2 Développement des secteurs de production ..................................242
5.4.3 Le système d’incitation à la production …….................................244
5.4.3.1 Les incitations d’ordre macroéconomique et budgétaire ..245
5.4.3.2 Les incitations au commerce extérieur .............................246
5.4.3.2.1 La libéralisation des importations .......................246
5.4.3.2.2 La promotion des exportations ............................247
5.4.3.3 La réglementation du marché et le contrôle des prix .......248
5.4.3.3.1 Le contrôle des prix intérieurs .............................248
5.4.3.3.2 La réglementation des marchés ..........................249
5.4.4 Fiscalité marocaine et incitation au secteur privé .........................250
13
5.4.4.1 Le système fiscal au Maroc …………...………………...250
5.4.4.2 Comparaison de l’imposition fiscale des bénéfices
avec celle des autres placements ......................................252
5.4.4.3 Les incitations fiscales et financières prévues par
les codes d’investissement ...............................................254
5.4.5 Le financement de l’industrie marocaine ......................................256
5.4.5.1 L’accès aux capitaux .........................................................257
5.4.5.2 L’accès aux crédits .......................................................…258
5.5 Structures et performances du secteur industriel marocain .........................260
5.5.1 La structure des marchés ...........................................................…261
5.5.1.1 La concentration industrielle au Maroc ............................261
5.5.1.1.1 Indice de Herfindahl ............................................262
5.5.1.1.2 Ratio de concentration .........................................265
5.5.1.2 La mobilité du capital industriel .......................................267
5.5.2 Les performances des branches industrielles .................................271
5.5.2.1 Rapport prix-coût et dispersion des performances ............272
5.5.2.2 Productivité du travail et salaires ......................................276
5.6 Conclusion .............................................................................................…278
Chapitre 6: Intégration verticale dans l’industrie manufacturière
marocaine: Essai de vérification empirique
6.1 Introduction ............................................................................................…280
6.2 Les études empiriques sur l’intégration verticale ……………………....281
6.2.1 Les études inter-industrielles .......................................................281
6.2.2 Les études spécifiques à une industrie .........................................283
6.3 Mesure du degré d’intégration verticale dans l’industrie
manufacturière au Maroc .....……...........................................................…285
6.3.1 Présentation de la mesure d’intégration .......................................286
6.3.2 Le degré d’intégration des industries manufacturières
14
marocaines …………………………………………………...….287
6.3.3 Interprétation des résultats .......................................................…292
6.4 Déterminants et effets de l’intégration verticale sur les
performances industrielles ………….…………......................................294
6.4.1 Rappel des principales prédictions théoriques ............................294
6.4.1.1 Les déterminants de l’intégration verticale ……………...294
6.4.1.2 Effets de l’intégration verticale sur les performances
économiques ....................................................................296
6.4.2 Choix des variables et spécification des modèles
économétriques …………………………………………………300
6.4.2.1 Nature et niveau d’agrégation des données .....................300
6.4.2.2 Choix des variables …………...........................................301
6.4.2.3 Spécification des modèles économétriques ..…...............307
6.4.3 Estimation des modèles et interprétation des résultats ..………...310
6.4.3.1 Estimation du modèle des déterminants de l’intégration
verticale .……………..………………………………….310
6.4.3.2 Estimation du modèle de l’intégration verticale et les
performances de l’industrie manufacturière …………….314
6.5 Conclusion .............................................................................................…321
Conclusion générale .....................................................................................…322
Bibliographie ................................................................................................…329
Annexes ........................................................................................................…343
15
Liste des figures
1.1 Cadre des coûts de transaction ..............................................................……60
2.1 Diagramme des dimensions de l’intégration verticale .............................…86
2.2 Schémas des territoires exclusifs .............................................................…90
2.3 Exemple de vente liée ........................................................................…...…90
2.4 Portefeuille d’achats .............................................................................…..105
3.1 Squeeze de prix: situation initiale ...............................................................133
3.2 Squeeze simple .......................................................................................…133
3.3 Double squeeze .......................................................................................…134
3.4 Structure verticale d’un monopole successif ..............................................139
3.5 Prix d’équilibre du monopole bilatéral .......................................................145
3.6 Représentation de la discrimination par le prix ..........................................161
3.7 Combinaisons techniques d’un input offert par un monopole et
d’un input offert par un marché concurrentiel ............................................164
3.8 Substitution des inputs dans une structure verticale ..................................166
4.1 Cycle de vie des industries et intégration verticale ....................................181
4.2 Courbes de coûts unitaires des firmes dans une industrie en croissance ....183
4.3 Discrimination par le prix et surplus .........................................................185
4.4 Comparaison des coûts de gouvernance ......................................................196
4.5 Comparaison des coûts de production et de gouvernance ..........................197
4.6 Détermination des niveaux optimaux de X et de k ......................................200
4.7 Comparaison des profits dans les deux modes organisationnels .................201
6.1 Distinctions comptable et contractuelle des coûts ......................................283
16
Liste des tableaux
3.1 Comparaison des performances des deux structures verticales ..................143
5.1 Part du secteur informel dans l’économie marocaine .................................241
5.2 Indicateurs caractéristiques des entreprises industrielles, des
secteurs structuré et non structuré localisé .................................................242
5.3 Structure du secteur industriel ....................................................................243
5.4 Comparaison structurelle entre le Maroc et les autres pays .......................244
5.5 Chiffres concernant le secteur public .........................................................245
5.6 Agrégats nationaux ………………................…........................................246
5.7 Taux d’imposition des bénéfices des sociétés ............................................251
5.8 Taux applicables pour le calcule de l’I.G.R ...............................................252
5.9 Effectif des activités par structure de marché ............................................263
5.10 Répartition des activités industrielles selon le degré de concentration
et le poids économique ….......................…………………………...........263
5.11 Evolution du classement du régime de marché des activités industrielles264
5.12 Concentration industrielle de la production (1985-1989) .........................266
5.13 Comparaison de la concentration au Maroc à celle du Japon
et de l’Inde ….......….……………………………………………………267
5.14 Taux d’entrée, de sortie et de turnover pondérés par le chiffre d’affaires268
5.15 Taille moyenne des permanents, entrants et sortants ...............................269
5.16 Niveau de performance des entreprises mesuré par le rapport prix-coût ..273
5.17 Répartition des ventes suivant l’orientation des marchés et le
niveau du rapport prix-coût .........................................................................274
5.18 Répartition des ventes par type de marché suivant le niveau du
17
rapport prix-coût .....................................................................................…275
6.1 Répartition du nombre de segments industriels selon le degré
d’intégration verticale (classification à trois chiffres).................................288
6.2 Répartition du nombre de branches industrielles selon le degré
d’intégration verticale (classification à deux chiffres) ...............................289
6.3 Degré d’intégration verticale des segments industriels .............................290
6.4 Degré d’intégration verticale des branches industrielles ............................291
6.5 Classement décroissant des branches industrielles selon le degré
d’intégration verticale ............................................................................…292
6.6 Déterminants de l’intégration verticale (signes prévus des
coefficients estimés) ...............................................................................…308
6.7 Performances des branches industrielles (signes prévus des
coefficients estimés) ...............................................................................…310
6.8 Récapitulatif des principales statistiques du modèle des déterminants
de l’intégration verticale (LNIV) ......…………………...............................312
6.9 Résultats de l’estimation du modèle des déterminants de l’intégration
verticale ....................................…………………………………………..312
6.10 Récapitulatif des principales statistiques du modèle des déterminants
de l’intégration verticale (LNIV) (INCD exclue) ......................................313
6.11 Résultats de l’estimation du modèle des déterminants de l’intégration
verticale (INCD exclue) …...……………….............................................313
6.12 Récapitulatif du modèle des performances (variable expliquée : TMR) ..316
6.13 Résultats de l’estimation du modèle des performances (TMR) ………….317
6.14 Récapitulatif du modèle des performances (variable expliquée : PC) ….319
6.15 Résultats de l’estimation du modèle des performances (PC) ……………319
18
Introduction Générale
L’étude de l’intégration verticale requiert, en principe, une approche
pluridisciplinaire. En effet, les questions de la dimension verticale d’une firme
intéressent, à la fois, les économistes, les juristes et les théoriciens de la gestion.
En premier lieu, la théorie de l’intégration verticale occupe une place importante
dans la théorie économique, en général, et celle de la firme en particulier. Cette
importance se justifie par la nécessité, sur le plan théorique, de déterminer la
dimension verticale optimale de la firme. En second lieu, la théorie de
l’intégration verticale suscite, de plus en plus, l’intérêt des juristes grâce aux
multiples apports et éclairages qu’elle a pu apporter à la théorie des contrats et
en raison de sa contribution fondamentale à l’édification des lois sur la
concurrence et des législations antitrust. Cet intérêt traduit, ainsi, la conviction
profonde des chercheurs que la résolution des problèmes de l’entreprise passe
d’abord par la compréhension du fonctionnement de celle-ci et des différentes
relations qu’elle entretient avec les autres agents économiques. En dernier lieu,
la stratégie d’intégration verticale constitue un sujet controversé pour les
théoriciens de la gestion et les dirigeants des entreprises, à cause, notamment,
des résultats mitigés des vagues de fusions verticales qui ont marqué les
dernières décennies. Néanmoins, elle constitue encore le cadre de référence dans
toutes les décisions relevant du choix entre « produire et acheter » et continue
d’occuper une place importante dans les stratégies de développement vertical
19
des entreprises.
En plus de son intérêt théorique, le sujet de l’intégration verticale se doit d’être
d’actualité dans toutes les politiques de restructuration des pays en
développement qui tentent d’asseoir les bases d’une économie de marché et
d’assurer une meilleure intégration dans l’économie mondiale. C’est le cas,
notamment, du Maroc qui a entamé ce processus dès le début des années 80 et
envisage d’intégrer, dans les années à venir, la zone de libre échange avec
l’Union Européenne. Ainsi, l’étude du degré d’intégration verticale des
entreprises marocaines peut être d’une grande utilité dans l’évaluation des
conditions de l’efficience de l’économie marocaine d’une manière générale et
des marchés en particulier. Elle peut, en effet, renseigner sur le degré de
compétitivité des entreprises et celle des secteurs d’activités. De même, la
compréhension de la nature des relations verticales entre les entreprises pourra
être d’un grand secours aux législateurs et aux responsables dans l’application et
l’adaptation de cette législation à la réalité du pays.
D’une manière globale, la théorie de l’intégration verticale étudie les différentes
incitations des firmes à produire elles-mêmes les biens et les services
nécessaires à leurs processus de production au lieu de recourir au marché, et
examiner les effets de ce choix sur les performances des entreprises et des
structures verticales. Pour ce faire, les théoriciens étaient tenus de définir, avec
précision, les différentes dimensions de l’intégration verticale, et de marquer les
frontières de celle-ci avec les autres formes de relations verticales. Ils étaient,
ainsi, confrontés à de nombreuses difficultés d’ordre méthodologique, théorique
et pratique :
Le premier problème rencontré par les économistes était de donner une
définition convaincante aux notions de « firme » et « d’intégration verticale ».
En effet, la théorie économique propose une multitude d’approches
appréhendant la firme sous des angles et avec des visions très variés. Certaines
d’entre elles insistent sur la dimension technologique en considérant la firme
20
comme une fonction de production tandis que d’autres mettent l’accent
davantage sur les différentes formes de contractualisation la caractérisant. La
multitude des approches de la théorie de la firme implique, également, une
diversité des définitions de l’intégration verticale. Ainsi, dans la conception
néoclassique, l’intégration d’une entreprise dans un stade vertical signifie le
contrôle absolu par celle-ci sur ce stade, notamment, à travers la centralisation
du mécanisme de prise de décision. En revanche, les théories contractuelles
insistent, davantage, dans leurs définition, sur le mécanisme de l’autorité au sein
d’une entreprise à travers la relation d’emploi ou la propriété des actifs
physiques.
Le second problème que devait résoudre la théorie de l’intégration verticale
intéresse le tracé des frontières entre celle-ci et les autres formes de relations
verticales. D’habitude, les entreprises se mettent, souvent, devant le choix entre
la production ou l’achat d’un bien ou un service. Mais, dans la pratique, ces
deux choix ne sont que les solutions extrêmes d’un continuum de relations
verticales possibles. Ces relations regroupent, en effet, toutes les formes de
quasi-intégration, de partenariats, d’alliances et de contrats à long ou à moyen
terme. Devant cette multitude d’alternatives, il est souvent difficile de tracer une
frontière hermétique entre l’intégration au sens strict et toutes les autres formes
de non-intégration.
Le troisième problème est une conséquence directe des précédents et concerne
particulièrement la question de mesure de l’intégration verticale. En effet, le
choix d’une mesure doit représenter fidèlement la définition retenue de
l’intégration verticale et se doit de la différencier clairement des autres formes
de relations. Pour ce faire, l’indice de mesure doit être capable de quantifier les
transferts internes à l’entreprise, chose souvent difficile à faire pour des raisons
à la fois méthodologiques et pratiques.
Le dernier problème se rapporte, quant à lui, à la spécification des principaux
déterminants de l’intégration verticale et l’évaluation de ses effets sur les
21
performances économiques. Dans ce cadre, la théorie économique connaît un
grand débat qui oppose les adeptes de la théories du monopole d’un côté, et ceux
de l’efficacité de l’autre. Dans la conception du premier courant, l’intégration
verticale est, souvent, expliquée par le désir des firmes de renforcer et/ou
d’étendre leur pouvoir de monopole aux différents stades verticaux.
L’intégration caractérise, ainsi, essentiellement les structures monopolistiques et
constitue, par conséquent, une source d’inefficience économique. La conception
du second courant explique, quant à elle, l’intégration par des considérations
liées au choix de la forme de gouvernance la plus efficace. Ce choix traduit,
donc, la recherche par des entreprises des conditions de l’optimalité.
L’opposition du raisonnement des deux théories reflète, ainsi, les attitudes de
leurs adeptes vis-à-vis de l’intégration verticale et de ses effets sur le bien-être
social.
En se référant aux différentes difficultés ci-haut mentionnées, nous avons posé
les principales questions constituant la problématique de notre travail. Ces
questions insistent, en effet, sur les points les plus controversés de la théorie de
l’intégration verticale et tentent d’instaurer un pont susceptible de rapprocher les
différentes approches théoriques. Nous tenterons, ainsi, de répondre, tout au
long de ce travail, aux interrogations suivantes :
- Quelles sont les principales approches théoriques de la firme ? Et de quelle
manière, l’adoption d’une approche particulière influe-t-elle sur la définition
de l’intégration verticale ?
- Quelles sont les différents types de relations verticales que peut entretenir
une firme dans une structure verticale ? Y-a-t-il une frontière hermétique
entre l’intégration verticale au sens strict et la non-intégration ?
- Quelles sont les principales difficultés de mesure de l’intégration verticale ?
Et quelles sont les propriétés des différents indices de mesure proposés par la
théorie ?
- Quels sont les principaux déterminants qui incitent les firmes à s’intégrer
22
verticalement ?
- Quels sont les effets de l’intégration verticale sur les performances
économiques des firmes et des structures verticales ? Quels sont, également,
ses effets sur le bien-être social ?
- De quelle manière peut-on établir un rapprochement des différentes théories
explicatives de l’intégration verticale ?
- Quelles sont, enfin, les principales remarques que l’on peut porter sur le
degré d’intégration des entreprises industrielles marocaines ? et dans quelle
mesure peut-on vérifier les hypothèses des théories de l’intégration dans
l’industrie manufacturière marocaine ?
Nous précisons que les questions faisant l’objet de la problématique de ce travail
respectent un enchaînement logique qui tente d’établir un fil conducteur reliant
ces différentes interrogations. A travers les réponses que nous donnerons, tout
au long de ce travail, nous espérons apporter une contribution aussi modeste
soit-elle sur le plan théorique et/ou empirique.
Pour ce faire, notre démarche consiste à présenter, avec un regard critique, l’état
de la recherche dans le domaine en procédant par un survol des travaux
théoriques portant sur la question de l’intégration verticale tout en insistant sur
les points de rencontre et de rupture des différentes tendances théoriques. Dans
ce cadre, nous avons tenté, chaque fois qu’il nous a semblé possible, de
confronter les différentes approches afin d’établir un rapprochement de leurs
raisonnements et des résultats théoriques qu’elles proposent. Cette démarche
nous paraît d’une grande utilité dans la mesure où elle nous a permis de voir les
choses d’un angle plus large et d’en tirer les enseignements dans le respect de la
rigueur et de l’objectivité scientifique.
Afin de consolider davantage les résultats théoriques de notre travail, nous avons
essayé de les valider empiriquement à l’aide d’une étude économétrique sur
l’industrie manufacturière marocaine. L’objectif initial du travail empirique
était de mener parallèlement deux études indépendantes. La première se basant
23
sur des données agrégées relatives aux différentes industries, et la seconde
portant sur des données individuelles recueillies à partir d’un échantillon
représentatif des entreprises industrielles marocaines. Ces deux études nous
auraient permis de confronter les résultats empiriques établis sur la base de deux
découpages différents du système productif. Mais, faute de pouvoir disposer de
données individuelles, nous nous sommes limités à une seule étude dont l’objet
est de mesurer le degré d’intégration verticale des segments et des branches
industrielles au Maroc. Cette mesure a été effectuée à l’aide d’un indice mieux
adapté à ce niveau d’analyse. Nous avons élaboré, ensuite, deux modèles
économétriques en vue de vérifier empiriquement les principales hypothèses
théoriques relatives aux déterminants de l’intégration verticale et aux effets de
celle-ci sur les performances économiques. La construction de ces modèles s’est
basée sur les techniques de régression et a porté sur des données transversales
des branches industrielles marocaines selon la classification nationale à deux
chiffres. La méthodologie de travail empirique s’inscrit, ainsi, dans la tradition
du paradigme structure-comportement-performance de l’économie industrielle.
Afin de mieux répondre aux questions posées par la problématique, nous avons
choisi de traiter le sujet en six chapitres. Ce choix répond aux deux soucis
suivants :
- Celui de l’indépendance des chapitres en ce sens que chacun d’eux devrait se
suffire à lui-même pour apporter des réponses aux questions qu’il tente
d’étayer.
- Celui de l’établissement d’un fil conducteur reliant les chapitres successifs.
Ce fil devrait respecter deux logiques distinctes mais complémentaires : celle
de l’enchaînement selon un ordre d’importance croissant, et celle de la
cohérence de l’argumentation.
Ainsi, nous avons traité dans le premier chapitre les principales approches de la
théorie de la firme en insistant sur celles qui définissent la firme par référence à
sa dimension verticale. De manière précise, nous avons retenu quatre visions de
24
la firme, notamment les théories néoclassique, de l’agence, de l’économie des
coûts de transaction et des droits de propriété. Le second chapitre traite, quant à
lui, des questions de la définition de l’intégration verticale, de sa délimitation
par rapport aux autres relations verticales et de sa mesure.
En ce qui concerne les questions sur les déterminants de l’intégration verticale et
de ses effets, nous avons jugé mieux de les traiter en deux chapitres distincts.
Ainsi, le troisième chapitre élucide la vision de la théorie du monopole en
insistant sur les incitations anticoncurrentielles, celles relatives aux distorsions
de monopole et à l’amélioration du pouvoir de marché, et celles liées à
l’incertitude et les problèmes d’agence. Le quatrième chapitre aborde, quant à
lui, les principales explications apportées par les théories contractuelles. A cet
effet, nous avons procédé, en premier lieu, par une discussion des arguments
classiques de l’intégration verticale avant de passer en revue les principales
limites organisationnelles de l’intégration verticale. Ensuite, nous avons présenté
les principaux arguments des théories contractuelles à savoir le rôle de la
spécificité des actifs et le problème du hold up dans une structure de monopole
bilatéral. En dernier lieu, nous avons établi une synthèse des principaux résultats
des études empiriques sur l’intégration verticale.
Enfin, les deux derniers chapitres sont axés sur l’examen empirique de
l’intégration verticale dans l’industrie manufacturière marocaine. Dans le
cinquième chapitre, nous avons tenu à donner une vue d’ensemble sur le secteur
industriel au Maroc en insistant sur : le contexte socio-politique et les stratégies
de développement du pays, l’environnement institutionnel et juridique et le
contexte économique global. Nous avons essayé, par la suite, de cerner les
principales caractéristiques de l’industrie marocaine en adoptant le raisonnement
du triptyque structure-comportement-performance. Le dernier chapitre traite,
quant à lui, de la vérification empirique proprement dite. Nous avons donné, à
cet effet, un rappel des méthodologies des études empiriques en la matière avant
de présenter les résultats de la mesure de l’intégration verticale des industries
25
manufacturières marocaines. Enfin, nous avons exposé les principaux résultats
de l’estimation des deux modèles économétriques relatifs aux déterminants de
l’intégration verticale et à ses effets sur les performances économiques des
industries manufacturières marocaines.
26
Chapitre 1:
Les Approches de la Théorie de la Firme
1.1 Introduction
La théorie de la firme a posé; depuis longtemps, de sérieux problèmes pour les
économistes. En effet, pendant que de nombreux progrès ont été réalisés dans la
description et l’analyse des performances du marché, le comportement des
firmes et des organisations est resté peu élucidé. D’une part, les modèles
formels de la firme s’avèrent extrêmement rudimentaires dans la mesure où ils
avancent des portraits hypothétiques de la firme très éloignés des véritables
organisations du monde réel. D’autre part, les théories qui tentent de tenir
compte des caractéristiques du fonctionnement des entreprises dans la réalité
manquent souvent de précision et de rigueur scientifique.
Pourtant, la firme, en tant qu’institution économique, revêt une grande
importance dans la théorie économique. Cette importance peut être justifiée par
plusieurs raisons. Tout d’abord, le volume d’échange qui s’opère à l’intérieur
des firmes est relativement aussi important que l’échange marchand, chose qui
nécessite une plus grande attention aux modes de transactions non marchands.
En suite, la prise de décision au sein des firmes est d’une nature bien différente
de celle représentée par les choix individuels sur les marchés. Ainsi, le
comportement d’une firme résulte plus d’un processus complexe d’agrégations
de décisions dans un réseau de relations d’agence. Enfin, la firme a joué un rôle
fondamental dans la croissance et la prospérité économique et sociale des pays.
En effet, les innovations organisationnelles ont participé amplement dans
l’amélioration du bien-être des individus et des sociétés.
Conscients du rôle de l’entreprise, en tant que moteur de développement
27
économique, les théoriciens ont œuvré pour la construction d’une théorie de la
firme qui respecte à la fois la rigueur scientifique et le réalisme. C’est dans ce
contexte, qu’on a assisté, surtout durant les dernières décennies, à une
multiplication de tentatives visant l’édification d’une nouvelle théorie de la
firme capable de répondre à de telles fins. Les études qui s’inscrivent dans cette
tendance se caractérisent, cependant, par une grande diversité des approches
dans l'analyse des problèmes, à la fois internes et externes, de la firme. Cette
diversité pose le problème de la classification de ces différentes approches et le
choix d’un critère objectif capable de permettre la mise en évidence des
différents points de convergence et de divergence.
L’objectif modeste de ce chapitre n’est pas d’opérer un recensement exhaustif
des approches de la firme, mais plutôt de sélectionner certaines théories nous
permettant de situer la firme par rapport à sa dimension verticale. Pour y
parvenir, nous présenterons d’abord la théorie néoclassique à travers sa vision
technologique qui considère l’entreprise comme une fonction de production. En
suite, nous traiterons des théories qui adoptent une approche contractuelle et
organisationnelle dans leur raisonnement. Il s’agira, en premier lieu, de la
théorie de l’agence (principal-agent) qui a tenté de pallier l’insuffisance du
concept de la boite noire en formalisant les différentes relations d’agence à
l’intérieur et à l’extérieur de la firme. En second lieu, nous traiterons la théorie
des coûts de transaction qui s’est focalisée sur l’éclaircissement des frontières
entre la firme et le marché considérés, dans la logique de cette approche, comme
deux modes différents permettant d’effectuer les mêmes transactions. En dernier
lieu, nous présenterons l’approche des droits de propriété qui a des
soubassements juridiques, et qui considère la firme comme un ensemble de
contrats internes et externes qui génèrent des droits résiduels de contrôle
conférant une autorité aux détenteurs de ces droits.
28
1.2 La théorie néoclassique de la firme
Dans la formulation théorique du modèle néoclassique, la firme est appréhendée
non pas comme un objet d’analyse, mais simplement comme un outil qui permet
de démontrer l’existence de l’équilibre partiel . En effet, l’équilibre partiel sur
un marché est défini par un prix du bien qui permet de réaliser la compatibilité
de l’offre et de la demande de ce bien. La firme est ainsi l’agent économique qui
assure la production des biens et des services. La théorie néoclassique de la
firme peut être, donc, assimilée à la théorie de la production et des prix dans la
formulation du modèle de l’équilibre partiel. Pour présenter l’approche
néoclassique de la firme il convient de considérer les conditions de production et
d’allocation des ressources d’une part, et les caractéristiques de coûts et de
l’offre d’autre part.
1.2.1 Conditions de production et conditions de l’offre dans l’approche
marginaliste de la firme
Dans la construction théorique de la production, le premier souci du producteur
est celui de la combinaison technique des facteurs de production disponibles
pour réaliser le maximum de production possible. La réalisation de l’allocation
efficace des ressources est liée à la spécification de la fonction de production qui
exprime la relation d’ensemble entre des combinaisons technologiquement
efficaces et l’output. Cette fonction doit vérifier un certain nombre d’hypothèses
qui sont principalement technologiques :
- Homogénéité des facteurs de production : cette hypothèse suppose l’absence
de toute forme de différenciation des facteurs de production qui sont mis à la
disposition des différentes firmes.
- Divisibilité des facteurs de production : cette hypothèse suppose que les
facteurs de productions sont indéfiniment divisibles de façon à pouvoir utiliser
l’ensemble des nombres réels. L’objectif principal de cette hypothèse est la
29
simplification du raisonnement qui suppose une fonction de production
continue.
- Adaptabilité des facteurs de production : cette hypothèse suppose la parfaite
interchangeabilité des facteurs de production et leur adaptabilité à n’importe
quel type de production.
- Concurrence pure et parfaite : cette hypothèse implique que les agents
établissent leurs plans de production sans tenir compte d’éventuelles contraintes
en quantités (rationnements à l’achat ou débouchés limités), ni de l’incidence de
leurs transactions sur les prix qu’ils considèrent comme donnés.
La théorie du producteur suppose, par conséquent, que les firmes combinent et
choisissent la technique la plus efficace dans la fabrication d’un bien. Autrement
dit, elles connaissent la fonction de production et il n’y a pas de gaspillage dans
l’utilisation des inputs.
Après avoir établi les caractéristiques techniques de son ensemble de
production, la firme va prendre en compte un aspect purement économique, à
savoir les prix des inputs qu’elle va utiliser. La firme cherchera, par conséquent,
à réaliser le niveau de production optimal correspondant à la dépense minimale
en inputs. Dans la construction néoclassique, les paniers d’inputs correspondant
à un coût minimum, pour une quantité donnée d’output, doivent être choisis de
telle sorte que le taux marginal de substitution technique y soit égal au rapport
des prix des facteurs.
L’intervention de la firme ne se limite, cependant, pas à son comportement dans
le marché des facteurs en tant qu’acheteur d’inputs. En effet, la firme cherche
avant tout à déterminer le panier d’inputs et la production correspondante lui
permettant d’obtenir le profit maximum. La maximisation du profit constitue
l’objectif et le comportement de la firme tout à la fois. Deux conditions sont,
ainsi, nécessaires pour avoir un profit maximum correspondant à un niveau de
production optimal :
30
- Des rendements d’échelle non croissants.
- Des productivités marginales non croissantes.
En effet, en présence de rendements d’échelle croissants, au voisinage du niveau
de production optimal, la firme aurait intérêt à acheter des quantités d’inputs
supplémentaires permettant un accroissement des recettes plus important que
celui des dépenses. Le même raisonnement peut être fait avec les productivités
marginales. Si la productivité marginale d’un input était croissante, la firme
aurait intérêt à utiliser des quantités supplémentaires de cet input de façon à
accroître son profit. D’une manière formelle, le panier d’inputs qui permet un
profit maximum de la firme est celui qui permet l’égalisation des rapports des
productivités marginales et des prix.
Le même résultat peut être obtenu en utilisant un autre raisonnement basé sur les
caractéristiques de la fonction de coûts. En effet, en partant de l’hypothèse que
le prix de l’output est une donnée et que le coût marginal croit avec la quantité
produite, la firme peut accroître sa production jusqu’au niveau de production qui
permet l’égalisation du coût marginal et du prix. Le panier d’inputs
correspondant à un coût marginal égal au prix de l’output implique donc un
niveau de production qui procure un profit maximum. La croissance de la
fonction du coût marginal constitue la condition nécessaire de la maximisation
du profit, ce qui se traduit habituellement par une forme en « U » de la courbe
du coût moyen.
Pendant plus d’un siècle, de nombreux travaux théoriques (Chamberlin (1933),
Robinson (1933), Bain (1954), Baumol (1962), Stiglitz (1975)…1) se sont
1 E. Chamberlin (1933) The Theory of Monopolistic Competition,Cambridge Mass. J.
Robinson (1933) The Economics of Imperfect Competition, London, cités par J. Tirole
(1988) Théories de l’Organisation Industrielle, Economica. J. Bain (1954) «Economies of
Scale, Concentration and Entry », American Economic Review, vol.44, pp .15-39. W. Baumol
(1962) « On the Theory of Expansion of the Firm », American Economic Review, vol.52, pp
.1078-1087. J. Stiglitz (1975) « Incentives, Risk and Information :Notes towards a Theory of
Hierarchy », Bell Journal of Economics, vol.6, pp. 552-579, cités par D. Needham (1972)
Readings in the Economics of Industrial Organization, Holt International Edition.
31
donnés pour tâche l’amélioration et le raffinement de la conception de la firme
dans l’approche néoclassique, soit dans un contexte de l’équilibre partiel, soit
encore dans celui de l’équilibre général. Les principaux développements qui ont
été apportés, depuis, revoient certaines hypothèses qui sont considérées comme
peu réalistes et qui ont été relâchées sans, toutefois, porter atteinte à l’esprit de
l’analyse marginaliste. C’est dans cette mouvance que se situe l’ensemble des
travaux qui s’intéressent à la firme dans le contexte de la concurrence imparfaite
et qui introduisent des notions qui sont absentes dans le modèle de référence,
tels que le problème de l’incertitude ou la portée stratégique des décisions d’une
firme dans son marché. L’utilisation des nouveaux outils mathématiques ( telle
que la théorie des jeux ) a été d’une grande utilité dans la résolution de certains
problèmes qui ont été ignorés par les économistes pour la simple raison liée aux
difficultés de formalisation. Il convient de préciser, à ce titre, que la longévité de
la théorie néoclassique tient, entre autres, à l’élégance de sa formalisation
mathématique ainsi qu’à sa commodité pour l’analyse des conséquences des
interactions stratégiques entre les firmes dans des situations de concurrence
imparfaite.
1.2.2 La remise en cause de l’approche néoclassique de la firme
Depuis plusieurs décennies, l’approche marginaliste de la firme a suscité de
nombreuses critiques à tel point que certains économistes (Scitovsky (1943),
Reder (1947), Cyert et March (1963), Galbraith (1967)…2) voyaient dans
l’entreprise néoclassique une caricature de la firme moderne. En effet, il y a de
nombreux travaux théoriques et empiriques qui ont essayé de montrer, par tous
les moyens, qu’il y a une grande différence entre le concept de la firme dans la
2 T. Scitovsky (1943) « A Note on Profit Maximization and its Implications », Review of Economic Studies,
vol.11, pp. 57-60. M. Reder (1947) « A Reconsideration of the Marginal Productivity Theory », Journal of
Political Economy, vol.55, pp .450-458. R. Cyert et J. March (1963) « A Behavioral Theory of the Firm », J.
Galbraith (1965) The New Industrial State, Boston-Houghton-Mifflin. Cités par J.M. Chevalier (1976)
L’Economie Industrielle en Question, Calmann-Levy.
32
construction théorique marginaliste et celui de l’entreprise dans le monde réel.
Cette absence de réalisme dans la vision néoclassique de la firme se traduit dans
la formalisation du fonctionnement, du comportement, et des objectifs de la
firme.
Le comportement maximisateur et l’objectif de maximisation du profit sont,
sans doute, les deux hypothèses qui ont suscité le plus de critiques. En ce qui
concerne le premier problème, on se demandait même si l’entreprise a un
comportement optimisateur dans la mesure où les membres d’une organisation
utilisent souvent des règles approximatives au lieu d’entreprendre des calculs
complexes. Parmi les arguments cités dans ce contexte, F. Knight (1933)3
avance la question de l’incertitude. En effet, à partir du moment où on introduit
l’incertitude, toute décision repose sur une prévision essentiellement subjective
des situations futures. La firme ne maîtrise plus toutes les variables dont dépend
la réalisation de son objectif. Cependant, cet argument peut être nuancé dans la
mesure où de nombreux comportements qui semblent non-optimisateurs peuvent
être le résultat d’optimisation sous contraintes, et par conséquent peuvent ne pas
être du tout irrationnels. Par exemple, un agent n’a généralement pas le temps de
rassembler toute l’information adéquate pour la prise de décision, il peut donc
prendre des décisions qui semblent a priori irrationnelles. Pourtant, ces décisions
peuvent être rationnelles, étant donné le coût d’opportunité du temps nécessaire
pour rassembler toute l’information requise.
En ce qui concerne le second problème, de nombreuses études ont montré que
les entreprises dans le monde réel ont d’autres objectifs qui s’éloignent plus ou
moins de la maximisation des profits. F. Machlup (1967)4 a recensé un certain
nombre de propositions qui ont été faites par des auteurs cherchant à observer ce
que font réellement les hommes d’affaires :
3 F. Knight (1933) Risk, Uncertainty and Profit, cité par J. M. Chevalier (1976) L’Economie Industrielle en
Question, Calmann Levy, p. 33. 4 F. Machlup (1967) « Theories of the Firm : Marginalist, Behavioral and Managerial », American Economic
Review, pp. 1-33.
33
1- Scitovsky assure que les dirigeants sont amenés à faire un arbitrage entre la
recherche des profits et leurs loisirs dans la mesure où en cherchant à maximiser
le profit, ils n’auront plus de temps à consacrer à leurs loisirs. Selon Scitovsky,
l’arbitrage se fait souvent en faveur de ces derniers.
2- Reder suppose que les dirigeants ont besoin d’être appréciés par leurs
subordonnés. Ils ne seront donc pas assez sévères pour exiger de ceux-ci une
véritable maximisation de profit.
3- Monsen et Downs soutiennent l’idée que les dirigeants de la firme cherchent
plus à augmenter leurs salaires et leurs bonus que les profits de l’entreprise. Ils
soutiennent également que l’information ne circule pas comme il faut. Cette
viscosité déforme les variables sur lesquelles peut se fonder une véritable
stratégie de maximisation des profits.
4- Gordon avance que la préférence pour la sécurité et la volonté de survivre
dans le long terme sont des tendances plus fortes que la maximisation du profit.
5- Baumol conclue que c’est la maximisation des ventes sous contraintes d’un
profit satisfaisant qui constitue l’objectif de la firme.
6- Cyert et March assurent que les compromis entre les objectifs des différents
niveaux et fonctions de l’entreprise compromettent sûrement l’objectif de
maximisation de profit.
Machlup assure que cette liste est loin d’être exhaustive dans la mesure où
certains objectifs peuvent être spécifiques à certaines entreprises.
Ce qui ressort, donc, de cette liste est la remise en cause d’une identité d’objectif
pour les différentes entreprises. Mais en dépit de l’hétérogénéité de ces
différentes propositions, on peut les ramener à deux courants de pensée ou deux
approches de la firme : l’approche managériale et l’approche béhavioriste.
1.2.2.1 L’approche managériale de la firme
Le courant dit managérialiste part de l’idée de divorce ou de séparation entre la
34
propriété et le contrôle au sein de l’entreprise moderne5. Le thème clé autour
duquel pivote la théorie de Berle et Means est celui de l’absence de certitude sur
le comportement maximisateur du profit des dirigeants non-propriétaires. Ces
derniers, en effet, n’auraient aucune raison d’avoir les mêmes objectifs que les
propriétaires. Ils tendraient, par conséquent, à poursuivre leurs propres
aspirations (salaires, bonus, avantages matériels…) qui sont supposées être
incompatibles avec la maximisation du profit.
La démarcation de l’approche managériale par rapport au marginalisme se
manifeste dans la critique de l’unicité de l’objectif de la firme, en essayant de lui
substituer d’autres objectifs tels que la survie, la sécurité ou la croissance.
D’autres voient que le profit n’est qu’un objectif partiel, auquel il faut ajouter
d’autres objectifs complémentaires (ventes, croissance, loisirs ou volonté de
puissance des dirigeants…). Dans ce dernier cas, il est intéressant de voir si ces
objectifs entrent directement dans la fonction objectif de la firme, ou s’ils sont
des objectifs intermédiaires6. Néanmoins, les managérialistes présentent
approximativement la même logique que les marginalistes dans la mesure où ils
ne rejettent pas le principe d’optimisation et les hypothèses de comportement, ce
qui n’est pas le cas des béhavioristes.
1.2.2.2 L’approche béhavioriste de la firme
Le courant des béhavioristes a été initié principalement par Cyert et March
(1963)7 qui sont partis du postulat que l’entreprise n’est plus une unité simple
5 Les premiers à mettre l’accent sur ce problème furent A. Berle et G. Means (1932) dans leur ouvrage « The
Modern Corporation and Private Property ». Berle et Means examinèrent la structure de capital des 200 plus
grandes sociétés américaines. Ils les classèrent selon leur situation de contrôle et arrivèrent à la conclusion que
la majorité d’entre elles étaient sous la catégorie du contrôle interne. Ce dernier se retrouve lorsqu’aucun
individu ou groupe ne détient une fraction importante du capital de sorte que le contrôle appartienne aux
managers. 6 L’économiste rencontre dans cette situation un dilemme bien connu. Une augmentation du nombre de variables
explicatives (arguments de la fonction objectif) rend plus aisée l’explication des phénomènes du monde réel. En
même temps, la théorie perd de son pouvoir de prévision et de sa généralité.
7R. Cyert et J. March (1963) A Behavioral Theory of the Firm, Prentice Hall, p. 67.
35
qui se réduit à la personne de l’entrepreneur, mais une organisation complexe
dont les participants ont des objectifs différents. Dans cette mouvance, plus la
taille de l’entreprise est grande, plus la division du travail est poussée, entraînant
une dilution de la responsabilité. Plus l’organisation est complexe, plus il
devient difficile pour les dirigeants d’imposer leurs objectifs. Chaque participant
de l’entreprise agit donc selon une logique qui lui est propre, et peut avoir son
objectif propre. Il existe donc une multitude d’objectifs conflictuels et
l’entreprise apparaît, ainsi comme une coalition. La fonction générale d’objectifs
apparaît, dés lors, comme le résultat d’un marchandage entre les différentes
forces. Dans l’approche béhavioriste, la psychosociologie prend le pas sur
l’économie, c’est ce qui a instauré une dichotomie entre cette théorie et la
théorie néoclassique. En outre, le béhaviorisme rejette le principe de
maximisation qui constitue la pièce maîtresse de la théorie walrasienne. Le rejet
de ce principe est dû essentiellement à l’introduction de la notion de rationalité
limitée et le dépassement de la notion de «l’homoeconomicus » chère aux
marginalistes. Ce raisonnement instaure une démarcation fondamentale du
béhaviorisme par rapport au marginalisme, d’une part, et au managérialisme de
l’autre.
Les béhavioristes et les managérialistes sont, pourtant, d’accord sur le manque
de réalisme de la firme néoclassique. Dans une tentative de défense de
l’approche marginaliste, Machlup précise que le modèle de la firme dans la
théorie des prix n’est pas destiné à expliquer et prévoir le comportement des
firmes réelles, mais plutôt à expliquer et à prévoir les changements des prix
observés en tant qu’effets des changements particuliers dans des conditions
telles que la technologie, les taux de salaire ou les taux d’intérêt. Dans cette
connexion causale, la firme est uniquement un lien théorique qui permet le
passage de la cause à l’effet. On ne doit pas donc reprocher à cette théorie, selon
Machlup, un objectif pour lequel elle n’a pas été conçue.
36
Pour comprendre le comportement d’une firme, il convient donc de construire
une théorie qui se fixe pour objectif une telle fin. C’est dans ce contexte que la
littérature économique a vu naître un certain nombre de théories qui peuvent être
qualifiées de «nouvelles théories de l’entreprise», et qui étaient initiées
essentiellement par le courant institutionnaliste. Ces théories qui sont appelées
parfois «théories contractuelles» proposent de nouveaux instruments pour
analyser les mécanismes de fonctionnement des firmes. Parmi les approches
concluantes dans ce courant, nous allons présenter, dans ce qui suit, la théorie de
l’agence, la théorie des coûts de transaction et la théorie des droits de propriété.
1.3 La théorie de l’agence
A. Smith (1776)8 était le premier à soulever la question de la séparation entre
propriété et contrôle dans les grandes entreprises. Il écrivait à ce titre : « les
directeurs de ces sortes de compagnies étant les régisseurs de l’argent d’autrui
plutôt que leurs propres argents, on ne peut guère attendre qu’ils y apportent
cette vigilance exacte et soucieuse que les associés d’une société apportent
souvent dans le maniement de leurs fonds. Tels que les intendants d’un riche
particulier, ils sont portés à croire que l’attention sur les petites choses ne
convient pas à l’honneur de leurs maîtres, et ils se dispensent très aisément de
les avertir. Ainsi, la négligence et la profusion doivent toujours dominer plus ou
moins dans l’administration de la compagnie. »
La même proposition a été reprise plus tard par d’autres économistes tels Berle
et Means (1932), Burnham (1947) et Galbraith (1967)9. Mais la séparation de la
propriété et le contrôle n’est qu’une forme particulière de la relation d’agence
qui peut revêtir plusieurs formes différentes à l’intérieur d’une firme et à
l’extérieur de celle-ci. Quelle est donc la signification d’une relation d’agence ?
8 A. Smith (1776) Recherche sur la Nature et les Causes de la Richesse des Nations, p. 401.
9 Berle et Means (1932) op cit. J. Burnham (1947) L’Ere des Organisations, Calmann Lévy, Paris. J. K. Galbraith
(1967) Le Nouvel Etat Industriel, Gallimard.
37
Quelles sont les approches de la théorie de l’agence et les versions des modèles
qu’elle utilise ? Et quels sont enfin les mécanismes proposés par la théorie pour
résoudre les problèmes d’agence au sein d’une firme ?
1.3.1 Les relations et les coûts d’agence
La théorie de l’agence repose sur l’idée de séparation entre propriété et contrôle
et la divergence ou le conflit des intérêts entre actionnaires et dirigeants. La
réconciliation des intérêts divergents et la résolution des conflits implique donc
un certain nombre de coûts qui sont souvent supportés par les actionnaires. Ces
coûts correspondent aux coûts d’agence. Quelle est la signification de ces
coûts ? Sous quelle forme peut-on les rencontrer dans la réalité ?
Les coûts d’agence naissent généralement d’une relation d’agence ou relation de
mandat ou encore relation principal-agent selon l’appellation anglo-saxonne.
Cette relation lie en principe un «mandant» ou «principal» à un «mandataire» ou
«agent». Une première définition de la relation d’agence a été avancée par S.
Ross (1973)10
qui souligne qu’ «une relation d’agence se crée entre deux (ou
plusieurs) parties lorsque l’une des deux parties, désigné comme l’agent, agit
soit de la part, soit comme représentant de l’autre, désigné comme le principal
dans un domaine décisionnel particulier ». D’une façon similaire, M. Jensen et
W. Meckling (1976)11
définissent «une relation d’agence comme un contrat dans
lequel une (ou plusieurs) personne recourt aux services d’une autre personne
pour accomplir en son nom une tâche quelconque, ce qui implique une
délégation de pouvoir de nature décisionnelle à l’agent ».
Il convient donc de préciser que les coûts d’agence surviennent dans toute
10
S. Ross (1973) « The Economic Theory of Agency : the Principal’s Problem », American Economic Review,
vol.63, pp. 134-139. 11
M. Jensen et W. Meckling (1976) « Theory of the Firm : Managerial, Behavoiral Agency Costs and
Ownership Structure », Journal of Financial Economics, vol.3, pp. 305-360, cités par C. Maman
(1994) « L’Organisation de l’Indivision vers l’Individuation en Devenir d’un Concept », Economie et Sociétés,
n° 12, pp. 59-88.
38
situation impliquant une coopération par deux ou plusieurs personnes même s’il
n’y a pas de relation d’agence bien définie. Jensen et Meckling étendent, ainsi,
la relation d’agence à toute forme de coopération. Ils préfèrent donc parler de
relation contractuelle ou de relation de coopération. Une relation de coopération
donne lieu à des problèmes d’agence sous plusieurs conditions :
- Il faut qu’il y ait divergence d’intérêt entre le principal et l’agent.
- Il faut que la relation soit établie dans un environnement d’incertitude
caractérisé par la «non-observabilité» des actions entreprises par l’agent.
En effet, la divergence des intérêts est une condition nécessaire mais insuffisante
pour l’apparition des problèmes d’agence. Ainsi, dans un univers sans
incertitude, marqué par la parfaite observabilité des efforts déployés par l’agent,
il serait possible d’établir un contrat permettant d’inciter ce dernier à agir
conformément aux vœux du principal sans qu’il puisse y avoir aucun coût
associé à l’établissement et à l’exécution de ce contrat. L’existence d’un
problème d’agence est liée donc, à l’incertitude, à la parfaite observabilité des
efforts de l’agent et aux coûts du contrat.
Les relations d’agence se caractérisent, ainsi, par l’apparition des coûts
d’agence. Jensen et Meckling distinguent trois sortes de coûts d’agence :
- Les coûts de surveillance : Ils sont notamment constitués de tout ce qui
s’apparente au système d’intéressement nécessaire à la réalisation des actions de
l’agent en conformité avec les objectifs du principal. Ils sont donc mis en place
pour motiver l’agent à agir conformément à l’intérêt du principal, et ils sont
supportés par ce dernier.
- Les coûts d’obligation : Ils correspondent à toutes les dépenses supportées
par l’agent pour gagner la confiance du principal.
- Les pertes résiduelles ou les coûts d’opportunité : Ils correspondent aux coûts
subis plus particulièrement par le principal, dans le cas d’un différentiel d’intérêt
entre principal et agent. Ces derniers coûts apparaissent dès lors que les coûts de
surveillance s’avèrent inopérants.
39
1.3.2 Les branches de la théorie d’agence
Avant de présenter les théories d’agence, il convient d’abord de présenter les
hypothèses de cette approche. Ainsi, le coût d’agence repose sur la non-
complétude des contrats établis entre les acteurs. Cette incomplétude est due à la
rationalité limitée des agents et à l’incertitude caractérisant la relation. Les
acteurs vont alors chercher à profiter des vides laissés par ces contrats, qui ne
sont pas en mesure ex ante de déterminer tous les cas ou toutes les situations
possibles, dans lesquels les agents vont par la suite se retrouver. Ce
comportement des agents correspond à la volonté de maximiser leurs utilités
respectives. Ainsi, chaque agent, anticipant les mêmes comportements chez
l’autre, va chercher à se protéger contre ces comportements opportunistes.
Deux hypothèses fondamentales régissent donc le comportement des agents
dans la théorie d’agence :
- D’abord, les individus sont supposés agir de façon à maximiser leurs
fonctions d’utilité.
- Ensuite, ils sont capables d’anticiper rationnellement l’incidence des
relations d’agence sur la valeur future de leur patrimoine.
En retenant ces hypothèses de comportement, les travaux traitant des problèmes
d’agence ont emprunté deux voies différentes : une voie normative, et une voie
positive.
1.3.2.1 Branche normative de la théorie d’agence
C’est une approche très formalisée. Elle est due pour l’essentiel à des
économistes moins directement intéressés par l’étude des problèmes
d’entreprises (Ross (1973), Jensen et Meckling (1976), Mirrlees (1967), Harris
et Raviv(1979), Grossman et Hart (1983)). La branche normative étudie le
partage optimal du risque entre les agents, les caractéristiques des contrats
40
optimaux et les propriétés des solutions d’équilibre. Elle s’est développée à
partir de modèles fondés sur les hypothèses relatives aux structures de
préférence des agents, aux structures d’information et à la nature de
l’incertitude.
1.3.2.2 Branche positive de la théorie d’agence
Elle utilise le cadre de raisonnement de la théorie de l’agence pour expliquer le
comportement réel des organisations et plus particulièrement des sociétés
privées. Fondée sur une approche méthodologique de type hypothético-
déductif, elle émet des conjectures qui sont ensuite confrontées à la réalité afin
de les confirmer ou de les infirmer.
1.3.3 Versions du modèle principal-agent
Dans le modèle principal-agent, l’hypothèse d’opportunisme des acteurs est
fondamentale. L’opportunisme d’un acteur (l’agent en règle générale) est facilité
par l’inobservabilité (pour l’autre partie) soit de ses actions, soit de ses
informations. Dans ce contexte, l’asymétrie de l’information est une condition
nécessaire à l’existence de l’opportunisme. Deux modèles principal-agent
peuvent, par conséquent, être distingués selon qu’il s’agisse d’action
inobservable ou d’information inobservable par le principal. En effet, lorsque
l’agent entreprend une action inobservable par le principal, on parle de modèle à
«action cachée» (ou risque moral ou aléa moral ou hasard moral). Kreps (1990)
définit une situation de risque moral dans une transaction entre deux parties
lorsqu’«une partie peut entreprendre certaines actions qui influencent
l’évaluation de la transaction faite par l’autre partie et, en plus, ne peuvent pas
être observées ou forcées par cette dernière partie ».
Dans la relation actionnaire-dirigeant, l’action cachée est définie par l’effort
entrepris par le dirigeant (agent) pour atteindre l’objectif souhaité par
41
l’actionnaire (principal). En revanche, lorsque l’agent dispose d’une information
inobservable par le principal, on parle de modèle à «information cachée». Dans
une telle situation, l’agent a une information supérieure sur une certaine variable
exogène de l’environnement. Les modèles d’information cachée sont divisés en
deux groupes, selon que l’agent obtienne son information avant ou après la
signature du contrat. Le premier cas renvoie à la situation de «selection-adverse»
(ou sélection contraire ou sélection inverse).
La formalisation de l’inobservabilité d’une action ou d’une information par le
biais des modèles d’aléa moral et de selection adverse présente une grande
utilité dans la résolution des conflits d’intérêts des actionnaires et des dirigeants
et la détermination des mécanismes incitatifs.
1.3.4 Mécanismes incitatifs et résolution des conflits d’intérêts entre
actionnaires et dirigeants
En partant d’une conception de la firme caractérisée par une séparation entre la
propriété et le contrôle d’une part, et par la divergence des intérêts des
actionnaires et des dirigeants de l’autre, la théorie de l’agence propose un certain
nombre de mécanismes ayant pour objectif la réconciliation des intérêts et la
résolution des conflits. Certains de ces mécanismes sont induits par des actions
délibérées entreprises par les actionnaires pour inciter ou obliger les dirigeants à
adopter un certain comportement espéré (mécanismes internes). En revanche, le
même effet peut être provoqué, mais cette fois par le biais de mécanismes
induits par certaines forces du marché (mécanismes externes).
1.3.4.1 Résolution des conflits par les mécanismes internes
1.3.4.1.1 Incitation des dirigeants par la rémunération
Le problème d’agence, sous sa forme de risque moral, provient du conflit de
42
base entre l’assurance et l’incitation. D’après la théorie de l’assurance, le
partage optimal d’un résultat (profit) de taille aléatoire, entre une partie neutre
envers le risque (actionnaires) et une partie ayant de l’aversion pour le risque
(dirigeants), consiste à laisser la partie neutre envers le risque supporter tout le
risque. Par conséquent, la partie risquophobe doit recevoir une assurance
complète en recevant un niveau constant sur tous les états de la nature.
Le problème des incitations survient lorsque la partie risquophobe, supposée
avoir de l’aversion pour l’effort, doit entreprendre une action non observable par
la partie neutre (effort) qui affecte le niveau du résultat aléatoire. En effet,
l’assurance complète implique le fait que la partie risquophobe n’a aucune
incitation à fournir un effort puisque cet effort n’affecte pas son revenu. Il s’agit
donc, pour les actionnaires, de trouver le schéma d’incitation optimal qui incite
les dirigeants à fournir plus d’effort. Pour amener les dirigeants à exercer l’effort
maximum, une solution consiste à rémunérer les dirigeants en fonction de leurs
performances (profits). Cependant, les profits sont une mesure très imparfaite de
la performance de la direction (Lewellen (1968), Grossman et Hart (1980)12
).
Par exemple, un investissement économiquement profitable peut réduire les
profits courants sans refléter une négligence de la direction ou une incompétence
de sa part. Le profit n’est donc pas un signal crédible de la performance de la
firme. Pour remédier à ce problème, les actionnaires peuvent récompenser les
dirigeants sur la base de la valeur de l’action de la firme plutôt que sur celle des
profits puisqu’en pratique, la compensation des dirigeants est contingente à la
valeur de l’entreprise et aux projets courants. De même, les manipulations
comptables qui affectent la valeur des profits peuvent être observables par le
marché et donc reflétées dans la valeur boursière de la firme.
12
W. Lewellen (1968) Executive Compensation in Large Industrial Corporations, Colombia University Press. S.
Grossman et O. Hart (1980) « Takeover Bids : The Free Rider Problem and the Theory of the Corporation »,
Bell Journal of Economics, vol.11, pp .42-64, cités par J. Tirole (1988) Théories de l’Organisation Industrielle,
Economica, p. 85.
43
1.3.4.1.2 La concurrence par la comparaison
La théorie de la concurrence par la comparaison (yardstick competition) et celle
des tournois ont été développées par Lazerar et Rosen (1981), Green et Stockey
(1983), Nalebuff et Stiglitz (1983), Schleifer (1985)…13
. La concurrence par la
comparaison repose sur la comparaison de la performance d’un agent à celle
d’autres agents qui sont placés dans des conditions semblables. Un exemple
assez simple montre comment peut-on utiliser la concurrence par la comparaison
pour inciter les dirigeants à fournir l’effort maximum. Supposons que les
actionnaires supervisent deux dirigeants ayant la charge de deux services
similaires. Les profits des actionnaires sont égaux à la somme des profits
engendrés par chaque dirigeant, nets du salaire espéré. Selon que le dirigeant
fournisse un effort suffisant ou non, la valeur des profits espérés sera élevée ou
non. De plus, les incertitudes auxquelles les dirigeants font face sont supposées
être parfaitement corrélées, de façon que le même niveau d’effort procure le
même profit. Dans ces circonstances, les actionnaires peuvent utiliser le contrat
suivant : «si les deux dirigeants atteignent le même niveau de profit, les deux
reçoivent le salaire d’information complète14
, si les profits sont différents, le
dirigeant avec le profit élevé recevra le salaire d’information complète, et le
dirigeant avec le profit faible sera sévèrement puni».
Le salaire de chaque dirigeant dépend, donc, de la performance de l’autre
dirigeant, aussi bien que de la sienne. Puisque les incertitudes sont parfaitement
corrélées, les différences de performances entre les agents impliquent
automatiquement des différences dans l’effort fourni.
Par conséquent, la concurrence par la comparaison présente l’avantage de
permettre aux actionnaires de contourner des situations d’incertitude commune.
13
In Holmstrom et Tirole (1989) « Theory of the Firm », Handbook of Industrial Organization édité par R.
Scmalensee et R. Willig, North Holland. 14
Le salaire d’information complète correspond au «salaire net de réservation» augmenté de la valeur de
désutilité de l’effort. Le salaire net de réservation correspond au salaire que le dirigeant peut recevoir à
l’extérieur de l’entreprise.
44
En outre, elle assure une adaptation efficiente des dirigeants aux changements
communs de l’environnement. Enfin, le principe de mesure ordinal de la
concurrence par la comparaison s’adapte mieux à des situations caractérisées par
des coûts de mesure élevés ou encore des situations où les mesures sont
difficilement quantifiables.
La concurrence par la comparaison a pourtant ses limites. Les agents devant être
comparés peuvent faire face à des conditions différentes. De plus, leurs
performances peuvent être brouillées par des particularités comptables ou des
erreurs de mesure.
1.3.4.1.3 La supervision
En reconnaissant les conflits d’intérêts entre les différents membres d’une
organisation, Alchian et Demsetz (1972) et Holmstrom (1982) 15
proposent une
théorie basée sur la production en équipe et sur l’impossibilité de mesurer la
performance individuelle. Alchian et Demsetz (1972) partent des questions des
non-séparabilités et des rendements d’échelle. Ils soutiennent l’idée que la
production d’une équipe excède la somme des productions de ses membres pris
séparément. Le problème qui se pose, pourtant, est celui de l’évaluation et donc
la rémunération de l’effort individuel des personnes qui travaillent en équipe. Il
se crée, par conséquent, un problème de passager clandestin (free-rider) entre les
membres d’une équipe. La solution proposée par Alchian et Demsetz consiste à
introduire une tierce personne (surveillant) pour mesurer les performances
individuelles. Le problème qui se pose alors est celui de la détermination du
mécanisme de contrôle du superviseur et de la nature de ses propres incitations à
superviser. La solution proposée par Alchian et Demsetz consiste à faire du
contrôleur le créancier résiduel en lui accordant tout le profit excédentaire de la
15
A. Alchian et H. Demsetz (1972) « Production, Information Costs, and Economic Organization », American
Economic Review, vol.62, pp. 777-795. B. Holmstrom (1982) « Managerial Incentive Problems : A Dynamic
45
période. Holmstrom (1982) propose quant à lui de discipliner les membres de
l’équipe par des incitations monétaires en faisant des membres de l’équipe des
créanciers résiduels pour leurs propres décisions. Si une décision rapporte une
unité monétaire supplémentaire à l’organisation, le décideur doit recevoir cette
unité monétaire. Cependant, la non-séparabilité dans une organisation présente
des limites dans la mesure où un superviseur ne peut contrôler qu’un petit
groupe (Williamson (1975), p. 49). En outre, la supervision dans une
organisation est limitée par la possibilité de collusion entre des groupes de ses
membres. A côté des mesures incitatives utilisées par les actionnaires pour
réduire le pouvoir discrétionnaire des dirigeants, il y a d’autres facteurs externes
liés principalement aux caractéristiques des marchés.
1.3.4.2 Les mécanismes incitatifs externes
1.3.4.2.1 Le marché de travail des dirigeants
La préoccupation des dirigeants pour leurs carrières à l’intérieur et à l’extérieur
de l’entreprise constitue une limite à leur pouvoir discrétionnaire. En effet, au
sein de l’entreprise, la mauvaise performance d’un dirigeant constitue un signal
de sa capacité et de son effort, ce qui réduit ses perspectives de promotion
interne. De même, la valeur du capital humain d’un dirigeant sur le marché du
travail dépend, en grande partie, de sa réputation ainsi que de la réputation des
entreprises dont il était responsable dans le passé.
Pour formaliser ces idées, les auteurs recourent soit à la théorie des super-jeux,
soit à la théorie de la réputation en information asymétrique. Les principaux
travaux à l’origine de l’exploration de ces directions sont représentés, en effet,
par E. Fama (1980), L. Telser (1980), B. Holmstrom (1982), D. Kreps (1984), R.
Perspective », cité par J. Tirole (1988) op.cit, p. 95.
46
Gibbon (1985) et M. Wolfson (1985)16
.
D’un côté, Fama (1980) conclue que les problèmes d’incitation sont exagérés
dans la mesure où les effets de la dynamique sont généralement ignorés. Ainsi,
le marché de travail des dirigeants, aussi bien interne qu’externe, possède un
pouvoir de discipline assez important dans la mesure où une action insuffisante
de la part du dirigeant implique une faible performance, ce qui entraîne une
détérioration de la valeur de son capital humain. Le pouvoir du marché, pour
Fama, est suffisant pour discipliner les dirigeants, ce qui exclue le recours à des
incitations explicites. D’un autre côté, Holmstrom (1982) reconnaît le pouvoir
de discipline du marché de travail en affirmant qu’il peut provoquer l’effort,
mais celui-ci ne représente pas un substitut parfait aux contrats d’incitation. En
effet, les dirigeants peuvent très bien travailler durement au début de leurs
carrières jusqu’à ce qu’ils instaurent une bonne réputation ; mais par la suite, ils
vont fournir le minimum d’effort. Holmstrom ajoute également que même si les
dirigeants sont soucieux pour leurs réputations, on peut relever une divergence
entre l’objectif d’amélioration de la réputation (dirigeant) et celui de la
maximisation de la valeur de la firme (actionnaires) dans des perspectives de
dynamique telles que les décisions d’investissement. Il convient donc, selon
Holmstrom, de recourir à un contrat d’incitation pour éliminer les divergences
entre les objectifs des actionnaires et ceux des dirigeants.
1.3.4.2.2 Le marché financier
Le marché financier peut constituer un moyen considérable pour résoudre les
problèmes d’incitation des dirigeants. Parmi les arguments qui confirment cette
16
E. Fama (1980) « Agency Problems and the Theory of the Firm », Journal of Political Economy, vol.88,
pp.288-307. L. Telser (1980) « A Theory of Self Enforcing Agreements », Journal of Business, vol.53, pp. 27-
44. B. Holmström (1982) « Moral Hazards in Teams », Bell Jounal of Economics, vol.13, pp. 324-340. D. Kreps
(1984) Corporate Culture and Economic Theory, Memeo-Graduate School of Business, Stanford University. R.
Gibbon (1985) « Piece- Rate Incentive Schemes », Journal of Labor Economics, vol.5, pp. 413-429. M. Wolfson
(1985) « Empirical Evidence of Incentive Problems and their Mitigation in Oil and Tax Shelter Programs », cités
par Holmstrom et Tirole (1989) op.cit
47
proposition, on peut citer le risque des prises de contrôle (ou des OPA : Offres
Publiques d’Achats) qui peut constituer un véritable cauchemar pour le
dirigeant.
Mais avant de discuter l’effet de la crainte des OPA sur le comportement des
dirigeants, il convient de préciser les justifications des opérations de prises de
contrôle. L’une des premières explications justifiant le recours aux OPA était la
détention d’une information privée par le «raider» qui permet une amélioration
de la performance de la firme objet de l’opération. L’information privée n’est,
pourtant, pas la seule explication des OPA. Une des raisons pourrait être le fait
que le raider puisse évaluer la firme différemment pour des raisons subjectives,
ou son désir d’exploiter les actionnaires minoritaires en cas de succès de
l’opération, ou enfin le désir du raider de faire bénéficier certaines de ses
sociétés de l’opération. Généralement, le succès d’une opération d’OPA est
conditionné par la hausse de la valeur de la firme après le changement de
l’équipe dirigeante.
Plusieurs travaux (H. Manne (1965), R. Marris (1964), S. Grossman et O. Hart
(1980), O. Scharfstein (1985), J. Demski_D. Sappington et P. Speller (1987)17
)
ont avancé que l’échec dans la maximisation des profits diminue la valeur
boursière d’une entreprise et conduit les entrepreneurs extérieurs (raiders) à
acheter l’entreprise et remplacer sa direction pour la ramener vers la
maximisation des profits.
Pour que la menace de la prise de contrôle limite le pouvoir discrétionnaire des
dirigeants, il faut que ces derniers soient perdants dans une telle opération.
Cette hypothèse n’est pourtant valable que si les dirigeants sont punis à chaque
fois que leurs entreprises changent de mains. Cet argument reste, cependant, peu
17
H. Manne (1965) « Mergers and the Market for Corporate Control », Journal of Political Economy, vol.73,
pp.110-120. R. Marris (1964) The Economic Theory of Managerial Capitalism, Macmillan. S. Grossman et O.
Hart (1980) « Takeover Bids, the Free Rider Problem and the Theory of Corporation », Bell Journal of
Economics, vol.11, pp. 42-64. D. Scharfstein (1985) The Disciplinary Role of Takeovers, Mimeo, MIT. J.
Demski, D. Sappington et P. Spiller (1987) « Managing Supplier Switching », Rand Journal of Economics,
vol.18, pp. 77-97, cités par J. Tirole (1988) op.cit, p. 89.
48
plausible en raison des responsabilités limitées des dirigeants, ainsi que
l’interdiction de l’esclavage. Pire encore, les dirigeants reçoivent souvent des
parachutes dorés (golden-parachutes) lors de leur limogeage après un raid. Un
autre argument, plus plausible, pourrait être la perte de rentes dont jouissaient
les dirigeants après leur limogeage par le raider. Parmi ces rentes, on peut citer
principalement le prestige et la réputation.
Les prises de contrôle ont, cependant, plusieurs limites qui annulent leurs effets
sur le comportement des dirigeants :
1- Une OPA nécessite, généralement, de l’information coûteuse sur les
inefficiences de l’entreprise. Or, une telle opération ne peut être rentable que si
les profits espérés dépassent les coûts engagés.
2- Certains auteurs, tels que Grossman et Hart, ont soulevé un problème
potentiel de passager clandestin qui peut réduire l’incitation. En effet, les
opérations de prises de contrôle sont souvent suivies de hausses de la valeur des
actions de la firme visée par l’opération. Conscients de cette éventualité, certains
actionnaires peuvent refuser de céder leurs actions en espérant bénéficier de la
hausse des cours de leurs actions après le raid. Un tel problème, est susceptible
de remettre en cause le succès de toute l’opération. Grossman et Hart assurent,
cependant, qu’un tel problème peut être résolu par le biais de la dilution18
.
3- La résistance des dirigeants initiaux constitue, également, un frein aux effets
du risque d’une OPA. En effet, ils peuvent résister à l’opération soit par le
recours à la législation antitrust, soit par des «pilules empoisonnées» (poison
pills)19
, soit enfin par des alliances avec le raider aux dépens des actionnaires.
4- La menace de prise de contrôle peut, enfin, avoir des effets pervers. Tout
d’abord, elle diminue l’incitation des dirigeants à réaliser des investissements de
18
La dilution consiste à vendre certains actifs de l’entreprise à une autre société possédée par le raider en des
termes désavantageux pour les actionnaires minoritaires. Ces derniers peuvent, cependant, s’opposer à ce que
cette pratique soit permise sur une grande échelle. 19
Les pilules empoisonnées sont des droits préférentiels de souscription d’actions qui ne sont exercés que dans le
cas d’une OPA sur une fraction importante de l’entreprise. Ils sont en quelque sorte assimilés à un droit d’entrée
49
long terme. Elle détruit également la stabilité d’emploi des dirigeants, ce qui
peut conduire à des décisions qui sont contraires à l’intérêt de l’entreprise.
Enfin, elle empêche le développement de la confiance entre les dirigeants et les
autres employés.
1.3.4.2.3 La concurrence sur le marché des produits
Un des arguments rigoureux avancés pour défendre la concurrence est celui de
la sélection naturelle de Darwin. A long terme, toutes les entreprises non
efficientes sont condamnées à disparaître pour laisser place aux seules
entreprises ayant atteint un certain seuil d’efficience.
A cet effet, S. Winter (1971)20
a suggéré qu’une entreprise concurrentielle qui
prend des décisions inefficaces doit généralement encourir des pertes, ce qui
l’oblige à chercher de meilleures décisions pour survivre.
Hormis le souci de survie, un autre effet de la menace de faillite et de pression
concurrentielle sur les incitations de la direction provient de la possibilité de la
concurrence par la comparaison. Les actionnaires peuvent baser les rétributions
des dirigeants sur les profits des concurrents ou sur le prix du marché.
Cependant, lorsque certaines données extérieures ne sont pas disponibles, on se
trouve face à la difficulté d'observation de l’effet de la concurrence, dans le
marché du produit, sur les incitations internes.
Pour montrer que la concurrence a une influence sur le contrôle interne même en
absence de données disponibles sur certaines variables des concurrents, O. Hart
(1983)21
considère un secteur concurrentiel avec deux sortes d’entreprises : des
sociétés par actions et des entreprises individuelles. En présence d’un faible coût
marginal de production, les entreprises individuelles augmenteront leurs
que le raider doit acquitter. 20
S. Winter (1971) « Satisficing, Selection, and Innovation Remnants », Quaterly Journal of Economics, vol.85,
pp. 237-261, cité par J. Tirole (1988) Théories de l’Organisation Industrielle, Economica, p. 97. 21
O. Hart (1983) « The Market Mechanism as an Incentive Scheme », Bell Journal of Economics, vol.74,
50
productions, ce qui aura pour effet une réduction du prix du marché. Dans ce
cas, les dirigeants des sociétés par actions ne peuvent pas profiter du coût
marginal pour diminuer leurs efforts. En effet, lorsque la proportion des
entreprises individuelles augmente, les profits des sociétés par actions
deviennent moins sensibles aux incertitudes extérieures. Cela rend leur contrôle
plus facile pour les actionnaires, et entraîne moins d’inefficacité.
En guise de conclusion, on peut dire que, dans la réalité, il faut combiner
plusieurs mécanismes d’incitations pour réconcilier les intérêts des actionnaires
et des dirigeants et ramener l’entreprise à l’objectif de maximisation du profit.
Avec un tel exploit, la théorie de l’agence arrive ainsi à pallier certaines
insuffisances de la vision néoclassique de la firme par l’adoption d’un
raisonnement et d’une démarche beaucoup plus proches de la réalité des firmes
modernes. Mais, surtout par la démystification relative de la «boite noire» et la
description d’un côté non négligeable du fonctionnement de la firme. La théorie
reste, malgré tout, incapable de fournir des explications sur certains points qui
paraissent essentiels à toute théorie objective de la firme. Elle ne permet pas de
dire, par exemple, comment se prennent les décisions dans une firme, et
comment s’applique l’autorité à l’intérieur d’une hiérarchie. Or, c’est à travers la
réponse à de telles questions qu’une théorie de la firme peut démystifier le
contenu de la boite noire et décrire le fonctionnement interne d’une organisation.
D’un autre côté, la théorie de l’agence reste peu valable pour décrire la relation
d’une firme avec les autres agents économiques ainsi que sa relation avec le
marché. La restriction de ces relations à des relations d’agence serait une
réduction trop abusive de la réalité. La réponse à certaines de ces questions sera
donc apportée par d’autres théories qui adoptent des raisonnements et des
démarches qui leurs sont propres et qui tentent d'explorer d’autres directions.
pp.366-382, cité par J. Tirole (1988) Théories de l’Organisation Industrielle, Economica, p. 98.
51
1.4 La théorie des coûts de transaction
Parmi toutes les nouvelles théories de la firme, la théorie des coûts de
transaction revêt une importance privilégiée due, essentiellement, au caractère
novateur qui se manifeste dans l’approche originale qu’elle adopte et la
pertinence des questions auxquelles elle tente d’apporter des réponses.
L’originalité de l’approche se rapporte, d’une part, au choix de l’unité de base
de son analyse (la transaction), et d’autre part, à la juxtaposition de la firme et
du marché en tant que modes alternatifs permettant la coordination de la
production et l’allocation des ressources. La pertinence des questions que cette
théorie propose se rapporte, quant à elle, à l’intérêt que revêt la nature de la
firme, les raisons de sa naissance, de sa croissance et de sa taille.
1.4.1 Les coûts de transaction : origines, signification et définition
Le concept de coût de transaction est né de l’article de R. Coase en 1937 sur «la
nature de la firme», qui montre que ce sont les coûts de recours à l’échange qui
expliquent l’existence de la firme.
Cependant, on peut dégager deux visions différentes des coûts de transaction :
celle de Coase et celle de Hess. Selon Coase, la firme répond à la nécessité
d’économiser des coûts de transaction, qui sont dus au processus même de
l’échange. L’idée développée alors est que les coûts de transactions existent sur
le marché mais sont absents de la firme. La question qu’il convient de poser est
de savoir si ces coûts sont dus au processus de l’échange marchand en
particulier, ou au processus de l’échange en général. S’ils sont liés à la notion
générique d’échange, et si l’on considère que la firme est constituée de relations
d’échanges, on devrait trouver des traces de coûts de transaction également dans
la firme.
Contrairement à Coase, Hess (1983)22
montre que le marché et la firme peuvent
22
J. Hess (1983) The Economics of Organization, North Holland, cité par C. Maman (1994) « L’Organisation :
De l’Indivision vers l’Individuation en Devenir d’un Concept », Economies et Sociétés, n°12, pp. 59-88.
52
constituer des formes substitutives de l’allocation des ressources qui jouent des
rôles bien différents. Alors que le marché permet de satisfaire des intérêts
personnels parfaitement individualisés, la firme aurait pour vocation de répondre
à des objectifs collectifs à travers l’union et la coopération des participants de la
firme. La théorie néoclassique laisse, généralement, entendre que l’échange par
le marché est générateur de gains tout en occultant les coûts qui peuvent
découler de cet échange. Ces coûts peuvent se définir comme l’ensemble des
coûts spécifiques liés à la gestion du face-à-face entre deux agents économiques
individuels ou collectifs.
P. Joffre et alii (1987)23
indiquent en effet que «le coût de transaction intègre les
ressources utilisées pour concevoir et suivre le contrat portant transfert de droits
de propriété d’un individu à un autre, d’une organisation à une autre. Ces
ressources comprennent notamment le travail nécessaire à la recherche d’un
compromis, les efforts de standardisation et de certification de la qualité des
biens échangés, les honoraires des conseils chargés de s’assurer du caractère
légal des dispositions envisagées et enfin les impôts attachés à certains types de
transactions ». Ainsi, ces coûts concernent tout ce qui est lié à la structure
d’échange comme le degré de confiance des participants entre eux, les
caractéristiques de la législation, ou encore les attitudes culturelles et morales
qui conditionnent l’échange.
Les économistes qui cherchent à montrer les vertus du système marchand, en
avançant le concept de main invisible, omettent donc de préciser que le
fonctionnement de cette main invisible ne se fait qu’à un certain coût : le coût de
transaction. Dans cette logique, C. Menard (1989) 24
propose un rapprochement
avec la thermodynamique en expliquant que le système économique marchand
est consommateur d’énergie et cette consommation apparaît sous forme de coûts
23
P. Joffre et alii (1987) De Nouvelles Théories pour Gérer l’Entreprise, Economica, p. 89. 24
C. Menard (1989) « Les Organisations en Economie de Marché », Revue d’Economie Politique, n°6, cité par
C. Maman (1994) « L’Organisation : De l’Indivision vers l’Individuation en Devenir d’un Concept », Economies
et Sociétés, n°12, pp. 59-88.
53
de transaction. Pour sa part, K. Arrow (1969)25
précise que les coûts de
transaction correspondent aux coûts de fonctionnement du système économique.
Partant de l’idée que le coût de transaction est lié aux opérations d’échange et
donc aux contrats, on peut établir une classification des coûts de transaction qui
se fonde sur la naissance de ces coûts avant, au cours et après la conclusion d’un
contrat entre deux parties :
- Le premier type de coût de transaction est relatif à la mesure des attributs des
biens et services objets de l’échange. Ce coût peut se traduire par un coût
d’information, engendré notamment par les études de marché nécessaires à la
détection des besoins et à leur évaluation, ainsi qu’à la connaissance des
habitudes d’achat et de consommation des acheteurs potentiels. On peut,
également, intégrer dans cette première composante du coût de transaction le
coût par lequel le marché tenterait de réduire l’incertitude par le biais des
réglementations que P. Joffre et alii désignent par les efforts de standardisation
et de certification de la qualité des biens échangés.
- Le second type de coût de transaction renvoie aux efforts entrepris pour
éviter la propension opportuniste d’un échangiste. En effet, lorsque l’échange ne
repose pas sur une confiance validée par une relation personnalisée ou répétée, il
n’y a aucune raison pour que la recherche de l’intérêt respectif de chaque
participant à l’échange ne les pousse à chercher à abuser l’un de l’autre de façon
à en tirer profit. Ce sont, généralement, des coûts engendrés par l’établissement
des contrats liés au transfert des droits de propriété, ainsi que par le temps passé
en amont du contrat à la recherche d’un compromis, afin d’éviter les
comportements opportunistes.
- Le troisième type de coût de transaction est celui qui est induit par toutes les
procédures nécessaires au respect d’un contrat. Il faut, en effet, prévoir
l’existence d’un intermédiaire neutre susceptible de trancher de façon impartiale
25
K. Arrow (1969) The Organization of Economic Activity : Issues Pertinents to the Choice of market versus
non Market Allocation, cité par X. Gillis (1987) « La Nature de la Firme et la Théorie des Coûts de
54
en cas de désaccord. Cette tierce partie, jouant le rôle d’arbitre, peut être
assimilée à des organismes de défense des consommateurs ou encore à des
tribunaux de commerce garantissant la légalité du contrat envisagé ou signé.
Il convient de préciser que l’internalisation des transactions n’implique pas
l’élimination totale des coûts de transaction. En effet, l’organisation ne fait que
minimiser les coûts de transaction sans pour autant les faire disparaître.
1.4.2 Coûts de transaction et nature de la firme
La théorie des coûts de transaction adopte une approche contractuelle à l’étude
des organisations. Comparée aux autres théories, elle se distingue par les faits
suivants :
- Elle adopte une démarche plus microanalytique dans la mesure où elle
considère la transaction comme l’unité de base de son analyse.
- Elle adopte ses propres hypothèses de comportement qui se veulent plus
réalistes et mieux adaptées au fonctionnement du système économique.
- Elle introduit la notion de spécificité des actifs pour expliquer l’apparition
des coûts de transaction dans les relations d’échange.
- Elle est fondée sur une analyse institutionnelle qui considère le marché et la
firme comme deux institutions économiques ayant plus ou moins le même rôle
dans le système économique.
- Elle considère la firme comme une structure de gouvernance plutôt qu’une
fonction de production contrairement à la vision technologique de la firme.
- Elle utilise un raisonnement pluridisciplinaire qui combine des disciplines
aussi variées que le droit, l’économie et les théories des organisations pour
expliquer la nature et le fonctionnement d’une firme.
Les premières contributions à l’approche transactionnelle étaient apportées au
début des années 1930 par des auteurs appartenant au courant des
institutionnalistes, notamment J. Commons (1934), R. Coase (1937), C. Barnard
Transaction », Revue Française d’Economie, Hivers, 1987.
55
(1938) et F. Hayek (1945)26
. A cet effet, J. Commons était convaincu que la
transaction est l’unité de base de toute analyse économique, et que la rationalité
limitée est omniprésente et que le conflit d’intérêt entre les agents est un
phénomène naturel. Partant de ces hypothèses, Commons a adopté un point de
vue contractuel et s’est focalisé sur l’émergence d’institutions qui permettent
d’instaurer un ordre sans conflit. En mettant l’accent sur la fréquence ou la
répétition des contrats dans des conditions d’incertitude (nécessitant des
adaptations successives pour préserver l’efficience), Commons arrive à l’idée
que l’organisation est née justement pour assurer de telles adaptations.
F. Hayek (1945) adopte un point de vue similaire concernant la complexité de
l’environnement économique et la portée limitée de la rationalité humaine. Il
exprime ce point de vue dans sa tentative de dissiper l’idée selon laquelle la
planification centrale pourrait constituer une alternative réaliste au système du
marché. En effet, Hayek considère que le problème de l’ordre économique serait
trivial si l’on ne tenait pas compte de la notion de rationalité limitée. Il est donc
essentiel, selon lui, de savoir que les frontières de la rationalité existent et elles
doivent être prises en considération en conséquence.
Cependant, l’apport de R. Coase reste, sans nul doute, le plus signifiant dans la
spécification de la nature de la firme et la caractérisation de celle-ci par rapport
aux autres institutions économiques. En effet, la question essentielle à laquelle
R. Coase tentait de répondre était de savoir pourquoi, dans certains cas, on
substitue une coordination par le management à une coordination par les prix
tout en sachant que l’on se trouve dans un univers où le mécanisme des prix est
le coordinateur par excellence de l’activité économique. En répondant à cette
question, Coase était le premier à conclure que la firme et le marché sont deux
modes alternatifs de coordination de la production. En dehors de la firme, les
26
J. Commons (1934) Institutional Economics, Madison, University of Wisconsin Press. R. Coase (1937) « The
Nature of the Firm », Economica, in The Nature of the Firm : Origin,Evolution and Development, édité par O.
Williamson et S. Winter, Oxford University Press, 1991.C. Barnard (1938) Functions of the Executive,
Cambridge Mass. F. Hayek (1945) « The Use of Knowledge in Society », American Economic Review, vol.35,
pp. 519-530, cités par Williamson (1985) op.cit.
56
mouvements de prix orientent la production dont la coordination se fait par une
série d’échanges sur le marché. Au sein de l’entreprise, ces transactions de
marché sont éliminées et, à une structure compliquée d’échanges de marché, se
substitue l’entrepreneur coordonateur. Puisque le choix se fait entre la
coordination par le management et la coordination par le marché, la forme
d’organisation qui s’imposera, pour chaque transaction, sera celle qui entraîne
les plus faibles coûts de transaction. C’est exactement ce principe qui agit, selon
Coase, à l’occasion de la naissance de la firme. Elle s’impose chaque fois que
l’organisation de la production, à l’aide d’un système interne, entraîne des coûts
de transaction plus faibles que la même production dans un système de marché.
Le même raisonnement explique, selon Coase, la croissance d’une firme. Une
firme grandira aussi longtemps que les coûts de coordination internes à
l’entreprise, par l’obtention de la production resteront inférieurs aux coûts d’une
organisation par le marché. Les coûts relatifs du marché deviennent ainsi un
ingrédient essentiel à l’explication de la dimension et de la portée de la firme.
Grâce à la notion de coût de transaction, Coase parvient à éclaircir la frontière
entre la firme et le marché. Cette frontière est établie selon le principe de
marginalisme suivant : « lorsque les coûts d’organisation de transactions
supplémentaires au sein de l’entreprise sont égaux aux coûts générés par les
transactions sur le marché… »27
.
En dépit du caractère novateur de l’analyse coasienne, Coase note que son texte
de 1937 a été beaucoup cité et peu utilisé. Les raisons de cette apparente
contradiction sont explicitées par O. Williamson (1985)28
. La raison principale
en est que l’analyse porte à juste titre sur la notion de coût de transaction, mais
que celui-ci n’est pas défini de manière opérationnelle. Pour pallier à cette
insuffisance, Williamson complète l’analyse de Coase en étudiant de manière
plus précise les facteurs qui sont à l’origine des coûts de transaction sur le
27
R. Coase (1937) op.cit. 28
O. Williamson (1985) The Economic Institutions of Capitalism, New York Free Press.
57
marché.
1.4.3 Prolongements de la théorie des coûts de transaction
C’est à l’ouvrage de Williamson (1975)29
que l’on doit le plus le regain d’intérêt
accordé à l’approche des coûts de transaction durant les deux dernières
décennies. En effet, conscient du caractère peu opératoire du concept de coût de
transaction, Williamson a tenté de présenter, avec clarté, l’ensemble des facteurs
qui contribuent à la naissance de ce coût et qui lui confèrent une place
importante dans l’étude des relations d’échange. Pour y parvenir, il a adopté,
dans une première période, une approche intégrée de la théorie de la firme
(analyse micro-économique et théorie de l’organisation).
1.4.3.1 Hypothèses sur le comportement
Le coût d’échange entre deux partenaires est lié au degré de confiance propre à
leur relation qui dépend lui même de deux principes essentiels du comportement
individuel : la rationalité limitée et l’opportunisme. Ce comportement dépend à
son tour de la nature et de l’intensité des facteurs liés à l’environnement de la
transaction.
1.4.3.1.1 Rationalité limitée et incertitude-complexité
La notion de rationalité limitée a été empruntée à H. Simon (1957)30
. Elle se
rapporte, d’une part, aux limites physiques et difficultés d’un individu à stocker
et traiter l’information de manière fiable. Les limites du langage se référent,
quant à elles, à l’incapacité des individus d’articuler leurs connaissances ou
sentiments par l’utilisation des mots, des nombres ou des graphiques et schémas
pour être compris par les autres. Le problème de la rationalité limitée n’est,
cependant, intéressant que sous des conditions d’incertitude et/ou de complexité.
En effet, dans un environnement simple, les limites de la rationalité ne sont
29
O. Williamson (1975) Market and Hierarchies : Analysis and Antitrust Implications, New York Free Press. 30
H. Simon (1957) Models of Man, New York, John Wiley and Sons.
58
jamais atteintes, et par conséquent le choix institutionnel entre la firme et le
marché ne se pose pas. Par contre, lorsque les transactions sont effectuées dans
des conditions d’incertitude et de complexité, il serait très coûteux, voir
impossible, de décrire l’arbre de décision complet. La combinaison de la
rationalité limitée et de l’incertitude/complexité implique donc la multiplication
des situations de contingence et l’incapacité d’un individu de recenser toutes ces
situations de contingence.
1.4.3.1.2 Opportunisme et petit nombre
L’opportunisme s’explique par le fait que les agents économiques sont souvent
guidés par des considérations d’intérêt individuel qui vont au-delà du profit
normal de la relation d’échange. En d’autres termes, il s’agit de l’intention
d’exploiter une situation pour son propre avantage. Williamson ne suppose pas
que tout le monde se comporte d’une manière opportuniste, mais suppose que
certains agents puissent exprimer un comportement opportuniste et qu’il est
difficile, et parfois même impossible, de distinguer ex ante les agents honnêtes
de ceux qui ne le sont pas.
L’opportunisme peut s’effectuer par un filtrage ou une déformation de
l’information, mais aussi plus simplement par manquement aux engagements
pris. La propension opportuniste des individus ne suffit, pourtant, pas pour
disqualifier le recours au marché. Pour que cette propension prenne effet, il est
nécessaire que le nombre d’opérateurs en présence soit faible. Cette condition
est essentielle car une réelle concurrence permettrait d’élaborer des
arrangements de substitution qui respectent l’intérêt des parties. Autrement dit,
en présence d’un nombre élevé d’intervenants et donc d’alternatives, les agents
n’auront aucun intérêt à manifester de l’opportunisme.
En définitive, l’internalisation des transactions au sein d’une firme, à cause de
l’opportunisme, implique plusieurs avantages. Tout d’abord, les parties seront
moins disposées à tirer profit de leurs situations au détriment de la firme. Les
59
incitations à se comporter d’une manière opportuniste seront donc atténuées.
Ensuite, l’organisation interne de la firme sera mieux maîtrisée grâce à l’effet de
l’autorité. Enfin, en cas de litige, la hiérarchie sera mieux disposée à trouver des
compromis.
1.4.3.1.3 Asymétrie de l’information
L’asymétrie de l’information est, selon Williamson, une condition dérivée due
essentiellement à l’incertitude, l’opportunisme et la rationalité limitée des agents
économiques. Elle se manifeste lorsque les vraies circonstances sous-jacentes de
la transaction sont connues par une ou plusieurs parties, mais ne peuvent être
découvertes par les autres à un faible coût. A ce titre, Arrow (1969) a souligné
que l’impact de l’information sur l’allocation du risque ne dépend pas seulement
de la présence ou de l’absence de cette information, mais également de
l'inégalité de sa distribution sur les agents économiques. Williamson soutient
pourtant que l’asymétrie n’est pas le seul problème. En effet, il y a aussi la
propension opportuniste des agents lorsque ces derniers désirent tirer profit de
l’information dont ils disposent au détriment de ceux qui n’en disposent pas.
1.4.3.1.4 L’atmosphère
Williamson part de l’idée que la firme et le marché sont deux institutions
différentes et que dans chaque institution règnent des considérations différentes
pour évaluer un comportement ou une situation. Par exemple, le marché se
caractérise par plus d’opportunisme relativement à l’organisation interne. Par
conséquent, chaque transaction peut être évaluée différemment selon que l’on se
situe sur le marché ou ailleurs. La signification de la comparaison entre les deux
institutions proposées par Williamson touche à la différence des considérations
atmosphériques de chaque mode d’organisation. Ainsi, l’échange par le marché
tend plutôt à encourager la pure recherche de l’intérêt individuel de chaque
partie d’une transaction. Par contre, l’organisation interne est mieux placée pour
60
prendre en compte des considérations quasi morales des parties et atténuer leurs
aspirations purement lucratives en faveur des aspirations collectives.
Figure 1.1: Cadre des coûts de transaction
Source: Williamson (1975): p. 35.
En conclusion, et comme le montre la figure 1.1, la combinaison d’un certain
nombre de facteurs humains (rationalité limitée, opportunisme) avec certains
facteurs de l’environnement (incertitude, complexité, petit nombre) génère des
problèmes liés à l’asymétrie de l’information. En effet, dans une atmosphère
caractérisée par l’échange via le marché, la synergie des effets de tous ces
facteurs implique généralement des coûts de transaction beaucoup plus élevés
que ceux permis par l’organisation interne.
1.4.3.2 La spécificité des actifs
C’est à travers la notion de spécificité des actifs que Williamson a tenté de
donner au concept de coûts de transaction sa signification opérationnelle. En
effet, par opposition à la présentation coasienne, qui manquait de portée
opérationnelle, l’argumentation de Williamson portant sur la spécificité des
actifs revêt un caractère plus précis et plus facile à formaliser et à traduire dans
la réalité de l’échange. Quelle est donc la signification d’un actif spécifique ? Et
Facteurs
Humains
Rationalité
limitée
Opportunisme
Incertitude/
Complexité
Petit Nombre
Asymétrie de
l’information
Atmosphère Influence de
l’environnement
61
comment peut on reconnaître un actif spécifique dans la réalité ?
Dans une relation d’échange caractérisée par des transferts répétés, les
échangistes sont souvent amenés à investir dans la relation pour améliorer soit la
productivité soit les conditions d’échange. Dans un tel contexte, la spécificité
d’un actif se réfère à la difficulté de redéploiement de cet actif pour d’autres
utilisations ou pour d’autres utilisateurs. En effet, un actif est dit spécifique à
une utilisation déterminée s’il ne peut être adapté à une autre transaction que s’il
subit une réduction significative de sa valeur.
Pour illustrer le concept de spécificité d’un actif, considérons l’exemple suivant
emprunté à B. Klein, R. Crawford et A. Alchian (1978)31
: imaginons une ville
dans laquelle un éditeur veut lancer un journal local qui doit être imprimé sur
place à cause des coûts de transport. L’éditeur ne dispose, pourtant pas, de
savoir faire en impression. Il doit, par conséquent, faire appel à l’un des
imprimeurs de la ville. Cependant, aucun de ces derniers ne dispose de matériel
pour l’impression de journaux. Pour effectuer la transaction, un des imprimeurs
doit donc s’équiper du matériel nécessaire.
Pour la situer dans le langage des économies de transaction, la transaction entre
l’éditeur et l’imprimeur, si elle devait avoir lieu, serait caractérisée par la
spécificité des actifs. En effet, si l’imprimeur achète le matériel d’impression de
journaux, il pourra l’utiliser uniquement et exclusivement dans la transaction
avec l’éditeur du moment où on suppose qu’il n’y a aucun autre journal local
dans la ville, et que le coût de transport des journaux vers d’autres villes sera
très coûteux.
Mais, quelle est la relation entre la spécificité d’un actif et les coûts de
transaction ? A priori, on suppose que les transactions caractérisées par des
actifs spécifiques impliquent des coûts de transaction plus élevés. En effet,
supposons, dans l’exemple précédent que l’éditeur et l’imprimeur effectuent la
31
B. Klein, R. Crawford et A. Alchian (1978) «Vertical Integration, Appropriable Rents, and the Competitive
Contracting Process », Journal of Law and Economics, vol.21, pp. 297-326.
62
transaction sans signature au préalable d’un contrat. Dans ce cas, l’éditeur peut
manifester un comportement opportuniste à l’égard de l’imprimeur en le
menaçant de rompre la relation en vue de l’exproprier de ses quasi-rentes. Le
marché spot (transaction sans contrat ou marché au comptant) ne peut, donc, pas
régir une telle relation d’échange à cause de l’opportunisme. Pour éviter un tel
comportement, l’imprimeur peut être conduit à signer un contrat avec l’éditeur.
Cependant, la rédaction d’un tel contrat nécessite le recueil préalable
d’informations sur l’éditeur et sur son affaire. Or, de telles informations sont très
coûteuses à obtenir. La rédaction d’un contrat contingent complet s’avère donc
très coûteuse pour l’imprimeur. Une ultime solution consiste à fusionner les
deux entreprises pour n’en constituer qu’une seule. Dans ce cas, la transaction
sera ramenée hors du marché de telle sorte que l’éditeur n’aura plus d’incitation
à manifester de l’opportunisme à l’égard de son coéchangiste.
D’après cet exemple, la solution la moins coûteuse est celle de la fusion entre les
deux partenaires. La solution du marché spot, quant à elle, est inimaginable
puisqu’elle est défavorable à l’imprimeur. Enfin, la solution intermédiaire, qui
consiste à rédiger un contrat complet, peut être réalisée mais implique des coûts
de transaction plus élevés que ceux engendrés par la fusion.
La spécificité dont il est question dans cet exemple se réfère à des actifs
physiques (matériel d’impression de journaux). D’autres types d’actifs peuvent,
cependant, faire l’objet d’une telle spécificité. Williamson (1985)32
énumère,
ainsi, quatre types de spécificités d’actifs :
- Spécificité des actifs physiques : elle apparaît lorsque l’une ou les deux
parties de la transaction font des investissements en équipement et en machines
qui impliquent des caractéristiques spécifiques à la transaction. Le
redéploiement de ces actifs entraîne une baisse de la valeur productive de ces
actifs.
32
O. Williamson (1985) The Economic Institutions of Capitalism, New York Free Press, p. 105.
63
- Spécificité du site : elle apparaît lorsque le vendeur et l’acheteur sont liés par
une relation de côte-à-côte (cheeck-by-jowl) ou de proximité qui implique des
décisions ex ante minimisant les coûts de stockage et du transport.
- Spécificité de l’actif humain : elle concerne des investissements en capital
humain spécifiques à la transaction en cause. Elle est conditionnée par la notion
d’apprentissage et par les problèmes de mouvements de l’actif humain au sein
de l’équipe.
- Spécificité des actifs dédiés « dedicated assets » : elle correspond à des
investissements généraux faits par un offreur et qui ne devraient pas l’être. Ces
investissements ont pour objet d’anticiper une quantité à vendre assez
importante d’un produit à un client particulier.
Le chapitre 4 traitera davantage la notion de spécificité des actifs pour éclairer
son rôle dans le choix d’une firme entre les contrats incomplets et l’intégration
verticale.
1.4.4 Critiques adressées à la théorie des coûts de transaction
Depuis le début des années 1970, on a assisté à de nombreuses critiques
adressées à la théorie des coûts de transaction. Les principaux arguments de ces
critiques intéressent, d’un côté, les hypothèses de comportement des agents qui
incarnent un pessimisme exagéré quant à la nature opportuniste de ces agents.
En effet, la réalité économique fait preuve de nombreux types de relations
d’échanges répétés qui sont fondées sur la confiance mutuelle entre les firmes et
la recherche des intérêts communs dans un horizon de longue durée. Il suffit de
citer, à titre d’exemple, les styles de partenariats à la japonaise qui incarnent une
culture de solidarité et de coopération qui contredit clairement les hypothèses de
la théorie des coûts de transaction. En fait, la réalité économique est caractérisée
par la cohabitation de la coopération et du conflit tous à la fois.
D’un autre côté, c’est surtout le contenu opérationnel qui a suscité le plus de
64
critiques. Ainsi, Clark (1985)33
considère que la discussion, par Coase, de la
nature de la firme était essentiellement descriptive et manquait de contenu
opérationnel, faute de pouvoir fournir des hypothèses vérifiables empiriquement.
Une critique très proche a été présentée par Daems et Chandler (1981)34
pour qui
l’école des coûts de transaction a peu avancé dans la confrontation de ses
hypothèses avec le développement historique de la grande entreprise moderne.
Cependant, les principaux arguments avancés pour remettre en cause la théorie
des coûts de transaction émanent des auteurs Alchian et Demsetz (1972)35
qui
considèrent que l’article de Coase est plutôt tautologique. Ils avancent : « nous
sommes d’accord avec l’idée que, toutes choses étant égales par ailleurs, plus le
coût de transaction sur le marché est élevé, plus il y a avantage à organiser
l’allocation des ressources à l’intérieur de la firme. Cette idée est d’ailleurs
difficile à contredire ou à réfuter. Nous pourrions, pour les mêmes raisons
également, adhérer à une théorie de la firme fondée sur le coût de gestion… ».
Les deux auteurs reprochent à la théorie des coûts de transaction, d’une part, la
difficulté de formalisation dans la mesure où il est impossible de spécifier la
nature des coûts de transaction et, d’autre part, la faiblesse conceptuelle au
niveau de la dichotomie du rôle de l’autorité à l’intérieur de la firme et le rôle de
l’échange consensuel sur le marché. Concernant ce dernier point, ils avancent un
exemple qui contredit la thèse de Coase selon laquelle la firme élimine le
mécanisme des prix, en se référent au phénomène des prix de transfert qui
permet l’allocation des ressources à l’intérieur des firmes multidivisionnelles. La
frontière entre la firme et le marché, serait donc selon eux, fallacieuse du
moment où les deux institutions utilisent les mêmes mécanismes d’allocation
des ressources. En adoptant le même raisonnement, Demsetz (1991)36 reprend la
33
R. Clark (185) Industrial Economics, Blackwell Oxford, cité par Xavier Gillis (1987) « La Nature de la Firme
et la Théorie des Coûts de Transaction », Revue Française d’Economie, Hiver. 34
H. Daems et A. Chandler (1981) Managerial Hierarchies : Comparative Perspectives on the Rise of Modern
Industrial Entreprise, Harvard University Press, cité par Xavier Gillis (1987) op cit. 35
A. Alchian et H. Demsetz (1972) « Production, Information Costs and Economic Organization », American
Economic Review, vol.62, pp. 777-795. 36
H. Demsetz (1991) « The Theory of the Firm Revisited », in The Nature of the Firm : Origin, Evolution and
65
notion de coût de gestion qu’il oppose au coût de transaction et qui
correspondent respectivement au coût de fonctionnement de la firme et du
marché. Il assure que la question à poser n’est plus de savoir si les coûts de
gestion sont plus ou moins importants que les coûts de transaction, mais plutôt
de savoir si la somme des deux types de coûts occasionnés par l’internalisation
d’une opération est plus ou moins élevée que celle des mêmes coûts induits par
l’échange sur le marché. En effet, les deux modes de coordination, à savoir la
firme et le marché, engendrent à la fois des coûts de gestion et des coûts de
transaction. Il faut donc que le passage d’un mode à l’autre se fasse sur la base
de la comparaison du total des coûts des deux catégories.
Demsetz insiste, en outre, sur le fait que l’approche des coûts de transaction
néglige les coûts de production dans la mesure où elle considère que ce qui peut
être produit par une firme pourrait être produit également, avec le même degré
d’efficience, par n’importe quelle autre firme. Un tel raisonnement ignore, à tort,
les différences qui peuvent exister entre les différentes firmes. L’une des raisons
qui peuvent être avancées à cet égard réside dans le fait que la fusion de deux
firmes peut être incapable de dupliquer la somme de ce que peuvent accomplir
les deux firmes en agissant séparément. D’une part, parce que la productivité
peut être affectée par des considérations qui sont indépendantes des coûts de
transaction et de gestion, et d’autre part, parce que chaque firme dispose de
connaissances idiosyncratiques qui ne peuvent être facilement et rapidement
imitées.
Pour terminer, signalons également les critiques adressées aux prolongements de
la théorie des coûts de transaction, plus particulièrement, à la question
d’opérationnalisation du concept du coût de transaction, notamment, par les
travaux de Williamson (1975, 1985,1989), Klein, Crawford et Alchian (1978) et
Riordan et Williamson (1985). En effet, le seul lien que ces travaux conservent
avec la notion de coût de transaction est la spécificité des actifs qui est considéré
Development, édité par O. Williamson et S. Winter, Oxford University Press.
66
comme le facteur déterminant de l’apparition des coûts de transaction dans ces
travaux. Or, comme le note Coase (1987)37
lui même, ce lien reste assez faible.
Ainsi, d’après ces auteurs, la spécificité des actifs accroît la propension
opportuniste des agents, ce qui implique un accroissement des coûts de
transaction, problème qui peut être résolu soit par un contrat incomplet, soit par
l’intégration verticale sachant que ces auteurs optent pour cette dernière
solution. Or, selon Demsetz, ce n’est pas la différence des coûts de transaction
qui préside au choix de l’intégration verticale, mais plutôt la présomption que
les pertes, en présence d’actif spécifique, seraient plus élevées en cas d’échec de
l’accord. Ceci pourrait être le cas même si les coûts de transaction ne sont pas
affectés par la présence ou l’absence des actifs spécifiques.
Malgré toutes ces critiques adressées à l’approche des coûts de transaction, elle
continue à faire l’objet de nombreuses rénovations en particulier au niveau des
études empiriques. Elle constitue, également, une source d’inspiration pour de
nombreuses approches de la firme notamment la théorie des droits de propriété
et les contrats incomplets.
1.5 La théorie des droits de propriété
1.5.1 Définition et caractéristiques des droits de propriété
La caractéristique fondamentale de la société libérale, telle qu’elle a été instituée
par les premiers penseurs libéraux, est sans doute la propriété privée. Cette
condition constitue un facteur essentiel de la valorisation de l’individu dans la
société. En effet, puisque la maximisation de l’utilité de la collectivité va de
paire avec la maximisation des utilités individuelles, alors il suffit d’encourager
l’initiative individuelle pour aboutir à l’efficacité collective. Or, l’incitation d’un
individu à maximiser son utilité passe d’abord par la satisfaction de ses désirs et
37
R. Coase (1987) « The Nature of the Firm : Meaning », in The Nature of the Firm : Origin, Evolution and
Development, édité par O. Williamson et S. Winter, Oxford University Press, 1991.
67
de ses attentes à travers la reconnaissance des droits de propriété à chaque
individu membre de la société. Quelle est donc la signification d’un droit de
propriété ? Et quelles sont les propriétés que doit vérifier un tel droit ?
Dans une définition assez générale, Demsetz (1967)38
considère que « les droits
de propriété permettent aux individus de savoir a priori ce qu’ils peuvent espérer
raisonnablement dans leurs rapports avec les autres membres de la communauté,
ces anticipations se matérialisent par des lois, coutumes et mœurs d’une
société ». D’une manière plus précise, Pejovich (1969)39
précise que « les droits
de propriété ne sont pas des relations entre les hommes et les choses, mais des
relations codifiées entre les hommes et qui ont rapport à l’usage des choses ».
D’après ces définitions, les droits de propriété permettent de préciser les règles
d’usage des choses en réglementant les différentes relations des individus les
uns avec les autres. Par conséquent, deux types de droits peuvent être
distingués: des droits absolus qui sont opposables à tous et des droits
contractuels qui ne sont opposables qu’aux parties contractantes. Ainsi, la
propriété d’un bien ou d’un actif confère au propriétaire un droit résiduel de
contrôle (residual control right) qui lui permet de décider de l’utilisation de ce
bien ou de cet actif librement. Ce droit résiduel lui permet également de décider
qui sera autorisé à utiliser ce bien et qui ne le sera pas. A titre d’exemple, le
propriétaire d’une machine peut décider qui peut ou ne peut travailler sur cette
machine.
Cependant, pour qu’un droit de propriété soit efficace et reconnu par tous il faut
qu’il remplisse deux conditions :
- L’exclusivité : lorsque le droit de propriété est exclusif, un même individu
supportera les conséquences négatives et recueillera tous les profits.
- La transférabilité : les droits doivent être cessibles et transférables car
38
H. Demsetz (1967) « Towards a Theory of Property Rights », American Economic Review, vol.57, pp. 347-
358, cité par H. Berbou (1996) De la Relation Conflictuelle entre l’Actionnaire et le Dirigeant : une Approche
par la Théorie Contractuelle des Organisations, mémoire de D.E.S, Marrakech, p. 37. 39
S. Pejovich (1969) « Liber Man’s Reform Property Rights in Soviet Union », Journal of Law and Economics,
cité par C. Maman (1994) op cit.
68
l’individu ne pourra procéder à des arbitrages efficaces que s’il peut
constamment accomplir des transferts.
La cessibilité et la transférabilité des droits de propriété supposent l’existence de
marchés efficients qui génèrent des contrats qui spécifient clairement les
modalités de transfert entre les parties des contrats.
1.5.2 Les contrats incomplets
La littérature sur les contrats incomplets souligne le fait que les firmes et les
contrats sont des modes de gouvernement assez différents. Elle considère la
firme comme une façon particulière de spécifier ce qui doit être fait si des
événements contingents, qui ne sont pas prévus dans le contrat, surviennent. Elle
part de l’idée que les contrats sont nécessairement incomplets, parce que certains
événements contingents sont imprévisibles, ou parce qu’il en existe trop pour les
spécifier tous par écrit, de sorte que la minimisation du coût exige que le contrat
original ne définisse que les grandes lignes de la relation entre les parties.
Afin de pouvoir comprendre la notion de contrat incomplet, il convient d’abord
de définir un contrat complet. Dans cette perspective, Tirole (1988)40
considère
qu’« un contrat complet est un contrat qui fait dépendre les décisions
appropriées (transfert, échange, …) de toutes les variables vérifiables, y compris
les annonces éventuelles de la part des parties (concernant leur évaluation, coût,
…). Par abus de langage, on peut aussi qualifier de « contrat complet » un
contrat qui est a priori incomplet, mais qui procure aux parties les mêmes
revenus que le contrat complet optimal».
Le contrat incomplet est défini par Perry (1989)41
comme un contrat qui échoue
à spécifier :
- soit les résultats des contractants dans tous les états possibles de la nature,
40
J. Tirole (1988) Théories de l’Organisation Industrielle, Economica, p. 61. 41
M. Perry (1989) « Vertical Integration : Determinants and Effects », Handbook of Industrial Organization,
édité par R. Scmalensee et R. Willig, North Holland.
69
- soit la nature même de ces résultats.
Le premier cas survient à cause du nombre élevé des états de la nature et donc le
coût élevé qu’il faut supporter pour les énumérer. Le second cas apparaît à cause
du coût élevé que nécessite l’accord sur les résultats ou leur spécification si l’on
ne tient pas compte des états de la nature.
L’incomplétude d’un contrat peut apparaître, également, dans le cas où il est
impossible pour une tierce partie, tel un tribunal ou un arbitre, de vérifier
l’occurrence d’un état de la nature ou d’identifier les résultats. En d’autres
termes, dans le cas de « non vérifiabilité » soit de la réalisation des états de la
nature soit celle des résultats des contractants. Lorsqu’un contrat est incomplet,
on peut supposer implicitement qu’il n’est pas pertinent pour déterminer la
nature de l’échange dans le premier cas cité ou une dimension de cet échange
comme dans le second cas. Par conséquent, le contrat échouera à circonscrire la
négociation et réduira l’opportunisme des parties.
En adoptant un point de vue transactionnel, on peut dire que les contrats sont
incomplets à cause des coûts de transaction qui peuvent surgir, soit à la date de
la signature du contrat, soit plus tard. En effet, lors de la signature d’un contrat,
certaines contingences rencontrées par les parties peuvent ne pas être prévisibles
à la date de la signature du contrat. Parfois, même si ces contingences sont
prévisibles, elles peuvent être assez nombreuses pour les inclure toutes dans le
contrat.
1.5.3 Contrats incomplets et droit résiduels de contrôle
Dans le cas où il y a possibilité de prévoir toutes les contingences futures, les
parties d’une relation d’échange peuvent rédiger un contrat contingent complet
qui précise les obligations de chaque partie dans chaque situation de
contingence. Dans de telles situations, il n’y aurait aucune raison pour les parties
de modifier ou de compléter le contrat du moment que toutes les actions sont
anticipées et planifiées à l’avance. En outre, aucun litige ne pourrait surgir
70
puisque toute partie extérieure au contrat (notamment le tribunal) pourrait
déterminer, au moindre coût, laquelle des parties a failli à ses engagements, et
pourrait déterminer en conséquence les pénalités appropriées.
Dans un tel monde, il s’avère assez difficile de voir les bénéfices et les coûts de
l’intégration. A titre d’exemple, la distinction de Coase (1937) entre le mode de
prix (échange) et le mode de quantité (intégration)42. Si les coûts de transaction
sont nuls, le mode quantité peut être réalisé directement par le biais d’un
contrat : le dirigeant de B acceptera de recevoir des ordres ou des consignes du
dirigeant de A tout en représentant une firme indépendante. La firme A n’aura
pas besoin d’absorber la firme B pour atteindre les résultats de l’intégration.
En définitive, l’absence des coûts de transaction implique que les bénéfices qui
peuvent être permis par l’intégration peuvent également être réalisés par le biais
d’un contrat. L’absorption de la firme B par la firme A sera tout simplement non
pertinente (la propriété de B par A ne sera d’aucun intérêt particulier). Il
convient de noter que cet argument reste également valable si on introduit
l’asymétrie de l’information. En effet, cette dernière n’accorde aucun rôle à la
propriété à moins que les limites du contrat relèvent elles-mêmes de la structure
de propriété. En particulier, sans l’asymétrie de l’information, le contrat optimal
peut rester complet dans le sens où les obligations de chaque partie sont
spécifiées dans toutes les éventualités. Par conséquent, tous les avantages du
mode quantité peuvent être permis par le mode prix. Par exemple, si un vendeur
V d’un input dispose d’une information privée sur ses coûts, alors un contrat
optimal entre V et un acheteur A devra faire dépendre la quantité de l’input à
échanger et le prix à payer en fonction des coûts déclarés par V. Pour
encourager V à dire la vérité, le contrat devrait impliquer une certaine
42
Dans son article de 1937 , R. Coase défend la solution de l’internalisation d’une transaction en partant de
l’idée que l’avantage d’une fusion entre deux firmes A et B résulte du fait que le dirigeant de la firme A aura une
autorité sur celui de la firme B. Ainsi, si B est un employé de A, ce dernier peut lui donner des ordres. Par
contre, si A et B sont des firmes séparées, le dirigeant de A doit convaincre et persuader le dirigeant de B de
faire ce qu’il veut via l’utilisation des prix (contrat). En d’autres termes, l’intégration ramène les termes de la
relation du mode de prix au mode de quantité.
71
inefficience. Cependant, cette inefficience sera présente, quel que soit le mode
d’organisation de la transaction entre le fournisseur et le client. L’inefficience
est fonction de l’asymétrie de l’information et non de la structure de propriété à
moins que cette dernière en soit la cause. L’hypothèse qui suppose que le simple
transfert de la propriété des actifs de V à A permet à ce dernier d’observer les
coûts de l’input est donc fausse. Cependant, l’hypothèse selon laquelle les coûts
de transaction sont nuls est très loin de la réalité. Par conséquent, la possibilité
de spécifier et de rédiger un contrat complet est peu vraisemblable. Au contraire,
les parties rédigent généralement un contrat incomplet qui spécifie les actions à
entreprendre dans certaines situations de contingence qui ne sont pas
exhaustives. L’incomplétude des contrats incite donc les parties à les réviser à
cause de l’apparition d’événements non spécifiés. En outre, les différends
peuvent apparaître à propos de l’interprétation des clauses des contrats.
L’incomplétude des contrats empêche, donc, la spécification des droits qui
peuvent être conférés par la propriété d’un actif. Néanmoins, elle permet de
développer une théorie de la firme dans laquelle la propriété joue un rôle non
trivial. Une telle théorie, peut être comprise par l’introduction de la notion de
droits résiduels de contrôle. Elle part de l’idée qu’en présence de contrats
incomplets, il doit y avoir un mécanisme qui permet de combler le gap au fil du
temps.
Pour illustrer ces idées, nous reprenons l’exemple de Klein, Crawford et Alchian
(1978)43 qui se rapporte à la relation entre General Motors (GM) et Fisher
Body. Supposons que les deux compagnies ont établi un contrat initial stipulant
que Fisher fournit à GM un certain nombre de carrosseries chaque semaine.
Imaginons que GM veut que Fisher augmente le nombre de carrosseries à offrir
sachant que le contrat initial n’ait pas envisagé cette possibilité. Dans le cas où
Fisher est une compagnie séparée, GM n’a pas le droit d’exiger le surplus de
carrosseries de voitures dont elle a besoin. On dit que Fisher détient un droit
72
résiduel de contrôle. Le problème sera différent si Fisher était une subdivision
de GM. Dans ce cas, si Fisher, refuse de livrer le surplus de carrosseries, GM
n’aura qu’à licencier les dirigeants de Fisher et superviser elle-même la
production.
D’une manière plus simple, si Fisher est une firme séparée, les dirigeants
peuvent refuser d’utiliser les actifs de la firme ainsi que leur propre travail pour
la production du surplus de carrosseries. Par contre, si Fisher appartenait à GM,
les dirigeants de Fisher pourraient seulement menacer de ne pas mettre leur
travail à la disposition de GM. Dans les deux cas, les positions de renégociation
du contrat initial vont être différentes.
Un second exemple emprunté à Hart (1989)44illustre clairement l’intérêt de la
détention d’un droit résiduel de contrôle. Supposons qu’une personne (x) loue
une maison à une autre personne (y). Supposons également que la couleur de la
peinture de la maison ne plaise pas au locataire. Dans ce cas, la décision de
repeindre la maison appartient au propriétaire et non au locataire. Il se peut que
ce dernier persuade, amicalement, le propriétaire de repeindre la maison. Mais
en aucun cas, il ne peut le forcer à le faire puisque c’est le propriétaire qui
possède les droits résiduels de contrôle.
Ces exemples suggèrent que les droits résiduels de contrôle puissent être
étroitement liés à la condition et l’issue de la propriété. Ainsi, la raison pour
laquelle GM ne peut forcer Fisher à accroître sa fourniture en carrosseries est
liée au fait que l’usine de carrosseries appartient à Fisher qui est libre de la
diriger à sa guise et en fonction de son propre intérêt, sauf dans les situations
spécifiques explicitées par un contrat. Si GM absorbe Fisher, la situation serait
différente, puisque le dirigeant de GM pourrait exiger de celui de Fisher
d’exécuter ses ordres. De la même manière, dans le cas de la maison, la raison
pour laquelle le locataire ne peut exiger du propriétaire de repeindre la maison
43
Klein, Crawford et Alchian (1978) op.cit. 44
O. Hart (1989) « An Economist’s Perspective of the Theory of the Firm », Columbia Law Review, vol.13,
73
est liée, tout simplement, au fait que la maison appartienne au propriétaire et non
au locataire.
L’approche des droits de propriété considère, donc, la firme comme un
ensemble de droits résiduels de contrôle. Elle se fonde sur l’idée que la
possession d’un actif procure le droit de l’utiliser dans toutes les situations non
spécifiées par un contrat incomplet. Elle identifie, également, la firme à partir de
ses actifs autres qu’humains. Ces derniers sont en effet, exclus puisqu’ils ne sont
ni cessibles ni transférables.
A partir de ces ingrédients, la théorie des droits de propriété assure que dans un
monde de coûts de transaction et de contrats incomplets, les droits résiduels de
contrôle (ex post) seront assez importants car, à travers leur influence sur
l’utilisation des actifs, ils peuvent affecter le pouvoir de marchandage ex post et
par conséquent, le partage du surplus ex post. Le partage influence, à son tour,
l’incitation à l’investissement des acteurs dans une relation d’échange. En
particulier, la fusion de deux firmes n’implique pas automatiquement des
bénéfices dans la mesure où le dirigeant de l’entreprise absorbée n’aura pas
d’incitation à l’investissement dans la relation s’il perd ses droits de contrôle. En
outre, le changement dans le contrôle peut baisser les incitations à investir des
employés de la firme absorbée. Selon cette théorie, l’évaluation des effets de
l’intégration nécessite, non seulement, la connaissance des caractéristiques des
firmes intégrées, mais également, la connaissance de la firme qui détiendra les
droits de contrôle après l’intégration. En d’autres termes, si deux firmes A et B
s’intègrent, alors les relations de contrôle qui résultent, si c’est A qui absorbe B
seront différentes de celles qui pourraient résulter dans le cas contraire. La
théorie permet, donc, de montrer comment changent les incitations des membres
d’une firme lorsque les droits résiduels de contrôle changent de mains.
Un second exemple emprunté à Hart (1989)45illustre clairement l’intérêt de la
pp.1110-1120. 45
O. Hart (1989) « An Economist’s Perspective of the Theory of the Firm », Columbia Law Review, vol.13,
74
détention d’un droit résiduel de contrôle. Supposons qu’une personne (x) loue
une maison à une autre personne (y). Supposons également que la couleur de la
peinture de la maison ne plaise pas au locataire. Dans ce cas, la décision de
repeindre la maison appartient au propriétaire et non au locataire. Il se peut que
ce dernier persuade, amicalement, le propriétaire de repeindre la maison. Mais
en aucun cas, il ne peut le forcer à le faire puisque c’est le propriétaire qui
possède les droits résiduels de contrôle.
Ces exemples suggèrent que les droits résiduels de contrôle puissent être
étroitement liés à la condition et l’issue de la propriété. Ainsi, la raison pour
laquelle GM ne peut forcer Fisher à accroître sa fourniture en carrosseries est
liée au fait que l’usine de carrosseries appartient à Fisher qui est libre de la
diriger à sa guise et en fonction de son propre intérêt, sauf dans les situations
spécifiques explicitées par un contrat. Si GM absorbe Fisher, la situation serait
différente, puisque le dirigeant de GM pourrait exiger de celui de Fisher
d’exécuter ses ordres. De la même manière, dans le cas de la maison, la raison
pour laquelle le locataire ne peut exiger du propriétaire de repeindre la maison
est liée, tout simplement, au fait que la maison appartienne au propriétaire et non
au locataire.
L’approche des droits de propriété considère, donc, la firme comme un
ensemble de droits résiduels de contrôle. Elle se fonde sur l’idée que la
possession d’un actif procure le droit de l’utiliser dans toutes les situations non
spécifiées par un contrat incomplet. Elle identifie, également, la firme à partir de
ses actifs autres qu’humains. Ces derniers sont en effet, exclus puisqu’ils ne sont
ni cessibles ni transférables.
A partir de ces ingrédients, la théorie des droits de propriété assure que dans un
monde de coûts de transaction et de contrats incomplets, les droits résiduels de
contrôle (ex post) seront assez importants car, à travers leur influence sur
l’utilisation des actifs, ils peuvent affecter le pouvoir de marchandage ex post et
pp.1110-1120.
75
par conséquent, le partage du surplus ex post. Le partage influence, à son tour,
l’incitation à l’investissement des acteurs dans une relation d’échange. En
particulier, la fusion de deux firmes n’implique pas automatiquement des
bénéfices dans la mesure où le dirigeant de l’entreprise absorbée n’aura pas
d’incitation à l’investissement dans la relation s’il perd ses droits de contrôle. En
outre, le changement dans le contrôle peut baisser les incitations à investir des
employés de la firme absorbée. Selon cette théorie, l’évaluation des effets de
l’intégration nécessite, non seulement, la connaissance des caractéristiques des
firmes intégrées, mais également, la connaissance de la firme qui détiendra les
droits de contrôle après l’intégration. En d’autres termes, si deux firmes A et B
s’intègrent, alors les relations de contrôle qui résultent, si c’est A qui absorbe B
seront différentes de celles qui pourraient résulter dans le cas contraire. La
théorie permet, donc, de montrer comment changent les incitations des membres
d’une firme lorsque les droits résiduels de contrôle changent de mains.
1.5.4 Limites de la théorie des droits de propriété
Tel qu’il a été souligné auparavant, l’une des différences de l’approche des
droits de propriété avec celle des coûts de transaction réside dans le fait que
cette dernière suppose que l’intégration transforme une simple relation
contractuelle en une relation fondée sur l’autorité de son employeur. Or, selon
Hart (1991) 46, la notion d’autorité et celle de droits résiduels de contrôle ne
sont pas forcément contradictoires, car rien n’empêche d’étendre la notion de
droit résiduel de contrôle aussi bien à l’actif physique qu’humain.
D’un autre côté, l’approche des droits de propriété présente une importante
lacune qui se rapporte à la non distinction entre la propriété et le contrôle qui se
concentrent selon cette théorie, entre les mains de la même entité. En effet, cette
conception peut être appliquée à des petites firmes où le contrôle est concentré
76
entre les mains des propriétaires, mais ne peut être valable dans les sociétés de
capitaux qui sont caractérisées par un divorce de plus en plus marqué entre
propriété et contrôle. Cette insuffisance constitue donc une restriction de
l’approche aux seules entreprises individuelles.
1.6 Conclusion
L’étude des approches de la théorie de la firme a permis de distinguer deux
visions globales. En premier lieu, la vision néoclassique qui insiste sur la
dimension technologique de la firme et qui fonde son analyse sur deux
hypothèses fondamentales du comportement, à savoir la rationalité et le
comportement maximisateur de l’agent économique. D’ailleurs, c’est à cause du
manque de réalisme de ses hypothèses que la théorie néoclassique a suscité de
nombreuses critiques quant à sa validité, d’autant plus qu’elle ne permet pas de
décrire le fonctionnement de la firme et de démystifier, par conséquent, le
contenu de la boite noire. En second lieu, la vision contractuelle de la firme qui
insiste sur les problèmes d’incitation. Dans cette vision, la firme est considérée
tantôt comme un ensemble de relations d’agence nécessitant un ensemble de
mécanismes incitatifs qui permettent la réconciliation des intérêts des différents
membres (approche principal-agent), tantôt comme une forme de gouvernance
qui permet la coordination de la production et la minimisation des coûts de
transaction grâce à l’autorité conférée par la relation employé/employeur
(approche des coûts de transaction), tantôt comme un nexus de contrats qui
spécifient une certaine autorité dont dispose la firme par le biais des droits
résiduels de contrôle conférés par l’appropriation des actifs non humains
(approche des droits de propriété).
46
O. Hart (1991) op.cit.
77
Chapitre 2:
Intégration Verticale : Eléments de Définition, de
Délimitation et de Mesure
2.1 Introduction
Le concept d’intégration verticale pose de nombreuses difficultés quant à sa
définition, sa délimitation et sa mesure. En effet, l’intégration verticale signifie,
habituellement, la substitution de l’échange marchand par l’échange interne.
Mais cette substitution pose de nombreux problèmes relatifs à la spécificité de la
coordination de la production par l’échange interne. D’une part, l’approche
néoclassique insiste, dans sa définition de l’intégration verticale, sur la
synchronisation de la production et l’unicité du centre de décision qui ne
peuvent être permises qu’à travers un contrôle absolu sur les différents stades
verticaux. D’autre part, les approches contractuelles insistent davantage sur le
mécanisme de l’autorité et son rôle dans la coordination de la production par
l’échange marchand. Mais, au sein même, des approches contractuelles, on
trouve une grande divergence entre les adeptes de la théorie des coûts de
transaction et ceux de la théorie des droits de propriété sur la nature, l’origine et
la légitimité de l’autorité à l’intérieur d’une entreprise. Les problèmes de la
définition de l’intégration verticale expliquent en grande partie les difficultés de
délimitation de celui-ci par rapport aux autres formes de relations verticales. En
effet, l’intégration verticale proprement dite et le marché ne sont, en réalité, que
les antipodes d’un continuum de formes de relations verticales qui peuvent aller
d’une quasi-intégration ou d’un partenariat vertical au contrat à long ou à moyen
78
terme. Par conséquent, il est souvent difficile de savoir avec précision la
frontière entre l’intégration et la non-intégration. Enfin, l’ampleur des difficultés
de définition et de délimitation de l’intégration verticale conjuguées aux
problèmes d’ordre pratique compliquent également l’élaboration d’une mesure
pertinente de ce phénomène que ce soit au niveau d’une entreprise ou au niveau
d’une industrie.
2.2 Eléments de définition de l’intégration verticale
2.2.1 Définitions
Le concept d’intégration verticale est loin d’être simple et , par conséquent, a
pris plusieurs significations dans la littérature. Les définitions fréquemment
utilisées reflètent des facettes différentes de ce concept. Néanmoins, l’idée
commune à toutes ces définitions est que l’entreprise choisit parfois
d’internaliser certaines opérations au lieu de recourir à un intervenant externe à
l’entreprise. Ce choix de l’internalisation se justifie, sans aucun doute, par
l’efficience de ce mode de coordination. En des termes très simples, l’entreprise
produit elle-même ce qu’elle pourrait se procurer à l’extérieur.
A cet effet, Perry (1989) affirme qu’une firme est intégrée verticalement si elle
inclut deux stades de production de sorte que la relation entre les deux stades se
fasse de la manière suivante :
- Soit que la totalité de la production du stade amont est utilisée comme input
dans le stade aval, sachant que le besoin du stade aval en cet input peut être
satisfait totalement ou partiellement par la production du stade amont.
- Soit que la totalité des besoins du stade aval est fournie par le stade amont,
sachant que la production du stade amont est consommée en totalité ou en partie
par le stade aval.
Cette définition implique un critère très restrictif qui stipule que le volume de la
production du stade amont correspond exactement aux besoins en input du stade
79
aval. En d’autres termes, l’unité amont et l’unité aval sont respectivement
fournisseur et client exclusifs. Le cas où l’unité amont n’est pas le fournisseur
exclusif de l’unité aval ou l’inverse relève de l’intégration partielle47
.
L’intégration verticale se caractérise, donc, par la substitution de l’échange
marchand ou contractuel par l’échange interne, c’est-à-dire que les biens en
question ne transitent pas par le marché et leur transfert ne se fait pas par
référence au prix du marché. Pour mieux expliciter l’importance de l’échange
interne dans la spécification de l’intégration verticale, prenons un exemple d’une
entreprise qui opère dans deux stades de production successifs. Supposons que,
pour une raison ou une autre, la filiale amont vende la totalité de sa production à
des acheteurs indépendants. Réciproquement, la filiale aval se procure la totalité
de ses besoins chez des offreurs indépendants. Cette entreprise n’est pas intégrée
verticalement puisque les deux filiales recourent à l’échange marchand pour le
transfert du bien. On parle ici de « combinaison verticale ».
Cependant, l’échange interne ne suffit pas, à lui seul pour définir l’intégration
verticale. Cette dernière signifie également la propriété et le contrôle complet
des stades de production ou de distribution voisins. En particulier, une firme
intégrée verticalement doit disposer d’une flexibilité totale dans la prise des
décisions de production et de distribution dans tous les stades contrôlés par la
firme. Les modèles néoclassiques de l’intégration verticale insistent, en effet, sur
la manière dont diffère la prise de décision dans les entreprises intégrées et les
firmes non intégrées.
D’après Coase (1937), la différence entre la firme et le marché réside dans le fait
que la coordination de la production est assurée respectivement par
l’entrepreneur et le prix. Pour pouvoir assurer cette coordination, l’entrepreneur
dispose d’un instrument spécifique à la hiérarchie, à savoir l’autorité. Cette
dernière est précisément ce qui définit une firme puisqu’à l’intérieur d’une
47
L’intégration partielle correspond à la situation où une partie de la production de l’unité amont est vendue à
d’autres utilisateurs, et/ou une partie des besoins du stade aval est achetée à d’autres producteurs.
80
firme, les transactions résultent des instructions et des ordres du patron.
L’exercice de l’autorité est effectué par le biais de la relation
employé/employeur. Coase souligne, en effet, que la différence entre la relation
employé/employeur et celle liant deux contractants indépendants est le fait
qu’un employeur peut dire à un employé ce qu’il doit faire alors qu’un
contractant indépendant doit convaincre son partenaire de faire ce qu’il veut par
l’utilisation du mécanisme de prix.
Dans la même logique, Williamson (1985) confirme que l’intégration verticale
est étroitement liée à la nature qu’une firme peut entretenir avec le travail. Il
assure, en effet, que l’intégration verticale permet à la firme (à travers
l’embauche des travailleurs) de passer du mode d’achat des inputs à celui de leur
production. Le mode de production des inputs présente deux avantages
essentiels : d’une part, il permet la possibilité de résolution des conflits par le
pouvoir de l’autorité, et d’autre part, il permet le changement de la structure
d’information dans la mesure où il est plus facile d’auditer une division interne
de sa firme (Williamson (1975)). D’une manière plus précise, Williamson
insiste, dans sa définition de l’intégration verticale, sur la nature de la relation
entretenue par la firme avec le travail. Par conséquent, la propriété par la firme
des autres moyens de production n’est pas indispensable. Le capital requis pour
la production peut être la propriété de la firme comme il peut être loué sans que
cela puisse influer sur le degré d’intégration. Le contrôle sur la production peut
être exercé aussi bien par la location du capital que par l’appropriation de ce
capital.
En empruntant une logique différente, Grossman et Hart (1986) définissent
l’intégration verticale comme étant la propriété et le contrôle absolu des actifs.
Ces derniers ne font pas de distinction entre la propriété d’un actif et le contrôle
des droits résiduels sur cet actif. Une firme est intégrée si elle détient la
propriété des actifs qu’elle utilise dans sa production. Pour eux, la nature de la
relation de la firme avec le travail n’est pas pertinente pour distinguer
81
l’intégration verticale. En effet, les travailleurs peuvent être soit des employés
soit des travailleurs indépendants sans que cela puisse affecter le degré
d’intégration. La définition proposée par Grossman et Hart est basée sur la
notion de droits résiduels de contrôle que nous avons déjà présenté dans le
chapitre précédent. L’actif humain ne donne pas lieu à des droits de propriété
puisqu’il n’est ni cessible ni transférable. Ainsi, la propriété d’un stade de
production n’implique pas automatiquement le contrôle de l’actif humain. Par
conséquent, ce n’est pas la nature de la relation de la firme avec les travailleurs
qui caractérise l’intégration verticale, mais plutôt, le contrôle par la firme de ces
travailleurs qui en constitue l’essence. Or, il se peut, très bien, qu’une firme ne
puisse pas exercer son contrôle sur ses propres employés, comme il se peut
qu’une autre firme dispose d’un contrôle parfait sur des travailleurs
indépendants.
Enfin, Riordan (1990)48
définit l’intégration verticale comme « l’organisation de
deux stades de production successifs par une seule firme ». Un processus de
production, selon l’auteur, décrit l’ensemble des opérations techniques qui
permettent la transformation des inputs en outputs. De même, deux processus de
production sont dits successifs si l’output de l’un est un input pour l’autre.
Riordan considère la firme comme une entité légale qui détient des actifs et qui
conclue des contrats commerciaux et financiers. Par conséquent, l’organisation
d’un processus de production par une firme nécessite l’appropriation ou l’achat
des inputs requis pour la production.
La définition de Riordan suscite trois remarques :
- Tout d’abord, la firme est reconnue comme un nexus de contrats qui
gouvernent les relations de la firme avec les fournisseurs des inputs et les
clients.
- Ensuite, la définition fait la distinction entre l’organisation d’un processus et
48
M. Riordan (1990) « What is Vertical Integration ? », in The Firm as a Nexus of Treaties, édité par M. Aoki,
B. Gustafsson et O. Williamson, Sage Publications, p. 94.
82
son contrôle. En effet, le contrôle d’après Riordan, est essentiellement une
fonction managériale. Un manager contrôle un processus de production en
s’approvisionnant en inputs, en dirigeant, en régulant et en coordonnant
l’utilisation de ces inputs dans la production. L’autorité du manager reste,
pourtant, délimitée par un contrat avec la firme qui reste, malgré tout,
responsable des obligations contractuelles prises par le manager en son nom.
- Enfin, la définition de Riordan fait la distinction entre l’intégration verticale et
l’échange marchand en se référant à la nature des contrats. Ainsi, l’intégration
verticale se réfère aux contrats relatifs aux inputs amont. En revanche, l’échange
marchand fait référence aux contrats relatifs à l’output amont. D’une manière
explicite, Riordan définit l’intégration verticale amont comme un contrat passé
par la firme aval pour acheter certains inputs à la place de la firme amont. Ceci
implique que la firme qui organise le processus de production possède l’output
qui en résulte. De même, une firme aval qui s’intègre en amont détient le
pouvoir de monitoring sur l’utilisation des inputs à l’amont.
Les principaux arguments qui font, donc, le désaccord entre les différentes
définitions de l’intégration verticale se rapportent à la question de l’autorité49
et
de l’effet de l’intégration sur la structure de l’information.
L’idée de Coase qui stipule que la relation employé/employeur confère au
patron une autorité sur l’employé est partagée par plusieurs auteurs (Barnard
(1938), Simon (1951) et Masten (1988)). Ainsi, Simon souligne qu’il est plus
efficient pour un employé d’accepter l’autorité de son patron, en vue de
l’exécution d’une certaine tâche, lorsque cette exécution est favorable à
l’employeur sans pour autant être défavorable à l’employé. D’un autre côté,
Masten traite la question de la relation de l’emploi du point de vue juridique. Il
arrive à la conclusion que le traitement de la relation d’emploi coïncide
précisément avec les conclusions de Coase et de Williamson pour ce qui est des
49
L’autorité peut être conférée par le biais de la relation employé/employeur d’après Coase et Williamson ou par
la propriété des droits résiduels de contrôle selon Grossman et Hart (1986).
83
avantages de l’intégration verticale sur l’autorité et la facilité d’accès à
l’information. En effet, en s’engageant dans une relation d’emploi, tout employé
accepte le devoir conséquent de manifester son obéissance à tous les ordres et
les instructions raisonnables qui émanent de son patron. En outre, la loi accorde
à l’employeur le droit de contrôler les employés, aussi bien en termes de moyens
mis en œuvre pour effectuer un travail, qu’en termes de résultats de ce travail.
De la même manière, la loi oblige l’employé à communiquer à son employeur
tous les faits qu’il est censé connaître. De nouveau, la loi fait la distinction entre
la relation d’emploi et les transactions commerciales de manière à appuyer
clairement l’argument qui stipule que l’intégration verticale permet un meilleur
accès à l’information.
Cependant, la question de la pertinence de la relation d’emploi dans la définition
de l’intégration verticale a suscité de nombreuses critiques des théoriciens
(Alchian et Demsetz (1972), Grossman et Hart (1986) et Hart et Moore (1990)).
Pour commencer, Alchian et Demsetz tentent de réfuter l’argument de Coase en
posant les questions suivantes : de quelle garantie dispose un patron pour
exercer son autorité sur un employé ? En d’autres termes, qu’arrivera-t-il à
l’employé s’il refuse d’obéir aux instructions de son patron ? Sera-t-il
sanctionné ou poursuivi pour manquement aux termes du contrat ?
A travers leur réponse, Alchian et Demsetz confirment que le pire châtiment
qu’un employé peut subir est son licenciement. Or, cette punition est pareille
que la sanction qu’inflige un contractant indépendant à l’encontre d’un autre s’il
n’est pas satisfait de ses performances. Il n’est, donc, pas évident qu’un
employeur puisse dicter à son employé ce qu’il doit faire tout comme un client
ne puisse faire de même avec son épicier. Dans les deux cas, la désobéissance
entraîne la rupture de la relation. D’un autre côté, Grossman et Hart présentent
le même argument à la fois pour réfuter la thèse de Coase et de Williamson et
avancer leur propre définition de l’intégration verticale. En effet, pour réfuter la
thèse de l’autorité d’un patron sur son employé, ils soulignent que les actifs
84
humains ne donnent pas lieu à des droits résiduels de contrôle et, par
conséquent, l’autorité de l’employeur ne peut être exercée que sur les actifs
physiques qu’il possède et non pas sur les employés qui utilisent ces actifs.
Ainsi, la seule autorité dont dispose le propriétaire d’un bien est celle conférée
par les droits résiduels de contrôle de ce bien. Cette autorité se limite à accorder
et refuser le droit d’utilisation de ce bien aux autres individus. En plus de la
question de l’autorité conférée par la relation d’emploi, la définition de
Grossman et Hart contredit celle de Williamson sur deux autres points. D’abord,
il n’est pas évident que l’usage de l’autorité puisse résoudre les conflits. Pour
s’en rendre compte, il faut se demander sur la nature du pouvoir de discipline
dont dispose un patron comparativement à un contractant indépendant. Ainsi, le
plus grand pouvoir dont dispose un patron comparativement à un contractant
indépendant, ne peut être compris que si on se situe dans le point de vue de la
théorie des droits de propriété, surtout, si on reconnaît le fait qu’une firme est
constituée aussi bien d’actifs physiques qu’humains, et que le patron ne détient
que le contrôle des premiers. Ensuite, Grossman et Hart refusent de croire que
l’intégration verticale implique un changement dans la structure d’information.
Ils soulignent, en effet, que les différences dans la structure d’information sont
choisies d’une manière endogène et qu’elles ne sont pas conditionnées par le
choix de la forme organisationnelle.
En conclusion, aucune des définitions ne fournit à elle seule une description
complète de l’intégration verticale. Dans certains cas, la relation d’emploi suffit
pour que la firme exerce son contrôle sur les travailleurs, alors que dans
d’autres, cette relation s’avère insuffisante pour y parvenir. De même, le
contrôle des moyens de production peut s’avérer parfois suffisant pour définir
l’intégration verticale. Par conséquent, ces définitions peuvent être considérées
beaucoup plus comme complémentaires plutôt qu’opposées. Il convient alors
d’élaborer une définition qui permet la réconciliation des différents arguments
de ces définitions.
85
2.2.2 Les dimensions de l’intégration verticale
Le traitement des économistes reste, malgré tout, insuffisant pour spécifier
l’ensemble des facettes de l’intégration verticale, surtout au niveau des pratiques
de cette dernière. Afin de rapprocher la stratégie de l’intégration verticale des
dirigeants et des praticiens du management, Harrigan (1985) propose une
définition basée sur la distinction entre la stratégie d’une firme et celle d’un
domaine d’activité stratégique (Strategic Business Unit: SBU) où elle adopte
une approche dynamique et contingente qui stipule qu’une firme peut contrôler
les relations verticales sans avoir la possession complète des domaines d’activité
stratégique adjacents. Elle peut assurer les bénéfices de l’intégration sans
internalisation complète des opérations des différents domaines d’activité
stratégique.
L’approche de Harrigan inclut quatre dimensions qui caractérisent toute
stratégie d’intégration verticale.
2.2.2.1 Les stades de l’intégration
Le nombre de stades de l’intégration correspond au nombre d’étapes assurées
par la firme dans la chaîne de production. Chaque firme peut, donc, choisir un
nombre de stades particulier en fonction des considérations stratégiques qui lui
sont propres. Ainsi, à titre d’exemple, une compagnie électronique peut produire
des tranches de silicones, des masques, des composants électroniques des
ordinateurs ainsi que son propre réseau de distribution, s’engageant, par
conséquent, dans la plupart des stades de la filière électronique. A l’inverse, une
autre firme peut se contenter de s’engager uniquement dans le stade de
l’assemblage des ordinateurs (Koenig (1990), p.271). De la même façon,
certaines firmes de l’industrie pétrolière assument de nombreuses opérations
adjacentes telles que l’exploration séismique, l’oléoduc, le raffinage ainsi que la
distribution de gros et de détail des carburants, tandis que d’autres se
86
spécialisent dans l’extraction, le raffinage ou la distribution.
2.2.2.2 Etendue de l’intégration
L’étendue de l’intégration d’un domaine d’activité stratégique représente le
nombre d’activités que la firme assume à chaque niveau de la chaîne verticale.
En effet, au niveau de chaque domaine d’activité stratégique, un certain nombre
de biens intermédiaires sont nécessaires pour effectuer la production d’un bien
final. Ainsi, une firme qui fabrique elle-même les biens intermédiaires dont elle
a besoin possède un degré d’intégration latérale plus élevé qu’une firme qui se
procure ces biens chez d’autres producteurs.
2.2.2.3 Degré d’intégration
Le degré d’intégration représente la proportion de la production d’un bien
assurée par une firme au niveau d’un domaine d’activité stratégique. Une firme
est pleinement intégrée si elle produit elle-même la totalité de ses besoins en un
bien ou un service. Inversement, une firme est partiellement intégrée lorsqu’elle
recourt à des fournisseurs extérieurs pour se procurer une partie de ses besoins
en un bien déterminé. L’intégration partielle est une solution intermédiaire entre
la pleine intégration et la non-intégration. Ainsi, de nombreuses compagnies
pétrolières préfèrent, d’une part, des arrangements d’intégration partielle pour
accéder à une quantité suffisante de pétrole, et d’autre part, assurer la
distribution de gros et de détail.
2.2.2.4 Forme de l’intégration
Dans la conception classique de l’intégration verticale, une firme devait détenir
la totalité du capital d’une autre firme voisine. Or, cette situation constitue
l’extrême d’un continuum d’arrangements qui vont d’une relation de marché
pure à l’intégration complète. L’ensemble de ces arrangements intermédiaires
correspond à des formes de quasi-intégration.
87
Figure 2.1: Diagramme des dimensions d’une stratégie d’intégration
verticale
Source: K. Harrigan (1985) « Vertical Integration and Corporate Strategy », Academy of
Management Journal, vol.28, n°3, p. 397-425.
- La firme A est intégrée dans plusieurs stades de l’activité mais elle n’utilise
qu’un seul input à chaque stade (intégration latérale étroite). Elle transfère tous
a a
b b a b a a
d c b b a d c c b a
c c d c b a d c b a
c
c
b b a b a
b b a a
1
Matières Premières
2
Produits Semi-
finis
3
Composants
4
Unité Etudiée
5
Assemblage
6
Service Marketing
7
Activités de
Distribution Firme C Firme B Firme A
Légende:
: Transfert interne à la firme
: Achat ou vente à l’extérieur de la firme
a, b, c, d : Les inputs
88
les inputs sans acheter ni vendre à l’extérieur (degré d’intégration élevé au
niveau de tous les stades verticaux).
- La firme B produit quatre inputs (a, b, c, d) au troisième stade et au cinquième
stade. Elle achète, également, une partie de ses besoins en c au troisième stade et
elle vend une partie de l’input c qu’elle produit au cinquième stade. La firme a
une étendue d’intégration latérale plus élevée au troisième et au cinquième stade
relativement au deuxième et au sixième stade. Enfin, elle a un degré
d’intégration moins élevé que la firme A dans l’ensemble des stades verticaux.
- La firme C produit uniquement b et c respectivement au deuxième et au
troisième stade. De même, elle produit uniquement c au cinquième stade. Par
contre, elle ne produit aucun input au sixième et au septième stade. Elle a, donc,
un degré et une étendue d’intégration très faibles dans l’ensemble des stades.
2.3 Les relations verticales en théorie et en pratique
Il est reconnu à présent que l’intégration verticale et l’échange marchand ne
représentent que les choix extrêmes des formes d’organisation possibles. Entre
les deux extrêmes, il y a une multitude de formes organisationnelles qui
représentent des solutions intermédiaires entre l’intégration verticale et
l’échange marchand pur. Dans sa classification des différents modes de
gouvernance Williamson (1985) assure qu’à côté des institutions économiques
reconnues (hiérarchie et marché), il faut compter toutes les autres formes
hybrides qui se situent entre les deux extrêmes. Williamson explique le recours à
ces formes hybrides par les échecs du marché, d’une part, et les coûts élevés de
l’intégration verticale de l’autre.
L’examen des relations verticales est loin d’être du ressort de notre travail. Nous
nous contenterons, au contraire, de passer en revue les principaux résultats
théoriques relatifs à la question du contrôle vertical et aux effets des restrictions
verticales sur l’efficience, la concurrence et le bien-être. Ensuite, nous
présenterons brièvement les principales alternatives de l’intégration verticale
89
rencontrées dans la pratique. L’ensemble de ces alternatives répondent au choix
de la solution « faire-faire » lorsque les entreprises sont confrontées à la décision
de « faire ou faire-faire ».
2.3.1 Le contrôle vertical
2.3.1.1 Définitions des concepts de contrôle vertical et de restrictions
verticales
Dans la définition couramment retenue dans les modèles de l’organisation
industrielle, l’intégration verticale correspond au contrôle par l’entreprise
intégrée, de toutes les décisions de la structure verticale. Ainsi, « le profit intégré
verticalement » est le profit joint maximal des stades amont et aval que la
structure verticale puisse obtenir. En d’autres termes, c’est le profit agrégé de la
structure lorsque toutes les variables de décision sont observables, vérifiables et
spécifiables dans un contrat. En effet, la structure verticale, dans son ensemble,
détermine un certain nombre de variables de décisions (prix de gros, droits de
franchisage, quantité achetée par le détaillant, prix à la consommation, effort de
promotion,....) dont seulement quelques unes sont observables et vérifiables dans
la pratique appelées « instruments » dans le sens où elles peuvent servir de bases
à des transferts monétaires dans le contrat qui lie le producteur et le détaillant.
Ces transferts s’effectuent, donc, à l’intérieur de la structure verticale et influent,
essentiellement, sur la répartition interne des gains50
. D’un autre côté, on trouve
également des variables de décision qui affectent directement le profit agrégé et
qui sont appelées « objectifs »51
. Le problème de contrôle vertical est de savoir
comment utiliser les instruments pour atteindre ou approcher les valeurs
souhaitées des objectifs, c’est-à-dire les valeurs qui maximisent le profit agrégé
de la structure verticale.
Il convient de souligner, à ce niveau, qu’un fabricant qui absorbe les entreprises
50
Il s’agit par exemple du prix de gros ou des droits de franchisage qui permettent le partage des gains entre le
fabricant et le détaillant.
90
aval peut être dans l’impossibilité d’exercer un contrôle total sur ces
entreprises52
. De même, le fabricant peut avoir un contrôle complet sur les
entreprises aval en utilisant, tout simplement, des contrats adéquats spécifiant
des restrictions verticales.
L’exercice du contrôle vertical nécessite, par conséquent, le recours à des
restrictions verticales qui permettent aux fabricants d’inciter les détaillants à
choisir les décisions que les fabricants ne peuvent contrôler directement. Dans la
pratique, il y a une grande variété de restrictions qui peuvent être imposées par
un fabricant sur ses clients : prix de revente imposé, territoires exclusifs,
franchisage, exclusivité de représentation, ventes liées, restrictions sur les
quantités, etc. A défaut de pouvoir les recenser toutes, nous allons définir
brièvement quatre des restrictions les plus courantes dans la pratique et les plus
intéressantes du point de vue théorique. Pour ce faire, nous partons d’un cadre
de référence caractérisé par un fabricant détenant le monopole d’un bien faisant
face à un ou plusieurs détaillants qui revendent le bien au consommateur final.
- Le prix de revente imposé (Resale Price Maintenance): C’est une clause du
contrat dictant aux détaillants le choix d’un prix final P. Des variantes de cette
restriction sont le prix plafond ( P P ) et le prix plancher ( P P ). Le prix de
revente imposé est par conséquent un prix plancher plus un prix plafond
( P P P ).
- Le doit de franchisage (Franchising): Il correspond à l’exemple le plus direct
du principe de tarification non linéaire. Le détaillant paie alors T(Q) = A + P.Q,
avec A le droit de franchisage, P le prix unitaire et Q la quantité vendue. Il se
peut également que le fabricant applique une forme plus compliquée de tarif53
.
- Les territoires exclusifs (Exclusive territories): Cette restriction consiste à
partager le marché final entre les différents détaillants. Les territoires exclusifs
51
Il s’agit par exemple du prix de détail ou de l’effort de promotion. 52
Car dans une structure verticale, les décisions doivent être déléguées avec ou sans intégration. 53
Tel un prix complètement non linéaire ou non affine.
91
peuvent être compris soit en termes spatial ou dans le sens d’une segmentation
du marché.
Figure 2.2: Schémas des territoires exclusifs
- Les ventes liées (Tying): Cette restriction est spécifique aux biens finals dont
la production nécessite la combinaison de plusieurs inputs offerts par des
fabricants distincts. Ainsi, on parle de vente liée lorsque l’un des fournisseurs
des inputs contraint l’entreprise aval à acheter chez lui les autres inputs.
On peut distinguer deux pratiques de la vente liée. D’abord, « la vente par lots »
qui fixe les quantités des autres inputs par unité d’input du fabricant en cause.
Ensuite, « le contrat d’approvisionnement exclusif » où le fabricant demande
simplement au détaillant de lui acheter les autres inputs sans aucune contrainte
sur la quantité.
Figure 2.3: Exemple de vente liée
Il y a de nombreuses situations où les restrictions verticales peuvent être
utilisées comme une alternative à l’intégration verticale. En effet, lorsque
Fabricant de
l’input 2
Fabricant de
l’input 1
Fabricant de
l’input 2
Fabricant de
l’input 1
Détaillant Détaillant
Fabricant Fabricant
Détaillant
2
Détaillant
1
Détaillant
2
Détaillant
1
92
l’intégration est impraticable pour une raison ou une autre, les restrictions
verticales permettent la réalisation du profit intégré verticalement tout en évitant
les coûts de l’intégration. Ainsi, certaines restrictions, telles que le prix de
revente imposé et le droit de franchisage, peuvent être utilisées au même titre
que l’intégration pour éliminer la distorsion de la double marge. Il en est de
même pour la vente liée qui peut être utilisée par un monopoleur pour
discriminer par le prix entre ses clients. Enfin, l’utilisation conjointe ou non des
droits de franchisage, du prix de revente imposé et des exclusivités territoriales
permet, dans certaines conditions, d’éliminer, au même titre que l’intégration
verticale, la distorsion des proportions variables. Ces questions seront traitées
avec plus de détail dans le chapitre 4.
2.3.1.2 Restrictions verticales et efficience
D’une manière générale, il y a de nombreux facteurs qui incitent les entreprises
à exercer un contrôle vertical. Il s’agit, notamment, des problèmes de coûts de
transaction, de contrats incomplets, de droits de propriété et d’autres problèmes
qui sont déterminants, même dans un marché concurrentiel. Cependant, il existe
des motivations spécifiques au monopole dans le contrôle vertical. Ces
motivations s’expliquent par l’existence d’effets externes entre les entreprises
aval et les entreprises amont (externalités verticales) ou entre les entreprises aval
elles-mêmes (externalités horizontales). Contrairement aux tenants de cet
argument, les adeptes de l’Ecole de Chicago soutiennent qu’il n’y a pas de
motivations spécifiques au monopole et que les contrôles verticaux observés
sont destinés uniquement à améliorer l’efficacité des relations verticales du
monde réel. Par conséquent, le contrôle vertical est purement une question
interne d’amélioration du bien-être au sein de la structure verticale.
Actuellement, il y a presque une quasi-unanimité des théoriciens que les
restrictions verticales peuvent être source d’amélioration ou de détérioration du
bien-être selon les circonstances et les contextes étudiés. Mais nous croyons que
93
la question à poser n’est pas de savoir lesquelles des restrictions sont source
d’amélioration ou de détérioration du bien-être, mais plutôt, de connaître les
circonstances qui font qu’une restriction soit bénéfique ou non en termes social.
D’ailleurs, de nombreux travaux théoriques ont tenté de répondre à ces questions
en soulignant les situations les plus intéressantes du point de vue théorique
(Blair et Kaserman (1978), Mathewson et Winter (1984), Rey et Tirole (1986),
Tirole (1988), Scherer (1990) et Gal-Or (1991)).
2.3.1.2.1 Les restrictions verticales en tant que source d’amélioration du
bien-être
Comme nous l’avons souligné précédemment, l’élimination des externalités
verticales entre entreprises aval et amont est l’une des principales incitations de
ces dernières à imposer des restrictions verticales sur les premières. Afin de
mettre en évidence l’apparition de cette externalité verticale, nous nous
intéresserons à une structure verticale caractérisée par un producteur qui vend un
bien intermédiaire à un ensemble de détaillants à un prix (PW ) supérieur à son
coût marginal (c). Les détaillants prennent, ensuite leurs décisions54
sur cette
base. L’externalité verticale vient du fait que toute action qui accroît la demande
du bien intermédiaire d’un détaillant engendre un profit supplémentaire de (Pw -
c) pour le producteur. Cependant, le détaillant ne tient pas compte du profit
supplémentaire du producteur et a, par conséquent, tendance à prendre des
décisions qui conduisent à une trop faible consommation du bien intermédiaire.
Le problème revient au fait que le coût du revendeur diffère de celui de la
structure verticale. Le profit agrégé est alors inférieur au profit de l’intégration
verticale, ce qui incite le fabricant à imposer des restrictions qui permettent
d’éliminer cette externalité tout en améliorant le bien-être social.
Au moins trois situations différentes correspondent, d’après Tirole (1988), au
problème des externalités verticales. Tout d’abord, le problème de la double
54
Ces décisions peuvent être relatives au prix, à un effort de promotion ou de technologie.
94
marge dans l’exemple de deux monopoles successifs où le monopole aval
choisit un prix final plus élevé que le prix de la structure intégrée, ce qui procure
une rétraction de la demande et du profit de la structure verticale. Ensuite, il y a
le problème du risque moral en aval où le détaillant fournit un effort de
promotion (telle une livraison gratuite, un crédit ou une information avant la
vente) qui rend le bien du fabricant plus attractif pour les consommateurs. Dans
une telle situation, le fabricant souhaite encourager le détaillant pour fournir plus
d’effort de promotion. Or, en maximisant son profit, le détaillant ne tient pas
compte du surplus du profit du fabricant, et par conséquent, il choisit,
généralement, un niveau faible d’effort de promotion à cause de la distorsion de
la marge du fabricant. Enfin, il y a le problème de la substitution des inputs
lorsque les détaillants utilisent conjointement le bien intermédiaire du fabricant
et un autre input offert par un marché concurrentiel qui constitue un substitut.
Dans cette situation, les détaillants vont utiliser excessivement l’autre input au
détriment de celui du fabricant provoquant, ainsi, une contraction du profit de ce
dernier et une inefficience technologique au niveau de la qualité du bien final.
Dans ces trois exemples, la vente du bien intermédiaire, par le fabricant, à l’aide
d’une tarification linéaire entraîne une inefficience au niveau de la structure
verticale. De ce fait, l’imposition de restrictions verticales adéquates permet une
augmentation du profit de la structure verticale et une baisse du prix du bien
final. En effet, dans le cas de la double marge et du risque moral aval, le
fabricant peut choisir un prix (Pw = c) pour éliminer la distorsion de l’externalité
verticale55
. Par la suite, le fabricant peut s’approprier le profit du détaillant en
imposant un droit de franchisage égal au profit de la structure verticale. D’une
manière similaire, le fabricant peut vendre le bien intermédiaire au prix (Pw =
Pm) qui maximise le profit du fabricant et imposer ensuite le prix de détail au
niveau (P = Pm). Ainsi, le détaillant aura un profit nul mais celui du fabricant
sera équivalent à celui de l’intégration verticale. Dans l’autre cas, l’imposition
95
du prix de revente imposé ne permettra pas d’éliminer la distorsion de
l’externalité verticale liée à l’effort de promotion. Enfin, l’utilisation conjointe
de la vente liée et du prix de revente imposé par le fabricant permet au prix
relatif des inputs d’être fixé au niveau optimal. Mieux encore, lorsque le secteur
aval est concurrentiel, la vente liée s’avère suffisante pour réaliser le même
niveau d’efficience que l’intégration verticale en raison de l’absence de marge
dans ce stade.
Les restrictions verticales destinées à éliminer les distorsions verticales ne sont
pas, donc, préjudiciables au bien-être même si elles sont utilisées pour accroître
le profit du monopole. Dans de telles circonstances, le problème vient de
l’existence même d’un pouvoir de monopole et non de ses conséquences
indirectes.
Dans une moindre mesure, les restrictions verticales peuvent être utilisées, avec
succès, pour résoudre le problème des externalités horizontales qui apparaissent
entre des détaillants en concurrence. Ces externalités surgissent lorsqu’un
détaillant doit fournir aux consommateurs des informations qui permettent
d’accroître et le bien-être de ces derniers et le profit du fabricant. Ainsi, Telser
(1960)56
soutient que la concurrence des détaillants peut empêcher la fourniture
de cette information. Un détaillant qui supporte le coût de cette information doit
faire payer un prix plus élevé qu’un détaillant qui ne la fournit pas. Les
consommateurs seront, donc, incités à rendre visite au premier détaillant pour
obtenir l’information et ensuite acheter chez l’autre qui offre un prix moins
élevé. Pour encourager une offre adéquate de l’information, il faut éliminer ou
réduire la concurrence entre les détaillants. Ainsi, le fabricant doit donner aux
détaillants un droit de propriété sur leur information en les protégeant contre une
concurrence déloyale. La satisfaction de cet objectif peut être atteinte par le
55
Dans ce cas, le fabricant réalisera un profit équivalent à celui de la structure intégrée verticalement. 56
L. Telser (1960) « Why Should Manufacturers Want Fair-Trade ? », Journal of Law and Economics, vol.3,
pp.86-105, cité par Scherer (1990) Industrial Market Structure and Economic Performance, Houghton Mifflin
Company, p. 550.
96
recours aux restrictions verticales qui réduisent la concurrence (prix de revente
imposé et exclusivités territoriales). De telles restrictions améliorent
généralement le bien-être car elles permettent aux détaillants de fournir de
l’information valable aux consommateurs.
2.3.1.2.2 Les restrictions verticales et la détérioration du bien-être
Les conclusions se rapportant aux bienfaits des restrictions verticales sur le bien-
être ne sont plausibles que dans un environnement déterministe caractérisé par
l’observabilité et la vérifiabilité des variables de décision de la structure
verticale. Dans le cas contraire57
, les restrictions verticales s’avèrent
insuffisantes pour améliorer le bien-être social. Cette conclusion est valable dans
le cas des externalités verticales lorsqu’il y a présence d’incertitude sur la
demande finale ou sur le coût de distribution du détaillant. En effet, les
restrictions verticales ne donnent pas la possibilité au détaillant (supposé
risquophobe) de refléter les variations aléatoires (de la demande ou du coût de
distribution) dans la valeur du prix final. Par conséquent, le détaillant sera
amené à supporter tout le risque associé à ces variations. Ensuite, la même
conclusion s’applique au cas des externalités horizontales. En effet, en présence
d’incertitude et d’information asymétrique, les restrictions anticoncurrentielles
présentent certains inconvénients car il se peut que ces restrictions ne permettent
pas l’utilisation efficace de l’information détenue par les détaillants. De même,
il se peut qu’elles donnent aux détaillants un niveau d’assurance inadéquat. Dans
ce cas, la concurrence entre les détaillants peut alors devenir une option
profitable pour le fabricant58
. Dans certains cas, les détaillants en concurrence
57
En présence d’incertitude, d’aversion pour le risque et d’information asymétrique. 58
Deux arguments sont avancés par Tirole (1988) en faveur de la concurrence entre les détaillants. Le premier
argument tient aux propriétés fortes d’assurance de la concurrence. En effet, s’il y a des changements du coût de
distribution ou de la demande qui sont défavorables au détaillant, alors les autres détaillants seront touchés de la
même manière et ils réagiront en augmentant leurs prix ou en diminuant leurs services d’information. Une telle
réaction aura pour effets un accroissement de la demande du détaillant et limite sa perte de profit.. Le second
argument tient au caractère destructeur de profit de la concurrence. Ainsi, en empêchant les détaillants de faire
des profits, la concurrence ne les expose pas au risque.
97
peuvent faire pression sur un fabricant pour imposer des restrictions verticales
permettant de limiter leur concurrence et d’accroître leur profit. De telles
restrictions n’impliquent pas une amélioration de l’efficacité de la structure
verticale puisqu’elles sont justifiées, uniquement, par le désir des détaillants
d’accroître leurs profits en réduisant la concurrence entre eux. Il est, donc,
généralement admis que les restrictions imposées par un cartel de détaillants
sont nuisibles en termes de bien-être social.
D’une façon similaire, un fabricant peut utiliser les restrictions verticales pour
limiter la concurrence dans le stade amont. En effet, en imposant aux détaillants
des contrats d’exclusivité à long terme, le fabricant peut instituer des barrières à
l’entrée à l’encontre des concurrents potentiels en les forçant à instaurer leurs
propres réseaux de distribution s’ils décident d’entrer au marché. D’un autre
côté, Telser (1960) et Posner (1977) soutiennent que le prix de revente imposé
peut aider des fabricants en concurrence à entretenir une collusion en réduisant
l’efficacité des baisses secrètes du prix de gros.
En conclusion, nous pouvons dire que les restrictions verticales peuvent être
source d’amélioration du bien-être et de l’efficience économique, comme elles
peuvent être source d’inefficience. En effet, lorsque ces restrictions sont utilisées
pour éliminer les distorsions de monopole, leurs effets sont souvent bénéfiques
pour le bien-être social puisqu’elles permettent d’améliorer l’efficacité du
fonctionnement des marchés et de corriger les dysfonctionnements des
structures monopolistiques. En revanche, lorsque le recours aux restrictions
verticales est justifié par la réduction de la concurrence et le renforcement du
pouvoir de monopole, elles sont souvent inefficientes du point de vue social. La
seule attitude qu’il faudrait prendre à l’encontre de ces restrictions serait de
procéder à un jugement au cas par cas et l’établissement d’une classification
précise de toutes les circonstances dans lesquelles chacune de ces restrictions
s’avère préjudiciable au bien-être.
98
2.3.2 Les politiques d’Impartition
Le Petit Larousse Illustré définit l’Impartition comme étant « le fait pour un
producteur de se procurer à l’extérieur des biens matériels ou des services au
lieu de se les assurer par ses propres moyens ». En se basant sur cette définition,
et sur le sens étymologiques du terme, Barreyre (1992) précise « qu’il y a ainsi
Impartition lorsqu’une entreprise, placée devant le choix de faire ou faire-faire59
,
opte pour le second terme de l’alternative et ainsi délègue à une firme partenaire
une partie de son système global d’activités ».
2.3.2.1 Evolution de l’environnement et essor des politiques d’impartition
L’essor des politiques Impartition peut être expliqué par les énormes
changements de l’environnement économique, technologique, organisationnel et
réglementaire qu’a connu le monde durant la deuxième moitié de ce siècle. Ces
changements ont eu un effet considérable sur la vision qu’ont les entreprises sur
leur environnement et la politique qu’elles doivent mener pour s’adapter à ces
mutations. Les politiques d’impartition s’inscrivent, donc, dans une dynamique
imposée par un environnement complexe, instable et imprévisible qui requiert
de la part des entreprises plus de flexibilité et de rigueur en matière de stratégie
et de management. Dans ce sens, les entreprises étaient amenées à faire preuve
de beaucoup de créativité en matière d’innovations organisationnelles, ce qui a
donné naissance à un ensemble de formes organisationnelles au niveau des
différentes relations verticales allant au delà du simple choix entre l’intégration
verticale au sens strict et la non-intégration.
Parmi les facteurs les plus déterminants ayant participé à l’essor des différentes
politiques d’impartition, nous citons :
- Le changement technologique rapide et l’obsolescence accentuée des procédés
59
L’expression « faire ou faire-faire » est similaire à l’expression anglo-saxonne « make or buye ». Elle a été
utilisée pour la première fois par Barreyre dans son ouvrage : L’Impartition: Politique pour une Entreprise
99
technologiques et organisationnels qui entraînent une dépréciation accélérée des
investissements capitalistiques et du savoir-faire de l’entreprise. Ces mutations
exigent de la firme une mobilisation accrue de ses moyens financiers et humains
à l’innovation dans toutes ses composantes.
- La complexité de l’environnement de l’entreprise et la discontinuité de son
évolution dans le court terme et de mobilité stratégique dans le long terme.
- La difficulté, de plus en plus croissante, de maintenir un niveau de rentabilité
élevé dans le contexte de crise qui exige de l’entreprise la minimisation du
gaspillage dans toutes ses formes et l’optimisation de sa politique
d’investissement.
- L’intensification de la concurrence au niveau mondial qui implique une lutte
continue de l’entreprise pour l’amélioration de la productivité et le renforcement
de sa position compétitive.
2.3.2.2 Champ d’application
Il est difficile de recenser l’ensemble des pratiques qui rentrent dans le domaine
des politiques d’impartition. En revanche, on peut dresser une taxinomie des
critères qui régissent l’ensemble de ces relations. Nous pouvons, donc, les
classer selon :
- La position du partenaire sur la chaîne verticale : le partenaire peut être un
client (Impartition aval), ou fournisseur (Impartition amont), ou un concurrent
(Impartition latérale).
- La durée de la relation : d’impartition d’une activité par une entreprise peut
être occasionnelle en réponse à des aléas créant des besoins imprévisibles,
comme elle peut être durable dans le temps pour satisfaire des besoins habituels.
- Le degré d’impartition : l’entreprise peut impartir à son partenaire la
satisfaction de la totalité de ses besoins (Impartition totale), comme elle peut lui
impartir la satisfaction partielle de ses besoins (Impartition partielle).
Compétitive, Hachette, 1968.
100
- La dépendance stratégique vis-à-vis du partenaire : elle dépend de la possibilité
pour l’entreprise « impartitrice » de changer de partenaire sans que cela
implique des coûts élevés pour elle. Cette dépendance dépend essentiellement de
la spécificité de l’activité objet d’impartition.
- Le degré de l’interaction entre l’entreprise impartitrice et son partenaire qui
dépend de l’intensité de la compétition entre les deux en matière de transfert de
technologie, d’échange d’expérience et de savoir-faire. Certaines opérations
d’impartition ne requièrent aucune forme de coopération entre les partenaires
(telles que les accords de sous-traitance classiques), d’autres nécessitent, au
contraire, une coopération effective entre les partenaires (c’est le cas, par
exemple, de l’impartition d’opérations de recherche-développement).
- Le contrôle du partenaire qui peut être technique, administratif ou financier. La
nature du contrôle exercé par l’entreprise impartitrice sur son partenaire dépend
du poids de cette entreprise, de la durée de l’opération, de sa technicité et de son
importance stratégique.
Les motifs et la nature de la politique d’impartition diffèrent d’une entreprise à
une autre et d’un secteur d’activité à un autre. Certaines industries recourent, en
effet, davantage à l’impartition que d’autres en raison des spécificités
technologiques, commerciales, logistiques ou autres. C’est le cas, par exemple,
des industries de l’aviation, des industries électroniques, des industries textiles...
Les activités susceptibles d’être imparties, au sein d’une entreprise, intéressent
l’ensemble des fonctions organisationnelles de cette entreprise. Une entreprise
peut, en effet, impartir des activités relevant de:
- La fonction commerciale : publicité, ventes, services après vente, opérations
d’export, ...
- La fonction technique : fabrication, logistique de production, maintenance,
contrôle de qualité, ...
- La fonction de personnel : recrutement, formation, recyclage, gestion des
litiges...
101
- La fonction administrative et financière : traitement de données,
comptabilité....
Ainsi, une politique d’impartition peut donner lieu à des modalités très variées
de relations verticales.
2.3.2.3 La sous-traitance : une forme d'impartition
Recouvrant une grande variété de situations et utilisée dans diverses professions,
la notion de sous-traitance a donné lieu à des interprétations plus ou moins
extensives, voir même contradictoires. Cependant, de nombreux impératifs ont
imposé une normalisation de la terminologie de base en usage. Une définition
rigoureuse des concepts fondamentaux, faisant l’objet d’un consensus, s’est
avérée indispensable, ne fût-ce que pour des raisons d’ordre juridique ou
d’interprétation comptable.
2.3.2.3.1 Définition
La définition la plus précise mais aussi la plus restrictive de la sous-traitance est
celle qui la considère comme étant « l’opération par laquelle un entrepreneur
confie, par un sous-traité et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée
sous-traitant tout ou partie du contrat d’entreprise ou du marché public conclu
avec le maître d’ouvrage »60
. Cette définition se réfère au cas où le client final,
appelé en l’occurrence maître d’œuvre, est identifié : il s’agit, par exemple,
d’une collectivité publique qui fait construire un hôpital ou d’une société privée
qui commande un matériel ou une machine. Le maître d’ouvrage traite l’affaire
avec une entreprise principale qui sous-traite à son tour l’opération.
Dans le domaine industriel, la commission AFNOR61
définit la sous-traitance
comme « toutes les opérations de conception, d’élaboration, de fabrication, de
mise en œuvre ou de maintenance du produit en cause dont l’entreprise dite
60
Définition retenue par la loi du 31 décembre 1975 qui complète l’article 1799 du code civil français 61
Association Française de la Normalisation. comptable qui réunit de nombreuses grandes branches
102
donneur d’ordres confie la réalisation à un sous-traitant ou preneur d’ordres tenu
de se conformer exactement à ses directives ou spécifications techniques ».
L’attribut caractéristique de la sous-traitance, qui la différencie des autres
formes voisines d’impartition tient au fait qu’elle implique une relation de
subordination: le sous-traitant exécute une prestation selon les directives du
donneur d’ordres conformément à des normes que celui-ci impose.
2.3.2.3.2 Sous-traitance de capacité ou de spécialité
On parle de sous-traitance de capacité lorsque le donneur d’ordres, ayant le
savoir-faire et l’équipement pour exécuter la tâche ou le produit considéré, a
recours à une autre firme, soit de manière conjoncturelle, soit encore de façon
habituelle dans une relation structurelle. D’un autre côté, on parle de sous-
traitance de spécialité lorsque le donneur d’ordres fait appel à une firme
disposant d’une compétence et d’un équipement adéquat, qu’il ne possède pas
lui-même, soit parce qu’il serait dans l’impossibilité d’acquérir un tel potentiel,
soit parce qu’il renonce à procéder aux investissements correspondants pour des
raisons relevant de sa vision stratégique.
2.3.2.4 Les nouvelles formes de partenariats verticaux
2.3.2.4.1 Définition
Les partenariats verticaux associent des entreprises opérant dans deux secteurs
successifs au sein d’une même filière de production. Les entreprises partenaires
sont donc fournisseur et client l’une de l’autre. Pour illustrer ce type de
relations, on peut citer l’exemple d’association de Thomson et Aérospatiale
(Dussauge et Garette (1995)). En effet, pour équiper les hélicoptères et les
avions qu’elle développe, Aérospatiale avait besoin d’équipements
électroniques. Pour se procurer ces équipements, elle avait le choix de les
professionnelles concernées et divers experts.
103
fabriquer elle-même ou les commander auprès d’un fournisseur indépendant.
Devant ce choix, elle a adopté une solution intermédiaire consistant participer à
la conception de ces équipements et les produire en association avec l’un des
fournisseurs possibles. Pour ce faire, Aérospatiale a crée avec Thomson une
joint-venture à qui elles ont donné le nom de « Avionique Sextant » et dont le
capital était partagé à part égale entre les deux groupes.
Le partenariat vertical est donc une alternative à la fois de simples transactions
entre fournisseurs et clients et à une intégration verticale complète. Il constitue
une forme d’intégration partielle puisque l’entreprise ne s’en remet pas
entièrement à des fournisseurs extérieurs pour s’approvisionner, mais ne tente
pas non plus de devenir producteur autonome dans le secteur d’activité de ses
fournisseurs.
2.3.2.4.2 Les origines du partenariat vertical
Le partenariat vertical en tant que mode d’organisation est né dans l’industrie
automobile. Au début du vingtième siècle, les américains Ford et Sloan
remplaçaient la fabrication artisanale par la production de masse. A partir des
années 50, les japonais de chez Toyota inventèrent la production au « plus
juste » et le toyotisme. Ces méthodes ne furent adoptées en occident que plus
tard. Les pratiques industrielles dans l’esprit du toyotisme ne reposaient ni sur
une production de masse, ni sur une division taylorienne du travail. Les
responsables d’entreprises se réfèrent à des notions telles la production au plus-
juste, l’économie de variété et les structures flexibles. Le principe de cette
organisation semblait simple: en assemblant des sous-ensembles conçus et
fabriqués par des fournisseurs spécialisés, on obtenait des niveaux supérieurs de
qualité avec une rentabilité économique plus élevée des produits finals sans
avoir recours à une production de masse. En revanche, le principe de la
production de masse se basait sur la standardisation de la production des sous-
ensembles et des produits et la réalisation des économies d’échelle et
104
d’apprentissage. Ce système qui était à l’origine de la puissance industrielle
occidentale, se trouve inadapté face à une demande de plus en plus exigeante en
qualité et en variété. En effet, en production de masse, l’objectif de volume
prime sur celui de la qualité. Le mot d’ordre est de ne jamais arrêter la chaîne.
2.3.2.4.3 Principes du partenariat vertical
Tel qu’il a été institué par les japonais, le partenariat vertical repose sur trois
principes :
- Les fournisseurs sont organisés en pyramide. On trouve au sommet le donneur
d’ordres. Au premier rang se trouvent les fournisseurs associés au maître
d’œuvre dès la phase de conception du produit. Chacun de ces fournisseurs
dispose à son tour d’un réseau de fournisseurs de second rang qui s’adressent à
leur tour à des fournisseurs de troisième rang. Plus le rang d’un fournisseur est
élevé, plus les tâches confiées sont élémentaires.
- Le maître d’œuvre prend une participation minoritaire dans le capital de
chacun de ses fournisseurs de premier rang qui reproduisent cette relation avec
les entreprises de rang inférieur. Un tel lien protège le client contre d’éventuels
comportements opportunistes de la part de ses fournisseurs. De plus, comme
tous les fournisseurs de même rang ont leur client pour actionnaire commun,
cela les incite à collaborer entre eux plutôt qu’à se livrer à une lutte fratricide
pour l’obtention du marché.
- Les fournisseurs d’un même maître d’œuvre sont organisés en Kyoryo Kukai,
c’est-à-dire en club d’entreprises qui échangent entre elles du personnel, des
informations et des technologies. La force de ce système tient au fait que tout en
restant indépendants, les fournisseurs se sentent durablement liés à leur maître
d’œuvre.
Dans le système de production au plus-juste, la fixation du prix ne se fait plus
sur la base du coût du fournisseur mais sur celle du prix du marché. Autrement
dit, à partir d’un prix de vente cible, le maître d’œuvre recherche avec son
105
fournisseur de premier rang la meilleure manière d’atteindre ce prix, tout en
laissant à ce dernier une marge bénéficiaire. Ensemble, ils appliquent la méthode
du « Kaizan »: ils décomposent les coûts de chaque étape et isolent les sources
d’économies successives. Lorsque celles-ci sont le fait d’une action conjuguée
entre le donneur d’ordres et le fournisseur, les gains sont partagés. Par contre,
toute économie rendue possible par l’action du fournisseur lui revient de droit.
La transparence est de rigueur et ce système incite à une réelle coopération.
C’est ce mode de coordination qu’on a qualifié de partenariat. Ainsi, un
partenariat entre un client et son fournisseur est un contrat résultant d’un choix
stratégique de deux parties qui établit des relations fondées sur un partage des
tâches et des responsabilités pour atteindre un objectif commun.
2.3.2.4.4 Modalités d’instauration d’un partenariat vertical
Construire des partenariats verticaux efficaces et durables repose sur deux
préalables fondamentaux : L’analyse du portefeuille d’achat de la firme cliente
pour identifier les composants qui méritent de faire l’objet d’un tel partenariat,
et sélection de partenaires fiables capables de fournir au mieux ces composants.
2.3.2.4.4.1 Analyse du portefeuille des produits
Pour sélectionner les produits qui feront l’objet d’un partenariat, l’entreprise doit
se livrer à une analyse rigoureuse de son portefeuille d’achats. Ce portefeuille
peut être conçu à partir des axes suivants :
- L’intensité de la concurrence entre les fournisseurs qui dépend du nombre de
fournisseurs potentiels.
- Le poids de l’acheteur qui dépend de la part du chiffre d’affaires qu’il
représente pour le secteur fournisseur.
Le croisement de ces deux critères permet de distinguer quatre catégories de
produits dans le portefeuille d’achats :
1. Les produits à faible impact incorporant une technologie banale et maîtrisée
106
par un grand nombre de fournisseurs. De plus, l’acheteur a peu de poids dans la
négociation. La relation client-fournisseur doit donc se limiter à des procédures
traditionnelles d’achats où la négociation porte uniquement sur le prix et le
volume.
2. Les produits goulots qui sont des produits proposés par un nombre restreint de
fournisseurs spécialistes et achetés par des clients qui ont peu de poids. Le
fournisseur est donc en position de force. Même si le client désire rechercher un
partenariat pour se protéger, le fournisseur ne l’acceptera pas.
3. Les produits à fort potentiel de marge qui sont spécifiques au client mais dont
la production est bien maîtrisée par un grand nombre de fournisseurs. Dans ce
cas, l’acheteur a intérêt à opter pour la sous-traitance classique.
4. Les produits stratégiques: qui nécessitent du savoir-faire particulier de la part du
fournisseur et sont spécifiques au client. C’est dans ce cas seulement que le partenariat
apparaît comme la solution adaptée.
Figure 2.4: Portefeuille d’achats
Inte
nsi
té d
e la
con
curr
ence
Elevée
1
Produits à faible impact
3
Produits à fort potentiel de
marge
Faible
2
Produits goulots
4
Produits stratégiques
Faible Elevé
Poids de l’acheteur Source: Dussauge et Garette (1995) Les Stratégies d’Alliances, Editions
d’Organisation, p. 105.
2.3.2.4.4.2 Sélection des partenaires
Les critères habituellement utilisés pour choisir un fournisseur sont insuffisants
107
pour s’associer à un partenaire stratégique. En effet, ces critères sont, en général,
des indicateurs quantitatifs (niveau de stock sur chiffre d’affaires, temps de
chargement de fabrication, distance séparant le fournisseur des usines du
client...), garantissant seulement l’efficacité du fournisseur. Or, les meilleurs
fournisseurs en termes de performance économique ne sont pas forcément les
meilleurs partenaires en termes de qualité de la relation. Par conséquent, il faut
compléter l’analyse par des indicateurs qualitatifs permettant d’apprécier le
potentiel probable de la relation. Parmi ces éléments, on peut citer :
- L’organisation interne de la firme fournisseur
- Le degré de confiance mutuelle entre les partenaires
- La volonté de réaliser des investissements conjoints
- La complémentarité des approches stratégiques
- La volonté de faire progresser la relation
Il faut, donc, souligner qu’un bon partenaire doit être compétitif et cherche à
s’engager à long terme dans la relation. De plus, les critères de choix d’un
partenaire sont très qualitatifs et, donc, très difficiles à cerner et à apprécier.
Pour effectuer ce choix en connaissance de cause, le donneur d’ordres doit
apprendre à connaître ses partenaires potentiels.
2.4 Mesure de l’intégration verticale
2.4.1 Mesure des transferts internes
La littérature sur la mesure de l’intégration verticale s’est développée
indépendamment de la littérature théorique de l’organisation industrielle. La
raison est, sans doute, liée au fait que la littérature théorique s’est préoccupée
davantage par les exemples de l’intégration au sein de structures déterminées,
tandis que la grande question posée par les études empiriques était la tendance
de l’intégration verticale dans les différentes industries.
Les premières tentatives de mesure de l’intégration verticale se situent dans
108
l’esprit d’une approche qui mesure les quantités transférées à l’intérieur d’une
firme opérant dans deux stades de production successifs. La mesure de ces
transferts peut être quantifiable dans certaines industries. L’exemple le plus
connu est le ratio d’autosuffisance utilisé pour mesurer l’intégration en amont
des compagnies de raffinage dans la production du pétrole brut (Perry (1989)).
Cependant, vue la difficulté d’obtenir une information sur l’échange interne et
sur l’échange par le marché d’une firme, d’autres mesures s’étaient développées
en utilisant des informations relativement disponibles, telles que les mesures
basées sur l’équipement ou l’emploi.
2.4.1.1 Mesure de l’équipement
Dans une étude pionnière sur la taille des entreprises dans l’industrie textile
britannique, Chapman et Ashton (1914)62
avaient classé les entreprises de
textiles en choisissant un indice sur l’équipement qu’elles utilisent dans le
processus de production. Pour ce faire, ils ont distingué deux stades de
production différents utilisant chacun un équipement spécifique. Il s’agissait du
stade de la filature qui utilise les fuseaux et le stade du tissage qui se servait des
métiers à tisser. Ensuite, ils ont examiné la distribution de la taille des
entreprises sur la base des nombres de fuseaux et de métiers à tisser qu’elles
utilisent. Les résultats des deux auteurs ont montré qu’il y a trois types
d’entreprises dans l’industrie textile :
- Les entreprises qui font la filature et le tissage (entreprises intégrées
verticalement dans les deux stades de production).
- Les entreprises qui ne font que la filature (entreprises spécialisées).
- Les entreprises qui ne font que le tissage (entreprises spécialisées).
L’étude a révélé également que le transfert de la production entre les deux stades
verticaux est assuré grâce à un ratio typique du nombre de fuseaux et de métiers
62
S. Chapman et T. Ashton (1914) « The Size of Business Mainly in the Textile Industries », Journal of the
Royal Statistical Society, vol.77, p. 469-549, cités par Perry (1989) op.cit.
109
à tisser nécessaires. Ce ratio permet, en effet, l’adéquation de l’input du stade
amont (filature) aux besoins du stade aval (tissage).
La mesure de Chapman et Ashton est, cependant, incapable de refléter les
transferts internes puisque les données utilisées correspondent aux stocks
d’équipement des firmes et non aux quantités de fil transférées du stade de
filature à celui du tissage.
2.4.1.2 Mesure de l’emploi
Contrairement à Chapman et Ashton, Gort (1962)63
avait proposé une mesure de
l’intégration verticale sur la base de l’affectation de l’emploi dans une firme.
Gort distingue, ainsi, dans chaque firme une activité principale et des activités
auxiliaires. L’activité principale dans une firme est celle qui utilise le plus grand
effectif d’employés.
Le ratio proposé par Gort se présente sous forme de rapport entre l’effectif des
employés dans les activités auxiliaires et l’effectif total employé par la firme :
firme la de total Effectif
firme la de sauxiliaire activités les dans EffectifIG
L’étude de Gort a révélé que l’industrie pétrolière venait en tête des industries
intégrées verticalement avec un ratio qui montre que les deux tiers des employés
opèrent dans les activités auxiliaires (l’activité principale de l’industrie
pétrolière est le raffinage).
Le ratio de Gort présente une grande similitude avec le rapport de diversification
avec une différence dans la définition et l’identité d’une activité. En effet, le
rapport de diversification retient une définition de l’activité dans un contexte
congloméral (dimension horizontale ou verticale), tandis que la définition de
Gort renvoie uniquement à la dimension verticale d’une industrie. La
comparaison des deux indices confirme la proposition de certains auteurs qui
63
M. Gort (1962) Diversification and Integration in American Industry, Princeton University Press, cité par
Perry (1989) op.cit.
110
considèrent que l’intégration verticale n’est qu’un cas particulier de la
diversification au sens large (Lecaillon (1988)).
Cependant, la mesure par l’emploi suscite les mêmes critiques que la
précédente. Les deux indices sont, en effet, incapables de mesurer les transferts
internes entre deux stades de production verticaux. Ceci n’empêche pas de
souligner que ces mesures restent mieux appropriées aux modèles transactionnel
et technologique de l’intégration verticale (Perry (1989)).
2.4.2 Etendue de la participation d’une firme dans les différents stades
2.4.2.1 Mesure de la tendance de l’intégration verticale
Livesay et Porter (1969)64
se sont intéressés aux grandes entreprises industrielles
américaines. Ils ont pu distinguer celles qui sont intégrées en amont dans
l’extraction des matières premières et celles intégrées en aval dans la
distribution de gros ou de détail.
La classification de Livesay et Porter s’avère, cependant, incapable de spécifier
la limite entre l’intégration partielle et la pleine intégration. En outre, si
l’étendue d’intégration d’une industrie est mesurée par le pourcentage des firmes
de cette industrie qui opèrent dans les autres stades de production verticaux,
alors l’effet des petites entreprises sera surestimé relativement aux grandes
firmes. Ils soulignent, pourtant, que les variations des niveaux d’intégration dans
les groupes d’industries ne dépendant pas de la taille des entreprises qui en font
partie. Les auteurs ont par ailleurs trouvé que, sur la période 1899-1948, il y
avait une tendance nette de certaines industries vers l’intégration aval dans le
commerce de gros. Ils ont noté également la tendance vers l’intégration aval
dans le commerce de détail, de l’ensemble des groupes industriels qui sont liés à
l’industrie automobile (pétrole, caoutchouc et transport d’équipements).
64
H. Livesay et P. Porter (1969) « Vertical Integration in American Manufacturing », Journal of Economic
History, vol.27, p. 101-119, cités par Perry (1989) op.cit.
111
2.4.2.2 Le ratio d’Adelman
Adelman (1955)65
a précisé qu’un indice de mesure quelconque doit satisfaire
deux conditions :
- Il doit avoir un soubassement théorique
- Il doit être mesurable.
Sur la base de ces deux exigences d’ordre théorique et pratique, Adelman a
proposé une mesure de l’intégration verticale qui se fonde sur deux grandeurs
économiques qu’il est possible de soustraire des documents comptables de toute
entreprise qui tient une comptabilité respectant les normes internationales en la
matière. Le ratio correspond, ainsi, au rapport de la valeur ajoutée de la firme et
de son chiffre d’affaires :
IAD VA
CA
avec IAD : Indice d’intégration verticale d’Adelman
VA : Valeur ajoutée
CA : Chiffre d’affaires
La valeur ajoutée correspond à la différence entre les ventes d’une part, et les
coûts du matériel, les inputs intermédiaires ou les rémunérations des facteurs de
production de l’autre.
Le ratio a l’avantage de refléter la différence entre l’intégration proprement dite
et la simple combinaison verticale. Ainsi, la valeur ajoutée sera la même dans
les deux cas, mais les ventes seront plus importantes sous la combinaison
verticale en raison des ventes au marché intermédiaire. Il est également plus
facile à calculer puisque toutes les firmes qui tiennent une comptabilité
établissent des documents de synthèse présentant directement les deux grandeurs
nécessaires au calcul de cet indice.
112
Cependant, le ratio de la valeur ajoutée présente deux limites essentielles:
- D’abord, il est influencé par d’autres forces que l’intégration verticale,
notamment la profitabilité de l’entreprise. En effet, la valeur ajoutée d’une
entreprise inclut, par définition, le bénéfice avant impôt. Par conséquent, tout
accroissement du profit de l’entreprise (même s’il est indépendant de
l’intégration verticale) aura pour effet une augmentation de la valeur du ratio.
On ne peut, donc, imputer toutes les variations de ce ratio aux décisions
d’intégration verticale. De la même manière, le ratio pose certains problèmes
lorsqu’il est utilisé dans des comparaisons inter-industrielles. Il est, en effet, très
vraisemblable que les industries caractérisées par une profitabilité élevée
présenteraient un ratio plus élevé que celui des industries ayant une faible
profitabilité. On ne peut, donc, conclure que les industries les plus profitables
sont également les plus intégrées verticalement.
- Ensuite, le ratio a l’inconvénient d’être très sensible à la position d’une firme
dans la chaîne verticale d’un bien. Puisque la valeur ajoutée dans les stades
amont est plus importante relativement aux stades aval, le ratio sera plus grand
lorsque la firme opère dans les stades amont d’une industrie (exemple,
l’extraction des matières premières). Le problème vient, donc, du fait que le
ratio traite symétriquement l’amont et l’aval d’un stade de production.
Afin de rendre son utilisation plus adéquate, certains auteurs proposent des
ajustements permettant de contourner certaines de ses limites. Ainsi, Tucker et
Wilder (1977)66
proposent de déduire le résultat net et l’impôt sur le résultat
avant toute utilisation de ce ratio. La déduction doit être effectuée à la fois sur le
numérateur et le dénominateur. Ces ajustements permettent d’éviter toute
influence de la rentabilité de la firme sur le ratio d’intégration verticale.
Dans la même logique, Buzzel (1983) propose deux ajustements du ratio :
- Retrancher du numérateur et du dénominateur un montant équivalent au profit
65
M. Adelman (1955) Concept and Statistical Measurement of Vertical Integration, cité par R. Maddigan (1980). 66
I. Tucker et R. Wilder (1977) « Trends in Vertical Integration in the U.S. Manufacturing Sector », Journal of
113
net de la firme considérée. Cet ajustement ne doit concerner que les firmes
réalisant des profits nets positifs.
- Ajouter au numérateur et au dénominateur un montant équivalent au « profit
normal » de l’industrie. Le profit normal peut être estimé par la multiplication
du capital de la firme par le taux d’intérêt moyen hors taxe dans le marché.
2.4.3 Mesure basée sur le tableau entrée-sortie
Selon Leontief (1951), la production industrielle est plus simultanée que
séquentielle puisque les industries œuvrent souvent comme offreurs mutuels
d’inputs. En outre, le produit d’une industrie est souvent utilisé comme un
produit intermédiaire par les autres industries. L’ensemble des interactions
interindustrielles peut être déduit de l’utilisation des matrices entrée-sortie. C’est
sur la base des interactions et des connections des différentes industries que
Maddigan (1981) a construit un nouvel indice de l’intégration verticale pour
examiner la tendance du niveau d’intégration et son changement dans le temps.
2.4.3.1 Aperçu sur le modèle de Leontief
Chaque industrie est constituée de firmes qui maximisent leurs profits
individuellement. Lorsque les conditions nécessaires et suffisantes pour la
maximisation des profits sont satisfaites, chaque firme choisira un vecteur
d’inputs qu’elle utilise et un niveau d’output qu’elle produit permettant
d’optimiser son comportement. L’agrégation des équilibres individuels des
firmes se traduit au niveau global par une égalité entre la production (offre) et la
consommation (demande).
La situation d’équilibre au niveau global est identifiée par la matrice X ij où
chaque élément xij signifie le niveau optimal de la production de l’industrie i
utilisé par l’industrie j. Les valeurs relatives des xij reflètent les interactions de
Industrial Economics, vol.26, p. 81-94, cité par Perry (1989) op.cit.
114
l’industrie qui sont exprimées dans une matrice entrée-sortie par le biais de
l’agrégation produits-firmes.
Grâce à des manipulations de la matrice X ij , Maddigan déduit deux autres
matrices de même dimension. D’abord, la matrice A des inputs relatifs dont
les éléments aij représentent la part relative de la production nette de l’industrie
j à laquelle l’industrie i a contribué :
A Ix
z xy
ij
j ij
ij
où I : Matrice d’identité d’ordre r
zj : Valeur de la production totale de l’industrie j
et y
x
z xsi i j
si i j
ij
ij
i ii
0
i, j = 1, ........., r.
Ensuite, la matrice B des outputs relatifs dont les éléments bij représentent
chacun la part relative de la valeur de l’output de l’industrie i utilisée dans
l’industrie:
Bx
z xy I
ij
i ii
ij
2.4.3.2 Définition de l’indice
Pour construire son indice de mesure de l’intégration verticale (Vertical Industry
Connexion: VIC), Maddigan définit deux matrices C et D pour chaque
firme construites en utilisant les lignes et les colonnes des matrices A et B
qui correspondent aux industries dont la firme fait partie en tant que productrice:
c a
d b
ij s i s j
ij s i s j
( ) ( )
( ) ( )
115
avec s(i) : Une des industries où opère la firme k où i = 1, ......., n avec
(n<r).
cij : Part relative de la valeur de l’output net de l’industrie s(j) à
laquelle l’industrie s(i) a contribué.
dij : Part relative de la valeur de l’output net de l’industrie s(i) utilisée
dans l’industrie s(j).
Le « Vertical Index Connexion » pour une firme k sera alors:
VIC
C C C D DiT
iT
i
i
T
i
i
n
1
1
1
où T : Transposé d’un vecteur.
Ci : Colonne i de la matrice d’input de la firme k.
Di : Ligne i de la matrice d’output de la firme k.
Le VIC peut être exprimé également en fonction des scalaires:
VIC
c c c d d di
i
n
i
i i
n
in
i
n
ij
j
n
ij
j j
n
nj
j
n
11
1 1 1 1 1 11
2
2
2
2
1 2
2
1
12
2
2
1 2
2
1
1
, ,
...... .....
L’indice est donc une fonction de la contribution relative de la firme au
processus industriel de production.
2.4.3.3 Propriétés de l’indice
- Le VIC s’accroît lorsque l’input d’une industrie située en amont de la firme
devient relativement plus important et contribue à une plus grande part de
l’output total. Cette propriété est déduite du signe de la dérivée du VIC par
rapport aux coefficients cij:
VIC
c
k
ij
0
L’accroissement d’un coefficient de l’input (cij) peut provenir d’un
116
accroissement du prix relatif ou d’un changement technologique. Les deux
facteurs peuvent être à l’origine d’un accroissement de la contribution d’une
branche par rapport aux autres.
- Si la firme opère dans deux industries différentes, et si la contribution relative
de l’output de l’une des deux industries dans la production de l’autre augmente,
alors la valeur du VIC s’accroît et vice versa. Cette propriété est déduite du signe
de la dérivée du VIC par rapport aux coefficients dij:
VIC
d
k
ij
0
- En opérant dans des industries additionnelles, le VIC d’une firme ne change
pas si l’expansion de cette dernière est purement conglomérale. En revanche, si
les industries additionnelles sont interconnectées verticalement avec celles de
départ, la valeur du VIC s’accroîtra. L’indice ne varie, donc, pas si la firme
s’intègre dans une activité qui n’est pas liée verticalement avec les activités où
elle opère initialement.
VIC VICk k 1
- La valeur de l’indice est comprise entre 0 et 1. Si la firme opère dans une seule
branche, la valeur de l’indice est nulle. De même, si la firme opère dans
plusieurs industries sans qu’aucune d’elles ne soit connectée verticalement à
l’autre, alors la valeur de l’indice est également nulle.
2.4.3.4 Les facteurs agissant sur la valeur de l’indice
A l’instar du ratio de la valeur ajoutée, le VIC est sensible aux changements des
variables qui le constituent. Mais contrairement à cet indice, il n’est pas sensible
à la position de la firme sur la chaîne verticale. Cette caractéristique est due au
fait que les variations de cet indice dépendent des changements qui s’opèrent
entre les industries et non à celles qui interviennent au sein de la firme.
De même, l’indice est sensible aux valeurs relatives de la valeur ajoutée dans les
117
différentes industries. Celles ayant une valeur ajoutée relativement élevée ont
une valeur de l’indice moins élevée. Ceci s’explique par le fait que les industries
ayant une valeur ajoutée élevée sont moins dépendantes pour les produits
intermédiaires. Elles dépendent plus des produits de la terre, du travail et du
capital. Ainsi, puisque la dépendance relative de ces industries vis-à-vis des
autres est faible, l’indice serait moins élevé. Il y aurait moins d’opportunités
pour l’intégration verticale en amont. De façon similaire, l’indice est sensible
aux valeurs relatives de la demande finale dans une industrie du moment où les
industries qui produisent plus pour la demande finale ont des vecteurs
d’éléments relativement faibles. Les firmes qui vendent directement aux
consommateurs finals ont moins d’opportunités pour l’intégration en aval.
Enfin, cette approche ne permet pas de détecter les différences en degré
d’intégration entre les firmes opérant dans la même industrie et ne permet pas,
donc, de déterminer une mesure indépendante pour une seule industrie.
2.4.4 Mesure des dimensions de l’intégration verticale
Contrairement aux mesures précédentes de l’intégration verticale, l’approche
proposée par Harrigan se situe au niveau d’un domaine d’activité stratégique. De
ce fait, l’intégration d’une firme est appréciée à travers ses quatre dimensions, à
savoir : son degré, ses stades, son étendue et sa forme.
2.4.4.1 Le degré d’intégration
En vue de discuter l’intégration amont et aval, Harrigan a attribué à chacune
d’elles une mesure propre:
-Degré d’intégration en amont
Il correspond à la proportion des besoins en un input particulier fourni par le
domaine d’activité stratégique qui se situe en amont. En d’autres termes, le
degré d’intégration en amont se mesure par le pourcentage des besoins d’un
domaine d’activité en une ressource particulière qu’il obtient directement du
118
domaine d’activité amont :
IDAM =Ressource fournie par le domaine d' activité amont
Besoin total du domaine d' activité é tudié
Une compagnie de pétrole qui extrait plus de pétrole brut que ce qu’elle
consomme est pleinement intégrée du point de vue du domaine d’activité
raffinage de pétrole. Par contre, une compagnie qui s’approvisionne, en partie,
chez d’autres producteurs pour subvenir à ses propres besoins de raffinage est
partiellement intégrée. De ce fait, pour qu’une firme soit pleinement intégrée, il
faut qu’elle puisse assurer au moins 95 % de ses besoins par ses propres
moyens. De même, une firme est non intégrée si son taux d’autosuffisance est
plus petit que 5 %.
- Degré d’intégration en aval
Il correspond à la proportion du transfert d’un output particulier au domaine
d’activité stratégique qui se situe en aval. En d’autres termes, le degré
d’intégration en aval se mesure par le pourcentage de la production d’un
domaine qui est transférée au domaine aval :
questionen activitéd' domainedu totaleProduction
avalen e transféréactivitéd' domainedu Production=IDAV
Une compagnie de produits pharmaceutiques qui écoule sa production par le
biais de ses propres distributeurs est pleinement intégrée en aval. Par contre, une
autre qui écoule une partie de sa production par l’intermédiaire de grossistes
indépendants est partiellement intégrée du point de vue du domaine d’activité de
distribution.
2.4.4.2 Les stades d’intégration
Le nombre de stades dans lesquels la firme est engagée est estimé par un indice
qui prend en compte le nombre relatif d’étapes dans le processus de
transformation :
119
I n VAS i i
i
r
.1
avec r : Nombre de stades dans la chaine verticale.
ni : Nombre d’étapes dans le processus de transformation au niveau du
stade i dans les quelles la firme est engagée.
VAi : Valeur ajoutée relative au stade i.
Ainsi, les firmes ayant une valeur élevée de l’indice sont particulièrement celles
qui étendent leurs activités dans des stades plus nombreux. A titre d’exemple,
une compagnie pétrolière qui est engagée dans l’exploration sismique,
l’extraction du pétrole, le raffinage, la distribution et le transport est caractérisée
par un indice relativement élevé par rapport à celui d’une compagnie spécialisée
dans la distribution.
2.4.4.3 Etendue de l’intégration verticale
Elle est déterminée par le nombre d’activités internalisées par une firme à
chaque stade vertical. Pour mesurer l’étendue de l’intégration d’une firme au
niveau d’un stade de production, Harrigan propose le ratio suivant :
IE Nombre d' activité s dans lesquelles s' engage la firme au niveau du stade
Nombre total d' activité s possibles au niveau d' un stade
La valeur de ce ratio varie entre 0 et 1. Une firme qui opère dans toutes les
activités d’un stade admet un ratio égal à 1. Par contre, une firme qui ne
développe aucune activité du même stade a un ratio nul.
2.4.4.4 Forme de l’intégration
Certaines firmes préfèrent détenir 100 % du capital d’un domaine d’activité
stratégique et recueillir tous les gains permis par l’intégration. D’autres, se
contentent d’un certain pourcentage du capital du domaine d’activité en
question. Enfin, certaines firmes adoptent d’autres formules de relations
120
verticales telles que les contrats à long terme. Dans les trois cas de figure, on
reconnaît respectivement des stratégies de pleine intégration de quasi-intégration
et de non-intégration. Harrigan retient le pourcentage d’appropriation du capital
d’un domaine d’activité pour mesurer la forme de l’intégration verticale :
IF Capital détenu par la firme dans le domaine d'activité
Capital total relatif au domaine d'activité
En conclusion, c’est à travers la combinaison des différentes dimensions de
l’intégration verticale qu’on peut procéder à des comparaisons entre des firmes.
La particularité de l’approche proposée par Harrigan réside, en plus, dans le fait
que l’analyse se situe au niveau d’un domaine d’activité stratégique et non au
niveau d’une firme ou d’une industrie.
2.5 Conclusion
Dans la conception néoclassique, l’intégration verticale implique un contrôle
absolu des différents stades verticaux susceptibles de réunir toutes les décisions
entre les mains d’une seule firme. Ainsi, la centralisation de la prise de décision
est la condition fondamentale de l’exercice d’un contrôle vertical. En revanche,
les théories contractuelles supposent que l’internalisation d’une activité est
assurée grâce à l’autorité dont dispose l’entreprise. Cette autorité peut être
conférée par la relation employé/employeur selon la prescription de la théorie
des coûts de transaction, ou par la propriété des actifs physiques utilisés dans la
production d’après le raisonnement de la théorie des droits de propriété et des
contrats incomplets.
De part la divergence de ces définitions, une entreprise peut exercer un contrôle
sur un stade vertical sans l’intégrer proprement dit. En effet, il y a toute une
panoplie de formules qui permettent à l’entreprise de bénéficier des avantages
de l’intégration verticale tout en évitant les inconvénients de celle-ci. De ce fait,
l’entreprise ne se trouve plus limitée dans son choix entre l’intégration stricto
121
sensus et le marché mais dispose plutôt d’une large gamme de choix parmi de
nombreuses formes hybrides qui réunissent les avantages des deux solutions
extrêmes.
122
Chapitre 3 :
Imperfections des Marchés, Pouvoir de Monopole et
Intégration Verticale
3.1 Introduction
Dans la conception de la théorie néoclassique (théorie du monopole),
l’intégration verticale est incompatible avec la concurrence parfaite. La
perfection des marchés permet, en effet, d’éliminer toutes les incitations à
l’intégration verticale. En revanche, l’imperfection des marchés (en raison du
petit nombre, de l’incertitude ou de l’asymétrie de l’information) implique de
nombreuses incitations aux entreprises pour s’intégrer verticalement en vue de
renforcer leur pouvoir de monopole ou de minimiser les effets de l’incertitude.
Ainsi, une entreprise peut s’intégrer verticalement pour renforcer son pouvoir de
monopole et limiter la concurrence effective et potentielle (l’intégration
verticale est assimilée, dans ce cas, à un comportement stratégique et
anticoncurrentiel). C’est le cas, notamment lorsque l’intégration verticale est
justifiée par le désir d’ériger des barrières à l’entrée à l’encontre des concurrents
potentiels ou d’évincer les firmes rivales à travers la forclusion du marché ou
l’écrasement des prix. De même, une entreprise peut s’intégrer verticalement
pour éliminer les différentes distorsions créées par les structures
monopolistiques (double marge, substitution des inputs, problèmes de
négociation ou de discrimination). Dans ces cas, l’intégration verticale est
123
susceptible d’accroître les profits de l’entreprise intégrée tout en améliorant le
bien-être social de la structure verticale. Enfin, l’intégration verticale peut être
motivée par le désir des firmes d’une structure concurrentielle de minimiser les
effets de l’incertitude et ceux de l’asymétrie de l’information.
3.2 Concurrence, monopole et efficience
Il y a deux grandes conceptions de la concurrence : la première traite le
comportement des agents économiques (vendeurs et acheteurs) au sein d’une
structure de marché, alors que la seconde se concentre sur la structure de marché
en question. D’un côté, la concurrence se traduit par l’absence de toute forme
d’interaction ou de dépendance entre vendeurs. Cette condition est d’autant
vraisemblable que le nombre de vendeurs est très grand puisque le poids de
chaque agent devient plus faible et la possibilité de collusion moins probable.
D’un autre côté, la concurrence suppose l’absence de toute barrière à la mobilité
des ressources et de tout obstacle à leur transfert des industries les moins
rentables vers les plus rentables.
3.2.1 Efficience des marchés concurrentiels
Il y a de nombreux arguments qui confirment les bienfaits de la concurrence en
comparaison avec le monopole. Certains sont d’ordre politique, et d’autres, qui
nous intéressent, sont d’ordre économique.
L’une des forces de la concurrence est la possibilité de décentralisation et de
dispersion du pouvoir facilitée par la structure atomistique des vendeurs et des
acheteurs dans un marché concurrentiel. Ainsi, le problème d’allocation des
ressources et de distribution des revenus est résolu par l’interaction mécanique
des forces de l’offre et de la demande et non à travers l’exercice du pouvoir par
des individus (monopole) ou par le gouvernement (régulation). Le second mérite
124
de la concurrence se rapporte à la liberté de l’action et de l’opportunité permise
par l’absence de barrières à l’entrée et à la sortie. Ainsi, tout individu serait libre
de choisir la profession et le secteur qu’il préfère en fonction de ses talents et de
ses facultés.
Outre ces mérites d’ordre politique, la concurrence permet de réaliser les
conditions de l’efficience économique à travers l’allocation optimale des
ressources d’une part, et la maximisation du bien être social de l’autre. En effet,
l’équilibre de longue période des marchés de concurrence pure et parfaite
implique trois propriétés fondamentales :
- Le coût de production de la dernière unité de l’output (coût marginal) est égal
au prix payé par les consommateurs pour cette unité. C’est la condition
nécessaire de maximisation des profits lorsque le prix est considéré par la firme
comme un paramètre indépendant de ses décisions de production. Cette
propriété correspond aux conditions d’efficience dans l’allocation des
ressources.
- L’égalité du prix et du coût total unitaire de la firme représentative signifie
l’absence de superprofits pour cette firme. Ainsi, les investisseurs reçoivent juste
les revenus nécessaires pour maintenir l’investissement au niveau requis pour
produire dans les conditions de l’efficience. L’absence de superprofits implique,
donc, une équité dans la distribution des revenus au niveau social.
- A l’équilibre de longue période, chaque firme produit son output au coût total
moyen minimum. Ainsi, seules les firmes capables de produire au coût
minimum arrivent à se maintenir dans l’industrie. Celles qui ne le peuvent pas
vont subir des pertes et seront, par conséquent, contraintes à disparaître ou à
sortir de cette industrie. Cette propriété assure que la concurrence permette
l’emploi efficient des ressources d’une économie.
3.2.2 Les inefficiences du monopole
125
Dans la théorie traditionnelle, l’existence d’un écart entre les prix et les coûts
marginaux est considérée comme le signe d’une sorte de défaillance du marché
par référence au modèle de concurrence parfaite. En élevant les prix au-dessus
des coûts marginaux, les structures monopolistiques aboutissent à une
production plus faible qu’en concurrence, et donc, à une mauvaise allocation des
ressources productives de l’économie considérée. Cette inefficience se traduit
par la distorsion de prix (ou distorsion du mark up) qui caractérise la tarification
d’un monopoleur67
. Cette distorsion est plus importante lorsque l’élasticité prix
de la demande est légèrement supérieure à l’unité68
. L’intuition est que le
monopoleur est plus conscient de l’effet pervers d’un prix élevé sur la
consommation lorsque les consommateurs réagissent à une hausse de prix en
réduisant fortement leur demande. Si l’élasticité prix de la demande est
indépendante du prix, l’indice de Lerner est constant. Le monopoleur ajuste
alors son prix aux chocs sur le coût marginal en utilisant une règle de mark up
relatif constant. Par exemple, si sa technologie présente des rendements
d’échelle constants, de telle sorte que le coût marginal soit égal au coût moyen,
et si l’élasticité prix de la demande est d'environ 2, le monopoleur fixe
systématiquement le prix au double du coût unitaire.
D’un autre côté, le pouvoir de monopole présente de nombreuses sources
d’inefficience, notamment la distorsion de coût, connue sous le nom
d’« inefficience-X »69
, et le gaspillage qui résulte de la recherche d’une rente de
situation. En ce qui concerne la première source d’inefficience, il est souvent
avancé que le pouvoir de monopole peut également avoir des effets pervers du
67
La distorsion du mark up est mesurée généralement par l’indice de Lerner (appelé aussi pouvoir de monopole)
qui correspond au rapport entre la marge bénéficiaire et le prix et qui est inversement proportionnel à l’élasticité
prix de la demande. 68
Le monopole opère toujours dans une région de prix telle que l’élasticité prix de la demande excède l’unité.
Lorsque cette élasticité est inférieure à 1, le revenu du monopoleur et son profit sont décroissants par rapport à la
quantité puisque la recette marginale devient négative. 69
Cette expression a été utilisée pour la première fois par H. Leibenstein(1966) dans son article « Allocative
Efficiency Versus X-Efficiency », American Economic Review, vol.56.
126
côté de l’offre. En particulier, il a été souvent suggéré que les entreprises en
situation de monopole tendraient à négliger les efforts de réduction des coûts, et
donc, à être inefficaces. Hicks (1935), par exemple, remarque que « le meilleur
de tous les profits du monopole est la tranquillité » (Tirole (1988), p.148). D’une
manière similaire, Machlup (1967) confirme que l’insuffisance des efforts des
dirigeants ne peut exister que si les marchés du produit ne sont pas parfaitement
concurrentiels.
L’argument qui justifie cette inefficience se rapporte aux difficultés des
actionnaires à maîtriser et à contrôler les activités des employés qui ont souvent
des objectifs autres que la maximisation des profits. Or, comme nous l’avons
souligné dans notre premier chapitre, les actionnaires peuvent contrôler la
performance de leur entreprise en recourant à certains mécanismes tels « la
concurrence par la comparaison ». Cependant, dans les situations de monopole,
ce mécanisme ne peut fonctionner en raison de l’absence d’entreprises qui
peuvent servir de base à la comparaison. En ce qui concerne la seconde source
d’inefficience, on avance souvent que le profit réalisé par le monopole peut
constituer un enjeu qui peut conduire à un comportement de recherche d’une
telle rente de situation. Les entreprises auront, ainsi, tendance à dépenser de
l’argent et à exercer un effort pour acquérir cette position d’une part, et de s’y
maintenir de l’autre. En poussant l’analyse plus loin, Posner (1975)70
conclut que
les dépenses engagées par les entreprises pour s’approprier la rente de monopole
peuvent être si élevées qu’elles dissipent toute cette rente, ce qui enlève toute
utilité sociale de ces dépenses. Cette conclusion présente, cependant, deux
limites principales :
- En premier lieu, il n’est pas sûr que la rente de situation soit dissipée, et ceci
pour plusieurs raisons. Tout d’abord, une entreprise peut se voir octroyer un
monopole par hasard plutôt que par volonté arrêtée (c’est le cas, par exemple, du
70
Cité par Tirole (1988) op. cité, p. 150.
127
dépôt d’un brevet pour une invention fortuite). Un autre point plus important est
que les concurrents pour la rente peuvent ne pas être tous sur le même pied
d’égalité71
. Ainsi, puisque les concurrents d’une telle entreprise peuvent être
moins enclins à dépenser de l’argent pour obtenir cette position de monopole,
alors il se peut que cette entreprise puisse conserver une partie non négligeable
de la rente.
- En second lieu, les dépenses des entreprises pour acquérir une position de
monopole ne sont pas toujours dépourvues d’utilité sociale. Il en est ainsi
lorsque les situations de monopole sont accordées par des enchères dans la
mesure où ces dépenses constituent des recettes pour le gouvernement et ne
sont, donc, pas gaspillées. Il en est de même lorsqu’une partie de ces dépenses
profite aux consommateurs, d’une manière ou d’une autre, à travers une
redistribution des revenus.
En conclusion, il convient de souligner que l’ensemble des réflexions sur les
inefficiences du monopole souffrent d’une double limite :
- D’une part, elles reposent sur une approche en termes d’équilibre partiel. Les
conséquences du monopole sont évaluées au niveau de l’industrie considérée
sans tenir compte des effets externes au niveau des autres branches. Par
exemple, la modification du prix d’un produit entraîne, pour le consommateur,
des effets de revenu qui ne sont pas sans influence sur les autres marchés.
- D’autre part, l’analyse est généralement statique et ne tient pas compte du fait
que les conséquences évoquées se manifestent dans le temps, à des moments ou
à des rythmes différents. Par exemple, la réduction des coûts peut n’être que
provisoire et la hausse des prix durable. De même, la hausse des prix et la
réduction de la production peuvent stimuler la concurrence potentielle et attirer
de nouvelles entreprises dans la branche considérée.
71
Une entreprise peut avoir des brevets auparavant, avoir accès à des ressources particulières en matière
premières ou des informations privées sur la technologie ou la demande, qui en feront le candidat le mieux placé
pour la position de monopole.
128
3.3 Intégration verticale et comportement stratégique
3.3.1 L’intégration verticale en tant que barrière à l’entrée
3.3.1.1 Présentation des barrières à l’entrée
Dans la théorie économique traditionnelle, la possibilité d’entrée sur un marché
dépend du degré de concentration. En concurrence parfaite ou monopolistique,
l’entrée est libre, mais c’est un phénomène de longue période, puisque
l’implantation de nouveaux établissements nécessite d’importants
investissements en capital fixe.
Depuis les travaux de Bain, l’accent est mis sur trois catégories principales de
barrières à l’entrée en dehors des interdictions légales : la supériorité dans la
maîtrise des coûts, l’importance des économies d’échelle et les avantages de la
différenciation. Bain suppose qu’il y a, sur un marché donné, un prix maximum
prévenant l’entrée. C’est le prix le plus élevé pratiqué par les entreprises établies
sans attirer de nouveaux concurrents. La condition d’entrée est la marge en
pourcentage correspondant au rapport de ce prix maximum au coût moyen
minimum de longue période qui mesure le niveau des barrières à l’entrée sur le
marché considéré. Cependant, cet indicateur ne dépend pas uniquement des
conditions de la production ou des caractéristiques des produits, mais dépend
également des anticipations des concurrents potentiels. Si ceux-ci estiment que
les entreprises installées engageront une intense compétition, s’ils tentent de
s’implanter sur le marché, ils seront moins incités à entrer que dans le cas
contraire. De ce fait, le prix maximum sera d’autant plus élevé que les
anticipations des concurrents potentiels seront pessimistes. Les barrières à
l’entrée présentent, ainsi, un aspect psychologique dans la mesure où elles
dépendent, non seulement, de la structure du marché, mais aussi de la stratégie
mise en œuvre par les firmes installées pour dissuader les concurrents potentiels.
129
3.3.1.1.1 La supériorité en matière de coûts
Les entreprises anciennement implantées sur un marché peuvent produire dans
des conditions plus avantageuses que leurs concurrents potentiels. Ceci tient au
fait que, dans le cadre d’une production donnée, toute firme désireuse
d’entreprendre ne pourra le faire qu’en se procurant les facteurs nécessaires à
des coûts supérieurs à ceux que connaissent les firmes déjà installées, ce qui
constitue un handicap incontestable. Ceci peut être le cas lorsque l’offre dans un
marché des facteurs de production n’est pas parfaitement élastique. Ainsi, le prix
d’un facteur sera le même pour tous les acheteurs, mais l’entrée d’un nouveau
client provoquera une hausse de prix, ce qui fait que les coûts pour les entrants
seront supérieurs à ceux qu’ont connu les entreprises existantes. La supériorité
des coûts se retrouve, également, lorsque les marchés sont imparfaits, c’est-à-
dire dans le cas où tous les acheteurs ne sont pas identiques aux yeux des
vendeurs. Une telle situation peut apparaître sur :
- Le marché de travail puisque les firmes en place emploient les travailleurs les
plus convoités, de sorte que les entrants devront offrir des salaires supérieurs à
ceux de leurs concurrents.
- Le marché des matières premières étant donné que les meilleurs produits semi-
finis et les ressources rares sont, généralement, détenus par les firmes existantes.
- Le marché des techniques et des inventions dans la mesure où les firmes
entrantes doivent se procurer divers droits d’exploitation dont les prix seront,
plus ou moins, élevés selon la durée de l’exclusivité légale des inventeurs et le
degré de protection prévu par les textes. En outre, plus la composition du bien
que les firmes entrantes veulent imiter est complexe, plus les travaux pour y
parvenir risquent d’être onéreux.
- Le marché des capitaux car les firmes existantes sont plus favorisées dans la
mesure où elles ont accès au crédit dans des conditions meilleures que les firmes
130
postulantes qui sont souvent inconnues et, donc, plus risquées.
3.3.1.1.2 Les économies d’échelle
La seconde catégorie de barrières à l’entrée résulte du rapport entre la taille
optimale des firmes et l’importance du marché. Dans ce cas, l’avantage des
entreprises installées n’est pas dû à une supériorité systématique en matière de
coûts. Les barrières à l’entrée proviennent du fait que les concurrents potentiels
ne pourront tirer pleinement avantage des économies d’échelle réalisables que
s’ils sont assurés d’obtenir une part suffisante du marché, et s’ils ont les moyens
de financer les investissements nécessaires pour atteindre « la taille efficiente
minimale » des unités de production. En dessous de cette taille, des économies
d’échelle sont possibles, mais une fois atteinte, les économies de dimensions
sont pratiquement saturées. Dans ce cas, chaque concurrent potentiel aura à
choisir entre la création d’un établissement ayant la taille efficiente minimale, en
prenant le risque de provoquer un excès de l’offre susceptible d’entraîner une
chute des prix, ou l’installation d’une unité de petite dimension sachant qu’il
aura un désavantage en matière de coût vis-à-vis des grandes entreprises
installées sur le marché.
3.3.1.1.3 La différenciation des produits
Sur un marché caractérisé par la différenciation des produits, les firmes
anciennement implantées peuvent disposer d’un avantage sur les concurrents
potentiels. Les sources de la différenciation des produits sont multiples. Elles
peuvent provenir soit de réelles différences de qualités entre les produits,
considérées comme les attributs essentiels du produit, soit du manque
d’information. Dans le cas des biens de consommation, l’ignorance des
différences entre les qualités des produits, à prix donné, ou de la relation prix-
qualité est la source de graves distorsions. Ce phénomène peut également
131
provenir des coûts d’information qui expliquent que des produits identiques
puissent être vendus à des prix très différents. L’inertie, la force de l’habitude et
le manque d’éducation des consommateurs jouent, dans ce cas, un rôle non
négligeable. De façon similaire, les firmes existantes disposent d’un avantage en
termes d’information concernant les consommateurs actuels. Les
investissements publicitaires exercent leurs effets à deux niveaux : d’une part, ils
mettent en valeur les qualités des produits, réduisent les coûts de l’information
pour le consommateur et créent une fidélité à la marque. D’autre part, ils font
naître des différences apparentes, exploitant les éléments irrationnels du
comportement des consommateurs, voire détruisant l’information en multipliant
les affirmations équivoques et les appellations trompeuses.
3.3.1.2 Intégration verticale et barrières à l’entrée
Pendant longtemps, il a été soutenu, que l’intégration verticale permet de
modifier les conditions de la concurrence au sein d’une activité donnée dans la
mesure où elle affecte les conditions de coûts ou de demande, et rend par là, plus
difficile l’entrée dans la branche en élevant des barrières à l’entrée. Ainsi, il
suffit de comparer la situation dans laquelle se trouve une firme postulante X se
trouvant au niveau 2 du processus de production par rapport à la situation dans
laquelle se trouve une firme Y en place et opérant au stade 1
(approvisionnement), au stade 2 (production) et au stade 3 (distribution) d’un
processus économique. Si on suppose que l’intégration verticale n’a aucun effet
sur les conditions de coûts, la firme X va rencontrer au moins deux types
d’obstacles : la firme Y peut refuser de lui vendre des matières premières,
ensuite, si la firme Y contrôle le stade 3, elle peut refuser d’acheter à la firme X,
soit accroître son offre pour rendre non rentable celle de la firme X. Si au
contraire, le processus d’intégration réduit les coûts de production et de vente
des firmes intégrées, les firmes postulantes se trouvent encore plus
132
désavantagées dans bien des cas. La seule possibilité qui leur est offerte est de
pénétrer sur le marché en produisant directement aux trois stades du processus
de production. Or, ce choix nécessite un accès privilégié au marché du capital,
sans compter que cela puisse accroître l’offre globale de l’appareil de production
et influencer les prix. En outre, la pénétration de l’entreprise postulante dans les
trois stades du processus de production accroît les coûts non récupérables et
donc, les barrières à la sortie pour cette firme. Enfin, l’entrée simultanée dans les
trois stades exige le même savoir-faire que les firmes établies, chose qui semble
peu plausible puisque les firmes déjà installées bénéficient des avantages de
l’expérience qui font défaut à la firme postulante.
En l’absence d’un aspect physique ou technique sur lequel une réduction des
coûts pourrait être associée à l’intégration verticale, certains économistes
(Stigler (1955), p.183) estimaient que l’opération est essentiellement motivée
par un objectif anticoncurrentiel. Il était alors aisé de conclure que les pouvoirs
publics devraient légitimement s’inquiéter chaque fois que l’intégration verticale
impliquait un degré appréciable de contrôle des marchés. Spécifiquement,
Stigler établit que, quand une firme a au moins 20% de la capacité de production
d’une industrie, son acquisition de plus de 5% de la capacité de production des
firmes auxquelles elle vend ou achète peut être présumée comme une violation
des lois antitrust. Par conséquent, l’intégration verticale des firmes dominantes
peut placer des concurrents de petite dimension en position de faiblesse
stratégique. En effet, considérons deux stades de production successifs dont le
premier est dominé par quelques firmes et le second considéré comme frange
concurrentielle. Deux types d’entraves à l’entrée peuvent émerger là où les
firmes dominantes au stade 1 s’intègrent dans le stade 2. En premier lieu, le
secteur résiduel (firmes non intégrées) du marché peut être réduit de sorte que
seules quelques firmes peuvent avoir la taille efficiente pour pouvoir servir
efficacement le marché du stade 2, car dans le cas où les entrants potentiels du
premier stade manquent d’expérience dans l’activité connexe du second stade,
133
ils pourraient encourir d’importants coûts en capital s’ils décident d’entrer
simultanément dans les deux stades. L’intégration des deux stades de production
par des firmes dominantes est alors anticoncurrentielle. En revanche, dans les
industries qui possèdent un degré faible de concentration l’intégration verticale
ne pose pas les mêmes problèmes car quel que soit le stade d’entrée, la firme
peut s’attendre à conclure des négociations avec des firmes situées à un autre
stade, qu’elles soient intégrées ou non. Les raisons en sont qu’il n’existe pas une
firme unique qui bénéficie d’un avantage stratégique quant à de telles
transactions et que la collusion des firmes intégrées est difficile à réaliser. Par
conséquent, l’intégration verticale ne pose un problème d’antitrust que rarement
à moins que l’industrie en question ne soit fortement concentrée.
3.3.2 Forclusion des marchés et écrasement des prix
La forclusion de marché désigne les pratiques commerciales (y compris les
fusions) qui réduisent l’accès des acheteurs à un fournisseur (forclusion en
amont), et/ou limitent l’accès des fournisseurs à un acheteur (forclusion aval).
Dans la réalité, il y a de nombreux moyens pour pratiquer la forclusion : un
acheteur peut s’intégrer avec son fournisseur ou mettre en place sa propre unité
de production, dans le but de fabriquer lui-même le bien intermédiaire.
3.3.2.1 L’écrasement des prix
L’écrasement des prix (price squeeze) est une stratégie qui a été clairement mise
en évidence dans l’industrie sidérurgique américaine, et utilisée dans de très
nombreux secteurs où coexistent des firmes verticalement intégrées et d’autres
qui ne le sont pas (lorsque les secondes dépendent totalement ou partiellement
des premières pour leur approvisionnement). L’écrasement des prix peut être
appliqué par un producteur verticalement intégré, en réduisant en deçà du seuil
admissible, la marge de fabrication des sociétés que le producteur alimente en
134
biens intermédiaires. Deux techniques sont possibles pour effectuer cette
pratique: le squeeze simple et le double squeeze . Pour bien illustrer ce
mécanisme, supposons deux firmes sidérurgiques A et B où la première (A) est
intégrée verticalement dans la production des lingots (stade amont) et le fer de
construction (stade aval), et la seconde (B) fabrique le fer de construction à
partir de lingots qu’elle achète à la firme A. Pour schématiser cette structure
verticale, admettons que la structure des prix de vente du fer de construction est
la suivante :
- coût de fabrication des lingots : 100
- coût de transformation des lingots en fer de construction : 40
- prix de vente du fer de construction : 140
Dans la situation initiale, A vend ses lingots à B au prix de 100 et les deux
firmes vendent le fer de construction à 140.
Figure 3.1: Situation initiale
Si la firme A décide un squeeze simple, elle accroîtra le prix de vente des lingots
à la firme B de 100 à110, sans modifier le prix de vente du fer de construction.
Dans ce cas, la firme B sera obligée de vendre le fer de construction à 140,
sachant qu’elle n’aura plus de marge suffisante pour couvrir ses coûts de
production.
Coût de
transformation
Lingots
B A
100
100
40
140
40
140 Fer de construction
135
Figure 3.2: Squeeze simple
Pour expliquer la stratégie du double squeeze, il faut admettre que le prix de 140
assure à la firme A non seulement une rémunération du capital investi, mais
également des surprofits. Supposons que le coût réel du lingot est de 95 et que la
firme A décide d’abaisser le prix de vente à 135. Le fait d’agir sur le prix final
est beaucoup plus habile de la part de la firme A car il donne aux
consommateurs l’illusion d’une véritable concurrence. Le montant des surprofits
n’est d’ailleurs pas forcément diminué car, si l’on raisonne en dynamique, la
diminution des prix peut parfaitement correspondre à une baisse tendancielle des
coûts. Le fait de diminuer le prix constitue une autre forme de squeeze simple, et
elle serait suffisante pour éliminer la firme B. Mais la société A peut décider un
double squeeze en diminuant le prix à 135, et en élevant, en même temps, le prix
auquel elle vend ses lingots à sa rivale à 105, la marge de B sera alors laminée
des deux côtés, et elle se trouvera dans l’incapacité de rester sur le marché. En
d’autres termes, la firme B sera coincée entre un coût de lingots plus élevé, et un
faible prix de vente pratiqué par la firme A
.
Lingots
Coût de
transformation
B A
100
110 40
?
40
140 Fer de construction
136
Figure 3.3: Double squeeze
La pratique de l’écrasement des prix est une exploitation du pouvoir de
monopole dont disposent certaines firmes sur des marchés non concurrentiels.
En termes d’efficacité, cette pratique est considérée comme une manœuvre
stratégique anticoncurrentielle qui permet d’accroître la part de marché de la
firme intégrée par l’exclusion progressive de ses rivales qui ne disposent pas
souvent des mêmes armes pour riposter. Par exemple, Alcoa avait, aux Etats
Unis, un pouvoir de monopole dans la production de lingots d’aluminium brut
(un bien intermédiaire). Elle s’est intégrée dans des branches à fortes élasticités
de la demande. Par sa politique de prix pour le bien intermédiaire, elle a
fortement diminué le nombre de ses concurrents en aval sur ces marchés.
L’affaire fut portée devant le tribunal qui trouva que les profits en aval d’Alcoa
auraient été négligeables ou négatifs si l’unité en aval avait payé le prix de
marché plutôt que le prix interne à l’unité amont (Tirole (1988), p. 280)
3.3.2.2 Refus d’approvisionner ou forclusion de marché
Toute une littérature s’est développée autour du thème du libre accès aux
moyens de production. L’un des effets de l’intégration verticale, entre plusieurs
Fer de
construction
Lingots
Coût de
transformation
Squeeze simple
B A
95
100
40
?
40
135
B A
95
105
40
?
40
135
Double squeeze
137
paires de firmes, est de priver les autres firmes non intégrées de leurs clients et
fournisseurs respectifs. Cela peut augmenter le prix du bien intermédiaire et
accroître les coûts de production des niveaux non intégrés. Pour expliciter le
cadre théorique de cette pratique, nous considérons deux oligopoles successifs à
la Cournot72
. Dans cette structure, les firmes aval non intégrées considèrent le
prix du bien intermédiaire fourni par les firmes amont non intégrées comme
donné. Pour entrer en concurrence oligopolistique sur le marché du bien final
avec les firmes aval non intégrées, certaines firmes amont et aval décident de
s’intégrer par paires. Salinger se place dans le cas de forclusion verticale où les
firmes n’achètent pas et ne vendent pas de bien intermédiaire. Il pose pour cela
trois hypothèses :
- Si une firme intégrée verticalement vend une unité de plus du bien
intermédiaire, elle suppose que les autres producteurs de ce même bien
produisent la même quantité qu’auparavant et qu’un producteur du bien final
produira une seule unité de plus de ce bien.
- Si une firme intégrée verticalement achète une unité de plus du bien
intermédiaire, elle suppose qu’un producteur de ce même bien accroît son output
d’une unité, et que les autres producteurs du bien final ne modifient pas leur
production.
-Cm P P CmI I F F avec CmI et CmF les coûts marginaux constants73
. des
biens intermédiaire et final, et PI , PF leurs prix respectifs.
Ces trois hypothèses assurent que chaque paire de firmes intégrées n’achète ni
ne vend le bien intermédiaire74
.
72
Nous reprenons l’analyse présentée par Salinger (1988). 73
Le cas de forclusion totale ne tient plus si les coûts marginaux de production aval ou amont ne sont plus
constants. Ainsi, un coût marginal croissant dans la production du bien final peut amener la firme intégrée à
vendre le bien intermédiaire. De même, un coût marginal croissant dans la production du bien intermédiaire,
incitera une firme intégrée à acheter le bien intermédiaire. 74
D’après l’hypothèse 2 et l’inégalité Cm PI I la firme peut accroître ses profits en produisant elle-même le bien
intermédiaire. Supposons, en second lieu que la firme intégrée ne vend pas de bien intermédiaire et accroît sa
production du bien final de X unités. L’hypothèse 1 montre que la réduction des ventes de x unités du bien
intermédiaire amènera les producteurs du bien final à réduire leur production de X unités. Cette réduction sera
138
Le but de Salinger est de déterminer l’évolution des prix du bien final et du bien
intermédiaire. Ainsi, les firmes amont non intégrées (qui forment l’oligopole
amont) vendent le bien intermédiaire aux firmes aval non intégrées (qui forment
avec les firmes intégrées l’oligopole aval). Une augmentation du nombre de
firmes intégrées se soldera par deux mouvements de sens opposés du prix du
bien intermédiaire :
- D’une part, l’oligopole amont de firmes non intégrées perd des concurrents et
peut entraîner une augmentation du prix du bien intermédiaire.
- D’autre part, les firmes intégrées vont produire plus du bien final (car les coûts
de production baissent : Cm PI I ) ce qui aura pour conséquence une baisse de la
demande résiduelle du bien final qui s’adresse aux firmes aval non intégrées.
Une telle baisse va amener ces dernières à restreindre leur demande du bien
intermédiaire et entraîne une diminution du prix de ce bien.
Salinger montre que le prix du bien intermédiaire diminue si moins de la moitié
des producteurs de ce bien sont intégrées verticalement. En effet, lorsque le
nombre de firmes intégrées est faible, la rivalité continue à peser sur le marché
du bien intermédiaire alors que la demande de ce bien va s’amenuiser. En
revanche, lorsque le nombre d’entreprises intégrées est assez grand, l’effet de la
baisse de la rivalité entre les firmes amont non intégrées sera plus important que
celui induit par la baisse de la demande, ce qui se traduit par une tendance à la
hausse du prix du bien intermédiaire.
Les adeptes de la théorie de la forclusion verticale soutiennent que le refus
d’approvisionnement va bénéficier aux entreprises amont non intégrées
puisqu’elles ne seront plus concurrencées par les firmes intégrées sur le marché
du bien intermédiaire. Par conséquent, elles seront en mesure d’accroître leurs
compensée par l’accroissement de la production du bien final par la firme intégrée. Par conséquent, la
production et le prix du bien final resteront inchangés. En revanche, le seul changement enregistré concernera les
profits de la firme intégrée: ( ). .PF CmF X PI X qui est supérieure à zéro, d’après l’hypothèse 3.
139
profits en raison de l’augmentation du prix du bien intermédiaire75
. Cette hausse
de prix bénéficiera également aux firmes intégrées dans la mesure où leurs
rivales sur le marché du bien final verront leurs coûts s’accroître, et les forcera à
réduire leur production et augmenter les prix sur le marché aval.
La forclusion verticale, en tant que comportement stratégique, repose sur
l’hypothèse de l’ « effet de levier » qui stipule que la firme intégrée peut utiliser
le pouvoir de marché dont disposent les firmes amont non intégrées76
pour
renforcer son propre pouvoir de marché dans le stade aval (Krattenmaker et
Salop (1986)).
La théorie de la forclusion présente, cependant, plusieurs insuffisances au niveau
des hypothèses, ainsi qu’au niveau des implications anticoncurrentielles :
- Elle suppose que l’intégration verticale et la forclusion par la firme intégrée de
ses rivales au stade aval entraînent une baisse de l’offre du bien intermédiaire.
Cette baisse est accompagnée, généralement, d’une réduction consécutive de la
demande de la division aval de la firme intégrée en bien intermédiaire, ce qui
pourrait compenser la réduction de l’offre de ce bien.
- Elle insiste sur l’importance de l’incitation de la firme intégrée à refuser
l’approvisionnement de ses rivales au stade aval. Cette incitation s’explique par
un éventuel accroissement des profits de la division aval de la firme intégrée
grâce à l’avantage de coûts dont elle bénéficie au détriment de ses rivales. Or,
cette incitation pourra être affaiblie par la diminution des ventes de la division
amont si la firme intégrée refuse d’approvisionner les firmes aval non intégrées.
- Elle insiste, également, sur l’incitation des firmes amont intégrées à accroître
leur prix de vente du bien intermédiaire suite à la réduction de la concurrence
sur le marché de ce bien. Or, si les firmes amont accroissent les prix, les firmes
75
T. Krattenmaker et S. Salop (1986) qualifient cette vision de la théorie de forclusion verticale de « monstre de
Frankenstein », car la firme intégrée crée un pouvoir de marché en faveur des firmes amont non intégrées en leur
permettant d’accroître le prix du bien intermédiaire et donc les coûts de ses rivales. 76
Ces firmes acquièrent ce pouvoir de marché grâce au refus de la firme intégrée d’approvisionner les firmes aval
non intégrées.
140
aval pourront se lancer elles-mêmes dans la production du bien intermédiaire, de
même, un accroissement du prix par les firmes amont mettra les firmes aval non
intégrées dans une situation désavantageuse par rapport aux firmes intégrées et
seront ainsi forcées à restreindre leurs achats. En des termes directs, une grande
élasticité de la demande des firmes permettra d’atténuer l’incitation des firmes
amont non intégrées à accroître leur prix.
- Elle suppose que les firmes aval non intégrées ne réagiront pas directement à la
décision de forclusion par la firme intégrée. Or, dans la réalité, ces firmes
disposent de plusieurs stratégies de riposte. En particulier, elles peuvent réagir
en s’intégrant, elles-mêmes, avec des firmes amont non intégrées, ce qui leur
permet d’obtenir le bien intermédiaire au prix concurrentiel et d’éliminer, ainsi,
leur désavantage de coût.
- Il n’est pas évident que la tentative de la première firme aval de s’intégrer
verticalement avec une firme amont soit couronnée de succès puisque les firmes
amont non intégrées pourront accroître le prix du bien intermédiaire, il serait
difficile pour une firme aval de les convaincre à s’intégrer dans la mesure où
chaque firme amont voudrait saisir l’occasion permise par l’intégration d’une de
ses concurrentes avec la firme aval.
3.4 Intégration verticale et distorsions de monopole
3.4.1 Intégration verticale et double marge
L’intégration verticale n’est pas toujours synonyme de manœuvres stratégiques
dont l’objectif principal est le renforcement du pouvoir de monopole et la
restriction de la concurrence. Elle peut être utilisée, en effet, pour améliorer
l’efficacité productive d’une structure verticale en permettant un accroissement
du profit des entreprises qui forment cette structure. Elle constitue, également, et
141
c’est le plus important, une source d’amélioration de l’efficience économique en
permettant un accroissement du bien-être social à travers des profits plus élevés
pour les producteurs, mais surtout, des prix moins élevés pour les
consommateurs finals comparativement aux situations de non intégration.
Figure 3.4: Structure verticale d’un monopole successif
avec c le coût marginal du monopole amont et X la quantité de l’input utilisé par
ce dernier, P1, P2, Q1 et Q2 sont les prix et les quantités respectifs des biens
intermédiaire et final.
C’est le cas, notamment, d’une structure verticale constituée de deux monopoles
successifs ou d’une « pyramide de monopoles » où l’intégration verticale entre
les deux monopoles domine le cas de non intégration (Spengler (1950)). Pour
illustrer ce cas77
, nous partons de la structure verticale d’un monopole qui opère
dans le stade amont et d’un second monopole dans le stade aval. Les deux
monopoles peuvent être des fabricants ou bien des distributeurs qui jouent les
rôles de grossiste et de détaillant. Le monopole amont (M1
) transforme X unités
77
L’exemple que nous présentons s’inspire de Tirole (1988) op.cit, p. 134.
M1
Q1
M2
c
P1
P2
X
Q2
142
d’un input pour produire un bien intermédiaire (Q1) qu’il vend au monopole
aval (M2 ) au prix P1 . Ce dernier transforme à son tour le bien intermédiaire
pour produire un bien final (Q 2 ) qu’il vend aux consommateurs finals au prix
P 2 . Le monopole amont dispose d’un leadership en matière de prix sur le
marché intermédiaire : il choisit le prix du bien intermédiaire (P1) et le
monopoleur aval s’ajuste en choisissant la quantité à acheter en considérant P1
comme donné. De la même manière, la firme aval possède le leadership de prix
sur le marché du bien final en fixant le prix du bien qu’elle produit. Ainsi, la
demande du bien intermédiaire dépendra du prix choisit par le monopoleur
amont, et celle du bien final sera fonction du prix fixé par le monopole aval.
Disposant chacun d’un pouvoir de monopole sur le marché du bien qu’il produit,
les deux monopoleurs vont choisir les prix qui maximisent leurs profits
individuels. Pour simplifier le raisonnement, nous supposons que le processus de
transformation dans les deux stades s’effectue en proportions fixes, c’est-à-dire
que pour produire une unité de Q2 , le monopole aval utilise une seule unité du
bien intermédiaire. Il en est de même, pour le monopole amont qui doit utiliser
une seule unité de X pour produire une unité du bien intermédiaire,
formellement :
X Q Q Q 1 2
Nous supposons également que la fonction de demande du bien final s’écrit
comme suit:
Q a b P a b . 2 0 0avec et
Nous supposons, enfin, une valeur de c telle que: 0 ca
b78
.
Pour porter un jugement objectif sur l’efficience de chacune des deux structures
(structures intégrée et non intégrée), il faut procéder à une comparaison des
78
Une valeur de c supérieure à a
b implique des prix inférieurs au coût marginal du monopole amont et, donc,
des profits négatifs pour les deux monopoles. Dans ce cas, aucune des deux firmes n’aura intérêt à produire.
143
performances de chacune d’elles en termes de niveau de la production, de prix
du bien final et des profits des deux stades de production.
Pour ce faire, nous déterminerons l’équilibre de la structure non intégrée en
supposons que chaque monopole maximise son profit individuel en considérant
le comportement de l’autre comme donné. Puisque le seul coût encouru par le
monopole est le prix du bien intermédiaire, le profit peut donc être écrit :
2 2 1 2 ( ).( . )P P a b P (3.1)
La condition d’optimalité pour le monopoleur aval est donnée par :
2
2
210
2PP
a b P
b
. (3.2)
Au prix d’équilibre P 2 , le monopole aval produira la quantité du bien final
suivante :
Q a b P Qa b P
..
21
2 (3.3)
Par conséquent, le profit à l’équilibre sera :
21
4
( . )²a b P
b (3.4)
Quant au profit du monopole amont, il sera donné par :
1 11
2
( ).(
.)P c
a b P (3.5)
avec des conditions d’optimalités données par:
1
1
102P
Pa b c
b
. (3.6)
Afin de déterminer le profit du monopole amont, il convient d’abord d’exprimer
la quantité Q en fonction du coût marginal c, en remplaçant P1 dans l’équation
(3.3) par sa valeur de l’équation (3.6):
144
Qa b c
.
4 (3.7)
En substituant (3.6) dans (3.5), le profit du monopole amont sera donné par :
18
( . )²a b c
b (3.8)
De même que pour, le profit du monopole aval, nous pouvons l’exprimer
comme suit :
216
( . )²a b c
b (3.9)
Le profit total de la structure non intégrée correspond donc, à la somme des
profits des deux monopoles :
NI a b c
b
1 2
3
16
( . )² (3.10)
Le prix du bien final peut être exprimé en fonction du coût marginal. Pour ce
faire, nous substituons (3.2) dans (3.6), ce qui donne :
Pa b c
b2
3
4
. (3.11)
En cas d’intégration verticale entre les deux monopoles, le marché du bien
intermédiaire va disparaître. Pour produire le bien final, le monopole intégré
aura un coût marginal égal à c. Le profit de la structure intégrée correspondra,
donc, à la différence entre les recettes totales et le coût total :
IV P c a b P ( ).( . )2 2 (3.12)
La firme intégrée va, donc, résoudre le programme suivant :
P
Max P c a b P2
2 2( ).( . )
La condition de premier ordre de ce programme sera :
145
IV
PP
a b c
b2
202
.
(3.13)
En substituant P2 par sa valeur de l’équation (3.13) dans l’équation de la
demande finale, nous obtiendrons la quantité du bien final produite par le
monopole intégré :
Qa b c
.
2 (3.14)
Enfin, le profit de la structure intégrée est obtenu en substituant P2 de (3.12)
dans (3.13) :
IV a b c
b
( . )²
4 (3.15)
Tableau 3.1 : Comparaison des performances des deux structures
verticales
Critères de performance Structure
intégrée
Sens de
l’inégalité
Structure non
intégrée
Quantité du bien final (Q) a b c .
2
> a b c .
4
Prix du bien final (P 2 ) a b c
b
.
2 < 3
4
a b c
b
.
Profit de la structure verticale
()
( . )²a b c
b
4
> 3
16
( . )²a b c
b
Le tableau (3.2) regroupe les principales variables qui serviront à la comparaison
de performances des deux structures verticales. Les principales remarques qu’on
peut en tirer sont les suivantes :
- L’intégration verticale entraîne un prix du bien final nettement inférieur au prix
de la non intégration. En effet, dans une structure non intégrée, chacun des deux
146
monopoles choisit le prix qui maximise son profit en considérant le
comportement de l’autre comme donné. Ainsi, le monopole amont choisit un
prix P1 supérieur à son coût marginal c et réalise une marge bénéficiaire égale à
(P1- c). De la même manière, le monopole aval fixe le prix P 2 sur la base de
son coût marginal (qui correspond à P1)79
. Par conséquent, chaque monopole
ajoute sa propre marge de sorte que le prix du bien final va inclure deux marges
au lieu d’une seule. Par contre, le monopole intégré incorpore une seule marge
bénéficiaire dans le prix du bien final qui est calculée sur la base du coût
marginal (c) ce qui se traduit par un prix moins élevé. D’un point de vue social,
l’intégration verticale est meilleure car le surplus du consommateur est plus
élevé que dans une situation de non intégration.
- Le prix, moins élevé du bien final, permis par l’intégration verticale va inciter
les consommateurs à acheter davantage ce bien et entraînera une augmentation
de la demande finale. L’expansion de la demande aura pour conséquence, un
accroissement simultané de la production des biens final et intermédiaire,
permettant ainsi une meilleure allocation des ressources permise par
l’intégration verticale.
- En terme de profitabilité, l’intégration verticale domine, également, la non
intégration puisque les profits du monopole intégré sont nettement supérieurs à
ceux réalisés par les deux monopoles indépendants. Cette supériorité est
directement liée à l’avantage de l’intégration verticale au niveau du prix du bien
final et de la quantité offerte. En effet, l’élimination de la double marge entraîne
un prix moins élevé qui implique, à son tour, une consommation plus importante
du bien final. De ce fait, la baisse du prix se trouve largement compensée par la
hausse de la quantité demandée80
, ce qui entraîne des profits plus importants. La
structure intégrée s’avère, donc, plus efficace dans le processus de production
79
Le prix P 2 sera, donc, supérieur à P1 pour permettre au monopoleur aval de réaliser une marge bénéficiaire
égale à (P 2 - P1 ). 80
Car le monopole produit là où la demande est élastique.
147
puisque le coût du monopole intégré est moins élevé que celui du monopole aval
dans la structure non intégrée. Nous remarquons alors que dans une structure de
monopoles successifs, l’intégration verticale est une source d’amélioration de
l’efficience économique et du bien être social dans la mesure où ses effets sont
bénéfiques à la fois aux producteurs et aux consommateurs.
3.4.2 Intégration verticale et problème de négociation du monopole bilatéral
3.4.2.1 Monopole bilatéral et indétermination du prix
Le monopole bilatéral est défini par la superposition d’un monopole au stade
amont et d’un monopsone au stade aval. Il s’agit, donc, d’un vendeur unique
confronté à un acheteur également unique. Les variables sur lesquelles portent
les décisions sont la quantité de l’input à échanger (X), et le prix auquel
s’effectuera la transaction (P X ). Pour mieux illustrer le processus de décision,
nous nous baserons sur la figure 3.5 qui montre, également, les différentes
interactions entre les monopoles amont et aval.
Figure 3.5: Prix d’équilibre du monopole bilatéral
Source: F. Scherer (1990): p. 520.
Prix de
l’input X
H
PA
PA
PC
Rm
XC
X '
X
XV
CmM
Cm,
RM,DC
Quantité
L
148
La courbe (C Om c, ) représente la fonction de coût marginal du monopole
amont81
; alors que (RM, DC ) représente la fonction des recettes moyennes de la
firme aval82
. Si le marché de l’input X est concurrentiel la quantité échangée de
ce bien sera égale à XC et le prix de marché sera égal à PC d’après la loi de
l’offre et de la demande des marchés concurrentiels. En revanche, si l’acheteur
est un monopsone, le prix qu’il paiera pour une unité sera d’autant plus élevé
que la quantité échangée sera plus grande. Par conséquent, la courbe du coût
marginal du monopsone représentée par Cm M sera dérivée de celle du coût
marginal du monopole (Cm ,OC ) et si, en plus de son pouvoir de monopsone sur
le marché des facteurs, la firme aval possède un pouvoir de monopole sur le
marché du bien final, alors ses recettes marginales seront représentées par la
courbe Rm dérivée de la courbe des recettes moyennes (RM, DC ). Par
conséquent, la condition d’optimalité pour la firme aval (monopsone- monopole)
sera donnée au point où le revenu marginal est égal au coût marginal. Le point
d’intersection de ces deux courbes correspond au niveau X A de l’input et au prix
P A .83
. En revanche, si la firme amont détient le pouvoir de monopole, la
demande qui lui sera adressée sera représentée par la courbe de recettes
marginales du monopsone. Par conséquent, la courbe de recettes marginales du
monopole amont (R Mm ) sera dérivée de celle de la firme aval. Le profit
maximum du monopole amont correspond au point d’intersection entre sa
courbe de coût marginal (Cm , OC ) et celle du revenu marginale (R Mm ). A
l’équilibre, la quantité de facteur qui sera vendue par le monopole amont (XV )
est obtenue par la projection orthogonale sur l’axe des abscisses, et le prix de
vente (PV ) est obtenu par la double projection sur la courbe de demande dérivée
81
Dans un marché concurrentiel, la courbe de coût marginal est confondue avec celle de la fonction de l’offre de
l’input. 82
Dans un marché concurrentiel, la courbe de recette moyenne est confondue avec celle de la demande dérivée.
83
Si la firme aval ne détient pas un pouvoir de monopole sur le marché de l’input, l’équilibre sur le marché
intermédiaire correspondra au point d’intersection entre la courbe de son coût marginal (C Mm ) et celle des
recettes moyennes ( RM DC, ). Dans ce cas, la quantité d’équilibre X’ sera plus élevée que X A .
149
(Rm ) et sur l’axe des ordonnées.
Le problème qui se pose dans une structure de monopole bilatéral est que le prix
d’équilibre du monopole amont (PV ) sera plus élevé que celui du monopsone
aval (P A ), alors que la quantité d’équilibre du premier (XV ) sera moins élevée
que celle du second (X A ). Par conséquent, la maximisation des profits
individuels de l’un est incompatible avec celle des profits de l’autre. En d’autres
termes, les intérêts des deux firmes sont divergents.
La solution à ce problème dépendra essentiellement du comportement des deux
firmes :
- Si les deux firmes adoptent un comportement non coopératif, alors, chacune
d’elles va chercher à maximiser ses profits individuellement. Dans ce cas, c’est
la firme qui possède le leadership qui fixe le prix du facteur et ça sera à l’autre
d’agir en conséquence84
. Si aucune des firmes ne possède le leadership de prix,
la solution de la coopération sera indispensable pour que la relation d’échange
puisse avoir lieu ou continuer.
- Si les deux firmes adoptent un comportement coopératif, elles choisiront de
maximiser les profits joints et échanger un niveau X du facteur85
. Pour fixer le
prix de l’input, les deux firmes devront engager des négociations qui porteront
sur le partage des profits joints. Si ces négociations n’aboutissent pas à un
accord86
, une solution possible sera l’intégration verticale des deux firmes.
Nous voyons que la coopération entre les deux firmes (maximisation des profits
joints) permet l’échange d’une quantité plus élevée de l’input en comparaison
avec la non coopération (leadership de prix de l’une des deux firmes) :
84
En cas de leadership du monopole amont, le prix de l’input sera fixé au niveau PV et la quantité échangée sera
égale à XV. En revanche, en cas de leadership du monopsone, le prix payé sera fixé à PA
et la quantité achetée
sera égale à X A.
85 Cette quantité est obtenue par la projection sur l’axe des abscisses du point d’intersection entre la courbe des
recettes marginales du monopsoneur (R m ) et la courbe du coût marginal du monopoleur amont (C Om c, ). 86
Si les négociations aboutissent à un compromis, le prix de l’input sera fixé quelque part entre les points L et H
de la figure 3.5, en fonction du pouvoir de marchandage des deux firmes.
150
X X XA V
. La coopération pourrait être bénéfique pour les consommateurs
dans la mesure où l’échange d’une quantité plus importante de l’input
entraînerait une production plus importante et un prix moins élevé du bien final.
Cependant, la comparaison objective des différentes solutions au problème du
monopole bilatéral, nécessite une évaluation de l’effet de chacune d’elles sur le
bien-être social, notamment les profits globaux de la structure verticale et le
surplus des consommateurs du bien final.
3.4.2.2 Intégration verticale et efficience d’une structure de monopole
bilatéral
Afin de porter une évaluation des effets de l’intégration verticale sur l’efficience
économique, nous allons argumenter notre raisonnement par le recours à un
modèle simple de monopole bilatéral87
. Pour des raisons de simplicité, nous
supposons que les fonctions de coût et de demande sont linéaires. Si nous
partons d’une structure verticale constituée d’un monopole au stade amont
(vendeur V) et un monopsone au stade aval (acheteur A) avec des fonctions de
coût marginal et de coût total du monopoleur amont données par :
Cm a bX
CT k a X b XV V
V v V
22. .
et où a et b sont des constantes positives.
Supposons, également, que la firme aval transforme une unité du facteur X en
unité d’output Q moyennant un coût unitaire de production égal à c. La fonction
de demande inverse de l’output Q s’exprime comme suit :
P Q d f Q d a c f( ) . ( ) avec et 0
Par conséquent, le profit de l’acheteur est donné par l’équation suivante :
A XQ d f Q c Q P Q .( . ) . . (3.16)
87
Notre raisonnement est inspiré de deux modèles distincts présentés par R. Blair et D. Kaserman (1987) et F.
151
avec PX le prix fixé par le vendeur pour chaque unité de X. L’acheteur va
résoudre le programme suivant :
Q
XMax Q d f Q c Q P Q( . ) . .
donnant la condition d’optimalité suivante pour une solution intérieure :
AX
Qd c P f Q 0 2 0. (3.17)
Comme Q = X, l’équation (3.17) peut être réécrite :
P d c f XX 2 .
Cinq scénarios éventuels représentant les différentes solutions au problème du
monopole bilatéral sont envisageables :
- Le premier, qui servira de référence, représente la maximisation des profits
joints des deux firmes.
- Le second représente le leadership de l’acheteur.
- Le troisième représente le leadership du vendeur.
- Le quatrième représente la solution de l’intégration verticale.
- Le cinquième représente la solution d’un contrat de long terme où les deux
firmes s’accordent d’échanger la quantité qui maximise les profits joints et de
partager les profits.
La comparaison entre les différents scénarios portera sur la quantité échangée de
l’input, le prix du bien final et les profits globaux des deux firmes.
Scénario 1: Exprimés en fonction de X (car X = Q), nous exprimons les profits
des deux firmes comme suit:
V X
A x
P X k a X b X
X d f X c X P X
. . . ²
.( . ) . .
Scherer (1990).
152
Les profits joints (J ) correspondent, ainsi, à la somme des profits individuels
des deux firmes :
J A V d c a X f b X k ( ). ( ). ² (3.18)
La condition d’optimalité est donnée par :
J
XX
d c a
f b
02( )
(3.19)
Posons: M d c a N f b ( ) ( )et . En substituant XM
N
2
dans l’équation
(3.18), on obtient :
J
M
Nk
²
4 (3.20)
Scénario 2: En cas de leadership de l’acheteur, le vendeur prendra le prix Px
comme donné et réagira en égalisant son revenu marginal à ce prix. La fonction
d’offre du vendeur (qui est également la fonction du coût moyen de l’acheteur)
correspond à P a b Xx 2 . . L’acheteur résoudra, ainsi, le programme qui suit :
X
Max X d f X c X X a b X( . ) . .( . ) 2 (3.21)
qui donne la condition d’optimalité suivante :
AA
xX
d c a
f b
0
2 2( ) (3.22)
Puisque f et b sont tous les deux positifs, ( ) ( )f b f b 2 , et la quantité de
l’input échangée dans le scénario 1 est supérieure à celle issue du scénario 2
( )X X A
. Cette inégalité nous permet d’écrire :
X X d f X d f X P X p XA A A
. . ( ) ( )
car P X d f X( ) . . Le prix de l’output du scénario 1 est donc inférieur à celui
du scénario 2.
153
Posons: M d c a N f b ZN f b Z ( ), ( ) ( )et avec2 1. D’où la somme des
profits des deux firmes :
T V A Ad c a X f b X k XM
ZN ( ). ( ). ² avec
2
En substituant X A par sa valeur et en effectuant le calcul, on obtient :
T
M
N
Z
Zk
²(
²)
4
2 1 (3.22)
Puisque (²
)2 1
1Z
Z
, le profit total du scénario 2 est inférieur à celui du scénario
1 donné par l’équation (3.20).
Scénario 3: En cas de leadership du vendeur, l’acheteur s’ajustera au prix PX en
choisissant la quantité qui maximisera son profit (comme dans l’équation
(3.17)). La fonction de demande inverse du vendeur correspondra donc à
P d c f XX 2 .
Ce dernier résoudra le programme qui suit :
X
Max d c f X X k a X b X( . ). . . ² 2
qui donne la condition d’optimalité suivante :
VV
XX
d c a
f b
0
2 2( ) (3.23)
Puisque ( ) ( )2 f b f b , alors la quantité échangée dans le cas du leadership
du vendeur est inférieure à celle correspondant au cas de la maximisation des
profits joints: X XV . De la même manière, le prix final dans le scénario 3 sera
plus élevé que celui du scénario 1.
Les profits totaux du vendeur et de l’acheteur seront, donc :
T A V X d a c X f b k ( ) ² .( )
En posant M d a c N f b YN f b Y ( ), ( ) ( )et avec2 1 et en substituant
154
XV dans l’équation (3.23), on obtient :
T
M
N
Y
Yk
²(
²)
4
2 1 (3.24)
Pour Y>1, la quantité (²
)2 1Y
Y
est toujours inférieure à 1, ce qui fait que le profit
total en situation de leadership du vendeur est inférieur aux profits joints donnés
par l’équation (3.20).
- Scénario 4: En cas d’intégration verticale, la firme intégrée sera en situation
de monopole sur le marché du bien final. Par conséquent, les recettes totales du
monopole intégré seront égales à :
RT X d f X . ( . )
et ses coûts totaux seront équivalents à :
CT k a c X b X ( ). . ²
D’où, la fonction de profit du monopole intégré :
IV d c a X f b X k ( ). ( ). ² (3.25)
L’équation (3.25) étant similaire à l’équation (3.18), alors :
J IV
Par conséquent, la maximisation des profits dans le scénario de l’intégration
verticale est la même que celle dans le cas des profits joints.
- Scénario 5 : Si les deux firmes préfèrent signer un contrat de long terme
permettant de générer des profits équivalents à ceux de la maximisation des
profits joints, et si elles décident de partager ces profits selon la règle suivante :
V J
A J
.
( ).1
avec 0 1 , le partage se fera à travers un prix de l’input qui permettra de
concrétiser l’accord conclus. En posant V J . , nous obtenons :
155
P d c f X a X b X kX
X .( . ) ( ).( . . ² ).11
(3.26)88
Puisque A XX d f X c X P X .( . ) . . , la substitution de PX de l’équation (3.26)
dans la fonction de profit de l’acheteur nous permet d’écrire :
A
A J
X d c a X f b k
( ). .( ) ² .( )
( ).
1
1
En choisissant de maximiser les profits joints, les deux firmes vont donc
échanger une quantité X C équivalente à X , et le prix du bien final sera
également identique. La seule différence concerne le prix de l’input PX dont le
niveau dépendra de la valeur de .
Les principales conclusions à propos des solutions au problème de la
détermination du prix et la quantité à échanger dans une structure de monopole
bilatéral peuvent être résumées comme suit :
- La coopération est toujours préférable au leadership dans la mesure où la
maximisation des profits joints permet l’échange d’une quantité plus importante
de l’input, des prix moins élevés du bien final et des profits totaux plus
conséquents comparativement aux scénarios de la non coopération.
- Comparée à la solution de leadership de l’acheteur, celle du leadership du
vendeur implique une restriction excessive de la quantité échangée :
X X XV A
En effet, lorsque le prix de l’input est fixé par le vendeur, la firme aval s’ajuste
en choisissant la quantité à acheter en considérant le prix comme donné.
Cependant, cette restriction n’est pas due au pouvoir de monopsone, mais plutôt
88
L’équation (3.26) peut être exprimée de la manière suivante :
P P X c CTM
P c P X CTM c
X
X
.( ( ) ) ( ).( )
.( ( ) )
1
avec P(X) le prix du bien final exprimé en fonction de X, et CTM le coût total unitaire du monopole amont. Le
prix PX sera, donc égal au coût unitaire de l’input plus multipliée par la marge prix-coût du monopole intégré
au niveau du stade aval.
156
à la distorsion de la double marge (en absence de pouvoir de monopsone, la
structure verticale se ramène à une situation de monopoles successifs qui
implique un niveau élevé du prix du bien final et un faible niveau de la
demande).
- En cas d’intégration verticale entre le vendeur et l’acheteur, les décisions de
transfert de l’input seront guidées par le coût marginal effectif car l’intégration
verticale facilite le choix de la quantité de l’input qui assure le profit maximal
pour la structure verticale. Pour le consommateur final, l’intégration verticale ne
permet, certes pas d’atteindre des résultats comparables à ceux d’une structure
verticale concurrentielle, mais permet d’éviter les restrictions quantitatives de
l’input et l’augmentation excessive du prix final qui résulte des solutions de
leadership ou des négociations imparfaites entre les deux firmes. Par
conséquent, en cas de difficultés de négociations entre le vendeur et l’acheteur,
l’intégration verticale sera bénéfique à la fois aux producteurs et aux
consommateurs entraînant, ainsi, une amélioration très nette du bien-être social
et de l’efficience économique.
- Lorsque la solution de l’intégration verticale s’avère coûteuse (pour des raisons
que nous développerons dans le chapitre suivant), les deux firmes peuvent
négocier un contrat à long terme qui permet d’échanger une quantité de l’input
équivalente à celle qui maximise les profits joints. Le partage des profits se fera,
ensuite, à travers un prix de l’input déterminé en fonction du prix du bien final et
des coûts unitaires des deux firmes. Ainsi, la solution de long terme entraînera
un prix du bien final et des profits équivalents à ceux de la maximisation des
profits joints. En plus de ces performances, la solution permet :
- De faciliter le processus de négociation en focalisant l’attention sur un seul
paramètre ( ). Ainsi, en se mettant d’accord sur la décision de produire une
quantité du bien final qui maximise les profits joints, les deux firmes n’auront
157
pas besoin de spécifier le prix ou la quantité à échanger de l’input. Il suffit, pour
les deux, de se mettre d’accord sur la part des profits qui reviendraient à chacun.
- De faciliter le processus de négociation en économisant les besoins en
informations dont les deux firmes ont besoin pour trouver un compromis. Ainsi,
le contrat peut être conclus sans qu’on ait besoin d’informations sur la demande
finale dans la mesure où le profit de chacune des firmes ne dépendra que du
paramètre une fois la solution de la maximisation des profits joints est
retenue.
- De refléter tout changement de la demande du bien final ou de la structure des
coûts des firmes dans le prix et les quantités stipulés dans le contrat, car tout
changement du prix du bien final ou des coûts unitaires se traduira
automatiquement par une modification des profits joints, ce qui poussera le
vendeur et l’acheteur à procéder aux ajustements nécessaires.
3.5 Intégration verticale et amélioration du pouvoir de monopole
3.5.1 Intégration verticale et discrimination par les prix
3.5.1.1 Présentation de la discrimination par les prix
La fixation d’un prix uniforme est une pratique courante dans la plupart des
marchés. Cependant, il y a de nombreux exemples dans lesquels le même bien
économique est vendu à des prix différents au même consommateur ou à des
consommateurs différents. D’une manière générale, Tirole (1988)89
considère
« qu’un producteur discrimine par le prix quand deux unités du même bien
physique sont vendues à des prix différents, soit à des consommateurs différents
soit au même consommateur ». Cette définition reste, cependant, insuffisante.
Prenons le cas d’un producteur qui dessert une zone géographique. La fixation
89
J. Tirole (1988) Théorie de l’Organisation Industrielle, Edition Economica, p. 263.
158
d’un tarif uniforme ne tenant pas compte des différences de coûts est considérée
comme une discrimination. En revanche, la pratique de prix reflétant pleinement
les différences de coûts de transport entre les consommateurs situés à des
distances différentes de l’usine ne peut être considérée comme une
discrimination. En effet, lorsque les différences de prix entre les consommateurs
reflètent exactement les différences dans les coûts d’approvisionnement de ces
consommateurs, on ne pourrait parler de discrimination par les prix. D’un autre
côté, des biens livrés à des dates différentes, dans des localités différentes, dans
des états de la nature différents ou de qualités différentes, sont des biens
économiquement distincts. Il est, donc, difficile de présenter une définition
recouvrant la totalité des phénomènes.
3.5.1.1.1 Le problème de l’arbitrage
La possibilité de discrimination par le prix est liée à la possibilité d’arbitrage.
On distingue, conventionnellement, deux formes d’arbitrages :
- Le premier type est lié à la transférabilité de la marchandise. Si un fabricant
vend à deux consommateurs différents le même bien à des prix différents, alors
le consommateur bénéficiant du prix le moins élevé pourra éventuellement
acheter davantage de ce bien pour le revendre à l’autre à un prix plus avantageux
pour les deux. Ce type d’arbitrage peut annuler complètement l’effet de la
discrimination. Cependant, l’échec de discrimination dépend largement de
l’importance des coûts d’échange (ou coûts de transaction) entre les deux
consommateurs. Si ces coûts sont élevés, la possibilité de l’arbitrage devient
moins plausible dans la mesure où ces consommateurs n’auront pas intérêt à
effectuer ce type de transaction. En revanche, lorsque les coûts de l’arbitrage
sont faibles, la discrimination devient très coûteuse. D’une manière générale, les
coûts de transaction sont plus élevés et la transférabilité est plus difficile pour
les services que pour les marchandises. En effet, les consommateurs peuvent
159
difficilement s’engager dans un arbitrage pour des services tels que le voyage, le
traitement médical, l’électricité ou les communications téléphoniques.
Le second type d’arbitrage est associé à la transférabilité de la demande entre
différents lots ou paniers offerts aux consommateurs. Le fabricant d’un bien peut
classer les consommateurs en plusieurs catégories selon un ou plusieurs critères
(revenu, âge, sexe...), et offrira à chacune de ces catégories un lot ou un panier
pour lequel elle est censée manifester une préférence stricte. Dans ce cas, le
problème n’est pas lié au transfert physique du bien en question, mais plutôt au
refus de certaines catégories de consommateurs de consommer les lots qui leurs
sont destinés et la consommation des lots adressés aux autres. Pour le fabricant,
le problème se pose particulièrement lorsque la plupart des consommateurs,
achètent le lot le moins cher. C’est le cas, par exemple, lorsque la majorité des
voyageurs des chemins de fer se paient des places dans la classe économique
alors que les wagons de première classe restent entièrement vides. Dans la
pratique, les producteurs disposent rarement d’une information complète sur
l’identité de chaque consommateur et se contentent souvent de distributions
agrégées des goûts et des préférences. C’est ce qui rend difficile de vérifier que
chaque consommateur choisisse exactement le lot conçu pour lui.
3.5.1.1.2 Les types de discrimination par les prix
On distingue, habituellement, trois types de discrimination par les prix : la
discrimination au premier degré (discrimination parfaite), au second degré et au
troisième degré. La différence entre les trois types dépend essentiellement de la
nature de l’information dont dispose un producteur à propos des attributs et des
caractéristiques des consommateurs.
La condition sine qua none pour la pratique d’une discrimination au premier
degré est la possession, par le producteur du bien en question, d’une information
parfaite sur chaque consommateur. Cette information concerne les goûts et les
160
préférences individuelles de chaque consommateur de sorte que le producteur
puisse capter le surplus entier du consommateur en imposant à chaque client un
tarif individualisé équivalent à son prix de réservation, et en empêchant toute
possibilité d’arbitrage. C’est le cas notamment lorsque les consommateurs d’un
marché possèdent une demande identique connue par le producteur. Si ce
dernier possède un pouvoir de monopole sur ce marché, il pourra extraire la
totalité du surplus du consommateur en choisissant un barème de prix qui
associe à chaque niveau de consommation le montant total à payer par
consommateur. C’est, également, le cas lorsque les consommateurs possèdent
des courbes de demande différentes mais connues par le producteur. Le schéma
de prix optimal consiste, dans ce cas, à faire payer pour chaque unité marginale
un prix égal au coût marginal, et à demander une prime personnalisée fixe égale
au surplus net du consommateur à ce prix.
Dans la pratique, la discrimination parfaite est très rare en raison des problèmes
posés par l’arbitrage et de l’imperfection de l’information sur les préférences
individuelles des consommateurs. En effet, si le producteur ne connaît pas les
goûts et les préférences individuelles de chaque consommateur, il ne pourra pas
leur offrir des lots spécifiques et leur imposer des prix personnalisés. Ceci, ne
signifie pas pour autant, que le producteur n’a pas de choix autre que le prix
uniforme. Il peut, au contraire, regrouper les consommateurs en plusieurs
catégories selon un ou plusieurs critères qui constitueraient des signaux directs
ou indirects sur leurs préférences et leurs goûts. Ainsi, si le producteur est
capable de diviser le marché en segments sur la base de signaux directs (tels que
l’âge, le revenu, l’emploi, la localisation géographique...) sans être capable de
discriminer parmi les consommateurs au sein d’un groupe, il pourra extraire,
même partiellement, le surplus du consommateur en adoptant des barèmes de
prix spécifiques à chaque segment du marché. Cette pratique correspond à ce qui
est convenu de qualifier de discrimination par les prix au troisième degré qui
correspond à une solution intermédiaire entre la discrimination parfaite et
161
l’absence complète de discrimination. D’ailleurs, la réalité des secteurs
industriels et commerciaux est souvent marquée par l’imperfection de
l’information et la prédominance de l’incertitude sur la demande et les
préférences des individus. Mais ceci, ne signifie pas pour autant, que les
fabricants se trouvent dans une situation d’ignorance totale vis-à-vis de leurs
clients. Bien au contraire, ils disposent de nombreux moyens techniques et
statistiques pour rassembler suffisamment d’informations sur la clientèle. C’est
pour ces raisons que la pratique de la discrimination au troisième degré est très
courante dans la réalité que ce soit au niveau des marchés des biens
intermédiaires ou ceux des produits finis.
Il arrive, quand même, que la discrimination au troisième degré ne soit pas
possible à cause du problème de l’arbitrage ou la non disponibilité de signaux
directs sur la demande. Dans ce cas, le producteur pourra utiliser des signaux
indirects en proposant aux consommateurs un menu différencié du produit et en
laissant à ces derniers la possibilité de choisir eux mêmes l’option qu’ils
préfèrent dans le menu proposé. Ainsi, chaque consommateur va s’identifier à
un lot spécifique qui reflète ses préférences et ses goûts sans aucune contrainte
de la part du fabricant. Avec cette liberté de choix, ce n’est pas le fabricant qui
impose au client le lot qu’il devrait acheter, mais c’est plutôt ce dernier qui se
positionne dans un segment déterminé vis-à-vis du menu. Parmi les techniques
de discrimination par les prix au second degré, il y a la vente par lots ou l’offre
jointe « prix-quantité » où le consommateur choisit entre des prix fixés selon la
quantité qu’il désire acquérir (c’est le cas lorsque le prix unitaire est fonction de
la quantité achetée par un même consommateur). Il y a, également, la
discrimination par une offre jointe « prix-qualité » lorsque le fabricant offre un
éventail de qualités d’un bien ou d’un service tenant compte des différents goûts
des consommateurs pour la qualité. Cependant, la pratique de la discrimination
au second degré n’est possible qu’à une simple condition : il faut que les lots et
les prix correspondant soient fixés de telle sorte que le consommateur soit incité
162
à choisir exactement le lot qui lui est adressé. En d’autres termes, le choix par un
consommateur d’un lot qui ne correspond pas à ses préférences et ses goûts
devrait lui procurer un désagrément suffisamment important pour qu’il renonce
à ce choix. Pour ce faire, les fabricants utilisent souvent des instruments d’auto-
sélection qui font que l’utilité procurée par la consommation des lots les plus
chers compense largement la désutilité liée aux économies des prix.
3.5.1.1.3 Discrimination par les prix et bien être social
Le débat théorique autour des effets de la discrimination par les prix sur le bien
être social se caractérise par la confrontation de deux courants principaux :
- Le premier, associé à la tradition de Harvard, soutient l’idée que la
discrimination par les prix est souvent expliquée par des agissements
anticoncurrentiels visant à affaiblir les petites entreprises ou à les exclure du
marché. Ce courant a fortement influencé la législation antitrust aux Etats Unis
avant les années 80 à travers la condamnation d’une telle pratique par le
« Robinson-Patman Act »90
.
- Le second courant, représenté par l’Ecole de Chicago, affirme que la
discrimination par les prix peut être une source d’amélioration de l’efficience
économique puisqu’elle permet aux producteurs de faire payer chaque
consommateur le prix qu’il est disposé à verser pour le bien ou le service en
question. En revanche, la pratique d’un prix uniforme peut entraîner une
restriction de la production dans la mesure où elle exclut tous les
consommateurs ayant une propension à payer inférieure à ce prix.
Le désaccord sur l’utilité économique et sociale de la discrimination par les prix
s’explique par ses effets au niveau de la redistribution des revenus qui
complique davantage les mesures des variations du bien être social. Il est,
90
Le « Robinson--Patman Act » empêchait toute firme dominante de bénéficier de rabais sauf s’il est justifié par
une baisse de coûts du vendeur due à la quantité produite, ou par un effort bon et loyal du vendeur pour s’aligner
163
souvent difficile de s’exprimer sur le sens de variation du bien être résultant de
la discrimination. D’une part, elle permet d’accroître le surplus du producteur et
celui des consommateurs qui bénéficient de la baisse des prix, et d’autre part,
elle diminue le surplus des consommateurs qui subissent la hausse du prix. De
manière intuitive, la discrimination est généralement bénéfique pour la société
lorsqu’elle entraîne un accroissement de la production. Dans ce cas, elle
permettrait d’éviter la restriction excessive de la production due à la distorsion
du mark up du monopole.
3.5.1.2 Intégration verticale, discrimination par les prix et bien être social
La discrimination par les prix est souvent rendue difficile à cause du problème
d’arbitrage. Dans bien des cas, les coûts, supportés par une entreprise, pour
empêcher l’arbitrage entre les différentes catégories de clients sont tellement
élevés qu’ils compensent entièrement la rente de la discrimination. Dans ce
contexte, l’intégration verticale peut être un substitut parfait qui permettrait à
l’entreprise d’éviter l’arbitrage et de réaliser les profits de la discrimination par
les prix (Wallace (1937), Stigler (1951)). A ce titre, deux questions méritent
d’être posées : si une entreprise est confrontée à deux catégories de clients ayant
des élasticités prix de la demande différentes, alors dans quelle catégorie
l’entreprise devrait-elle s’intégrer pour empêcher l’arbitrage? Et quels sont les
effets d’une telle pratique sur le bien être social ?
Pour répondre à ces questions, nous considérons deux cas de figures : la
discrimination sur un marché de bien final, et la discrimination sur un marché de
bien intermédiaire.
3.5.1.2.1 Intégration verticale et discrimination sur les marchés de biens
finals
sur un prix inférieur d’un concurrent.
164
Il est souvent avancé que l’intégration verticale facilite la discrimination par les
prix en empêchant l’arbitrage. C’est le cas notamment d’une structure verticale
constituée d’un monopole qui vend un bien homogène à deux industries
concurrentielles indépendantes confrontées à deux demandes indépendantes
ayant des élasticités prix différentes ( ) 2 1 .
Figure 3.6 : Représentation de la discrimination par le prix
Les deux industries aval utilisent une technologie qui permet de transformer
chaque unité de l’input en une unité du bien final. Par conséquent, le prix des
deux biens finals est équivalent au prix tarifé par le monopoleur aux deux
industries du stade aval. Tout se passe donc, comme si le monopoleur vendait
l’input directement aux consommateurs finals (les industries concurrentielles ne
sont qu’un voile). Ainsi, il suffit de concentrer l’analyse sur le marché du bien
intermédiaire.
Si le monopoleur s’intègre dans l’industrie où l’élasticité prix de la demande est
plus faible, il accroîtra le prix de transfert interne de l’input pour l’industrie
M
1C 2C
1 < 2
165
intégrée d’un côté, et diminuera le prix de marché de l’input pour ses ventes à
l’industrie non intégrée de l’autre. Cette stratégie s’avère, cependant, inefficace
dans l’hypothèse d’absence de barrières à l’entrée au stade aval concurrentiel.
En effet, si le monopoleur s’intègre dans l’industrie dont l’élasticité de la
demande est la plus faible, de nouvelles firmes vont pénétrer dans cette industrie
en se procurant l’input dans l’autre marché et en vendant le bien final à des prix
moins élevés que ceux proposés par la division aval du monopole intégré, ce qui
annule complètement l’effet de la discrimination pour le monopole.
L’intégration verticale du monopole dans l’industrie où l’élasticité prix de la
demande est la plus faible ne permet pas d’empêcher l’arbitrage entre les deux
industries du stade aval.
En revanche, l’intégration verticale du monopole dans l’industrie où l’élasticité
de la demande est plus élevée s’avère très efficace pour empêcher l’arbitrage et
pratiquer la discrimination par les prix. Le monopoleur pourra, en effet, accroître
la consommation du bien final de l’industrie intégrée en diminuant le prix de
transfert interne de l’input à sa division aval, et conjointement, il peut accaparer
le surplus du consommateur dans le marché caractérisé par une faible élasticité
prix de la demande en augmentant le prix de marché de l’input destiné aux
entreprises de l’industrie non intégrée. Dans ce cas, l’entrée de nouvelles firmes
dans l’industrie intégrée ne serait pas profitable en raison de l’écart négatif entre
le prix final dans ce marché et le prix de marché de l’input. Ainsi, pour que
l’intégration verticale puisse constituer un substitut efficace à la discrimination
par les prix, il faut que le prix de transfert interne aux divisions intégrées du
monopole soit inférieur au prix de marché de l’input. Autrement, l’entrée de
nouvelles entreprises pourrait annuler l’effet de l’intégration (Tirole (1988)).
Ce résultat peut être généralisé au cas où le monopoleur est confronté à une
multitude d’industries caractérisées par des élasticités différentes de la demande.
Dans ce cas, le prix de transfert interne, à l’industrie où l’élasticité de la
166
demande est la plus élevée, doit être inférieur au prix de marché. Autrement dit,
le monopole choisira un prix interne pour chacune des industries intégrées en
fonction du niveau de l’élasticité de la demande, et le prix de marché doit être
supérieur au prix interne le plus élevé. Par conséquent, le monopoleur a la
possibilité d’accroître ses profits en s’intégrant dans toutes les industries à
l’exception de celle où l’élasticité prix de la demande est la plus faible.
Si l’input est produit conjointement par une firme dominante et une frange
concurrentielle, alors l’incitation à l’intégration verticale pour la firme
dominante sera semblable au cas du monopole pur. En revanche, le cardinal de
l’ensemble des industries aval où la firme dominante aura intérêt à s’intégrer
variera dans le sens inverse du volume de l’offre de la frange concurrentielle. En
d’autres termes, plus l’offre concurrentielle sera grande, plus le nombre
d’industries aval intégrées sera petit (Perry (1978)).
3.5.1.2.2 Discrimination par les prix dans les marchés intermédiaires
L’analyse précédente supposait que les acheteurs du bien du monopoleur ou de
la firme dominante étaient des consommateurs, c’est-à-dire qu’il s’agissait d’un
bien final. Les conclusions de Perry (1978) ne peuvent, donc, être valables dans
le cas d’un marché intermédiaire où les acheteurs du stade aval sont des
entreprises qui transforment le bien intermédiaire ou des revendeurs. C’est le
cas, par exemple, d’une chaîne de magasins qui est en concurrence avec des
détaillants indépendants sur des marchés géographiquement dispersés. La chaîne
et les détaillants utilisent le même bien intermédiaire fourni par un monopoleur
situé au stade amont. Dans ce contexte, deux raisons peuvent expliquer la non
application de l’analyse précédente aux marchés des biens intermédiaires. Tout
d’abord, les demandes sont interdépendantes dans la mesure où la quantité
demandée par la chaîne de magasins et le petit détaillant dépend non seulement
du prix qu’ils paient, mais également du prix payé par le concurrent. Ensuite, les
167
distributeurs (en particulier la chaîne de magasins) ont plus d’incitations à
s’intégrer en amont que les consommateurs sur un marché final.
De ces deux hypothèses, la chaîne de magasins peut être amenée à exploiter son
pouvoir de marché, en tant qu’acheteur, en exigeant du monopole amont la vente
du bien intermédiaire à un tarif discriminatoire. Cette exigence doit être prise au
sérieux par le fabricant, autrement la chaîne a suffisamment d’incitation à
produire elle-même le bien intermédiaire en s’intégrant verticalement dans le
stade amont. Par conséquent, la discrimination par les prix permet au fabricant
d’accroître ses profits issus des ventes aux détaillants d’une part, et d’éviter
l’intégration verticale de la chaîne de l’autre. Au niveau du stade aval, la
discrimination permet à la chaîne de disposer d’un avantage de coût vis-à-vis de
ses concurrents et lui assure des parts de marchés et des profits plus importants
(Katz (1987)).
3.5.2 Intégration verticale et substitution des inputs
3.5.2.1 Présentation de la distorsion des proportions variables
Le problème de la substitution des inputs apparaît lorsque la structure verticale
est composée d’un stade aval concurrentiel dont la technologie de production
nécessite l’utilisation de deux inputs dans des proportions variables. En effet,
lorsque l’un des deux inputs est offert par un monopoleur amont, à un prix
supérieur à son coût marginal, alors que l’autre input est offert par une industrie
concurrentielle, l’industrie du stade aval sera amenée à utiliser excessivement
l’input offert concurrentiellement.
168
Figure 3.7 : Combinaisons techniques des deux inputs X et Y
Source : F. Scherer (1990) Industrial Market Structure and Economic
Performance, p. 523.
L’isoquant Q de la firme aval représente l’ensemble des combinaisons
techniques possibles91
qui permettent la production d’une même quantité
d’output. Avec un prix de X supérieur à son coût marginal, la courbe d’iso-coût
(ICM) de la firme aval sera relativement inclinée et impliquera le choix de la
combinaison M des deux inputs. En revanche, si le monopole amont s’intègre
verticalement en aval, sa courbe d’iso-coût (IC1) sera moins inclinée puisqu’il
payera l’input X à son coût marginal. Par conséquent, le monopole intégré
choisira une combinaison impliquant une utilisation intensive de l’input X (point
V). Or, la combinaison M intercepte la droite d’iso-coût (IC2) qui correspond au
coût supporté par la firme aval au cas où elle achetait l’input X à son coût
marginal. Ainsi, l’intégration verticale permet des économies de coûts
équivalents à la différence entre les deux droites d’iso-coûts IC1 et IC2 .
D’un point de vue analytique, la non intégration se caractérise par le choix d’une
combinaison technique qui permet l’égalisation des rapports de productivités
marginales et des prix des inputs. Si nous supposons que CX et CY sont les coûts
marginaux respectifs des deux inputs, PX le prix de l’input X, et Q(X, Y) la
fonction de production de la firme aval, la non intégration impliquera le choix
Input X
Input Y
M
V
Q
IC2
IC1 ICM
169
par la firme aval de la combinaison optimale en tenant compte de l’égalité
suivante92
:
Q
X
Q
Y
P
CX
Y
(3.27)
Puisque les deux inputs sont des substituts, la firme aval sera incitée à utiliser
davantage l’input Y. Par conséquent, le taux marginal de transformation
technique sera supérieur au rapport des coûts réels (CX et CY) :
Q
X
Q
Y
C
CX
Y
(3.28)
Cette inégalité est considérée comme une source d’inefficience de la firme aval
dans la mesure où elle utilise davantage le second input et consomme trop peu
du bien intermédiaire du monopole amont. L’intégration verticale permet
d’éliminer cette inefficience en assurant l’égalité entre le taux marginal de
transformation technique et le rapport des coûts réels des facteurs.
Figure 3.8 : Substitution des inputs dans une structure verticale
91
d’un input offert concurrentiellement Y et d’un input X offert par un monopole au stade amont. 92
Egalité du rapport des productivités marginales des inputs et celui des prix qui donne la combinaison
technique optimale du producteur.
M
C
C
170
Précisons enfin, que l’incitation à l’intégration verticale du monopole amont
n’apparaît pas lorsque les inputs sont utilisés par la firme aval dans des
proportions fixes étant donné que cette dernière sera incitée à choisir la
combinaison optimale sans aucune intervention du monopole amont. D’un autre
côté, l’existence d’une offre concurrentielle de l’input Y exclut la possibilité de
l’intégration horizontale du monopole amont dans la mesure où l’industrie
concurrentielle du stade amont n’exerce aucune externalité verticale puisque
l’input Y est vendu à son coût marginal.
3.5.2.2 Effets de l’intégration verticale sur le prix du bien final et sur le
bien-être
L’intégration verticale permet, certes, d’éliminer la distorsion des proportions
variables en facilitant le choix des combinaisons optimales d’inputs
substituables et la réalisation des économies de coûts qui en résultent. Mais ses
effets sur le prix du bien final et sur le bien-être total semblent moins évidents.
Ces effets dépendent d’au moins trois variables : l’élasticité de substitution entre
les inputs X et Y93
, l’élasticité prix de la demande du bien final et le degré
d’importance de l’input X dans le processus de production du stade aval. En
effet, lorsque l’élasticité de substitution a une valeur légèrement supérieure à
l’unité et/ou lorsque celle ci est supérieure à l’élasticité prix de la demande du
bien final, alors il est fort probable que l’intégration verticale entraîne un
accroissement du prix du bien final. Une grande valeur de l’élasticité de
substitution implique une moindre importance de l’input X du monopole dans le
processus de production du stade aval et incite le monopole intégré à restreindre
la production du bien final et accroître son prix (effet de monopolisation du
stade aval). Cet effet l’emporte, ainsi sur l’effet inverse de la baisse de la
93
L’élasticité de substitution mesure le degré de substitution d’un input X par un autre input Y en réponse à une
variation des prix relatifs de ces inputs. Lorsque les inputs sont complémentaires, = 0 et lorsque les inputs
sont parfaitement substituables, la valeur de devient infinie. Signalons, enfin, que pour la fonction de
production Cobb-Douglas, la valeur de l’élasticité de substitution est égale à l’unité.
171
demande étant donné que l’élasticité de substitution ( ) est plus grande que
celle de la demande ( ). Ce résultat a été démontré par Schmalensee (1973) en
utilisant une fonction de production de la forme Cobb-Douglas et en retenant
une valeur de l’élasticité de la demande supérieure à l’unité. La même
conclusion a été retenue par Hay (1973) et Warren-Boulton (1974), en utilisant
une fonction de production à élasticité constante. Enfin, l’hypothèse de
l’accroissement du prix du bien final, lorsque < , a été démontrée par
Westfield (1981) et Lee (1987) sans toutefois spécifier les fonctions de
production et de demande.
En revanche, lorsque la valeur de l’élasticité de substitution est inférieure à
l’unité (les deux inputs sont indispensables à la production du bien final), le
monopole amont peut utiliser l’intégration verticale pour évincer les firmes aval
rivales en refusant de leur fournir l’input X ou en leur imposant un prix plus
élevé que le prix de transfert interne à la division aval du monopole intégré .
Dans ce dernier cas, la division aval du monopole intégré aura la possibilité de
fixer un prix du bien final suffisamment bas de sorte que toutes ses rivales soient
condamnées à disparaître (Quirmbach (1986)).
D’une manière intuitive, on peut conclure que lorsque l’intégration verticale
implique une baisse du prix du bien final, le bien être total s’améliore sans
ambiguïté. L’intégration verticale, dans ce cas, est bénéfique aux producteurs
puisqu’elle permet une utilisation efficace des inputs dans le processus de
production. Elle est également bénéfique aux consommateurs qui profitent d’un
prix moins élevé en comparaison avec la non intégration. Par contre, lorsque
l’intégration verticale entraîne un accroissement du prix du bien final, la
situation est beaucoup plus complexe et l’effet net sur le bien-être devient
difficile à déterminer. D’une part, le bien-être s’améliore grâce à l’efficience
dans le choix de la combinaison des inputs, et d’autre part, le bien-être se
détériore à cause de la restriction de la production du bien final et la hausse
172
consécutive de son prix. Le sens de variation nette du bien-être dépendra, dans
ce cas, des valeurs des paramètres qui conditionnent le degré d’accroissement du
prix du bien final. En effet, lorsque la valeur de l’élasticité de substitution est
égale à zéro, l’intégration verticale implique forcément une amélioration de
l’efficience économique (Greenhut et Ohta (1979)). En revanche, lorsque les
inputs sont substituables, l’accroissement du bien-être dû au choix des
combinaisons efficaces peut compenser entièrement la détérioration causée par
la hausse du prix du bien final. En d’autres termes, l’accroissement du prix du
bien final n’est pas synonyme de détérioration du bien-être. Pourtant, la perte de
l’efficience est plus plausible sous certaines conditions, notamment lorsque la
valeur de l’élasticité de substitution est supérieure à 0.8 et lorsque l’input du
monopole amont est de moindre importance dans le processus de production du
stade aval (Waterson (1982).
3.6 Les incitations liées à l’incertitude et à l’information privée
La concurrence au niveau des différents stades de production est, en principe,
incompatible avec l’intégration verticale, dans la mesure où la concurrence
élimine souvent toutes les distorsions et les inefficiences susceptibles d’être
créées par des structures monopolistiques. Pourtant, certaines incitations à
l’intégration verticale apparaissent même dans des marchés concurrentiels. Ces
incitations sont, le plus souvent, liées soit à des problèmes d’incertitude sur
certaines variables aux différents stades, soit à des problèmes d’utilisation
d’information privée par des firmes à certains stades de la chaîne verticale.
3.6.1 Diversification et synchronisation94
.
94
La synchronisation signifie qu’en cas d’intégration verticale entre une firme de l’industrie amont et une autre
de l’industrie aval, l’output de la division amont sera utilisé entièrement par la division aval de l’entreprise
intégrée. C’est-à-dire que la synchronisation permet de réaliser deux types d’économies : celles relatives à la
coordination des deux stades de production, et celles inhérentes à la non participation de la firme intégrée au
marché du bien intermédiaire (économies des coûts de transaction).
173
Les marchés concurrentiels peuvent connaître des fluctuations de prix qui
résultent d’éventuels changements exogènes de l’offre et/ou de la demande.
Ainsi, les firmes peuvent être confrontées à des incertitudes sur leurs coûts95
et/ou leurs revenus96
. Or, les intérêts des firmes situées à deux stades verticaux
successifs sont souvent affectés de façon opposée par les fluctuations sur le
marché intermédiaire. En effet, une hausse du prix du bien intermédiaire affecte
positivement la firme située en amont (dans la mesure où elle permet un
accroissement de ses revenus) et négativement celle située au stade aval
(puisqu’elle signifie un renchérissement de ses coûts). Dans de telles situations,
l’intégration verticale pourrait être utilisée non seulement pour atténuer les effets
négatifs des fluctuations sur le marché intermédiaire, mais surtout pour profiter
des effets positifs qui peuvent en résulter. Afin de mettre en évidence cette
incitation, considérons une structure verticale caractérisée par un stade amont où
les fabricants se procurent les inputs aux marchés des facteurs et produisent un
bien intermédiaire qu’ils vendent à des détaillants situés au stade aval qu’ils
revendent eux-mêmes aux consommateurs finals. Le marché intermédiaire est
caractérisé également par une demande externe nette97
.
Les fabricants et les détaillants peuvent être affectés par les différentes
fluctuations du marché. En effet, les fabricants subissent, d’une part, les
fluctuations de l’offre des facteurs, et d’autre part, celles de la demande
exogène. Les détaillants subissent, à leur tour, ces dernières fluctuations en plus
de celles de la demande sur le marché final. Dans ce contexte, l’intégration
verticale ne permet pas d’éliminer l’ensemble des incertitudes dues aux
fluctuations aléatoires sur les différents marchés. En effet, même si elles
s’abstiennent de participer au marché intermédiaire, les entreprises intégrées ne
95
Incertitudes dues aux fluctuations de l’offre et des prix des facteurs qu’elles utilisent dans leur processus de
production. 96
Incertitudes dues aux fluctuations de la demande et des prix des biens qu’elles produisent. 97
Cette demande nette pourrait être soit une offre exogène, soit une demande exogène du bien intermédiaire,
(Perry (1982).
174
peuvent pas éviter les effets des changements aléatoires sur les autres marchés.
En revanche, l’intégration verticale entre un fabricant et un détaillant permettra à
la nouvelle entité intégrée d’exploiter optimalement tous les changements sur le
marché intermédiaire en agissant comme si les divisions amont et aval étaient
des firmes indépendantes. Le prix du bien intermédiaire serait, dans ce cas,
considéré comme un coût d’opportunité par les deux divisions de la firme
intégrée. Ainsi, lorsque le prix sur le marché intermédiaire est élevé, la division
amont de la firme intégrée (le fabricant) accroîtra sa production et la division
aval (le détaillant) restreindra ses acquisitions du bien intermédiaire et réduira,
par conséquent, ses ventes sur le marché final et vice versa. Ce comportement
des deux divisions de la firme intégrée n’implique, donc, pas une
synchronisation des décisions de production entre les deux stades. De ce fait,
l’incitation à l’intégration s’explique uniquement par le désir de la
diversification des recettes de la firme. En effet, lorsque le prix du bien
intermédiaire est élevé, la firme aura la possibilité d’accroître ses recettes grâce
aux ventes de la division amont. En revanche, lorsque ce prix est moins élevé, la
firme accroîtra , également, ses recettes grâce aux ventes de sa division aval sur
le marché final. Il convient de préciser que la possibilité de diversification des
recettes de la firme intégrée s’explique par le fait que les recettes des deux
divisions amont et aval sont corrélées négativement98
lorsque les fluctuations se
passent sur le marché intermédiaire. Par contre, si la source des fluctuations est
due aux changements de la demande finale, les recettes des fabricants et des
détaillants seront corrélées positivement, ce qui créera une incitation à la
désintégration verticale99
.
Dans une structure relativement similaire, Perry (1984) a relevé une autre
incitation à l’intégration verticale. Il considère une structure verticale constituée
98
A condition que l’élasticité de la demande finale soit supérieure à l’élasticité de substitution au niveau du stade
aval.
99
En cas de fluctuations sur le marché des facteurs, il est difficile de savoir si les recettes des fabricants et des
175
de deux industries concurrentielles au stade amont et au stade aval avec
l’existence d’une offre exogène nette du bien intermédiaire considérée comme
une variable aléatoire. Ainsi, il n’y a aucune imperfection de marché susceptible
de créer une incitation à l’intégration verticale. Toutefois, les firmes doivent
prendre leurs décisions de production avant d’obtenir l’information sur l’offre
exogène nette, chose qui n’empêche pas la possibilité, pour elles, d’ajuster
optimalement les choix de production en réponse aux fluctuations du prix du
bien intermédiaire. En effet, les firmes amont et aval peuvent réagir ex post, aux
fluctuations du prix et améliorer leurs profits espérés en jouant sur les
fluctuations du marché. Lorsque le prix du bien intermédiaire est élevé, les
firmes amont vont accroître leurs ventes et les firmes aval vont limiter leurs
pertes par la réduction de leurs achats et de leurs ventes. Par contre, lorsque le
prix de l’input est bas, les firmes amont et aval vont agir dans le sens contraire.
Par conséquent, les profits des firmes seront largement supérieurs à ceux
qu’elles auraient pu réaliser si elles avaient choisis d’échanger le bien
intermédiaire sans tenir compte des fluctuations de l’offre exogène nette. En
outre, les profits des firmes seront d’autant plus grands que les fluctuations du
prix sont plus importantes. Les firmes dans les deux stades n’auront, donc,
aucune incitation à l’intégration verticale qui soit expliquée par les
imperfections du marché ou par le désir de la diversification des recettes.
Pourtant, l’intégration verticale permet de réaliser des économies dues à la
synchronisation de la production Lorsque ces économies sont substantielles, des
firmes vont être incitées à s’intégrer verticalement. Si c’est le cas, les premières
opérations d’intégration entraîneront une baisse de l’importance relative de la
demande et de l’offre des entreprises non intégrées comparativement à l’offre
exogène nette. Ainsi, les fluctuations du prix du bien intermédiaire vont
s’amplifier entraînant un accroissement des profits espérés. Un équilibre vertical
s’établira, donc, lorsque le profit d’une firme intégrée sera égal aux profits joints
détaillants vont être corrélées positivement ou négativement.
176
espérés des firmes amont et aval non intégrées.
3.6.2 Rationnement et garantie d’approvisionnement et de débouchés
Les firmes sont confrontées à de nombreuses sources d’incertitude, notamment
au niveau de l’approvisionnement en inputs et de l’écoulement de la production.
En effet, durant les périodes de pénuries, les firmes trouvent d’énormes
difficultés à assurer leur approvisionnement en matières premières, en raison de
l’insuffisance de l’offre sur les marchés des facteurs où en raison de la hausse
des prix sur ces marchés. En revanche, en périodes de faiblesse de la demande
finale, les entreprises peuvent être incapables d’écouler toute la production à des
prix supérieurs aux coûts de production. Les effets de telles fluctuations sur les
firmes sont d’autant plus importants lorsque ces dernières sont incapables de
prévoir et d’anticiper leur évolution, ce qui est souvent le cas lorsque l’offre ou
la demande sont aléatoires.
L’intégration verticale garantit, donc, pour la firme, l’approvisionnement
pendant les périodes tendues et les débouchés dans les périodes où la demande
est faible. Ceci étant, l’intégration ne garantit les débouchés que dans la mesure
où l’unité aval peut absorber la production de l’unité amont. Si la demande est
faible dans le secteur aval, il se peut que les ventes de l’unité interne à la firme
le soient également, et que ses besoins du produit du fournisseur soient faibles.
Ainsi, l’intégration peut atténuer l’effet de l’incertitude sur la firme en réduisant
le risque de baisse de ses ventes mais sans garantir pour autant de véritables
débouchés. Or, même si l’intégration peut réduire l’incertitude des
approvisionnements et de la demande, les produits devraient transiter d’une
division à l’autre, à l’intérieur de la firme intégrée, à des prix de cession reflétant
les prix du marché. Si les prix de cession s’écartent des prix de marchés, les
dirigeants des unités amont et aval seront susceptibles de prendre des décisions
sur la base de prix artificiels qui diminuent l’efficacité de leurs unités. En
177
agissant sur la base de prix artificiellement faibles, le dirigeant de la division
aval peut, chercher à développer la position de son unité sur le marché, ce qui
obligera l’autre division à livrer une quantité plus importante du bien
intermédiaire à des prix très bas.
En plus des problèmes liés aux difficultés d’approvisionnement et de débouchés,
les firmes peuvent être confrontées à des difficultés causées par la non flexibilité
des prix. Contrairement à la théorie traditionnelle pour laquelle les prix
s’ajustent au cours de chaque période pour égaliser les offres et les demandes,
l’analyse contemporaine reconnaît que ces ajustements ne sont pas instantanés et
que la production ne peut pas s’adapter immédiatement à la demande au prix
courant du marché. Autrement dit, les prix effectifs s’écartent des prix
d’équilibre, d’où le phénomène de rationnement. Ainsi, le rationnement induit
par des prix ajustés constitue une forte incitation à l’intégration verticale (Stigler
(1951), Greene (1974)).
3.6.3 Information privée et problèmes d’agence
Dans le modèle de la concurrence pure et parfaite, les marchés sont transparents
et l’information est symétrique. Ainsi, les firmes détiennent toute l’information
dont elles ont besoin pour la production et la vente des biens et services de
même qu’elle est distribuée de manière symétrique de telle sorte qu’aucune
firme n’a de privilège sur les autres et ne puisse surtout pas, l’utiliser à des fins
stratégiques en vue d’en tirer des profits plus élevés. Cependant, dans la réalité,
cette hypothèse est très loin d’être vérifiée. En effet, la prise en considération de
la complexité des relations au sein des marchés et de la rationalité limitée des
agents économiques permet de reconnaître que l’information sur un marché ne
peut être répartie de façon égalitaire et équitable entre tous les agents qui
opèrent dans ce marché. L’asymétrie de l’information est donc une réalité dont il
convient de tenir compte. Dans un marché déterminé, certaines firmes peuvent
178
être les seules à détenir certaines informations. Lorsque celles-ci sont
conscientes de cet avantage informationnel sur les autres, elles seront
naturellement incitées à l’exploiter pour renforcer leur position sur le marché.
L’asymétrie de l’information n’est, donc pas un problème en soi, mais le devient
lorsqu’elle est couplée avec l’opportunisme des agents (Williamson (1975)).
Dans les relations verticales, l’asymétrie de l’information est susceptible de
créer des problèmes d’agence entre les firmes situées dans les différents stades
verticaux. A titre d’exemple, un client (agent) pourrait être incité à dissimuler à
son fournisseur (principal) toutes les informations se rapportant à la demande
finale et au prix de vente du bien final en vue de bénéficier d’un prix moins
élevé du bien intermédiaire. Réciproquement, un fournisseur (agent) pourrait
être incité à dissimuler à son client (principal) le vrai coût de production du bien
intermédiaire pour en obtenir un prix plus élevé. Dans ces deux exemples, les
intérêts des deux agents sont conflictuels, comme c’est souvent le cas dans les
relations fournisseur-client, et incite à dissimuler l’information privée et à
l’utiliser à des fins stratégiques. Dans de telles situations, le principal dispose
d’une forte incitation à l’intégration verticale pour résoudre le problème
d’agence et obtenir l’information qu’il ignore. Mais à ce niveau, la question
fondamentale qui s’impose est de savoir si l’intégration verticale permet
l’élimination du problème d’agence, ou si elle ne fait que l’internaliser. En
d’autres termes, est-ce-que l’intégration verticale est capable de changer la
structure de l’information dans une firme ou non ?
De nombreux travaux ont tenté de répondre à cette question. Il s’agit notamment
du modèle d’Arrow (1975) qui suppose deux industries concurrentielles en
amont et en aval en présence d’incertitude sur le prix du bien intermédiaire.
Dans cette configuration, les fabricants aval sont tenus de prendre des décisions
d’investissement susceptibles d’accroître leurs profits espérés avant de connaître
le prix du bien intermédiaire. En s’intégrant verticalement en amont, un
179
fabricant aura la possibilité de connaître le niveau de la production au stade
amont avant de prendre sa décision d’investissement. Arrow suppose que
l’intégration verticale est susceptible de permettre au fabricant d’acquérir
l’information dont il a besoin et de prendre, en conséquence, la décision
d’investissement optimale. Il suppose également que l’intégration verticale ne
sera pas nécessaire puisque les offreurs du stade amont n’auront pas intérêt à
dissimuler l’information en raison du régime concurrentiel qui prévaut au stade
amont, du fait que les fabricants aval pourront obtenir cette information en
l’achetant à un des offreurs du stade amont ou auprès d’un organisme
indépendant qui aurait pour mission de collecter cette information. Ce résultat
confirme, donc, l’idée que lorsque les intérêts des agents ne sont pas
conflictuels, le problème de l’asymétrie de l’information peut être résolu grâce à
des mécanismes de marché sans recourir à l’intégration verticale. Cependant,
lorsque les intérêts des agents sont conflictuels, il est difficile de trouver un
mécanisme de marché ou un arrangement contractuel qui pourrait réconcilier les
intérêts divergents. Cette idée est fortement soutenue par Crocker (1983) qui
considère que l’intégration verticale permet d’une part la maximisation des
profits joints des deux firmes, et incite, d’autre part, le détaillant à révéler le vrai
niveau du prix final puisque ses recettes vont dépendre de la réalisation des
profits joints de la firme intégrée. Ces derniers peuvent être connus par la firme
intégrée par le biais d’un audit interne. Crocker conclue, donc, que l’intégration
verticale implique la connaissance de l’information privée sans éliminer
complètement le problème d’agence.
Ainsi, les résultats d’Arrow et de Crocker vont dans le même sens des
définitions de l’intégration verticale proposées par Williamson et Riordan dans
la mesure où l’intégration verticale implique un changement dans la structure
d’information. Ces idées restent, cependant, difficiles à confirmer ou à réfuter
d’un point de vue théorique puisqu’elles font référence d’une façon directe à la
notion d’autorité au sein d’une firme et à la justification de cette autorité.
180
Néanmoins, l’intégration verticale pourrait faciliter l’accès à l’information
privée par d’autres moyens, notamment, par l’instauration d’une relation basée
sur la confiance mutuelle et la continuité. En outre, d’un point de vue
dynamique, les intérêts des différents agents de la firme finissent avec le temps
par s’harmoniser car, généralement, les intérêts de deux agents de la même firme
sont souvent moins conflictuels que ceux de deux firmes différentes.
3.7 Conclusion
Dans la tradition de l’Ecole de Harvard, l’intégration verticale a été souvent
assimilée à une manœuvre stratégique visant essentiellement le renforcement du
pouvoir de monopole et la restriction de la concurrence effective et potentielle.
Par conséquent, l’intégration verticale ne peut être qu’une source de nuisance au
fonctionnement du marché et devrait, ainsi, être sanctionnée par les lois
antitrust. Mais cette conception a été fortement remise en cause, grâce à l’apport
de l’Ecole de Chicago qui a montré que l’intégration verticale n’est pas toujours
justifiée par des considérations anticoncurrentielles et qu’elle peut, au contraire,
être une source d’accroissement du bien-être social. C’est le cas notamment
lorsque l’intégration verticale est justifiée par le désir d’éliminer la distorsion de
la double marge dans une structure de monopoles successifs ou celle de
l’indétermination du prix et de négociation dans une structure de monopole
bilatéral. C’est le cas également, mais dans une moindre mesure, lorsque
l’intégration verticale est justifiée par le désir d’élimination de la distorsion
créée par la substitution des inputs ou celui de la discrimination par le prix.
Enfin, l’intégration verticale permet aux entreprises concurrentielles, d’une part,
d’avoir une plus grande flexibilité face aux incertitudes sur l’offre et/ou la
demande, et d’autre part, d’éliminer, ou du moins, de réduire les effets de
l’asymétrie de l’information et des problèmes d’agence, qui en découlent, entre
des entreprises appartenant à des stades verticaux successifs.
181
Chapitre 4 :
Les Déterminants de l’Intégration Verticale dans les
Théories Contractuelles
4.1 Introduction
Contrairement aux arguments avancés par la théorie du monopole, l’explication
de l’intégration verticale par les théories contractuelles se caractérise par une
plus grande généralité. D’ailleurs, la force de l’argumentation de la théorie des
coûts de transaction se manifeste, d’une part, dans sa capacité de réexpliquer les
différents déterminants de l’intégration verticale avancés par la théorie du
monopole par des considérations transactionnelles, et d’autre part, dans sa
manière de positionner le problème de l’intégration verticale dans le contexte du
choix institutionnel de la forme de gouvernance la plus efficiente. La théorie des
coûts de transaction suppose, en effet, que l’intégration verticale et le marché
sont tous les deux des formes de gouvernance ayant pour objectif principal la
coordination des activités de production. Par conséquent, le choix efficient
dépend de l’arbitrage entre les coûts et les économies occasionnés par chacune
des deux formes de gouvernance.
La théorie des coûts de transaction reconnaît, ainsi, que l’intégration verticale
occasionne à la fois des coûts (notamment les coûts bureaucratiques liés à
182
l’accroissement de la taille de l’entreprise et les coûts occasionnés par les
changements des incitations des agents et la difficulté de reproduire les fortes
incitations du marché) et des économies (notamment les économies des coûts de
transaction). Cependant, lorsqu’une relation d’échange est caractérisée par un
degré élevé de spécificité des actifs, les économies permises par l’intégration
verticale dépassent largement les coûts qu’elle occasionne. Par conséquent, le
choix de l’intégration verticale est, souvent, justifié par l’importance des actifs
spécifiques qui ramènent les relations d’échange à des situations de monopole
bilatéral. Or, ces situations s’accompagnent souvent de propensions
opportunistes de part et d’autre, chose qui rend impossible la tenue de ces
relations dans des conditions optimales.
4.2 Discussion des arguments classiques de l’intégration verticale
4.2.1 Les explications technologiques de l’intégration verticale
L’entreprise moderne est, sans aucun doute, une entreprise technologiquement
avancée et complexe. Devant une telle complexité, il faut adopter une forme
organisationnelle qui permet la production des biens et des services dans des
conditions de l’efficience. Dans ce contexte, on croit, généralement, qu’une
intégration verticale complète est la solution organisationnelle pour créer,
produire et mettre sur le marché, avec efficacité, des produits et des services
complexes. En effet, l’argument de l’interdépendance technologique est l’un
des plus familiers dans le langage de l’intégration verticale. Ainsi, l’intégration
du fournisseur et du client peut permettre le rapprochement de certaines activités
réduisant ainsi les coûts de production. La finalité de l’intégration dans ce
contexte est attachée à la possibilité de réunir géographiquement et/ou
temporellement certaines activités de production, car certains processus de
production successifs dans le temps et dans l’espace dictent, par nature, des
183
configurations de fabrication efficientes et particulières.
Cette conception considère la firme comme une fonction de production. De
grandes firmes intégrées, dans lesquelles la production est obtenue en joignant
des facteurs de production fongibles, pour produire selon des spécifications
techniques, sont considérées comme la règle plutôt que l’exception. L'exemple
classique est celui de l’intégration de la fabrication du fer et de l’acier
permettant la réalisation d’économies de réchauffement du minerai. En effet,
l'intégration permet la réalisation d’économies substantielles de l’énergie car la
jonction des deux stades permet d’éviter le réchauffement du minerai en vue de
l’utiliser dans le stade de fabrication de l’acier (Bain (1959), p. 381).
Ainsi, les décisions d’intégration sont rarement dues aux incitations
technologiques. C’est le fait d’être source d’économies de transaction qui
explique le plus souvent les décisions d’intégration. La technologie ne peut être
un facteur déterminant de l’organisation économique que lorsqu’il existe une
seule technologie qui domine largement toutes les autres. En plus, cette
technologie doit impliquer une forme organisationnelle unique. Or, dans la
réalité il est rare de trouver une seule technologie faisable. Il est d'autant plus
rare que le choix entre les formes d’organisation soit déterminé par la
technologie. Souvent, celle-ci est considérée comme facteur déterminant
l’ensemble des modes d’organisation faisables. Le choix final de la décision
d’intégration est donc lié à des considérations se rapportant aux relations
contractuelles (Williamson (1985), p. 87).
Pour justifier la décision d’intégration dans ce contexte, supposons que les
différents modes d’organisation utilisent la même technologie et faisant
abstraction de certaines sources d’économies100
. A cet effet, considérons deux
stades de production séparables. Un entrepreneur qui décide d’entrer dans le
stade aval doit choisir un mode d’organisation pour le stade amont. Si on
100
telles les économies des coûts de transport
184
suppose que la technologie dans le stade amont est la même dans les deux cas de
figure, l'intégration pourra être justifiée par les économies des coûts de transport.
Cependant, cet argument reste superficiel du moment où un autre producteur
indépendant du stade amont pourrait s’installer à côté du lieu de production du
stade aval.
Sachant que les deux stades en question sont technologiquement séparables, et
sachant qu’il n’y a aucune distorsion liée aux conditions du marché, le seul
facteur pouvant expliquer le choix de l’intégration verticale se rapporte au fait
que l’installation côte-à-côte des deux producteurs implique des risques
d’association liés aux modalités de l’échange. Ces risques incombent aux
caractéristiques des actifs et de la relation contractuelle de l’échange. Si on
suppose que le stade amont requiert un investissement en équipement
spécifique, les problèmes contractuels entre les producteurs indépendants seront
limités du moment où la relation peut être interrompue et les actifs redéployés
pour d’autres usages. Les problèmes apparaissent, par contre, si le stade amont
requiert des investissements durables spécialisés ou si la réallocation des actifs
est très coûteuse.
La conclusion que nous pouvons tirer de cet exemple simplifié est que la
technologie n’est pas déterminante dans l’organisation économique lorsqu’il est
possible d’adopter d’autres moyens contractuels qui peuvent permettre
l’utilisation de la même technologie.
4.2.2 Cycle de vie des industries et intégration verticale
D’après Smith (1776), la spécialisation dans le domaine industriel et la division
du travail sont liées à l’étendue du marché. Lorsque les débouchés sont limités,
les artisans assurent la majorité des tâches que nécessite la fabrication d’un
produit afin de compenser la limitation de la production. En revanche, lorsque
185
les marchés sont importants, les artisans se spécialisent de plus en plus dans des
tâches spécifiques en vue d’accroître leur productivité pour satisfaire toute la
demande. Ainsi, le degré de spécialisation s’accentue avec l’élargissement des
marchés et vice versa. Sur la base de ce théorème, on peut lier le degré
d’intégration verticale au cycle de vie d’une industrie. Ainsi, dans les industries
naissantes et jeunes, les firmes ont, généralement, tendance à s’intégrer
davantage. Mais à mesure que les industries croissent, les firmes tendront à se
désintégrer. Enfin, durant l’étape de déclin, les firmes connaissent une seconde
tendance à la réintégration (Stigler (1951)).
Figure 4.1 : Cycle de vie et intégration verticale
Cette explication de l’intégration verticale se fonde sur la théorie du cycle de vie
d’une industrie ou d’un produit (Vernon (1950)) qui stipule qu’une production
passe, généralement, par une série de phases successives : démarrage,
croissance, ralentissement et déclin (figure 4.1). Ainsi, les industries naissantes
se caractérisent, généralement, par des situations de monopoles (en raison des
brevets d’invention d’une part, et de l’étroitesse des marchés de l’autre). En
revanche, les industries croissantes et les industries mûres se caractérisent par
Croissance
Naissance
Déclin
Intégration Désintégration Réintégration Temps
Grandeur de
croissance
Grandeu
r de
186
des régimes concurrentiels ou des régimes oligopolistiques (en raison de la levée
de la protection des droits de brevets, de la vulgarisation du savoir et de
l’élargissement des marchés).
Dans les industries naissantes, les firmes ont tendance à s’intégrer verticalement
car le niveau de la production à chaque stade est si petit qu’il peut y avoir des
firmes spécialisées et des marchés intermédiaires. Durant cette étape, les firmes
s’intègrent dans la majorité des stades verticaux pour compenser l’étroitesse du
marché, mais également pour protéger les procédés industriels contre l’imitation
par des concurrents potentiels. Par contre, au fur et à mesure que la demande
pour le bien final s’accroît, les firmes se spécialisent de plus en plus dans les
activités les plus rentables et désintègrent celles qui le sont moins. Enfin, durant
la période de déclin d’une industrie, les marchés commencent à se rétrécir, ce
qui se traduit généralement, par un mouvement de réintégration des différentes
firmes de l’industrie.
L’explication de l’intégration verticale par des considérations technologiques
reste, cependant, peu convaincante. En effet, les formes organisationnelles des
firmes ne sont pas déterminées par les étapes du cycle de vie des industries, mais
plutôt, par la spécificité des relations contractuelles durant chaque étape de ce
cycle. Pour s’en convaincre, il suffit de se poser la question suivante : qu'est-ce
qui empêche l'organisation de la production, sur un marché donné, par une seule
firme spécialisée ?
L’apparition d’une firme spécialisée qui produit une quantité suffisante du bien
intermédiaire pour satisfaire ses besoins et ceux des firmes rivales pose des
difficultés de nature transactionnelle. D’une part, les contrats à long terme sont
limités à cause des contraintes de la rationalité limitée et de l’opportunisme.
D’autre part, le marché spot est aléatoire en raison du petit nombre. Les aspects
de ces arguments peuvent être illustrés par la figure 4.2 : *
1AC représente la
courbe du coût unitaire d’une firme spécialisée (outsider) qui décide d’entrer au
187
marché. D’un côté, la firme spécialisée va bénéficier des économies d’échelle, et
de l’autre, elle va supporter les coûts d’installation. Ainsi, la courbe sAC
1 est
supérieure à *
1AC parce que les coûts d’installation vont compenser largement
les économies dont bénéficie la firme spécialisée.
Figure 4.2 : Courbe de coûts unitaires des firmes dans l’industrie
Source : Williamson (1975) Market and hierarchies, New York Free Press, p. 18.
Si l’introduction d’une firme spécialisée (outsider) n’est pas envisageable à
cause de l’importance des coûts d’installation, il en serait autrement pour une
firme déjà installée qui voudrait produire la totalité des besoins du marché. Cette
dernière ne supporterait pas, en effet, les coûts d’introduction au marché et
bénéficierait, en contre partie, des économies d’échelle. Dans ce cas, la
comparaison ne se ferait pas entre les points A et B, mais plutôt entre A et C.
Nous pouvons étendre la comparaison pour inclure la courbe *
2AC qui représente
les coûts unitaires en deuxième période d’une firme déjà installée qui décide de
produire pour satisfaire l’ensemble des besoins du marché ( TQ1 ) durant la
première période. La courbe *
2AC est inférieure à *
1AC grâce aux économies de
Quantité
Coût
TQ1
A B
D
sAC1
*
1AC
*
2AC
iQ1
C
188
l’apprentissage. Ainsi, la comparaison entre le point A et le point D implique
deux sources d’économies: les économies d’échelle permises par la
spécialisation, et les économies d’apprentissage relatives à la situation de
monopole de la firme spécialisée. Par conséquent, la croissance de l’industrie ne
remettrait pas en cause ces avantages puisque les autres firmes ne pourront pas
rivaliser avec la firme intégrée. En se référant uniquement au coût unitaire, il est
préférable qu’une firme déjà installée produise pour satisfaire ses besoins et
ceux de ses rivales. Le fait que les choses ne se fassent pas de cette façon
signifie qu’il y a d’autres choses qu’il faudrait prendre en considération.
4.2.3 La discrimination par les prix
La discrimination par les prix est l’un des arguments les plus cités, par les
tenants de la théorie du monopole, pour expliquer l’intégration verticale. En
effet, lorsque le monopole ne dispose pas d’une information suffisante sur les
goûts et les préférences des consommateurs et/ou lorsqu’il ne peut empêcher
l’arbitrage entre les différentes catégories de ses consommateurs, l’intégration
verticale s’avère une solution efficace pour faciliter la discrimination.
L’incitation à l’intégration verticale est, donc, liée aux problèmes de l’asymétrie
de l’information, de la rationalité limitée et de l’opportunisme. Le problème
peut, ainsi, être traité en utilisant les arguments de la théorie des coûts de
transaction.
Supposons, en effet, un monopole dont les fonctions de demande et de coûts
sont illustrées à la figure 4.3. La tarification uniforme, par le monopole,
implique une restriction de l’output en deçà de l’optimum social ( *Q ). Le niveau
de l’output qui maximise le profit du monopole quant à lui est donné par mQ
entraînant un prix supérieur au coût marginal (distorsion du mark up).
Lorsque la discrimination parfaite est possible, le monopoleur imposera à
chaque consommateur un tarif équivalent à son prix de réservation, ce qui
189
permet une élimination de la restriction de l’output causée par la tarification
d’un prix uniforme. La discrimination permet, donc, la réalisation de l’efficience
de l’allocation des ressources. Cependant, ce résultat suppose, de façon
implicite, que le monopole connaisse les préférences individuelles des
consommateurs d’une part, et puisse empêcher l’arbitrage de l’autre. En d’autres
termes, la relation entre le monopole et les consommateurs doit être caractérisée
par une symétrie de l’information, par l’absence d’opportunisme de la part de
ces derniers et par une rationalité illimitée du premier. Or, ces hypothèses sont
difficilement atteintes ce qui remet en cause les conclusions des effets de la
discrimination sur le bien être-social. En effet, l’introduction des coûts de
transaction dans le raisonnement complique davantage la décision de se
prononcer pour ou contre la discrimination par les prix.
Figure 4.3 : Discrimination et surplus
Source : Williamson (1975) Market and Hierarchies, New York Free Press, p.
12
Pour la simplicité du raisonnement, supposons que les coûts de transaction sont
indépendants du niveau de l’output. Ainsi, pour connaître les préférences des
consommateurs et empêcher l’arbitrage, le monopoleur doit supporter un coût
équivalent à T. Dans ce cas, la discrimination par les prix sera profitable pour le
Prix
cP
CM
Cm
D Rm
1A
2A
mP
mQ *Q
Quantité
190
monopoleur si la variation nette de son profit est positive (si TAA 21 ). En
revanche, l’utilité sociale de la discrimination n’est possible que si TA 2 étant
donné que 1A correspond au surplus du consommateur. La comparaison
concernera, donc, le montant de la perte sèche et celui des coûts de transaction.
Si TA 2 , la discrimination par les prix sera bénéfique du point de vue social car
elle permet l’accroissement des profits du monopole d’une part, et du surplus
des consommateurs de l’autre101
. Par contre, si TA 2 , la discrimination
entraînera un accroissement des profits du monopole au dépens des
consommateurs.
Sur la base de cet exemple, nous pouvons conclure que l’intégration verticale
facilite la discrimination par les prix parce qu’elle permet de minimiser les coûts
de transaction. En effet, l’intégration verticale permet aux entreprises de.
Connaître les préférences des clients qu’elles intègrent et d’empêcher l’arbitrage
entre les différentes catégories de clients.
4.2.4 Distorsion des proportions variables
Lorsque le produit d’un monopole est utilisé conjointement avec un autre
produit concurrentiel comme input par une industrie aval concurrentielle, les
firmes du stade aval auront tendance à utiliser davantage l’input concurrentiel
que celui du monopole. Cette pratique s'observe lorsque les deux inputs sont
utilisés dans des proportions variables. Ce comportement se traduit, d’une part,
par une sous utilisation de l’input du monopole, et d’autre part, par une
déviation des conditions de l’efficience au niveau des combinaisons techniques
des deux inputs. Le monopole se trouvera incité à s’intégrer en aval pour éviter
la sous utilisation de son bien au stade aval et éliminer la distorsion en
choisissant la combinaison technique optimale.
101
Si le surplus social total n'est pas touché, alors il y a juste un transfert des consommateurs vers les
producteurs.
191
La substituabilité des inputs constitue, certes, une incitation pour le monopole de
s’intégrer en aval, mais c’est surtout l’asymétrie de l’information et
l’opportunisme qui font que les firmes aval choisissent des combinaisons
inefficaces des inputs. En effet, en absence d’opportunisme, le monopole
pourrait imposer aux firmes aval les proportions qui respectent les conditions de
l’efficience même si les deux inputs sont substituables. Dans ce cas, la distorsion
des proportions variables serait éliminée sans que le monopole soit contraint de
s’intégrer. Mais dans la réalité, les coûts que doit supporter le monopole pour
faire respecter les conditions de l’optimalité sont assez élevés pour qu’une
relation d’échange puisse avoir lieu. L’intégration verticale se justifie, donc, par
son aptitude à minimiser les coûts de transaction à travers l’instauration d’une
symétrie de l’information et l’atténuation de la propension opportuniste de la
division aval du monopole intégré.
Il s’avère, donc, plus vraisemblable que la théorie des coûts de transaction est
capable d’expliquer la plupart des incitations ou des déterminants de
l’intégration verticale par le biais de son raisonnement micro analytique et
institutionnel. D’ailleurs, les tenants de cette approche soutiennent l’idée qu’une
firme ne peut s’intégrer verticalement que pour des considérations
transactionnelles (minimisation des coûts de transaction) ou pour des raisons
anticoncurrentielles. En revanche, tous les déterminants avancés par la théorie
du monopole trouvent une explication transactionnelle qui se rapporte à la
rationalité limitée, à l’opportunisme, ou à l’asymétrie de l’information.
4.3 Les limites organisationnelles de l’intégration verticale
Si, dans une industrie donnée, la production n’est pas organisée par une grande
firme, c’est parce que l’intégration verticale présente un certain nombre de
limites qui font que le recours au marché soit moins coûteux. Le premier type de
ces limites se rapporte à la dimension de la firme et aux complications qui en
192
résultent, notamment en matière de rationalité limitée, d’incertitude et
d’opportunisme. Le second type de limites se rapporte quant à lui aux problèmes
qui apparaissent lors du passage du mode de marché à celui de l’organisation
interne.
4.3.1 Les limites à la taille d’une firme
La question de la taille optimale d’une firme a constitué depuis longtemps, un
dilemme pour les économistes. La discussion dans la littérature économique a
porté essentiellement sur l’hypothèse des rendements décroissants de la fonction
du management. Dans ce cadre, Knight (1933) 102
affirme que «the relation
between efficiency and size of firm is one of the most serious problems of
theory, being, in contrast with the relation for a plant, largely a matter of
personality and historical accident rather than of intelligible general principles.
But the question is peculiarly vital, because the possibility of monopoly gain
offers a powerful incentive to continuous and unlimited expansion of the firm,
wich force must be offset by some equally powerful one making for decreased
efficiency». L’explication de Knight attribue les limites de l’entreprise aux
conditions de rationalité limitée. Au fur et à mesure que l’incertitude augmente,
les problèmes d’organisation deviennent de plus en plus complexes, et on atteint
les limites de la compétence cognitive. Knight affirme que «the question of
diminishing returns from entrepreneurship is really a matter of the amount of
uncertainty present. To imagine that a man could adequately manage a business
entreprise of indefinite size and complexity is to imagine a situation in which
effective uncertainty is entirely absent »(Knight (1933), p. 286).
Par contre, Lewis (1983)103
affirme que les grandes firmes établies tireront
toujours de plus grands profits de leurs facteurs de production que les petits
102
F. Knight (1933) Risk, Uncertainty and Profit, NewYork Harper and Row, p. 23, cité par .Williamson (1967)
Corporate Control and Business Bchavior, Prentice Hall Incorporation. 103
T. Lewis (1983) « Preemption, Divestiture and Forward Contracting in a Market Dominated by a Single
193
entrants potentiels. La raison est que «the leader can at least utilize the input
exactly as the entrant would have used it, and earn the same profits as the
entrant. But typically, the leader can improve on this by coordinating production
from this new and existing inputs. Hence, the new input will be valued more by
the dominant firm and he will outspend the would-be entrant to acquire it».
Autrement dit, si la grande firme est en mesure d’utiliser les facteurs de
production de la même manière qu’une firme plus petite, alors elle peut faire
tout ce qu’une firme plus petite pourrait faire. Par conséquent, les industries ne
sont pas partout organisées comme des monopoles uniquement à cause de la
vigilance et des restrictions des pouvoirs publics. Supposons que deux firmes
soient en concurrence, leur fusion devrait toujours faire apparaître des gains nets
(exploitation des économies d’échelle, réduction des frais généraux et des frais
dus à la concurrence). L'intégration entraîne, incontestablement, une réduction
de l’incertitude suite à la disparition de la rivalité stratégique. Mieux encore, les
décisions ne sont pas prises du haut de la hiérarchie mais à un niveau très bas
permettant ainsi leur résolution de la façon la plus appropriée. Ainsi, en
conférant des statuts semi-autonomes aux divisions de la firme intégrée, on peut
présumer que l’optimum peut être réalisé aux deux niveaux. Les décisions qui
sont prises de façon plus efficace à des niveaux opérationnels seront assignées
aux centres de décisions des divisions de la firme, et celles dont la centralisation
est susceptible de générer des gains nets seront déplacées vers le haut de la
hiérarchie. L’intervention en haut de la hiérarchie se fera, ainsi, de façon
sélective et, par conséquent, la firme intégrée sera en mesure de faire tout ce que
les deux firmes autonomes faisaient auparavant.
Enfin, Williamson (1967) a montré que les limites imposées à la taille des firmes
peuvent être expliquées par le phénomène de «perte de contrôle » qui relève de
l’application à l’organisation hiérarchique de ce que Bartlett (1932)104
définissait
Firm », The American Economic Review, vol.73, n°3, pp. 1092-1101. 104
F. Bartlett (1932) Remembring, Cambridge, University Press, p. 175, cité par Williamson (1967) op.cit.
194
comme l’effet de reproduction en série dans la transmission de messages ou
d’images entre individus. En invoquant la condition de la rationalité limitée et
en remarquant que celle-ci implique des espaces limités de contrôle, Williamson
applique l’argument de Bartlett au dilemme de la taille de la firme. Ainsi, si un
dirigeant ne peut traiter directement qu’avec un nombre limité de subordonnés,
alors l’accroissement de la taille de la firme occasionne nécessairement
l’addition de niveaux hiérarchiques. Les informations transmises au travers de
ces niveaux subissent donc des pertes qui sont de forme cumulative et
exponentielle. Par conséquent, au fur et à mesure que la taille de la firme
augmente et que des niveaux successifs d’organisations sont ajoutés, les effets
de perte de contrôle finissent par excéder les gains.
Cependant, l’argument de Williamson ne tient pas compte de la possibilité de
l’intervention sélective. En effet, toutes les informations qui ont un rapport avec
les décisions sont transmises de la base vers le sommet de la hiérarchie au
travers des niveaux successifs, et toutes les directives suivent le chemin inverse.
Or, l’organisation interne n’a pas besoin d’adopter cette structure car le sommet
de la hiérarchie peut traiter avec chacune des divisions en tolérant des activités
où aucun gain net n’est attendu de façon à pouvoir reproduire exactement
l’attitude d’une petite firme. Ainsi, l’explication de perte par la reproduction en
série ne s’applique pas si l’on admet une telle intervention sélective.
4.3.2 Intégration verticale et difficultés de l’intervention sélective
L’organisation d’une transaction par le marché se caractérise, entre autres, par la
création de fortes incitations pour les agents intervenants dans la transaction.
« Par fortes incitations, il est fait référence au statut de demandeur résiduel par
lequel un agent, soit par un accord, soit par la définition en vigueur des droits de
propriété, s’approprie un flux de revenu net dont les recettes brutes et les coûts
sont fonctions des efforts fournis par cet agent» (Williamson (1985), p. 166). En
195
d’autres termes, l’intensité des incitations fait référence au niveau de motivation
des agents économiques. Plus ils sont propriétaires de leurs affaires, plus ils sont
motivés à trouver des solutions efficaces. Par conséquent, le passage du mode de
marché vers celui de l’organisation interne entraîne un changement au niveau
des incitations. Ce changement se traduit par une baisse des efforts des agents en
vue de maximiser les gains nets étant donné qu’ils n’en seront plus des
bénéficiaires résiduels.
Une manière de préserver les incitations fortes du marché consiste à appliquer,
lors d’une opération de fusion entre deux firmes indépendantes, une intervention
sélective susceptible de reproduire exactement les conditions de fonctionnement
de l’échange marchand. L’intervention sélective consiste à procéder à un
changement de la propriété qui respecte les conditions suivantes :
- l’établissement d’un accord sur le prix de transfert des actifs,
- l’accord sur une formule déterminant le prix auquel le produit doit être
transféré de la division amont de la firme intégrée (service
d’approvisionnement) à la division aval (service des achats),
- l’affectation des bénéfices nets entre les deux divisions selon la participation
de chacune d’elles à la création de ces bénéfices. Ainsi, le service
d’approvisionnement s’appropriera ses revenus nets définis comme les revenus
bruts moins la somme des coûts opérationnels, les charges d’utilisation
(maintenance et dépréciation des actifs) et les autres frais pertinents (tels que les
frais de recherche-développement),
- en supposant que la fusion corresponde à une acquisition du fournisseur par
son client, le premier devra accepter sans résistance les décisions de l’acheteur
visant à s’adapter à de nouvelles circonstances, afin de réaliser par la suite des
gains collectifs.
Ainsi, la propriété unifiée des actifs est susceptible de préserver les fortes
incitations et d’éviter un marchandage coûteux. En même temps, l’intervention
sélective permet des économies de prise de décision adaptative et séquentielle.
196
Cependant, la préservation des incitations fortes dans les firmes pose de
nombreux problèmes.
4.3.2.1 Les pertes dues à l’utilisation inadéquate des actifs
L’intégration verticale implique un changement fondamental dans le statut des
différents agents. En effet, si les règles de fortes incitations sont employées, le
fournisseur ne sera plus propriétaire des actifs de la division amont de la firme
intégrée, mais plutôt, un simple directeur du service des approvisionnements. De
ce fait, il n’aura plus les mêmes incitations pour utiliser l’équipement avec le
même soin et pour assurer la même maintenance préventive. L’objectif du
directeur sera de maximiser les recettes nettes immédiates du service
d’approvisionnement en économisant les coûts de main d’œuvre d’une part, et
en utilisant de façon intensive les équipements.
Ces agissements peuvent être atténués en utilisant des moyens de vérification
contre les abus sur les actifs. Le nouveau propriétaire peut insister pour que
certaines procédures d’utilisation et de maintenance soient observées.
Cependant, le contrôle du respect de ces procédures nécessite des coûts
supplémentaires qui ne seraient pas nécessaires en absence d’intégration.
4.3.2.2 Les pertes dues aux manipulations comptables
Dans une fusion verticale, la valeur de cession d'un actif dépend des flux de
recettes nettes espérés par le vendeur. En projetant un flux de recettes nettes
positif, le fournisseur pourrait accepter de céder la propriété des actifs à un prix
très bas. Dans ce cas, il risque d’être révoqué, une fois que l’opération de fusion
est accomplie. Pour éviter une telle situation, le fournisseur peut, tout de même,
exiger une garantie de maintien de son emploi. Mais de telles garanties risquent
d’être de moindre utilité si les recettes nettes du service d’approvisionnement
peuvent être altérées de façon substantielle par l’exercice d’une discrétion
comptable. L’altération des recettes nettes peut être effectuée par la diminution
197
des prix de transfert et/ou la majoration des imputations de coûts. De même,
l'incomplétude des contrats nécessite, certainement, des ajustements futures de
la règle du prix de transfert. Ces ajustements ne posent pas de problème en
absence de spécificité des actifs puisqu’il suffit de se référer au marché pour
s’accorder sur le niveau de ce prix. Toutefois, si les actifs sont spécifiques, et si
un accord mutuel n’est pas atteint, la position du directeur d’un service des
approvisionnements, dans une firme intégrée, sera plus fragile. En effet, malgré
les garanties d’emploi, le directeur peut être facilement écarté s’il refuse
d’accepter les termes proposés en procédant tout simplement à sa réaffectation.
La détermination des prix de transfert devient alors une décision unilatérale du
service des achats qui possède les actifs des deux stades.
4.3.2.3 L’affaiblissement des incitations à l’innovation
L'Histoire des entreprises montre que l'innovation peut être bureaucratisée avec
succès : « nous employons beaucoup de gens qui, laissés à leur propre
imagination, n’auraient pas l’esprit de recherche. En d’autres termes, nous
engageons les gens à être curieux en tant que groupe… Nous nous chargeons de
créer la capacité de recherche par la pure pression de l’argent » (Hambourg
(1963), p. 107). L’avantage de l’intégration réside dans le fait que la coopération
en matière de recherche-développement peut s’établir plus aisément. Il existe,
cependant, des projets pour lesquels l’utilisation de fortes incitations donne des
résultats meilleurs. Comment les services non intégrés se comparent-ils, donc,
aux services intégrés dans la mise en place d’incitations à innover ?
Si un service des approvisionnements, dans une firme intégrée, est partiellement
responsable du succès (de l’échec) d’un effort d’innovation, il sera difficile de
déterminer, avec précision, sa participation dans la réalisation de ce succès
(échec), ce qui pose un problème de partage des bénéfices (coûts) entre les deux
services. Mais puisque la firme a le pouvoir de remédier aux disparités par
décision administrative, et puisque faire le contraire entraîne de sévères tensions,
198
les fortes incitations du marché sont susceptibles d’être compromises. Ainsi,
l’anticipation par la direction du service des approvisionnements de ces tensions
aura pour conséquence l’affaiblissement ex post des incitations à l’innovation.
En fait, même si le partage des gains entre fournisseur et acheteur pouvait se
décider de façon objective, il est peu probable que les parties respectent les
accords ex ante de partage des bénéfices au prorata. Souvent la redistribution se
fait en faveur des propriétaires et au détriment des unités opérationnelles à
travers la manipulation du prix de transfert et des règles de comptabilisation des
coûts. Le problème est lié, en réalité, à la question de l’asymétrie de
l’information. En effet, même si les propriétaires s’abstiennent de telles
pratiques, il serait difficile de convaincre les dirigeants de la bonne volonté des
propriétaires, ce qui se traduit inévitablement par un affaiblissement des
incitations à l’innovation.
En conclusion, il est souvent difficile de réaliser une intervention sélective qui
réunit simultanément les bénéfices de l’adaptation séquentielle permis par
l’intégration verticale et ceux permis par les fortes incitations du marché car le
transfert d’une transaction du marché à la firme est généralement accompagné
d’une diminution des incitations. Les efforts pour maintenir ces incitations
constantes, s’avèrent ainsi illusoires.
4.4 Spécificité des actifs et intégration verticale
La comparaison institutionnelle entre les différents modes d'organisation doit
tenir compte de l’ensemble des coûts occasionnés par l’organisation d’une
transaction. Le mode d’organisation optimal, pour une transaction donnée, sera
donc celui qui implique le minimum de coûts agrégés (coûts de production et
coûts de transaction).
4.4.1 Choix séquentiel de la technologie et du mode d’organisation
D'après l'économie des coûts de transaction, le facteur principal qui explique
199
l’intégration verticale est la spécificité des actifs. En absence de spécificité, la
contractualisation du marché sera la solution la plus efficiente puisqu'elle permet
non seulement des économies de production, mais également des économies des
coûts de gouvernance. Cependant, lorsque la spécificité des actifs augmente,
l’équilibre se déplace en faveur de l’organisation interne.
De manière formelle, les principales différences entre le marché et
l’organisation interne sont les suivantes :
- les marchés favorisent les fortes incitations et restreignent les distorsions
bureaucratiques avec plus d’efficacité que l’organisation interne,
- les marchés peuvent agréger, avec profit, les demandes en réalisant des
économies d’échelle et de gamme ("scale and scope economies"),
- l’organisation interne dispose d’instruments de gouvernance et de
coordination plus pertinents.
Considérons la décision d’une firme de fabriquer ou d’acheter un bien ou un
service particulier. Supposons qu’il s’agisse d’un composant qui doit être ajouté
à l’unité centrale et que la quantité à fournir soit fixe. Les facteurs cruciaux qui
déterminent la décision de fabriquer ou d’acheter sont, donc, le contrôle du coût
de production et la facilité d'effectuer une adaptation séquentielle ou inter-
temporelle. Soit )(k les coûts bureaucratiques de la gouvernance interne et
M(k) les coûts de gouvernance du marché, où k est un indice de spécificité des
actifs. Admettons que )0( est supérieure à M(0)105
, et supposons que M' est
supérieure à ' pour chaque valeur de k106
. Soit enfin, )()( kMkG .
105
Les incitations fortes du marché favorisent un contrôle plus strictes des coûts de production, mais pendant que
se construit une relation de dépendance bilatérale entre les parties, elles entravent la facilité d'adaptation en
raison de la transformation fondamentale. 106
Cette inégalité est une conséquence de l'incapacité comparative du marché en terme d'daptabilité séquentielle.
200
Figure 4.4 : Comparaison des coûts de gouvernance
Source : Williamson (1985) The Economic Institutions of Capitalism, New
York Free Press, p. 91
L'approvisionnement sur le marché est, donc, préféré lorsque la spécificité des
actifs est faible (
kk ). Par contre, l'organisation interne est préférable lorsque
les actifs sont spécifiques à la relation en raison de la dépendance bilatérale.
Cependant, il ne faut pas perdre de vue que les marchés sont souvent aptes à
agréger les demandes réalisant ainsi des économies d'échelle et de gamme107
. Il
faudrait, donc, tenir compte des différences de coûts de production108
.
Notons par C , la différence de coûts de production entre l'organisation interne
107
Les économies d'échelle correspondent à la réduction des coûts en ajoutant des pommes aux
pommes: )()()( 2121 XCXCXXC . En revanche, les économies de gamme correspondent à la réduction
des coûts en ajoutant des pommes aux oranges: )()(),( YCXCYXC . 108
Les économies d'échelle et de gamme ne constituent pas forcémnt la base des décisions d'Les économies
d'échelle et de gamme ne constituent pas forcémnt la base des décisions d'acheter ou de fabriquer. Ainsi, si des
économies de gamme peuvent être réalisées en vendant le bien en même temps qu'une variété d'articles de même
nature, la firme pourra s'intégrer en aval dans la commercialisation et vendre son produit avec d'autres articles
sur une base paritaire (voir le point 4.2.2 pour plus de précisions).
k
Coûts
0 G
_
k
M0
201
et le marché. En l'exprimant en fonction de k, cette quantité sera décroissante
mais positive tout au long de l'axe. Pour les transactions standardisées (k faible),
le marché permet de grandes économies d'agrégation et donne un avantage de
coûts de production comparativement à l'organisation interne. Au fur et à mesure
que le degré de spécificité augmente, l'avantage de coût du marché décroît tout
en restant positif. Avec un niveau élevé de k, les économies d'agrégation d'une
offre extérieure ne peuvent plus être réalisées, et la firme peut produire sans
pénalité pour ses propres besoins.
Figure 4.5 : Comparaison des coûts de production et de gouvernance
Source : Williamson (1985) The Economic Institutions of Capitalism, New York Free
Press, p. 93
L'objet n'est pas de minimiser C ou G chacune séparément, mais plutôt de
minimiser la somme des différences de coûts de production et de gouvernance
( GC ) étant donné un niveau optimal de spécificité des actifs. Ainsi, la
Coû
ts
k
0
C
G
GC
_
k ^
k
202
courbe ( GC ) devient négative pour une valeur de
k supérieure à
k . Les
économies d'échelle et de gamme favorisent, par conséquent, l'organisation de
marché pour des valeurs de k qui sont plus élevées par rapport au scénario où
ces économies ne sont pas prises en considération.
Avec un degré optimal de spécificité des actifs (*
k ), la figure 4.5 nous permet de
voir que :
- l'approvisionnement sur le marché possède des avantages à la fois en termes
d'économies d'échelle et de gouvernance quand la spécificité optimale des
actifs est faible (
kk*
),
- l'organisation interne est plus avantageuse quand la spécificité optimale des
actifs est substantielle (
kk*
),
- pour des degrés intermédiaires de spécificité optimale des actifs, seules de
petites différences de coûts apparaissent. Dans ces cas, il se peut qu'émerge
une gouvernance mixte où certaines firmes vont recourir au marché et
d'autres choisissent l'organisation interne. Les deux solutions seront, par
contre, sources d'inefficience et d'insatisfaction,
- l'organisation interne n'est jamais choisie pour des raisons de coûts de
production ( kC ,0 ).
4.4.2 Choix simultané de la technologie et du mode d'organisation
Le raisonnement précédent suppose un processus séquentiel où le choix de la
technologie est fait avant celui des modes d'organisation. Or, ces deux
composantes devraient être traitées symétriquement, car ce sont des variables de
décisions dont les valeurs sont déterminées simultanément.
Supposons, ainsi, que le marché et la firme utilisent la même technologie de
203
production109
. La fonction des recettes dans les deux modes est donnée par
)(XRR , et les coûts de production sont tels que:
0et0;0avec),,( XkX CCCkXCC
où représente l'effet de la spécificité des actifs sur les coûts de production.
Une valeur élevée de implique une grande réduction des coûts liée à la
spécificité des actifs :
0et0 Xk CC
On suppose également que représente le coût unitaire de l'actif spécifique.
Ainsi, l'expression de profit correspondant à la structure de recettes R et à celle
des coûts C est donnée par :
kkXCXRkX ),,()(),,(* (4.1)
Les conditions d'optimalité doivent satisfaire les équations suivantes :
0),,(
0),,(
*
*
kX
kX
k
X
Toutefois, l'expression de profit donnée par l'équation (4.1) ne prend pas en
considération les coûts de gouvernance. Posons, ainsi, mi GG et comme étant les
coûts de gouvernance respectifs de l'organisation interne et du marché avec :
0)( avec )(
0et 0 avec )(
kWkWG
VkVG
m
k
i
sachant que )()( kVkW pour une même valeur de k .
Les nouvelles expressions de profits (qui tiennent compte des coûts de
production et des coûts de gouvernance) se présentent, donc, comme suit :
109
Le modèle qui suit est emprunté à Riordan et Williamson (1985).
204
)(.),,()(
))((.),,()(
kWkkXCXR
kVkkXCXR
m
i
Par conséquent, les conditions de premier ordre relatives au mode d’organisation
interne sont données par :
0
0
kk
i
k
XX
i
X
VC
CR
et de façon similaire, celles du marché correspondent à :
0
0
kk
m
k
XX
m
X
WC
CR
Figure 4.6 : Détermination des niveaux optimaux de X et de k
Source : Riordan et Williamson (1985)
Le niveau de la production optimale est obtenu grâce à l’égalisation du revenu
marginal et le coût marginal de production. De même, le niveau optimal de
l’actif spécifique est obtenu par la minimisation de la somme des coûts de
production et des coûts de gouvernance.
k
X
ik
*k
mk
mX
iX
iX
*X
iX
M
I
0m
k
0i
k
0* k
0X
205
Puisque )0( courbe la ,0 m
kkk VW se situe en dessus de ( 0i
k) qui se situe
elle-même en dessus de ( 0* k
). Par conséquent, les valeurs de X et de k qui
maximisent le profit dans les trois configurations sont telles que :
mi
mi
kkk
XXX
*
*
Le problème de maximisation correspondant à ** ketX est purement
hypothétique dans la mesure où il ne tient pas compte des coûts de gouvernance.
Par conséquent, la comparaison doit être effectuée entre la combinaison M
correspondant au mode d’organisation du marché et la configuration I
correspondant au mode d’organisation interne. Cette comparaison intéresse les
profits dans chaque mode organisationnel exprimés en fonction de la spécificité
des actifs.
Figure 4.7 : Comparaison des profits dans les deux modes organisationnels
Source : Riordan et Williamson (1985)
Le profit dans le mode de marché est unique et il est exprimé par m . En
revanche, dans le mode d’organisation interne, il y a une multitude de courbes
i en fonction de la valeur du paramètre..
La valeur de i est décroissante en fonction de . Pour
)(0
i
m
)(1i
k
mk ik
206
)()( aon 1010 ii . Mais, les valeurs optimales de X et de k ne
dépendent pas de puisque cette dernière n’est pas incluse dans les conditions
de premier ordre. Ainsi, pour 0
le profit du mode d’organisation interne
est supérieur à celui du mode de marché. Par contre, pour 1 le mode de
marché devient plus profitable.
4.5 Monopole bilatéral et problème du hold up
4.5.1 La transformation fondamentale
Dans la pratique des enchères, il est d’usage de reconnaître que les conditions
auxquelles sera passé un marché initial varient selon que des offres collusives
peuvent ou non être émises par plus d’un fournisseur. Il y aura des conditions de
monopole s’il n’y a qu’un seul fournisseur postulant pour ce marché. En
revanche, les conditions de concurrence se caractérisent par l’existence de
plusieurs postulants disposants d’un même niveau de qualification. Cependant,
la contractualisation initiale marque simplement le début d’un processus
dynamique. Pour faire une évaluation complète, il ne suffit pas d’examiner les
conditions de concurrence ex ante, mais il faut examiner, également, l’exécution
du contrat et la concurrence ex post au moment du renouvellement du contrat.
En effet, une situation qui présente au départ un grand nombre d’offreurs
n’implique pas nécessairement le maintien ultérieur de cette même situation.
L’inefficience ex post de la concurrence varie selon que le bien ou le service
considéré sera supporté par des investissements durables en actifs humains ou
physiques spécifiques à la transaction. Lorsque de tels investissements ne sont
pas impliqués, l’offreur qui remporte l’enchère initiale ne bénéficie pas
d’avantages sur les autres concurrents. Toutefois, ces rivaux ne peuvent plus être
considérés sur un même pied d’égalité une fois qu’ont été mis en place des actifs
spécifiques à la transaction. En effet, la conséquence fondamentale de
207
l’investissement en actifs spécifiques dans une relation contractuelle est que,
malgré le fait que le fournisseur et l’acheteur puissent se choisir mutuellement,
ex ante, parmi un groupe d’offreurs et de demandeurs concurrents, ils finissent
par former un monopole bilatéral ex post, dans la mesure où ils sont incités à
échanger entre eux plutôt qu’avec des tiers. En conséquence, ce qui était au
départ une situation de concurrence se transforme par la suite en une situation de
dépendance bilatérale. Cette transformation fondamentale a de multiples
conséquences sur la contractualisation (Williamson (1985), p. 84).
La raison pour laquelle l’investissement dans des actifs spécifiques durables
(introduisant une dépendance bilatérale) introduit une asymétrie contractuelle
entre la partie qui investit dans la relation et ses rivales est due au fait que la
rupture de la relation d’échange serait préjudiciable à la fois pour l’offreur et
pour le demandeur. La contractualisation anonyme est ainsi supplantée par une
contractualisation dans laquelle l’identité des parties est déterminante. En
d’autres termes, la valeur économique de l’actif spécifique du fournisseur sera
sérieusement altérée en cas de redéploiement de cet actif pour d’autres usages
d’une part, et l’acheteur ne pourra plus trouver des sources favorables de l’autre.
De ce fait, les deux parties se trouvent enfermées dans une relation de
dépendance bilatérale qui donne, souvent, naissance à des tensions et des
propensions opportunistes de part et d’autre entraînant une transformation
fondamentale due essentiellement à une relation d'échange caractérisée par la
spécificité des actifs. Toutefois, la spécificité ne concerne pas uniquement les
actifs physiques, car il existe également des cas d’investissement en capital
humain spécifique. C’est le cas des économies permises par une formation et un
apprentissage spécialisés dont les bénéfices ne peuvent être réalisés que si la
relation entre l’acheteur et le vendeur est maintenue. De même, il peut y avoir
une économie supplémentaire liée à la spécificité de la transaction au niveau de
l’interface entre fournisseur et acheteur lorsque les contrats sont successivement
adaptés à des événements en cours et lorsque l’on parvient à des accords de
208
renouvellement périodique des contrats. Il s’agit notamment des économies de
communication liées au développement d’un langage spécialisé et l’implication
personnelle et institutionnelle des individus ayant la responsabilité d’adapter les
interfaces entre les deux parties (Williamson (1985), p. 85).
Liés dans une relation de monopole bilatéral, l’acheteur et le vendeur se
retrouvent, donc, dans une situation stratégique de négociation pour un gain
"incrémental" chaque fois qu’une proposition d’adaptation est faite par l’une des
parties. Bien que l’un et l’autre aient un intérêt, à long terme, à effectuer les
adaptations du type maximisation des profits joints, chacun d’eux cherchera à
s’approprier le maximum de gain à chaque période. Ces propensions
opportunistes aboutissent, ainsi, à un marchandage coûteux qui est susceptible
de dissiper tous les gains issus de la relation d’échange et nécessite le recours à
des structures de gouvernance capables d’atténuer l’opportunisme et de ramener
la confiance entre les deux parties.
4.5.2 Le problème du hold up dans une relation de monopole bilatéral
Dans la réalité, les relations d’échange entre un vendeur et un acheteur sont
souvent caractérisées par une fréquence plus ou moins importante. La répétition
de ces relations incite souvent les différentes parties à effectuer des
investissements en des actifs qui leur permettent d’améliorer les gains de
l’échange. Ces gains ne seront, toutefois, possibles que si les investissements en
question sont spécifiques à la relation d’échange entre les deux parties. En
d’autres termes, il est difficile, voir impossible, de redéployer ces actifs pour
d’autres fins ou d’autres usages sans qu’ils subissent une détérioration
substantielle de leur valeur. De plus, les gains espérés de ces investissements
sont souvent imprévisibles et les circonstances extérieures dans lesquelles ils
opèrent sont inconnues, ou non vérifiables par une tierce partie. Mais, une fois
209
que ces circonstances sont connues et les surplus à partager sont réalisés110
, la
partie qui n’a pas investit dans la relation peut menacer l’autre de cesser
l'échange s'il y a refus de partager le surplus additionnel qu’elle a pu réaliser en
investissant dans des actifs spécifiques. En exploitant la situation de dépendance
bilatérale, un membre d’une relation d’échange peut, ainsi, exproprier l’autre
membre de ses « quasi-rentes » même si le surplus a été généré grâce à
l'investissement de ce dernier. C’est cette expropriation, qu’on qualifie de « hold
up » (Goldberg (1976)), qui complique la contractualisation dans une structure
de monopole bilatéral. Bien entendu, le problème du hold up pourrait être résolu
dès le départ si le vendeur et l’acheteur étaient capables de rédiger un contrat
complet qui permettrait le partage du surplus entre les deux. Cependant, les
contrats sont souvent incomplets dans la pratique, à cause des coûts de
transaction111
. En effet, certaines contingences rencontrées par les parties ne
peuvent être souvent prévisibles à la date de signature du contrat. Ensuite, même
si elles le sont, il peut y avoir trop d’états contingents à inclure dans le contrat.
Enfin, la mise en œuvre et le contrôle de l’exécution d’un contrat sont souvent
très coûteux.
De ce fait, les éléments clés qui président à l’apparition du problème du hold up
dans une relation d’échange peuvent être résumés ainsi :
1- La prédominance de contrats incomplets qui nécessitent des révisions dans le
futur en raison de la difficulté, voir de l’impossibilité, de spécifier ex ante les
règles de partage du surplus ex post. Ce partage dépendra principalement des
rapports de forces ex post qui sont difficilement prévisibles au début de la
relation et qui dépendent à leur tour du mode d’organisation.
2- L’existence de biens d’investissements spécifiques irréversibles qui bloquent
ex post les partenaires dans une relation bilatérale.
110
Ces surplus sont qualifiés de « quasi-rentes appropriables » par Alchian, Crawford et Klein (1978)). 111
Ou plus précisément, à cause de l’incertitude, de la rationalité limitée, de l’opportunisme et de l’asymétrie de
l’information.
210
3- Le caractère fréquent et répétitif des transactions et de la relation d’échange
entre les deux parties.
Il y a une littérature abondante qui a discuté le problème du hold up, et qui peut
être divisée, néanmoins en deux courants :
1. Le premier utilise une approche purement transactionnelle à la manière de
Williamson, et considère que la cause du problème est purement transactionnelle
en raison de la rationalité limitée traduite par l’incapacité des parties à rédiger
des contrats contingents complets, et de l’opportunisme de la partie qui
n’investit pas dans la relation d’échange. L’analyse dans ces travaux
(Williamson (1985), Alchian, Crawford et Klein (1978) et Tirole (1989)) se fait
sur la base de la comparaison entre l’intégration verticale et le marché en tant
que solutions au problème. Ainsi, lorsqu’une relation d’échange nécessite des
investissements spécifiques importants, Williamson (1985) et Alchian et al
(1978) préconisent l’intégration verticale entre le vendeur et l’acheteur. Celle-ci
permet de résoudre les principaux problèmes crées par les situations de
monopole bilatéral, à savoir :
- La difficulté de marchandage, entre le vendeur et l’acheteur, sur le choix du
prix du bien objet de l’échange.
- L’incitation ex ante du vendeur et/ou de l’acheteur au sous-investissement en
actifs spécifiques en raison de la crainte de l’un d’entre eux d’être exproprié
par l’autre.
En effet, l’intégration verticale présente l’avantage d’éviter à la partie qui
investit de subir le comportement opportuniste de l’autre, ce qui permet de
maintenir l’incitation à l’investissement à son niveau optimal.
2. Le second courant utilise quant à lui l’approche des contrats incomplets, qui
soutient l’idée que le problème du hold up peut être résolu par la rédaction d’un
contrat incomplet. Entre les deux solutions extrêmes (intégration verticale et
marché), il y a toute une série de contrats incomplets qui peuvent donner les
211
mêmes résultats permis par l’intégration verticale tout en évitant les
inconvénients de celle-ci (Grossman et Hart (1986), Holmstrom et Tirole (1989)
et Hart et Moore (1990)). Ainsi, les deux parties peuvent s’en remettre à une
tierce partie susceptible de prendre les décisions efficaces se rapprochant le plus
de celles qu’un contrat complet aurait spécifié. Toutefois, le recours à une tierce
partie (arbitre externe) peut s’avérer très coûteux. Les personnes extérieures
peuvent ne pas posséder l’information adéquate permettant de prendre la
décision efficace (c’est le cas notamment lorsque les attributs de l’échange et/ou
l’investissement spécifique ne sont pas vérifiables). De façon analogue, le
pouvoir de décision, dans les contingences non spécifiées, peut être donné à
l’une des parties concernées sans exclure la possibilité de renégociation ex post
(Grossman et Hart (1986)). De ce fait, l’autorité modifie le point de statu quo
dans le processus de négociation en plaçant la partie qui la possède dans une
meilleure situation de marchandage. Dans ce cas, la non-intégration sera
préférable à l’intégration à condition que les deux parties puissent se mettre
d’accord ex ante sur une règle de partage du surplus réalisé. Toutefois, le
raisonnement de Grossman et Hart (1986) suppose des investissements
spécifiques « inaliénables »112
. Cette hypothèse est déterminante dans la
comparaison des formes d’organisation. En effet, lorsque les coûts
d’investissement sont inaliénables, l’intégration verticale n’affecte pas les
incitations à l’investissement113
. Dans ce cadre, Holmström et Tirole (1989)
montrent que la comparaison des deux formes d’organisation dépend
essentiellement de la nature des actifs spécifiques. Si ces derniers sont
aliénables, l’intégration verticale impliquera un surplus total supérieur à celui de
la non-intégration, et dans le cas contraire, la seconde solution sera la plus
112
Grossman et Hart (1986) supposent que les coûts d’investissement sont supportés par la partie qui investit
indépendamment de la structure de propriété. En d’autres termes, les investissements correspondent à des actifs
humains non transférables et dont les gains ne peuvent être compensés par un contrat incomplet. 113
Le changement de propriété d’un actif affecte les incitations à l’investissement uniquement lorsque cet actif
est aliénable (actif physique ou financier).
212
avantageuse.
4.6 Spécificité des actifs et intégration verticale : quelques évidences
empiriques
A partir des années 80, la discussion théorique sur le rôle des coûts de
transaction dans la détermination des relations verticales a été considérablement
enrichie. Le degré de la spécificité des actifs est devenu le facteur clé dans
l’explication du choix de la forme d’organisation la plus efficiente. Cette
avancée théorique de l’approche des coûts de transaction était confirmée par de
nombreuses études empiriques ayant pour objet la confrontation des hypothèses
de la théorie à la réalité industrielle et commerciale. Pourtant, ces travaux
empiriques étaient confrontés à de nombreux obstacles qui revêtent un caractère
à la fois méthodologique et pratique. Il fallait, en premier lieu, que la théorie
puisse fournir une relation structurelle assez claire entre un ensemble de
variables dépendantes et un autre ensemble de variables explicatives. Ensuite, il
fallait être capable de mesurer empiriquement ces variables de sorte qu'elles
reflétent, avec précision, la signification des concepts théoriques. Enfin, il fallait
cerner les théories alternatives afin de procéder à la comparaison des résultats
obtenus.
Mais, malgré ces difficultés, les deux dernières décennies ont connu une
floraison de nombreux travaux empiriques basés sur des approches
méthodologiques et des niveaux d’analyse très variés et rend difficile
l’établissement d’une typologie ou d’une classification exhaustive de ces études.
Néanmoins, Williamson (1985) proposa une taxinomie sommaire basée
essentiellement sur des critères méthodologiques dont on trouve notamment :
1- Les modèles statistiques (utilisant, par exemple, les techniques probits) dans
lesquels les attributs des transactions sont associés à une forme
213
organisationnelle. C’est le cas de l’étude de l’intégration verticale dans
l’industrie automobile de Monteverde et Teece (1982).
2- Les tests bi variés qui associent les attributs des transactions aux modes
contractuels, notamment les études de la contractualisation dans l’aérospatial
et dans le transport de Masten (1984) et Palay (1984).
3- Les études de cas précis comme c’est le cas de l’étude de la télévision par
câble de Williamson (1976).
4- Les études des caractéristiques contractuelles et de la structure de
gouvernance des contrats à long terme. C’est le cas notamment des études
des contrats à long terme dans le domaine du charbon de Goldberg et
Erickson (1982) et Joskow (1985).
5- Les études d’industries précises, parmi lesquelles il faut signaler le traitement
par Stuckey de l’intégration verticale et des filiales communes dans
l’industrie de l’aluminium (1983).
6- Les études sur le changement des pratiques organisationnelles tel qu’il est
relaté dans la littérature de l’histoire des entreprises faite par Chandler
(1977).
Cette classification regroupe, donc, des études qualitatives qui insistent sur le
côté organisationnel, les structures de gouvernance et les formes contractuelles,
et des études quantitatives qui utilisent des techniques économétriques et des
données chiffrées pour expliquer le choix de l’intégration verticale. Les deux
approches (qualitative et quantitative) doivent être appréhendées dans une
logique de complémentarité susceptible de contourner les difficultés de la
vérification empirique tout en évitant les comparaisons hiérarchisantes de la
pertinence des deux approches.
Ainsi, sans avoir la prétention de manifester une préférence pour une approche
particulière, notre intérêt sera axé sur les études quantifiées dans le but de
214
spécifier les principales techniques statistiques utilisées dans le traitement de la
question de l’intégration verticale. Pour ce faire, nous allons distinguer, d’une
part les études intra-industrielles spécifiques à des industries précises, et d’autre
part, les études interindustrielles visant à effectuer des comparaisons entre les
différentes branches industrielles.
4.6.1 Les Etudes empiriques intra-industrielles
La plupart des études intra-industrielles de l’intégration verticale ont les
caractéristiques suivantes en commun :
- elles utilisent les tests bivariés et les modèles statistiques pour spécifier les
déterminants de l’intégration verticale,
- elles retiennent la spécificité des actifs comme principal facteur déterminant le
choix de l’intégration verticale,
- elles utilisent des données correspondant à un niveau d’analyse micro
analytique,
- le cadre institutionnel retenu correspond, pour certaines études, au choix
restreint entre l’intégration verticale et le marché, et pour les autres au choix
plus large entre l’intégration verticale, les contrats à long terme et le marché
spot.
Ces études n'insistent, cependant, pas toutes sur le même type de spécificité des
actifs. On peut distinguer, en effet, celles qui mettent en avant la spécificité des
actifs humains (Monteverde et Teece (1982), Walker et Weber (1984), Masten
(1984) et Anderson et Schmitlein (1984)) et celles qui accordent plus
d’importance à la spécificité du site (Palay (1981), Stuckey (1983), Joskow
(1985)).
215
4.6.1.1 Spécificité de l’actif humain et intégration verticale
La spécificité de l’actif humain est une caractéristique des industries de la haute
technologie qui nécessitent des employés hautement qualifiés et une évolution
permanente des procédés de fabrication. C’est le cas notamment, des industries
aérospatiales, électroniques et d’automobile. Cette particularité a été mise en
lumière grâce à de nombreuses études empiriques afin de justifier l’intégration
verticale des firmes de ces industries.
Parmi les études pionnières dans ce domaine, on trouve notamment celle de
Monteverde et Teece (1982) sur le degré d’intégration latérale des deux géants
de l’industrie automobile américaine, à savoir les compagnies Ford et General
Motors. L’objet de l’étude était double :
- savoir si les deux compagnies fabriquent elles-mêmes les composants qui
rentrent dans la construction de leurs voitures, ou recourent-elles plutôt à des
fabricants indépendants pour se les procurer,
- vérifier si la spécificité des actifs est déterminante dans le choix des deux
compagnies entre la solution de fabrication d’un composant et celle de son achat
à l’extérieur.
Pour ce faire, les deux auteurs ont retenu une liste de 133 composants rentrant
dans la fabrication d’une automobile en spécifiant pour chacun d’eux s’il est
fabriqué par la compagnie elle-même ou au contraire acheté à un fabricant
indépendant. Cette spécification permettra, ainsi, de mesurer l’intégration
verticale à l’aide d’une variable auxiliaire qui prend la valeur 1 si le composant
est fabriqué par la firme et la valeur 0 dans le cas contraire.
D’un autre côté, les auteurs ont choisi 8 variables explicatives du choix entre
l’intégration verticale et le marché :
- la première variable correspond à un indice d’échelle qui relate le degré de
spécificité de l’actif humain (effort d’ingénierie) dans la fabrication de chaque
216
composant,
- la seconde est une variable auxiliaire permettant d’identifier les composants
spécifiques à la compagnie et les autres composants génériques,
- la troisième est une variable également auxiliaire qui permet de distinguer les
deux compagnies,
- les dernières sont des variables auxiliaires représentant les sous-systèmes d’un
véhicule (moteur, châssis, ventilation, équipement électrique, habitacle).
Les résultats de l’étude étaient significatifs dans le sens où les composants
spécifiques sont généralement fabriqués par les deux compagnies qui se
procurent, en revanche, les composants génériques chez des fabricants
indépendants. La spécificité de l’actif humain, ou plus particulièrement, le
savoir-faire industriel spécialisé dans une firme particulière, est important dans
la définition des frontières d’efficacité des deux entreprises.
Ces résultats ont été confirmés et développés davantage par l'étude de Walker et
Weber (1984) dont l’échantillon était constitué entièrement de pièces
relativement simples représentant les facteurs de production à l’étape initiale
d’assemblage de la fabrication d’une automobile. Les données correspondaient à
des observations micro analytiques sur les achats des composants, d’ingénierie
de fabrication, d’ingénierie de production et de ventes et constituaient soixante
décisions prises par une division des composants pour laquelle un comité avait
été formé afin d’évaluer les avantages de fabriquer ou d’acheter. Ces données
ont, ainsi, révélé des effets significatifs de la spécificité des actifs, de
l’incertitude et des économies d’échelle sur les différences comparatives de
coûts de production entre acheteur et fournisseur.
Les deux études précédentes révèlent, donc, clairement le rôle fondamental de la
spécificité de l’actif humain (ingénierie et savoir-faire) dans le choix de
l’intégration verticale au niveau des industries automobiles. A cet effet, le rôle
217
de la spécificité des actifs physiques et de site semble moins important, quoique,
relativement significatif dans le choix organisationnel des fabricants automobile.
Ceci a été vérifié formellement dans une étude de Masten, Meehan et Snyder
(1989) à l’aide d’un modèle économétrique (utilisant la méthode des moindres
carrés ordinaires, la méthode Tobit et un modèle logistique).
La primauté de la spécificité de l’actif humain dans le choix de l’intégration
verticale n’est, cependant, pas inhérente à l’industrie automobile. Ce résultat a
été, en effet, confirmé dans d’autres industries, notamment le domaine de
l’aérospatial et celui de l’électronique. Ainsi, le travail de Masten (1984) s’est
intéressé à l’organisation de la production dans l’industrie spatiale et les
politiques gouvernementales d’approvisionnement. Les données de l’étude ont
été recueillies à l’aide d’un questionnaire qui tente de ranger un échantillon de
composants en fonction de la spécificité du design et du site et la complexité du
composant. A l’aide d’un modèle probabiliste de maximisation, Masten trouve
que la spécificité et la complexité sont déterminants dans le choix de
l’intégration verticale de la firme aérospatiale. Il confirme, en effet, que « les
données sur le système aérospatial appuient l’affirmation selon laquelle la
complexité et la spécificité de conception sont des conditions nécessaires, sinon
suffisantes, pour la rupture de la coopération dans les échanges réalisés par le
marché et pour l’intégration consécutive de la production dans la firme. En
outre, les politiques d’approvisionnement professées par le gouvernement
ajoutent des détails qui ne sont pas encore disponibles dans l’analyse formelle,
tels les effets de la valeur absolue des investissements pour le besoin de
structures de gouvernance spécialisées » (Masten (1984), p. 417).
L’importance de la spécificité des actifs humains a été, enfin, confirmée par
Anderson et Schmitlein (1984) dans l’organisation de la commercialisation et la
fonction marketing de l’industrie des composants électroniques. La définition de
l’intégration verticale retenue fait référence à la nature de la relation entre la
218
firme et la force de vente114
. Ainsi, à l’aide de l’estimation d’une fonction
logistique, ils concluent que l’intégration est associée à l’accroissement des
niveaux de spécificité des actifs, de la difficulté d’évaluation des performances
et à la combinaison de ces deux facteurs.
Malgré son importance, la spécificité des actifs humains n’est, cependant, pas le
seul facteur expliquant le choix de l’intégration verticale. Les autres types de
spécificité sont parfois plus déterminants dans ce choix, notamment dans les
industries à forte intensité capitalistique et les industries minières.
4.6.1.2 Spécificité des actifs physiques et du site
D’habitude, les firmes des industries hautement capitalistiques investissent,
souvent, dans des équipements coûteux et spécialisés mais générateurs
d’importantes économies en coûts de production et de transport. Cette
spécialisation implique, cependant, une dépendance bilatérale des firmes aux
différents stades verticaux, chose qui accroît la propension opportuniste dans la
majorité des relations d’échange entre ces firmes. Le même phénomène se
retrouve dans les industries minières où la dépendance bilatérale n’est pas due
uniquement à la spécialisation des équipements, mais également à la nécessité
d’installation des unités industrielles en proximité des mines et la spécificité de
site qui en découle.
Dans ce cadre, la littérature empirique abonde d’études qui mettent en avant le
rôle de la spécificité des équipements et de site dans les formes de
contractualisation caractérisant ces industries. La première illustration se réfère
au secteur des transports, et plus particulièrement aux formes de
contractualisation entre les producteurs et les chemins de fer. Palay (1981)
montre, en effet, que même si la majorité des types de fret par rail ne prêtent pas
114
L’intégration verticale suppose que la firme dispose d’un personnel de vente dont les employés sont
rémunérés par un salaire. En revanche, la non-intégration suppose l’organisation des agents de vente sous forme
219
à discussion, en ce que les affréteurs contractent pour des services standardisés,
certains posent des problèmes de conception de wagons et/ou de manipulation.
Par exemple, les wagons « grand cube » sont spécialisés en fonction du fret des
pièces automobiles. Ces wagons plus grands et plus coûteux que les wagons
standards, peuvent être transférés entre les fabricants automobiles sans sacrifice
de valeur. Cependant, les supports utilisés pour assurer la sécurité des pièces en
transit sont crées pour les besoins de chaque producteur, et par conséquent, ils
leur sont spécifiques. C’est pour cette raison que les supports sont généralement
possédés par les affréteurs. Palay précise, ainsi, que les wagons-citernes et les
wagons-trémies répondent davantage à la logique théorique : « Cet équipement
est généralement construit en fonction des substances particulières qui doivent
être transportées…Un revêtement de verre ou de caoutchouc, l’équipement
spécialisé pour pressuriser les volumes et éviter les dommages ne sont que
quelques uns des exemples de l’équipement unique qui est employé…. Les
précautions d’emploi le rendent trop coûteux pour essayer de modifier un wagon
afin de manipuler un produit différent à chaque voyage, et le nettoyage implique
d’importantes dépenses en équipement et en technologie. Le coût des wagons-
citernes pouvait aller de 50 à 100 mille dollars » (Palay (1981), p. 129-130).
La nature hautement idiosyncrasique de l’équipement avait amené, par ailleurs,
les affréteurs à posséder leurs propres wagons-citernes et wagons-trémies.
La seconde illustration du problème insiste, à la fois, sur le rôle de la spécificité
de l’équipement et celui de la spécificité du site. Il s’agit, en effet, de l’étude
approfondie de Stuckey (1983) sur l’industrie d’aluminium et l’intégration en
amont dans les gisements de bauxite. Pour avoir une idée sur les facteurs qui
influent sur cette intégration, Stuckey présente d’abord les caractéristiques
fondamentales de la transformation de la bauxite :
- la différence de coût à transformer de façon efficace une bauxite semi-hydratée
de firmes séparées.
220
par une technologie de haute température, au lieu d’un raffinage à basse
température atteint presque 100 pour cent,
- des abris pour entreposer la bauxite sont nécessaires pour certains minerais
mais non pour d’autres,
- les coûts de transformation du résidu varient fortement,
- l’équipement contre la pollution de l’air est ajusté selon les attributs de la
bauxite.
Ces caractéristiques du processus de transformation de la bauxite nécessitent,
ainsi, un investissement spécifique en proximité et en équipement. D’ailleurs,
Stuckey résume très bien la situation en affirmant que « la nature de monopole
bilatéral de la relation d’échange de la bauxite résulte de plusieurs facteurs
techniques et structurels largement immuables. D’abord, la bauxite est un
produit hétérogène et le minerai de chaque gisement a des propriétés chimiques
et physiques uniques. La transformation efficace d’une bauxite donnée requiert
généralement une raffinerie faite sur mesure avec des technologies élaborées
spécialement pour la transformation chimique, la manipulation des matières
premières et la destruction des déchets. Une fois que sont développées une mine
et l’infrastructure qui lui est associée, et qu’est construite sa raffinerie de façon
appropriée, les deux usines sont liées l’une à l’autre selon le degré économique
de complémentarité technique. La vérification empirique indique que, en termes
économiques, la complémentarité est souvent forte, ce qui signifie que pour une
large gamme de prix de transaction de la bauxite, la mine et la raffinerie sont
économiquement unies ensemble. Il existe également un second ensemble de
facteurs qui lient ensemble mines et raffineries : il y a la grande distance
géographique qui sépare dans le monde les principaux gisements de bauxite, les
grandes distances entre les gisements et les usines de première fusion, la faible
valeur de la bauxite à la sortie de la mine par rapport aux tarifs de fret, et la
réduction de plus de 50 pour cent du volume de matière première lors du
221
raffinage. Les trois derniers facteurs favorisent une localisation frontale des
mines et des raffineries pour des raisons de coûts de transport » (Stuckey (1983),
p. 290).
Stuckey remarque, enfin, que les problèmes de contractualisation entre mines et
raffineries se compliquent davantage à cause des problèmes de l’asymétrie de
l’information sur la qualité et l’étendue des gisements de bauxite. Ces
considérations renforcent, ainsi, l’incitation à l’intégration verticale du fait de la
spécificité des actifs physiques de l’usine et de la spécificité du site, ce qui
explique assurément la prépondérance de cette forme organisationnelle.
Dans un contexte différent, Joskow (1985) utilise la même argumentation pour
expliquer la prédominance des contrats à long terme et la rareté de l’intégration
verticale dans la relation entre les entreprises qui exploitent les mines de
charbon et les distributeurs d'électricité aux Etats-Unis. En effet, cette relation
exige souvent des investissements spécifiques de la part des mines de charbon
en capacité d’exploitation, et de celle des compagnies électriques en générateurs
et en chaudières adaptées à un type particulier de charbon. Toutefois, Joskow
distingue deux contextes géographiques opposés :
- Dans l’Est des Etats-Unis, les mines sont nombreuses et ont peu de rendement
d’échelle, ce qui implique l’existence d’un grand nombre de compagnies
électriques. De même, les moyens de transport du charbon sont nombreux et
compétitifs, de sorte que les parties ont un vaste choix de partenaires. Enfin, le
charbon produit par les diverses mines est assez homogène, de sorte que la
confection de chaudières spéciales n’a pas, vraiment, raison d’être.
- Dans l’Ouest des Etats-Unis, il y a peu de mines de charbon avec un fort
rendement d'échelle. Il y a aussi moins de concurrence dans les transports que
dans l’Est, et la qualité du charbon est très variable.
La différence dans le nombre de mines, la qualité du charbon et la disponibilité
des moyens de transport dans les deux régions explique, d’après Joskow, la
222
prédominance du marché au comptant du charbon dans l'Est et des contrats à
long terme dans l’Ouest. Il précise également que le manque de concurrence et
l’importance des coûts de transport incitent, généralement, les compagnies
électriques à s’installer près des mines de charbon, ce qui crée des spécificités de
site sans doute responsables de la grande durée des contrats qui relient les deux
parties.
La concordance des résultats et des conclusions des différentes études
empiriques, ci-haut mentionnées, confirme le rôle déterminant de la spécificité
des actifs dans le choix de formes de contractualisation au niveau d’une firme ou
d’une industrie. Mais, ces résultats ont été obtenus en utilisant des données
micro analytiques qui ne sont pas souvent faciles à recueillir et qui se prêtent
difficilement à des comparaisons inter-branches. Par conséquent, il convient de
vérifier si les mêmes résultats peuvent être obtenus avec des données plus
agrégées et à des niveaux plus larges.
4.6.2 Les études empiriques interindustrielles
Contrairement aux études inta-industrielles qui adoptent l’approche des coûts de
transaction (à travers l’importance de la spécificité des actifs) pour expliquer
l’intégration verticale, les études interindustrielles se situent à un niveau
d’analyse plus général et utilisent, par conséquent, une démarche et une
méthodologie différente. De ce fait, ces études revêtent les caractéristiques
communes suivantes :
- elles ont pour objectif principal de vérifier empiriquement les hypothèses
avancées par la théorie des coûts de transaction et celle du monopole pour
expliquer l’intégration verticale,
- elles tentent également de comparer le degré et l’étendue de l’intégration
verticale au sein des différentes industries pour pouvoir tirer des conclusions
223
d’une plus grande généralité,
- elles utilisent des données plus agrégées et, donc, relativement accessibles pour
atteindre leurs objectifs,
- elles se servent des modèles économétriques simples (régression multiple et
moindres carrés ordinaires) pour tester le lien entre la variable expliquée
(l’intégration verticale) et les variables explicatives (représentant les principaux
déterminants de l’intégration verticale).
Ces études se situent dans la lignée et la méthodologie de l’économie
industrielle traditionnelle tout en adoptant des hypothèses différentes. Elles
participent d’une certaine manière à procéder à un rapprochement entre le
raisonnement classique de l’organisation industrielle et celui des nouvelles
théories contractuelles. En d’autres termes, ces études permettent de confronter
les hypothèses des différentes théories en se situant à un niveau d’analyse
commun et en adoptant une démarche unifiée.
Parmi les études qui répondent à ce souci, on trouve l’essai de Levy (1985) sur
l’industrie manufacturière américaine. Cette étude a utilisé une série de données
individuelles relatives à quatre années et portant sur un échantillon de 69
entreprises appartenant à 37 branches industrielles. Pour expliquer l’intégration
verticale dans l’industrie américaine, Levy a construit une dizaine de variables
correspondant aux hypothèses fondamentales de la théorie des coûts de
transaction, notamment l’effet du petit nombre, de la spécificité des actifs, de
l’incertitude et des coûts internes du management :
- pour traduire l’effet du petit nombre et le pouvoir de négociation, Levy utilise
deux variables qui mesurent les économies d’échelle au sein de l’industrie (taille
minimale optimale relative) et le degré de concentration de l’industrie (ratio de
concentration des quatre plus grandes firmes). La grande dimension des firmes
et la forte concentration des marchés impliquent, en effet, de sérieux problèmes
dans l’échange, ce qui incite généralement les firmes de ces industries à
224
s’intégrer davantage,
- en raison de la difficulté de disposer de données précises sur le degré de la
spécificité des actifs, Levy utilise trois variables qui justifient, selon lui,
l’investissement spécifique par une firme. La première variable correspond à la
proximité géographique des clients d’une entreprise par rapport à son siège
(variable qui renvoie à la notion de spécificité de site). Les deux autres variables
correspondent, quant à elles, à l’intensité des dépenses d’une entreprise en
recherche-développement et en publicité (ces variables traduisent l’importance
de la spécificité des actifs physiques et humains),
- l’étude de Levy retient également trois variables pour représenter l’incertitude
qui caractérise l’environnement de chaque entreprise. Les deux premières
variables décrivent la croissance des ventes de la firme et l’incertitude de la
demande (croissance moyenne du chiffre d’affaires et variance), et la troisième
variable mesure la variabilité des profits de l’entreprise (variance des profits de
l’entreprise sur les cinq dernières années). Ainsi, les firmes appartenants aux
industries caractérisées par une grande variabilité des ventes et des profits sont
généralement incitées davantage à s’intégrer verticalement afin de minimiser les
effets de l’incertitude,
- les deux dernières variables retenues par l’étude traduisent l’importance des
coûts internes de l’entreprise (coûts bureaucratiques) à travers la taille de la
firme et le degré de décentralisation dans l’organisation.
Les résultats de l’étude s’étaient révélés significatifs pour les principales
variables explicatives, en particulier celles qui décrivent le degré de
concentration, l’incertitude et les coûts internes d’organisation. En revanche, les
variables décrivant la spécificité des actifs l’étaient moins, mais c’est sans doute
dû à la difficulté de traduire quantitativement cette notion.
Des résultats similaires ont été obtenus par Mac Donald (1985) dans une étude
utilisant des données agrégées des industries manufacturières aux Etats-Unis
225
relatives à l’année 1977. L’objectif de l’étude était de comparer le degré et
l’étendue d’intégration dans les différentes branches et d’expliquer les
différences par des arguments de la théorie des coûts de transaction. Mais à la
différence de l’étude précédente, le travail de Mac Donald retient un nombre
plus réduit de variables explicatives qui insistent essentiellement sur le degré de
la concentration et l’intensité capitalistique d’une industrie :
- l’étude utilise trois variables pour décrire la structure de marché. Les deux
premières représentent les ratios de concentration en amont et en aval d’une
industrie afin de représenter le comportement des vendeurs et des acheteurs sur
le même marché (les deux variables permettent, donc, de décrire le
comportement des firmes d’une industrie à la fois du côté de l’offre et de la
demande). La troisième variable décrit, quant à elle, la dispersion des parts de
marché au sein de chaque industrie,
- l’étude utilise également deux variables pour mesurer l’intensité capitalistique
et l’intensité des dépenses de recherche-développement. Ces deux variables
décrivent, selon Mac Donald, l’importance de la spécificité des actifs.
L’étude révèle des résultats significatifs pour toutes les variables à l’exception
de l’intensité de la recherche-développement. Par conséquent, il semble tout à
fait logique que les industries les plus concentrées et les plus capitalistiques
connaissent un degré d’intégration plus élevé que les autres.
Pour conclure, on peut dire que les études interindustrielles sur l’intégration
verticale aboutissent à des résultats très proches de ceux des études intra-
industrielles, et ce, malgré leurs différences méthodologiques. Cette
concordance prouve une fois de plus que la validité des hypothèses de la théorie
des coûts de transaction et la généralité de son raisonnement ne sont point
tributaires des approches de la vérification empirique. Bien au contraire,
chacune des différentes approches met en exergue une facette de la théorie que
les autres semblent ignorer entraînant ainsi une sorte de complémentarité entre
226
ces approches.
4.7 Conclusion
La théorie des coûts de transaction reconnaît deux raisons principales qui
incitent les entreprises à s’intégrer verticalement. La première raison est justifiée
par des considérations anticoncurrentielles faisant de l’intégration une
manœuvre stratégique qui vise à renforcer le pouvoir de marché de l’entreprise
intégrée au détriment des entreprises rivales effectives et potentielles. La
seconde raison se justifie, quant à elle, par des considérations transactionnelles
liées au choix institutionnel de la structure de gouvernance la plus efficace. Dans
ce cadre, la spécificité des actifs joue un rôle déterminant dans la décision
d’intégration. Ce rôle s’explique par l’irréversibilité de la transformation
fondamentale de toute relation d’échange caractérisée par un degré élevé d’actifs
spécifiques. Ainsi, dès qu’elles sont renfermées dans une situation de monopole
bilatéral, les parties de la relation d’échange sont confrontées au risque du hold
up qui complique davantage le déroulement de l’échange et agit de façon
négative sur l’incitation ex ante des deux parties à l’investissement dans la
relation. Dans une telle situation, l’intégration verticale se présente comme une
solution, souvent, efficace pour maintenir la relation d’échange et rétablir les
incitations à l’investissement.
227
Chapitre 5 :
Les Caractéristiques du Secteur Industriel Marocain
5.1 Introduction
Durant les trois dernières décennies qui ont suivi l’indépendance, la stratégie de
développement industriel au Maroc a été caractérisée par une politique
volontariste d’industrialisation plus ou moins marquée. Cette politique s’est,
cependant, soldée par un gonflement démesuré du secteur public dans l’activité
productive sans parvenir à impliquer réellement le secteur privé dans la
dynamique de l’industrialisation de l’économie. Ce constat s’inscrit dans l’échec
global de la stratégie de développement suivie par les responsables marocains
qui a conduit le pays, dès la fin des années soixante dix, vers une crise
financière, économique et sociale sans précédent. Pour sortir de la crise, le
Maroc a été astreint à prendre des mesures draconiennes préconisées par le
programme d’ajustement structurel et visant l’assainissement de l’économie et la
rationalisation de la gestion publique. Ainsi, depuis 1983, le Maroc a connu de
nombreuses réformes sur le plan institutionnel, économique et financier qui ont
permis de restreindre le rôle de l’Etat et d’établir un cadre incitatif qui offre un
climat propice pour le développement du secteur privé. Ces réformes se sont
traduites, sur le plan industriel, par une évolution progressive de l’industrie
marocaine vers une structure concurrentielle susceptible d’améliorer les
performances internes et la compétitivité externe de cette industrie
228
5.2 Contexte sociopolitique et stratégies de développement au Maroc
Au lendemain de l’indépendance, l’idée de plan s’est imposée comme une
exigence concrète d’une situation nouvelle profondément marquée par l’héritage
colonial. Cependant, la politique de planification au Maroc a suscité, durant les
quatre décennies passées, de nombreuses interrogations sur sa conception du
développement, ses critères de choix, les objectifs et les moyens utilisés d’une
part, et sur son authenticité et son ancrage dans l’espace et dans le temps de
l’autre.
En effet, la nature de la planification marocaine s’est inscrite dans un cadre
libéral qui lui a donné un caractère ambivalent. L’idée du plan n’était, donc, pas
définie comme un acte collectif conscient à multiples dimensions qui a force de
loi, mais plutôt comme un ensemble de tentatives destinées à coordonner et
harmoniser les prises de décision. Ce choix s’explique évidemment par la nature
du régime politique au Maroc qui prône le libéralisme comme choix politique et
le capitalisme comme choix économique. De ce fait, la planification a été
marquée par les caractéristiques suivantes (Malki (1989), p. 194) :
- Le plan n’est pas doté d’un véritable pouvoir de décision dans la mesure où il
ne bénéficie pas de certaines prérogatives en matière de contrôle, d’exécution et
de sanction. Ses attributions se limitent, plutôt, à la confection de programmes
d’investissements publics et à des démonstrations liées à la conjoncture.
- Le plan ne s’inscrit pas dans une dynamique critique qui a la capacité
d’appréhender la réalité mais plutôt dans la logique d’un discours ayant pour
finalité la légitimation des choix officiels.
- Le plan n’incarne pas une dimension d’ordre stratégique. D’ailleurs, dans le
domaine des techniques d’anticipation, le planificateur recourt essentiellement, à
la projection, c’est-à-dire à l’élaboration de tendances futures à partir de
tendances passées. Or, planifier c’est intégrer le temps non pas de manière
statique mais comme un vecteur de dépassement voir de rupture pour édifier une
229
société nouvelle.
- Le discours des planificateurs est fortement marqué par l’économisme,
réduisant le plan à un ensemble de projets plus ou moins coordonnés où la
dimension sociologique, urbanistique, culturelle et écologique ne s’articule pas
de manière organique avec le reste.
Ces caractéristiques ont fait que le bilan de la planification au Maroc ait été
fortement mitigé d’autant plus que le pays ne possède par un marché
suffisamment développé pour jouer son rôle d’institution régulatrice de l’activité
économique, ni une classe d’entrepreneurs capable de donner au secteur privé la
place qu’il devrait occuper dans la dynamique de croissance. D’ailleurs, la
logique de la planification indicative implique des rapports de coopération entre
le secteur privé et le secteur public dans le cadre d’une vision commune. Or,
dans le cas marocain, les défaillances du premier ont gonflé de façon malsaine le
second à tel point que son poids et son étendue ont constitué un obstacle au
développement.
5.2.1 Planification et développement : 1960-1972
Dès son accès à l’indépendance, le Maroc s’est engagé dans une politique de
planification à moyen terme visant essentiellement à amorcer le développement
économique et social à travers la canalisation des ressources publiques dans les
secteurs susceptibles d’accroître la production nationale et de renforcer
l’indépendance économique du pays. Dans ce contexte, la priorité des trois plans
qui couvraient la période 1960-1972 était axée particulièrement sur le
renforcement des infrastructures de base, la formation des cadres et la mise en
place d’institutions d’accompagnement de la politique de développement.
De façon plus précise, la période 1960-1972 s’est caractérisée par un contexte
international relativement favorable particulièrement marqué par une inflation
modérée et un bon niveau de croissance. En revanche, le contexte national
connaissait un conflit idéologique et politique acharné sur les choix et le modèle
230
de croissance à retenir. Ce conflit s’est manifesté nettement en 1963 par la
remise en cause des objectifs du plan quinquennal 1960-1964 et le choix de
l’option libérale dans la version corrigée de ce même plan et ceux de 1965-1967
et 1968-1972.
En effet, le plan quinquennal 1960-1964 s’est défini comme un plan de
transition d’une économie coloniale à une économie nationale à travers une série
de mesures structurelles s’inscrivant dans une stratégie de rupture avec le passé
et devant conduire à l’indépendance économique et financière (Malki (1989), p.
18) :
- Réforme des structures agraires et des conditions d’exploitation agricole
nécessaires au développement de l’agriculture.
- Mise en place d’une industrie de base avec l’attribution d’une fonction centrale
à l’Etat dans ce processus.
- Mise sur pied d’une administration moderne tournée vers le développement.
- Restructuration du système de l’enseignement et de formation conformément
aux besoins du développement économique.
Le plan visait, ainsi, à instaurer des réformes structurelles destinées à réaliser un
objectif de croissance économique fixé à 6,2% grâce à une croissance
industrielle de 10%. Malheureusement, les orientations globales de ce plan
furent abandonnées, dès 1963, suite au changement de l’équipe
gouvernementale et à la crise budgétaire et financière traduite par
l’accumulation des déficits internes et externes.
Ce tournant marque clairement l’affirmation des options économiques libérales
qui ont inspiré fortement le plan triennal 1965-1967, présenté comme un plan de
stabilisation. Ce plan projetait un taux de croissance très modeste (3,7% par an)
et accordait la priorité à l’agriculture, le tourisme et la formation des cadres. En
revanche, l’industrie n’occupait plus, parmi les objectifs fixés, qu’une place
mineure et le plan se contenta de préconiser :
- L’amélioration de l’organisation du marché de travail.
231
- L’orientation des capitaux vers le financement des projets industriels.
- La définition des modalités d’intervention des pouvoirs publics.
En définitive, le rôle de l’Etat était désormais défini comme un rôle d’incitation,
de création et d’aménagement des conditions permissives de l’investissement
privé.
Situé dans une logique de continuité, le plan quinquennal 1968-1972 représente
les mêmes priorités que le précédent (agriculture, tourisme et formation des
cadres) mais avec un changement dans le rythme de la croissance puisqu’il a
fixé un taux de croissance de 4,3% par an. Dans le domaine industriel, le plan a
adopté une politique d’import-substitution basée sur des options différentes de
celles énoncées en 1960. La préférence fut donnée aux industries agro-
alimentaires et aux industries manufacturières légères. Les concepteurs du plan
ont mis en avant le principe de l’industrialisation suivant les avantages
comparatifs en se prononçant explicitement en faveur de la promotion des
industries légères moyennement capitalistiques tournées, soit vers le marché
intérieur, soit vers l’exportation. Par ailleurs, ils ont recommandé de n’envisager
la création d’industries lourdes ou d’industries de montage que si elles puissent
avoir une contribution suffisante au niveau national et que cette contribution
puisse être prouvée par des études détaillées. La finalité de ce choix était
d’utiliser au mieux les possibilités disponibles en capitaux et en cadres, de
valoriser au maximum les activités pour lesquelles le pays était relativement
avantagé par rapport au reste du monde.
Cependant, malgré la performance réalisée en matière de croissance (5,6% par
an), la fin de cette période s’est caractérisée par l’apparition des premières
tensions inflationnistes, l’accumulation des disparités sociales et la nette
progression du niveau d’endettement extérieur.
232
5.2.2 La planification marocaine dans le contexte de stagnation et de crise :
1973-1985
Sur le plan international, le début de la décennie 70 a été marqué par
l’effondrement du système monétaire international, la forte récession des
économies industrialisées et la crise de l’énergie. Cet environnement
économique avait imprégné les choix du planificateur au Maroc qui s’étaient
traduites, dans une première période, par une politique de surchauffe et se sont
soldées par :
- Le choix d’un modèle de croissance volontariste dans un cadre libéral où les
règles du jeu économique sont mieux définies.
- Le maintien et l’élargissement des priorités traditionnelles et du mode incitatif
dans l’affectation des ressources de financement.
En somme, le plan prévoyait un taux de croissance annuel de 7,5% grâce à un
programme d’investissement estimé à 26,3 milliards de dirhams. Ce taux a
même été révisé à la hausse en 1975 à la suite des changements favorables sur le
marché des matières premières et la hausse du prix du phosphate. Les
perspectives générales de croissance étaient, donc, un changement radical dans
le rythme de la progression, et ceci grâce à une formation accélérée de l’épargne
et le développement du secteur des exportations. Toutefois, le bilan du
quinquennat 1973-1977 reste largement mitigé à la fois en terme de croissance
qu’en terme d’effets sur les équilibres monétaires et financiers.
Dans ce contexte, le plan de 1978-1980 a été élaboré dans une perspective de
stabilisation qui préconise des mesures conjoncturelles et d’application limitée
dans le temps destinées essentiellement à faciliter le redressement de l’équilibre
monétaire et financier. Par conséquent, l’accent a été mis sur :
- L’équilibre de la balance commerciale et l’amélioration de la balance des
paiements.
- La recherche de nouveaux moyens de financement par l’utilisation des mesures
d’incitation du secteur privé.
233
- La limitation du déficit budgétaire par l’application d’une politique budgétaire
restrictive.
Ces mesures se sont soldées par un taux de croissance annuel moyen à peine
égal à 3,5% d’autant plus que le plan n’était même pas parvenu à résorber les
déficits et encore moins à rétablir l’équilibre économique et financier.
Malgré ce constat, les responsables ont continué de croire à la possibilité de
relance économique et au dépassement de la crise. Cette volonté s’est traduite
dans la philosophie du plan quinquennal 1981-1985 qui était défini comme
porteur d’une nouvelle vision du développement économique et social en
mettant l’accent sur les aspects qualitatifs et en redéfinissant le rôle de l’Etat en
tant qu’arbitre et orienteur du développement en complémentarité et non en
concurrence avec le secteur privé. Dans ce cadre, le plan s’est situé dans une
vision à plus long terme optant pour un modèle de croissance ambitieux ayant
pour objectif principal la création du maximum d’emplois et la réalisation des
projets fortement économes de devises. Ainsi, la relance s’est appuyée sur une
sélectivité des priorités sectorielles, notamment la sécurité alimentaire et la
sécurité énergétique. La réalisation de ces objectifs était prévue dans un cadre de
croissance estimé à 5,6% par an où le secteur privé jouerait un rôle prépondérant
en participant à plus de 68% des investissements bruts sur la période 1981-1985.
Mais d’ores et déjà, les bases de relance, telles qu’elles sont fixées par le plan,
étaient d’une grande fragilité. En effet, le plan comptait sur le rôle moteur du
secteur privé dans la relance alors que ce dernier était traditionnellement réservé,
de surcroît dans une période de crise. De même, la dynamisation des
exportations n’était pas possible dans un climat international caractérisé par le
repli, la récession et le protectionnisme. D’ailleurs, sous l’effet d’une série de
facteurs internes et externes, le plan a été abandonné de façon définitive dès
1983 pour laisser place à la politique d’ajustement issue des recommandations
de la Banque Mondiale et du Fond Monétaire International.
234
5.2.3 Ajustement structurel et planification
L’application de la politique d’ajustement structurel au Maroc constitue un
tournant très important dans la politique économique et dans la stratégie de
développement poursuivies depuis l’indépendance. En effet, l’avènement de
l’ajustement structurel a impliqué, d’une part, la mise en veille de l’instrument
de la planification, et d’autre part, la remise en cause du rôle de celle-ci dans le
processus de croissance, faisant d’elle un instrument d’orientation sans effet sur
la décision économique et financière. Par conséquent, la nouvelle philosophie a
conduit à faire de l’ajustement un substitut au plan entraînant, ainsi, un
renversement dans la hiérarchie des moyens et des objectifs. Sur cette base,
l’ajustement est devenu un impératif permanent permettant à l’économie
marocaine d’assurer une croissance dans les conditions de l’optimalité,
notamment à travers l’assainissement, la restructuration de l’appareil productif,
l’adaptation des règles du jeu entre les principaux agents économiques en vue de
garantir et d’accroître la compétitivité de l’économie.
Dans la pratique, la politique d’ajustement s’est traduite par un ensemble
d’objectifs touchant essentiellement le rôle de l’Etat et les équilibres monétaires
et financiers :
- La maîtrise du déficit budgétaire à travers la limitation des dépenses et
l’amélioration des recettes.
- La maîtrise du déficit de la balance des paiements par l’action sur le solde de la
balance commerciale.
- Le plafonnement de l’endettement du secteur public.
Pour y parvenir, l’ajustement préconise de nombreuses mesures et de réformes
se rapportant au domaine financier et monétaire (dévaluation de la monnaie,
plafonnement du crédit à l’économie, dynamisation du marché financier,
mobilisation de l’épargne…), au domaine commercial (libéralisation des
importations, promotion des exportations…) et enfin celui de la politique
235
économique (libéralisation des prix intérieurs, suppression des monopoles,
assainissement de la situation des entreprises publiques, réforme fiscale, …).
D’ailleurs, cette hiérarchie des priorités a été maintenue lors de l’élaboration du
plan quinquennal 1988-1992 dont les orientations et les moyens préconisés sont
restés subordonnés à la logique du programme d’ajustement structurel. En effet,
l’objectif principal retenu par ce plan consiste à réduire le déficit :
- au niveau du Trésor en ramenant le déficit budgétaire à 3,2% du PIB en 1992,
- au niveau du déficit des opérations courantes en agissant sur le solde de la
balance commerciale.
La réalisation de ces objectifs s’est fondée sur une stratégie de mobilisation des
ressources financières (sur le plan interne et externe ) et sur la rationalisation de
leurs affectations.
Cependant, cette nouvelle vision de la planification s’est avérée inutile ce qui a
amené les responsables une fois de plus de la remettre en veille tout au long de
la dernière décennie. Cette nouvelle politique trouve son explication dans
l’impuissance de l’Etat à assurer une telle fonction après la remise en cause de
son rôle économique et social et la détérioration flagrante de la situation sociale
qui s’en est suivie (chômage, marginalisation, analphabétisme, ….).
5.3 L’environnement institutionnel au Maroc
L’environnement institutionnel au Maroc est caractérisé par une série de
réformes qui ont touché divers domaines. En effet, la décennie 90 a été marquée
par de nombreuses réformes qui ont concerné le droit commercial et le statut des
sociétés, les systèmes comptables, la loi sur concurrence, etc. Ces réformes ont
permis la modernisation du cadre institutionnel et son adaptation aux nouvelles
données nationales et internationales. En revanche, d’autres chantiers sont
encore inachevés et méritent davantage d’intérêt de la part des pouvoirs
politiques notamment le système judiciaire.
236
5.3.1 La cadre juridique
Le cadre juridique au Maroc semble globalement propice pour le bon
fonctionnement d’une économie de marché. Ainsi, les principes fondamentaux
du droit de la propriété définissent clairement différentes formes de propriétés,
les règles qui président au démarrage et à la cessation d’activité des entreprises
sont suffisamment claires, le droit des faillites, organise clairement la cessation
d’activité des entreprises non viables et définit l’ordre dans lequel seront payés
les créanciers. Cependant, le cadre juridique reste marqué par un système
juridique qui manque d’efficacité, de transparence et d’équité.
5.3.1.1 Le droit de propriété
Quoique complexes, le droit marocain de propriété répond, généralement, bien
aux besoins du secteur privé. La loi marocaine reconnaît la propriété privée et
publique, mobilière, immobilière et intellectuelle. Ainsi, les immeubles sont
susceptibles non seulement d’appropriation pure et simple, mais aussi d’usufruit,
de servitude de passage, de baux emphytéotiques et d’hypothèques. De même, le
système d’immatriculation des terres établit de manière irréfragable les droits de
propriété immobilière et soustrait celle-ci aux restrictions d’un système juridique
traditionnel complexe. Cependant, le processus d’immatriculation des terres
reste encore limité en raison de plusieurs facteurs, notamment la lourdeur de la
procédure, le coût des opérations d’immatriculation, l’absence de propriétaires
clairement identifiés et l’absence d’un système informatique d’immatriculation.
D’un autre côté, le droit reconnaît toutes les autres formes de propriété,
notamment la propriété commerciale, industrielle et intellectuelle. Cette
reconnaissance a été renforcée en 1999 par l’adoption du nouveau code de
propriété industrielle et intellectuelle qui envisage la modernisation du système
institutionnel d’enregistrement et la protection effective de ces droits de
propriété.
237
5.3.1.2 Le droit commercial
Dans le cadre des réformes institutionnelles et juridiques entamées au début des
années 90, le Maroc a adopté un nouveau code de commerce qui permettrait aux
particuliers de rédiger toutes les formes de contrats commerciaux et d’assurer
une protection suffisante aux différents intervenants dans l’activité commerciale.
Cette rénovation de la législation commerciale a été couronnée par l’adoption en
1999 de la nouvelle loi sur les sociétés qui a permis d’introduire de nouvelles
règles au niveau de la création de ces sociétés et de leur fonctionnement. En
effet, la refonte des textes des lois concernant les sociétés permet de renforcer la
sécurité des tiers et à assurer l’accès public à l’épargne et d’assurer, ainsi, un
environnement juridique adapté à l’exercice du commerce pour responsabiliser
les dirigeants et optimiser les règles de direction et d’administration tout en
garantissant les droits des actionnaires minoritaires. Dans ce cadre, la nouvelle
loi sur les sociétés anonymes impose à ces dernières de nouvelles obligations sur
l’information des actionnaires et des investisseurs potentiels sur leur situation
financière et définit clairement les obligations et responsabilités du conseil
d’administration vis-à-vis des actionnaires de la société.
5.3.1.3 Le système judiciaire
Malgré les récentes réformes portant sur la création des tribunaux de commerce,
le système juridique marocain continue de souffrir de l’engorgement et la
lenteur dans l’exécution des sentences juridiques. Les investisseurs lui
reprochent, souvent, son manque d’efficacité, de transparence, de prévisibilité,
d’équité et la lenteur excessive des procédures dans le domaine commercial.
Les carences de la justice sont dues, notamment, au problème de formation
limitée des magistrats qui sont souvent dépassés par la complexité croissante des
opérations, au manque de soutien dont les juges ont généralement besoin pour
exécuter efficacement leurs tâches (accès à l’information juridique, assistants
238
administratifs, équipements, matériel informatique) et à la faiblesse de la
jurisprudence dans ce domaine. Cette faiblesse systémique, jointe aux
insuffisances de la formation des magistrats rend les décisions imprévisibles et
porte, souvent, préjudice aux entreprises tout en décourageant les investisseurs
potentiels nationaux et étrangers d’accéder à la vie commerciale.
5.3.2 Réforme des systèmes comptables
Avant 1993, la loi marocaine n’exigeait pas de comptes fidèles, exacts et
certifiés. En effet, une vérification des entreprises des comptes des sociétés était
obligatoire chaque année, mais le commissaire aux comptes se limitait
habituellement à certifier que la classification des postes dans le bilan et le
compte de résultat est correct. Mais, avec l’adoption de la nouvelle loi
comptable, le Maroc s’est doté d’une nouvelle norme comptable qui a été
conçue de façon à satisfaire les deux objectifs suivants115
:
- Servir de base à l’information et la gestion de l’entreprise.
- Fournir une image aussi fidèle que possible de ce qui représente l’entreprise
pour tous les utilisateurs de comptes, privés ou publics.
Cette fonction d’information interne et externe vise évidemment une grande
diversité de destinataires, l’entreprise elle-même, ses partenaires directs et les
pouvoirs publics.
Le champ d’application de la norme générale comptable est très vaste puisqu’il
concerne à priori la majorité des agents économiques quelle que soit leur taille,
leur secteur, leur objet et leur forme juridique. Cette très grande diversité
d’utilisateurs et d’assujettis implique la définition d’un modèle d’analyse et d’un
langage commun à tous.
115
Commission de Nomenclature Comptable (1986) Code Général de la Normalisation Comptable, vol 1, p. 04.
239
5.3.2.1 Pertinence et fiabilité des informations comptables
La norme générale s’est attachée à dégager des informations pertinentes qui
puissent convenir à l’ensemble des utilisateurs. La pertinence des informations
tient à l’adéquation existant entre leur contenu et leur objet : une information
pertinente doit représenter convenablement et fidèlement les faits ou les
concepts qu’elle énonce, ce qui suppose que toutes les précautions doivent être
prises pour en définir clairement et sans ambiguïté le contenu, le contour et les
limites. En outre, la norme générale permet la fiabilité des informations. Les
montants qui apparaissent dans les comptes ou dans les définitions des modèles
et de la chaîne des traitements qui aboutissent aux comptes et aux états de
synthèse.
5.3.2.2 Qualité de l’analyse économique
La norme comptable présente un modèle général d’analyse de la vie économique
de l’entreprise valable pour tous les assujettis, sous réserves d’adaptations
relativement limitées pour quelques-uns tels l’Etat ou les collectivités publiques.
Ce modèle puise ses éléments de base dans une comptabilité de flux qui identifie
et conserve distinctement tous les mouvements de valeur dans des comptes ou
éléments de comptes distincts. Il propose notamment, deux états de synthèse
classiques dans leur nature : bilan et compte de produits et charges. Ainsi,
l’analyse de situation de la norme reste fidèle à la règle patrimoniale du bilan.
En revanche, des notions marquantes ont été introduites dans la structure du
bilan dans les « emplois » de l’actif comme dans les « ressources » du passif afin
de donner une plus grande homogénéité et une meilleure signification
économique à chaque rubrique.
D’une façon similaire, l’analyse de la gestion et la description de la formation du
résultat net repose sur l’analyse par nature des charges et des produits qui
permet l’obtention de soldes réellement significatifs et utiles à l’analyse comme
240
à la gestion des entreprises, tout en conservant les vertus d’une classification
fiable indispensable à l’administration fiscale comme à la comptabilité
nationale.
La norme générale présente, dans c cadre, trois novations fondamentales :
- L’unicité du compte de gestion (le compte de produits et charges : CPC)
conformément aux normes internationales qui permet une prise en compte de
connaissance complète des composantes du résultat net en « produits » et en
« charges ».
- La mise en évidence d’un résultat courant : le CPC fait clairement apparaître
deux niveaux de produits et charges. Le niveau « courant » qui englobe un volet
« exploitation » et un volet « financier » et qui permet d’obtenir le « résultat
courant » de l’entreprise, et le niveau « non courant » qui enregistre charges et
produits ne se rattachant pas à des opérations courantes.
- La mise en évidence de soldes économiques : la ventilation des charges et des
produits au niveau de l’état des soldes de gestion (ESG) permet d’obtenir des
grandeurs telles que la « marge brute », « la valeur ajoutée » et « l’excédent brut
d’exploitation ». Ces trois soldes économiques sont extrêmement utiles aux
gestionnaires et privilégient le cycle d’exploitation de l’entreprise dont la
fonction première est bien la production économique.
5.3.2.3 Qualité de l’analyse financière
En plus de l’analyse économique, la norme générale comptable adopte une
analyse financière élaborée qui trouve son support dans la comptabilité de flux.
En effet, les mouvements de valeurs sont séparés des soldes à nouveau, ce qui
permet l’établissement par le seul jeu des comptes, d’un tableau d’emplois et
ressources.
De ce fait, le nouveau système comptable rend disponible une information
économique et financière suffisante et fiable, à la fois, pour les opérateurs privés
que publics. De même, la loi comptable a permis d’établir clairement la
241
profession d’expert comptable et a donné pouvoir à l’ordre des experts
comptables de veiller au niveau des qualifications et des normes.
5.3.3 La loi sur la concurrence et la législation antitrust
La politique de la concurrence vise normalement à améliorer l’efficacité
économique en favorisant la concurrence entre acheteurs et vendeurs sur des
marchés relativement dérégulés. Elle tend, soit à empêcher les vendeurs de
fausser le libre jeu du marché au risque de diminuer l’efficacité économique,
soit à prévenir les abus de position dominante qui auraient pour effet de créer
des obstacles privés au commerce, de limiter la concurrence et de compromettre
la liberté et la viabilité des autres parties. Dès lors que les Etats ont supprimé les
enclaves au commerce et à la concurrence, la politique de la concurrence a une
fonction importante qui consiste à empêcher les entreprises privées d’ériger de
nouvelles barrières. Si la libération des importations peut parfois favoriser la
concurrence sur le marché intérieur, elle ne suffit pas à créer les conditions d’un
marché concurrentiel et à encourager l’esprit de compétition. Ainsi, le droit de la
concurrence intervient dans la conduite des entreprises, la structure des marchés
et la performance économique. Il interdit, en principe, aux entreprises de
restreindre les échanges, de limiter la concurrence et d’abuser de leur position
dominante. Il peut également interférer dans les transactions interentreprises
telles que les fusions, la création de sociétés mixtes et l’achat d’actifs. Enfin, il
peut remédier aux problèmes crées par les situations de monopole ou par des
pratiques restrictives comme la fixation des prix ou des quantités produites.
Il paraît, donc, que tout pays qui se proclame libéral et qui cherche à adopter un
régime d’économie de marché doit disposer d’une loi complète sur la
concurrence ou d’une législation antitrust. Dans ce cadre, le Maroc a adopté à la
fin de l’année 1999 un projet de loi sur la concurrence qui interdit certaines
pratiques commerciales restrictives, telles que la fixation des prix, la répartition
des parts de marché et les ententes anticoncurrentielles. La loi prévoit également
242
la création d’une commission qui examinerait les plaintes pour conduite
entravant le jeu de la concurrence et qui recommanderait au gouvernement
d’imposer des sanctions le cas échéant. Cependant, cette loi présente trois
lacunes principales116
:
- Elle est d’une portée limitée : elle interdit les plus graves formes de
comportement entravant la concurrence, mais ne fait pas d’allusion aux autres
pratiques commerciales qui peuvent également limiter la concurrence telles que
le franchisage et les ventes exclusives.
- La commission n’a pas de pouvoir exécutif : elle ne peut que donner son avis
au gouvernement qui décidera des mesures à prendre.
- Enfin, la loi ne prévoit pas la possibilité pour les consommateurs ou les
producteurs qui ont subi les effets de la prétendue pratique entravant la
concurrence d’intenter une action en justice.
5.4 Le contexte économique du secteur industriel marocain
Les structures et les performances du secteur industriel marocain sont fortement
influencées par l’environnement économique du pays et les spécificités de
l’économie marocaine. Il semble, donc, nécessaire de retracer les
caractéristiques principales de cette économie, notamment la dualité qui marque
les secteurs de production et le poids du secteur industriel dans l’activité
économique. Ensuite, nous verrons dans quelle mesure l’environnement
économique puisse constituer une source d’incitation aux entreprises
industrielles pour qu’elles améliorent leurs performances économiques. Pour ce
faire, nous allons discuter successivement le système incitatif à la production, le
cadre incitatif fiscal et le financement de l’activité industrielle.
116
Banque Mondiale (1993) Renforcement du Secteur privé au Maroc, Rapport n° 11894-Mor, p. 23.
243
5.4.1 Dualités de l’activité économique marocaine
L’activité économique marocaine se caractérise par une double dualité qui
mérite qu’on s’y arrête pour comprendre le fonctionnement des différents
secteurs de production du pays. L’activité de production est caractérisée, d’une
part, par la coexistence d’un secteur public relativement important, et d’un
secteur privé qui ne cesse de se consolider, et d’autre part, par l’existence d’un
secteur informel qui occupe une place importante dans la production globale et
qui s’est développé en marge du secteur structuré.
5.4.1.1 La dualité secteur public-secteur privé dans l’économie marocaine
L’activité économique marocaine est caractérisée par la prédominance du
secteur privé qui participe à plus de 75% du PIB total. Sur la base des chiffres de
1988117
, le Maroc comptait quelque 400.000 entités commerciales et
industrielles dont moins de 700 relevaient du secteur public et le reste est réparti
entre le secteur privé formel et le secteur informel. Cette importance se
manifeste, également, dans la participation du secteur privé dans l’ensemble du
tissu productif marocain car il assure la quasi-totalité de la production agricole
de base et environ 80% de la production manufacturière. De même, sa part est
prépondérante dans le secteur du tourisme, celui des transports et tous les
travaux de construction et les services commerciaux. Enfin, le secteur privé
détient plus de la moitié des capitaux de banques commerciales.
Mais, en dépit de la prédominance des capitaux et de la gestion privée dans
l’économie marocaine, le secteur public exerce traditionnellement un contrôle
sur de nombreuses activités. Parmi les quelques 700 entreprises et organismes
publics, les deux tiers sont des sociétés commerciales ou industrielles. Un
dixième est constitué de monopoles quasi-publics incluant des organismes de
contrôle, des universités et des hôpitaux. L’Etat détient, directement ou
117
Banque Mondiale (1993) Renforcement du Secteur Privé au Maroc, rapport n° 11894-Mor, p. 01.
244
indirectement, un contrôle minoritaire dans environ la moitié des entreprises
publiques. En revanche, il contrôle à 100% les services publics de base, les
chemins de fer, les transports aériens et l’exploitation des phosphates en raison
de leur nature stratégique.
Cependant, la part du secteur public dans l’activité économique a connu une
baisse importante depuis le début des années 90. En effet, conformément à sa
volonté de développer l’entreprise privée, l’Etat a lancé au milieu des années 80
un programme de privatisations qui a aboutit en 1989 à l’identification de 111
entreprises privatisables dont le capital était estimé à 11 milliards de dirhams en
1989118
. Dans le secteur manufacturier, le programme de privatisation couvrait
presque la moitié des 80 entreprises que possédait l’Etat. Les principales
activités non concernées par ce programme se rapportant à l’exploitation et la
transformation des phosphates (à l’exception de la production des engrais
chimiques), le tabac et les boissons.
5.4.1.2 L’importance du secteur informel dans l’économie marocaine
La définition du secteur informel au Maroc est, essentiellement, fonction des
dimensions des entreprises et non de leur statut juridique. Le secteur informel
inclut des entreprises qui sont enregistrées, paient des impôts et sont localisées
par l’administration. De manière plus précise, l’Etat qualifie d’informelles toutes
les entreprises non agricoles disposant de locaux propres et permanents, mais
qui ne tiennent pas de comptabilité commerciale et qui étaient estimées à
quelque 250.000 entreprises en 1988119
. Cette définition exclut, ainsi, la plupart
des commerçants itinérants, le travail à domicile et les activités clandestines.
D’après des enquêtes effectuées sur le secteur informel au Maroc120
, ce dernier
118
En incluant les filiales appartenant à ces sociétés, le nombre total des entreprises publiques concernées par la
privatisation était de 300, soit près de la moitié du nombre des sociétés et organismes que comprenait le
portefeuille public (chiffres avancés par la Banque Mondiale (1993) Renforcement du Secteur Privé au Maroc,
Rapport n° 11894-Mor, p. 05. 119
Banque Mondiale (1993) Renforcement du Secteur Privé au Maroc, Rapport n° 11894-Mor, p. 02. 120
« Enquête nationale sur les entreprises non structurées localisées », Ministère du Plan, 1988, « Enquête de
structure sur le secteur bâtiments et travaux publics », Ministère du Plan, 1983-1984 et 1984-1985 et « Enquête
245
contribue probablement pour plus de 15 pour cent au PIB total. Cependant,
l’ambiguïté de la définition des secteurs formel et informel conduit à des
estimations très différentes. La part du secteur non-structuré dans l’économie est
ramenée parfois à des chiffres aussi élevés que 30 et 40 pour cent.
Tableau 5.1 : Part du secteur informel dans l’économie marocaine (1984-1988)
Secteur d’activité Part du secteur informel En % du secteur En %, du PIB
Bâtiment 1982-1984 50 2
Industries manufacturières (1988) 17 3
Commerce détail (1988) 44 5
Autres services (1988) 22 3
Marchands ambulants - 2
Source : Banque Mondiale (1993) Renforcement du Secteur privé au Maroc, rapport
n° 11894-Mor, p.01.
En y incluant les industries agro-alimentaires, le secteur manufacturier compte
près de 50.000 entreprises dont quelque 6000 entreprises considérées comme
faisant partie du secteur formel. Le secteur informel manufacturier est
particulièrement important dans la fabrication d’articles de consommation qui
peut être organisée à petite échelle, notamment les vêtements, le cuir et les
chaussures, les produits de bois et la ferronnerie, domaines dans lesquels sa
production atteint 50 pour cent121
. En termes d’emplois, le secteur informel
manufacturier assure le quart de l’emploi total offert par le secteur industriel. Le
secteur structuré, quant à lui, assure 75% du total avec 12% seulement de
l’effectif des entreprises122
. Ces chiffres s’expliquent, d’une part, par le nombre
important de salariés non déclarés dans ces entreprises. Ainsi, il paraît plausible
nationale sur les niveaux de vie », Ministère des Affaires Economiques et Sociales, Direction de la Statistique,
1990-1991. 121
Banque Mondiale (1993) Renforcement du Secteur Privé au Maroc, Rapport n° 11894-Mor, p. 02. 122
Chiffres de « L’enquête nationale sur le secteur non structuré localisé », Direction des statistiques, 1988.
246
de croire que la part du secteur informel dans l’emploi industriel effectif est plus
élevée que le chiffre avancé ci-haut et pourra représenter environ le tiers de
l’emploi manufacturier total.
Face à une telle réalité, il est, donc, nécessaire d’expliquer la coexistence
concurrentielle du secteur formel et du secteur informel dans le tissu industriel
marocain. En effet, cette coexistence ne serait possible que si le secteur informel
parvienne à établir des rapports satisfaisants en terme de compétitivité
relativement au secteur formel. D’ailleurs, cette remarque a été confirmée par la
confrontation des résultats de « l’enquête nationale sur le secteur non structuré
localisé » pour l’année 1987-1988 aux données du secteur structuré.
Tableau 5.2 Indicateurs caractéristiques des entreprises industrielles, des
secteurs structuré et non structuré localisé
Indicateurs Secteur structuré Non structuré
Productivité apparente (1988) 57000 Dh 42600 Dh
Salaire moyen (1988) 19500 Dh 3890 Dh
Impôts/ Chiffre d’affaires (1990) 8,5% 0,41 %
Immobilisations/ Chiffre d’affaires (1990) 17,1% 1,5%
Source : S. Belghazi (1997) Concurrence Interne et Compétitivité Externe de l’Industrie
Marocaine, Publications du CERAB, p. 225.
La productivité apparente du travail est plus faible dans le secteur non structuré
localisé. Cette faiblesse est, toutefois, compensée par le recours des entreprises à
une main d’œuvre familiale et à des apprentis et par la faiblesse des salaires
payés. En outre, le secteur non structuré utilise très peu de capital et assume, en
conséquence, de très faibles charges financières. Ces facteurs permettent, ainsi,
de réduire les coûts dans le secteur en compensant suffisamment la faiblesse de
la productivité de ses entreprises.
247
5.4.2 Développement des secteurs de production
Le tissu industriel marocain est dominé par cinq composantes principales :
- les mines
- les industries de transformation
- le bâtiment et les travaux publics
- le pétrole
- l’électricité et l’eau
D’une manière générale, le secteur industriel marocain représente environ le
tiers du PIB total avec une prédominance du secteur des mines, et plus
particulièrement, l’exploitation et la transformation des phosphates et de ses
dérivées.
Tableau 5.3 : Structure du secteur industriel (en %)
Années 1980 1983 1985 1990 1997
Part de l’industrie dans le PIB 31 33 33 33 -
Part des industries de transformation
dans le PIB
17
18
19
18
16
Part des exportations manufacturières
dans les exportations de marchandises
41
51
52
74
70
Source : Banque Mondiale (1993) Développement de l’Industrie Privée au Maroc, Rapport
n° 11557-Mor, vol 2, p. 01 et Ministère de l’Industrie du Commerce et de
l’Artisanat (1988) L’industrie de transformation, p. 11.
Cependant, la production des industries de transformation reste assez faible par
rapport à la production industrielle totale. Entre 1980 et 1989, le taux de
croissance annuel moyen de la production industrielle était à peine supérieur à
4% et la part des industries manufacturières dans le PIB est passé de 16,8% à
18,2%. Cette faiblesse s’est accentuée davantage durant les années 90 suite à la
libéralisation relative des importations manufacturières. Ainsi, la part de la
production industrielle dans le PIB était à peine égale à 16% en 1997. Ce constat
est confirmé davantage si on compare le Maroc avec d’autres pays se trouvant à
248
un stade de développement comparable. En effet, la part des industries de
transformation dans le PIB étant de l’ordre de 23% en moyenne dans les pays à
revenu intermédiaire-tranche inférieure, alors qu’elle atteignait le 25% dans les
pays à revenu intermédiaire-tranche supérieure.
Tableau 5.4 : Comparaison structurelle entre le Maroc et les autres pays
Grandeurs de
comparaison
Pays (1) Maroc Turquie Pays (2) OCDE
PIB par hab en $ (1990) 1530 950 1630 3410 20170
CAMPH en %
(a)
65-80 5,5 5,7 6,2 7,0 3,7
80-90 2,6 4,0 5,1 2,4 3,1
PIP en % (b) 1965 32 28 25 36 43
1990 31 33 33 40 35
PITP en % ( c) 1965 20 16 16 19 32
1990 23 18 24 25 -
(1) : Pays à revenu intermédiaire : tranche inférieure.
(2) : Pays à revenu intermédiaire : tranche supérieure.
(a) : CAMPH : croissance annuelle moyenne du PIB par habitant.
(b) : PIP : part de l’industrie dans le PIB.
(c) : PITP : part des industries de transformation dans le PIB.
Source : Banque Mondiale (1993) Développement de l’Industrie Privée au Maroc, Rapport
n° 11557-Mor, vol 2, p. 22.
5.4.3 Le système d’incitation à la production
La seconde moitié de la décennie quatre vingt a été caractérisée par une relance
progressive de l’initiative privée due, essentiellement, à la volonté des pouvoirs
publics de mettre en œuvre un système d’incitation à la production susceptible
de valoriser les capitaux privés dans un environnement économique et
institutionnel plus propice. Dans ce cadre, l’adoption du programme
d’ajustement structurel a permis de maîtriser davantage les équilibres macro-
économiques et financiers assurant, ainsi, une plus grande stabilité économique.
De même, la politique du commerce extérieur a initié une plus grande
libéralisation des échanges qui a permis de favoriser la capacité exportatrice des
249
entreprises marocaines et leur adaptation aux normes de compétitivité
internationale. Enfin, la révision de la politique des prix et la déréglementation
du marché ont favorisé davantage le fonctionnement du libre jeu de la
concurrence interne.
5.4.3.1 Les incitations d’ordre macro-économique et budgétaire
L’adoption, par le Maroc, du programme d’ajustement structurel, dès 1983, a
permis aux autorités publiques d’instaurer une plus grande stabilité macro-
économique tout en renforçant les incitations à la croissance par les
exportations. Ainsi, suite à une dévaluation de 35 à 40% en termes réels de la
valeur du dirham entre 1980 et 1986123
, la gestion macro-économique a
maintenu l’inflation intérieure à un taux relativement faible de l’ordre de 5% en
moyenne par an sur cette période. De ce fait, la politique de change a
considérablement accru les incitations à l’exportation sans porter atteinte pour
autant à la stabilité des prix. Cette politique a été accompagnée par une gestion
des finances publiques qui a réduit le déficit budgétaire en le ramenant de 11%
entre 1981-1985 à 1,4% en 1992, puis en le maintenant à un niveau qui ne
dépasse pas les 3,5% durant la période 1993-1999.
Tableau 5.5 : Grandeurs des finances publiques au Maroc (pourcentages
annuels moyens du PIB)
Grandeurs 1981-1985 1986-1991 1992
Déficit de l’Etat -11,3 -3,8 -1,4
Recettes de l’Etat 21,5 21,9 25,8
Dette publique extérieure 81,0 88,0 70,8
Dette publique intérieure 16,1 27,8 25,7
Source : Banque Mondiale (1993) Développement de l’Industrie Privée au
Maroc, rapport n° 11557-Mor, vol 2, p. 112.
123
Banque Mondiale (1993) Développement de l’Industrie Privée au Maroc, Rapport n° 11557-Mor, vol 2, p.
110.
250
La stabilisation fiscale du Trésor reste, cependant, fragile à plus d’un égard.
D’abord, le trésor a réussi à réduire son déficit en limitant davantage les
investissements publics et les dépenses ordinaires plutôt qu’à mobiliser les
recettes. Ensuite, la compression du déficit du trésor n’a pas été assortie
d’amélioration semblable des déficits des entreprises publiques et des
collectivités locales.
Les années 80, par contre, ont été marquées par une très faible croissance du PIB
due, essentiellement, à la politique d’ajustement qui s’est accompagnée d’un
investissement étranger réduit au minimum et un recours continu à des
rééchelonnements pour faire face au problème de surendettement.
Tableau 5.6 : Agrégats nationaux (variations des % annuels moyens, prix
constants de 1980)
Agrégats 73-80 81-85 86-91 92
Croissance du PIB
- Agriculture
- Industrie
- Services
6,0
2,0
6,2
7,7
3,5
2,5
2,5
4,4
4,3
6,3
3,5
4,1
-3,0
-
-
-
FBCF en % du PIB
- Etat et collectivités locales
- Entreprises publiques
- Secteur privé
23,2
7,9
-
-
24,8
6,3
6,0
12,5
21,7
4,4
4,6
12,8
24,0
4,2
-
-
Epargne nationale brute en % du PIB
- Epargne des administrations
- Autres
17,4
1,9
15,5
17,1
-1,5
18,6
21,9
2,4
19,6
23,6
5,5
18,1
Inflation 10,1 9,7 4,6 4,9
Taux d’intérêt réels 2,0 2,6 8,0 9,7
Source : Banque Mondiale (1993) Développement de l’Industrie Privée au Maroc,
Rapport n° 11557-Mor, vol 2, p. 110.
5.4.3.2 Les incitations au commerce extérieur
5.4.3.2.1 La libéralisation des importations
Le début des années 80 a été caractérisé par une refonte de la politique
commerciale du pays permettant de compenser le renforcement de la protection
251
des importations résultant de la dépréciation des termes de l’échange. Ainsi, le
Maroc s’est progressivement écarté des restrictions commerciales fondées, pour
l’essentiel, sur les contingents et les prix administrés, au profit d’une protection
des importations établie, presque exclusivement, sur la base des tarifs douaniers
ad valorem124
.
Les réformes commerciales ont, ainsi, aboutit à l’élimination, dès 1993, de
l’approbation préalable à l’importation pour la quasi-totalité des produits et la
réduction de la protection commerciale ad valorem qui a été ramenée de 47 pour
cent en moyenne en 1980 à 37 pour cent au début des années 90. Cependant, les
tarifs douaniers ont demeuré plus élevés dans le secteur manufacturier avec une
protection nominale totale se situant autour de 35 à 40 pour cent en moyenne.
En effet, à l’exception de l’agro-industrie et des dérivées des phosphates, la
plupart des biens manufacturés bénéficient des tarifs et des prélèvements
maximums.
Dans l’ensemble, la réforme des contingents et des tarifs douaniers a
considérablement réduit la protection contre l’importation d’autant plus qu’elle
s’est inscrite dans le prolongement d’une dévaluation nominale importante. La
réduction de la protection n’a, cependant, pas touché tous les secteurs
économiques. Certaines activités, en particulier celles dont l’importation était
sous le régime des contingents, continuent à bénéficier d’une protection élevée.
Il faut souligner, toutefois, que la libéralisation relative des importations a eu un
effet positif sur la compétitivité des entreprises marocaines. Ainsi, les réformes
commerciales ont constitué un moyen moins onéreux et plus efficace pour
défendre une politique plus active de concurrence intérieure : l’accès à des
importations compétitives à des prix proches du niveau mondial a permis
d’atténuer les effets de la concentration et de la collusion économique et a
constitué un bon moyen d’améliorer le niveau technologique de la production
124
Ce choix s’est traduit par une diminution considérable de la gamme de produits couverts par des contingents
et la réduction de la fourchette des droits de douane de [0 – 400] pour cent en 1983 à [0 – 35] en 1993.
252
intérieure en incitant les entreprises à adopter des procédés plus efficaces.
5.4.3.2.2 La promotion des exportations
Outre la stabilité macro-économique, d’autres mesures ont contribué à stimuler
la croissance des exportations. Il s’agit, notamment, de la non-imposition des
exportations à l’exception un prélèvement de 1% essentiellement destinée à
financer l’organisme chargé du contrôle de la qualité, de l’étiquetage, de
l’emballage et de la promotion, et l’abolition des licences à l’exportation pour
tous les produits à l’exception des denrées agricoles de base. De même, les
entreprises exportatrices ont bénéficié d’importantes simplifications des
procédures administratives, des arrangements financiers et des problèmes
d’assurance.
L’efficacité de ces mesures peut être retracée à travers la différence, en terme de
compétitivité, entre les entreprises orientées vers l’exportation et celles qui
produisent pour le marché local. En effet, les premières ont bénéficié de
financements assortis de faibles taux d’intérêt de la Banque Centrale pour le
crédit à l’exportation, d’une exonération complète des impôts indirects et
d’avantages intéressants dans le code des investissements. De plus, ces
entreprises ont bénéficié d’accords de sous-traitance avec des importateurs
étrangers leur permettant de louer des équipements et fournir du matériel en
consignation.
5.4.3.3 La réglementation du marché et le contrôle des prix
5.4.3.3.1 Le contrôle des prix
Dans le cadre de la loi de 1971, les prix étaient régulés par l’Etat à tous les
stades de la commercialisation. En outre, le contrôle s’opérait au niveau central,
provincial ou local. Ainsi, au niveau local, l’attention était portée sur les prix de
détail alors qu’au niveau provincial, elle portait sur les prix de gros.
253
L’établissement des prix se faisait, généralement, par des commissions
composées de représentants de l’administration et du secteur privé choisis par
les autorités. Les commissions pouvaient fixer les prix de vente légaux ou établir
des marges de profits permettant aux vendeurs de répercuter les coûts des
facteurs.
Au cours de la période 1982-1985, les autorités ont graduellement assoupli ces
contrôles. Bien que deux petites catégories de produits seulement aient été
totalement réglementées, la moitié, environ, des produits réglementés ont été
libéralisés. A ce jour, les biens soumis à un contrôle de prix comprennent plus
de 20% des articles de l’indice des prix à la consommation. Toutefois, comme le
principe du contrôle subsiste, la libéralisation consiste, essentiellement, à
permettre des ajustements automatiques des prix sans autorisation, mais avec
notification préalable et la possibilité d’un examen à posteriori.
5.4.3.3.2 La réglementation des marchés
Par le passé, la plupart des marchés, au Maroc, faisaient l’objet d’une
réglementation stricte tant pour faciliter les contrôles des prix que pour protéger
certaines entreprises publiques. Mais, dans l’esprit de la libéralisation des prix et
de l’évolution vers une économie de marché, certains marchés ont été
progressivement déréglementés depuis le milieu des années 80. Ainsi, on a
assisté, dès 1986, à la levée de monopole de l’exportation des fruits et des
légumes qui était détenu par l’Office de Commercialisation et d’Exportation.
Cette année était caractérisée, également, par l’élimination du monopole dans le
secteur des transports urbains à travers l’accord de licences d’exploitation à des
compagnies privées. D’un autre côté, l’administration publique a transféré
certaines responsabilités réglementaires dans le secteur touristique à
l’association de l’industrie hôtelière et aux associations des agences de voyages.
Enfin, l’année 1999 a été marquée par la déréglementation du secteur des
télécommunications et l’octroi d’une seconde licence de téléphone GSM aux
254
opérateurs privés.
L’application de l’ensemble des mesures, ci-haut mentionnées, a permis certes
une restriction de l’intervention de l’Etat tant au niveau du contrôle qu’au niveau
de sa participation directe dans les secteurs de production. Par conséquent, le
Maroc a connu une avancée non négligeable dans le renforcement de l’économie
de marché où l’entreprise privée jouerait le rôle fondamental dans l’activité
économique et où le fonctionnement du marché dépendrait essentiellement du
jeu de la concurrence et de la compétition.
5.4.4 Fiscalité marocaine et incitation du secteur privé
Depuis le milieu des années 80, le Maroc a connu une série de réformes fiscales
dont l’objectif est d’assurer au système d’imposition une plus grande cohérence
et la modernisation de l’administration et du recouvrement des impôts. Les
réformes ont visé à élargir l’assiette fiscale et à encourager l’élasticité des
revenus, à répartir la charge fiscale plus équitablement, à réduire le nombre de
taxes et de taux d’imposition et à améliorer le recouvrement à travers
l’institution d’une retenue à la source et le fractionnement du paiement de
l’impôt.
5.4.4.1 Le système d’imposition fiscale au Maroc
Le nouveau système d’imposition au Maroc se caractérise par trois éléments
principaux : l’impôt sur les sociétés (IS), l’impôt général sur les revenus (IGR)
et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
5.4.4.1.1 L’impôt sur les sociétés
Dans l’ancien régime fiscal, les bénéfices des sociétés étaient soumis à l’impôt
sur les bénéfices professionnels (IBP) dont le taux cumulé s’élevait à 53%. Mais
avec la nouvelle réforme, l’IBP a été remplacé par l’impôt sur les sociétés dont
le taux fixe était de l’ordre de 40% (la participation à la solidarité nationale
255
(PSN)125
non comprise), soit un taux d’imposition effectif de 44%. Par la suite,
ce taux a été ramené en 1992 à 38% (ou 41,8% si on inclut la PSN), puis à 35%
(ou 38,5% si on inclut la PSN).
Comparé au taux d’imposition en vigueur dans des pays émergents, l’impôt sur
les sociétés, au Maroc, reste encore élevé. Ceci paraît clairement dans le tableau
5.7 ci-après :
Tableau 5.7 : Taux d’imposition des bénéfices des sociétés (1993)
Pays Taux d’imposition en
% Turquie
Malaisie Portugal
Tunisie
Singapour
Thaïlande
Indonésie
30-49,2
38
36-39,6
35
27
30-35
15-35
Source : Banque Mondiale (1993) Développement de l’Industrie privée
au Maroc, Rapport n°11557-Mor, vol 2, p. 02.
L’application de l’impôt sur les sociétés a permis l’élargissement de l’assiette
fiscale126
et l’amélioration des procédures d’évaluation et de recouvrement des
impôts y compris le paiement en cours d’exercice sur la base d’une estimation
des bénéfices. Cependant, la généralisation et la normalisation de l’imposition se
trouve encore limitée par l’octroi des avantages permis par les différents codes
d’investissement, notamment l’imposition à un taux minoré des entreprises
nouvellement créées pendant les cinq ou dix premières années, l’autorisation à
ces entreprises de pratiquer un amortissement accéléré et la permission de
constituer, en franchise d’impôt, des réserves dans l’attente d’un
125
La participation à la solidarité nationale est une surtaxe de 10% sur l’impôt et les taxes foncières. Elle est
perçue même si le contribuable est exonéré des autres impôts sur le revenu. 126
Toutes les sociétés, y compris celles qui ne déclarent pas de bénéfices, sont tenues de payer un impôt
minimum égal à 0,5% de leur chiffre d’affaires.
256
réinvestissement.
5.4.4.1.2 L’impôt général sur les revenus
L’année 1990 a été marquée par l’institution d’un impôt général sur les revenus
des personnes physiques et les sociétés de personnes dans le but de mettre fin
aux différences d’imposition entre les diverses catégories de revenus découlant
de la nature même des impôts cédulaires, d’assurer une plus grande équité et
justice et de simplifier l’administration de l’impôt. L’IGR s’est, ainsi, imposé
comme un impôt progressif s’appliquant à tous les revenus des marocains
résidents avec un taux marginal variant entre 0 et 46%.
Tableau 5.8 : Taux applicables pour le calcul de l’IGR
Tranche de revenu annuel en
DH
Taux en %
0 à 18.000
18.001 à 24.000
24001 à 36.000
36.001 à 60.000
60.001 à 90.000
Plus de 90.000
0
14
22
36
44
46
Source : B. Jaifi (1995) La comptabilité des sociétés et ses incidents sur la
vie fiscale des entreprises, p. 30.
5.4.4.1.3 La taxe sur la valeur ajoutée
La taxe sur la valeur ajoutée a été instituée en 1986 (en vertu de la loi 30-85) en
remplacement des taxes sur les produits et services qui étaient, pour l’essentiel,
des taxes sur le chiffre d’affaires perçues aux stades de la production et de
l’importation. Cette importante refonte du système fiscal a doté le Maroc de
taxes à la consommation efficaces, neutres et d’un meilleur rendement. En outre,
la TVA a permis de limiter la fraude fiscale dans la mesure où elle
s’accompagne, en principe, d’une facturation relativement correcte.
257
Axé sur les trois impôts ci-haut mentionnés, le système fiscal marocain a permis
de résoudre de nombreux problèmes que ce soit au niveau de l’entreprise ou au
niveau de l’administration fiscale. Cependant, l’imposition des activités de
production constitue encore un obstacle à l’investissement productif si on
compare le niveau d’imposition effectif des bénéfices et des dividendes à celui
des autres placements financiers et immobiliers.
5.4.4.2 Comparaison de l’imposition fiscale des bénéfices à celles des autres
placements
Comparés aux normes internationales, les taux d’imposition des bénéfices et des
revenus au Maroc sont généralement élevés. En effet, malgré les baisses
consécutives du taux de l’impôt sur les sociétés depuis le début des années 90, le
niveau d’imposition des entreprises reste encore élevé relativement aux autres
pays, chose qui limite la capacité attractive du Maroc en matière
d’investissements étrangers.
Sur le plan interne, le niveau élevé de l’imposition fiscale des bénéfices et des
revenus constitue un obstacle majeur au développement des activités
productives. D’ailleurs, les chefs d’entreprises considèrent que le niveau élevé
des impôts est l’une des plus importantes contraintes qui pèsent sur l’activité de
l’entreprise marocaine en plus du coût du financement et du manque de la main
d’œuvre qualifiée127
. A cet effet, les entreprises cherchent, souvent, à se protéger
par le recours à la fraude fiscale ou la spéculation. Ce phénomène est accentué
davantage par la diversité des régimes fiscaux relatifs aux revenus passifs. A
titre d’exemple, les intérêts sont soumis à un taux d’imposition qui varie entre
20 et 30 pour cent. En revanche, les dividendes sont généralement soumis à un
taux d’imposition de l’ordre de 15% sachant que les actionnaires n’ont droit à
aucun avoir fiscal au titre des impôts déjà payés par les sociétés sur les bénéfices
avant la distribution des dividendes. De ce fait, le revenu du capital se trouve
127
Ces résultats relèvent d’une enquête effectuée par la Banque Mondiale en 1992 auprès de 51 entreprises
258
doublement imposé, ce qui décourage les investisseurs potentiels et encourage
les sociétés à emprunter vu que les intérêts constituent une charge totalement
déductible. Enfin, l’imposition des plus values réalisées dans l’immobilier à un
taux qui ne dépasse pas les 15% incite, souven, les entreprises à spéculer dans ce
secteur au lieu d’investir dans les domaines productifs.
5.4.4.3 Les incitations fiscales et financières prévues par les codes
d’investissement
La politique industrielle au Maroc a intégré dès l’indépendance une fonction
incitative visant à conditionner le niveau du profit perçu par l’entreprise. Cette
fonction a été assurée, essentiellement, par l’octroi d’avantages fiscaux et
financiers à travers les différents codes d’investissement. Ainsi, le Maroc a
connu durant les quatre dernières décennies la promulgation de quatre codes
d’investissement touchant les principales activités économiques128
:
- Le premier code date de 1958 et prévoyait le remboursement des droits de
douane sur les biens d’équipement, la réduction des droits d’enregistrement, le
bénéfice des amortissements accélérés, l’exonération partielle de la patente et la
garantie de transfert du produit de la liquidation des investissements. Le
bénéfice de ces avantages était conditionné par l’agrément de la commission
nationale de l’investissement présidée par le Ministre de l’Economie nationale
qui arrêtait la liste des activités bénéficiaires des avantages du code. Cependant,
le code de 1958 a été caractérisé par la complexité et la lourdeur de la procédure
d’attribution des avantages, ce qui a conduit à sa substitution par un autre code
en 1960.
- Le second a été promulgué en 1960 et offrait des avantages substantiels
incluant notamment une prime à l’investissement, une provision en franchise
d’impôts pour l’acquisition du matériel et l’exonération pure et simple des droits
privées marocaines à propos de la gravité des obstacles auxquels elles font face. 128
M. Berrada (1986) « L’administration économique au Maroc », in L’édification d’un Etat moderne, sous la
direction de G. Vedel et A. Michel, pp. 253-261.
259
de douane au lieu de leur remboursement. Mais la procédure d’octroi de ces
avantages, dépendant d’une décision de la commission d’investissement, était
également trop longue et complexe.
- Le troisième, promulgué en 1973 suite au Dahir de la marocanisation, couvrait
les principaux secteurs économiques notamment l’industrie, l’artisanat, le
tourisme, les exportations, la pêche maritime et les mines129
. Ce code a apporté
des nouveautés significatives comparativement aux précédents, notamment :
l’attribution systématique des avantages à tous les investissements dont le
montant est inférieur à 30 millions de dirhams, la restriction des bénéficiaires
aux seules personnes physiques et morales marocaines sauf dans le cas du
secteur touristique ou des exportations, la modulation du niveau des avantages
en fonction de la localisation régionale.
- Le dernier code a été adopté en 1983 et a eu pour objet l’appui aux PMI130
, le
développement des zones éloignées de la métropole industrielle de
Casablanca131
, l’aménagement des zones industrielles et le soutien des
économies d’énergie et d’eau. De ce fait, le code a accordé de nombreux
avantages dont notamment :
1. L’exonération du droit d’importation et de la TVA sur les biens
d’équipement autorisés pour toute création ou extension en zones 3 et 4 toute
extension en zones 1 et 2 et toute création de PMI en Zones 2, 3 et 4.
129
Le code de 1973 était adopté pour compléter le code d’investissement agricole de 1969. 130
Une PMI est définie comme une entreprise industrielle dont la valeur des immobilisations totales après
investissement n’excède pas 5 millions de dirhams avec un coût de création d’emploi stable ne dépassant pas
70.000 dirhams. Voir Direction de la Planification : « principaux avantages des codes d’investissement et
régimes en douane », rabat, 1988, p. 04. 131
Le zonage établi par le code de 1983 est le suivant :
- Zone 1 : la préfecture de casablanca-Anfa
- Zone 2 : les préfectures de Hay Mohammadi-Aîne Sebâa, Ben Msik Sidi-Othman, Aîne Chok-Hay Hassani,
Mohammadia-Zenata et la province de Benslimane
- Zone 3 : la préfecture de Rabat-salé, les provinces de Fès, Agadir, Kénitra, Marrakech, Meknes, Safi,
Tanger et Tétouan
- Zone 4 : Alhoceima, Azilal, Béni Melal, Boujdour, Boulmane, Chefchaouen, Eljadida, Elkelâa des Sraghna,
Essaouira, Essmara, Figuig, Guelmim, Ifrane, Khénifra, Khémisset, Khouribga, Laâyoune, Nador,
Ouarzazate, Oued Eddahab, Oujda, Settat, Sidi Kacem, Tantan, Taroudante, Tata, Taza et Tiznit.
260
2. L’exonération de la taxe spéciale sur les équipements importés pour les
entreprises qui exportent tout ou partie de leur production quel que soit leur
lieu d’implantation.
3. L’exonération des droits d’enregistrement et de timbre pour toute création ou
extension d’entreprises en zones 3 et 4 et pour toute PMI en zones 2, 3 et 4 et
pour toute extension quel que soit le lieu d’implantation : l’exonération de
50% de l’impôt sur les sociétés sur 5 ans pour toute création d’entreprises en
zones 3 et 4 et toute création d’entreprises de services liées à l’industrie.
4. La constitution d’une provision pour investissement en franchise d’impôt
pour toute création d’entreprises quel que soit le lieu d’implantation et pour
toute extension d’entreprises en zones 3 et 4.
5. L’exonération de l’impôt des patentes pour la création dans les zones 3 et 4
de toute entreprise et dans les zones 2, 3 et 4 pour les PMI.
6. La garantie de transfert des bénéfices nets d’impôts des non-résidents et du
produit réel de cession lorsque l’investissement est effectué par un étranger.
7. L’exonération du droit d’importation et de la TVA sur le matériel, les
outillages et les biens d’équipement destinés à la réalisation d’économies
d’eau ou d’énergie, à l’utilisation des ressources d’énergies nationales autres
que pétrolière ou à la préservation de l’environnement.
8. Enfin, le code prévoit des conditions spéciales procurant des avantages
supplémentaires pour toute entreprise dont le programme d’investissement
est supérieur à 50 millions de dirhams.
Toutefois, ces différents codes présentent de nombreuses faiblesses et
anomalies, notamment en termes d’efficacité dans l’attraction des
investissements et leur orientation sectorielle et régionale. Par conséquent, le
gouvernement a commencé, dès le début des années 90, une réflexion
envisageant la reprise des avantages dans un code unique ou directement dans
des lois sur la fiscalité et le commerce extérieur. Les révisions envisagées ne
remettent pas en cause les avantages prévus par les codes précédents. Mais elles
261
appliqueraient ces avantages uniformément à toutes les entreprises qui
répondent aux conditions posées, exception faite des entreprises non
exportatrices dans le Grand Casablanca.
5.4.5 Le financement de l’industrie marocaine
Le développement de l’industrie marocaine est largement tributaire des
conditions du financement de projets industriels et du cadre incitatif dans ce
domaine. De ce fait, il semble primordial d’examiner les conditions d’accès des
entreprises aux capitaux et les problèmes liés à la mobilisation de ces capitaux
d’une part, et l’accès de ces entreprises aux crédits et le coût de ce dernier de
l’autre.
5.4.5.1 L’accès aux capitaux
La facilité d’accès aux capitaux est un obstacle qui handicape sérieusement le
développement de l’activité industrielle. Sur le plan interne, la plupart des fonds
propres des entreprises marocaines sont mobilisées dans le cadre d’arrangements
personnels d’autant plus que la bourse des valeurs ne permet guère de contribuer
au financement industriel. Cette réalité est due, d’une part, à la structure
largement familiale du capital au Maroc, et d’autre part, à la dimension étriquée
du marché financier. Ce dernier se caractérise par la faiblesse du nombre de
cotations qui dépasse à peine la cinquantaine et dont les deux tiers relèvent
d’entreprises de services. En outre, les sociétés cotées limitent les montants
engagés puisque la part de capital détenue sous forme d’actions et faisant l’objet
de transactions en bourse reste très faible et ne dépasse pas les 6%. Par
conséquent, les transactions boursières restent très modestes et portent, en
grande partie, sur le marché de gré à gré. En définitive, et dans l’état actuel des
choses, la bourse des valeurs est loin d’être inscrite dans une dynamique de
mobilisation des capitaux financiers.
Sur le plan externe, les apports d’investissements directs étrangers au Maroc ont
262
connu un accroissement considérable à partir des années 90. En effet, ces
apports avaient stagné durant toute la décennie 80 avec un montant qui ne
dépassait pas les 200 millions de dollars. Mais en 1991, ces investissements sont
montés en flèche atteignant les 400 millions de dollars, et ils ont continué à
croître puisque leur montant a franchi la barrière d’un milliard de dollars en
1998 et plus d’un milliard et demi au titre de l’année 1999132
. Cette montée en
flèche correspond, en partie, à la forte augmentation des investissements directs
étrangers dans l’ensemble des pays en développement depuis le début des
années 90, mais elle tient aussi au fait que le Maroc avait adopté pratiquement
toutes les mesures officielles nécessaires pour attirer des investissements
étrangers, plus particulièrement dans les activités à forte teneur technologique133
.
D’un autre côté, le succès de la stabilité politique et économique a rendu le
Maroc plus attractif sur le plan économique, bien qu’il s’agisse d’un marché
relativement petit et limité aux yeux des investisseurs potentiels134
.
5.4.5.2 L’accès aux crédits
Le recours de l’entreprise marocaine au crédit est handicapé par deux obstacles
majeurs : la difficulté d’accès au crédit et le coût élevé de l’emprunt. En effet, le
Maroc compte une vingtaine de banques de dépôt dont trois banques de
développement spécialisées de l’Etat135
qui sont devenues des banques générales
au terme de la loi bancaire de 1992. Ce secteur a été caractérisé par une levée
progressive de la politique d’encadrement du crédit et l’application de nouvelles
132
Chiffres avancés par le Centre Marocain de Conjoncture (CMC). 133
Parmi ces mesures, figurent la convertibilité du compte courant, le droit de rapatrier les bénéfices et
dividendes sans autorisation préalable, l’absence de restrictions à l’embauche d’employés étrangers, l’absence de
contrôle sur les contrats couvrants les licences, les conventions de double imposition avec les pays originaires de
la plupart des investissements et l’absence de restrictions à l’accès à la propriété privée pour les étrangers. 134
La France est à la tête des pays d’origine des investissements directs en raison des liens historiques des deux
pays et l’utilisation des filiales françaises comme voie d’investissement par les multinationales. Ensuite, on
trouve l’Espagne dont le montant des investissements directs a connu une montée en flèche durant la dernière
décennie en raison de la proximité géographique entre les deux pays et l’amélioration continue de l’état de santé
de l’économie espagnole. En revanche, la part des pays pétroliers du Moyen Orient a connu une importante
régression liée sans doute à la baisse des rentes pétrolières qui a caractérisé les dix dernières années. 135
La Caisse Nationale du Crédit Agricole (CNCA) qui accorde des prêts aux exploitants et aux industries agro-
alimentaires, la Banque Nationale pour le Développement Economique (BNDE) qui accorde des prêts aux autres
263
mesures de gestion par les autorités monétaires. Ainsi, on a procédé à
l’élimination des affectations sectorielles en même temps que le plafonnement
global du crédit bancaire. En contre partie, les autorités monétaires ont adopté
des mesures visant à renforcer la supervision et la réglementation bancaire
notamment l’institution du ratio Cooke obligeant les banques à conserver un
capital correspondant à 8% au moins de leurs avoirs et l’imposition d’un
coefficient maximum du risque encouru par les banques pour un entrepreneur
unique. Mais malgré ces mesures, la structure des prêts accordés par les banques
reste marquée par une tendance renforcée aux prêts à court terme. Cette
tendance peut être expliquée par plusieurs facteurs liés, essentiellement, à la
rentabilité, au risque et à l’offre des liquidités. En effet, le plafonnement des
taux prêteurs limite la rentabilité des prêts à moyen et long terme. De même, les
faiblesses dans la comptabilité des entreprises et les retards et incertitudes dans
les procédures de faillite augmentent, de façon significative, le risque associé
aux prêts. Enfin, l’absence d’un marché financier interbancaire solide limite les
perspectives des banques d’accroître leur liquidité en cas de besoin et les
encourage à conserver des avoirs à court terme. Cette réalité traduit également
l’absence d’un climat de confiance entre les banques et les entreprises et rend
plus difficile l’accès de ces dernières aux crédits pour financer leur activité et
leur investissement. Pourtant, le problème ne se pose pas, de la même manière,
pour toutes les entreprises et il est subi davantage per les petites et moyennes
entreprises. En effet, la plupart des prêts aux entreprises ont pour garantie des
immobilisations, des garanties personnelles ou d’autres formes de nantissements
irrévocables. Or, il est souvent impossible pour des petites entreprises de
présenter ces types de garanties. De même, le plafonnement des taux d’intérêt ne
laisse pas aux banques une marge suffisante pour couvrir les risques accrus et
les coûts administratifs.
D’un autre côté, les entreprises marocaines se plaignent, de plus en plus, du coût
industries et le Crédit Immobilier et Hôtelier (CIH) qui accorde des crédits pour le logement et les hôtels.
264
des crédits accordés par les institutions financières. En effet, malgré la
déréglementation partielle des taux d’intérêt, dès 1990, le Maroc a connu un
accroissement relatif du taux plafond et des taux débiteurs effectifs appliqués
par les banques. Ceci peut s’expliquer par le fait que le plafonnement du taux
d’intérêt continue à limiter les prêts accordés par les banques ce qui les incite à
accroître le taux d’intérêt effectif en augmentant les commissions et en instituant
diverses obligations de nantissement. De même, le plafonnement empêche les
banques d’évaluer les possibilités de prêts aux clients qui présentent plus de
risque dans la mesure où elles n’ont pas de marge pour couvrir les risques en
augmentant les taux d’intérêt.
5.5 Structures et performances du secteur manufacturier marocain
D’habitude, la plupart des études industrielles se fondent sur le paradigme
établissant les différents liens entre la trilogie structure-stratégie-performance.
Ce dernier adopte l’idée que la structure du marché et la stratégie des entreprises
déterminent les performances de la branche (Scherer (1990), p. 15). Toutefois,
l’explication des performances industrielles permet de distinguer deux courants
théoriques :
- Le premier est qualifié de structuraliste, et il est constitué d’auteurs qui
insistent, beaucoup plus, sur les structures que sur les stratégies. C’est le cas,
notamment de Bain (1956) qui souligne l’existence d’un lien de causalité direct
entre structures et performances, lien qui lui évite de s’attarder sur les
comportements des entreprises. En effet, Bain (1956) suppose que le rôle des
comportements est minime dans la mesure où les entreprises sont censées
poursuivre le même objectif et s’adapter, plus ou moins, passivement aux
conditions de leur environnement industriel.
- Le second est qualifié de behavioriste, et il est représenté, essentiellement, par
Scherer qui attache plus d’importance à la liaison comportement-performance.
En effet, Scherer (1990) considère qu’il semble inutile de vouloir comprendre le
265
fonctionnement des marchés sans tenir compte du réseau d’accords de
coopération, de partages de marchés, de distribution exclusive, de ventes liées et
de stratégies de groupes qui caractérisent les économies modernes. Cette logique
trouve son explication dans la définition même du rôle de l’entrepreneur qui
« rompt les processus répétitifs, établit des combinaisons nouvelles plus
productives…il n’est pas esclave de son environnement : au besoin, il provoque
les progrès qui lui paraissent concevables. D’autre part, il exerce une action sur
le développement des marchés… » (Dupriez (1959), p. 134).
Dans le contexte national, la plupart des études portant sur le secteur industriel
insistent, particulièrement, sur les structures des marchés et leurs effets sur les
performances industrielles. Cette position s’explique, à notre avis, par deux
raisons principales :
- La première est liée à l’environnement économique et institutionnel du Maroc
qui se caractérise par une absence d’une marge de manœuvre relativement
importante pour les entreprises (à cause de la politique de contrôle des prix, de
la réglementation des marchés, de l’absence de l’effort en matière de recherche-
développement, de l’absence d’une classe d’entrepreneurs assez solide, …).
- La seconde est liée essentiellement à la difficulté méthodologique pour cerner
les principales stratégies des entreprises et l’absence de données relatives à ces
comportements.
Pour les raisons ci-haut mentionnées, nous allons insister sur les principales
composantes des structures du marché et leurs effets sur les performances des
branches industrielles.
5.5.1 Les structures de marché dans le secteur manufacturier marocain
Les structures de marché constituent un élément déterminant du comportement
des entreprises et de leurs performances. D’après la classification de Scherer
(1990), les principales composantes des structures du marché sont la
différenciation des produits, la concentration des marchés et les barrières à
266
l’entrée. Notre intérêt sera, pourtant, axé sur le degré de concentration des
branches industrielles et la mobilité des capitaux dans ces branches pour voir
dans quelle mesure ces composantes agissent sur les performances de l’industrie
manufacturière au Maroc.
5.5.1.1 Concentration industrielle au Maroc
L’étude de la concentration industrielle revêt une grande importance dans
l’analyse des structures de marché. Elle permet, en effet, de donner une idée
assez claire sur le rôle joué par les mécanismes de marché dans la détermination
des prix et, par voie de conséquence, sur l’allocation des ressources et la
distribution du surplus économique. De ce fait, nous allons utiliser deux indices
différents pour mesurer le degré de concentration des industries manufacturières
marocaines. Le premier (indice de Herfindahl) renseigne sur la dispersion des
parts de marché au sein d’une industrie, et le second (ratio de concentration des
plus grandes entreprises) informe sur les positions de domination dont disposent
certaines entreprises au sein de chaque industrie. Ensemble, ces deux approches
nous permettrons d’avoir une idée plus claire sur le partage du marché et le rôle
des entreprises dominantes.
5.5.1.1.1 Indice de Herfindahl
L’indice de Hirshman-Herfindahl est d’une grande utilisation dans les études
industrielles, notamment dans la théorie des prix en oligopole. Il tient, en effet,
compte de tous les points de la courbe de concentration et correspond, ainsi, à la
somme des carrés des parts de marché de toutes les firmes de la branche.
Sur la base d’une étude effectuée par Belghazi (1997) et portant sur la
classification des branches industrielles à quatre chiffres, on peut distinguer
quatre régimes de marchés :
- Un régime concurrentiel pour les activités ayant un indice compris entre 0 et
15%.
267
- Un régime concentré pour celles dont la valeur de l’indice est comprise entre
16 et 43%.
- Un régime oligopolistique pour celles ayant un indice compris entre 44 et 90%.
- Un régime de monopole pour celles dont l’indice est supérieur à 90%.
En dépit de son caractère approximatif, cette classification permet de donner une
idée assez claire sur le degré de concentration des industries marocaines. Ainsi,
sur 224 activités, 59 sont classées comme concurrentielles soit plus du quart du
total, et seulement 10,7% sont monopolistiques. Il faut souligner, toutefois, que
la majorité des activités sont regroupées dans des régimes concentrés et
oligopolistiques soit 63% du total.
Tableau 5.9 : Effectif des activités industrielles par structure de marché
Indice de
Herfindahl
Régime de
marché
Nombre de
marchés
%
0 – 15
16 – 43
44 – 90
91 – 100
Concurrentiel
Concentré
Oligopolistique
Monopolistique
59
73
68
24
26,3
32,6
30,4
10,7
Ensemble 224 100,0
Source : S. Belghazi (1997) Concurrence Interne et Compétitivité Externe de
l’Industrie Marocaine, Publications du CERAB, p. 236.
Cette classification ne doit, cependant, pas cacher le fait que la plupart des
entreprises du secteur industriel sont inscrites dans des régimes plutôt
concurrentiels. Cette réalité apparaît quand on sait que 77% des entreprises
industrielles opèrent dans des activités concurrentielles et que ces entreprises
représentent près de 72% de l’emploi total de l’industrie manufacturière et
48,6% de ses ventes. En revanche, le poids des entreprises opérant dans le cadre
de structures oligopolistiques et monopolistiques est relativement limité (2,2%
de l’effectif des entreprises, 6% des effectifs employés et 17,7% des ventes).
268
Tableau 5.10 : Répartition des activités industrielles selon le degré de
concentration et le poids économique
Caractéristiques des
activités
Régimes de marché Ensemble
Concurrentiel Concentré Oligopole Monopole
Nombre d’entreprises
Effectif employé
Chiffre d’affaires
77,3
71,9
48,6
20,5
22,3
33,8
2,0
4,2
12,5
0,2
1,7
5,2
100
100
100
Source : S. Belghazi (1997) Concurrence Interne et Compétitivité Externe de l’Industrie
Marocaine, Publications du CERAB, p. 236.
D’un autre côté, les résultats obtenus par Belghazi (1997) montrent l’importance
de la mobilité des régimes de marché des différentes activités entre 1984 et
1991. Cette mobilité se caractérise par une tendance à la baisse de l’indice de
Herfindahl, signe d’une baisse de la concentration des industries marocaines.
Tableau 5.11 : Evolution du classement du régime de marché des activités
industrielles
Régime de
marché en 1984
Régime de marché en 1991 Total
Concurrentiel Concentré Oligopole Monopole
Concurrentiel
Concentré
Oligopole
Monopole
40
15
2
2
6
45
20
2
10
10
31
17
2
-
5
17
58
70
58
38
Total 59 73 68 24 224
% 26,3 32,6 30,4 10,7 100
Source : S. Belghazi (1997) Concurrence Interne et Compétitivité Externe de l’Industrie
Marocaine, Publications du CERAB, p. 237.
Ainsi, sur 58 activités concurrentielles en 1984, 6 sont devenues concentrées, 10
oligopolistiques et 2 assimilables à un monopole en 1991. Mais, ce mouvement
exprime, à la fois, les sorties des entreprises et la concentration des parts de
marché. Au demeurant, le mouvement en sens inverse semble assez important :
sur 59 activités concurrentielles en 1991, 15 étaient concentrées, 20
269
oligopolistiques et 2 assimilables à un monopole en 1984.
De façon générale, la période 1984-1991 a été caractérisée par une importante
baisse du nombre d’activités assimilées à un monopole qui est passé de 38 à 24
et une hausse comparable du nombre d’activités oligopolistiques qui s’est accru
de 58 à 68. En revanche, le nombre d’activités concurrentielles et concentrées
n’a pas connu une grande variation.
Ces chiffres confirment, donc, la tendance à la baisse de la concentration
industrielle au Maroc qui s’annonce particulièrement importante dans les
activités non réglementées constituant la majorité. Ainsi, les activités dont la
concentration a baissé représentent la moitié de la production alors que celles où
la production est en hausse ne constitue que 25% de la production.
Cependant, l’étude de la concentration industrielle au Maroc doit être complétée
par une comparaison avec les autres pays situés à un niveau de développement
comparable, chose qui sera possible avec l’utilisation du ratio de concentration
des plus grandes entreprises.
5.5.1.1.2 Ratio de concentration
Le rapport de concentration ou ratio de concentration des quatre plus grandes
firmes correspond à la part de la production ou des ventes détenues par ces
firmes. Contrairement à l’indice de Herfindahl, ce ratio ne correspond qu’à un
point de la courbe de concentration et élimine une grande partie de l’information
concernant les tailles relatives des firmes retenues. Toutefois, il a l’avantage de
pouvoir montrer le pouvoir de marché des grandes entreprises, chose qui ne peut
être élucidée par l’indice précédent.
Sur la base de données détaillées sur le degré de concentration des segments
industriels de la classification à trois chiffres au titre de l’année 1989, il ressort
que 12% des segments industriels avaient un degré de concentration de 100% et
32% avaient un ratio compris entre 90 et 100%, alors que seulement 29% des
270
segments avaient un ratio inférieur à 50%136
.
Tableau 5.12 : Concentration de production, 1985-1989 (ratio des quatre usines)
Code Branche 1985 1987 1989
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
Produits des industries alimentaires
Autres produits des industries alimentaires
Boissons et tabacs
Produits textiles et bonneterie
Habillement
Cuir et chaussures en cuir
Bois et articles en bois
Papier, carton et imprimerie
Produits issus des minéraux de carrière
Produits de l’industrie métallique de base
Ouvrages en métaux
Machines et matériel d’équipement
Matériel de transport
Matériel électrique et électronique
Machines de bureau, instruments de précision
Produits de la chimie et de la parachimie
Articles en caoutchouc ou en plastique
Produits d’autres industries manufacturières
30
35
79
22
20
29
35
46
29
85
27
48
67
38
63
58
49
61
26
28
78
16
18
23
38
47
31
81
25
50
60
35
45
52
45
52
27
27
77
17
12
18
41
40
30
94
21
34
53
53
45
54
40
65
Source : Banque Mondiale (1993) Développement de l’Industrie Privée au Maroc,
Rapport, n°11557-Mor, vol 2, p. 09.
En retenant une classification plus agrégée (à deux chiffres), le degré de
concentration s’avère moins élevé puisque, seulement, 6 branches des 18 avaient
un ratio supérieur à 50%, alors que les 12 qui restent avaient un ratio inférieur à
50%. Toutefois, cette classification permet de repérer les branches les plus
concentrées, notamment : « les produits de l’industrie métallique de base », « les
boissons et tabacs » et « le matériel de transport ». Ces branches se caractérisent
136
Banque Mondiale (1993) Développement de l’Industrie Privée au Maroc, Rapport n° 11557-Mor, vol 2, p. 08.
271
par la domination des entreprises publiques et l’importance des barrières à
l’entrée de nature réglementaire ou technologique. Ce constat peut être imputé
aux choix stratégiques de la politique économique poursuivie aux années 60 et
70 où l’Etat voulait se substituer au secteur privé en investissant dans les
industries d’import-substitution et celles à vocation exportatrice.
Le degré de concentration industrielle semble, tout de même, élevéerelativement
aux autres pays. En effet, la comparaison du Maroc au Japon et à l’Inde montre
que 41% des segments industriels marocains avaient des degrés de concentration
à quatre usines compris entre 80 et 100%, alors que ce pourcentage était à peine
égal à 9% au Japon en 1963, date où ce pays avait une taille moyenne des
segments industriels semblable à celle du Maroc en 1989. Par contre, la
concentration industrielle au Maroc semble moins prononcée comparativement à
celle de l’Inde en 1984.
Tableau 5.13 : Comparaison de la concentration au Maroc à celle du Japon
et de l’Inde (ratio des 4 usines selon la classification à trois chiffres)
Degré de
concentration
Maroc (1989) Inde (1984) Japon (1963)
Nombre % Nombre % Nombre %
0 – 19
20 – 39
40 – 59
60 – 79
80 - 100
5
14
12
26
41
5
14
12
27
42
10
9
15
15
60
9
8
14
14
55
157
142
117
50
46
31
28
23
10
9
Ensemble 98 100 109 100 512 100
Source : Banque Mondiale (1993) Développement de l’Industrie Privée au Maroc,
rapport n°11557-Mor, vol 2, p. 08.
272
5.5.1.2 La mobilité du capital industriel au Maroc
D’après la théorie micro-économique, la possibilité d’entrer dans un marché
dépend du degré de concentration et apparaît comme un fait lié aux structures
des marchés. En revanche, les modèles de concurrence parfaite et de
concurrence monopolistique supposent que l’entrée est libre, mais ne se réalise
que sur une longue période définie par le temps nécessaire à l’installation des
nouvelles capacités de production.
La mesure de la mobilité que nous allons retenir ne se réfère pas à un critère
juridique, mais à l’activité de l’entreprise. Ainsi, notre intérêt sera axé sur
l’importance des mouvements d’entrées et de sorties et la taille des entrants et
des sortants.
Sur la période 1985-1989, le taux d’entrée pondéré par le chiffre d’affaires des
branches industrielles marocaines a connu une importante baisse dans
l’ensemble des branches industrielles puisqu’il est passé de 4,15% à 2,35%.
Cette tendance peut être observée, également, dans la plupart des branches et
peut être expliquée, d’une part, par le niveau élevé des barrières à l’entrée et,
d’autre part, par la baisse progressive de la protection des industries locales
contre la concurrence par des importations. D’ailleurs, les branches où les taux
d’entrée sont les plus faibles (boissons et tabacs, produits de la chimie et de la
parachimie, produits de l’industrie métallique de base) sont celles qui
bénéficient encore d’une grande protection vis-à-vis de la concurrence des
importations. En revanche, les branches caractérisées par les taux d’entrée les
plus élevés (produits d’autres industries manufacturières, ouvrages en métaux,
habillement, matériel de transport, bois et articles en bois) sont, généralement,
moins concentrées et bénéficient moins de la protection contre les importations.
273
Tableau 5.14 : Taux d’entrée, de sortie et de turnover pondérés par le
chiffre d’affaires (en %)
CB Branche 1985 1989
TE (1) TS (2) TT (3) TE (1) TS (2) TT (3)
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
Alim
Aut Alim
Boiss et Tab
Textiles
Habillement
Cuir et chauss
Bois
Papier
Mat const
Mat base
Ouv mét
Bien equip
Mat transp
Mat électr
Mat précis
Chimie
Caoutch
Aut indust
2,31
3,16
0,00
1,20
6,41
2,81
9,55
2,61
2,66
8,21
7,49
22,69
23,81
2,03
0,64
2,23
0,87
9,36
1,34
1,30
0,94
0,82
1,20
2,96
1,13
0,68
1,64
2,69
1,09
2,90
1,40
1,37
27,57
0,10
0,38
1,87
3,65
4,45
0,94
2,02
7,61
5,77
10,69
3,30
4,30
10,90
8,58
25,58
25,26
3,40
28,21
2,33
1,26
11,24
1,46
2,26
0,20
3,01
6,13
2,44
5,97
1,55
2,91
0,06
5,22
3,70
4,33
2,45
2,73
0,55
1,57
0,12
4,43
0,53
0,21
1,11
1,04
0,39
1,32
0,84
0,33
0,00
0,67
4,04
1,32
0,23
0,00
0,03
0,44
2,35
5,89
2,79
0,41
4,12
7,16
2,84
7,29
2,39
3,23
0,06
5,89
7,73
5,65
2,68
2,73
0,57
2,01
2,47
Ensemble 4,15 1,11 5,26 2,35 1,03 3,88
(1) : TE : taux d’entrée pondéré par le chiffre d’affaires
(2) : TS : taux de sortie pondéré par le chiffre d’affaires
(3) : TT : taux de turnover pondéré par le chiffre d’affaires
Source : S. Belghazi (1997) Concurrence Interne et Compétitivité Externe de l’Industrie
Marocaine, Publications du CERAB, p. 347-348.
D’un autre côté, le taux de sortie a connu une légère baisse entre 1985 et 1989
en passant de 1,11% à 1,03%. Les branches où le taux de sortie était le plus
élevé sont « les machines et les biens d’équipement », « les autres industries
manufacturées », « le matériel de transport » et « l’habillement ». En revanche,
la branche où le taux de sortie était le plus faible est « les boissons et tabacs ».
Enfin, le taux de turnover a connu une importante baisse en raison de
l’importance du mouvement d’entrée et l’impact limité des sorties. Mais, malgré
l’importance relative du mouvement des entrées et du turnover, la taille des
entreprises entrantes reste assez faible par rapport à celle des entreprises
permanentes.
274
Tableau 5.15 : Taille moyenne des permanents, entrants et sortants
(valeur ajoutée / effectif des entreprises)
CB Branche 1985 1989 Perman Entrants Sortants Perman Entrant Sortant
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
Alim
Aut Alim
Boiss et Tab
Textiles
Habillement
Cuir et chauss
Bois
Papier
Mat const
Mat base
Ouv mét
Bien equip
Mat transp
Mat électr
Mat précis
Chimie
Caoutch
Aut indust
2074
5423
82209
4572
1654
1840
2546
2456
6740
43702
3671
1480
7805
8105
1155
12434
4044
749
110
1021
0
606
668
246
1246
605
639
3171
1837
1508
9096
1150
181
1434
237
324
121
944
41
6672
426
132
215
375
1656
178
2870
695
77
726
147
1202
202
455
2950
7262
156118
6538
3529
2718
3910
4680
12735
83205
4997
2539
13041
13680
2000
20546
4976
1245
385
1183
713
1003
739
300
424
590
1278
257
1202
560
9351
2184
184
556
405
54
433
7697
0
1415
984
-714
1081
168
288
349
809
288
6949
358
0
3525
1041
22
Ensemble 4859 975 1398 7959 823 1809
Source : S. Belghazi (1997) Concurrence Interne et Compétitivité Externe de l’Industrie
Marocaine, Publications du CERAB, p. 351.
Dans l’ensemble, la taille moyenne a connu une hausse relative aussi bien pour
les permanents que les entrants et les sortants. Mais, la taille des entrants reste
de 7 à 10 fois plus petite que celle des permanents. Or, il semble tout à fait
normal que la taille des entrants soit plus petite, mais lorsque l’écart est très
grand, les entreprises entrantes ne disposeront pas des mêmes armes que les
entreprises permanentes d’autant plus que les entreprises sortantes sont souvent
les plus petites.
Ces caractéristiques permettent, donc, de porter une appréciation utile sur la
dynamique de l’industrie manufacturière au Maroc. Ainsi, l’idée majeure qui
ressort est que le processus de concentration des entreprises constitue le trait
dominant de la croissance. Les nouvelles entreprises sont relativement
nombreuses, mais l’émergence de nouveaux entrepreneurs n’est pas de nature à
275
porter la concurrence aux entreprises existantes. La concurrence active
observable (en particulier, à travers la baisse des taux de marge) est le résultat
surtout des entreprises installées (notamment de leur capacité d’offre élevée) et
encore plus de l’effet de la libéralisation du commerce extérieur. La relative
faiblesse de la mobilité du capital inter-branches ressort du fait que les entrants
sont, en général, de petite taille et handicapés par la faiblesse de leurs économies
d’échelle.
De part cette faiblesse, le capital industriel reste fortement attiré par les secteurs
fortement exportateurs et la nature concurrentielle de ces marchés, ainsi que les
industries marquées par des structures oligopolistiques et monopolistiques dont
le degré d’engagement reste faible. En revanche, les branches industrielles
importatrices sont caractérisées par les taux de sortie les plus élevés et la
rentabilité la plus faible.
En définitive, on peut dire que la faible mobilité du capital et la forte
concentration de l’industrie manufacturière marocaine constituent les traits
majeurs de la structure des marchés. En effet, malgré les améliorations notables
connues depuis la fin des années 80, le poids des grandes entreprises continue à
peser, à la fois, sur le degré de la concentration industrielle et le niveau des
barrières à l’entrée. D’ailleurs, ce sont ces caractéristiques qui influent de façon
directe et indirecte sur le niveau des performances industrielles.
5.5.2 Les performances des branches industrielles au Maroc
L’étude des performances pose de sérieux problèmes sur le plan théorique et
empirique. Parmi les difficultés qui apparaissent dans une étude des
performances, on note la question du niveau d’appréhension et celle de la
diversité des critères.
En effet, l’analyse des performances peut porter sur des éléments ou des sous-
secteurs différents et couvrir des domaines de comparaison ou espaces
comparatifs variés :
276
- Si l’unité de comportement de base est l’entreprise, on peut obtenir des
résultats plus ou moins élevés selon le dynamisme, les stratégies et le
comportement qu’elle adopte. Celle-ci partage, en effet, avec d’autres certaines
caractéristiques et subit certaines contraintes communes tenant au processus de
production et aux conditions spécifiques du marché.
- Le secteur, à son tour, s’insère à la fois dans le système industriel global
caractérisé par un certain nombre de contraintes communes s’exprimant en
particulier en termes de prix des facteurs de production et à travers des échanges
de produits ou services.
- Dans une autre perspective, les entreprises appartiennent par leur implantation
géographique à des régions qui diffèrent par leur degré d’intégration et les
contraintes qui leurs sont propres.
La seconde difficulté se rapporte à la diversité des critères de performances et au
choix parmi ces critères en fonction du niveau d’appréhension et de l’objectif
poursuivi. En effet, les performances peuvent saisir ce qui a trait à la sphère de
la production d’un côté, et à la sphère de la valorisation et de la répartition de
l’autre. On distingue alors, des critères d’efficience et/ou de la productivité, des
critères d’efficacité tenant compte de la capacité de valorisation des entreprises,
et des critères correspondant aux revenus retirés par chacun des ayants-droits du
surplus réalisé. Par rapport à ces critères statiques, la littérature propose des
critères plus dynamiques, tels que ceux attachés aux opérations de recherche et
d’innovation.
Mais au-delà de la pertinence intrinsèque de chaque critère, la sélection doit être
effectuée en fonction de la nature de l’entité observée. En ce qui concerne le
critère d’efficience technique, l’analyse comparative ne peut être réalisée qu’au
niveau d’établissements ou d’entreprises produisant un même produit et utilisant
une même fonction de production. En revanche, lorsque la comparaison ne porte
plus sur des produits identiques, mais plutôt sur des activités correspondant à
des produits différents (comparaison inter-sectorielle), il convient d’adopter une
277
mesure alternative, intégrant obligatoirement un système de prix.
5.5.2.1 Rapport prix-coût et dispersion des performances de l’industrie
marocaine
Parmi les indicateurs les plus appropriés pour mesurer les performances des
entreprises et des industries, on trouve le rapport prix de marché -coût moyen.
Cet indicateur révèle le degré de flexibilité des entreprises : plus le prix est
supérieur au coût, plus les entreprises ont de possibilités d’actions stratégiques
pour augmenter leur part de marché, à travers :
- Des actions de promotion de leurs produits et de renforcement de la maîtrise
logistique de la distribution.
- Des actions pour cibler la clientèle, notamment à travers la diversification de
leurs produits.
- Des actions d’investissement pour augmenter leur capacité ou améliorer le
rendement de leurs installations productives.
- Un meilleur partage des gains de l’entreprise et des actions sociales pour
renforcer la cohésion du collectif des travailleurs.
Afin de mesurer le degré de flexibilité et sa dispersion dans l’industrie
marocaine, nous allons présenter les principaux résultats de l’étude effectuée par
Belghazi (1997) qui a mesuré l’ampleur de la dispersion des performances en
fonction d’un certain nombre de caractéristiques structurelles de l’industrie
marocaine. Il s’agit, notamment, de l’effectif et la taille des entreprises,
l’orientation et le régime de marché et le type de capital. En effet, l’étude a
permis de conclure que le nombre d’entreprises réalisant des pertes
d’exploitation représente 19% du volume des ventes avec un rapport prix-coût
moyen égal à 92,6%, mais assorti d’un écart-type de 46%. En revanche, le degré
de dispersion des performances semble moins élevé pour le groupe d’entreprises
réalisant des marges bénéficiaires positives.
278
Tableau 5.16 : Niveau de performance des entreprises mesuré par le
rapport prix-coût (1991)
Rapport prix-coût Moyenne Ecart-type Ventes en
milliards de DH
< 1
> 1
0,9625
1,0752
0,4591
0,0945
24
100
Ensemble 1,0475 0,2285 124
Source : S. Belghazi (1997) Concurrence Interne et Compétitivité Externe de
l’Industrie Marocaine, Publications du CERAB, p. 258.
Sur un effectif de 5820 entreprises industrielles, 2036 ont déclaré produire à un
coût variable supérieur au prix de marché (soit 35% du total). Mais la plupart
des entreprises ayant déclaré une marge bénéficiaire positive avaient un rapport
prix-coût inférieur à 1,25137
et seulement 5% avaient un rapport supérieur à 1,25.
Cette dispersion concerne, en fait, la plupart des branches industrielles à
l’exception des « boissons et tabacs ». De même, à l’intérieur des branches, la
majorité des ventes est réalisée par des entreprises dont le taux de marge est
inférieur à 5%138
.
La faiblesse des performances des entreprises industrielles dans l’ensemble peut
être liée à l’importance relative des petites entreprises dans le tissu industriel.
Ainsi, une plus grande proportion d’entreprises de petite taille réalise un rapport
prix-coût inférieur à l’unité. En fait, la proportion des entreprises qui produisent
à pertes devient de plus en plus importante au fur et à mesure que la taille de ces
entreprises deviendra plus petite. Mais, ceci n’empêche pas l’existence d’une
proportion relativement importante de petites entreprises qui réalisent des
performances élevées. D’un autre côté, la grande taille n’implique pas un degré
137
Pour 31,5% de l’effectif total, le rapport prix-coût est compris entre 1 et 1,05, alors que 28,5% ont un rapport
compris entre 1,05 et 1,25. 138
Les branches dont plus de 70% des ventes sont réalisées par des entreprises dont le taux de marge est inférieur
à 5% sont : les industries alimentaires, le cuir et chaussures, le papier, les ouvrages en métaux, la chimie et les
autres industries manufacturières. Par contre, celles dont la majorité de la production est réalisée dans des
conditions de rentabilité élevée sont : les matériaux de construction, les boissons et tabacs, le bois, les matériaux
279
très élevé en matière de performances étant donné que les entreprises les plus
grandes sont concentrées dans la fraction du critère prix-coût comprise entre 1 et
1,05, soit un taux de marge inférieur à 5%.
En ce qui concerne l’orientation des marchés, il semble que le degré
d’orientation vers les exportations n’est pas un facteur déterminant de la
rentabilité des entreprises et il semble même que l’inverse soit plus fréquent.
Tableau 5.17 : Répartition des ventes suivant l’orientation des marchés et le
niveau du rapport prix-coût
Orientation des
marchés
Rapport prix-coût en % de la ligne CATTC (%
de la colonne) < 1 1 – 1,05 1,05 – 1,10 1,10 – 1,25 > 1,25
Non exportateur
Marché intérieur
Ouvert
Exportateur
13,2
6,9
20,9
45,8
55,3
42,2
57,0
31,5
14,7
24,1
7,1
11,1
13,3
25,0
10,5
6,6
3,5
30,7
2,7
22,7
43,9
30,7
2,7
22,7
Ensemble 18,9 46,0 16,6 15,3 3,3 100,0
Source : S. Belghazi (1997) Concurrence Interne et Compétitivité Externe de l’Industrie Marocaine, Publications
du CERAB, p. 261.
En effet, les déclarations des entreprises montrent qu’une plus grande proportion
des entreprises orientées vers le marché intérieur et exportant de manière
marginale présente des performances meilleures que celles des entreprises à
vocation exportatrice. Ceci peut sembler assez logique vue le degré de la
concurrence sur les marchés internationaux et la protection dont jouissent les
entreprises qui produisent pour le marché local, chose qu’il faudrait mettre
plutôt à l’actif des entreprises exportatrices qui semblent être mieux armées pour
confronter la levée progressive des barrières protectionnistes dans les années à
venir.
Enfin, la ventilation du rapport prix-coût des entreprises industrielles selon le
régime du marché confirme la dispersion des performances de ces entreprises.
de base, le matériel électrique, le caoutchouc.
280
Ainsi, dans les branches de type concurrentiel, la dispersion semble être
l’élément dominant, alors qu’elle est plus faible dans les branches de type
monopoliste. Si le poids des activités non performantes est plus fort dans les
branches concurrentielles, il apparaît que dans les branches monopolistiques la
dispersion est moins forte (le poids des activités à haute ou à faible rentabilité
est plutôt faible).
Tableau 5.18 : Répartition des ventes par type de marché suivant le niveau
du rapport prix-coût
Régime du
marché local
Rapport prix-coût (en % de la ligne) CATTC ( %
de la colonne) < 1 1 – 1,05 1,05 – 1,10 1,10 – 1,25 > 1,25
Concurrentiel
Concentré
Oligopolistique
Monopolistique
24,2
9,1
35,1
1,4
51,6
56,1
14,4
39,5
12,4
14,8
12,5
56,5
7,7
16,4
35,8
2,0
4,1
3,6
2,3
0,6
38,9
36,5
17,2
7,4
Ensemble 18,9 46,0 6,6 15,3 3,3 100,0
Source : S. Belghazi (1997) Concurrence Interne et Compétitivité Externe de l’Industrie
Marocaine, Publications du CERAB, p. 262.
Pour les branches caractérisées par des marchés concentrés, la plupart des
entreprises réalisent un taux de marge compris entre 0 et 10%. En revanche, les
branches oligopolistiques se caractérisent par une plus grande dispersion des
performances avec un poids relativement important des entreprises ayant une
performance faible ou moyenne. L’explication de liaison nette entre la
rentabilité et les structures de marché s’explique par le fait que le pouvoir de
marché (attribué par la concentration) est conditionné par le niveau de protection
vis-à-vis de la concurrence étrangère en ce sens où la libéralisation des
importations de certains secteurs a constitué depuis le milieu des années 80 une
certaine concurrence pour la production nationale.
281
5.5.2.2 Productivité du travail et salaires
Le secteur industriel marocain est marqué par un fort dualisme opposant, d’un
côté, des entreprises à productivité élevée, et de l’autre, des entreprises à faible
productivité. Cette situation se résume dans la relation suivante : plus la
productivité est faible, plus le salaire est bas. Ainsi, le salaire moyen du secteur
industriel était supérieur en moyenne de 52% au niveau du SMIG. Il était
supérieur de 23% au SMIG dans les entreprises employant moins de 50 salariés
qui représentent la moitié de l’effectif des entreprises. En revanche, les
entreprises employant plus de 100 salariés payaient un salaire moyen supérieur
ou égal au double du SMIG. Cependant, il y avait plu de 2000 entreprises qui
versaient des salaires inférieurs au SMIG dont plus de 200 réalisant un chiffre
d’affaires compris entre 5 et 15 millions de dirhams.
L’analyse des entreprises industrielles selon les salaires payés et la taille
exprimée par le chiffre d’affaires permet de ressortir les remarques suivantes :
- La faiblesse de la productivité est un phénomène généralisé touchant la
majorité des petites et moyennes entreprises, mais également observable dans
quelques grandes entreprises. Il est, toutefois, clair que l’aptitude des écarts de
productivité est d’autant plus élevée que la taille de l’entreprise est grande. Dans
la classe de chiffre d’affaires supérieure à 50 millions de dirhams, le coefficient
de variation est proche de 1, alors que dans les autres classes ce coefficient est
voisin de 0,5. En revanche, la productivité apparente du travail139
est croissante
de manière stricte et quasi-continue en fonction de la taille de l’entreprise et du
niveau du salaire moyen payé. Ce phénomène reflète les deux composantes
principales de la productivité, à savoir les économies d’échelle140
et le
compromis salarial141
.
- Les combinaisons de productivité et de salaires définissent un véritable
139
La productivité apparente du travail est mesurée par le chiffre d’affaires par emploi. 140
Plus la masse de facteurs de production mobilisée dans la production est élevée, plus le rendement de chaque
unité de facteur de production mobilisé sera grand. 141
Plus les profits seront partagés, plus le travail est mené de manière intensive et créatrice induisant divers types
282
dualisme traversant l’ensemble des branches industrielles. Ce dualisme est
observable dans toutes les branches sans exception. La tranche des entreprises
payant un salaire moyen supérieur de 0 à 20% au SMIG représentant une
véritable frontière de productivité. Certaines branches sont, à l’évidence, des
lieux de concentration des activités à bas salaires : habillement, industries
alimentaires, textile, cuir, matériaux de construction.
Ces caractéristiques permettent d’opposer deux types de comportements dans les
entreprises : d’une part, celles qui tablent sur le faible coût de la main d’œuvre et
préfèrent des processus à forte densité en travail non qualifié et une gestion
inefficiente de la force de travail, et d’autre part, celles qui choisissent les
techniques et accordent des salaires incitatifs de manière à optimiser le potentiel
productif des ressources humaines et matérielles mobilisées.
Les entreprises du premier type procèdent à une utilisation inefficiente de la
force de travail, dépensant beaucoup plus d’énergie humaine et mobilisant peu
d’encadrement et de travail qualifié. Se refusant à substituer des machines à une
force de travail dévalorisée, elles se contentent souvent de la fabrication d’un
produit de qualité médiocre. Toutefois, elles peuvent être compétitives d’une
manière durable sur le marché local en raison des bas salaires et de la fraude
fiscale. En revanche, elles perdent progressivement leurs atouts sur le marché
international car leurs concurrents se modernisent et introduisent des
innovations de productivité.
Les entreprises du second type sont parfois à la pointe des techniques
internationales. Elles préfèrent souvent s’équiper en matériel mécanisé ou
automatisé, pour éviter les problèmes de gestion posés par une main d’œuvre
que l’environnement social rend inadaptée aux tâches d’une industrie moderne.
Ces entreprises paient des salaires d’un niveau honorable en proportion de la
productivité de leurs employés. Cependant, elles subissent des entraves à leur
compétitivité interne et externe.
d’économies d’efficience.
283
De manière globale, la flexibilité de l’appareil productif semble limitée.
L’analyse de la dispersion des rentabilités révèle que la tendance dominante est
celle de la disparité des taux de profit. Ainsi, malgré la baisse notable du niveau
des disparités durant la période de l’ajustement structurel, la flexibilité des
structures reste insuffisante (les investissements potentiels confrontent encore
d’importantes barrières à l’entrée des branches, notamment la taille du marché
intérieur, la difficulté de conquérir de nouveaux créneaux à l’exportation et, plus
souvent, la lourdeur de l’investissement initial). D’un autre côté, l’existence
d’une relation nette entre propriété du capital, comportement et performance des
entreprises reste partiellement occultée par les conditions de fonctionnement
interne des entreprises notamment la relation salariale.
5. 6 Conclusion
Malgré l’évolution positive de la structure des marchés depuis la seconde moitié
de la décennie 80, l’industrie marocaine reste encore marquée par le poids
important joué par les grandes entreprises dans l’activité de la production. En
effet, malgré le nombre élevé des petites et moyennes entreprises industrielles,
leur poids économique reste encore assez faible. Par conséquent, les marchés
marocains restent caractérisés par une forte concentration et des barrières à
l’entrée très élevées qui empêchent la libre circulation du capital et la mise en
place d’un régime concurrentiel susceptible d’assurer une meilleure allocation
des ressources. D’ailleurs, ces caractéristiques structurelles influent nettement
sur le niveau et la dispersion des performances des entreprises industrielles. En
effet, l’analyse de la dispersion de la rentabilité révèle une grande disparité des
taux de profit et d’une flexibilité globale limitée de l’appareil productif et d’une
faible mobilité du capital. Cette situation s’avère, donc, anormale d’autant plus
que les entreprises les plus rentables ne tiennent pas leur avantage d’une gestion
efficace ou d’un accroissement de leur productivité, mais plutôt d’une relation
284
fondée sur un partage généralement défavorable aux salariés.
285
Chapitre 6:
Intégration Verticale dans l’Industrie Manufacturière
Marocaine: Essai de Vérification Empirique
6.1 Introduction
Le secteur industriel occupe une place importante dans le tissu productif de
l’économie marocaine tant au niveau de la création de la richesse que celui de
l’emploi. L’importance de ce secteur s’est affirmée davantage depuis l’adoption,
par le Maroc, du programme d’ajustement structurel et l’instauration d’une
multitude de réformes économiques et institutionnelles. Ces réformes se sont
traduites, au niveau industriel, par une déréglementation progressive de ce
secteur à travers le désengagement du capital public de l’activité de production
et l’institution du libre jeu de la concurrence. Toutefois, l’aboutissement de
toutes ces réformes et le développement du secteur industriel restent largement
tributaires des structures internes du tissu industriel et de ses performances
économiques.
Dans ce contexte, l’étude du degré d’intégration verticale des industries
marocaines semble d’une grande importance dans l’évaluation du degré
d’efficience des structures verticales de ces industries. Cette évaluation
intéressera, essentiellement, le niveau d’intégration verticale au sein des
industries manufacturières, l’explication de ce niveau en se référant aux théories
de l’intégration verticale et l’examen de ses effets sur les performances
économiques. Pour ce faire, nous passerons en revue les méthodes et les
286
techniques utilisées par les principales études empiriques sur l’intégration
verticale avant de mesurer le degré d’intégration des industries manufacturières
marocaines. Ensuite, nous tenterons de vérifier empiriquement les principaux
déterminants de l’intégration verticale et effets sur les performances
économiques.
6.2 Les études empiriques de l’intégration verticale
Les méthodes utilisées dans ce contexte portent généralement sur les études
interindustrielles ou celles spécifiques à une industrie.
6.2.1 Les études interindustrielles
Il s’agit des études transversales recourant aux données économiques et
comptables des entreprises et branches industrielles pour expliquer les relations
susceptibles d’exister entre l’intégration verticale et les différentes variables
explicatives. Plusieurs de ces études se fondent sur le paradigme de l’économie
industrielle qui fait référence à la trilogie: structure-stratégie-performance. Dans
ce sens, les performances des branches industrielles se manifestent par la
profitabilité des entreprises, l’efficience de la production, le rythme du progrès
technique ou l’expansion du marché. Elles dépendent de la stratégie des firmes
aussi bien dans la détermination des prix que la publicité et la recherche et
développement. De ce fait, l’objectif des entreprises, leur degré de collusion ou
de compétition jouent un rôle très important142 .
A Titre d’exemple, des profits élevés (performance) supposent une collusion
entre les firmes en matière de prix (stratégie) elle-même permise par une forte
concentration dans la branche (structure). De même, l’intensité du progrès
technique (performance) implique un effort de recherche (stratégie) qui peut être
favorisé lorsque les entreprises sont protégées de la concurrence potentielle par
142
La stratégie dépend à son tour de la structure du marché: la différenciation des produits, la concentration,
l’intégration verticale et les barrières à l’entrée, (c’est-à-dire des facteurs qui déterminent l’intensité de la
concurrence) (Scherer (1990), p. 04).
287
l'existence de barrières à l’entrée. Enfin, l’expansion du marché (performance)
suppose une politique de promotion des ventes (stratégie) qui peut être stimulée
par un degré modéré de concentration (structure) considéré comme facteur
favorable à la concurrence publicitaire.
Cependant, l’enchaînement causal structure-stratégie-performance n’est pas le
seul type de relation concevable. Le degré de concentration et d’intégration
(structures) peut être modifié, au moins à la longue, sous l’effet des stratégies de
firmes et/ou de leurs performances. Par exemple, une rentabilité élevée
(performance) favorise l’entrée de nouveaux concurrents sur le marché et
contribue à atténuer le degré de concentration. De même, le progrès technique
induit par les activités de la recherche-développement (stratégie) affecte les
conditions de coût et de demande, et par le même, la structure de marché. A plus
court terme, les campagnes publicitaires modifient les parts de marché des
entreprises et par conséquent la concentration. Plus généralement, les
différences d’efficience entre firmes affectent les profits et les parts de marché et
donc la profitabilité et la concentration de la branche. La relation structure-
stratégie-performance est donc réversible et par là complexe143.
Dans ce contexte, l’intégration verticale est appréhendée comme une variante
des structures de marché dont le degré et l’étendue sont déterminés par les
conditions de base, les interactions avec les autres variantes structurelles et les
effets réversibles des stratégies des firmes. De même, le degré d’intégration
influe de façon directe et/ou indirecte sur le comportement des entreprises, les
conditions de base et les performances des entreprises et des branches
industrielles.
6.2.2 Les études spécifiques à une industrie
Le second type d’études adopte des méthodologies hétérogènes et diversifiées
143
Pour une présentation de la stratégie structure-stratégie-performance voir Benzoni « Industrial Organization-
Industrial Economics: Les développements d’une discipline », in Traité d’Economie Industrielle, édité par
Arena et al, édition Economica, 1988, pp. 133-159.
288
qui se caractérisent principalement par l’adoption d’un degré d’analyse plus
microanalytique que celui de la théorie standard des prix144
. Ces travaux
cherchent particulièrement à vérifier empiriquement les hypothèses de la théorie
des coûts de transaction par une confrontation de ces hypothèses à la réalité des
organisations et des marchés, bien que les données comptables soient souvent
mal adaptées aux besoins de l’économie des coûts de transaction. Ceci est dû
essentiellement à l’insuffisance de la distinction entre coûts fixes et coûts
variables de mettre en évidence les questions centrales relatives à la spécificité
des actifs.
Figure 6-1: Distinction des coûts
Source: O.Williamson (1985) The Economic Institutions of Capitalism, New York Free Press, p. 7
En effet, de nombreux actifs, considérés comme fixes par les comptables, sont
en fait redéployables. A titre d’exemple, les équipements et les constructions à
caractère général situés dans un lieu central, les actifs durables mais mobiles tels
que les camions et les avions sont généralement redéployables. En revanche,
144
Ces études s’intéressent à des transactions spécifiques soumises au choix institutionnel de « produire ou
acheter ».
Actifs fixes (F) Actifs variables (V)
Actifs non spécifiques ( K ) Actifs non spécifiques ( K )
Actifs spécifiques
( K )
Actifs spécifiques
( K )
Distinction Comptable: Actifs Fixes (F) et Variables (V)
Distinction contractuelle: Actifs Spécifiques ( K ) et Non Spécifiques ( K )
289
certains actifs, inscrits comme variables par les comptables, restent
irrécupérables. Le capital humain spécifique à la firme en est une illustration.
La distinction des coûts est donc, faite selon qu’ils soient fixes (F) ou variables
(V). Mais ils peuvent également être classés selon le degré de spécificité. Ainsi,
la fixité d’un actif de l’entreprise, selon la distinction comptable, n’implique pas
automatiquement sa spécificité et vice versa. Par conséquent, certains
économistes (Stuckey (1983), Joskow (1985), Goldberg et Erickson (1982)) ont
tenté de recueillir eux-mêmes les données nécessaires en adoptant généralement
des approches qualitatives qui ne sont pas souvent adaptées à des traitements
statistiques, mais qui touchent des côtés plus profonds de la question et du
problème traités. Ceci n’a, cependant, pas empêché l’apparition de nombreuses
études quantitatives utilisant des techniques statistiques pour vérifier les
hypothèses et les prédictions de la théorie des coûts de transaction145
.
La classification, proposée, des études empiriques sur l’intégration verticale
repose donc sur deux critères essentiels : le premier se rapporte au niveau du
découpage du système productif et le second se réfère aux techniques
statistiques utilisées. Mais, le point commun à toutes ces études est, sans doute,
la difficulté de mesure de l’intégration verticale liée au problème de sa définition
d’une part, et au caractère confidentiel des données nécessaires pour la mesurer
de l’autre. La résolution de ces problèmes suppose, donc, l’utilisation de
données relativement agrégées et le choix d’une mesure adéquate de
l’intégration verticale. Dans ce contexte, nous proposons d’étudier le degré
d’intégration des industries manufacturières marocaines en adoptant une
approche interindustrielle. Cette étude consiste, en premier lieu, à choisir une
mesure adaptée au niveau de découpage retenu, et en second lieu, à vérifier les
hypothèses théoriques se rapportant aux déterminants de l’intégration verticale
145
Parmi les techniques utilisées par ces études, on peut citer notamment les modèles statistiques utilisant les
techniques probit dans les quels les attributs des transactions sont associés à une forme organisationnelle
(Monteverde et Teece (1982)) et les tests bivariés qui associent les attributs des transactions aux modes
contractuels (Masten (1984), Palay (1984)).
290
et à ses effets sur les performances économiques des industries manufacturières
au Maroc.
6.3 Mesure du degré d’intégration verticale dans l’industrie manufacturière
au Maroc
Le problème de mesure de l’intégration verticale reste majeur dans tout travail
empirique visant à étudier le degré d’intégration que ce soit au niveau d’une
firme ou au niveau d’une industrie. Généralement, une entreprise est dite
intégrée si elle satisfait ses besoins en un bien en le produisant elle-même. En
d’autres termes, le degré d’intégration verticale peut être exprimé par
l’importance des transferts internes d’un bien en comparaison avec le recours au
marché. Cependant, il est souvent difficile d’évaluer l’importance des transferts
internes qui s’opèrent au sein d’une firme. D’une part, les documents
comptables tenus par les entreprises sont incapables de fournir une idée sur ce
type de transferts. D’autre part, ce type d’informations est souvent confidentiel
et par conséquent ne peut être mis à la disposition des personnes extérieures à la
firme.
En vue de contourner ces difficultés, nous étions contraints de construire une
mesure basée sur des données relativement agrégées. Ainsi, nous tenterons de
mesurer le degré d’intégration des différentes industries manufacturières
marocaines en utilisant des données basées sur la classification à trois chiffres et
à deux chiffres de la nomenclature nationale. Cette démarche est d’une grande
utilité dans la mesure où elle permet la comparaison du degré d’intégration entre
les différentes industries marocaines, chose qui ne peut être possible avec une
analyse basée sur des données individuelles des entreprises industrielles.
Avant de présenter la mesure choisie du degré d’intégration verticale, il nous
semble utile de décrire, d’abord, la classification des entreprises industrielles
291
selon la nomenclature nationale. Cette dernière propose quatre classifications
différentes allant d’un chiffre à quatre:
- La classification à un chiffre distingue quatre secteurs industriels: les industries
agro-alimentaires, les industries de textile et du cuir, les industries chimiques et
parachimiques et les industries métalliques, mécaniques et électriques.
- La classification à deux chiffres distingue 18 branches ou sous-secteurs
industriels (voir annexes).
- La classification à trois chiffres distingue 98 segments ou sous-branches
industriels (voir annexes).
- La classification à quatre chiffres distingue 224 activités industrielles.
6.3.1 Présentation de la mesure d’intégration
En raison des limites des mesures de l’intégration verticale proposées par la
théorie économique, nous choisirons un indice mieux adapté à une analyse
comparative s’inspirant essentiellement de celui proposée par Caves et Bradburd
(1988). Cet indice est construit sur la base de données de la matrice entrée-sortie
et présente, ainsi, une grande similitude avec la mesure de Maddigan (1981).
Mais, contrairement à celle-ci, l’indice de Caves et Bradburd permet de mesurer
le degré d’intégration au niveau d’une industrie dans son ensemble et ne
nécessite pas des données individuelles des entreprises qui en font partie. Cette
particularité nous sera d’une grande utilité dans le contexte marocain caractérisé
par une absence quasi-complète de données individuelles des entreprises
industrielles. Cet avantage n’est, pourtant, pas le seul de cet indice qui permet,
également, de mettre en évidence la dimension économique de l’intégration
verticale puisqu’il est construit en se basant sur les échanges interindustriels
contrairement à d’autres indices qui insistent sur la dimension technologique,
notamment ceux proposés par Chapman et Ashton (1914) et Gort (1962). La
dernière particularité de l’indice de Caves et Bradburd est son adéquation aux
modèles transactionnels de l’intégration verticale qui ne mettent pas l’accent sur
292
les transferts administratifs entre les entreprises
Pour ce faire, nous utiliserons la matrice entrée-sortie de l’économie marocaine
de l’année 1990 construite par Bussolo et Roland-Holst (1993) qui retrace les
échanges interindustriels sur la base d’une classification à trois chiffres en plus
de données issues des enquêtes annuelles du Ministère de l’Industrie et du
Commerce auprès des entreprises industrielles. Formellement, la mesure de
l’intégration verticale peut être écrite comme suit:
VI bN
Ni ij
i
j
N
( . )1
(6.1)
avec VI i : Indice d’intégration verticale de l’industrie i.
bij : Part de l’output de l’industrie i utilisée par l’industrie j.
N i : Nombre d’industries liées verticalement à l’industrie i
N : Nombre total des industries.
La valeur de l’indice est comprise entre 0 et 1. Les industries caractérisées par
un degré élevé d’intégration ont un indice qui tend vers l’unité. En revanche,
celles ayant un faible degré d’intégration ont un indice qui tend vers zéro.
6.3.2 Le degré d’intégration des industries manufacturières marocaines
L’industrie manufacturière marocaine présente deux principales
caractéristiques :
- Une faiblesse du degré moyen d’intégration de l’ensemble des industries.
- Une grande dispersion du degré d’intégration de ces industries.
Ces caractéristiques sont confirmées, à la fois, par les résultats de la mesure de
l’intégration effectués selon la classification industrielle à trois chiffres et à deux
chiffres.
En ce qui concerne les résultats de mesure de l’intégration des segments
industriels (classification à trois chiffres), nous relevons une grande faiblesse de
l’indice moyen d’intégration des industries manufacturières qui est à peine égal
293
à 0,18. Cette moyenne est, d’autant plus, nuancée par la grande dispersion qui
caractérise l’indice des différents segments. En effet, les valeurs les plus faibles
de l’indice sont presque nulles pour certaines industries, alors que pour d’autres,
ces valeurs avoisinent le seuil de 0,7. Toutefois, la répartition des différents
segments, selon le degré d’intégration, révèle une grande concentration de ces
derniers dans la première tranche regroupant les industries ayant un indice
inférieur à 0,1. Celle-ci contient, à elle seule, la moitié de l’effectif alors que la
seconde moitié est répartie de façon relativement équitable entre les autres
tranches. Il faut noter, enfin, que sur les 98 segments recensés par la
nomenclature nationale, il y a seulement 13 qui ont un indice d’intégration
supérieur ou égal à 0,4.
Tableau 6.1: Répartition du nombre de segments industriels selon le degré
d’intégration verticale (classification à 3 chiffres)
Classes Nombre de Segments % Cumulés %
[0 – 0.1[ 49 50.00 49 50.00
[0.1 - 0.2[ 9 9.18 58 59.18
[0.2 - 0.3[ 12 12.24 70 71.42
[0.3 - 0.4[ 15 15.31 85 86.73
> 0.4 13 13.27 98 100.00
Total 98 100.00 - -
De façon similaire, les résultats relatifs au degré d’intégration verticale des
branches industrielles (classification à deux chiffres) montrent clairement la
faiblesse et la dispersion du degré d’intégration des industries manufacturières
marocaines. On note, à ce niveau, un indice moyen égal à 0,19 qui est équivalent
à celui obtenu sur la base de la classification à trois chiffres. Il en est de même
pour la dispersion du degré d’intégration des branches industrielles en ce sens
que les valeurs de l’indice varient entre 0,00003 et 0,67 et constituent, ainsi, un
intervalle identique à celui issu de la classification précédente. Nous relevons,
toutefois, une légère différence quant à la répartition des branches industrielles
entre les différentes classes. La concentration des branches dans la première
294
tranche est, en effet, relativement moins importante comparativement à la
classification à trois chiffres dans la mesure où 44,44% seulement des branches
ont un indice inférieur à 0,1. Cette différence n’affecte, cependant, pas la
concordance des résultats de mesure du degré d’intégration relatifs aux deux
classifications.
Tableau 6.2: Répartition du nombre de branches industrielles selon le degré
d’intégration verticale (classification à deux chiffres)
Classes Nombre de branches % Cumulés %
[0 - 0.1[ 8 44.44 8 44.44
[0.1 - 0.2[ 3 16.67 11 61.11
[0.2 - 0.3[ 2 11.11 13 72.22
[0.3 - 0.4[ 3 16.67 16 88.89
> 0.4 2 11.11 18 100.00
Total 18 100.00 - -
En ce qui concerne le classement des divers segments industriels, nous relevons
un faible degré d’intégration des segments appartenant aux branches des
industries alimentaires (10), des autres industries alimentaires (11) et des
boissons et tabacs (12) qui constituent le secteur des industries agro-
alimentaires. En effet, les moyennes de l’indice d’intégration de ces segments
sont respectivement 0.0347 pour la première, 0.0116 pour la seconde et 0.0048
pour la troisième branche. C’est le cas, également, des branches appartenant aux
industries mécaniques et électriques et celles de l’habillement dont les moyennes
de l’indice d’intégration sont respectivement de 0.0162 pour celle de la
construction des machines et du matériel d’équipement (21), 0.0481 pour celle
du matériel électrique et électronique (23), 0.0032 pour celle des machines de
bureaux et instruments de précision (24) et une moyenne presque nulle pour
l’industrie de l’habillement (14). Enfin, on retrouve les segments appartenant
aux autres industries manufacturières (27) et ceux de l’industrie du matériel de
transport (22), en particulier, ceux relevant de la construction ferroviaire, navale
et aéronautique.
295
Tableau 6.3: Degré d’intégration des branches industrielles(a)
Classes Codes des branches
[0 - 0.1[ 27-24-23-22-21-14-12-11-10
[0.1 - 0.2[ 16-15
[0.2 - 0.3[ 18
[0.3 - 0.4[ 26-17-20
> 0.4 25-19-13 (a): Le classement est basé sur l’indice d’intégration verticale
selon la classification à trois chiffres.
En revanche, les indices les plus élevés se rapportent essentiellement aux
segments appartenant aux industries de la chimie et la parachimie (25) dont la
moyenne de l’indice est de l’ordre de 0.37, aux industries de textile (13) dont la
moyenne avoisine 0.54 et aux industries métalliques de base (19) dont l’indice
moyen atteint 0.67.
A un niveau intermédiaire, on trouve l’industrie de caoutchouc et plastique (26),
celle des ouvrages en métaux (20), celle du papier et du carton (17) et certains
segments de l’industrie du matériel de transport (fabrication de véhicules et des
motocycles) dont la valeur de l’indice est comprise entre 0.3 et 0.4, et celles du
cuir (15) et du bois (16) avec un indice compris entre 0.1 et 0.2.
Tableau 6.4: Degré d’intégration verticale des branches industrielles
(classification à deux chiffres)
Classes Codes des branches
[0 - 0.1[ 10-11-12-14-21-23-24-27
[0.1 - 0.2[ 16-15-22
[0.2 - 0.3[ 18-26
[0.3 - 0.4[ 25-20-17
> 0.4 19-13
Les résultats obtenus en utilisant des données basées sur la classification à deux
chiffres présentent une grande similitude avec les précédents tant au niveau des
valeurs prises par l’indice qu’à celui du classement des différentes industries. En
effet, on trouve à la tête des industries les plus intégrées les produits métalliques
296
de base (19) et des produits de textile (13) ayant des indices égaux à 0.67 et 0.61
respectivement. A un niveau intermédiaire, on retrouve les branches des
ouvrages en métaux (20) et des produits de la chimie et la parachimie (25) avec
des indices d’intégration supérieurs à 0.3. Les branches de l’habillement (14) et
des autres industries manufacturières (27) viennent, quant à elles, au dernier
rang puisque les valeurs des indices tendent vers zéro.
Ainsi, le niveau d’agrégation des données ne semble avoir aucune une influence
sur les valeurs de l’indice d’intégration ou sur le classement des différentes
industries. On note, en effet, une grande concordance entre les résultats obtenus
sur la base des données correspondant à la classification industrielle à trois
chiffres et ceux relevant de la classification à deux chiffres, chose qui donne
plus de crédibilité à ces résultats et à la validité de l’indice retenu pour mesurer
le degré d’intégration verticale.
Tableau 6.5: Classement décroissant des branches industrielles
selon le degré d’intégration verticale
Codes Branches IV
19 Industrie Métallique de Base 0.67120
13 Produits Textiles et Bonneterie 0.61280
17 Papier, Carton et Imprimerie 0.39970
20 Ouvrages en Métaux 0.36250
25 Produits de la Chimie et de la Parachimie 0.33490
26 Articles en Caoutchouc ou Plastique 0.28500
18 Produits Issus des Matériaux de Carrière 0.26320
22 Matériel de Transport 0.17750
15 Cuir et Chaussures en Cuir 0.14380
16 Bois et Articles en Bois 0.12000
23 Matériel Electrique et Electronique 0.05250
10 Produits des Industries Alimentaires 0.04400
21 Machines et Matériel d'Equipement 0.01770
11 Autres Produits des Industries Alimentaires 0.01430
24 Machines de Bureau et Instruments de Précision 0.00580
12 Boissons et Tabacs 0.00540
27 Autres Industries Manufacturières 0.00060
14 Habillement à l’Exclusion des Chaussures 0.00003
297
6.3.3 Interprétation des résultats
Sur le plan sectoriel, le classement des industries selon le degré d’intégration
verticale place en tête le secteur des industries de textiles et du cuir, suivi de
celui des industries chimiques et parachimiques et celui des industries
métalliques et mécaniques. En revanche, le secteur le moins intégré est
particulièrement celui des industries agro-alimentaires et, dans une moindre
mesure, celui des industries électriques et électroniques. Toutefois, on relève
une dispersion, plus ou moins importante, du degré d’intégration des branches
d’un même secteur d’activité. Cette remarque intéresse également la
comparaison du niveau d’intégration des segments relevant d’une même branche
industrielle. Néanmoins, l’interprétation des résultats au niveau des branches
industrielles nous semble suffisamment significative pour relever les
caractéristiques structurelles de l’industrie marocaine.
Ainsi, les branches industrielles les plus intégrées sont d’une part, celle des
produits métalliques de base qui se caractérise par une grande intensité
capitalistique et des économies d’échelle relativement importantes, ce qui
explique la prédominance de la participation du capital public et l’absence quasi
complète du capital privé, et d’autre part, celle des produits de textile et de
bonneterie qui, à l’opposé de la première, se caractérise par une moindre
intensité capitalistique, une forte utilisation de la main d’œuvre et une forte
présence du capital privé. Les deux branches se différencient, également, par
l’orientation des marchés puisque la production de la première est exclusivement
destinée au marché local alors que la seconde est destinée, en grande partie, à
l’exportation. Ensuite, on trouve les branches de l’industrie chimique et
parachimique qui sont dans une situation intermédiaire entre les deux premières
branches que ce soit en terme d’intensité capitalistique, de structure du capital
ou d’orientation du marché. Il faut noter, cependant, que les différentes branches
de l’industrie chimique se caractérisent par une faible dispersion du degré
298
d’intégration.
A l’opposé, les branches les moins intégrées appartiennent, essentiellement, au
secteur des industries agro-alimentaires. Ces branches sont caractérisées par une
participation exclusivement privée du capital et une faible intensité
capitalistique (à l’exception de la branche des boissons et tabacs dont la
structure du capital est essentiellement de nature publique). De même, la filière
des produits alimentaires inclue un nombre très réduit de stades verticaux et la
plupart de la production est destinée directement à la consommation finale. Ceci
n’est, cependant, pas le cas des industries électriques et électroniques dont le
degré d’intégration reste très faible en raison de la jeunesse de cette filière et
l’importance du savoir technologique et la haute qualification de la main
d’œuvre qu’elle requiert.
Cependant, l’analyse de la faiblesse et de la dispersion du degré d’intégration
des industries manufacturières marocaines sera probablement plus évidente lors
de la vérification empirique des hypothèses sur les déterminants de l’intégration
verticale des entreprises industrielles.
6.4 Déterminants et effets de l’intégration verticale sur les performances
industrielles
La seconde partie de l’essai empirique tente de vérifier les principales
hypothèses avancées par la théorie de l’intégration verticale. Pour ce faire, nous
donnerons d’abord un bref rappel des prédictions théoriques. Ensuite, nous
présenterons les différentes variables et la spécification des différents modèles
économétriques. Enfin, nous avancerons les résultats de l’estimation des
modèles avec leur interprétation.
6.4.1 Rappel des principales prédictions théoriques
Les principaux apports de la théorie de l’intégration portent sur ses déterminants
et ses effets. Il semble, donc, utile de rappeler les principales explications
299
avancées par la théorie du monopole et celle de l’efficacité et souligner, par la
suite, les principales sources d’économies et de déséconomies qu’occasionne
l’intégration verticale.
6.4.1.1 Les déterminants de l’intégration verticale
Il y a deux grandes théories explicatives de l’intégration verticale:
- La théorie du monopole qui explique l’intégration verticale des firmes par leur
volonté d’exploiter, de renforcer ou d’étendre leur pouvoir de monopole aux
stades amont et aval. Ainsi, l’intégration verticale est observée essentiellement
dans les industries où au moins l’un des deux stades verticaux est
monopolistique (Perry (1989)). L’imperfection des marchés implique
notamment des distorsions entraînant des inefficacités dans l’allocation des
ressources146
. L’intégration verticale se justifie, dans ces cas, par le désir de la
firme d’éliminer ces distorsions et d’exploiter, par la même, le pouvoir de
monopole dont elle dispose. De même, l’intégration verticale peut être expliquée
par des considérations stratégiques visant à réduire la concurrence effective ou
potentielle (elle peut être utilisée pour ériger des barrières à l’entrée ou comme
moyen de forclusion des autres concurrents). Dans ce cas, l’intégration n’est
plus justifiée par le désir d’améliorer l’efficience dans l’allocation des
ressources, mais, plutôt, par des considérations anticoncurrentielles souvent
préjudiciables au bien-être social. Enfin, l’intégration verticale peut apparaître
sur des marchés concurrentiels caractérisés par des problèmes d’incertitude
(demande ou offre aléatoires) et d’asymétrie de l’information (problèmes
d’agence et d’utilisation de l’information à des fins stratégiques). Dans ces cas,
elle est justifiée par son aptitude à internaliser l’incertitude et à éliminer, ou du
moins, à minimiser l’asymétrie de l’information.
- La théorie de l’efficacité (Williamson (1985)) qui explique l’intégration
146
Distorsion de la double marge dans le cas de deux monopoles successifs, problème de négociation sur le prix
de transfert dans un monopole bilatéral, distorsion des proportions variables en cas de substituabilité des
inputs....
300
verticale des entreprises par l’importance des coûts de transaction dans certains
marchés. La théorie des coûts de transaction considère que la firme, le marché et
les formes hybrides sont des formes organisationnelles destinées à coordonner
l’activité économique. Par conséquent, le choix entre ces formes dépend
principalement du souci d’efficacité dans la coordination de la production.
Ainsi, l’intégration verticale est rencontrée dans les situations où la relation
d’échange est caractérisée par des coûts de transaction élevés. Ces derniers
s’expliquent par des considérations humaines (rationalité limitée et
opportunisme) et des considérations environnementales (petit nombre,
incertitude, complexité et asymétrie de l’information). C’est la conjonction de
ces facteurs qui entraîne l’échec des marchés et le triomphe de la firme en tant
que structure de gouvernance. D’une façon plus opérationnelle, l’intégration
verticale est préconisée là où les relations d’échange sont caractérisées par une
fréquence importante et une spécificité élevée des actifs engagés dans ces
relations. La fréquence de l’échange et la spécificité des actifs finissent par
renfermer, dans une situation de monopole bilatéral, des parties qui étaient au
départ dans une situation de concurrence (transformation fondamentale), ce qui
rend difficile, ex post, une relation contractuelle réunissant ces parties.
En se basant sur les explications des deux théories, on peut donc construire un
modèle économétrique où l’intégration verticale sera expliquée par un certain
nombre de variables indépendantes choisies sur la base des hypothèses de la
théorie de l’intégration verticale.
6.4.1.2 Effets de l’intégration verticale sur les performances économiques
Il y a une grande controverse, au niveau théorique et empirique, à propos des
effets de l’intégration verticale sur les performances des firmes et des industries.
Cette controverse intéresse essentiellement l’hypothèse de la profitabilité de
l’intégration verticale qui est difficile à confirmer ou à réfuter tant sur le plan
théorique qu’empirique.
301
6.4.1.2.1 Aperçu sur la nature des critères de performance en économie
industrielle
L’évaluation des performances au niveau d’une industrie ou au niveau d’une
firme n’est pas toujours facile à cause des difficultés relatives à son
identification. Pour certains, il s’agit de mettre l’accent essentiellement sur les
performances qui traduisent une allocation efficace des ressources pour savoir si
les besoins totaux des individus sont maximisés ou non. Concrètement, cela doit
pouvoir se mesurer par l’estimation de la flexibilité des prix qui montre
comment le système de marché peut remplir son rôle, ou d’une estimation des
variations des niveaux de profits et de coûts. Pour les autres, il s’agit surtout de
mettre l’accent particulièrement sur les performances clés des économies
modernes, performances souvent contradictoires entre elles mais non moins
déterminantes, telles que le rythme de croissance des dimensions des marchés, la
rapidité des innovations, la vitesse de diffusion du progrès ou l’influence sur la
répartition des revenus. Ces deux approches aboutissent, cependant, à privilégier
des performances qui peuvent être incompatibles.
En présence de structures de marché différentes, les indicateurs suivants
permettent de mieux mesurer les disparités des performances sur ces marchés:
- Le niveau des prix durablement élevés reflète, presque toujours, une
domination permanente de certains producteurs.
- Des taux de profits continuellement divergents traduisent la présence
d’éléments monopolistiques et la présence de barrières à l’entrée.
L’utilisation de ces indicateurs suscite, cependant, un certain nombre de
remarques et de précautions dont on doit tenir compte:
- Il importe, tout d’abord, de déterminer si les performances observées diffèrent
ou non de celles réalisées dans une structure concurrentielle; ce qui n’est pas
facile car les différences de structures n’ont pas seulement des effets sur les prix,
302
mais également sur les coûts ou le rythme d’innovations...
- Il convient, ensuite, de préciser que l’analyse de la séquence structure-
stratégie-performance est beaucoup plus compliquée que les diverses analyses
théoriques le laisseraient supposer. Dans les modèles traditionnels de
concurrence pure et parfaite ou de monopole, la structure constatée oblige la
firme à définir un niveau de production correspondant à une égalisation des
coûts et revenus marginaux. Un tel niveau de production représente
automatiquement une bonne performance et le lien entre structure et
performance s’avère très évident. En revanche, l’étude des relations structures-
performances est beaucoup plus complexe dans la réalité puisqu’il importe de
rejeter l’hypothèse d’un type de comportement unique (maximisation des
profits) d’une part, et de prendre en compte tout un ensemble de politiques
complexes et variées, relevant du comportement des firmes de l’autre.
- Enfin, les mesures traditionnellement retenues pour mesurer les performances
des firmes ont surtout été construites pour réduire le pouvoir de marché des
firmes. Or, une véritable analyse des performances du système nécessite une
mesure du pouvoir économique des firmes et non seulement de leur pouvoir de
marché. A cet égard, il importe, par exemple, de pouvoir distinguer la part des
profits issue des gains réels de la productivité interne et celle que la firme a
réussi à drainer auprès de ses partenaires économiques. En outre, il s’avère très
important de pouvoir préciser, non seulement cette double origine de gains, mais
également leur utilisation de manière à voir si l’amélioration de la productivité
interne a servi à baisser les prix ou à mieux affirmer un pouvoir de monopole.
6.4.1.2.2 Intégration verticale et performances
Les théories explicatives de l’intégration verticale se caractérisent par une
grande divergence à propos des effets de celle-ci sur les performances des firmes
et des industries. Dans certains cas, l’intégration est présentée comme source
d’amélioration de l’efficience économique (en permettant une plus grande
303
profitabilité des firmes intégrées et une baisse des prix des biens qu’elles
produisent). Dans d’autres cas, l’intégration peut s’avérer préjudiciable au bien-
être social en ce sens qu’elle donne lieu à des coûts individuels ou sociaux plus
élevés que les économies qu’elle génère. Par conséquent, il est difficile de porter
un jugement catégorique sur ses implications au niveau des firmes ou des
industries.
Néanmoins, la théorie économique a mis en évidence un certain nombre
d’économies et de coûts qui accompagnent souvent l’intégration verticale:
- Economies des coûts de transaction: l’intégration verticale permet des
économies de coûts de transaction correspondant aux coûts de recherche des
partenaires, de négociation, de rédaction des contrats, de monitoring, de
résolution des conflits...
- Economies permises par la création du pouvoir de marché: lorsque le marché
est caractérisé par une structure monopolistique, l’intégration verticale permet
de créer, d’exploiter, de renforcer ou d’étendre le pouvoir de marché de la firme
intégrée, ce qui lui confère la possibilité de choisir et d’imposer des prix plus
élevés pour le bien qu’elle produit et des prix plus bas pour les inputs qu’elle se
procure sur le marché. Le pouvoir de marché se traduit par une amélioration de
la profitabilité de la firme et donc de ses performances productives. En outre, le
renforcement du pouvoir de marché de la firme intégrée peut entraîner un
affaiblissement de ses concurrents et par voie de conséquence, un accroissement
de la part de marché de la firme intégrée au détriment de ses rivaux.
- Coûts de la bureaucratie: l’intégration verticale se solde généralement par un
accroissement de la taille de la firme. Cet accroissement génère un certain
nombre de coûts et de pertes qui pourraient contrebalancer les bénéfices et les
économies espérés. Ces coûts se rapportent, généralement, aux limites de la
communication et de la circulation de l’information entre des différents niveaux
hiérarchiques, à l’affaiblissement des incitations des différents membres de la
hiérarchie, aux pertes de contrôle...
304
Ainsi, toute évaluation de l’intégration verticale devrait tenir compte des
économies qu’elle occasionne. De ce fait, l’intégration ne peut être considérée
comme une source d’amélioration de performances d’une firme ou d’une
industrie que dans la mesure où elle génère des économies qui dépassent les
coûts qui en résultent.
6.4.2 Choix des variables et spécification des modèles économétriques
Afin de répondre aux questions se rapportant aux déterminants de l’intégration
verticale et aux effets de celle-ci sur les performances économiques des firmes et
des industries, nous allons construire deux modèles économétriques (en utilisant
la méthode des moindres carrés ordinaires et la régression multiple). Le premier
modèle aura pour objectif de vérifier les hypothèses avancées par les théories
explicatives de l’intégration verticale à partir de certaines variables explicatives
représentant, à la fois, les incitations relatives aux imperfections des marchés
(inhérentes à la théorie du monopole) et celles relatives aux problèmes de la
contractualisation (selon la théorie de l’efficacité). Quant au second modèle, il
aura pour objectif de vérifier les prédictions de la théorie sur les effets de
l’intégration verticale. Pour ce faire, nous retiendrons certains critères de
performance représentant essentiellement la question de profitabilité des firmes
au sein des différentes branches industrielles au Maroc. Ainsi, nous verrons dans
quelle mesure l’intégration verticale affecte la profitabilité des entreprises
appartenant aux différentes industries manufacturières.
6.4.2.1 Nature et niveau d’agrégation des données
A l’exception des données relatives à la mesure de l’intégration verticale
extraites du Tableau d’entrée sortie (TES) de l’économie marocaine relatif à
l’année 1990 (Bussolo et Roland-Host (1993)), toutes les données utilisées dans
l’étude proviennent des enquêtes annuelles effectuées par le ministère de
l’industrie et du commerce. En effet, les variables choisies ont été mesurées à
305
partir des principaux agrégats économiques (production, chiffre d’affaires,
excédent brut d’exploitation, effectif employé,.…) des entreprises appartenant
aux différentes branches industrielles (classification selon la nomenclature
nationale à deux chiffres). Le choix de ce niveau d’agrégation a été imposé par
l’absence de données désagrégées sur certaines variables choisies, notamment
celles représentant les performances économiques.
De ce fait, notre analyse portera sur des données transversales relatives à l’année
1991. Le choix de cette année se justifie beaucoup plus par des considérations
pratiques puisqu’on ne dispose pas des données plus récentes nécessaires pour
mesurer l’intégration verticale relatives (le Tableau d’entrée sortie le plus récent
de l’économie marocaine est celui de l’année 1990). Ceci n’affecte, cependant,
pas la validité des résultats obtenus étant donné que les structures industrielles
n’ont pas connu de grands changements depuis ce temps.
6.4.2.2 Choix et mesure des variables
- Indice de concentration: Pour mesurer le degré de concentration des branches
industrielles, nous retenons l’indice de Herfindahl (H) qui présente l’avantage de
prendre en considération toutes les entreprises d’une industrie contrairement au
ratio de concentration qui ne tient compte que des firmes les plus grandes:
H Pi i
i
N
2
1
(6.2)
où N : Nombre total des firmes de la branche.
Pi : Part de marché de la firme i.
L’indice de concentration de Herfindahl traduit le degré de monopole dans une
industrie. Il permet, d’une part, de vérifier l’hypothèse fondamentale de la
théorie du monopole stipulant que l’intégration verticale est utilisée
essentiellement par les firmes appartenant à des structures monopolistiques,
d’autre part, il permet de vérifier les hypothèses de la théorie des coûts de
306
transaction en ce sens qu'il donne une idée sur la prédominance du petit nombre,
le manque d’alternatives et la prédisposition des intervenants à manifester un
comportement opportuniste.
- Importance des économies d’échelle: La dimension des entreprises est, en
grande partie, liée à la nature de leurs activités. Certaines industries nécessitent
la grande dimension et le dépassement d’un certain seuil, alors que pour
d’autres, la grande taille des entreprises n’est pas requise pour réaliser des
économies. Ainsi, chaque industrie est, en principe, caractérisée par une taille
minimale au-dessous de laquelle les entreprises ne peuvent fonctionner
optimalement. Or, d’après le principe du survivant, la taille minimale optimale
d’une industrie peut être déduite de celle des entreprises de la branche qui
occupent une part de plus en plus importante. Ainsi, Rees (1973)147
montre que
la taille moyenne des plus grandes entreprises représentant 50% de la production
de l’industrie donne une approximation de la dimension efficace d’une
entreprise et trouve une bonne corrélation entre cette variable et la taille
déterminée par la technique du survivant. En s’inspirant de la définition de Rees
nous retiendrons le chiffre d'affaires au lieu de la production. Les deux
grandeurs sont, d’ailleurs fortement corrélées et les résultats obtenus seraient
pratiquement similaires, pourvu que le taux d’inflation soit faible. Afin de
disposer d’une mesure relative, nous rapportons la taille minimale optimale au
total des ventes de la branche. Ainsi:
TMORCAMGE
CATOTi
i
i
(6.3)
où TMOR i :Taille minimale optimale relative de l’industrie i.
CAMGE i :Chiffre d’affaires moyen des plus grandes entreprises
représentant 50% des ventes de l’industrie i.
CATOT i :Chiffre d’affaires total de l’industrie i.
147
R. Rees (1973) « Optimum Plant Size in United Kingdom Industries: Some Survivor Estimates », Economica,
307
Dans les industries caractérisées par d’importantes économies d’échelle, les
firmes spécialisées sont, en principe, mieux placées que leurs rivales intégrées
pour produire aux moindres coûts. C’est le cas, notamment, lorsque les besoins
internes de la firme sont faibles relativement à la dimension efficace, chose qui
justifie le recours au marché pour satisfaire ces besoins (Stigler (1951),
Williamson (1985)). Par conséquent, on doit s’attendre à ce que le degré
d’intégration verticale soit plus élevé dans les industries où la dimension
optimale est plus petite et vice versa.
- Intensité capitalistique: Selon Williamson (1975, 1985), la spécificité des
actifs est l’un des facteurs les plus importants dans l’explication de l’intégration
verticale. Plus précisément, la spécificité des actifs physiques est souvent
avancée comme une forte incitation à l’intégration verticale dans la mesure où
elle ramène la relation entre les firmes à des situations de monopole bilatéral.
Cependant, la mesure de la notion de spécificité des actifs est loin d’être simple.
Dans les études interindustrielles, il est difficile de trouver un indicateur
permettant de représenter fidèlement le sens attribué par Williamson à cause de
l’inadaptation de la distinction comptable des actifs (actifs fixes et variables) au
raisonnement contractuel. Néanmoins, plusieurs études utilisent l’indice de
l’intensité capitalistique pour mesurer le degré de spécificité des actifs physiques
en supposant que les industries hautement capitalistiques sont plus enclines à
utiliser des équipements spécialisés difficilement redéployables. Cette hypothèse
nous semble plausible étant donné que ces industries sont, généralement, très
concentrées (ce qui réduit les chances de trouver des acheteurs potentiels de ces
équipements) et utilisent, souvent, une technologie complexe et idiosyncratique
qu’il est difficile de réadapter à des utilisations différentes.
Pour cela, nous utiliserons la mesure suivante pour l’intensité capitalistique:
n° 160, cité par A. Jacquemin (1977) Economie Industrielle Européenne, Dunod, p. 18.
308
IKi
ii
Immobilisations brutes de la branche
Effectif employé de la branche (6.4)
où IK i est le coefficient d’intensité capitalistique de la branche i.
- Les barrières à l’entrée: D’après Bain (1959), l’intégration verticale peut être
motivée par le désir des firmes d’ériger des barrières à l’entrée afin de dissuader
les entrants potentiels. Toutefois, l’intégration verticale est une stratégie assez
coûteuse et ne devrait être utilisée que dans le cas où la firme ne disposerait pas
d’un avantage sur les concurrents potentiels (tel un avantage de coûts, d’échelle
ou de différenciation). A titre d’exemple, une entreprise qui a un avantage de
coûts ou d’économies d’échelle sur les firmes postulantes n’a pas d’intérêt à
recourir à l’intégration verticale pour ériger de nouvelles barrières à l’entrée
dans la mesure où elle peut se protéger contre la concurrence potentielle sans
supporter les coûts induits par l’intégration. Il semble, donc, vraisemblable que
l’intégration soit plus courante dans les industries où il y a de faibles barrières à
l’entrée.
La mesure du niveau des barrières à l’entrée dans une industrie pose, cependant,
de nombreux problèmes. Ainsi, les études industrielles recourent, souvent, à des
estimations qualitatives en se basant sur des variables binaires pour le mesurer.
Toutefois, on peut reconnaître le niveau des barrières à l’entrée dans une
industrie à travers la liberté de circulation et la mobilité des capitaux. Or, la
mobilité dans une branche est mesurable par le taux d’entrée pondéré par le
chiffre d’affaires:
TEPCANE CAE
NPS CAPS
*
* (6.5)
où TEPCA :Taux d’entrée pondéré par le chiffre d’affaires.
NE : Nombre d’entreprises entrantes.
CAE : Chiffre d’affaires des entreprises entrantes.
NPS : Nombre d’entreprises permanentes et sortantes.
309
CAPS : Chiffre d’affaires des entreprises permanentes et sortantes.
- Croissance de la demande: L’incitation à l’intégration verticale est moins
importante lorsqu’il y a une croissance importante de la demande. Cette
hypothèse rejoint les explications de Stigler (1951) sur le cycle de vie des
industries (voir chapitre 4) et le raisonnement de Williamson (1975, 1979) qui
stipule qu’un accroissement rapide de la demande entraîne une multiplication
des offreurs et élimine les inefficiences dues au petit nombre et à l’incertitude.
Pour mesurer la croissance des ventes, nous retiendrons le taux de croissance
annuel moyen du chiffre d’affaires de la branche sur une période de cinq ans:
TCMCA ti
i
1
4 1988
1991
(6.6)
où TCMCA : Le taux de croissance annuel moyen du chiffre d’affaires sur la
période 1988-1991.
ti : Le taux de croissance du chiffre d’affaires de la branche au
titre de l’année i avec tCA CA
CAi
i i
i
1
1
.
- Incertitude de la demande: L’incertitude de la demande incite, généralement,
les entreprises à s’intégrer verticalement (Porter (1980) et Perry (1982, 1984)).
Ceci rejoint, également, les suggestions de Williamson (1975, 1985) sur la
conjonction de l’incertitude et de la complexité.
Pour mesurer l’incertitude, nous prendrons l’écart-type de la série formée par le
taux de croissance du chiffre d’affaires sur une période de cinq ans pour chaque
branche:
INCD t ti
i
1
4
2
1988
1991
* ( ) (6.7)
où INCD : L’indice d’incertitude de la demande de la branche.
ti : Le taux de croissance du chiffre d’affaires de la branche pour
310
l’année i.
t : Le taux de croissance moyen du chiffre d’affaires de la branche sur la
période 1987-1991.
En principe, une grande dispersion du taux de croissance des ventes d’une
branche au cours du temps signifie une demande aléatoire et une grande
incertitude. Nous prévoyons, donc, que les branches ayant un degré élevé
d’intégration verticale auront une valeur élevée de l’indice INCD.
- Rapport prix-coût: Afin de refléter le degré d’efficience des diverses
branches industrielles, nous choisirons une variable qui tiendrait compte de la
flexibilité des prix et du comportement du marché. Celle-ci correspondra, donc,
à la moyenne par branche du rapport prix-coût. Cet indicateur est tel que:
PCCA
CVT
P Q
CVM Q
P
CVM
*
* (6.8)
avec PC : Rapport prix-coût moyen.
CA : Chiffre d’affaires.
Q : Quantité vendue.
P : Prix de vente.
CVT : Coût variable total de production.
CVM : Coût variable moyen de production.
Le rapport prix-coût que nous retiendrons est une moyenne arithmétique
pondérée par le chiffre d’affaires calculée à partir des données individuelles des
entreprises de chaque branche.
- Taux de marge: Cette variable exprime la rentabilité dans une branche qui
constitue le critère de performance le plus utilisé par les études industrielles. Le
taux de marge d’une branche est tel que:
311
TMEBE
CAi
i
i
(6.9)
avec TMi : Le taux de marge de la branche i.
EBEi : L’excédent brut d’exploitation de la branche i.
CAi : Le chiffre d’affaires de la branche i.
6.4.2.3 Spécification des modèles économétriques
6.4.2.3.1 Les déterminants de l’intégration verticale
Pour expliquer l’intégration verticale, nous retiendrons six variables
indépendantes relevant à la fois des hypothèses de la théorie du monopole et
celle de l’efficacité. Ainsi, le modèle expliquant l’intégration verticale sera
spécifié comme suit:
VI H TMOR IK TEPCA TCMCA INCD 0 1 2 3 4 5 6. . . . . .
avec VI : Indice d’intégration verticale.
H : Indice de concentration de Herfindahl.
TMOR : Taille minimale optimale relative.
IK : Intensité capitalistique.
TEPCA : Taux d’entrée pondéré par le chiffre d’affaires.
TCMCA : Taux de croissance annuel moyen du chiffre d’affaires.
INCD : Incertitude de la demande.
i : Coefficient estimé de la variable i avec i = 0, 1, ......., 6.
Les signes prévus des estimateurs seront positifs pour toutes les variables
explicatives exceptés ceux relatifs aux variables traduisant les économies
d’échelle et la croissance de la demande. En effet, lorsque les économies
d’échelle sont importantes, la spécialisation verticale devient plus efficace que
312
l’intégration. Il en est de même lorsque les industries se trouvent en phase de
croissance. Ces arguments nous semblent suffisants pour prévoir un signe
négatif des estimateurs de ces deux variables. En revanche, les autres variables
explicatives devront être corrélées positivement avec la variable expliquée. C’est
le cas notamment des variables représentant le degré de concentration (H),
l’intensité capitalistique (IK), le niveau des barrières à l’entrée (TEPCA) et
l’incertitude de la demande (INCD).
Tableau 6.6: Déterminants de l’intégration verticale (signes prévus des
coefficients estimés).
Variables
explicatives Signification des variables Signes prévus
des estimateurs
H
TMOR
IK
TEPCA
TCMCA
INCD
Indice de concentration de Herfindahl
Taille minimale optimale relative
Intensité capitalistique
Taux d’entrée pondéré par le chiffre d’affaires
Taux de croissance moyen du chiffre d’affaires
Incertitude de la demande
+
-
+
+
-
+
6.4.2.3.2 Effets de l’intégration verticale sur les performances
L’intégration verticale génère, à la fois, des économies et des coûts. Il est donc
difficile de se prononcer sur les effets de celle-ci à un niveau d’analyse aussi
agrégé que le nôtre. Ainsi, l’objet de ce travail se limite à la spécification de la
nature de la relation entre le degré d’intégration verticale et la profitabilité des
branches industrielles. Il s’agira, plus précisément, de voir si les industries
manufacturières marocaines les plus intégrées sont également les plus
profitables ou non. Pour ce faire, nous retiendrons deux critères de performance:
le premier exprime le degré de flexibilité des entreprises d’une branche et les
possibilités d’actions stratégiques pour accroître leur part de marché (Rapport
prix-coût: PC) et le second représente le degré de rentabilité d’exploitation de
ces entreprises (Taux de marge: TM).
Pour compléter le modèle, nous retiendrons quatre autres variables de contrôle
313
représentant les caractéristiques structurelles des industries de transformation
marocaines. La première variable exprime le degré de concentration (H), la
seconde représente le niveau des barrières à l’entrée et le degré de mobilité du
capital (TEPCA), la troisième traduit l’importance des économies d’échelle
(TMOR) et la dernière exprime le degré d’intensité capitalistique des branches
industrielles (IK). Le choix de ces variables s’inscrit dans la logique du
paradigme structure-performance de l’économie industrielle qui explique le
niveau et la dispersion des performances industrielles par les caractéristiques
structurelles des différents marchés et les conditions de base de l’activité
industrielle. Nous soulignons, toutefois, que ce choix ne tient pas compte des
effets des stratégies des firmes sur les performances en raison des particularités
de l’environnement industriel et institutionnel marocain, et de la difficulté de
mesure des variables représentant le comportement de ces entreprises.
Nous construirons, ainsi, deux modèles distincts où la variable expliquée sera
respectivement le rapport prix-coût (PC) et le taus de marge (TM):
IKTMORTEPCAHIVTM
IKTEPCAHIVPC
.....
....
543210
43210
avec PC : Rapport prix-coût moyen de la branche.
TM : Taux de marge de la branche.
IV : Intégration verticale.
H : Indice de concentration de Herfindahl.
TEPCA : Taux d’entrée pondéré par le chiffre d’affaires.
TMOR : Taille minimale optimale relative.
IK : Intensité capitalistique
i : Estimateurs des variables du premier modèle où i = 0, 1,......., 4.
i : Estimateurs des variables du second modèle où i = 0, 1........., 5.
Les estimateurs des variables de contrôle seront, en principe, tous positifs à
314
l’exception de la variable TMOR étant donné que la grande dimension implique,
généralement, de faibles marges bénéficiaires.
Tableau 6.7: Performances des branches industrielles
(signes des coefficients estimés)
Variables
explicatives
Signification des variables Signes prévus
des estimateurs
IV
H
TEPCA
TMOR
IK
Intégration verticale
Indice de concentration de Herfindahl
Taux d’entrée pondéré par le chiffre d’affaires
Taille minimale optimale relative
Intensité capitalistique
?
+
+
-
+
6.4.3 Estimation des modèles et interprétation des résultats
L’estimation des modèles sur les déterminants de l’intégration verticale et les
effets de celle-ci sur les performances des branches industrielles requiert une
série de transformations des variables afin de déceler la nature des relations
entre les variables expliquées et les variables explicatives. Nous retiendrons,
donc, des formes semi-logarithmiques des modèles économétriques qui méritent
un certain nombre de précautions quant à l’interprétation des résultats. A cet
effet, les estimateurs ne correspondent plus à des élasticités comme c’est le cas
dans les formes linéaires. De même, les effets des variables explicatives
transformées seront multiplicatifs plutôt qu’additifs. Ces caractéristiques
n’influent, cependant, pas sur la validité statistique des modèles ou sur le sens
des corrélations entre les variables explicatives et la variable expliquée qui
suscitent le plus notre intérêt dans cet essai empirique.
6.4.3.1 Estimation du modèle sur les déterminants de l’intégration verticale
Afin de spécifier correctement la nature de la liaison entre l’intégration verticale
et les variables qui l’expliquent, nous avons testé deux hypothèses de
transformation de la variable expliquée.
- Une transformation logarithmique simple: LNIV = LN(IV), avec LN le
logarithme naturel et IV l’indice de l’intégration verticale.
315
- Une transformation « Odds »148
ayant la forme suivante:
IVODDS LNIV
IV
( )1
Concernant les variables explicatives, nous avons retenu une transformation
logarithmique de toutes les variables à l’exception de la croissance de la
demande (TCMCA) en raison des taux de croissance négatifs de certaines
branches industrielles, et de l’incertitude de la demande (INCD), dans la mesure
où la transformation logarithmique agit négativement sur le coefficient de
corrélation, la statistique de Fisher et les statistiques de Student de toutes les
autres variables explicatives.
Les deux transformations de la variable expliquée ont abouti à des résultats très
proches et qui s’avèrent significatifs à tous les niveaux. En effet, le modèle a
révélé une forte corrélation entre l’intégration verticale et les variables
explicatives traduite par des valeurs égales à 0.872 et 0.803 pour R² et R² ajusté
respectivement qui reflètent la faiblesse de la part non expliquée par le modèle.
Cette relation ne semble pas due au hasard puisque la valeur de la statistique de
Fisher est significative à un seuil de probabilité inférieur à 1%. De même, le
modèle n’est pas affecté par des problèmes d’autocorrélation des résidus vue
que la statistique Durbin-Watson est proche de 2 et se situe ainsi dans la zone
d’acceptation.
Tableau 6.8: Récapitulatif des principales statistiques du modèle des
déterminants de l’intégration verticale (LNIV)
R² R² Ajusté F Signification de F Durbin-Watson
0,872 0,803 12,535 0,000 2,155
L’étude des corrélations entre les variables explicatives révèle, également,
l’absence des problèmes de multicolinéarité entre ces variables. Celles-ci
148
Transformation spécifique aux variables comprises entre 0 et 1, voir Caves et Bradburd (1988) et MacDonald
(1985).
316
présentent, en effet, des valeurs acceptables des indices de tolérance et du
VIF149
.
Tableau 6.9 : Résultats de l’estimation du modèle des déterminants de
l’intégration verticale
Variable Coefficient Erreur
type
Coefficient
standardisé
t de
Student
P (t) Colinéarité Tolérance VIF
Constante LNIK
LNH
LNTMOR
LNTEPCA
TCMCA
INCD
-16,699
3,084
4,709
-1,452
0,709
-18,239
11,588
2,843
0,406
1,080
0,457
0,295
8,307
8,799
-
0,997
0,634
-0,603
0,420
-0,256
0,162
-5,873
7,597
4,359
-3,179
2,407
-2,196
1,317
0,000
0,000
0,001
0,009
0,035
0,050
0,215
-
0,674
0,549
0,322
0,381
0,854
O,770
-
1,484
1,823
3,103
2,622
1,171
1,298
D’un autre côté, les signes des coefficients estimés des variables explicatives
correspondent tous à ceux prévus et confirment, donc, les prédictions de la
théorie de l’intégration verticale. Ce résultat se trouve conforté davantage par
des valeurs significatives de la statistique t de Student. En effet, les coefficients
estimés se sont avérés significativement différents de zéro à des seuils inférieurs
à 5% à l’exception de la variable représentant l’incertitude de la demande pour
laquelle nous ne trouvons pas d’explication fondamentale à cette absence de
signification. Toutefois, plusieurs études empiriques sur les déterminants de
l’intégration verticale donnent des résultats analogues au notre pour ce qui est de
la mesure du risque (voir Caves et Bradburd (1988)).
Le problème de mesure du risque nous a amené à enlever la variable
représentant l’incertitude de la demande du modèle afin de voir l’effet sur les
statistiques de Fisher et de Student. Cette modification s’est traduite par une
amélioration notable de la valeur de F avec une légère baisse du R² ajusté.
149
La tolérance d’une variable est la proportion de sa variance non expliquée par les autres variables explicatives
de l’équation. Une variable à très faible tolérance apporte peu d’information à un modèle et peut entraîner des
problèmes de calcul. La réciproque de la tolérance représente le VIF dont la valeur élevée est synonyme de
317
Tableau 6.10: Récapitulatif des principales statistiques du modèle des
déterminants de l’intégration verticale (LNIV) (INCD exclue)
R² R² Ajusté F Signification de F
0,852 0,791 13,848 0,000
L’exclusion de la variable INCD du modèle implique, également une légère
baisse des valeurs des t de Student des différentes variables explicatives qui
restent, tout de même, significativement différents de zéro à des seuils inférieurs
à 5% sauf pour la variable de la croissance de la demande dont le seuil de
signification est passé à plus de 8%.
Tableau 6.11: Résultats de l’estimation du modèle des déterminants de
l’intégration verticale (INCD exclue)
Variable Coefficient Erreur
Standard
Coefficient
standardisé
t de
Student
P (t) Colinéarité
Tolérance VIF
Constante
LNIK
LNH
LNTMOR
LNTEPCA
TCMCA
-15,134
2,925
4,764
-1,218
0,773
-15,867
2,661
0,399
1,112
0,434
0,299
8,354
-
0,945
0,641
-0,506
0,458
-0,223
-5,688
7,326
4,284
-2,810
2,583
-1,899
0,000
0,000
0,001
0,016
0,024
0,082
-
0,740
0,549
0,380
0,392
0,896
-
1,352
1,820
2,635
2,550
1,116
Les résultats de l’estimation du modèle sur les déterminants de l’intégration
verticale confirment, donc, les hypothèses des théories de l’intégration verticale
et montrent que le degré d’intégration des industries manufacturières marocaines
est expliqué pour l’essentiel par les déterminants spécifiés par la théorie du
monopole et celle de l’efficacité. En effet, la concordance entre les signes
effectifs et ceux prévus des estimateurs confirme nettement la liaison entre
l’intégration verticale d’une part, et le degré de concentration des branches
industrielles, leur intensité capitalistique, le niveau des barrières à l’entrée,
l’importance des économies d’échelle, le degré de croissance des industries et le
niveau du risque de la demande de l’autre. Ainsi, les branches industrielles les
plus intégrées sont, d’une manière générale, les plus concentrées, les plus
présence de multicolinéarité. Conventionnellement, le seuil d’acceptation des valeurs du VIF correspond à 10.
318
capitalistiques et celles caractérisées par une plus grande mobilité du capital, une
moindre importance des économies d’échelle et une faible croissance de la
demande couplée à une grande incertitude des ventes.
Ces résultats laissent à penser que le secteur manufacturier est en grande partie
influencé par les forces de marché. Ceci est d’autant plus vrai que l’étude est
effectuée sur des données relatives à l’année 1991 qui se situe dans une période
de restructuration de l’économie marocaine marquée essentiellement par la
libéralisation progressive et le désengagement de l’Etat de l’activité productive.
L’importance de la liaison entre les forces de marché et les structures
industrielles au Maroc peut, ainsi, être interprétée comme un signal d’une
tendance progressive des entreprises industrielles vers les conditions de
l’efficience économique.
6.4.3.2 Estimation du modèle de l’intégration verticale et les performances
des industries manufacturières
A priori, il semble difficile de prévoir la nature de la relation entre l’intégration
verticale et les critères de performance des branches industrielles. D’une part,
l’intégration verticale implique, à la fois, des économies et des coûts rendant
ainsi difficile la prédiction de l’effet net qui en résulte. D’autre part, le choix du
critère représentant la performance implique une restriction de la vision globale
sur les effets de l’intégration dans la mesure où un critère quantitatif ne peut y
apporter qu’un jugement partiel. Ceci nous a amené à choisir deux critères,
certes proches, mais reflétant deux facettes différentes des performances d’une
industrie.
Le premier critère de performance s’intéresse directement à la profitabilité d’une
branche industrielle à travers l’importance de l’excédent brut d’exploitation par
rapport au chiffre d’affaires. Il importe pour nous, donc, de voir la nature de la
relation entre l’intégration verticale et la profitabilité d’une branche, et dans
quelle mesure la profitabilité est déterminée par le degré d’intégration. Le
319
second critère reflète plus le degré de flexibilité des entreprises dans une
industrie et la marge de manœuvre tactique et stratégique dont elles peuvent
disposer à travers la politique de prix, de différenciation et d’investissement.
Cette marge est, en effet, d’autant plus importante que l’écart entre le prix et le
coût unitaire est plus grand. Il importe, ainsi, de voir l’effet de l’intégration
verticale sur la flexibilité des entreprises d’une industrie. Mais pour ce faire, il
convient de vérifier les liaisons entre la variable représentant la performance
(taux de marge et rapport prix-coût) et des variables de contrôle représentant
essentiellement les structures de marché. Ces variables représentent
respectivement le degré de concentration, la mobilité du capital, l’importance
des économies d’échelle et l’intensité capitalistique dans une industrie.
L’estimation des modèles sur la base des deux critères de performance donne
des résultats similaires pour ce qui est du signe de l’estimateur de la variable
représentant l’intégration verticale ainsi que ceux des autres variables de
contrôle. Cependant, les deux modèles présentent des différences quant au choix
et la spécification des variables ainsi qu’à l’intensité de la relation et sa validité
statistique.
6.4.3.2.1 Estimation du modèle du taux de marge comme critère de
performance
Contrairement au modèle précédent, la spécification de la liaison entre le taux de
marge et les variables explicatives n’a requis aucune transformation à
l’exception de celle représentant l’intégration verticale. En retenant une forme
linéaire, le coefficient estimé de cette variable ne s’est pas avéré
significativement différent de zéro, ce qui nous a amené à l’introduire après une
transformation logarithmique. En revanche, les autres variables ont été
introduites sans aucune transformation car autrement, leurs estimateurs perdent
leur signification et la valeur de la statistique de Fisher devient trop petite, et
donc, non significative.
320
Ainsi, l’estimation du modèle donne des valeurs relativement élevées de R² et de
R² ajusté qui correspondent à 0.758 et 0.657 respectivement. A ce niveau, nous
soulignons que la partie non expliquée du modèle est due à la non-prise en
compte des autres déterminants de la rentabilité des entreprises, notamment les
variables représentant les stratégies des différentes firmes. Ceci n’influe,
cependant, pas sur la validité du modèle et sa signification statistique dans la
mesure où la valeur de la statistique de Fisher obtenue est significative à un seuil
inférieur à 1%, chose qui signifie que la liaison entre la variable expliquée et
celles explicatives ne peut pas être due au hasard.
Tableau 6.12: Récapitulatif du modèle des performances des branches
industrielles (variable expliquée: Taux de marge (TMR))
R² R² Ajusté F Signification de F
0,758 0,657 7,519 0,002
D’un autre côté, le modèle ne présente pas de problèmes d’autocorrélation ou de
multicolinéarité vue que la statistique de la tolérance est acceptable et ne pose,
donc, pas de problèmes dans le calcul des estimateurs des différentes variables.
Tableau 6.13 : Résultats de l’estimation du modèle des performances
industrielles (Variable expliquée : TMR)
Variable Coefficient Erreur
Standard
Coefficient
standardisé
t de
Student
P (t) Colinéarité
Tolérance VIF
Constante
LNIV
IK
H
TEPCA
TMOR
-4,73 E-02
-5,72 E-03
3,070 E-05
0,188
4,666 E-03
-2,42 E-03
0,021
0,001
0,000
0,034
0,002
0,000
-
-0,824
1,519
1,343
0,383
-1,905
-2,202
-4,213
4,562
5,565
2,081
-5,492
0,048
0,001
0,001
0,000
0,060
0,000
-
0,528
0,182
0,346
0,596
0,168
-
1,895
5,502
2,890
1,678
5,968
De même, les estimateurs de toutes les variables explicatives se sont avérés
significativement différents de zéro à des seuils inférieurs à 6%. Enfin, les
signes des estimateurs des variables de contrôle conformes avec les prédictions
faites lors de la spécification du modèle. La profitabilité des branches
industrielles semble effectivement corrélée positivement avec le degré de
concentration, l’intensité capitalistique et la mobilité du capital, et négativement
321
avec la dimension minimale des entreprises de ces branches. Ceci confirme,
donc, les conclusions relatives à l’analyse des caractéristiques de l’industrie
marocaine selon lesquelles le degré de concentration et le niveau des barrières à
l’entrée sont relativement élevés et constituent, ainsi, un avantage pour les
entreprises existantes et particulièrement celles qui opèrent dans des marchés
relativement concentrés.
Toutefois, la profitabilité s’est avérée négativement corrélée avec le degré
d’intégration verticale. Ceci montre que le taux de marge moyen des branches
industrielles est d’autant plus élevé que celles-ci ont un faible degré
d’intégration verticale. L’explication la plus logique de ce résultat est sans doute
liée à l’importance des coûts générés par l’intégration verticale notamment ceux
de la bureaucratie et de la grande dimension. Ceci n’implique pas pour autant
que le degré élevé d’intégration verticale des branches industrielles est
synonyme d’inefficacité économique et organisationnelle de ces branches. En
effet, la faible profitabilité des industries les plus intégrées s’explique,
essentiellement, par des considérations spécifiques à ces industries. Dans ce cas,
le degré élevé d’intégration des entreprises implique une plus grande efficacité
de celles-ci et de la structure verticale au prix des coûts élevés de l’intégration
verticale et des faibles profits qui en résultent. Ainsi, les résultats obtenus
montrent bien que l’intégration verticale est souvent une stratégie coûteuse et
que les entreprises ne doivent y recourir que pour des raisons d’efficience
économique et organisationnelle susceptibles de justifier amplement les coûts
qu’elle génère.
6.4.3.2.2 Estimation du modèle du rapport prix-coût comme critère de
performance
Afin de spécifier la nature de la liaison entre le degré d’intégration verticale et la
flexibilité stratégique des entreprises industrielles marocaines, nous avons
choisis une forme semi-logarithmique du modèle qui représente cette relation.
322
L’expérimentation des différentes formes mathématiques du modèle n’a pas
aboutit à des résultats satisfaisants tant au niveau de la validité globale du
modèle qu’au degré de signification des différentes variables explicatives. A cet
effet, nous pensons que le degré de flexibilité est influencé par d’autres variables
que celles retenues dans notre essai notamment celles relevant des stratégies de
prix ou de différenciation. De ce fait, le critère de performance en question
(degré de flexibilité) devrait être expliqué, à la fois, par les déterminants
structurels et stratégiques avancés par la trilogie structure-stratégie-performance.
Il semble, tout de même, possible de vérifier la nature et l’importance de la
liaison entre l’intégration verticale et le degré de flexibilité des entreprises
industrielles marocaines à partir d’un modèle qui ne prend en compte que des
variables structurelles. Dans ce contexte, nous avons retenu une forme semi-
logarithmique à travers la transformation des variables explicatives à l’exception
de celle de la mobilité du capital qui a été introduite sans aucune transformation.
Les résultats de l’estimation du modèle traduisent, en effet, la faiblesse relative
de la corrélation exprimée, notamment, par les valeurs de R² et de R² ajusté qui
correspondent à 0.549 et 0.411 respectivement. Toutefois, la valeur de la
statistique de Fisher s’est avérée significative au seuil de 2%, ce qui confirme la
validité statistique du modèle et de la liaison entre les variables explicatives et le
rapport prix-coût.
Tableau 6.14: Récapitulatif du modèle des performances des branches
industrielles (variable expliquée: Rapport prix-coût (PC))
R² R² Ajusté F Signification de F
0,549 0,411 3,960 0,026
De façon similaire, la spécification du modèle ne pose pas de problèmes
particuliers d’autocorrélation des résidus ou de multicolinéarité entre les
variables explicatives, ce qui exclut la possibilité que ces problèmes puissent
influer sur la signification statistique des différents coefficients estimés.
323
Tableau 6.15 : Résultats de l’estimation du modèle des performances
industrielles (Variable expliquée : PC)
Variable Coefficient Erreur
Standard
Coefficient
standardisé
t de
Student
P (t) Colinéarité
Tolérance VIF
Constante
LNIV
LNIK
LNH
TEPCA
0,899
-9,00 E-03
2,737 E-02
7,194 E-02
1,321 E-02
0,033
0,003
0,010
0,020
0,005
-
-0,864
0,790
0,865
0,672
12,320
-2,938
2,658
3,542
2,628
0,000
0,012
0,020
0,004
0,021
-
0,401
0,392
0,581
0,530
-
2,493
2,549
1,720
1,888
Ainsi, les coefficients estimés des variables explicatives se sont révélés tous
significativement différents de zéro confirmant la liaison entre les variables
représentant les structures du marché et le degré de flexibilité stratégique des
entreprises industrielles. De même, les signes des estimateurs des variables de
contrôle correspondent tous à ceux prévus lors de la spécification du modèle et
traduisent des corrélations positives entre ces variables et le rapport prix-coût. A
cet effet, nous pouvons conclure que les entreprises des industries les plus
concentrées bénéficient d’une plus grande flexibilité dans la fixation des prix en
s’assurant des marges bénéficiaires plus importantes grâce, notamment, au
pouvoir de monopole dont elles disposent. Ceci semble, tout à fait, logique
sachant que les industries les moins concentrées connaissent, souvent, une
grande rivalité entre les entreprises afin de maintenir ou renforcer leurs parts de
marché, ce qui se traduit, généralement, par des marges prix-coût relativement
faibles. De la même manière, le degré d’intensité capitalistique est corrélé
positivement au degré de flexibilité des entreprises industrielles. Ainsi,
l’utilisation intensive des équipements permet une amélioration de la qualité et
une baisse des coûts de production d’autant plus que les industries
capitalistiques recourent davantage aux méthodes de gestion modernes et font
preuve d’une plus grande efficacité managériale. La maîtrise des coûts permet,
par conséquent, à ces entreprises de disposer d’une plus grande marge de
manœuvre dans la fixation des prix et une plus grande flexibilité stratégique.
Enfin, le taux d’entrée élevé dans une industrie reflète l’importance des profits
324
réalisées par les entreprises qui en font partie. De ce fait, la corrélation positive
entre le taux d’entrée dans une industrie et son degré de flexibilité s’explique
essentiellement par l’importance des marges bénéficiaires dans ces industries.
Contrairement aux variables de contrôle, l’intégration verticale est corrélée
négativement au degré de flexibilité des entreprises industrielles marocaines. Ce
résultat confirme les conclusions relevant du modèle précédent selon lesquelles
l’intégration verticale génère des coûts élevés et influe négativement sur la
profitabilité des entreprises industrielles. Il semble, donc, logique de conclure
que les entreprises des industries les plus intégrées disposent de moins de
flexibilité dans les stratégies de prix en raison de la faiblesse de leurs marges
bénéficiaires.
6.5 Conclusion
De manière générale, les industries manufacturières marocaines se caractérisent
par une relative faiblesse et une grande dispersion du degré d’intégration
verticale. Ce constat peut être expliqué par la structure productive de l’économie
marocaine caractérisée par la prédominance des secteurs tertiaire et primaire et
la fragilité du secteur secondaire. De même, la dispersion du degré d’intégration
résulte essentiellement des choix de politiques économiques et industrielles
durant les dernières décennies qui accordaient la priorité aux industries
d’exportation et de substitution à l’importation.
Toutefois, la configuration de la structure verticale de l’industrie marocaine
confirme nettement les hypothèses théoriques sur les déterminants de
l’intégration verticale. Cette configuration est déterminée, en effet, par le degré
de monopole dans chaque industrie et les considérations transactionnelles qui lui
sont spécifiques, ce qui confirme les arguments de la théorie de l’efficacité selon
lesquels l’intégration verticale est souvent liée au choix de la structure de
gouvernance la plus efficace. La réalité de l’industrie manufacturière marocaine
montre, cependant, que l’intégration verticale n’est pas génératrice de grands
325
profits et limite sérieusement la flexibilité stratégique des entreprises. Par
conséquent, toute décision d’intégration devrait faire l’objet d’un arbitrage
complet entre les économies et les coûts qui en résultent.
326
Conclusion générale
D’une manière générale, la théorie de l’intégration verticale se propose d’étudier
les différentes incitations des firmes à produire elles-mêmes les biens et les
services nécessaires à leur processus de production, et d’examiner les effets de
ce choix sur les performances des entreprises et des structures verticales. Pour ce
faire, les théoriciens étaient appelés à répondre, au préalable, à de nombreuses
questions se rapportant, essentiellement, à la définition des concepts de firme et
d’intégration verticale, à la délimitation des frontières de l’intégration avec les
autres formes de relations verticales et à la mesure du degré d’intégration au
niveau des firmes et des industries. Dans ce cadre, la littérature théorique
propose une grande diversité d’approches adoptant des visions souvent
divergentes bien qu’elles soient complémentaires dans la constitution d’une
vision globale des questions traitées.
La diversité des approches intéresse, en premier lieu, la définition de la firme et
la spécification de ses dimensions technologique, économique et sociologique.
En effet, la théorie de la firme propose un grand nombre d’approches
appréhendant les multiples facettes de l’entreprise. Toutefois, notre intérêt a
porté, essentiellement, sur celles se référant à la dimension verticale de la firme,
notamment, la théorie néoclassique et les théories contractuelles qui présentent
deux visions opposées tant par leurs hypothèses sur le comportement des agents
économiques que par leurs outils d’analyse. Ainsi, la vision néoclassique insiste
sur la dimension technologique de la firme et fonde son analyse sur deux
hypothèses fondamentales du comportement, à savoir la rationalité des agents
327
économiques et la maximisation des fonctions d’utilité. Cette vision tient sa
force de l’élégance dans la formalisation mathématique des modèles de la firme.
Cette élégance s’est faite, toutefois, au prix d’un grand réalisme et d’une
description parfaite du fonctionnement de l’entreprise dans la réalité. En
revanche, la vision des théories contractuelles insiste davantage sur les
problèmes d’incitation et la structure de gouvernance dans la firme. C’est le cas,
notamment, de l’approche principal-agent qui définit la firme comme un
ensemble de relations d’agence reflétant la divergence des intérêts de ses
différents membres, de l’approche des coûts de transaction qui la considère
comme une forme de gouvernance permettant la coordination de la production
par le biais de l’autorité conférée par la relation employé / employeur, et de
l’approche des droits de propriété qui appréhende la firme par les droits
résiduels de contrôle que lui confère l’appropriation des actifs physiques utilisés
dans le processus de production.
En second lieu, la théorie propose de nombreuses définitions de l’intégration
verticale reflétant, essentiellement, la diversité des approches de la théorie de la
firme. A cet effet, l’intégration verticale signifie, dans la vision néoclassique, un
contrôle absolu des différents stades verticaux à travers la centralisation du
mécanisme de prise de décision entre les mains d’une seule firme, ce qui
suppose un contrôle unifié de tous les actifs mis à la disposition de la firme et un
transfert interne de tous les biens et services relevant de son processus de
production. En revanche, les approches des théories contractuelles insistent,
particulièrement, sur le rôle de l’autorité, dont jouit l’entreprise, sur les
différents actifs mis à sa disposition. Toutefois, on relève une importante
divergence de ces théories sur la nature et l’origine de cette autorité. Dans ce
cadre, l’approche des coûts de transaction explique l’autorité par la spécificité de
la relation employé / employeur et celle du contrat du travail qui relie les deux.
Cette relation confère, en effet, à l’employeur un pouvoir particulier sur ses
employés contrairement à la relation marchande entre deux contractants
328
indépendants. Cette vision a été, cependant, vivement critiquée par les tenants de
la théorie des droits de propriété qui confirment que la relation employé /
employeur ne confère aucune autorité particulière à l’entreprise sur ses salariés
et que le vrai pouvoir dont elle dispose lui est conféré par la propriété des actifs
physiques qu’elle utilise dans son activité de production.
La multiplicité des approches de la théorie de la firme et des définitions de
l’intégration verticale pose, par conséquent, de sérieux problèmes dans la
spécification de ses frontières avec les autres formes de relations verticales.
Dans sa conception traditionnelle, la décision d’intégration relève,
essentiellement, du choix entre « produire ou acheter », soit entre
l’internalisation de la production et le recours au marché. Or, ces deux solutions
ne sont que les points extrêmes d’un continuum de relations qui prennent des
formes très diverses. Ces formes incluent, en effet, toutes les politiques
d’impartition se situant à un niveau intermédiaire entre l’intégration au sens
strict et le recours au marché spot et procurant, le plus souvent, un contrôle
vertical qui permet à la firme de bénéficier des avantages de l’intégration sans
subir ses effets néfastes. Il faut souligner, à ce niveau, qu’il y a eu, pendant
longtemps, un décalage entre la formalisation théorique des différentes relations
verticales et la pratique des entreprises dans ce domaine. Mais, grâce aux
nombreux travaux théoriques parus ces dernières décennies, ce décalage a été
relativement compensé, notamment avec les développements théoriques de la
question des restrictions verticales (relevant de la tradition néoclassique) et la
reconnaissance, par les tenants de la théorie des coûts de transaction, de
l’existence d’institutions économiques hybrides autres que la firme et le marché.
Les préoccupations centrales de la théorie de l’intégration verticale se
rapportent, toutefois, aux questions des incitations à l’intégration et aux effets de
celle-ci sur l’efficience économique et les performances des firmes et des
structures verticales. Dans ce cadre, la théorie économique propose de nombreux
déterminants de l’intégration qu’on peut ramener à trois catégories :
329
- Les déterminants technologiques qui se rapportent aux questions
d’indivisibilité des processus de production en ce sens que certaines activités
exigent, par leur nature technologiques, la jonction de plusieurs stades verticaux
en raison des économies qui en résultent que ce soit en matière de coûts de
transport ou d’énergie.
- Les déterminants liés aux imperfections du marché qui se justifient par le désir
des firmes, opérant dans des marchés non concurrentiels, de renforcer leur
pouvoir de marché et/ou de résoudre les différentes distorsions caractérisant les
structures monopolistiques.
- Les déterminants transactionnels se rapportant au choix institutionnel des
formes de gouvernance les plus efficaces.
Toutefois, cette classification ne permet pas d’avoir une vision globale et précise
sur la nature et les caractéristiques de ces incitations. Ainsi, la plupart des
déterminants technologiques peuvent être appréhendés en adoptant un
raisonnement purement transactionnel (en utilisant les notions de rationalité
limité, d’opportunisme, d’asymétrie de l’information ou de spécificité des
actifs). Ce raisonnement permet, en effet, de donner un dénominateur commun à
des déterminants qui semblent à priori de natures variées et hétérogènes. De la
même manière, les déterminants de l’intégration verticale liés aux imperfections
des marchés s’expliquent, généralement, par des considérations transactionnelles
se rapportant au choix institutionnel des formes de gouvernance les plus
efficaces. De ce fait, nous sommes en mesure de conclure que l’intégration
verticale est souvent expliquée par l’une des considérations suivantes :
- Le désir des entreprises de maintenir ou de renforcer leur pouvoir de marché au
dépens des concurrents effectifs et/ou potentiels. Dans ce cas, l’intégration
verticale ne s’inscrit pas dans une logique d’amélioration de l’efficience
économique. Bien au contraire, la décision d’intégration est justifiée par des
considérations anticoncurrentielles visant à affaiblir ou évincer les entreprises
rivales et à dissuader les entrants potentiels de pénétrer sur le marché. Dans ce
330
cadre, l’intégration peut être utilisée comme un moyen de forclusion des firmes
rivales, d’écrasement des prix ou de renforcement des barrières à l’entrée. Ainsi,
l’amélioration du pouvoir de marché des firmes intégrées se fait, généralement,
au détriment des concurrents effectifs et potentiels et implique, par conséquent,
une détérioration du bien-être social et de l’efficience économique.
- La volonté des firmes de choisir la forme d’organisation la plus efficiente dans
la coordination de la production. Dans ce cas, l’intégration verticale est motivée,
essentiellement, par le souci d’amélioration de l’efficacité économique en ce
sens que l’internalisation des activités procure des économies substantielles
comparativement à la solution de la relation marchande. Elle résulte, donc, d’un
arbitrage entre les avantages et les inconvénients des différentes institutions
économiques dans le seul but d’amélioration de l’efficacité. A ce titre, nous
soulignons que le choix de l’intégration l’emporte, généralement, en cas d’échec
du marché, en particulier, en cas de non-satisfaction de certaines conditions de la
concurrence parfaite (telle que l’atomicité des opérateurs ou la transparence du
marché). Dans ces cas de figures, l’intégration verticale implique, souvent, une
amélioration de l’efficience économique en remédiant aux problèmes d’échec
des marchés.
Au niveau des entreprises, l’intégration verticale s’accompagne, dans certains
cas, d’une amélioration de la profitabilité grâce notamment aux économies
qu’elle génère (économies des coûts de transaction, économies permises par la
création du pouvoir de monopole). Elle reste, toutefois, une stratégie assez
coûteuse puisqu’elle génère d’importants coûts bureaucratiques liés à
l’accroissement de la taille de l’entreprise en plus des problèmes causés par les
changements des incitations et la difficulté de reproduire les fortes incitations du
marché. Il est, donc, souvent difficile de se prononcer sur les effets de
l’intégration en matière de profitabilité des entreprises.
Sur le plan empirique, l’industrie manufacturière marocaine se caractérise,
essentiellement, par la faiblesse et la dispersion du degré d’intégration verticale.
331
Ce constat s’explique, d’une part, par le poids relativement faible du secteur
industriel dans l’économie marocaine, et d’autre part, par les disparités qui
caractérisent les différentes industries. En effet, le secteur industriel a été,
souvent, relégué au second rang dans les priorités des stratégies de
développement au Maroc qui insistaient, davantage, sur les industries d’import-
substitution et d’exportation dont le but principal était l’économie de devises et
la résorption des déficits extérieurs. Ce choix explique, également, la grande
dispersion du degré d’intégration verticale des industries manufacturières
marocaines. En effet, nous soulignons un degré élevé d’intégration des branches
à vocation exportatrice (produits de textiles) et celles dont la production est
destinée à la satisfaction des besoins internes et la substitution aux importations
(produits métalliques de base). En revanche, les industries les moins intégrées
correspondent, généralement, aux produits alimentaires de base et le matériel
mécanique, électrique et électronique.
Toutefois, l’étude du degré d’intégration verticale dans l’industrie marocaine
révèle une importante corrélation entre celui-ci et les facteurs de marché. En
effet, l’adoption du programme d’ajustement structurel, au milieu des années 80,
et la politique de libéralisation progressive de l’économie marocaine ont
amélioré, de façon significative, le fonctionnement des entreprises industrielles
et des marchés en ce sens où les structures et les performances industrielles ont
enregistré une tendance notable vers les conditions d’efficience. Ainsi, le degré
d’intégration des branches industrielles est expliqué, essentiellement, par les
conditions de base et les structures du secteur industriel, notamment, le degré de
concentration, l’intensité capitalistique, le niveau des barrières à l’entrée,
l’importances des économies d’échelle et le taux de croissance des ventes. Ces
facteurs traduisent, également, les hypothèses des principales théories
explicatives de l’intégration verticale, en particulier, celles du monopole et de
l’efficacité.
L’étude révèle, cependant, une corrélation négative entre le degré d’intégration
332
verticale et la profitabilité des entreprises industrielles. Ceci confirme, ainsi,
l’idée que l’intégration s’accompagne, généralement, d’importants coûts (coûts
bureaucratiques, coûts résultant du changement des incitations) contrebalançant
les économies qui en résultent (économies de coûts de transaction, économies
liées au pouvoir de monopole). De façon similaire, l’intégration semble avoir un
effet négatif sur le degré de flexibilité stratégique des entreprises industrielles.
Toutefois, ces résultats ne remettent pas en cause l’effet, parfois, positif sur les
performances économiques, en particulier, dans les structures monopolistiques
et celles caractérisées par des coûts de transaction élevés. Les critères de
performance retenus semblent, en effet, insuffisants pour avoir une idée globale
sur l’ensemble des effets de l’intégration verticale.
D’une manière générale, les résultats de notre travail permettent d’établir un
rapprochement des différentes théories de l’intégration verticale et confirment,
en grande partie, la validité des hypothèses dans le contexte industriel marocain.
Le sujet ne permet, cependant, pas d’élucider des questions non moins
déterminantes tant au niveau théorique qu’empirique. Ainsi, il nous semble
intéressant de poursuivre dans la direction d’instauration d’un pont entre les
différentes théories explicatives de l’intégration verticale, notamment, sur les
questions de formalisation des différentes relations verticales, la nature des
incitations à l’intégration et les effets de celle-ci sur l’efficience économique.
Sur le plan empirique, les résultats sur l’intégration verticale de l’industrie
marocaine méritent d’être consolidés par une étude basée sur des données moins
agrégées et retenant des critères de performance qui permettent une
appréhension globale des effets de l’intégration verticale.
333
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347
Annexes
348
Annexe 1
Nomenclature Nationale des Industries Manufacturières Marocaines
- Classification à deux chiffres
- Classification à trois chiffres
349
Nomenclature Nationale des Industries de Transformation Marocaines
(classification à deux chiffres)
Codes Branches Industrielles
10 Produits Des Industries Alimentaires
11 Autres Produits Des Industries Alimentaires
12 Boissons Et Tabacs
13 Produits Textiles Et Bonneterie
14 Habillement à L’exclusion Des Chaussures
15 Cuir Et Chaussures En Cuir
16 Bois Et Articles En Bois
17 Papier, Carton Et Imprimerie
18 Produits Issus Des Matériaux De Carrière
19 Industrie Métallique De Base
20 Ouvrages En Métaux
21 Machines Et Matériel D'équipement
22 Matériel De Transport
23 Matériel électrique Et électronique
24 Machines De Bureau Et Instruments De Précision
25 Produits De La Chimie Et De La Parachimie
26 Articles En Caoutchouc Ou Plastique
27 Autres Industries Manufacturières
350
Nomenclature Nationale des Segments Industriels
(classification à trois chiffres)
Code Segments
101 Travail de Grains
102 Boulangerie, Pâtisserie et Biscuiterie
103 Industrie de Sucre
104 Chocolaterie et Confiserie
111 Fabrication de Conserves de Fruits et de Légumes
112 Abattage des Animaux
114 Fabrication de Conserves de Viandes
115 Fabrication de Corps Gras d'Origine Végétale ou Animale
116 Conserves de Poissons et Autres Fruits de Mer
117 Produits Alimentaires Divers
118 Aliments de Bétail
121 Fabrication de Bière et de Malt
122 Fabrication de Vins, Cidres
123 Fabrication de Spiritueux
124 Fabrication de Boissons Non Alcoolisés
125 Fabrication de Tabacs
131 Industrie de la Laine et des Fibres Longues
132 Industries Cotonnières et des Fibres Courtes
133 Industries de la Soie et des Fibres Continues
351
Nomenclature Nationale des Segments Industriels
(suite)
Code Segments
134 Industries d'autres Fibres Végétales
136 Finissage et Apprêt de Tissus
137 Fabrication d'Ouvrages en Tissu Non Destinés à l'Habillement
138 Bonneterie
141 Confection de Lingerie et de Chemiserie
142 Confection de Vêtements de Dessous
143 Confection de Vêtement de Lingerie sur Mesure
151 Tannerie Mégisserie
152+153 Fabrication d'Articles en Cuir ou de Succédanés de Cuir
154 Chaussures Totalement ou Partiellement en Cuir
161 Produits de Bois Scié ou Préparé
162 Placage et Fabrication de Contre Plaqué et Panneaux
163 Charpente et Menuiserie de Bâtiment
164 Fabrication d'Articles d'Emballage en Bois
165 Fabrication de Meubles et Matelasserie
166 Fabrication d'Articles Divers en Bois, Liège ou Vannerie
171 Fabrication de Pâte à Papier, de Papier et de Carton
172 Fabrication d'Articles en Papier et en Carton
173 Imprimerie, Edition et Industries Annexes
181 Fabrication d'Articles Divers en Céramique
182 Industrie de Verre
352
Nomenclature Nationale des Segments Industriels
(suite)
Code Segments
183 Fabrication de Matériaux de Construction en Terre Cuite
184+188 Ciment, Chaux et Plâtre
185 Fabrication d'Agglomérés Divers
186 Fabrication de Produits de Marbre, Pierre de Taille et Ardoise
187 Fabrication de Produits en Amiantes et Produits Abrasifs
191 Produits Sidérurgiques et Première Transformation des Métaux Non
Ferreux
192 Produits Non Ferreux et Première Transformation des Métaux
Ferreux
201 Coutellerie, Outillage à Main, Quincaillerie
202 Mobilier Métallique
203 Construction et Menuiserie métallique, Chaudronnerie, Tôlerie
204 Emballage Métallique
205 Articles métalliques Divers du Fil, Machines, Ressorts et Visserie
206 Tuyauterie, Robinetterie, Articles et Appareils de Chauffage
Domestique
207 Ustensiles de Ménages
208 Articles Métalliques Divers et Revêtement de Métaux
211 Moteurs et Turbines
212 Machines et matériel Agricole
213 Machines pour le Travail du Métal et du Bois
214 Matériel pour Mines, Bâtiments et Travaux publics
215 Matériel Spécialisé pour l'Industrie
353
Nomenclature Nationale des Segments Industriels
(suite)
Code Segments
216 Machines, Matériel et Fournitures Industrielles Non Spécialisées
217 Autres machines et Matériel à usage Domestique et Commercial
221 Véhicules particuliers
222 Véhicules Utilitaires
223 Motocycles et Cycles
224 Matériel Ferroviaire Roulant
225 Construction Navale et Préparation de Navires
226 Construction Aéronautique et Préparation des Avions
227 Autres Matériel de Transport
231 Générateurs et Moteurs Electriques
232 Matériel et Appareillage Electronique Industriel
233 Matériel Electrique de Signalisation et de Régulation de Trafic
234 Composants Electroniques
235 Appareils et Matériels Electriques
236 Appareils Electro-Domestiques
237 Fils et Câbles Isolés Electroniques
238 Piles et Accumulateurs
239 Lampes, Matériel d'Eclairage, Accessoires et fournitures Electriques
241 Machines de Bureaux et Appareils de Pesage
242 Matériel Médico-Chirurgical, Appareil de Précision, de mesure et
de Contrôle
243 Instruments d'Optique et Matériel Photographique
354
Nomenclature Nationale des Segments Industriels
(suite)
Code Segments
244 Montres et Horloges
251 Produits à Base de Chimie Organique et Minérale
252 Engrais, Pesticides et Insecticides
253 Résines Synthétiques et Matières Plastiques
254 Peintures, Vernis et Laques
255 Produits Pharmaceutiques et Médicaments
256 Savons, Produits d'Entretien et de Linge
257 Autres Produits Chimiques
261 Pneumatiques et Chambres à Air
262 Ouvrages Divers en Caoutchouc
263 Ouvrages en Matières Plastiques
271 Produits de la Bijouterie et de l'Orfèvrerie
272 Instruments de Musique
273 Articles de Sport et de Jeux
274 Articles de Bureaux et Divers
355
Annexe 2
Présentation des données brutes utilisées dans l’étude empirique
- Extraits de la table entrée-sortie du Maroc pour l’année 1990 selon :
- La classification à trois chiffres - La classification à deux chiffres
- Données statistiques utilisées dans les deux modèles économétriques
356
Annexe 3
Mesure du degré d’intégration verticale dans l’industrie manufacturière
marocaine
- Classification à deux chiffres
- Classification à trois chiffres
357
code 101 102 103 104 111 112 114 115 116 117 code 118
101 647,29 60,13 424,28 26,18 3,48 0,09 2,79 5,61 2,20 2,33 101 1,51
102 74,31 6,90 48,71 3,01 0,40 0,01 0,32 0,64 0,25 0,27 102 0,17
103 580,21 53,90 380,30 23,47 3,12 0,08 2,50 5,03 1,97 2,09 103 1,35
104 37,82 3,51 24,79 1,53 0,20 0,01 0,16 0,33 0,13 0,14 104 0,09
111 5,65 0,52 3,70 0,23 9,94 0,26 7,98 16,03 6,30 6,66 111 4,32
112 0,47 0,04 0,31 0,02 0,83 0,02 0,66 1,34 0,52 0,55 112 0,36
114 13,10 1,22 8,59 0,53 23,05 0,59 18,51 37,19 14,60 15,45 114 10,01
115 16,69 1,55 10,94 0,68 29,36 0,75 23,57 47,37 18,60 19,68 115 12,75
116 1,92 0,18 1,25 0,08 3,38 0,09 2,71 5,45 2,14 2,26 116 1,47
117 9,07 0,84 5,95 0,37 15,96 0,41 12,81 25,75 10,11 10,70 117 6,93
118 0,41 0,04 0,27 0,02 0,73 0,02 0,58 1,17 0,46 0,49 118 0,32
358
Degré d’intégration verticale des branches industrielles
(classification à deux chiffres)
Codes Branches IV
10 Produits des industries alimentaires 0.04400
11 Autres produits des industries alimentaires 0.01430
12 Boissons et tabacs 0.00540
13 Produits textiles et bonneterie 0.61280
14 Habillement à l’exclusion des chaussures 0.00003
15 Cuir et chaussures en cuir 0.14380
16 Bois et articles en bois 0.12000
17 Papier, carton et imprimerie 0.39970
18 Produits issus des matériaux de carrière 0.26320
19 Industrie métallique de base 0.67120
20 Ouvrages en métaux 0.36250
21 Machines et matériel d'équipement 0.01770
22 Matériel de transport 0.17750
23 Matériel électrique et électronique 0.05250
24 Machines de bureau et instruments de précision 0.00580
25 Produits de la chimie et de la parachimie 0.33490
26 Articles en caoutchouc ou plastique 0.28500
27 Autres industries manufacturières 0.00060
359
Indice d’intégration verticale des segments industriels marocains
code Segments IV
101 Travail de Grains 0.0436
102 Boulangerie, Pâtisserie et Biscuiterie 0.0342
103 Industrie de Sucre 0.0351
104 Chocolaterie et Confiserie 0.0261
111 Fabrication de Conserves de Fruits et de Légumes 0.0077
112 Abattage des Animaux 0.0122
114 Fabrication de Conserves de Viandes 0.0202
115 Fabrication de Corps Gras d'Origine Végétale ou
Animale
0.0156
116 Conserves de Poissons et autres Fruits de Mer 0.0039
117 Produits Alimentaires Divers 0.02
118 Aliments de Bétail 0.0013
121 Fabrication de Bière et de malt 0.0047
122 Fabrication de Vins, Cidres 0.0044
123 Fabrication de Spiritueux 0.0045
124 Fabrication de Boissons Non Alcoolisés 0.0055
125 Fabrication de Tabacs 0.0049
131 Industrie de la Laine et des fibres Longues 0.7031
132 Industries Cotonnières et des Fibres Courtes 0.6842
133 Industries de la Soie et des Fibres Continues 0.6309
134 Industries d'autres Fibres végétales 0.6284
136 Finissage et Apprêt de Tissus 0.5523
360
Indice d’intégration verticale des segments industriels marocains
(suite)
code Segments IV
137 Fabrication de Tissu Non Destiné à l'Habillement 0.3031
138 Bonneterie 0.2756
141 Confection de Lingerie et de Chemiserie 0
142 Confection de Vêtements de Dessous 0
143 Confection de Vêtement de Lingerie sur mesure 0.0001
151 Tannerie Mégisserie 0.1258
152+153 Fabrication d'Articles en Cuir ou de Succédanés de Cuir 0.1151
154 Chaussures Totalement ou Partiellement en Cuir 0.1139
161 Produits de Bois Scié ou Préparé 0.1311
162 Placage et Fabrication de Contre Plaqué et Panneaux 0.1136
163 Charpente et Menuiserie de Bâtiment 0.1275
164 Fabrication d'Articles d'Emballage en Bois 0.124
165 Fabrication de Meubles et Matelasserie 0.1395
166 Fabrication d'Articles Divers en Bois, Liège ou Vannerie 0.0748
171 Fabrication de Pâte à Papier, de Papier et de Carton 0.2955
172 Fabrication d'Articles en Papier et en Carton 0.3807
173 Imprimerie, Edition et Industries Annexes 0.5231
181 Fabrication d'Articles Divers en Céramique 0.2391
182 Industrie de Verre 0.2325
183 Fabrication de Matériaux de Construction en Terre Cuite 0.2382
184+188 Ciment, Chaux et Plâtre 0.2566
361
Indice d’intégration verticale des segments industriels marocains
(suite)
code Segments IV
185 Fabrication d'Agglomérés Divers 0.3394
186 Produits de Marbre, Pierre de Taille et Ardoise 0.2417
187 Fabrication de Produits en Amiantes et Produits Abrasifs 0.2921
191 Produits Sidérurgiques et 1ère
Transformation des Métaux
Non Ferreux.
0.6695
192 Produits Non Ferreux et 1ère
Transformation des Métaux
Ferreux
0.6627
201 Coutellerie, Outillage à Main, Quincaillerie 0.3084
202 Mobilier Métallique 0.3737
203 Construction et Menuiserie métallique, Chaudronnerie,
Tôlerie
0.38
204 Emballage Métallique 0.3018
205 Articles métalliques Divers du Fil, Machines, Ressorts et
Visserie
0.3837
206 Tuyauterie, Robinetterie, Articles et Appareils de
Chauffage Domestique
0.3874
207 Ustensiles de Ménages 0.3122
208 Articles Métalliques Divers et Revêtement de Métaux 0.3358
211 Moteurs et Turbines 0.0147
212 Machines et matériel Agricole 0.0157
213 Machines pour le Travail du Métal et du Bois 0.0082
214 Matériel pour Mines, Bâtiments et Travaux publics 0.0104
215 Matériel Spécialisé pour l'Industrie 0.0029
216 Machines, Matériel et Fournitures Industrielles Non
Spécialisées
0.0223
362
Indice d’intégration verticale des segments industriels marocains
(suite)
code Segments IV
217 Autres machines et Matériel à usage Domestique et
Commercial
0.0392
221 Véhicules particuliers 0.3038
222 Véhicules Utilitaires 0.2381
223 Motocycles et Cycles 0.299
224 Matériel Ferroviaire Roulant 0.0806
225 Construction Navale et Préparation de Navires 0.0009
226 Construction Aéronautique et Préparation des Avions 0.0561
227 Autres Matériel de Transport 0.0597
231 Générateurs et Moteurs Electriques 0.0189
232 Matériel et Appareillage Electronique Industriel 0.0592
233 Matériel Electrique de Signalisation et de Régulation de
Trafic
0.0446
234 Composants Electroniques 0.0832
235 Appareils et Matériels Electriques 0.0188
236 Appareils Electro-Domestiques 0.0418
237 Fils et Câbles Isolés Electroniques 0.0505
238 Piles et Accumulateurs 0.0442
239 Lampes, Matériel d'Eclairage, Accessoires et fournitures
Electriques
0.0724
241 Machines de Bureaux et Appareils de Pesage 0.0023
242 Matériel Médico-Chirurgical, Appareil de Précision, de
mesure et de Contrôle
0.0013
243 Instruments d'Optique et Matériel Photographique 0.0044
363
Indice d’intégration verticale des segments industriels marocains
(suite)
code Segments IV
244 Montres et Horloges 0.0049
251 Produits à Base de Chimie Organique et Minérale 0.3034
252 Engrais, Pesticides et Insecticides 0.0195
253 Résines Synthétiques et Matières Plastiques 0.444
254 Peintures, Vernis et Laques 0.4593
255 Produits Pharmaceutiques et Médicaments 0.479
256 Savons, Produits d'Entretien et de Linge 0.4596
257 Autres Produits Chimiques 0.427
261 Pneumatiques et Chambres à Air 0.2875
262 Ouvrages Divers en Caoutchouc 0.3228
263 Ouvrages en Matières Plastiques 0.3085
271 Produits de la Bijouterie et de l'Orfèvrerie 0.0003
272 Instruments de Musique 0
273 Articles de Sport et de Jeux 0.0003
274 Articles de Bureaux et Divers 0.0003
364
Annexe 4
Résultats de l’estimation des modèles économétriques
Modèle des déterminants de l’intégration verticale
Modèles des effets de l’intégration verticale sur les performances
économiques
365
Les Déterminants de l'Intégration Verticale
1. Version du modèle incluant la variable INCD
Variables du modèle
Variable expliquée LNIV
Variables explicatives
LNIK
LNH
LNTMOR
LNTEPCA
TCMCA
INCD
Récapitulatif du modèle
R² R² Ajusté F Signification de F
0,872 0,803 12,535 0,000
Analyse de la variance
Modèle Somme des carrés ddl Carré moyen
Régression
Résidu
Total
127,476
18,644
146,120
6
11
17
21,246
1,695
366
Coefficients
Variables Coefficients non
standardisés
Coefficients
standardisés
t
Signifi
cation
de t
Statistiques de
colinéarité
Erreur
Standard
Tolérance VIF
Constante
LNIK
LNH
LNTMOR
LNTEPCA
TCMCA
INCD
-16,699
3,084
4,709
-1,452
0,709
-18,239
11,588
2,843
0,406
1,080
0,457
0,295
8,307
8,799
-
0,997
0,634
-0,603
0,420
-0,256
0,162
-5,873
7,597
4,359
-3,179
2,407
-2,196
1,317
0,000
0,000
0,001
0,009
0,035
0,050
0,215
-
0,674
0,549
0,322
0,381
0,854
0,770
-
1,484
1,823
3,103
2,622
1,171
1,298
Corrélations de Pearson
Variables LNIV INCD TCMCA LNH LNTEPCA LNTMOR LNIK
LNIV
INCD
TCMCA
LNH
LNTEPCA
LNTMOR
LNIK
1,00
-0,112
-0,224
0,328
-0,067
0,049
0,685
1,00
0,105
0,155
-0,029
0,250
-0,182
1,00
-0,242
0,252
-0,317
-0,130
1,00
-0,605
0,629
0,241
1,00
-0,736
-0,480
1,00
0,442
1,00
Coefficients de corrélation
Variables LNIK TCMC
A
INCD LNH LNTEPCA LNTMOR
LNIK
TCMCA
INCD
LNH
LNTEPCA
LNTMOR
1,00
-0,078
0,298
0,112
0,214
-0,279
1,00
-0,217
0,056
0,019
0,239
1,00
-0,039
-0,165
-0,388
1,00
0,294
-0,301
1,00
0,500
1,00
367
2. Version du modèle excluant la variable INCD
Variables du modèle
Variable expliquée LNIV
Variables explicatives
LNIK
LNH
LNTMOR
LNTEPCA
TCMCA
Récapitulatif du modèle
R² R² Ajusté F Signification de F
0,852 0,791 13,848 0,000
Analyse de la variance
Modèle Somme des carrés ddl Carré moyen
Régression
Résidu
Total
124,536
21,584
146,120
5
12
17
24,907
1,799
Coefficients
Variables Coefficients non
standardisés
Coefficients
standardisés
t
Signifi
cation
de t
Statistiques de
colinéarité
Erreur
Standard
Tolérance VIF
Constante
LNIK
LNH
LNTMOR
LNTEPCA
TCMCA
-15,134
2,925
4,764
-1,218
0,773
-15,867
2,661
0,399
1,112
0,434
0,299
8,354
-
0,945
0,641
-0,506
0,458
-0,223
-5,688
7,326
4,284
-2,810
2,583
-1,899
0,000
0,000
0,001
0,016
0,024
0,082
-
0,740
0,549
0,380
0,392
0,896
-
1,352
1,820
2,635
2,550
1,116
368
Corrélations de Pearson
Variables LNIV TCMCA LNH LNTEPCA LNTMOR LNIK
LNIV
TCMCA
LNH
LNTEPCA
LNTMOR
LNIK
1,00
-0,224
0,328
-0,067
0,049
0,685
1,00
-0,242
0,252
-0,317
-0,130
1,00
-0,605
0,629
0,241
1,00
-0,736
-0,480
1,00
0,442
1,00
Coefficients de corrélation
Variables LNIK TCMCA LNH LNTEPCA LNTMOR
LNIK
TCMCA
LNH
LNTEPCA
LNTMOR
1,000
-0,014
0,130
0,279
-0,185
1,000
0,049
-0,018
0,172
1,000
0,291
-0,343
1,000
0,479
1,000
369
Les Effets de l’Intégration Verticale sur les Performances
Economiques
1. Résultats de l’estimation du modèle des effets de l’intégration sur le taux
de marge
Variables du modèle
Variable expliquée TMR
Variables explicatives
LNIV
IK
H
TEPCA
TMOR
Récapitulatif du modèle
R² R² Ajusté F Signification de F
0,758 0,657 7,519 0,002
Analyse de la variance
Modèle Somme des carrés ddl Carré moyen
Régression
Résidu
Total
5,344 E-03
1,706 E-03
7,050 E-03
5
12
17
1,069 E-03
1,421 E-04
370
Coefficients
Variables Coefficients non
standardisés
Coefficients
standardisés
t
Signifi
cation
de t
Statistiques de
colinéarité
Erreur
Standard
Tolérance VIF
Constante
LNIV
IK
H
TEPCA
TMOR
-4,73 E-02
-5,72 E-03
3,070 E-05
0,188
4,666 E-03
-2,42 E-03
0,021
0,001
0,000
0,034
0,002
0,000
-
-0,824
1,519
1,343
0,383
-1,905
-2,202
-4,213
4,562
5,565
2,081
-5,492
0,048
0,001
0,001
0,000
0,060
0,000
-
0,528
0,182
0,346
0,596
0,168
-
1,895
5,502
2,890
1,678
5,968
Corrélations de Pearson
Variables TMR LNIV IK H TEPCA TMOR
TMR
LNIV
IK
H
TEPCA
TMOR
1,000
-0,145
-0,070
0,292
-0,065
-0,200
1,000
0,420
0,220
-0,099
-0,117
1,000
0,280
-0,057
0,782
1,000
-0,554
0,570
1,000
-0,098
1,000
Coefficients de corrélation
Variables LNIV IK H TEPCA TMOR
LNIV
IK
H
TEPCA
TMOR
1,000
-0,666
-0,504
-0,258
0,580
1,000
0,588
0,356
-0,865
1,000
0,536
-0,692
1,000
-0,251
1,000
371
2. Résultats de l’estimation du modèle des effets de l’intégration sur le
rapport prix-coût
Variables du modèle
Variable expliquée PC
Variables explicatives
ODDIV
LNIK
LNH
TEPCA
Récapitulatif du modèle
R² R² Ajusté F Signification de F
0,549 0,411 3,960 0,026
Analyse de la variance
Modèle Somme des carrés ddl Carré moyen
Régression
Résidu
Total
1,006 E-02
8,254 E-03
1,831 E-02
4
13
17
2,514 E-03
6,349 E-04
Coefficients
Variables Coefficients non
standardisés
Coefficients
standardisés
t
Signifi
cation
de t
Statistiques de
colinéarité
Erreur
Standard
Tolérance VIF
Constante
ODDIV
LNIK
LNH
TEPCA
0,899
-9,00 E-03
2,737 E-02
7,194 E-02
1,321 E-02
0,033
0,003
0,010
0,020
0,005
-
-0,864
0,790
0,865
0,672
12,320
-2,938
2,658
3,542
2,628
0,000
0,012
0,020
0,004
0,021
-
0,401
0,392
0,581
0,530
-
2,493
2,549
1,720
1,888
372
Corrélations de Pearson
Variables PC ODDIV LNIK LNH TEPCA
PC
ODDIV
LNIK
LNH
TEPCA
1,000
-0,093
0,152
0,409
-0,007
1,000
0,694
0,328
-0,090
1,000
0,241
-0,368
1,000
-0,540
1,000
Coefficients de corrélation
Variables ODDIV LNIK LNH TEPCA
ODDIV
LNIK
LNH
TEPCA
1,000
-0,738
-0,421
-0,428
1,000
0,277
0,493
1,000
0,590
1,000
373