thèse hamdaoui

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1 Royaume du Maroc Université Cadi Ayyad Faculté des Sciences Juridiques Economiques et Sociales de Marrakech U.F.R: Théorie Economique et Techniques Quantitatives Thèse pour l’obtention du Doctorat en Sciences Economiques Soutenue par: Mohamed HAMDAOUI Sous la direction du Professeur: Brahim BOUAYAD Jury Brahim BOUAYAD Professeur à la Faculté de Droit de Marrakech Président Touhami ABDELKHALEK Professeur à l’I.N.S.E.A à Rabat Examinateur Idriss ELABBASSI Professeur à la Faculté de Droit de Marrakech Examinateur Bachir LAKHDAR Professeur à la Faculté de Droit de Marrakech Examinateur 2000-2001 Incitations à l’Intégration Verticale et Performances Economiques

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Royaume du Maroc

Université Cadi Ayyad

Faculté des Sciences Juridiques

Economiques et Sociales de Marrakech

U.F.R: Théorie Economique et Techniques Quantitatives

Thèse pour l’obtention du Doctorat en Sciences Economiques

Soutenue par:

Mohamed HAMDAOUI

Sous la direction du Professeur:

Brahim BOUAYAD

Jury

Brahim BOUAYAD Professeur à la Faculté de Droit de Marrakech Président

Touhami ABDELKHALEK Professeur à l’I.N.S.E.A à Rabat Examinateur

Idriss ELABBASSI Professeur à la Faculté de Droit de Marrakech Examinateur

Bachir LAKHDAR Professeur à la Faculté de Droit de Marrakech Examinateur

2000-2001

Incitations à l’Intégration Verticale

et

Performances Economiques

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Résumé

Les notions de firme et d’intégration verticale sont loin d’être faciles à aborder

et posent, par conséquent, de nombreuses difficultés théoriques et empiriques.

Ainsi, la définition de l’intégration verticale se réfère essentiellement au

transfert interne à la firme et à la substitution de l’échange non-marchand à

l’échange marchand. Toutefois, la diversité des approches de la firme implique

d’importantes divergences dans la définition, la délimitation et la mesure de

l’intégration verticale. Cette diversité s’est traduite, également, par un grand

débat théorique sur la nature des déterminants de l’intégration verticale et ses

effets sur l’efficience économique. Ce débat oppose, d’une part, les tenants de la

théorie du monopole qui expliquent l’intégration par les différentes formes

d’imperfection de marché et l’accusent d’être, souvent, une source

d’inefficience économique, et d’autre part, les adeptes de la théorie de

l’efficacité qui l’expliquent par des considérations essentiellement

transactionnelles liées au choix, par les firmes, de la forme de gouvernance la

plus efficace.

Sur le plan empirique, l’étude de l’intégration verticale pose de nombreuses

difficultés d’ordre méthodologique et pratique. A cet effet, la démarche

poursuivie dans ce travail adopte une approche interindustrielle afin de mesurer

le degré d’intégration verticale dans les industries manufacturières marocaines et

de vérifier empiriquement les hypothèses théoriques se rapportant aux

incitations à l’intégration et aux effets de celle-ci sur les performances

économiques. Ainsi, les principaux résultats obtenus révèlent :

- D’abord, la faiblesse et la dispersion du degré d’intégration des branches

industrielles marocaines.

- Ensuite, l’explication du degré d’intégration par les facteurs traduisant les

principales hypothèses théoriques.

- Enfin, la corrélation négative entre l’intégration verticale et les performances

industrielles, notamment, la profitabilité et la flexibilité stratégique.

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3

Abstract

Notions of firms and vertical integration are difficult to appraoch and pose,

therefore, many theoretical and empirical problems. Accordingly, the definition

of vertical integration refers, mainly, to firm’s internal transfert and use of the

non-market rather than the market exchange. However, the diversity of firm’s

approaches imply important divergences in definition, delimitation and measure

of vertical integration. It implies, also, a great theoretical debate upon the

determinant’s nature of vertical integration and their effects on economic

efficiency. This debate brings together the monopoly theory supporters who

explain away vertical integration with the different market imperfections, and

the efficiency theory followers who justify it, mainly, by the transactional

considerations that are closely linked to the firm’s choice of the most efficient

governance form.

On the empirical side, vertical integration poses many methodological and

practical problems. To that effects, our work processes adopt a cross-section

approach in measuring the degree of vertical integration in moroccan

manufactured industries and making empirical verification of theoretical

hypotheses concerning vertical integration determinants and their effects on

economic performances. Thus, the main results obtained reveal :

- The weakness and the dispersion of the moroccan industries degree of

vertical integration.

- The explanation of the degree of vertical integration by factors rendering the

main theoretical hypotheses.

- The negative correlation between vertical integration and industrial

performances, in particular profitability and strategic flexibility.

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4

Remerciements

Avant tout, je tiens à exprimer toute ma gratitude et ma reconnaissance au

Professeur Brahim BOUAYAD qui a eu l’amabilité de diriger ce travail avec

une grande rigueur et un énorme dévouement intellectuel. Je le remercie,

également, pour sa patience et sa grande générosité durant toutes les années qu’a

nécessité la réalisation de ce travail.

Mes remerciements s’adressent également aux Professeurs Touhami

ABDELKHALEK, Idriss ELABBASSI et Bachir LAKHDAR d’avoir accepter

d’évaluer ce travail en dépit de leurs différentes préoccupations.

Ma reconnaissance s’adresse aussi au Professeur Ahmed Souissi Directeur de

l’Ecole Supérieure de Technologie de Safi pour le soutien moral et l’assistance

logistique qu’il n’a cessé de me prodiguer depuis de nombreuses années.

Ma sincère gratitude s’adresse également à toutes les personnes qui m’ont

apporté leur concours et leur soutien pour la réalisation de ce travail. Je pense,

en particulier, à Messieurs :

- Abdessamad Boussalhi de l’Ecole Supérieure de Technologie de Safi.

- Mohamed Makhfouk de l’Ecole Supérieure de Technologie de Safi.

- Brahim Elmorchid de la Faculté de Droit de Marrakech.

- Salah Zkim de l’Ecole Nationale de Commerce et de Gestion de Settat.

- Aomar Ibourk de la Faculté de Droit de Marrakech.

- Abdelhadi Ait Sliman de l’Ecole Supérieure de Technologie de Salé.

Mes remerciements vont, enfin, à tous mes amis m’ayant assuré, chacun à sa

manière, des conditions meilleures de travail. Je pense particulièrement à H.

Sakouat, D. Medkouri, K. Ettahiri, M. Hicham, M. Boukil. Par ailleurs, je prie

mes autres amis de m’excuser pour ne pas les avoir cité par leurs noms.

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5

A mes parents,

mes sœurs et mes frères

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Table des Matières

Résumé ............................................................................................................….2

Absract .........................................................................................................….....3

Remerciements .................................................................................................…4

Dédicaces .........................................................................................................…5

Liste des figures ...........................................................................................…...15

Liste des tableaux ..........................................................................................…..17

Introduction générale ......................................................................................…19

Chapitre 1 : Les approches de la théorie de la firme

1.1 Introduction .............................................................................................…..26

1.2 La théorie néoclassique de la firme ..............................................................28

1.2.1 Conditions de production et conditions de l’offre dans

l’approche marginaliste de la firme .................................................28

1.2.2 La remise en cause de l’approche marginaliste de la firme ............31

1.3 La théorie de l’agence ..................................................................................36

1.3.1 Les relations et les coûts d’agence ..................................................37

1.3.2 Les branches de la théorie de l’agence ............................................39

1.3.3 Les versions du modèle principal-agent ...........................................40

1.3.4 Mécanismes incitatifs et résolution des conflits d’intérêts

entre actionnaires et dirigeants ........................................................41

1.3.4.1 Résolution des conflits par les mécanismes internes .........42

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7

1.3.4.1.1 Incitation des dirigeants par la rémunération .........42

1.3.4.1.2 La concurrence par la comparaison .......................43

1.3.4.1.3 La supervision .......................................................44

1.3.4.2 Les mécanismes incitatifs externes ....................................45

1.3.4.2.1 Le marché de travail des dirigeants .......................45

1.3.4.2.2 Le marché financier ..............................................47

1.3.4.2.3 La concurrence sur le marché des produits ..........49

1.4 La théorie des coûts de transaction ...........................................…...............51

1.4.1 Les coûts de transaction : origines, signification et définition .........51

1.4.2 Coûts de transaction et nature de la firme ........................................54

1.4.3 Prolongements de la théorie des coûts de transaction ......................57

1.4.3.1 Hypothèses sur le comportement ........................................57

1.4.3.1.1 Rationalité limitée et incertitude-complexité .........58

1.4.3.1.2 Opportunisme et petit nombre ...............................58

1.4.3.1.3 Asymétrie de l’information ...................................59

1.4.3.1.4 L’atmosphère ........................................................60

1.4.3.2 La spécificité des actifs ......................................................61

1.4.4 Critiques adressées à la théorie des coûts de transaction .................64

1.5 La théorie des droits de propriété .................................................................67

1.5.1 Définition et caractéristiques des droits de propriété ......................67

1.5.2 Les contrats incomplets ...................................................................68

1.5.3 Contrats incomplets et droits résiduels de contrôle .........................70

1.5.4 Limites de la théorie des droits de propriété ....................................74

1.6 Conclusion ...............................................................................…................75

Chapitre 2 : Intégration verticale : Eléments de définition, de

délimitation et de mesure

2.1 Introduction .......................................................................................…........76

2.2 Eléments de définition de l’intégration verticale .........................................77

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8

2.2.1 Définition .............................................................................…...…77

2.2.2 Les dimensions de l’intégration verticale ....................................…84

2.2.2.1 Stades de l’intégration verticale .....................................…84

2.2.2.2 Etendue de l’intégration verticale ..................................…85

2.2.2.3 Degré de l’intégration verticale .....................................…85

2.2.2.4 Forme de l’intégration verticale .....................................…85

2.3 Les relations verticales en théorie et en pratique .....................................…87

2.3.1 Le contrôle vertical ....................................................................….88

2.3.1.1 Définition des concepts de contrôle vertical et des

restrictions verticales ....................................................….88

2.3.1.2 Restrictions verticales et efficience ................................…91

2.3.1.2.1 Restrictions verticales et amélioration du

bien-être ...........................................................….92

2.3.1.2.2 Restrictions verticales et détérioration du

bien-être ...........................................................….95

2.3.2 Les politiques d’impartition .........................................................…97

2.3.2.1 Evolution de l’environnement et essor des politiques

d’impartition .................................................................….97

2.3.2.2 Champ d’application .......................................................…98

2.3.2.3 La sous-traitance: une forme d’impartition .....................100

2.3.2.3.1 Définition ............................................................100

2.3.2.3.2 Sous-traitance de capacité ou de spécialité ........101

2.3.2.4 Les nouvelles formes de partenariat vertical ....................101

2.3.2.4.1 Définition ............................................................101

2.3.2.4.2 Les origines du partenariat vertical .....................102

2.3.2.4.3 Principes du partenariat vertical ..........................103

2.3.2.4.4 Modalités d’instauration d’un partenariat

vertical ...............................................................104

2.4 Mesures de l’intégration verticale ..............................................................106

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2.4.1 Mesures des transferts internes .....................................................106

2.4.1.1 Mesure de l’équipement ..................................................107

2.4.1.2 Mesure de l’emploi .......................................................…108

2.4.2 Etendue de la participation d’une firme dans les différents

stades ........................................................................................…109

2.4.2.1 Mesure de la tendance de l’intégration verticale .............109

2.4.2.2 Ratio d’Adelman …..........................................................109

2.4.3 Mesure basée sur le tableau d’entrée-sortie ..................................112

2.4.3.1 Présentation du modèle de Leontief .................................112

2.4.3.2 Définition de l’indice VIC ...............................................113

2.4.3.3 Propriétés de l’indice VIC ...............................................114

2.4.3.4 Les facteurs qui agissent sur la valeur du VIC .................115

2.4.4 Mesure des dimensions de l’intégration verticale .........................116

2.4.4.1 Degré de l’intégration verticale .......................................116

2.4.4.2 Stades de l’intégration verticale ..............................….....117

2.4.4.3 Etendue de l’intégration verticale ....................................118

2.4.4.4 Forme de l’intégration verticale .......................................118

2.5 Conclusion .............................................................................................…119

Chapitre 3 : Imperfection des marchés, pouvoir de monopole

et intégration verticale

3.1 Introduction .............................................................................................…121

3.2 Concurrence, monopole et efficience économique ....................................122

3.2.1 Efficience des marchés concurrentiels ..........................................122

3.2.2 Inefficiences des monopoles .........................................................123

3.3 Intégration verticale et comportement stratégique ......................................126

3.3.1 Intégration verticale et barrières à l’entrée ....................................126

3.3.1.1 Présentation des barrières à l’entrée .................................126

3.3.1.1.1 Supériorité en matière de coûts ............................127

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3.3.1.1.2 Economies d’échelle ............................................128

3.3.1.1.3 Différenciation des produits .................................129

3.3.1.2 Intégration verticale et barrières à l’entrée .......................130

3.3.2 Forclusion de marché et écrasement des prix ...............................132

3.3.2.1 Ecrasement des prix .........................................................132

3.3.2.2 Forclusion de marché .......................................................135

3.4 Intégration verticale et distorsions de monopole.........................................138

3.4.1 Intégration verticale et double marge ............................................138

3.4.2 Intégration verticale et problème de négociation ..........................144

3.4.2.1 Monopole bilatéral et indétermination des prix ...............144

3.4.2.2 Intégration verticale et efficience ......................................147

3.5 Intégration verticale et exercice du pouvoir de monopole ..........................154

3.5.1 Intégration verticale et discrimination par les prix .........................154

3.5.1.1 Présentation de la discrimination par les prix ..................154

3.5.1.1.1 Problème d’arbitrage ..........................................155

3.5.1.1.2 Types de discrimination ......................................156

3.5.1.1.3 Discrimination et bien-être social .......................159

3.5.1.2 Intégration verticale et discrimination par le prix ............160

3.5.1.2.1 Discrimination sur les marchés finals .................160

3.5.1.2.2 Discrimination sur les marchés intermédiaires ....163

3.5.2 Intégration verticale et distorsion des proportions variables ........164

3.5.2.1 Présentation du problème .................................................164

3.5.2.2 Intégration verticale et bien-être social ............................166

3.6 Incertitude et problèmes d’agence ..............................................................168

3.6.1 Diversification et synchronisation .................................................169

3.6.2 Rationnement et garantie d’approvisionnement et de débouchés ..172

3.6.3 Information privée et problèmes d’agence ....................................173

3.7 Conclusion .............................................................................................…176

Page 11: thèse hamdaoui

11

Chapitre 4 : Intégration verticale et théories contractuelles

4.1 Introduction ............................................................................................…177

4.2 Discussion des arguments classiques de l’intégration verticale .................178

4.2.1 Interdépendance technologique ......................................................178

4.2.2 Cycle de vie des industries ............................................................180

4.2.3 Discrimination par les prix ............................................................184

4.2.4 Distorsion des proportions variables .............................................186

4.3 Les limites organisationnelles de l’intégration verticale ............................187

4.3.1 Les limites à la taille de la firme ....................................................188

4.3.2 Intégration verticale et difficultés de l’intervention sélective .......190

4.3.2.1 Les pertes dues à l’utilisation inadéquate des actifs ........192

4.3.2.2 Les pertes dues aux manipulations comptables ...............192

4.3.2.3 L’affaiblissement des incitations à l’innovation ...............193

4.4 Spécificité des actifs et intégration verticale ..............................................195

4.4.1 Choix séquentiel de la technologie et du mode d’organisation .....195

4.4.2 Choix simultané de la technologie et du mode d’organisation .....198

4.5 Monopole bilatéral et problème du hold up ...............................................202

4.5.1 La transformation fondamentale ....................................................202

4.5.2 Le problème du hold up dans une relation de monopole bilatéral 204

4.6 Spécificité des actifs et intégration verticale: évidences empiriques ..........208

4.6.1 Les études empiriques intra-industrielles ......................................210

4.6.1.1 Spécificité des actifs humains ..........................................211

4.6.1.2 Spécificité des actifs physiques et du site .........................214

4.6.2 Les études empiriques inter-industrielles ......................................218

4.7 Conclusion .............................................................................................…222

Chapitre 5 : Les caractéristiques du secteur industriel marocain

5.1 Introduction ...........................................................................................….223

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5.2 Contexte socio-politique et stratégie de développement au Maroc ............224

5.2.1 Planification et développement : 1960-1972 .................................225

5.2.2 La planification marocaine dans le contexte de stagnation

et de crise : 1973-1985 ...........................................................…228

5.2.3 Ajustement structurel et planification ............................................230

5.3 L’environnement institutionnel au Maroc ..................................................231

5.3.1 Le cadre juridique .....................................................................…232

5.3.1.1 Le droit de propriété .........................................................232

5.3.1.2 Le droit commercial .........................................................233

5.3.1.3 Le système judiciaire .......................................................233

5.3.2 Réforme du système comptable ....................................................234

5.3.2.1 Pertinence et fiabilité des informations comptables ........235

5.3.2.2 Qualité de l’analyse économique ......................................235

5.3.2.3 Qualité de l’analyse financière .........................................236

5.3.3 La loi sur la concurrence et la législation antitrust .........................237

5.4 Le contexte économique du secteur industriel marocain ............................238

5.4.1 Dualités de l’activité économique au Maroc .................................239

5.4.1.1 La dualité secteur public-secteur privé .............................239

5.4.1.2 La dualité secteur formel-secteur informel .......................240

5.4.2 Développement des secteurs de production ..................................242

5.4.3 Le système d’incitation à la production …….................................244

5.4.3.1 Les incitations d’ordre macroéconomique et budgétaire ..245

5.4.3.2 Les incitations au commerce extérieur .............................246

5.4.3.2.1 La libéralisation des importations .......................246

5.4.3.2.2 La promotion des exportations ............................247

5.4.3.3 La réglementation du marché et le contrôle des prix .......248

5.4.3.3.1 Le contrôle des prix intérieurs .............................248

5.4.3.3.2 La réglementation des marchés ..........................249

5.4.4 Fiscalité marocaine et incitation au secteur privé .........................250

Page 13: thèse hamdaoui

13

5.4.4.1 Le système fiscal au Maroc …………...………………...250

5.4.4.2 Comparaison de l’imposition fiscale des bénéfices

avec celle des autres placements ......................................252

5.4.4.3 Les incitations fiscales et financières prévues par

les codes d’investissement ...............................................254

5.4.5 Le financement de l’industrie marocaine ......................................256

5.4.5.1 L’accès aux capitaux .........................................................257

5.4.5.2 L’accès aux crédits .......................................................…258

5.5 Structures et performances du secteur industriel marocain .........................260

5.5.1 La structure des marchés ...........................................................…261

5.5.1.1 La concentration industrielle au Maroc ............................261

5.5.1.1.1 Indice de Herfindahl ............................................262

5.5.1.1.2 Ratio de concentration .........................................265

5.5.1.2 La mobilité du capital industriel .......................................267

5.5.2 Les performances des branches industrielles .................................271

5.5.2.1 Rapport prix-coût et dispersion des performances ............272

5.5.2.2 Productivité du travail et salaires ......................................276

5.6 Conclusion .............................................................................................…278

Chapitre 6: Intégration verticale dans l’industrie manufacturière

marocaine: Essai de vérification empirique

6.1 Introduction ............................................................................................…280

6.2 Les études empiriques sur l’intégration verticale ……………………....281

6.2.1 Les études inter-industrielles .......................................................281

6.2.2 Les études spécifiques à une industrie .........................................283

6.3 Mesure du degré d’intégration verticale dans l’industrie

manufacturière au Maroc .....……...........................................................…285

6.3.1 Présentation de la mesure d’intégration .......................................286

6.3.2 Le degré d’intégration des industries manufacturières

Page 14: thèse hamdaoui

14

marocaines …………………………………………………...….287

6.3.3 Interprétation des résultats .......................................................…292

6.4 Déterminants et effets de l’intégration verticale sur les

performances industrielles ………….…………......................................294

6.4.1 Rappel des principales prédictions théoriques ............................294

6.4.1.1 Les déterminants de l’intégration verticale ……………...294

6.4.1.2 Effets de l’intégration verticale sur les performances

économiques ....................................................................296

6.4.2 Choix des variables et spécification des modèles

économétriques …………………………………………………300

6.4.2.1 Nature et niveau d’agrégation des données .....................300

6.4.2.2 Choix des variables …………...........................................301

6.4.2.3 Spécification des modèles économétriques ..…...............307

6.4.3 Estimation des modèles et interprétation des résultats ..………...310

6.4.3.1 Estimation du modèle des déterminants de l’intégration

verticale .……………..………………………………….310

6.4.3.2 Estimation du modèle de l’intégration verticale et les

performances de l’industrie manufacturière …………….314

6.5 Conclusion .............................................................................................…321

Conclusion générale .....................................................................................…322

Bibliographie ................................................................................................…329

Annexes ........................................................................................................…343

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Liste des figures

1.1 Cadre des coûts de transaction ..............................................................……60

2.1 Diagramme des dimensions de l’intégration verticale .............................…86

2.2 Schémas des territoires exclusifs .............................................................…90

2.3 Exemple de vente liée ........................................................................…...…90

2.4 Portefeuille d’achats .............................................................................…..105

3.1 Squeeze de prix: situation initiale ...............................................................133

3.2 Squeeze simple .......................................................................................…133

3.3 Double squeeze .......................................................................................…134

3.4 Structure verticale d’un monopole successif ..............................................139

3.5 Prix d’équilibre du monopole bilatéral .......................................................145

3.6 Représentation de la discrimination par le prix ..........................................161

3.7 Combinaisons techniques d’un input offert par un monopole et

d’un input offert par un marché concurrentiel ............................................164

3.8 Substitution des inputs dans une structure verticale ..................................166

4.1 Cycle de vie des industries et intégration verticale ....................................181

4.2 Courbes de coûts unitaires des firmes dans une industrie en croissance ....183

4.3 Discrimination par le prix et surplus .........................................................185

4.4 Comparaison des coûts de gouvernance ......................................................196

4.5 Comparaison des coûts de production et de gouvernance ..........................197

4.6 Détermination des niveaux optimaux de X et de k ......................................200

4.7 Comparaison des profits dans les deux modes organisationnels .................201

6.1 Distinctions comptable et contractuelle des coûts ......................................283

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Liste des tableaux

3.1 Comparaison des performances des deux structures verticales ..................143

5.1 Part du secteur informel dans l’économie marocaine .................................241

5.2 Indicateurs caractéristiques des entreprises industrielles, des

secteurs structuré et non structuré localisé .................................................242

5.3 Structure du secteur industriel ....................................................................243

5.4 Comparaison structurelle entre le Maroc et les autres pays .......................244

5.5 Chiffres concernant le secteur public .........................................................245

5.6 Agrégats nationaux ………………................…........................................246

5.7 Taux d’imposition des bénéfices des sociétés ............................................251

5.8 Taux applicables pour le calcule de l’I.G.R ...............................................252

5.9 Effectif des activités par structure de marché ............................................263

5.10 Répartition des activités industrielles selon le degré de concentration

et le poids économique ….......................…………………………...........263

5.11 Evolution du classement du régime de marché des activités industrielles264

5.12 Concentration industrielle de la production (1985-1989) .........................266

5.13 Comparaison de la concentration au Maroc à celle du Japon

et de l’Inde ….......….……………………………………………………267

5.14 Taux d’entrée, de sortie et de turnover pondérés par le chiffre d’affaires268

5.15 Taille moyenne des permanents, entrants et sortants ...............................269

5.16 Niveau de performance des entreprises mesuré par le rapport prix-coût ..273

5.17 Répartition des ventes suivant l’orientation des marchés et le

niveau du rapport prix-coût .........................................................................274

5.18 Répartition des ventes par type de marché suivant le niveau du

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17

rapport prix-coût .....................................................................................…275

6.1 Répartition du nombre de segments industriels selon le degré

d’intégration verticale (classification à trois chiffres).................................288

6.2 Répartition du nombre de branches industrielles selon le degré

d’intégration verticale (classification à deux chiffres) ...............................289

6.3 Degré d’intégration verticale des segments industriels .............................290

6.4 Degré d’intégration verticale des branches industrielles ............................291

6.5 Classement décroissant des branches industrielles selon le degré

d’intégration verticale ............................................................................…292

6.6 Déterminants de l’intégration verticale (signes prévus des

coefficients estimés) ...............................................................................…308

6.7 Performances des branches industrielles (signes prévus des

coefficients estimés) ...............................................................................…310

6.8 Récapitulatif des principales statistiques du modèle des déterminants

de l’intégration verticale (LNIV) ......…………………...............................312

6.9 Résultats de l’estimation du modèle des déterminants de l’intégration

verticale ....................................…………………………………………..312

6.10 Récapitulatif des principales statistiques du modèle des déterminants

de l’intégration verticale (LNIV) (INCD exclue) ......................................313

6.11 Résultats de l’estimation du modèle des déterminants de l’intégration

verticale (INCD exclue) …...……………….............................................313

6.12 Récapitulatif du modèle des performances (variable expliquée : TMR) ..316

6.13 Résultats de l’estimation du modèle des performances (TMR) ………….317

6.14 Récapitulatif du modèle des performances (variable expliquée : PC) ….319

6.15 Résultats de l’estimation du modèle des performances (PC) ……………319

Page 18: thèse hamdaoui

18

Introduction Générale

L’étude de l’intégration verticale requiert, en principe, une approche

pluridisciplinaire. En effet, les questions de la dimension verticale d’une firme

intéressent, à la fois, les économistes, les juristes et les théoriciens de la gestion.

En premier lieu, la théorie de l’intégration verticale occupe une place importante

dans la théorie économique, en général, et celle de la firme en particulier. Cette

importance se justifie par la nécessité, sur le plan théorique, de déterminer la

dimension verticale optimale de la firme. En second lieu, la théorie de

l’intégration verticale suscite, de plus en plus, l’intérêt des juristes grâce aux

multiples apports et éclairages qu’elle a pu apporter à la théorie des contrats et

en raison de sa contribution fondamentale à l’édification des lois sur la

concurrence et des législations antitrust. Cet intérêt traduit, ainsi, la conviction

profonde des chercheurs que la résolution des problèmes de l’entreprise passe

d’abord par la compréhension du fonctionnement de celle-ci et des différentes

relations qu’elle entretient avec les autres agents économiques. En dernier lieu,

la stratégie d’intégration verticale constitue un sujet controversé pour les

théoriciens de la gestion et les dirigeants des entreprises, à cause, notamment,

des résultats mitigés des vagues de fusions verticales qui ont marqué les

dernières décennies. Néanmoins, elle constitue encore le cadre de référence dans

toutes les décisions relevant du choix entre « produire et acheter » et continue

d’occuper une place importante dans les stratégies de développement vertical

Page 19: thèse hamdaoui

19

des entreprises.

En plus de son intérêt théorique, le sujet de l’intégration verticale se doit d’être

d’actualité dans toutes les politiques de restructuration des pays en

développement qui tentent d’asseoir les bases d’une économie de marché et

d’assurer une meilleure intégration dans l’économie mondiale. C’est le cas,

notamment, du Maroc qui a entamé ce processus dès le début des années 80 et

envisage d’intégrer, dans les années à venir, la zone de libre échange avec

l’Union Européenne. Ainsi, l’étude du degré d’intégration verticale des

entreprises marocaines peut être d’une grande utilité dans l’évaluation des

conditions de l’efficience de l’économie marocaine d’une manière générale et

des marchés en particulier. Elle peut, en effet, renseigner sur le degré de

compétitivité des entreprises et celle des secteurs d’activités. De même, la

compréhension de la nature des relations verticales entre les entreprises pourra

être d’un grand secours aux législateurs et aux responsables dans l’application et

l’adaptation de cette législation à la réalité du pays.

D’une manière globale, la théorie de l’intégration verticale étudie les différentes

incitations des firmes à produire elles-mêmes les biens et les services

nécessaires à leurs processus de production au lieu de recourir au marché, et

examiner les effets de ce choix sur les performances des entreprises et des

structures verticales. Pour ce faire, les théoriciens étaient tenus de définir, avec

précision, les différentes dimensions de l’intégration verticale, et de marquer les

frontières de celle-ci avec les autres formes de relations verticales. Ils étaient,

ainsi, confrontés à de nombreuses difficultés d’ordre méthodologique, théorique

et pratique :

Le premier problème rencontré par les économistes était de donner une

définition convaincante aux notions de « firme » et « d’intégration verticale ».

En effet, la théorie économique propose une multitude d’approches

appréhendant la firme sous des angles et avec des visions très variés. Certaines

d’entre elles insistent sur la dimension technologique en considérant la firme

Page 20: thèse hamdaoui

20

comme une fonction de production tandis que d’autres mettent l’accent

davantage sur les différentes formes de contractualisation la caractérisant. La

multitude des approches de la théorie de la firme implique, également, une

diversité des définitions de l’intégration verticale. Ainsi, dans la conception

néoclassique, l’intégration d’une entreprise dans un stade vertical signifie le

contrôle absolu par celle-ci sur ce stade, notamment, à travers la centralisation

du mécanisme de prise de décision. En revanche, les théories contractuelles

insistent, davantage, dans leurs définition, sur le mécanisme de l’autorité au sein

d’une entreprise à travers la relation d’emploi ou la propriété des actifs

physiques.

Le second problème que devait résoudre la théorie de l’intégration verticale

intéresse le tracé des frontières entre celle-ci et les autres formes de relations

verticales. D’habitude, les entreprises se mettent, souvent, devant le choix entre

la production ou l’achat d’un bien ou un service. Mais, dans la pratique, ces

deux choix ne sont que les solutions extrêmes d’un continuum de relations

verticales possibles. Ces relations regroupent, en effet, toutes les formes de

quasi-intégration, de partenariats, d’alliances et de contrats à long ou à moyen

terme. Devant cette multitude d’alternatives, il est souvent difficile de tracer une

frontière hermétique entre l’intégration au sens strict et toutes les autres formes

de non-intégration.

Le troisième problème est une conséquence directe des précédents et concerne

particulièrement la question de mesure de l’intégration verticale. En effet, le

choix d’une mesure doit représenter fidèlement la définition retenue de

l’intégration verticale et se doit de la différencier clairement des autres formes

de relations. Pour ce faire, l’indice de mesure doit être capable de quantifier les

transferts internes à l’entreprise, chose souvent difficile à faire pour des raisons

à la fois méthodologiques et pratiques.

Le dernier problème se rapporte, quant à lui, à la spécification des principaux

déterminants de l’intégration verticale et l’évaluation de ses effets sur les

Page 21: thèse hamdaoui

21

performances économiques. Dans ce cadre, la théorie économique connaît un

grand débat qui oppose les adeptes de la théories du monopole d’un côté, et ceux

de l’efficacité de l’autre. Dans la conception du premier courant, l’intégration

verticale est, souvent, expliquée par le désir des firmes de renforcer et/ou

d’étendre leur pouvoir de monopole aux différents stades verticaux.

L’intégration caractérise, ainsi, essentiellement les structures monopolistiques et

constitue, par conséquent, une source d’inefficience économique. La conception

du second courant explique, quant à elle, l’intégration par des considérations

liées au choix de la forme de gouvernance la plus efficace. Ce choix traduit,

donc, la recherche par des entreprises des conditions de l’optimalité.

L’opposition du raisonnement des deux théories reflète, ainsi, les attitudes de

leurs adeptes vis-à-vis de l’intégration verticale et de ses effets sur le bien-être

social.

En se référant aux différentes difficultés ci-haut mentionnées, nous avons posé

les principales questions constituant la problématique de notre travail. Ces

questions insistent, en effet, sur les points les plus controversés de la théorie de

l’intégration verticale et tentent d’instaurer un pont susceptible de rapprocher les

différentes approches théoriques. Nous tenterons, ainsi, de répondre, tout au

long de ce travail, aux interrogations suivantes :

- Quelles sont les principales approches théoriques de la firme ? Et de quelle

manière, l’adoption d’une approche particulière influe-t-elle sur la définition

de l’intégration verticale ?

- Quelles sont les différents types de relations verticales que peut entretenir

une firme dans une structure verticale ? Y-a-t-il une frontière hermétique

entre l’intégration verticale au sens strict et la non-intégration ?

- Quelles sont les principales difficultés de mesure de l’intégration verticale ?

Et quelles sont les propriétés des différents indices de mesure proposés par la

théorie ?

- Quels sont les principaux déterminants qui incitent les firmes à s’intégrer

Page 22: thèse hamdaoui

22

verticalement ?

- Quels sont les effets de l’intégration verticale sur les performances

économiques des firmes et des structures verticales ? Quels sont, également,

ses effets sur le bien-être social ?

- De quelle manière peut-on établir un rapprochement des différentes théories

explicatives de l’intégration verticale ?

- Quelles sont, enfin, les principales remarques que l’on peut porter sur le

degré d’intégration des entreprises industrielles marocaines ? et dans quelle

mesure peut-on vérifier les hypothèses des théories de l’intégration dans

l’industrie manufacturière marocaine ?

Nous précisons que les questions faisant l’objet de la problématique de ce travail

respectent un enchaînement logique qui tente d’établir un fil conducteur reliant

ces différentes interrogations. A travers les réponses que nous donnerons, tout

au long de ce travail, nous espérons apporter une contribution aussi modeste

soit-elle sur le plan théorique et/ou empirique.

Pour ce faire, notre démarche consiste à présenter, avec un regard critique, l’état

de la recherche dans le domaine en procédant par un survol des travaux

théoriques portant sur la question de l’intégration verticale tout en insistant sur

les points de rencontre et de rupture des différentes tendances théoriques. Dans

ce cadre, nous avons tenté, chaque fois qu’il nous a semblé possible, de

confronter les différentes approches afin d’établir un rapprochement de leurs

raisonnements et des résultats théoriques qu’elles proposent. Cette démarche

nous paraît d’une grande utilité dans la mesure où elle nous a permis de voir les

choses d’un angle plus large et d’en tirer les enseignements dans le respect de la

rigueur et de l’objectivité scientifique.

Afin de consolider davantage les résultats théoriques de notre travail, nous avons

essayé de les valider empiriquement à l’aide d’une étude économétrique sur

l’industrie manufacturière marocaine. L’objectif initial du travail empirique

était de mener parallèlement deux études indépendantes. La première se basant

Page 23: thèse hamdaoui

23

sur des données agrégées relatives aux différentes industries, et la seconde

portant sur des données individuelles recueillies à partir d’un échantillon

représentatif des entreprises industrielles marocaines. Ces deux études nous

auraient permis de confronter les résultats empiriques établis sur la base de deux

découpages différents du système productif. Mais, faute de pouvoir disposer de

données individuelles, nous nous sommes limités à une seule étude dont l’objet

est de mesurer le degré d’intégration verticale des segments et des branches

industrielles au Maroc. Cette mesure a été effectuée à l’aide d’un indice mieux

adapté à ce niveau d’analyse. Nous avons élaboré, ensuite, deux modèles

économétriques en vue de vérifier empiriquement les principales hypothèses

théoriques relatives aux déterminants de l’intégration verticale et aux effets de

celle-ci sur les performances économiques. La construction de ces modèles s’est

basée sur les techniques de régression et a porté sur des données transversales

des branches industrielles marocaines selon la classification nationale à deux

chiffres. La méthodologie de travail empirique s’inscrit, ainsi, dans la tradition

du paradigme structure-comportement-performance de l’économie industrielle.

Afin de mieux répondre aux questions posées par la problématique, nous avons

choisi de traiter le sujet en six chapitres. Ce choix répond aux deux soucis

suivants :

- Celui de l’indépendance des chapitres en ce sens que chacun d’eux devrait se

suffire à lui-même pour apporter des réponses aux questions qu’il tente

d’étayer.

- Celui de l’établissement d’un fil conducteur reliant les chapitres successifs.

Ce fil devrait respecter deux logiques distinctes mais complémentaires : celle

de l’enchaînement selon un ordre d’importance croissant, et celle de la

cohérence de l’argumentation.

Ainsi, nous avons traité dans le premier chapitre les principales approches de la

théorie de la firme en insistant sur celles qui définissent la firme par référence à

sa dimension verticale. De manière précise, nous avons retenu quatre visions de

Page 24: thèse hamdaoui

24

la firme, notamment les théories néoclassique, de l’agence, de l’économie des

coûts de transaction et des droits de propriété. Le second chapitre traite, quant à

lui, des questions de la définition de l’intégration verticale, de sa délimitation

par rapport aux autres relations verticales et de sa mesure.

En ce qui concerne les questions sur les déterminants de l’intégration verticale et

de ses effets, nous avons jugé mieux de les traiter en deux chapitres distincts.

Ainsi, le troisième chapitre élucide la vision de la théorie du monopole en

insistant sur les incitations anticoncurrentielles, celles relatives aux distorsions

de monopole et à l’amélioration du pouvoir de marché, et celles liées à

l’incertitude et les problèmes d’agence. Le quatrième chapitre aborde, quant à

lui, les principales explications apportées par les théories contractuelles. A cet

effet, nous avons procédé, en premier lieu, par une discussion des arguments

classiques de l’intégration verticale avant de passer en revue les principales

limites organisationnelles de l’intégration verticale. Ensuite, nous avons présenté

les principaux arguments des théories contractuelles à savoir le rôle de la

spécificité des actifs et le problème du hold up dans une structure de monopole

bilatéral. En dernier lieu, nous avons établi une synthèse des principaux résultats

des études empiriques sur l’intégration verticale.

Enfin, les deux derniers chapitres sont axés sur l’examen empirique de

l’intégration verticale dans l’industrie manufacturière marocaine. Dans le

cinquième chapitre, nous avons tenu à donner une vue d’ensemble sur le secteur

industriel au Maroc en insistant sur : le contexte socio-politique et les stratégies

de développement du pays, l’environnement institutionnel et juridique et le

contexte économique global. Nous avons essayé, par la suite, de cerner les

principales caractéristiques de l’industrie marocaine en adoptant le raisonnement

du triptyque structure-comportement-performance. Le dernier chapitre traite,

quant à lui, de la vérification empirique proprement dite. Nous avons donné, à

cet effet, un rappel des méthodologies des études empiriques en la matière avant

de présenter les résultats de la mesure de l’intégration verticale des industries

Page 25: thèse hamdaoui

25

manufacturières marocaines. Enfin, nous avons exposé les principaux résultats

de l’estimation des deux modèles économétriques relatifs aux déterminants de

l’intégration verticale et à ses effets sur les performances économiques des

industries manufacturières marocaines.

Page 26: thèse hamdaoui

26

Chapitre 1:

Les Approches de la Théorie de la Firme

1.1 Introduction

La théorie de la firme a posé; depuis longtemps, de sérieux problèmes pour les

économistes. En effet, pendant que de nombreux progrès ont été réalisés dans la

description et l’analyse des performances du marché, le comportement des

firmes et des organisations est resté peu élucidé. D’une part, les modèles

formels de la firme s’avèrent extrêmement rudimentaires dans la mesure où ils

avancent des portraits hypothétiques de la firme très éloignés des véritables

organisations du monde réel. D’autre part, les théories qui tentent de tenir

compte des caractéristiques du fonctionnement des entreprises dans la réalité

manquent souvent de précision et de rigueur scientifique.

Pourtant, la firme, en tant qu’institution économique, revêt une grande

importance dans la théorie économique. Cette importance peut être justifiée par

plusieurs raisons. Tout d’abord, le volume d’échange qui s’opère à l’intérieur

des firmes est relativement aussi important que l’échange marchand, chose qui

nécessite une plus grande attention aux modes de transactions non marchands.

En suite, la prise de décision au sein des firmes est d’une nature bien différente

de celle représentée par les choix individuels sur les marchés. Ainsi, le

comportement d’une firme résulte plus d’un processus complexe d’agrégations

de décisions dans un réseau de relations d’agence. Enfin, la firme a joué un rôle

fondamental dans la croissance et la prospérité économique et sociale des pays.

En effet, les innovations organisationnelles ont participé amplement dans

l’amélioration du bien-être des individus et des sociétés.

Conscients du rôle de l’entreprise, en tant que moteur de développement

Page 27: thèse hamdaoui

27

économique, les théoriciens ont œuvré pour la construction d’une théorie de la

firme qui respecte à la fois la rigueur scientifique et le réalisme. C’est dans ce

contexte, qu’on a assisté, surtout durant les dernières décennies, à une

multiplication de tentatives visant l’édification d’une nouvelle théorie de la

firme capable de répondre à de telles fins. Les études qui s’inscrivent dans cette

tendance se caractérisent, cependant, par une grande diversité des approches

dans l'analyse des problèmes, à la fois internes et externes, de la firme. Cette

diversité pose le problème de la classification de ces différentes approches et le

choix d’un critère objectif capable de permettre la mise en évidence des

différents points de convergence et de divergence.

L’objectif modeste de ce chapitre n’est pas d’opérer un recensement exhaustif

des approches de la firme, mais plutôt de sélectionner certaines théories nous

permettant de situer la firme par rapport à sa dimension verticale. Pour y

parvenir, nous présenterons d’abord la théorie néoclassique à travers sa vision

technologique qui considère l’entreprise comme une fonction de production. En

suite, nous traiterons des théories qui adoptent une approche contractuelle et

organisationnelle dans leur raisonnement. Il s’agira, en premier lieu, de la

théorie de l’agence (principal-agent) qui a tenté de pallier l’insuffisance du

concept de la boite noire en formalisant les différentes relations d’agence à

l’intérieur et à l’extérieur de la firme. En second lieu, nous traiterons la théorie

des coûts de transaction qui s’est focalisée sur l’éclaircissement des frontières

entre la firme et le marché considérés, dans la logique de cette approche, comme

deux modes différents permettant d’effectuer les mêmes transactions. En dernier

lieu, nous présenterons l’approche des droits de propriété qui a des

soubassements juridiques, et qui considère la firme comme un ensemble de

contrats internes et externes qui génèrent des droits résiduels de contrôle

conférant une autorité aux détenteurs de ces droits.

Page 28: thèse hamdaoui

28

1.2 La théorie néoclassique de la firme

Dans la formulation théorique du modèle néoclassique, la firme est appréhendée

non pas comme un objet d’analyse, mais simplement comme un outil qui permet

de démontrer l’existence de l’équilibre partiel . En effet, l’équilibre partiel sur

un marché est défini par un prix du bien qui permet de réaliser la compatibilité

de l’offre et de la demande de ce bien. La firme est ainsi l’agent économique qui

assure la production des biens et des services. La théorie néoclassique de la

firme peut être, donc, assimilée à la théorie de la production et des prix dans la

formulation du modèle de l’équilibre partiel. Pour présenter l’approche

néoclassique de la firme il convient de considérer les conditions de production et

d’allocation des ressources d’une part, et les caractéristiques de coûts et de

l’offre d’autre part.

1.2.1 Conditions de production et conditions de l’offre dans l’approche

marginaliste de la firme

Dans la construction théorique de la production, le premier souci du producteur

est celui de la combinaison technique des facteurs de production disponibles

pour réaliser le maximum de production possible. La réalisation de l’allocation

efficace des ressources est liée à la spécification de la fonction de production qui

exprime la relation d’ensemble entre des combinaisons technologiquement

efficaces et l’output. Cette fonction doit vérifier un certain nombre d’hypothèses

qui sont principalement technologiques :

- Homogénéité des facteurs de production : cette hypothèse suppose l’absence

de toute forme de différenciation des facteurs de production qui sont mis à la

disposition des différentes firmes.

- Divisibilité des facteurs de production : cette hypothèse suppose que les

facteurs de productions sont indéfiniment divisibles de façon à pouvoir utiliser

l’ensemble des nombres réels. L’objectif principal de cette hypothèse est la

Page 29: thèse hamdaoui

29

simplification du raisonnement qui suppose une fonction de production

continue.

- Adaptabilité des facteurs de production : cette hypothèse suppose la parfaite

interchangeabilité des facteurs de production et leur adaptabilité à n’importe

quel type de production.

- Concurrence pure et parfaite : cette hypothèse implique que les agents

établissent leurs plans de production sans tenir compte d’éventuelles contraintes

en quantités (rationnements à l’achat ou débouchés limités), ni de l’incidence de

leurs transactions sur les prix qu’ils considèrent comme donnés.

La théorie du producteur suppose, par conséquent, que les firmes combinent et

choisissent la technique la plus efficace dans la fabrication d’un bien. Autrement

dit, elles connaissent la fonction de production et il n’y a pas de gaspillage dans

l’utilisation des inputs.

Après avoir établi les caractéristiques techniques de son ensemble de

production, la firme va prendre en compte un aspect purement économique, à

savoir les prix des inputs qu’elle va utiliser. La firme cherchera, par conséquent,

à réaliser le niveau de production optimal correspondant à la dépense minimale

en inputs. Dans la construction néoclassique, les paniers d’inputs correspondant

à un coût minimum, pour une quantité donnée d’output, doivent être choisis de

telle sorte que le taux marginal de substitution technique y soit égal au rapport

des prix des facteurs.

L’intervention de la firme ne se limite, cependant, pas à son comportement dans

le marché des facteurs en tant qu’acheteur d’inputs. En effet, la firme cherche

avant tout à déterminer le panier d’inputs et la production correspondante lui

permettant d’obtenir le profit maximum. La maximisation du profit constitue

l’objectif et le comportement de la firme tout à la fois. Deux conditions sont,

ainsi, nécessaires pour avoir un profit maximum correspondant à un niveau de

production optimal :

Page 30: thèse hamdaoui

30

- Des rendements d’échelle non croissants.

- Des productivités marginales non croissantes.

En effet, en présence de rendements d’échelle croissants, au voisinage du niveau

de production optimal, la firme aurait intérêt à acheter des quantités d’inputs

supplémentaires permettant un accroissement des recettes plus important que

celui des dépenses. Le même raisonnement peut être fait avec les productivités

marginales. Si la productivité marginale d’un input était croissante, la firme

aurait intérêt à utiliser des quantités supplémentaires de cet input de façon à

accroître son profit. D’une manière formelle, le panier d’inputs qui permet un

profit maximum de la firme est celui qui permet l’égalisation des rapports des

productivités marginales et des prix.

Le même résultat peut être obtenu en utilisant un autre raisonnement basé sur les

caractéristiques de la fonction de coûts. En effet, en partant de l’hypothèse que

le prix de l’output est une donnée et que le coût marginal croit avec la quantité

produite, la firme peut accroître sa production jusqu’au niveau de production qui

permet l’égalisation du coût marginal et du prix. Le panier d’inputs

correspondant à un coût marginal égal au prix de l’output implique donc un

niveau de production qui procure un profit maximum. La croissance de la

fonction du coût marginal constitue la condition nécessaire de la maximisation

du profit, ce qui se traduit habituellement par une forme en « U » de la courbe

du coût moyen.

Pendant plus d’un siècle, de nombreux travaux théoriques (Chamberlin (1933),

Robinson (1933), Bain (1954), Baumol (1962), Stiglitz (1975)…1) se sont

1 E. Chamberlin (1933) The Theory of Monopolistic Competition,Cambridge Mass. J.

Robinson (1933) The Economics of Imperfect Competition, London, cités par J. Tirole

(1988) Théories de l’Organisation Industrielle, Economica. J. Bain (1954) «Economies of

Scale, Concentration and Entry », American Economic Review, vol.44, pp .15-39. W. Baumol

(1962) « On the Theory of Expansion of the Firm », American Economic Review, vol.52, pp

.1078-1087. J. Stiglitz (1975) « Incentives, Risk and Information :Notes towards a Theory of

Hierarchy », Bell Journal of Economics, vol.6, pp. 552-579, cités par D. Needham (1972)

Readings in the Economics of Industrial Organization, Holt International Edition.

Page 31: thèse hamdaoui

31

donnés pour tâche l’amélioration et le raffinement de la conception de la firme

dans l’approche néoclassique, soit dans un contexte de l’équilibre partiel, soit

encore dans celui de l’équilibre général. Les principaux développements qui ont

été apportés, depuis, revoient certaines hypothèses qui sont considérées comme

peu réalistes et qui ont été relâchées sans, toutefois, porter atteinte à l’esprit de

l’analyse marginaliste. C’est dans cette mouvance que se situe l’ensemble des

travaux qui s’intéressent à la firme dans le contexte de la concurrence imparfaite

et qui introduisent des notions qui sont absentes dans le modèle de référence,

tels que le problème de l’incertitude ou la portée stratégique des décisions d’une

firme dans son marché. L’utilisation des nouveaux outils mathématiques ( telle

que la théorie des jeux ) a été d’une grande utilité dans la résolution de certains

problèmes qui ont été ignorés par les économistes pour la simple raison liée aux

difficultés de formalisation. Il convient de préciser, à ce titre, que la longévité de

la théorie néoclassique tient, entre autres, à l’élégance de sa formalisation

mathématique ainsi qu’à sa commodité pour l’analyse des conséquences des

interactions stratégiques entre les firmes dans des situations de concurrence

imparfaite.

1.2.2 La remise en cause de l’approche néoclassique de la firme

Depuis plusieurs décennies, l’approche marginaliste de la firme a suscité de

nombreuses critiques à tel point que certains économistes (Scitovsky (1943),

Reder (1947), Cyert et March (1963), Galbraith (1967)…2) voyaient dans

l’entreprise néoclassique une caricature de la firme moderne. En effet, il y a de

nombreux travaux théoriques et empiriques qui ont essayé de montrer, par tous

les moyens, qu’il y a une grande différence entre le concept de la firme dans la

2 T. Scitovsky (1943) « A Note on Profit Maximization and its Implications », Review of Economic Studies,

vol.11, pp. 57-60. M. Reder (1947) « A Reconsideration of the Marginal Productivity Theory », Journal of

Political Economy, vol.55, pp .450-458. R. Cyert et J. March (1963) « A Behavioral Theory of the Firm », J.

Galbraith (1965) The New Industrial State, Boston-Houghton-Mifflin. Cités par J.M. Chevalier (1976)

L’Economie Industrielle en Question, Calmann-Levy.

Page 32: thèse hamdaoui

32

construction théorique marginaliste et celui de l’entreprise dans le monde réel.

Cette absence de réalisme dans la vision néoclassique de la firme se traduit dans

la formalisation du fonctionnement, du comportement, et des objectifs de la

firme.

Le comportement maximisateur et l’objectif de maximisation du profit sont,

sans doute, les deux hypothèses qui ont suscité le plus de critiques. En ce qui

concerne le premier problème, on se demandait même si l’entreprise a un

comportement optimisateur dans la mesure où les membres d’une organisation

utilisent souvent des règles approximatives au lieu d’entreprendre des calculs

complexes. Parmi les arguments cités dans ce contexte, F. Knight (1933)3

avance la question de l’incertitude. En effet, à partir du moment où on introduit

l’incertitude, toute décision repose sur une prévision essentiellement subjective

des situations futures. La firme ne maîtrise plus toutes les variables dont dépend

la réalisation de son objectif. Cependant, cet argument peut être nuancé dans la

mesure où de nombreux comportements qui semblent non-optimisateurs peuvent

être le résultat d’optimisation sous contraintes, et par conséquent peuvent ne pas

être du tout irrationnels. Par exemple, un agent n’a généralement pas le temps de

rassembler toute l’information adéquate pour la prise de décision, il peut donc

prendre des décisions qui semblent a priori irrationnelles. Pourtant, ces décisions

peuvent être rationnelles, étant donné le coût d’opportunité du temps nécessaire

pour rassembler toute l’information requise.

En ce qui concerne le second problème, de nombreuses études ont montré que

les entreprises dans le monde réel ont d’autres objectifs qui s’éloignent plus ou

moins de la maximisation des profits. F. Machlup (1967)4 a recensé un certain

nombre de propositions qui ont été faites par des auteurs cherchant à observer ce

que font réellement les hommes d’affaires :

3 F. Knight (1933) Risk, Uncertainty and Profit, cité par J. M. Chevalier (1976) L’Economie Industrielle en

Question, Calmann Levy, p. 33. 4 F. Machlup (1967) « Theories of the Firm : Marginalist, Behavioral and Managerial », American Economic

Review, pp. 1-33.

Page 33: thèse hamdaoui

33

1- Scitovsky assure que les dirigeants sont amenés à faire un arbitrage entre la

recherche des profits et leurs loisirs dans la mesure où en cherchant à maximiser

le profit, ils n’auront plus de temps à consacrer à leurs loisirs. Selon Scitovsky,

l’arbitrage se fait souvent en faveur de ces derniers.

2- Reder suppose que les dirigeants ont besoin d’être appréciés par leurs

subordonnés. Ils ne seront donc pas assez sévères pour exiger de ceux-ci une

véritable maximisation de profit.

3- Monsen et Downs soutiennent l’idée que les dirigeants de la firme cherchent

plus à augmenter leurs salaires et leurs bonus que les profits de l’entreprise. Ils

soutiennent également que l’information ne circule pas comme il faut. Cette

viscosité déforme les variables sur lesquelles peut se fonder une véritable

stratégie de maximisation des profits.

4- Gordon avance que la préférence pour la sécurité et la volonté de survivre

dans le long terme sont des tendances plus fortes que la maximisation du profit.

5- Baumol conclue que c’est la maximisation des ventes sous contraintes d’un

profit satisfaisant qui constitue l’objectif de la firme.

6- Cyert et March assurent que les compromis entre les objectifs des différents

niveaux et fonctions de l’entreprise compromettent sûrement l’objectif de

maximisation de profit.

Machlup assure que cette liste est loin d’être exhaustive dans la mesure où

certains objectifs peuvent être spécifiques à certaines entreprises.

Ce qui ressort, donc, de cette liste est la remise en cause d’une identité d’objectif

pour les différentes entreprises. Mais en dépit de l’hétérogénéité de ces

différentes propositions, on peut les ramener à deux courants de pensée ou deux

approches de la firme : l’approche managériale et l’approche béhavioriste.

1.2.2.1 L’approche managériale de la firme

Le courant dit managérialiste part de l’idée de divorce ou de séparation entre la

Page 34: thèse hamdaoui

34

propriété et le contrôle au sein de l’entreprise moderne5. Le thème clé autour

duquel pivote la théorie de Berle et Means est celui de l’absence de certitude sur

le comportement maximisateur du profit des dirigeants non-propriétaires. Ces

derniers, en effet, n’auraient aucune raison d’avoir les mêmes objectifs que les

propriétaires. Ils tendraient, par conséquent, à poursuivre leurs propres

aspirations (salaires, bonus, avantages matériels…) qui sont supposées être

incompatibles avec la maximisation du profit.

La démarcation de l’approche managériale par rapport au marginalisme se

manifeste dans la critique de l’unicité de l’objectif de la firme, en essayant de lui

substituer d’autres objectifs tels que la survie, la sécurité ou la croissance.

D’autres voient que le profit n’est qu’un objectif partiel, auquel il faut ajouter

d’autres objectifs complémentaires (ventes, croissance, loisirs ou volonté de

puissance des dirigeants…). Dans ce dernier cas, il est intéressant de voir si ces

objectifs entrent directement dans la fonction objectif de la firme, ou s’ils sont

des objectifs intermédiaires6. Néanmoins, les managérialistes présentent

approximativement la même logique que les marginalistes dans la mesure où ils

ne rejettent pas le principe d’optimisation et les hypothèses de comportement, ce

qui n’est pas le cas des béhavioristes.

1.2.2.2 L’approche béhavioriste de la firme

Le courant des béhavioristes a été initié principalement par Cyert et March

(1963)7 qui sont partis du postulat que l’entreprise n’est plus une unité simple

5 Les premiers à mettre l’accent sur ce problème furent A. Berle et G. Means (1932) dans leur ouvrage « The

Modern Corporation and Private Property ». Berle et Means examinèrent la structure de capital des 200 plus

grandes sociétés américaines. Ils les classèrent selon leur situation de contrôle et arrivèrent à la conclusion que

la majorité d’entre elles étaient sous la catégorie du contrôle interne. Ce dernier se retrouve lorsqu’aucun

individu ou groupe ne détient une fraction importante du capital de sorte que le contrôle appartienne aux

managers. 6 L’économiste rencontre dans cette situation un dilemme bien connu. Une augmentation du nombre de variables

explicatives (arguments de la fonction objectif) rend plus aisée l’explication des phénomènes du monde réel. En

même temps, la théorie perd de son pouvoir de prévision et de sa généralité.

7R. Cyert et J. March (1963) A Behavioral Theory of the Firm, Prentice Hall, p. 67.

Page 35: thèse hamdaoui

35

qui se réduit à la personne de l’entrepreneur, mais une organisation complexe

dont les participants ont des objectifs différents. Dans cette mouvance, plus la

taille de l’entreprise est grande, plus la division du travail est poussée, entraînant

une dilution de la responsabilité. Plus l’organisation est complexe, plus il

devient difficile pour les dirigeants d’imposer leurs objectifs. Chaque participant

de l’entreprise agit donc selon une logique qui lui est propre, et peut avoir son

objectif propre. Il existe donc une multitude d’objectifs conflictuels et

l’entreprise apparaît, ainsi comme une coalition. La fonction générale d’objectifs

apparaît, dés lors, comme le résultat d’un marchandage entre les différentes

forces. Dans l’approche béhavioriste, la psychosociologie prend le pas sur

l’économie, c’est ce qui a instauré une dichotomie entre cette théorie et la

théorie néoclassique. En outre, le béhaviorisme rejette le principe de

maximisation qui constitue la pièce maîtresse de la théorie walrasienne. Le rejet

de ce principe est dû essentiellement à l’introduction de la notion de rationalité

limitée et le dépassement de la notion de «l’homoeconomicus » chère aux

marginalistes. Ce raisonnement instaure une démarcation fondamentale du

béhaviorisme par rapport au marginalisme, d’une part, et au managérialisme de

l’autre.

Les béhavioristes et les managérialistes sont, pourtant, d’accord sur le manque

de réalisme de la firme néoclassique. Dans une tentative de défense de

l’approche marginaliste, Machlup précise que le modèle de la firme dans la

théorie des prix n’est pas destiné à expliquer et prévoir le comportement des

firmes réelles, mais plutôt à expliquer et à prévoir les changements des prix

observés en tant qu’effets des changements particuliers dans des conditions

telles que la technologie, les taux de salaire ou les taux d’intérêt. Dans cette

connexion causale, la firme est uniquement un lien théorique qui permet le

passage de la cause à l’effet. On ne doit pas donc reprocher à cette théorie, selon

Machlup, un objectif pour lequel elle n’a pas été conçue.

Page 36: thèse hamdaoui

36

Pour comprendre le comportement d’une firme, il convient donc de construire

une théorie qui se fixe pour objectif une telle fin. C’est dans ce contexte que la

littérature économique a vu naître un certain nombre de théories qui peuvent être

qualifiées de «nouvelles théories de l’entreprise», et qui étaient initiées

essentiellement par le courant institutionnaliste. Ces théories qui sont appelées

parfois «théories contractuelles» proposent de nouveaux instruments pour

analyser les mécanismes de fonctionnement des firmes. Parmi les approches

concluantes dans ce courant, nous allons présenter, dans ce qui suit, la théorie de

l’agence, la théorie des coûts de transaction et la théorie des droits de propriété.

1.3 La théorie de l’agence

A. Smith (1776)8 était le premier à soulever la question de la séparation entre

propriété et contrôle dans les grandes entreprises. Il écrivait à ce titre : « les

directeurs de ces sortes de compagnies étant les régisseurs de l’argent d’autrui

plutôt que leurs propres argents, on ne peut guère attendre qu’ils y apportent

cette vigilance exacte et soucieuse que les associés d’une société apportent

souvent dans le maniement de leurs fonds. Tels que les intendants d’un riche

particulier, ils sont portés à croire que l’attention sur les petites choses ne

convient pas à l’honneur de leurs maîtres, et ils se dispensent très aisément de

les avertir. Ainsi, la négligence et la profusion doivent toujours dominer plus ou

moins dans l’administration de la compagnie. »

La même proposition a été reprise plus tard par d’autres économistes tels Berle

et Means (1932), Burnham (1947) et Galbraith (1967)9. Mais la séparation de la

propriété et le contrôle n’est qu’une forme particulière de la relation d’agence

qui peut revêtir plusieurs formes différentes à l’intérieur d’une firme et à

l’extérieur de celle-ci. Quelle est donc la signification d’une relation d’agence ?

8 A. Smith (1776) Recherche sur la Nature et les Causes de la Richesse des Nations, p. 401.

9 Berle et Means (1932) op cit. J. Burnham (1947) L’Ere des Organisations, Calmann Lévy, Paris. J. K. Galbraith

(1967) Le Nouvel Etat Industriel, Gallimard.

Page 37: thèse hamdaoui

37

Quelles sont les approches de la théorie de l’agence et les versions des modèles

qu’elle utilise ? Et quels sont enfin les mécanismes proposés par la théorie pour

résoudre les problèmes d’agence au sein d’une firme ?

1.3.1 Les relations et les coûts d’agence

La théorie de l’agence repose sur l’idée de séparation entre propriété et contrôle

et la divergence ou le conflit des intérêts entre actionnaires et dirigeants. La

réconciliation des intérêts divergents et la résolution des conflits implique donc

un certain nombre de coûts qui sont souvent supportés par les actionnaires. Ces

coûts correspondent aux coûts d’agence. Quelle est la signification de ces

coûts ? Sous quelle forme peut-on les rencontrer dans la réalité ?

Les coûts d’agence naissent généralement d’une relation d’agence ou relation de

mandat ou encore relation principal-agent selon l’appellation anglo-saxonne.

Cette relation lie en principe un «mandant» ou «principal» à un «mandataire» ou

«agent». Une première définition de la relation d’agence a été avancée par S.

Ross (1973)10

qui souligne qu’ «une relation d’agence se crée entre deux (ou

plusieurs) parties lorsque l’une des deux parties, désigné comme l’agent, agit

soit de la part, soit comme représentant de l’autre, désigné comme le principal

dans un domaine décisionnel particulier ». D’une façon similaire, M. Jensen et

W. Meckling (1976)11

définissent «une relation d’agence comme un contrat dans

lequel une (ou plusieurs) personne recourt aux services d’une autre personne

pour accomplir en son nom une tâche quelconque, ce qui implique une

délégation de pouvoir de nature décisionnelle à l’agent ».

Il convient donc de préciser que les coûts d’agence surviennent dans toute

10

S. Ross (1973) « The Economic Theory of Agency : the Principal’s Problem », American Economic Review,

vol.63, pp. 134-139. 11

M. Jensen et W. Meckling (1976) « Theory of the Firm : Managerial, Behavoiral Agency Costs and

Ownership Structure », Journal of Financial Economics, vol.3, pp. 305-360, cités par C. Maman

(1994) « L’Organisation de l’Indivision vers l’Individuation en Devenir d’un Concept », Economie et Sociétés,

n° 12, pp. 59-88.

Page 38: thèse hamdaoui

38

situation impliquant une coopération par deux ou plusieurs personnes même s’il

n’y a pas de relation d’agence bien définie. Jensen et Meckling étendent, ainsi,

la relation d’agence à toute forme de coopération. Ils préfèrent donc parler de

relation contractuelle ou de relation de coopération. Une relation de coopération

donne lieu à des problèmes d’agence sous plusieurs conditions :

- Il faut qu’il y ait divergence d’intérêt entre le principal et l’agent.

- Il faut que la relation soit établie dans un environnement d’incertitude

caractérisé par la «non-observabilité» des actions entreprises par l’agent.

En effet, la divergence des intérêts est une condition nécessaire mais insuffisante

pour l’apparition des problèmes d’agence. Ainsi, dans un univers sans

incertitude, marqué par la parfaite observabilité des efforts déployés par l’agent,

il serait possible d’établir un contrat permettant d’inciter ce dernier à agir

conformément aux vœux du principal sans qu’il puisse y avoir aucun coût

associé à l’établissement et à l’exécution de ce contrat. L’existence d’un

problème d’agence est liée donc, à l’incertitude, à la parfaite observabilité des

efforts de l’agent et aux coûts du contrat.

Les relations d’agence se caractérisent, ainsi, par l’apparition des coûts

d’agence. Jensen et Meckling distinguent trois sortes de coûts d’agence :

- Les coûts de surveillance : Ils sont notamment constitués de tout ce qui

s’apparente au système d’intéressement nécessaire à la réalisation des actions de

l’agent en conformité avec les objectifs du principal. Ils sont donc mis en place

pour motiver l’agent à agir conformément à l’intérêt du principal, et ils sont

supportés par ce dernier.

- Les coûts d’obligation : Ils correspondent à toutes les dépenses supportées

par l’agent pour gagner la confiance du principal.

- Les pertes résiduelles ou les coûts d’opportunité : Ils correspondent aux coûts

subis plus particulièrement par le principal, dans le cas d’un différentiel d’intérêt

entre principal et agent. Ces derniers coûts apparaissent dès lors que les coûts de

surveillance s’avèrent inopérants.

Page 39: thèse hamdaoui

39

1.3.2 Les branches de la théorie d’agence

Avant de présenter les théories d’agence, il convient d’abord de présenter les

hypothèses de cette approche. Ainsi, le coût d’agence repose sur la non-

complétude des contrats établis entre les acteurs. Cette incomplétude est due à la

rationalité limitée des agents et à l’incertitude caractérisant la relation. Les

acteurs vont alors chercher à profiter des vides laissés par ces contrats, qui ne

sont pas en mesure ex ante de déterminer tous les cas ou toutes les situations

possibles, dans lesquels les agents vont par la suite se retrouver. Ce

comportement des agents correspond à la volonté de maximiser leurs utilités

respectives. Ainsi, chaque agent, anticipant les mêmes comportements chez

l’autre, va chercher à se protéger contre ces comportements opportunistes.

Deux hypothèses fondamentales régissent donc le comportement des agents

dans la théorie d’agence :

- D’abord, les individus sont supposés agir de façon à maximiser leurs

fonctions d’utilité.

- Ensuite, ils sont capables d’anticiper rationnellement l’incidence des

relations d’agence sur la valeur future de leur patrimoine.

En retenant ces hypothèses de comportement, les travaux traitant des problèmes

d’agence ont emprunté deux voies différentes : une voie normative, et une voie

positive.

1.3.2.1 Branche normative de la théorie d’agence

C’est une approche très formalisée. Elle est due pour l’essentiel à des

économistes moins directement intéressés par l’étude des problèmes

d’entreprises (Ross (1973), Jensen et Meckling (1976), Mirrlees (1967), Harris

et Raviv(1979), Grossman et Hart (1983)). La branche normative étudie le

partage optimal du risque entre les agents, les caractéristiques des contrats

Page 40: thèse hamdaoui

40

optimaux et les propriétés des solutions d’équilibre. Elle s’est développée à

partir de modèles fondés sur les hypothèses relatives aux structures de

préférence des agents, aux structures d’information et à la nature de

l’incertitude.

1.3.2.2 Branche positive de la théorie d’agence

Elle utilise le cadre de raisonnement de la théorie de l’agence pour expliquer le

comportement réel des organisations et plus particulièrement des sociétés

privées. Fondée sur une approche méthodologique de type hypothético-

déductif, elle émet des conjectures qui sont ensuite confrontées à la réalité afin

de les confirmer ou de les infirmer.

1.3.3 Versions du modèle principal-agent

Dans le modèle principal-agent, l’hypothèse d’opportunisme des acteurs est

fondamentale. L’opportunisme d’un acteur (l’agent en règle générale) est facilité

par l’inobservabilité (pour l’autre partie) soit de ses actions, soit de ses

informations. Dans ce contexte, l’asymétrie de l’information est une condition

nécessaire à l’existence de l’opportunisme. Deux modèles principal-agent

peuvent, par conséquent, être distingués selon qu’il s’agisse d’action

inobservable ou d’information inobservable par le principal. En effet, lorsque

l’agent entreprend une action inobservable par le principal, on parle de modèle à

«action cachée» (ou risque moral ou aléa moral ou hasard moral). Kreps (1990)

définit une situation de risque moral dans une transaction entre deux parties

lorsqu’«une partie peut entreprendre certaines actions qui influencent

l’évaluation de la transaction faite par l’autre partie et, en plus, ne peuvent pas

être observées ou forcées par cette dernière partie ».

Dans la relation actionnaire-dirigeant, l’action cachée est définie par l’effort

entrepris par le dirigeant (agent) pour atteindre l’objectif souhaité par

Page 41: thèse hamdaoui

41

l’actionnaire (principal). En revanche, lorsque l’agent dispose d’une information

inobservable par le principal, on parle de modèle à «information cachée». Dans

une telle situation, l’agent a une information supérieure sur une certaine variable

exogène de l’environnement. Les modèles d’information cachée sont divisés en

deux groupes, selon que l’agent obtienne son information avant ou après la

signature du contrat. Le premier cas renvoie à la situation de «selection-adverse»

(ou sélection contraire ou sélection inverse).

La formalisation de l’inobservabilité d’une action ou d’une information par le

biais des modèles d’aléa moral et de selection adverse présente une grande

utilité dans la résolution des conflits d’intérêts des actionnaires et des dirigeants

et la détermination des mécanismes incitatifs.

1.3.4 Mécanismes incitatifs et résolution des conflits d’intérêts entre

actionnaires et dirigeants

En partant d’une conception de la firme caractérisée par une séparation entre la

propriété et le contrôle d’une part, et par la divergence des intérêts des

actionnaires et des dirigeants de l’autre, la théorie de l’agence propose un certain

nombre de mécanismes ayant pour objectif la réconciliation des intérêts et la

résolution des conflits. Certains de ces mécanismes sont induits par des actions

délibérées entreprises par les actionnaires pour inciter ou obliger les dirigeants à

adopter un certain comportement espéré (mécanismes internes). En revanche, le

même effet peut être provoqué, mais cette fois par le biais de mécanismes

induits par certaines forces du marché (mécanismes externes).

1.3.4.1 Résolution des conflits par les mécanismes internes

1.3.4.1.1 Incitation des dirigeants par la rémunération

Le problème d’agence, sous sa forme de risque moral, provient du conflit de

Page 42: thèse hamdaoui

42

base entre l’assurance et l’incitation. D’après la théorie de l’assurance, le

partage optimal d’un résultat (profit) de taille aléatoire, entre une partie neutre

envers le risque (actionnaires) et une partie ayant de l’aversion pour le risque

(dirigeants), consiste à laisser la partie neutre envers le risque supporter tout le

risque. Par conséquent, la partie risquophobe doit recevoir une assurance

complète en recevant un niveau constant sur tous les états de la nature.

Le problème des incitations survient lorsque la partie risquophobe, supposée

avoir de l’aversion pour l’effort, doit entreprendre une action non observable par

la partie neutre (effort) qui affecte le niveau du résultat aléatoire. En effet,

l’assurance complète implique le fait que la partie risquophobe n’a aucune

incitation à fournir un effort puisque cet effort n’affecte pas son revenu. Il s’agit

donc, pour les actionnaires, de trouver le schéma d’incitation optimal qui incite

les dirigeants à fournir plus d’effort. Pour amener les dirigeants à exercer l’effort

maximum, une solution consiste à rémunérer les dirigeants en fonction de leurs

performances (profits). Cependant, les profits sont une mesure très imparfaite de

la performance de la direction (Lewellen (1968), Grossman et Hart (1980)12

).

Par exemple, un investissement économiquement profitable peut réduire les

profits courants sans refléter une négligence de la direction ou une incompétence

de sa part. Le profit n’est donc pas un signal crédible de la performance de la

firme. Pour remédier à ce problème, les actionnaires peuvent récompenser les

dirigeants sur la base de la valeur de l’action de la firme plutôt que sur celle des

profits puisqu’en pratique, la compensation des dirigeants est contingente à la

valeur de l’entreprise et aux projets courants. De même, les manipulations

comptables qui affectent la valeur des profits peuvent être observables par le

marché et donc reflétées dans la valeur boursière de la firme.

12

W. Lewellen (1968) Executive Compensation in Large Industrial Corporations, Colombia University Press. S.

Grossman et O. Hart (1980) « Takeover Bids : The Free Rider Problem and the Theory of the Corporation »,

Bell Journal of Economics, vol.11, pp .42-64, cités par J. Tirole (1988) Théories de l’Organisation Industrielle,

Economica, p. 85.

Page 43: thèse hamdaoui

43

1.3.4.1.2 La concurrence par la comparaison

La théorie de la concurrence par la comparaison (yardstick competition) et celle

des tournois ont été développées par Lazerar et Rosen (1981), Green et Stockey

(1983), Nalebuff et Stiglitz (1983), Schleifer (1985)…13

. La concurrence par la

comparaison repose sur la comparaison de la performance d’un agent à celle

d’autres agents qui sont placés dans des conditions semblables. Un exemple

assez simple montre comment peut-on utiliser la concurrence par la comparaison

pour inciter les dirigeants à fournir l’effort maximum. Supposons que les

actionnaires supervisent deux dirigeants ayant la charge de deux services

similaires. Les profits des actionnaires sont égaux à la somme des profits

engendrés par chaque dirigeant, nets du salaire espéré. Selon que le dirigeant

fournisse un effort suffisant ou non, la valeur des profits espérés sera élevée ou

non. De plus, les incertitudes auxquelles les dirigeants font face sont supposées

être parfaitement corrélées, de façon que le même niveau d’effort procure le

même profit. Dans ces circonstances, les actionnaires peuvent utiliser le contrat

suivant : «si les deux dirigeants atteignent le même niveau de profit, les deux

reçoivent le salaire d’information complète14

, si les profits sont différents, le

dirigeant avec le profit élevé recevra le salaire d’information complète, et le

dirigeant avec le profit faible sera sévèrement puni».

Le salaire de chaque dirigeant dépend, donc, de la performance de l’autre

dirigeant, aussi bien que de la sienne. Puisque les incertitudes sont parfaitement

corrélées, les différences de performances entre les agents impliquent

automatiquement des différences dans l’effort fourni.

Par conséquent, la concurrence par la comparaison présente l’avantage de

permettre aux actionnaires de contourner des situations d’incertitude commune.

13

In Holmstrom et Tirole (1989) « Theory of the Firm », Handbook of Industrial Organization édité par R.

Scmalensee et R. Willig, North Holland. 14

Le salaire d’information complète correspond au «salaire net de réservation» augmenté de la valeur de

désutilité de l’effort. Le salaire net de réservation correspond au salaire que le dirigeant peut recevoir à

l’extérieur de l’entreprise.

Page 44: thèse hamdaoui

44

En outre, elle assure une adaptation efficiente des dirigeants aux changements

communs de l’environnement. Enfin, le principe de mesure ordinal de la

concurrence par la comparaison s’adapte mieux à des situations caractérisées par

des coûts de mesure élevés ou encore des situations où les mesures sont

difficilement quantifiables.

La concurrence par la comparaison a pourtant ses limites. Les agents devant être

comparés peuvent faire face à des conditions différentes. De plus, leurs

performances peuvent être brouillées par des particularités comptables ou des

erreurs de mesure.

1.3.4.1.3 La supervision

En reconnaissant les conflits d’intérêts entre les différents membres d’une

organisation, Alchian et Demsetz (1972) et Holmstrom (1982) 15

proposent une

théorie basée sur la production en équipe et sur l’impossibilité de mesurer la

performance individuelle. Alchian et Demsetz (1972) partent des questions des

non-séparabilités et des rendements d’échelle. Ils soutiennent l’idée que la

production d’une équipe excède la somme des productions de ses membres pris

séparément. Le problème qui se pose, pourtant, est celui de l’évaluation et donc

la rémunération de l’effort individuel des personnes qui travaillent en équipe. Il

se crée, par conséquent, un problème de passager clandestin (free-rider) entre les

membres d’une équipe. La solution proposée par Alchian et Demsetz consiste à

introduire une tierce personne (surveillant) pour mesurer les performances

individuelles. Le problème qui se pose alors est celui de la détermination du

mécanisme de contrôle du superviseur et de la nature de ses propres incitations à

superviser. La solution proposée par Alchian et Demsetz consiste à faire du

contrôleur le créancier résiduel en lui accordant tout le profit excédentaire de la

15

A. Alchian et H. Demsetz (1972) « Production, Information Costs, and Economic Organization », American

Economic Review, vol.62, pp. 777-795. B. Holmstrom (1982) « Managerial Incentive Problems : A Dynamic

Page 45: thèse hamdaoui

45

période. Holmstrom (1982) propose quant à lui de discipliner les membres de

l’équipe par des incitations monétaires en faisant des membres de l’équipe des

créanciers résiduels pour leurs propres décisions. Si une décision rapporte une

unité monétaire supplémentaire à l’organisation, le décideur doit recevoir cette

unité monétaire. Cependant, la non-séparabilité dans une organisation présente

des limites dans la mesure où un superviseur ne peut contrôler qu’un petit

groupe (Williamson (1975), p. 49). En outre, la supervision dans une

organisation est limitée par la possibilité de collusion entre des groupes de ses

membres. A côté des mesures incitatives utilisées par les actionnaires pour

réduire le pouvoir discrétionnaire des dirigeants, il y a d’autres facteurs externes

liés principalement aux caractéristiques des marchés.

1.3.4.2 Les mécanismes incitatifs externes

1.3.4.2.1 Le marché de travail des dirigeants

La préoccupation des dirigeants pour leurs carrières à l’intérieur et à l’extérieur

de l’entreprise constitue une limite à leur pouvoir discrétionnaire. En effet, au

sein de l’entreprise, la mauvaise performance d’un dirigeant constitue un signal

de sa capacité et de son effort, ce qui réduit ses perspectives de promotion

interne. De même, la valeur du capital humain d’un dirigeant sur le marché du

travail dépend, en grande partie, de sa réputation ainsi que de la réputation des

entreprises dont il était responsable dans le passé.

Pour formaliser ces idées, les auteurs recourent soit à la théorie des super-jeux,

soit à la théorie de la réputation en information asymétrique. Les principaux

travaux à l’origine de l’exploration de ces directions sont représentés, en effet,

par E. Fama (1980), L. Telser (1980), B. Holmstrom (1982), D. Kreps (1984), R.

Perspective », cité par J. Tirole (1988) op.cit, p. 95.

Page 46: thèse hamdaoui

46

Gibbon (1985) et M. Wolfson (1985)16

.

D’un côté, Fama (1980) conclue que les problèmes d’incitation sont exagérés

dans la mesure où les effets de la dynamique sont généralement ignorés. Ainsi,

le marché de travail des dirigeants, aussi bien interne qu’externe, possède un

pouvoir de discipline assez important dans la mesure où une action insuffisante

de la part du dirigeant implique une faible performance, ce qui entraîne une

détérioration de la valeur de son capital humain. Le pouvoir du marché, pour

Fama, est suffisant pour discipliner les dirigeants, ce qui exclue le recours à des

incitations explicites. D’un autre côté, Holmstrom (1982) reconnaît le pouvoir

de discipline du marché de travail en affirmant qu’il peut provoquer l’effort,

mais celui-ci ne représente pas un substitut parfait aux contrats d’incitation. En

effet, les dirigeants peuvent très bien travailler durement au début de leurs

carrières jusqu’à ce qu’ils instaurent une bonne réputation ; mais par la suite, ils

vont fournir le minimum d’effort. Holmstrom ajoute également que même si les

dirigeants sont soucieux pour leurs réputations, on peut relever une divergence

entre l’objectif d’amélioration de la réputation (dirigeant) et celui de la

maximisation de la valeur de la firme (actionnaires) dans des perspectives de

dynamique telles que les décisions d’investissement. Il convient donc, selon

Holmstrom, de recourir à un contrat d’incitation pour éliminer les divergences

entre les objectifs des actionnaires et ceux des dirigeants.

1.3.4.2.2 Le marché financier

Le marché financier peut constituer un moyen considérable pour résoudre les

problèmes d’incitation des dirigeants. Parmi les arguments qui confirment cette

16

E. Fama (1980) « Agency Problems and the Theory of the Firm », Journal of Political Economy, vol.88,

pp.288-307. L. Telser (1980) « A Theory of Self Enforcing Agreements », Journal of Business, vol.53, pp. 27-

44. B. Holmström (1982) « Moral Hazards in Teams », Bell Jounal of Economics, vol.13, pp. 324-340. D. Kreps

(1984) Corporate Culture and Economic Theory, Memeo-Graduate School of Business, Stanford University. R.

Gibbon (1985) « Piece- Rate Incentive Schemes », Journal of Labor Economics, vol.5, pp. 413-429. M. Wolfson

(1985) « Empirical Evidence of Incentive Problems and their Mitigation in Oil and Tax Shelter Programs », cités

par Holmstrom et Tirole (1989) op.cit

Page 47: thèse hamdaoui

47

proposition, on peut citer le risque des prises de contrôle (ou des OPA : Offres

Publiques d’Achats) qui peut constituer un véritable cauchemar pour le

dirigeant.

Mais avant de discuter l’effet de la crainte des OPA sur le comportement des

dirigeants, il convient de préciser les justifications des opérations de prises de

contrôle. L’une des premières explications justifiant le recours aux OPA était la

détention d’une information privée par le «raider» qui permet une amélioration

de la performance de la firme objet de l’opération. L’information privée n’est,

pourtant, pas la seule explication des OPA. Une des raisons pourrait être le fait

que le raider puisse évaluer la firme différemment pour des raisons subjectives,

ou son désir d’exploiter les actionnaires minoritaires en cas de succès de

l’opération, ou enfin le désir du raider de faire bénéficier certaines de ses

sociétés de l’opération. Généralement, le succès d’une opération d’OPA est

conditionné par la hausse de la valeur de la firme après le changement de

l’équipe dirigeante.

Plusieurs travaux (H. Manne (1965), R. Marris (1964), S. Grossman et O. Hart

(1980), O. Scharfstein (1985), J. Demski_D. Sappington et P. Speller (1987)17

)

ont avancé que l’échec dans la maximisation des profits diminue la valeur

boursière d’une entreprise et conduit les entrepreneurs extérieurs (raiders) à

acheter l’entreprise et remplacer sa direction pour la ramener vers la

maximisation des profits.

Pour que la menace de la prise de contrôle limite le pouvoir discrétionnaire des

dirigeants, il faut que ces derniers soient perdants dans une telle opération.

Cette hypothèse n’est pourtant valable que si les dirigeants sont punis à chaque

fois que leurs entreprises changent de mains. Cet argument reste, cependant, peu

17

H. Manne (1965) « Mergers and the Market for Corporate Control », Journal of Political Economy, vol.73,

pp.110-120. R. Marris (1964) The Economic Theory of Managerial Capitalism, Macmillan. S. Grossman et O.

Hart (1980) « Takeover Bids, the Free Rider Problem and the Theory of Corporation », Bell Journal of

Economics, vol.11, pp. 42-64. D. Scharfstein (1985) The Disciplinary Role of Takeovers, Mimeo, MIT. J.

Demski, D. Sappington et P. Spiller (1987) « Managing Supplier Switching », Rand Journal of Economics,

vol.18, pp. 77-97, cités par J. Tirole (1988) op.cit, p. 89.

Page 48: thèse hamdaoui

48

plausible en raison des responsabilités limitées des dirigeants, ainsi que

l’interdiction de l’esclavage. Pire encore, les dirigeants reçoivent souvent des

parachutes dorés (golden-parachutes) lors de leur limogeage après un raid. Un

autre argument, plus plausible, pourrait être la perte de rentes dont jouissaient

les dirigeants après leur limogeage par le raider. Parmi ces rentes, on peut citer

principalement le prestige et la réputation.

Les prises de contrôle ont, cependant, plusieurs limites qui annulent leurs effets

sur le comportement des dirigeants :

1- Une OPA nécessite, généralement, de l’information coûteuse sur les

inefficiences de l’entreprise. Or, une telle opération ne peut être rentable que si

les profits espérés dépassent les coûts engagés.

2- Certains auteurs, tels que Grossman et Hart, ont soulevé un problème

potentiel de passager clandestin qui peut réduire l’incitation. En effet, les

opérations de prises de contrôle sont souvent suivies de hausses de la valeur des

actions de la firme visée par l’opération. Conscients de cette éventualité, certains

actionnaires peuvent refuser de céder leurs actions en espérant bénéficier de la

hausse des cours de leurs actions après le raid. Un tel problème, est susceptible

de remettre en cause le succès de toute l’opération. Grossman et Hart assurent,

cependant, qu’un tel problème peut être résolu par le biais de la dilution18

.

3- La résistance des dirigeants initiaux constitue, également, un frein aux effets

du risque d’une OPA. En effet, ils peuvent résister à l’opération soit par le

recours à la législation antitrust, soit par des «pilules empoisonnées» (poison

pills)19

, soit enfin par des alliances avec le raider aux dépens des actionnaires.

4- La menace de prise de contrôle peut, enfin, avoir des effets pervers. Tout

d’abord, elle diminue l’incitation des dirigeants à réaliser des investissements de

18

La dilution consiste à vendre certains actifs de l’entreprise à une autre société possédée par le raider en des

termes désavantageux pour les actionnaires minoritaires. Ces derniers peuvent, cependant, s’opposer à ce que

cette pratique soit permise sur une grande échelle. 19

Les pilules empoisonnées sont des droits préférentiels de souscription d’actions qui ne sont exercés que dans le

cas d’une OPA sur une fraction importante de l’entreprise. Ils sont en quelque sorte assimilés à un droit d’entrée

Page 49: thèse hamdaoui

49

long terme. Elle détruit également la stabilité d’emploi des dirigeants, ce qui

peut conduire à des décisions qui sont contraires à l’intérêt de l’entreprise.

Enfin, elle empêche le développement de la confiance entre les dirigeants et les

autres employés.

1.3.4.2.3 La concurrence sur le marché des produits

Un des arguments rigoureux avancés pour défendre la concurrence est celui de

la sélection naturelle de Darwin. A long terme, toutes les entreprises non

efficientes sont condamnées à disparaître pour laisser place aux seules

entreprises ayant atteint un certain seuil d’efficience.

A cet effet, S. Winter (1971)20

a suggéré qu’une entreprise concurrentielle qui

prend des décisions inefficaces doit généralement encourir des pertes, ce qui

l’oblige à chercher de meilleures décisions pour survivre.

Hormis le souci de survie, un autre effet de la menace de faillite et de pression

concurrentielle sur les incitations de la direction provient de la possibilité de la

concurrence par la comparaison. Les actionnaires peuvent baser les rétributions

des dirigeants sur les profits des concurrents ou sur le prix du marché.

Cependant, lorsque certaines données extérieures ne sont pas disponibles, on se

trouve face à la difficulté d'observation de l’effet de la concurrence, dans le

marché du produit, sur les incitations internes.

Pour montrer que la concurrence a une influence sur le contrôle interne même en

absence de données disponibles sur certaines variables des concurrents, O. Hart

(1983)21

considère un secteur concurrentiel avec deux sortes d’entreprises : des

sociétés par actions et des entreprises individuelles. En présence d’un faible coût

marginal de production, les entreprises individuelles augmenteront leurs

que le raider doit acquitter. 20

S. Winter (1971) « Satisficing, Selection, and Innovation Remnants », Quaterly Journal of Economics, vol.85,

pp. 237-261, cité par J. Tirole (1988) Théories de l’Organisation Industrielle, Economica, p. 97. 21

O. Hart (1983) « The Market Mechanism as an Incentive Scheme », Bell Journal of Economics, vol.74,

Page 50: thèse hamdaoui

50

productions, ce qui aura pour effet une réduction du prix du marché. Dans ce

cas, les dirigeants des sociétés par actions ne peuvent pas profiter du coût

marginal pour diminuer leurs efforts. En effet, lorsque la proportion des

entreprises individuelles augmente, les profits des sociétés par actions

deviennent moins sensibles aux incertitudes extérieures. Cela rend leur contrôle

plus facile pour les actionnaires, et entraîne moins d’inefficacité.

En guise de conclusion, on peut dire que, dans la réalité, il faut combiner

plusieurs mécanismes d’incitations pour réconcilier les intérêts des actionnaires

et des dirigeants et ramener l’entreprise à l’objectif de maximisation du profit.

Avec un tel exploit, la théorie de l’agence arrive ainsi à pallier certaines

insuffisances de la vision néoclassique de la firme par l’adoption d’un

raisonnement et d’une démarche beaucoup plus proches de la réalité des firmes

modernes. Mais, surtout par la démystification relative de la «boite noire» et la

description d’un côté non négligeable du fonctionnement de la firme. La théorie

reste, malgré tout, incapable de fournir des explications sur certains points qui

paraissent essentiels à toute théorie objective de la firme. Elle ne permet pas de

dire, par exemple, comment se prennent les décisions dans une firme, et

comment s’applique l’autorité à l’intérieur d’une hiérarchie. Or, c’est à travers la

réponse à de telles questions qu’une théorie de la firme peut démystifier le

contenu de la boite noire et décrire le fonctionnement interne d’une organisation.

D’un autre côté, la théorie de l’agence reste peu valable pour décrire la relation

d’une firme avec les autres agents économiques ainsi que sa relation avec le

marché. La restriction de ces relations à des relations d’agence serait une

réduction trop abusive de la réalité. La réponse à certaines de ces questions sera

donc apportée par d’autres théories qui adoptent des raisonnements et des

démarches qui leurs sont propres et qui tentent d'explorer d’autres directions.

pp.366-382, cité par J. Tirole (1988) Théories de l’Organisation Industrielle, Economica, p. 98.

Page 51: thèse hamdaoui

51

1.4 La théorie des coûts de transaction

Parmi toutes les nouvelles théories de la firme, la théorie des coûts de

transaction revêt une importance privilégiée due, essentiellement, au caractère

novateur qui se manifeste dans l’approche originale qu’elle adopte et la

pertinence des questions auxquelles elle tente d’apporter des réponses.

L’originalité de l’approche se rapporte, d’une part, au choix de l’unité de base

de son analyse (la transaction), et d’autre part, à la juxtaposition de la firme et

du marché en tant que modes alternatifs permettant la coordination de la

production et l’allocation des ressources. La pertinence des questions que cette

théorie propose se rapporte, quant à elle, à l’intérêt que revêt la nature de la

firme, les raisons de sa naissance, de sa croissance et de sa taille.

1.4.1 Les coûts de transaction : origines, signification et définition

Le concept de coût de transaction est né de l’article de R. Coase en 1937 sur «la

nature de la firme», qui montre que ce sont les coûts de recours à l’échange qui

expliquent l’existence de la firme.

Cependant, on peut dégager deux visions différentes des coûts de transaction :

celle de Coase et celle de Hess. Selon Coase, la firme répond à la nécessité

d’économiser des coûts de transaction, qui sont dus au processus même de

l’échange. L’idée développée alors est que les coûts de transactions existent sur

le marché mais sont absents de la firme. La question qu’il convient de poser est

de savoir si ces coûts sont dus au processus de l’échange marchand en

particulier, ou au processus de l’échange en général. S’ils sont liés à la notion

générique d’échange, et si l’on considère que la firme est constituée de relations

d’échanges, on devrait trouver des traces de coûts de transaction également dans

la firme.

Contrairement à Coase, Hess (1983)22

montre que le marché et la firme peuvent

22

J. Hess (1983) The Economics of Organization, North Holland, cité par C. Maman (1994) « L’Organisation :

De l’Indivision vers l’Individuation en Devenir d’un Concept », Economies et Sociétés, n°12, pp. 59-88.

Page 52: thèse hamdaoui

52

constituer des formes substitutives de l’allocation des ressources qui jouent des

rôles bien différents. Alors que le marché permet de satisfaire des intérêts

personnels parfaitement individualisés, la firme aurait pour vocation de répondre

à des objectifs collectifs à travers l’union et la coopération des participants de la

firme. La théorie néoclassique laisse, généralement, entendre que l’échange par

le marché est générateur de gains tout en occultant les coûts qui peuvent

découler de cet échange. Ces coûts peuvent se définir comme l’ensemble des

coûts spécifiques liés à la gestion du face-à-face entre deux agents économiques

individuels ou collectifs.

P. Joffre et alii (1987)23

indiquent en effet que «le coût de transaction intègre les

ressources utilisées pour concevoir et suivre le contrat portant transfert de droits

de propriété d’un individu à un autre, d’une organisation à une autre. Ces

ressources comprennent notamment le travail nécessaire à la recherche d’un

compromis, les efforts de standardisation et de certification de la qualité des

biens échangés, les honoraires des conseils chargés de s’assurer du caractère

légal des dispositions envisagées et enfin les impôts attachés à certains types de

transactions ». Ainsi, ces coûts concernent tout ce qui est lié à la structure

d’échange comme le degré de confiance des participants entre eux, les

caractéristiques de la législation, ou encore les attitudes culturelles et morales

qui conditionnent l’échange.

Les économistes qui cherchent à montrer les vertus du système marchand, en

avançant le concept de main invisible, omettent donc de préciser que le

fonctionnement de cette main invisible ne se fait qu’à un certain coût : le coût de

transaction. Dans cette logique, C. Menard (1989) 24

propose un rapprochement

avec la thermodynamique en expliquant que le système économique marchand

est consommateur d’énergie et cette consommation apparaît sous forme de coûts

23

P. Joffre et alii (1987) De Nouvelles Théories pour Gérer l’Entreprise, Economica, p. 89. 24

C. Menard (1989) « Les Organisations en Economie de Marché », Revue d’Economie Politique, n°6, cité par

C. Maman (1994) « L’Organisation : De l’Indivision vers l’Individuation en Devenir d’un Concept », Economies

et Sociétés, n°12, pp. 59-88.

Page 53: thèse hamdaoui

53

de transaction. Pour sa part, K. Arrow (1969)25

précise que les coûts de

transaction correspondent aux coûts de fonctionnement du système économique.

Partant de l’idée que le coût de transaction est lié aux opérations d’échange et

donc aux contrats, on peut établir une classification des coûts de transaction qui

se fonde sur la naissance de ces coûts avant, au cours et après la conclusion d’un

contrat entre deux parties :

- Le premier type de coût de transaction est relatif à la mesure des attributs des

biens et services objets de l’échange. Ce coût peut se traduire par un coût

d’information, engendré notamment par les études de marché nécessaires à la

détection des besoins et à leur évaluation, ainsi qu’à la connaissance des

habitudes d’achat et de consommation des acheteurs potentiels. On peut,

également, intégrer dans cette première composante du coût de transaction le

coût par lequel le marché tenterait de réduire l’incertitude par le biais des

réglementations que P. Joffre et alii désignent par les efforts de standardisation

et de certification de la qualité des biens échangés.

- Le second type de coût de transaction renvoie aux efforts entrepris pour

éviter la propension opportuniste d’un échangiste. En effet, lorsque l’échange ne

repose pas sur une confiance validée par une relation personnalisée ou répétée, il

n’y a aucune raison pour que la recherche de l’intérêt respectif de chaque

participant à l’échange ne les pousse à chercher à abuser l’un de l’autre de façon

à en tirer profit. Ce sont, généralement, des coûts engendrés par l’établissement

des contrats liés au transfert des droits de propriété, ainsi que par le temps passé

en amont du contrat à la recherche d’un compromis, afin d’éviter les

comportements opportunistes.

- Le troisième type de coût de transaction est celui qui est induit par toutes les

procédures nécessaires au respect d’un contrat. Il faut, en effet, prévoir

l’existence d’un intermédiaire neutre susceptible de trancher de façon impartiale

25

K. Arrow (1969) The Organization of Economic Activity : Issues Pertinents to the Choice of market versus

non Market Allocation, cité par X. Gillis (1987) « La Nature de la Firme et la Théorie des Coûts de

Page 54: thèse hamdaoui

54

en cas de désaccord. Cette tierce partie, jouant le rôle d’arbitre, peut être

assimilée à des organismes de défense des consommateurs ou encore à des

tribunaux de commerce garantissant la légalité du contrat envisagé ou signé.

Il convient de préciser que l’internalisation des transactions n’implique pas

l’élimination totale des coûts de transaction. En effet, l’organisation ne fait que

minimiser les coûts de transaction sans pour autant les faire disparaître.

1.4.2 Coûts de transaction et nature de la firme

La théorie des coûts de transaction adopte une approche contractuelle à l’étude

des organisations. Comparée aux autres théories, elle se distingue par les faits

suivants :

- Elle adopte une démarche plus microanalytique dans la mesure où elle

considère la transaction comme l’unité de base de son analyse.

- Elle adopte ses propres hypothèses de comportement qui se veulent plus

réalistes et mieux adaptées au fonctionnement du système économique.

- Elle introduit la notion de spécificité des actifs pour expliquer l’apparition

des coûts de transaction dans les relations d’échange.

- Elle est fondée sur une analyse institutionnelle qui considère le marché et la

firme comme deux institutions économiques ayant plus ou moins le même rôle

dans le système économique.

- Elle considère la firme comme une structure de gouvernance plutôt qu’une

fonction de production contrairement à la vision technologique de la firme.

- Elle utilise un raisonnement pluridisciplinaire qui combine des disciplines

aussi variées que le droit, l’économie et les théories des organisations pour

expliquer la nature et le fonctionnement d’une firme.

Les premières contributions à l’approche transactionnelle étaient apportées au

début des années 1930 par des auteurs appartenant au courant des

institutionnalistes, notamment J. Commons (1934), R. Coase (1937), C. Barnard

Transaction », Revue Française d’Economie, Hivers, 1987.

Page 55: thèse hamdaoui

55

(1938) et F. Hayek (1945)26

. A cet effet, J. Commons était convaincu que la

transaction est l’unité de base de toute analyse économique, et que la rationalité

limitée est omniprésente et que le conflit d’intérêt entre les agents est un

phénomène naturel. Partant de ces hypothèses, Commons a adopté un point de

vue contractuel et s’est focalisé sur l’émergence d’institutions qui permettent

d’instaurer un ordre sans conflit. En mettant l’accent sur la fréquence ou la

répétition des contrats dans des conditions d’incertitude (nécessitant des

adaptations successives pour préserver l’efficience), Commons arrive à l’idée

que l’organisation est née justement pour assurer de telles adaptations.

F. Hayek (1945) adopte un point de vue similaire concernant la complexité de

l’environnement économique et la portée limitée de la rationalité humaine. Il

exprime ce point de vue dans sa tentative de dissiper l’idée selon laquelle la

planification centrale pourrait constituer une alternative réaliste au système du

marché. En effet, Hayek considère que le problème de l’ordre économique serait

trivial si l’on ne tenait pas compte de la notion de rationalité limitée. Il est donc

essentiel, selon lui, de savoir que les frontières de la rationalité existent et elles

doivent être prises en considération en conséquence.

Cependant, l’apport de R. Coase reste, sans nul doute, le plus signifiant dans la

spécification de la nature de la firme et la caractérisation de celle-ci par rapport

aux autres institutions économiques. En effet, la question essentielle à laquelle

R. Coase tentait de répondre était de savoir pourquoi, dans certains cas, on

substitue une coordination par le management à une coordination par les prix

tout en sachant que l’on se trouve dans un univers où le mécanisme des prix est

le coordinateur par excellence de l’activité économique. En répondant à cette

question, Coase était le premier à conclure que la firme et le marché sont deux

modes alternatifs de coordination de la production. En dehors de la firme, les

26

J. Commons (1934) Institutional Economics, Madison, University of Wisconsin Press. R. Coase (1937) « The

Nature of the Firm », Economica, in The Nature of the Firm : Origin,Evolution and Development, édité par O.

Williamson et S. Winter, Oxford University Press, 1991.C. Barnard (1938) Functions of the Executive,

Cambridge Mass. F. Hayek (1945) « The Use of Knowledge in Society », American Economic Review, vol.35,

pp. 519-530, cités par Williamson (1985) op.cit.

Page 56: thèse hamdaoui

56

mouvements de prix orientent la production dont la coordination se fait par une

série d’échanges sur le marché. Au sein de l’entreprise, ces transactions de

marché sont éliminées et, à une structure compliquée d’échanges de marché, se

substitue l’entrepreneur coordonateur. Puisque le choix se fait entre la

coordination par le management et la coordination par le marché, la forme

d’organisation qui s’imposera, pour chaque transaction, sera celle qui entraîne

les plus faibles coûts de transaction. C’est exactement ce principe qui agit, selon

Coase, à l’occasion de la naissance de la firme. Elle s’impose chaque fois que

l’organisation de la production, à l’aide d’un système interne, entraîne des coûts

de transaction plus faibles que la même production dans un système de marché.

Le même raisonnement explique, selon Coase, la croissance d’une firme. Une

firme grandira aussi longtemps que les coûts de coordination internes à

l’entreprise, par l’obtention de la production resteront inférieurs aux coûts d’une

organisation par le marché. Les coûts relatifs du marché deviennent ainsi un

ingrédient essentiel à l’explication de la dimension et de la portée de la firme.

Grâce à la notion de coût de transaction, Coase parvient à éclaircir la frontière

entre la firme et le marché. Cette frontière est établie selon le principe de

marginalisme suivant : « lorsque les coûts d’organisation de transactions

supplémentaires au sein de l’entreprise sont égaux aux coûts générés par les

transactions sur le marché… »27

.

En dépit du caractère novateur de l’analyse coasienne, Coase note que son texte

de 1937 a été beaucoup cité et peu utilisé. Les raisons de cette apparente

contradiction sont explicitées par O. Williamson (1985)28

. La raison principale

en est que l’analyse porte à juste titre sur la notion de coût de transaction, mais

que celui-ci n’est pas défini de manière opérationnelle. Pour pallier à cette

insuffisance, Williamson complète l’analyse de Coase en étudiant de manière

plus précise les facteurs qui sont à l’origine des coûts de transaction sur le

27

R. Coase (1937) op.cit. 28

O. Williamson (1985) The Economic Institutions of Capitalism, New York Free Press.

Page 57: thèse hamdaoui

57

marché.

1.4.3 Prolongements de la théorie des coûts de transaction

C’est à l’ouvrage de Williamson (1975)29

que l’on doit le plus le regain d’intérêt

accordé à l’approche des coûts de transaction durant les deux dernières

décennies. En effet, conscient du caractère peu opératoire du concept de coût de

transaction, Williamson a tenté de présenter, avec clarté, l’ensemble des facteurs

qui contribuent à la naissance de ce coût et qui lui confèrent une place

importante dans l’étude des relations d’échange. Pour y parvenir, il a adopté,

dans une première période, une approche intégrée de la théorie de la firme

(analyse micro-économique et théorie de l’organisation).

1.4.3.1 Hypothèses sur le comportement

Le coût d’échange entre deux partenaires est lié au degré de confiance propre à

leur relation qui dépend lui même de deux principes essentiels du comportement

individuel : la rationalité limitée et l’opportunisme. Ce comportement dépend à

son tour de la nature et de l’intensité des facteurs liés à l’environnement de la

transaction.

1.4.3.1.1 Rationalité limitée et incertitude-complexité

La notion de rationalité limitée a été empruntée à H. Simon (1957)30

. Elle se

rapporte, d’une part, aux limites physiques et difficultés d’un individu à stocker

et traiter l’information de manière fiable. Les limites du langage se référent,

quant à elles, à l’incapacité des individus d’articuler leurs connaissances ou

sentiments par l’utilisation des mots, des nombres ou des graphiques et schémas

pour être compris par les autres. Le problème de la rationalité limitée n’est,

cependant, intéressant que sous des conditions d’incertitude et/ou de complexité.

En effet, dans un environnement simple, les limites de la rationalité ne sont

29

O. Williamson (1975) Market and Hierarchies : Analysis and Antitrust Implications, New York Free Press. 30

H. Simon (1957) Models of Man, New York, John Wiley and Sons.

Page 58: thèse hamdaoui

58

jamais atteintes, et par conséquent le choix institutionnel entre la firme et le

marché ne se pose pas. Par contre, lorsque les transactions sont effectuées dans

des conditions d’incertitude et de complexité, il serait très coûteux, voir

impossible, de décrire l’arbre de décision complet. La combinaison de la

rationalité limitée et de l’incertitude/complexité implique donc la multiplication

des situations de contingence et l’incapacité d’un individu de recenser toutes ces

situations de contingence.

1.4.3.1.2 Opportunisme et petit nombre

L’opportunisme s’explique par le fait que les agents économiques sont souvent

guidés par des considérations d’intérêt individuel qui vont au-delà du profit

normal de la relation d’échange. En d’autres termes, il s’agit de l’intention

d’exploiter une situation pour son propre avantage. Williamson ne suppose pas

que tout le monde se comporte d’une manière opportuniste, mais suppose que

certains agents puissent exprimer un comportement opportuniste et qu’il est

difficile, et parfois même impossible, de distinguer ex ante les agents honnêtes

de ceux qui ne le sont pas.

L’opportunisme peut s’effectuer par un filtrage ou une déformation de

l’information, mais aussi plus simplement par manquement aux engagements

pris. La propension opportuniste des individus ne suffit, pourtant, pas pour

disqualifier le recours au marché. Pour que cette propension prenne effet, il est

nécessaire que le nombre d’opérateurs en présence soit faible. Cette condition

est essentielle car une réelle concurrence permettrait d’élaborer des

arrangements de substitution qui respectent l’intérêt des parties. Autrement dit,

en présence d’un nombre élevé d’intervenants et donc d’alternatives, les agents

n’auront aucun intérêt à manifester de l’opportunisme.

En définitive, l’internalisation des transactions au sein d’une firme, à cause de

l’opportunisme, implique plusieurs avantages. Tout d’abord, les parties seront

moins disposées à tirer profit de leurs situations au détriment de la firme. Les

Page 59: thèse hamdaoui

59

incitations à se comporter d’une manière opportuniste seront donc atténuées.

Ensuite, l’organisation interne de la firme sera mieux maîtrisée grâce à l’effet de

l’autorité. Enfin, en cas de litige, la hiérarchie sera mieux disposée à trouver des

compromis.

1.4.3.1.3 Asymétrie de l’information

L’asymétrie de l’information est, selon Williamson, une condition dérivée due

essentiellement à l’incertitude, l’opportunisme et la rationalité limitée des agents

économiques. Elle se manifeste lorsque les vraies circonstances sous-jacentes de

la transaction sont connues par une ou plusieurs parties, mais ne peuvent être

découvertes par les autres à un faible coût. A ce titre, Arrow (1969) a souligné

que l’impact de l’information sur l’allocation du risque ne dépend pas seulement

de la présence ou de l’absence de cette information, mais également de

l'inégalité de sa distribution sur les agents économiques. Williamson soutient

pourtant que l’asymétrie n’est pas le seul problème. En effet, il y a aussi la

propension opportuniste des agents lorsque ces derniers désirent tirer profit de

l’information dont ils disposent au détriment de ceux qui n’en disposent pas.

1.4.3.1.4 L’atmosphère

Williamson part de l’idée que la firme et le marché sont deux institutions

différentes et que dans chaque institution règnent des considérations différentes

pour évaluer un comportement ou une situation. Par exemple, le marché se

caractérise par plus d’opportunisme relativement à l’organisation interne. Par

conséquent, chaque transaction peut être évaluée différemment selon que l’on se

situe sur le marché ou ailleurs. La signification de la comparaison entre les deux

institutions proposées par Williamson touche à la différence des considérations

atmosphériques de chaque mode d’organisation. Ainsi, l’échange par le marché

tend plutôt à encourager la pure recherche de l’intérêt individuel de chaque

partie d’une transaction. Par contre, l’organisation interne est mieux placée pour

Page 60: thèse hamdaoui

60

prendre en compte des considérations quasi morales des parties et atténuer leurs

aspirations purement lucratives en faveur des aspirations collectives.

Figure 1.1: Cadre des coûts de transaction

Source: Williamson (1975): p. 35.

En conclusion, et comme le montre la figure 1.1, la combinaison d’un certain

nombre de facteurs humains (rationalité limitée, opportunisme) avec certains

facteurs de l’environnement (incertitude, complexité, petit nombre) génère des

problèmes liés à l’asymétrie de l’information. En effet, dans une atmosphère

caractérisée par l’échange via le marché, la synergie des effets de tous ces

facteurs implique généralement des coûts de transaction beaucoup plus élevés

que ceux permis par l’organisation interne.

1.4.3.2 La spécificité des actifs

C’est à travers la notion de spécificité des actifs que Williamson a tenté de

donner au concept de coûts de transaction sa signification opérationnelle. En

effet, par opposition à la présentation coasienne, qui manquait de portée

opérationnelle, l’argumentation de Williamson portant sur la spécificité des

actifs revêt un caractère plus précis et plus facile à formaliser et à traduire dans

la réalité de l’échange. Quelle est donc la signification d’un actif spécifique ? Et

Facteurs

Humains

Rationalité

limitée

Opportunisme

Incertitude/

Complexité

Petit Nombre

Asymétrie de

l’information

Atmosphère Influence de

l’environnement

Page 61: thèse hamdaoui

61

comment peut on reconnaître un actif spécifique dans la réalité ?

Dans une relation d’échange caractérisée par des transferts répétés, les

échangistes sont souvent amenés à investir dans la relation pour améliorer soit la

productivité soit les conditions d’échange. Dans un tel contexte, la spécificité

d’un actif se réfère à la difficulté de redéploiement de cet actif pour d’autres

utilisations ou pour d’autres utilisateurs. En effet, un actif est dit spécifique à

une utilisation déterminée s’il ne peut être adapté à une autre transaction que s’il

subit une réduction significative de sa valeur.

Pour illustrer le concept de spécificité d’un actif, considérons l’exemple suivant

emprunté à B. Klein, R. Crawford et A. Alchian (1978)31

: imaginons une ville

dans laquelle un éditeur veut lancer un journal local qui doit être imprimé sur

place à cause des coûts de transport. L’éditeur ne dispose, pourtant pas, de

savoir faire en impression. Il doit, par conséquent, faire appel à l’un des

imprimeurs de la ville. Cependant, aucun de ces derniers ne dispose de matériel

pour l’impression de journaux. Pour effectuer la transaction, un des imprimeurs

doit donc s’équiper du matériel nécessaire.

Pour la situer dans le langage des économies de transaction, la transaction entre

l’éditeur et l’imprimeur, si elle devait avoir lieu, serait caractérisée par la

spécificité des actifs. En effet, si l’imprimeur achète le matériel d’impression de

journaux, il pourra l’utiliser uniquement et exclusivement dans la transaction

avec l’éditeur du moment où on suppose qu’il n’y a aucun autre journal local

dans la ville, et que le coût de transport des journaux vers d’autres villes sera

très coûteux.

Mais, quelle est la relation entre la spécificité d’un actif et les coûts de

transaction ? A priori, on suppose que les transactions caractérisées par des

actifs spécifiques impliquent des coûts de transaction plus élevés. En effet,

supposons, dans l’exemple précédent que l’éditeur et l’imprimeur effectuent la

31

B. Klein, R. Crawford et A. Alchian (1978) «Vertical Integration, Appropriable Rents, and the Competitive

Contracting Process », Journal of Law and Economics, vol.21, pp. 297-326.

Page 62: thèse hamdaoui

62

transaction sans signature au préalable d’un contrat. Dans ce cas, l’éditeur peut

manifester un comportement opportuniste à l’égard de l’imprimeur en le

menaçant de rompre la relation en vue de l’exproprier de ses quasi-rentes. Le

marché spot (transaction sans contrat ou marché au comptant) ne peut, donc, pas

régir une telle relation d’échange à cause de l’opportunisme. Pour éviter un tel

comportement, l’imprimeur peut être conduit à signer un contrat avec l’éditeur.

Cependant, la rédaction d’un tel contrat nécessite le recueil préalable

d’informations sur l’éditeur et sur son affaire. Or, de telles informations sont très

coûteuses à obtenir. La rédaction d’un contrat contingent complet s’avère donc

très coûteuse pour l’imprimeur. Une ultime solution consiste à fusionner les

deux entreprises pour n’en constituer qu’une seule. Dans ce cas, la transaction

sera ramenée hors du marché de telle sorte que l’éditeur n’aura plus d’incitation

à manifester de l’opportunisme à l’égard de son coéchangiste.

D’après cet exemple, la solution la moins coûteuse est celle de la fusion entre les

deux partenaires. La solution du marché spot, quant à elle, est inimaginable

puisqu’elle est défavorable à l’imprimeur. Enfin, la solution intermédiaire, qui

consiste à rédiger un contrat complet, peut être réalisée mais implique des coûts

de transaction plus élevés que ceux engendrés par la fusion.

La spécificité dont il est question dans cet exemple se réfère à des actifs

physiques (matériel d’impression de journaux). D’autres types d’actifs peuvent,

cependant, faire l’objet d’une telle spécificité. Williamson (1985)32

énumère,

ainsi, quatre types de spécificités d’actifs :

- Spécificité des actifs physiques : elle apparaît lorsque l’une ou les deux

parties de la transaction font des investissements en équipement et en machines

qui impliquent des caractéristiques spécifiques à la transaction. Le

redéploiement de ces actifs entraîne une baisse de la valeur productive de ces

actifs.

32

O. Williamson (1985) The Economic Institutions of Capitalism, New York Free Press, p. 105.

Page 63: thèse hamdaoui

63

- Spécificité du site : elle apparaît lorsque le vendeur et l’acheteur sont liés par

une relation de côte-à-côte (cheeck-by-jowl) ou de proximité qui implique des

décisions ex ante minimisant les coûts de stockage et du transport.

- Spécificité de l’actif humain : elle concerne des investissements en capital

humain spécifiques à la transaction en cause. Elle est conditionnée par la notion

d’apprentissage et par les problèmes de mouvements de l’actif humain au sein

de l’équipe.

- Spécificité des actifs dédiés « dedicated assets » : elle correspond à des

investissements généraux faits par un offreur et qui ne devraient pas l’être. Ces

investissements ont pour objet d’anticiper une quantité à vendre assez

importante d’un produit à un client particulier.

Le chapitre 4 traitera davantage la notion de spécificité des actifs pour éclairer

son rôle dans le choix d’une firme entre les contrats incomplets et l’intégration

verticale.

1.4.4 Critiques adressées à la théorie des coûts de transaction

Depuis le début des années 1970, on a assisté à de nombreuses critiques

adressées à la théorie des coûts de transaction. Les principaux arguments de ces

critiques intéressent, d’un côté, les hypothèses de comportement des agents qui

incarnent un pessimisme exagéré quant à la nature opportuniste de ces agents.

En effet, la réalité économique fait preuve de nombreux types de relations

d’échanges répétés qui sont fondées sur la confiance mutuelle entre les firmes et

la recherche des intérêts communs dans un horizon de longue durée. Il suffit de

citer, à titre d’exemple, les styles de partenariats à la japonaise qui incarnent une

culture de solidarité et de coopération qui contredit clairement les hypothèses de

la théorie des coûts de transaction. En fait, la réalité économique est caractérisée

par la cohabitation de la coopération et du conflit tous à la fois.

D’un autre côté, c’est surtout le contenu opérationnel qui a suscité le plus de

Page 64: thèse hamdaoui

64

critiques. Ainsi, Clark (1985)33

considère que la discussion, par Coase, de la

nature de la firme était essentiellement descriptive et manquait de contenu

opérationnel, faute de pouvoir fournir des hypothèses vérifiables empiriquement.

Une critique très proche a été présentée par Daems et Chandler (1981)34

pour qui

l’école des coûts de transaction a peu avancé dans la confrontation de ses

hypothèses avec le développement historique de la grande entreprise moderne.

Cependant, les principaux arguments avancés pour remettre en cause la théorie

des coûts de transaction émanent des auteurs Alchian et Demsetz (1972)35

qui

considèrent que l’article de Coase est plutôt tautologique. Ils avancent : « nous

sommes d’accord avec l’idée que, toutes choses étant égales par ailleurs, plus le

coût de transaction sur le marché est élevé, plus il y a avantage à organiser

l’allocation des ressources à l’intérieur de la firme. Cette idée est d’ailleurs

difficile à contredire ou à réfuter. Nous pourrions, pour les mêmes raisons

également, adhérer à une théorie de la firme fondée sur le coût de gestion… ».

Les deux auteurs reprochent à la théorie des coûts de transaction, d’une part, la

difficulté de formalisation dans la mesure où il est impossible de spécifier la

nature des coûts de transaction et, d’autre part, la faiblesse conceptuelle au

niveau de la dichotomie du rôle de l’autorité à l’intérieur de la firme et le rôle de

l’échange consensuel sur le marché. Concernant ce dernier point, ils avancent un

exemple qui contredit la thèse de Coase selon laquelle la firme élimine le

mécanisme des prix, en se référent au phénomène des prix de transfert qui

permet l’allocation des ressources à l’intérieur des firmes multidivisionnelles. La

frontière entre la firme et le marché, serait donc selon eux, fallacieuse du

moment où les deux institutions utilisent les mêmes mécanismes d’allocation

des ressources. En adoptant le même raisonnement, Demsetz (1991)36 reprend la

33

R. Clark (185) Industrial Economics, Blackwell Oxford, cité par Xavier Gillis (1987) « La Nature de la Firme

et la Théorie des Coûts de Transaction », Revue Française d’Economie, Hiver. 34

H. Daems et A. Chandler (1981) Managerial Hierarchies : Comparative Perspectives on the Rise of Modern

Industrial Entreprise, Harvard University Press, cité par Xavier Gillis (1987) op cit. 35

A. Alchian et H. Demsetz (1972) « Production, Information Costs and Economic Organization », American

Economic Review, vol.62, pp. 777-795. 36

H. Demsetz (1991) « The Theory of the Firm Revisited », in The Nature of the Firm : Origin, Evolution and

Page 65: thèse hamdaoui

65

notion de coût de gestion qu’il oppose au coût de transaction et qui

correspondent respectivement au coût de fonctionnement de la firme et du

marché. Il assure que la question à poser n’est plus de savoir si les coûts de

gestion sont plus ou moins importants que les coûts de transaction, mais plutôt

de savoir si la somme des deux types de coûts occasionnés par l’internalisation

d’une opération est plus ou moins élevée que celle des mêmes coûts induits par

l’échange sur le marché. En effet, les deux modes de coordination, à savoir la

firme et le marché, engendrent à la fois des coûts de gestion et des coûts de

transaction. Il faut donc que le passage d’un mode à l’autre se fasse sur la base

de la comparaison du total des coûts des deux catégories.

Demsetz insiste, en outre, sur le fait que l’approche des coûts de transaction

néglige les coûts de production dans la mesure où elle considère que ce qui peut

être produit par une firme pourrait être produit également, avec le même degré

d’efficience, par n’importe quelle autre firme. Un tel raisonnement ignore, à tort,

les différences qui peuvent exister entre les différentes firmes. L’une des raisons

qui peuvent être avancées à cet égard réside dans le fait que la fusion de deux

firmes peut être incapable de dupliquer la somme de ce que peuvent accomplir

les deux firmes en agissant séparément. D’une part, parce que la productivité

peut être affectée par des considérations qui sont indépendantes des coûts de

transaction et de gestion, et d’autre part, parce que chaque firme dispose de

connaissances idiosyncratiques qui ne peuvent être facilement et rapidement

imitées.

Pour terminer, signalons également les critiques adressées aux prolongements de

la théorie des coûts de transaction, plus particulièrement, à la question

d’opérationnalisation du concept du coût de transaction, notamment, par les

travaux de Williamson (1975, 1985,1989), Klein, Crawford et Alchian (1978) et

Riordan et Williamson (1985). En effet, le seul lien que ces travaux conservent

avec la notion de coût de transaction est la spécificité des actifs qui est considéré

Development, édité par O. Williamson et S. Winter, Oxford University Press.

Page 66: thèse hamdaoui

66

comme le facteur déterminant de l’apparition des coûts de transaction dans ces

travaux. Or, comme le note Coase (1987)37

lui même, ce lien reste assez faible.

Ainsi, d’après ces auteurs, la spécificité des actifs accroît la propension

opportuniste des agents, ce qui implique un accroissement des coûts de

transaction, problème qui peut être résolu soit par un contrat incomplet, soit par

l’intégration verticale sachant que ces auteurs optent pour cette dernière

solution. Or, selon Demsetz, ce n’est pas la différence des coûts de transaction

qui préside au choix de l’intégration verticale, mais plutôt la présomption que

les pertes, en présence d’actif spécifique, seraient plus élevées en cas d’échec de

l’accord. Ceci pourrait être le cas même si les coûts de transaction ne sont pas

affectés par la présence ou l’absence des actifs spécifiques.

Malgré toutes ces critiques adressées à l’approche des coûts de transaction, elle

continue à faire l’objet de nombreuses rénovations en particulier au niveau des

études empiriques. Elle constitue, également, une source d’inspiration pour de

nombreuses approches de la firme notamment la théorie des droits de propriété

et les contrats incomplets.

1.5 La théorie des droits de propriété

1.5.1 Définition et caractéristiques des droits de propriété

La caractéristique fondamentale de la société libérale, telle qu’elle a été instituée

par les premiers penseurs libéraux, est sans doute la propriété privée. Cette

condition constitue un facteur essentiel de la valorisation de l’individu dans la

société. En effet, puisque la maximisation de l’utilité de la collectivité va de

paire avec la maximisation des utilités individuelles, alors il suffit d’encourager

l’initiative individuelle pour aboutir à l’efficacité collective. Or, l’incitation d’un

individu à maximiser son utilité passe d’abord par la satisfaction de ses désirs et

37

R. Coase (1987) « The Nature of the Firm : Meaning », in The Nature of the Firm : Origin, Evolution and

Development, édité par O. Williamson et S. Winter, Oxford University Press, 1991.

Page 67: thèse hamdaoui

67

de ses attentes à travers la reconnaissance des droits de propriété à chaque

individu membre de la société. Quelle est donc la signification d’un droit de

propriété ? Et quelles sont les propriétés que doit vérifier un tel droit ?

Dans une définition assez générale, Demsetz (1967)38

considère que « les droits

de propriété permettent aux individus de savoir a priori ce qu’ils peuvent espérer

raisonnablement dans leurs rapports avec les autres membres de la communauté,

ces anticipations se matérialisent par des lois, coutumes et mœurs d’une

société ». D’une manière plus précise, Pejovich (1969)39

précise que « les droits

de propriété ne sont pas des relations entre les hommes et les choses, mais des

relations codifiées entre les hommes et qui ont rapport à l’usage des choses ».

D’après ces définitions, les droits de propriété permettent de préciser les règles

d’usage des choses en réglementant les différentes relations des individus les

uns avec les autres. Par conséquent, deux types de droits peuvent être

distingués: des droits absolus qui sont opposables à tous et des droits

contractuels qui ne sont opposables qu’aux parties contractantes. Ainsi, la

propriété d’un bien ou d’un actif confère au propriétaire un droit résiduel de

contrôle (residual control right) qui lui permet de décider de l’utilisation de ce

bien ou de cet actif librement. Ce droit résiduel lui permet également de décider

qui sera autorisé à utiliser ce bien et qui ne le sera pas. A titre d’exemple, le

propriétaire d’une machine peut décider qui peut ou ne peut travailler sur cette

machine.

Cependant, pour qu’un droit de propriété soit efficace et reconnu par tous il faut

qu’il remplisse deux conditions :

- L’exclusivité : lorsque le droit de propriété est exclusif, un même individu

supportera les conséquences négatives et recueillera tous les profits.

- La transférabilité : les droits doivent être cessibles et transférables car

38

H. Demsetz (1967) « Towards a Theory of Property Rights », American Economic Review, vol.57, pp. 347-

358, cité par H. Berbou (1996) De la Relation Conflictuelle entre l’Actionnaire et le Dirigeant : une Approche

par la Théorie Contractuelle des Organisations, mémoire de D.E.S, Marrakech, p. 37. 39

S. Pejovich (1969) « Liber Man’s Reform Property Rights in Soviet Union », Journal of Law and Economics,

cité par C. Maman (1994) op cit.

Page 68: thèse hamdaoui

68

l’individu ne pourra procéder à des arbitrages efficaces que s’il peut

constamment accomplir des transferts.

La cessibilité et la transférabilité des droits de propriété supposent l’existence de

marchés efficients qui génèrent des contrats qui spécifient clairement les

modalités de transfert entre les parties des contrats.

1.5.2 Les contrats incomplets

La littérature sur les contrats incomplets souligne le fait que les firmes et les

contrats sont des modes de gouvernement assez différents. Elle considère la

firme comme une façon particulière de spécifier ce qui doit être fait si des

événements contingents, qui ne sont pas prévus dans le contrat, surviennent. Elle

part de l’idée que les contrats sont nécessairement incomplets, parce que certains

événements contingents sont imprévisibles, ou parce qu’il en existe trop pour les

spécifier tous par écrit, de sorte que la minimisation du coût exige que le contrat

original ne définisse que les grandes lignes de la relation entre les parties.

Afin de pouvoir comprendre la notion de contrat incomplet, il convient d’abord

de définir un contrat complet. Dans cette perspective, Tirole (1988)40

considère

qu’« un contrat complet est un contrat qui fait dépendre les décisions

appropriées (transfert, échange, …) de toutes les variables vérifiables, y compris

les annonces éventuelles de la part des parties (concernant leur évaluation, coût,

…). Par abus de langage, on peut aussi qualifier de « contrat complet » un

contrat qui est a priori incomplet, mais qui procure aux parties les mêmes

revenus que le contrat complet optimal».

Le contrat incomplet est défini par Perry (1989)41

comme un contrat qui échoue

à spécifier :

- soit les résultats des contractants dans tous les états possibles de la nature,

40

J. Tirole (1988) Théories de l’Organisation Industrielle, Economica, p. 61. 41

M. Perry (1989) « Vertical Integration : Determinants and Effects », Handbook of Industrial Organization,

édité par R. Scmalensee et R. Willig, North Holland.

Page 69: thèse hamdaoui

69

- soit la nature même de ces résultats.

Le premier cas survient à cause du nombre élevé des états de la nature et donc le

coût élevé qu’il faut supporter pour les énumérer. Le second cas apparaît à cause

du coût élevé que nécessite l’accord sur les résultats ou leur spécification si l’on

ne tient pas compte des états de la nature.

L’incomplétude d’un contrat peut apparaître, également, dans le cas où il est

impossible pour une tierce partie, tel un tribunal ou un arbitre, de vérifier

l’occurrence d’un état de la nature ou d’identifier les résultats. En d’autres

termes, dans le cas de « non vérifiabilité » soit de la réalisation des états de la

nature soit celle des résultats des contractants. Lorsqu’un contrat est incomplet,

on peut supposer implicitement qu’il n’est pas pertinent pour déterminer la

nature de l’échange dans le premier cas cité ou une dimension de cet échange

comme dans le second cas. Par conséquent, le contrat échouera à circonscrire la

négociation et réduira l’opportunisme des parties.

En adoptant un point de vue transactionnel, on peut dire que les contrats sont

incomplets à cause des coûts de transaction qui peuvent surgir, soit à la date de

la signature du contrat, soit plus tard. En effet, lors de la signature d’un contrat,

certaines contingences rencontrées par les parties peuvent ne pas être prévisibles

à la date de la signature du contrat. Parfois, même si ces contingences sont

prévisibles, elles peuvent être assez nombreuses pour les inclure toutes dans le

contrat.

1.5.3 Contrats incomplets et droit résiduels de contrôle

Dans le cas où il y a possibilité de prévoir toutes les contingences futures, les

parties d’une relation d’échange peuvent rédiger un contrat contingent complet

qui précise les obligations de chaque partie dans chaque situation de

contingence. Dans de telles situations, il n’y aurait aucune raison pour les parties

de modifier ou de compléter le contrat du moment que toutes les actions sont

anticipées et planifiées à l’avance. En outre, aucun litige ne pourrait surgir

Page 70: thèse hamdaoui

70

puisque toute partie extérieure au contrat (notamment le tribunal) pourrait

déterminer, au moindre coût, laquelle des parties a failli à ses engagements, et

pourrait déterminer en conséquence les pénalités appropriées.

Dans un tel monde, il s’avère assez difficile de voir les bénéfices et les coûts de

l’intégration. A titre d’exemple, la distinction de Coase (1937) entre le mode de

prix (échange) et le mode de quantité (intégration)42. Si les coûts de transaction

sont nuls, le mode quantité peut être réalisé directement par le biais d’un

contrat : le dirigeant de B acceptera de recevoir des ordres ou des consignes du

dirigeant de A tout en représentant une firme indépendante. La firme A n’aura

pas besoin d’absorber la firme B pour atteindre les résultats de l’intégration.

En définitive, l’absence des coûts de transaction implique que les bénéfices qui

peuvent être permis par l’intégration peuvent également être réalisés par le biais

d’un contrat. L’absorption de la firme B par la firme A sera tout simplement non

pertinente (la propriété de B par A ne sera d’aucun intérêt particulier). Il

convient de noter que cet argument reste également valable si on introduit

l’asymétrie de l’information. En effet, cette dernière n’accorde aucun rôle à la

propriété à moins que les limites du contrat relèvent elles-mêmes de la structure

de propriété. En particulier, sans l’asymétrie de l’information, le contrat optimal

peut rester complet dans le sens où les obligations de chaque partie sont

spécifiées dans toutes les éventualités. Par conséquent, tous les avantages du

mode quantité peuvent être permis par le mode prix. Par exemple, si un vendeur

V d’un input dispose d’une information privée sur ses coûts, alors un contrat

optimal entre V et un acheteur A devra faire dépendre la quantité de l’input à

échanger et le prix à payer en fonction des coûts déclarés par V. Pour

encourager V à dire la vérité, le contrat devrait impliquer une certaine

42

Dans son article de 1937 , R. Coase défend la solution de l’internalisation d’une transaction en partant de

l’idée que l’avantage d’une fusion entre deux firmes A et B résulte du fait que le dirigeant de la firme A aura une

autorité sur celui de la firme B. Ainsi, si B est un employé de A, ce dernier peut lui donner des ordres. Par

contre, si A et B sont des firmes séparées, le dirigeant de A doit convaincre et persuader le dirigeant de B de

faire ce qu’il veut via l’utilisation des prix (contrat). En d’autres termes, l’intégration ramène les termes de la

relation du mode de prix au mode de quantité.

Page 71: thèse hamdaoui

71

inefficience. Cependant, cette inefficience sera présente, quel que soit le mode

d’organisation de la transaction entre le fournisseur et le client. L’inefficience

est fonction de l’asymétrie de l’information et non de la structure de propriété à

moins que cette dernière en soit la cause. L’hypothèse qui suppose que le simple

transfert de la propriété des actifs de V à A permet à ce dernier d’observer les

coûts de l’input est donc fausse. Cependant, l’hypothèse selon laquelle les coûts

de transaction sont nuls est très loin de la réalité. Par conséquent, la possibilité

de spécifier et de rédiger un contrat complet est peu vraisemblable. Au contraire,

les parties rédigent généralement un contrat incomplet qui spécifie les actions à

entreprendre dans certaines situations de contingence qui ne sont pas

exhaustives. L’incomplétude des contrats incite donc les parties à les réviser à

cause de l’apparition d’événements non spécifiés. En outre, les différends

peuvent apparaître à propos de l’interprétation des clauses des contrats.

L’incomplétude des contrats empêche, donc, la spécification des droits qui

peuvent être conférés par la propriété d’un actif. Néanmoins, elle permet de

développer une théorie de la firme dans laquelle la propriété joue un rôle non

trivial. Une telle théorie, peut être comprise par l’introduction de la notion de

droits résiduels de contrôle. Elle part de l’idée qu’en présence de contrats

incomplets, il doit y avoir un mécanisme qui permet de combler le gap au fil du

temps.

Pour illustrer ces idées, nous reprenons l’exemple de Klein, Crawford et Alchian

(1978)43 qui se rapporte à la relation entre General Motors (GM) et Fisher

Body. Supposons que les deux compagnies ont établi un contrat initial stipulant

que Fisher fournit à GM un certain nombre de carrosseries chaque semaine.

Imaginons que GM veut que Fisher augmente le nombre de carrosseries à offrir

sachant que le contrat initial n’ait pas envisagé cette possibilité. Dans le cas où

Fisher est une compagnie séparée, GM n’a pas le droit d’exiger le surplus de

carrosseries de voitures dont elle a besoin. On dit que Fisher détient un droit

Page 72: thèse hamdaoui

72

résiduel de contrôle. Le problème sera différent si Fisher était une subdivision

de GM. Dans ce cas, si Fisher, refuse de livrer le surplus de carrosseries, GM

n’aura qu’à licencier les dirigeants de Fisher et superviser elle-même la

production.

D’une manière plus simple, si Fisher est une firme séparée, les dirigeants

peuvent refuser d’utiliser les actifs de la firme ainsi que leur propre travail pour

la production du surplus de carrosseries. Par contre, si Fisher appartenait à GM,

les dirigeants de Fisher pourraient seulement menacer de ne pas mettre leur

travail à la disposition de GM. Dans les deux cas, les positions de renégociation

du contrat initial vont être différentes.

Un second exemple emprunté à Hart (1989)44illustre clairement l’intérêt de la

détention d’un droit résiduel de contrôle. Supposons qu’une personne (x) loue

une maison à une autre personne (y). Supposons également que la couleur de la

peinture de la maison ne plaise pas au locataire. Dans ce cas, la décision de

repeindre la maison appartient au propriétaire et non au locataire. Il se peut que

ce dernier persuade, amicalement, le propriétaire de repeindre la maison. Mais

en aucun cas, il ne peut le forcer à le faire puisque c’est le propriétaire qui

possède les droits résiduels de contrôle.

Ces exemples suggèrent que les droits résiduels de contrôle puissent être

étroitement liés à la condition et l’issue de la propriété. Ainsi, la raison pour

laquelle GM ne peut forcer Fisher à accroître sa fourniture en carrosseries est

liée au fait que l’usine de carrosseries appartient à Fisher qui est libre de la

diriger à sa guise et en fonction de son propre intérêt, sauf dans les situations

spécifiques explicitées par un contrat. Si GM absorbe Fisher, la situation serait

différente, puisque le dirigeant de GM pourrait exiger de celui de Fisher

d’exécuter ses ordres. De la même manière, dans le cas de la maison, la raison

pour laquelle le locataire ne peut exiger du propriétaire de repeindre la maison

43

Klein, Crawford et Alchian (1978) op.cit. 44

O. Hart (1989) « An Economist’s Perspective of the Theory of the Firm », Columbia Law Review, vol.13,

Page 73: thèse hamdaoui

73

est liée, tout simplement, au fait que la maison appartienne au propriétaire et non

au locataire.

L’approche des droits de propriété considère, donc, la firme comme un

ensemble de droits résiduels de contrôle. Elle se fonde sur l’idée que la

possession d’un actif procure le droit de l’utiliser dans toutes les situations non

spécifiées par un contrat incomplet. Elle identifie, également, la firme à partir de

ses actifs autres qu’humains. Ces derniers sont en effet, exclus puisqu’ils ne sont

ni cessibles ni transférables.

A partir de ces ingrédients, la théorie des droits de propriété assure que dans un

monde de coûts de transaction et de contrats incomplets, les droits résiduels de

contrôle (ex post) seront assez importants car, à travers leur influence sur

l’utilisation des actifs, ils peuvent affecter le pouvoir de marchandage ex post et

par conséquent, le partage du surplus ex post. Le partage influence, à son tour,

l’incitation à l’investissement des acteurs dans une relation d’échange. En

particulier, la fusion de deux firmes n’implique pas automatiquement des

bénéfices dans la mesure où le dirigeant de l’entreprise absorbée n’aura pas

d’incitation à l’investissement dans la relation s’il perd ses droits de contrôle. En

outre, le changement dans le contrôle peut baisser les incitations à investir des

employés de la firme absorbée. Selon cette théorie, l’évaluation des effets de

l’intégration nécessite, non seulement, la connaissance des caractéristiques des

firmes intégrées, mais également, la connaissance de la firme qui détiendra les

droits de contrôle après l’intégration. En d’autres termes, si deux firmes A et B

s’intègrent, alors les relations de contrôle qui résultent, si c’est A qui absorbe B

seront différentes de celles qui pourraient résulter dans le cas contraire. La

théorie permet, donc, de montrer comment changent les incitations des membres

d’une firme lorsque les droits résiduels de contrôle changent de mains.

Un second exemple emprunté à Hart (1989)45illustre clairement l’intérêt de la

pp.1110-1120. 45

O. Hart (1989) « An Economist’s Perspective of the Theory of the Firm », Columbia Law Review, vol.13,

Page 74: thèse hamdaoui

74

détention d’un droit résiduel de contrôle. Supposons qu’une personne (x) loue

une maison à une autre personne (y). Supposons également que la couleur de la

peinture de la maison ne plaise pas au locataire. Dans ce cas, la décision de

repeindre la maison appartient au propriétaire et non au locataire. Il se peut que

ce dernier persuade, amicalement, le propriétaire de repeindre la maison. Mais

en aucun cas, il ne peut le forcer à le faire puisque c’est le propriétaire qui

possède les droits résiduels de contrôle.

Ces exemples suggèrent que les droits résiduels de contrôle puissent être

étroitement liés à la condition et l’issue de la propriété. Ainsi, la raison pour

laquelle GM ne peut forcer Fisher à accroître sa fourniture en carrosseries est

liée au fait que l’usine de carrosseries appartient à Fisher qui est libre de la

diriger à sa guise et en fonction de son propre intérêt, sauf dans les situations

spécifiques explicitées par un contrat. Si GM absorbe Fisher, la situation serait

différente, puisque le dirigeant de GM pourrait exiger de celui de Fisher

d’exécuter ses ordres. De la même manière, dans le cas de la maison, la raison

pour laquelle le locataire ne peut exiger du propriétaire de repeindre la maison

est liée, tout simplement, au fait que la maison appartienne au propriétaire et non

au locataire.

L’approche des droits de propriété considère, donc, la firme comme un

ensemble de droits résiduels de contrôle. Elle se fonde sur l’idée que la

possession d’un actif procure le droit de l’utiliser dans toutes les situations non

spécifiées par un contrat incomplet. Elle identifie, également, la firme à partir de

ses actifs autres qu’humains. Ces derniers sont en effet, exclus puisqu’ils ne sont

ni cessibles ni transférables.

A partir de ces ingrédients, la théorie des droits de propriété assure que dans un

monde de coûts de transaction et de contrats incomplets, les droits résiduels de

contrôle (ex post) seront assez importants car, à travers leur influence sur

l’utilisation des actifs, ils peuvent affecter le pouvoir de marchandage ex post et

pp.1110-1120.

Page 75: thèse hamdaoui

75

par conséquent, le partage du surplus ex post. Le partage influence, à son tour,

l’incitation à l’investissement des acteurs dans une relation d’échange. En

particulier, la fusion de deux firmes n’implique pas automatiquement des

bénéfices dans la mesure où le dirigeant de l’entreprise absorbée n’aura pas

d’incitation à l’investissement dans la relation s’il perd ses droits de contrôle. En

outre, le changement dans le contrôle peut baisser les incitations à investir des

employés de la firme absorbée. Selon cette théorie, l’évaluation des effets de

l’intégration nécessite, non seulement, la connaissance des caractéristiques des

firmes intégrées, mais également, la connaissance de la firme qui détiendra les

droits de contrôle après l’intégration. En d’autres termes, si deux firmes A et B

s’intègrent, alors les relations de contrôle qui résultent, si c’est A qui absorbe B

seront différentes de celles qui pourraient résulter dans le cas contraire. La

théorie permet, donc, de montrer comment changent les incitations des membres

d’une firme lorsque les droits résiduels de contrôle changent de mains.

1.5.4 Limites de la théorie des droits de propriété

Tel qu’il a été souligné auparavant, l’une des différences de l’approche des

droits de propriété avec celle des coûts de transaction réside dans le fait que

cette dernière suppose que l’intégration transforme une simple relation

contractuelle en une relation fondée sur l’autorité de son employeur. Or, selon

Hart (1991) 46, la notion d’autorité et celle de droits résiduels de contrôle ne

sont pas forcément contradictoires, car rien n’empêche d’étendre la notion de

droit résiduel de contrôle aussi bien à l’actif physique qu’humain.

D’un autre côté, l’approche des droits de propriété présente une importante

lacune qui se rapporte à la non distinction entre la propriété et le contrôle qui se

concentrent selon cette théorie, entre les mains de la même entité. En effet, cette

conception peut être appliquée à des petites firmes où le contrôle est concentré

Page 76: thèse hamdaoui

76

entre les mains des propriétaires, mais ne peut être valable dans les sociétés de

capitaux qui sont caractérisées par un divorce de plus en plus marqué entre

propriété et contrôle. Cette insuffisance constitue donc une restriction de

l’approche aux seules entreprises individuelles.

1.6 Conclusion

L’étude des approches de la théorie de la firme a permis de distinguer deux

visions globales. En premier lieu, la vision néoclassique qui insiste sur la

dimension technologique de la firme et qui fonde son analyse sur deux

hypothèses fondamentales du comportement, à savoir la rationalité et le

comportement maximisateur de l’agent économique. D’ailleurs, c’est à cause du

manque de réalisme de ses hypothèses que la théorie néoclassique a suscité de

nombreuses critiques quant à sa validité, d’autant plus qu’elle ne permet pas de

décrire le fonctionnement de la firme et de démystifier, par conséquent, le

contenu de la boite noire. En second lieu, la vision contractuelle de la firme qui

insiste sur les problèmes d’incitation. Dans cette vision, la firme est considérée

tantôt comme un ensemble de relations d’agence nécessitant un ensemble de

mécanismes incitatifs qui permettent la réconciliation des intérêts des différents

membres (approche principal-agent), tantôt comme une forme de gouvernance

qui permet la coordination de la production et la minimisation des coûts de

transaction grâce à l’autorité conférée par la relation employé/employeur

(approche des coûts de transaction), tantôt comme un nexus de contrats qui

spécifient une certaine autorité dont dispose la firme par le biais des droits

résiduels de contrôle conférés par l’appropriation des actifs non humains

(approche des droits de propriété).

46

O. Hart (1991) op.cit.

Page 77: thèse hamdaoui

77

Chapitre 2:

Intégration Verticale : Eléments de Définition, de

Délimitation et de Mesure

2.1 Introduction

Le concept d’intégration verticale pose de nombreuses difficultés quant à sa

définition, sa délimitation et sa mesure. En effet, l’intégration verticale signifie,

habituellement, la substitution de l’échange marchand par l’échange interne.

Mais cette substitution pose de nombreux problèmes relatifs à la spécificité de la

coordination de la production par l’échange interne. D’une part, l’approche

néoclassique insiste, dans sa définition de l’intégration verticale, sur la

synchronisation de la production et l’unicité du centre de décision qui ne

peuvent être permises qu’à travers un contrôle absolu sur les différents stades

verticaux. D’autre part, les approches contractuelles insistent davantage sur le

mécanisme de l’autorité et son rôle dans la coordination de la production par

l’échange marchand. Mais, au sein même, des approches contractuelles, on

trouve une grande divergence entre les adeptes de la théorie des coûts de

transaction et ceux de la théorie des droits de propriété sur la nature, l’origine et

la légitimité de l’autorité à l’intérieur d’une entreprise. Les problèmes de la

définition de l’intégration verticale expliquent en grande partie les difficultés de

délimitation de celui-ci par rapport aux autres formes de relations verticales. En

effet, l’intégration verticale proprement dite et le marché ne sont, en réalité, que

les antipodes d’un continuum de formes de relations verticales qui peuvent aller

d’une quasi-intégration ou d’un partenariat vertical au contrat à long ou à moyen

Page 78: thèse hamdaoui

78

terme. Par conséquent, il est souvent difficile de savoir avec précision la

frontière entre l’intégration et la non-intégration. Enfin, l’ampleur des difficultés

de définition et de délimitation de l’intégration verticale conjuguées aux

problèmes d’ordre pratique compliquent également l’élaboration d’une mesure

pertinente de ce phénomène que ce soit au niveau d’une entreprise ou au niveau

d’une industrie.

2.2 Eléments de définition de l’intégration verticale

2.2.1 Définitions

Le concept d’intégration verticale est loin d’être simple et , par conséquent, a

pris plusieurs significations dans la littérature. Les définitions fréquemment

utilisées reflètent des facettes différentes de ce concept. Néanmoins, l’idée

commune à toutes ces définitions est que l’entreprise choisit parfois

d’internaliser certaines opérations au lieu de recourir à un intervenant externe à

l’entreprise. Ce choix de l’internalisation se justifie, sans aucun doute, par

l’efficience de ce mode de coordination. En des termes très simples, l’entreprise

produit elle-même ce qu’elle pourrait se procurer à l’extérieur.

A cet effet, Perry (1989) affirme qu’une firme est intégrée verticalement si elle

inclut deux stades de production de sorte que la relation entre les deux stades se

fasse de la manière suivante :

- Soit que la totalité de la production du stade amont est utilisée comme input

dans le stade aval, sachant que le besoin du stade aval en cet input peut être

satisfait totalement ou partiellement par la production du stade amont.

- Soit que la totalité des besoins du stade aval est fournie par le stade amont,

sachant que la production du stade amont est consommée en totalité ou en partie

par le stade aval.

Cette définition implique un critère très restrictif qui stipule que le volume de la

production du stade amont correspond exactement aux besoins en input du stade

Page 79: thèse hamdaoui

79

aval. En d’autres termes, l’unité amont et l’unité aval sont respectivement

fournisseur et client exclusifs. Le cas où l’unité amont n’est pas le fournisseur

exclusif de l’unité aval ou l’inverse relève de l’intégration partielle47

.

L’intégration verticale se caractérise, donc, par la substitution de l’échange

marchand ou contractuel par l’échange interne, c’est-à-dire que les biens en

question ne transitent pas par le marché et leur transfert ne se fait pas par

référence au prix du marché. Pour mieux expliciter l’importance de l’échange

interne dans la spécification de l’intégration verticale, prenons un exemple d’une

entreprise qui opère dans deux stades de production successifs. Supposons que,

pour une raison ou une autre, la filiale amont vende la totalité de sa production à

des acheteurs indépendants. Réciproquement, la filiale aval se procure la totalité

de ses besoins chez des offreurs indépendants. Cette entreprise n’est pas intégrée

verticalement puisque les deux filiales recourent à l’échange marchand pour le

transfert du bien. On parle ici de « combinaison verticale ».

Cependant, l’échange interne ne suffit pas, à lui seul pour définir l’intégration

verticale. Cette dernière signifie également la propriété et le contrôle complet

des stades de production ou de distribution voisins. En particulier, une firme

intégrée verticalement doit disposer d’une flexibilité totale dans la prise des

décisions de production et de distribution dans tous les stades contrôlés par la

firme. Les modèles néoclassiques de l’intégration verticale insistent, en effet, sur

la manière dont diffère la prise de décision dans les entreprises intégrées et les

firmes non intégrées.

D’après Coase (1937), la différence entre la firme et le marché réside dans le fait

que la coordination de la production est assurée respectivement par

l’entrepreneur et le prix. Pour pouvoir assurer cette coordination, l’entrepreneur

dispose d’un instrument spécifique à la hiérarchie, à savoir l’autorité. Cette

dernière est précisément ce qui définit une firme puisqu’à l’intérieur d’une

47

L’intégration partielle correspond à la situation où une partie de la production de l’unité amont est vendue à

d’autres utilisateurs, et/ou une partie des besoins du stade aval est achetée à d’autres producteurs.

Page 80: thèse hamdaoui

80

firme, les transactions résultent des instructions et des ordres du patron.

L’exercice de l’autorité est effectué par le biais de la relation

employé/employeur. Coase souligne, en effet, que la différence entre la relation

employé/employeur et celle liant deux contractants indépendants est le fait

qu’un employeur peut dire à un employé ce qu’il doit faire alors qu’un

contractant indépendant doit convaincre son partenaire de faire ce qu’il veut par

l’utilisation du mécanisme de prix.

Dans la même logique, Williamson (1985) confirme que l’intégration verticale

est étroitement liée à la nature qu’une firme peut entretenir avec le travail. Il

assure, en effet, que l’intégration verticale permet à la firme (à travers

l’embauche des travailleurs) de passer du mode d’achat des inputs à celui de leur

production. Le mode de production des inputs présente deux avantages

essentiels : d’une part, il permet la possibilité de résolution des conflits par le

pouvoir de l’autorité, et d’autre part, il permet le changement de la structure

d’information dans la mesure où il est plus facile d’auditer une division interne

de sa firme (Williamson (1975)). D’une manière plus précise, Williamson

insiste, dans sa définition de l’intégration verticale, sur la nature de la relation

entretenue par la firme avec le travail. Par conséquent, la propriété par la firme

des autres moyens de production n’est pas indispensable. Le capital requis pour

la production peut être la propriété de la firme comme il peut être loué sans que

cela puisse influer sur le degré d’intégration. Le contrôle sur la production peut

être exercé aussi bien par la location du capital que par l’appropriation de ce

capital.

En empruntant une logique différente, Grossman et Hart (1986) définissent

l’intégration verticale comme étant la propriété et le contrôle absolu des actifs.

Ces derniers ne font pas de distinction entre la propriété d’un actif et le contrôle

des droits résiduels sur cet actif. Une firme est intégrée si elle détient la

propriété des actifs qu’elle utilise dans sa production. Pour eux, la nature de la

relation de la firme avec le travail n’est pas pertinente pour distinguer

Page 81: thèse hamdaoui

81

l’intégration verticale. En effet, les travailleurs peuvent être soit des employés

soit des travailleurs indépendants sans que cela puisse affecter le degré

d’intégration. La définition proposée par Grossman et Hart est basée sur la

notion de droits résiduels de contrôle que nous avons déjà présenté dans le

chapitre précédent. L’actif humain ne donne pas lieu à des droits de propriété

puisqu’il n’est ni cessible ni transférable. Ainsi, la propriété d’un stade de

production n’implique pas automatiquement le contrôle de l’actif humain. Par

conséquent, ce n’est pas la nature de la relation de la firme avec les travailleurs

qui caractérise l’intégration verticale, mais plutôt, le contrôle par la firme de ces

travailleurs qui en constitue l’essence. Or, il se peut, très bien, qu’une firme ne

puisse pas exercer son contrôle sur ses propres employés, comme il se peut

qu’une autre firme dispose d’un contrôle parfait sur des travailleurs

indépendants.

Enfin, Riordan (1990)48

définit l’intégration verticale comme « l’organisation de

deux stades de production successifs par une seule firme ». Un processus de

production, selon l’auteur, décrit l’ensemble des opérations techniques qui

permettent la transformation des inputs en outputs. De même, deux processus de

production sont dits successifs si l’output de l’un est un input pour l’autre.

Riordan considère la firme comme une entité légale qui détient des actifs et qui

conclue des contrats commerciaux et financiers. Par conséquent, l’organisation

d’un processus de production par une firme nécessite l’appropriation ou l’achat

des inputs requis pour la production.

La définition de Riordan suscite trois remarques :

- Tout d’abord, la firme est reconnue comme un nexus de contrats qui

gouvernent les relations de la firme avec les fournisseurs des inputs et les

clients.

- Ensuite, la définition fait la distinction entre l’organisation d’un processus et

48

M. Riordan (1990) « What is Vertical Integration ? », in The Firm as a Nexus of Treaties, édité par M. Aoki,

B. Gustafsson et O. Williamson, Sage Publications, p. 94.

Page 82: thèse hamdaoui

82

son contrôle. En effet, le contrôle d’après Riordan, est essentiellement une

fonction managériale. Un manager contrôle un processus de production en

s’approvisionnant en inputs, en dirigeant, en régulant et en coordonnant

l’utilisation de ces inputs dans la production. L’autorité du manager reste,

pourtant, délimitée par un contrat avec la firme qui reste, malgré tout,

responsable des obligations contractuelles prises par le manager en son nom.

- Enfin, la définition de Riordan fait la distinction entre l’intégration verticale et

l’échange marchand en se référant à la nature des contrats. Ainsi, l’intégration

verticale se réfère aux contrats relatifs aux inputs amont. En revanche, l’échange

marchand fait référence aux contrats relatifs à l’output amont. D’une manière

explicite, Riordan définit l’intégration verticale amont comme un contrat passé

par la firme aval pour acheter certains inputs à la place de la firme amont. Ceci

implique que la firme qui organise le processus de production possède l’output

qui en résulte. De même, une firme aval qui s’intègre en amont détient le

pouvoir de monitoring sur l’utilisation des inputs à l’amont.

Les principaux arguments qui font, donc, le désaccord entre les différentes

définitions de l’intégration verticale se rapportent à la question de l’autorité49

et

de l’effet de l’intégration sur la structure de l’information.

L’idée de Coase qui stipule que la relation employé/employeur confère au

patron une autorité sur l’employé est partagée par plusieurs auteurs (Barnard

(1938), Simon (1951) et Masten (1988)). Ainsi, Simon souligne qu’il est plus

efficient pour un employé d’accepter l’autorité de son patron, en vue de

l’exécution d’une certaine tâche, lorsque cette exécution est favorable à

l’employeur sans pour autant être défavorable à l’employé. D’un autre côté,

Masten traite la question de la relation de l’emploi du point de vue juridique. Il

arrive à la conclusion que le traitement de la relation d’emploi coïncide

précisément avec les conclusions de Coase et de Williamson pour ce qui est des

49

L’autorité peut être conférée par le biais de la relation employé/employeur d’après Coase et Williamson ou par

la propriété des droits résiduels de contrôle selon Grossman et Hart (1986).

Page 83: thèse hamdaoui

83

avantages de l’intégration verticale sur l’autorité et la facilité d’accès à

l’information. En effet, en s’engageant dans une relation d’emploi, tout employé

accepte le devoir conséquent de manifester son obéissance à tous les ordres et

les instructions raisonnables qui émanent de son patron. En outre, la loi accorde

à l’employeur le droit de contrôler les employés, aussi bien en termes de moyens

mis en œuvre pour effectuer un travail, qu’en termes de résultats de ce travail.

De la même manière, la loi oblige l’employé à communiquer à son employeur

tous les faits qu’il est censé connaître. De nouveau, la loi fait la distinction entre

la relation d’emploi et les transactions commerciales de manière à appuyer

clairement l’argument qui stipule que l’intégration verticale permet un meilleur

accès à l’information.

Cependant, la question de la pertinence de la relation d’emploi dans la définition

de l’intégration verticale a suscité de nombreuses critiques des théoriciens

(Alchian et Demsetz (1972), Grossman et Hart (1986) et Hart et Moore (1990)).

Pour commencer, Alchian et Demsetz tentent de réfuter l’argument de Coase en

posant les questions suivantes : de quelle garantie dispose un patron pour

exercer son autorité sur un employé ? En d’autres termes, qu’arrivera-t-il à

l’employé s’il refuse d’obéir aux instructions de son patron ? Sera-t-il

sanctionné ou poursuivi pour manquement aux termes du contrat ?

A travers leur réponse, Alchian et Demsetz confirment que le pire châtiment

qu’un employé peut subir est son licenciement. Or, cette punition est pareille

que la sanction qu’inflige un contractant indépendant à l’encontre d’un autre s’il

n’est pas satisfait de ses performances. Il n’est, donc, pas évident qu’un

employeur puisse dicter à son employé ce qu’il doit faire tout comme un client

ne puisse faire de même avec son épicier. Dans les deux cas, la désobéissance

entraîne la rupture de la relation. D’un autre côté, Grossman et Hart présentent

le même argument à la fois pour réfuter la thèse de Coase et de Williamson et

avancer leur propre définition de l’intégration verticale. En effet, pour réfuter la

thèse de l’autorité d’un patron sur son employé, ils soulignent que les actifs

Page 84: thèse hamdaoui

84

humains ne donnent pas lieu à des droits résiduels de contrôle et, par

conséquent, l’autorité de l’employeur ne peut être exercée que sur les actifs

physiques qu’il possède et non pas sur les employés qui utilisent ces actifs.

Ainsi, la seule autorité dont dispose le propriétaire d’un bien est celle conférée

par les droits résiduels de contrôle de ce bien. Cette autorité se limite à accorder

et refuser le droit d’utilisation de ce bien aux autres individus. En plus de la

question de l’autorité conférée par la relation d’emploi, la définition de

Grossman et Hart contredit celle de Williamson sur deux autres points. D’abord,

il n’est pas évident que l’usage de l’autorité puisse résoudre les conflits. Pour

s’en rendre compte, il faut se demander sur la nature du pouvoir de discipline

dont dispose un patron comparativement à un contractant indépendant. Ainsi, le

plus grand pouvoir dont dispose un patron comparativement à un contractant

indépendant, ne peut être compris que si on se situe dans le point de vue de la

théorie des droits de propriété, surtout, si on reconnaît le fait qu’une firme est

constituée aussi bien d’actifs physiques qu’humains, et que le patron ne détient

que le contrôle des premiers. Ensuite, Grossman et Hart refusent de croire que

l’intégration verticale implique un changement dans la structure d’information.

Ils soulignent, en effet, que les différences dans la structure d’information sont

choisies d’une manière endogène et qu’elles ne sont pas conditionnées par le

choix de la forme organisationnelle.

En conclusion, aucune des définitions ne fournit à elle seule une description

complète de l’intégration verticale. Dans certains cas, la relation d’emploi suffit

pour que la firme exerce son contrôle sur les travailleurs, alors que dans

d’autres, cette relation s’avère insuffisante pour y parvenir. De même, le

contrôle des moyens de production peut s’avérer parfois suffisant pour définir

l’intégration verticale. Par conséquent, ces définitions peuvent être considérées

beaucoup plus comme complémentaires plutôt qu’opposées. Il convient alors

d’élaborer une définition qui permet la réconciliation des différents arguments

de ces définitions.

Page 85: thèse hamdaoui

85

2.2.2 Les dimensions de l’intégration verticale

Le traitement des économistes reste, malgré tout, insuffisant pour spécifier

l’ensemble des facettes de l’intégration verticale, surtout au niveau des pratiques

de cette dernière. Afin de rapprocher la stratégie de l’intégration verticale des

dirigeants et des praticiens du management, Harrigan (1985) propose une

définition basée sur la distinction entre la stratégie d’une firme et celle d’un

domaine d’activité stratégique (Strategic Business Unit: SBU) où elle adopte

une approche dynamique et contingente qui stipule qu’une firme peut contrôler

les relations verticales sans avoir la possession complète des domaines d’activité

stratégique adjacents. Elle peut assurer les bénéfices de l’intégration sans

internalisation complète des opérations des différents domaines d’activité

stratégique.

L’approche de Harrigan inclut quatre dimensions qui caractérisent toute

stratégie d’intégration verticale.

2.2.2.1 Les stades de l’intégration

Le nombre de stades de l’intégration correspond au nombre d’étapes assurées

par la firme dans la chaîne de production. Chaque firme peut, donc, choisir un

nombre de stades particulier en fonction des considérations stratégiques qui lui

sont propres. Ainsi, à titre d’exemple, une compagnie électronique peut produire

des tranches de silicones, des masques, des composants électroniques des

ordinateurs ainsi que son propre réseau de distribution, s’engageant, par

conséquent, dans la plupart des stades de la filière électronique. A l’inverse, une

autre firme peut se contenter de s’engager uniquement dans le stade de

l’assemblage des ordinateurs (Koenig (1990), p.271). De la même façon,

certaines firmes de l’industrie pétrolière assument de nombreuses opérations

adjacentes telles que l’exploration séismique, l’oléoduc, le raffinage ainsi que la

distribution de gros et de détail des carburants, tandis que d’autres se

Page 86: thèse hamdaoui

86

spécialisent dans l’extraction, le raffinage ou la distribution.

2.2.2.2 Etendue de l’intégration

L’étendue de l’intégration d’un domaine d’activité stratégique représente le

nombre d’activités que la firme assume à chaque niveau de la chaîne verticale.

En effet, au niveau de chaque domaine d’activité stratégique, un certain nombre

de biens intermédiaires sont nécessaires pour effectuer la production d’un bien

final. Ainsi, une firme qui fabrique elle-même les biens intermédiaires dont elle

a besoin possède un degré d’intégration latérale plus élevé qu’une firme qui se

procure ces biens chez d’autres producteurs.

2.2.2.3 Degré d’intégration

Le degré d’intégration représente la proportion de la production d’un bien

assurée par une firme au niveau d’un domaine d’activité stratégique. Une firme

est pleinement intégrée si elle produit elle-même la totalité de ses besoins en un

bien ou un service. Inversement, une firme est partiellement intégrée lorsqu’elle

recourt à des fournisseurs extérieurs pour se procurer une partie de ses besoins

en un bien déterminé. L’intégration partielle est une solution intermédiaire entre

la pleine intégration et la non-intégration. Ainsi, de nombreuses compagnies

pétrolières préfèrent, d’une part, des arrangements d’intégration partielle pour

accéder à une quantité suffisante de pétrole, et d’autre part, assurer la

distribution de gros et de détail.

2.2.2.4 Forme de l’intégration

Dans la conception classique de l’intégration verticale, une firme devait détenir

la totalité du capital d’une autre firme voisine. Or, cette situation constitue

l’extrême d’un continuum d’arrangements qui vont d’une relation de marché

pure à l’intégration complète. L’ensemble de ces arrangements intermédiaires

correspond à des formes de quasi-intégration.

Page 87: thèse hamdaoui

87

Figure 2.1: Diagramme des dimensions d’une stratégie d’intégration

verticale

Source: K. Harrigan (1985) « Vertical Integration and Corporate Strategy », Academy of

Management Journal, vol.28, n°3, p. 397-425.

- La firme A est intégrée dans plusieurs stades de l’activité mais elle n’utilise

qu’un seul input à chaque stade (intégration latérale étroite). Elle transfère tous

a a

b b a b a a

d c b b a d c c b a

c c d c b a d c b a

c

c

b b a b a

b b a a

1

Matières Premières

2

Produits Semi-

finis

3

Composants

4

Unité Etudiée

5

Assemblage

6

Service Marketing

7

Activités de

Distribution Firme C Firme B Firme A

Légende:

: Transfert interne à la firme

: Achat ou vente à l’extérieur de la firme

a, b, c, d : Les inputs

Page 88: thèse hamdaoui

88

les inputs sans acheter ni vendre à l’extérieur (degré d’intégration élevé au

niveau de tous les stades verticaux).

- La firme B produit quatre inputs (a, b, c, d) au troisième stade et au cinquième

stade. Elle achète, également, une partie de ses besoins en c au troisième stade et

elle vend une partie de l’input c qu’elle produit au cinquième stade. La firme a

une étendue d’intégration latérale plus élevée au troisième et au cinquième stade

relativement au deuxième et au sixième stade. Enfin, elle a un degré

d’intégration moins élevé que la firme A dans l’ensemble des stades verticaux.

- La firme C produit uniquement b et c respectivement au deuxième et au

troisième stade. De même, elle produit uniquement c au cinquième stade. Par

contre, elle ne produit aucun input au sixième et au septième stade. Elle a, donc,

un degré et une étendue d’intégration très faibles dans l’ensemble des stades.

2.3 Les relations verticales en théorie et en pratique

Il est reconnu à présent que l’intégration verticale et l’échange marchand ne

représentent que les choix extrêmes des formes d’organisation possibles. Entre

les deux extrêmes, il y a une multitude de formes organisationnelles qui

représentent des solutions intermédiaires entre l’intégration verticale et

l’échange marchand pur. Dans sa classification des différents modes de

gouvernance Williamson (1985) assure qu’à côté des institutions économiques

reconnues (hiérarchie et marché), il faut compter toutes les autres formes

hybrides qui se situent entre les deux extrêmes. Williamson explique le recours à

ces formes hybrides par les échecs du marché, d’une part, et les coûts élevés de

l’intégration verticale de l’autre.

L’examen des relations verticales est loin d’être du ressort de notre travail. Nous

nous contenterons, au contraire, de passer en revue les principaux résultats

théoriques relatifs à la question du contrôle vertical et aux effets des restrictions

verticales sur l’efficience, la concurrence et le bien-être. Ensuite, nous

présenterons brièvement les principales alternatives de l’intégration verticale

Page 89: thèse hamdaoui

89

rencontrées dans la pratique. L’ensemble de ces alternatives répondent au choix

de la solution « faire-faire » lorsque les entreprises sont confrontées à la décision

de « faire ou faire-faire ».

2.3.1 Le contrôle vertical

2.3.1.1 Définitions des concepts de contrôle vertical et de restrictions

verticales

Dans la définition couramment retenue dans les modèles de l’organisation

industrielle, l’intégration verticale correspond au contrôle par l’entreprise

intégrée, de toutes les décisions de la structure verticale. Ainsi, « le profit intégré

verticalement » est le profit joint maximal des stades amont et aval que la

structure verticale puisse obtenir. En d’autres termes, c’est le profit agrégé de la

structure lorsque toutes les variables de décision sont observables, vérifiables et

spécifiables dans un contrat. En effet, la structure verticale, dans son ensemble,

détermine un certain nombre de variables de décisions (prix de gros, droits de

franchisage, quantité achetée par le détaillant, prix à la consommation, effort de

promotion,....) dont seulement quelques unes sont observables et vérifiables dans

la pratique appelées « instruments » dans le sens où elles peuvent servir de bases

à des transferts monétaires dans le contrat qui lie le producteur et le détaillant.

Ces transferts s’effectuent, donc, à l’intérieur de la structure verticale et influent,

essentiellement, sur la répartition interne des gains50

. D’un autre côté, on trouve

également des variables de décision qui affectent directement le profit agrégé et

qui sont appelées « objectifs »51

. Le problème de contrôle vertical est de savoir

comment utiliser les instruments pour atteindre ou approcher les valeurs

souhaitées des objectifs, c’est-à-dire les valeurs qui maximisent le profit agrégé

de la structure verticale.

Il convient de souligner, à ce niveau, qu’un fabricant qui absorbe les entreprises

50

Il s’agit par exemple du prix de gros ou des droits de franchisage qui permettent le partage des gains entre le

fabricant et le détaillant.

Page 90: thèse hamdaoui

90

aval peut être dans l’impossibilité d’exercer un contrôle total sur ces

entreprises52

. De même, le fabricant peut avoir un contrôle complet sur les

entreprises aval en utilisant, tout simplement, des contrats adéquats spécifiant

des restrictions verticales.

L’exercice du contrôle vertical nécessite, par conséquent, le recours à des

restrictions verticales qui permettent aux fabricants d’inciter les détaillants à

choisir les décisions que les fabricants ne peuvent contrôler directement. Dans la

pratique, il y a une grande variété de restrictions qui peuvent être imposées par

un fabricant sur ses clients : prix de revente imposé, territoires exclusifs,

franchisage, exclusivité de représentation, ventes liées, restrictions sur les

quantités, etc. A défaut de pouvoir les recenser toutes, nous allons définir

brièvement quatre des restrictions les plus courantes dans la pratique et les plus

intéressantes du point de vue théorique. Pour ce faire, nous partons d’un cadre

de référence caractérisé par un fabricant détenant le monopole d’un bien faisant

face à un ou plusieurs détaillants qui revendent le bien au consommateur final.

- Le prix de revente imposé (Resale Price Maintenance): C’est une clause du

contrat dictant aux détaillants le choix d’un prix final P. Des variantes de cette

restriction sont le prix plafond ( P P ) et le prix plancher ( P P ). Le prix de

revente imposé est par conséquent un prix plancher plus un prix plafond

( P P P ).

- Le doit de franchisage (Franchising): Il correspond à l’exemple le plus direct

du principe de tarification non linéaire. Le détaillant paie alors T(Q) = A + P.Q,

avec A le droit de franchisage, P le prix unitaire et Q la quantité vendue. Il se

peut également que le fabricant applique une forme plus compliquée de tarif53

.

- Les territoires exclusifs (Exclusive territories): Cette restriction consiste à

partager le marché final entre les différents détaillants. Les territoires exclusifs

51

Il s’agit par exemple du prix de détail ou de l’effort de promotion. 52

Car dans une structure verticale, les décisions doivent être déléguées avec ou sans intégration. 53

Tel un prix complètement non linéaire ou non affine.

Page 91: thèse hamdaoui

91

peuvent être compris soit en termes spatial ou dans le sens d’une segmentation

du marché.

Figure 2.2: Schémas des territoires exclusifs

- Les ventes liées (Tying): Cette restriction est spécifique aux biens finals dont

la production nécessite la combinaison de plusieurs inputs offerts par des

fabricants distincts. Ainsi, on parle de vente liée lorsque l’un des fournisseurs

des inputs contraint l’entreprise aval à acheter chez lui les autres inputs.

On peut distinguer deux pratiques de la vente liée. D’abord, « la vente par lots »

qui fixe les quantités des autres inputs par unité d’input du fabricant en cause.

Ensuite, « le contrat d’approvisionnement exclusif » où le fabricant demande

simplement au détaillant de lui acheter les autres inputs sans aucune contrainte

sur la quantité.

Figure 2.3: Exemple de vente liée

Il y a de nombreuses situations où les restrictions verticales peuvent être

utilisées comme une alternative à l’intégration verticale. En effet, lorsque

Fabricant de

l’input 2

Fabricant de

l’input 1

Fabricant de

l’input 2

Fabricant de

l’input 1

Détaillant Détaillant

Fabricant Fabricant

Détaillant

2

Détaillant

1

Détaillant

2

Détaillant

1

Page 92: thèse hamdaoui

92

l’intégration est impraticable pour une raison ou une autre, les restrictions

verticales permettent la réalisation du profit intégré verticalement tout en évitant

les coûts de l’intégration. Ainsi, certaines restrictions, telles que le prix de

revente imposé et le droit de franchisage, peuvent être utilisées au même titre

que l’intégration pour éliminer la distorsion de la double marge. Il en est de

même pour la vente liée qui peut être utilisée par un monopoleur pour

discriminer par le prix entre ses clients. Enfin, l’utilisation conjointe ou non des

droits de franchisage, du prix de revente imposé et des exclusivités territoriales

permet, dans certaines conditions, d’éliminer, au même titre que l’intégration

verticale, la distorsion des proportions variables. Ces questions seront traitées

avec plus de détail dans le chapitre 4.

2.3.1.2 Restrictions verticales et efficience

D’une manière générale, il y a de nombreux facteurs qui incitent les entreprises

à exercer un contrôle vertical. Il s’agit, notamment, des problèmes de coûts de

transaction, de contrats incomplets, de droits de propriété et d’autres problèmes

qui sont déterminants, même dans un marché concurrentiel. Cependant, il existe

des motivations spécifiques au monopole dans le contrôle vertical. Ces

motivations s’expliquent par l’existence d’effets externes entre les entreprises

aval et les entreprises amont (externalités verticales) ou entre les entreprises aval

elles-mêmes (externalités horizontales). Contrairement aux tenants de cet

argument, les adeptes de l’Ecole de Chicago soutiennent qu’il n’y a pas de

motivations spécifiques au monopole et que les contrôles verticaux observés

sont destinés uniquement à améliorer l’efficacité des relations verticales du

monde réel. Par conséquent, le contrôle vertical est purement une question

interne d’amélioration du bien-être au sein de la structure verticale.

Actuellement, il y a presque une quasi-unanimité des théoriciens que les

restrictions verticales peuvent être source d’amélioration ou de détérioration du

bien-être selon les circonstances et les contextes étudiés. Mais nous croyons que

Page 93: thèse hamdaoui

93

la question à poser n’est pas de savoir lesquelles des restrictions sont source

d’amélioration ou de détérioration du bien-être, mais plutôt, de connaître les

circonstances qui font qu’une restriction soit bénéfique ou non en termes social.

D’ailleurs, de nombreux travaux théoriques ont tenté de répondre à ces questions

en soulignant les situations les plus intéressantes du point de vue théorique

(Blair et Kaserman (1978), Mathewson et Winter (1984), Rey et Tirole (1986),

Tirole (1988), Scherer (1990) et Gal-Or (1991)).

2.3.1.2.1 Les restrictions verticales en tant que source d’amélioration du

bien-être

Comme nous l’avons souligné précédemment, l’élimination des externalités

verticales entre entreprises aval et amont est l’une des principales incitations de

ces dernières à imposer des restrictions verticales sur les premières. Afin de

mettre en évidence l’apparition de cette externalité verticale, nous nous

intéresserons à une structure verticale caractérisée par un producteur qui vend un

bien intermédiaire à un ensemble de détaillants à un prix (PW ) supérieur à son

coût marginal (c). Les détaillants prennent, ensuite leurs décisions54

sur cette

base. L’externalité verticale vient du fait que toute action qui accroît la demande

du bien intermédiaire d’un détaillant engendre un profit supplémentaire de (Pw -

c) pour le producteur. Cependant, le détaillant ne tient pas compte du profit

supplémentaire du producteur et a, par conséquent, tendance à prendre des

décisions qui conduisent à une trop faible consommation du bien intermédiaire.

Le problème revient au fait que le coût du revendeur diffère de celui de la

structure verticale. Le profit agrégé est alors inférieur au profit de l’intégration

verticale, ce qui incite le fabricant à imposer des restrictions qui permettent

d’éliminer cette externalité tout en améliorant le bien-être social.

Au moins trois situations différentes correspondent, d’après Tirole (1988), au

problème des externalités verticales. Tout d’abord, le problème de la double

54

Ces décisions peuvent être relatives au prix, à un effort de promotion ou de technologie.

Page 94: thèse hamdaoui

94

marge dans l’exemple de deux monopoles successifs où le monopole aval

choisit un prix final plus élevé que le prix de la structure intégrée, ce qui procure

une rétraction de la demande et du profit de la structure verticale. Ensuite, il y a

le problème du risque moral en aval où le détaillant fournit un effort de

promotion (telle une livraison gratuite, un crédit ou une information avant la

vente) qui rend le bien du fabricant plus attractif pour les consommateurs. Dans

une telle situation, le fabricant souhaite encourager le détaillant pour fournir plus

d’effort de promotion. Or, en maximisant son profit, le détaillant ne tient pas

compte du surplus du profit du fabricant, et par conséquent, il choisit,

généralement, un niveau faible d’effort de promotion à cause de la distorsion de

la marge du fabricant. Enfin, il y a le problème de la substitution des inputs

lorsque les détaillants utilisent conjointement le bien intermédiaire du fabricant

et un autre input offert par un marché concurrentiel qui constitue un substitut.

Dans cette situation, les détaillants vont utiliser excessivement l’autre input au

détriment de celui du fabricant provoquant, ainsi, une contraction du profit de ce

dernier et une inefficience technologique au niveau de la qualité du bien final.

Dans ces trois exemples, la vente du bien intermédiaire, par le fabricant, à l’aide

d’une tarification linéaire entraîne une inefficience au niveau de la structure

verticale. De ce fait, l’imposition de restrictions verticales adéquates permet une

augmentation du profit de la structure verticale et une baisse du prix du bien

final. En effet, dans le cas de la double marge et du risque moral aval, le

fabricant peut choisir un prix (Pw = c) pour éliminer la distorsion de l’externalité

verticale55

. Par la suite, le fabricant peut s’approprier le profit du détaillant en

imposant un droit de franchisage égal au profit de la structure verticale. D’une

manière similaire, le fabricant peut vendre le bien intermédiaire au prix (Pw =

Pm) qui maximise le profit du fabricant et imposer ensuite le prix de détail au

niveau (P = Pm). Ainsi, le détaillant aura un profit nul mais celui du fabricant

sera équivalent à celui de l’intégration verticale. Dans l’autre cas, l’imposition

Page 95: thèse hamdaoui

95

du prix de revente imposé ne permettra pas d’éliminer la distorsion de

l’externalité verticale liée à l’effort de promotion. Enfin, l’utilisation conjointe

de la vente liée et du prix de revente imposé par le fabricant permet au prix

relatif des inputs d’être fixé au niveau optimal. Mieux encore, lorsque le secteur

aval est concurrentiel, la vente liée s’avère suffisante pour réaliser le même

niveau d’efficience que l’intégration verticale en raison de l’absence de marge

dans ce stade.

Les restrictions verticales destinées à éliminer les distorsions verticales ne sont

pas, donc, préjudiciables au bien-être même si elles sont utilisées pour accroître

le profit du monopole. Dans de telles circonstances, le problème vient de

l’existence même d’un pouvoir de monopole et non de ses conséquences

indirectes.

Dans une moindre mesure, les restrictions verticales peuvent être utilisées, avec

succès, pour résoudre le problème des externalités horizontales qui apparaissent

entre des détaillants en concurrence. Ces externalités surgissent lorsqu’un

détaillant doit fournir aux consommateurs des informations qui permettent

d’accroître et le bien-être de ces derniers et le profit du fabricant. Ainsi, Telser

(1960)56

soutient que la concurrence des détaillants peut empêcher la fourniture

de cette information. Un détaillant qui supporte le coût de cette information doit

faire payer un prix plus élevé qu’un détaillant qui ne la fournit pas. Les

consommateurs seront, donc, incités à rendre visite au premier détaillant pour

obtenir l’information et ensuite acheter chez l’autre qui offre un prix moins

élevé. Pour encourager une offre adéquate de l’information, il faut éliminer ou

réduire la concurrence entre les détaillants. Ainsi, le fabricant doit donner aux

détaillants un droit de propriété sur leur information en les protégeant contre une

concurrence déloyale. La satisfaction de cet objectif peut être atteinte par le

55

Dans ce cas, le fabricant réalisera un profit équivalent à celui de la structure intégrée verticalement. 56

L. Telser (1960) « Why Should Manufacturers Want Fair-Trade ? », Journal of Law and Economics, vol.3,

pp.86-105, cité par Scherer (1990) Industrial Market Structure and Economic Performance, Houghton Mifflin

Company, p. 550.

Page 96: thèse hamdaoui

96

recours aux restrictions verticales qui réduisent la concurrence (prix de revente

imposé et exclusivités territoriales). De telles restrictions améliorent

généralement le bien-être car elles permettent aux détaillants de fournir de

l’information valable aux consommateurs.

2.3.1.2.2 Les restrictions verticales et la détérioration du bien-être

Les conclusions se rapportant aux bienfaits des restrictions verticales sur le bien-

être ne sont plausibles que dans un environnement déterministe caractérisé par

l’observabilité et la vérifiabilité des variables de décision de la structure

verticale. Dans le cas contraire57

, les restrictions verticales s’avèrent

insuffisantes pour améliorer le bien-être social. Cette conclusion est valable dans

le cas des externalités verticales lorsqu’il y a présence d’incertitude sur la

demande finale ou sur le coût de distribution du détaillant. En effet, les

restrictions verticales ne donnent pas la possibilité au détaillant (supposé

risquophobe) de refléter les variations aléatoires (de la demande ou du coût de

distribution) dans la valeur du prix final. Par conséquent, le détaillant sera

amené à supporter tout le risque associé à ces variations. Ensuite, la même

conclusion s’applique au cas des externalités horizontales. En effet, en présence

d’incertitude et d’information asymétrique, les restrictions anticoncurrentielles

présentent certains inconvénients car il se peut que ces restrictions ne permettent

pas l’utilisation efficace de l’information détenue par les détaillants. De même,

il se peut qu’elles donnent aux détaillants un niveau d’assurance inadéquat. Dans

ce cas, la concurrence entre les détaillants peut alors devenir une option

profitable pour le fabricant58

. Dans certains cas, les détaillants en concurrence

57

En présence d’incertitude, d’aversion pour le risque et d’information asymétrique. 58

Deux arguments sont avancés par Tirole (1988) en faveur de la concurrence entre les détaillants. Le premier

argument tient aux propriétés fortes d’assurance de la concurrence. En effet, s’il y a des changements du coût de

distribution ou de la demande qui sont défavorables au détaillant, alors les autres détaillants seront touchés de la

même manière et ils réagiront en augmentant leurs prix ou en diminuant leurs services d’information. Une telle

réaction aura pour effets un accroissement de la demande du détaillant et limite sa perte de profit.. Le second

argument tient au caractère destructeur de profit de la concurrence. Ainsi, en empêchant les détaillants de faire

des profits, la concurrence ne les expose pas au risque.

Page 97: thèse hamdaoui

97

peuvent faire pression sur un fabricant pour imposer des restrictions verticales

permettant de limiter leur concurrence et d’accroître leur profit. De telles

restrictions n’impliquent pas une amélioration de l’efficacité de la structure

verticale puisqu’elles sont justifiées, uniquement, par le désir des détaillants

d’accroître leurs profits en réduisant la concurrence entre eux. Il est, donc,

généralement admis que les restrictions imposées par un cartel de détaillants

sont nuisibles en termes de bien-être social.

D’une façon similaire, un fabricant peut utiliser les restrictions verticales pour

limiter la concurrence dans le stade amont. En effet, en imposant aux détaillants

des contrats d’exclusivité à long terme, le fabricant peut instituer des barrières à

l’entrée à l’encontre des concurrents potentiels en les forçant à instaurer leurs

propres réseaux de distribution s’ils décident d’entrer au marché. D’un autre

côté, Telser (1960) et Posner (1977) soutiennent que le prix de revente imposé

peut aider des fabricants en concurrence à entretenir une collusion en réduisant

l’efficacité des baisses secrètes du prix de gros.

En conclusion, nous pouvons dire que les restrictions verticales peuvent être

source d’amélioration du bien-être et de l’efficience économique, comme elles

peuvent être source d’inefficience. En effet, lorsque ces restrictions sont utilisées

pour éliminer les distorsions de monopole, leurs effets sont souvent bénéfiques

pour le bien-être social puisqu’elles permettent d’améliorer l’efficacité du

fonctionnement des marchés et de corriger les dysfonctionnements des

structures monopolistiques. En revanche, lorsque le recours aux restrictions

verticales est justifié par la réduction de la concurrence et le renforcement du

pouvoir de monopole, elles sont souvent inefficientes du point de vue social. La

seule attitude qu’il faudrait prendre à l’encontre de ces restrictions serait de

procéder à un jugement au cas par cas et l’établissement d’une classification

précise de toutes les circonstances dans lesquelles chacune de ces restrictions

s’avère préjudiciable au bien-être.

Page 98: thèse hamdaoui

98

2.3.2 Les politiques d’Impartition

Le Petit Larousse Illustré définit l’Impartition comme étant « le fait pour un

producteur de se procurer à l’extérieur des biens matériels ou des services au

lieu de se les assurer par ses propres moyens ». En se basant sur cette définition,

et sur le sens étymologiques du terme, Barreyre (1992) précise « qu’il y a ainsi

Impartition lorsqu’une entreprise, placée devant le choix de faire ou faire-faire59

,

opte pour le second terme de l’alternative et ainsi délègue à une firme partenaire

une partie de son système global d’activités ».

2.3.2.1 Evolution de l’environnement et essor des politiques d’impartition

L’essor des politiques Impartition peut être expliqué par les énormes

changements de l’environnement économique, technologique, organisationnel et

réglementaire qu’a connu le monde durant la deuxième moitié de ce siècle. Ces

changements ont eu un effet considérable sur la vision qu’ont les entreprises sur

leur environnement et la politique qu’elles doivent mener pour s’adapter à ces

mutations. Les politiques d’impartition s’inscrivent, donc, dans une dynamique

imposée par un environnement complexe, instable et imprévisible qui requiert

de la part des entreprises plus de flexibilité et de rigueur en matière de stratégie

et de management. Dans ce sens, les entreprises étaient amenées à faire preuve

de beaucoup de créativité en matière d’innovations organisationnelles, ce qui a

donné naissance à un ensemble de formes organisationnelles au niveau des

différentes relations verticales allant au delà du simple choix entre l’intégration

verticale au sens strict et la non-intégration.

Parmi les facteurs les plus déterminants ayant participé à l’essor des différentes

politiques d’impartition, nous citons :

- Le changement technologique rapide et l’obsolescence accentuée des procédés

59

L’expression « faire ou faire-faire » est similaire à l’expression anglo-saxonne « make or buye ». Elle a été

utilisée pour la première fois par Barreyre dans son ouvrage : L’Impartition: Politique pour une Entreprise

Page 99: thèse hamdaoui

99

technologiques et organisationnels qui entraînent une dépréciation accélérée des

investissements capitalistiques et du savoir-faire de l’entreprise. Ces mutations

exigent de la firme une mobilisation accrue de ses moyens financiers et humains

à l’innovation dans toutes ses composantes.

- La complexité de l’environnement de l’entreprise et la discontinuité de son

évolution dans le court terme et de mobilité stratégique dans le long terme.

- La difficulté, de plus en plus croissante, de maintenir un niveau de rentabilité

élevé dans le contexte de crise qui exige de l’entreprise la minimisation du

gaspillage dans toutes ses formes et l’optimisation de sa politique

d’investissement.

- L’intensification de la concurrence au niveau mondial qui implique une lutte

continue de l’entreprise pour l’amélioration de la productivité et le renforcement

de sa position compétitive.

2.3.2.2 Champ d’application

Il est difficile de recenser l’ensemble des pratiques qui rentrent dans le domaine

des politiques d’impartition. En revanche, on peut dresser une taxinomie des

critères qui régissent l’ensemble de ces relations. Nous pouvons, donc, les

classer selon :

- La position du partenaire sur la chaîne verticale : le partenaire peut être un

client (Impartition aval), ou fournisseur (Impartition amont), ou un concurrent

(Impartition latérale).

- La durée de la relation : d’impartition d’une activité par une entreprise peut

être occasionnelle en réponse à des aléas créant des besoins imprévisibles,

comme elle peut être durable dans le temps pour satisfaire des besoins habituels.

- Le degré d’impartition : l’entreprise peut impartir à son partenaire la

satisfaction de la totalité de ses besoins (Impartition totale), comme elle peut lui

impartir la satisfaction partielle de ses besoins (Impartition partielle).

Compétitive, Hachette, 1968.

Page 100: thèse hamdaoui

100

- La dépendance stratégique vis-à-vis du partenaire : elle dépend de la possibilité

pour l’entreprise « impartitrice » de changer de partenaire sans que cela

implique des coûts élevés pour elle. Cette dépendance dépend essentiellement de

la spécificité de l’activité objet d’impartition.

- Le degré de l’interaction entre l’entreprise impartitrice et son partenaire qui

dépend de l’intensité de la compétition entre les deux en matière de transfert de

technologie, d’échange d’expérience et de savoir-faire. Certaines opérations

d’impartition ne requièrent aucune forme de coopération entre les partenaires

(telles que les accords de sous-traitance classiques), d’autres nécessitent, au

contraire, une coopération effective entre les partenaires (c’est le cas, par

exemple, de l’impartition d’opérations de recherche-développement).

- Le contrôle du partenaire qui peut être technique, administratif ou financier. La

nature du contrôle exercé par l’entreprise impartitrice sur son partenaire dépend

du poids de cette entreprise, de la durée de l’opération, de sa technicité et de son

importance stratégique.

Les motifs et la nature de la politique d’impartition diffèrent d’une entreprise à

une autre et d’un secteur d’activité à un autre. Certaines industries recourent, en

effet, davantage à l’impartition que d’autres en raison des spécificités

technologiques, commerciales, logistiques ou autres. C’est le cas, par exemple,

des industries de l’aviation, des industries électroniques, des industries textiles...

Les activités susceptibles d’être imparties, au sein d’une entreprise, intéressent

l’ensemble des fonctions organisationnelles de cette entreprise. Une entreprise

peut, en effet, impartir des activités relevant de:

- La fonction commerciale : publicité, ventes, services après vente, opérations

d’export, ...

- La fonction technique : fabrication, logistique de production, maintenance,

contrôle de qualité, ...

- La fonction de personnel : recrutement, formation, recyclage, gestion des

litiges...

Page 101: thèse hamdaoui

101

- La fonction administrative et financière : traitement de données,

comptabilité....

Ainsi, une politique d’impartition peut donner lieu à des modalités très variées

de relations verticales.

2.3.2.3 La sous-traitance : une forme d'impartition

Recouvrant une grande variété de situations et utilisée dans diverses professions,

la notion de sous-traitance a donné lieu à des interprétations plus ou moins

extensives, voir même contradictoires. Cependant, de nombreux impératifs ont

imposé une normalisation de la terminologie de base en usage. Une définition

rigoureuse des concepts fondamentaux, faisant l’objet d’un consensus, s’est

avérée indispensable, ne fût-ce que pour des raisons d’ordre juridique ou

d’interprétation comptable.

2.3.2.3.1 Définition

La définition la plus précise mais aussi la plus restrictive de la sous-traitance est

celle qui la considère comme étant « l’opération par laquelle un entrepreneur

confie, par un sous-traité et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée

sous-traitant tout ou partie du contrat d’entreprise ou du marché public conclu

avec le maître d’ouvrage »60

. Cette définition se réfère au cas où le client final,

appelé en l’occurrence maître d’œuvre, est identifié : il s’agit, par exemple,

d’une collectivité publique qui fait construire un hôpital ou d’une société privée

qui commande un matériel ou une machine. Le maître d’ouvrage traite l’affaire

avec une entreprise principale qui sous-traite à son tour l’opération.

Dans le domaine industriel, la commission AFNOR61

définit la sous-traitance

comme « toutes les opérations de conception, d’élaboration, de fabrication, de

mise en œuvre ou de maintenance du produit en cause dont l’entreprise dite

60

Définition retenue par la loi du 31 décembre 1975 qui complète l’article 1799 du code civil français 61

Association Française de la Normalisation. comptable qui réunit de nombreuses grandes branches

Page 102: thèse hamdaoui

102

donneur d’ordres confie la réalisation à un sous-traitant ou preneur d’ordres tenu

de se conformer exactement à ses directives ou spécifications techniques ».

L’attribut caractéristique de la sous-traitance, qui la différencie des autres

formes voisines d’impartition tient au fait qu’elle implique une relation de

subordination: le sous-traitant exécute une prestation selon les directives du

donneur d’ordres conformément à des normes que celui-ci impose.

2.3.2.3.2 Sous-traitance de capacité ou de spécialité

On parle de sous-traitance de capacité lorsque le donneur d’ordres, ayant le

savoir-faire et l’équipement pour exécuter la tâche ou le produit considéré, a

recours à une autre firme, soit de manière conjoncturelle, soit encore de façon

habituelle dans une relation structurelle. D’un autre côté, on parle de sous-

traitance de spécialité lorsque le donneur d’ordres fait appel à une firme

disposant d’une compétence et d’un équipement adéquat, qu’il ne possède pas

lui-même, soit parce qu’il serait dans l’impossibilité d’acquérir un tel potentiel,

soit parce qu’il renonce à procéder aux investissements correspondants pour des

raisons relevant de sa vision stratégique.

2.3.2.4 Les nouvelles formes de partenariats verticaux

2.3.2.4.1 Définition

Les partenariats verticaux associent des entreprises opérant dans deux secteurs

successifs au sein d’une même filière de production. Les entreprises partenaires

sont donc fournisseur et client l’une de l’autre. Pour illustrer ce type de

relations, on peut citer l’exemple d’association de Thomson et Aérospatiale

(Dussauge et Garette (1995)). En effet, pour équiper les hélicoptères et les

avions qu’elle développe, Aérospatiale avait besoin d’équipements

électroniques. Pour se procurer ces équipements, elle avait le choix de les

professionnelles concernées et divers experts.

Page 103: thèse hamdaoui

103

fabriquer elle-même ou les commander auprès d’un fournisseur indépendant.

Devant ce choix, elle a adopté une solution intermédiaire consistant participer à

la conception de ces équipements et les produire en association avec l’un des

fournisseurs possibles. Pour ce faire, Aérospatiale a crée avec Thomson une

joint-venture à qui elles ont donné le nom de « Avionique Sextant » et dont le

capital était partagé à part égale entre les deux groupes.

Le partenariat vertical est donc une alternative à la fois de simples transactions

entre fournisseurs et clients et à une intégration verticale complète. Il constitue

une forme d’intégration partielle puisque l’entreprise ne s’en remet pas

entièrement à des fournisseurs extérieurs pour s’approvisionner, mais ne tente

pas non plus de devenir producteur autonome dans le secteur d’activité de ses

fournisseurs.

2.3.2.4.2 Les origines du partenariat vertical

Le partenariat vertical en tant que mode d’organisation est né dans l’industrie

automobile. Au début du vingtième siècle, les américains Ford et Sloan

remplaçaient la fabrication artisanale par la production de masse. A partir des

années 50, les japonais de chez Toyota inventèrent la production au « plus

juste » et le toyotisme. Ces méthodes ne furent adoptées en occident que plus

tard. Les pratiques industrielles dans l’esprit du toyotisme ne reposaient ni sur

une production de masse, ni sur une division taylorienne du travail. Les

responsables d’entreprises se réfèrent à des notions telles la production au plus-

juste, l’économie de variété et les structures flexibles. Le principe de cette

organisation semblait simple: en assemblant des sous-ensembles conçus et

fabriqués par des fournisseurs spécialisés, on obtenait des niveaux supérieurs de

qualité avec une rentabilité économique plus élevée des produits finals sans

avoir recours à une production de masse. En revanche, le principe de la

production de masse se basait sur la standardisation de la production des sous-

ensembles et des produits et la réalisation des économies d’échelle et

Page 104: thèse hamdaoui

104

d’apprentissage. Ce système qui était à l’origine de la puissance industrielle

occidentale, se trouve inadapté face à une demande de plus en plus exigeante en

qualité et en variété. En effet, en production de masse, l’objectif de volume

prime sur celui de la qualité. Le mot d’ordre est de ne jamais arrêter la chaîne.

2.3.2.4.3 Principes du partenariat vertical

Tel qu’il a été institué par les japonais, le partenariat vertical repose sur trois

principes :

- Les fournisseurs sont organisés en pyramide. On trouve au sommet le donneur

d’ordres. Au premier rang se trouvent les fournisseurs associés au maître

d’œuvre dès la phase de conception du produit. Chacun de ces fournisseurs

dispose à son tour d’un réseau de fournisseurs de second rang qui s’adressent à

leur tour à des fournisseurs de troisième rang. Plus le rang d’un fournisseur est

élevé, plus les tâches confiées sont élémentaires.

- Le maître d’œuvre prend une participation minoritaire dans le capital de

chacun de ses fournisseurs de premier rang qui reproduisent cette relation avec

les entreprises de rang inférieur. Un tel lien protège le client contre d’éventuels

comportements opportunistes de la part de ses fournisseurs. De plus, comme

tous les fournisseurs de même rang ont leur client pour actionnaire commun,

cela les incite à collaborer entre eux plutôt qu’à se livrer à une lutte fratricide

pour l’obtention du marché.

- Les fournisseurs d’un même maître d’œuvre sont organisés en Kyoryo Kukai,

c’est-à-dire en club d’entreprises qui échangent entre elles du personnel, des

informations et des technologies. La force de ce système tient au fait que tout en

restant indépendants, les fournisseurs se sentent durablement liés à leur maître

d’œuvre.

Dans le système de production au plus-juste, la fixation du prix ne se fait plus

sur la base du coût du fournisseur mais sur celle du prix du marché. Autrement

dit, à partir d’un prix de vente cible, le maître d’œuvre recherche avec son

Page 105: thèse hamdaoui

105

fournisseur de premier rang la meilleure manière d’atteindre ce prix, tout en

laissant à ce dernier une marge bénéficiaire. Ensemble, ils appliquent la méthode

du « Kaizan »: ils décomposent les coûts de chaque étape et isolent les sources

d’économies successives. Lorsque celles-ci sont le fait d’une action conjuguée

entre le donneur d’ordres et le fournisseur, les gains sont partagés. Par contre,

toute économie rendue possible par l’action du fournisseur lui revient de droit.

La transparence est de rigueur et ce système incite à une réelle coopération.

C’est ce mode de coordination qu’on a qualifié de partenariat. Ainsi, un

partenariat entre un client et son fournisseur est un contrat résultant d’un choix

stratégique de deux parties qui établit des relations fondées sur un partage des

tâches et des responsabilités pour atteindre un objectif commun.

2.3.2.4.4 Modalités d’instauration d’un partenariat vertical

Construire des partenariats verticaux efficaces et durables repose sur deux

préalables fondamentaux : L’analyse du portefeuille d’achat de la firme cliente

pour identifier les composants qui méritent de faire l’objet d’un tel partenariat,

et sélection de partenaires fiables capables de fournir au mieux ces composants.

2.3.2.4.4.1 Analyse du portefeuille des produits

Pour sélectionner les produits qui feront l’objet d’un partenariat, l’entreprise doit

se livrer à une analyse rigoureuse de son portefeuille d’achats. Ce portefeuille

peut être conçu à partir des axes suivants :

- L’intensité de la concurrence entre les fournisseurs qui dépend du nombre de

fournisseurs potentiels.

- Le poids de l’acheteur qui dépend de la part du chiffre d’affaires qu’il

représente pour le secteur fournisseur.

Le croisement de ces deux critères permet de distinguer quatre catégories de

produits dans le portefeuille d’achats :

1. Les produits à faible impact incorporant une technologie banale et maîtrisée

Page 106: thèse hamdaoui

106

par un grand nombre de fournisseurs. De plus, l’acheteur a peu de poids dans la

négociation. La relation client-fournisseur doit donc se limiter à des procédures

traditionnelles d’achats où la négociation porte uniquement sur le prix et le

volume.

2. Les produits goulots qui sont des produits proposés par un nombre restreint de

fournisseurs spécialistes et achetés par des clients qui ont peu de poids. Le

fournisseur est donc en position de force. Même si le client désire rechercher un

partenariat pour se protéger, le fournisseur ne l’acceptera pas.

3. Les produits à fort potentiel de marge qui sont spécifiques au client mais dont

la production est bien maîtrisée par un grand nombre de fournisseurs. Dans ce

cas, l’acheteur a intérêt à opter pour la sous-traitance classique.

4. Les produits stratégiques: qui nécessitent du savoir-faire particulier de la part du

fournisseur et sont spécifiques au client. C’est dans ce cas seulement que le partenariat

apparaît comme la solution adaptée.

Figure 2.4: Portefeuille d’achats

Inte

nsi

té d

e la

con

curr

ence

Elevée

1

Produits à faible impact

3

Produits à fort potentiel de

marge

Faible

2

Produits goulots

4

Produits stratégiques

Faible Elevé

Poids de l’acheteur Source: Dussauge et Garette (1995) Les Stratégies d’Alliances, Editions

d’Organisation, p. 105.

2.3.2.4.4.2 Sélection des partenaires

Les critères habituellement utilisés pour choisir un fournisseur sont insuffisants

Page 107: thèse hamdaoui

107

pour s’associer à un partenaire stratégique. En effet, ces critères sont, en général,

des indicateurs quantitatifs (niveau de stock sur chiffre d’affaires, temps de

chargement de fabrication, distance séparant le fournisseur des usines du

client...), garantissant seulement l’efficacité du fournisseur. Or, les meilleurs

fournisseurs en termes de performance économique ne sont pas forcément les

meilleurs partenaires en termes de qualité de la relation. Par conséquent, il faut

compléter l’analyse par des indicateurs qualitatifs permettant d’apprécier le

potentiel probable de la relation. Parmi ces éléments, on peut citer :

- L’organisation interne de la firme fournisseur

- Le degré de confiance mutuelle entre les partenaires

- La volonté de réaliser des investissements conjoints

- La complémentarité des approches stratégiques

- La volonté de faire progresser la relation

Il faut, donc, souligner qu’un bon partenaire doit être compétitif et cherche à

s’engager à long terme dans la relation. De plus, les critères de choix d’un

partenaire sont très qualitatifs et, donc, très difficiles à cerner et à apprécier.

Pour effectuer ce choix en connaissance de cause, le donneur d’ordres doit

apprendre à connaître ses partenaires potentiels.

2.4 Mesure de l’intégration verticale

2.4.1 Mesure des transferts internes

La littérature sur la mesure de l’intégration verticale s’est développée

indépendamment de la littérature théorique de l’organisation industrielle. La

raison est, sans doute, liée au fait que la littérature théorique s’est préoccupée

davantage par les exemples de l’intégration au sein de structures déterminées,

tandis que la grande question posée par les études empiriques était la tendance

de l’intégration verticale dans les différentes industries.

Les premières tentatives de mesure de l’intégration verticale se situent dans

Page 108: thèse hamdaoui

108

l’esprit d’une approche qui mesure les quantités transférées à l’intérieur d’une

firme opérant dans deux stades de production successifs. La mesure de ces

transferts peut être quantifiable dans certaines industries. L’exemple le plus

connu est le ratio d’autosuffisance utilisé pour mesurer l’intégration en amont

des compagnies de raffinage dans la production du pétrole brut (Perry (1989)).

Cependant, vue la difficulté d’obtenir une information sur l’échange interne et

sur l’échange par le marché d’une firme, d’autres mesures s’étaient développées

en utilisant des informations relativement disponibles, telles que les mesures

basées sur l’équipement ou l’emploi.

2.4.1.1 Mesure de l’équipement

Dans une étude pionnière sur la taille des entreprises dans l’industrie textile

britannique, Chapman et Ashton (1914)62

avaient classé les entreprises de

textiles en choisissant un indice sur l’équipement qu’elles utilisent dans le

processus de production. Pour ce faire, ils ont distingué deux stades de

production différents utilisant chacun un équipement spécifique. Il s’agissait du

stade de la filature qui utilise les fuseaux et le stade du tissage qui se servait des

métiers à tisser. Ensuite, ils ont examiné la distribution de la taille des

entreprises sur la base des nombres de fuseaux et de métiers à tisser qu’elles

utilisent. Les résultats des deux auteurs ont montré qu’il y a trois types

d’entreprises dans l’industrie textile :

- Les entreprises qui font la filature et le tissage (entreprises intégrées

verticalement dans les deux stades de production).

- Les entreprises qui ne font que la filature (entreprises spécialisées).

- Les entreprises qui ne font que le tissage (entreprises spécialisées).

L’étude a révélé également que le transfert de la production entre les deux stades

verticaux est assuré grâce à un ratio typique du nombre de fuseaux et de métiers

62

S. Chapman et T. Ashton (1914) « The Size of Business Mainly in the Textile Industries », Journal of the

Royal Statistical Society, vol.77, p. 469-549, cités par Perry (1989) op.cit.

Page 109: thèse hamdaoui

109

à tisser nécessaires. Ce ratio permet, en effet, l’adéquation de l’input du stade

amont (filature) aux besoins du stade aval (tissage).

La mesure de Chapman et Ashton est, cependant, incapable de refléter les

transferts internes puisque les données utilisées correspondent aux stocks

d’équipement des firmes et non aux quantités de fil transférées du stade de

filature à celui du tissage.

2.4.1.2 Mesure de l’emploi

Contrairement à Chapman et Ashton, Gort (1962)63

avait proposé une mesure de

l’intégration verticale sur la base de l’affectation de l’emploi dans une firme.

Gort distingue, ainsi, dans chaque firme une activité principale et des activités

auxiliaires. L’activité principale dans une firme est celle qui utilise le plus grand

effectif d’employés.

Le ratio proposé par Gort se présente sous forme de rapport entre l’effectif des

employés dans les activités auxiliaires et l’effectif total employé par la firme :

firme la de total Effectif

firme la de sauxiliaire activités les dans EffectifIG

L’étude de Gort a révélé que l’industrie pétrolière venait en tête des industries

intégrées verticalement avec un ratio qui montre que les deux tiers des employés

opèrent dans les activités auxiliaires (l’activité principale de l’industrie

pétrolière est le raffinage).

Le ratio de Gort présente une grande similitude avec le rapport de diversification

avec une différence dans la définition et l’identité d’une activité. En effet, le

rapport de diversification retient une définition de l’activité dans un contexte

congloméral (dimension horizontale ou verticale), tandis que la définition de

Gort renvoie uniquement à la dimension verticale d’une industrie. La

comparaison des deux indices confirme la proposition de certains auteurs qui

63

M. Gort (1962) Diversification and Integration in American Industry, Princeton University Press, cité par

Perry (1989) op.cit.

Page 110: thèse hamdaoui

110

considèrent que l’intégration verticale n’est qu’un cas particulier de la

diversification au sens large (Lecaillon (1988)).

Cependant, la mesure par l’emploi suscite les mêmes critiques que la

précédente. Les deux indices sont, en effet, incapables de mesurer les transferts

internes entre deux stades de production verticaux. Ceci n’empêche pas de

souligner que ces mesures restent mieux appropriées aux modèles transactionnel

et technologique de l’intégration verticale (Perry (1989)).

2.4.2 Etendue de la participation d’une firme dans les différents stades

2.4.2.1 Mesure de la tendance de l’intégration verticale

Livesay et Porter (1969)64

se sont intéressés aux grandes entreprises industrielles

américaines. Ils ont pu distinguer celles qui sont intégrées en amont dans

l’extraction des matières premières et celles intégrées en aval dans la

distribution de gros ou de détail.

La classification de Livesay et Porter s’avère, cependant, incapable de spécifier

la limite entre l’intégration partielle et la pleine intégration. En outre, si

l’étendue d’intégration d’une industrie est mesurée par le pourcentage des firmes

de cette industrie qui opèrent dans les autres stades de production verticaux,

alors l’effet des petites entreprises sera surestimé relativement aux grandes

firmes. Ils soulignent, pourtant, que les variations des niveaux d’intégration dans

les groupes d’industries ne dépendant pas de la taille des entreprises qui en font

partie. Les auteurs ont par ailleurs trouvé que, sur la période 1899-1948, il y

avait une tendance nette de certaines industries vers l’intégration aval dans le

commerce de gros. Ils ont noté également la tendance vers l’intégration aval

dans le commerce de détail, de l’ensemble des groupes industriels qui sont liés à

l’industrie automobile (pétrole, caoutchouc et transport d’équipements).

64

H. Livesay et P. Porter (1969) « Vertical Integration in American Manufacturing », Journal of Economic

History, vol.27, p. 101-119, cités par Perry (1989) op.cit.

Page 111: thèse hamdaoui

111

2.4.2.2 Le ratio d’Adelman

Adelman (1955)65

a précisé qu’un indice de mesure quelconque doit satisfaire

deux conditions :

- Il doit avoir un soubassement théorique

- Il doit être mesurable.

Sur la base de ces deux exigences d’ordre théorique et pratique, Adelman a

proposé une mesure de l’intégration verticale qui se fonde sur deux grandeurs

économiques qu’il est possible de soustraire des documents comptables de toute

entreprise qui tient une comptabilité respectant les normes internationales en la

matière. Le ratio correspond, ainsi, au rapport de la valeur ajoutée de la firme et

de son chiffre d’affaires :

IAD VA

CA

avec IAD : Indice d’intégration verticale d’Adelman

VA : Valeur ajoutée

CA : Chiffre d’affaires

La valeur ajoutée correspond à la différence entre les ventes d’une part, et les

coûts du matériel, les inputs intermédiaires ou les rémunérations des facteurs de

production de l’autre.

Le ratio a l’avantage de refléter la différence entre l’intégration proprement dite

et la simple combinaison verticale. Ainsi, la valeur ajoutée sera la même dans

les deux cas, mais les ventes seront plus importantes sous la combinaison

verticale en raison des ventes au marché intermédiaire. Il est également plus

facile à calculer puisque toutes les firmes qui tiennent une comptabilité

établissent des documents de synthèse présentant directement les deux grandeurs

nécessaires au calcul de cet indice.

Page 112: thèse hamdaoui

112

Cependant, le ratio de la valeur ajoutée présente deux limites essentielles:

- D’abord, il est influencé par d’autres forces que l’intégration verticale,

notamment la profitabilité de l’entreprise. En effet, la valeur ajoutée d’une

entreprise inclut, par définition, le bénéfice avant impôt. Par conséquent, tout

accroissement du profit de l’entreprise (même s’il est indépendant de

l’intégration verticale) aura pour effet une augmentation de la valeur du ratio.

On ne peut, donc, imputer toutes les variations de ce ratio aux décisions

d’intégration verticale. De la même manière, le ratio pose certains problèmes

lorsqu’il est utilisé dans des comparaisons inter-industrielles. Il est, en effet, très

vraisemblable que les industries caractérisées par une profitabilité élevée

présenteraient un ratio plus élevé que celui des industries ayant une faible

profitabilité. On ne peut, donc, conclure que les industries les plus profitables

sont également les plus intégrées verticalement.

- Ensuite, le ratio a l’inconvénient d’être très sensible à la position d’une firme

dans la chaîne verticale d’un bien. Puisque la valeur ajoutée dans les stades

amont est plus importante relativement aux stades aval, le ratio sera plus grand

lorsque la firme opère dans les stades amont d’une industrie (exemple,

l’extraction des matières premières). Le problème vient, donc, du fait que le

ratio traite symétriquement l’amont et l’aval d’un stade de production.

Afin de rendre son utilisation plus adéquate, certains auteurs proposent des

ajustements permettant de contourner certaines de ses limites. Ainsi, Tucker et

Wilder (1977)66

proposent de déduire le résultat net et l’impôt sur le résultat

avant toute utilisation de ce ratio. La déduction doit être effectuée à la fois sur le

numérateur et le dénominateur. Ces ajustements permettent d’éviter toute

influence de la rentabilité de la firme sur le ratio d’intégration verticale.

Dans la même logique, Buzzel (1983) propose deux ajustements du ratio :

- Retrancher du numérateur et du dénominateur un montant équivalent au profit

65

M. Adelman (1955) Concept and Statistical Measurement of Vertical Integration, cité par R. Maddigan (1980). 66

I. Tucker et R. Wilder (1977) « Trends in Vertical Integration in the U.S. Manufacturing Sector », Journal of

Page 113: thèse hamdaoui

113

net de la firme considérée. Cet ajustement ne doit concerner que les firmes

réalisant des profits nets positifs.

- Ajouter au numérateur et au dénominateur un montant équivalent au « profit

normal » de l’industrie. Le profit normal peut être estimé par la multiplication

du capital de la firme par le taux d’intérêt moyen hors taxe dans le marché.

2.4.3 Mesure basée sur le tableau entrée-sortie

Selon Leontief (1951), la production industrielle est plus simultanée que

séquentielle puisque les industries œuvrent souvent comme offreurs mutuels

d’inputs. En outre, le produit d’une industrie est souvent utilisé comme un

produit intermédiaire par les autres industries. L’ensemble des interactions

interindustrielles peut être déduit de l’utilisation des matrices entrée-sortie. C’est

sur la base des interactions et des connections des différentes industries que

Maddigan (1981) a construit un nouvel indice de l’intégration verticale pour

examiner la tendance du niveau d’intégration et son changement dans le temps.

2.4.3.1 Aperçu sur le modèle de Leontief

Chaque industrie est constituée de firmes qui maximisent leurs profits

individuellement. Lorsque les conditions nécessaires et suffisantes pour la

maximisation des profits sont satisfaites, chaque firme choisira un vecteur

d’inputs qu’elle utilise et un niveau d’output qu’elle produit permettant

d’optimiser son comportement. L’agrégation des équilibres individuels des

firmes se traduit au niveau global par une égalité entre la production (offre) et la

consommation (demande).

La situation d’équilibre au niveau global est identifiée par la matrice X ij où

chaque élément xij signifie le niveau optimal de la production de l’industrie i

utilisé par l’industrie j. Les valeurs relatives des xij reflètent les interactions de

Industrial Economics, vol.26, p. 81-94, cité par Perry (1989) op.cit.

Page 114: thèse hamdaoui

114

l’industrie qui sont exprimées dans une matrice entrée-sortie par le biais de

l’agrégation produits-firmes.

Grâce à des manipulations de la matrice X ij , Maddigan déduit deux autres

matrices de même dimension. D’abord, la matrice A des inputs relatifs dont

les éléments aij représentent la part relative de la production nette de l’industrie

j à laquelle l’industrie i a contribué :

A Ix

z xy

ij

j ij

ij

où I : Matrice d’identité d’ordre r

zj : Valeur de la production totale de l’industrie j

et y

x

z xsi i j

si i j

ij

ij

i ii

0

i, j = 1, ........., r.

Ensuite, la matrice B des outputs relatifs dont les éléments bij représentent

chacun la part relative de la valeur de l’output de l’industrie i utilisée dans

l’industrie:

Bx

z xy I

ij

i ii

ij

2.4.3.2 Définition de l’indice

Pour construire son indice de mesure de l’intégration verticale (Vertical Industry

Connexion: VIC), Maddigan définit deux matrices C et D pour chaque

firme construites en utilisant les lignes et les colonnes des matrices A et B

qui correspondent aux industries dont la firme fait partie en tant que productrice:

c a

d b

ij s i s j

ij s i s j

( ) ( )

( ) ( )

Page 115: thèse hamdaoui

115

avec s(i) : Une des industries où opère la firme k où i = 1, ......., n avec

(n<r).

cij : Part relative de la valeur de l’output net de l’industrie s(j) à

laquelle l’industrie s(i) a contribué.

dij : Part relative de la valeur de l’output net de l’industrie s(i) utilisée

dans l’industrie s(j).

Le « Vertical Index Connexion » pour une firme k sera alors:

VIC

C C C D DiT

iT

i

i

T

i

i

n

1

1

1

où T : Transposé d’un vecteur.

Ci : Colonne i de la matrice d’input de la firme k.

Di : Ligne i de la matrice d’output de la firme k.

Le VIC peut être exprimé également en fonction des scalaires:

VIC

c c c d d di

i

n

i

i i

n

in

i

n

ij

j

n

ij

j j

n

nj

j

n

11

1 1 1 1 1 11

2

2

2

2

1 2

2

1

12

2

2

1 2

2

1

1

, ,

...... .....

L’indice est donc une fonction de la contribution relative de la firme au

processus industriel de production.

2.4.3.3 Propriétés de l’indice

- Le VIC s’accroît lorsque l’input d’une industrie située en amont de la firme

devient relativement plus important et contribue à une plus grande part de

l’output total. Cette propriété est déduite du signe de la dérivée du VIC par

rapport aux coefficients cij:

VIC

c

k

ij

0

L’accroissement d’un coefficient de l’input (cij) peut provenir d’un

Page 116: thèse hamdaoui

116

accroissement du prix relatif ou d’un changement technologique. Les deux

facteurs peuvent être à l’origine d’un accroissement de la contribution d’une

branche par rapport aux autres.

- Si la firme opère dans deux industries différentes, et si la contribution relative

de l’output de l’une des deux industries dans la production de l’autre augmente,

alors la valeur du VIC s’accroît et vice versa. Cette propriété est déduite du signe

de la dérivée du VIC par rapport aux coefficients dij:

VIC

d

k

ij

0

- En opérant dans des industries additionnelles, le VIC d’une firme ne change

pas si l’expansion de cette dernière est purement conglomérale. En revanche, si

les industries additionnelles sont interconnectées verticalement avec celles de

départ, la valeur du VIC s’accroîtra. L’indice ne varie, donc, pas si la firme

s’intègre dans une activité qui n’est pas liée verticalement avec les activités où

elle opère initialement.

VIC VICk k 1

- La valeur de l’indice est comprise entre 0 et 1. Si la firme opère dans une seule

branche, la valeur de l’indice est nulle. De même, si la firme opère dans

plusieurs industries sans qu’aucune d’elles ne soit connectée verticalement à

l’autre, alors la valeur de l’indice est également nulle.

2.4.3.4 Les facteurs agissant sur la valeur de l’indice

A l’instar du ratio de la valeur ajoutée, le VIC est sensible aux changements des

variables qui le constituent. Mais contrairement à cet indice, il n’est pas sensible

à la position de la firme sur la chaîne verticale. Cette caractéristique est due au

fait que les variations de cet indice dépendent des changements qui s’opèrent

entre les industries et non à celles qui interviennent au sein de la firme.

De même, l’indice est sensible aux valeurs relatives de la valeur ajoutée dans les

Page 117: thèse hamdaoui

117

différentes industries. Celles ayant une valeur ajoutée relativement élevée ont

une valeur de l’indice moins élevée. Ceci s’explique par le fait que les industries

ayant une valeur ajoutée élevée sont moins dépendantes pour les produits

intermédiaires. Elles dépendent plus des produits de la terre, du travail et du

capital. Ainsi, puisque la dépendance relative de ces industries vis-à-vis des

autres est faible, l’indice serait moins élevé. Il y aurait moins d’opportunités

pour l’intégration verticale en amont. De façon similaire, l’indice est sensible

aux valeurs relatives de la demande finale dans une industrie du moment où les

industries qui produisent plus pour la demande finale ont des vecteurs

d’éléments relativement faibles. Les firmes qui vendent directement aux

consommateurs finals ont moins d’opportunités pour l’intégration en aval.

Enfin, cette approche ne permet pas de détecter les différences en degré

d’intégration entre les firmes opérant dans la même industrie et ne permet pas,

donc, de déterminer une mesure indépendante pour une seule industrie.

2.4.4 Mesure des dimensions de l’intégration verticale

Contrairement aux mesures précédentes de l’intégration verticale, l’approche

proposée par Harrigan se situe au niveau d’un domaine d’activité stratégique. De

ce fait, l’intégration d’une firme est appréciée à travers ses quatre dimensions, à

savoir : son degré, ses stades, son étendue et sa forme.

2.4.4.1 Le degré d’intégration

En vue de discuter l’intégration amont et aval, Harrigan a attribué à chacune

d’elles une mesure propre:

-Degré d’intégration en amont

Il correspond à la proportion des besoins en un input particulier fourni par le

domaine d’activité stratégique qui se situe en amont. En d’autres termes, le

degré d’intégration en amont se mesure par le pourcentage des besoins d’un

domaine d’activité en une ressource particulière qu’il obtient directement du

Page 118: thèse hamdaoui

118

domaine d’activité amont :

IDAM =Ressource fournie par le domaine d' activité amont

Besoin total du domaine d' activité é tudié

Une compagnie de pétrole qui extrait plus de pétrole brut que ce qu’elle

consomme est pleinement intégrée du point de vue du domaine d’activité

raffinage de pétrole. Par contre, une compagnie qui s’approvisionne, en partie,

chez d’autres producteurs pour subvenir à ses propres besoins de raffinage est

partiellement intégrée. De ce fait, pour qu’une firme soit pleinement intégrée, il

faut qu’elle puisse assurer au moins 95 % de ses besoins par ses propres

moyens. De même, une firme est non intégrée si son taux d’autosuffisance est

plus petit que 5 %.

- Degré d’intégration en aval

Il correspond à la proportion du transfert d’un output particulier au domaine

d’activité stratégique qui se situe en aval. En d’autres termes, le degré

d’intégration en aval se mesure par le pourcentage de la production d’un

domaine qui est transférée au domaine aval :

questionen activitéd' domainedu totaleProduction

avalen e transféréactivitéd' domainedu Production=IDAV

Une compagnie de produits pharmaceutiques qui écoule sa production par le

biais de ses propres distributeurs est pleinement intégrée en aval. Par contre, une

autre qui écoule une partie de sa production par l’intermédiaire de grossistes

indépendants est partiellement intégrée du point de vue du domaine d’activité de

distribution.

2.4.4.2 Les stades d’intégration

Le nombre de stades dans lesquels la firme est engagée est estimé par un indice

qui prend en compte le nombre relatif d’étapes dans le processus de

transformation :

Page 119: thèse hamdaoui

119

I n VAS i i

i

r

.1

avec r : Nombre de stades dans la chaine verticale.

ni : Nombre d’étapes dans le processus de transformation au niveau du

stade i dans les quelles la firme est engagée.

VAi : Valeur ajoutée relative au stade i.

Ainsi, les firmes ayant une valeur élevée de l’indice sont particulièrement celles

qui étendent leurs activités dans des stades plus nombreux. A titre d’exemple,

une compagnie pétrolière qui est engagée dans l’exploration sismique,

l’extraction du pétrole, le raffinage, la distribution et le transport est caractérisée

par un indice relativement élevé par rapport à celui d’une compagnie spécialisée

dans la distribution.

2.4.4.3 Etendue de l’intégration verticale

Elle est déterminée par le nombre d’activités internalisées par une firme à

chaque stade vertical. Pour mesurer l’étendue de l’intégration d’une firme au

niveau d’un stade de production, Harrigan propose le ratio suivant :

IE Nombre d' activité s dans lesquelles s' engage la firme au niveau du stade

Nombre total d' activité s possibles au niveau d' un stade

La valeur de ce ratio varie entre 0 et 1. Une firme qui opère dans toutes les

activités d’un stade admet un ratio égal à 1. Par contre, une firme qui ne

développe aucune activité du même stade a un ratio nul.

2.4.4.4 Forme de l’intégration

Certaines firmes préfèrent détenir 100 % du capital d’un domaine d’activité

stratégique et recueillir tous les gains permis par l’intégration. D’autres, se

contentent d’un certain pourcentage du capital du domaine d’activité en

question. Enfin, certaines firmes adoptent d’autres formules de relations

Page 120: thèse hamdaoui

120

verticales telles que les contrats à long terme. Dans les trois cas de figure, on

reconnaît respectivement des stratégies de pleine intégration de quasi-intégration

et de non-intégration. Harrigan retient le pourcentage d’appropriation du capital

d’un domaine d’activité pour mesurer la forme de l’intégration verticale :

IF Capital détenu par la firme dans le domaine d'activité

Capital total relatif au domaine d'activité

En conclusion, c’est à travers la combinaison des différentes dimensions de

l’intégration verticale qu’on peut procéder à des comparaisons entre des firmes.

La particularité de l’approche proposée par Harrigan réside, en plus, dans le fait

que l’analyse se situe au niveau d’un domaine d’activité stratégique et non au

niveau d’une firme ou d’une industrie.

2.5 Conclusion

Dans la conception néoclassique, l’intégration verticale implique un contrôle

absolu des différents stades verticaux susceptibles de réunir toutes les décisions

entre les mains d’une seule firme. Ainsi, la centralisation de la prise de décision

est la condition fondamentale de l’exercice d’un contrôle vertical. En revanche,

les théories contractuelles supposent que l’internalisation d’une activité est

assurée grâce à l’autorité dont dispose l’entreprise. Cette autorité peut être

conférée par la relation employé/employeur selon la prescription de la théorie

des coûts de transaction, ou par la propriété des actifs physiques utilisés dans la

production d’après le raisonnement de la théorie des droits de propriété et des

contrats incomplets.

De part la divergence de ces définitions, une entreprise peut exercer un contrôle

sur un stade vertical sans l’intégrer proprement dit. En effet, il y a toute une

panoplie de formules qui permettent à l’entreprise de bénéficier des avantages

de l’intégration verticale tout en évitant les inconvénients de celle-ci. De ce fait,

l’entreprise ne se trouve plus limitée dans son choix entre l’intégration stricto

Page 121: thèse hamdaoui

121

sensus et le marché mais dispose plutôt d’une large gamme de choix parmi de

nombreuses formes hybrides qui réunissent les avantages des deux solutions

extrêmes.

Page 122: thèse hamdaoui

122

Chapitre 3 :

Imperfections des Marchés, Pouvoir de Monopole et

Intégration Verticale

3.1 Introduction

Dans la conception de la théorie néoclassique (théorie du monopole),

l’intégration verticale est incompatible avec la concurrence parfaite. La

perfection des marchés permet, en effet, d’éliminer toutes les incitations à

l’intégration verticale. En revanche, l’imperfection des marchés (en raison du

petit nombre, de l’incertitude ou de l’asymétrie de l’information) implique de

nombreuses incitations aux entreprises pour s’intégrer verticalement en vue de

renforcer leur pouvoir de monopole ou de minimiser les effets de l’incertitude.

Ainsi, une entreprise peut s’intégrer verticalement pour renforcer son pouvoir de

monopole et limiter la concurrence effective et potentielle (l’intégration

verticale est assimilée, dans ce cas, à un comportement stratégique et

anticoncurrentiel). C’est le cas, notamment lorsque l’intégration verticale est

justifiée par le désir d’ériger des barrières à l’entrée à l’encontre des concurrents

potentiels ou d’évincer les firmes rivales à travers la forclusion du marché ou

l’écrasement des prix. De même, une entreprise peut s’intégrer verticalement

pour éliminer les différentes distorsions créées par les structures

monopolistiques (double marge, substitution des inputs, problèmes de

négociation ou de discrimination). Dans ces cas, l’intégration verticale est

Page 123: thèse hamdaoui

123

susceptible d’accroître les profits de l’entreprise intégrée tout en améliorant le

bien-être social de la structure verticale. Enfin, l’intégration verticale peut être

motivée par le désir des firmes d’une structure concurrentielle de minimiser les

effets de l’incertitude et ceux de l’asymétrie de l’information.

3.2 Concurrence, monopole et efficience

Il y a deux grandes conceptions de la concurrence : la première traite le

comportement des agents économiques (vendeurs et acheteurs) au sein d’une

structure de marché, alors que la seconde se concentre sur la structure de marché

en question. D’un côté, la concurrence se traduit par l’absence de toute forme

d’interaction ou de dépendance entre vendeurs. Cette condition est d’autant

vraisemblable que le nombre de vendeurs est très grand puisque le poids de

chaque agent devient plus faible et la possibilité de collusion moins probable.

D’un autre côté, la concurrence suppose l’absence de toute barrière à la mobilité

des ressources et de tout obstacle à leur transfert des industries les moins

rentables vers les plus rentables.

3.2.1 Efficience des marchés concurrentiels

Il y a de nombreux arguments qui confirment les bienfaits de la concurrence en

comparaison avec le monopole. Certains sont d’ordre politique, et d’autres, qui

nous intéressent, sont d’ordre économique.

L’une des forces de la concurrence est la possibilité de décentralisation et de

dispersion du pouvoir facilitée par la structure atomistique des vendeurs et des

acheteurs dans un marché concurrentiel. Ainsi, le problème d’allocation des

ressources et de distribution des revenus est résolu par l’interaction mécanique

des forces de l’offre et de la demande et non à travers l’exercice du pouvoir par

des individus (monopole) ou par le gouvernement (régulation). Le second mérite

Page 124: thèse hamdaoui

124

de la concurrence se rapporte à la liberté de l’action et de l’opportunité permise

par l’absence de barrières à l’entrée et à la sortie. Ainsi, tout individu serait libre

de choisir la profession et le secteur qu’il préfère en fonction de ses talents et de

ses facultés.

Outre ces mérites d’ordre politique, la concurrence permet de réaliser les

conditions de l’efficience économique à travers l’allocation optimale des

ressources d’une part, et la maximisation du bien être social de l’autre. En effet,

l’équilibre de longue période des marchés de concurrence pure et parfaite

implique trois propriétés fondamentales :

- Le coût de production de la dernière unité de l’output (coût marginal) est égal

au prix payé par les consommateurs pour cette unité. C’est la condition

nécessaire de maximisation des profits lorsque le prix est considéré par la firme

comme un paramètre indépendant de ses décisions de production. Cette

propriété correspond aux conditions d’efficience dans l’allocation des

ressources.

- L’égalité du prix et du coût total unitaire de la firme représentative signifie

l’absence de superprofits pour cette firme. Ainsi, les investisseurs reçoivent juste

les revenus nécessaires pour maintenir l’investissement au niveau requis pour

produire dans les conditions de l’efficience. L’absence de superprofits implique,

donc, une équité dans la distribution des revenus au niveau social.

- A l’équilibre de longue période, chaque firme produit son output au coût total

moyen minimum. Ainsi, seules les firmes capables de produire au coût

minimum arrivent à se maintenir dans l’industrie. Celles qui ne le peuvent pas

vont subir des pertes et seront, par conséquent, contraintes à disparaître ou à

sortir de cette industrie. Cette propriété assure que la concurrence permette

l’emploi efficient des ressources d’une économie.

3.2.2 Les inefficiences du monopole

Page 125: thèse hamdaoui

125

Dans la théorie traditionnelle, l’existence d’un écart entre les prix et les coûts

marginaux est considérée comme le signe d’une sorte de défaillance du marché

par référence au modèle de concurrence parfaite. En élevant les prix au-dessus

des coûts marginaux, les structures monopolistiques aboutissent à une

production plus faible qu’en concurrence, et donc, à une mauvaise allocation des

ressources productives de l’économie considérée. Cette inefficience se traduit

par la distorsion de prix (ou distorsion du mark up) qui caractérise la tarification

d’un monopoleur67

. Cette distorsion est plus importante lorsque l’élasticité prix

de la demande est légèrement supérieure à l’unité68

. L’intuition est que le

monopoleur est plus conscient de l’effet pervers d’un prix élevé sur la

consommation lorsque les consommateurs réagissent à une hausse de prix en

réduisant fortement leur demande. Si l’élasticité prix de la demande est

indépendante du prix, l’indice de Lerner est constant. Le monopoleur ajuste

alors son prix aux chocs sur le coût marginal en utilisant une règle de mark up

relatif constant. Par exemple, si sa technologie présente des rendements

d’échelle constants, de telle sorte que le coût marginal soit égal au coût moyen,

et si l’élasticité prix de la demande est d'environ 2, le monopoleur fixe

systématiquement le prix au double du coût unitaire.

D’un autre côté, le pouvoir de monopole présente de nombreuses sources

d’inefficience, notamment la distorsion de coût, connue sous le nom

d’« inefficience-X »69

, et le gaspillage qui résulte de la recherche d’une rente de

situation. En ce qui concerne la première source d’inefficience, il est souvent

avancé que le pouvoir de monopole peut également avoir des effets pervers du

67

La distorsion du mark up est mesurée généralement par l’indice de Lerner (appelé aussi pouvoir de monopole)

qui correspond au rapport entre la marge bénéficiaire et le prix et qui est inversement proportionnel à l’élasticité

prix de la demande. 68

Le monopole opère toujours dans une région de prix telle que l’élasticité prix de la demande excède l’unité.

Lorsque cette élasticité est inférieure à 1, le revenu du monopoleur et son profit sont décroissants par rapport à la

quantité puisque la recette marginale devient négative. 69

Cette expression a été utilisée pour la première fois par H. Leibenstein(1966) dans son article « Allocative

Efficiency Versus X-Efficiency », American Economic Review, vol.56.

Page 126: thèse hamdaoui

126

côté de l’offre. En particulier, il a été souvent suggéré que les entreprises en

situation de monopole tendraient à négliger les efforts de réduction des coûts, et

donc, à être inefficaces. Hicks (1935), par exemple, remarque que « le meilleur

de tous les profits du monopole est la tranquillité » (Tirole (1988), p.148). D’une

manière similaire, Machlup (1967) confirme que l’insuffisance des efforts des

dirigeants ne peut exister que si les marchés du produit ne sont pas parfaitement

concurrentiels.

L’argument qui justifie cette inefficience se rapporte aux difficultés des

actionnaires à maîtriser et à contrôler les activités des employés qui ont souvent

des objectifs autres que la maximisation des profits. Or, comme nous l’avons

souligné dans notre premier chapitre, les actionnaires peuvent contrôler la

performance de leur entreprise en recourant à certains mécanismes tels « la

concurrence par la comparaison ». Cependant, dans les situations de monopole,

ce mécanisme ne peut fonctionner en raison de l’absence d’entreprises qui

peuvent servir de base à la comparaison. En ce qui concerne la seconde source

d’inefficience, on avance souvent que le profit réalisé par le monopole peut

constituer un enjeu qui peut conduire à un comportement de recherche d’une

telle rente de situation. Les entreprises auront, ainsi, tendance à dépenser de

l’argent et à exercer un effort pour acquérir cette position d’une part, et de s’y

maintenir de l’autre. En poussant l’analyse plus loin, Posner (1975)70

conclut que

les dépenses engagées par les entreprises pour s’approprier la rente de monopole

peuvent être si élevées qu’elles dissipent toute cette rente, ce qui enlève toute

utilité sociale de ces dépenses. Cette conclusion présente, cependant, deux

limites principales :

- En premier lieu, il n’est pas sûr que la rente de situation soit dissipée, et ceci

pour plusieurs raisons. Tout d’abord, une entreprise peut se voir octroyer un

monopole par hasard plutôt que par volonté arrêtée (c’est le cas, par exemple, du

70

Cité par Tirole (1988) op. cité, p. 150.

Page 127: thèse hamdaoui

127

dépôt d’un brevet pour une invention fortuite). Un autre point plus important est

que les concurrents pour la rente peuvent ne pas être tous sur le même pied

d’égalité71

. Ainsi, puisque les concurrents d’une telle entreprise peuvent être

moins enclins à dépenser de l’argent pour obtenir cette position de monopole,

alors il se peut que cette entreprise puisse conserver une partie non négligeable

de la rente.

- En second lieu, les dépenses des entreprises pour acquérir une position de

monopole ne sont pas toujours dépourvues d’utilité sociale. Il en est ainsi

lorsque les situations de monopole sont accordées par des enchères dans la

mesure où ces dépenses constituent des recettes pour le gouvernement et ne

sont, donc, pas gaspillées. Il en est de même lorsqu’une partie de ces dépenses

profite aux consommateurs, d’une manière ou d’une autre, à travers une

redistribution des revenus.

En conclusion, il convient de souligner que l’ensemble des réflexions sur les

inefficiences du monopole souffrent d’une double limite :

- D’une part, elles reposent sur une approche en termes d’équilibre partiel. Les

conséquences du monopole sont évaluées au niveau de l’industrie considérée

sans tenir compte des effets externes au niveau des autres branches. Par

exemple, la modification du prix d’un produit entraîne, pour le consommateur,

des effets de revenu qui ne sont pas sans influence sur les autres marchés.

- D’autre part, l’analyse est généralement statique et ne tient pas compte du fait

que les conséquences évoquées se manifestent dans le temps, à des moments ou

à des rythmes différents. Par exemple, la réduction des coûts peut n’être que

provisoire et la hausse des prix durable. De même, la hausse des prix et la

réduction de la production peuvent stimuler la concurrence potentielle et attirer

de nouvelles entreprises dans la branche considérée.

71

Une entreprise peut avoir des brevets auparavant, avoir accès à des ressources particulières en matière

premières ou des informations privées sur la technologie ou la demande, qui en feront le candidat le mieux placé

pour la position de monopole.

Page 128: thèse hamdaoui

128

3.3 Intégration verticale et comportement stratégique

3.3.1 L’intégration verticale en tant que barrière à l’entrée

3.3.1.1 Présentation des barrières à l’entrée

Dans la théorie économique traditionnelle, la possibilité d’entrée sur un marché

dépend du degré de concentration. En concurrence parfaite ou monopolistique,

l’entrée est libre, mais c’est un phénomène de longue période, puisque

l’implantation de nouveaux établissements nécessite d’importants

investissements en capital fixe.

Depuis les travaux de Bain, l’accent est mis sur trois catégories principales de

barrières à l’entrée en dehors des interdictions légales : la supériorité dans la

maîtrise des coûts, l’importance des économies d’échelle et les avantages de la

différenciation. Bain suppose qu’il y a, sur un marché donné, un prix maximum

prévenant l’entrée. C’est le prix le plus élevé pratiqué par les entreprises établies

sans attirer de nouveaux concurrents. La condition d’entrée est la marge en

pourcentage correspondant au rapport de ce prix maximum au coût moyen

minimum de longue période qui mesure le niveau des barrières à l’entrée sur le

marché considéré. Cependant, cet indicateur ne dépend pas uniquement des

conditions de la production ou des caractéristiques des produits, mais dépend

également des anticipations des concurrents potentiels. Si ceux-ci estiment que

les entreprises installées engageront une intense compétition, s’ils tentent de

s’implanter sur le marché, ils seront moins incités à entrer que dans le cas

contraire. De ce fait, le prix maximum sera d’autant plus élevé que les

anticipations des concurrents potentiels seront pessimistes. Les barrières à

l’entrée présentent, ainsi, un aspect psychologique dans la mesure où elles

dépendent, non seulement, de la structure du marché, mais aussi de la stratégie

mise en œuvre par les firmes installées pour dissuader les concurrents potentiels.

Page 129: thèse hamdaoui

129

3.3.1.1.1 La supériorité en matière de coûts

Les entreprises anciennement implantées sur un marché peuvent produire dans

des conditions plus avantageuses que leurs concurrents potentiels. Ceci tient au

fait que, dans le cadre d’une production donnée, toute firme désireuse

d’entreprendre ne pourra le faire qu’en se procurant les facteurs nécessaires à

des coûts supérieurs à ceux que connaissent les firmes déjà installées, ce qui

constitue un handicap incontestable. Ceci peut être le cas lorsque l’offre dans un

marché des facteurs de production n’est pas parfaitement élastique. Ainsi, le prix

d’un facteur sera le même pour tous les acheteurs, mais l’entrée d’un nouveau

client provoquera une hausse de prix, ce qui fait que les coûts pour les entrants

seront supérieurs à ceux qu’ont connu les entreprises existantes. La supériorité

des coûts se retrouve, également, lorsque les marchés sont imparfaits, c’est-à-

dire dans le cas où tous les acheteurs ne sont pas identiques aux yeux des

vendeurs. Une telle situation peut apparaître sur :

- Le marché de travail puisque les firmes en place emploient les travailleurs les

plus convoités, de sorte que les entrants devront offrir des salaires supérieurs à

ceux de leurs concurrents.

- Le marché des matières premières étant donné que les meilleurs produits semi-

finis et les ressources rares sont, généralement, détenus par les firmes existantes.

- Le marché des techniques et des inventions dans la mesure où les firmes

entrantes doivent se procurer divers droits d’exploitation dont les prix seront,

plus ou moins, élevés selon la durée de l’exclusivité légale des inventeurs et le

degré de protection prévu par les textes. En outre, plus la composition du bien

que les firmes entrantes veulent imiter est complexe, plus les travaux pour y

parvenir risquent d’être onéreux.

- Le marché des capitaux car les firmes existantes sont plus favorisées dans la

mesure où elles ont accès au crédit dans des conditions meilleures que les firmes

Page 130: thèse hamdaoui

130

postulantes qui sont souvent inconnues et, donc, plus risquées.

3.3.1.1.2 Les économies d’échelle

La seconde catégorie de barrières à l’entrée résulte du rapport entre la taille

optimale des firmes et l’importance du marché. Dans ce cas, l’avantage des

entreprises installées n’est pas dû à une supériorité systématique en matière de

coûts. Les barrières à l’entrée proviennent du fait que les concurrents potentiels

ne pourront tirer pleinement avantage des économies d’échelle réalisables que

s’ils sont assurés d’obtenir une part suffisante du marché, et s’ils ont les moyens

de financer les investissements nécessaires pour atteindre « la taille efficiente

minimale » des unités de production. En dessous de cette taille, des économies

d’échelle sont possibles, mais une fois atteinte, les économies de dimensions

sont pratiquement saturées. Dans ce cas, chaque concurrent potentiel aura à

choisir entre la création d’un établissement ayant la taille efficiente minimale, en

prenant le risque de provoquer un excès de l’offre susceptible d’entraîner une

chute des prix, ou l’installation d’une unité de petite dimension sachant qu’il

aura un désavantage en matière de coût vis-à-vis des grandes entreprises

installées sur le marché.

3.3.1.1.3 La différenciation des produits

Sur un marché caractérisé par la différenciation des produits, les firmes

anciennement implantées peuvent disposer d’un avantage sur les concurrents

potentiels. Les sources de la différenciation des produits sont multiples. Elles

peuvent provenir soit de réelles différences de qualités entre les produits,

considérées comme les attributs essentiels du produit, soit du manque

d’information. Dans le cas des biens de consommation, l’ignorance des

différences entre les qualités des produits, à prix donné, ou de la relation prix-

qualité est la source de graves distorsions. Ce phénomène peut également

Page 131: thèse hamdaoui

131

provenir des coûts d’information qui expliquent que des produits identiques

puissent être vendus à des prix très différents. L’inertie, la force de l’habitude et

le manque d’éducation des consommateurs jouent, dans ce cas, un rôle non

négligeable. De façon similaire, les firmes existantes disposent d’un avantage en

termes d’information concernant les consommateurs actuels. Les

investissements publicitaires exercent leurs effets à deux niveaux : d’une part, ils

mettent en valeur les qualités des produits, réduisent les coûts de l’information

pour le consommateur et créent une fidélité à la marque. D’autre part, ils font

naître des différences apparentes, exploitant les éléments irrationnels du

comportement des consommateurs, voire détruisant l’information en multipliant

les affirmations équivoques et les appellations trompeuses.

3.3.1.2 Intégration verticale et barrières à l’entrée

Pendant longtemps, il a été soutenu, que l’intégration verticale permet de

modifier les conditions de la concurrence au sein d’une activité donnée dans la

mesure où elle affecte les conditions de coûts ou de demande, et rend par là, plus

difficile l’entrée dans la branche en élevant des barrières à l’entrée. Ainsi, il

suffit de comparer la situation dans laquelle se trouve une firme postulante X se

trouvant au niveau 2 du processus de production par rapport à la situation dans

laquelle se trouve une firme Y en place et opérant au stade 1

(approvisionnement), au stade 2 (production) et au stade 3 (distribution) d’un

processus économique. Si on suppose que l’intégration verticale n’a aucun effet

sur les conditions de coûts, la firme X va rencontrer au moins deux types

d’obstacles : la firme Y peut refuser de lui vendre des matières premières,

ensuite, si la firme Y contrôle le stade 3, elle peut refuser d’acheter à la firme X,

soit accroître son offre pour rendre non rentable celle de la firme X. Si au

contraire, le processus d’intégration réduit les coûts de production et de vente

des firmes intégrées, les firmes postulantes se trouvent encore plus

Page 132: thèse hamdaoui

132

désavantagées dans bien des cas. La seule possibilité qui leur est offerte est de

pénétrer sur le marché en produisant directement aux trois stades du processus

de production. Or, ce choix nécessite un accès privilégié au marché du capital,

sans compter que cela puisse accroître l’offre globale de l’appareil de production

et influencer les prix. En outre, la pénétration de l’entreprise postulante dans les

trois stades du processus de production accroît les coûts non récupérables et

donc, les barrières à la sortie pour cette firme. Enfin, l’entrée simultanée dans les

trois stades exige le même savoir-faire que les firmes établies, chose qui semble

peu plausible puisque les firmes déjà installées bénéficient des avantages de

l’expérience qui font défaut à la firme postulante.

En l’absence d’un aspect physique ou technique sur lequel une réduction des

coûts pourrait être associée à l’intégration verticale, certains économistes

(Stigler (1955), p.183) estimaient que l’opération est essentiellement motivée

par un objectif anticoncurrentiel. Il était alors aisé de conclure que les pouvoirs

publics devraient légitimement s’inquiéter chaque fois que l’intégration verticale

impliquait un degré appréciable de contrôle des marchés. Spécifiquement,

Stigler établit que, quand une firme a au moins 20% de la capacité de production

d’une industrie, son acquisition de plus de 5% de la capacité de production des

firmes auxquelles elle vend ou achète peut être présumée comme une violation

des lois antitrust. Par conséquent, l’intégration verticale des firmes dominantes

peut placer des concurrents de petite dimension en position de faiblesse

stratégique. En effet, considérons deux stades de production successifs dont le

premier est dominé par quelques firmes et le second considéré comme frange

concurrentielle. Deux types d’entraves à l’entrée peuvent émerger là où les

firmes dominantes au stade 1 s’intègrent dans le stade 2. En premier lieu, le

secteur résiduel (firmes non intégrées) du marché peut être réduit de sorte que

seules quelques firmes peuvent avoir la taille efficiente pour pouvoir servir

efficacement le marché du stade 2, car dans le cas où les entrants potentiels du

premier stade manquent d’expérience dans l’activité connexe du second stade,

Page 133: thèse hamdaoui

133

ils pourraient encourir d’importants coûts en capital s’ils décident d’entrer

simultanément dans les deux stades. L’intégration des deux stades de production

par des firmes dominantes est alors anticoncurrentielle. En revanche, dans les

industries qui possèdent un degré faible de concentration l’intégration verticale

ne pose pas les mêmes problèmes car quel que soit le stade d’entrée, la firme

peut s’attendre à conclure des négociations avec des firmes situées à un autre

stade, qu’elles soient intégrées ou non. Les raisons en sont qu’il n’existe pas une

firme unique qui bénéficie d’un avantage stratégique quant à de telles

transactions et que la collusion des firmes intégrées est difficile à réaliser. Par

conséquent, l’intégration verticale ne pose un problème d’antitrust que rarement

à moins que l’industrie en question ne soit fortement concentrée.

3.3.2 Forclusion des marchés et écrasement des prix

La forclusion de marché désigne les pratiques commerciales (y compris les

fusions) qui réduisent l’accès des acheteurs à un fournisseur (forclusion en

amont), et/ou limitent l’accès des fournisseurs à un acheteur (forclusion aval).

Dans la réalité, il y a de nombreux moyens pour pratiquer la forclusion : un

acheteur peut s’intégrer avec son fournisseur ou mettre en place sa propre unité

de production, dans le but de fabriquer lui-même le bien intermédiaire.

3.3.2.1 L’écrasement des prix

L’écrasement des prix (price squeeze) est une stratégie qui a été clairement mise

en évidence dans l’industrie sidérurgique américaine, et utilisée dans de très

nombreux secteurs où coexistent des firmes verticalement intégrées et d’autres

qui ne le sont pas (lorsque les secondes dépendent totalement ou partiellement

des premières pour leur approvisionnement). L’écrasement des prix peut être

appliqué par un producteur verticalement intégré, en réduisant en deçà du seuil

admissible, la marge de fabrication des sociétés que le producteur alimente en

Page 134: thèse hamdaoui

134

biens intermédiaires. Deux techniques sont possibles pour effectuer cette

pratique: le squeeze simple et le double squeeze . Pour bien illustrer ce

mécanisme, supposons deux firmes sidérurgiques A et B où la première (A) est

intégrée verticalement dans la production des lingots (stade amont) et le fer de

construction (stade aval), et la seconde (B) fabrique le fer de construction à

partir de lingots qu’elle achète à la firme A. Pour schématiser cette structure

verticale, admettons que la structure des prix de vente du fer de construction est

la suivante :

- coût de fabrication des lingots : 100

- coût de transformation des lingots en fer de construction : 40

- prix de vente du fer de construction : 140

Dans la situation initiale, A vend ses lingots à B au prix de 100 et les deux

firmes vendent le fer de construction à 140.

Figure 3.1: Situation initiale

Si la firme A décide un squeeze simple, elle accroîtra le prix de vente des lingots

à la firme B de 100 à110, sans modifier le prix de vente du fer de construction.

Dans ce cas, la firme B sera obligée de vendre le fer de construction à 140,

sachant qu’elle n’aura plus de marge suffisante pour couvrir ses coûts de

production.

Coût de

transformation

Lingots

B A

100

100

40

140

40

140 Fer de construction

Page 135: thèse hamdaoui

135

Figure 3.2: Squeeze simple

Pour expliquer la stratégie du double squeeze, il faut admettre que le prix de 140

assure à la firme A non seulement une rémunération du capital investi, mais

également des surprofits. Supposons que le coût réel du lingot est de 95 et que la

firme A décide d’abaisser le prix de vente à 135. Le fait d’agir sur le prix final

est beaucoup plus habile de la part de la firme A car il donne aux

consommateurs l’illusion d’une véritable concurrence. Le montant des surprofits

n’est d’ailleurs pas forcément diminué car, si l’on raisonne en dynamique, la

diminution des prix peut parfaitement correspondre à une baisse tendancielle des

coûts. Le fait de diminuer le prix constitue une autre forme de squeeze simple, et

elle serait suffisante pour éliminer la firme B. Mais la société A peut décider un

double squeeze en diminuant le prix à 135, et en élevant, en même temps, le prix

auquel elle vend ses lingots à sa rivale à 105, la marge de B sera alors laminée

des deux côtés, et elle se trouvera dans l’incapacité de rester sur le marché. En

d’autres termes, la firme B sera coincée entre un coût de lingots plus élevé, et un

faible prix de vente pratiqué par la firme A

.

Lingots

Coût de

transformation

B A

100

110 40

?

40

140 Fer de construction

Page 136: thèse hamdaoui

136

Figure 3.3: Double squeeze

La pratique de l’écrasement des prix est une exploitation du pouvoir de

monopole dont disposent certaines firmes sur des marchés non concurrentiels.

En termes d’efficacité, cette pratique est considérée comme une manœuvre

stratégique anticoncurrentielle qui permet d’accroître la part de marché de la

firme intégrée par l’exclusion progressive de ses rivales qui ne disposent pas

souvent des mêmes armes pour riposter. Par exemple, Alcoa avait, aux Etats

Unis, un pouvoir de monopole dans la production de lingots d’aluminium brut

(un bien intermédiaire). Elle s’est intégrée dans des branches à fortes élasticités

de la demande. Par sa politique de prix pour le bien intermédiaire, elle a

fortement diminué le nombre de ses concurrents en aval sur ces marchés.

L’affaire fut portée devant le tribunal qui trouva que les profits en aval d’Alcoa

auraient été négligeables ou négatifs si l’unité en aval avait payé le prix de

marché plutôt que le prix interne à l’unité amont (Tirole (1988), p. 280)

3.3.2.2 Refus d’approvisionner ou forclusion de marché

Toute une littérature s’est développée autour du thème du libre accès aux

moyens de production. L’un des effets de l’intégration verticale, entre plusieurs

Fer de

construction

Lingots

Coût de

transformation

Squeeze simple

B A

95

100

40

?

40

135

B A

95

105

40

?

40

135

Double squeeze

Page 137: thèse hamdaoui

137

paires de firmes, est de priver les autres firmes non intégrées de leurs clients et

fournisseurs respectifs. Cela peut augmenter le prix du bien intermédiaire et

accroître les coûts de production des niveaux non intégrés. Pour expliciter le

cadre théorique de cette pratique, nous considérons deux oligopoles successifs à

la Cournot72

. Dans cette structure, les firmes aval non intégrées considèrent le

prix du bien intermédiaire fourni par les firmes amont non intégrées comme

donné. Pour entrer en concurrence oligopolistique sur le marché du bien final

avec les firmes aval non intégrées, certaines firmes amont et aval décident de

s’intégrer par paires. Salinger se place dans le cas de forclusion verticale où les

firmes n’achètent pas et ne vendent pas de bien intermédiaire. Il pose pour cela

trois hypothèses :

- Si une firme intégrée verticalement vend une unité de plus du bien

intermédiaire, elle suppose que les autres producteurs de ce même bien

produisent la même quantité qu’auparavant et qu’un producteur du bien final

produira une seule unité de plus de ce bien.

- Si une firme intégrée verticalement achète une unité de plus du bien

intermédiaire, elle suppose qu’un producteur de ce même bien accroît son output

d’une unité, et que les autres producteurs du bien final ne modifient pas leur

production.

-Cm P P CmI I F F avec CmI et CmF les coûts marginaux constants73

. des

biens intermédiaire et final, et PI , PF leurs prix respectifs.

Ces trois hypothèses assurent que chaque paire de firmes intégrées n’achète ni

ne vend le bien intermédiaire74

.

72

Nous reprenons l’analyse présentée par Salinger (1988). 73

Le cas de forclusion totale ne tient plus si les coûts marginaux de production aval ou amont ne sont plus

constants. Ainsi, un coût marginal croissant dans la production du bien final peut amener la firme intégrée à

vendre le bien intermédiaire. De même, un coût marginal croissant dans la production du bien intermédiaire,

incitera une firme intégrée à acheter le bien intermédiaire. 74

D’après l’hypothèse 2 et l’inégalité Cm PI I la firme peut accroître ses profits en produisant elle-même le bien

intermédiaire. Supposons, en second lieu que la firme intégrée ne vend pas de bien intermédiaire et accroît sa

production du bien final de X unités. L’hypothèse 1 montre que la réduction des ventes de x unités du bien

intermédiaire amènera les producteurs du bien final à réduire leur production de X unités. Cette réduction sera

Page 138: thèse hamdaoui

138

Le but de Salinger est de déterminer l’évolution des prix du bien final et du bien

intermédiaire. Ainsi, les firmes amont non intégrées (qui forment l’oligopole

amont) vendent le bien intermédiaire aux firmes aval non intégrées (qui forment

avec les firmes intégrées l’oligopole aval). Une augmentation du nombre de

firmes intégrées se soldera par deux mouvements de sens opposés du prix du

bien intermédiaire :

- D’une part, l’oligopole amont de firmes non intégrées perd des concurrents et

peut entraîner une augmentation du prix du bien intermédiaire.

- D’autre part, les firmes intégrées vont produire plus du bien final (car les coûts

de production baissent : Cm PI I ) ce qui aura pour conséquence une baisse de la

demande résiduelle du bien final qui s’adresse aux firmes aval non intégrées.

Une telle baisse va amener ces dernières à restreindre leur demande du bien

intermédiaire et entraîne une diminution du prix de ce bien.

Salinger montre que le prix du bien intermédiaire diminue si moins de la moitié

des producteurs de ce bien sont intégrées verticalement. En effet, lorsque le

nombre de firmes intégrées est faible, la rivalité continue à peser sur le marché

du bien intermédiaire alors que la demande de ce bien va s’amenuiser. En

revanche, lorsque le nombre d’entreprises intégrées est assez grand, l’effet de la

baisse de la rivalité entre les firmes amont non intégrées sera plus important que

celui induit par la baisse de la demande, ce qui se traduit par une tendance à la

hausse du prix du bien intermédiaire.

Les adeptes de la théorie de la forclusion verticale soutiennent que le refus

d’approvisionnement va bénéficier aux entreprises amont non intégrées

puisqu’elles ne seront plus concurrencées par les firmes intégrées sur le marché

du bien intermédiaire. Par conséquent, elles seront en mesure d’accroître leurs

compensée par l’accroissement de la production du bien final par la firme intégrée. Par conséquent, la

production et le prix du bien final resteront inchangés. En revanche, le seul changement enregistré concernera les

profits de la firme intégrée: ( ). .PF CmF X PI X qui est supérieure à zéro, d’après l’hypothèse 3.

Page 139: thèse hamdaoui

139

profits en raison de l’augmentation du prix du bien intermédiaire75

. Cette hausse

de prix bénéficiera également aux firmes intégrées dans la mesure où leurs

rivales sur le marché du bien final verront leurs coûts s’accroître, et les forcera à

réduire leur production et augmenter les prix sur le marché aval.

La forclusion verticale, en tant que comportement stratégique, repose sur

l’hypothèse de l’ « effet de levier » qui stipule que la firme intégrée peut utiliser

le pouvoir de marché dont disposent les firmes amont non intégrées76

pour

renforcer son propre pouvoir de marché dans le stade aval (Krattenmaker et

Salop (1986)).

La théorie de la forclusion présente, cependant, plusieurs insuffisances au niveau

des hypothèses, ainsi qu’au niveau des implications anticoncurrentielles :

- Elle suppose que l’intégration verticale et la forclusion par la firme intégrée de

ses rivales au stade aval entraînent une baisse de l’offre du bien intermédiaire.

Cette baisse est accompagnée, généralement, d’une réduction consécutive de la

demande de la division aval de la firme intégrée en bien intermédiaire, ce qui

pourrait compenser la réduction de l’offre de ce bien.

- Elle insiste sur l’importance de l’incitation de la firme intégrée à refuser

l’approvisionnement de ses rivales au stade aval. Cette incitation s’explique par

un éventuel accroissement des profits de la division aval de la firme intégrée

grâce à l’avantage de coûts dont elle bénéficie au détriment de ses rivales. Or,

cette incitation pourra être affaiblie par la diminution des ventes de la division

amont si la firme intégrée refuse d’approvisionner les firmes aval non intégrées.

- Elle insiste, également, sur l’incitation des firmes amont intégrées à accroître

leur prix de vente du bien intermédiaire suite à la réduction de la concurrence

sur le marché de ce bien. Or, si les firmes amont accroissent les prix, les firmes

75

T. Krattenmaker et S. Salop (1986) qualifient cette vision de la théorie de forclusion verticale de « monstre de

Frankenstein », car la firme intégrée crée un pouvoir de marché en faveur des firmes amont non intégrées en leur

permettant d’accroître le prix du bien intermédiaire et donc les coûts de ses rivales. 76

Ces firmes acquièrent ce pouvoir de marché grâce au refus de la firme intégrée d’approvisionner les firmes aval

non intégrées.

Page 140: thèse hamdaoui

140

aval pourront se lancer elles-mêmes dans la production du bien intermédiaire, de

même, un accroissement du prix par les firmes amont mettra les firmes aval non

intégrées dans une situation désavantageuse par rapport aux firmes intégrées et

seront ainsi forcées à restreindre leurs achats. En des termes directs, une grande

élasticité de la demande des firmes permettra d’atténuer l’incitation des firmes

amont non intégrées à accroître leur prix.

- Elle suppose que les firmes aval non intégrées ne réagiront pas directement à la

décision de forclusion par la firme intégrée. Or, dans la réalité, ces firmes

disposent de plusieurs stratégies de riposte. En particulier, elles peuvent réagir

en s’intégrant, elles-mêmes, avec des firmes amont non intégrées, ce qui leur

permet d’obtenir le bien intermédiaire au prix concurrentiel et d’éliminer, ainsi,

leur désavantage de coût.

- Il n’est pas évident que la tentative de la première firme aval de s’intégrer

verticalement avec une firme amont soit couronnée de succès puisque les firmes

amont non intégrées pourront accroître le prix du bien intermédiaire, il serait

difficile pour une firme aval de les convaincre à s’intégrer dans la mesure où

chaque firme amont voudrait saisir l’occasion permise par l’intégration d’une de

ses concurrentes avec la firme aval.

3.4 Intégration verticale et distorsions de monopole

3.4.1 Intégration verticale et double marge

L’intégration verticale n’est pas toujours synonyme de manœuvres stratégiques

dont l’objectif principal est le renforcement du pouvoir de monopole et la

restriction de la concurrence. Elle peut être utilisée, en effet, pour améliorer

l’efficacité productive d’une structure verticale en permettant un accroissement

du profit des entreprises qui forment cette structure. Elle constitue, également, et

Page 141: thèse hamdaoui

141

c’est le plus important, une source d’amélioration de l’efficience économique en

permettant un accroissement du bien-être social à travers des profits plus élevés

pour les producteurs, mais surtout, des prix moins élevés pour les

consommateurs finals comparativement aux situations de non intégration.

Figure 3.4: Structure verticale d’un monopole successif

avec c le coût marginal du monopole amont et X la quantité de l’input utilisé par

ce dernier, P1, P2, Q1 et Q2 sont les prix et les quantités respectifs des biens

intermédiaire et final.

C’est le cas, notamment, d’une structure verticale constituée de deux monopoles

successifs ou d’une « pyramide de monopoles » où l’intégration verticale entre

les deux monopoles domine le cas de non intégration (Spengler (1950)). Pour

illustrer ce cas77

, nous partons de la structure verticale d’un monopole qui opère

dans le stade amont et d’un second monopole dans le stade aval. Les deux

monopoles peuvent être des fabricants ou bien des distributeurs qui jouent les

rôles de grossiste et de détaillant. Le monopole amont (M1

) transforme X unités

77

L’exemple que nous présentons s’inspire de Tirole (1988) op.cit, p. 134.

M1

Q1

M2

c

P1

P2

X

Q2

Page 142: thèse hamdaoui

142

d’un input pour produire un bien intermédiaire (Q1) qu’il vend au monopole

aval (M2 ) au prix P1 . Ce dernier transforme à son tour le bien intermédiaire

pour produire un bien final (Q 2 ) qu’il vend aux consommateurs finals au prix

P 2 . Le monopole amont dispose d’un leadership en matière de prix sur le

marché intermédiaire : il choisit le prix du bien intermédiaire (P1) et le

monopoleur aval s’ajuste en choisissant la quantité à acheter en considérant P1

comme donné. De la même manière, la firme aval possède le leadership de prix

sur le marché du bien final en fixant le prix du bien qu’elle produit. Ainsi, la

demande du bien intermédiaire dépendra du prix choisit par le monopoleur

amont, et celle du bien final sera fonction du prix fixé par le monopole aval.

Disposant chacun d’un pouvoir de monopole sur le marché du bien qu’il produit,

les deux monopoleurs vont choisir les prix qui maximisent leurs profits

individuels. Pour simplifier le raisonnement, nous supposons que le processus de

transformation dans les deux stades s’effectue en proportions fixes, c’est-à-dire

que pour produire une unité de Q2 , le monopole aval utilise une seule unité du

bien intermédiaire. Il en est de même, pour le monopole amont qui doit utiliser

une seule unité de X pour produire une unité du bien intermédiaire,

formellement :

X Q Q Q 1 2

Nous supposons également que la fonction de demande du bien final s’écrit

comme suit:

Q a b P a b . 2 0 0avec et

Nous supposons, enfin, une valeur de c telle que: 0 ca

b78

.

Pour porter un jugement objectif sur l’efficience de chacune des deux structures

(structures intégrée et non intégrée), il faut procéder à une comparaison des

78

Une valeur de c supérieure à a

b implique des prix inférieurs au coût marginal du monopole amont et, donc,

des profits négatifs pour les deux monopoles. Dans ce cas, aucune des deux firmes n’aura intérêt à produire.

Page 143: thèse hamdaoui

143

performances de chacune d’elles en termes de niveau de la production, de prix

du bien final et des profits des deux stades de production.

Pour ce faire, nous déterminerons l’équilibre de la structure non intégrée en

supposons que chaque monopole maximise son profit individuel en considérant

le comportement de l’autre comme donné. Puisque le seul coût encouru par le

monopole est le prix du bien intermédiaire, le profit peut donc être écrit :

2 2 1 2 ( ).( . )P P a b P (3.1)

La condition d’optimalité pour le monopoleur aval est donnée par :

2

2

210

2PP

a b P

b

. (3.2)

Au prix d’équilibre P 2 , le monopole aval produira la quantité du bien final

suivante :

Q a b P Qa b P

..

21

2 (3.3)

Par conséquent, le profit à l’équilibre sera :

21

4

( . )²a b P

b (3.4)

Quant au profit du monopole amont, il sera donné par :

1 11

2

( ).(

.)P c

a b P (3.5)

avec des conditions d’optimalités données par:

1

1

102P

Pa b c

b

. (3.6)

Afin de déterminer le profit du monopole amont, il convient d’abord d’exprimer

la quantité Q en fonction du coût marginal c, en remplaçant P1 dans l’équation

(3.3) par sa valeur de l’équation (3.6):

Page 144: thèse hamdaoui

144

Qa b c

.

4 (3.7)

En substituant (3.6) dans (3.5), le profit du monopole amont sera donné par :

18

( . )²a b c

b (3.8)

De même que pour, le profit du monopole aval, nous pouvons l’exprimer

comme suit :

216

( . )²a b c

b (3.9)

Le profit total de la structure non intégrée correspond donc, à la somme des

profits des deux monopoles :

NI a b c

b

1 2

3

16

( . )² (3.10)

Le prix du bien final peut être exprimé en fonction du coût marginal. Pour ce

faire, nous substituons (3.2) dans (3.6), ce qui donne :

Pa b c

b2

3

4

. (3.11)

En cas d’intégration verticale entre les deux monopoles, le marché du bien

intermédiaire va disparaître. Pour produire le bien final, le monopole intégré

aura un coût marginal égal à c. Le profit de la structure intégrée correspondra,

donc, à la différence entre les recettes totales et le coût total :

IV P c a b P ( ).( . )2 2 (3.12)

La firme intégrée va, donc, résoudre le programme suivant :

P

Max P c a b P2

2 2( ).( . )

La condition de premier ordre de ce programme sera :

Page 145: thèse hamdaoui

145

IV

PP

a b c

b2

202

.

(3.13)

En substituant P2 par sa valeur de l’équation (3.13) dans l’équation de la

demande finale, nous obtiendrons la quantité du bien final produite par le

monopole intégré :

Qa b c

.

2 (3.14)

Enfin, le profit de la structure intégrée est obtenu en substituant P2 de (3.12)

dans (3.13) :

IV a b c

b

( . )²

4 (3.15)

Tableau 3.1 : Comparaison des performances des deux structures

verticales

Critères de performance Structure

intégrée

Sens de

l’inégalité

Structure non

intégrée

Quantité du bien final (Q) a b c .

2

> a b c .

4

Prix du bien final (P 2 ) a b c

b

.

2 < 3

4

a b c

b

.

Profit de la structure verticale

()

( . )²a b c

b

4

> 3

16

( . )²a b c

b

Le tableau (3.2) regroupe les principales variables qui serviront à la comparaison

de performances des deux structures verticales. Les principales remarques qu’on

peut en tirer sont les suivantes :

- L’intégration verticale entraîne un prix du bien final nettement inférieur au prix

de la non intégration. En effet, dans une structure non intégrée, chacun des deux

Page 146: thèse hamdaoui

146

monopoles choisit le prix qui maximise son profit en considérant le

comportement de l’autre comme donné. Ainsi, le monopole amont choisit un

prix P1 supérieur à son coût marginal c et réalise une marge bénéficiaire égale à

(P1- c). De la même manière, le monopole aval fixe le prix P 2 sur la base de

son coût marginal (qui correspond à P1)79

. Par conséquent, chaque monopole

ajoute sa propre marge de sorte que le prix du bien final va inclure deux marges

au lieu d’une seule. Par contre, le monopole intégré incorpore une seule marge

bénéficiaire dans le prix du bien final qui est calculée sur la base du coût

marginal (c) ce qui se traduit par un prix moins élevé. D’un point de vue social,

l’intégration verticale est meilleure car le surplus du consommateur est plus

élevé que dans une situation de non intégration.

- Le prix, moins élevé du bien final, permis par l’intégration verticale va inciter

les consommateurs à acheter davantage ce bien et entraînera une augmentation

de la demande finale. L’expansion de la demande aura pour conséquence, un

accroissement simultané de la production des biens final et intermédiaire,

permettant ainsi une meilleure allocation des ressources permise par

l’intégration verticale.

- En terme de profitabilité, l’intégration verticale domine, également, la non

intégration puisque les profits du monopole intégré sont nettement supérieurs à

ceux réalisés par les deux monopoles indépendants. Cette supériorité est

directement liée à l’avantage de l’intégration verticale au niveau du prix du bien

final et de la quantité offerte. En effet, l’élimination de la double marge entraîne

un prix moins élevé qui implique, à son tour, une consommation plus importante

du bien final. De ce fait, la baisse du prix se trouve largement compensée par la

hausse de la quantité demandée80

, ce qui entraîne des profits plus importants. La

structure intégrée s’avère, donc, plus efficace dans le processus de production

79

Le prix P 2 sera, donc, supérieur à P1 pour permettre au monopoleur aval de réaliser une marge bénéficiaire

égale à (P 2 - P1 ). 80

Car le monopole produit là où la demande est élastique.

Page 147: thèse hamdaoui

147

puisque le coût du monopole intégré est moins élevé que celui du monopole aval

dans la structure non intégrée. Nous remarquons alors que dans une structure de

monopoles successifs, l’intégration verticale est une source d’amélioration de

l’efficience économique et du bien être social dans la mesure où ses effets sont

bénéfiques à la fois aux producteurs et aux consommateurs.

3.4.2 Intégration verticale et problème de négociation du monopole bilatéral

3.4.2.1 Monopole bilatéral et indétermination du prix

Le monopole bilatéral est défini par la superposition d’un monopole au stade

amont et d’un monopsone au stade aval. Il s’agit, donc, d’un vendeur unique

confronté à un acheteur également unique. Les variables sur lesquelles portent

les décisions sont la quantité de l’input à échanger (X), et le prix auquel

s’effectuera la transaction (P X ). Pour mieux illustrer le processus de décision,

nous nous baserons sur la figure 3.5 qui montre, également, les différentes

interactions entre les monopoles amont et aval.

Figure 3.5: Prix d’équilibre du monopole bilatéral

Source: F. Scherer (1990): p. 520.

Prix de

l’input X

H

PA

PA

PC

Rm

XC

X '

X

XV

CmM

Cm,

RM,DC

Quantité

L

Page 148: thèse hamdaoui

148

La courbe (C Om c, ) représente la fonction de coût marginal du monopole

amont81

; alors que (RM, DC ) représente la fonction des recettes moyennes de la

firme aval82

. Si le marché de l’input X est concurrentiel la quantité échangée de

ce bien sera égale à XC et le prix de marché sera égal à PC d’après la loi de

l’offre et de la demande des marchés concurrentiels. En revanche, si l’acheteur

est un monopsone, le prix qu’il paiera pour une unité sera d’autant plus élevé

que la quantité échangée sera plus grande. Par conséquent, la courbe du coût

marginal du monopsone représentée par Cm M sera dérivée de celle du coût

marginal du monopole (Cm ,OC ) et si, en plus de son pouvoir de monopsone sur

le marché des facteurs, la firme aval possède un pouvoir de monopole sur le

marché du bien final, alors ses recettes marginales seront représentées par la

courbe Rm dérivée de la courbe des recettes moyennes (RM, DC ). Par

conséquent, la condition d’optimalité pour la firme aval (monopsone- monopole)

sera donnée au point où le revenu marginal est égal au coût marginal. Le point

d’intersection de ces deux courbes correspond au niveau X A de l’input et au prix

P A .83

. En revanche, si la firme amont détient le pouvoir de monopole, la

demande qui lui sera adressée sera représentée par la courbe de recettes

marginales du monopsone. Par conséquent, la courbe de recettes marginales du

monopole amont (R Mm ) sera dérivée de celle de la firme aval. Le profit

maximum du monopole amont correspond au point d’intersection entre sa

courbe de coût marginal (Cm , OC ) et celle du revenu marginale (R Mm ). A

l’équilibre, la quantité de facteur qui sera vendue par le monopole amont (XV )

est obtenue par la projection orthogonale sur l’axe des abscisses, et le prix de

vente (PV ) est obtenu par la double projection sur la courbe de demande dérivée

81

Dans un marché concurrentiel, la courbe de coût marginal est confondue avec celle de la fonction de l’offre de

l’input. 82

Dans un marché concurrentiel, la courbe de recette moyenne est confondue avec celle de la demande dérivée.

83

Si la firme aval ne détient pas un pouvoir de monopole sur le marché de l’input, l’équilibre sur le marché

intermédiaire correspondra au point d’intersection entre la courbe de son coût marginal (C Mm ) et celle des

recettes moyennes ( RM DC, ). Dans ce cas, la quantité d’équilibre X’ sera plus élevée que X A .

Page 149: thèse hamdaoui

149

(Rm ) et sur l’axe des ordonnées.

Le problème qui se pose dans une structure de monopole bilatéral est que le prix

d’équilibre du monopole amont (PV ) sera plus élevé que celui du monopsone

aval (P A ), alors que la quantité d’équilibre du premier (XV ) sera moins élevée

que celle du second (X A ). Par conséquent, la maximisation des profits

individuels de l’un est incompatible avec celle des profits de l’autre. En d’autres

termes, les intérêts des deux firmes sont divergents.

La solution à ce problème dépendra essentiellement du comportement des deux

firmes :

- Si les deux firmes adoptent un comportement non coopératif, alors, chacune

d’elles va chercher à maximiser ses profits individuellement. Dans ce cas, c’est

la firme qui possède le leadership qui fixe le prix du facteur et ça sera à l’autre

d’agir en conséquence84

. Si aucune des firmes ne possède le leadership de prix,

la solution de la coopération sera indispensable pour que la relation d’échange

puisse avoir lieu ou continuer.

- Si les deux firmes adoptent un comportement coopératif, elles choisiront de

maximiser les profits joints et échanger un niveau X du facteur85

. Pour fixer le

prix de l’input, les deux firmes devront engager des négociations qui porteront

sur le partage des profits joints. Si ces négociations n’aboutissent pas à un

accord86

, une solution possible sera l’intégration verticale des deux firmes.

Nous voyons que la coopération entre les deux firmes (maximisation des profits

joints) permet l’échange d’une quantité plus élevée de l’input en comparaison

avec la non coopération (leadership de prix de l’une des deux firmes) :

84

En cas de leadership du monopole amont, le prix de l’input sera fixé au niveau PV et la quantité échangée sera

égale à XV. En revanche, en cas de leadership du monopsone, le prix payé sera fixé à PA

et la quantité achetée

sera égale à X A.

85 Cette quantité est obtenue par la projection sur l’axe des abscisses du point d’intersection entre la courbe des

recettes marginales du monopsoneur (R m ) et la courbe du coût marginal du monopoleur amont (C Om c, ). 86

Si les négociations aboutissent à un compromis, le prix de l’input sera fixé quelque part entre les points L et H

de la figure 3.5, en fonction du pouvoir de marchandage des deux firmes.

Page 150: thèse hamdaoui

150

X X XA V

. La coopération pourrait être bénéfique pour les consommateurs

dans la mesure où l’échange d’une quantité plus importante de l’input

entraînerait une production plus importante et un prix moins élevé du bien final.

Cependant, la comparaison objective des différentes solutions au problème du

monopole bilatéral, nécessite une évaluation de l’effet de chacune d’elles sur le

bien-être social, notamment les profits globaux de la structure verticale et le

surplus des consommateurs du bien final.

3.4.2.2 Intégration verticale et efficience d’une structure de monopole

bilatéral

Afin de porter une évaluation des effets de l’intégration verticale sur l’efficience

économique, nous allons argumenter notre raisonnement par le recours à un

modèle simple de monopole bilatéral87

. Pour des raisons de simplicité, nous

supposons que les fonctions de coût et de demande sont linéaires. Si nous

partons d’une structure verticale constituée d’un monopole au stade amont

(vendeur V) et un monopsone au stade aval (acheteur A) avec des fonctions de

coût marginal et de coût total du monopoleur amont données par :

Cm a bX

CT k a X b XV V

V v V

22. .

et où a et b sont des constantes positives.

Supposons, également, que la firme aval transforme une unité du facteur X en

unité d’output Q moyennant un coût unitaire de production égal à c. La fonction

de demande inverse de l’output Q s’exprime comme suit :

P Q d f Q d a c f( ) . ( ) avec et 0

Par conséquent, le profit de l’acheteur est donné par l’équation suivante :

A XQ d f Q c Q P Q .( . ) . . (3.16)

87

Notre raisonnement est inspiré de deux modèles distincts présentés par R. Blair et D. Kaserman (1987) et F.

Page 151: thèse hamdaoui

151

avec PX le prix fixé par le vendeur pour chaque unité de X. L’acheteur va

résoudre le programme suivant :

Q

XMax Q d f Q c Q P Q( . ) . .

donnant la condition d’optimalité suivante pour une solution intérieure :

AX

Qd c P f Q 0 2 0. (3.17)

Comme Q = X, l’équation (3.17) peut être réécrite :

P d c f XX 2 .

Cinq scénarios éventuels représentant les différentes solutions au problème du

monopole bilatéral sont envisageables :

- Le premier, qui servira de référence, représente la maximisation des profits

joints des deux firmes.

- Le second représente le leadership de l’acheteur.

- Le troisième représente le leadership du vendeur.

- Le quatrième représente la solution de l’intégration verticale.

- Le cinquième représente la solution d’un contrat de long terme où les deux

firmes s’accordent d’échanger la quantité qui maximise les profits joints et de

partager les profits.

La comparaison entre les différents scénarios portera sur la quantité échangée de

l’input, le prix du bien final et les profits globaux des deux firmes.

Scénario 1: Exprimés en fonction de X (car X = Q), nous exprimons les profits

des deux firmes comme suit:

V X

A x

P X k a X b X

X d f X c X P X

. . . ²

.( . ) . .

Scherer (1990).

Page 152: thèse hamdaoui

152

Les profits joints (J ) correspondent, ainsi, à la somme des profits individuels

des deux firmes :

J A V d c a X f b X k ( ). ( ). ² (3.18)

La condition d’optimalité est donnée par :

J

XX

d c a

f b

02( )

(3.19)

Posons: M d c a N f b ( ) ( )et . En substituant XM

N

2

dans l’équation

(3.18), on obtient :

J

M

Nk

²

4 (3.20)

Scénario 2: En cas de leadership de l’acheteur, le vendeur prendra le prix Px

comme donné et réagira en égalisant son revenu marginal à ce prix. La fonction

d’offre du vendeur (qui est également la fonction du coût moyen de l’acheteur)

correspond à P a b Xx 2 . . L’acheteur résoudra, ainsi, le programme qui suit :

X

Max X d f X c X X a b X( . ) . .( . ) 2 (3.21)

qui donne la condition d’optimalité suivante :

AA

xX

d c a

f b

0

2 2( ) (3.22)

Puisque f et b sont tous les deux positifs, ( ) ( )f b f b 2 , et la quantité de

l’input échangée dans le scénario 1 est supérieure à celle issue du scénario 2

( )X X A

. Cette inégalité nous permet d’écrire :

X X d f X d f X P X p XA A A

. . ( ) ( )

car P X d f X( ) . . Le prix de l’output du scénario 1 est donc inférieur à celui

du scénario 2.

Page 153: thèse hamdaoui

153

Posons: M d c a N f b ZN f b Z ( ), ( ) ( )et avec2 1. D’où la somme des

profits des deux firmes :

T V A Ad c a X f b X k XM

ZN ( ). ( ). ² avec

2

En substituant X A par sa valeur et en effectuant le calcul, on obtient :

T

M

N

Z

Zk

²(

²)

4

2 1 (3.22)

Puisque (²

)2 1

1Z

Z

, le profit total du scénario 2 est inférieur à celui du scénario

1 donné par l’équation (3.20).

Scénario 3: En cas de leadership du vendeur, l’acheteur s’ajustera au prix PX en

choisissant la quantité qui maximisera son profit (comme dans l’équation

(3.17)). La fonction de demande inverse du vendeur correspondra donc à

P d c f XX 2 .

Ce dernier résoudra le programme qui suit :

X

Max d c f X X k a X b X( . ). . . ² 2

qui donne la condition d’optimalité suivante :

VV

XX

d c a

f b

0

2 2( ) (3.23)

Puisque ( ) ( )2 f b f b , alors la quantité échangée dans le cas du leadership

du vendeur est inférieure à celle correspondant au cas de la maximisation des

profits joints: X XV . De la même manière, le prix final dans le scénario 3 sera

plus élevé que celui du scénario 1.

Les profits totaux du vendeur et de l’acheteur seront, donc :

T A V X d a c X f b k ( ) ² .( )

En posant M d a c N f b YN f b Y ( ), ( ) ( )et avec2 1 et en substituant

Page 154: thèse hamdaoui

154

XV dans l’équation (3.23), on obtient :

T

M

N

Y

Yk

²(

²)

4

2 1 (3.24)

Pour Y>1, la quantité (²

)2 1Y

Y

est toujours inférieure à 1, ce qui fait que le profit

total en situation de leadership du vendeur est inférieur aux profits joints donnés

par l’équation (3.20).

- Scénario 4: En cas d’intégration verticale, la firme intégrée sera en situation

de monopole sur le marché du bien final. Par conséquent, les recettes totales du

monopole intégré seront égales à :

RT X d f X . ( . )

et ses coûts totaux seront équivalents à :

CT k a c X b X ( ). . ²

D’où, la fonction de profit du monopole intégré :

IV d c a X f b X k ( ). ( ). ² (3.25)

L’équation (3.25) étant similaire à l’équation (3.18), alors :

J IV

Par conséquent, la maximisation des profits dans le scénario de l’intégration

verticale est la même que celle dans le cas des profits joints.

- Scénario 5 : Si les deux firmes préfèrent signer un contrat de long terme

permettant de générer des profits équivalents à ceux de la maximisation des

profits joints, et si elles décident de partager ces profits selon la règle suivante :

V J

A J

.

( ).1

avec 0 1 , le partage se fera à travers un prix de l’input qui permettra de

concrétiser l’accord conclus. En posant V J . , nous obtenons :

Page 155: thèse hamdaoui

155

P d c f X a X b X kX

X .( . ) ( ).( . . ² ).11

(3.26)88

Puisque A XX d f X c X P X .( . ) . . , la substitution de PX de l’équation (3.26)

dans la fonction de profit de l’acheteur nous permet d’écrire :

A

A J

X d c a X f b k

( ). .( ) ² .( )

( ).

1

1

En choisissant de maximiser les profits joints, les deux firmes vont donc

échanger une quantité X C équivalente à X , et le prix du bien final sera

également identique. La seule différence concerne le prix de l’input PX dont le

niveau dépendra de la valeur de .

Les principales conclusions à propos des solutions au problème de la

détermination du prix et la quantité à échanger dans une structure de monopole

bilatéral peuvent être résumées comme suit :

- La coopération est toujours préférable au leadership dans la mesure où la

maximisation des profits joints permet l’échange d’une quantité plus importante

de l’input, des prix moins élevés du bien final et des profits totaux plus

conséquents comparativement aux scénarios de la non coopération.

- Comparée à la solution de leadership de l’acheteur, celle du leadership du

vendeur implique une restriction excessive de la quantité échangée :

X X XV A

En effet, lorsque le prix de l’input est fixé par le vendeur, la firme aval s’ajuste

en choisissant la quantité à acheter en considérant le prix comme donné.

Cependant, cette restriction n’est pas due au pouvoir de monopsone, mais plutôt

88

L’équation (3.26) peut être exprimée de la manière suivante :

P P X c CTM

P c P X CTM c

X

X

.( ( ) ) ( ).( )

.( ( ) )

1

avec P(X) le prix du bien final exprimé en fonction de X, et CTM le coût total unitaire du monopole amont. Le

prix PX sera, donc égal au coût unitaire de l’input plus multipliée par la marge prix-coût du monopole intégré

au niveau du stade aval.

Page 156: thèse hamdaoui

156

à la distorsion de la double marge (en absence de pouvoir de monopsone, la

structure verticale se ramène à une situation de monopoles successifs qui

implique un niveau élevé du prix du bien final et un faible niveau de la

demande).

- En cas d’intégration verticale entre le vendeur et l’acheteur, les décisions de

transfert de l’input seront guidées par le coût marginal effectif car l’intégration

verticale facilite le choix de la quantité de l’input qui assure le profit maximal

pour la structure verticale. Pour le consommateur final, l’intégration verticale ne

permet, certes pas d’atteindre des résultats comparables à ceux d’une structure

verticale concurrentielle, mais permet d’éviter les restrictions quantitatives de

l’input et l’augmentation excessive du prix final qui résulte des solutions de

leadership ou des négociations imparfaites entre les deux firmes. Par

conséquent, en cas de difficultés de négociations entre le vendeur et l’acheteur,

l’intégration verticale sera bénéfique à la fois aux producteurs et aux

consommateurs entraînant, ainsi, une amélioration très nette du bien-être social

et de l’efficience économique.

- Lorsque la solution de l’intégration verticale s’avère coûteuse (pour des raisons

que nous développerons dans le chapitre suivant), les deux firmes peuvent

négocier un contrat à long terme qui permet d’échanger une quantité de l’input

équivalente à celle qui maximise les profits joints. Le partage des profits se fera,

ensuite, à travers un prix de l’input déterminé en fonction du prix du bien final et

des coûts unitaires des deux firmes. Ainsi, la solution de long terme entraînera

un prix du bien final et des profits équivalents à ceux de la maximisation des

profits joints. En plus de ces performances, la solution permet :

- De faciliter le processus de négociation en focalisant l’attention sur un seul

paramètre ( ). Ainsi, en se mettant d’accord sur la décision de produire une

quantité du bien final qui maximise les profits joints, les deux firmes n’auront

Page 157: thèse hamdaoui

157

pas besoin de spécifier le prix ou la quantité à échanger de l’input. Il suffit, pour

les deux, de se mettre d’accord sur la part des profits qui reviendraient à chacun.

- De faciliter le processus de négociation en économisant les besoins en

informations dont les deux firmes ont besoin pour trouver un compromis. Ainsi,

le contrat peut être conclus sans qu’on ait besoin d’informations sur la demande

finale dans la mesure où le profit de chacune des firmes ne dépendra que du

paramètre une fois la solution de la maximisation des profits joints est

retenue.

- De refléter tout changement de la demande du bien final ou de la structure des

coûts des firmes dans le prix et les quantités stipulés dans le contrat, car tout

changement du prix du bien final ou des coûts unitaires se traduira

automatiquement par une modification des profits joints, ce qui poussera le

vendeur et l’acheteur à procéder aux ajustements nécessaires.

3.5 Intégration verticale et amélioration du pouvoir de monopole

3.5.1 Intégration verticale et discrimination par les prix

3.5.1.1 Présentation de la discrimination par les prix

La fixation d’un prix uniforme est une pratique courante dans la plupart des

marchés. Cependant, il y a de nombreux exemples dans lesquels le même bien

économique est vendu à des prix différents au même consommateur ou à des

consommateurs différents. D’une manière générale, Tirole (1988)89

considère

« qu’un producteur discrimine par le prix quand deux unités du même bien

physique sont vendues à des prix différents, soit à des consommateurs différents

soit au même consommateur ». Cette définition reste, cependant, insuffisante.

Prenons le cas d’un producteur qui dessert une zone géographique. La fixation

89

J. Tirole (1988) Théorie de l’Organisation Industrielle, Edition Economica, p. 263.

Page 158: thèse hamdaoui

158

d’un tarif uniforme ne tenant pas compte des différences de coûts est considérée

comme une discrimination. En revanche, la pratique de prix reflétant pleinement

les différences de coûts de transport entre les consommateurs situés à des

distances différentes de l’usine ne peut être considérée comme une

discrimination. En effet, lorsque les différences de prix entre les consommateurs

reflètent exactement les différences dans les coûts d’approvisionnement de ces

consommateurs, on ne pourrait parler de discrimination par les prix. D’un autre

côté, des biens livrés à des dates différentes, dans des localités différentes, dans

des états de la nature différents ou de qualités différentes, sont des biens

économiquement distincts. Il est, donc, difficile de présenter une définition

recouvrant la totalité des phénomènes.

3.5.1.1.1 Le problème de l’arbitrage

La possibilité de discrimination par le prix est liée à la possibilité d’arbitrage.

On distingue, conventionnellement, deux formes d’arbitrages :

- Le premier type est lié à la transférabilité de la marchandise. Si un fabricant

vend à deux consommateurs différents le même bien à des prix différents, alors

le consommateur bénéficiant du prix le moins élevé pourra éventuellement

acheter davantage de ce bien pour le revendre à l’autre à un prix plus avantageux

pour les deux. Ce type d’arbitrage peut annuler complètement l’effet de la

discrimination. Cependant, l’échec de discrimination dépend largement de

l’importance des coûts d’échange (ou coûts de transaction) entre les deux

consommateurs. Si ces coûts sont élevés, la possibilité de l’arbitrage devient

moins plausible dans la mesure où ces consommateurs n’auront pas intérêt à

effectuer ce type de transaction. En revanche, lorsque les coûts de l’arbitrage

sont faibles, la discrimination devient très coûteuse. D’une manière générale, les

coûts de transaction sont plus élevés et la transférabilité est plus difficile pour

les services que pour les marchandises. En effet, les consommateurs peuvent

Page 159: thèse hamdaoui

159

difficilement s’engager dans un arbitrage pour des services tels que le voyage, le

traitement médical, l’électricité ou les communications téléphoniques.

Le second type d’arbitrage est associé à la transférabilité de la demande entre

différents lots ou paniers offerts aux consommateurs. Le fabricant d’un bien peut

classer les consommateurs en plusieurs catégories selon un ou plusieurs critères

(revenu, âge, sexe...), et offrira à chacune de ces catégories un lot ou un panier

pour lequel elle est censée manifester une préférence stricte. Dans ce cas, le

problème n’est pas lié au transfert physique du bien en question, mais plutôt au

refus de certaines catégories de consommateurs de consommer les lots qui leurs

sont destinés et la consommation des lots adressés aux autres. Pour le fabricant,

le problème se pose particulièrement lorsque la plupart des consommateurs,

achètent le lot le moins cher. C’est le cas, par exemple, lorsque la majorité des

voyageurs des chemins de fer se paient des places dans la classe économique

alors que les wagons de première classe restent entièrement vides. Dans la

pratique, les producteurs disposent rarement d’une information complète sur

l’identité de chaque consommateur et se contentent souvent de distributions

agrégées des goûts et des préférences. C’est ce qui rend difficile de vérifier que

chaque consommateur choisisse exactement le lot conçu pour lui.

3.5.1.1.2 Les types de discrimination par les prix

On distingue, habituellement, trois types de discrimination par les prix : la

discrimination au premier degré (discrimination parfaite), au second degré et au

troisième degré. La différence entre les trois types dépend essentiellement de la

nature de l’information dont dispose un producteur à propos des attributs et des

caractéristiques des consommateurs.

La condition sine qua none pour la pratique d’une discrimination au premier

degré est la possession, par le producteur du bien en question, d’une information

parfaite sur chaque consommateur. Cette information concerne les goûts et les

Page 160: thèse hamdaoui

160

préférences individuelles de chaque consommateur de sorte que le producteur

puisse capter le surplus entier du consommateur en imposant à chaque client un

tarif individualisé équivalent à son prix de réservation, et en empêchant toute

possibilité d’arbitrage. C’est le cas notamment lorsque les consommateurs d’un

marché possèdent une demande identique connue par le producteur. Si ce

dernier possède un pouvoir de monopole sur ce marché, il pourra extraire la

totalité du surplus du consommateur en choisissant un barème de prix qui

associe à chaque niveau de consommation le montant total à payer par

consommateur. C’est, également, le cas lorsque les consommateurs possèdent

des courbes de demande différentes mais connues par le producteur. Le schéma

de prix optimal consiste, dans ce cas, à faire payer pour chaque unité marginale

un prix égal au coût marginal, et à demander une prime personnalisée fixe égale

au surplus net du consommateur à ce prix.

Dans la pratique, la discrimination parfaite est très rare en raison des problèmes

posés par l’arbitrage et de l’imperfection de l’information sur les préférences

individuelles des consommateurs. En effet, si le producteur ne connaît pas les

goûts et les préférences individuelles de chaque consommateur, il ne pourra pas

leur offrir des lots spécifiques et leur imposer des prix personnalisés. Ceci, ne

signifie pas pour autant, que le producteur n’a pas de choix autre que le prix

uniforme. Il peut, au contraire, regrouper les consommateurs en plusieurs

catégories selon un ou plusieurs critères qui constitueraient des signaux directs

ou indirects sur leurs préférences et leurs goûts. Ainsi, si le producteur est

capable de diviser le marché en segments sur la base de signaux directs (tels que

l’âge, le revenu, l’emploi, la localisation géographique...) sans être capable de

discriminer parmi les consommateurs au sein d’un groupe, il pourra extraire,

même partiellement, le surplus du consommateur en adoptant des barèmes de

prix spécifiques à chaque segment du marché. Cette pratique correspond à ce qui

est convenu de qualifier de discrimination par les prix au troisième degré qui

correspond à une solution intermédiaire entre la discrimination parfaite et

Page 161: thèse hamdaoui

161

l’absence complète de discrimination. D’ailleurs, la réalité des secteurs

industriels et commerciaux est souvent marquée par l’imperfection de

l’information et la prédominance de l’incertitude sur la demande et les

préférences des individus. Mais ceci, ne signifie pas pour autant, que les

fabricants se trouvent dans une situation d’ignorance totale vis-à-vis de leurs

clients. Bien au contraire, ils disposent de nombreux moyens techniques et

statistiques pour rassembler suffisamment d’informations sur la clientèle. C’est

pour ces raisons que la pratique de la discrimination au troisième degré est très

courante dans la réalité que ce soit au niveau des marchés des biens

intermédiaires ou ceux des produits finis.

Il arrive, quand même, que la discrimination au troisième degré ne soit pas

possible à cause du problème de l’arbitrage ou la non disponibilité de signaux

directs sur la demande. Dans ce cas, le producteur pourra utiliser des signaux

indirects en proposant aux consommateurs un menu différencié du produit et en

laissant à ces derniers la possibilité de choisir eux mêmes l’option qu’ils

préfèrent dans le menu proposé. Ainsi, chaque consommateur va s’identifier à

un lot spécifique qui reflète ses préférences et ses goûts sans aucune contrainte

de la part du fabricant. Avec cette liberté de choix, ce n’est pas le fabricant qui

impose au client le lot qu’il devrait acheter, mais c’est plutôt ce dernier qui se

positionne dans un segment déterminé vis-à-vis du menu. Parmi les techniques

de discrimination par les prix au second degré, il y a la vente par lots ou l’offre

jointe « prix-quantité » où le consommateur choisit entre des prix fixés selon la

quantité qu’il désire acquérir (c’est le cas lorsque le prix unitaire est fonction de

la quantité achetée par un même consommateur). Il y a, également, la

discrimination par une offre jointe « prix-qualité » lorsque le fabricant offre un

éventail de qualités d’un bien ou d’un service tenant compte des différents goûts

des consommateurs pour la qualité. Cependant, la pratique de la discrimination

au second degré n’est possible qu’à une simple condition : il faut que les lots et

les prix correspondant soient fixés de telle sorte que le consommateur soit incité

Page 162: thèse hamdaoui

162

à choisir exactement le lot qui lui est adressé. En d’autres termes, le choix par un

consommateur d’un lot qui ne correspond pas à ses préférences et ses goûts

devrait lui procurer un désagrément suffisamment important pour qu’il renonce

à ce choix. Pour ce faire, les fabricants utilisent souvent des instruments d’auto-

sélection qui font que l’utilité procurée par la consommation des lots les plus

chers compense largement la désutilité liée aux économies des prix.

3.5.1.1.3 Discrimination par les prix et bien être social

Le débat théorique autour des effets de la discrimination par les prix sur le bien

être social se caractérise par la confrontation de deux courants principaux :

- Le premier, associé à la tradition de Harvard, soutient l’idée que la

discrimination par les prix est souvent expliquée par des agissements

anticoncurrentiels visant à affaiblir les petites entreprises ou à les exclure du

marché. Ce courant a fortement influencé la législation antitrust aux Etats Unis

avant les années 80 à travers la condamnation d’une telle pratique par le

« Robinson-Patman Act »90

.

- Le second courant, représenté par l’Ecole de Chicago, affirme que la

discrimination par les prix peut être une source d’amélioration de l’efficience

économique puisqu’elle permet aux producteurs de faire payer chaque

consommateur le prix qu’il est disposé à verser pour le bien ou le service en

question. En revanche, la pratique d’un prix uniforme peut entraîner une

restriction de la production dans la mesure où elle exclut tous les

consommateurs ayant une propension à payer inférieure à ce prix.

Le désaccord sur l’utilité économique et sociale de la discrimination par les prix

s’explique par ses effets au niveau de la redistribution des revenus qui

complique davantage les mesures des variations du bien être social. Il est,

90

Le « Robinson--Patman Act » empêchait toute firme dominante de bénéficier de rabais sauf s’il est justifié par

une baisse de coûts du vendeur due à la quantité produite, ou par un effort bon et loyal du vendeur pour s’aligner

Page 163: thèse hamdaoui

163

souvent difficile de s’exprimer sur le sens de variation du bien être résultant de

la discrimination. D’une part, elle permet d’accroître le surplus du producteur et

celui des consommateurs qui bénéficient de la baisse des prix, et d’autre part,

elle diminue le surplus des consommateurs qui subissent la hausse du prix. De

manière intuitive, la discrimination est généralement bénéfique pour la société

lorsqu’elle entraîne un accroissement de la production. Dans ce cas, elle

permettrait d’éviter la restriction excessive de la production due à la distorsion

du mark up du monopole.

3.5.1.2 Intégration verticale, discrimination par les prix et bien être social

La discrimination par les prix est souvent rendue difficile à cause du problème

d’arbitrage. Dans bien des cas, les coûts, supportés par une entreprise, pour

empêcher l’arbitrage entre les différentes catégories de clients sont tellement

élevés qu’ils compensent entièrement la rente de la discrimination. Dans ce

contexte, l’intégration verticale peut être un substitut parfait qui permettrait à

l’entreprise d’éviter l’arbitrage et de réaliser les profits de la discrimination par

les prix (Wallace (1937), Stigler (1951)). A ce titre, deux questions méritent

d’être posées : si une entreprise est confrontée à deux catégories de clients ayant

des élasticités prix de la demande différentes, alors dans quelle catégorie

l’entreprise devrait-elle s’intégrer pour empêcher l’arbitrage? Et quels sont les

effets d’une telle pratique sur le bien être social ?

Pour répondre à ces questions, nous considérons deux cas de figures : la

discrimination sur un marché de bien final, et la discrimination sur un marché de

bien intermédiaire.

3.5.1.2.1 Intégration verticale et discrimination sur les marchés de biens

finals

sur un prix inférieur d’un concurrent.

Page 164: thèse hamdaoui

164

Il est souvent avancé que l’intégration verticale facilite la discrimination par les

prix en empêchant l’arbitrage. C’est le cas notamment d’une structure verticale

constituée d’un monopole qui vend un bien homogène à deux industries

concurrentielles indépendantes confrontées à deux demandes indépendantes

ayant des élasticités prix différentes ( ) 2 1 .

Figure 3.6 : Représentation de la discrimination par le prix

Les deux industries aval utilisent une technologie qui permet de transformer

chaque unité de l’input en une unité du bien final. Par conséquent, le prix des

deux biens finals est équivalent au prix tarifé par le monopoleur aux deux

industries du stade aval. Tout se passe donc, comme si le monopoleur vendait

l’input directement aux consommateurs finals (les industries concurrentielles ne

sont qu’un voile). Ainsi, il suffit de concentrer l’analyse sur le marché du bien

intermédiaire.

Si le monopoleur s’intègre dans l’industrie où l’élasticité prix de la demande est

plus faible, il accroîtra le prix de transfert interne de l’input pour l’industrie

M

1C 2C

1 < 2

Page 165: thèse hamdaoui

165

intégrée d’un côté, et diminuera le prix de marché de l’input pour ses ventes à

l’industrie non intégrée de l’autre. Cette stratégie s’avère, cependant, inefficace

dans l’hypothèse d’absence de barrières à l’entrée au stade aval concurrentiel.

En effet, si le monopoleur s’intègre dans l’industrie dont l’élasticité de la

demande est la plus faible, de nouvelles firmes vont pénétrer dans cette industrie

en se procurant l’input dans l’autre marché et en vendant le bien final à des prix

moins élevés que ceux proposés par la division aval du monopole intégré, ce qui

annule complètement l’effet de la discrimination pour le monopole.

L’intégration verticale du monopole dans l’industrie où l’élasticité prix de la

demande est la plus faible ne permet pas d’empêcher l’arbitrage entre les deux

industries du stade aval.

En revanche, l’intégration verticale du monopole dans l’industrie où l’élasticité

de la demande est plus élevée s’avère très efficace pour empêcher l’arbitrage et

pratiquer la discrimination par les prix. Le monopoleur pourra, en effet, accroître

la consommation du bien final de l’industrie intégrée en diminuant le prix de

transfert interne de l’input à sa division aval, et conjointement, il peut accaparer

le surplus du consommateur dans le marché caractérisé par une faible élasticité

prix de la demande en augmentant le prix de marché de l’input destiné aux

entreprises de l’industrie non intégrée. Dans ce cas, l’entrée de nouvelles firmes

dans l’industrie intégrée ne serait pas profitable en raison de l’écart négatif entre

le prix final dans ce marché et le prix de marché de l’input. Ainsi, pour que

l’intégration verticale puisse constituer un substitut efficace à la discrimination

par les prix, il faut que le prix de transfert interne aux divisions intégrées du

monopole soit inférieur au prix de marché de l’input. Autrement, l’entrée de

nouvelles entreprises pourrait annuler l’effet de l’intégration (Tirole (1988)).

Ce résultat peut être généralisé au cas où le monopoleur est confronté à une

multitude d’industries caractérisées par des élasticités différentes de la demande.

Dans ce cas, le prix de transfert interne, à l’industrie où l’élasticité de la

Page 166: thèse hamdaoui

166

demande est la plus élevée, doit être inférieur au prix de marché. Autrement dit,

le monopole choisira un prix interne pour chacune des industries intégrées en

fonction du niveau de l’élasticité de la demande, et le prix de marché doit être

supérieur au prix interne le plus élevé. Par conséquent, le monopoleur a la

possibilité d’accroître ses profits en s’intégrant dans toutes les industries à

l’exception de celle où l’élasticité prix de la demande est la plus faible.

Si l’input est produit conjointement par une firme dominante et une frange

concurrentielle, alors l’incitation à l’intégration verticale pour la firme

dominante sera semblable au cas du monopole pur. En revanche, le cardinal de

l’ensemble des industries aval où la firme dominante aura intérêt à s’intégrer

variera dans le sens inverse du volume de l’offre de la frange concurrentielle. En

d’autres termes, plus l’offre concurrentielle sera grande, plus le nombre

d’industries aval intégrées sera petit (Perry (1978)).

3.5.1.2.2 Discrimination par les prix dans les marchés intermédiaires

L’analyse précédente supposait que les acheteurs du bien du monopoleur ou de

la firme dominante étaient des consommateurs, c’est-à-dire qu’il s’agissait d’un

bien final. Les conclusions de Perry (1978) ne peuvent, donc, être valables dans

le cas d’un marché intermédiaire où les acheteurs du stade aval sont des

entreprises qui transforment le bien intermédiaire ou des revendeurs. C’est le

cas, par exemple, d’une chaîne de magasins qui est en concurrence avec des

détaillants indépendants sur des marchés géographiquement dispersés. La chaîne

et les détaillants utilisent le même bien intermédiaire fourni par un monopoleur

situé au stade amont. Dans ce contexte, deux raisons peuvent expliquer la non

application de l’analyse précédente aux marchés des biens intermédiaires. Tout

d’abord, les demandes sont interdépendantes dans la mesure où la quantité

demandée par la chaîne de magasins et le petit détaillant dépend non seulement

du prix qu’ils paient, mais également du prix payé par le concurrent. Ensuite, les

Page 167: thèse hamdaoui

167

distributeurs (en particulier la chaîne de magasins) ont plus d’incitations à

s’intégrer en amont que les consommateurs sur un marché final.

De ces deux hypothèses, la chaîne de magasins peut être amenée à exploiter son

pouvoir de marché, en tant qu’acheteur, en exigeant du monopole amont la vente

du bien intermédiaire à un tarif discriminatoire. Cette exigence doit être prise au

sérieux par le fabricant, autrement la chaîne a suffisamment d’incitation à

produire elle-même le bien intermédiaire en s’intégrant verticalement dans le

stade amont. Par conséquent, la discrimination par les prix permet au fabricant

d’accroître ses profits issus des ventes aux détaillants d’une part, et d’éviter

l’intégration verticale de la chaîne de l’autre. Au niveau du stade aval, la

discrimination permet à la chaîne de disposer d’un avantage de coût vis-à-vis de

ses concurrents et lui assure des parts de marchés et des profits plus importants

(Katz (1987)).

3.5.2 Intégration verticale et substitution des inputs

3.5.2.1 Présentation de la distorsion des proportions variables

Le problème de la substitution des inputs apparaît lorsque la structure verticale

est composée d’un stade aval concurrentiel dont la technologie de production

nécessite l’utilisation de deux inputs dans des proportions variables. En effet,

lorsque l’un des deux inputs est offert par un monopoleur amont, à un prix

supérieur à son coût marginal, alors que l’autre input est offert par une industrie

concurrentielle, l’industrie du stade aval sera amenée à utiliser excessivement

l’input offert concurrentiellement.

Page 168: thèse hamdaoui

168

Figure 3.7 : Combinaisons techniques des deux inputs X et Y

Source : F. Scherer (1990) Industrial Market Structure and Economic

Performance, p. 523.

L’isoquant Q de la firme aval représente l’ensemble des combinaisons

techniques possibles91

qui permettent la production d’une même quantité

d’output. Avec un prix de X supérieur à son coût marginal, la courbe d’iso-coût

(ICM) de la firme aval sera relativement inclinée et impliquera le choix de la

combinaison M des deux inputs. En revanche, si le monopole amont s’intègre

verticalement en aval, sa courbe d’iso-coût (IC1) sera moins inclinée puisqu’il

payera l’input X à son coût marginal. Par conséquent, le monopole intégré

choisira une combinaison impliquant une utilisation intensive de l’input X (point

V). Or, la combinaison M intercepte la droite d’iso-coût (IC2) qui correspond au

coût supporté par la firme aval au cas où elle achetait l’input X à son coût

marginal. Ainsi, l’intégration verticale permet des économies de coûts

équivalents à la différence entre les deux droites d’iso-coûts IC1 et IC2 .

D’un point de vue analytique, la non intégration se caractérise par le choix d’une

combinaison technique qui permet l’égalisation des rapports de productivités

marginales et des prix des inputs. Si nous supposons que CX et CY sont les coûts

marginaux respectifs des deux inputs, PX le prix de l’input X, et Q(X, Y) la

fonction de production de la firme aval, la non intégration impliquera le choix

Input X

Input Y

M

V

Q

IC2

IC1 ICM

Page 169: thèse hamdaoui

169

par la firme aval de la combinaison optimale en tenant compte de l’égalité

suivante92

:

Q

X

Q

Y

P

CX

Y

(3.27)

Puisque les deux inputs sont des substituts, la firme aval sera incitée à utiliser

davantage l’input Y. Par conséquent, le taux marginal de transformation

technique sera supérieur au rapport des coûts réels (CX et CY) :

Q

X

Q

Y

C

CX

Y

(3.28)

Cette inégalité est considérée comme une source d’inefficience de la firme aval

dans la mesure où elle utilise davantage le second input et consomme trop peu

du bien intermédiaire du monopole amont. L’intégration verticale permet

d’éliminer cette inefficience en assurant l’égalité entre le taux marginal de

transformation technique et le rapport des coûts réels des facteurs.

Figure 3.8 : Substitution des inputs dans une structure verticale

91

d’un input offert concurrentiellement Y et d’un input X offert par un monopole au stade amont. 92

Egalité du rapport des productivités marginales des inputs et celui des prix qui donne la combinaison

technique optimale du producteur.

M

C

C

Page 170: thèse hamdaoui

170

Précisons enfin, que l’incitation à l’intégration verticale du monopole amont

n’apparaît pas lorsque les inputs sont utilisés par la firme aval dans des

proportions fixes étant donné que cette dernière sera incitée à choisir la

combinaison optimale sans aucune intervention du monopole amont. D’un autre

côté, l’existence d’une offre concurrentielle de l’input Y exclut la possibilité de

l’intégration horizontale du monopole amont dans la mesure où l’industrie

concurrentielle du stade amont n’exerce aucune externalité verticale puisque

l’input Y est vendu à son coût marginal.

3.5.2.2 Effets de l’intégration verticale sur le prix du bien final et sur le

bien-être

L’intégration verticale permet, certes, d’éliminer la distorsion des proportions

variables en facilitant le choix des combinaisons optimales d’inputs

substituables et la réalisation des économies de coûts qui en résultent. Mais ses

effets sur le prix du bien final et sur le bien-être total semblent moins évidents.

Ces effets dépendent d’au moins trois variables : l’élasticité de substitution entre

les inputs X et Y93

, l’élasticité prix de la demande du bien final et le degré

d’importance de l’input X dans le processus de production du stade aval. En

effet, lorsque l’élasticité de substitution a une valeur légèrement supérieure à

l’unité et/ou lorsque celle ci est supérieure à l’élasticité prix de la demande du

bien final, alors il est fort probable que l’intégration verticale entraîne un

accroissement du prix du bien final. Une grande valeur de l’élasticité de

substitution implique une moindre importance de l’input X du monopole dans le

processus de production du stade aval et incite le monopole intégré à restreindre

la production du bien final et accroître son prix (effet de monopolisation du

stade aval). Cet effet l’emporte, ainsi sur l’effet inverse de la baisse de la

93

L’élasticité de substitution mesure le degré de substitution d’un input X par un autre input Y en réponse à une

variation des prix relatifs de ces inputs. Lorsque les inputs sont complémentaires, = 0 et lorsque les inputs

sont parfaitement substituables, la valeur de devient infinie. Signalons, enfin, que pour la fonction de

production Cobb-Douglas, la valeur de l’élasticité de substitution est égale à l’unité.

Page 171: thèse hamdaoui

171

demande étant donné que l’élasticité de substitution ( ) est plus grande que

celle de la demande ( ). Ce résultat a été démontré par Schmalensee (1973) en

utilisant une fonction de production de la forme Cobb-Douglas et en retenant

une valeur de l’élasticité de la demande supérieure à l’unité. La même

conclusion a été retenue par Hay (1973) et Warren-Boulton (1974), en utilisant

une fonction de production à élasticité constante. Enfin, l’hypothèse de

l’accroissement du prix du bien final, lorsque < , a été démontrée par

Westfield (1981) et Lee (1987) sans toutefois spécifier les fonctions de

production et de demande.

En revanche, lorsque la valeur de l’élasticité de substitution est inférieure à

l’unité (les deux inputs sont indispensables à la production du bien final), le

monopole amont peut utiliser l’intégration verticale pour évincer les firmes aval

rivales en refusant de leur fournir l’input X ou en leur imposant un prix plus

élevé que le prix de transfert interne à la division aval du monopole intégré .

Dans ce dernier cas, la division aval du monopole intégré aura la possibilité de

fixer un prix du bien final suffisamment bas de sorte que toutes ses rivales soient

condamnées à disparaître (Quirmbach (1986)).

D’une manière intuitive, on peut conclure que lorsque l’intégration verticale

implique une baisse du prix du bien final, le bien être total s’améliore sans

ambiguïté. L’intégration verticale, dans ce cas, est bénéfique aux producteurs

puisqu’elle permet une utilisation efficace des inputs dans le processus de

production. Elle est également bénéfique aux consommateurs qui profitent d’un

prix moins élevé en comparaison avec la non intégration. Par contre, lorsque

l’intégration verticale entraîne un accroissement du prix du bien final, la

situation est beaucoup plus complexe et l’effet net sur le bien-être devient

difficile à déterminer. D’une part, le bien-être s’améliore grâce à l’efficience

dans le choix de la combinaison des inputs, et d’autre part, le bien-être se

détériore à cause de la restriction de la production du bien final et la hausse

Page 172: thèse hamdaoui

172

consécutive de son prix. Le sens de variation nette du bien-être dépendra, dans

ce cas, des valeurs des paramètres qui conditionnent le degré d’accroissement du

prix du bien final. En effet, lorsque la valeur de l’élasticité de substitution est

égale à zéro, l’intégration verticale implique forcément une amélioration de

l’efficience économique (Greenhut et Ohta (1979)). En revanche, lorsque les

inputs sont substituables, l’accroissement du bien-être dû au choix des

combinaisons efficaces peut compenser entièrement la détérioration causée par

la hausse du prix du bien final. En d’autres termes, l’accroissement du prix du

bien final n’est pas synonyme de détérioration du bien-être. Pourtant, la perte de

l’efficience est plus plausible sous certaines conditions, notamment lorsque la

valeur de l’élasticité de substitution est supérieure à 0.8 et lorsque l’input du

monopole amont est de moindre importance dans le processus de production du

stade aval (Waterson (1982).

3.6 Les incitations liées à l’incertitude et à l’information privée

La concurrence au niveau des différents stades de production est, en principe,

incompatible avec l’intégration verticale, dans la mesure où la concurrence

élimine souvent toutes les distorsions et les inefficiences susceptibles d’être

créées par des structures monopolistiques. Pourtant, certaines incitations à

l’intégration verticale apparaissent même dans des marchés concurrentiels. Ces

incitations sont, le plus souvent, liées soit à des problèmes d’incertitude sur

certaines variables aux différents stades, soit à des problèmes d’utilisation

d’information privée par des firmes à certains stades de la chaîne verticale.

3.6.1 Diversification et synchronisation94

.

94

La synchronisation signifie qu’en cas d’intégration verticale entre une firme de l’industrie amont et une autre

de l’industrie aval, l’output de la division amont sera utilisé entièrement par la division aval de l’entreprise

intégrée. C’est-à-dire que la synchronisation permet de réaliser deux types d’économies : celles relatives à la

coordination des deux stades de production, et celles inhérentes à la non participation de la firme intégrée au

marché du bien intermédiaire (économies des coûts de transaction).

Page 173: thèse hamdaoui

173

Les marchés concurrentiels peuvent connaître des fluctuations de prix qui

résultent d’éventuels changements exogènes de l’offre et/ou de la demande.

Ainsi, les firmes peuvent être confrontées à des incertitudes sur leurs coûts95

et/ou leurs revenus96

. Or, les intérêts des firmes situées à deux stades verticaux

successifs sont souvent affectés de façon opposée par les fluctuations sur le

marché intermédiaire. En effet, une hausse du prix du bien intermédiaire affecte

positivement la firme située en amont (dans la mesure où elle permet un

accroissement de ses revenus) et négativement celle située au stade aval

(puisqu’elle signifie un renchérissement de ses coûts). Dans de telles situations,

l’intégration verticale pourrait être utilisée non seulement pour atténuer les effets

négatifs des fluctuations sur le marché intermédiaire, mais surtout pour profiter

des effets positifs qui peuvent en résulter. Afin de mettre en évidence cette

incitation, considérons une structure verticale caractérisée par un stade amont où

les fabricants se procurent les inputs aux marchés des facteurs et produisent un

bien intermédiaire qu’ils vendent à des détaillants situés au stade aval qu’ils

revendent eux-mêmes aux consommateurs finals. Le marché intermédiaire est

caractérisé également par une demande externe nette97

.

Les fabricants et les détaillants peuvent être affectés par les différentes

fluctuations du marché. En effet, les fabricants subissent, d’une part, les

fluctuations de l’offre des facteurs, et d’autre part, celles de la demande

exogène. Les détaillants subissent, à leur tour, ces dernières fluctuations en plus

de celles de la demande sur le marché final. Dans ce contexte, l’intégration

verticale ne permet pas d’éliminer l’ensemble des incertitudes dues aux

fluctuations aléatoires sur les différents marchés. En effet, même si elles

s’abstiennent de participer au marché intermédiaire, les entreprises intégrées ne

95

Incertitudes dues aux fluctuations de l’offre et des prix des facteurs qu’elles utilisent dans leur processus de

production. 96

Incertitudes dues aux fluctuations de la demande et des prix des biens qu’elles produisent. 97

Cette demande nette pourrait être soit une offre exogène, soit une demande exogène du bien intermédiaire,

(Perry (1982).

Page 174: thèse hamdaoui

174

peuvent pas éviter les effets des changements aléatoires sur les autres marchés.

En revanche, l’intégration verticale entre un fabricant et un détaillant permettra à

la nouvelle entité intégrée d’exploiter optimalement tous les changements sur le

marché intermédiaire en agissant comme si les divisions amont et aval étaient

des firmes indépendantes. Le prix du bien intermédiaire serait, dans ce cas,

considéré comme un coût d’opportunité par les deux divisions de la firme

intégrée. Ainsi, lorsque le prix sur le marché intermédiaire est élevé, la division

amont de la firme intégrée (le fabricant) accroîtra sa production et la division

aval (le détaillant) restreindra ses acquisitions du bien intermédiaire et réduira,

par conséquent, ses ventes sur le marché final et vice versa. Ce comportement

des deux divisions de la firme intégrée n’implique, donc, pas une

synchronisation des décisions de production entre les deux stades. De ce fait,

l’incitation à l’intégration s’explique uniquement par le désir de la

diversification des recettes de la firme. En effet, lorsque le prix du bien

intermédiaire est élevé, la firme aura la possibilité d’accroître ses recettes grâce

aux ventes de la division amont. En revanche, lorsque ce prix est moins élevé, la

firme accroîtra , également, ses recettes grâce aux ventes de sa division aval sur

le marché final. Il convient de préciser que la possibilité de diversification des

recettes de la firme intégrée s’explique par le fait que les recettes des deux

divisions amont et aval sont corrélées négativement98

lorsque les fluctuations se

passent sur le marché intermédiaire. Par contre, si la source des fluctuations est

due aux changements de la demande finale, les recettes des fabricants et des

détaillants seront corrélées positivement, ce qui créera une incitation à la

désintégration verticale99

.

Dans une structure relativement similaire, Perry (1984) a relevé une autre

incitation à l’intégration verticale. Il considère une structure verticale constituée

98

A condition que l’élasticité de la demande finale soit supérieure à l’élasticité de substitution au niveau du stade

aval.

99

En cas de fluctuations sur le marché des facteurs, il est difficile de savoir si les recettes des fabricants et des

Page 175: thèse hamdaoui

175

de deux industries concurrentielles au stade amont et au stade aval avec

l’existence d’une offre exogène nette du bien intermédiaire considérée comme

une variable aléatoire. Ainsi, il n’y a aucune imperfection de marché susceptible

de créer une incitation à l’intégration verticale. Toutefois, les firmes doivent

prendre leurs décisions de production avant d’obtenir l’information sur l’offre

exogène nette, chose qui n’empêche pas la possibilité, pour elles, d’ajuster

optimalement les choix de production en réponse aux fluctuations du prix du

bien intermédiaire. En effet, les firmes amont et aval peuvent réagir ex post, aux

fluctuations du prix et améliorer leurs profits espérés en jouant sur les

fluctuations du marché. Lorsque le prix du bien intermédiaire est élevé, les

firmes amont vont accroître leurs ventes et les firmes aval vont limiter leurs

pertes par la réduction de leurs achats et de leurs ventes. Par contre, lorsque le

prix de l’input est bas, les firmes amont et aval vont agir dans le sens contraire.

Par conséquent, les profits des firmes seront largement supérieurs à ceux

qu’elles auraient pu réaliser si elles avaient choisis d’échanger le bien

intermédiaire sans tenir compte des fluctuations de l’offre exogène nette. En

outre, les profits des firmes seront d’autant plus grands que les fluctuations du

prix sont plus importantes. Les firmes dans les deux stades n’auront, donc,

aucune incitation à l’intégration verticale qui soit expliquée par les

imperfections du marché ou par le désir de la diversification des recettes.

Pourtant, l’intégration verticale permet de réaliser des économies dues à la

synchronisation de la production Lorsque ces économies sont substantielles, des

firmes vont être incitées à s’intégrer verticalement. Si c’est le cas, les premières

opérations d’intégration entraîneront une baisse de l’importance relative de la

demande et de l’offre des entreprises non intégrées comparativement à l’offre

exogène nette. Ainsi, les fluctuations du prix du bien intermédiaire vont

s’amplifier entraînant un accroissement des profits espérés. Un équilibre vertical

s’établira, donc, lorsque le profit d’une firme intégrée sera égal aux profits joints

détaillants vont être corrélées positivement ou négativement.

Page 176: thèse hamdaoui

176

espérés des firmes amont et aval non intégrées.

3.6.2 Rationnement et garantie d’approvisionnement et de débouchés

Les firmes sont confrontées à de nombreuses sources d’incertitude, notamment

au niveau de l’approvisionnement en inputs et de l’écoulement de la production.

En effet, durant les périodes de pénuries, les firmes trouvent d’énormes

difficultés à assurer leur approvisionnement en matières premières, en raison de

l’insuffisance de l’offre sur les marchés des facteurs où en raison de la hausse

des prix sur ces marchés. En revanche, en périodes de faiblesse de la demande

finale, les entreprises peuvent être incapables d’écouler toute la production à des

prix supérieurs aux coûts de production. Les effets de telles fluctuations sur les

firmes sont d’autant plus importants lorsque ces dernières sont incapables de

prévoir et d’anticiper leur évolution, ce qui est souvent le cas lorsque l’offre ou

la demande sont aléatoires.

L’intégration verticale garantit, donc, pour la firme, l’approvisionnement

pendant les périodes tendues et les débouchés dans les périodes où la demande

est faible. Ceci étant, l’intégration ne garantit les débouchés que dans la mesure

où l’unité aval peut absorber la production de l’unité amont. Si la demande est

faible dans le secteur aval, il se peut que les ventes de l’unité interne à la firme

le soient également, et que ses besoins du produit du fournisseur soient faibles.

Ainsi, l’intégration peut atténuer l’effet de l’incertitude sur la firme en réduisant

le risque de baisse de ses ventes mais sans garantir pour autant de véritables

débouchés. Or, même si l’intégration peut réduire l’incertitude des

approvisionnements et de la demande, les produits devraient transiter d’une

division à l’autre, à l’intérieur de la firme intégrée, à des prix de cession reflétant

les prix du marché. Si les prix de cession s’écartent des prix de marchés, les

dirigeants des unités amont et aval seront susceptibles de prendre des décisions

sur la base de prix artificiels qui diminuent l’efficacité de leurs unités. En

Page 177: thèse hamdaoui

177

agissant sur la base de prix artificiellement faibles, le dirigeant de la division

aval peut, chercher à développer la position de son unité sur le marché, ce qui

obligera l’autre division à livrer une quantité plus importante du bien

intermédiaire à des prix très bas.

En plus des problèmes liés aux difficultés d’approvisionnement et de débouchés,

les firmes peuvent être confrontées à des difficultés causées par la non flexibilité

des prix. Contrairement à la théorie traditionnelle pour laquelle les prix

s’ajustent au cours de chaque période pour égaliser les offres et les demandes,

l’analyse contemporaine reconnaît que ces ajustements ne sont pas instantanés et

que la production ne peut pas s’adapter immédiatement à la demande au prix

courant du marché. Autrement dit, les prix effectifs s’écartent des prix

d’équilibre, d’où le phénomène de rationnement. Ainsi, le rationnement induit

par des prix ajustés constitue une forte incitation à l’intégration verticale (Stigler

(1951), Greene (1974)).

3.6.3 Information privée et problèmes d’agence

Dans le modèle de la concurrence pure et parfaite, les marchés sont transparents

et l’information est symétrique. Ainsi, les firmes détiennent toute l’information

dont elles ont besoin pour la production et la vente des biens et services de

même qu’elle est distribuée de manière symétrique de telle sorte qu’aucune

firme n’a de privilège sur les autres et ne puisse surtout pas, l’utiliser à des fins

stratégiques en vue d’en tirer des profits plus élevés. Cependant, dans la réalité,

cette hypothèse est très loin d’être vérifiée. En effet, la prise en considération de

la complexité des relations au sein des marchés et de la rationalité limitée des

agents économiques permet de reconnaître que l’information sur un marché ne

peut être répartie de façon égalitaire et équitable entre tous les agents qui

opèrent dans ce marché. L’asymétrie de l’information est donc une réalité dont il

convient de tenir compte. Dans un marché déterminé, certaines firmes peuvent

Page 178: thèse hamdaoui

178

être les seules à détenir certaines informations. Lorsque celles-ci sont

conscientes de cet avantage informationnel sur les autres, elles seront

naturellement incitées à l’exploiter pour renforcer leur position sur le marché.

L’asymétrie de l’information n’est, donc pas un problème en soi, mais le devient

lorsqu’elle est couplée avec l’opportunisme des agents (Williamson (1975)).

Dans les relations verticales, l’asymétrie de l’information est susceptible de

créer des problèmes d’agence entre les firmes situées dans les différents stades

verticaux. A titre d’exemple, un client (agent) pourrait être incité à dissimuler à

son fournisseur (principal) toutes les informations se rapportant à la demande

finale et au prix de vente du bien final en vue de bénéficier d’un prix moins

élevé du bien intermédiaire. Réciproquement, un fournisseur (agent) pourrait

être incité à dissimuler à son client (principal) le vrai coût de production du bien

intermédiaire pour en obtenir un prix plus élevé. Dans ces deux exemples, les

intérêts des deux agents sont conflictuels, comme c’est souvent le cas dans les

relations fournisseur-client, et incite à dissimuler l’information privée et à

l’utiliser à des fins stratégiques. Dans de telles situations, le principal dispose

d’une forte incitation à l’intégration verticale pour résoudre le problème

d’agence et obtenir l’information qu’il ignore. Mais à ce niveau, la question

fondamentale qui s’impose est de savoir si l’intégration verticale permet

l’élimination du problème d’agence, ou si elle ne fait que l’internaliser. En

d’autres termes, est-ce-que l’intégration verticale est capable de changer la

structure de l’information dans une firme ou non ?

De nombreux travaux ont tenté de répondre à cette question. Il s’agit notamment

du modèle d’Arrow (1975) qui suppose deux industries concurrentielles en

amont et en aval en présence d’incertitude sur le prix du bien intermédiaire.

Dans cette configuration, les fabricants aval sont tenus de prendre des décisions

d’investissement susceptibles d’accroître leurs profits espérés avant de connaître

le prix du bien intermédiaire. En s’intégrant verticalement en amont, un

Page 179: thèse hamdaoui

179

fabricant aura la possibilité de connaître le niveau de la production au stade

amont avant de prendre sa décision d’investissement. Arrow suppose que

l’intégration verticale est susceptible de permettre au fabricant d’acquérir

l’information dont il a besoin et de prendre, en conséquence, la décision

d’investissement optimale. Il suppose également que l’intégration verticale ne

sera pas nécessaire puisque les offreurs du stade amont n’auront pas intérêt à

dissimuler l’information en raison du régime concurrentiel qui prévaut au stade

amont, du fait que les fabricants aval pourront obtenir cette information en

l’achetant à un des offreurs du stade amont ou auprès d’un organisme

indépendant qui aurait pour mission de collecter cette information. Ce résultat

confirme, donc, l’idée que lorsque les intérêts des agents ne sont pas

conflictuels, le problème de l’asymétrie de l’information peut être résolu grâce à

des mécanismes de marché sans recourir à l’intégration verticale. Cependant,

lorsque les intérêts des agents sont conflictuels, il est difficile de trouver un

mécanisme de marché ou un arrangement contractuel qui pourrait réconcilier les

intérêts divergents. Cette idée est fortement soutenue par Crocker (1983) qui

considère que l’intégration verticale permet d’une part la maximisation des

profits joints des deux firmes, et incite, d’autre part, le détaillant à révéler le vrai

niveau du prix final puisque ses recettes vont dépendre de la réalisation des

profits joints de la firme intégrée. Ces derniers peuvent être connus par la firme

intégrée par le biais d’un audit interne. Crocker conclue, donc, que l’intégration

verticale implique la connaissance de l’information privée sans éliminer

complètement le problème d’agence.

Ainsi, les résultats d’Arrow et de Crocker vont dans le même sens des

définitions de l’intégration verticale proposées par Williamson et Riordan dans

la mesure où l’intégration verticale implique un changement dans la structure

d’information. Ces idées restent, cependant, difficiles à confirmer ou à réfuter

d’un point de vue théorique puisqu’elles font référence d’une façon directe à la

notion d’autorité au sein d’une firme et à la justification de cette autorité.

Page 180: thèse hamdaoui

180

Néanmoins, l’intégration verticale pourrait faciliter l’accès à l’information

privée par d’autres moyens, notamment, par l’instauration d’une relation basée

sur la confiance mutuelle et la continuité. En outre, d’un point de vue

dynamique, les intérêts des différents agents de la firme finissent avec le temps

par s’harmoniser car, généralement, les intérêts de deux agents de la même firme

sont souvent moins conflictuels que ceux de deux firmes différentes.

3.7 Conclusion

Dans la tradition de l’Ecole de Harvard, l’intégration verticale a été souvent

assimilée à une manœuvre stratégique visant essentiellement le renforcement du

pouvoir de monopole et la restriction de la concurrence effective et potentielle.

Par conséquent, l’intégration verticale ne peut être qu’une source de nuisance au

fonctionnement du marché et devrait, ainsi, être sanctionnée par les lois

antitrust. Mais cette conception a été fortement remise en cause, grâce à l’apport

de l’Ecole de Chicago qui a montré que l’intégration verticale n’est pas toujours

justifiée par des considérations anticoncurrentielles et qu’elle peut, au contraire,

être une source d’accroissement du bien-être social. C’est le cas notamment

lorsque l’intégration verticale est justifiée par le désir d’éliminer la distorsion de

la double marge dans une structure de monopoles successifs ou celle de

l’indétermination du prix et de négociation dans une structure de monopole

bilatéral. C’est le cas également, mais dans une moindre mesure, lorsque

l’intégration verticale est justifiée par le désir d’élimination de la distorsion

créée par la substitution des inputs ou celui de la discrimination par le prix.

Enfin, l’intégration verticale permet aux entreprises concurrentielles, d’une part,

d’avoir une plus grande flexibilité face aux incertitudes sur l’offre et/ou la

demande, et d’autre part, d’éliminer, ou du moins, de réduire les effets de

l’asymétrie de l’information et des problèmes d’agence, qui en découlent, entre

des entreprises appartenant à des stades verticaux successifs.

Page 181: thèse hamdaoui

181

Chapitre 4 :

Les Déterminants de l’Intégration Verticale dans les

Théories Contractuelles

4.1 Introduction

Contrairement aux arguments avancés par la théorie du monopole, l’explication

de l’intégration verticale par les théories contractuelles se caractérise par une

plus grande généralité. D’ailleurs, la force de l’argumentation de la théorie des

coûts de transaction se manifeste, d’une part, dans sa capacité de réexpliquer les

différents déterminants de l’intégration verticale avancés par la théorie du

monopole par des considérations transactionnelles, et d’autre part, dans sa

manière de positionner le problème de l’intégration verticale dans le contexte du

choix institutionnel de la forme de gouvernance la plus efficiente. La théorie des

coûts de transaction suppose, en effet, que l’intégration verticale et le marché

sont tous les deux des formes de gouvernance ayant pour objectif principal la

coordination des activités de production. Par conséquent, le choix efficient

dépend de l’arbitrage entre les coûts et les économies occasionnés par chacune

des deux formes de gouvernance.

La théorie des coûts de transaction reconnaît, ainsi, que l’intégration verticale

occasionne à la fois des coûts (notamment les coûts bureaucratiques liés à

Page 182: thèse hamdaoui

182

l’accroissement de la taille de l’entreprise et les coûts occasionnés par les

changements des incitations des agents et la difficulté de reproduire les fortes

incitations du marché) et des économies (notamment les économies des coûts de

transaction). Cependant, lorsqu’une relation d’échange est caractérisée par un

degré élevé de spécificité des actifs, les économies permises par l’intégration

verticale dépassent largement les coûts qu’elle occasionne. Par conséquent, le

choix de l’intégration verticale est, souvent, justifié par l’importance des actifs

spécifiques qui ramènent les relations d’échange à des situations de monopole

bilatéral. Or, ces situations s’accompagnent souvent de propensions

opportunistes de part et d’autre, chose qui rend impossible la tenue de ces

relations dans des conditions optimales.

4.2 Discussion des arguments classiques de l’intégration verticale

4.2.1 Les explications technologiques de l’intégration verticale

L’entreprise moderne est, sans aucun doute, une entreprise technologiquement

avancée et complexe. Devant une telle complexité, il faut adopter une forme

organisationnelle qui permet la production des biens et des services dans des

conditions de l’efficience. Dans ce contexte, on croit, généralement, qu’une

intégration verticale complète est la solution organisationnelle pour créer,

produire et mettre sur le marché, avec efficacité, des produits et des services

complexes. En effet, l’argument de l’interdépendance technologique est l’un

des plus familiers dans le langage de l’intégration verticale. Ainsi, l’intégration

du fournisseur et du client peut permettre le rapprochement de certaines activités

réduisant ainsi les coûts de production. La finalité de l’intégration dans ce

contexte est attachée à la possibilité de réunir géographiquement et/ou

temporellement certaines activités de production, car certains processus de

production successifs dans le temps et dans l’espace dictent, par nature, des

Page 183: thèse hamdaoui

183

configurations de fabrication efficientes et particulières.

Cette conception considère la firme comme une fonction de production. De

grandes firmes intégrées, dans lesquelles la production est obtenue en joignant

des facteurs de production fongibles, pour produire selon des spécifications

techniques, sont considérées comme la règle plutôt que l’exception. L'exemple

classique est celui de l’intégration de la fabrication du fer et de l’acier

permettant la réalisation d’économies de réchauffement du minerai. En effet,

l'intégration permet la réalisation d’économies substantielles de l’énergie car la

jonction des deux stades permet d’éviter le réchauffement du minerai en vue de

l’utiliser dans le stade de fabrication de l’acier (Bain (1959), p. 381).

Ainsi, les décisions d’intégration sont rarement dues aux incitations

technologiques. C’est le fait d’être source d’économies de transaction qui

explique le plus souvent les décisions d’intégration. La technologie ne peut être

un facteur déterminant de l’organisation économique que lorsqu’il existe une

seule technologie qui domine largement toutes les autres. En plus, cette

technologie doit impliquer une forme organisationnelle unique. Or, dans la

réalité il est rare de trouver une seule technologie faisable. Il est d'autant plus

rare que le choix entre les formes d’organisation soit déterminé par la

technologie. Souvent, celle-ci est considérée comme facteur déterminant

l’ensemble des modes d’organisation faisables. Le choix final de la décision

d’intégration est donc lié à des considérations se rapportant aux relations

contractuelles (Williamson (1985), p. 87).

Pour justifier la décision d’intégration dans ce contexte, supposons que les

différents modes d’organisation utilisent la même technologie et faisant

abstraction de certaines sources d’économies100

. A cet effet, considérons deux

stades de production séparables. Un entrepreneur qui décide d’entrer dans le

stade aval doit choisir un mode d’organisation pour le stade amont. Si on

100

telles les économies des coûts de transport

Page 184: thèse hamdaoui

184

suppose que la technologie dans le stade amont est la même dans les deux cas de

figure, l'intégration pourra être justifiée par les économies des coûts de transport.

Cependant, cet argument reste superficiel du moment où un autre producteur

indépendant du stade amont pourrait s’installer à côté du lieu de production du

stade aval.

Sachant que les deux stades en question sont technologiquement séparables, et

sachant qu’il n’y a aucune distorsion liée aux conditions du marché, le seul

facteur pouvant expliquer le choix de l’intégration verticale se rapporte au fait

que l’installation côte-à-côte des deux producteurs implique des risques

d’association liés aux modalités de l’échange. Ces risques incombent aux

caractéristiques des actifs et de la relation contractuelle de l’échange. Si on

suppose que le stade amont requiert un investissement en équipement

spécifique, les problèmes contractuels entre les producteurs indépendants seront

limités du moment où la relation peut être interrompue et les actifs redéployés

pour d’autres usages. Les problèmes apparaissent, par contre, si le stade amont

requiert des investissements durables spécialisés ou si la réallocation des actifs

est très coûteuse.

La conclusion que nous pouvons tirer de cet exemple simplifié est que la

technologie n’est pas déterminante dans l’organisation économique lorsqu’il est

possible d’adopter d’autres moyens contractuels qui peuvent permettre

l’utilisation de la même technologie.

4.2.2 Cycle de vie des industries et intégration verticale

D’après Smith (1776), la spécialisation dans le domaine industriel et la division

du travail sont liées à l’étendue du marché. Lorsque les débouchés sont limités,

les artisans assurent la majorité des tâches que nécessite la fabrication d’un

produit afin de compenser la limitation de la production. En revanche, lorsque

Page 185: thèse hamdaoui

185

les marchés sont importants, les artisans se spécialisent de plus en plus dans des

tâches spécifiques en vue d’accroître leur productivité pour satisfaire toute la

demande. Ainsi, le degré de spécialisation s’accentue avec l’élargissement des

marchés et vice versa. Sur la base de ce théorème, on peut lier le degré

d’intégration verticale au cycle de vie d’une industrie. Ainsi, dans les industries

naissantes et jeunes, les firmes ont, généralement, tendance à s’intégrer

davantage. Mais à mesure que les industries croissent, les firmes tendront à se

désintégrer. Enfin, durant l’étape de déclin, les firmes connaissent une seconde

tendance à la réintégration (Stigler (1951)).

Figure 4.1 : Cycle de vie et intégration verticale

Cette explication de l’intégration verticale se fonde sur la théorie du cycle de vie

d’une industrie ou d’un produit (Vernon (1950)) qui stipule qu’une production

passe, généralement, par une série de phases successives : démarrage,

croissance, ralentissement et déclin (figure 4.1). Ainsi, les industries naissantes

se caractérisent, généralement, par des situations de monopoles (en raison des

brevets d’invention d’une part, et de l’étroitesse des marchés de l’autre). En

revanche, les industries croissantes et les industries mûres se caractérisent par

Croissance

Naissance

Déclin

Intégration Désintégration Réintégration Temps

Grandeur de

croissance

Grandeu

r de

Page 186: thèse hamdaoui

186

des régimes concurrentiels ou des régimes oligopolistiques (en raison de la levée

de la protection des droits de brevets, de la vulgarisation du savoir et de

l’élargissement des marchés).

Dans les industries naissantes, les firmes ont tendance à s’intégrer verticalement

car le niveau de la production à chaque stade est si petit qu’il peut y avoir des

firmes spécialisées et des marchés intermédiaires. Durant cette étape, les firmes

s’intègrent dans la majorité des stades verticaux pour compenser l’étroitesse du

marché, mais également pour protéger les procédés industriels contre l’imitation

par des concurrents potentiels. Par contre, au fur et à mesure que la demande

pour le bien final s’accroît, les firmes se spécialisent de plus en plus dans les

activités les plus rentables et désintègrent celles qui le sont moins. Enfin, durant

la période de déclin d’une industrie, les marchés commencent à se rétrécir, ce

qui se traduit généralement, par un mouvement de réintégration des différentes

firmes de l’industrie.

L’explication de l’intégration verticale par des considérations technologiques

reste, cependant, peu convaincante. En effet, les formes organisationnelles des

firmes ne sont pas déterminées par les étapes du cycle de vie des industries, mais

plutôt, par la spécificité des relations contractuelles durant chaque étape de ce

cycle. Pour s’en convaincre, il suffit de se poser la question suivante : qu'est-ce

qui empêche l'organisation de la production, sur un marché donné, par une seule

firme spécialisée ?

L’apparition d’une firme spécialisée qui produit une quantité suffisante du bien

intermédiaire pour satisfaire ses besoins et ceux des firmes rivales pose des

difficultés de nature transactionnelle. D’une part, les contrats à long terme sont

limités à cause des contraintes de la rationalité limitée et de l’opportunisme.

D’autre part, le marché spot est aléatoire en raison du petit nombre. Les aspects

de ces arguments peuvent être illustrés par la figure 4.2 : *

1AC représente la

courbe du coût unitaire d’une firme spécialisée (outsider) qui décide d’entrer au

Page 187: thèse hamdaoui

187

marché. D’un côté, la firme spécialisée va bénéficier des économies d’échelle, et

de l’autre, elle va supporter les coûts d’installation. Ainsi, la courbe sAC

1 est

supérieure à *

1AC parce que les coûts d’installation vont compenser largement

les économies dont bénéficie la firme spécialisée.

Figure 4.2 : Courbe de coûts unitaires des firmes dans l’industrie

Source : Williamson (1975) Market and hierarchies, New York Free Press, p. 18.

Si l’introduction d’une firme spécialisée (outsider) n’est pas envisageable à

cause de l’importance des coûts d’installation, il en serait autrement pour une

firme déjà installée qui voudrait produire la totalité des besoins du marché. Cette

dernière ne supporterait pas, en effet, les coûts d’introduction au marché et

bénéficierait, en contre partie, des économies d’échelle. Dans ce cas, la

comparaison ne se ferait pas entre les points A et B, mais plutôt entre A et C.

Nous pouvons étendre la comparaison pour inclure la courbe *

2AC qui représente

les coûts unitaires en deuxième période d’une firme déjà installée qui décide de

produire pour satisfaire l’ensemble des besoins du marché ( TQ1 ) durant la

première période. La courbe *

2AC est inférieure à *

1AC grâce aux économies de

Quantité

Coût

TQ1

A B

D

sAC1

*

1AC

*

2AC

iQ1

C

Page 188: thèse hamdaoui

188

l’apprentissage. Ainsi, la comparaison entre le point A et le point D implique

deux sources d’économies: les économies d’échelle permises par la

spécialisation, et les économies d’apprentissage relatives à la situation de

monopole de la firme spécialisée. Par conséquent, la croissance de l’industrie ne

remettrait pas en cause ces avantages puisque les autres firmes ne pourront pas

rivaliser avec la firme intégrée. En se référant uniquement au coût unitaire, il est

préférable qu’une firme déjà installée produise pour satisfaire ses besoins et

ceux de ses rivales. Le fait que les choses ne se fassent pas de cette façon

signifie qu’il y a d’autres choses qu’il faudrait prendre en considération.

4.2.3 La discrimination par les prix

La discrimination par les prix est l’un des arguments les plus cités, par les

tenants de la théorie du monopole, pour expliquer l’intégration verticale. En

effet, lorsque le monopole ne dispose pas d’une information suffisante sur les

goûts et les préférences des consommateurs et/ou lorsqu’il ne peut empêcher

l’arbitrage entre les différentes catégories de ses consommateurs, l’intégration

verticale s’avère une solution efficace pour faciliter la discrimination.

L’incitation à l’intégration verticale est, donc, liée aux problèmes de l’asymétrie

de l’information, de la rationalité limitée et de l’opportunisme. Le problème

peut, ainsi, être traité en utilisant les arguments de la théorie des coûts de

transaction.

Supposons, en effet, un monopole dont les fonctions de demande et de coûts

sont illustrées à la figure 4.3. La tarification uniforme, par le monopole,

implique une restriction de l’output en deçà de l’optimum social ( *Q ). Le niveau

de l’output qui maximise le profit du monopole quant à lui est donné par mQ

entraînant un prix supérieur au coût marginal (distorsion du mark up).

Lorsque la discrimination parfaite est possible, le monopoleur imposera à

chaque consommateur un tarif équivalent à son prix de réservation, ce qui

Page 189: thèse hamdaoui

189

permet une élimination de la restriction de l’output causée par la tarification

d’un prix uniforme. La discrimination permet, donc, la réalisation de l’efficience

de l’allocation des ressources. Cependant, ce résultat suppose, de façon

implicite, que le monopole connaisse les préférences individuelles des

consommateurs d’une part, et puisse empêcher l’arbitrage de l’autre. En d’autres

termes, la relation entre le monopole et les consommateurs doit être caractérisée

par une symétrie de l’information, par l’absence d’opportunisme de la part de

ces derniers et par une rationalité illimitée du premier. Or, ces hypothèses sont

difficilement atteintes ce qui remet en cause les conclusions des effets de la

discrimination sur le bien être-social. En effet, l’introduction des coûts de

transaction dans le raisonnement complique davantage la décision de se

prononcer pour ou contre la discrimination par les prix.

Figure 4.3 : Discrimination et surplus

Source : Williamson (1975) Market and Hierarchies, New York Free Press, p.

12

Pour la simplicité du raisonnement, supposons que les coûts de transaction sont

indépendants du niveau de l’output. Ainsi, pour connaître les préférences des

consommateurs et empêcher l’arbitrage, le monopoleur doit supporter un coût

équivalent à T. Dans ce cas, la discrimination par les prix sera profitable pour le

Prix

cP

CM

Cm

D Rm

1A

2A

mP

mQ *Q

Quantité

Page 190: thèse hamdaoui

190

monopoleur si la variation nette de son profit est positive (si TAA 21 ). En

revanche, l’utilité sociale de la discrimination n’est possible que si TA 2 étant

donné que 1A correspond au surplus du consommateur. La comparaison

concernera, donc, le montant de la perte sèche et celui des coûts de transaction.

Si TA 2 , la discrimination par les prix sera bénéfique du point de vue social car

elle permet l’accroissement des profits du monopole d’une part, et du surplus

des consommateurs de l’autre101

. Par contre, si TA 2 , la discrimination

entraînera un accroissement des profits du monopole au dépens des

consommateurs.

Sur la base de cet exemple, nous pouvons conclure que l’intégration verticale

facilite la discrimination par les prix parce qu’elle permet de minimiser les coûts

de transaction. En effet, l’intégration verticale permet aux entreprises de.

Connaître les préférences des clients qu’elles intègrent et d’empêcher l’arbitrage

entre les différentes catégories de clients.

4.2.4 Distorsion des proportions variables

Lorsque le produit d’un monopole est utilisé conjointement avec un autre

produit concurrentiel comme input par une industrie aval concurrentielle, les

firmes du stade aval auront tendance à utiliser davantage l’input concurrentiel

que celui du monopole. Cette pratique s'observe lorsque les deux inputs sont

utilisés dans des proportions variables. Ce comportement se traduit, d’une part,

par une sous utilisation de l’input du monopole, et d’autre part, par une

déviation des conditions de l’efficience au niveau des combinaisons techniques

des deux inputs. Le monopole se trouvera incité à s’intégrer en aval pour éviter

la sous utilisation de son bien au stade aval et éliminer la distorsion en

choisissant la combinaison technique optimale.

101

Si le surplus social total n'est pas touché, alors il y a juste un transfert des consommateurs vers les

producteurs.

Page 191: thèse hamdaoui

191

La substituabilité des inputs constitue, certes, une incitation pour le monopole de

s’intégrer en aval, mais c’est surtout l’asymétrie de l’information et

l’opportunisme qui font que les firmes aval choisissent des combinaisons

inefficaces des inputs. En effet, en absence d’opportunisme, le monopole

pourrait imposer aux firmes aval les proportions qui respectent les conditions de

l’efficience même si les deux inputs sont substituables. Dans ce cas, la distorsion

des proportions variables serait éliminée sans que le monopole soit contraint de

s’intégrer. Mais dans la réalité, les coûts que doit supporter le monopole pour

faire respecter les conditions de l’optimalité sont assez élevés pour qu’une

relation d’échange puisse avoir lieu. L’intégration verticale se justifie, donc, par

son aptitude à minimiser les coûts de transaction à travers l’instauration d’une

symétrie de l’information et l’atténuation de la propension opportuniste de la

division aval du monopole intégré.

Il s’avère, donc, plus vraisemblable que la théorie des coûts de transaction est

capable d’expliquer la plupart des incitations ou des déterminants de

l’intégration verticale par le biais de son raisonnement micro analytique et

institutionnel. D’ailleurs, les tenants de cette approche soutiennent l’idée qu’une

firme ne peut s’intégrer verticalement que pour des considérations

transactionnelles (minimisation des coûts de transaction) ou pour des raisons

anticoncurrentielles. En revanche, tous les déterminants avancés par la théorie

du monopole trouvent une explication transactionnelle qui se rapporte à la

rationalité limitée, à l’opportunisme, ou à l’asymétrie de l’information.

4.3 Les limites organisationnelles de l’intégration verticale

Si, dans une industrie donnée, la production n’est pas organisée par une grande

firme, c’est parce que l’intégration verticale présente un certain nombre de

limites qui font que le recours au marché soit moins coûteux. Le premier type de

ces limites se rapporte à la dimension de la firme et aux complications qui en

Page 192: thèse hamdaoui

192

résultent, notamment en matière de rationalité limitée, d’incertitude et

d’opportunisme. Le second type de limites se rapporte quant à lui aux problèmes

qui apparaissent lors du passage du mode de marché à celui de l’organisation

interne.

4.3.1 Les limites à la taille d’une firme

La question de la taille optimale d’une firme a constitué depuis longtemps, un

dilemme pour les économistes. La discussion dans la littérature économique a

porté essentiellement sur l’hypothèse des rendements décroissants de la fonction

du management. Dans ce cadre, Knight (1933) 102

affirme que «the relation

between efficiency and size of firm is one of the most serious problems of

theory, being, in contrast with the relation for a plant, largely a matter of

personality and historical accident rather than of intelligible general principles.

But the question is peculiarly vital, because the possibility of monopoly gain

offers a powerful incentive to continuous and unlimited expansion of the firm,

wich force must be offset by some equally powerful one making for decreased

efficiency». L’explication de Knight attribue les limites de l’entreprise aux

conditions de rationalité limitée. Au fur et à mesure que l’incertitude augmente,

les problèmes d’organisation deviennent de plus en plus complexes, et on atteint

les limites de la compétence cognitive. Knight affirme que «the question of

diminishing returns from entrepreneurship is really a matter of the amount of

uncertainty present. To imagine that a man could adequately manage a business

entreprise of indefinite size and complexity is to imagine a situation in which

effective uncertainty is entirely absent »(Knight (1933), p. 286).

Par contre, Lewis (1983)103

affirme que les grandes firmes établies tireront

toujours de plus grands profits de leurs facteurs de production que les petits

102

F. Knight (1933) Risk, Uncertainty and Profit, NewYork Harper and Row, p. 23, cité par .Williamson (1967)

Corporate Control and Business Bchavior, Prentice Hall Incorporation. 103

T. Lewis (1983) « Preemption, Divestiture and Forward Contracting in a Market Dominated by a Single

Page 193: thèse hamdaoui

193

entrants potentiels. La raison est que «the leader can at least utilize the input

exactly as the entrant would have used it, and earn the same profits as the

entrant. But typically, the leader can improve on this by coordinating production

from this new and existing inputs. Hence, the new input will be valued more by

the dominant firm and he will outspend the would-be entrant to acquire it».

Autrement dit, si la grande firme est en mesure d’utiliser les facteurs de

production de la même manière qu’une firme plus petite, alors elle peut faire

tout ce qu’une firme plus petite pourrait faire. Par conséquent, les industries ne

sont pas partout organisées comme des monopoles uniquement à cause de la

vigilance et des restrictions des pouvoirs publics. Supposons que deux firmes

soient en concurrence, leur fusion devrait toujours faire apparaître des gains nets

(exploitation des économies d’échelle, réduction des frais généraux et des frais

dus à la concurrence). L'intégration entraîne, incontestablement, une réduction

de l’incertitude suite à la disparition de la rivalité stratégique. Mieux encore, les

décisions ne sont pas prises du haut de la hiérarchie mais à un niveau très bas

permettant ainsi leur résolution de la façon la plus appropriée. Ainsi, en

conférant des statuts semi-autonomes aux divisions de la firme intégrée, on peut

présumer que l’optimum peut être réalisé aux deux niveaux. Les décisions qui

sont prises de façon plus efficace à des niveaux opérationnels seront assignées

aux centres de décisions des divisions de la firme, et celles dont la centralisation

est susceptible de générer des gains nets seront déplacées vers le haut de la

hiérarchie. L’intervention en haut de la hiérarchie se fera, ainsi, de façon

sélective et, par conséquent, la firme intégrée sera en mesure de faire tout ce que

les deux firmes autonomes faisaient auparavant.

Enfin, Williamson (1967) a montré que les limites imposées à la taille des firmes

peuvent être expliquées par le phénomène de «perte de contrôle » qui relève de

l’application à l’organisation hiérarchique de ce que Bartlett (1932)104

définissait

Firm », The American Economic Review, vol.73, n°3, pp. 1092-1101. 104

F. Bartlett (1932) Remembring, Cambridge, University Press, p. 175, cité par Williamson (1967) op.cit.

Page 194: thèse hamdaoui

194

comme l’effet de reproduction en série dans la transmission de messages ou

d’images entre individus. En invoquant la condition de la rationalité limitée et

en remarquant que celle-ci implique des espaces limités de contrôle, Williamson

applique l’argument de Bartlett au dilemme de la taille de la firme. Ainsi, si un

dirigeant ne peut traiter directement qu’avec un nombre limité de subordonnés,

alors l’accroissement de la taille de la firme occasionne nécessairement

l’addition de niveaux hiérarchiques. Les informations transmises au travers de

ces niveaux subissent donc des pertes qui sont de forme cumulative et

exponentielle. Par conséquent, au fur et à mesure que la taille de la firme

augmente et que des niveaux successifs d’organisations sont ajoutés, les effets

de perte de contrôle finissent par excéder les gains.

Cependant, l’argument de Williamson ne tient pas compte de la possibilité de

l’intervention sélective. En effet, toutes les informations qui ont un rapport avec

les décisions sont transmises de la base vers le sommet de la hiérarchie au

travers des niveaux successifs, et toutes les directives suivent le chemin inverse.

Or, l’organisation interne n’a pas besoin d’adopter cette structure car le sommet

de la hiérarchie peut traiter avec chacune des divisions en tolérant des activités

où aucun gain net n’est attendu de façon à pouvoir reproduire exactement

l’attitude d’une petite firme. Ainsi, l’explication de perte par la reproduction en

série ne s’applique pas si l’on admet une telle intervention sélective.

4.3.2 Intégration verticale et difficultés de l’intervention sélective

L’organisation d’une transaction par le marché se caractérise, entre autres, par la

création de fortes incitations pour les agents intervenants dans la transaction.

« Par fortes incitations, il est fait référence au statut de demandeur résiduel par

lequel un agent, soit par un accord, soit par la définition en vigueur des droits de

propriété, s’approprie un flux de revenu net dont les recettes brutes et les coûts

sont fonctions des efforts fournis par cet agent» (Williamson (1985), p. 166). En

Page 195: thèse hamdaoui

195

d’autres termes, l’intensité des incitations fait référence au niveau de motivation

des agents économiques. Plus ils sont propriétaires de leurs affaires, plus ils sont

motivés à trouver des solutions efficaces. Par conséquent, le passage du mode de

marché vers celui de l’organisation interne entraîne un changement au niveau

des incitations. Ce changement se traduit par une baisse des efforts des agents en

vue de maximiser les gains nets étant donné qu’ils n’en seront plus des

bénéficiaires résiduels.

Une manière de préserver les incitations fortes du marché consiste à appliquer,

lors d’une opération de fusion entre deux firmes indépendantes, une intervention

sélective susceptible de reproduire exactement les conditions de fonctionnement

de l’échange marchand. L’intervention sélective consiste à procéder à un

changement de la propriété qui respecte les conditions suivantes :

- l’établissement d’un accord sur le prix de transfert des actifs,

- l’accord sur une formule déterminant le prix auquel le produit doit être

transféré de la division amont de la firme intégrée (service

d’approvisionnement) à la division aval (service des achats),

- l’affectation des bénéfices nets entre les deux divisions selon la participation

de chacune d’elles à la création de ces bénéfices. Ainsi, le service

d’approvisionnement s’appropriera ses revenus nets définis comme les revenus

bruts moins la somme des coûts opérationnels, les charges d’utilisation

(maintenance et dépréciation des actifs) et les autres frais pertinents (tels que les

frais de recherche-développement),

- en supposant que la fusion corresponde à une acquisition du fournisseur par

son client, le premier devra accepter sans résistance les décisions de l’acheteur

visant à s’adapter à de nouvelles circonstances, afin de réaliser par la suite des

gains collectifs.

Ainsi, la propriété unifiée des actifs est susceptible de préserver les fortes

incitations et d’éviter un marchandage coûteux. En même temps, l’intervention

sélective permet des économies de prise de décision adaptative et séquentielle.

Page 196: thèse hamdaoui

196

Cependant, la préservation des incitations fortes dans les firmes pose de

nombreux problèmes.

4.3.2.1 Les pertes dues à l’utilisation inadéquate des actifs

L’intégration verticale implique un changement fondamental dans le statut des

différents agents. En effet, si les règles de fortes incitations sont employées, le

fournisseur ne sera plus propriétaire des actifs de la division amont de la firme

intégrée, mais plutôt, un simple directeur du service des approvisionnements. De

ce fait, il n’aura plus les mêmes incitations pour utiliser l’équipement avec le

même soin et pour assurer la même maintenance préventive. L’objectif du

directeur sera de maximiser les recettes nettes immédiates du service

d’approvisionnement en économisant les coûts de main d’œuvre d’une part, et

en utilisant de façon intensive les équipements.

Ces agissements peuvent être atténués en utilisant des moyens de vérification

contre les abus sur les actifs. Le nouveau propriétaire peut insister pour que

certaines procédures d’utilisation et de maintenance soient observées.

Cependant, le contrôle du respect de ces procédures nécessite des coûts

supplémentaires qui ne seraient pas nécessaires en absence d’intégration.

4.3.2.2 Les pertes dues aux manipulations comptables

Dans une fusion verticale, la valeur de cession d'un actif dépend des flux de

recettes nettes espérés par le vendeur. En projetant un flux de recettes nettes

positif, le fournisseur pourrait accepter de céder la propriété des actifs à un prix

très bas. Dans ce cas, il risque d’être révoqué, une fois que l’opération de fusion

est accomplie. Pour éviter une telle situation, le fournisseur peut, tout de même,

exiger une garantie de maintien de son emploi. Mais de telles garanties risquent

d’être de moindre utilité si les recettes nettes du service d’approvisionnement

peuvent être altérées de façon substantielle par l’exercice d’une discrétion

comptable. L’altération des recettes nettes peut être effectuée par la diminution

Page 197: thèse hamdaoui

197

des prix de transfert et/ou la majoration des imputations de coûts. De même,

l'incomplétude des contrats nécessite, certainement, des ajustements futures de

la règle du prix de transfert. Ces ajustements ne posent pas de problème en

absence de spécificité des actifs puisqu’il suffit de se référer au marché pour

s’accorder sur le niveau de ce prix. Toutefois, si les actifs sont spécifiques, et si

un accord mutuel n’est pas atteint, la position du directeur d’un service des

approvisionnements, dans une firme intégrée, sera plus fragile. En effet, malgré

les garanties d’emploi, le directeur peut être facilement écarté s’il refuse

d’accepter les termes proposés en procédant tout simplement à sa réaffectation.

La détermination des prix de transfert devient alors une décision unilatérale du

service des achats qui possède les actifs des deux stades.

4.3.2.3 L’affaiblissement des incitations à l’innovation

L'Histoire des entreprises montre que l'innovation peut être bureaucratisée avec

succès : « nous employons beaucoup de gens qui, laissés à leur propre

imagination, n’auraient pas l’esprit de recherche. En d’autres termes, nous

engageons les gens à être curieux en tant que groupe… Nous nous chargeons de

créer la capacité de recherche par la pure pression de l’argent » (Hambourg

(1963), p. 107). L’avantage de l’intégration réside dans le fait que la coopération

en matière de recherche-développement peut s’établir plus aisément. Il existe,

cependant, des projets pour lesquels l’utilisation de fortes incitations donne des

résultats meilleurs. Comment les services non intégrés se comparent-ils, donc,

aux services intégrés dans la mise en place d’incitations à innover ?

Si un service des approvisionnements, dans une firme intégrée, est partiellement

responsable du succès (de l’échec) d’un effort d’innovation, il sera difficile de

déterminer, avec précision, sa participation dans la réalisation de ce succès

(échec), ce qui pose un problème de partage des bénéfices (coûts) entre les deux

services. Mais puisque la firme a le pouvoir de remédier aux disparités par

décision administrative, et puisque faire le contraire entraîne de sévères tensions,

Page 198: thèse hamdaoui

198

les fortes incitations du marché sont susceptibles d’être compromises. Ainsi,

l’anticipation par la direction du service des approvisionnements de ces tensions

aura pour conséquence l’affaiblissement ex post des incitations à l’innovation.

En fait, même si le partage des gains entre fournisseur et acheteur pouvait se

décider de façon objective, il est peu probable que les parties respectent les

accords ex ante de partage des bénéfices au prorata. Souvent la redistribution se

fait en faveur des propriétaires et au détriment des unités opérationnelles à

travers la manipulation du prix de transfert et des règles de comptabilisation des

coûts. Le problème est lié, en réalité, à la question de l’asymétrie de

l’information. En effet, même si les propriétaires s’abstiennent de telles

pratiques, il serait difficile de convaincre les dirigeants de la bonne volonté des

propriétaires, ce qui se traduit inévitablement par un affaiblissement des

incitations à l’innovation.

En conclusion, il est souvent difficile de réaliser une intervention sélective qui

réunit simultanément les bénéfices de l’adaptation séquentielle permis par

l’intégration verticale et ceux permis par les fortes incitations du marché car le

transfert d’une transaction du marché à la firme est généralement accompagné

d’une diminution des incitations. Les efforts pour maintenir ces incitations

constantes, s’avèrent ainsi illusoires.

4.4 Spécificité des actifs et intégration verticale

La comparaison institutionnelle entre les différents modes d'organisation doit

tenir compte de l’ensemble des coûts occasionnés par l’organisation d’une

transaction. Le mode d’organisation optimal, pour une transaction donnée, sera

donc celui qui implique le minimum de coûts agrégés (coûts de production et

coûts de transaction).

4.4.1 Choix séquentiel de la technologie et du mode d’organisation

D'après l'économie des coûts de transaction, le facteur principal qui explique

Page 199: thèse hamdaoui

199

l’intégration verticale est la spécificité des actifs. En absence de spécificité, la

contractualisation du marché sera la solution la plus efficiente puisqu'elle permet

non seulement des économies de production, mais également des économies des

coûts de gouvernance. Cependant, lorsque la spécificité des actifs augmente,

l’équilibre se déplace en faveur de l’organisation interne.

De manière formelle, les principales différences entre le marché et

l’organisation interne sont les suivantes :

- les marchés favorisent les fortes incitations et restreignent les distorsions

bureaucratiques avec plus d’efficacité que l’organisation interne,

- les marchés peuvent agréger, avec profit, les demandes en réalisant des

économies d’échelle et de gamme ("scale and scope economies"),

- l’organisation interne dispose d’instruments de gouvernance et de

coordination plus pertinents.

Considérons la décision d’une firme de fabriquer ou d’acheter un bien ou un

service particulier. Supposons qu’il s’agisse d’un composant qui doit être ajouté

à l’unité centrale et que la quantité à fournir soit fixe. Les facteurs cruciaux qui

déterminent la décision de fabriquer ou d’acheter sont, donc, le contrôle du coût

de production et la facilité d'effectuer une adaptation séquentielle ou inter-

temporelle. Soit )(k les coûts bureaucratiques de la gouvernance interne et

M(k) les coûts de gouvernance du marché, où k est un indice de spécificité des

actifs. Admettons que )0( est supérieure à M(0)105

, et supposons que M' est

supérieure à ' pour chaque valeur de k106

. Soit enfin, )()( kMkG .

105

Les incitations fortes du marché favorisent un contrôle plus strictes des coûts de production, mais pendant que

se construit une relation de dépendance bilatérale entre les parties, elles entravent la facilité d'adaptation en

raison de la transformation fondamentale. 106

Cette inégalité est une conséquence de l'incapacité comparative du marché en terme d'daptabilité séquentielle.

Page 200: thèse hamdaoui

200

Figure 4.4 : Comparaison des coûts de gouvernance

Source : Williamson (1985) The Economic Institutions of Capitalism, New

York Free Press, p. 91

L'approvisionnement sur le marché est, donc, préféré lorsque la spécificité des

actifs est faible (

kk ). Par contre, l'organisation interne est préférable lorsque

les actifs sont spécifiques à la relation en raison de la dépendance bilatérale.

Cependant, il ne faut pas perdre de vue que les marchés sont souvent aptes à

agréger les demandes réalisant ainsi des économies d'échelle et de gamme107

. Il

faudrait, donc, tenir compte des différences de coûts de production108

.

Notons par C , la différence de coûts de production entre l'organisation interne

107

Les économies d'échelle correspondent à la réduction des coûts en ajoutant des pommes aux

pommes: )()()( 2121 XCXCXXC . En revanche, les économies de gamme correspondent à la réduction

des coûts en ajoutant des pommes aux oranges: )()(),( YCXCYXC . 108

Les économies d'échelle et de gamme ne constituent pas forcémnt la base des décisions d'Les économies

d'échelle et de gamme ne constituent pas forcémnt la base des décisions d'acheter ou de fabriquer. Ainsi, si des

économies de gamme peuvent être réalisées en vendant le bien en même temps qu'une variété d'articles de même

nature, la firme pourra s'intégrer en aval dans la commercialisation et vendre son produit avec d'autres articles

sur une base paritaire (voir le point 4.2.2 pour plus de précisions).

k

Coûts

0 G

_

k

M0

Page 201: thèse hamdaoui

201

et le marché. En l'exprimant en fonction de k, cette quantité sera décroissante

mais positive tout au long de l'axe. Pour les transactions standardisées (k faible),

le marché permet de grandes économies d'agrégation et donne un avantage de

coûts de production comparativement à l'organisation interne. Au fur et à mesure

que le degré de spécificité augmente, l'avantage de coût du marché décroît tout

en restant positif. Avec un niveau élevé de k, les économies d'agrégation d'une

offre extérieure ne peuvent plus être réalisées, et la firme peut produire sans

pénalité pour ses propres besoins.

Figure 4.5 : Comparaison des coûts de production et de gouvernance

Source : Williamson (1985) The Economic Institutions of Capitalism, New York Free

Press, p. 93

L'objet n'est pas de minimiser C ou G chacune séparément, mais plutôt de

minimiser la somme des différences de coûts de production et de gouvernance

( GC ) étant donné un niveau optimal de spécificité des actifs. Ainsi, la

Coû

ts

k

0

C

G

GC

_

k ^

k

Page 202: thèse hamdaoui

202

courbe ( GC ) devient négative pour une valeur de

k supérieure à

k . Les

économies d'échelle et de gamme favorisent, par conséquent, l'organisation de

marché pour des valeurs de k qui sont plus élevées par rapport au scénario où

ces économies ne sont pas prises en considération.

Avec un degré optimal de spécificité des actifs (*

k ), la figure 4.5 nous permet de

voir que :

- l'approvisionnement sur le marché possède des avantages à la fois en termes

d'économies d'échelle et de gouvernance quand la spécificité optimale des

actifs est faible (

kk*

),

- l'organisation interne est plus avantageuse quand la spécificité optimale des

actifs est substantielle (

kk*

),

- pour des degrés intermédiaires de spécificité optimale des actifs, seules de

petites différences de coûts apparaissent. Dans ces cas, il se peut qu'émerge

une gouvernance mixte où certaines firmes vont recourir au marché et

d'autres choisissent l'organisation interne. Les deux solutions seront, par

contre, sources d'inefficience et d'insatisfaction,

- l'organisation interne n'est jamais choisie pour des raisons de coûts de

production ( kC ,0 ).

4.4.2 Choix simultané de la technologie et du mode d'organisation

Le raisonnement précédent suppose un processus séquentiel où le choix de la

technologie est fait avant celui des modes d'organisation. Or, ces deux

composantes devraient être traitées symétriquement, car ce sont des variables de

décisions dont les valeurs sont déterminées simultanément.

Supposons, ainsi, que le marché et la firme utilisent la même technologie de

Page 203: thèse hamdaoui

203

production109

. La fonction des recettes dans les deux modes est donnée par

)(XRR , et les coûts de production sont tels que:

0et0;0avec),,( XkX CCCkXCC

où représente l'effet de la spécificité des actifs sur les coûts de production.

Une valeur élevée de implique une grande réduction des coûts liée à la

spécificité des actifs :

0et0 Xk CC

On suppose également que représente le coût unitaire de l'actif spécifique.

Ainsi, l'expression de profit correspondant à la structure de recettes R et à celle

des coûts C est donnée par :

kkXCXRkX ),,()(),,(* (4.1)

Les conditions d'optimalité doivent satisfaire les équations suivantes :

0),,(

0),,(

*

*

kX

kX

k

X

Toutefois, l'expression de profit donnée par l'équation (4.1) ne prend pas en

considération les coûts de gouvernance. Posons, ainsi, mi GG et comme étant les

coûts de gouvernance respectifs de l'organisation interne et du marché avec :

0)( avec )(

0et 0 avec )(

kWkWG

VkVG

m

k

i

sachant que )()( kVkW pour une même valeur de k .

Les nouvelles expressions de profits (qui tiennent compte des coûts de

production et des coûts de gouvernance) se présentent, donc, comme suit :

109

Le modèle qui suit est emprunté à Riordan et Williamson (1985).

Page 204: thèse hamdaoui

204

)(.),,()(

))((.),,()(

kWkkXCXR

kVkkXCXR

m

i

Par conséquent, les conditions de premier ordre relatives au mode d’organisation

interne sont données par :

0

0

kk

i

k

XX

i

X

VC

CR

et de façon similaire, celles du marché correspondent à :

0

0

kk

m

k

XX

m

X

WC

CR

Figure 4.6 : Détermination des niveaux optimaux de X et de k

Source : Riordan et Williamson (1985)

Le niveau de la production optimale est obtenu grâce à l’égalisation du revenu

marginal et le coût marginal de production. De même, le niveau optimal de

l’actif spécifique est obtenu par la minimisation de la somme des coûts de

production et des coûts de gouvernance.

k

X

ik

*k

mk

mX

iX

iX

*X

iX

M

I

0m

k

0i

k

0* k

0X

Page 205: thèse hamdaoui

205

Puisque )0( courbe la ,0 m

kkk VW se situe en dessus de ( 0i

k) qui se situe

elle-même en dessus de ( 0* k

). Par conséquent, les valeurs de X et de k qui

maximisent le profit dans les trois configurations sont telles que :

mi

mi

kkk

XXX

*

*

Le problème de maximisation correspondant à ** ketX est purement

hypothétique dans la mesure où il ne tient pas compte des coûts de gouvernance.

Par conséquent, la comparaison doit être effectuée entre la combinaison M

correspondant au mode d’organisation du marché et la configuration I

correspondant au mode d’organisation interne. Cette comparaison intéresse les

profits dans chaque mode organisationnel exprimés en fonction de la spécificité

des actifs.

Figure 4.7 : Comparaison des profits dans les deux modes organisationnels

Source : Riordan et Williamson (1985)

Le profit dans le mode de marché est unique et il est exprimé par m . En

revanche, dans le mode d’organisation interne, il y a une multitude de courbes

i en fonction de la valeur du paramètre..

La valeur de i est décroissante en fonction de . Pour

)(0

i

m

)(1i

k

mk ik

Page 206: thèse hamdaoui

206

)()( aon 1010 ii . Mais, les valeurs optimales de X et de k ne

dépendent pas de puisque cette dernière n’est pas incluse dans les conditions

de premier ordre. Ainsi, pour 0

le profit du mode d’organisation interne

est supérieur à celui du mode de marché. Par contre, pour 1 le mode de

marché devient plus profitable.

4.5 Monopole bilatéral et problème du hold up

4.5.1 La transformation fondamentale

Dans la pratique des enchères, il est d’usage de reconnaître que les conditions

auxquelles sera passé un marché initial varient selon que des offres collusives

peuvent ou non être émises par plus d’un fournisseur. Il y aura des conditions de

monopole s’il n’y a qu’un seul fournisseur postulant pour ce marché. En

revanche, les conditions de concurrence se caractérisent par l’existence de

plusieurs postulants disposants d’un même niveau de qualification. Cependant,

la contractualisation initiale marque simplement le début d’un processus

dynamique. Pour faire une évaluation complète, il ne suffit pas d’examiner les

conditions de concurrence ex ante, mais il faut examiner, également, l’exécution

du contrat et la concurrence ex post au moment du renouvellement du contrat.

En effet, une situation qui présente au départ un grand nombre d’offreurs

n’implique pas nécessairement le maintien ultérieur de cette même situation.

L’inefficience ex post de la concurrence varie selon que le bien ou le service

considéré sera supporté par des investissements durables en actifs humains ou

physiques spécifiques à la transaction. Lorsque de tels investissements ne sont

pas impliqués, l’offreur qui remporte l’enchère initiale ne bénéficie pas

d’avantages sur les autres concurrents. Toutefois, ces rivaux ne peuvent plus être

considérés sur un même pied d’égalité une fois qu’ont été mis en place des actifs

spécifiques à la transaction. En effet, la conséquence fondamentale de

Page 207: thèse hamdaoui

207

l’investissement en actifs spécifiques dans une relation contractuelle est que,

malgré le fait que le fournisseur et l’acheteur puissent se choisir mutuellement,

ex ante, parmi un groupe d’offreurs et de demandeurs concurrents, ils finissent

par former un monopole bilatéral ex post, dans la mesure où ils sont incités à

échanger entre eux plutôt qu’avec des tiers. En conséquence, ce qui était au

départ une situation de concurrence se transforme par la suite en une situation de

dépendance bilatérale. Cette transformation fondamentale a de multiples

conséquences sur la contractualisation (Williamson (1985), p. 84).

La raison pour laquelle l’investissement dans des actifs spécifiques durables

(introduisant une dépendance bilatérale) introduit une asymétrie contractuelle

entre la partie qui investit dans la relation et ses rivales est due au fait que la

rupture de la relation d’échange serait préjudiciable à la fois pour l’offreur et

pour le demandeur. La contractualisation anonyme est ainsi supplantée par une

contractualisation dans laquelle l’identité des parties est déterminante. En

d’autres termes, la valeur économique de l’actif spécifique du fournisseur sera

sérieusement altérée en cas de redéploiement de cet actif pour d’autres usages

d’une part, et l’acheteur ne pourra plus trouver des sources favorables de l’autre.

De ce fait, les deux parties se trouvent enfermées dans une relation de

dépendance bilatérale qui donne, souvent, naissance à des tensions et des

propensions opportunistes de part et d’autre entraînant une transformation

fondamentale due essentiellement à une relation d'échange caractérisée par la

spécificité des actifs. Toutefois, la spécificité ne concerne pas uniquement les

actifs physiques, car il existe également des cas d’investissement en capital

humain spécifique. C’est le cas des économies permises par une formation et un

apprentissage spécialisés dont les bénéfices ne peuvent être réalisés que si la

relation entre l’acheteur et le vendeur est maintenue. De même, il peut y avoir

une économie supplémentaire liée à la spécificité de la transaction au niveau de

l’interface entre fournisseur et acheteur lorsque les contrats sont successivement

adaptés à des événements en cours et lorsque l’on parvient à des accords de

Page 208: thèse hamdaoui

208

renouvellement périodique des contrats. Il s’agit notamment des économies de

communication liées au développement d’un langage spécialisé et l’implication

personnelle et institutionnelle des individus ayant la responsabilité d’adapter les

interfaces entre les deux parties (Williamson (1985), p. 85).

Liés dans une relation de monopole bilatéral, l’acheteur et le vendeur se

retrouvent, donc, dans une situation stratégique de négociation pour un gain

"incrémental" chaque fois qu’une proposition d’adaptation est faite par l’une des

parties. Bien que l’un et l’autre aient un intérêt, à long terme, à effectuer les

adaptations du type maximisation des profits joints, chacun d’eux cherchera à

s’approprier le maximum de gain à chaque période. Ces propensions

opportunistes aboutissent, ainsi, à un marchandage coûteux qui est susceptible

de dissiper tous les gains issus de la relation d’échange et nécessite le recours à

des structures de gouvernance capables d’atténuer l’opportunisme et de ramener

la confiance entre les deux parties.

4.5.2 Le problème du hold up dans une relation de monopole bilatéral

Dans la réalité, les relations d’échange entre un vendeur et un acheteur sont

souvent caractérisées par une fréquence plus ou moins importante. La répétition

de ces relations incite souvent les différentes parties à effectuer des

investissements en des actifs qui leur permettent d’améliorer les gains de

l’échange. Ces gains ne seront, toutefois, possibles que si les investissements en

question sont spécifiques à la relation d’échange entre les deux parties. En

d’autres termes, il est difficile, voir impossible, de redéployer ces actifs pour

d’autres fins ou d’autres usages sans qu’ils subissent une détérioration

substantielle de leur valeur. De plus, les gains espérés de ces investissements

sont souvent imprévisibles et les circonstances extérieures dans lesquelles ils

opèrent sont inconnues, ou non vérifiables par une tierce partie. Mais, une fois

Page 209: thèse hamdaoui

209

que ces circonstances sont connues et les surplus à partager sont réalisés110

, la

partie qui n’a pas investit dans la relation peut menacer l’autre de cesser

l'échange s'il y a refus de partager le surplus additionnel qu’elle a pu réaliser en

investissant dans des actifs spécifiques. En exploitant la situation de dépendance

bilatérale, un membre d’une relation d’échange peut, ainsi, exproprier l’autre

membre de ses « quasi-rentes » même si le surplus a été généré grâce à

l'investissement de ce dernier. C’est cette expropriation, qu’on qualifie de « hold

up » (Goldberg (1976)), qui complique la contractualisation dans une structure

de monopole bilatéral. Bien entendu, le problème du hold up pourrait être résolu

dès le départ si le vendeur et l’acheteur étaient capables de rédiger un contrat

complet qui permettrait le partage du surplus entre les deux. Cependant, les

contrats sont souvent incomplets dans la pratique, à cause des coûts de

transaction111

. En effet, certaines contingences rencontrées par les parties ne

peuvent être souvent prévisibles à la date de signature du contrat. Ensuite, même

si elles le sont, il peut y avoir trop d’états contingents à inclure dans le contrat.

Enfin, la mise en œuvre et le contrôle de l’exécution d’un contrat sont souvent

très coûteux.

De ce fait, les éléments clés qui président à l’apparition du problème du hold up

dans une relation d’échange peuvent être résumés ainsi :

1- La prédominance de contrats incomplets qui nécessitent des révisions dans le

futur en raison de la difficulté, voir de l’impossibilité, de spécifier ex ante les

règles de partage du surplus ex post. Ce partage dépendra principalement des

rapports de forces ex post qui sont difficilement prévisibles au début de la

relation et qui dépendent à leur tour du mode d’organisation.

2- L’existence de biens d’investissements spécifiques irréversibles qui bloquent

ex post les partenaires dans une relation bilatérale.

110

Ces surplus sont qualifiés de « quasi-rentes appropriables » par Alchian, Crawford et Klein (1978)). 111

Ou plus précisément, à cause de l’incertitude, de la rationalité limitée, de l’opportunisme et de l’asymétrie de

l’information.

Page 210: thèse hamdaoui

210

3- Le caractère fréquent et répétitif des transactions et de la relation d’échange

entre les deux parties.

Il y a une littérature abondante qui a discuté le problème du hold up, et qui peut

être divisée, néanmoins en deux courants :

1. Le premier utilise une approche purement transactionnelle à la manière de

Williamson, et considère que la cause du problème est purement transactionnelle

en raison de la rationalité limitée traduite par l’incapacité des parties à rédiger

des contrats contingents complets, et de l’opportunisme de la partie qui

n’investit pas dans la relation d’échange. L’analyse dans ces travaux

(Williamson (1985), Alchian, Crawford et Klein (1978) et Tirole (1989)) se fait

sur la base de la comparaison entre l’intégration verticale et le marché en tant

que solutions au problème. Ainsi, lorsqu’une relation d’échange nécessite des

investissements spécifiques importants, Williamson (1985) et Alchian et al

(1978) préconisent l’intégration verticale entre le vendeur et l’acheteur. Celle-ci

permet de résoudre les principaux problèmes crées par les situations de

monopole bilatéral, à savoir :

- La difficulté de marchandage, entre le vendeur et l’acheteur, sur le choix du

prix du bien objet de l’échange.

- L’incitation ex ante du vendeur et/ou de l’acheteur au sous-investissement en

actifs spécifiques en raison de la crainte de l’un d’entre eux d’être exproprié

par l’autre.

En effet, l’intégration verticale présente l’avantage d’éviter à la partie qui

investit de subir le comportement opportuniste de l’autre, ce qui permet de

maintenir l’incitation à l’investissement à son niveau optimal.

2. Le second courant utilise quant à lui l’approche des contrats incomplets, qui

soutient l’idée que le problème du hold up peut être résolu par la rédaction d’un

contrat incomplet. Entre les deux solutions extrêmes (intégration verticale et

marché), il y a toute une série de contrats incomplets qui peuvent donner les

Page 211: thèse hamdaoui

211

mêmes résultats permis par l’intégration verticale tout en évitant les

inconvénients de celle-ci (Grossman et Hart (1986), Holmstrom et Tirole (1989)

et Hart et Moore (1990)). Ainsi, les deux parties peuvent s’en remettre à une

tierce partie susceptible de prendre les décisions efficaces se rapprochant le plus

de celles qu’un contrat complet aurait spécifié. Toutefois, le recours à une tierce

partie (arbitre externe) peut s’avérer très coûteux. Les personnes extérieures

peuvent ne pas posséder l’information adéquate permettant de prendre la

décision efficace (c’est le cas notamment lorsque les attributs de l’échange et/ou

l’investissement spécifique ne sont pas vérifiables). De façon analogue, le

pouvoir de décision, dans les contingences non spécifiées, peut être donné à

l’une des parties concernées sans exclure la possibilité de renégociation ex post

(Grossman et Hart (1986)). De ce fait, l’autorité modifie le point de statu quo

dans le processus de négociation en plaçant la partie qui la possède dans une

meilleure situation de marchandage. Dans ce cas, la non-intégration sera

préférable à l’intégration à condition que les deux parties puissent se mettre

d’accord ex ante sur une règle de partage du surplus réalisé. Toutefois, le

raisonnement de Grossman et Hart (1986) suppose des investissements

spécifiques « inaliénables »112

. Cette hypothèse est déterminante dans la

comparaison des formes d’organisation. En effet, lorsque les coûts

d’investissement sont inaliénables, l’intégration verticale n’affecte pas les

incitations à l’investissement113

. Dans ce cadre, Holmström et Tirole (1989)

montrent que la comparaison des deux formes d’organisation dépend

essentiellement de la nature des actifs spécifiques. Si ces derniers sont

aliénables, l’intégration verticale impliquera un surplus total supérieur à celui de

la non-intégration, et dans le cas contraire, la seconde solution sera la plus

112

Grossman et Hart (1986) supposent que les coûts d’investissement sont supportés par la partie qui investit

indépendamment de la structure de propriété. En d’autres termes, les investissements correspondent à des actifs

humains non transférables et dont les gains ne peuvent être compensés par un contrat incomplet. 113

Le changement de propriété d’un actif affecte les incitations à l’investissement uniquement lorsque cet actif

est aliénable (actif physique ou financier).

Page 212: thèse hamdaoui

212

avantageuse.

4.6 Spécificité des actifs et intégration verticale : quelques évidences

empiriques

A partir des années 80, la discussion théorique sur le rôle des coûts de

transaction dans la détermination des relations verticales a été considérablement

enrichie. Le degré de la spécificité des actifs est devenu le facteur clé dans

l’explication du choix de la forme d’organisation la plus efficiente. Cette

avancée théorique de l’approche des coûts de transaction était confirmée par de

nombreuses études empiriques ayant pour objet la confrontation des hypothèses

de la théorie à la réalité industrielle et commerciale. Pourtant, ces travaux

empiriques étaient confrontés à de nombreux obstacles qui revêtent un caractère

à la fois méthodologique et pratique. Il fallait, en premier lieu, que la théorie

puisse fournir une relation structurelle assez claire entre un ensemble de

variables dépendantes et un autre ensemble de variables explicatives. Ensuite, il

fallait être capable de mesurer empiriquement ces variables de sorte qu'elles

reflétent, avec précision, la signification des concepts théoriques. Enfin, il fallait

cerner les théories alternatives afin de procéder à la comparaison des résultats

obtenus.

Mais, malgré ces difficultés, les deux dernières décennies ont connu une

floraison de nombreux travaux empiriques basés sur des approches

méthodologiques et des niveaux d’analyse très variés et rend difficile

l’établissement d’une typologie ou d’une classification exhaustive de ces études.

Néanmoins, Williamson (1985) proposa une taxinomie sommaire basée

essentiellement sur des critères méthodologiques dont on trouve notamment :

1- Les modèles statistiques (utilisant, par exemple, les techniques probits) dans

lesquels les attributs des transactions sont associés à une forme

Page 213: thèse hamdaoui

213

organisationnelle. C’est le cas de l’étude de l’intégration verticale dans

l’industrie automobile de Monteverde et Teece (1982).

2- Les tests bi variés qui associent les attributs des transactions aux modes

contractuels, notamment les études de la contractualisation dans l’aérospatial

et dans le transport de Masten (1984) et Palay (1984).

3- Les études de cas précis comme c’est le cas de l’étude de la télévision par

câble de Williamson (1976).

4- Les études des caractéristiques contractuelles et de la structure de

gouvernance des contrats à long terme. C’est le cas notamment des études

des contrats à long terme dans le domaine du charbon de Goldberg et

Erickson (1982) et Joskow (1985).

5- Les études d’industries précises, parmi lesquelles il faut signaler le traitement

par Stuckey de l’intégration verticale et des filiales communes dans

l’industrie de l’aluminium (1983).

6- Les études sur le changement des pratiques organisationnelles tel qu’il est

relaté dans la littérature de l’histoire des entreprises faite par Chandler

(1977).

Cette classification regroupe, donc, des études qualitatives qui insistent sur le

côté organisationnel, les structures de gouvernance et les formes contractuelles,

et des études quantitatives qui utilisent des techniques économétriques et des

données chiffrées pour expliquer le choix de l’intégration verticale. Les deux

approches (qualitative et quantitative) doivent être appréhendées dans une

logique de complémentarité susceptible de contourner les difficultés de la

vérification empirique tout en évitant les comparaisons hiérarchisantes de la

pertinence des deux approches.

Ainsi, sans avoir la prétention de manifester une préférence pour une approche

particulière, notre intérêt sera axé sur les études quantifiées dans le but de

Page 214: thèse hamdaoui

214

spécifier les principales techniques statistiques utilisées dans le traitement de la

question de l’intégration verticale. Pour ce faire, nous allons distinguer, d’une

part les études intra-industrielles spécifiques à des industries précises, et d’autre

part, les études interindustrielles visant à effectuer des comparaisons entre les

différentes branches industrielles.

4.6.1 Les Etudes empiriques intra-industrielles

La plupart des études intra-industrielles de l’intégration verticale ont les

caractéristiques suivantes en commun :

- elles utilisent les tests bivariés et les modèles statistiques pour spécifier les

déterminants de l’intégration verticale,

- elles retiennent la spécificité des actifs comme principal facteur déterminant le

choix de l’intégration verticale,

- elles utilisent des données correspondant à un niveau d’analyse micro

analytique,

- le cadre institutionnel retenu correspond, pour certaines études, au choix

restreint entre l’intégration verticale et le marché, et pour les autres au choix

plus large entre l’intégration verticale, les contrats à long terme et le marché

spot.

Ces études n'insistent, cependant, pas toutes sur le même type de spécificité des

actifs. On peut distinguer, en effet, celles qui mettent en avant la spécificité des

actifs humains (Monteverde et Teece (1982), Walker et Weber (1984), Masten

(1984) et Anderson et Schmitlein (1984)) et celles qui accordent plus

d’importance à la spécificité du site (Palay (1981), Stuckey (1983), Joskow

(1985)).

Page 215: thèse hamdaoui

215

4.6.1.1 Spécificité de l’actif humain et intégration verticale

La spécificité de l’actif humain est une caractéristique des industries de la haute

technologie qui nécessitent des employés hautement qualifiés et une évolution

permanente des procédés de fabrication. C’est le cas notamment, des industries

aérospatiales, électroniques et d’automobile. Cette particularité a été mise en

lumière grâce à de nombreuses études empiriques afin de justifier l’intégration

verticale des firmes de ces industries.

Parmi les études pionnières dans ce domaine, on trouve notamment celle de

Monteverde et Teece (1982) sur le degré d’intégration latérale des deux géants

de l’industrie automobile américaine, à savoir les compagnies Ford et General

Motors. L’objet de l’étude était double :

- savoir si les deux compagnies fabriquent elles-mêmes les composants qui

rentrent dans la construction de leurs voitures, ou recourent-elles plutôt à des

fabricants indépendants pour se les procurer,

- vérifier si la spécificité des actifs est déterminante dans le choix des deux

compagnies entre la solution de fabrication d’un composant et celle de son achat

à l’extérieur.

Pour ce faire, les deux auteurs ont retenu une liste de 133 composants rentrant

dans la fabrication d’une automobile en spécifiant pour chacun d’eux s’il est

fabriqué par la compagnie elle-même ou au contraire acheté à un fabricant

indépendant. Cette spécification permettra, ainsi, de mesurer l’intégration

verticale à l’aide d’une variable auxiliaire qui prend la valeur 1 si le composant

est fabriqué par la firme et la valeur 0 dans le cas contraire.

D’un autre côté, les auteurs ont choisi 8 variables explicatives du choix entre

l’intégration verticale et le marché :

- la première variable correspond à un indice d’échelle qui relate le degré de

spécificité de l’actif humain (effort d’ingénierie) dans la fabrication de chaque

Page 216: thèse hamdaoui

216

composant,

- la seconde est une variable auxiliaire permettant d’identifier les composants

spécifiques à la compagnie et les autres composants génériques,

- la troisième est une variable également auxiliaire qui permet de distinguer les

deux compagnies,

- les dernières sont des variables auxiliaires représentant les sous-systèmes d’un

véhicule (moteur, châssis, ventilation, équipement électrique, habitacle).

Les résultats de l’étude étaient significatifs dans le sens où les composants

spécifiques sont généralement fabriqués par les deux compagnies qui se

procurent, en revanche, les composants génériques chez des fabricants

indépendants. La spécificité de l’actif humain, ou plus particulièrement, le

savoir-faire industriel spécialisé dans une firme particulière, est important dans

la définition des frontières d’efficacité des deux entreprises.

Ces résultats ont été confirmés et développés davantage par l'étude de Walker et

Weber (1984) dont l’échantillon était constitué entièrement de pièces

relativement simples représentant les facteurs de production à l’étape initiale

d’assemblage de la fabrication d’une automobile. Les données correspondaient à

des observations micro analytiques sur les achats des composants, d’ingénierie

de fabrication, d’ingénierie de production et de ventes et constituaient soixante

décisions prises par une division des composants pour laquelle un comité avait

été formé afin d’évaluer les avantages de fabriquer ou d’acheter. Ces données

ont, ainsi, révélé des effets significatifs de la spécificité des actifs, de

l’incertitude et des économies d’échelle sur les différences comparatives de

coûts de production entre acheteur et fournisseur.

Les deux études précédentes révèlent, donc, clairement le rôle fondamental de la

spécificité de l’actif humain (ingénierie et savoir-faire) dans le choix de

l’intégration verticale au niveau des industries automobiles. A cet effet, le rôle

Page 217: thèse hamdaoui

217

de la spécificité des actifs physiques et de site semble moins important, quoique,

relativement significatif dans le choix organisationnel des fabricants automobile.

Ceci a été vérifié formellement dans une étude de Masten, Meehan et Snyder

(1989) à l’aide d’un modèle économétrique (utilisant la méthode des moindres

carrés ordinaires, la méthode Tobit et un modèle logistique).

La primauté de la spécificité de l’actif humain dans le choix de l’intégration

verticale n’est, cependant, pas inhérente à l’industrie automobile. Ce résultat a

été, en effet, confirmé dans d’autres industries, notamment le domaine de

l’aérospatial et celui de l’électronique. Ainsi, le travail de Masten (1984) s’est

intéressé à l’organisation de la production dans l’industrie spatiale et les

politiques gouvernementales d’approvisionnement. Les données de l’étude ont

été recueillies à l’aide d’un questionnaire qui tente de ranger un échantillon de

composants en fonction de la spécificité du design et du site et la complexité du

composant. A l’aide d’un modèle probabiliste de maximisation, Masten trouve

que la spécificité et la complexité sont déterminants dans le choix de

l’intégration verticale de la firme aérospatiale. Il confirme, en effet, que « les

données sur le système aérospatial appuient l’affirmation selon laquelle la

complexité et la spécificité de conception sont des conditions nécessaires, sinon

suffisantes, pour la rupture de la coopération dans les échanges réalisés par le

marché et pour l’intégration consécutive de la production dans la firme. En

outre, les politiques d’approvisionnement professées par le gouvernement

ajoutent des détails qui ne sont pas encore disponibles dans l’analyse formelle,

tels les effets de la valeur absolue des investissements pour le besoin de

structures de gouvernance spécialisées » (Masten (1984), p. 417).

L’importance de la spécificité des actifs humains a été, enfin, confirmée par

Anderson et Schmitlein (1984) dans l’organisation de la commercialisation et la

fonction marketing de l’industrie des composants électroniques. La définition de

l’intégration verticale retenue fait référence à la nature de la relation entre la

Page 218: thèse hamdaoui

218

firme et la force de vente114

. Ainsi, à l’aide de l’estimation d’une fonction

logistique, ils concluent que l’intégration est associée à l’accroissement des

niveaux de spécificité des actifs, de la difficulté d’évaluation des performances

et à la combinaison de ces deux facteurs.

Malgré son importance, la spécificité des actifs humains n’est, cependant, pas le

seul facteur expliquant le choix de l’intégration verticale. Les autres types de

spécificité sont parfois plus déterminants dans ce choix, notamment dans les

industries à forte intensité capitalistique et les industries minières.

4.6.1.2 Spécificité des actifs physiques et du site

D’habitude, les firmes des industries hautement capitalistiques investissent,

souvent, dans des équipements coûteux et spécialisés mais générateurs

d’importantes économies en coûts de production et de transport. Cette

spécialisation implique, cependant, une dépendance bilatérale des firmes aux

différents stades verticaux, chose qui accroît la propension opportuniste dans la

majorité des relations d’échange entre ces firmes. Le même phénomène se

retrouve dans les industries minières où la dépendance bilatérale n’est pas due

uniquement à la spécialisation des équipements, mais également à la nécessité

d’installation des unités industrielles en proximité des mines et la spécificité de

site qui en découle.

Dans ce cadre, la littérature empirique abonde d’études qui mettent en avant le

rôle de la spécificité des équipements et de site dans les formes de

contractualisation caractérisant ces industries. La première illustration se réfère

au secteur des transports, et plus particulièrement aux formes de

contractualisation entre les producteurs et les chemins de fer. Palay (1981)

montre, en effet, que même si la majorité des types de fret par rail ne prêtent pas

114

L’intégration verticale suppose que la firme dispose d’un personnel de vente dont les employés sont

rémunérés par un salaire. En revanche, la non-intégration suppose l’organisation des agents de vente sous forme

Page 219: thèse hamdaoui

219

à discussion, en ce que les affréteurs contractent pour des services standardisés,

certains posent des problèmes de conception de wagons et/ou de manipulation.

Par exemple, les wagons « grand cube » sont spécialisés en fonction du fret des

pièces automobiles. Ces wagons plus grands et plus coûteux que les wagons

standards, peuvent être transférés entre les fabricants automobiles sans sacrifice

de valeur. Cependant, les supports utilisés pour assurer la sécurité des pièces en

transit sont crées pour les besoins de chaque producteur, et par conséquent, ils

leur sont spécifiques. C’est pour cette raison que les supports sont généralement

possédés par les affréteurs. Palay précise, ainsi, que les wagons-citernes et les

wagons-trémies répondent davantage à la logique théorique : « Cet équipement

est généralement construit en fonction des substances particulières qui doivent

être transportées…Un revêtement de verre ou de caoutchouc, l’équipement

spécialisé pour pressuriser les volumes et éviter les dommages ne sont que

quelques uns des exemples de l’équipement unique qui est employé…. Les

précautions d’emploi le rendent trop coûteux pour essayer de modifier un wagon

afin de manipuler un produit différent à chaque voyage, et le nettoyage implique

d’importantes dépenses en équipement et en technologie. Le coût des wagons-

citernes pouvait aller de 50 à 100 mille dollars » (Palay (1981), p. 129-130).

La nature hautement idiosyncrasique de l’équipement avait amené, par ailleurs,

les affréteurs à posséder leurs propres wagons-citernes et wagons-trémies.

La seconde illustration du problème insiste, à la fois, sur le rôle de la spécificité

de l’équipement et celui de la spécificité du site. Il s’agit, en effet, de l’étude

approfondie de Stuckey (1983) sur l’industrie d’aluminium et l’intégration en

amont dans les gisements de bauxite. Pour avoir une idée sur les facteurs qui

influent sur cette intégration, Stuckey présente d’abord les caractéristiques

fondamentales de la transformation de la bauxite :

- la différence de coût à transformer de façon efficace une bauxite semi-hydratée

de firmes séparées.

Page 220: thèse hamdaoui

220

par une technologie de haute température, au lieu d’un raffinage à basse

température atteint presque 100 pour cent,

- des abris pour entreposer la bauxite sont nécessaires pour certains minerais

mais non pour d’autres,

- les coûts de transformation du résidu varient fortement,

- l’équipement contre la pollution de l’air est ajusté selon les attributs de la

bauxite.

Ces caractéristiques du processus de transformation de la bauxite nécessitent,

ainsi, un investissement spécifique en proximité et en équipement. D’ailleurs,

Stuckey résume très bien la situation en affirmant que « la nature de monopole

bilatéral de la relation d’échange de la bauxite résulte de plusieurs facteurs

techniques et structurels largement immuables. D’abord, la bauxite est un

produit hétérogène et le minerai de chaque gisement a des propriétés chimiques

et physiques uniques. La transformation efficace d’une bauxite donnée requiert

généralement une raffinerie faite sur mesure avec des technologies élaborées

spécialement pour la transformation chimique, la manipulation des matières

premières et la destruction des déchets. Une fois que sont développées une mine

et l’infrastructure qui lui est associée, et qu’est construite sa raffinerie de façon

appropriée, les deux usines sont liées l’une à l’autre selon le degré économique

de complémentarité technique. La vérification empirique indique que, en termes

économiques, la complémentarité est souvent forte, ce qui signifie que pour une

large gamme de prix de transaction de la bauxite, la mine et la raffinerie sont

économiquement unies ensemble. Il existe également un second ensemble de

facteurs qui lient ensemble mines et raffineries : il y a la grande distance

géographique qui sépare dans le monde les principaux gisements de bauxite, les

grandes distances entre les gisements et les usines de première fusion, la faible

valeur de la bauxite à la sortie de la mine par rapport aux tarifs de fret, et la

réduction de plus de 50 pour cent du volume de matière première lors du

Page 221: thèse hamdaoui

221

raffinage. Les trois derniers facteurs favorisent une localisation frontale des

mines et des raffineries pour des raisons de coûts de transport » (Stuckey (1983),

p. 290).

Stuckey remarque, enfin, que les problèmes de contractualisation entre mines et

raffineries se compliquent davantage à cause des problèmes de l’asymétrie de

l’information sur la qualité et l’étendue des gisements de bauxite. Ces

considérations renforcent, ainsi, l’incitation à l’intégration verticale du fait de la

spécificité des actifs physiques de l’usine et de la spécificité du site, ce qui

explique assurément la prépondérance de cette forme organisationnelle.

Dans un contexte différent, Joskow (1985) utilise la même argumentation pour

expliquer la prédominance des contrats à long terme et la rareté de l’intégration

verticale dans la relation entre les entreprises qui exploitent les mines de

charbon et les distributeurs d'électricité aux Etats-Unis. En effet, cette relation

exige souvent des investissements spécifiques de la part des mines de charbon

en capacité d’exploitation, et de celle des compagnies électriques en générateurs

et en chaudières adaptées à un type particulier de charbon. Toutefois, Joskow

distingue deux contextes géographiques opposés :

- Dans l’Est des Etats-Unis, les mines sont nombreuses et ont peu de rendement

d’échelle, ce qui implique l’existence d’un grand nombre de compagnies

électriques. De même, les moyens de transport du charbon sont nombreux et

compétitifs, de sorte que les parties ont un vaste choix de partenaires. Enfin, le

charbon produit par les diverses mines est assez homogène, de sorte que la

confection de chaudières spéciales n’a pas, vraiment, raison d’être.

- Dans l’Ouest des Etats-Unis, il y a peu de mines de charbon avec un fort

rendement d'échelle. Il y a aussi moins de concurrence dans les transports que

dans l’Est, et la qualité du charbon est très variable.

La différence dans le nombre de mines, la qualité du charbon et la disponibilité

des moyens de transport dans les deux régions explique, d’après Joskow, la

Page 222: thèse hamdaoui

222

prédominance du marché au comptant du charbon dans l'Est et des contrats à

long terme dans l’Ouest. Il précise également que le manque de concurrence et

l’importance des coûts de transport incitent, généralement, les compagnies

électriques à s’installer près des mines de charbon, ce qui crée des spécificités de

site sans doute responsables de la grande durée des contrats qui relient les deux

parties.

La concordance des résultats et des conclusions des différentes études

empiriques, ci-haut mentionnées, confirme le rôle déterminant de la spécificité

des actifs dans le choix de formes de contractualisation au niveau d’une firme ou

d’une industrie. Mais, ces résultats ont été obtenus en utilisant des données

micro analytiques qui ne sont pas souvent faciles à recueillir et qui se prêtent

difficilement à des comparaisons inter-branches. Par conséquent, il convient de

vérifier si les mêmes résultats peuvent être obtenus avec des données plus

agrégées et à des niveaux plus larges.

4.6.2 Les études empiriques interindustrielles

Contrairement aux études inta-industrielles qui adoptent l’approche des coûts de

transaction (à travers l’importance de la spécificité des actifs) pour expliquer

l’intégration verticale, les études interindustrielles se situent à un niveau

d’analyse plus général et utilisent, par conséquent, une démarche et une

méthodologie différente. De ce fait, ces études revêtent les caractéristiques

communes suivantes :

- elles ont pour objectif principal de vérifier empiriquement les hypothèses

avancées par la théorie des coûts de transaction et celle du monopole pour

expliquer l’intégration verticale,

- elles tentent également de comparer le degré et l’étendue de l’intégration

verticale au sein des différentes industries pour pouvoir tirer des conclusions

Page 223: thèse hamdaoui

223

d’une plus grande généralité,

- elles utilisent des données plus agrégées et, donc, relativement accessibles pour

atteindre leurs objectifs,

- elles se servent des modèles économétriques simples (régression multiple et

moindres carrés ordinaires) pour tester le lien entre la variable expliquée

(l’intégration verticale) et les variables explicatives (représentant les principaux

déterminants de l’intégration verticale).

Ces études se situent dans la lignée et la méthodologie de l’économie

industrielle traditionnelle tout en adoptant des hypothèses différentes. Elles

participent d’une certaine manière à procéder à un rapprochement entre le

raisonnement classique de l’organisation industrielle et celui des nouvelles

théories contractuelles. En d’autres termes, ces études permettent de confronter

les hypothèses des différentes théories en se situant à un niveau d’analyse

commun et en adoptant une démarche unifiée.

Parmi les études qui répondent à ce souci, on trouve l’essai de Levy (1985) sur

l’industrie manufacturière américaine. Cette étude a utilisé une série de données

individuelles relatives à quatre années et portant sur un échantillon de 69

entreprises appartenant à 37 branches industrielles. Pour expliquer l’intégration

verticale dans l’industrie américaine, Levy a construit une dizaine de variables

correspondant aux hypothèses fondamentales de la théorie des coûts de

transaction, notamment l’effet du petit nombre, de la spécificité des actifs, de

l’incertitude et des coûts internes du management :

- pour traduire l’effet du petit nombre et le pouvoir de négociation, Levy utilise

deux variables qui mesurent les économies d’échelle au sein de l’industrie (taille

minimale optimale relative) et le degré de concentration de l’industrie (ratio de

concentration des quatre plus grandes firmes). La grande dimension des firmes

et la forte concentration des marchés impliquent, en effet, de sérieux problèmes

dans l’échange, ce qui incite généralement les firmes de ces industries à

Page 224: thèse hamdaoui

224

s’intégrer davantage,

- en raison de la difficulté de disposer de données précises sur le degré de la

spécificité des actifs, Levy utilise trois variables qui justifient, selon lui,

l’investissement spécifique par une firme. La première variable correspond à la

proximité géographique des clients d’une entreprise par rapport à son siège

(variable qui renvoie à la notion de spécificité de site). Les deux autres variables

correspondent, quant à elles, à l’intensité des dépenses d’une entreprise en

recherche-développement et en publicité (ces variables traduisent l’importance

de la spécificité des actifs physiques et humains),

- l’étude de Levy retient également trois variables pour représenter l’incertitude

qui caractérise l’environnement de chaque entreprise. Les deux premières

variables décrivent la croissance des ventes de la firme et l’incertitude de la

demande (croissance moyenne du chiffre d’affaires et variance), et la troisième

variable mesure la variabilité des profits de l’entreprise (variance des profits de

l’entreprise sur les cinq dernières années). Ainsi, les firmes appartenants aux

industries caractérisées par une grande variabilité des ventes et des profits sont

généralement incitées davantage à s’intégrer verticalement afin de minimiser les

effets de l’incertitude,

- les deux dernières variables retenues par l’étude traduisent l’importance des

coûts internes de l’entreprise (coûts bureaucratiques) à travers la taille de la

firme et le degré de décentralisation dans l’organisation.

Les résultats de l’étude s’étaient révélés significatifs pour les principales

variables explicatives, en particulier celles qui décrivent le degré de

concentration, l’incertitude et les coûts internes d’organisation. En revanche, les

variables décrivant la spécificité des actifs l’étaient moins, mais c’est sans doute

dû à la difficulté de traduire quantitativement cette notion.

Des résultats similaires ont été obtenus par Mac Donald (1985) dans une étude

utilisant des données agrégées des industries manufacturières aux Etats-Unis

Page 225: thèse hamdaoui

225

relatives à l’année 1977. L’objectif de l’étude était de comparer le degré et

l’étendue d’intégration dans les différentes branches et d’expliquer les

différences par des arguments de la théorie des coûts de transaction. Mais à la

différence de l’étude précédente, le travail de Mac Donald retient un nombre

plus réduit de variables explicatives qui insistent essentiellement sur le degré de

la concentration et l’intensité capitalistique d’une industrie :

- l’étude utilise trois variables pour décrire la structure de marché. Les deux

premières représentent les ratios de concentration en amont et en aval d’une

industrie afin de représenter le comportement des vendeurs et des acheteurs sur

le même marché (les deux variables permettent, donc, de décrire le

comportement des firmes d’une industrie à la fois du côté de l’offre et de la

demande). La troisième variable décrit, quant à elle, la dispersion des parts de

marché au sein de chaque industrie,

- l’étude utilise également deux variables pour mesurer l’intensité capitalistique

et l’intensité des dépenses de recherche-développement. Ces deux variables

décrivent, selon Mac Donald, l’importance de la spécificité des actifs.

L’étude révèle des résultats significatifs pour toutes les variables à l’exception

de l’intensité de la recherche-développement. Par conséquent, il semble tout à

fait logique que les industries les plus concentrées et les plus capitalistiques

connaissent un degré d’intégration plus élevé que les autres.

Pour conclure, on peut dire que les études interindustrielles sur l’intégration

verticale aboutissent à des résultats très proches de ceux des études intra-

industrielles, et ce, malgré leurs différences méthodologiques. Cette

concordance prouve une fois de plus que la validité des hypothèses de la théorie

des coûts de transaction et la généralité de son raisonnement ne sont point

tributaires des approches de la vérification empirique. Bien au contraire,

chacune des différentes approches met en exergue une facette de la théorie que

les autres semblent ignorer entraînant ainsi une sorte de complémentarité entre

Page 226: thèse hamdaoui

226

ces approches.

4.7 Conclusion

La théorie des coûts de transaction reconnaît deux raisons principales qui

incitent les entreprises à s’intégrer verticalement. La première raison est justifiée

par des considérations anticoncurrentielles faisant de l’intégration une

manœuvre stratégique qui vise à renforcer le pouvoir de marché de l’entreprise

intégrée au détriment des entreprises rivales effectives et potentielles. La

seconde raison se justifie, quant à elle, par des considérations transactionnelles

liées au choix institutionnel de la structure de gouvernance la plus efficace. Dans

ce cadre, la spécificité des actifs joue un rôle déterminant dans la décision

d’intégration. Ce rôle s’explique par l’irréversibilité de la transformation

fondamentale de toute relation d’échange caractérisée par un degré élevé d’actifs

spécifiques. Ainsi, dès qu’elles sont renfermées dans une situation de monopole

bilatéral, les parties de la relation d’échange sont confrontées au risque du hold

up qui complique davantage le déroulement de l’échange et agit de façon

négative sur l’incitation ex ante des deux parties à l’investissement dans la

relation. Dans une telle situation, l’intégration verticale se présente comme une

solution, souvent, efficace pour maintenir la relation d’échange et rétablir les

incitations à l’investissement.

Page 227: thèse hamdaoui

227

Chapitre 5 :

Les Caractéristiques du Secteur Industriel Marocain

5.1 Introduction

Durant les trois dernières décennies qui ont suivi l’indépendance, la stratégie de

développement industriel au Maroc a été caractérisée par une politique

volontariste d’industrialisation plus ou moins marquée. Cette politique s’est,

cependant, soldée par un gonflement démesuré du secteur public dans l’activité

productive sans parvenir à impliquer réellement le secteur privé dans la

dynamique de l’industrialisation de l’économie. Ce constat s’inscrit dans l’échec

global de la stratégie de développement suivie par les responsables marocains

qui a conduit le pays, dès la fin des années soixante dix, vers une crise

financière, économique et sociale sans précédent. Pour sortir de la crise, le

Maroc a été astreint à prendre des mesures draconiennes préconisées par le

programme d’ajustement structurel et visant l’assainissement de l’économie et la

rationalisation de la gestion publique. Ainsi, depuis 1983, le Maroc a connu de

nombreuses réformes sur le plan institutionnel, économique et financier qui ont

permis de restreindre le rôle de l’Etat et d’établir un cadre incitatif qui offre un

climat propice pour le développement du secteur privé. Ces réformes se sont

traduites, sur le plan industriel, par une évolution progressive de l’industrie

marocaine vers une structure concurrentielle susceptible d’améliorer les

performances internes et la compétitivité externe de cette industrie

Page 228: thèse hamdaoui

228

5.2 Contexte sociopolitique et stratégies de développement au Maroc

Au lendemain de l’indépendance, l’idée de plan s’est imposée comme une

exigence concrète d’une situation nouvelle profondément marquée par l’héritage

colonial. Cependant, la politique de planification au Maroc a suscité, durant les

quatre décennies passées, de nombreuses interrogations sur sa conception du

développement, ses critères de choix, les objectifs et les moyens utilisés d’une

part, et sur son authenticité et son ancrage dans l’espace et dans le temps de

l’autre.

En effet, la nature de la planification marocaine s’est inscrite dans un cadre

libéral qui lui a donné un caractère ambivalent. L’idée du plan n’était, donc, pas

définie comme un acte collectif conscient à multiples dimensions qui a force de

loi, mais plutôt comme un ensemble de tentatives destinées à coordonner et

harmoniser les prises de décision. Ce choix s’explique évidemment par la nature

du régime politique au Maroc qui prône le libéralisme comme choix politique et

le capitalisme comme choix économique. De ce fait, la planification a été

marquée par les caractéristiques suivantes (Malki (1989), p. 194) :

- Le plan n’est pas doté d’un véritable pouvoir de décision dans la mesure où il

ne bénéficie pas de certaines prérogatives en matière de contrôle, d’exécution et

de sanction. Ses attributions se limitent, plutôt, à la confection de programmes

d’investissements publics et à des démonstrations liées à la conjoncture.

- Le plan ne s’inscrit pas dans une dynamique critique qui a la capacité

d’appréhender la réalité mais plutôt dans la logique d’un discours ayant pour

finalité la légitimation des choix officiels.

- Le plan n’incarne pas une dimension d’ordre stratégique. D’ailleurs, dans le

domaine des techniques d’anticipation, le planificateur recourt essentiellement, à

la projection, c’est-à-dire à l’élaboration de tendances futures à partir de

tendances passées. Or, planifier c’est intégrer le temps non pas de manière

statique mais comme un vecteur de dépassement voir de rupture pour édifier une

Page 229: thèse hamdaoui

229

société nouvelle.

- Le discours des planificateurs est fortement marqué par l’économisme,

réduisant le plan à un ensemble de projets plus ou moins coordonnés où la

dimension sociologique, urbanistique, culturelle et écologique ne s’articule pas

de manière organique avec le reste.

Ces caractéristiques ont fait que le bilan de la planification au Maroc ait été

fortement mitigé d’autant plus que le pays ne possède par un marché

suffisamment développé pour jouer son rôle d’institution régulatrice de l’activité

économique, ni une classe d’entrepreneurs capable de donner au secteur privé la

place qu’il devrait occuper dans la dynamique de croissance. D’ailleurs, la

logique de la planification indicative implique des rapports de coopération entre

le secteur privé et le secteur public dans le cadre d’une vision commune. Or,

dans le cas marocain, les défaillances du premier ont gonflé de façon malsaine le

second à tel point que son poids et son étendue ont constitué un obstacle au

développement.

5.2.1 Planification et développement : 1960-1972

Dès son accès à l’indépendance, le Maroc s’est engagé dans une politique de

planification à moyen terme visant essentiellement à amorcer le développement

économique et social à travers la canalisation des ressources publiques dans les

secteurs susceptibles d’accroître la production nationale et de renforcer

l’indépendance économique du pays. Dans ce contexte, la priorité des trois plans

qui couvraient la période 1960-1972 était axée particulièrement sur le

renforcement des infrastructures de base, la formation des cadres et la mise en

place d’institutions d’accompagnement de la politique de développement.

De façon plus précise, la période 1960-1972 s’est caractérisée par un contexte

international relativement favorable particulièrement marqué par une inflation

modérée et un bon niveau de croissance. En revanche, le contexte national

connaissait un conflit idéologique et politique acharné sur les choix et le modèle

Page 230: thèse hamdaoui

230

de croissance à retenir. Ce conflit s’est manifesté nettement en 1963 par la

remise en cause des objectifs du plan quinquennal 1960-1964 et le choix de

l’option libérale dans la version corrigée de ce même plan et ceux de 1965-1967

et 1968-1972.

En effet, le plan quinquennal 1960-1964 s’est défini comme un plan de

transition d’une économie coloniale à une économie nationale à travers une série

de mesures structurelles s’inscrivant dans une stratégie de rupture avec le passé

et devant conduire à l’indépendance économique et financière (Malki (1989), p.

18) :

- Réforme des structures agraires et des conditions d’exploitation agricole

nécessaires au développement de l’agriculture.

- Mise en place d’une industrie de base avec l’attribution d’une fonction centrale

à l’Etat dans ce processus.

- Mise sur pied d’une administration moderne tournée vers le développement.

- Restructuration du système de l’enseignement et de formation conformément

aux besoins du développement économique.

Le plan visait, ainsi, à instaurer des réformes structurelles destinées à réaliser un

objectif de croissance économique fixé à 6,2% grâce à une croissance

industrielle de 10%. Malheureusement, les orientations globales de ce plan

furent abandonnées, dès 1963, suite au changement de l’équipe

gouvernementale et à la crise budgétaire et financière traduite par

l’accumulation des déficits internes et externes.

Ce tournant marque clairement l’affirmation des options économiques libérales

qui ont inspiré fortement le plan triennal 1965-1967, présenté comme un plan de

stabilisation. Ce plan projetait un taux de croissance très modeste (3,7% par an)

et accordait la priorité à l’agriculture, le tourisme et la formation des cadres. En

revanche, l’industrie n’occupait plus, parmi les objectifs fixés, qu’une place

mineure et le plan se contenta de préconiser :

- L’amélioration de l’organisation du marché de travail.

Page 231: thèse hamdaoui

231

- L’orientation des capitaux vers le financement des projets industriels.

- La définition des modalités d’intervention des pouvoirs publics.

En définitive, le rôle de l’Etat était désormais défini comme un rôle d’incitation,

de création et d’aménagement des conditions permissives de l’investissement

privé.

Situé dans une logique de continuité, le plan quinquennal 1968-1972 représente

les mêmes priorités que le précédent (agriculture, tourisme et formation des

cadres) mais avec un changement dans le rythme de la croissance puisqu’il a

fixé un taux de croissance de 4,3% par an. Dans le domaine industriel, le plan a

adopté une politique d’import-substitution basée sur des options différentes de

celles énoncées en 1960. La préférence fut donnée aux industries agro-

alimentaires et aux industries manufacturières légères. Les concepteurs du plan

ont mis en avant le principe de l’industrialisation suivant les avantages

comparatifs en se prononçant explicitement en faveur de la promotion des

industries légères moyennement capitalistiques tournées, soit vers le marché

intérieur, soit vers l’exportation. Par ailleurs, ils ont recommandé de n’envisager

la création d’industries lourdes ou d’industries de montage que si elles puissent

avoir une contribution suffisante au niveau national et que cette contribution

puisse être prouvée par des études détaillées. La finalité de ce choix était

d’utiliser au mieux les possibilités disponibles en capitaux et en cadres, de

valoriser au maximum les activités pour lesquelles le pays était relativement

avantagé par rapport au reste du monde.

Cependant, malgré la performance réalisée en matière de croissance (5,6% par

an), la fin de cette période s’est caractérisée par l’apparition des premières

tensions inflationnistes, l’accumulation des disparités sociales et la nette

progression du niveau d’endettement extérieur.

Page 232: thèse hamdaoui

232

5.2.2 La planification marocaine dans le contexte de stagnation et de crise :

1973-1985

Sur le plan international, le début de la décennie 70 a été marqué par

l’effondrement du système monétaire international, la forte récession des

économies industrialisées et la crise de l’énergie. Cet environnement

économique avait imprégné les choix du planificateur au Maroc qui s’étaient

traduites, dans une première période, par une politique de surchauffe et se sont

soldées par :

- Le choix d’un modèle de croissance volontariste dans un cadre libéral où les

règles du jeu économique sont mieux définies.

- Le maintien et l’élargissement des priorités traditionnelles et du mode incitatif

dans l’affectation des ressources de financement.

En somme, le plan prévoyait un taux de croissance annuel de 7,5% grâce à un

programme d’investissement estimé à 26,3 milliards de dirhams. Ce taux a

même été révisé à la hausse en 1975 à la suite des changements favorables sur le

marché des matières premières et la hausse du prix du phosphate. Les

perspectives générales de croissance étaient, donc, un changement radical dans

le rythme de la progression, et ceci grâce à une formation accélérée de l’épargne

et le développement du secteur des exportations. Toutefois, le bilan du

quinquennat 1973-1977 reste largement mitigé à la fois en terme de croissance

qu’en terme d’effets sur les équilibres monétaires et financiers.

Dans ce contexte, le plan de 1978-1980 a été élaboré dans une perspective de

stabilisation qui préconise des mesures conjoncturelles et d’application limitée

dans le temps destinées essentiellement à faciliter le redressement de l’équilibre

monétaire et financier. Par conséquent, l’accent a été mis sur :

- L’équilibre de la balance commerciale et l’amélioration de la balance des

paiements.

- La recherche de nouveaux moyens de financement par l’utilisation des mesures

d’incitation du secteur privé.

Page 233: thèse hamdaoui

233

- La limitation du déficit budgétaire par l’application d’une politique budgétaire

restrictive.

Ces mesures se sont soldées par un taux de croissance annuel moyen à peine

égal à 3,5% d’autant plus que le plan n’était même pas parvenu à résorber les

déficits et encore moins à rétablir l’équilibre économique et financier.

Malgré ce constat, les responsables ont continué de croire à la possibilité de

relance économique et au dépassement de la crise. Cette volonté s’est traduite

dans la philosophie du plan quinquennal 1981-1985 qui était défini comme

porteur d’une nouvelle vision du développement économique et social en

mettant l’accent sur les aspects qualitatifs et en redéfinissant le rôle de l’Etat en

tant qu’arbitre et orienteur du développement en complémentarité et non en

concurrence avec le secteur privé. Dans ce cadre, le plan s’est situé dans une

vision à plus long terme optant pour un modèle de croissance ambitieux ayant

pour objectif principal la création du maximum d’emplois et la réalisation des

projets fortement économes de devises. Ainsi, la relance s’est appuyée sur une

sélectivité des priorités sectorielles, notamment la sécurité alimentaire et la

sécurité énergétique. La réalisation de ces objectifs était prévue dans un cadre de

croissance estimé à 5,6% par an où le secteur privé jouerait un rôle prépondérant

en participant à plus de 68% des investissements bruts sur la période 1981-1985.

Mais d’ores et déjà, les bases de relance, telles qu’elles sont fixées par le plan,

étaient d’une grande fragilité. En effet, le plan comptait sur le rôle moteur du

secteur privé dans la relance alors que ce dernier était traditionnellement réservé,

de surcroît dans une période de crise. De même, la dynamisation des

exportations n’était pas possible dans un climat international caractérisé par le

repli, la récession et le protectionnisme. D’ailleurs, sous l’effet d’une série de

facteurs internes et externes, le plan a été abandonné de façon définitive dès

1983 pour laisser place à la politique d’ajustement issue des recommandations

de la Banque Mondiale et du Fond Monétaire International.

Page 234: thèse hamdaoui

234

5.2.3 Ajustement structurel et planification

L’application de la politique d’ajustement structurel au Maroc constitue un

tournant très important dans la politique économique et dans la stratégie de

développement poursuivies depuis l’indépendance. En effet, l’avènement de

l’ajustement structurel a impliqué, d’une part, la mise en veille de l’instrument

de la planification, et d’autre part, la remise en cause du rôle de celle-ci dans le

processus de croissance, faisant d’elle un instrument d’orientation sans effet sur

la décision économique et financière. Par conséquent, la nouvelle philosophie a

conduit à faire de l’ajustement un substitut au plan entraînant, ainsi, un

renversement dans la hiérarchie des moyens et des objectifs. Sur cette base,

l’ajustement est devenu un impératif permanent permettant à l’économie

marocaine d’assurer une croissance dans les conditions de l’optimalité,

notamment à travers l’assainissement, la restructuration de l’appareil productif,

l’adaptation des règles du jeu entre les principaux agents économiques en vue de

garantir et d’accroître la compétitivité de l’économie.

Dans la pratique, la politique d’ajustement s’est traduite par un ensemble

d’objectifs touchant essentiellement le rôle de l’Etat et les équilibres monétaires

et financiers :

- La maîtrise du déficit budgétaire à travers la limitation des dépenses et

l’amélioration des recettes.

- La maîtrise du déficit de la balance des paiements par l’action sur le solde de la

balance commerciale.

- Le plafonnement de l’endettement du secteur public.

Pour y parvenir, l’ajustement préconise de nombreuses mesures et de réformes

se rapportant au domaine financier et monétaire (dévaluation de la monnaie,

plafonnement du crédit à l’économie, dynamisation du marché financier,

mobilisation de l’épargne…), au domaine commercial (libéralisation des

importations, promotion des exportations…) et enfin celui de la politique

Page 235: thèse hamdaoui

235

économique (libéralisation des prix intérieurs, suppression des monopoles,

assainissement de la situation des entreprises publiques, réforme fiscale, …).

D’ailleurs, cette hiérarchie des priorités a été maintenue lors de l’élaboration du

plan quinquennal 1988-1992 dont les orientations et les moyens préconisés sont

restés subordonnés à la logique du programme d’ajustement structurel. En effet,

l’objectif principal retenu par ce plan consiste à réduire le déficit :

- au niveau du Trésor en ramenant le déficit budgétaire à 3,2% du PIB en 1992,

- au niveau du déficit des opérations courantes en agissant sur le solde de la

balance commerciale.

La réalisation de ces objectifs s’est fondée sur une stratégie de mobilisation des

ressources financières (sur le plan interne et externe ) et sur la rationalisation de

leurs affectations.

Cependant, cette nouvelle vision de la planification s’est avérée inutile ce qui a

amené les responsables une fois de plus de la remettre en veille tout au long de

la dernière décennie. Cette nouvelle politique trouve son explication dans

l’impuissance de l’Etat à assurer une telle fonction après la remise en cause de

son rôle économique et social et la détérioration flagrante de la situation sociale

qui s’en est suivie (chômage, marginalisation, analphabétisme, ….).

5.3 L’environnement institutionnel au Maroc

L’environnement institutionnel au Maroc est caractérisé par une série de

réformes qui ont touché divers domaines. En effet, la décennie 90 a été marquée

par de nombreuses réformes qui ont concerné le droit commercial et le statut des

sociétés, les systèmes comptables, la loi sur concurrence, etc. Ces réformes ont

permis la modernisation du cadre institutionnel et son adaptation aux nouvelles

données nationales et internationales. En revanche, d’autres chantiers sont

encore inachevés et méritent davantage d’intérêt de la part des pouvoirs

politiques notamment le système judiciaire.

Page 236: thèse hamdaoui

236

5.3.1 La cadre juridique

Le cadre juridique au Maroc semble globalement propice pour le bon

fonctionnement d’une économie de marché. Ainsi, les principes fondamentaux

du droit de la propriété définissent clairement différentes formes de propriétés,

les règles qui président au démarrage et à la cessation d’activité des entreprises

sont suffisamment claires, le droit des faillites, organise clairement la cessation

d’activité des entreprises non viables et définit l’ordre dans lequel seront payés

les créanciers. Cependant, le cadre juridique reste marqué par un système

juridique qui manque d’efficacité, de transparence et d’équité.

5.3.1.1 Le droit de propriété

Quoique complexes, le droit marocain de propriété répond, généralement, bien

aux besoins du secteur privé. La loi marocaine reconnaît la propriété privée et

publique, mobilière, immobilière et intellectuelle. Ainsi, les immeubles sont

susceptibles non seulement d’appropriation pure et simple, mais aussi d’usufruit,

de servitude de passage, de baux emphytéotiques et d’hypothèques. De même, le

système d’immatriculation des terres établit de manière irréfragable les droits de

propriété immobilière et soustrait celle-ci aux restrictions d’un système juridique

traditionnel complexe. Cependant, le processus d’immatriculation des terres

reste encore limité en raison de plusieurs facteurs, notamment la lourdeur de la

procédure, le coût des opérations d’immatriculation, l’absence de propriétaires

clairement identifiés et l’absence d’un système informatique d’immatriculation.

D’un autre côté, le droit reconnaît toutes les autres formes de propriété,

notamment la propriété commerciale, industrielle et intellectuelle. Cette

reconnaissance a été renforcée en 1999 par l’adoption du nouveau code de

propriété industrielle et intellectuelle qui envisage la modernisation du système

institutionnel d’enregistrement et la protection effective de ces droits de

propriété.

Page 237: thèse hamdaoui

237

5.3.1.2 Le droit commercial

Dans le cadre des réformes institutionnelles et juridiques entamées au début des

années 90, le Maroc a adopté un nouveau code de commerce qui permettrait aux

particuliers de rédiger toutes les formes de contrats commerciaux et d’assurer

une protection suffisante aux différents intervenants dans l’activité commerciale.

Cette rénovation de la législation commerciale a été couronnée par l’adoption en

1999 de la nouvelle loi sur les sociétés qui a permis d’introduire de nouvelles

règles au niveau de la création de ces sociétés et de leur fonctionnement. En

effet, la refonte des textes des lois concernant les sociétés permet de renforcer la

sécurité des tiers et à assurer l’accès public à l’épargne et d’assurer, ainsi, un

environnement juridique adapté à l’exercice du commerce pour responsabiliser

les dirigeants et optimiser les règles de direction et d’administration tout en

garantissant les droits des actionnaires minoritaires. Dans ce cadre, la nouvelle

loi sur les sociétés anonymes impose à ces dernières de nouvelles obligations sur

l’information des actionnaires et des investisseurs potentiels sur leur situation

financière et définit clairement les obligations et responsabilités du conseil

d’administration vis-à-vis des actionnaires de la société.

5.3.1.3 Le système judiciaire

Malgré les récentes réformes portant sur la création des tribunaux de commerce,

le système juridique marocain continue de souffrir de l’engorgement et la

lenteur dans l’exécution des sentences juridiques. Les investisseurs lui

reprochent, souvent, son manque d’efficacité, de transparence, de prévisibilité,

d’équité et la lenteur excessive des procédures dans le domaine commercial.

Les carences de la justice sont dues, notamment, au problème de formation

limitée des magistrats qui sont souvent dépassés par la complexité croissante des

opérations, au manque de soutien dont les juges ont généralement besoin pour

exécuter efficacement leurs tâches (accès à l’information juridique, assistants

Page 238: thèse hamdaoui

238

administratifs, équipements, matériel informatique) et à la faiblesse de la

jurisprudence dans ce domaine. Cette faiblesse systémique, jointe aux

insuffisances de la formation des magistrats rend les décisions imprévisibles et

porte, souvent, préjudice aux entreprises tout en décourageant les investisseurs

potentiels nationaux et étrangers d’accéder à la vie commerciale.

5.3.2 Réforme des systèmes comptables

Avant 1993, la loi marocaine n’exigeait pas de comptes fidèles, exacts et

certifiés. En effet, une vérification des entreprises des comptes des sociétés était

obligatoire chaque année, mais le commissaire aux comptes se limitait

habituellement à certifier que la classification des postes dans le bilan et le

compte de résultat est correct. Mais, avec l’adoption de la nouvelle loi

comptable, le Maroc s’est doté d’une nouvelle norme comptable qui a été

conçue de façon à satisfaire les deux objectifs suivants115

:

- Servir de base à l’information et la gestion de l’entreprise.

- Fournir une image aussi fidèle que possible de ce qui représente l’entreprise

pour tous les utilisateurs de comptes, privés ou publics.

Cette fonction d’information interne et externe vise évidemment une grande

diversité de destinataires, l’entreprise elle-même, ses partenaires directs et les

pouvoirs publics.

Le champ d’application de la norme générale comptable est très vaste puisqu’il

concerne à priori la majorité des agents économiques quelle que soit leur taille,

leur secteur, leur objet et leur forme juridique. Cette très grande diversité

d’utilisateurs et d’assujettis implique la définition d’un modèle d’analyse et d’un

langage commun à tous.

115

Commission de Nomenclature Comptable (1986) Code Général de la Normalisation Comptable, vol 1, p. 04.

Page 239: thèse hamdaoui

239

5.3.2.1 Pertinence et fiabilité des informations comptables

La norme générale s’est attachée à dégager des informations pertinentes qui

puissent convenir à l’ensemble des utilisateurs. La pertinence des informations

tient à l’adéquation existant entre leur contenu et leur objet : une information

pertinente doit représenter convenablement et fidèlement les faits ou les

concepts qu’elle énonce, ce qui suppose que toutes les précautions doivent être

prises pour en définir clairement et sans ambiguïté le contenu, le contour et les

limites. En outre, la norme générale permet la fiabilité des informations. Les

montants qui apparaissent dans les comptes ou dans les définitions des modèles

et de la chaîne des traitements qui aboutissent aux comptes et aux états de

synthèse.

5.3.2.2 Qualité de l’analyse économique

La norme comptable présente un modèle général d’analyse de la vie économique

de l’entreprise valable pour tous les assujettis, sous réserves d’adaptations

relativement limitées pour quelques-uns tels l’Etat ou les collectivités publiques.

Ce modèle puise ses éléments de base dans une comptabilité de flux qui identifie

et conserve distinctement tous les mouvements de valeur dans des comptes ou

éléments de comptes distincts. Il propose notamment, deux états de synthèse

classiques dans leur nature : bilan et compte de produits et charges. Ainsi,

l’analyse de situation de la norme reste fidèle à la règle patrimoniale du bilan.

En revanche, des notions marquantes ont été introduites dans la structure du

bilan dans les « emplois » de l’actif comme dans les « ressources » du passif afin

de donner une plus grande homogénéité et une meilleure signification

économique à chaque rubrique.

D’une façon similaire, l’analyse de la gestion et la description de la formation du

résultat net repose sur l’analyse par nature des charges et des produits qui

permet l’obtention de soldes réellement significatifs et utiles à l’analyse comme

Page 240: thèse hamdaoui

240

à la gestion des entreprises, tout en conservant les vertus d’une classification

fiable indispensable à l’administration fiscale comme à la comptabilité

nationale.

La norme générale présente, dans c cadre, trois novations fondamentales :

- L’unicité du compte de gestion (le compte de produits et charges : CPC)

conformément aux normes internationales qui permet une prise en compte de

connaissance complète des composantes du résultat net en « produits » et en

« charges ».

- La mise en évidence d’un résultat courant : le CPC fait clairement apparaître

deux niveaux de produits et charges. Le niveau « courant » qui englobe un volet

« exploitation » et un volet « financier » et qui permet d’obtenir le « résultat

courant » de l’entreprise, et le niveau « non courant » qui enregistre charges et

produits ne se rattachant pas à des opérations courantes.

- La mise en évidence de soldes économiques : la ventilation des charges et des

produits au niveau de l’état des soldes de gestion (ESG) permet d’obtenir des

grandeurs telles que la « marge brute », « la valeur ajoutée » et « l’excédent brut

d’exploitation ». Ces trois soldes économiques sont extrêmement utiles aux

gestionnaires et privilégient le cycle d’exploitation de l’entreprise dont la

fonction première est bien la production économique.

5.3.2.3 Qualité de l’analyse financière

En plus de l’analyse économique, la norme générale comptable adopte une

analyse financière élaborée qui trouve son support dans la comptabilité de flux.

En effet, les mouvements de valeurs sont séparés des soldes à nouveau, ce qui

permet l’établissement par le seul jeu des comptes, d’un tableau d’emplois et

ressources.

De ce fait, le nouveau système comptable rend disponible une information

économique et financière suffisante et fiable, à la fois, pour les opérateurs privés

que publics. De même, la loi comptable a permis d’établir clairement la

Page 241: thèse hamdaoui

241

profession d’expert comptable et a donné pouvoir à l’ordre des experts

comptables de veiller au niveau des qualifications et des normes.

5.3.3 La loi sur la concurrence et la législation antitrust

La politique de la concurrence vise normalement à améliorer l’efficacité

économique en favorisant la concurrence entre acheteurs et vendeurs sur des

marchés relativement dérégulés. Elle tend, soit à empêcher les vendeurs de

fausser le libre jeu du marché au risque de diminuer l’efficacité économique,

soit à prévenir les abus de position dominante qui auraient pour effet de créer

des obstacles privés au commerce, de limiter la concurrence et de compromettre

la liberté et la viabilité des autres parties. Dès lors que les Etats ont supprimé les

enclaves au commerce et à la concurrence, la politique de la concurrence a une

fonction importante qui consiste à empêcher les entreprises privées d’ériger de

nouvelles barrières. Si la libération des importations peut parfois favoriser la

concurrence sur le marché intérieur, elle ne suffit pas à créer les conditions d’un

marché concurrentiel et à encourager l’esprit de compétition. Ainsi, le droit de la

concurrence intervient dans la conduite des entreprises, la structure des marchés

et la performance économique. Il interdit, en principe, aux entreprises de

restreindre les échanges, de limiter la concurrence et d’abuser de leur position

dominante. Il peut également interférer dans les transactions interentreprises

telles que les fusions, la création de sociétés mixtes et l’achat d’actifs. Enfin, il

peut remédier aux problèmes crées par les situations de monopole ou par des

pratiques restrictives comme la fixation des prix ou des quantités produites.

Il paraît, donc, que tout pays qui se proclame libéral et qui cherche à adopter un

régime d’économie de marché doit disposer d’une loi complète sur la

concurrence ou d’une législation antitrust. Dans ce cadre, le Maroc a adopté à la

fin de l’année 1999 un projet de loi sur la concurrence qui interdit certaines

pratiques commerciales restrictives, telles que la fixation des prix, la répartition

des parts de marché et les ententes anticoncurrentielles. La loi prévoit également

Page 242: thèse hamdaoui

242

la création d’une commission qui examinerait les plaintes pour conduite

entravant le jeu de la concurrence et qui recommanderait au gouvernement

d’imposer des sanctions le cas échéant. Cependant, cette loi présente trois

lacunes principales116

:

- Elle est d’une portée limitée : elle interdit les plus graves formes de

comportement entravant la concurrence, mais ne fait pas d’allusion aux autres

pratiques commerciales qui peuvent également limiter la concurrence telles que

le franchisage et les ventes exclusives.

- La commission n’a pas de pouvoir exécutif : elle ne peut que donner son avis

au gouvernement qui décidera des mesures à prendre.

- Enfin, la loi ne prévoit pas la possibilité pour les consommateurs ou les

producteurs qui ont subi les effets de la prétendue pratique entravant la

concurrence d’intenter une action en justice.

5.4 Le contexte économique du secteur industriel marocain

Les structures et les performances du secteur industriel marocain sont fortement

influencées par l’environnement économique du pays et les spécificités de

l’économie marocaine. Il semble, donc, nécessaire de retracer les

caractéristiques principales de cette économie, notamment la dualité qui marque

les secteurs de production et le poids du secteur industriel dans l’activité

économique. Ensuite, nous verrons dans quelle mesure l’environnement

économique puisse constituer une source d’incitation aux entreprises

industrielles pour qu’elles améliorent leurs performances économiques. Pour ce

faire, nous allons discuter successivement le système incitatif à la production, le

cadre incitatif fiscal et le financement de l’activité industrielle.

116

Banque Mondiale (1993) Renforcement du Secteur privé au Maroc, Rapport n° 11894-Mor, p. 23.

Page 243: thèse hamdaoui

243

5.4.1 Dualités de l’activité économique marocaine

L’activité économique marocaine se caractérise par une double dualité qui

mérite qu’on s’y arrête pour comprendre le fonctionnement des différents

secteurs de production du pays. L’activité de production est caractérisée, d’une

part, par la coexistence d’un secteur public relativement important, et d’un

secteur privé qui ne cesse de se consolider, et d’autre part, par l’existence d’un

secteur informel qui occupe une place importante dans la production globale et

qui s’est développé en marge du secteur structuré.

5.4.1.1 La dualité secteur public-secteur privé dans l’économie marocaine

L’activité économique marocaine est caractérisée par la prédominance du

secteur privé qui participe à plus de 75% du PIB total. Sur la base des chiffres de

1988117

, le Maroc comptait quelque 400.000 entités commerciales et

industrielles dont moins de 700 relevaient du secteur public et le reste est réparti

entre le secteur privé formel et le secteur informel. Cette importance se

manifeste, également, dans la participation du secteur privé dans l’ensemble du

tissu productif marocain car il assure la quasi-totalité de la production agricole

de base et environ 80% de la production manufacturière. De même, sa part est

prépondérante dans le secteur du tourisme, celui des transports et tous les

travaux de construction et les services commerciaux. Enfin, le secteur privé

détient plus de la moitié des capitaux de banques commerciales.

Mais, en dépit de la prédominance des capitaux et de la gestion privée dans

l’économie marocaine, le secteur public exerce traditionnellement un contrôle

sur de nombreuses activités. Parmi les quelques 700 entreprises et organismes

publics, les deux tiers sont des sociétés commerciales ou industrielles. Un

dixième est constitué de monopoles quasi-publics incluant des organismes de

contrôle, des universités et des hôpitaux. L’Etat détient, directement ou

117

Banque Mondiale (1993) Renforcement du Secteur Privé au Maroc, rapport n° 11894-Mor, p. 01.

Page 244: thèse hamdaoui

244

indirectement, un contrôle minoritaire dans environ la moitié des entreprises

publiques. En revanche, il contrôle à 100% les services publics de base, les

chemins de fer, les transports aériens et l’exploitation des phosphates en raison

de leur nature stratégique.

Cependant, la part du secteur public dans l’activité économique a connu une

baisse importante depuis le début des années 90. En effet, conformément à sa

volonté de développer l’entreprise privée, l’Etat a lancé au milieu des années 80

un programme de privatisations qui a aboutit en 1989 à l’identification de 111

entreprises privatisables dont le capital était estimé à 11 milliards de dirhams en

1989118

. Dans le secteur manufacturier, le programme de privatisation couvrait

presque la moitié des 80 entreprises que possédait l’Etat. Les principales

activités non concernées par ce programme se rapportant à l’exploitation et la

transformation des phosphates (à l’exception de la production des engrais

chimiques), le tabac et les boissons.

5.4.1.2 L’importance du secteur informel dans l’économie marocaine

La définition du secteur informel au Maroc est, essentiellement, fonction des

dimensions des entreprises et non de leur statut juridique. Le secteur informel

inclut des entreprises qui sont enregistrées, paient des impôts et sont localisées

par l’administration. De manière plus précise, l’Etat qualifie d’informelles toutes

les entreprises non agricoles disposant de locaux propres et permanents, mais

qui ne tiennent pas de comptabilité commerciale et qui étaient estimées à

quelque 250.000 entreprises en 1988119

. Cette définition exclut, ainsi, la plupart

des commerçants itinérants, le travail à domicile et les activités clandestines.

D’après des enquêtes effectuées sur le secteur informel au Maroc120

, ce dernier

118

En incluant les filiales appartenant à ces sociétés, le nombre total des entreprises publiques concernées par la

privatisation était de 300, soit près de la moitié du nombre des sociétés et organismes que comprenait le

portefeuille public (chiffres avancés par la Banque Mondiale (1993) Renforcement du Secteur Privé au Maroc,

Rapport n° 11894-Mor, p. 05. 119

Banque Mondiale (1993) Renforcement du Secteur Privé au Maroc, Rapport n° 11894-Mor, p. 02. 120

« Enquête nationale sur les entreprises non structurées localisées », Ministère du Plan, 1988, « Enquête de

structure sur le secteur bâtiments et travaux publics », Ministère du Plan, 1983-1984 et 1984-1985 et « Enquête

Page 245: thèse hamdaoui

245

contribue probablement pour plus de 15 pour cent au PIB total. Cependant,

l’ambiguïté de la définition des secteurs formel et informel conduit à des

estimations très différentes. La part du secteur non-structuré dans l’économie est

ramenée parfois à des chiffres aussi élevés que 30 et 40 pour cent.

Tableau 5.1 : Part du secteur informel dans l’économie marocaine (1984-1988)

Secteur d’activité Part du secteur informel En % du secteur En %, du PIB

Bâtiment 1982-1984 50 2

Industries manufacturières (1988) 17 3

Commerce détail (1988) 44 5

Autres services (1988) 22 3

Marchands ambulants - 2

Source : Banque Mondiale (1993) Renforcement du Secteur privé au Maroc, rapport

n° 11894-Mor, p.01.

En y incluant les industries agro-alimentaires, le secteur manufacturier compte

près de 50.000 entreprises dont quelque 6000 entreprises considérées comme

faisant partie du secteur formel. Le secteur informel manufacturier est

particulièrement important dans la fabrication d’articles de consommation qui

peut être organisée à petite échelle, notamment les vêtements, le cuir et les

chaussures, les produits de bois et la ferronnerie, domaines dans lesquels sa

production atteint 50 pour cent121

. En termes d’emplois, le secteur informel

manufacturier assure le quart de l’emploi total offert par le secteur industriel. Le

secteur structuré, quant à lui, assure 75% du total avec 12% seulement de

l’effectif des entreprises122

. Ces chiffres s’expliquent, d’une part, par le nombre

important de salariés non déclarés dans ces entreprises. Ainsi, il paraît plausible

nationale sur les niveaux de vie », Ministère des Affaires Economiques et Sociales, Direction de la Statistique,

1990-1991. 121

Banque Mondiale (1993) Renforcement du Secteur Privé au Maroc, Rapport n° 11894-Mor, p. 02. 122

Chiffres de « L’enquête nationale sur le secteur non structuré localisé », Direction des statistiques, 1988.

Page 246: thèse hamdaoui

246

de croire que la part du secteur informel dans l’emploi industriel effectif est plus

élevée que le chiffre avancé ci-haut et pourra représenter environ le tiers de

l’emploi manufacturier total.

Face à une telle réalité, il est, donc, nécessaire d’expliquer la coexistence

concurrentielle du secteur formel et du secteur informel dans le tissu industriel

marocain. En effet, cette coexistence ne serait possible que si le secteur informel

parvienne à établir des rapports satisfaisants en terme de compétitivité

relativement au secteur formel. D’ailleurs, cette remarque a été confirmée par la

confrontation des résultats de « l’enquête nationale sur le secteur non structuré

localisé » pour l’année 1987-1988 aux données du secteur structuré.

Tableau 5.2 Indicateurs caractéristiques des entreprises industrielles, des

secteurs structuré et non structuré localisé

Indicateurs Secteur structuré Non structuré

Productivité apparente (1988) 57000 Dh 42600 Dh

Salaire moyen (1988) 19500 Dh 3890 Dh

Impôts/ Chiffre d’affaires (1990) 8,5% 0,41 %

Immobilisations/ Chiffre d’affaires (1990) 17,1% 1,5%

Source : S. Belghazi (1997) Concurrence Interne et Compétitivité Externe de l’Industrie

Marocaine, Publications du CERAB, p. 225.

La productivité apparente du travail est plus faible dans le secteur non structuré

localisé. Cette faiblesse est, toutefois, compensée par le recours des entreprises à

une main d’œuvre familiale et à des apprentis et par la faiblesse des salaires

payés. En outre, le secteur non structuré utilise très peu de capital et assume, en

conséquence, de très faibles charges financières. Ces facteurs permettent, ainsi,

de réduire les coûts dans le secteur en compensant suffisamment la faiblesse de

la productivité de ses entreprises.

Page 247: thèse hamdaoui

247

5.4.2 Développement des secteurs de production

Le tissu industriel marocain est dominé par cinq composantes principales :

- les mines

- les industries de transformation

- le bâtiment et les travaux publics

- le pétrole

- l’électricité et l’eau

D’une manière générale, le secteur industriel marocain représente environ le

tiers du PIB total avec une prédominance du secteur des mines, et plus

particulièrement, l’exploitation et la transformation des phosphates et de ses

dérivées.

Tableau 5.3 : Structure du secteur industriel (en %)

Années 1980 1983 1985 1990 1997

Part de l’industrie dans le PIB 31 33 33 33 -

Part des industries de transformation

dans le PIB

17

18

19

18

16

Part des exportations manufacturières

dans les exportations de marchandises

41

51

52

74

70

Source : Banque Mondiale (1993) Développement de l’Industrie Privée au Maroc, Rapport

n° 11557-Mor, vol 2, p. 01 et Ministère de l’Industrie du Commerce et de

l’Artisanat (1988) L’industrie de transformation, p. 11.

Cependant, la production des industries de transformation reste assez faible par

rapport à la production industrielle totale. Entre 1980 et 1989, le taux de

croissance annuel moyen de la production industrielle était à peine supérieur à

4% et la part des industries manufacturières dans le PIB est passé de 16,8% à

18,2%. Cette faiblesse s’est accentuée davantage durant les années 90 suite à la

libéralisation relative des importations manufacturières. Ainsi, la part de la

production industrielle dans le PIB était à peine égale à 16% en 1997. Ce constat

est confirmé davantage si on compare le Maroc avec d’autres pays se trouvant à

Page 248: thèse hamdaoui

248

un stade de développement comparable. En effet, la part des industries de

transformation dans le PIB étant de l’ordre de 23% en moyenne dans les pays à

revenu intermédiaire-tranche inférieure, alors qu’elle atteignait le 25% dans les

pays à revenu intermédiaire-tranche supérieure.

Tableau 5.4 : Comparaison structurelle entre le Maroc et les autres pays

Grandeurs de

comparaison

Pays (1) Maroc Turquie Pays (2) OCDE

PIB par hab en $ (1990) 1530 950 1630 3410 20170

CAMPH en %

(a)

65-80 5,5 5,7 6,2 7,0 3,7

80-90 2,6 4,0 5,1 2,4 3,1

PIP en % (b) 1965 32 28 25 36 43

1990 31 33 33 40 35

PITP en % ( c) 1965 20 16 16 19 32

1990 23 18 24 25 -

(1) : Pays à revenu intermédiaire : tranche inférieure.

(2) : Pays à revenu intermédiaire : tranche supérieure.

(a) : CAMPH : croissance annuelle moyenne du PIB par habitant.

(b) : PIP : part de l’industrie dans le PIB.

(c) : PITP : part des industries de transformation dans le PIB.

Source : Banque Mondiale (1993) Développement de l’Industrie Privée au Maroc, Rapport

n° 11557-Mor, vol 2, p. 22.

5.4.3 Le système d’incitation à la production

La seconde moitié de la décennie quatre vingt a été caractérisée par une relance

progressive de l’initiative privée due, essentiellement, à la volonté des pouvoirs

publics de mettre en œuvre un système d’incitation à la production susceptible

de valoriser les capitaux privés dans un environnement économique et

institutionnel plus propice. Dans ce cadre, l’adoption du programme

d’ajustement structurel a permis de maîtriser davantage les équilibres macro-

économiques et financiers assurant, ainsi, une plus grande stabilité économique.

De même, la politique du commerce extérieur a initié une plus grande

libéralisation des échanges qui a permis de favoriser la capacité exportatrice des

Page 249: thèse hamdaoui

249

entreprises marocaines et leur adaptation aux normes de compétitivité

internationale. Enfin, la révision de la politique des prix et la déréglementation

du marché ont favorisé davantage le fonctionnement du libre jeu de la

concurrence interne.

5.4.3.1 Les incitations d’ordre macro-économique et budgétaire

L’adoption, par le Maroc, du programme d’ajustement structurel, dès 1983, a

permis aux autorités publiques d’instaurer une plus grande stabilité macro-

économique tout en renforçant les incitations à la croissance par les

exportations. Ainsi, suite à une dévaluation de 35 à 40% en termes réels de la

valeur du dirham entre 1980 et 1986123

, la gestion macro-économique a

maintenu l’inflation intérieure à un taux relativement faible de l’ordre de 5% en

moyenne par an sur cette période. De ce fait, la politique de change a

considérablement accru les incitations à l’exportation sans porter atteinte pour

autant à la stabilité des prix. Cette politique a été accompagnée par une gestion

des finances publiques qui a réduit le déficit budgétaire en le ramenant de 11%

entre 1981-1985 à 1,4% en 1992, puis en le maintenant à un niveau qui ne

dépasse pas les 3,5% durant la période 1993-1999.

Tableau 5.5 : Grandeurs des finances publiques au Maroc (pourcentages

annuels moyens du PIB)

Grandeurs 1981-1985 1986-1991 1992

Déficit de l’Etat -11,3 -3,8 -1,4

Recettes de l’Etat 21,5 21,9 25,8

Dette publique extérieure 81,0 88,0 70,8

Dette publique intérieure 16,1 27,8 25,7

Source : Banque Mondiale (1993) Développement de l’Industrie Privée au

Maroc, rapport n° 11557-Mor, vol 2, p. 112.

123

Banque Mondiale (1993) Développement de l’Industrie Privée au Maroc, Rapport n° 11557-Mor, vol 2, p.

110.

Page 250: thèse hamdaoui

250

La stabilisation fiscale du Trésor reste, cependant, fragile à plus d’un égard.

D’abord, le trésor a réussi à réduire son déficit en limitant davantage les

investissements publics et les dépenses ordinaires plutôt qu’à mobiliser les

recettes. Ensuite, la compression du déficit du trésor n’a pas été assortie

d’amélioration semblable des déficits des entreprises publiques et des

collectivités locales.

Les années 80, par contre, ont été marquées par une très faible croissance du PIB

due, essentiellement, à la politique d’ajustement qui s’est accompagnée d’un

investissement étranger réduit au minimum et un recours continu à des

rééchelonnements pour faire face au problème de surendettement.

Tableau 5.6 : Agrégats nationaux (variations des % annuels moyens, prix

constants de 1980)

Agrégats 73-80 81-85 86-91 92

Croissance du PIB

- Agriculture

- Industrie

- Services

6,0

2,0

6,2

7,7

3,5

2,5

2,5

4,4

4,3

6,3

3,5

4,1

-3,0

-

-

-

FBCF en % du PIB

- Etat et collectivités locales

- Entreprises publiques

- Secteur privé

23,2

7,9

-

-

24,8

6,3

6,0

12,5

21,7

4,4

4,6

12,8

24,0

4,2

-

-

Epargne nationale brute en % du PIB

- Epargne des administrations

- Autres

17,4

1,9

15,5

17,1

-1,5

18,6

21,9

2,4

19,6

23,6

5,5

18,1

Inflation 10,1 9,7 4,6 4,9

Taux d’intérêt réels 2,0 2,6 8,0 9,7

Source : Banque Mondiale (1993) Développement de l’Industrie Privée au Maroc,

Rapport n° 11557-Mor, vol 2, p. 110.

5.4.3.2 Les incitations au commerce extérieur

5.4.3.2.1 La libéralisation des importations

Le début des années 80 a été caractérisé par une refonte de la politique

commerciale du pays permettant de compenser le renforcement de la protection

Page 251: thèse hamdaoui

251

des importations résultant de la dépréciation des termes de l’échange. Ainsi, le

Maroc s’est progressivement écarté des restrictions commerciales fondées, pour

l’essentiel, sur les contingents et les prix administrés, au profit d’une protection

des importations établie, presque exclusivement, sur la base des tarifs douaniers

ad valorem124

.

Les réformes commerciales ont, ainsi, aboutit à l’élimination, dès 1993, de

l’approbation préalable à l’importation pour la quasi-totalité des produits et la

réduction de la protection commerciale ad valorem qui a été ramenée de 47 pour

cent en moyenne en 1980 à 37 pour cent au début des années 90. Cependant, les

tarifs douaniers ont demeuré plus élevés dans le secteur manufacturier avec une

protection nominale totale se situant autour de 35 à 40 pour cent en moyenne.

En effet, à l’exception de l’agro-industrie et des dérivées des phosphates, la

plupart des biens manufacturés bénéficient des tarifs et des prélèvements

maximums.

Dans l’ensemble, la réforme des contingents et des tarifs douaniers a

considérablement réduit la protection contre l’importation d’autant plus qu’elle

s’est inscrite dans le prolongement d’une dévaluation nominale importante. La

réduction de la protection n’a, cependant, pas touché tous les secteurs

économiques. Certaines activités, en particulier celles dont l’importation était

sous le régime des contingents, continuent à bénéficier d’une protection élevée.

Il faut souligner, toutefois, que la libéralisation relative des importations a eu un

effet positif sur la compétitivité des entreprises marocaines. Ainsi, les réformes

commerciales ont constitué un moyen moins onéreux et plus efficace pour

défendre une politique plus active de concurrence intérieure : l’accès à des

importations compétitives à des prix proches du niveau mondial a permis

d’atténuer les effets de la concentration et de la collusion économique et a

constitué un bon moyen d’améliorer le niveau technologique de la production

124

Ce choix s’est traduit par une diminution considérable de la gamme de produits couverts par des contingents

et la réduction de la fourchette des droits de douane de [0 – 400] pour cent en 1983 à [0 – 35] en 1993.

Page 252: thèse hamdaoui

252

intérieure en incitant les entreprises à adopter des procédés plus efficaces.

5.4.3.2.2 La promotion des exportations

Outre la stabilité macro-économique, d’autres mesures ont contribué à stimuler

la croissance des exportations. Il s’agit, notamment, de la non-imposition des

exportations à l’exception un prélèvement de 1% essentiellement destinée à

financer l’organisme chargé du contrôle de la qualité, de l’étiquetage, de

l’emballage et de la promotion, et l’abolition des licences à l’exportation pour

tous les produits à l’exception des denrées agricoles de base. De même, les

entreprises exportatrices ont bénéficié d’importantes simplifications des

procédures administratives, des arrangements financiers et des problèmes

d’assurance.

L’efficacité de ces mesures peut être retracée à travers la différence, en terme de

compétitivité, entre les entreprises orientées vers l’exportation et celles qui

produisent pour le marché local. En effet, les premières ont bénéficié de

financements assortis de faibles taux d’intérêt de la Banque Centrale pour le

crédit à l’exportation, d’une exonération complète des impôts indirects et

d’avantages intéressants dans le code des investissements. De plus, ces

entreprises ont bénéficié d’accords de sous-traitance avec des importateurs

étrangers leur permettant de louer des équipements et fournir du matériel en

consignation.

5.4.3.3 La réglementation du marché et le contrôle des prix

5.4.3.3.1 Le contrôle des prix

Dans le cadre de la loi de 1971, les prix étaient régulés par l’Etat à tous les

stades de la commercialisation. En outre, le contrôle s’opérait au niveau central,

provincial ou local. Ainsi, au niveau local, l’attention était portée sur les prix de

détail alors qu’au niveau provincial, elle portait sur les prix de gros.

Page 253: thèse hamdaoui

253

L’établissement des prix se faisait, généralement, par des commissions

composées de représentants de l’administration et du secteur privé choisis par

les autorités. Les commissions pouvaient fixer les prix de vente légaux ou établir

des marges de profits permettant aux vendeurs de répercuter les coûts des

facteurs.

Au cours de la période 1982-1985, les autorités ont graduellement assoupli ces

contrôles. Bien que deux petites catégories de produits seulement aient été

totalement réglementées, la moitié, environ, des produits réglementés ont été

libéralisés. A ce jour, les biens soumis à un contrôle de prix comprennent plus

de 20% des articles de l’indice des prix à la consommation. Toutefois, comme le

principe du contrôle subsiste, la libéralisation consiste, essentiellement, à

permettre des ajustements automatiques des prix sans autorisation, mais avec

notification préalable et la possibilité d’un examen à posteriori.

5.4.3.3.2 La réglementation des marchés

Par le passé, la plupart des marchés, au Maroc, faisaient l’objet d’une

réglementation stricte tant pour faciliter les contrôles des prix que pour protéger

certaines entreprises publiques. Mais, dans l’esprit de la libéralisation des prix et

de l’évolution vers une économie de marché, certains marchés ont été

progressivement déréglementés depuis le milieu des années 80. Ainsi, on a

assisté, dès 1986, à la levée de monopole de l’exportation des fruits et des

légumes qui était détenu par l’Office de Commercialisation et d’Exportation.

Cette année était caractérisée, également, par l’élimination du monopole dans le

secteur des transports urbains à travers l’accord de licences d’exploitation à des

compagnies privées. D’un autre côté, l’administration publique a transféré

certaines responsabilités réglementaires dans le secteur touristique à

l’association de l’industrie hôtelière et aux associations des agences de voyages.

Enfin, l’année 1999 a été marquée par la déréglementation du secteur des

télécommunications et l’octroi d’une seconde licence de téléphone GSM aux

Page 254: thèse hamdaoui

254

opérateurs privés.

L’application de l’ensemble des mesures, ci-haut mentionnées, a permis certes

une restriction de l’intervention de l’Etat tant au niveau du contrôle qu’au niveau

de sa participation directe dans les secteurs de production. Par conséquent, le

Maroc a connu une avancée non négligeable dans le renforcement de l’économie

de marché où l’entreprise privée jouerait le rôle fondamental dans l’activité

économique et où le fonctionnement du marché dépendrait essentiellement du

jeu de la concurrence et de la compétition.

5.4.4 Fiscalité marocaine et incitation du secteur privé

Depuis le milieu des années 80, le Maroc a connu une série de réformes fiscales

dont l’objectif est d’assurer au système d’imposition une plus grande cohérence

et la modernisation de l’administration et du recouvrement des impôts. Les

réformes ont visé à élargir l’assiette fiscale et à encourager l’élasticité des

revenus, à répartir la charge fiscale plus équitablement, à réduire le nombre de

taxes et de taux d’imposition et à améliorer le recouvrement à travers

l’institution d’une retenue à la source et le fractionnement du paiement de

l’impôt.

5.4.4.1 Le système d’imposition fiscale au Maroc

Le nouveau système d’imposition au Maroc se caractérise par trois éléments

principaux : l’impôt sur les sociétés (IS), l’impôt général sur les revenus (IGR)

et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

5.4.4.1.1 L’impôt sur les sociétés

Dans l’ancien régime fiscal, les bénéfices des sociétés étaient soumis à l’impôt

sur les bénéfices professionnels (IBP) dont le taux cumulé s’élevait à 53%. Mais

avec la nouvelle réforme, l’IBP a été remplacé par l’impôt sur les sociétés dont

le taux fixe était de l’ordre de 40% (la participation à la solidarité nationale

Page 255: thèse hamdaoui

255

(PSN)125

non comprise), soit un taux d’imposition effectif de 44%. Par la suite,

ce taux a été ramené en 1992 à 38% (ou 41,8% si on inclut la PSN), puis à 35%

(ou 38,5% si on inclut la PSN).

Comparé au taux d’imposition en vigueur dans des pays émergents, l’impôt sur

les sociétés, au Maroc, reste encore élevé. Ceci paraît clairement dans le tableau

5.7 ci-après :

Tableau 5.7 : Taux d’imposition des bénéfices des sociétés (1993)

Pays Taux d’imposition en

% Turquie

Malaisie Portugal

Tunisie

Singapour

Thaïlande

Indonésie

30-49,2

38

36-39,6

35

27

30-35

15-35

Source : Banque Mondiale (1993) Développement de l’Industrie privée

au Maroc, Rapport n°11557-Mor, vol 2, p. 02.

L’application de l’impôt sur les sociétés a permis l’élargissement de l’assiette

fiscale126

et l’amélioration des procédures d’évaluation et de recouvrement des

impôts y compris le paiement en cours d’exercice sur la base d’une estimation

des bénéfices. Cependant, la généralisation et la normalisation de l’imposition se

trouve encore limitée par l’octroi des avantages permis par les différents codes

d’investissement, notamment l’imposition à un taux minoré des entreprises

nouvellement créées pendant les cinq ou dix premières années, l’autorisation à

ces entreprises de pratiquer un amortissement accéléré et la permission de

constituer, en franchise d’impôt, des réserves dans l’attente d’un

125

La participation à la solidarité nationale est une surtaxe de 10% sur l’impôt et les taxes foncières. Elle est

perçue même si le contribuable est exonéré des autres impôts sur le revenu. 126

Toutes les sociétés, y compris celles qui ne déclarent pas de bénéfices, sont tenues de payer un impôt

minimum égal à 0,5% de leur chiffre d’affaires.

Page 256: thèse hamdaoui

256

réinvestissement.

5.4.4.1.2 L’impôt général sur les revenus

L’année 1990 a été marquée par l’institution d’un impôt général sur les revenus

des personnes physiques et les sociétés de personnes dans le but de mettre fin

aux différences d’imposition entre les diverses catégories de revenus découlant

de la nature même des impôts cédulaires, d’assurer une plus grande équité et

justice et de simplifier l’administration de l’impôt. L’IGR s’est, ainsi, imposé

comme un impôt progressif s’appliquant à tous les revenus des marocains

résidents avec un taux marginal variant entre 0 et 46%.

Tableau 5.8 : Taux applicables pour le calcul de l’IGR

Tranche de revenu annuel en

DH

Taux en %

0 à 18.000

18.001 à 24.000

24001 à 36.000

36.001 à 60.000

60.001 à 90.000

Plus de 90.000

0

14

22

36

44

46

Source : B. Jaifi (1995) La comptabilité des sociétés et ses incidents sur la

vie fiscale des entreprises, p. 30.

5.4.4.1.3 La taxe sur la valeur ajoutée

La taxe sur la valeur ajoutée a été instituée en 1986 (en vertu de la loi 30-85) en

remplacement des taxes sur les produits et services qui étaient, pour l’essentiel,

des taxes sur le chiffre d’affaires perçues aux stades de la production et de

l’importation. Cette importante refonte du système fiscal a doté le Maroc de

taxes à la consommation efficaces, neutres et d’un meilleur rendement. En outre,

la TVA a permis de limiter la fraude fiscale dans la mesure où elle

s’accompagne, en principe, d’une facturation relativement correcte.

Page 257: thèse hamdaoui

257

Axé sur les trois impôts ci-haut mentionnés, le système fiscal marocain a permis

de résoudre de nombreux problèmes que ce soit au niveau de l’entreprise ou au

niveau de l’administration fiscale. Cependant, l’imposition des activités de

production constitue encore un obstacle à l’investissement productif si on

compare le niveau d’imposition effectif des bénéfices et des dividendes à celui

des autres placements financiers et immobiliers.

5.4.4.2 Comparaison de l’imposition fiscale des bénéfices à celles des autres

placements

Comparés aux normes internationales, les taux d’imposition des bénéfices et des

revenus au Maroc sont généralement élevés. En effet, malgré les baisses

consécutives du taux de l’impôt sur les sociétés depuis le début des années 90, le

niveau d’imposition des entreprises reste encore élevé relativement aux autres

pays, chose qui limite la capacité attractive du Maroc en matière

d’investissements étrangers.

Sur le plan interne, le niveau élevé de l’imposition fiscale des bénéfices et des

revenus constitue un obstacle majeur au développement des activités

productives. D’ailleurs, les chefs d’entreprises considèrent que le niveau élevé

des impôts est l’une des plus importantes contraintes qui pèsent sur l’activité de

l’entreprise marocaine en plus du coût du financement et du manque de la main

d’œuvre qualifiée127

. A cet effet, les entreprises cherchent, souvent, à se protéger

par le recours à la fraude fiscale ou la spéculation. Ce phénomène est accentué

davantage par la diversité des régimes fiscaux relatifs aux revenus passifs. A

titre d’exemple, les intérêts sont soumis à un taux d’imposition qui varie entre

20 et 30 pour cent. En revanche, les dividendes sont généralement soumis à un

taux d’imposition de l’ordre de 15% sachant que les actionnaires n’ont droit à

aucun avoir fiscal au titre des impôts déjà payés par les sociétés sur les bénéfices

avant la distribution des dividendes. De ce fait, le revenu du capital se trouve

127

Ces résultats relèvent d’une enquête effectuée par la Banque Mondiale en 1992 auprès de 51 entreprises

Page 258: thèse hamdaoui

258

doublement imposé, ce qui décourage les investisseurs potentiels et encourage

les sociétés à emprunter vu que les intérêts constituent une charge totalement

déductible. Enfin, l’imposition des plus values réalisées dans l’immobilier à un

taux qui ne dépasse pas les 15% incite, souven, les entreprises à spéculer dans ce

secteur au lieu d’investir dans les domaines productifs.

5.4.4.3 Les incitations fiscales et financières prévues par les codes

d’investissement

La politique industrielle au Maroc a intégré dès l’indépendance une fonction

incitative visant à conditionner le niveau du profit perçu par l’entreprise. Cette

fonction a été assurée, essentiellement, par l’octroi d’avantages fiscaux et

financiers à travers les différents codes d’investissement. Ainsi, le Maroc a

connu durant les quatre dernières décennies la promulgation de quatre codes

d’investissement touchant les principales activités économiques128

:

- Le premier code date de 1958 et prévoyait le remboursement des droits de

douane sur les biens d’équipement, la réduction des droits d’enregistrement, le

bénéfice des amortissements accélérés, l’exonération partielle de la patente et la

garantie de transfert du produit de la liquidation des investissements. Le

bénéfice de ces avantages était conditionné par l’agrément de la commission

nationale de l’investissement présidée par le Ministre de l’Economie nationale

qui arrêtait la liste des activités bénéficiaires des avantages du code. Cependant,

le code de 1958 a été caractérisé par la complexité et la lourdeur de la procédure

d’attribution des avantages, ce qui a conduit à sa substitution par un autre code

en 1960.

- Le second a été promulgué en 1960 et offrait des avantages substantiels

incluant notamment une prime à l’investissement, une provision en franchise

d’impôts pour l’acquisition du matériel et l’exonération pure et simple des droits

privées marocaines à propos de la gravité des obstacles auxquels elles font face. 128

M. Berrada (1986) « L’administration économique au Maroc », in L’édification d’un Etat moderne, sous la

direction de G. Vedel et A. Michel, pp. 253-261.

Page 259: thèse hamdaoui

259

de douane au lieu de leur remboursement. Mais la procédure d’octroi de ces

avantages, dépendant d’une décision de la commission d’investissement, était

également trop longue et complexe.

- Le troisième, promulgué en 1973 suite au Dahir de la marocanisation, couvrait

les principaux secteurs économiques notamment l’industrie, l’artisanat, le

tourisme, les exportations, la pêche maritime et les mines129

. Ce code a apporté

des nouveautés significatives comparativement aux précédents, notamment :

l’attribution systématique des avantages à tous les investissements dont le

montant est inférieur à 30 millions de dirhams, la restriction des bénéficiaires

aux seules personnes physiques et morales marocaines sauf dans le cas du

secteur touristique ou des exportations, la modulation du niveau des avantages

en fonction de la localisation régionale.

- Le dernier code a été adopté en 1983 et a eu pour objet l’appui aux PMI130

, le

développement des zones éloignées de la métropole industrielle de

Casablanca131

, l’aménagement des zones industrielles et le soutien des

économies d’énergie et d’eau. De ce fait, le code a accordé de nombreux

avantages dont notamment :

1. L’exonération du droit d’importation et de la TVA sur les biens

d’équipement autorisés pour toute création ou extension en zones 3 et 4 toute

extension en zones 1 et 2 et toute création de PMI en Zones 2, 3 et 4.

129

Le code de 1973 était adopté pour compléter le code d’investissement agricole de 1969. 130

Une PMI est définie comme une entreprise industrielle dont la valeur des immobilisations totales après

investissement n’excède pas 5 millions de dirhams avec un coût de création d’emploi stable ne dépassant pas

70.000 dirhams. Voir Direction de la Planification : « principaux avantages des codes d’investissement et

régimes en douane », rabat, 1988, p. 04. 131

Le zonage établi par le code de 1983 est le suivant :

- Zone 1 : la préfecture de casablanca-Anfa

- Zone 2 : les préfectures de Hay Mohammadi-Aîne Sebâa, Ben Msik Sidi-Othman, Aîne Chok-Hay Hassani,

Mohammadia-Zenata et la province de Benslimane

- Zone 3 : la préfecture de Rabat-salé, les provinces de Fès, Agadir, Kénitra, Marrakech, Meknes, Safi,

Tanger et Tétouan

- Zone 4 : Alhoceima, Azilal, Béni Melal, Boujdour, Boulmane, Chefchaouen, Eljadida, Elkelâa des Sraghna,

Essaouira, Essmara, Figuig, Guelmim, Ifrane, Khénifra, Khémisset, Khouribga, Laâyoune, Nador,

Ouarzazate, Oued Eddahab, Oujda, Settat, Sidi Kacem, Tantan, Taroudante, Tata, Taza et Tiznit.

Page 260: thèse hamdaoui

260

2. L’exonération de la taxe spéciale sur les équipements importés pour les

entreprises qui exportent tout ou partie de leur production quel que soit leur

lieu d’implantation.

3. L’exonération des droits d’enregistrement et de timbre pour toute création ou

extension d’entreprises en zones 3 et 4 et pour toute PMI en zones 2, 3 et 4 et

pour toute extension quel que soit le lieu d’implantation : l’exonération de

50% de l’impôt sur les sociétés sur 5 ans pour toute création d’entreprises en

zones 3 et 4 et toute création d’entreprises de services liées à l’industrie.

4. La constitution d’une provision pour investissement en franchise d’impôt

pour toute création d’entreprises quel que soit le lieu d’implantation et pour

toute extension d’entreprises en zones 3 et 4.

5. L’exonération de l’impôt des patentes pour la création dans les zones 3 et 4

de toute entreprise et dans les zones 2, 3 et 4 pour les PMI.

6. La garantie de transfert des bénéfices nets d’impôts des non-résidents et du

produit réel de cession lorsque l’investissement est effectué par un étranger.

7. L’exonération du droit d’importation et de la TVA sur le matériel, les

outillages et les biens d’équipement destinés à la réalisation d’économies

d’eau ou d’énergie, à l’utilisation des ressources d’énergies nationales autres

que pétrolière ou à la préservation de l’environnement.

8. Enfin, le code prévoit des conditions spéciales procurant des avantages

supplémentaires pour toute entreprise dont le programme d’investissement

est supérieur à 50 millions de dirhams.

Toutefois, ces différents codes présentent de nombreuses faiblesses et

anomalies, notamment en termes d’efficacité dans l’attraction des

investissements et leur orientation sectorielle et régionale. Par conséquent, le

gouvernement a commencé, dès le début des années 90, une réflexion

envisageant la reprise des avantages dans un code unique ou directement dans

des lois sur la fiscalité et le commerce extérieur. Les révisions envisagées ne

remettent pas en cause les avantages prévus par les codes précédents. Mais elles

Page 261: thèse hamdaoui

261

appliqueraient ces avantages uniformément à toutes les entreprises qui

répondent aux conditions posées, exception faite des entreprises non

exportatrices dans le Grand Casablanca.

5.4.5 Le financement de l’industrie marocaine

Le développement de l’industrie marocaine est largement tributaire des

conditions du financement de projets industriels et du cadre incitatif dans ce

domaine. De ce fait, il semble primordial d’examiner les conditions d’accès des

entreprises aux capitaux et les problèmes liés à la mobilisation de ces capitaux

d’une part, et l’accès de ces entreprises aux crédits et le coût de ce dernier de

l’autre.

5.4.5.1 L’accès aux capitaux

La facilité d’accès aux capitaux est un obstacle qui handicape sérieusement le

développement de l’activité industrielle. Sur le plan interne, la plupart des fonds

propres des entreprises marocaines sont mobilisées dans le cadre d’arrangements

personnels d’autant plus que la bourse des valeurs ne permet guère de contribuer

au financement industriel. Cette réalité est due, d’une part, à la structure

largement familiale du capital au Maroc, et d’autre part, à la dimension étriquée

du marché financier. Ce dernier se caractérise par la faiblesse du nombre de

cotations qui dépasse à peine la cinquantaine et dont les deux tiers relèvent

d’entreprises de services. En outre, les sociétés cotées limitent les montants

engagés puisque la part de capital détenue sous forme d’actions et faisant l’objet

de transactions en bourse reste très faible et ne dépasse pas les 6%. Par

conséquent, les transactions boursières restent très modestes et portent, en

grande partie, sur le marché de gré à gré. En définitive, et dans l’état actuel des

choses, la bourse des valeurs est loin d’être inscrite dans une dynamique de

mobilisation des capitaux financiers.

Sur le plan externe, les apports d’investissements directs étrangers au Maroc ont

Page 262: thèse hamdaoui

262

connu un accroissement considérable à partir des années 90. En effet, ces

apports avaient stagné durant toute la décennie 80 avec un montant qui ne

dépassait pas les 200 millions de dollars. Mais en 1991, ces investissements sont

montés en flèche atteignant les 400 millions de dollars, et ils ont continué à

croître puisque leur montant a franchi la barrière d’un milliard de dollars en

1998 et plus d’un milliard et demi au titre de l’année 1999132

. Cette montée en

flèche correspond, en partie, à la forte augmentation des investissements directs

étrangers dans l’ensemble des pays en développement depuis le début des

années 90, mais elle tient aussi au fait que le Maroc avait adopté pratiquement

toutes les mesures officielles nécessaires pour attirer des investissements

étrangers, plus particulièrement dans les activités à forte teneur technologique133

.

D’un autre côté, le succès de la stabilité politique et économique a rendu le

Maroc plus attractif sur le plan économique, bien qu’il s’agisse d’un marché

relativement petit et limité aux yeux des investisseurs potentiels134

.

5.4.5.2 L’accès aux crédits

Le recours de l’entreprise marocaine au crédit est handicapé par deux obstacles

majeurs : la difficulté d’accès au crédit et le coût élevé de l’emprunt. En effet, le

Maroc compte une vingtaine de banques de dépôt dont trois banques de

développement spécialisées de l’Etat135

qui sont devenues des banques générales

au terme de la loi bancaire de 1992. Ce secteur a été caractérisé par une levée

progressive de la politique d’encadrement du crédit et l’application de nouvelles

132

Chiffres avancés par le Centre Marocain de Conjoncture (CMC). 133

Parmi ces mesures, figurent la convertibilité du compte courant, le droit de rapatrier les bénéfices et

dividendes sans autorisation préalable, l’absence de restrictions à l’embauche d’employés étrangers, l’absence de

contrôle sur les contrats couvrants les licences, les conventions de double imposition avec les pays originaires de

la plupart des investissements et l’absence de restrictions à l’accès à la propriété privée pour les étrangers. 134

La France est à la tête des pays d’origine des investissements directs en raison des liens historiques des deux

pays et l’utilisation des filiales françaises comme voie d’investissement par les multinationales. Ensuite, on

trouve l’Espagne dont le montant des investissements directs a connu une montée en flèche durant la dernière

décennie en raison de la proximité géographique entre les deux pays et l’amélioration continue de l’état de santé

de l’économie espagnole. En revanche, la part des pays pétroliers du Moyen Orient a connu une importante

régression liée sans doute à la baisse des rentes pétrolières qui a caractérisé les dix dernières années. 135

La Caisse Nationale du Crédit Agricole (CNCA) qui accorde des prêts aux exploitants et aux industries agro-

alimentaires, la Banque Nationale pour le Développement Economique (BNDE) qui accorde des prêts aux autres

Page 263: thèse hamdaoui

263

mesures de gestion par les autorités monétaires. Ainsi, on a procédé à

l’élimination des affectations sectorielles en même temps que le plafonnement

global du crédit bancaire. En contre partie, les autorités monétaires ont adopté

des mesures visant à renforcer la supervision et la réglementation bancaire

notamment l’institution du ratio Cooke obligeant les banques à conserver un

capital correspondant à 8% au moins de leurs avoirs et l’imposition d’un

coefficient maximum du risque encouru par les banques pour un entrepreneur

unique. Mais malgré ces mesures, la structure des prêts accordés par les banques

reste marquée par une tendance renforcée aux prêts à court terme. Cette

tendance peut être expliquée par plusieurs facteurs liés, essentiellement, à la

rentabilité, au risque et à l’offre des liquidités. En effet, le plafonnement des

taux prêteurs limite la rentabilité des prêts à moyen et long terme. De même, les

faiblesses dans la comptabilité des entreprises et les retards et incertitudes dans

les procédures de faillite augmentent, de façon significative, le risque associé

aux prêts. Enfin, l’absence d’un marché financier interbancaire solide limite les

perspectives des banques d’accroître leur liquidité en cas de besoin et les

encourage à conserver des avoirs à court terme. Cette réalité traduit également

l’absence d’un climat de confiance entre les banques et les entreprises et rend

plus difficile l’accès de ces dernières aux crédits pour financer leur activité et

leur investissement. Pourtant, le problème ne se pose pas, de la même manière,

pour toutes les entreprises et il est subi davantage per les petites et moyennes

entreprises. En effet, la plupart des prêts aux entreprises ont pour garantie des

immobilisations, des garanties personnelles ou d’autres formes de nantissements

irrévocables. Or, il est souvent impossible pour des petites entreprises de

présenter ces types de garanties. De même, le plafonnement des taux d’intérêt ne

laisse pas aux banques une marge suffisante pour couvrir les risques accrus et

les coûts administratifs.

D’un autre côté, les entreprises marocaines se plaignent, de plus en plus, du coût

industries et le Crédit Immobilier et Hôtelier (CIH) qui accorde des crédits pour le logement et les hôtels.

Page 264: thèse hamdaoui

264

des crédits accordés par les institutions financières. En effet, malgré la

déréglementation partielle des taux d’intérêt, dès 1990, le Maroc a connu un

accroissement relatif du taux plafond et des taux débiteurs effectifs appliqués

par les banques. Ceci peut s’expliquer par le fait que le plafonnement du taux

d’intérêt continue à limiter les prêts accordés par les banques ce qui les incite à

accroître le taux d’intérêt effectif en augmentant les commissions et en instituant

diverses obligations de nantissement. De même, le plafonnement empêche les

banques d’évaluer les possibilités de prêts aux clients qui présentent plus de

risque dans la mesure où elles n’ont pas de marge pour couvrir les risques en

augmentant les taux d’intérêt.

5.5 Structures et performances du secteur manufacturier marocain

D’habitude, la plupart des études industrielles se fondent sur le paradigme

établissant les différents liens entre la trilogie structure-stratégie-performance.

Ce dernier adopte l’idée que la structure du marché et la stratégie des entreprises

déterminent les performances de la branche (Scherer (1990), p. 15). Toutefois,

l’explication des performances industrielles permet de distinguer deux courants

théoriques :

- Le premier est qualifié de structuraliste, et il est constitué d’auteurs qui

insistent, beaucoup plus, sur les structures que sur les stratégies. C’est le cas,

notamment de Bain (1956) qui souligne l’existence d’un lien de causalité direct

entre structures et performances, lien qui lui évite de s’attarder sur les

comportements des entreprises. En effet, Bain (1956) suppose que le rôle des

comportements est minime dans la mesure où les entreprises sont censées

poursuivre le même objectif et s’adapter, plus ou moins, passivement aux

conditions de leur environnement industriel.

- Le second est qualifié de behavioriste, et il est représenté, essentiellement, par

Scherer qui attache plus d’importance à la liaison comportement-performance.

En effet, Scherer (1990) considère qu’il semble inutile de vouloir comprendre le

Page 265: thèse hamdaoui

265

fonctionnement des marchés sans tenir compte du réseau d’accords de

coopération, de partages de marchés, de distribution exclusive, de ventes liées et

de stratégies de groupes qui caractérisent les économies modernes. Cette logique

trouve son explication dans la définition même du rôle de l’entrepreneur qui

« rompt les processus répétitifs, établit des combinaisons nouvelles plus

productives…il n’est pas esclave de son environnement : au besoin, il provoque

les progrès qui lui paraissent concevables. D’autre part, il exerce une action sur

le développement des marchés… » (Dupriez (1959), p. 134).

Dans le contexte national, la plupart des études portant sur le secteur industriel

insistent, particulièrement, sur les structures des marchés et leurs effets sur les

performances industrielles. Cette position s’explique, à notre avis, par deux

raisons principales :

- La première est liée à l’environnement économique et institutionnel du Maroc

qui se caractérise par une absence d’une marge de manœuvre relativement

importante pour les entreprises (à cause de la politique de contrôle des prix, de

la réglementation des marchés, de l’absence de l’effort en matière de recherche-

développement, de l’absence d’une classe d’entrepreneurs assez solide, …).

- La seconde est liée essentiellement à la difficulté méthodologique pour cerner

les principales stratégies des entreprises et l’absence de données relatives à ces

comportements.

Pour les raisons ci-haut mentionnées, nous allons insister sur les principales

composantes des structures du marché et leurs effets sur les performances des

branches industrielles.

5.5.1 Les structures de marché dans le secteur manufacturier marocain

Les structures de marché constituent un élément déterminant du comportement

des entreprises et de leurs performances. D’après la classification de Scherer

(1990), les principales composantes des structures du marché sont la

différenciation des produits, la concentration des marchés et les barrières à

Page 266: thèse hamdaoui

266

l’entrée. Notre intérêt sera, pourtant, axé sur le degré de concentration des

branches industrielles et la mobilité des capitaux dans ces branches pour voir

dans quelle mesure ces composantes agissent sur les performances de l’industrie

manufacturière au Maroc.

5.5.1.1 Concentration industrielle au Maroc

L’étude de la concentration industrielle revêt une grande importance dans

l’analyse des structures de marché. Elle permet, en effet, de donner une idée

assez claire sur le rôle joué par les mécanismes de marché dans la détermination

des prix et, par voie de conséquence, sur l’allocation des ressources et la

distribution du surplus économique. De ce fait, nous allons utiliser deux indices

différents pour mesurer le degré de concentration des industries manufacturières

marocaines. Le premier (indice de Herfindahl) renseigne sur la dispersion des

parts de marché au sein d’une industrie, et le second (ratio de concentration des

plus grandes entreprises) informe sur les positions de domination dont disposent

certaines entreprises au sein de chaque industrie. Ensemble, ces deux approches

nous permettrons d’avoir une idée plus claire sur le partage du marché et le rôle

des entreprises dominantes.

5.5.1.1.1 Indice de Herfindahl

L’indice de Hirshman-Herfindahl est d’une grande utilisation dans les études

industrielles, notamment dans la théorie des prix en oligopole. Il tient, en effet,

compte de tous les points de la courbe de concentration et correspond, ainsi, à la

somme des carrés des parts de marché de toutes les firmes de la branche.

Sur la base d’une étude effectuée par Belghazi (1997) et portant sur la

classification des branches industrielles à quatre chiffres, on peut distinguer

quatre régimes de marchés :

- Un régime concurrentiel pour les activités ayant un indice compris entre 0 et

15%.

Page 267: thèse hamdaoui

267

- Un régime concentré pour celles dont la valeur de l’indice est comprise entre

16 et 43%.

- Un régime oligopolistique pour celles ayant un indice compris entre 44 et 90%.

- Un régime de monopole pour celles dont l’indice est supérieur à 90%.

En dépit de son caractère approximatif, cette classification permet de donner une

idée assez claire sur le degré de concentration des industries marocaines. Ainsi,

sur 224 activités, 59 sont classées comme concurrentielles soit plus du quart du

total, et seulement 10,7% sont monopolistiques. Il faut souligner, toutefois, que

la majorité des activités sont regroupées dans des régimes concentrés et

oligopolistiques soit 63% du total.

Tableau 5.9 : Effectif des activités industrielles par structure de marché

Indice de

Herfindahl

Régime de

marché

Nombre de

marchés

%

0 – 15

16 – 43

44 – 90

91 – 100

Concurrentiel

Concentré

Oligopolistique

Monopolistique

59

73

68

24

26,3

32,6

30,4

10,7

Ensemble 224 100,0

Source : S. Belghazi (1997) Concurrence Interne et Compétitivité Externe de

l’Industrie Marocaine, Publications du CERAB, p. 236.

Cette classification ne doit, cependant, pas cacher le fait que la plupart des

entreprises du secteur industriel sont inscrites dans des régimes plutôt

concurrentiels. Cette réalité apparaît quand on sait que 77% des entreprises

industrielles opèrent dans des activités concurrentielles et que ces entreprises

représentent près de 72% de l’emploi total de l’industrie manufacturière et

48,6% de ses ventes. En revanche, le poids des entreprises opérant dans le cadre

de structures oligopolistiques et monopolistiques est relativement limité (2,2%

de l’effectif des entreprises, 6% des effectifs employés et 17,7% des ventes).

Page 268: thèse hamdaoui

268

Tableau 5.10 : Répartition des activités industrielles selon le degré de

concentration et le poids économique

Caractéristiques des

activités

Régimes de marché Ensemble

Concurrentiel Concentré Oligopole Monopole

Nombre d’entreprises

Effectif employé

Chiffre d’affaires

77,3

71,9

48,6

20,5

22,3

33,8

2,0

4,2

12,5

0,2

1,7

5,2

100

100

100

Source : S. Belghazi (1997) Concurrence Interne et Compétitivité Externe de l’Industrie

Marocaine, Publications du CERAB, p. 236.

D’un autre côté, les résultats obtenus par Belghazi (1997) montrent l’importance

de la mobilité des régimes de marché des différentes activités entre 1984 et

1991. Cette mobilité se caractérise par une tendance à la baisse de l’indice de

Herfindahl, signe d’une baisse de la concentration des industries marocaines.

Tableau 5.11 : Evolution du classement du régime de marché des activités

industrielles

Régime de

marché en 1984

Régime de marché en 1991 Total

Concurrentiel Concentré Oligopole Monopole

Concurrentiel

Concentré

Oligopole

Monopole

40

15

2

2

6

45

20

2

10

10

31

17

2

-

5

17

58

70

58

38

Total 59 73 68 24 224

% 26,3 32,6 30,4 10,7 100

Source : S. Belghazi (1997) Concurrence Interne et Compétitivité Externe de l’Industrie

Marocaine, Publications du CERAB, p. 237.

Ainsi, sur 58 activités concurrentielles en 1984, 6 sont devenues concentrées, 10

oligopolistiques et 2 assimilables à un monopole en 1991. Mais, ce mouvement

exprime, à la fois, les sorties des entreprises et la concentration des parts de

marché. Au demeurant, le mouvement en sens inverse semble assez important :

sur 59 activités concurrentielles en 1991, 15 étaient concentrées, 20

Page 269: thèse hamdaoui

269

oligopolistiques et 2 assimilables à un monopole en 1984.

De façon générale, la période 1984-1991 a été caractérisée par une importante

baisse du nombre d’activités assimilées à un monopole qui est passé de 38 à 24

et une hausse comparable du nombre d’activités oligopolistiques qui s’est accru

de 58 à 68. En revanche, le nombre d’activités concurrentielles et concentrées

n’a pas connu une grande variation.

Ces chiffres confirment, donc, la tendance à la baisse de la concentration

industrielle au Maroc qui s’annonce particulièrement importante dans les

activités non réglementées constituant la majorité. Ainsi, les activités dont la

concentration a baissé représentent la moitié de la production alors que celles où

la production est en hausse ne constitue que 25% de la production.

Cependant, l’étude de la concentration industrielle au Maroc doit être complétée

par une comparaison avec les autres pays situés à un niveau de développement

comparable, chose qui sera possible avec l’utilisation du ratio de concentration

des plus grandes entreprises.

5.5.1.1.2 Ratio de concentration

Le rapport de concentration ou ratio de concentration des quatre plus grandes

firmes correspond à la part de la production ou des ventes détenues par ces

firmes. Contrairement à l’indice de Herfindahl, ce ratio ne correspond qu’à un

point de la courbe de concentration et élimine une grande partie de l’information

concernant les tailles relatives des firmes retenues. Toutefois, il a l’avantage de

pouvoir montrer le pouvoir de marché des grandes entreprises, chose qui ne peut

être élucidée par l’indice précédent.

Sur la base de données détaillées sur le degré de concentration des segments

industriels de la classification à trois chiffres au titre de l’année 1989, il ressort

que 12% des segments industriels avaient un degré de concentration de 100% et

32% avaient un ratio compris entre 90 et 100%, alors que seulement 29% des

Page 270: thèse hamdaoui

270

segments avaient un ratio inférieur à 50%136

.

Tableau 5.12 : Concentration de production, 1985-1989 (ratio des quatre usines)

Code Branche 1985 1987 1989

10

11

12

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

Produits des industries alimentaires

Autres produits des industries alimentaires

Boissons et tabacs

Produits textiles et bonneterie

Habillement

Cuir et chaussures en cuir

Bois et articles en bois

Papier, carton et imprimerie

Produits issus des minéraux de carrière

Produits de l’industrie métallique de base

Ouvrages en métaux

Machines et matériel d’équipement

Matériel de transport

Matériel électrique et électronique

Machines de bureau, instruments de précision

Produits de la chimie et de la parachimie

Articles en caoutchouc ou en plastique

Produits d’autres industries manufacturières

30

35

79

22

20

29

35

46

29

85

27

48

67

38

63

58

49

61

26

28

78

16

18

23

38

47

31

81

25

50

60

35

45

52

45

52

27

27

77

17

12

18

41

40

30

94

21

34

53

53

45

54

40

65

Source : Banque Mondiale (1993) Développement de l’Industrie Privée au Maroc,

Rapport, n°11557-Mor, vol 2, p. 09.

En retenant une classification plus agrégée (à deux chiffres), le degré de

concentration s’avère moins élevé puisque, seulement, 6 branches des 18 avaient

un ratio supérieur à 50%, alors que les 12 qui restent avaient un ratio inférieur à

50%. Toutefois, cette classification permet de repérer les branches les plus

concentrées, notamment : « les produits de l’industrie métallique de base », « les

boissons et tabacs » et « le matériel de transport ». Ces branches se caractérisent

136

Banque Mondiale (1993) Développement de l’Industrie Privée au Maroc, Rapport n° 11557-Mor, vol 2, p. 08.

Page 271: thèse hamdaoui

271

par la domination des entreprises publiques et l’importance des barrières à

l’entrée de nature réglementaire ou technologique. Ce constat peut être imputé

aux choix stratégiques de la politique économique poursuivie aux années 60 et

70 où l’Etat voulait se substituer au secteur privé en investissant dans les

industries d’import-substitution et celles à vocation exportatrice.

Le degré de concentration industrielle semble, tout de même, élevéerelativement

aux autres pays. En effet, la comparaison du Maroc au Japon et à l’Inde montre

que 41% des segments industriels marocains avaient des degrés de concentration

à quatre usines compris entre 80 et 100%, alors que ce pourcentage était à peine

égal à 9% au Japon en 1963, date où ce pays avait une taille moyenne des

segments industriels semblable à celle du Maroc en 1989. Par contre, la

concentration industrielle au Maroc semble moins prononcée comparativement à

celle de l’Inde en 1984.

Tableau 5.13 : Comparaison de la concentration au Maroc à celle du Japon

et de l’Inde (ratio des 4 usines selon la classification à trois chiffres)

Degré de

concentration

Maroc (1989) Inde (1984) Japon (1963)

Nombre % Nombre % Nombre %

0 – 19

20 – 39

40 – 59

60 – 79

80 - 100

5

14

12

26

41

5

14

12

27

42

10

9

15

15

60

9

8

14

14

55

157

142

117

50

46

31

28

23

10

9

Ensemble 98 100 109 100 512 100

Source : Banque Mondiale (1993) Développement de l’Industrie Privée au Maroc,

rapport n°11557-Mor, vol 2, p. 08.

Page 272: thèse hamdaoui

272

5.5.1.2 La mobilité du capital industriel au Maroc

D’après la théorie micro-économique, la possibilité d’entrer dans un marché

dépend du degré de concentration et apparaît comme un fait lié aux structures

des marchés. En revanche, les modèles de concurrence parfaite et de

concurrence monopolistique supposent que l’entrée est libre, mais ne se réalise

que sur une longue période définie par le temps nécessaire à l’installation des

nouvelles capacités de production.

La mesure de la mobilité que nous allons retenir ne se réfère pas à un critère

juridique, mais à l’activité de l’entreprise. Ainsi, notre intérêt sera axé sur

l’importance des mouvements d’entrées et de sorties et la taille des entrants et

des sortants.

Sur la période 1985-1989, le taux d’entrée pondéré par le chiffre d’affaires des

branches industrielles marocaines a connu une importante baisse dans

l’ensemble des branches industrielles puisqu’il est passé de 4,15% à 2,35%.

Cette tendance peut être observée, également, dans la plupart des branches et

peut être expliquée, d’une part, par le niveau élevé des barrières à l’entrée et,

d’autre part, par la baisse progressive de la protection des industries locales

contre la concurrence par des importations. D’ailleurs, les branches où les taux

d’entrée sont les plus faibles (boissons et tabacs, produits de la chimie et de la

parachimie, produits de l’industrie métallique de base) sont celles qui

bénéficient encore d’une grande protection vis-à-vis de la concurrence des

importations. En revanche, les branches caractérisées par les taux d’entrée les

plus élevés (produits d’autres industries manufacturières, ouvrages en métaux,

habillement, matériel de transport, bois et articles en bois) sont, généralement,

moins concentrées et bénéficient moins de la protection contre les importations.

Page 273: thèse hamdaoui

273

Tableau 5.14 : Taux d’entrée, de sortie et de turnover pondérés par le

chiffre d’affaires (en %)

CB Branche 1985 1989

TE (1) TS (2) TT (3) TE (1) TS (2) TT (3)

10

11

12

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

Alim

Aut Alim

Boiss et Tab

Textiles

Habillement

Cuir et chauss

Bois

Papier

Mat const

Mat base

Ouv mét

Bien equip

Mat transp

Mat électr

Mat précis

Chimie

Caoutch

Aut indust

2,31

3,16

0,00

1,20

6,41

2,81

9,55

2,61

2,66

8,21

7,49

22,69

23,81

2,03

0,64

2,23

0,87

9,36

1,34

1,30

0,94

0,82

1,20

2,96

1,13

0,68

1,64

2,69

1,09

2,90

1,40

1,37

27,57

0,10

0,38

1,87

3,65

4,45

0,94

2,02

7,61

5,77

10,69

3,30

4,30

10,90

8,58

25,58

25,26

3,40

28,21

2,33

1,26

11,24

1,46

2,26

0,20

3,01

6,13

2,44

5,97

1,55

2,91

0,06

5,22

3,70

4,33

2,45

2,73

0,55

1,57

0,12

4,43

0,53

0,21

1,11

1,04

0,39

1,32

0,84

0,33

0,00

0,67

4,04

1,32

0,23

0,00

0,03

0,44

2,35

5,89

2,79

0,41

4,12

7,16

2,84

7,29

2,39

3,23

0,06

5,89

7,73

5,65

2,68

2,73

0,57

2,01

2,47

Ensemble 4,15 1,11 5,26 2,35 1,03 3,88

(1) : TE : taux d’entrée pondéré par le chiffre d’affaires

(2) : TS : taux de sortie pondéré par le chiffre d’affaires

(3) : TT : taux de turnover pondéré par le chiffre d’affaires

Source : S. Belghazi (1997) Concurrence Interne et Compétitivité Externe de l’Industrie

Marocaine, Publications du CERAB, p. 347-348.

D’un autre côté, le taux de sortie a connu une légère baisse entre 1985 et 1989

en passant de 1,11% à 1,03%. Les branches où le taux de sortie était le plus

élevé sont « les machines et les biens d’équipement », « les autres industries

manufacturées », « le matériel de transport » et « l’habillement ». En revanche,

la branche où le taux de sortie était le plus faible est « les boissons et tabacs ».

Enfin, le taux de turnover a connu une importante baisse en raison de

l’importance du mouvement d’entrée et l’impact limité des sorties. Mais, malgré

l’importance relative du mouvement des entrées et du turnover, la taille des

entreprises entrantes reste assez faible par rapport à celle des entreprises

permanentes.

Page 274: thèse hamdaoui

274

Tableau 5.15 : Taille moyenne des permanents, entrants et sortants

(valeur ajoutée / effectif des entreprises)

CB Branche 1985 1989 Perman Entrants Sortants Perman Entrant Sortant

10

11

12

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

Alim

Aut Alim

Boiss et Tab

Textiles

Habillement

Cuir et chauss

Bois

Papier

Mat const

Mat base

Ouv mét

Bien equip

Mat transp

Mat électr

Mat précis

Chimie

Caoutch

Aut indust

2074

5423

82209

4572

1654

1840

2546

2456

6740

43702

3671

1480

7805

8105

1155

12434

4044

749

110

1021

0

606

668

246

1246

605

639

3171

1837

1508

9096

1150

181

1434

237

324

121

944

41

6672

426

132

215

375

1656

178

2870

695

77

726

147

1202

202

455

2950

7262

156118

6538

3529

2718

3910

4680

12735

83205

4997

2539

13041

13680

2000

20546

4976

1245

385

1183

713

1003

739

300

424

590

1278

257

1202

560

9351

2184

184

556

405

54

433

7697

0

1415

984

-714

1081

168

288

349

809

288

6949

358

0

3525

1041

22

Ensemble 4859 975 1398 7959 823 1809

Source : S. Belghazi (1997) Concurrence Interne et Compétitivité Externe de l’Industrie

Marocaine, Publications du CERAB, p. 351.

Dans l’ensemble, la taille moyenne a connu une hausse relative aussi bien pour

les permanents que les entrants et les sortants. Mais, la taille des entrants reste

de 7 à 10 fois plus petite que celle des permanents. Or, il semble tout à fait

normal que la taille des entrants soit plus petite, mais lorsque l’écart est très

grand, les entreprises entrantes ne disposeront pas des mêmes armes que les

entreprises permanentes d’autant plus que les entreprises sortantes sont souvent

les plus petites.

Ces caractéristiques permettent, donc, de porter une appréciation utile sur la

dynamique de l’industrie manufacturière au Maroc. Ainsi, l’idée majeure qui

ressort est que le processus de concentration des entreprises constitue le trait

dominant de la croissance. Les nouvelles entreprises sont relativement

nombreuses, mais l’émergence de nouveaux entrepreneurs n’est pas de nature à

Page 275: thèse hamdaoui

275

porter la concurrence aux entreprises existantes. La concurrence active

observable (en particulier, à travers la baisse des taux de marge) est le résultat

surtout des entreprises installées (notamment de leur capacité d’offre élevée) et

encore plus de l’effet de la libéralisation du commerce extérieur. La relative

faiblesse de la mobilité du capital inter-branches ressort du fait que les entrants

sont, en général, de petite taille et handicapés par la faiblesse de leurs économies

d’échelle.

De part cette faiblesse, le capital industriel reste fortement attiré par les secteurs

fortement exportateurs et la nature concurrentielle de ces marchés, ainsi que les

industries marquées par des structures oligopolistiques et monopolistiques dont

le degré d’engagement reste faible. En revanche, les branches industrielles

importatrices sont caractérisées par les taux de sortie les plus élevés et la

rentabilité la plus faible.

En définitive, on peut dire que la faible mobilité du capital et la forte

concentration de l’industrie manufacturière marocaine constituent les traits

majeurs de la structure des marchés. En effet, malgré les améliorations notables

connues depuis la fin des années 80, le poids des grandes entreprises continue à

peser, à la fois, sur le degré de la concentration industrielle et le niveau des

barrières à l’entrée. D’ailleurs, ce sont ces caractéristiques qui influent de façon

directe et indirecte sur le niveau des performances industrielles.

5.5.2 Les performances des branches industrielles au Maroc

L’étude des performances pose de sérieux problèmes sur le plan théorique et

empirique. Parmi les difficultés qui apparaissent dans une étude des

performances, on note la question du niveau d’appréhension et celle de la

diversité des critères.

En effet, l’analyse des performances peut porter sur des éléments ou des sous-

secteurs différents et couvrir des domaines de comparaison ou espaces

comparatifs variés :

Page 276: thèse hamdaoui

276

- Si l’unité de comportement de base est l’entreprise, on peut obtenir des

résultats plus ou moins élevés selon le dynamisme, les stratégies et le

comportement qu’elle adopte. Celle-ci partage, en effet, avec d’autres certaines

caractéristiques et subit certaines contraintes communes tenant au processus de

production et aux conditions spécifiques du marché.

- Le secteur, à son tour, s’insère à la fois dans le système industriel global

caractérisé par un certain nombre de contraintes communes s’exprimant en

particulier en termes de prix des facteurs de production et à travers des échanges

de produits ou services.

- Dans une autre perspective, les entreprises appartiennent par leur implantation

géographique à des régions qui diffèrent par leur degré d’intégration et les

contraintes qui leurs sont propres.

La seconde difficulté se rapporte à la diversité des critères de performances et au

choix parmi ces critères en fonction du niveau d’appréhension et de l’objectif

poursuivi. En effet, les performances peuvent saisir ce qui a trait à la sphère de

la production d’un côté, et à la sphère de la valorisation et de la répartition de

l’autre. On distingue alors, des critères d’efficience et/ou de la productivité, des

critères d’efficacité tenant compte de la capacité de valorisation des entreprises,

et des critères correspondant aux revenus retirés par chacun des ayants-droits du

surplus réalisé. Par rapport à ces critères statiques, la littérature propose des

critères plus dynamiques, tels que ceux attachés aux opérations de recherche et

d’innovation.

Mais au-delà de la pertinence intrinsèque de chaque critère, la sélection doit être

effectuée en fonction de la nature de l’entité observée. En ce qui concerne le

critère d’efficience technique, l’analyse comparative ne peut être réalisée qu’au

niveau d’établissements ou d’entreprises produisant un même produit et utilisant

une même fonction de production. En revanche, lorsque la comparaison ne porte

plus sur des produits identiques, mais plutôt sur des activités correspondant à

des produits différents (comparaison inter-sectorielle), il convient d’adopter une

Page 277: thèse hamdaoui

277

mesure alternative, intégrant obligatoirement un système de prix.

5.5.2.1 Rapport prix-coût et dispersion des performances de l’industrie

marocaine

Parmi les indicateurs les plus appropriés pour mesurer les performances des

entreprises et des industries, on trouve le rapport prix de marché -coût moyen.

Cet indicateur révèle le degré de flexibilité des entreprises : plus le prix est

supérieur au coût, plus les entreprises ont de possibilités d’actions stratégiques

pour augmenter leur part de marché, à travers :

- Des actions de promotion de leurs produits et de renforcement de la maîtrise

logistique de la distribution.

- Des actions pour cibler la clientèle, notamment à travers la diversification de

leurs produits.

- Des actions d’investissement pour augmenter leur capacité ou améliorer le

rendement de leurs installations productives.

- Un meilleur partage des gains de l’entreprise et des actions sociales pour

renforcer la cohésion du collectif des travailleurs.

Afin de mesurer le degré de flexibilité et sa dispersion dans l’industrie

marocaine, nous allons présenter les principaux résultats de l’étude effectuée par

Belghazi (1997) qui a mesuré l’ampleur de la dispersion des performances en

fonction d’un certain nombre de caractéristiques structurelles de l’industrie

marocaine. Il s’agit, notamment, de l’effectif et la taille des entreprises,

l’orientation et le régime de marché et le type de capital. En effet, l’étude a

permis de conclure que le nombre d’entreprises réalisant des pertes

d’exploitation représente 19% du volume des ventes avec un rapport prix-coût

moyen égal à 92,6%, mais assorti d’un écart-type de 46%. En revanche, le degré

de dispersion des performances semble moins élevé pour le groupe d’entreprises

réalisant des marges bénéficiaires positives.

Page 278: thèse hamdaoui

278

Tableau 5.16 : Niveau de performance des entreprises mesuré par le

rapport prix-coût (1991)

Rapport prix-coût Moyenne Ecart-type Ventes en

milliards de DH

< 1

> 1

0,9625

1,0752

0,4591

0,0945

24

100

Ensemble 1,0475 0,2285 124

Source : S. Belghazi (1997) Concurrence Interne et Compétitivité Externe de

l’Industrie Marocaine, Publications du CERAB, p. 258.

Sur un effectif de 5820 entreprises industrielles, 2036 ont déclaré produire à un

coût variable supérieur au prix de marché (soit 35% du total). Mais la plupart

des entreprises ayant déclaré une marge bénéficiaire positive avaient un rapport

prix-coût inférieur à 1,25137

et seulement 5% avaient un rapport supérieur à 1,25.

Cette dispersion concerne, en fait, la plupart des branches industrielles à

l’exception des « boissons et tabacs ». De même, à l’intérieur des branches, la

majorité des ventes est réalisée par des entreprises dont le taux de marge est

inférieur à 5%138

.

La faiblesse des performances des entreprises industrielles dans l’ensemble peut

être liée à l’importance relative des petites entreprises dans le tissu industriel.

Ainsi, une plus grande proportion d’entreprises de petite taille réalise un rapport

prix-coût inférieur à l’unité. En fait, la proportion des entreprises qui produisent

à pertes devient de plus en plus importante au fur et à mesure que la taille de ces

entreprises deviendra plus petite. Mais, ceci n’empêche pas l’existence d’une

proportion relativement importante de petites entreprises qui réalisent des

performances élevées. D’un autre côté, la grande taille n’implique pas un degré

137

Pour 31,5% de l’effectif total, le rapport prix-coût est compris entre 1 et 1,05, alors que 28,5% ont un rapport

compris entre 1,05 et 1,25. 138

Les branches dont plus de 70% des ventes sont réalisées par des entreprises dont le taux de marge est inférieur

à 5% sont : les industries alimentaires, le cuir et chaussures, le papier, les ouvrages en métaux, la chimie et les

autres industries manufacturières. Par contre, celles dont la majorité de la production est réalisée dans des

conditions de rentabilité élevée sont : les matériaux de construction, les boissons et tabacs, le bois, les matériaux

Page 279: thèse hamdaoui

279

très élevé en matière de performances étant donné que les entreprises les plus

grandes sont concentrées dans la fraction du critère prix-coût comprise entre 1 et

1,05, soit un taux de marge inférieur à 5%.

En ce qui concerne l’orientation des marchés, il semble que le degré

d’orientation vers les exportations n’est pas un facteur déterminant de la

rentabilité des entreprises et il semble même que l’inverse soit plus fréquent.

Tableau 5.17 : Répartition des ventes suivant l’orientation des marchés et le

niveau du rapport prix-coût

Orientation des

marchés

Rapport prix-coût en % de la ligne CATTC (%

de la colonne) < 1 1 – 1,05 1,05 – 1,10 1,10 – 1,25 > 1,25

Non exportateur

Marché intérieur

Ouvert

Exportateur

13,2

6,9

20,9

45,8

55,3

42,2

57,0

31,5

14,7

24,1

7,1

11,1

13,3

25,0

10,5

6,6

3,5

30,7

2,7

22,7

43,9

30,7

2,7

22,7

Ensemble 18,9 46,0 16,6 15,3 3,3 100,0

Source : S. Belghazi (1997) Concurrence Interne et Compétitivité Externe de l’Industrie Marocaine, Publications

du CERAB, p. 261.

En effet, les déclarations des entreprises montrent qu’une plus grande proportion

des entreprises orientées vers le marché intérieur et exportant de manière

marginale présente des performances meilleures que celles des entreprises à

vocation exportatrice. Ceci peut sembler assez logique vue le degré de la

concurrence sur les marchés internationaux et la protection dont jouissent les

entreprises qui produisent pour le marché local, chose qu’il faudrait mettre

plutôt à l’actif des entreprises exportatrices qui semblent être mieux armées pour

confronter la levée progressive des barrières protectionnistes dans les années à

venir.

Enfin, la ventilation du rapport prix-coût des entreprises industrielles selon le

régime du marché confirme la dispersion des performances de ces entreprises.

de base, le matériel électrique, le caoutchouc.

Page 280: thèse hamdaoui

280

Ainsi, dans les branches de type concurrentiel, la dispersion semble être

l’élément dominant, alors qu’elle est plus faible dans les branches de type

monopoliste. Si le poids des activités non performantes est plus fort dans les

branches concurrentielles, il apparaît que dans les branches monopolistiques la

dispersion est moins forte (le poids des activités à haute ou à faible rentabilité

est plutôt faible).

Tableau 5.18 : Répartition des ventes par type de marché suivant le niveau

du rapport prix-coût

Régime du

marché local

Rapport prix-coût (en % de la ligne) CATTC ( %

de la colonne) < 1 1 – 1,05 1,05 – 1,10 1,10 – 1,25 > 1,25

Concurrentiel

Concentré

Oligopolistique

Monopolistique

24,2

9,1

35,1

1,4

51,6

56,1

14,4

39,5

12,4

14,8

12,5

56,5

7,7

16,4

35,8

2,0

4,1

3,6

2,3

0,6

38,9

36,5

17,2

7,4

Ensemble 18,9 46,0 6,6 15,3 3,3 100,0

Source : S. Belghazi (1997) Concurrence Interne et Compétitivité Externe de l’Industrie

Marocaine, Publications du CERAB, p. 262.

Pour les branches caractérisées par des marchés concentrés, la plupart des

entreprises réalisent un taux de marge compris entre 0 et 10%. En revanche, les

branches oligopolistiques se caractérisent par une plus grande dispersion des

performances avec un poids relativement important des entreprises ayant une

performance faible ou moyenne. L’explication de liaison nette entre la

rentabilité et les structures de marché s’explique par le fait que le pouvoir de

marché (attribué par la concentration) est conditionné par le niveau de protection

vis-à-vis de la concurrence étrangère en ce sens où la libéralisation des

importations de certains secteurs a constitué depuis le milieu des années 80 une

certaine concurrence pour la production nationale.

Page 281: thèse hamdaoui

281

5.5.2.2 Productivité du travail et salaires

Le secteur industriel marocain est marqué par un fort dualisme opposant, d’un

côté, des entreprises à productivité élevée, et de l’autre, des entreprises à faible

productivité. Cette situation se résume dans la relation suivante : plus la

productivité est faible, plus le salaire est bas. Ainsi, le salaire moyen du secteur

industriel était supérieur en moyenne de 52% au niveau du SMIG. Il était

supérieur de 23% au SMIG dans les entreprises employant moins de 50 salariés

qui représentent la moitié de l’effectif des entreprises. En revanche, les

entreprises employant plus de 100 salariés payaient un salaire moyen supérieur

ou égal au double du SMIG. Cependant, il y avait plu de 2000 entreprises qui

versaient des salaires inférieurs au SMIG dont plus de 200 réalisant un chiffre

d’affaires compris entre 5 et 15 millions de dirhams.

L’analyse des entreprises industrielles selon les salaires payés et la taille

exprimée par le chiffre d’affaires permet de ressortir les remarques suivantes :

- La faiblesse de la productivité est un phénomène généralisé touchant la

majorité des petites et moyennes entreprises, mais également observable dans

quelques grandes entreprises. Il est, toutefois, clair que l’aptitude des écarts de

productivité est d’autant plus élevée que la taille de l’entreprise est grande. Dans

la classe de chiffre d’affaires supérieure à 50 millions de dirhams, le coefficient

de variation est proche de 1, alors que dans les autres classes ce coefficient est

voisin de 0,5. En revanche, la productivité apparente du travail139

est croissante

de manière stricte et quasi-continue en fonction de la taille de l’entreprise et du

niveau du salaire moyen payé. Ce phénomène reflète les deux composantes

principales de la productivité, à savoir les économies d’échelle140

et le

compromis salarial141

.

- Les combinaisons de productivité et de salaires définissent un véritable

139

La productivité apparente du travail est mesurée par le chiffre d’affaires par emploi. 140

Plus la masse de facteurs de production mobilisée dans la production est élevée, plus le rendement de chaque

unité de facteur de production mobilisé sera grand. 141

Plus les profits seront partagés, plus le travail est mené de manière intensive et créatrice induisant divers types

Page 282: thèse hamdaoui

282

dualisme traversant l’ensemble des branches industrielles. Ce dualisme est

observable dans toutes les branches sans exception. La tranche des entreprises

payant un salaire moyen supérieur de 0 à 20% au SMIG représentant une

véritable frontière de productivité. Certaines branches sont, à l’évidence, des

lieux de concentration des activités à bas salaires : habillement, industries

alimentaires, textile, cuir, matériaux de construction.

Ces caractéristiques permettent d’opposer deux types de comportements dans les

entreprises : d’une part, celles qui tablent sur le faible coût de la main d’œuvre et

préfèrent des processus à forte densité en travail non qualifié et une gestion

inefficiente de la force de travail, et d’autre part, celles qui choisissent les

techniques et accordent des salaires incitatifs de manière à optimiser le potentiel

productif des ressources humaines et matérielles mobilisées.

Les entreprises du premier type procèdent à une utilisation inefficiente de la

force de travail, dépensant beaucoup plus d’énergie humaine et mobilisant peu

d’encadrement et de travail qualifié. Se refusant à substituer des machines à une

force de travail dévalorisée, elles se contentent souvent de la fabrication d’un

produit de qualité médiocre. Toutefois, elles peuvent être compétitives d’une

manière durable sur le marché local en raison des bas salaires et de la fraude

fiscale. En revanche, elles perdent progressivement leurs atouts sur le marché

international car leurs concurrents se modernisent et introduisent des

innovations de productivité.

Les entreprises du second type sont parfois à la pointe des techniques

internationales. Elles préfèrent souvent s’équiper en matériel mécanisé ou

automatisé, pour éviter les problèmes de gestion posés par une main d’œuvre

que l’environnement social rend inadaptée aux tâches d’une industrie moderne.

Ces entreprises paient des salaires d’un niveau honorable en proportion de la

productivité de leurs employés. Cependant, elles subissent des entraves à leur

compétitivité interne et externe.

d’économies d’efficience.

Page 283: thèse hamdaoui

283

De manière globale, la flexibilité de l’appareil productif semble limitée.

L’analyse de la dispersion des rentabilités révèle que la tendance dominante est

celle de la disparité des taux de profit. Ainsi, malgré la baisse notable du niveau

des disparités durant la période de l’ajustement structurel, la flexibilité des

structures reste insuffisante (les investissements potentiels confrontent encore

d’importantes barrières à l’entrée des branches, notamment la taille du marché

intérieur, la difficulté de conquérir de nouveaux créneaux à l’exportation et, plus

souvent, la lourdeur de l’investissement initial). D’un autre côté, l’existence

d’une relation nette entre propriété du capital, comportement et performance des

entreprises reste partiellement occultée par les conditions de fonctionnement

interne des entreprises notamment la relation salariale.

5. 6 Conclusion

Malgré l’évolution positive de la structure des marchés depuis la seconde moitié

de la décennie 80, l’industrie marocaine reste encore marquée par le poids

important joué par les grandes entreprises dans l’activité de la production. En

effet, malgré le nombre élevé des petites et moyennes entreprises industrielles,

leur poids économique reste encore assez faible. Par conséquent, les marchés

marocains restent caractérisés par une forte concentration et des barrières à

l’entrée très élevées qui empêchent la libre circulation du capital et la mise en

place d’un régime concurrentiel susceptible d’assurer une meilleure allocation

des ressources. D’ailleurs, ces caractéristiques structurelles influent nettement

sur le niveau et la dispersion des performances des entreprises industrielles. En

effet, l’analyse de la dispersion de la rentabilité révèle une grande disparité des

taux de profit et d’une flexibilité globale limitée de l’appareil productif et d’une

faible mobilité du capital. Cette situation s’avère, donc, anormale d’autant plus

que les entreprises les plus rentables ne tiennent pas leur avantage d’une gestion

efficace ou d’un accroissement de leur productivité, mais plutôt d’une relation

Page 284: thèse hamdaoui

284

fondée sur un partage généralement défavorable aux salariés.

Page 285: thèse hamdaoui

285

Chapitre 6:

Intégration Verticale dans l’Industrie Manufacturière

Marocaine: Essai de Vérification Empirique

6.1 Introduction

Le secteur industriel occupe une place importante dans le tissu productif de

l’économie marocaine tant au niveau de la création de la richesse que celui de

l’emploi. L’importance de ce secteur s’est affirmée davantage depuis l’adoption,

par le Maroc, du programme d’ajustement structurel et l’instauration d’une

multitude de réformes économiques et institutionnelles. Ces réformes se sont

traduites, au niveau industriel, par une déréglementation progressive de ce

secteur à travers le désengagement du capital public de l’activité de production

et l’institution du libre jeu de la concurrence. Toutefois, l’aboutissement de

toutes ces réformes et le développement du secteur industriel restent largement

tributaires des structures internes du tissu industriel et de ses performances

économiques.

Dans ce contexte, l’étude du degré d’intégration verticale des industries

marocaines semble d’une grande importance dans l’évaluation du degré

d’efficience des structures verticales de ces industries. Cette évaluation

intéressera, essentiellement, le niveau d’intégration verticale au sein des

industries manufacturières, l’explication de ce niveau en se référant aux théories

de l’intégration verticale et l’examen de ses effets sur les performances

économiques. Pour ce faire, nous passerons en revue les méthodes et les

Page 286: thèse hamdaoui

286

techniques utilisées par les principales études empiriques sur l’intégration

verticale avant de mesurer le degré d’intégration des industries manufacturières

marocaines. Ensuite, nous tenterons de vérifier empiriquement les principaux

déterminants de l’intégration verticale et effets sur les performances

économiques.

6.2 Les études empiriques de l’intégration verticale

Les méthodes utilisées dans ce contexte portent généralement sur les études

interindustrielles ou celles spécifiques à une industrie.

6.2.1 Les études interindustrielles

Il s’agit des études transversales recourant aux données économiques et

comptables des entreprises et branches industrielles pour expliquer les relations

susceptibles d’exister entre l’intégration verticale et les différentes variables

explicatives. Plusieurs de ces études se fondent sur le paradigme de l’économie

industrielle qui fait référence à la trilogie: structure-stratégie-performance. Dans

ce sens, les performances des branches industrielles se manifestent par la

profitabilité des entreprises, l’efficience de la production, le rythme du progrès

technique ou l’expansion du marché. Elles dépendent de la stratégie des firmes

aussi bien dans la détermination des prix que la publicité et la recherche et

développement. De ce fait, l’objectif des entreprises, leur degré de collusion ou

de compétition jouent un rôle très important142 .

A Titre d’exemple, des profits élevés (performance) supposent une collusion

entre les firmes en matière de prix (stratégie) elle-même permise par une forte

concentration dans la branche (structure). De même, l’intensité du progrès

technique (performance) implique un effort de recherche (stratégie) qui peut être

favorisé lorsque les entreprises sont protégées de la concurrence potentielle par

142

La stratégie dépend à son tour de la structure du marché: la différenciation des produits, la concentration,

l’intégration verticale et les barrières à l’entrée, (c’est-à-dire des facteurs qui déterminent l’intensité de la

concurrence) (Scherer (1990), p. 04).

Page 287: thèse hamdaoui

287

l'existence de barrières à l’entrée. Enfin, l’expansion du marché (performance)

suppose une politique de promotion des ventes (stratégie) qui peut être stimulée

par un degré modéré de concentration (structure) considéré comme facteur

favorable à la concurrence publicitaire.

Cependant, l’enchaînement causal structure-stratégie-performance n’est pas le

seul type de relation concevable. Le degré de concentration et d’intégration

(structures) peut être modifié, au moins à la longue, sous l’effet des stratégies de

firmes et/ou de leurs performances. Par exemple, une rentabilité élevée

(performance) favorise l’entrée de nouveaux concurrents sur le marché et

contribue à atténuer le degré de concentration. De même, le progrès technique

induit par les activités de la recherche-développement (stratégie) affecte les

conditions de coût et de demande, et par le même, la structure de marché. A plus

court terme, les campagnes publicitaires modifient les parts de marché des

entreprises et par conséquent la concentration. Plus généralement, les

différences d’efficience entre firmes affectent les profits et les parts de marché et

donc la profitabilité et la concentration de la branche. La relation structure-

stratégie-performance est donc réversible et par là complexe143.

Dans ce contexte, l’intégration verticale est appréhendée comme une variante

des structures de marché dont le degré et l’étendue sont déterminés par les

conditions de base, les interactions avec les autres variantes structurelles et les

effets réversibles des stratégies des firmes. De même, le degré d’intégration

influe de façon directe et/ou indirecte sur le comportement des entreprises, les

conditions de base et les performances des entreprises et des branches

industrielles.

6.2.2 Les études spécifiques à une industrie

Le second type d’études adopte des méthodologies hétérogènes et diversifiées

143

Pour une présentation de la stratégie structure-stratégie-performance voir Benzoni « Industrial Organization-

Industrial Economics: Les développements d’une discipline », in Traité d’Economie Industrielle, édité par

Arena et al, édition Economica, 1988, pp. 133-159.

Page 288: thèse hamdaoui

288

qui se caractérisent principalement par l’adoption d’un degré d’analyse plus

microanalytique que celui de la théorie standard des prix144

. Ces travaux

cherchent particulièrement à vérifier empiriquement les hypothèses de la théorie

des coûts de transaction par une confrontation de ces hypothèses à la réalité des

organisations et des marchés, bien que les données comptables soient souvent

mal adaptées aux besoins de l’économie des coûts de transaction. Ceci est dû

essentiellement à l’insuffisance de la distinction entre coûts fixes et coûts

variables de mettre en évidence les questions centrales relatives à la spécificité

des actifs.

Figure 6-1: Distinction des coûts

Source: O.Williamson (1985) The Economic Institutions of Capitalism, New York Free Press, p. 7

En effet, de nombreux actifs, considérés comme fixes par les comptables, sont

en fait redéployables. A titre d’exemple, les équipements et les constructions à

caractère général situés dans un lieu central, les actifs durables mais mobiles tels

que les camions et les avions sont généralement redéployables. En revanche,

144

Ces études s’intéressent à des transactions spécifiques soumises au choix institutionnel de « produire ou

acheter ».

Actifs fixes (F) Actifs variables (V)

Actifs non spécifiques ( K ) Actifs non spécifiques ( K )

Actifs spécifiques

( K )

Actifs spécifiques

( K )

Distinction Comptable: Actifs Fixes (F) et Variables (V)

Distinction contractuelle: Actifs Spécifiques ( K ) et Non Spécifiques ( K )

Page 289: thèse hamdaoui

289

certains actifs, inscrits comme variables par les comptables, restent

irrécupérables. Le capital humain spécifique à la firme en est une illustration.

La distinction des coûts est donc, faite selon qu’ils soient fixes (F) ou variables

(V). Mais ils peuvent également être classés selon le degré de spécificité. Ainsi,

la fixité d’un actif de l’entreprise, selon la distinction comptable, n’implique pas

automatiquement sa spécificité et vice versa. Par conséquent, certains

économistes (Stuckey (1983), Joskow (1985), Goldberg et Erickson (1982)) ont

tenté de recueillir eux-mêmes les données nécessaires en adoptant généralement

des approches qualitatives qui ne sont pas souvent adaptées à des traitements

statistiques, mais qui touchent des côtés plus profonds de la question et du

problème traités. Ceci n’a, cependant, pas empêché l’apparition de nombreuses

études quantitatives utilisant des techniques statistiques pour vérifier les

hypothèses et les prédictions de la théorie des coûts de transaction145

.

La classification, proposée, des études empiriques sur l’intégration verticale

repose donc sur deux critères essentiels : le premier se rapporte au niveau du

découpage du système productif et le second se réfère aux techniques

statistiques utilisées. Mais, le point commun à toutes ces études est, sans doute,

la difficulté de mesure de l’intégration verticale liée au problème de sa définition

d’une part, et au caractère confidentiel des données nécessaires pour la mesurer

de l’autre. La résolution de ces problèmes suppose, donc, l’utilisation de

données relativement agrégées et le choix d’une mesure adéquate de

l’intégration verticale. Dans ce contexte, nous proposons d’étudier le degré

d’intégration des industries manufacturières marocaines en adoptant une

approche interindustrielle. Cette étude consiste, en premier lieu, à choisir une

mesure adaptée au niveau de découpage retenu, et en second lieu, à vérifier les

hypothèses théoriques se rapportant aux déterminants de l’intégration verticale

145

Parmi les techniques utilisées par ces études, on peut citer notamment les modèles statistiques utilisant les

techniques probit dans les quels les attributs des transactions sont associés à une forme organisationnelle

(Monteverde et Teece (1982)) et les tests bivariés qui associent les attributs des transactions aux modes

contractuels (Masten (1984), Palay (1984)).

Page 290: thèse hamdaoui

290

et à ses effets sur les performances économiques des industries manufacturières

au Maroc.

6.3 Mesure du degré d’intégration verticale dans l’industrie manufacturière

au Maroc

Le problème de mesure de l’intégration verticale reste majeur dans tout travail

empirique visant à étudier le degré d’intégration que ce soit au niveau d’une

firme ou au niveau d’une industrie. Généralement, une entreprise est dite

intégrée si elle satisfait ses besoins en un bien en le produisant elle-même. En

d’autres termes, le degré d’intégration verticale peut être exprimé par

l’importance des transferts internes d’un bien en comparaison avec le recours au

marché. Cependant, il est souvent difficile d’évaluer l’importance des transferts

internes qui s’opèrent au sein d’une firme. D’une part, les documents

comptables tenus par les entreprises sont incapables de fournir une idée sur ce

type de transferts. D’autre part, ce type d’informations est souvent confidentiel

et par conséquent ne peut être mis à la disposition des personnes extérieures à la

firme.

En vue de contourner ces difficultés, nous étions contraints de construire une

mesure basée sur des données relativement agrégées. Ainsi, nous tenterons de

mesurer le degré d’intégration des différentes industries manufacturières

marocaines en utilisant des données basées sur la classification à trois chiffres et

à deux chiffres de la nomenclature nationale. Cette démarche est d’une grande

utilité dans la mesure où elle permet la comparaison du degré d’intégration entre

les différentes industries marocaines, chose qui ne peut être possible avec une

analyse basée sur des données individuelles des entreprises industrielles.

Avant de présenter la mesure choisie du degré d’intégration verticale, il nous

semble utile de décrire, d’abord, la classification des entreprises industrielles

Page 291: thèse hamdaoui

291

selon la nomenclature nationale. Cette dernière propose quatre classifications

différentes allant d’un chiffre à quatre:

- La classification à un chiffre distingue quatre secteurs industriels: les industries

agro-alimentaires, les industries de textile et du cuir, les industries chimiques et

parachimiques et les industries métalliques, mécaniques et électriques.

- La classification à deux chiffres distingue 18 branches ou sous-secteurs

industriels (voir annexes).

- La classification à trois chiffres distingue 98 segments ou sous-branches

industriels (voir annexes).

- La classification à quatre chiffres distingue 224 activités industrielles.

6.3.1 Présentation de la mesure d’intégration

En raison des limites des mesures de l’intégration verticale proposées par la

théorie économique, nous choisirons un indice mieux adapté à une analyse

comparative s’inspirant essentiellement de celui proposée par Caves et Bradburd

(1988). Cet indice est construit sur la base de données de la matrice entrée-sortie

et présente, ainsi, une grande similitude avec la mesure de Maddigan (1981).

Mais, contrairement à celle-ci, l’indice de Caves et Bradburd permet de mesurer

le degré d’intégration au niveau d’une industrie dans son ensemble et ne

nécessite pas des données individuelles des entreprises qui en font partie. Cette

particularité nous sera d’une grande utilité dans le contexte marocain caractérisé

par une absence quasi-complète de données individuelles des entreprises

industrielles. Cet avantage n’est, pourtant, pas le seul de cet indice qui permet,

également, de mettre en évidence la dimension économique de l’intégration

verticale puisqu’il est construit en se basant sur les échanges interindustriels

contrairement à d’autres indices qui insistent sur la dimension technologique,

notamment ceux proposés par Chapman et Ashton (1914) et Gort (1962). La

dernière particularité de l’indice de Caves et Bradburd est son adéquation aux

modèles transactionnels de l’intégration verticale qui ne mettent pas l’accent sur

Page 292: thèse hamdaoui

292

les transferts administratifs entre les entreprises

Pour ce faire, nous utiliserons la matrice entrée-sortie de l’économie marocaine

de l’année 1990 construite par Bussolo et Roland-Holst (1993) qui retrace les

échanges interindustriels sur la base d’une classification à trois chiffres en plus

de données issues des enquêtes annuelles du Ministère de l’Industrie et du

Commerce auprès des entreprises industrielles. Formellement, la mesure de

l’intégration verticale peut être écrite comme suit:

VI bN

Ni ij

i

j

N

( . )1

(6.1)

avec VI i : Indice d’intégration verticale de l’industrie i.

bij : Part de l’output de l’industrie i utilisée par l’industrie j.

N i : Nombre d’industries liées verticalement à l’industrie i

N : Nombre total des industries.

La valeur de l’indice est comprise entre 0 et 1. Les industries caractérisées par

un degré élevé d’intégration ont un indice qui tend vers l’unité. En revanche,

celles ayant un faible degré d’intégration ont un indice qui tend vers zéro.

6.3.2 Le degré d’intégration des industries manufacturières marocaines

L’industrie manufacturière marocaine présente deux principales

caractéristiques :

- Une faiblesse du degré moyen d’intégration de l’ensemble des industries.

- Une grande dispersion du degré d’intégration de ces industries.

Ces caractéristiques sont confirmées, à la fois, par les résultats de la mesure de

l’intégration effectués selon la classification industrielle à trois chiffres et à deux

chiffres.

En ce qui concerne les résultats de mesure de l’intégration des segments

industriels (classification à trois chiffres), nous relevons une grande faiblesse de

l’indice moyen d’intégration des industries manufacturières qui est à peine égal

Page 293: thèse hamdaoui

293

à 0,18. Cette moyenne est, d’autant plus, nuancée par la grande dispersion qui

caractérise l’indice des différents segments. En effet, les valeurs les plus faibles

de l’indice sont presque nulles pour certaines industries, alors que pour d’autres,

ces valeurs avoisinent le seuil de 0,7. Toutefois, la répartition des différents

segments, selon le degré d’intégration, révèle une grande concentration de ces

derniers dans la première tranche regroupant les industries ayant un indice

inférieur à 0,1. Celle-ci contient, à elle seule, la moitié de l’effectif alors que la

seconde moitié est répartie de façon relativement équitable entre les autres

tranches. Il faut noter, enfin, que sur les 98 segments recensés par la

nomenclature nationale, il y a seulement 13 qui ont un indice d’intégration

supérieur ou égal à 0,4.

Tableau 6.1: Répartition du nombre de segments industriels selon le degré

d’intégration verticale (classification à 3 chiffres)

Classes Nombre de Segments % Cumulés %

[0 – 0.1[ 49 50.00 49 50.00

[0.1 - 0.2[ 9 9.18 58 59.18

[0.2 - 0.3[ 12 12.24 70 71.42

[0.3 - 0.4[ 15 15.31 85 86.73

> 0.4 13 13.27 98 100.00

Total 98 100.00 - -

De façon similaire, les résultats relatifs au degré d’intégration verticale des

branches industrielles (classification à deux chiffres) montrent clairement la

faiblesse et la dispersion du degré d’intégration des industries manufacturières

marocaines. On note, à ce niveau, un indice moyen égal à 0,19 qui est équivalent

à celui obtenu sur la base de la classification à trois chiffres. Il en est de même

pour la dispersion du degré d’intégration des branches industrielles en ce sens

que les valeurs de l’indice varient entre 0,00003 et 0,67 et constituent, ainsi, un

intervalle identique à celui issu de la classification précédente. Nous relevons,

toutefois, une légère différence quant à la répartition des branches industrielles

entre les différentes classes. La concentration des branches dans la première

Page 294: thèse hamdaoui

294

tranche est, en effet, relativement moins importante comparativement à la

classification à trois chiffres dans la mesure où 44,44% seulement des branches

ont un indice inférieur à 0,1. Cette différence n’affecte, cependant, pas la

concordance des résultats de mesure du degré d’intégration relatifs aux deux

classifications.

Tableau 6.2: Répartition du nombre de branches industrielles selon le degré

d’intégration verticale (classification à deux chiffres)

Classes Nombre de branches % Cumulés %

[0 - 0.1[ 8 44.44 8 44.44

[0.1 - 0.2[ 3 16.67 11 61.11

[0.2 - 0.3[ 2 11.11 13 72.22

[0.3 - 0.4[ 3 16.67 16 88.89

> 0.4 2 11.11 18 100.00

Total 18 100.00 - -

En ce qui concerne le classement des divers segments industriels, nous relevons

un faible degré d’intégration des segments appartenant aux branches des

industries alimentaires (10), des autres industries alimentaires (11) et des

boissons et tabacs (12) qui constituent le secteur des industries agro-

alimentaires. En effet, les moyennes de l’indice d’intégration de ces segments

sont respectivement 0.0347 pour la première, 0.0116 pour la seconde et 0.0048

pour la troisième branche. C’est le cas, également, des branches appartenant aux

industries mécaniques et électriques et celles de l’habillement dont les moyennes

de l’indice d’intégration sont respectivement de 0.0162 pour celle de la

construction des machines et du matériel d’équipement (21), 0.0481 pour celle

du matériel électrique et électronique (23), 0.0032 pour celle des machines de

bureaux et instruments de précision (24) et une moyenne presque nulle pour

l’industrie de l’habillement (14). Enfin, on retrouve les segments appartenant

aux autres industries manufacturières (27) et ceux de l’industrie du matériel de

transport (22), en particulier, ceux relevant de la construction ferroviaire, navale

et aéronautique.

Page 295: thèse hamdaoui

295

Tableau 6.3: Degré d’intégration des branches industrielles(a)

Classes Codes des branches

[0 - 0.1[ 27-24-23-22-21-14-12-11-10

[0.1 - 0.2[ 16-15

[0.2 - 0.3[ 18

[0.3 - 0.4[ 26-17-20

> 0.4 25-19-13 (a): Le classement est basé sur l’indice d’intégration verticale

selon la classification à trois chiffres.

En revanche, les indices les plus élevés se rapportent essentiellement aux

segments appartenant aux industries de la chimie et la parachimie (25) dont la

moyenne de l’indice est de l’ordre de 0.37, aux industries de textile (13) dont la

moyenne avoisine 0.54 et aux industries métalliques de base (19) dont l’indice

moyen atteint 0.67.

A un niveau intermédiaire, on trouve l’industrie de caoutchouc et plastique (26),

celle des ouvrages en métaux (20), celle du papier et du carton (17) et certains

segments de l’industrie du matériel de transport (fabrication de véhicules et des

motocycles) dont la valeur de l’indice est comprise entre 0.3 et 0.4, et celles du

cuir (15) et du bois (16) avec un indice compris entre 0.1 et 0.2.

Tableau 6.4: Degré d’intégration verticale des branches industrielles

(classification à deux chiffres)

Classes Codes des branches

[0 - 0.1[ 10-11-12-14-21-23-24-27

[0.1 - 0.2[ 16-15-22

[0.2 - 0.3[ 18-26

[0.3 - 0.4[ 25-20-17

> 0.4 19-13

Les résultats obtenus en utilisant des données basées sur la classification à deux

chiffres présentent une grande similitude avec les précédents tant au niveau des

valeurs prises par l’indice qu’à celui du classement des différentes industries. En

effet, on trouve à la tête des industries les plus intégrées les produits métalliques

Page 296: thèse hamdaoui

296

de base (19) et des produits de textile (13) ayant des indices égaux à 0.67 et 0.61

respectivement. A un niveau intermédiaire, on retrouve les branches des

ouvrages en métaux (20) et des produits de la chimie et la parachimie (25) avec

des indices d’intégration supérieurs à 0.3. Les branches de l’habillement (14) et

des autres industries manufacturières (27) viennent, quant à elles, au dernier

rang puisque les valeurs des indices tendent vers zéro.

Ainsi, le niveau d’agrégation des données ne semble avoir aucune une influence

sur les valeurs de l’indice d’intégration ou sur le classement des différentes

industries. On note, en effet, une grande concordance entre les résultats obtenus

sur la base des données correspondant à la classification industrielle à trois

chiffres et ceux relevant de la classification à deux chiffres, chose qui donne

plus de crédibilité à ces résultats et à la validité de l’indice retenu pour mesurer

le degré d’intégration verticale.

Tableau 6.5: Classement décroissant des branches industrielles

selon le degré d’intégration verticale

Codes Branches IV

19 Industrie Métallique de Base 0.67120

13 Produits Textiles et Bonneterie 0.61280

17 Papier, Carton et Imprimerie 0.39970

20 Ouvrages en Métaux 0.36250

25 Produits de la Chimie et de la Parachimie 0.33490

26 Articles en Caoutchouc ou Plastique 0.28500

18 Produits Issus des Matériaux de Carrière 0.26320

22 Matériel de Transport 0.17750

15 Cuir et Chaussures en Cuir 0.14380

16 Bois et Articles en Bois 0.12000

23 Matériel Electrique et Electronique 0.05250

10 Produits des Industries Alimentaires 0.04400

21 Machines et Matériel d'Equipement 0.01770

11 Autres Produits des Industries Alimentaires 0.01430

24 Machines de Bureau et Instruments de Précision 0.00580

12 Boissons et Tabacs 0.00540

27 Autres Industries Manufacturières 0.00060

14 Habillement à l’Exclusion des Chaussures 0.00003

Page 297: thèse hamdaoui

297

6.3.3 Interprétation des résultats

Sur le plan sectoriel, le classement des industries selon le degré d’intégration

verticale place en tête le secteur des industries de textiles et du cuir, suivi de

celui des industries chimiques et parachimiques et celui des industries

métalliques et mécaniques. En revanche, le secteur le moins intégré est

particulièrement celui des industries agro-alimentaires et, dans une moindre

mesure, celui des industries électriques et électroniques. Toutefois, on relève

une dispersion, plus ou moins importante, du degré d’intégration des branches

d’un même secteur d’activité. Cette remarque intéresse également la

comparaison du niveau d’intégration des segments relevant d’une même branche

industrielle. Néanmoins, l’interprétation des résultats au niveau des branches

industrielles nous semble suffisamment significative pour relever les

caractéristiques structurelles de l’industrie marocaine.

Ainsi, les branches industrielles les plus intégrées sont d’une part, celle des

produits métalliques de base qui se caractérise par une grande intensité

capitalistique et des économies d’échelle relativement importantes, ce qui

explique la prédominance de la participation du capital public et l’absence quasi

complète du capital privé, et d’autre part, celle des produits de textile et de

bonneterie qui, à l’opposé de la première, se caractérise par une moindre

intensité capitalistique, une forte utilisation de la main d’œuvre et une forte

présence du capital privé. Les deux branches se différencient, également, par

l’orientation des marchés puisque la production de la première est exclusivement

destinée au marché local alors que la seconde est destinée, en grande partie, à

l’exportation. Ensuite, on trouve les branches de l’industrie chimique et

parachimique qui sont dans une situation intermédiaire entre les deux premières

branches que ce soit en terme d’intensité capitalistique, de structure du capital

ou d’orientation du marché. Il faut noter, cependant, que les différentes branches

de l’industrie chimique se caractérisent par une faible dispersion du degré

Page 298: thèse hamdaoui

298

d’intégration.

A l’opposé, les branches les moins intégrées appartiennent, essentiellement, au

secteur des industries agro-alimentaires. Ces branches sont caractérisées par une

participation exclusivement privée du capital et une faible intensité

capitalistique (à l’exception de la branche des boissons et tabacs dont la

structure du capital est essentiellement de nature publique). De même, la filière

des produits alimentaires inclue un nombre très réduit de stades verticaux et la

plupart de la production est destinée directement à la consommation finale. Ceci

n’est, cependant, pas le cas des industries électriques et électroniques dont le

degré d’intégration reste très faible en raison de la jeunesse de cette filière et

l’importance du savoir technologique et la haute qualification de la main

d’œuvre qu’elle requiert.

Cependant, l’analyse de la faiblesse et de la dispersion du degré d’intégration

des industries manufacturières marocaines sera probablement plus évidente lors

de la vérification empirique des hypothèses sur les déterminants de l’intégration

verticale des entreprises industrielles.

6.4 Déterminants et effets de l’intégration verticale sur les performances

industrielles

La seconde partie de l’essai empirique tente de vérifier les principales

hypothèses avancées par la théorie de l’intégration verticale. Pour ce faire, nous

donnerons d’abord un bref rappel des prédictions théoriques. Ensuite, nous

présenterons les différentes variables et la spécification des différents modèles

économétriques. Enfin, nous avancerons les résultats de l’estimation des

modèles avec leur interprétation.

6.4.1 Rappel des principales prédictions théoriques

Les principaux apports de la théorie de l’intégration portent sur ses déterminants

et ses effets. Il semble, donc, utile de rappeler les principales explications

Page 299: thèse hamdaoui

299

avancées par la théorie du monopole et celle de l’efficacité et souligner, par la

suite, les principales sources d’économies et de déséconomies qu’occasionne

l’intégration verticale.

6.4.1.1 Les déterminants de l’intégration verticale

Il y a deux grandes théories explicatives de l’intégration verticale:

- La théorie du monopole qui explique l’intégration verticale des firmes par leur

volonté d’exploiter, de renforcer ou d’étendre leur pouvoir de monopole aux

stades amont et aval. Ainsi, l’intégration verticale est observée essentiellement

dans les industries où au moins l’un des deux stades verticaux est

monopolistique (Perry (1989)). L’imperfection des marchés implique

notamment des distorsions entraînant des inefficacités dans l’allocation des

ressources146

. L’intégration verticale se justifie, dans ces cas, par le désir de la

firme d’éliminer ces distorsions et d’exploiter, par la même, le pouvoir de

monopole dont elle dispose. De même, l’intégration verticale peut être expliquée

par des considérations stratégiques visant à réduire la concurrence effective ou

potentielle (elle peut être utilisée pour ériger des barrières à l’entrée ou comme

moyen de forclusion des autres concurrents). Dans ce cas, l’intégration n’est

plus justifiée par le désir d’améliorer l’efficience dans l’allocation des

ressources, mais, plutôt, par des considérations anticoncurrentielles souvent

préjudiciables au bien-être social. Enfin, l’intégration verticale peut apparaître

sur des marchés concurrentiels caractérisés par des problèmes d’incertitude

(demande ou offre aléatoires) et d’asymétrie de l’information (problèmes

d’agence et d’utilisation de l’information à des fins stratégiques). Dans ces cas,

elle est justifiée par son aptitude à internaliser l’incertitude et à éliminer, ou du

moins, à minimiser l’asymétrie de l’information.

- La théorie de l’efficacité (Williamson (1985)) qui explique l’intégration

146

Distorsion de la double marge dans le cas de deux monopoles successifs, problème de négociation sur le prix

de transfert dans un monopole bilatéral, distorsion des proportions variables en cas de substituabilité des

inputs....

Page 300: thèse hamdaoui

300

verticale des entreprises par l’importance des coûts de transaction dans certains

marchés. La théorie des coûts de transaction considère que la firme, le marché et

les formes hybrides sont des formes organisationnelles destinées à coordonner

l’activité économique. Par conséquent, le choix entre ces formes dépend

principalement du souci d’efficacité dans la coordination de la production.

Ainsi, l’intégration verticale est rencontrée dans les situations où la relation

d’échange est caractérisée par des coûts de transaction élevés. Ces derniers

s’expliquent par des considérations humaines (rationalité limitée et

opportunisme) et des considérations environnementales (petit nombre,

incertitude, complexité et asymétrie de l’information). C’est la conjonction de

ces facteurs qui entraîne l’échec des marchés et le triomphe de la firme en tant

que structure de gouvernance. D’une façon plus opérationnelle, l’intégration

verticale est préconisée là où les relations d’échange sont caractérisées par une

fréquence importante et une spécificité élevée des actifs engagés dans ces

relations. La fréquence de l’échange et la spécificité des actifs finissent par

renfermer, dans une situation de monopole bilatéral, des parties qui étaient au

départ dans une situation de concurrence (transformation fondamentale), ce qui

rend difficile, ex post, une relation contractuelle réunissant ces parties.

En se basant sur les explications des deux théories, on peut donc construire un

modèle économétrique où l’intégration verticale sera expliquée par un certain

nombre de variables indépendantes choisies sur la base des hypothèses de la

théorie de l’intégration verticale.

6.4.1.2 Effets de l’intégration verticale sur les performances économiques

Il y a une grande controverse, au niveau théorique et empirique, à propos des

effets de l’intégration verticale sur les performances des firmes et des industries.

Cette controverse intéresse essentiellement l’hypothèse de la profitabilité de

l’intégration verticale qui est difficile à confirmer ou à réfuter tant sur le plan

théorique qu’empirique.

Page 301: thèse hamdaoui

301

6.4.1.2.1 Aperçu sur la nature des critères de performance en économie

industrielle

L’évaluation des performances au niveau d’une industrie ou au niveau d’une

firme n’est pas toujours facile à cause des difficultés relatives à son

identification. Pour certains, il s’agit de mettre l’accent essentiellement sur les

performances qui traduisent une allocation efficace des ressources pour savoir si

les besoins totaux des individus sont maximisés ou non. Concrètement, cela doit

pouvoir se mesurer par l’estimation de la flexibilité des prix qui montre

comment le système de marché peut remplir son rôle, ou d’une estimation des

variations des niveaux de profits et de coûts. Pour les autres, il s’agit surtout de

mettre l’accent particulièrement sur les performances clés des économies

modernes, performances souvent contradictoires entre elles mais non moins

déterminantes, telles que le rythme de croissance des dimensions des marchés, la

rapidité des innovations, la vitesse de diffusion du progrès ou l’influence sur la

répartition des revenus. Ces deux approches aboutissent, cependant, à privilégier

des performances qui peuvent être incompatibles.

En présence de structures de marché différentes, les indicateurs suivants

permettent de mieux mesurer les disparités des performances sur ces marchés:

- Le niveau des prix durablement élevés reflète, presque toujours, une

domination permanente de certains producteurs.

- Des taux de profits continuellement divergents traduisent la présence

d’éléments monopolistiques et la présence de barrières à l’entrée.

L’utilisation de ces indicateurs suscite, cependant, un certain nombre de

remarques et de précautions dont on doit tenir compte:

- Il importe, tout d’abord, de déterminer si les performances observées diffèrent

ou non de celles réalisées dans une structure concurrentielle; ce qui n’est pas

facile car les différences de structures n’ont pas seulement des effets sur les prix,

Page 302: thèse hamdaoui

302

mais également sur les coûts ou le rythme d’innovations...

- Il convient, ensuite, de préciser que l’analyse de la séquence structure-

stratégie-performance est beaucoup plus compliquée que les diverses analyses

théoriques le laisseraient supposer. Dans les modèles traditionnels de

concurrence pure et parfaite ou de monopole, la structure constatée oblige la

firme à définir un niveau de production correspondant à une égalisation des

coûts et revenus marginaux. Un tel niveau de production représente

automatiquement une bonne performance et le lien entre structure et

performance s’avère très évident. En revanche, l’étude des relations structures-

performances est beaucoup plus complexe dans la réalité puisqu’il importe de

rejeter l’hypothèse d’un type de comportement unique (maximisation des

profits) d’une part, et de prendre en compte tout un ensemble de politiques

complexes et variées, relevant du comportement des firmes de l’autre.

- Enfin, les mesures traditionnellement retenues pour mesurer les performances

des firmes ont surtout été construites pour réduire le pouvoir de marché des

firmes. Or, une véritable analyse des performances du système nécessite une

mesure du pouvoir économique des firmes et non seulement de leur pouvoir de

marché. A cet égard, il importe, par exemple, de pouvoir distinguer la part des

profits issue des gains réels de la productivité interne et celle que la firme a

réussi à drainer auprès de ses partenaires économiques. En outre, il s’avère très

important de pouvoir préciser, non seulement cette double origine de gains, mais

également leur utilisation de manière à voir si l’amélioration de la productivité

interne a servi à baisser les prix ou à mieux affirmer un pouvoir de monopole.

6.4.1.2.2 Intégration verticale et performances

Les théories explicatives de l’intégration verticale se caractérisent par une

grande divergence à propos des effets de celle-ci sur les performances des firmes

et des industries. Dans certains cas, l’intégration est présentée comme source

d’amélioration de l’efficience économique (en permettant une plus grande

Page 303: thèse hamdaoui

303

profitabilité des firmes intégrées et une baisse des prix des biens qu’elles

produisent). Dans d’autres cas, l’intégration peut s’avérer préjudiciable au bien-

être social en ce sens qu’elle donne lieu à des coûts individuels ou sociaux plus

élevés que les économies qu’elle génère. Par conséquent, il est difficile de porter

un jugement catégorique sur ses implications au niveau des firmes ou des

industries.

Néanmoins, la théorie économique a mis en évidence un certain nombre

d’économies et de coûts qui accompagnent souvent l’intégration verticale:

- Economies des coûts de transaction: l’intégration verticale permet des

économies de coûts de transaction correspondant aux coûts de recherche des

partenaires, de négociation, de rédaction des contrats, de monitoring, de

résolution des conflits...

- Economies permises par la création du pouvoir de marché: lorsque le marché

est caractérisé par une structure monopolistique, l’intégration verticale permet

de créer, d’exploiter, de renforcer ou d’étendre le pouvoir de marché de la firme

intégrée, ce qui lui confère la possibilité de choisir et d’imposer des prix plus

élevés pour le bien qu’elle produit et des prix plus bas pour les inputs qu’elle se

procure sur le marché. Le pouvoir de marché se traduit par une amélioration de

la profitabilité de la firme et donc de ses performances productives. En outre, le

renforcement du pouvoir de marché de la firme intégrée peut entraîner un

affaiblissement de ses concurrents et par voie de conséquence, un accroissement

de la part de marché de la firme intégrée au détriment de ses rivaux.

- Coûts de la bureaucratie: l’intégration verticale se solde généralement par un

accroissement de la taille de la firme. Cet accroissement génère un certain

nombre de coûts et de pertes qui pourraient contrebalancer les bénéfices et les

économies espérés. Ces coûts se rapportent, généralement, aux limites de la

communication et de la circulation de l’information entre des différents niveaux

hiérarchiques, à l’affaiblissement des incitations des différents membres de la

hiérarchie, aux pertes de contrôle...

Page 304: thèse hamdaoui

304

Ainsi, toute évaluation de l’intégration verticale devrait tenir compte des

économies qu’elle occasionne. De ce fait, l’intégration ne peut être considérée

comme une source d’amélioration de performances d’une firme ou d’une

industrie que dans la mesure où elle génère des économies qui dépassent les

coûts qui en résultent.

6.4.2 Choix des variables et spécification des modèles économétriques

Afin de répondre aux questions se rapportant aux déterminants de l’intégration

verticale et aux effets de celle-ci sur les performances économiques des firmes et

des industries, nous allons construire deux modèles économétriques (en utilisant

la méthode des moindres carrés ordinaires et la régression multiple). Le premier

modèle aura pour objectif de vérifier les hypothèses avancées par les théories

explicatives de l’intégration verticale à partir de certaines variables explicatives

représentant, à la fois, les incitations relatives aux imperfections des marchés

(inhérentes à la théorie du monopole) et celles relatives aux problèmes de la

contractualisation (selon la théorie de l’efficacité). Quant au second modèle, il

aura pour objectif de vérifier les prédictions de la théorie sur les effets de

l’intégration verticale. Pour ce faire, nous retiendrons certains critères de

performance représentant essentiellement la question de profitabilité des firmes

au sein des différentes branches industrielles au Maroc. Ainsi, nous verrons dans

quelle mesure l’intégration verticale affecte la profitabilité des entreprises

appartenant aux différentes industries manufacturières.

6.4.2.1 Nature et niveau d’agrégation des données

A l’exception des données relatives à la mesure de l’intégration verticale

extraites du Tableau d’entrée sortie (TES) de l’économie marocaine relatif à

l’année 1990 (Bussolo et Roland-Host (1993)), toutes les données utilisées dans

l’étude proviennent des enquêtes annuelles effectuées par le ministère de

l’industrie et du commerce. En effet, les variables choisies ont été mesurées à

Page 305: thèse hamdaoui

305

partir des principaux agrégats économiques (production, chiffre d’affaires,

excédent brut d’exploitation, effectif employé,.…) des entreprises appartenant

aux différentes branches industrielles (classification selon la nomenclature

nationale à deux chiffres). Le choix de ce niveau d’agrégation a été imposé par

l’absence de données désagrégées sur certaines variables choisies, notamment

celles représentant les performances économiques.

De ce fait, notre analyse portera sur des données transversales relatives à l’année

1991. Le choix de cette année se justifie beaucoup plus par des considérations

pratiques puisqu’on ne dispose pas des données plus récentes nécessaires pour

mesurer l’intégration verticale relatives (le Tableau d’entrée sortie le plus récent

de l’économie marocaine est celui de l’année 1990). Ceci n’affecte, cependant,

pas la validité des résultats obtenus étant donné que les structures industrielles

n’ont pas connu de grands changements depuis ce temps.

6.4.2.2 Choix et mesure des variables

- Indice de concentration: Pour mesurer le degré de concentration des branches

industrielles, nous retenons l’indice de Herfindahl (H) qui présente l’avantage de

prendre en considération toutes les entreprises d’une industrie contrairement au

ratio de concentration qui ne tient compte que des firmes les plus grandes:

H Pi i

i

N

2

1

(6.2)

où N : Nombre total des firmes de la branche.

Pi : Part de marché de la firme i.

L’indice de concentration de Herfindahl traduit le degré de monopole dans une

industrie. Il permet, d’une part, de vérifier l’hypothèse fondamentale de la

théorie du monopole stipulant que l’intégration verticale est utilisée

essentiellement par les firmes appartenant à des structures monopolistiques,

d’autre part, il permet de vérifier les hypothèses de la théorie des coûts de

Page 306: thèse hamdaoui

306

transaction en ce sens qu'il donne une idée sur la prédominance du petit nombre,

le manque d’alternatives et la prédisposition des intervenants à manifester un

comportement opportuniste.

- Importance des économies d’échelle: La dimension des entreprises est, en

grande partie, liée à la nature de leurs activités. Certaines industries nécessitent

la grande dimension et le dépassement d’un certain seuil, alors que pour

d’autres, la grande taille des entreprises n’est pas requise pour réaliser des

économies. Ainsi, chaque industrie est, en principe, caractérisée par une taille

minimale au-dessous de laquelle les entreprises ne peuvent fonctionner

optimalement. Or, d’après le principe du survivant, la taille minimale optimale

d’une industrie peut être déduite de celle des entreprises de la branche qui

occupent une part de plus en plus importante. Ainsi, Rees (1973)147

montre que

la taille moyenne des plus grandes entreprises représentant 50% de la production

de l’industrie donne une approximation de la dimension efficace d’une

entreprise et trouve une bonne corrélation entre cette variable et la taille

déterminée par la technique du survivant. En s’inspirant de la définition de Rees

nous retiendrons le chiffre d'affaires au lieu de la production. Les deux

grandeurs sont, d’ailleurs fortement corrélées et les résultats obtenus seraient

pratiquement similaires, pourvu que le taux d’inflation soit faible. Afin de

disposer d’une mesure relative, nous rapportons la taille minimale optimale au

total des ventes de la branche. Ainsi:

TMORCAMGE

CATOTi

i

i

(6.3)

où TMOR i :Taille minimale optimale relative de l’industrie i.

CAMGE i :Chiffre d’affaires moyen des plus grandes entreprises

représentant 50% des ventes de l’industrie i.

CATOT i :Chiffre d’affaires total de l’industrie i.

147

R. Rees (1973) « Optimum Plant Size in United Kingdom Industries: Some Survivor Estimates », Economica,

Page 307: thèse hamdaoui

307

Dans les industries caractérisées par d’importantes économies d’échelle, les

firmes spécialisées sont, en principe, mieux placées que leurs rivales intégrées

pour produire aux moindres coûts. C’est le cas, notamment, lorsque les besoins

internes de la firme sont faibles relativement à la dimension efficace, chose qui

justifie le recours au marché pour satisfaire ces besoins (Stigler (1951),

Williamson (1985)). Par conséquent, on doit s’attendre à ce que le degré

d’intégration verticale soit plus élevé dans les industries où la dimension

optimale est plus petite et vice versa.

- Intensité capitalistique: Selon Williamson (1975, 1985), la spécificité des

actifs est l’un des facteurs les plus importants dans l’explication de l’intégration

verticale. Plus précisément, la spécificité des actifs physiques est souvent

avancée comme une forte incitation à l’intégration verticale dans la mesure où

elle ramène la relation entre les firmes à des situations de monopole bilatéral.

Cependant, la mesure de la notion de spécificité des actifs est loin d’être simple.

Dans les études interindustrielles, il est difficile de trouver un indicateur

permettant de représenter fidèlement le sens attribué par Williamson à cause de

l’inadaptation de la distinction comptable des actifs (actifs fixes et variables) au

raisonnement contractuel. Néanmoins, plusieurs études utilisent l’indice de

l’intensité capitalistique pour mesurer le degré de spécificité des actifs physiques

en supposant que les industries hautement capitalistiques sont plus enclines à

utiliser des équipements spécialisés difficilement redéployables. Cette hypothèse

nous semble plausible étant donné que ces industries sont, généralement, très

concentrées (ce qui réduit les chances de trouver des acheteurs potentiels de ces

équipements) et utilisent, souvent, une technologie complexe et idiosyncratique

qu’il est difficile de réadapter à des utilisations différentes.

Pour cela, nous utiliserons la mesure suivante pour l’intensité capitalistique:

n° 160, cité par A. Jacquemin (1977) Economie Industrielle Européenne, Dunod, p. 18.

Page 308: thèse hamdaoui

308

IKi

ii

Immobilisations brutes de la branche

Effectif employé de la branche (6.4)

où IK i est le coefficient d’intensité capitalistique de la branche i.

- Les barrières à l’entrée: D’après Bain (1959), l’intégration verticale peut être

motivée par le désir des firmes d’ériger des barrières à l’entrée afin de dissuader

les entrants potentiels. Toutefois, l’intégration verticale est une stratégie assez

coûteuse et ne devrait être utilisée que dans le cas où la firme ne disposerait pas

d’un avantage sur les concurrents potentiels (tel un avantage de coûts, d’échelle

ou de différenciation). A titre d’exemple, une entreprise qui a un avantage de

coûts ou d’économies d’échelle sur les firmes postulantes n’a pas d’intérêt à

recourir à l’intégration verticale pour ériger de nouvelles barrières à l’entrée

dans la mesure où elle peut se protéger contre la concurrence potentielle sans

supporter les coûts induits par l’intégration. Il semble, donc, vraisemblable que

l’intégration soit plus courante dans les industries où il y a de faibles barrières à

l’entrée.

La mesure du niveau des barrières à l’entrée dans une industrie pose, cependant,

de nombreux problèmes. Ainsi, les études industrielles recourent, souvent, à des

estimations qualitatives en se basant sur des variables binaires pour le mesurer.

Toutefois, on peut reconnaître le niveau des barrières à l’entrée dans une

industrie à travers la liberté de circulation et la mobilité des capitaux. Or, la

mobilité dans une branche est mesurable par le taux d’entrée pondéré par le

chiffre d’affaires:

TEPCANE CAE

NPS CAPS

*

* (6.5)

où TEPCA :Taux d’entrée pondéré par le chiffre d’affaires.

NE : Nombre d’entreprises entrantes.

CAE : Chiffre d’affaires des entreprises entrantes.

NPS : Nombre d’entreprises permanentes et sortantes.

Page 309: thèse hamdaoui

309

CAPS : Chiffre d’affaires des entreprises permanentes et sortantes.

- Croissance de la demande: L’incitation à l’intégration verticale est moins

importante lorsqu’il y a une croissance importante de la demande. Cette

hypothèse rejoint les explications de Stigler (1951) sur le cycle de vie des

industries (voir chapitre 4) et le raisonnement de Williamson (1975, 1979) qui

stipule qu’un accroissement rapide de la demande entraîne une multiplication

des offreurs et élimine les inefficiences dues au petit nombre et à l’incertitude.

Pour mesurer la croissance des ventes, nous retiendrons le taux de croissance

annuel moyen du chiffre d’affaires de la branche sur une période de cinq ans:

TCMCA ti

i

1

4 1988

1991

(6.6)

où TCMCA : Le taux de croissance annuel moyen du chiffre d’affaires sur la

période 1988-1991.

ti : Le taux de croissance du chiffre d’affaires de la branche au

titre de l’année i avec tCA CA

CAi

i i

i

1

1

.

- Incertitude de la demande: L’incertitude de la demande incite, généralement,

les entreprises à s’intégrer verticalement (Porter (1980) et Perry (1982, 1984)).

Ceci rejoint, également, les suggestions de Williamson (1975, 1985) sur la

conjonction de l’incertitude et de la complexité.

Pour mesurer l’incertitude, nous prendrons l’écart-type de la série formée par le

taux de croissance du chiffre d’affaires sur une période de cinq ans pour chaque

branche:

INCD t ti

i

1

4

2

1988

1991

* ( ) (6.7)

où INCD : L’indice d’incertitude de la demande de la branche.

ti : Le taux de croissance du chiffre d’affaires de la branche pour

Page 310: thèse hamdaoui

310

l’année i.

t : Le taux de croissance moyen du chiffre d’affaires de la branche sur la

période 1987-1991.

En principe, une grande dispersion du taux de croissance des ventes d’une

branche au cours du temps signifie une demande aléatoire et une grande

incertitude. Nous prévoyons, donc, que les branches ayant un degré élevé

d’intégration verticale auront une valeur élevée de l’indice INCD.

- Rapport prix-coût: Afin de refléter le degré d’efficience des diverses

branches industrielles, nous choisirons une variable qui tiendrait compte de la

flexibilité des prix et du comportement du marché. Celle-ci correspondra, donc,

à la moyenne par branche du rapport prix-coût. Cet indicateur est tel que:

PCCA

CVT

P Q

CVM Q

P

CVM

*

* (6.8)

avec PC : Rapport prix-coût moyen.

CA : Chiffre d’affaires.

Q : Quantité vendue.

P : Prix de vente.

CVT : Coût variable total de production.

CVM : Coût variable moyen de production.

Le rapport prix-coût que nous retiendrons est une moyenne arithmétique

pondérée par le chiffre d’affaires calculée à partir des données individuelles des

entreprises de chaque branche.

- Taux de marge: Cette variable exprime la rentabilité dans une branche qui

constitue le critère de performance le plus utilisé par les études industrielles. Le

taux de marge d’une branche est tel que:

Page 311: thèse hamdaoui

311

TMEBE

CAi

i

i

(6.9)

avec TMi : Le taux de marge de la branche i.

EBEi : L’excédent brut d’exploitation de la branche i.

CAi : Le chiffre d’affaires de la branche i.

6.4.2.3 Spécification des modèles économétriques

6.4.2.3.1 Les déterminants de l’intégration verticale

Pour expliquer l’intégration verticale, nous retiendrons six variables

indépendantes relevant à la fois des hypothèses de la théorie du monopole et

celle de l’efficacité. Ainsi, le modèle expliquant l’intégration verticale sera

spécifié comme suit:

VI H TMOR IK TEPCA TCMCA INCD 0 1 2 3 4 5 6. . . . . .

avec VI : Indice d’intégration verticale.

H : Indice de concentration de Herfindahl.

TMOR : Taille minimale optimale relative.

IK : Intensité capitalistique.

TEPCA : Taux d’entrée pondéré par le chiffre d’affaires.

TCMCA : Taux de croissance annuel moyen du chiffre d’affaires.

INCD : Incertitude de la demande.

i : Coefficient estimé de la variable i avec i = 0, 1, ......., 6.

Les signes prévus des estimateurs seront positifs pour toutes les variables

explicatives exceptés ceux relatifs aux variables traduisant les économies

d’échelle et la croissance de la demande. En effet, lorsque les économies

d’échelle sont importantes, la spécialisation verticale devient plus efficace que

Page 312: thèse hamdaoui

312

l’intégration. Il en est de même lorsque les industries se trouvent en phase de

croissance. Ces arguments nous semblent suffisants pour prévoir un signe

négatif des estimateurs de ces deux variables. En revanche, les autres variables

explicatives devront être corrélées positivement avec la variable expliquée. C’est

le cas notamment des variables représentant le degré de concentration (H),

l’intensité capitalistique (IK), le niveau des barrières à l’entrée (TEPCA) et

l’incertitude de la demande (INCD).

Tableau 6.6: Déterminants de l’intégration verticale (signes prévus des

coefficients estimés).

Variables

explicatives Signification des variables Signes prévus

des estimateurs

H

TMOR

IK

TEPCA

TCMCA

INCD

Indice de concentration de Herfindahl

Taille minimale optimale relative

Intensité capitalistique

Taux d’entrée pondéré par le chiffre d’affaires

Taux de croissance moyen du chiffre d’affaires

Incertitude de la demande

+

-

+

+

-

+

6.4.2.3.2 Effets de l’intégration verticale sur les performances

L’intégration verticale génère, à la fois, des économies et des coûts. Il est donc

difficile de se prononcer sur les effets de celle-ci à un niveau d’analyse aussi

agrégé que le nôtre. Ainsi, l’objet de ce travail se limite à la spécification de la

nature de la relation entre le degré d’intégration verticale et la profitabilité des

branches industrielles. Il s’agira, plus précisément, de voir si les industries

manufacturières marocaines les plus intégrées sont également les plus

profitables ou non. Pour ce faire, nous retiendrons deux critères de performance:

le premier exprime le degré de flexibilité des entreprises d’une branche et les

possibilités d’actions stratégiques pour accroître leur part de marché (Rapport

prix-coût: PC) et le second représente le degré de rentabilité d’exploitation de

ces entreprises (Taux de marge: TM).

Pour compléter le modèle, nous retiendrons quatre autres variables de contrôle

Page 313: thèse hamdaoui

313

représentant les caractéristiques structurelles des industries de transformation

marocaines. La première variable exprime le degré de concentration (H), la

seconde représente le niveau des barrières à l’entrée et le degré de mobilité du

capital (TEPCA), la troisième traduit l’importance des économies d’échelle

(TMOR) et la dernière exprime le degré d’intensité capitalistique des branches

industrielles (IK). Le choix de ces variables s’inscrit dans la logique du

paradigme structure-performance de l’économie industrielle qui explique le

niveau et la dispersion des performances industrielles par les caractéristiques

structurelles des différents marchés et les conditions de base de l’activité

industrielle. Nous soulignons, toutefois, que ce choix ne tient pas compte des

effets des stratégies des firmes sur les performances en raison des particularités

de l’environnement industriel et institutionnel marocain, et de la difficulté de

mesure des variables représentant le comportement de ces entreprises.

Nous construirons, ainsi, deux modèles distincts où la variable expliquée sera

respectivement le rapport prix-coût (PC) et le taus de marge (TM):

IKTMORTEPCAHIVTM

IKTEPCAHIVPC

.....

....

543210

43210

avec PC : Rapport prix-coût moyen de la branche.

TM : Taux de marge de la branche.

IV : Intégration verticale.

H : Indice de concentration de Herfindahl.

TEPCA : Taux d’entrée pondéré par le chiffre d’affaires.

TMOR : Taille minimale optimale relative.

IK : Intensité capitalistique

i : Estimateurs des variables du premier modèle où i = 0, 1,......., 4.

i : Estimateurs des variables du second modèle où i = 0, 1........., 5.

Les estimateurs des variables de contrôle seront, en principe, tous positifs à

Page 314: thèse hamdaoui

314

l’exception de la variable TMOR étant donné que la grande dimension implique,

généralement, de faibles marges bénéficiaires.

Tableau 6.7: Performances des branches industrielles

(signes des coefficients estimés)

Variables

explicatives

Signification des variables Signes prévus

des estimateurs

IV

H

TEPCA

TMOR

IK

Intégration verticale

Indice de concentration de Herfindahl

Taux d’entrée pondéré par le chiffre d’affaires

Taille minimale optimale relative

Intensité capitalistique

?

+

+

-

+

6.4.3 Estimation des modèles et interprétation des résultats

L’estimation des modèles sur les déterminants de l’intégration verticale et les

effets de celle-ci sur les performances des branches industrielles requiert une

série de transformations des variables afin de déceler la nature des relations

entre les variables expliquées et les variables explicatives. Nous retiendrons,

donc, des formes semi-logarithmiques des modèles économétriques qui méritent

un certain nombre de précautions quant à l’interprétation des résultats. A cet

effet, les estimateurs ne correspondent plus à des élasticités comme c’est le cas

dans les formes linéaires. De même, les effets des variables explicatives

transformées seront multiplicatifs plutôt qu’additifs. Ces caractéristiques

n’influent, cependant, pas sur la validité statistique des modèles ou sur le sens

des corrélations entre les variables explicatives et la variable expliquée qui

suscitent le plus notre intérêt dans cet essai empirique.

6.4.3.1 Estimation du modèle sur les déterminants de l’intégration verticale

Afin de spécifier correctement la nature de la liaison entre l’intégration verticale

et les variables qui l’expliquent, nous avons testé deux hypothèses de

transformation de la variable expliquée.

- Une transformation logarithmique simple: LNIV = LN(IV), avec LN le

logarithme naturel et IV l’indice de l’intégration verticale.

Page 315: thèse hamdaoui

315

- Une transformation « Odds »148

ayant la forme suivante:

IVODDS LNIV

IV

( )1

Concernant les variables explicatives, nous avons retenu une transformation

logarithmique de toutes les variables à l’exception de la croissance de la

demande (TCMCA) en raison des taux de croissance négatifs de certaines

branches industrielles, et de l’incertitude de la demande (INCD), dans la mesure

où la transformation logarithmique agit négativement sur le coefficient de

corrélation, la statistique de Fisher et les statistiques de Student de toutes les

autres variables explicatives.

Les deux transformations de la variable expliquée ont abouti à des résultats très

proches et qui s’avèrent significatifs à tous les niveaux. En effet, le modèle a

révélé une forte corrélation entre l’intégration verticale et les variables

explicatives traduite par des valeurs égales à 0.872 et 0.803 pour R² et R² ajusté

respectivement qui reflètent la faiblesse de la part non expliquée par le modèle.

Cette relation ne semble pas due au hasard puisque la valeur de la statistique de

Fisher est significative à un seuil de probabilité inférieur à 1%. De même, le

modèle n’est pas affecté par des problèmes d’autocorrélation des résidus vue

que la statistique Durbin-Watson est proche de 2 et se situe ainsi dans la zone

d’acceptation.

Tableau 6.8: Récapitulatif des principales statistiques du modèle des

déterminants de l’intégration verticale (LNIV)

R² R² Ajusté F Signification de F Durbin-Watson

0,872 0,803 12,535 0,000 2,155

L’étude des corrélations entre les variables explicatives révèle, également,

l’absence des problèmes de multicolinéarité entre ces variables. Celles-ci

148

Transformation spécifique aux variables comprises entre 0 et 1, voir Caves et Bradburd (1988) et MacDonald

(1985).

Page 316: thèse hamdaoui

316

présentent, en effet, des valeurs acceptables des indices de tolérance et du

VIF149

.

Tableau 6.9 : Résultats de l’estimation du modèle des déterminants de

l’intégration verticale

Variable Coefficient Erreur

type

Coefficient

standardisé

t de

Student

P (t) Colinéarité Tolérance VIF

Constante LNIK

LNH

LNTMOR

LNTEPCA

TCMCA

INCD

-16,699

3,084

4,709

-1,452

0,709

-18,239

11,588

2,843

0,406

1,080

0,457

0,295

8,307

8,799

-

0,997

0,634

-0,603

0,420

-0,256

0,162

-5,873

7,597

4,359

-3,179

2,407

-2,196

1,317

0,000

0,000

0,001

0,009

0,035

0,050

0,215

-

0,674

0,549

0,322

0,381

0,854

O,770

-

1,484

1,823

3,103

2,622

1,171

1,298

D’un autre côté, les signes des coefficients estimés des variables explicatives

correspondent tous à ceux prévus et confirment, donc, les prédictions de la

théorie de l’intégration verticale. Ce résultat se trouve conforté davantage par

des valeurs significatives de la statistique t de Student. En effet, les coefficients

estimés se sont avérés significativement différents de zéro à des seuils inférieurs

à 5% à l’exception de la variable représentant l’incertitude de la demande pour

laquelle nous ne trouvons pas d’explication fondamentale à cette absence de

signification. Toutefois, plusieurs études empiriques sur les déterminants de

l’intégration verticale donnent des résultats analogues au notre pour ce qui est de

la mesure du risque (voir Caves et Bradburd (1988)).

Le problème de mesure du risque nous a amené à enlever la variable

représentant l’incertitude de la demande du modèle afin de voir l’effet sur les

statistiques de Fisher et de Student. Cette modification s’est traduite par une

amélioration notable de la valeur de F avec une légère baisse du R² ajusté.

149

La tolérance d’une variable est la proportion de sa variance non expliquée par les autres variables explicatives

de l’équation. Une variable à très faible tolérance apporte peu d’information à un modèle et peut entraîner des

problèmes de calcul. La réciproque de la tolérance représente le VIF dont la valeur élevée est synonyme de

Page 317: thèse hamdaoui

317

Tableau 6.10: Récapitulatif des principales statistiques du modèle des

déterminants de l’intégration verticale (LNIV) (INCD exclue)

R² R² Ajusté F Signification de F

0,852 0,791 13,848 0,000

L’exclusion de la variable INCD du modèle implique, également une légère

baisse des valeurs des t de Student des différentes variables explicatives qui

restent, tout de même, significativement différents de zéro à des seuils inférieurs

à 5% sauf pour la variable de la croissance de la demande dont le seuil de

signification est passé à plus de 8%.

Tableau 6.11: Résultats de l’estimation du modèle des déterminants de

l’intégration verticale (INCD exclue)

Variable Coefficient Erreur

Standard

Coefficient

standardisé

t de

Student

P (t) Colinéarité

Tolérance VIF

Constante

LNIK

LNH

LNTMOR

LNTEPCA

TCMCA

-15,134

2,925

4,764

-1,218

0,773

-15,867

2,661

0,399

1,112

0,434

0,299

8,354

-

0,945

0,641

-0,506

0,458

-0,223

-5,688

7,326

4,284

-2,810

2,583

-1,899

0,000

0,000

0,001

0,016

0,024

0,082

-

0,740

0,549

0,380

0,392

0,896

-

1,352

1,820

2,635

2,550

1,116

Les résultats de l’estimation du modèle sur les déterminants de l’intégration

verticale confirment, donc, les hypothèses des théories de l’intégration verticale

et montrent que le degré d’intégration des industries manufacturières marocaines

est expliqué pour l’essentiel par les déterminants spécifiés par la théorie du

monopole et celle de l’efficacité. En effet, la concordance entre les signes

effectifs et ceux prévus des estimateurs confirme nettement la liaison entre

l’intégration verticale d’une part, et le degré de concentration des branches

industrielles, leur intensité capitalistique, le niveau des barrières à l’entrée,

l’importance des économies d’échelle, le degré de croissance des industries et le

niveau du risque de la demande de l’autre. Ainsi, les branches industrielles les

plus intégrées sont, d’une manière générale, les plus concentrées, les plus

présence de multicolinéarité. Conventionnellement, le seuil d’acceptation des valeurs du VIF correspond à 10.

Page 318: thèse hamdaoui

318

capitalistiques et celles caractérisées par une plus grande mobilité du capital, une

moindre importance des économies d’échelle et une faible croissance de la

demande couplée à une grande incertitude des ventes.

Ces résultats laissent à penser que le secteur manufacturier est en grande partie

influencé par les forces de marché. Ceci est d’autant plus vrai que l’étude est

effectuée sur des données relatives à l’année 1991 qui se situe dans une période

de restructuration de l’économie marocaine marquée essentiellement par la

libéralisation progressive et le désengagement de l’Etat de l’activité productive.

L’importance de la liaison entre les forces de marché et les structures

industrielles au Maroc peut, ainsi, être interprétée comme un signal d’une

tendance progressive des entreprises industrielles vers les conditions de

l’efficience économique.

6.4.3.2 Estimation du modèle de l’intégration verticale et les performances

des industries manufacturières

A priori, il semble difficile de prévoir la nature de la relation entre l’intégration

verticale et les critères de performance des branches industrielles. D’une part,

l’intégration verticale implique, à la fois, des économies et des coûts rendant

ainsi difficile la prédiction de l’effet net qui en résulte. D’autre part, le choix du

critère représentant la performance implique une restriction de la vision globale

sur les effets de l’intégration dans la mesure où un critère quantitatif ne peut y

apporter qu’un jugement partiel. Ceci nous a amené à choisir deux critères,

certes proches, mais reflétant deux facettes différentes des performances d’une

industrie.

Le premier critère de performance s’intéresse directement à la profitabilité d’une

branche industrielle à travers l’importance de l’excédent brut d’exploitation par

rapport au chiffre d’affaires. Il importe pour nous, donc, de voir la nature de la

relation entre l’intégration verticale et la profitabilité d’une branche, et dans

quelle mesure la profitabilité est déterminée par le degré d’intégration. Le

Page 319: thèse hamdaoui

319

second critère reflète plus le degré de flexibilité des entreprises dans une

industrie et la marge de manœuvre tactique et stratégique dont elles peuvent

disposer à travers la politique de prix, de différenciation et d’investissement.

Cette marge est, en effet, d’autant plus importante que l’écart entre le prix et le

coût unitaire est plus grand. Il importe, ainsi, de voir l’effet de l’intégration

verticale sur la flexibilité des entreprises d’une industrie. Mais pour ce faire, il

convient de vérifier les liaisons entre la variable représentant la performance

(taux de marge et rapport prix-coût) et des variables de contrôle représentant

essentiellement les structures de marché. Ces variables représentent

respectivement le degré de concentration, la mobilité du capital, l’importance

des économies d’échelle et l’intensité capitalistique dans une industrie.

L’estimation des modèles sur la base des deux critères de performance donne

des résultats similaires pour ce qui est du signe de l’estimateur de la variable

représentant l’intégration verticale ainsi que ceux des autres variables de

contrôle. Cependant, les deux modèles présentent des différences quant au choix

et la spécification des variables ainsi qu’à l’intensité de la relation et sa validité

statistique.

6.4.3.2.1 Estimation du modèle du taux de marge comme critère de

performance

Contrairement au modèle précédent, la spécification de la liaison entre le taux de

marge et les variables explicatives n’a requis aucune transformation à

l’exception de celle représentant l’intégration verticale. En retenant une forme

linéaire, le coefficient estimé de cette variable ne s’est pas avéré

significativement différent de zéro, ce qui nous a amené à l’introduire après une

transformation logarithmique. En revanche, les autres variables ont été

introduites sans aucune transformation car autrement, leurs estimateurs perdent

leur signification et la valeur de la statistique de Fisher devient trop petite, et

donc, non significative.

Page 320: thèse hamdaoui

320

Ainsi, l’estimation du modèle donne des valeurs relativement élevées de R² et de

R² ajusté qui correspondent à 0.758 et 0.657 respectivement. A ce niveau, nous

soulignons que la partie non expliquée du modèle est due à la non-prise en

compte des autres déterminants de la rentabilité des entreprises, notamment les

variables représentant les stratégies des différentes firmes. Ceci n’influe,

cependant, pas sur la validité du modèle et sa signification statistique dans la

mesure où la valeur de la statistique de Fisher obtenue est significative à un seuil

inférieur à 1%, chose qui signifie que la liaison entre la variable expliquée et

celles explicatives ne peut pas être due au hasard.

Tableau 6.12: Récapitulatif du modèle des performances des branches

industrielles (variable expliquée: Taux de marge (TMR))

R² R² Ajusté F Signification de F

0,758 0,657 7,519 0,002

D’un autre côté, le modèle ne présente pas de problèmes d’autocorrélation ou de

multicolinéarité vue que la statistique de la tolérance est acceptable et ne pose,

donc, pas de problèmes dans le calcul des estimateurs des différentes variables.

Tableau 6.13 : Résultats de l’estimation du modèle des performances

industrielles (Variable expliquée : TMR)

Variable Coefficient Erreur

Standard

Coefficient

standardisé

t de

Student

P (t) Colinéarité

Tolérance VIF

Constante

LNIV

IK

H

TEPCA

TMOR

-4,73 E-02

-5,72 E-03

3,070 E-05

0,188

4,666 E-03

-2,42 E-03

0,021

0,001

0,000

0,034

0,002

0,000

-

-0,824

1,519

1,343

0,383

-1,905

-2,202

-4,213

4,562

5,565

2,081

-5,492

0,048

0,001

0,001

0,000

0,060

0,000

-

0,528

0,182

0,346

0,596

0,168

-

1,895

5,502

2,890

1,678

5,968

De même, les estimateurs de toutes les variables explicatives se sont avérés

significativement différents de zéro à des seuils inférieurs à 6%. Enfin, les

signes des estimateurs des variables de contrôle conformes avec les prédictions

faites lors de la spécification du modèle. La profitabilité des branches

industrielles semble effectivement corrélée positivement avec le degré de

concentration, l’intensité capitalistique et la mobilité du capital, et négativement

Page 321: thèse hamdaoui

321

avec la dimension minimale des entreprises de ces branches. Ceci confirme,

donc, les conclusions relatives à l’analyse des caractéristiques de l’industrie

marocaine selon lesquelles le degré de concentration et le niveau des barrières à

l’entrée sont relativement élevés et constituent, ainsi, un avantage pour les

entreprises existantes et particulièrement celles qui opèrent dans des marchés

relativement concentrés.

Toutefois, la profitabilité s’est avérée négativement corrélée avec le degré

d’intégration verticale. Ceci montre que le taux de marge moyen des branches

industrielles est d’autant plus élevé que celles-ci ont un faible degré

d’intégration verticale. L’explication la plus logique de ce résultat est sans doute

liée à l’importance des coûts générés par l’intégration verticale notamment ceux

de la bureaucratie et de la grande dimension. Ceci n’implique pas pour autant

que le degré élevé d’intégration verticale des branches industrielles est

synonyme d’inefficacité économique et organisationnelle de ces branches. En

effet, la faible profitabilité des industries les plus intégrées s’explique,

essentiellement, par des considérations spécifiques à ces industries. Dans ce cas,

le degré élevé d’intégration des entreprises implique une plus grande efficacité

de celles-ci et de la structure verticale au prix des coûts élevés de l’intégration

verticale et des faibles profits qui en résultent. Ainsi, les résultats obtenus

montrent bien que l’intégration verticale est souvent une stratégie coûteuse et

que les entreprises ne doivent y recourir que pour des raisons d’efficience

économique et organisationnelle susceptibles de justifier amplement les coûts

qu’elle génère.

6.4.3.2.2 Estimation du modèle du rapport prix-coût comme critère de

performance

Afin de spécifier la nature de la liaison entre le degré d’intégration verticale et la

flexibilité stratégique des entreprises industrielles marocaines, nous avons

choisis une forme semi-logarithmique du modèle qui représente cette relation.

Page 322: thèse hamdaoui

322

L’expérimentation des différentes formes mathématiques du modèle n’a pas

aboutit à des résultats satisfaisants tant au niveau de la validité globale du

modèle qu’au degré de signification des différentes variables explicatives. A cet

effet, nous pensons que le degré de flexibilité est influencé par d’autres variables

que celles retenues dans notre essai notamment celles relevant des stratégies de

prix ou de différenciation. De ce fait, le critère de performance en question

(degré de flexibilité) devrait être expliqué, à la fois, par les déterminants

structurels et stratégiques avancés par la trilogie structure-stratégie-performance.

Il semble, tout de même, possible de vérifier la nature et l’importance de la

liaison entre l’intégration verticale et le degré de flexibilité des entreprises

industrielles marocaines à partir d’un modèle qui ne prend en compte que des

variables structurelles. Dans ce contexte, nous avons retenu une forme semi-

logarithmique à travers la transformation des variables explicatives à l’exception

de celle de la mobilité du capital qui a été introduite sans aucune transformation.

Les résultats de l’estimation du modèle traduisent, en effet, la faiblesse relative

de la corrélation exprimée, notamment, par les valeurs de R² et de R² ajusté qui

correspondent à 0.549 et 0.411 respectivement. Toutefois, la valeur de la

statistique de Fisher s’est avérée significative au seuil de 2%, ce qui confirme la

validité statistique du modèle et de la liaison entre les variables explicatives et le

rapport prix-coût.

Tableau 6.14: Récapitulatif du modèle des performances des branches

industrielles (variable expliquée: Rapport prix-coût (PC))

R² R² Ajusté F Signification de F

0,549 0,411 3,960 0,026

De façon similaire, la spécification du modèle ne pose pas de problèmes

particuliers d’autocorrélation des résidus ou de multicolinéarité entre les

variables explicatives, ce qui exclut la possibilité que ces problèmes puissent

influer sur la signification statistique des différents coefficients estimés.

Page 323: thèse hamdaoui

323

Tableau 6.15 : Résultats de l’estimation du modèle des performances

industrielles (Variable expliquée : PC)

Variable Coefficient Erreur

Standard

Coefficient

standardisé

t de

Student

P (t) Colinéarité

Tolérance VIF

Constante

LNIV

LNIK

LNH

TEPCA

0,899

-9,00 E-03

2,737 E-02

7,194 E-02

1,321 E-02

0,033

0,003

0,010

0,020

0,005

-

-0,864

0,790

0,865

0,672

12,320

-2,938

2,658

3,542

2,628

0,000

0,012

0,020

0,004

0,021

-

0,401

0,392

0,581

0,530

-

2,493

2,549

1,720

1,888

Ainsi, les coefficients estimés des variables explicatives se sont révélés tous

significativement différents de zéro confirmant la liaison entre les variables

représentant les structures du marché et le degré de flexibilité stratégique des

entreprises industrielles. De même, les signes des estimateurs des variables de

contrôle correspondent tous à ceux prévus lors de la spécification du modèle et

traduisent des corrélations positives entre ces variables et le rapport prix-coût. A

cet effet, nous pouvons conclure que les entreprises des industries les plus

concentrées bénéficient d’une plus grande flexibilité dans la fixation des prix en

s’assurant des marges bénéficiaires plus importantes grâce, notamment, au

pouvoir de monopole dont elles disposent. Ceci semble, tout à fait, logique

sachant que les industries les moins concentrées connaissent, souvent, une

grande rivalité entre les entreprises afin de maintenir ou renforcer leurs parts de

marché, ce qui se traduit, généralement, par des marges prix-coût relativement

faibles. De la même manière, le degré d’intensité capitalistique est corrélé

positivement au degré de flexibilité des entreprises industrielles. Ainsi,

l’utilisation intensive des équipements permet une amélioration de la qualité et

une baisse des coûts de production d’autant plus que les industries

capitalistiques recourent davantage aux méthodes de gestion modernes et font

preuve d’une plus grande efficacité managériale. La maîtrise des coûts permet,

par conséquent, à ces entreprises de disposer d’une plus grande marge de

manœuvre dans la fixation des prix et une plus grande flexibilité stratégique.

Enfin, le taux d’entrée élevé dans une industrie reflète l’importance des profits

Page 324: thèse hamdaoui

324

réalisées par les entreprises qui en font partie. De ce fait, la corrélation positive

entre le taux d’entrée dans une industrie et son degré de flexibilité s’explique

essentiellement par l’importance des marges bénéficiaires dans ces industries.

Contrairement aux variables de contrôle, l’intégration verticale est corrélée

négativement au degré de flexibilité des entreprises industrielles marocaines. Ce

résultat confirme les conclusions relevant du modèle précédent selon lesquelles

l’intégration verticale génère des coûts élevés et influe négativement sur la

profitabilité des entreprises industrielles. Il semble, donc, logique de conclure

que les entreprises des industries les plus intégrées disposent de moins de

flexibilité dans les stratégies de prix en raison de la faiblesse de leurs marges

bénéficiaires.

6.5 Conclusion

De manière générale, les industries manufacturières marocaines se caractérisent

par une relative faiblesse et une grande dispersion du degré d’intégration

verticale. Ce constat peut être expliqué par la structure productive de l’économie

marocaine caractérisée par la prédominance des secteurs tertiaire et primaire et

la fragilité du secteur secondaire. De même, la dispersion du degré d’intégration

résulte essentiellement des choix de politiques économiques et industrielles

durant les dernières décennies qui accordaient la priorité aux industries

d’exportation et de substitution à l’importation.

Toutefois, la configuration de la structure verticale de l’industrie marocaine

confirme nettement les hypothèses théoriques sur les déterminants de

l’intégration verticale. Cette configuration est déterminée, en effet, par le degré

de monopole dans chaque industrie et les considérations transactionnelles qui lui

sont spécifiques, ce qui confirme les arguments de la théorie de l’efficacité selon

lesquels l’intégration verticale est souvent liée au choix de la structure de

gouvernance la plus efficace. La réalité de l’industrie manufacturière marocaine

montre, cependant, que l’intégration verticale n’est pas génératrice de grands

Page 325: thèse hamdaoui

325

profits et limite sérieusement la flexibilité stratégique des entreprises. Par

conséquent, toute décision d’intégration devrait faire l’objet d’un arbitrage

complet entre les économies et les coûts qui en résultent.

Page 326: thèse hamdaoui

326

Conclusion générale

D’une manière générale, la théorie de l’intégration verticale se propose d’étudier

les différentes incitations des firmes à produire elles-mêmes les biens et les

services nécessaires à leur processus de production, et d’examiner les effets de

ce choix sur les performances des entreprises et des structures verticales. Pour ce

faire, les théoriciens étaient appelés à répondre, au préalable, à de nombreuses

questions se rapportant, essentiellement, à la définition des concepts de firme et

d’intégration verticale, à la délimitation des frontières de l’intégration avec les

autres formes de relations verticales et à la mesure du degré d’intégration au

niveau des firmes et des industries. Dans ce cadre, la littérature théorique

propose une grande diversité d’approches adoptant des visions souvent

divergentes bien qu’elles soient complémentaires dans la constitution d’une

vision globale des questions traitées.

La diversité des approches intéresse, en premier lieu, la définition de la firme et

la spécification de ses dimensions technologique, économique et sociologique.

En effet, la théorie de la firme propose un grand nombre d’approches

appréhendant les multiples facettes de l’entreprise. Toutefois, notre intérêt a

porté, essentiellement, sur celles se référant à la dimension verticale de la firme,

notamment, la théorie néoclassique et les théories contractuelles qui présentent

deux visions opposées tant par leurs hypothèses sur le comportement des agents

économiques que par leurs outils d’analyse. Ainsi, la vision néoclassique insiste

sur la dimension technologique de la firme et fonde son analyse sur deux

hypothèses fondamentales du comportement, à savoir la rationalité des agents

Page 327: thèse hamdaoui

327

économiques et la maximisation des fonctions d’utilité. Cette vision tient sa

force de l’élégance dans la formalisation mathématique des modèles de la firme.

Cette élégance s’est faite, toutefois, au prix d’un grand réalisme et d’une

description parfaite du fonctionnement de l’entreprise dans la réalité. En

revanche, la vision des théories contractuelles insiste davantage sur les

problèmes d’incitation et la structure de gouvernance dans la firme. C’est le cas,

notamment, de l’approche principal-agent qui définit la firme comme un

ensemble de relations d’agence reflétant la divergence des intérêts de ses

différents membres, de l’approche des coûts de transaction qui la considère

comme une forme de gouvernance permettant la coordination de la production

par le biais de l’autorité conférée par la relation employé / employeur, et de

l’approche des droits de propriété qui appréhende la firme par les droits

résiduels de contrôle que lui confère l’appropriation des actifs physiques utilisés

dans le processus de production.

En second lieu, la théorie propose de nombreuses définitions de l’intégration

verticale reflétant, essentiellement, la diversité des approches de la théorie de la

firme. A cet effet, l’intégration verticale signifie, dans la vision néoclassique, un

contrôle absolu des différents stades verticaux à travers la centralisation du

mécanisme de prise de décision entre les mains d’une seule firme, ce qui

suppose un contrôle unifié de tous les actifs mis à la disposition de la firme et un

transfert interne de tous les biens et services relevant de son processus de

production. En revanche, les approches des théories contractuelles insistent,

particulièrement, sur le rôle de l’autorité, dont jouit l’entreprise, sur les

différents actifs mis à sa disposition. Toutefois, on relève une importante

divergence de ces théories sur la nature et l’origine de cette autorité. Dans ce

cadre, l’approche des coûts de transaction explique l’autorité par la spécificité de

la relation employé / employeur et celle du contrat du travail qui relie les deux.

Cette relation confère, en effet, à l’employeur un pouvoir particulier sur ses

employés contrairement à la relation marchande entre deux contractants

Page 328: thèse hamdaoui

328

indépendants. Cette vision a été, cependant, vivement critiquée par les tenants de

la théorie des droits de propriété qui confirment que la relation employé /

employeur ne confère aucune autorité particulière à l’entreprise sur ses salariés

et que le vrai pouvoir dont elle dispose lui est conféré par la propriété des actifs

physiques qu’elle utilise dans son activité de production.

La multiplicité des approches de la théorie de la firme et des définitions de

l’intégration verticale pose, par conséquent, de sérieux problèmes dans la

spécification de ses frontières avec les autres formes de relations verticales.

Dans sa conception traditionnelle, la décision d’intégration relève,

essentiellement, du choix entre « produire ou acheter », soit entre

l’internalisation de la production et le recours au marché. Or, ces deux solutions

ne sont que les points extrêmes d’un continuum de relations qui prennent des

formes très diverses. Ces formes incluent, en effet, toutes les politiques

d’impartition se situant à un niveau intermédiaire entre l’intégration au sens

strict et le recours au marché spot et procurant, le plus souvent, un contrôle

vertical qui permet à la firme de bénéficier des avantages de l’intégration sans

subir ses effets néfastes. Il faut souligner, à ce niveau, qu’il y a eu, pendant

longtemps, un décalage entre la formalisation théorique des différentes relations

verticales et la pratique des entreprises dans ce domaine. Mais, grâce aux

nombreux travaux théoriques parus ces dernières décennies, ce décalage a été

relativement compensé, notamment avec les développements théoriques de la

question des restrictions verticales (relevant de la tradition néoclassique) et la

reconnaissance, par les tenants de la théorie des coûts de transaction, de

l’existence d’institutions économiques hybrides autres que la firme et le marché.

Les préoccupations centrales de la théorie de l’intégration verticale se

rapportent, toutefois, aux questions des incitations à l’intégration et aux effets de

celle-ci sur l’efficience économique et les performances des firmes et des

structures verticales. Dans ce cadre, la théorie économique propose de nombreux

déterminants de l’intégration qu’on peut ramener à trois catégories :

Page 329: thèse hamdaoui

329

- Les déterminants technologiques qui se rapportent aux questions

d’indivisibilité des processus de production en ce sens que certaines activités

exigent, par leur nature technologiques, la jonction de plusieurs stades verticaux

en raison des économies qui en résultent que ce soit en matière de coûts de

transport ou d’énergie.

- Les déterminants liés aux imperfections du marché qui se justifient par le désir

des firmes, opérant dans des marchés non concurrentiels, de renforcer leur

pouvoir de marché et/ou de résoudre les différentes distorsions caractérisant les

structures monopolistiques.

- Les déterminants transactionnels se rapportant au choix institutionnel des

formes de gouvernance les plus efficaces.

Toutefois, cette classification ne permet pas d’avoir une vision globale et précise

sur la nature et les caractéristiques de ces incitations. Ainsi, la plupart des

déterminants technologiques peuvent être appréhendés en adoptant un

raisonnement purement transactionnel (en utilisant les notions de rationalité

limité, d’opportunisme, d’asymétrie de l’information ou de spécificité des

actifs). Ce raisonnement permet, en effet, de donner un dénominateur commun à

des déterminants qui semblent à priori de natures variées et hétérogènes. De la

même manière, les déterminants de l’intégration verticale liés aux imperfections

des marchés s’expliquent, généralement, par des considérations transactionnelles

se rapportant au choix institutionnel des formes de gouvernance les plus

efficaces. De ce fait, nous sommes en mesure de conclure que l’intégration

verticale est souvent expliquée par l’une des considérations suivantes :

- Le désir des entreprises de maintenir ou de renforcer leur pouvoir de marché au

dépens des concurrents effectifs et/ou potentiels. Dans ce cas, l’intégration

verticale ne s’inscrit pas dans une logique d’amélioration de l’efficience

économique. Bien au contraire, la décision d’intégration est justifiée par des

considérations anticoncurrentielles visant à affaiblir ou évincer les entreprises

rivales et à dissuader les entrants potentiels de pénétrer sur le marché. Dans ce

Page 330: thèse hamdaoui

330

cadre, l’intégration peut être utilisée comme un moyen de forclusion des firmes

rivales, d’écrasement des prix ou de renforcement des barrières à l’entrée. Ainsi,

l’amélioration du pouvoir de marché des firmes intégrées se fait, généralement,

au détriment des concurrents effectifs et potentiels et implique, par conséquent,

une détérioration du bien-être social et de l’efficience économique.

- La volonté des firmes de choisir la forme d’organisation la plus efficiente dans

la coordination de la production. Dans ce cas, l’intégration verticale est motivée,

essentiellement, par le souci d’amélioration de l’efficacité économique en ce

sens que l’internalisation des activités procure des économies substantielles

comparativement à la solution de la relation marchande. Elle résulte, donc, d’un

arbitrage entre les avantages et les inconvénients des différentes institutions

économiques dans le seul but d’amélioration de l’efficacité. A ce titre, nous

soulignons que le choix de l’intégration l’emporte, généralement, en cas d’échec

du marché, en particulier, en cas de non-satisfaction de certaines conditions de la

concurrence parfaite (telle que l’atomicité des opérateurs ou la transparence du

marché). Dans ces cas de figures, l’intégration verticale implique, souvent, une

amélioration de l’efficience économique en remédiant aux problèmes d’échec

des marchés.

Au niveau des entreprises, l’intégration verticale s’accompagne, dans certains

cas, d’une amélioration de la profitabilité grâce notamment aux économies

qu’elle génère (économies des coûts de transaction, économies permises par la

création du pouvoir de monopole). Elle reste, toutefois, une stratégie assez

coûteuse puisqu’elle génère d’importants coûts bureaucratiques liés à

l’accroissement de la taille de l’entreprise en plus des problèmes causés par les

changements des incitations et la difficulté de reproduire les fortes incitations du

marché. Il est, donc, souvent difficile de se prononcer sur les effets de

l’intégration en matière de profitabilité des entreprises.

Sur le plan empirique, l’industrie manufacturière marocaine se caractérise,

essentiellement, par la faiblesse et la dispersion du degré d’intégration verticale.

Page 331: thèse hamdaoui

331

Ce constat s’explique, d’une part, par le poids relativement faible du secteur

industriel dans l’économie marocaine, et d’autre part, par les disparités qui

caractérisent les différentes industries. En effet, le secteur industriel a été,

souvent, relégué au second rang dans les priorités des stratégies de

développement au Maroc qui insistaient, davantage, sur les industries d’import-

substitution et d’exportation dont le but principal était l’économie de devises et

la résorption des déficits extérieurs. Ce choix explique, également, la grande

dispersion du degré d’intégration verticale des industries manufacturières

marocaines. En effet, nous soulignons un degré élevé d’intégration des branches

à vocation exportatrice (produits de textiles) et celles dont la production est

destinée à la satisfaction des besoins internes et la substitution aux importations

(produits métalliques de base). En revanche, les industries les moins intégrées

correspondent, généralement, aux produits alimentaires de base et le matériel

mécanique, électrique et électronique.

Toutefois, l’étude du degré d’intégration verticale dans l’industrie marocaine

révèle une importante corrélation entre celui-ci et les facteurs de marché. En

effet, l’adoption du programme d’ajustement structurel, au milieu des années 80,

et la politique de libéralisation progressive de l’économie marocaine ont

amélioré, de façon significative, le fonctionnement des entreprises industrielles

et des marchés en ce sens où les structures et les performances industrielles ont

enregistré une tendance notable vers les conditions d’efficience. Ainsi, le degré

d’intégration des branches industrielles est expliqué, essentiellement, par les

conditions de base et les structures du secteur industriel, notamment, le degré de

concentration, l’intensité capitalistique, le niveau des barrières à l’entrée,

l’importances des économies d’échelle et le taux de croissance des ventes. Ces

facteurs traduisent, également, les hypothèses des principales théories

explicatives de l’intégration verticale, en particulier, celles du monopole et de

l’efficacité.

L’étude révèle, cependant, une corrélation négative entre le degré d’intégration

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332

verticale et la profitabilité des entreprises industrielles. Ceci confirme, ainsi,

l’idée que l’intégration s’accompagne, généralement, d’importants coûts (coûts

bureaucratiques, coûts résultant du changement des incitations) contrebalançant

les économies qui en résultent (économies de coûts de transaction, économies

liées au pouvoir de monopole). De façon similaire, l’intégration semble avoir un

effet négatif sur le degré de flexibilité stratégique des entreprises industrielles.

Toutefois, ces résultats ne remettent pas en cause l’effet, parfois, positif sur les

performances économiques, en particulier, dans les structures monopolistiques

et celles caractérisées par des coûts de transaction élevés. Les critères de

performance retenus semblent, en effet, insuffisants pour avoir une idée globale

sur l’ensemble des effets de l’intégration verticale.

D’une manière générale, les résultats de notre travail permettent d’établir un

rapprochement des différentes théories de l’intégration verticale et confirment,

en grande partie, la validité des hypothèses dans le contexte industriel marocain.

Le sujet ne permet, cependant, pas d’élucider des questions non moins

déterminantes tant au niveau théorique qu’empirique. Ainsi, il nous semble

intéressant de poursuivre dans la direction d’instauration d’un pont entre les

différentes théories explicatives de l’intégration verticale, notamment, sur les

questions de formalisation des différentes relations verticales, la nature des

incitations à l’intégration et les effets de celle-ci sur l’efficience économique.

Sur le plan empirique, les résultats sur l’intégration verticale de l’industrie

marocaine méritent d’être consolidés par une étude basée sur des données moins

agrégées et retenant des critères de performance qui permettent une

appréhension globale des effets de l’intégration verticale.

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Waterson. M (1988) « On Vertical Restraints and the Law: A Note », Rand

Page 346: thèse hamdaoui

346

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Westfield. F (1981) « Vertical Integration: Does Product Price Rise or Fall? »,

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Williamson. O (1967) Corporate Control and Business Behavior, Prentice Hall

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Williamson. O (1975) Market and Hierarchies: Analysis and Antitrust

Implication, New York Free Press.

Williamson. O (1985) The Economic Institutions of Capitalism, New York Free

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Williamson. O (1989) « Transaction Cost Economics », Handbook of Industrial

Organization, édité par R. Schmalensee et R. Willig, North Holland.

Williamson. O (1991) « The Logic of Economic Organization », in The Nature

of the Firm: Origins, Evolution and Development, édité par O.

Williamson et S. Winter, Oxford University Press.

Williamson. O (1993) Les Institutions de l’Economie, Traduction Française,

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Winter. S (1991) « On Coase: Competence and the Corporation », in The Nature

of the Firm: Origins, Evolution and Development, édité par O. Williamson et S.

Winter, Oxford University Press.

Page 347: thèse hamdaoui

347

Annexes

Page 348: thèse hamdaoui

348

Annexe 1

Nomenclature Nationale des Industries Manufacturières Marocaines

- Classification à deux chiffres

- Classification à trois chiffres

Page 349: thèse hamdaoui

349

Nomenclature Nationale des Industries de Transformation Marocaines

(classification à deux chiffres)

Codes Branches Industrielles

10 Produits Des Industries Alimentaires

11 Autres Produits Des Industries Alimentaires

12 Boissons Et Tabacs

13 Produits Textiles Et Bonneterie

14 Habillement à L’exclusion Des Chaussures

15 Cuir Et Chaussures En Cuir

16 Bois Et Articles En Bois

17 Papier, Carton Et Imprimerie

18 Produits Issus Des Matériaux De Carrière

19 Industrie Métallique De Base

20 Ouvrages En Métaux

21 Machines Et Matériel D'équipement

22 Matériel De Transport

23 Matériel électrique Et électronique

24 Machines De Bureau Et Instruments De Précision

25 Produits De La Chimie Et De La Parachimie

26 Articles En Caoutchouc Ou Plastique

27 Autres Industries Manufacturières

Page 350: thèse hamdaoui

350

Nomenclature Nationale des Segments Industriels

(classification à trois chiffres)

Code Segments

101 Travail de Grains

102 Boulangerie, Pâtisserie et Biscuiterie

103 Industrie de Sucre

104 Chocolaterie et Confiserie

111 Fabrication de Conserves de Fruits et de Légumes

112 Abattage des Animaux

114 Fabrication de Conserves de Viandes

115 Fabrication de Corps Gras d'Origine Végétale ou Animale

116 Conserves de Poissons et Autres Fruits de Mer

117 Produits Alimentaires Divers

118 Aliments de Bétail

121 Fabrication de Bière et de Malt

122 Fabrication de Vins, Cidres

123 Fabrication de Spiritueux

124 Fabrication de Boissons Non Alcoolisés

125 Fabrication de Tabacs

131 Industrie de la Laine et des Fibres Longues

132 Industries Cotonnières et des Fibres Courtes

133 Industries de la Soie et des Fibres Continues

Page 351: thèse hamdaoui

351

Nomenclature Nationale des Segments Industriels

(suite)

Code Segments

134 Industries d'autres Fibres Végétales

136 Finissage et Apprêt de Tissus

137 Fabrication d'Ouvrages en Tissu Non Destinés à l'Habillement

138 Bonneterie

141 Confection de Lingerie et de Chemiserie

142 Confection de Vêtements de Dessous

143 Confection de Vêtement de Lingerie sur Mesure

151 Tannerie Mégisserie

152+153 Fabrication d'Articles en Cuir ou de Succédanés de Cuir

154 Chaussures Totalement ou Partiellement en Cuir

161 Produits de Bois Scié ou Préparé

162 Placage et Fabrication de Contre Plaqué et Panneaux

163 Charpente et Menuiserie de Bâtiment

164 Fabrication d'Articles d'Emballage en Bois

165 Fabrication de Meubles et Matelasserie

166 Fabrication d'Articles Divers en Bois, Liège ou Vannerie

171 Fabrication de Pâte à Papier, de Papier et de Carton

172 Fabrication d'Articles en Papier et en Carton

173 Imprimerie, Edition et Industries Annexes

181 Fabrication d'Articles Divers en Céramique

182 Industrie de Verre

Page 352: thèse hamdaoui

352

Nomenclature Nationale des Segments Industriels

(suite)

Code Segments

183 Fabrication de Matériaux de Construction en Terre Cuite

184+188 Ciment, Chaux et Plâtre

185 Fabrication d'Agglomérés Divers

186 Fabrication de Produits de Marbre, Pierre de Taille et Ardoise

187 Fabrication de Produits en Amiantes et Produits Abrasifs

191 Produits Sidérurgiques et Première Transformation des Métaux Non

Ferreux

192 Produits Non Ferreux et Première Transformation des Métaux

Ferreux

201 Coutellerie, Outillage à Main, Quincaillerie

202 Mobilier Métallique

203 Construction et Menuiserie métallique, Chaudronnerie, Tôlerie

204 Emballage Métallique

205 Articles métalliques Divers du Fil, Machines, Ressorts et Visserie

206 Tuyauterie, Robinetterie, Articles et Appareils de Chauffage

Domestique

207 Ustensiles de Ménages

208 Articles Métalliques Divers et Revêtement de Métaux

211 Moteurs et Turbines

212 Machines et matériel Agricole

213 Machines pour le Travail du Métal et du Bois

214 Matériel pour Mines, Bâtiments et Travaux publics

215 Matériel Spécialisé pour l'Industrie

Page 353: thèse hamdaoui

353

Nomenclature Nationale des Segments Industriels

(suite)

Code Segments

216 Machines, Matériel et Fournitures Industrielles Non Spécialisées

217 Autres machines et Matériel à usage Domestique et Commercial

221 Véhicules particuliers

222 Véhicules Utilitaires

223 Motocycles et Cycles

224 Matériel Ferroviaire Roulant

225 Construction Navale et Préparation de Navires

226 Construction Aéronautique et Préparation des Avions

227 Autres Matériel de Transport

231 Générateurs et Moteurs Electriques

232 Matériel et Appareillage Electronique Industriel

233 Matériel Electrique de Signalisation et de Régulation de Trafic

234 Composants Electroniques

235 Appareils et Matériels Electriques

236 Appareils Electro-Domestiques

237 Fils et Câbles Isolés Electroniques

238 Piles et Accumulateurs

239 Lampes, Matériel d'Eclairage, Accessoires et fournitures Electriques

241 Machines de Bureaux et Appareils de Pesage

242 Matériel Médico-Chirurgical, Appareil de Précision, de mesure et

de Contrôle

243 Instruments d'Optique et Matériel Photographique

Page 354: thèse hamdaoui

354

Nomenclature Nationale des Segments Industriels

(suite)

Code Segments

244 Montres et Horloges

251 Produits à Base de Chimie Organique et Minérale

252 Engrais, Pesticides et Insecticides

253 Résines Synthétiques et Matières Plastiques

254 Peintures, Vernis et Laques

255 Produits Pharmaceutiques et Médicaments

256 Savons, Produits d'Entretien et de Linge

257 Autres Produits Chimiques

261 Pneumatiques et Chambres à Air

262 Ouvrages Divers en Caoutchouc

263 Ouvrages en Matières Plastiques

271 Produits de la Bijouterie et de l'Orfèvrerie

272 Instruments de Musique

273 Articles de Sport et de Jeux

274 Articles de Bureaux et Divers

Page 355: thèse hamdaoui

355

Annexe 2

Présentation des données brutes utilisées dans l’étude empirique

- Extraits de la table entrée-sortie du Maroc pour l’année 1990 selon :

- La classification à trois chiffres - La classification à deux chiffres

- Données statistiques utilisées dans les deux modèles économétriques

Page 356: thèse hamdaoui

356

Annexe 3

Mesure du degré d’intégration verticale dans l’industrie manufacturière

marocaine

- Classification à deux chiffres

- Classification à trois chiffres

Page 357: thèse hamdaoui

357

code 101 102 103 104 111 112 114 115 116 117 code 118

101 647,29 60,13 424,28 26,18 3,48 0,09 2,79 5,61 2,20 2,33 101 1,51

102 74,31 6,90 48,71 3,01 0,40 0,01 0,32 0,64 0,25 0,27 102 0,17

103 580,21 53,90 380,30 23,47 3,12 0,08 2,50 5,03 1,97 2,09 103 1,35

104 37,82 3,51 24,79 1,53 0,20 0,01 0,16 0,33 0,13 0,14 104 0,09

111 5,65 0,52 3,70 0,23 9,94 0,26 7,98 16,03 6,30 6,66 111 4,32

112 0,47 0,04 0,31 0,02 0,83 0,02 0,66 1,34 0,52 0,55 112 0,36

114 13,10 1,22 8,59 0,53 23,05 0,59 18,51 37,19 14,60 15,45 114 10,01

115 16,69 1,55 10,94 0,68 29,36 0,75 23,57 47,37 18,60 19,68 115 12,75

116 1,92 0,18 1,25 0,08 3,38 0,09 2,71 5,45 2,14 2,26 116 1,47

117 9,07 0,84 5,95 0,37 15,96 0,41 12,81 25,75 10,11 10,70 117 6,93

118 0,41 0,04 0,27 0,02 0,73 0,02 0,58 1,17 0,46 0,49 118 0,32

Page 358: thèse hamdaoui

358

Degré d’intégration verticale des branches industrielles

(classification à deux chiffres)

Codes Branches IV

10 Produits des industries alimentaires 0.04400

11 Autres produits des industries alimentaires 0.01430

12 Boissons et tabacs 0.00540

13 Produits textiles et bonneterie 0.61280

14 Habillement à l’exclusion des chaussures 0.00003

15 Cuir et chaussures en cuir 0.14380

16 Bois et articles en bois 0.12000

17 Papier, carton et imprimerie 0.39970

18 Produits issus des matériaux de carrière 0.26320

19 Industrie métallique de base 0.67120

20 Ouvrages en métaux 0.36250

21 Machines et matériel d'équipement 0.01770

22 Matériel de transport 0.17750

23 Matériel électrique et électronique 0.05250

24 Machines de bureau et instruments de précision 0.00580

25 Produits de la chimie et de la parachimie 0.33490

26 Articles en caoutchouc ou plastique 0.28500

27 Autres industries manufacturières 0.00060

Page 359: thèse hamdaoui

359

Indice d’intégration verticale des segments industriels marocains

code Segments IV

101 Travail de Grains 0.0436

102 Boulangerie, Pâtisserie et Biscuiterie 0.0342

103 Industrie de Sucre 0.0351

104 Chocolaterie et Confiserie 0.0261

111 Fabrication de Conserves de Fruits et de Légumes 0.0077

112 Abattage des Animaux 0.0122

114 Fabrication de Conserves de Viandes 0.0202

115 Fabrication de Corps Gras d'Origine Végétale ou

Animale

0.0156

116 Conserves de Poissons et autres Fruits de Mer 0.0039

117 Produits Alimentaires Divers 0.02

118 Aliments de Bétail 0.0013

121 Fabrication de Bière et de malt 0.0047

122 Fabrication de Vins, Cidres 0.0044

123 Fabrication de Spiritueux 0.0045

124 Fabrication de Boissons Non Alcoolisés 0.0055

125 Fabrication de Tabacs 0.0049

131 Industrie de la Laine et des fibres Longues 0.7031

132 Industries Cotonnières et des Fibres Courtes 0.6842

133 Industries de la Soie et des Fibres Continues 0.6309

134 Industries d'autres Fibres végétales 0.6284

136 Finissage et Apprêt de Tissus 0.5523

Page 360: thèse hamdaoui

360

Indice d’intégration verticale des segments industriels marocains

(suite)

code Segments IV

137 Fabrication de Tissu Non Destiné à l'Habillement 0.3031

138 Bonneterie 0.2756

141 Confection de Lingerie et de Chemiserie 0

142 Confection de Vêtements de Dessous 0

143 Confection de Vêtement de Lingerie sur mesure 0.0001

151 Tannerie Mégisserie 0.1258

152+153 Fabrication d'Articles en Cuir ou de Succédanés de Cuir 0.1151

154 Chaussures Totalement ou Partiellement en Cuir 0.1139

161 Produits de Bois Scié ou Préparé 0.1311

162 Placage et Fabrication de Contre Plaqué et Panneaux 0.1136

163 Charpente et Menuiserie de Bâtiment 0.1275

164 Fabrication d'Articles d'Emballage en Bois 0.124

165 Fabrication de Meubles et Matelasserie 0.1395

166 Fabrication d'Articles Divers en Bois, Liège ou Vannerie 0.0748

171 Fabrication de Pâte à Papier, de Papier et de Carton 0.2955

172 Fabrication d'Articles en Papier et en Carton 0.3807

173 Imprimerie, Edition et Industries Annexes 0.5231

181 Fabrication d'Articles Divers en Céramique 0.2391

182 Industrie de Verre 0.2325

183 Fabrication de Matériaux de Construction en Terre Cuite 0.2382

184+188 Ciment, Chaux et Plâtre 0.2566

Page 361: thèse hamdaoui

361

Indice d’intégration verticale des segments industriels marocains

(suite)

code Segments IV

185 Fabrication d'Agglomérés Divers 0.3394

186 Produits de Marbre, Pierre de Taille et Ardoise 0.2417

187 Fabrication de Produits en Amiantes et Produits Abrasifs 0.2921

191 Produits Sidérurgiques et 1ère

Transformation des Métaux

Non Ferreux.

0.6695

192 Produits Non Ferreux et 1ère

Transformation des Métaux

Ferreux

0.6627

201 Coutellerie, Outillage à Main, Quincaillerie 0.3084

202 Mobilier Métallique 0.3737

203 Construction et Menuiserie métallique, Chaudronnerie,

Tôlerie

0.38

204 Emballage Métallique 0.3018

205 Articles métalliques Divers du Fil, Machines, Ressorts et

Visserie

0.3837

206 Tuyauterie, Robinetterie, Articles et Appareils de

Chauffage Domestique

0.3874

207 Ustensiles de Ménages 0.3122

208 Articles Métalliques Divers et Revêtement de Métaux 0.3358

211 Moteurs et Turbines 0.0147

212 Machines et matériel Agricole 0.0157

213 Machines pour le Travail du Métal et du Bois 0.0082

214 Matériel pour Mines, Bâtiments et Travaux publics 0.0104

215 Matériel Spécialisé pour l'Industrie 0.0029

216 Machines, Matériel et Fournitures Industrielles Non

Spécialisées

0.0223

Page 362: thèse hamdaoui

362

Indice d’intégration verticale des segments industriels marocains

(suite)

code Segments IV

217 Autres machines et Matériel à usage Domestique et

Commercial

0.0392

221 Véhicules particuliers 0.3038

222 Véhicules Utilitaires 0.2381

223 Motocycles et Cycles 0.299

224 Matériel Ferroviaire Roulant 0.0806

225 Construction Navale et Préparation de Navires 0.0009

226 Construction Aéronautique et Préparation des Avions 0.0561

227 Autres Matériel de Transport 0.0597

231 Générateurs et Moteurs Electriques 0.0189

232 Matériel et Appareillage Electronique Industriel 0.0592

233 Matériel Electrique de Signalisation et de Régulation de

Trafic

0.0446

234 Composants Electroniques 0.0832

235 Appareils et Matériels Electriques 0.0188

236 Appareils Electro-Domestiques 0.0418

237 Fils et Câbles Isolés Electroniques 0.0505

238 Piles et Accumulateurs 0.0442

239 Lampes, Matériel d'Eclairage, Accessoires et fournitures

Electriques

0.0724

241 Machines de Bureaux et Appareils de Pesage 0.0023

242 Matériel Médico-Chirurgical, Appareil de Précision, de

mesure et de Contrôle

0.0013

243 Instruments d'Optique et Matériel Photographique 0.0044

Page 363: thèse hamdaoui

363

Indice d’intégration verticale des segments industriels marocains

(suite)

code Segments IV

244 Montres et Horloges 0.0049

251 Produits à Base de Chimie Organique et Minérale 0.3034

252 Engrais, Pesticides et Insecticides 0.0195

253 Résines Synthétiques et Matières Plastiques 0.444

254 Peintures, Vernis et Laques 0.4593

255 Produits Pharmaceutiques et Médicaments 0.479

256 Savons, Produits d'Entretien et de Linge 0.4596

257 Autres Produits Chimiques 0.427

261 Pneumatiques et Chambres à Air 0.2875

262 Ouvrages Divers en Caoutchouc 0.3228

263 Ouvrages en Matières Plastiques 0.3085

271 Produits de la Bijouterie et de l'Orfèvrerie 0.0003

272 Instruments de Musique 0

273 Articles de Sport et de Jeux 0.0003

274 Articles de Bureaux et Divers 0.0003

Page 364: thèse hamdaoui

364

Annexe 4

Résultats de l’estimation des modèles économétriques

Modèle des déterminants de l’intégration verticale

Modèles des effets de l’intégration verticale sur les performances

économiques

Page 365: thèse hamdaoui

365

Les Déterminants de l'Intégration Verticale

1. Version du modèle incluant la variable INCD

Variables du modèle

Variable expliquée LNIV

Variables explicatives

LNIK

LNH

LNTMOR

LNTEPCA

TCMCA

INCD

Récapitulatif du modèle

R² R² Ajusté F Signification de F

0,872 0,803 12,535 0,000

Analyse de la variance

Modèle Somme des carrés ddl Carré moyen

Régression

Résidu

Total

127,476

18,644

146,120

6

11

17

21,246

1,695

Page 366: thèse hamdaoui

366

Coefficients

Variables Coefficients non

standardisés

Coefficients

standardisés

t

Signifi

cation

de t

Statistiques de

colinéarité

Erreur

Standard

Tolérance VIF

Constante

LNIK

LNH

LNTMOR

LNTEPCA

TCMCA

INCD

-16,699

3,084

4,709

-1,452

0,709

-18,239

11,588

2,843

0,406

1,080

0,457

0,295

8,307

8,799

-

0,997

0,634

-0,603

0,420

-0,256

0,162

-5,873

7,597

4,359

-3,179

2,407

-2,196

1,317

0,000

0,000

0,001

0,009

0,035

0,050

0,215

-

0,674

0,549

0,322

0,381

0,854

0,770

-

1,484

1,823

3,103

2,622

1,171

1,298

Corrélations de Pearson

Variables LNIV INCD TCMCA LNH LNTEPCA LNTMOR LNIK

LNIV

INCD

TCMCA

LNH

LNTEPCA

LNTMOR

LNIK

1,00

-0,112

-0,224

0,328

-0,067

0,049

0,685

1,00

0,105

0,155

-0,029

0,250

-0,182

1,00

-0,242

0,252

-0,317

-0,130

1,00

-0,605

0,629

0,241

1,00

-0,736

-0,480

1,00

0,442

1,00

Coefficients de corrélation

Variables LNIK TCMC

A

INCD LNH LNTEPCA LNTMOR

LNIK

TCMCA

INCD

LNH

LNTEPCA

LNTMOR

1,00

-0,078

0,298

0,112

0,214

-0,279

1,00

-0,217

0,056

0,019

0,239

1,00

-0,039

-0,165

-0,388

1,00

0,294

-0,301

1,00

0,500

1,00

Page 367: thèse hamdaoui

367

2. Version du modèle excluant la variable INCD

Variables du modèle

Variable expliquée LNIV

Variables explicatives

LNIK

LNH

LNTMOR

LNTEPCA

TCMCA

Récapitulatif du modèle

R² R² Ajusté F Signification de F

0,852 0,791 13,848 0,000

Analyse de la variance

Modèle Somme des carrés ddl Carré moyen

Régression

Résidu

Total

124,536

21,584

146,120

5

12

17

24,907

1,799

Coefficients

Variables Coefficients non

standardisés

Coefficients

standardisés

t

Signifi

cation

de t

Statistiques de

colinéarité

Erreur

Standard

Tolérance VIF

Constante

LNIK

LNH

LNTMOR

LNTEPCA

TCMCA

-15,134

2,925

4,764

-1,218

0,773

-15,867

2,661

0,399

1,112

0,434

0,299

8,354

-

0,945

0,641

-0,506

0,458

-0,223

-5,688

7,326

4,284

-2,810

2,583

-1,899

0,000

0,000

0,001

0,016

0,024

0,082

-

0,740

0,549

0,380

0,392

0,896

-

1,352

1,820

2,635

2,550

1,116

Page 368: thèse hamdaoui

368

Corrélations de Pearson

Variables LNIV TCMCA LNH LNTEPCA LNTMOR LNIK

LNIV

TCMCA

LNH

LNTEPCA

LNTMOR

LNIK

1,00

-0,224

0,328

-0,067

0,049

0,685

1,00

-0,242

0,252

-0,317

-0,130

1,00

-0,605

0,629

0,241

1,00

-0,736

-0,480

1,00

0,442

1,00

Coefficients de corrélation

Variables LNIK TCMCA LNH LNTEPCA LNTMOR

LNIK

TCMCA

LNH

LNTEPCA

LNTMOR

1,000

-0,014

0,130

0,279

-0,185

1,000

0,049

-0,018

0,172

1,000

0,291

-0,343

1,000

0,479

1,000

Page 369: thèse hamdaoui

369

Les Effets de l’Intégration Verticale sur les Performances

Economiques

1. Résultats de l’estimation du modèle des effets de l’intégration sur le taux

de marge

Variables du modèle

Variable expliquée TMR

Variables explicatives

LNIV

IK

H

TEPCA

TMOR

Récapitulatif du modèle

R² R² Ajusté F Signification de F

0,758 0,657 7,519 0,002

Analyse de la variance

Modèle Somme des carrés ddl Carré moyen

Régression

Résidu

Total

5,344 E-03

1,706 E-03

7,050 E-03

5

12

17

1,069 E-03

1,421 E-04

Page 370: thèse hamdaoui

370

Coefficients

Variables Coefficients non

standardisés

Coefficients

standardisés

t

Signifi

cation

de t

Statistiques de

colinéarité

Erreur

Standard

Tolérance VIF

Constante

LNIV

IK

H

TEPCA

TMOR

-4,73 E-02

-5,72 E-03

3,070 E-05

0,188

4,666 E-03

-2,42 E-03

0,021

0,001

0,000

0,034

0,002

0,000

-

-0,824

1,519

1,343

0,383

-1,905

-2,202

-4,213

4,562

5,565

2,081

-5,492

0,048

0,001

0,001

0,000

0,060

0,000

-

0,528

0,182

0,346

0,596

0,168

-

1,895

5,502

2,890

1,678

5,968

Corrélations de Pearson

Variables TMR LNIV IK H TEPCA TMOR

TMR

LNIV

IK

H

TEPCA

TMOR

1,000

-0,145

-0,070

0,292

-0,065

-0,200

1,000

0,420

0,220

-0,099

-0,117

1,000

0,280

-0,057

0,782

1,000

-0,554

0,570

1,000

-0,098

1,000

Coefficients de corrélation

Variables LNIV IK H TEPCA TMOR

LNIV

IK

H

TEPCA

TMOR

1,000

-0,666

-0,504

-0,258

0,580

1,000

0,588

0,356

-0,865

1,000

0,536

-0,692

1,000

-0,251

1,000

Page 371: thèse hamdaoui

371

2. Résultats de l’estimation du modèle des effets de l’intégration sur le

rapport prix-coût

Variables du modèle

Variable expliquée PC

Variables explicatives

ODDIV

LNIK

LNH

TEPCA

Récapitulatif du modèle

R² R² Ajusté F Signification de F

0,549 0,411 3,960 0,026

Analyse de la variance

Modèle Somme des carrés ddl Carré moyen

Régression

Résidu

Total

1,006 E-02

8,254 E-03

1,831 E-02

4

13

17

2,514 E-03

6,349 E-04

Coefficients

Variables Coefficients non

standardisés

Coefficients

standardisés

t

Signifi

cation

de t

Statistiques de

colinéarité

Erreur

Standard

Tolérance VIF

Constante

ODDIV

LNIK

LNH

TEPCA

0,899

-9,00 E-03

2,737 E-02

7,194 E-02

1,321 E-02

0,033

0,003

0,010

0,020

0,005

-

-0,864

0,790

0,865

0,672

12,320

-2,938

2,658

3,542

2,628

0,000

0,012

0,020

0,004

0,021

-

0,401

0,392

0,581

0,530

-

2,493

2,549

1,720

1,888

Page 372: thèse hamdaoui

372

Corrélations de Pearson

Variables PC ODDIV LNIK LNH TEPCA

PC

ODDIV

LNIK

LNH

TEPCA

1,000

-0,093

0,152

0,409

-0,007

1,000

0,694

0,328

-0,090

1,000

0,241

-0,368

1,000

-0,540

1,000

Coefficients de corrélation

Variables ODDIV LNIK LNH TEPCA

ODDIV

LNIK

LNH

TEPCA

1,000

-0,738

-0,421

-0,428

1,000

0,277

0,493

1,000

0,590

1,000

Page 373: thèse hamdaoui

373