THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc...

223
0 UNIVERSITE HASSAN II AIN CHOCK FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES CASABLANCA *** THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES ECONOMIQUES *** LA PAUVRETE AU MAROC : APPROCHES, DETERMINANTS, DYNAMIQUE ET STRATEGIES DE REDUCTION Préparée et soutenue par : Abdeljaouad EZZRARI Jury Président : M. Mohamed Fouzi MOURJI : Professeur de l‟enseignement supérieur à la Faculté des Sciences Juridiques Economiques et Sociales de Casablanca et Directeur de Recherche. Suffragants : M. Elbachir KOUHLANI : Professeur de l‟enseignement supérieur à la faculté des Sciences Juridiques Economiques et Sociales de Casablanca et Directeur au Ministère de l‟enseignement supérieur M. Mohamed DOUIDCH : Directeur de l‟Oservatoire des Conditions de Vie de la Population Haut Commissariat au Plan M. Abdelkhalek TOUHAMI : Professeur de l‟enseignement supérieur à l‟Institut National de Statistique et d‟Economie Appliquée (INSEA) M. Mohamed TAAMOUTI : Directeur de la Statistique et professeur de l‟enseignement supérieur à l‟Institut National de Statistique et d‟Economie Appliquée (INSEA) Juillet 2011

Transcript of THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc...

Page 1: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

0

UNIVERSITE HASSAN II AIN CHOCK

FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES

ECONOMIQUES ET SOCIALES

CASABLANCA

***

THESE DE DOCTORAT

ES SCIENCES ECONOMIQUES

***

LA PAUVRETE AU MAROC :

APPROCHES, DETERMINANTS, DYNAMIQUE ET

STRATEGIES DE REDUCTION

Préparée et soutenue par :

Abdeljaouad EZZRARI

Jury

Président :

M. Mohamed Fouzi MOURJI : Professeur de l‟enseignement supérieur à la Faculté

des Sciences Juridiques Economiques et Sociales de Casablanca et Directeur de

Recherche.

Suffragants :

M. Elbachir KOUHLANI : Professeur de l‟enseignement supérieur à la faculté des

Sciences Juridiques Economiques et Sociales de Casablanca et Directeur au Ministère

de l‟enseignement supérieur

M. Mohamed DOUIDCH : Directeur de l‟Oservatoire des Conditions de Vie de la

Population – Haut Commissariat au Plan

M. Abdelkhalek TOUHAMI : Professeur de l‟enseignement supérieur à l‟Institut

National de Statistique et d‟Economie Appliquée (INSEA)

M. Mohamed TAAMOUTI : Directeur de la Statistique et professeur de

l‟enseignement supérieur à l‟Institut National de Statistique et d‟Economie Appliquée

(INSEA)

Juillet 2011

Page 2: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

1

Sommaire

Introduction ........................................................................................................ 6

Chapitre 1 : Revue des écrits au sujet de la pauvreté et aux différentes

approches de sa mesure .............................................................................. 16

Section 1 : Les approches de la pauvreté ................................................................ 14

Paragraphe 1 : L‟approche monétaire ..................................................................... 14 Paragraphe 2 : L‟approche non monétaire .............................................................. 16 2.1- Approche non Welfariste basée sur les capacités ............................................. 16 2.2- Approche non Welfariste basée sur les besoins de base ................................... 17

Section 2 : Les mesures de la pauvreté ................................................................... 18

Paragraphe 1 : Les mesures de la pauvreté monétaire ............................................. 19

1.1- Pauvreté absolue et pauvreté relative .............................................................. 19 1.2- L‟identification du seuil de pauvreté ............................................................... 20 1.2.1- Seuil de pauvreté alimentaire ....................................................................... 21

1.2.2- Seuil de pauvreté non alimentaire ................................................................ 21 1.3- Calcul du seuil de pauvreté ............................................................................. 21 1.3.1- Calcul du seuil de pauvreté alimentaire ........................................................ 22

1.3.2- Calcul du seuil de pauvreté non alimentaire ................................................. 23 1.3.3- Estimation du seuil bas de pauvreté.............................................................. 24

1.3.4- Estimation du seuil élevé de pauvreté........................................................... 25

Paragraphe 2 : Les mesures de la pauvreté non-monétaire ...................................... 26

Chapitre 2 : La pauvreté au Maroc : mesure, évolution, dynamique et

déterminants ............................................................................................... 30

Section 1 : La mesure du niveau de vie .................................................................. 30

Paragraphe 1 : Les dépenses par tête ...................................................................... 30 Paragraphe 2 : Les dépenses par unité de consommation ........................................ 34

Paragraphe 3 : Estimation d‟une échelle d‟équivalence pour le Maroc ................... 35

Section 2 : Etude de l‟évolution de la pauvreté au Maroc ....................................... 38

Paragraphe 1 : Calcul des indicateurs de pauvreté : application sur les données

marocaines ............................................................................................................. 38 Paragraphe 2 : Analyse de l‟évolution des indices de la pauvreté au Maroc ............ 40

Paragraphe 3 : Les tests de dominance stochastique ............................................... 43 3.1- L‟approche théorique et la méthodologie ........................................................ 44

3.2- Discussion des résultats de l‟application sur les données marocaines .............. 45

Section 3 : La dynamique de la pauvreté : rôles de la croissance et des inégalités .. 48

Paragraphe 1 : Les liens entre croissance et inégalités : hypothèse de Kuznets ....... 48

Page 3: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

2

Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‟analyse de la

dynamique de la pauvreté ....................................................................................... 51 2.1- La décomposition sectorielle de la variation de la pauvreté : ........................... 51 2.2- La décomposition de la pauvreté en effet croissance et effet redistribution ..... 52

2.2.1- Approche statique de Kakwani (1993).......................................................... 52 2.2.2- Approche dynamique de Datt et Ravallion ................................................... 52 2.2.3- Approche dynamique de Kakwani (1997) ..................................................... 53 2.2.4- Approche dynamique de Shorroks (1999) .................................................... 53 Paragraphe 3 : Présentation et analyse des résultats de l‟application sur les données

marocaines (1985-2007) ......................................................................................... 54 3.1- Résultats de la décomposition statique de la pauvreté : approche de Kakwani . 55 3.2- Résultats de la décomposition dynamique de la pauvreté : approches de Datt &

Ravallion et de Shorroks ........................................................................................ 59

Section 4 : La croissance économique est-elle pro-pauvre ? ................................... 64

Paragraphe 1 : Le cadre théorique .......................................................................... 64 1.1- Construction de l‟indice de la croissance pro-pauvre ....................................... 65 1.2- La croissance pro-pauvre selon Ravallion & Chen (2004) : la courbe

d‟incidence de la croissance (CIC) ......................................................................... 67

Paragraphe 2 : Présentation et analyse des résultats ................................................ 68 2.1- L‟indice de croissance pro-pauvre ................................................................... 68

2.2- La courbe d‟incidence de la croissance de Ravallion et Chen .......................... 71

Section 5 : Le profil de la pauvreté monétaire au Maroc ......................................... 78

Paragraphe 1 : Pauvreté et caractéristiques sociodémographiques .......................... 78

1.1- L‟effet de la taille moyenne des ménages et la structure par âge...................... 78 1.2- L‟effet du sexe du chef de ménage .................................................................. 79

Paragraphe 2 : Pauvreté et caractéristiques socioéconomiques ............................... 80 2.1- L‟impact de la pauvreté sur l‟éducation .......................................................... 80

2.2- Pauvreté et accès aux soins de santé ................................................................ 83

2.3- Pauvreté et marché de travail .......................................................................... 85 2.4- Pauvreté et conditions de logement ................................................................. 88

2.4.1- Le statut d‟habitat ........................................................................................ 88 2.4.2- L‟accès aux services de base ........................................................................ 90 2.4.2.1- eau potable ................................................................................................ 90

2.4.2.2- Electricité ................................................................................................. 91

Section 6 : Synthèse des déterminants de la pauvreté : application d‟un modèle

économétrique ....................................................................................................... 92

Paragraphe 1 : Présentation du modèle ................................................................... 93 Paragraphe 2 : Présentation et analyse des résultats ................................................ 94

Chapitre 3 : Les enseignements de l’approche de la pauvreté

multidimensionnelle au Maroc ................................................................. 101

Section 1 : L‟indice composite du bien être : conception et formulation ............... 101

Page 4: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

3

Paragraphe 1 : Méthodologie de la construction de l‟indice composite du bien être

............................................................................................................................ 101 Paragraphe 2 : Forme fonctionnelle de l‟indicateur composite de pauvreté (ICP) . 102

Section 2 : L‟application de l‟ACM sur le cas du Maroc ...................................... 103

Paragraphe 1 : Présentation des données .............................................................. 103 Paragraphe 2 : Description des dimensions non monétaires de la pauvreté ........... 103 2.1- La satisfaction des besoins basiques .............................................................. 103

2.1.1- Nutrition .................................................................................................... 103 2.1.2- Conditions d‟habitat ................................................................................... 104 2.1.3- Les services de base : eau potable et électricité .......................................... 106 2.1.4- les éléments de confort et d‟équipements ................................................... 107 2.1.5- Les moyens de communication .................................................................. 108

2.2- Les facteurs de développement humain ......................................................... 109 2.2.1- Education ................................................................................................... 109

2.2.2- Santé .......................................................................................................... 110 2.2.3- Activité professionnelle ............................................................................. 112 Paragraphe 3 : Analyse des Correspondances Multiples des dimensions non

monétaires de la pauvreté ..................................................................................... 113

3.1- Les enseignements d‟une ACM préliminaire ................................................. 115 3.2- Construction de l‟indicateur composite de la pauvreté................................... 117

3.2.1- Sélection des variables pour la construction de l‟ICP ................................. 117 3.2.2- Les enseignements d‟une ACM élaborée ................................................... 118 3.2.3- L‟indice de pauvreté multidimensionnelle (IPM) ....................................... 120

3.2.4- Synthèse : calcul du seuil de pauvreté multidimensionnelle ........................ 120

Section 3 : Profil et dynamique de la pauvreté monétaire et non monétaire .......... 121

Paragraphe 1 : La pauvreté monétaire et non monétaire : la dimension géographique

............................................................................................................................ 121

1.1- La comparaison entre l‟urbain et le rural ....................................................... 121

1.2- La dimension régionale ................................................................................. 122 Paragraphe 2 : la pauvreté monétaire et non monétaire et les caractéristiques

démographiques et socioéconomiques du chef de ménage .................................... 123 2.1- L‟effet de la taille des ménages ..................................................................... 123 2.2- L‟effet de sexe du chef de ménage ............................................................... 124

2.3- L‟effet du niveau scolaire et de la situation dans la profession du chef de

ménage ................................................................................................................ 125

Paragraphe 3 : Liens entre pauvreté monétaire et pauvreté non monétaire et

l‟ampleur de la double pauvreté ........................................................................... 126

3.1- Liens entre la pauvreté monétaire et la pauvreté non-monétaire .................... 126 3.2- L‟ampleur de la double pauvreté ................................................................... 128 Paragraphe 4 : L‟évolution de la pauvreté multidimensionnelle ............................ 130 Analyse de robustesse des indicateurs de tendance de la pauvreté ........................ 132 Paragraphe 5 : Indice d‟inégalité multidimensionnelle ......................................... 133

Paragraphe 6 : Décomposition de l‟évolution de la pauvreté ................................ 136

Page 5: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

4

Chapitre 4 : Les stratégies de réduction de la la pauvreté : approche des

indices calculés à l’échelle locale .............................................................. 140

Section 1 : Estimation des indicateurs de la pauvreté à l‟échelle locale ................ 141

Paragraphe 1 : Méthodologie de construction des indicateurs affinés de la pauvreté à

l‟échelle locale : la cartographie de la pauvreté .................................................... 141 Paragraphe 2 : Application : cartographie de la pauvreté au Maroc ...................... 144

Section 2 : La dynamique de la pauvreté à l‟échelle locale : les enseignements d‟une

modélisation économétrique ................................................................................. 149

Paragraphe 1 : Présentation des données et des variables du modèle .................... 149

Paragraphe 2 : Les méthodes d‟estimation retenues .............................................. 150

Paragraphe 3 : Analyse des résultats des estimations ............................................ 152 3.1- La dynamique de la pauvreté communale à l‟échelle nationale ...................... 152 3.2- La dynamique de la pauvreté communale en milieu urbain ........................... 158 3.3- La dynamique de la pauvreté communale en milieu rural .............................. 160

3.4- La dynamique de la pauvreté provinciale ...................................................... 162

Section 3 : Le ciblage géographique de la pauvreté : intérêt des indicateurs de la

pauvreté au niveau le plus fin pour une allocation optimale des ressources .......... 164

Paragraphe 1 : L‟insuffisance des politiques de ciblage forfaitaire : cas des

subventions alimentaires et des subventions à l‟éducation et à la formation ......... 165

Paragraphe 2 : La méthodologie des politiques de ciblage géographique .............. 170

2.1- Les plans de Ciblage ..................................................................................... 171

2.2- Les méthodes d‟affectation des ressources budgétaires ................................. 172 Paragraphe 3 : Présentation et analyse des résultats du ciblage géographique ....... 173

3.1- Le ciblage optimal face à la pauvreté ............................................................ 173 3.1.1- La performance du ciblage optimal ............................................................ 173

3.1.2- L‟impact du ciblage optimal sur le taux de pauvreté ................................... 174 3.1.3- La performance du ciblage face à l‟extrême pauvreté ................................. 175 3.2- Les gains en économie des ressources ........................................................... 176

3.3- Les limites du ciblage géographique « optimal » : quelle combinaison avec le

« parfait » ? .......................................................................................................... 179

Section 4 : L‟intérêt des indicateurs de la pauvreté non-monétaire pour un ciblage

différencié des localités ........................................................................................ 180

Paragraphe 1 : Construction des indicateurs de la pauvreté non-monétaire à l‟échelle

locale ................................................................................................................... 180 Paragraphe 2 : Analyse des interférences entre les pauvretés « monétaire » et « non-

monétaire » à l‟échelle locale ............................................................................... 191 Paragraphe 3 : Le ciblage des plus pauvres selon les caractéristiques des collectivités

territoriales : Analyse en composantes principales ............................................... 193

Page 6: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

5

INTRODUCTION

Page 7: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

6

La question de la pauvreté au niveau mondial

La pauvreté reste une problématique préoccupante, malgrè les performances

technologiques, et les progrès économiques réalisés au vingtième siècle, et qui ne

cessent de s‟amplifier. Elle s‟aggrave dans de nombreuses régions du monde, sans

épargner certains pays industrialisés.

De par ses conséquences, ses formes et ses dimensions sociales, ce phénomène s‟est

imposé à l‟attention de la communauté internationale, surtout qu‟il était devenu

évident que la croissance du produit intérieur brut ne pouvait constituer une panacée

pour réaménager les pannes de la vision stricto sensu économique de la prise en

charge de la pauvreté.

Historiquement, la décennie 1990 constitue un revirement notable dans la mise en

garde et la lutte contre la pauvreté. En 1992, à Rio de Janeiro, il a été convenu que

la protection de l‟environnement implique la réduction des masses des pauvres qui

trouvent dans la nature leurs uniques ressources. En 1994, la conférence du Caire a

considéré la pauvreté comme une entrave majeure à la résolution des problèmes de

la population. A la quatrième conférence des Nations Unies sur les femmes, tenue à

Pekin en 1995, la pauvreté était classée au rang des problèmes présentant une gravité

particulière pour les femmes. Poussant plus loin cette bataille contre la pauvreté,

l‟ONU a déclaré 1996 comme année internationale pour l‟élimination de la pauvreté

et instauré la première décennie, 1997-2006, des Nations Unies pour l‟élimination de

la pauvreté. Ce projet ambitieux vise à mobiliser les décideurs du monde entier pour

se pencher beaucoup plus sur le problème de la pauvreté, et à étudier les stratégies

qui permettraient d‟y remédier afin d‟en atténuer l‟ampleur et l‟incidence.

Les Objectifs du Millénaire de développement (OMD) constituent également un

tournant de haute importance, tant qualitatif que quantitatif, dans la tentative de

réduction effective de la pauvreté. En dépassant les limites traditionnelles du combat

contre ce fléau, les OMD intègrent une vision élargie fondée entre autres sur une

gamme diversifiée de mécanismes en mesure de réduire la vulnérabilité socio-

économique et de renforcer l‟autoprotection des populations pauvres. Leur vecteur

d‟action est d‟intervenir en amont et en aval des facteurs de risques qui placent une

frange de la population aux frontières de la pauvreté.

La préoccupation majeure des nations dans le domaine de la lutte contre la pauvreté

était différente et portait généralement sur le développement et la croissance des

agrégats macro-économiques. Toutefois, ces agrégats s‟avèrent insuffisants pour

étudier le bien-être social qui constitue l‟objectif ultime de toute politique de

développement. En effet, un indicateur global comme le revenu national per capita

ne permet que de synthétiser les informations disponibles sur le niveau de vie, et par

conséquent, il demeure très succinct pour jauger le niveau de vie réel de la

population. D‟emblée, comme toute moyenne, cet indicateur a l‟inconvénient de

cacher les disparités en matière de distribution des revenus.

Page 8: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

7

Ces dernières années ont été aussi marquées par un effort important en termes

d‟études et de recherches pour comprendre le phénomène de la pauvreté et même

pour localiser les poches de pauvreté1. C‟est ainsi que sous l‟égide de la Banque

Mondiale, divers pays africains ont élaboré des documents stratégiques de réduction

de la pauvreté (DSRP), le plus souvent connus dans la littérature anglosaxone sous

l‟appelation Povrety Reduction Strategy Paper (PRSP). Parmi les moyens de lutte

contre la pauvreté, la croissance économique et la redistribution des revenus par des

mécanismes divers occupent une place centrale. L‟évolution temporelle de la

pauvreté, en particulier la décomposition de celle-ci en distinganu « les effets

croissance » et « les effets redistribution » ou « les effets sectoriels », retient dès lors

l‟attention des chercheurs, des bailleurs de fond et des décideurs politiques. D‟autres

études sous l‟égide également de la Banque Mondiale avaient pour objectifs de

localiser les varies poches de la pauvreté afin de faciliter la réussite des politiques de

réduction de la pauvreté.

Les tendances de la croissance économique au Maroc

Le Maroc a arrêté, depuis son indépendance, des objectifs visant la réalisation d‟une

croissance économique suffisante et soutenue en vue d‟améliorer le niveau de vie de

la population. C‟est ce qui ressort de la plupart des plans de développement

économique et social établis depuis 1960. C‟est ainsi que le Maroc a mené, depuis

cette période, des programmes d‟envergure nationale visant à généraliser la

scolarisation, à lutter contre l‟analphabétisme et à contribuer au développement du

monde rural. Le renforcement de ces programmes au cours de ces deux dernières

décennies a permis de réaliser beaucoup de progrès, et d‟atténuer les déficits qui se

sont accumulés depuis l‟indépendance du pays.

La croissance économique au Maroc depuis l‟indépendance a été caractérisée par

son instabilité du fait qu‟elle reste tributaire des aléas climatiques. En effet, si la

croissance réelle du PIB s‟est située à 3,8% depuis 1960, elle n‟est que de 2,8%

durant la période 1994 et 2004.

Les insuffisances de la croissance économique au Maroc

Les résultats réalisés en matière de croissance économique étaient insuffisants pour

pouvoir améliorer qualitativement et quantitativement le niveau de vie de l‟ensemble

de la population. Ils n‟ont pas pu réduire les inégalités dans la répartition de la

richesse nationale. En effet si la redistribution des revenus créés par l‟activité

économique et leur répartition sociale constituent une dimension importante du

développement humain dans un pays, au Maroc, cette redistribution est encore

fortement marquée par les inégalités et par la persistance de grandes poches de

pauvreté, en dépit d‟une amélioration modeste mais continue du niveau de vie

général de la population.

1 Les études réalisées par la Banque Mondiale dans plusieurs pays en développement à partir des données

des enquêtes sur les niveaux de vie des ménages. Il s‟agit, entre autres, « Pauvreté, ajustement et

croissance au Maroc , Rapport 11918 MOR. Volumes 1 & 2 ».

Page 9: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

8

Selon les données de l‟enquête nationale sur les niveaux de vie des ménages

(ENNVM) 2006-07, la dépense annuelle moyenne par personne est de 11233 DH,

avec 13895 DH dans les zones urbaines et 7777 DH dans les zones rurales. De 1960

à 2007, la croissance de la dépense par habitant à prix constants s‟est effectuée à un

taux annuel moyen de 2,1% à l‟échelle nationale, 1,9% en milieu urbain et 1,6% en

milieu rural. En termes de volume, la consommation par habitant s‟est multipliée par

2,4 dans les zones urbaines et seulement par 2,1 dans les zones rurales. En dépit de

la stagnation observée entre 2001 et 2007, l‟inégalité de la croissance s‟avère encore

plus grande qu‟aux années 1960. C‟est ainsi que, la part dans les dépenses totales,

des 50% des ménages ayant les plus faibles dépenses, est passée de 30% en 1960 à

23,7% en 2007, alors que celle des 25% ayant les plus fortes dépenses a augmenté

de plus de 2 points en passant de 46,0% à 48,0%. On relève ainsi que les inégalités

restent encore manifestes entre milieu urbain et milieu rural, entre régions et entre

les couches sociales.

Mesurées au seuil national, la pauvreté et la vulnérabilité, conséquences de ces

inégalités, sont encore très fortes malgré une tendance à la baisse des taux qui les

mesurent. Sur le plan national, le taux de pauvreté est passé de 21% en 1985 à

15,3% en 2001 et à 8,9% en 20072. En milieu rural, l‟évolution est lente et le taux de

pauvreté est encore important (14,8% en 2007), en comparaison avec le milieu

urbain (4,8%). Avec un taux de vulnérabilité de 17,4%, près de trois marocains sur

dix (26,4%) se trouvent ainsi en situation de pauvreté ou de vulnérabilité. En fait,

38,0% des ruraux sont en situation de pauvreté ou de vulnérabilité.

En matière de scolarisation, le taux de scolarisation dans le primaire est passé de

58,0% en 1990 à 92,5%3 en 2009. L‟espérance de vie à la naissance quant à elle a

dépassé la barre de 71 ans en 2009. L‟accès des ménages marocains aux réseaux

d‟électricité et d‟eau potable a connu également un essor considérable au cours des

dernières décennies. C‟est ainsi que l‟accès des ménages à l‟électricité est passé de

80,7% en 1994 à 97,4% en 2009 en milieu urbain respectivement de 9,7% à 83,9%

en milieu rural. Le taux de branchement des logements au réseau d‟eau potable s‟est

aussi amélioré, passant de 74,2% à 90,9% en milieu urbain et de 4,0% à 29,2% en

milieu rural4.

La situation de l‟emploi a connu quant à elle une baisse structurelle du taux de

chômage, de 13,8 % en 1999 à une moyenne de 9,0% ces dernières années.

Cependant, ce taux cache des disparités selon le milieu, l‟âge et le niveau de

diplôme. Le chômage continue toujours à frapper davantage le milieu urbain, les

2 Haut commissariat au Plan (2008), « Présentation des premiers résultats de l‟enquête nationale sur les

niveaux de vie des ménages 2006/07 ». http://www.hcp.ma/pubData/News/25.06.2008.fr.pdf.

3 Il s‟agit du taux net de scolarisation des enfants âgés entre 6 et 11 ans calculé à partir des données de

l‟enquête nationale sur l‟emploi de 2009.

4 Les données d‟accessibilté à l‟électricité et au réseau de l‟eau potable pour 2009 sont calculés à partir

des données sur l‟enquête nationale sur l‟emploi de 2009.

Page 10: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

9

jeunes et les diplômés5. L‟évolution du marché d‟emploi est fortement liée au

lancement de grands chantiers dans le secteur des infrastructures (Tanger med,

Bouregrag, etc.), à l‟impulsion de l‟investissement créateur de l‟emploi et au

développement du secteur des micro-crédits.

Les grandes stratégies et phases de la lutte contre la pauvreté

La persistance des inégalités et des conditions de vie précaires a conduit au

lancement de l‟Initiative National du Développement Humain (INDH) dont

l‟objectif est de lutter de manière ciblée contre l‟exclusion et la pauvreté tant en

milieu rural qu‟en milieu urbain, grâce à des programmes ciblant les services de

base : équipement en eau, électricité, habitat, écoles mais aussi à des actions de

proximité pour lesquelles un financement de 10 milliards de DH a été prévu pour

2006-2010. La mise en œuvre de l‟INDH a vu une grande implication du tissu

associatif au niveau local pour les infrastructures et les associations de micro-crédits

(1 million de bénéficiaires entre 2006 et 2010).

Le développement social et la lutte contre la pauvreté constituaient l‟un des axes du

Plan national du développement économique et social 2000-04. Pour prendre en

charge le volet relatif à la lutte contre la pauvreté, la marginalisation et l‟exclusion

sociale, le Maroc a créé en 1999, l‟Agence de développement social (ADS) avec

pour principal rôle l‟atténuation des déficits sociaux.

Outre les efforts pour mesurer la pauvreté et comprendre les changements de la

pauvreté au Maroc, une série d‟études basées sur les données des enquêtes

nationales sur le niveau de vie et de la consommation des ménages ont été réalisées

pour mieux comprendre les déterminants du bien-être des ménages au Maroc. Ces

études6 ont pu décrire les caractéristiques des populations dont celles pauvres,

analyser différents types de comportement des ménages et évaluer leur impact sur le

bien-être. Et face aux besoins récurrents de formulation de stratégies locales de

réduction de la pauvreté, le Maroc a élaboré trois cartes de pauvreté (1994, 2004 et

2007) qui consistent à avoir des indicateurs de pauvreté et d‟inégalités à des niveaux

géographiquess plus fins, à savoir la commune et voire même le quartier. Ces cartes7

ont permis, ente autres, aux décideurs et aux hommes politiques, de bien cibler leurs

stratégies d‟intervention.

5 Voir les rapports annuels de l‟activité, l‟emploi et chômage au Maroc, site du HCP :

http://www.hcp.ma/publication.aspx

6 On cite à titre d‟exemple, « Analyse du profil et de la dynamique de la pauvreté : un fondement

d‟atténuation des dénuements », Direction de la Statistique – 2001.

7 « Carte de la pauvreté communale : RGPH 1994 – ENNVM 1998-99 », juin 2004

« Pauvreté, développement humain et développement social au Maroc : Données cartographiques et

statistiques RGPH 2004 », décembre 2005.

« Carte de la pauvreté 2007, HCP », janvier 2010.

Page 11: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

10

Les grandes approches et définitions de la pauvreté

Cependant, tous ces travaux se sont basés sur une approche unidimensionnelle

(monétaire) de mesure de la pauvreté utilisant le revenu (en fait dépense) comme le

seul indicateur du bien-être. Cette approche ne fait pas l‟unanimité parmi les

économistes comme étant le seul cadre d‟analyse de la pauvreté et ce à cause de sa

référence à une seule composante des conditions de vie, à savoir les ressources

financières.

Sur le plan conceptuel, un consensus s‟est dégagé, depuis quelques années arguant

que la pauvreté est un phénomène multidimensionnel. Certains indicateurs sociaux

apportent une information qui n‟est pas reflétée par l‟approche monétaire

d‟évaluation de la pauvreté. La faiblesse du revenu n‟est pas le seul facteur dont

dépend la pauvreté individuelle. En effet, le bien-être individuel est intimement lié à

la capacité qu‟a l‟individu de subvenir à certains besoins fondamentaux, comme être

bien logé, nourri, instruit, etc. Ces besoins reflètent les aspects multiples de la

privation individuelle et illustrent la multidimensionnalité du phénomène de la

pauvreté. Le revenu peut être considéré, donc comme un moyen parmi d‟autres pour

se procurer un niveau de vie requis.

L‟économiste Amartya SEN est l‟un des penseurs qui a le plus fortement influencé

cette évolution du concept de pauvreté. Selon lui, « la pauvreté est avant tout une

privation des capacités élémentaires, même si cette définition ne vise en aucune

manière à nier l‟évidence : un revenu faible constitue bien une des causes

essentielles de la pauvreté, pour la raison, au moins que l‟absence des ressources est

la principale source de privation d‟un individu ». (SEN, 2000).

Sur le plan technique, l‟approche monétaire telle qu‟elle est appliquée au Maroc ne

prend pas en considération les différentiels des comportements de consommation.

De leur côté, les comparaisons inter-temporelles des niveaux de pauvreté souffrent

encore plus de problèmes de différentiels des prix inter-régionaux et inter-

temporelles. Par conséquent, toutes les conclusions restent tributaires du bon choix

du déflateur des dépenses.

Une alternative naturelle à l‟approche monétaire est d‟adopter une approche non

monétaire pour la construction d‟un indicateur du bien-être individuel permettant

d‟étudier la pauvreté. L‟idée sous-jacente à cette approche est que certains attributs

non monétaires, tels que le statut socioprofessionnel d‟un individu, ses conditions de

logement, l‟environnement sanitaire dans lequel il vit, etc., peuvent être considérés

comme des indicateurs du bien-être. La construction d‟un indice composite du bien-

être basé sur ces indicateurs offre une alternative fiable à l‟indicateur monétaire du

bien-être et s‟inscrit dans le cadre général de l‟analyse multidimensionnelle de la

pauvreté.

Page 12: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

11

Les objectifs de la recherche

L‟élargissement de la définition de la pauvreté, jusque là utilisée dans toutes les

études sur la pauvreté au Maroc, permettra d‟enrichir la panoplie de mesures

envisageables pour le ciblage et le suivi de sa réduction. Un tel élargissement

consistera d‟abord en l‟adoption d‟une nouvelle manière de définir et de mesurer la

pauvreté, en se basant sur une approche multidimensionnelle utilisant les facteurs

intrinsèques de la pauvreté, et permettra ensuite d‟identifier les politiques et les

stratégies qui permettent de réduire la pauvreté non monétaire.

D‟où l‟intérêt de l‟analyse de la pauvreté sous ses différentes facettes, monétaire et

non monétaire. Telle est l‟approche préconisée par cette présente recherche.

En somme, l‟importance et l‟ampleur du phénomène de la pauvreté au Maroc justifie

le présent travail dont l‟objectif est d‟analyser les caractéristiques des pauvres, de

cerner l‟évolution et la dynamique de la pauvreté, et de localiser ses poches

monétaires et non monétaires.

L‟objectif final de cette recherche est d‟aboutir à des orienations pour les stratégies

de réduction de la pauvreté et des inégalités, notamment dans les localités les plus

pauvres. Le présent travail sera articulé autour de quatre chapitres :

Le premier chapitre est consacré à une revue de littérature sur les différentes

approches de la pauvreté et présente les différentes méthodes de mesure de la

pauvreté. Il mettra en exergue l‟importance de la prise en compte de la dimension

multidimensionnelle de la pauvreté.

Le second chapitre consacré à l‟analyse de la pauvreté monétaire au Maroc, permet

de dégager ses principaux déterminants et d‟analyser en profondeur son évolution

temporelle. Le recours à des outils analytiques récemment développés dans le cadre

des études sur la pauvreté permet d‟analyser cette évolution. Il s‟agit, entre autres,

de la dominance stochastique qui est une méthode utile pour classer les distributions

des niveaux de vie selon leur niveau de pauvreté et évaluer la variation de la

pauvreté sévissant dans une société entre deux années. Elle permet particulièrement

d‟obtenir des classements qui sont robustes à un changement d‟indice ou de seuils de

pauvreté en respectant certains critères. En plus de la dominance stochastique, nous

procédons à la décomposition de la pauvreté, ce qui permet d‟évaluer la contribution

individuelle de variables ou de groupes étudiés au niveau de pauvreté ou à l‟écart

entre deux années. Plusieurs types de décompositions sont testées : croissance–

redistribution, sectorielles et démographiques. La décomposition croissance–

redistribution estime l‟impact de la croissance économique et de la redistribution de

la richesse sur le niveau de pauvreté entre deux années. De leur côté, les

décompositions sectorielles et démographiques mettent en lumière l‟effet des

changements de la proportion, dans la population, des groupes étudiés (effet inter-

groupe) de même que de la variation de la pauvreté au sein du même groupe (effet

Page 13: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

12

intra-groupe) sur l‟évolution du niveau de pauvreté. Nous ne retenons dans ce travail

seulement la décomposition croissance-redistribution.

Le troisième chapitre développera à l‟approche multidimensionnelle de la pauvreté

au Maroc. Il s‟agit d‟estimer la pauvreté au Maroc selon cette approche qui prend en

considération les conditions de vie des ménages. Ce chapitre propose de :

- dresser un profil de la pauvreté au Maroc pour la période 2001-2007, en

utilisant l‟approche non monétaire. Plus précisément, nous construisons un

indice du bien être à partir des attributs non monétaires des ménages et qui

servira comme une base pour quantifier l‟importance du phénomène de la

pauvreté. La méthodologie de construction de cet indice basée

essentiellement sur l‟analyse des données (Analyse de correspondances

multiples8) sera aussi explicitée dans ce travail,

- mener une analyse de l‟évolution de la pauvreté basée sur cette nouvelle

approche durant la période 2001-2007, au niveau national, régional et selon

le milieu de résidence,

- mesurer et analyser l‟évolution des inégalités durant la même période et

étudier la contribution des inégalités des différents milieux et région à

l‟inégalité globale,

- coupler l‟approche monétaire avec l‟approche non monétaire et dégager un

indice du noyau dur de la pauvreté,

Le quatrième chapitre dont l‟objet est de parvenir à étudier les startégies de

réduction de la pauvreté, commence par la reconstitution des indicateurs de la

pauvreté au niveau local le plus fin. Dans une première section, nous présentons la

méthodologie de construction des indicateurs de la pauvreté monétaire à l‟échelle

locale (approche de poverty mapping) et dans une deuxième section, nous

présentons les résultats de la cartographie de la pauvreté au Maroc, élaborée à partir

de l‟application de cette approche. Les déterminants de la dynamique de la pauvreté

à l‟échelle locale (commune et province), moyennant l‟utilisation des modèles

économétriques est l‟objet de la troisième section.

A partir des indicateurs de la pauvreté monétaire à l‟échelle locale, nous proposons

dans la quatrième section, les méthodes d‟un ciblage géographique, en vue de

montrer la faisabilité d‟une allocation des ressources de lutte contre la pauvreté,

fondée sur des données objectives. Pour pallier les limites de ce ciblage, la dernière

section porte sur la construction des indicateurs non-monétaires de la la pauvreté à

l‟échelle locale pour tenter de faire un ciblage conjugué des localités les plus

pauvres, à la base d‟une orientation des actions dans le domaine de la lutte contre la

pauvreté, les inégalités et l‟exclusion sociale.

8 Cette variante de l‟analyse factorielle a été suggérée et présentée en détail par Asselin (2002).

Page 14: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

13

Chapitre I :

Revue des écrits au sujet de la

pauvreté et aux différentes

approches de sa mesure

Page 15: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

14

Section 1 : Les approches de la pauvreté

Lutter contre la pauvreté implique de mesurer le phénomène et d‟en analyser les

causes, pour proposer des politiques adéquates. La mesure de ce phénomène suggère

de définir la population pauvre et l‟intensité de sa pauvreté. Or, comment définir la

pauvreté, la mesurer et la traiter ? Il n‟existe pas une définition unique de la

pauvreté. Plusieurs définitions sont ainsi proposées qui engendrent des instruments

différents pour la caractériser et la mesurer sous ses différentes formes.

Dans la revue de littérature des mesures de la pauvreté, on distingue deux

tendances : l‟approche monétaire soutenue par les welfaristes ou utilitaristes . C'est

une approche qui se base sur le bien-être. L‟approche non monétaire est soutenue

par les non welfaristes. Ces deux approches se distinguent l‟une de l‟autre par

l‟importance qu‟attache l‟analyste à la manière dont l‟individu juge lui-même son

bien-être et par la gamme de facteurs qu‟elles s‟efforcent de prendre en compte.

Paragraphe 1 : L’approche monétaire

Cette approche place la conceptualisation du bien-être dans l‟espace de l‟utilité. Elle

vise à baser les comparaisons du bien-être, ainsi que les décisions relatives à l‟action

publique, uniquement sur l'utilité des individus, c'est-à-dire sur les préférences de

ces derniers (Ravallion, 1994). Le degré de satisfaction atteint par un individu par

rapport aux biens et services qu‟il consomme est supposé définir son bien-être.

L‟utilité n‟étant pas directement observable, les ressources (revenus–dépenses) sont

utilisées pour l‟approximation du bien-être, dans cette approche.

Les partisans de l‟évaluation utilitariste de la pauvreté évitent de formuler des

jugements qui ne cadrent pas avec le comportement de l‟individu dans l‟évaluation

de son bien-être.

L‟approche utilitariste repose sur le concept d'un classement des préférences pour

les biens, que l'on considère généralement pouvoir être représenté par une «fonction

d'utilité», et dont la valeur est censée être un résumé statistique du bien-être d'une

personne. Les utilités forment alors la base des préférences sociales, y compris pour

les comparaisons de la pauvreté.

Cette approche a donné lieu à de nombreuses applications empiriques concernant

divers aspects de l'action publique. La formulation du concept fondamental du bien-

être peut aussi influer sur la manière dont la consommation est mesurée. L'approche

utilitariste n'exige pas que la préférence soit systématiquement donnée à l'emploi des

prix du marché (même lorsque ceux-ci existent) pour procéder à l'agrégation des

Page 16: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

15

biens et services consommés. Il est tout à fait admis que les prix ne décrivent pas

nécessairement les coûts d'opportunité sociaux (définis par l'effet exercé par un

accroissement de la quantité globale d'un bien sur le «bien-être social» qui est lui-

même le produit d'un regroupement quelconque des utilités des individus). Les prix

du marché sont néanmoins normalement utilisés pour procéder aux évaluations par

les méthodes utilitaristes.

Cette approche fait donc de la pauvreté un état de revenu bas ou de faible pouvoir

d‟achat. Il se caractérise par l‟insatisfaction des besoins essentiels en matière de

nutrition, logement, formation, santé, emploi, loisirs, etc. et par l‟accès très limité

aux différents moyens matériels et immatériels (terre, ressources financières, revenu,

infrastructure physique sociale, protection sociale) (Banque Mondiale , 1990, 1993 ;

Ravallion, 1992). Cette définition se réfère donc à une situation d‟absence du bien -

être pour une frange de la population dont la satisfaction des besoins est estimée

incomplète et insuffisante.

Toutefois, cette définition implique la connaissance d‟indicateurs du niveau de

satisfaction. Les indicateurs peuvent être choisis en termes monétaires (il s‟agit alors

de revenu ou le cas échéant de dépense de consommation).

Se pose alors le problème de la connaissance de la frontière monétaire (seuil) qui

permet d‟établir une démarcation entre les pauvres et les non pauvres. La question

qui se pose est de savoir à partir du quel seuil un individu, ou un ménage, peut -il être

considéré comme pauvre ? et quel serait l‟unité d‟analyse : l‟individu ou le ménage ?

ou plutôt ne faut-il pas établir une échelle d‟équivalence permettant la comparaison

entre des ménages de tailles et de compositions différentes ?

Dans ce cadre, la mesure de la pauvreté s‟appuie soit sur le revenu, soit sur la

consommation, traduite en valeur monétaire. Le référentiel de cette approche est la

théorie du bien-être. En effet, devant l‟impossibilité de mesurer les utilités, elle

s‟appuie sur l‟utilisation du revenu (ou de la consommation) comme mesure de bien-

être. Un seuil monétaire est ainsi défini en deçà duquel un individu/ménage est

considéré comme pauvre. Ce seuil peut être estimé soit à partir du revenu, très

variable, soit de la consommation plus stable dans temps. Il est censé déterminé une

pauvreté absolue ou une pauvreté relative.

Cette approche monétaire est sujette à des critiques. En effet, il est possible de

classer comme pauvre un individu favorisé matériellement mais non comblé, et

inversement comme non pauvre un individu peu favorisé mais néanmoins comblé.

Page 17: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

16

De même, la satisfaction des besoins ne dépend que du revenu ou de la dépense

privée des ménages. En outre, la composante non-alimentaire du seuil de pauvreté

constitue une sorte de boîte noire, dont nous ignorons la liste des biens qui la

composent et nous n‟en connaissons que le coût total via une mesure empirique

fondée sur le comportement des ménages en termes de consommation alimentaire.

La non prise en compte des avantages socio-économiques tirés des services publics.

D‟autre part, cette approche reste largement dépendante de la conjoncture

économique.

Paragraphe 2 : L’approche non monétaire

A l‟opposé de l‟approche monétaire qui traduit le bien-être à travers les ressources,

l‟approche non monétaire place le bien-être dans l‟espace des libertés et des

accomplissements. Cette approche propose et favorise des politiques ciblées.

L‟approche non monétaire évalue la situation en fonction de certaines facultés

élémentaires, comme la possibilité de se nourrir ou de se vêtir de manière adéquate,

et peut ne prêter qu'une attention limitée, voire même nulle, aux informations sur

l'utilité en tant que telle.

Les approches non monétaires ont donné lieu à l'identification de formes spécifiques

de privation de biens et sont fréquemment utilisées dans les études sur les pays tant

développés qu‟en développement. Elles vont de la «privation absolue de biens»

(dans les approches axées sur la nutrition ou sur d‟autres «besoins fondamentaux»,

qui sont plus courantes dans les études sur les pays en développement) à «la

privation relative de biens» (comme, par exemple, dans Townsend, 1979). Elles sont

cependant toujours quelque peu arbitraires car l‟analyste doit décider quels sont les

biens qui sont importants et (le cas échéant) quelles sont leurs valeurs relatives. Les

approches non utilitaristes sont plus diverses. On distingue deux sous-groupes :

l‟approche par les capacités et l‟approche par les besoins de base.

2.1- Approche non Welfariste basée sur les capacités

L‟approche par les capacités de Sen (1990) traduit le bien être à travers les droits

positifs des individus et tente à l‟aide du concept de « fonctionnement » de

transposer ces droits dans un espace mesurable. L‟individu doit avoir certaines

capacités jugées fondamentales qui sont nécessaires à l‟atteinte d‟un certain niveau

de vie. A cet effet, l‟individu doit être adéquatement nourri, avoir une éducation,

être en bonne santé, être adéquatement logé, prendre part à la vie communautaire,

apparaître en public sans avoir honte etc. Cette approche reconnaît le caractère

multidimensionnel de la pauvreté. Bien que le revenu ait une énorme influence sur

Page 18: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

17

ce que l'on peut ou ne peut pas faire, il n‟est qu‟une des dimensions possibles de la

pauvreté.

L'approche par les capacités observe donc le développement comme un processus

d‟évolution des capacités humaines (Sen, 1990). Ce qui importe à Sen c‟est que les

gens soient capables d'être ou de faire avec les biens auxquels ils ont accès. La

question fondamentale de l'approche par les capacités se trouve dans l‟évaluation

des fonctionnements des personnes (leurs êtres et leurs faits) et des capacités (leurs

vraies ou efficaces occasions de réaliser ces fonctionnements).

Ainsi, l'approche en termes de « capacités » fournit une plus large base

informationnelle pour le développement de la conceptualisation que des approches

plus traditionnelles, qui se concentrent typiquement sur les ressources ou l'utilité.

Cette approche qui considère les possibilités met donc la participation efficace et

significative des personnes au centre du développement.

La question devient plus complexe, parce qu'il faut prolonger le nombre de

dimensions en définissant et en mesurant la pauvreté avec diverses variables. Même

si Sen fournit plusieurs exemples de capacités valables (comme être bien nourri ou

être en bonne santé), il ne donne pas une liste spécifique de capacités ou de

fonctionnements, ni un guide qui peut servir au choix des capacités. Sen laisse

l'approche ouverte pour différentes interprétations et n‟approuve pas une liste

universelle des capacités. Il souligne la liberté de personnes pour faire leurs propres

choix. Il remarque aussi la nécessité d‟un processus démocratique pour définir

quelles capacités sont les plus valables dans un contexte spécifique (Sen, 1990).

2.2- Approche non Welfariste basée sur les besoins de base

L‟approche par les besoins de base considère qu‟un individu doit pouvoir satisfaire

certains besoins fondamentaux qui sont nécessaires à l‟atteinte d‟une certaine qual ité

de vie. Les principaux besoins de base pris en compte sont : éducation, santé,

hygiène, assainissement, eau potable, habitat, accès aux infrastructures de base, etc.

Cette approche multidimensionnelle de la pauvreté est donc une approche

synthétique qui tente de dresser un vecteur de variables dont la relation serait

déterminante dans la reproduction de la pauvreté. La pauvreté est un processus qui

se reproduit à la suite de la jonction de plusieurs facteurs dont le social,

l‟économique et le spatial. La pauvreté trouve son origine et son explication dans

l‟interaction desdits facteurs. Les antécédents de la pauvreté sont de nature variée :

ils peuvent être reliés au statut social de l‟individu (ou groupe d‟individus), à leurs

caractéristiques socio-démographiques, aux conditions économiques (en termes

Page 19: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

18

d‟accès à l‟emploi) et à la région de résidence (PNUD 1991 ; Lollivier et Verger

1997). Cependant, les variables qui interviennent en ligne de compte dans la

reproduction de la pauvreté ne sont pas arrêtées, et la notion de satisfaction des

besoins essentiels demeure relative.

Les critères adoptés pour appréhender la pauvreté sont élargis à l‟ensemble des

besoins qui permettent de mener une vie décente dans une société donnée. Procéder

de cette façon, la pauvreté en termes de conditions de vie traduit une situation de

manque dans les domaines relatifs à l‟alimentation (déséquilibre nutritionnel), à la

santé (non-accès aux soins primaires), à l‟éducation (non-scolarisation), au

logement, etc.

Cependant, étant donné que la non-satisfaction d‟un besoin donné, jugé essentiel,

peut avoir des causes multiples (non-disponibilité d‟un service, non-accessibilité,

coût, différences de perception du caractère essentiel du besoin, etc.), le seuil de

pauvreté établi selon cette approche reste une notion relative à l‟environnement

socioculturel. D‟où le difficile choix d‟indicateurs pertinents pour mesurer la

pauvreté de conditions de vie.

L‟approche par les besoins de base a été développée récemment par Alkire et

Fooster (2007 et 2009). Ces auteurs ont essayé de déterminer les indicateurs et les

dimensions à prendre en considération pour mesurer la pauvreté

multidimensionnelle. Leurs travaux étaient à la base d‟élaboration d‟un indice

multidimensionnel de la pauvreté (MPI) par l‟initiative d‟Oxford pour la pauvreté et

le développement humain (OPHI). Cet indice multidimensionnel est une

composition d‟indicateurs choisis pour leur cohérence avec l‟indice de

développement humain IDH.

Cette diversité des approches témoigne que la définition de la pauvreté, et partant, le

choix d‟une méthode de mesure, est un exercice difficile : chaque approche est

fondée à la fois sur des points forts et des points faibles. En conséquence, le nombre

de pauvres et leur portrait reste protéiforme selon ces approches. Cette variabilité

dans la définition et la mesure laisse entendre que la pauvreté est un paradigme

empreint de conventions et d‟actes normatifs.

Section 2 : Les mesures de la pauvreté

Chaque approche de la pauvreté a une mesure propre à elle. C‟est ainsi que dans le

cadre de l‟approche monétaire qui est adoptée entre autres aux USA, dans les pays

anglo-saxons, l‟Europe et la majorité des pays africains, notamment le Maroc, deux

définitions de la pauvreté sont concurrentes : pauvreté relative et pauvreté absolue.

Page 20: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

19

Quant à l‟approche non-monétaire (par les besoins de base), plusieurs méthodes de

mesure ont été développées ces derniers temps dont notamment l‟approche

d‟entropie et l‟approche d‟inertie ainsi que l‟approche d‟OPHI.

Paragraphe 1 : Les mesures de la pauvreté monétaire

1.1- Pauvreté absolue et pauvreté relative

L‟expression de la pauvreté absolue sous-entend la non satisfaction ou juste la

satisfaction d‟un minimum vital en termes de besoins essentiels, jugés

indispensables à la stricte reproduction de l‟individu. Cette définition a

historiquement été utilisée pour la première fois par l‟économiste anglais

B.R.Rowntree, citée par Rodney Low (1993)9. Ce dernier estimait au début du

vingtième siècle que pouvaient être considérés comme pauvres ceux dont les

revenus sont insuffisants pour obtenir les biens essentiels qui permettent le maintien

d‟une santé purement physique, sous formes en particulier de nourriture, logement,

vêtements et chauffage. Sur la base de cette définition de pauvreté, les familles

pauvres ont été identifiées et ont pu accéder à une indemnité.

Par la détermination du niveau des besoins fondamentaux, indépendamment du

niveau de vie des couches plus fortunées, la notion de la pauvreté absolue permet

d‟appréhender la sous-population la plus nécessiteuse, et envers laquelle il faut

cibler d‟urgence les actions d‟allégement de pauvreté. Cependant, le principal

inconvénient de cette approche tient au caractère arbitraire de la définition des

besoins essentiels. De ce fait, il sera pratiquement difficile de procéder à une

comparaison de la pauvreté entre nations sur la base de la notion de la pauvreté

absolue (Ravallion, 1992).

L‟approche de la pauvreté relative, quant à elle, tente de surmonter cette difficulté

en définissant la pauvreté sur la base des bas revenus par rapport aux revenus de la

population dans son ensemble en fixant le seuil de pauvreté « revenu minimum

souhaitable » à un pourcentage du revenu moyen ou médian ou à un certain décile de

la distribution des revenus. A titre indicatif, pour l‟O.C.D.E., tout individu ayant un

revenu inférieur au deux tiers du revenu moyen est considéré comme pauvre.

La notion de pauvreté relative est intéressante dans la mesure où elle tient compte

des différents niveaux du bien-être existant dans la société et de leur évolution dans

le temps. Elle s‟accroît (ou décroît) selon que le revenu national s‟élève (ou se

baisse). Autrement dit, la pauvreté est envisagée comme une forme d‟inégalité : sont

9 Rodney Low (1993), “The Welfare State in Britain since 1945”.

Page 21: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

20

pauvres les personnes ou les ménages dont le niveau de vie est inférieur à celui des

autres membres de la société

De même, au vu de son indépendance du caractère arbitraire de la définition des

besoins essentiels, la pauvreté relative a le mérite d‟assurer la comparabilité entre

nations.

Cette étape du choix entre définitions relative et absolue constitue le premier pas

dans l‟estimation statistique de la pauvreté. L‟étape suivante consiste à définir des

indicateurs du bien-être pour identifier le périmètre de la pauvreté. Classiquement,

seules les dimensions monétaires du bien-être, à savoir les revenus ou les dépenses

de consommation, sont utilisées pour évaluer la pauvreté, d‟où la notion indicateurs

monétaires de la pauvreté ou pauvreté monétaire.

Cependant, une telle évaluation reste sommaire et risque de négliger des dimensions

importantes de la situation réelle. Au regard de l‟étroitesse de cette évaluation, de

nouvelles approches ont émergé, offrant la possibilité de tenir compte d‟indicateurs

du bien-être basés sur des variables autres que le revenu ou la dépense de

consommation (PNUD, 1991 ; Sen, 1995). Ce sont les approches de la pauvreté en

termes de condition de vie, qui envisagent la pauvreté comme un phénomène

multidimensionnel.

1.2- L’identification du seuil de pauvreté

Les approches de pauvreté telles que décrites ci-dessus se rapportent à des frontières

qui permettent de scinder la population en deux sous groupes pauvres et non

pauvres. Dés lors, il se pose la question de détermination d‟une ligne de pauvreté qui

permette une telle démarcation. Cependant, étant donné que la conception de la

pauvreté ne fait pas consensus, les pays conçoivent différemment le seuil de

pauvreté. Pour atténuer les risques liés aux choix du seuil, les spécialistes des études

sur la pauvreté adoptent deux seuils de pauvreté : celui de pauvreté relative et celui

de pauvreté absolue.

Le seuil de pauvreté relative est basé sur l‟établissement d‟une limite du revenu au -

dessous de laquelle les individus, ou ménages, ne seront plus en mesure de répondre

à leurs besoins essentiels. Cependant, il se pose le problème d ‟identification et de

quantification de ces besoins essentiels en termes physiques ou monétaires.

Le seuil de pauvreté absolue, quant à lui, est estimé comme étant la valeur aux prix

du marché d‟un panier composé de biens de consommation alimentaire de base, et

de biens de consommation non alimentaire de base. On peut considérer qu‟il est fait

de deux composantes, un seuil de pauvreté alimentaire, qu‟on appelle seuil ou ligne

Page 22: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

21

d‟indigence, et un seuil de pauvreté non alimentaire (Ravallion, 1992). Que faut-il

entendre par ces deux concepts ?

1.2.1- Seuil de pauvreté alimentaire

Il correspond aux besoins nutritionnels ou besoins alimentaires nécessaires pour

qu‟une personne vive en bonne santé. A ce minimum correspond une valeur

énergétique qui assure le besoin d‟entretien et de croissance chez les enfants et les

besoins d‟entretien chez les adultes tout en fournissant un léger surcroît d‟énergie au

minimum d‟activité indispensable à l‟existence (Banque Mondiale, 1993). On admet

que si l‟apport réel de la ration journalière est en dessous de ce besoin minimum, les

individus ne pourraient compenser une réduction d‟énergie alimentaire par un

ralentissement de l‟activité physique volontaire d‟où la probabilité d‟une carence

énergétique.

1.2.2- Seuil de pauvreté non alimentaire

Etant donné que les besoins non-alimentaires dépendent fortement des

considérations socio-économiques et culturelles, il est difficile d‟établir

objectivement les besoins non-alimentaires de base pour évaluer le seuil de pauvreté

non-alimentaire. D‟emblée, des références universelles, quels que soient les critères

de choix, en matière d‟habillement, transport, logement et autres besoins matériels

font défaut. En plus, certains besoins tels que l‟éducation, la santé, etc. sont fournis

gratuitement par l‟Etat. D‟autant plus, il est difficile d‟estimer de manière correcte

les prix des biens non-alimentaires, en particulier ceux consommer par les pauvres.

En effet, contrairement aux produits alimentaires, la majorité des produits non

alimentaires présentent des variétés diverses. Cette diversité rend difficile, et le

choix d‟une variété d‟un besoin non-alimentaire de base, et les prix à pratiquer.

Pour remédier à ces difficultés, le seuil de pauvreté non alimentaire est déterminé

empiriquement sur la base d‟analyse du comportement économique des pauvres sur

le plan des consommations non-alimentaires par rapport aux consommations

alimentaires.

1.3- Calcul du seuil de pauvreté

La détermination du seuil de pauvreté dépend de l‟approche utilisée. En effet, si

l‟approche préconisée est l‟approche relative, le seuil de pauvreté est fixé selon un

pourcentage de revenus ou de dépenses d‟une tendance centrale (médiane ou

moyenne), c‟est le cas notamment de la France qui fixe le seuil de pauvreté à 60%

du revenu médian de la population. Si l‟approche adoptée est l‟approche absolue, le

Page 23: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

22

seuil de pauvreté est déterminé en deux étapes, d‟abord la détermination du seuil de

pauvreté alimentaire et en suite la détermination du seuil de pauvreté non

alimentaire.

1.3.1- Calcul du seuil de pauvreté alimentaire

La méthode consiste à estimer un revenu ou une dépense par personne et par an,

nécessaire pour satisfaire un besoin énergétique minimal. Ce dernier a été suggéré

pour identifier les groupes de population présentant un risque nutritionnel.

L‟estimation de ce besoin énergétique minimal est basée sur la ration journalière

recommandée de la F.A.O.-O.M.S. Ce concept se base sur les valeurs énergétiques

minimales calculées pour un individu de référence moyen, dont les paramètres

d‟identification sont le poids, la taille et l‟exercice régulièr d‟une activité.

Cependant, il est à remarquer que cet individu référentiel ne peut représenter la

diversité de la physiologie humaine, qui varie fortement selon le sexe, la taille, le

type d‟activité exercée, le climat, etc.

Pour la FAO, au niveau mondial, la ration énergétique optimum quotidienne

moyenne10

est de 2400 calories (Solagral, 1996) et pour la Banque Mondiale, elle est

de 2200 calories (Banque Mondiale, 1993). L‟établissement du standard minimum

requis en calories par individu est basé sur la Table des besoins énergétiques

recommandés par la FAO-OMS (tableau ci-après).

Tableau 1.1 : Besoins énergétiques recommandés selon le profil des individus

Sexe/âge

Besoin en

énergie

(Kcal)

Sexe/âge

Besoin en

énergie

(Kcal)

< 1 an 820 Sexe Féminin

1-3 ans 1360 10-12 ans 2350

4-6 ans 1830 13-15 ans 2490

7-9 ans 2190 16-19 ans 2310

Sexe masculin Homme adulte 3000

10-12 ans 2600 Femme adulte 2200

13-15 ans 2900 Femme en Grossesse + 350

16-19 ans 3070 Femme en allaitement + 550

Source : Manuel sur les besoins nutritionnels de l‟homme. Etude de nutrition de la

FAO N° 28. OMS, Séries Monographies N° 61.

Après avoir déterminé les besoins énergétiques minimaux à la survie d‟un individu,

on convertit ces énergies, via la table de composition alimentaire, établie à cet effet

10

Cette moyenne dépend de la pyramide démographique et de l‟indice de fécondité, puisque les besoins

énergétiques sont surtout liés à l‟âge des individus et aux fonctions spécifiques des femmes enceintes ou

allaitantes.

Page 24: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

23

par la F.A.O., en un panier alimentaire lié aux habitudes et goûts de consommation

de la population (Banque Mondiale, 1993). Une fois ce panier est arrêté, on en

estime le coût selon les prix moyens domestiques. Le seuil de pauvreté alimentaire

est alors la valeur monétaire nécessaire pour acquérir les besoins alimentaires de

base.

1.3.2- Calcul du seuil de pauvreté non alimentaire

Les démarches poursuivies pour déterminer ce seuil s‟établissent sur l‟analyse du

comportement des pauvres sur le plan de consommation non-alimentaire par rapport

à la consommation alimentaire.

L‟une de ces démarches consiste à multiplier le seuil de pauvreté alimentaire par un

multiplicateur K (K est appelé le multiplicateur d‟Engel) qui varie, généralement

entre 0 et 0,5 pour tenir compte des dépenses non-alimentaires. Le choix de ce

multiplicateur dépend du coefficient budgétaire alimentaire moyen relatif aux

groupes de population à bas revenu. Le seuil total de pauvreté est obtenu en ajoutant

au seuil de pauvreté alimentaire le seuil de pauvreté non-alimentaire.

Formellement on a :

Z = Za + Zna

Zna = Za . K avec, 0 ≤ K ≤ 0,5

Z = Za (1+K)

Où Z est le seuil de pauvreté totale

Za est le seuil de pauvreté alimentaire

Zna est le seuil de pauvreté non-alimentaire

K est le multiplicateur d‟Engel.

Une autre variété de cette démarche consiste à déterminer le seuil de pauvreté totale

à partir du seuil de pauvreté alimentaire et le coefficient budgétaire de l‟alimentation

relatif à la catégorie des ménages les plus pauvres, soit :

W

ZZ a

Où W est le coefficient budgétaire de l‟alimentation du groupe le plus pauvre.

Bien qu‟elle soit simple à appliquer, cette démarche a l‟inconvénient de supposer

que les besoins en biens non-alimentaires sont les mêmes pour les différentes

catégories de la population pauvre, et par conséquent, cette démarche, pourrait, par

exemple, sous estimer le seuil de pauvreté non alimentaire en milieu rural. Pour

remédier à ces difficultés, deux alternatives sont suggérées par la Banque Mondiale

Page 25: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

24

(1993) : l‟estimation d‟un seuil bas de pauvreté qui tient compte d‟une prise

minimale des biens non-alimentaires (correspondant aux dépenses non-alimentaires

des ménages qui ont juste les moyens de satisfaire leurs besoins alimentaires), et

l‟estimation d‟un seuil élevé de pauvreté qui prend en compte la composition non -

alimentaire d‟une façon généreuse (correspondant aux dépenses des ménages qui

satisfont juste leurs besoins alimentaires). Le point d‟ancrage de ces deux

alternatives est l‟hypothèse selon laquelle l‟accroissement des dépenses en biens

alimentaires se fait avec une pente inférieure à l‟unité, qui correspond à celle de la

dépense totale. D‟une autre manière, la consommation alimentaire est croissante

avec le revenu, main non proportionnellement, et tend vers une limite (loi d‟Engel).

En effet, dans les classes à bas revenu, une forte croissance du revenu induit d‟abord

une forte consommation alimentaire, en raison de l‟insatisfaction des besoins.

1.3.3- Estimation du seuil bas de pauvreté

La démarche retenue pour déterminer ce seuil consiste à augmenter le seuil de

pauvreté alimentaire par la dépense non alimentaire d‟une catégorie particulière des

ménages, celle qui ne pourrait satisfaire ses besoins alimentaires de base que si elle

renonçait à toute acquisition non-alimentaire. Dans cette optique, pourvu qu‟il y ait

un niveau unique de dépenses alimentaires de base, la démarche suivie permet de

fournir, et la part minimale des besoins alimentaire, et à la fois la part minimale des

biens non-alimentaires.

Ainsi, l‟estimation de ce seuil nécessite l‟estimation de la dépense allouée à la

consommation non-alimentaire par les ménages dont la dépense totale est

équivalente au seuil de pauvreté alimentaire. Autrement dit, il serait question

d‟estimer la part de dépenses, destinée à l‟acquisition des biens non- alimentaires de

base, que ces ménages sont prêts à réaliser tout en renonçant à la satisfaction d‟une

partie de leurs besoins alimentaires de base.

La détermination de cette part dépend de la spécificité de la fonction de demande

alimentaire. En considérant une fonction de demande sous forme d‟une droite affine,

qui lie entre la part budgétaire de l‟alimentation et le logarithme de la dépense par

rapport au seuil de pauvreté alimentaire, on a formellement le modèle11 suivant :

j

aj

ij

jjji UZ

XLogW )(

Où W est le coefficient budgétaire alimentaire

X est la dépense totale annuelle par personne

11

Ce modèle de demande alimentaire est déduit du ‟système presque idéal de demande‟ de Deaton et

Muellbauer, qui satisfait les hypothèses usuelles de la théorie des choix.

Page 26: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

25

Za est le seuil de pauvreté alimentaire

U est le terme aléatoire

α et ß sont les paramètres du modèle

i est l‟indice du ménage

j est l‟indice du milieu de résidence ou région

Le choix de aj

ij

Z

X comme variable explicative permet d‟assimiler α estimé au coefficient

budgétaire de l‟alimentaire lorsque la dépense totale, X, est juste égale au seuil de

pauvreté alimentaire Za.

L‟ajustement de ce modèle sur la base des données de l‟échantillon permet d‟obtenir

αj qui est un estimateur linéaire sans biais et à variance minimale ; il estime la part

moyenne de l‟alimentation dans la dépense totale pour ceux qui ont juste les moyens

d‟atteindre le seuil de pauvreté alimentaire.

Comme αj est le coefficient budgétaire alimentaire lorsque Zaj = Xij, le seuil bas de

pauvreté, Zb, est obtenu de la manière suivante :

)ˆ2.()ˆ1.( jajjajajbj ZZZZ

1.3.4- Estimation du seuil élevé de pauvreté

L‟appréhension de ce seuil se réfère à une allocation plus généreuse des dépenses

non-alimentaires. Ces dépenses correspondent à celles des ménages qui arrivent à

satisfaire leurs besoins alimentaires de base sans renoncer à toute dépense non-

alimentaire. Sous l‟hypothèse que les ménages qui ont satisfait leurs besoins

alimentaires de base, ont aussi satisfait leurs besoins non-alimentaires, les dépenses

allouées à la consommation non-alimentaire peuvent être considérées comme le

maximum des dépensée non-alimentaires.

La détermination de ces dépenses dépend de l‟estimation du coefficient budgétaire

de l‟alimentation lorsque la dépense alimentaire est équivalente au seuil de pauvreté

alimentaire. Pour ce faire, on considère la fonction de demande de l‟alimentaire

décrite ci-dessus :

)1()( j

aj

ij

jjji UZ

XLogW

et comme )2()1.(jiajajij WZZX

on obtient : )3(2ji

aj

ijW

Z

X

Page 27: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

26

Et donc analytiquement le modèle peut s‟écrire comme suit :

)4()2(jijjji WLogW

Le développement limité à l‟ordre 1 de log ))1(1(jiW permet d‟écrire :

)1(jijjji WLogW )5(

1 j

jj

jiW

L‟estimation de j et j , à partir du modèle (1) ajusté aux données de l‟échantillon,

permet d‟estimer la part moyenne jW de l‟alimentation dans la dépense totale

lorsque la dépense alimentaire est égale au seuil de pauvreté alimentaire

j

jj

jW

ˆ1

ˆˆˆ

j et j

sont des estimateurs linéaires sans biais et à variances minimales de j et

j . Etant donné que j

jj

ˆ1

ˆˆ

ne peut estimer sans biais le jW , ce rapport ne peut

représenter qu‟une approximation de la valeur estimée du coefficient budgétaire

alimentaire lorsque la dépense alimentaire est égale au seuil de pauvreté alimentaire.

Etant donné que :

jj

j

aj

j

aj

ej

ej

aj

j ZW

ZZ

Z

ZW

ˆˆ

ˆ1.

Une fois le seuil de pauvreté est arrêté, il se pose la question de la construction

d‟indices de mesure de la pauvreté qui ont le mérite d‟appréhender et de résumer les

caractéristiques du profil de pauvreté (pour l‟ensemble de ces indices, voir l‟annexe

relatif au chapitre 1).

Paragraphe 2 : Les mesures de la pauvreté non-monétaire

Plusieurs techniques ont été développées et permettent d‟agréger les dimensions de

la pauvreté non-monétaire afin d‟en avoir une vision d‟ensemble. On en cite

principalement l‟approche d‟entropie et l‟approche d‟inertie.

L‟approche d‟entropie est issue de la mécanique dynamique. Elle est exploitée dans

la théorie statistique de l‟information. E. Massoumi (1999) s‟est basé sur cette

Page 28: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

27

théorie pour proposer un Indicateur Composite optimal qui minimise une somme

pondérée de divergences deux à deux. Les principales limites de cette approche

résident dans le choix des paramètres et des pondérations utilisées dans la forme

fonctionnelle de l‟indicateur composite.

Quant à l‟approche d‟inertie, elle tire son origine du champ de la mécanique

statique. Elle est principalement basée sur les techniques d‟analyses

multidimensionnelles, encore appelées analyses factorielles. On retrouve chez

Meulman (1992) et Michelle Volle (1993) une méthodologie complète de

l‟application des analyses multidimensionnelles. Parmi les principales techniques

d‟analyses factorielles utilisées, on peut citer : l‟Analyse en Composante Principales

(PCA ou ACP), l‟Analyse Canonique Généralisée (GCA ou ACG) et l‟Analyse des

Correspondances Multiples (ACM). Les autres techniques d‟analyses

multidimensionnelles sont issues du développement des précédentes. L‟approche

d‟inertie se base sur ces différentes techniques pour proposer une méthodologie

permettant de construire un indicateur composite avec le moins d‟arbitraire possible

dans la définition de la forme fonctionnelle. Elle permet également de faire un choix

optimal des dimensions pertinentes de la pauvreté tout en évitant la redondance de

l‟information. On trouve un développement complet de cette approche dans LOUIS-

MARIE ASSELIN (2002).

Dans le cadre de l‟estimation de la pauvreté selon les besoins de base, l‟année 2010

a été marquée par le calcul d‟un indice multidimensionnel de la pauvreté (MPI) par

l‟Initiative « d‟Oxford pour la pauvreté et le développement humain » (OPHI) sur la

base des travaux de S. Alkire et Fooster (2007 et 2009).

Cet indice se veut le reflet des privations multiples dont souffre chaque individu, sur

le plan de l‟éducation, de la santé et du niveau de vie. La démarcation entre les

pauvres et les non pauvres se fait en fonction du nombre de privations dont souffre

les ménages.

Le nombre d‟indicateurs pris en considération dans cette approche est de 10. C‟est

ainsi qu‟on affecte à chaque personne un score en fonction du nombre de privations

subies par ménage pour chacun des 10 indicateurs et leurs composants. Le score

maximal est de 10, alors que chaque dimension fait l‟objet d‟une pondération égale

(de ce fait le score maximal pour chaque dimension est de 10/3).

Les dimensions de l‟éducation et de la santé présentent chacune deux indicateurs, et

chaque composant a donc une valeur de 5/3. Pour sa part, la dimension du niveau de

vie a six indicateurs, et par conséquent chaque composant est égal à 5/9.

Page 29: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

28

Les seuils concerant l‟éducation se répartissent de la manière suivante : aucun

membre du ménage n‟a achevé 5 années d‟études, et au moins un enfant d‟âge

scolaire (6 à 13-14 ans) ne fréquente pas l‟école.

Les seuils relatifs à la santé couvrent les aspects suivants : au moins une personne du

ménage souffre de malnutrition, et un ou plusieurs enfant(s) est/ont décédé(s). Quant

aux seuils du niveau de vie, ils sont associés aux facteurs suivants : pas d‟électricité,

aucun accès à de l‟eau potable propre, aucun accès à des moyens d‟assainissement

adéquats, utilisation de combustibles de cuisson « sales » (déjections animales, bois

ou charbon de bois), habitation avec des sols sales ; le ménage ne possède ni voiture,

ni camionnette ni aucun autre véhicule motorisé similaire, et il possède tout au plus

l‟un des biens suivants : bicyclette, motocyclette, radio, réfrigérateur, téléphone ou

téléviseur.

La somme des privations observées dans chaque ménage représente le niveau de

privations par ménage, noté c. Le seuil de pauvreté a été fixé à 3, c'est-à-dire, on

considère un ménage pauvre si son niveau de privations c est supérieur ou égal à 3.

Un ménage dont le nombre de déprivations se situe entre 2 et 3 est vulnérable à la

pauvreté multidimensionnelle ou risque de devenir « multidimensionnellement »

pauvre.

Page 30: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

29

Chapitre II :

La pauvreté au Maroc :

mesure, évolution, dynamique

et déterminants

Page 31: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

30

L‟approche de mesure de la pauvreté au Maroc, jusque là utilisée est l‟approche

monétaire absolue préconisée par la Banque Mondiale (1993). Cette approche

consiste à fixer le seuil de pauvreté en fonction d‟un panier de biens alimentaires et

non alimentaires. Ce chapitre consacré à l‟évolution et l‟analyse de la pauvreté au

Maroc sera articulé comme suit :

La première section abordera les indicateurs de mesure des niveaux de vie au Maroc

et leur évolution. Dans la seconde section, et après avoir estimé les différents seuils

de pauvreté au Maroc, il sera question de voir l‟évolution des différents indicateurs

de la pauvreté au Maroc de l‟indépendance à 2007. Les rôles de la croissance et de

l‟inégalité dans la dynamique de la pauvreté feront l‟objet de la troisième section ; la

quatrième section analyse si la croissance est pro-pauvre au Maroc ; et dans la

cinquième section, nous allons essayer de dresser un profil de la pauvreté au Maroc

en vue de sélectionner ses principaux déterminants. Dans la dernière section, nous

établirons une synthèse des principaux déterminants de la pauvreté ainsi mesurée au

Maroc, moyennant l‟utilisation de modèles économétriques.

Section 1 : La mesure du niveau de vie

La mesure des niveaux de vie est généralement fondée sur les données relatives aux

revenus des ménages. Mais pour des raisons liées aux difficultés de saisir des

informations sur l‟épargne, à une forte sous-estimation des revenus déclarés, c‟est la

dépense totale qui est prise en considération comme indicateur du niveau de vie. De

plus les dépenses de consommation par habitant se caractérisent par leur stabilité

dans le temps contrairement aux fluctuations des revenus.

Cette dépense englobe toutes les sorties d‟argent engendrées par la consommation de

biens et services ainsi que les valeurs d‟usage des logements occupés par leurs

propriétaires et des autres services. Plus précisément, la dépense totale d‟un ménage

comporte les deux composantes suivantes :

Les dépenses destinées à la consommation : acquisition de divers biens et

services, les valeurs de l‟autoconsommation et de l‟autofourniture, le loyer,

la valeur locative des logements occupés par leurs propriétaires et les

avantages reçus en nature par certaines catégories d‟employés (logement,

téléphone, eau, électricité et transport).

Les dépenses non destinées à la consommation : il s‟agit des paiements

fiscaux non liés à l‟exercice d‟une activité professionnelle, des transferts

versés et des remboursements d‟emprunts pour l‟acquisition des logements et

pour les biens acquis en dehors de l'année de référence.

Paragraphe 1 : Les dépenses par tête

La dépense annuelle moyenne par ménage ne constitue pas toujours un bon

indicateur de la mesure des dépenses de consommation, car les ménages à taille

élevée se distinguent par les dépenses totales les plus élevées sans pour autant jouir

des niveaux de vie les plus élevés et parce que également, la dépense par ménage

Page 32: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

31

surestime les inégalités en raison de la variabilité dans la taille des ménages. D‟où le

recours à la dépense per capita qui reste le choix le plus adéquat du fait qu‟il élimine

l‟effet de la taille des ménages en divisant la dépense totale par une mesure de la

composition des ménages (taille du ménage).

En 2006/07, les ménages marocains ont dépensé en moyenne 11233 DH par an et

par tête, soit près de 936 DH par mois et par tête. Par rapport aux données de

l‟enquête sur la consommation et les dépenses des ménages de 2000/01, la dépense

annuelle moyenne par personne (DAMP) a connu une augmentation annuelle

moyenne de 5,2% en dirhams courants. Déflatée par l‟indice du coût de la vie, la

DAMP a enregistrée une augmentation annuelle moyenne en termes réels de l‟ordre

de 3,2%, entre 2001 et 2007. Cette évolution reste la plus importante depuis 1985.

En effet, entre 1985 et 2001, les dépenses de consommation en termes réels ont

enregistré seulement une augmentation annuelle moyenne de l‟ordre de 1,1%.

Tableau 2.1 : Evolution de la dépense annuelle moyenne par personne DAMP selon

le milieu de résidence

Année

DAMP en DH courants DAMP en DH de 2007 Ecart

Urbain/Rura

l

Urbain Rural Ensemble Urbain Rural Ensembl

e

1959/60 613 392 450 5766 3685 4277 1,6

1970/71 1378 662 900 10069 4801 6602 2,1

1984/85 4915 2637 3623 10467 5615 7714 1,9

1998/99 10152 5085 7823 11742 5880 9046 2,0

2000/01 10642 5288 8280 11940 5933 9290 2,0

2006/07 13895 7777 11233 13895 7777 11233 1,8

Source : Tableau élaoré à partir des données des enquêtes : ENCDM 1959/60, 1970/71,

1984/85 et 2000/01 et ENNVM 1998/99 et 2006/07.

Analysées selon le milieu de résidence, la dépense annuelle moyenne par personne

est 2 fois plus grande dans le milieu urbain que dans le milieu rural. En effet, si

l‟écart de la dépense annuelle moyenne par personne entre les milieux urbain et rural

était de 1,6 fois en 1959/60, cet écart a connu une augmentation au fil de temps pour

se stabiliser aux alentours de 2 fois depuis le début des années 1970 et connaître un

léger fléchissement pour atteindre 1,8 fois en 2006/07.

Les dépenses de consommations sont également caractérisées par de fortes inégalités

entre les classes du niveau de vie. C‟est ainsi que, les 10% les moins aisés de la

population ne dépensent que 2964 DH par an et par tête, alors que les 10% les plus

aisés dépensent 37199 DH par an et par tête, soit un rapport inter-décile de l‟ordre

de 12,512

. Selon le milieu de résidence, le rapport inter-décile est plus accentué en

milieu urbain (12,3) qu‟en milieu rural (8,2). En d‟autres termes, quoi que le milieu

12

Le rapport inter-décile mesure la part des 10% les plus aisés de la population dans la masse globale des

dépenses de consommation, rapportée à celle des 10% les plus défavorisés.

Page 33: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

32

rural enregistre de faibles niveaux de vie, il est caractérisé par de faibles inégalités

des dépenses de consommations et ce, en comparaison avec le milieu urbain.

Tableau 2.2 : Dépense annuelle moyenne par personne selon les classes des déciles

et le milieu de résidence

Milieu de

résidence

Dépense annuelle moyenne par

personne (DAMP)

Part des dépenses dans le total

des dépenses (%)

Urbain Rural Ensemble Urbain Rural Ensemble

Décile 1 3796 2479 2964 2,7 3,2 2,6

Décile 2 5460 3625 4389 3,9 4,7 3,9

Décile 3 6637 4413 5405 4,8 5,7 4,8

Décile 4 7799 5144 6394 5,6 6,6 5,7

Décile 5 9064 5884 7484 6,5 7,6 6,7

Décile 6 10500 6792 8749 7,6 8,7 7,8

Décile 7 12532 7940 10333 9,0 10,2 9,2

Décile 8 15551 9426 12660 11,2 12,1 11,3

Décile 9 20923 11884 16792 15,0 15,3 14,9

Décile 10 46773 20220 37199 33,6 26,0 33,1

Source : Rapport de synthèse de l‟ENNVM 2006/07 – HCP.

L‟analyse du comportement du consommateur est généralement abordée à travers

l‟examen de la structure des dépenses selon les fonctions de consommation. Les

dépenses de consommation sont regroupées en huit postes, à savoir : alimentation ;

habillement ; habitation et dépenses d‟énergie ; équipement ménager ; hygiène et

soins médicaux ; transport et communication ; enseignement, culture et loisirs ; et

autres dépenses.

L‟analyse de la répartition de la dépense totale selon les fonctions de consommation

fait ressortir que, quoi qu‟elle ne cesse de diminuer au fil du temps, la part de

l‟alimentaire constitue la part la plus importante dans le total des dépenses de

consommation. En effet, Après avoir été de 71,3% en 1960, la part des dépenses

totales destinées à l‟alimentation a connu une régression annuelle moyenne de

l‟ordre de 1,1 pour atteindre 42,3% en 2007.

La régression relative du budget alloué à l‟alimentation s‟est opérée au profit des

dépenses destinées aux « logement », « transport et communication », « hygiène et

soins de santé » et « enseignement, culture et loisirs ». C‟est ainsi que, le poids du

budget du logement dans le budget total est passé de 8,2% en 1960 à 20,3% en 2007.

Les autres postes quant à eux, ont connu une amélioration notable durant cette

période, passant de 2,1% à 11,7% pour le transport et communication, de 3,2% à

7,1% pour l‟hygiène et soins de santé et de 1,3% à 4,5% pour l‟enseignement,

culture et loisirs. L‟augmentation des parts réservées à ces postes de consommation

n‟est pas due à l‟augmentation des prix, dans la mesure où l‟indice du coût de la vie

Page 34: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

33

des ces différents postes, entre 2001 et 2007, a enregistré une augmentation

inférieure à celle de l‟indice du coût de la vie global13

.

A noter que, les parts relatives aux postes « enseignement, culture et loisirs » et

« santé et hygiène » ne sont évaluées qu‟en partie et ne reflètent pas le coût global

de la scolarisation et de la demande des prestations sanitaires. Les parts réservées à

ces postes ne reflètent que les efforts déployés par les ménages et omettent ceux de

l‟Etat qui fournit gratuitement certains services publics collectifs, notamment dans le

domaine de l‟enseignement et de la santé.

Tableau 2.3 : Evolution de la structure des dépenses de consommation selon le

milieu de résidence, 1960-2007

Poste de consommation 1960 1971 1985 1999 2001 2007

Ensemble

Alimentation 71,3 55,9 50,6 45,5 43,5 42,3

Habillement 7,9 10,4 7,3 5,5 4,8 3,4

Habitation et dépenses d‟énergie 8,2 15,0 20,1 21,4 22,1 20,3

Equipements ménagers 2,0 3,8 5,2 3,9 3,8 3,7

Hygiène et soins médicaux 3,2 4,6 4,6 6,8 7,6 7,1

Transport et communication 2,1 5,2 5,2 6,5 7,5 11,7

Enseignement, culture et loisirs 1,3 2,5 3,4 4,5 3,6 4,5

Autres dépenses 4,0 2,6 3,6 5,8 7,1 6,9

Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

Milieu urbain

Alimentation 61,4 47,1 45,3 40,8 40,0 38,6

Habillement 7,6 9,3 7,4 5,7 5,0 3,5

Habitation et dépenses d‟énergie 17,3 18,5 22,8 23,4 22,6 21,1

Equipements ménagers 1,2 4,6 5,0 3,9 3,8 3,7

Hygiène et soins médicaux 4,9 5,1 5,4 7,6 8,3 7,5

Transport et communication 2,6 7,5 5,9 7,1 8,2 12,8

Enseignement, culture et loisirs 1,7 4,0 4,3 5,6 4,3 5,3

Autres dépenses 3,3 3,9 3,9 5,9 7,8 7,5

Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

Milieu rural

Alimentation 76,8 65,0 58,2 56,7 52,2 51,8

Habillement 8,1 11,6 7,1 5,1 4,3 3,1

Habitation et dépenses d‟énergie 2,8 11,4 16,2 16,7 21,0 18,4

Equipements ménagers 2,5 3,9 5,5 3,9 4,0 3,6

Hygiène et soins médicaux 2,3 3,1 3,5 5,0 5,6 6,2

Transport et communication 1,8 2,8 4,3 5,2 5,6 8,9

Enseignement, culture et loisirs 1,1 0,9 2,0 2,1 1,8 2,5

Autres dépenses 4,6 1,3 3,2 5,3 5,5 5,5

Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

Source : HCP, Enquêtes sur la consommation et les dépenses des ménages 1959/60,

1970/71, 1984/85 et 2000/01 et les niveaux de vie 1998/99 et 2006/07.

13

Entre 2001 et 2007, l‟indice du coût de la vie global a enegistré une augmentation de 12,3%, alors que

ceux de « habitation et dépenses d‟énergie », « hygiènes et soins de santé » et « enseignement, culture et

loisirs » n‟ont enregistré qu‟une augmentation de 11,1%, 7,6% et 11,2% respectivement.

Page 35: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

34

La même tendance a été observée au niveau des deux milieux de résidence. La part

de l‟alimentaire ne cesse de diminuer au cours du temps au profit des autres postes

de consommation (voir tableau ci-après). Cependant, il faut signaler que l‟allocation

du budget de consommation selon les différents postes de consommation connaît des

différences notables entre les deux milieux de résidence. En effet, la part de

l‟alimentaire dans le budget total en milieu urbain ne représente que 38,6% en 2007,

alors qu‟elle dépasse la moitié en milieu rural (51,8%). Pour les autres importants

postes de consommation, il s‟agit de relever que leurs parts sont beaucoup plus

importantes en milieu urbain qu‟en milieu rural.

Les citadins consacrent 21,1% de leur budget aux dépenses d‟habitation alors que les

ruraux n‟en consacrent que 18,4%. Ces pourcentages s‟élèvent respectivement à

12,8% et 8,9% pour le transport et communication et à 7,5% et 6,2% pour l‟hygiène

et soins de santé.

La baisse de la part de l‟alimentaire, traduit une légère amélioration du pouvoir

d‟achat de la population (loi d‟Engel) et par conséquent, on devrait assister à une

nette diminution de la pauvreté, et notamment en milieu urbain qui enregistre une

faible part de l‟alimentaire dans le budget total en comparaison avec le milieu rural

(voir le chapitre 3).

Paragraphe 2 : Les dépenses par unité de consommation

Les dépenses des ménages ne sont pas influencées uniquement par la taille des

ménages mais également par la composition démographique des ménages. Comme le

coût de l‟enfant est, a priori, inférieur à celui d‟un adulte, un ménage composé

d‟enfants et d‟adultes doit effectuer une dépense inférieure à celle d‟un ménage de

même taille et qui n‟est formé que par des adultes pour réaliser le même niveau de

vie.

Une autre limite de l‟utilisation de la dépense par tête comme indicateur de niveau

de vie est la non prise en considération des économies d‟échelles qui peuvent se

réaliser au sein d‟un ménage de taille élevée. Un ménage composé de 5 personnes et

ayant une dépense par tête équivaut à celle d‟un ménage composé de deux personnes

a en principe un niveau de vie le plus élevé.

Afin d‟éliminer l‟effet de la composition des ménages, le niveau de vie peut être

approché par la dépense totale par unité de consommation (UC) qui prend en

considération la taille et la composition des ménages. Dans ce sens, un essai

d‟estimation des coefficients de conversion en équivalent adulte spécifique aux

ménages marocains a été abordé en 200514

. Les paramètres obtenus par cette

estimation montrent que la taille du ménage ne permet pas de procéder à une bonne

correction des dépenses totales. En d‟autres termes, le rapport de la dépense totale

14

Ezzrai A. & Soudi K. « Mesures de la pauvreté : approche per capita versus approche équivalent-

adulte », cahiers du plan N° 7, avril-mai 2006.

Page 36: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

35

du ménage à sa taille et non au nombre d‟équivalent-adulte, ne donne qu‟une

approximation du niveau de vie de la population.

Paragraphe 3 : Estimation d’une échelle d’équivalence pour le Maroc

Les échelles d'équivalence adulte sont nées du besoin pratique de comparer les

niveaux de vie de ménages dont les situations diffèrent à la fois en termes de

revenus, de consommation ou de dépenses, mais également suivant le nombre et les

profils des individus devant se partager ce revenu (cette dépense). Ce problème de

commensurabilité de grandeurs concernant des ménages différents se pose aussi

pour construire des distributions de revenus, et pour mesurer l'inégalité ou la

pauvreté15

.

Pour tenir compte de ces différences dans l‟évaluation du bien-être social, les

praticiens recourent habituellement à une échelle d'équivalence, de façon à obtenir la

valeur de l'indicateur du niveau de vie par équivalent-adulte.

L'échelle d'équivalence adulte précise le lien entre la consommation d'un ménage et

le nombre d'adultes et d'enfants qui le composent, pour un niveau de vie fixé. Elle

appréhende les économies d'échelle que réalise un ménage de plusieurs personnes,

principalement grâce au partage de biens à usage collectif (Glaude et Mautardier,

1991). Dans l‟annexe 2.1, nous présentons les différentes étapes d‟estimation d‟une

échelle d‟équivalence.

Cas pratique : estimation d’une échelle d’équivalence adulte

Partant des items discursifs présentés en Annexe 2.1, il semble que l‟estimation des

indices du niveau de vie et da la pauvreté, moyennant un coefficient de déflation par

personne, pourrait ne pas refléter la situation réelle des ménages. Pour vérifier cette

assertion, deux options sont envisageables. La première ne tient compte que de la

réalisation des économies d‟échelle dans la consommation des ménages. Telle

option était reflétée dans les travaux menés dans divers pays, exemple au Burkina

Faso (Lachaud, 1999). Cependant procéder de cette façon ignore les différences qui

existent en termes de composition -enfants versus adultes- des ménages de même

taille. Empiriquement, cette différence s‟impose davantage pour les ménages de

taille élevée que pour ceux de taille réduite. Pour corriger ce risque de biais, la

deuxième option propose une alternative tenant compte à la fois des économies

d‟échelle et de la différence des équivalents adultes pour des ménages

comparables16

.

15

Au Maroc, les études empiriques sur le bien-être prennent le ménage comme unité de sondage. Cette

référence impose une certaine correspondance entre le niveau de vie des individus et celui des ménages

auxquels ils appartiennent. La comparaison du niveau de vie est traditionnellement fondée sur la base de

la moyenne par personne de l'indicateur de niveau de vie.

16

P. Lanjouw & M. Ravallion (1995) ont expérimenté cette alternative pour estimer une échelle

d‟équivalence relative au Pakistan.

Page 37: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

36

Considérons une classe d‟échelle d‟équivalence qui se déduit de la correction de la

valeur monétaire de l‟indicateur du bien-être d‟un consommateur, soit :

nXmX a avec 10

Où X est la dépense totale du ménage, et n sa taille.

En introduisant ce nouvel indicateur dans le modèle d‟Engel révisé, l‟équation (1)

(Annexe 2.1), on obtient la spécification suivante :

)1()1()ln()/ln( 122121 avecpapennXcw

pe : indique la proportion des enfants de moins de 15 ans

pa : indique la proportion des adultes de 15 à 60 ans : représente la variable aléatoire, normalement distribuée et à variance constante.

Après l‟estimation de la valeur de , le nouvel indicateur de niveau de vie est nX ,

avec X est la dépense totale du ménage, et n sa taille.

Etant donné que cette option ignore la composition enfants-adultes des ménages de

même taille, il importe de procéder à une correction de ce biais en considérant une

échelle d‟équivalence à deux dimensions : elle tient compte aussi bien de la taille de

ménage que de la répartition de ses membres entre enfants, de moins de 15 ans, et

adultes, âgés de 15 ans ou plus.

Le point de départ est de considérer dans un premier temps le modèle révisé d‟Engel

présenté dans l‟équation (1) (Annexe 2.1) en tenant compte de la présence des

économies d‟échelle, soit :

Une bonne estimation de cette équation revient à estimer l‟équation (3), et

conformément à l‟équation (2) (Annexe 2.1), on peut écrire :

avec Xh est la dépense totale du ménage h dont la taille est n h ;

et X0 est la dépense totale de ménage de référence composé d‟un seul adulte.

))1(exp(1

2

1

10 papenXX hh

)2()/log( 21 papenXbaWe

Page 38: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

37

En disposant des coefficients ma(h), il est maintenant possible de mesurer la

dépense par équivalent adulte. Ajusté sur les données marocaines relatives à

l‟Ennvm 2006/07, le modèle (1) s‟écrit :

W = 148,034 – 9,965logx – 3,444logn – 0,0435ne – 0,064na

(-41,22) (-8,89) (-4,26) (-6,78)

Les t de Student sont entre parenthèses.

R = 0,476

F de Fisher =482,80

Et = 0,6544

La table ci-dessous donne le nombre d‟équivalent adulte selon le nombre d‟adultes

et d‟enfants dans le ménage utilisé comme déflateur de l‟indicateur de niveau de vie.

Tableau 2.4 : Nombre d’équivalent adulte selon la composition démographique des

ménages en adultes et en enfants

Nombre

d’adultes

Nombre d’enfants

0 1 2 3 4 5 6 7 8

1 1,000 1,748 2,360 2,899 3,390 3,846 4,275 4,683 5,073

2 1,574 2,201 2,751 3,251 3,714 4,149 4,562 4,956 5,335

3 2,052 2,610 3,117 3,587 4,027 4,444 4,842 5,224 5,592

4 2,477 2,989 3,463 3,908 4,329 4,731 5,116 5,487 5,845

5 2,867 3,345 3,793 4,218 4,622 5,010 5,383 5,744 6,094

6 3,230 3,681 4,109 4,516 4,906 5,282 5,645 5,997 6,338

7 3,573 4,002 4,412 4,804 5,182 5,547 5,901 6,244 6,578

8 3,899 4,310 4,705 5,085 5,451 5,806 6,151 6,487 6,814

9 4,211 4,607 4,989 5,357 5,714 6,060 6,397 6,725 7,046

10 4,512 4,895 5,264 5,622 5,970 6,308 6,638 6,960 7,275

11 4,802 5,173 5,532 5,881 6,221 6,552 6,875 7,191 7,500

12 5,084 5,444 5,794 6,134 6,466 6,791 7,108 7,418 7,722

Source : Calculs effectués par l‟auteur à partir des données de l‟ENNVM 2006/07-HCP.

Cette table permet d‟avoir un nouvel indicateur de niveau de vie qui prend en

considération l‟équivalent adulte comme déflateur de la dépense totale du ménage en

tenant compte des économies d‟échelle que réalisent les ménages, notamment les

ménages à taille élevée, et en tenant compte également de la composition

démographique du ménage. A partir de ce nouvel indicateur de niveau de vie, on

pourrait éventuellement calculer les différents indices de pauvreté et d‟inégalité17

.

17

Un essai d‟estimation des indicateurs de pauvreté basés sur l‟échelle l‟échelle d‟équivalence adulte au

Maroc a été élaboré par Ezzrari A. & Soudi K. (2006). Les résultats globaux obtenus par cette approche

convergent vers ceux obtenus à partir de l‟approche par tête (Cf. cahiers du plan N° 7, avril-mai 2006).

Page 39: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

38

Section 2 : Etude de l’évolution de la pauvreté au Maroc

La mesure de la pauvreté au Maroc présentée ici est fondée sur l‟approche monétaire

absolue qui consiste à déterminer d‟abord un seuil de pauvreté alimentaire qui

correspond au coût d‟un panier alimentaire nécessitant un minimum énergétique

requis et permettant à l‟individu de survivre, et ensuite un seuil de pauvreté non

alimentaire calculé selon l‟ajustement d‟un modèle déduit du « système presque

idéal de la demande »18

.

Paragraphe 1 : Calcul des indicateurs de pauvreté : application sur les données marocaines

Le minimum requis énergétique calculé pour le Maroc provient des données de

l‟ENCDM 2000/01 et qui révèlent que ce minimum s‟établit à 2444 kcal par jour par

équivalent adulte et près de 2000 kcal par jour par tête (note méthodologique de la

mise à mise à jour de la pauvreté au Maroc)19

. Le coût du panier alimentaire

nécessitant les 2000 kcal par jour a été estimé à 1752 DH par personne et par an en

2000/01. Pour des considérations méthodologiques, ce montant a été estimé en

régressant le nombre de calories par personne et par an en fonction du logarithme de

la dépense alimentaire annuelle par personne au niveau du deuxième quintile des

dépenses seulement. Autrement dit, la sélection d‟un panier alimentaire relativement

décent, peu coûteux et fournissant le minimum requis.

Ce seuil de pauvreté alimentaire dépend amplement du minimum requis

recommandé en calories et en l‟absence de données permanentes sur la

consommation et les dépenses des ménages, l‟estimation du seuil de pauvreté

alimentaire pour une année donnée est faite par l‟actualisation du seuil ainsi calculé

en 2000/01 par l‟indice des prix à la consommation alimentaire. L‟actualisation du

seuil de pauvreté alimentaire entre 2000/01 et 2006/07 au niveau du milieu urbain20

,

a donné les résultats suivants :

18

Almost ideal demand system (AIDS) ou « système presque idéal de la demande ».

19

« Méthodologie de la mesure de la pauvreté au Maroc », Douidich Mohamed-HCP-Cahiers du Plan

N°9, juin-juillet 2006.

20

La différenciation des prix alimentaires régionaux et par milieu de résidence, n‟étant pas significative.

C‟est pour cette raison que le seuil de pauvreté alimentaire est identique pour l‟ensemble de la population

indépendamment de son milieu de résidence et de son niveau de vie. Seule la partie non alimentaire du

seuil de pauvreté, est différenciée selon le milieu de résidence.

Page 40: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

39

Tableau 2.5 : Evolution du seuil de pauvreté alimentaire selon le minimum requis

en calories

Nombre de calories

Indicateur 2000 2100 2200 2300 2400

ICV alimentaire en 2000/01 157,8

ICV alimentaire en 2006/07 181,2

SPA en DH de 2000/01 1752 1852 1943 2038 2138

SPA en DH de 2006/07 2012 2127 2231 2340 2455

Source : HCP, série des ICV mensuels.

Avec :

ICV : indice du coût de la vie et SPA,

SPA : seuil de pauvreté alimentaire.

Ce tableau donne les différents seuils de pauvreté alimentaire selon le minimum

requis en calories pour les années 2000/01 et 2006/07. Etant donné, que le minimum

requis en calories par tête pour le Maroc est 2000 kcal, la suite de l‟estimation du

seuil de pauvreté total sera focalisée sur cette moyenne.

L‟estimation du seuil de pauvreté total se fera à l‟aide de l‟ajustement du modèle ci-

suivant, en différenciant le milieu urbain du milieu rural.

)log(limaz

XW

Avec : W est le coefficient budgétaire de l‟alimentaire

X est la dépense totale annuelle par personne

Zalim est le seuil de pauvreté alimentaire

Et et sont les paramètres du modèle

On rappelle qu‟il existe deux seuils de pauvreté selon l‟approche absolue (chapitre

1) :

- un seuil de pauvreté bas dont l‟allocation non alimentaire se réduit à la

dépense non alimentaire des ménages qui ne satisferaient leurs besoins

alimentaires que lorsqu‟ils leur consacraient le total de leur budget, et

- un seuil de pauvreté élevé dont l‟allocation non alimentaire est égale à la

dépense non alimentaire des ménages qui atteignent juste le seuil de pauvreté

alimentaire sans pour autant supprimer toute dépense non alimentaire (voir

chapitre relatif à la revue des écrits).

Seul le seuil de pauvreté élevé est pris en considération dans le cadre de l‟analyse de

la pauvreté au Maroc.

L‟ajustement du modèle ci-dessus sur les données de l‟Enquête Nationale sur les

Niveaux de Vie des Ménages de 2006/07, en différenciant le milieu urbain du milieu

rural, a donné les résultats ci-dessous :

Page 41: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

40

Tableau 2.6 : Résultats de l’estimation des paramètres

Milieu Variable Coefficients t-Student R2 ajusté F Fisher

Urbain Constante 0,565 109,67 0,200 928,75

Log (X/zalim) -0,084 -30,48

Rural Constante 0,591 88,71 0,069 136,73

Log (X/zalim) -0,059 -11,69

L‟application de ces paramètres pour le calcul des seuils élevé et bas de pauvreté

absolue a donné les résultats suivants : le seuil de pauvreté absolu élevé en milieu

urbain s‟élève à 3834 DH par personne et par an contre 3569 DH en milieu rural ;

tandis que le seuil de pauvreté absolu bas s‟établit à 2888 DH par personne et par an

et à 2839 DH respectivement. L‟évolution des seuils de pauvreté alimentaire et des

seuils de pauvreté en termes absolus au Maroc selon le milieu de résidence est

synthétisée dans le tableau ci-dessous.

Tableau 2.7 : Evolution des seuils de pauvreté selon le milieu de résidence et la

forme de pauvreté

En DH courants

1959-60 1970-71 1984-85 1998-99 2000-01 2006-07

Milieu urbain

Seuil de pauvreté alimentaire 221 285 961 1756 1752 2012

Seuil de pauvreté bas 305 397 1370 2628 2543 2888

Seuil de pauvreté élevé 392 510 1760 3700 3421 3834

Milieu rural

Seuil de pauvreté alimentaire 211 274 961 1731 1876 2012

Seuil de pauvreté bas 298 387 1335 2400 2466 2839

Seuil de pauvreté élevé 358 465 1604 2921 3098 3569

Source : Tableau élaboré à partir des données de base des ENCDM 1985 et 2001 et de

l‟ENNVM 1991 et 2007, HCP et Brochure sur l‟évolution des indicateurs de niveau de

vie 1960-2007 – HCP 2010.

A partir de ces seuils de pauvreté, sont calculés les différents indices de pauvreté, à

savoir : le taux de pauvreté, l‟indice volumétrique21

et l‟indice de sévérité22

(voir les

définitions de ces indicateurs en Annexe). L‟évolution des différents indicateurs de

pauvreté sont présentés dans le paragraphe qui suit.

Paragraphe 2 : Analyse de l’évolution des indices de la pauvreté au Maroc

L‟analyse de la pauvreté au Maroc fait ressortir que les différents indices de

pauvreté ont connu une diminution au fil du temps et ce quelque soit le milieu de

résidence. C‟est ainsi que depuis l‟indépendance, l‟évolution de la pauvreté au

Maroc fut marquée par une tendance générale à la baisse. Le taux de pauvreté au

21

Cet indice renseigne sur l‟ampleur de la pauvreté, il mesure le déficit global de dépenses de

pauvreté, exprimé en pourcentage de la consommation totale minimale.

22

Cet indice renseigne sur la sévrité de la pauvreté, il représente le carré du rapport, au seuil de pauvreté,

de la différence entre la dépense de consommation et le seuil de pauvreté.

Page 42: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

41

Maroc à l‟échelle nationale est passé de 55,7% en 1959/60 à moins de un dixième

(8,9%) en 2006/07, en passant par 21,0% en 1984/85, 13,1% en 1991 et 15,3% en

2000/01.

Il faut signaler que durant toute cette période, seules les années 90 ont été marquées

par une augmentation de la pauvreté due principalement à l‟augmentation de la

pauvreté rurale. En effet, l‟analyse de l‟évolution de la pauvreté entre 1991 et 2001

permet de conclure que l‟augmentation de la pauvreté à l‟échelle nationale durant

cette période est imputable essentiellement à l‟augmentation de la pauvreté en milieu

rural (de 18% en 1991 à 25% en 2001) dans la mesure où le taux de pauvreté en

milieu urbain durant cette période a stagné pour se situer à 7,6%. Cette évolution

défavorable de la pauvreté durant cette période s‟explique, entre autres, par l‟impact

du Programme d‟Ajustement Structurel (PAS) notamment du fait de chômage des

diplômés et des sécheresses récurrentes des années 1990. Cette période a été

également marquée par la baisse du revenu réel qui a fragilisé la situation des

nombreux ménages, notamment en milieu rural.

En considérant la période 1971-2007, on remarque que l‟essentiel de la baisse de la

pauvreté au Maroc, a été surtout enregistré durant les années 2000. En effet, le taux

de pauvreté au Maroc a enregistré une baisse annuelle moyenne de l‟ordre de 9,5%

entre 2001 et 2007 contre 5,5% entre 1971 et 1985 et seulement de 1,8% entre 1985

et 2001. Le début du nouveau millénaire a été marqué par une accélération notable

de l‟intervention des pouvoirs publics en faveur du développement social. Cette

intervention s‟est traduite par la mise en œuvre de politiques et programmes

sectoriels visant l‟amélioration des conditions de vie des populations défavorisées.

C‟est le cas notamment de l‟initiative nationale du développement humain (INDH)

lancée en 2005 et qui vise la réduction de la pauvreté, la précarité et l‟exclusion

sociale et la promotion du développement.

D‟autres éléments ont contribué également à la baisse de la pauvreté au Maroc, dont

notamment ceux liés au contexte économique du pays. En effet, depuis les années

80, tous les indicateurs macroéconomiques ont connu une amélioration notable.

C‟est le cas du produit intérieur brut, la consommation finale des ménages et la

formation brute du capital fixe qui ont enregistré une augmentation annuelle

moyenne respectivement de l‟ordre de 3,5%, 3,5% et 4,5% durant la période 1980-

2007.

Les années 2000, comme le montre le tableau 2.8 ci-après, ont enregistré les plus

fortes augmentations de ces agrégats. Le PIB a connu une croissance réelle de 4,6%

entre 2001 et 2007 et la consommation finale des ménages quant à elle a enregistré

une croissance annuelle moyenne de l‟ordre de 4,8% durant la même période.

A l‟inverse, la faible croissance économique observée durant les années 90 n‟a pas

été suffisante pour réduire la pauvreté et elle n‟a pas pu empêcher l‟augmentation du

chômage. Cette période a été également caractérisée par des années récurrentes de

sécheresse et particulièrement 1992, 1993, 1995, 1997, 1999 et 2000 et qui ont

Page 43: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

42

affecté notablement l‟activité agricole. En outre, l‟insuffisance de la politique

publique pourrait également expliquer l‟augmentation de la pauvreté durant les

années 90. En effet, sous la contrainte de la dette extérieure, l‟Etat marocain a

considérablement freiné sa politique sociale visant, entre autres la réduction de la

pauvreté.

L‟investissement public mesuré par la FBCF a enregistré une croissance modérée

durant ces années, soit une croissance annuelle moyenne de l‟ordre de 2,1% entre

1991 et 2001 contre 4,3% entre 1985 et 1991. Cette faible croissance de

l‟investissement public a eu un impact sur le recul des infrastructures physique et

sociale et a tiré vers le bas la demande qui est la principale source de croissance.

Tableau 2.8 : Taux d’accroissement annuel moyen (en %) des agrégats

macroéconomiques en termes réels

Agrégats 1980-

1985

1985-

1991

1991-

2001

2001-

2007

1980-

2007

Produit intérieur brut 3,3 4,9 2,1 4,6 3,5

Consommation finales des

ménages

4,1 4,5 1,9 4,8 3,5

Formation brute du capital

fixe

4,1 4,3 2,1 9,1 4,5

Source : Haut Commissariat au Plan, données de base des Comptes et agrégats de

Nation 1980-2007, base 1998.

La ventilation de la pauvreté selon le milieu de résidence permet de constater que la

pauvreté au Maroc est un phénomène davantage à caractère rural. Outre que le taux

de pauvreté est plus élevé en milieu rural qu‟en milieu urbain au fil du temps, la

contribution relative de la pauvreté rurale dans la pauvreté nationale reste la plus

importante. En effet, près des trois quarts de l‟incidence de la pauvreté nationale

provient du milieu rural, et ce aussi bien en 1985 et 2001 qu‟en 2007.

L‟importance de la pauvreté rurale dans la pauvreté nationale est toujours manifeste

malgré la tendance à la baisse de la population rurale dans la population totale du

Maroc. D‟après les données provenant des différentes enquêtes statistiques utilisées,

la population rurale représentait 57% en 1985, 44% en 2001 et 43,5% en 2007.

Ce constat reste également valable pour les autres indicateurs de la pauvreté, à

savoir la profondeur et la sévérité de la pauvreté. La contribution relative de la

profondeur de la pauvreté rurale à la profondeur de la pauvreté nationale ne cesse

d‟augmenter d‟une année à une autre. En effet, cette contribution relative est passée

de 72,3% à 75,8% entre 1985 et 2001 puis à 76,0% en 2007. Ces pourcentages

montrent que près de 75% du déficit global des dépenses des pauvres à l‟échelle

nationale, exprimé en pourcentage du seuil de pauvreté, s‟expliquent par les écarts

de pauvreté observés en milieu rural.

Page 44: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

43

Tableau 2.9 : Evolution des indices de pauvreté selon le milieu de résidence entre

1959 et 2007

Milieu de

résidence

Valeurs Pα Contribution relative

1959 1971 1985 1991 2001 2007 1985 1991 2001 2007

Taux de pauvreté

Urbain 43,8 30,6 13,3 7,6 7,6 4,9 27,5 27,1 27,7 30,0

Rural 60,0 51,0 26,8 18,0 25,1 14,4 72,5 72,9 72,3 70,0

Ensemble 55,7 44,4 21,0 13,1 15,3 8,9 100 100 100 100

Profondeur de pauvreté

Urbain -- -- 3,5 1,5 1,5 0,8 27,7 25,5 24,2 24,0

Rural -- -- 7,0 3,8 6,0 3,3 72,3 74,5 75,8 76,0

Ensemble -- -- 5,5 2,7 3,5 1,9 100 100 100 100

Sévérité de pauvreté

Urbain -- -- 1,5 0,4 0,5 0,2 29,1 25,4 21,3 19,9

Rural -- -- 2,8 1,2 2,2 1,2 70,9 74,6 78,7 80,1

Ensemble -- -- 2,2 0,8 1,2 0,6 100 100 100 100

Source : Données de base des ENCDM 1985 et 2001 et de l‟ENNVM 1991 et 2007,

HCP et Brochure sur l‟évolution des indicateurs de niveau de vie 1960-2007 – HCP

2010.

De la même manière, la sévérité de la pauvreté nationale s‟explique essentiellement

par la sévérité de la pauvreté rurale. En effet, la contribution de celle-ci à la sévérité

de la pauvreté nationale n‟a cessé d‟augmenter au fil du temps, soit une contribution

relative de 70,9% en 1985, 78,7% en 2001 et 80,1% en 2007. En d‟autres termes,

l‟inégalité parmi les pauvres est essentiellement due à l‟inégalité parmi les pauvres

en milieu rural. L‟évolution des différents indicateurs de la pauvreté permet donc de

conclure que la pauvreté au Maroc est un phénomène amplement enraciné dans le

milieu rural.

Cette diminution de la pauvreté au Maroc ne peut-être confirmée que s‟elle est

indifférente au choix des seuils de pauvreté. En effet, les différentes études de la

pauvreté dans le monde, montrent que les résultats obtenus sont généralement

sensibles au choix du seuil de pauvreté. En d‟autres termes, un choix différent du

seuil de pauvreté pourrait inverser la conclusion sur l‟incidence de la pauvreté dans

une région par rapport à une autre, comme il pourrait modifier le sens de l‟évolution

de la pauvreté dans une région donnée. Une telle sensibilité nous oblige à nous

assurer que cette évolution des indices de pauvreté est robuste aux choix des seuils

de pauvreté. Il s‟agit donc de vérifier si la baisse constatée avec les seuils retenus est

généralisable quelque soit le niveau de seuil. Pour vérifier la robustesse de

l‟évolution de la pauvreté, on recourt généralement aux tests de dominance

stochastique. Ces tests feront l‟objet du paragraphe suivant.

Paragraphe 3 : Les tests de dominance stochastique

Nous présentons dans un premier point de ce paragraphe l‟approche théorique des

tests de dominance statistique et dans un deuxième point nous appliquons cette

approche sur les données marocaines.

Page 45: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

44

3.1- L’approche théorique et la méthodologie

Pour Martin Ravallion23

(1996) « les tests de dominance peuvent-être un moyen très

utile de réaliser des comparaisons de la pauvreté. Ils peuvent être robustes à de

nombreux problèmes de mesure qui font couramment obstacle aux évaluations de la

pauvreté. Ils sont en outre faciles à réaliser ».

Le recours au concept de dominance stochastique implique de comparer des

distributions cumulatives du bien-être à différents moments. La présentation de la

théorie de la dominance stochastique en liaison avec la pauvreté se réfère aux

travaux de R. Davidson (2006), Duclos et Araar (2006).

Soit FA et FB deux distributions cumulatives des dépenses de consommation

définies pour des nombres réels non négatifs et supposons que :

dyyDDetxFDx

SS

0

11 )()(

Pour tout ordre s, )(xDspeut s‟exprimer comme suit :

xS

S

S ydFyxxD0

1

!)1(1 )()()(

On dit que la distribution B domine stochastiquement la distribution A à l‟ordre s,

)()( xDxD S

B

S

A , pour tout *x .

Supposons qu‟un seuil de pauvreté z représentant un niveau de revenu/dépense soit

strictement positif (z>0), la distribution A est dite dominée par la distribution B, à

l‟ordre s, jusqu‟au seuil z, si :

)()( xDxD S

B

S

A pour tout zx

Cela signifie que, pour ce seuil, il y a plus d‟individus dont le revenu est inférieur ou

égal à ce seuil pour la distribution A que pour la distribution B.

La dominance de premier ordre (D1) au seuil z signifie que la pauvreté mesurée par

P0 (incidence) est plus faible pour la distribution des dépenses B que pour celle de

A, et ce pour tout seuil de pauvreté inférieur à z. Cette dominance du premier ordre

peut-être représentée par la courbe dite « d‟incidence de pauvreté »24

.

Par ailleurs, la dominance stochastique du premier ordre implique la dominance

d‟ordres supérieurs. La dominance stochastique du premier ordre en pauvreté,

23

Martin Ravallion « Comparaisons de la pauvreté : Concepts et mesures », Etude sur la mesure des

niveaux de vie (LSMS) document de travail N° 122, Février 1996.

24

Ravallion (1992), J.Y. Duclos & A. Araar (2006).

Page 46: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

45

signifie que pour tout seuil de pauvreté inférieur à z, les différents indices de

pauvreté à savoir l‟incidence, la profondeur et la sévérité de la pauvreté relatifs à

une distribution A sont plus faibles que ceux relatifs à une distribution B.

Cependant si ces deux courbes se croisent, il serait difficile de dire laquelle des

distributions domine l‟autre. Il faut donc passer à un ordre supérieur de dominance.

La dominance stochastique en pauvreté de l‟ordre 2 à un seuil z, implique que le

fossé ou l‟écart moyen de pauvreté en A est plus élevé que celui en B, pour tout

seuil de pauvreté inférieur à z ()()( 22 xDxD BA

). Graphiquement, la

dominance stochastique d‟ordre 2 peut-être représentée par la courbe dite « déficit

de pauvreté » ou de « profondeur de pauvreté » (Ravallion, 1992).

Toutefois si les deux courbes à l‟ordre 2 se croisent, il faut passer à l‟ordre 3. Dans

ce cas, la dominance stochastique en pauvreté signifie que la sévérité de pauvreté en

A sera plus élevée en B à un seuil donné ()()( 33 xDxD BA

). Les courbes

associées à cet ordre sont appelées « courbes de sévérité de la pauvreté ».

3.2- Discussion des résultats de l’application sur les données marocaines

L‟application de l‟approche de dominance stochastique sur les données marocaines

relevant des différentes enquêtes sur les niveaux de vie et la consommation des

ménages, montre que le sens de l‟évolution de la pauvreté au Maroc dégagé plus

haut est bel et bien confirmé.

En effet, la courbe de l‟incidence de la pauvreté à l‟échelle nationale, montre que

pour tout seuil de pauvreté allant de 0,75 fois seuil national de pauvreté à 4 fois ce

seuil, la pauvreté la plus élevée a été observée en 1985, dans la mesure où la

distribution des dépenses de 1985 domine toutes les autres distributions. Le

graphique de l‟incidence de la pauvreté entre 1985 et 2007 montre également que la

pauvreté a connu une augmentation importante entre 1991 et 2001, pour des raisons

évoquées plus haut, et le plus faible niveau de pauvreté est enregistré en 2007 (la

distribution des dépenses de consommation de 2007 est dominée par les autres

distributions).

Page 47: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

46

A l‟échelle urbaine, la distribution relative à l‟année 1985 domine toutes les autres

distributions, en d‟autres termes, quelque soit le seuil considéré (du seuil national à

4 fois ce seuil), le taux de pauvreté observé en milieu urbain en 1985 reste le plus

élevé, suivi de celui enregistré en 2001 et de ceux observés en 1991 et 2007.

Quoique le taux de pauvreté urbain en 2007 reste le plus faible, les courbes

d‟incidence de la pauvreté de 1991 et 2007, ne permettent pas de conclure que la

pauvreté a diminué entre cette période, dans la mesure où les deux distributions se

croisent.

Graphique 2.1

Graphique 2.2

Page 48: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

47

La courbe d‟incidence de la pauvreté en milieu urbain ne permet donc pas de

conclure que la pauvreté dans toutes ses formes a diminué entre 1991 et 2007.

Cependant la courbe du déficit de pauvreté (dominance stochastique d‟ordre 2)

montre bel et bien que le fossé ou l‟écart moyen de pauvreté en 2007 reste le plus

faible, si l‟on considère que le seuil de pauvreté maximal pour toutes les

distributions est de 7000 DH.

L‟analyse des courbes d‟incidence de la pauvreté en milieu rural, corrobore les

résultats déjà obtenus. En effet, si l‟on excepte l‟année 199125

, la pauvreté rurale a

légèrement diminué entre 1985 et 2001, comme le montre le faible écart entre la

distribution de 1985 et celle de 2001, avant d‟enregistrer une baisse spectaculaire

entre 2001 et 2007. Si l‟on considère que le seuil de pauvreté maximal est quatre

fois celui du seuil de pauvreté national (3569 DH de 2007), la courbe de l‟incidence

de pauvreté rurale de 2007 se situe largement au-dessous de celle de 2001.

25

Les faibles indices de pauvreté obtenus en 1990/91 pourraient être expliqués par plusieurs facteurs,

dont notamment la surestimation des dépenses de consommation par l‟enquête sur les niveaux de vie

1990/91 en comparaison avec les comptes nationaux (soit respectivement une dépense per capita de 6780

DH et de 6384 DH) et par la particularité de cette année en termes de récoltes agricoles suite à la

réccurence de bonnes années agricoles.

Graphique 2.3

Page 49: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

48

Quels sont les principaux facteurs qui ont été derrière cette évolution de la pauvreté

au Maroc ? D‟un point de vue analytique, la pauvreté monétaire étant directement

liée au revenu moyen et à la distribution des revenus. Il serait donc opportun de

connaître la sensibilité du niveau de pauvreté aux variations du revenu moyen et de

la distribution des revenus (inégalité). En d‟autres termes, il sera question d‟établir

le lien entre la dynamique de la pauvreté, la croissance économique et l‟inégalité. Il

s‟agit principalement de mesurer les impacts liés à ces deux facteurs dans la

dynamique de la pauvreté.

Section 3 : La dynamique de la pauvreté : rôles de la croissance et des inégalités

Paragraphe 1 : Les liens entre croissance et inégalités : hypothèse de Kuznets

L‟analyse des effets de la croissance et de la distribution des revenus sur les niveaux

de vie et de pauvreté, ne date pas d‟aujourd‟hui. En effet, depuis les années 50, la

littérature traitant de la relation entre la croissance économique et la distribution de

revenus s‟est amplifiée. Le point de départ était la thèse développée par Kuznets

(1955), qui atteste qu‟il existe une relation entre le PIB par tête et l‟inégalité de type

U inversé. En d‟autres termes, lorsque le revenu par tête augmente, l‟inégalité

augmente dans un premier temps (court terme), atteint son maximum, puis décroît

par la suite (long terme).

L‟augmentation des inégalités à court terme suite à une augmentation de la

croissance, s‟explique par le fait qu‟une faible part de la population bénéficie des

Graphique 2.4

Page 50: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

49

fruits de la croissance économique. Ces fruits vont s‟étendre par la suite à d‟autres

secteurs de l‟économie et donc à d‟autres agents. C'est-à-dire, qu‟à partir d‟un

certain niveau de croissance, les inégalités se stabilisent et commencent à décroître

par la suite.

Graphique 2.5 : Courbe de Kuznets

A travers l‟allure de la courbe de Kuznets, on remarque qu‟il y a trois importantes

phases de développement.

Dans les premiers stades de développement caractérisés par des revenus faibles et

par la prédominance de l‟investissement dans le capital physique et le capital

naturel, les inégalités stimulent la croissance, du fait que les bénéfices sont entre les

mains de ceux qui épargnent et investissent le plus. Ce processus de développement

économique traduit un passage d‟une économie dominée par un secteur agricole à

faible productivité vers une économie industrielle à forte productivité. Les politiques

de répartition deviennent moins efficaces, et partant, l‟inégalité s‟accentue.

Cependant, avec l‟amélioration des conditions de vie matérielles, les individus

réagissent à travers l‟investissement dans le capital humain.

Dans une phase de développement plus avancée, généralement le cas des pays en

voie d‟industrialisation, à mesure que les richesses s‟accumulent, la structure du

système productif évolue. Dans un premier temps, le passage d‟une économie rurale

à une société urbaine et industrielle aggrave les inégalités.

Cependant, ce raisonnement ne tient qu‟en termes relatifs. En effet, la production de

biens matériels continue de croître et, ceteris paribus, le niveau absolu des

Page 51: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

50

inégalités, s‟il ne continue pas de croître, il résiste à une tendance à la baisse

importante. Ce revirement dans la structure économique peut freiner le rythme

d‟accroissement des inégalités mais n‟a que peu de chances de l‟inverser.

Concernant la troisième phase de développement, caractérisée essentiellement par un

niveau de richesses plus important, la croissance du capital humain devient, au lieu

de l‟accroissement du capital physique, la principale source de croissance. Les

inégalités se ralentissent alors que la croissance continue à se réaliser. Dans cette

phase caractérisée par le recours intensif à la recherche scientifique qui conduit les

pays à s‟orienter davantage sur l‟investissement en capital humain. Cet effet du

capital humain a beaucoup été étudié par les théoriciens de la croissance endogène

où il est d‟ailleurs à la fois cause et effet de la croissance économique (Becker,

1967), (Lucas, 1986), etc.

Les conclusions de Kuznets selon lesquelles les inégalités se réduiraient d‟une façon

mécanique avec le développement économique d‟un pays sont aujourd‟hui

largement discutées tant du point de vue empirique que théorique.

Les critiques d‟ordre méthodologique de la courbe de Kuznets se résument comme

suit :

- Kuznets utilise des données croisées provenant de pays différents mais sur

une même période. Ceci empêche d‟utiliser les données dans le temps pour

observer une progression individuelle du développement économique du

pays et des inégalités (la répartition des fruits de la croissance) ;

- Les données qu‟il a utilisées portaient surtout sur des pays à revenu

intermédiaire de l‟Amérique latine où les inégalités sont grandes depuis

longtemps. Si on contrôle cette variable, la forme en U inversé disparaît.

D‟un point de vue théorique, T. Piketty (2005) remet en cause la causalité supposée

par la courbe de Kuznets entre le niveau de développement et les inégalités de

revenu. Au vu de cette relation, on pourrait croire que l‟accroissement dans le temps

des inégalités d‟un pays est un phénomène « naturel » qui se résout avec le temps,

de façon endogène. Il montre également, sur des données françaises et américaines,

que la réduction des inégalités n‟est pas mécaniquement associée à la croissance du

PIB par habitant. Elle a été surtout liée à des événements inattendus affectant le

capital (guerre, inflation, catastrophes) et par l‟impôt et notamment sur le revenu.

Dans le même ordre d‟idées, Dubois (1997) explique que « la croissance

économique n‟agit pas de la même façon sur les inégalités en raison de différences

du niveau de revenu. Dans les pays pauvres, la croissance accroît les inégalités alors

qu‟elle les réduit dans les pays à revenu élevé … ».

Même si ces travaux et bien d‟autres ont remis en cause la relation établie par

Kuznets qui valorise l‟impact de la croissance à la réduction de l‟inégalité à partir

Page 52: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

51

d‟un certain niveau de développement, ils n‟ont pas rejeté l‟idée de l‟existence d‟une

relation entre la croissance économique, l‟inégalité et la pauvreté.

Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l’analyse de la dynamique de la pauvreté

Il existe dans la littérature plusieurs méthodes de décomposition de la variation de la

pauvreté. Nous présentons dans ce qui suit un bref rappel des principales approches

utilisées. Elles diffèrent sensiblement du point de vue de l‟orientation conceptuel le

et de l‟horizon temporel considéré (analyse statique ou dynamique). Deux séries de

facteurs de décomposition peuvent être mis en évidence dans l‟analyse dynamique.

2.1- La décomposition sectorielle de la variation de la pauvreté :

Elle consiste en fait à l‟évaluation de la part imputable à divers facteurs de variation

dans l‟évolution d‟une grandeur globale. Dans le cas de la pauvreté, il s‟agit

d‟analyser sa variation du point de vue de certaines variables d‟intérêt données et de

caractériser l‟effet des facteurs qui y ont le plus contribué. Trois types de facteurs

sont généralement caractérisables :

Un effet pauvreté : ce facteur est spécifiquement lié à la variation du niveau

de vie moyen des populations. La question qui se pose est ce que la variation

de la pauvreté est observée pour toutes les modalités de la variable d‟intérêt ?

dans ce cas de figure, la modification de l‟indicateur de niveau des modalités

de cette variable explique certainement une bonne partie de la modification

de la pauvreté ;

Un effet structure de la population : la modification de la structure de la

population selon la variable d‟intérêt considérée pourrait avoir un impact sur

la variation de la pauvreté. il importe donc de caractériser cet effet ;

Un effet taille : cet effet permet de mettre en évidence si la variation de

l‟effectif de la population globale des unités observées (population totale,

actifs occupés, chômeurs, etc.) explique tout ou partie de la modification

enregistrée sur le nombre de pauvres ;

Un effet d’interaction : cet effet résiduel vise à capter les éventuels effets

d‟interaction entre les différents facteurs mis en évidence. En cas

d‟indépendance, l‟effet d‟interaction est nul, positif si la covariance entre les

facteurs en jeu est positive et négative autrement.

Donc, l‟ensemble de ces facteurs contribue à expliquer les modifications de la

variation de la pauvreté.

Page 53: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

52

2.2- La décomposition de la pauvreté en effet croissance et effet redistribution

Cette analyse a pour but de caractériser les contributions de la croissance et de

l‟inégalité dans l‟explication de la variation totale de la pauvreté. Le tableau ci -

dessous présente les différentes réponses qu‟il est possible d‟envisager à la suite

d‟une telle analyse afin d‟expliquer la variation de la pauvreté dans un pays.

Tabeau 2.10 : Récapitulatif des différents facteurs explicatifs de la variation de la

pauvreté

Effets redistribution

Très égalitaire Egalitaire Très inégalitaire

Effets

croissance

Croissance Croissance Croissance Analyse des effets

dominants

Stabilité Analyse des effets

dominants Stabilisation

Analyse des effets

dominants

Décroissance Analyse des effets

dominants

Analyse des effets

dominants décroissance

Plusieurs approches de décomposition de la pauvreté entre effet croissance et effet

redistribution ont été proposées mais nous ne présentons ici que les plus

couramment utilisées dans les différentes études de la pauvreté.

2.2.1- Approche statique de Kakwani (1993)

Cette approche propose une décomposition de la pauvreté entre composante

croissance et composante redistribution. Pour un seuil de pauvreté donné, Kakwani

considère que la variation de la pauvreté est la somme de deux effets inverses : un

effet de croissance pure (effet négatif sur le taux de pauvreté lorsque les inégalités

restent inchangées) et un effet d‟inégalité (effet positif lorsque le revenu moyen est

invariant). La démarche consiste à dériver les élasticités de la pauvreté par rapport

au revenu moyen et à l‟inégalité, mesurée par l‟indice de Gini. Ces élasticités,

mesurées elles-mêmes à partir de la courbe de Lorenz, permettent d‟estimer les

variations de la pauvreté dues à la fois aux changements de revenu et à ceux de

l‟indice de Gini. L‟inconvénient majeur de cette approche est qu‟elle ne permet pas

de prendre en compte l‟espace temporel de la variation de la pauvreté. (Voir annexe,

pour plus de détails sur cette approche).

2.2.2- Approche dynamique de Datt et Ravallion

La méthode dynamique de Datt et Ravallion (1992) permet de décomposer la

variation de la pauvreté de façon à évaluer le poids de chacune de ses composantes.

Cette approche exprime le niveau de pauvreté en fonction du revenu moyen et de la

Page 54: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

53

courbe de Lorenz, compte tenu d‟un seuil de pauvreté fixé donné. Elle décompose la

variation de la pauvreté en trois composantes :

Une composition croissance qui évalue le changement de la pauvreté qui

serait obtenu si la courbe de Lorenz n‟était pas modifiée ;

Une composante redistribution appréciant le changement de la pauvreté

imputable à une variation de la courbe de Lorenz, lorsque le revenu moyen

est constant ;

Et enfin, un résidu mesurant l‟interaction entre les effets de croissance et

ceux de la redistribution, quel que soit le choix de la date de référence.

Le principal inconvénient de cette approche est la présence du résidu dont l‟ampleur

peut se révéler parfois très importante. Cette situation signifie que les effets des

variables/composantes non prises en compte par cette méthode peuvent contribuer à

expliquer une bonne part de la variation de la pauvreté alors que cette dernière

devrait être traduite soit en effet de croissance, soit en effet de redistribution.

2.2.3- Approche dynamique de Kakwani (1997)

Cet auteur propose deux variantes de la décomposition de la variation de la pauvreté

permettant de corriger les inconvénients des deux premières approches. La première

consiste en une décomposition des indices de pauvreté FGT afin de mesurer les

changements de la pauvreté entre plusieurs périodes. La seconde, vise à éliminer le

résidu mis en évidence par l‟approche de Datt et Ravallion et considère la somme

des effets moyens de croissance et de l‟inégalité comme correspondant au

changement total dans la pauvreté. Autrement dit, selon Kakwani, la variation de la

pauvreté entre deux dates pourrait être formalisée par une fonction dépendant de la

variation de la croissance (G) et de la variation de l‟inégalité (I).

Si on désigne par Өij la variation de la pauvreté entre deux dates i et j, Gij la

variation de la croissance et Iij celle de l‟inégalité, nous pouvons alors exprimer Өij

de la façon suivante :

Өij = f(Gij , Iij)

Selon Kakwani, la fonction f (.) peut prendre trois formes différentes qu‟il soumet à

l‟énoncé de trois axiomes, raison pour laquelle son approche est souvent qualifiée

d‟axiomatique, contrairement aux autres méthodes.

2.2.4- Approche dynamique de Shorroks (1999)

Elle est basée sur le problème général de décomposition de Shapley (1953). Elle

étudie la contribution de la croissance G et celle de la Redistribution R dans la

variation ΔP de la pauvreté définie comme suit :

Page 55: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

54

S

R

S

G CCP

Avec : ),(),(),(),(2

111122122 LPLPLPLPC S

G

),(),(),(),(2

111211222 LPLPLPLPC S

R

1 Est le revenu moyen à la période 1, Lt la courbe de Lorenz pour les périodes t=1,2

et ),( tt LP

le ratio de la pauvreté calculé à partir d‟un seuil fixe de pauvreté.

Selon la règle de Shapley, la contribution du facteur « croissance » est la moyenne

de deux éléments :

la variation de la mesure de la pauvreté si l‟inégalité est fixe, égale à celle de

la période 1 ;

et la variation de la mesure de la pauvreté si l‟inégalité est fixe, égale à celle

de la période 2.

La contribution du facteur « inégalité » est aussi la moyenne de deux éléments :

la variation de la mesure de la pauvreté si le revenu moyen est fixe, égal à

celui de la période 1 ;

et la variation de la mesure de la pauvreté si le revenu moyen est fixe, égal à

celui de la période 2.

L‟approche de Shorrocks (1999) à la valeur de Shapley est donc dénuée du facteur

résidu ; ce qui permet de fournir une décomposition exacte de la variation temporelle

de la pauvreté en somme des contributions de la croissance et de l‟inégalité.

Enfin, il importe de noter que l‟approche dynamique de Kakwani (1997) est

similaire à celle de Shorrocks (1999). Les deux approches aboutissent aux mêmes

résultats (Cf. Araar, 2003 ; Kaboré, 2003).

Paragraphe 3 : Présentation et analyse des résultats de l’application sur les données marocaines (1985-2007)

Dans ce paragraphe, il s‟agit de présenter dans un premier temps les résultats de la

décomposition statique de la pauvreté selon l‟approche de Kakwani et dans un

deuxième temps les résultats de la décomposition dynamique de la pauvreté selon les

approches de Datt & Ravallion et de Shorroks.

Page 56: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

55

3.1- Résultats de la décomposition statique de la pauvreté : approche de Kakwani

Le tableau ci-dessous présente les élasticités des indices de pauvreté par rapport à la

croissance (dépense par tête) et par rapport à l‟indice d‟inégalité (Gini) selon

l‟approche statique de Kakwani et le taux marginal de substitution qui met en relief

les liens entre la croissance et l‟inégalité. Ces élasticités permettent de relever les

principaux traits qui marquent les liens entre croissance économique, pauvreté et

inégalité.

Tableau 2.11 : Elasticités des indices de pauvreté par rapport à la croissance et à

l’inégalité et taux marginal propotionnel de substitution selon le milieu de

résidence

Période

Elasticité indice de

pauvreté (Pα) /

croissance

Elasticité indice de

pauvreté (Pα) / indice

de Gini

TMPS

Urbain Rural Total Urbain Rural Total Urbain Rural Total

Incidence de la pauvreté (P0)

1985 -2,3 -2,2 -2,2 4,1 1,4 2,6 1,8 0,6 1,2

2001 -3,3 -2,5 -2,7 7,0 1,8 4,1 2,1 0,7 1,5

2007 -3,6 -2,7 -3,0 9,5 3,2 5,9 2,6 1,2 2,0

Profondeur de la pauvreté (P1)

1985 -2,8 -2,8 -2,8 7,7 3,4 5,3 2,8 1,2 1,9

2001 -4,1 -3,2 -3,4 11,7 4,0 7,6 2,9 1,3 2,2

2007 -4,9 -3,3 -3,7 16,5 6,1 10,4 3,4 1,8 2,8

Sévérité de la pauvreté (P2)

1985 -2,7 -3,0 -2,9 10,5 5,2 7,6 3,9 1,7 2,6

2001 -4,5 -3,5 -3,7 15,7 5,9 10,5 3,5 1,7 2,8

2007 -5,3 -3,7 -4,0 21,2 8,7 10,0 4,0 2,4 2,5

Source : Données de base des ENCDM 1984/85 et 2000/01 et de l‟ENNVM 2006/07 et

les calculs sont effectués par l‟auteur à l‟aide du logiciel DAD.

Il ressort des résultats du tableau ci-dessus que la valeur absolue des élasticités de la

pauvreté par rapport à la croissance (dépense par tête) est supérieure à l‟unité, et ce

pour tous les indices de la pauvreté (incidence, profondeur et sévérité) et quel que

soit le milieu de résidence. En d‟autres termes, toute augmentation de la croissance

économique, engendrerait une baisse des différents indices de pauvreté de façon plus

que proportionnelle, pourvu que cette croissance ne génère pas une augmentation de

l‟inégalité. Cependant, si la croissance est négative, la pauvreté dans toutes ses

formes, risque d‟augmenter davantage surtout si ce niveau de croissance n‟est pas

accompagné par une réduction des inégalités.

L‟évolution de ces élasticités au fil du temps montre que la sensibilité de la pauvreté

à la croissance économique a tendance à augmenter en valeur absolue entre 1985 et

2007, et notamment en milieu urbain. C‟est ainsi que l‟élasticité de l‟incidence de

pauvreté est passée de -2,3 à -3,6 en milieu urbain et de -2,3 à -2,7 en milieu rural.

Cette sensibilité devient de plus en plus importante lorsqu‟il s‟agit des autres formes

Page 57: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

56

de pauvreté. En effet, l‟élasticité de la profondeur de pauvreté est passée de -2,8 à -

4,9 en milieu urbain durant cette période et de -2,8 à -3,3 en milieu rural. De même,

la sensibilité de la sévérité de la pauvreté à la croissance économique a évolué de

façon plus remarquable en milieu urbain (de -2,7 en 1985 à -5,3 en 2007) qu‟en

milieu rural (de -3,0 à -3,7 respectivement).

Il ressort également de ces résultats que la croissance économique neutre à

l‟inégalité est de plus en plus réductrice de la pauvreté en milieu urbain qu‟en milieu

rural, dans la mesure où la valeur absolue des élasticités de la pauvreté est

supérieure en milieu urbain qu‟en milieu rural. En d‟autres termes, une

augmentation de la croissance économique (dépense par tête) de 1%, réduira

davantage la pauvreté dans toutes ses formes en milieu urbain qu‟en milieu rural. Il

faudrait donc, plus de croissance économique pour réduire la pauvreté rurale que la

pauvreté urbaine. En revanche, une croissance négative non accompagnée par la

réduction des inégalités engendrera une augmentation plus prononcée de la pauvreté

en milieu urbain qu‟en milieu rural.

A noter également, que ces constats sont également observés à l‟échelle nationale.

En effet, les indices de pauvreté diminuent de façon plus que proportionnelle que

l‟augmentation de la croissance économique et que la sensibilité de la pauvreté à la

croissance économique ne cesse d‟augmenter au fil du temps. C‟est ainsi que cette

sensibilité est passée de -2,2 à -3,0 pour l‟incidence de la pauvreté, de -2,8 à -3,7

pour la profondeur de la pauvreté et de -2,9 à -4,0 pour la sévérité de la pauvreté, et

ce entre 1985 et 2007.

S‟agissant de la sensibilité de la pauvreté à l‟inégalité, il convient de signaler que

durant la période 1985-2007, l‟élasticité de la pauvreté dans toutes ses formes par

rapport à l‟inégalité est plus que deux fois plus importante en milieu urbain qu‟en

milieu rural. Ce qui implique qu‟il y a une forte sensibilité sociale des zones

urbaines vis-à-vis de la variation de l‟inégalité. Donc, toute politique de réduction de

la pauvreté axée sur la réduction de l‟inégalité aurait plus d‟impact en milieu urbain

qu‟en milieu rural.

De même, abstraction faite de l‟incidence de la pauvreté rurale en 1985 et 2001,

toutes les élasticités de la pauvreté par rapport à l‟inégalité sont bien supérieures aux

élasticités relatives à la croissance économique (dépenses par tête). Ainsi, toutes

choses étant égales par ailleurs, une augmentation de 1% de l‟indice de Gini entraîne

une augmentation de l‟incidence de la pauvreté à l‟échelle nationale de 5, 9% en

2007 contre une réduction de 3,0% suite une croissance économique de 1%. Ces

proportions sont respectivement de 10,4% et 3,7% pour la profondeur de la pauvreté

et de 10,0% et 4,0% pour la sévérité de la pauvreté.

La comparaison des élasticités incidence de la pauvreté /croissance et incidence de

la pauvreté /inégalité selon le seuil de pauvreté en 2007 montre une forte sensibilité

de ces élasticités à la croissance parmi les plus pauvres, et ce aussi bien en milieu

urbain qu‟en milieu rural (Cf. graphiques ci-dessous). En effet, plus le seuil de

Page 58: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

57

pauvreté est bas, cas de l‟extrême pauvreté, plus la valeur de l‟élasticité tend à plus

que doubler. Ces résultats suggèrent que l‟extrême pauvreté peut baisser plus vite

que le taux de croissance de la dépense par tête, pourvu que ce dernier n‟entraîne pas

un accroissement de l‟inégalité. En revanche, l‟extrême pauvreté risque également

d‟augmenter si la croissance économique devient négative en termes réels.

En mettant l‟accent sur les plus pauvres, les élasticités de l‟incidence de pauvreté

par rapport à l‟inégalité tendent davantage à s‟éloigner des élasticités relatives aux

dépenses. Ce qui montre que les indices de pauvreté sont plus sensibles à la

variation de l‟inégalité qu‟à la variation du niveau des dépenses, notamment pour les

plus pauvres parmi les pauvres.

Graphique 2.6

Page 59: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

58

La forte sensibilité de la pauvreté à l‟inégalité en comparaison avec la sensibilité de

la pauvreté à la croissance peut-être appréhendée également par le taux marginal

proportionnel de substitution (TMPS) qui permet de calculer les pourcentages avec

lesquels se fait la compensation entre l‟effet de la croissance et l‟effet de l‟inégalité

Graphique 2.7 :

Graphique 2.8 :

Page 60: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

59

pour que la pauvreté n‟augmente pas. Les résultats du tableau 2.11 et les graphiques

(2.6, 2.7 et 2.8) permettent d‟établir les constations suivantes :

- Hormis l‟incidence de la pauvreté en milieu rural, il faut réaliser plus de

croissance suite à une augmentation de l‟inégalité pour que la pauvreté

n‟augmente pas. En 2007, une augmentation de l‟inégalité de 1% à l‟échelle

nationale devrait être accompagnée par une croissance économique de l‟ordre

de 2% pour que l‟incidence de la pauvreté se maintienne à son niveau initial,

de 2,8% pour la profondeur de la pauvreté et 2,5% pour la sévérité de la

pauvreté. Ces pourcentages s‟établissent respectivement à 2,6%, 3,4% et

4,0% en milieu urbain et à 1,2%, 1,8% et 2,4% en milieu rural.

- Le TMPS ne cesse d‟augmenter au fil du temps, ce qui implique que toute

politique de lutte contre la pauvreté doit-être axée essentiellement sur la

réduction des inégalités.

- Le TMPS s‟estompe avec le seuil de pauvreté, c.-à-d. qu‟en mettant l‟accent

sur les plus pauvres parmi les pauvres, le TMPS augmente considérablement.

La croissance économique ne pourra contribuer à la réduction de l‟extrême

pauvreté que lorsqu‟elle est conjuguée au maintien de l‟inégalité à son niveau

initial ou à sa réduction (le rôle du ciblage des plus pauvres dans la réduction

de la pauvreté et de l‟inégalité est bien illustré dans la section 4, du chapitre

4, relative au ciblage géographique de la pauvreté).

3.2- Résultats de la décomposition dynamique de la pauvreté : approches de Datt & Ravallion et de Shorroks

Les tableaux 2.12, 2.13 et 2.14 donnent les effets de la croissance et de l‟inégalité,

en termes absolus, sur la variation de la pauvreté durant une période donnée. Ces

résultats obtenus selon les méthodes dynamiques de Datt & Ravallion (1999) et de

Shorroks (1992), permettent d‟appréhender les effets de la croissance économique et

de l‟inégalité sur la l‟évolution temporelle de la pauvreté. Il est à signaler que la

comparaison ne peut-être cohérente que lorsqu‟on raisonne en termes réels dans le

but de neutraliser l‟effet de l‟inflation. En d‟autres termes, il s‟agit de déflater les

dépenses de consommation par les seuils de pauvreté.

Page 61: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

60

Tableau 2.12 : décomposition de l’évolution des indices de pauvreté à l’échelle

nationale

Période

Variati

on de

P

Effet de croissance Effet inégalité Résidu

Datt &

Ravallio

n

Shorrok

s

Datt &

Ravallio

n

Shorrok

s

Datt &

Ravallio

n

Shorrok

s

Incidence de pauvreté

1985-01 -5,7 -6,8 -7,1 1,8 1,4 -0,8 --

2001-07 -6,4 -6,8 -6,4 -0,3 0,0 0,7 --

1985-07 -12,1 -12,7 -13,0 1,1 0,9 -0,5 --

Profondeur de pauvreté

1985-01 -2,1 -2,0 -2,1 0,1 0,01 -0,2 --

2001-07 -1,6 -1,7 -1,7 0,1 0,1 0,0 --

1985-07 -3,7 -3,5 -3,66 0,1 -0,03 -0,3 --

Sévérité de pauvreté

1985-01 -1,1 -0,8 -0,9 -0,2 -0,2 -0,1 --

2001-07 -0,6 -0,6 -0,6 0,06 0,0 -0,03 --

1985-07 -1,6 -1,4 -1,4 -0,1 -0,2 -0,1 --

Source : Données de base des ENCDM 1984/85 et 2000/01 et de l‟ENNVM 2006/07 et

les calculs sont effectués par l‟auteur à l‟aide du logiciel DAD.

Les résultats du tableau ci-dessus permettent de conclure que la réduction de la

pauvreté au Maroc au fil du temps était essentiellement due à la croissance

économique. En effet, au cours des périodes 1985-01, 2001-07 et 1985-07, la

croissance positive des dépenses de consommation en termes réels, a engendré une

baisse de l‟incidence de pauvreté en termes absolus respectivement de 7,1%, 6,4% et

13,0% selon l‟approche dynamique de Shorroks. Ces pourcentages s‟élèvent

respectivement à 6,8%, 6,8% et 12,7% selon l‟approche dynamique de Datt &

Ravallion. La croissance économique a également été le principal facteur de

réduction des autres indices de pauvreté (profondeur et sévérité de pauvreté).

A taux de croissance zéro en termes réels, la baisse de l‟inégalité ne contribue que

peu au recul de pauvreté à l‟échelle nationale. Autrement dit, la baisse de l‟inégalité

n‟aurait pas été suffisante pour réduire davantage la pauvreté dans toutes ses formes.

Entre 2001 et 2007, la décomposition de la pauvreté selon la méthode de Shorroks

indique que 124,5% de la baisse de la pauvreté sont imputables à la croissance

économique durant cette période, tandis que le changement dû à l‟augmentation de

l‟inégalité intervient pour 24,5% de l‟augmentation de l‟incidence de pauvreté. Ce

qui implique que sans la forte croissance économique enregistrée durant cette

période, la pauvreté aurait connu une augmentation entre 2001 et 2007. L‟apport de

la croissance économique était également manifeste pour les périodes 1985-01 et

1985-07.

En milieu urbain, la pauvreté n‟a pas cessé de diminuer au cours du temps, et le

changement de pauvreté est dû aux effets conjugués de la croissance économique et

Page 62: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

61

de la redistribution. En effet, bien que l‟impact de l‟inégalité reste moins important

que celui de la croissance, il est loin d‟être négligeable, comme le montrent les

résultats de la décomposition dynamique de Datt & Ravallion et de Shorroks entre

1985 et 2001.

L‟incidence de pauvreté a connu une baisse de l‟ordre 5,7 points de pourcentage

entre 1985 et 2001 et si le seul facteur croissance avait intervenu, cette baisse aurait

été de 3,5 points de pourcentage selon les deux approches de Datt & Ravallion et de

Shorroks, soit une contribution relative de baisse de pauvreté de l‟ordre de 61,4%.

La baisse de l‟inégalité urbaine sur la même période intervient donc pour 38,6% de

la baisse de l‟incidence de pauvreté si les dépenses de consommation ont stagné en

termes réels.

Pour la profondeur et la sévérité de pauvreté, ces proportions s‟élèvent

respectivement à 40% et 30% pour le facteur croissance et de 60% et 70% pour le

facteur inégalité. Ce qui indique que ces deux indices sont très sensibles à la

réduction de l‟inégalité.

Tableau 2.13 : décomposition de l’évolution des indices de pauvreté en milieu

urbain

Période

Variati

on de

P

Effet de croissance Effet inégalité Résidu

Datt &

Ravallio

n

Shorrok

s

Datt &

Ravallio

n

Shorrok

s

Datt &

Ravallio

n

Shorrok

s

Incidence de pauvreté

1985-01 -5,7 -3,5 -3,5 -2,3 -2,2 0,1 --

2001-07 -2,9 -3,4 -3,2 0,2 0,3 0,3 --

1985-07 -8,6 -6,6 -6,5 -2,3 -2,1 0,3 --

Profondeur de pauvreté

1985-01 -2,0 -0,9 -0,8 -1,3 -1,2 0,1 --

2001-07 -0,7 -0,73 -0,75 0,07 0,05 -0,04 --

1985-07 -2,7 -1,8 -1,7 -1,2 -1,0 0,3 --

Sévérité de pauvreté

1985-01 -1,0 -0,4 -0,3 -0,8 -0,7 0,1 --

2001-07 -0,25 -0,24 -0,25 0,01 0,0 -0,02 --

1985-07 -1,3 -0,8 -0,65 -0,7 -0,65 0,2 --

Source : Données de base des ENCDM 1984/85 et 2000/01 et de l‟ENNVM 2006/07 et

les calculs sont effectués par l‟auteur à l‟aide du logiciel DAD.

Entre 2001 et 2007, la diminution de la pauvreté urbaine (-2,9%) est entièrement due

à l‟effet de croissance. En effet, si la redistribution reste inchangée, la croissance

aurait contribué à la baisse de la pauvreté urbaine de 3,4 points de pourcentage selon

l‟approche de Datt & Ravallion (3,2 selon l‟approche de Shorroks). L‟impact de

l‟inégalité dans l‟évolution de la pauvreté en milieu urbain entre 2001 et 2007 reste

non négligeable. Si la dépense en termes réels était restée inchangée, l‟inégalité

aurait contribué à l‟augmentation de la pauvreté de 0,2% (0,3%) selon l‟approche de

Datt & Ravallion (Shorroks).

Page 63: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

62

En termes relatifs, selon l‟approche de Shorroks, 110,3% de la baisse de la part des

pauvres dans le milieu urbain proviennent de la croissance des dépenses de

consommation, ce qui implique que l‟inégalité a contribué à l‟augmentation de

l‟incidence de la pauvreté urbaine durant cette période de l‟ordre de 10,3%. En

d‟autres termes, sans les effets positifs de la croissance, la pauvreté en milieu urbain

aurait enregistré une augmentation entre 2001 et 2007.

La contribution de l‟inégalité à la baisse de la profondeur et de la sévérité de la

pauvreté est nulle selon l‟approche de Shorroks. En d‟autres termes, 100% de la

baisse observée de ces indices de pauvreté est imputable à l‟effet croissance.

En s‟intéressant à une longue période allant de 1985 à 2007, l‟effet croissance

intervient dans 76% de la baisse de l‟incidence de pauvreté en milieu urbain s i la

redistribution est restée constante. L‟inégalité quant à elle, a contribué pour 24%

dans la réduction de l‟incidence de la pauvreté urbaine entre 1985 et 2007. Quant à

la baisse de la profondeur de pauvreté, l‟effet de croissance a contribué pour 63,0%

et celui de l‟inégalité a contribué pour 37,0%. La baisse de la sévérité de pauvreté

urbaine durant cette période a été équitablement partagée entre effet de croissance et

effet de redistribution, soit 50% chacun.

Il ressort des résultats de la décomposition de l‟évolution des indices de pauvreté en

milieu urbain que toute action de lutte contre la pauvreté doit être axée aussi bien sur

la croissance que sur la redistribution des revenus. En effet, les résultats obtenus

montrent que la réduction de la pauvreté urbaine entre les différentes périodes était

le résultat conjugué de l‟effet de croissance et de l‟effet redistribution des revenus.

La réduction des inégalités en milieu urbain contribuerait à la réduction de la

pauvreté urbaine abstraction faite du niveau de croissance enregistré.

En milieu rural, on observe le même schéma que celui enregistré à l‟échelle

nationale, c'est-à-dire que la baisse de la pauvreté rurale est due essentiellement à

l‟effet de la croissance et que l‟inégalité n‟en contribue que peu.

Si l‟on s‟intéresse à la période 1985-2001, la décomposition de la pauvreté rurale

montre que si le facteur redistribution des revenus reste constant, le facteur

croissance aurait contribué à la réduction de l‟incidence de la pauvreté de 2,1% en

termes absolus (2,3%) selon l‟approche de Datt & Ravallion (Shorroks). La baisse

réelle de l‟incidence de pauvreté rurale était de 1,8%, ce qui implique que le facteur

inégalité a conduit à l‟augmentation de l‟incidence de pauvreté de 0,7% (0,5%)

selon l‟approche de Datt & Ravallion (Shorroks).

Contrairement à son impact négatif sur l‟incidence de pauvreté, l‟inégalité a

contribué à la réduction de la profondeur de pauvreté rurale en termes relatifs de

37,5% et de la sévérité de pauvreté rurale de l‟ordre de 57,1%. En d‟autres termes,

les changements dans la distribution des revenus entre 1985 et 2001 ont entraîné une

légère augmentation de la part des pauvres en milieu rural tout en améliorant la

Page 64: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

63

situation des plus pauvres et ce en réduisant l‟écart qui sépare les pauvres du seuil de

pauvreté.

Tableau 2.14 : décomposition de l’évolution des indices de pauvreté en milieu rural

Période

Varia

tion

de P

Effet de croissance Effet inégalité Résidu

Datt &

Ravallio

n

Shorrok

s

Datt &

Ravallio

n

Shorrok

s

Datt &

Ravallio

n

Shorrok

s

Incidence de pauvreté

1985-01 -1,8 -2,1 -2,3 0,7 0,5 -0,4 --

2001-07 -10,7 -13,3 -13,2 2,5 2,5 0,0 --

1985-07 -12,5 -14,1 -14,5 2,5 2,0 0,9 --

Profondeur de pauvreté

1985-01 -1,2 -0,7 -0,75 -0,4 -0,45 -0,1 --

2001-07 -2,6 -3,4 -3,5 1,1 0,9 -0,3 --

1985-07 -3,8 -4,1 -4,3 0,7 0,5 -0,4 --

Sévérité de pauvreté

1985-01 -0,7 -0,3 -0,3 -0,4 -0,4 0,04 --

2001-07 -1,0 -1,3 -1,4 -0,5 0,4 -0,2 --

1985-07 -1,7 -1,7 -1,8 -0,2 0,1 -0,2 --

Source : Données de base des ENCDM 1984/85 et 2000/01 et de l‟ENNVM 2006/07 et

les calculs sont effectués par l‟auteur à l‟aide du logiciel DAD.

Durant la période 2001-2007, l‟inégalité rurale a amorti l‟effet de la croissance sur

la réduction de l‟incidence de pauvreté. En effet, la baisse de l‟incidence de pauvreté

aurait été de 13,3 points de pourcentage (13,2%) selon l‟approche dynamique de

Datt & Ravallion (Shorroks) si l‟inégalité des revenus est restée neutre. Cela veut

dire que l‟inégalité a réduit l‟impact de l‟effet de croissance sur la baisse de la

pauvreté en milieu rural de près 20%, soit une baisse observée de l‟incidence de la

pauvreté de 10,7 points de pourcentage au lieu de 13,3%.

Cet effet réducteur de l‟inégalité est plus prononcé lorsqu‟il s‟agit de la profondeur

et de la sévérité de pauvreté. En effet, le facteur inégalité a contrarié l‟impact de

l‟effet croissance sur la baisse de la profondeur de la pauvreté de 25,3% et de 28,6%

sur la baisse de la sévérité de la pauvreté. De ces indices, on peut déduire que toute

action entreprise pour lutter contre la pauvreté en milieu rural doit-être axée aussi

bien sur la croissance économique que sur la réduction de l‟inégalité au sein de la

population rurale.

S‟agissant de la période 1985-2007, on assiste au même schéma que celui de la

période 2001-2007, c'est-à-dire que l‟impact de l‟effet de croissance sur la réduction

de la pauvreté a été freiné par la hausse des inégalités mais de façon plus modérée.

L‟effet réducteur de la hausse des inégalités s‟est établi à 13,8% pour l‟incidence de

la pauvreté, 11,7% pour la profondeur de la pauvreté et de 5,6% pour la sévérité de

la pauvreté.

Page 65: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

64

Il ressort des résultats de la décomposition dynamique des indices de la pauvreté en

milieu rural que tout impact négatif d‟une augmentation de l‟inégalité devra être

absorbé par une forte relance de la croissance économique axée sur la demande des

ménages ruraux.

Section 4 : La croissance économique est-elle pro-pauvre ?

Il s‟agit dans cette question d‟appréhender le phénomène de la pauvreté au Maroc à

travers l‟évaluation et l‟analyse de l‟impact de la croissance économique sur les plus

pauvres.

Paragraphe 1 : Le cadre théorique

D‟un point de vue théorique le concept de croissance pro-pauvre s‟appuie sur les

travaux portant sur le « triangle pauvreté – croissance – inégalités » (Bourguignon

2003). Si l‟on mesure la pauvreté de façon absolue à l‟aide du taux de pauvreté

(pourcentage de la population se trouvant au dessous du seuil de pauvreté), que l‟on

définit la croissance comme étant le pourcentage de variation du revenu moyen, et

que les inégalités sont approchées par les disparités dans les revenus relat ifs de

l‟ensemble de population. Alors ces travaux montrent arithmétiquement que la

variation de la pauvreté est une fonction du taux de croissance et de la variation de

la distribution du revenu national. En d‟autres termes, la variation du taux de

pauvreté peut être décomposée en deux effets : un effet « croissance » qui résulte de

la variation du revenu moyen (indépendamment de la distribution du revenu

national) et un effet « redistribution » qui résulte d‟un changement dans la

répartition du revenu national (indépendamment du revenu moyen)26

. La

décomposition de la pauvreté en effet « croissance » et effet « inégalité » est à la

base de la construction d‟un indice de croissance pro-pauvre.

Selon la littérature consacrée à l‟étude de la relation entre la croissance économique

et la pauvreté (Ravallion et Datt (199227

), Datt (1998), Kakwani et Pernia (200028

),

Ravallion et Chen (200429

)), les politiques économiques relatives à la croissance

pourront être considérées comme pro-pauvre si elles permettent d‟augmenter le

revenu des plus pauvres plus que proportionnellement par rapport à celui du reste de

la population. Ce qui va permettre de réduire de façon significative les inégalités et

de résoudre les problèmes liés au manque d‟équité et d‟égalité sociale.

26

GRIFFONI C.L. (2005) “croissance économique et pauvreté : une application de l‟indice de croissance

pro-pauvre au cas du Maroc entre 1985 et 1999 », CEFI, Université de la Méditerranée (Aix-Marseille II).

27

Ravallion M. and Datt G., 1992. « Growth and Redistribution Component of Changes in Poverty

Measures : A decomposition with Applications to Brazil and India in the 1980‟s. » Journal of

Development Economics 38, 275-295.

28

Kakwani N. et Pernia E.M., (2000), « Pro-poor Growth and Income Inequality », Asian Development

Bank.

29

Ravallion M. et Chen S., (2004), « Measuring Pro-poor Growth », World Bank, Working Paper N°

2666.

Page 66: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

65

Comme dans la plupart des travaux théoriques et empiriques, la croissance pro-

pauvre est mise en évidence, d‟une part, à l‟aide de la construction de l‟ indice de

croissance pro-pauvre en appliquant la décomposition de Datt et Ravallion (1992), et

d‟autre part, à l‟aide de la construction de la courbe de l‟incidence de la Croissance

de Ravallion et Chen (2004).

1.1- Construction de l’indice de la croissance pro-pauvre

A l‟instar de McCulloch et Baulch (1999), la construction de l‟indice de croissance

pro-pauvre se réfère à la comparaison entre la réduction de la pauvreté observée

suite à une augmentation du revenu avec la diminution de la pauvreté observée si les

gains de la croissance avaient été équitablement répartis. Il s‟agit de corriger le taux

de croissance économique du biais « inégalités » afin d‟évaluer avec quelle forme

cette croissance a profité aux pauvres. Dans ce type d‟approche, outre le taux de

croissance du revenu moyen, la réduction de la pauvreté dépend également de la

variation de la distribution des revenus. Pour évaluer l‟impact de la croissance

économique sur la pauvreté, on mesure séparément son impact sur le revenu moyen

(facteur revenu) et son impact sur la distribution (facteur inégalités). A partir des

poids de ces deux effets dépendra la valeur de l‟indice de croissance pro-pauvre.

La variation de la pauvreté ΔP observée suite à une variation du PIB

(Consommation) entre deux périodes, peut être décomposée de sorte que :

ΔP = FR + FI

- Le facteur revenu noté FR mesure la part de la variation de la pauvreté

imputable au seul effet de la variation du revenu moyen. Il s‟agit de la

variation de l‟indice de pauvreté entre deux périodes si la distribution des

revenus était restée constante ;

- Le facteur inégalités noté FI mesure la part de la variation de la pauvreté

imputable au seul effet de la variation de la distribution des revenus entre

deux périodes. Le revenu moyen étant resté constant.

S‟agissant de l‟effet revenu, il sera négatif si l‟économie connaît une phase

d‟expansion et positif dans le cas contraire. En d‟autres termes, il existe une relation

négative entre le facteur revenu et le taux de croissance de revenu.

La relation entre le facteur inégalités et le taux de croissance dépend de la manière

selon laquelle la variation du PIB modifie la courbe de Lorenz. Si la richesse totale

est répartie de façon équitable, alors le facteur inégalités FI sera négatif puisqu‟il

continue à réduire la pauvreté. Inversement, si l‟accroissement du PIB modifie la

distribution des revenus en défaveur des plus démunis, alors le facteur inégalités FI

sera positif c‟est-à-dire, il augmente la pauvreté.

Parmi les constructions de l‟indice de la croissance pro-pauvre les plus utilisées, on

peut citer celle de Kakwani et Pernia (2000). L‟indice de croissance pro-pauvre,

selon ces derniers, est défini comme suit :

Page 67: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

66

FR

FIFR

FR

P

L‟interprétation de l‟indice de croissance pro-pauvre dépend de la nature de

l‟économie. Est-ce que nous sommes en phase d‟expansion ou récession

économique ?

1. Cas d‟une phase d‟expansion économique (G>0 et FR<0)

- Si Ω>1, si le revenu moyen augmente, on assiste à une baisse de l‟indice de

pauvreté, via le facteur revenu. L‟inégalité contribue également à cette

baisse. Le facteur inégalités FI étant alors négatif, ce qui traduit une

redistribution des richesses favorables aux pauvres, et génère une baisse de

l‟indice de pauvreté. en d‟autres termes, les deux effets contribuent ensemble

à la baisse de l‟indice de pauvreté. on parle donc de croissance pro-pauvre.

- Si 0<Ω<1, la baisse de l‟indice de pauvreté induite par le facteur revenu est

atténuée par le facteur inégalités dû à une redistribution des richesses

défavorable aux pauvres (FI>0 et FI<FR en valeur absolue). On parle donc

dans ce cas de croissance faiblement pro-pauvre.

- Si Ω<0, la baisse de l‟indice de pauvreté liée au facteur revenu n‟arrive pas à

compenser son augmentation liée au facteur inégalités de sorte qu‟à la fin

l‟indice de pauvreté augmente (FI>0 et FI>FR en valeur absolue). On parle

donc dans ce cas de croissance anti-pauvre.

2. Cas d‟une phase de récession économique (G<0 et FR<0)

L‟interprétation dans ce cas est la suivante selon la valeur de Ω :

- Si Ω>1, la période est qualifiée de récession anti-pauvre.

- Si 0<Ω<1, la période est qualifiée de récession faiblement pro-pauvre.

- Si Ω<0, la période est qualifiée de récession pro-pauvre.

Généralement, l‟interprétation de l‟indice de croissance pro-pauvre Ω est synthétisée

dans le tableau ci-après.

Page 68: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

67

Tableau 2.15: Interprétation de l’indice de croissance pro-pauvre Ω selon le signe G

Valeur de G Valeur de Ω Interprétation

Phase d’expansion

économique

(G>0)

Ω>1 croissance pro-pauvre

0<Ω<1 croissance faiblement pro-pauvre

Ω<0 croissance anti-pauvres

Phase de récession

économique

(G<0)

Ω>1 croissance anti-pauvres

0<Ω<1 croissance faiblement pro-pauvre

Ω<0 croissance pro-pauvre

1.2- La croissance pro-pauvre selon Ravallion & Chen (2004) : la courbe d’incidence de la croissance (CIC)

Pour savoir si la croissance est pro-pauvre ou non, Ravallion et Chen (2004) ont mis

en œuvre une approche basée sur la courbe d‟incidence de la croissance (CIC). Cette

approche permet de mesurer le taux de croissance du revenu ou de la consommation

par personne de chaque percentile, le long de la courbe de distribution de revenu

entre deux périodes t-1 et t. La courbe d‟incidence de la croissance se définit comme

suit :

1)1()(1

)(

)(

t

pt

pt

ptL

Lg

avec 11

1)(1

)(

)( t

tt

pt

pt

pt ety

yg

où )( pt

g est le taux de croissance du revenu (consommation), )( pt

y du pième

percentile

entre t-1 et t, )( pt

L la pente de la courbe de Lorenz en t et t

le taux de croissance moyen

du revenu (dépense).

Si 0)(

ptg pour tous les percentiles (p), alors la croissance réduira la pauvreté.

La CIC représente les percentiles de population (classés par revenu/consommation)

sur l‟axe des abscisses et le taux de croissance du revenu (consommation) par tête de

percentile correspondant, sur l‟axe des ordonnées.

- Lorsque les taux de croissance )( ptg

sont tous positifs pour tous les

percentiles, il y a dominance stochastique de premier ordre de la distribution

de t par rapport à celle de t-1. La croissance se révèle donc pro-pauvre en

termes absolus. Par contre, si la courbe change de signes, autrement dit si la

dominance du premier ordre est violée, il est impossible de conclure sur la

seule base de cette mesure.

Page 69: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

68

- L‟analyse de la pente de la courbe permet également d‟estimer, à quel degré,

la croissance a été pro-pauvre en termes relatifs. Si la pente est négative,

c'est-à-dire si le taux de croissance du revenu (dépense) des percentiles les

plus bas (les plus pauvres) augmente plus vite que celui des percentiles les

plus élevés, la croissance est dite pro-pauvre en termes relatifs. Il en est de

même, lorsque le taux de décroissance du revenu (dépense) est plus faible

pour les percentiles les plus bas (les plus pauvres) que pour les percentiles les

plus élevés.

La mesure de la croissance pro-pauvre peut être adaptée pour n‟importe quel

indicateur de bien être, monétaire ou non-monétaire. La plupart des travaux

empiriques sur la croissance pro-pauvre l‟utilisent pour la dimension monétaire,

mais certaines études publiées récemment étendent l‟analyse à la dimension non -

monétaire en utilisant la CIC comme mesure (Gunther et al, 2006 et El Khider A. et

al, 2008).

Paragraphe 2 : Présentation et analyse des résultats

Il s‟agit dans ce paragraphe d‟appliquer les deux approches précédemment citées

dans le cadre théorique sur les données marocaines. C‟est ainsi que dans un premier

point nous calculons les indices de croissance pro-pauvre selon l‟approche de

Kakwani et de Pernia (2000) et dans un deuxième point nous construisons la courbe

d‟incidence de croissance basée sur l‟approche de Ravallion & Chen (2004).

2.1- L’indice de croissance pro-pauvre

L‟indice de croissance pro-pauvre est calculé à partir de la décomposition de la

variation des indices de pauvreté présentée dans les tableaux relatifs à la

décomposition dynamique de la pauvreté de Shorroks (section précédente). Les

résultats de cet indice sont présentés dans le tableau ci-après.

Il ressort de ces résultats, qu‟en termes de l‟incidence de la pauvreté, entre 1985 et

2007, la croissance n‟était pas forcément pro-pauvre à l‟échelle nationale. En effet,

l‟indice de croissance pro-pauvre est inférieur à l‟unité (0,93), c'est-à-dire que le

facteur « inégalités » a sensiblement réduit les effets bénéfiques de la croissance en

termes de lutte contre la pauvreté. Dans ce cas, les riches ont bénéficié de façon plus

que proportionnelle de la croissance que les pauvres. La période 1985-2001 a été

également caractérisée par une croissance faiblement pro-pauvre dans la mesure où

l‟indice de croissance pro-pauvre Ω est égal à 0,80.

L‟indice de croissance pro-pauvre relatif à la période 2001-07, montre que la

croissance a été juste pro-pauvre. En d‟autres termes, la croissance économique

réalisée au Maroc durant la période 2001-07 a été équitablement partagée entre les

pauvres et les non pauvres. La diminution de l‟incidence de la pauvreté a été due

intégralement à la croissance, c'est-à-dire que le taux de croissance d‟équivalent

pauvreté est équivalent au taux effectivement enregistré par l‟économie.

Page 70: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

69

La croissance pro-pauvre réalisée au Maroc pourrait être le résultat conjugué des

politiques publiques suivies par l‟Etat en termes d‟augmentation des dépenses

publiques en infrastructures sociales et de l‟investissement dans les services sociaux

d‟une part, et d‟autre part, de l‟effet de l‟ouverture des frontières (les effets des

différents accords du libre échange). Selon la théorie30

, l‟ouverture des économies

favorise l‟amélioration du facteur abondant. Au Maroc, le facteur abondant est le

facteur travail et donc l‟ouverture a joué en faveur de ce facteur, surtout le travail

non qualifié, au détriment du capital, générant par conséquent, des gains en faveur

des plus pauvres.

S‟agissant de la profondeur de la pauvreté, le processus de croissance durant les

différentes périodes, peut-être qualifié de croissance pro-pauvre dans la mesure où

l‟indice de croissance pro-pauvre Ω est égal à l‟unité. Quant à la sévérité de la

pauvreté, l‟indice de croissance pro-pauvre montre que la croissance a profité

beaucoup plus aux pauvres qu‟aux riches durant les périodes 1985-2001 et 1985-

2007, soit des indices de croissance pro-pauvre de l‟ordre de 1,22 et 1,14

respectivement, alors que durant la période 2001-07, la croissance économique a été

juste pro-pauvre, c'est-à-dire que les fruits de la croissance étaient équitablement

répartis entre les riches et les pauvres sans générer une aggravation des inégalités.

Tableau 2.16 : Evolution de l’indice de croissance pro-pauvre au Maroc selon le

milieu de résidence et les différents indices de pauvreté

Période

Urbain Rural Ensemble

1985

-01

2001

-07

1985

-07

1985

-01

2001

-07

1985

-07

1985

-01

2001

-07

1985

-07

Incidence de pauvreté

Variation de P -5,7 -2,9 -8,6 -1,8 -10,7 -12,5 -5,7 -6,4 -12,1

Effet de croissance -3,5 -3,2 -6,5 -2,3 -13,2 -14,5 -7,1 -6,4 -13,0

Indice de croissance

pro-pauvre 1,63 0,91 1,32 0,78 0,81 0,86 0,80 1,00 0,93

Profondeur de pauvreté

Variation de P -2,0 -0,7 -2,7 -1,2 -2,6 -3,8 -2,1 -1,6 -3,7

Effet de croissance -0,8 -0,75 -1,7 -0,75 -3,5 -4,3 -2,1 -1,7 -3,66

Indice de croissance

pro-pauvre 2,5 0,93 1,59 1,60 0,74 0,88 1,00 0,94 1,01

Sévérité de pauvreté

Variation de P -1,0 -0,25 -1,3 -0,7 -1,0 -1,7 -1,1 -0,6 -1,6

Effet de croissance -0,3 -0,25 -0,65 -0,3 -1,4 -1,8 -0,9 -0,6 -1,4

Indice de croissance

pro-pauvre 3,33 1,00 2,00 2,33 0,71 0,94 1,22 1,00 1,14

Source : Traitements effectués par l‟auteur sur la base des données de base des ENCDM

1984/85 et 2000/01 et de l‟ENNVM 2006/07.

30

T. M. Rybczynski, "Factor Endowments and commodity prices" Economica n°22 p. 336-341, 1955

Page 71: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

70

Selon le milieu de résidence et en termes d‟incidence de la pauvreté, il y a lieu de

souligner qu‟en milieu urbain, la croissance réalisée durant les périodes 1985-2001

et 1985-2007 n‟a pas aggravé les inégalités, cela veut dire que le processus de

croissance durant ces périodes a été pro-pauvre. En d‟autres termes, les fruits de la

croissance ont profité beaucoup plus aux classes pauvres qu‟aux classes aisées

engendrant non seulement une réduction de la pauvreté mais également une baisse

des inégalités. Les indices de croissance pro-pauvre enregistrés durant ces périodes

en milieu urbain dépassent de loin la valeur 1, soit respectivement 1,63 et 1,32.

La période 2001-07 a connu une diminution de la pauvreté urbaine de l‟ordre 2,9

points de pourcentage. Mais si la distribution était restée constante, la baisse de

l‟indice de pauvreté aurait été de 3,2 points de pourcentage, donnant lieu à un indice

de croissance pro-pauvre Ω juste inférieur à l‟unité (0,91). Cela veut dire que les

riches citadins durant cette période ont vu leurs dépenses de consommation

s‟accroissent relativement plus que les dépenses des pauvres.

On aboutit aux mêmes conclusions pour les autres indices de pauvreté (profondeur et

sévérité), à savoir que durant les périodes 1985-01 et 1985-07, la croissance

économique a été fortement pro-pauvre, alors que pour la période 2001-07, la

croissance a été juste pro-pauvre pour la sévérité de la pauvreté et vers une

croissance pro-riches pour la profondeur de la pauvreté. En effet, les indices de

croissance pro-pauvre Ω ont affiché des valeurs de 2,5 durant la période 1985-01,

1,59 durant la période 1985-07 et 0,93 durant la période 2001-07 pour la profondeur

de la pauvreté et 3,33, 2,0 et 1,0 respectivement pour la sévérité de la pauvreté.

En ce qui concerne le milieu rural, l‟analyse des résultats du tableau ci-dessus met

en évidence une situation largement différente que celle observée dans le milieu

urbain. Au cours de la période 1985-2001, le milieu rural a connu une phase

d‟expansion économique caractérisée par une diminution du taux de pauvreté de 1,8

point de pourcentage. La valeur du facteur revenu FR montre que si la variation de

la dépense par tête s‟était opérée sans modification de la courbe de Lorenz, le taux

de pauvreté aurait été chuté de 2,3 points.

Le facteur inégalités a donc joué en défaveur des plus pauvres. L‟indice de

croissance pro-pauvre Ω prend la valeur 0,78 et traduit une croissance faiblement

pro-pauvre dans la mesure où l‟impact de la croissance réalisée sur la baisse de la

pauvreté a été freiné par une augmentation des inégalités. En revanche, si l‟on

examine la profondeur et la sévérité de la pauvreté, on aboutit à d‟autres résultats.

Les effets revenu et inégalités ont contribué ensemble à la réduction de la

profondeur et de la sévérité de la pauvreté en milieu rural entre 1985 et 2001.

L‟indice Ω de croissance pro-pauvre obtenu (supérieur à 1) traduit une phase de

croissance favorable aux déciles inférieurs de la distribution. En somme, la

redistribution des richesses durant la période 1985-01 aurait entraîné une hausse de

l‟incidence de la pauvreté, mais en même temps, aurait contribué à réduire l‟écart

qui sépare les pauvres du seuil de pauvreté.

Page 72: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

71

Concernant les autres périodes, à savoir 2001-07 et 1985-07, il apparaît que l‟impact

de la redistribution des richesses était néfaste aussi bien pour l‟incidence de la

pauvreté que pour la profondeur et la sévérité de la pauvreté. En effet, la croissance

durant ces périodes en milieu rural a été qualifié de faiblement pro-pauvre et ce

quelque soit l‟indice de pauvreté considéré. En d‟autres termes, la croissance

économique en milieu rural durant ces deux périodes a été défavorable aux classes

pauvres. Tous les indices Ω de croissance pro-pauvre étant situés entre 0 et 1.

2.2- La courbe d’incidence de la croissance de Ravallion et Chen

Pour éclaircir mieux et apprécier davantage l‟analyse de la croissance pro-pauvre au

Maroc pour la période allant de 1985 à 2007, nous utilisons la courbe d‟incidence de

la croissance (CIC) de Ravallion et Chen.

La construction de cette courbe a été réalisée à l‟aide du logiciel DAD pour les trois

périodes : 1985-2001, 1985-2007 et 2001-07. Les graphiques ci-après retracent les

courbes d‟incidence de la croissance au Maroc selon les différentes périodes.

Les conclusions qu‟on peut tirer de l‟analyse de ces graphiques rejoignent celles

dégagées à partir du calcul de l‟indice de croissance pro-pauvre précédemment fait

selon l‟approche de Kakwani et Peria.

En effet, en milieu urbain, les graphiques montrent que la croissance a été pro-

pauvre en termes absolus tout au long des différentes périodes considérées puisque

les taux de croissance gt(p) sont tous positifs.

Par ailleurs, on peut constater que la croissance a été pro-pauvre en termes relatifs

durant les périodes 1985-2001 et 1985-2007, puisque les pentes de ces graphiques

sont négatives, c'est-à-dire que le taux de croissance des dépenses de consommation

des percentiles les plus bas (les plus pauvres) est plus important que celui des autres

percentiles notamment les percentiles les plus élevés. En effet, durant la période

1985-2001, le graphique retraçant la courbe d‟indice de la croissance montre que le

taux de croissance des dépenses de consommation des percentiles supérieurs à 30%

avoisine le taux de croissance moyen (gt(p)=14,4%), alors que le taux de croissance

des percentiles inférieurs à 30% est largement supérieur à cette valeur moyenne (soit

un taux de croissance moyen de 23,4%). Il s‟agit de même pour la période 1985-

2007, caractérisée par un taux croissance des dépenses de consommation des

percentiles inférieurs à 25% largement supérieur au taux de croissance global (33%)

et un taux croissance pour les autres percentiles inférieur à cette moyenne.

En revanche, si durant la période 2001-07, la croissance a été pro-pauvre en termes

absolus, elle ne l‟est pas en termes relatifs, puisque les taux de croissance des

dépenses de consommation des percentiles les plus bas (les plus pauvres) sont

asymptotiquement égaux au taux de croissance global (gt(p)=16,7%) réalisé durant

cette période.

Page 73: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

72

Le graphique de l‟incidence de la croissance durant la période 2001-07 montre

également que la classe intermédiaire n‟a pas beaucoup profité des fruits de la

croissance contrairement aux classes pauvres et aux classes aisées. En effet, la

courbe d‟incidence de la croissance se situe au dessous de la droite du taux de

croissance global des dépenses de consommation chez la classe moyenne (dont les

percentiles sont compris entre 25% et 90%).

Graphique 2.9 :

Graphique 2.10 :

Page 74: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

73

Dans le milieu rural, la lecture des graphiques des courbes d‟incidence de croissance

selon les différentes périodes permet de conclure que la croissance a été pro-pauvre

en termes absolus puisque les taux de croissance des dépenses de consommation

étant tous positifs (au niveau de tous les percentiles), générant ainsi une réduction de

la pauvreté.

En termes relatifs, abstraction faite de la période 1985-2001 dont la croissance peut-

être qualifiée de pro-pauvre, dans les autres périodes, les pauvres n‟ont pas tiré

profit de la croissance au même titre que les autres classes et notamment les classes

aisées.

La pente de la courbe d‟incidence de la croissance pour la période 1985-2001 est

négative et se situe au dessus de la droite du taux de croissance global de la dépense

moyenne pour les percentiles inférieurs à 22%. Ce qui montre que la croissance au

cours de cette période s‟est accompagnée par une baisse de la pauvreté et une

réduction de l‟inégalité au sein de la population pauvre. Il ressort alors de ces

résultats que la croissance a été pro-pauvre durant la période 1985-2001 en milieu

rural. Cette conclusion n‟a été vérifiée par l‟indice de croissance pro-pauvre de

Kakwani et Pernia que pour la profondeur et la sévérité de la pauvreté.

La courbe d‟incidence de la croissance entre 1985 et 2007 est croissante et montre

que le taux de croissance global de la dépense moyenne pour les percentiles se

situent entre 1% et 70% est inférieur au taux de croissance global de la dépense

moyenne de l‟ensemble de la population (CIC est au dessous de la droite de la

croissance de la dépense moyenne). Cette situation montre que les gains tirés de la

croissance par les populations pauvre, modeste et moyenne sont moins

proportionnels que ceux réalisés par la population aisée. En d‟autres termes, la

Graphique 2.11 :

Page 75: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

74

croissance n‟était pas pro-pauvre durant cette période et a contribué à l‟accentuation

de l‟inégalité en milieu rural.

Entre 2001 et 2007, la croissance n‟a pas été non plus pro-pauvre en milieu rural

comme le montre le graphique de la CIC. En effet, la pente de la courbe d‟incidence

de la croissance durant cette période étant positive et 50% de la population la moins

aisée ont réalisé un taux de croissance de la dépense moyenne inférieur au taux de

croissance global de la dépense moyenne de toute la population rurale (31,3%). Ce

résultat peut-être dû à la faible augmentation du salaire journalier dans le secteur

agricole31

, alors que la valeur ajoutée du secteur « agriculture, forêt et pêche »

durant cette période a connu une augmentation annuelle moyenne de l‟ordre de 6,2%

(4,5% pour la valeur ajoutée globale32

).

31

Le SMAG a enregistré qu‟une augmentation de 10% en passant de 45,5 DH par jour (en 2000) à 50 DH

par jour (depuis 2004).

32

Comptes nationaux 1980-2008 (Base 1998), avril 2010 dans

http://www.hcp.ma/pubData/comptabiliteNationale//ComptesNat19802008.pdf

Graphique 2.12 :

Page 76: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

75

Au niveau national, les courbes d‟incidence de la croissance pour les différentes

périodes montrent que la croissance a été pro-pauvre en termes absolus. En effet, les

taux de croissance gt(p) sont tous positifs, c'est-à-dire que les courbes sont toutes au-

dessus de zéro. Cette croissance positive réalisée durant ces périodes a conduit à une

réduction de la pauvreté à l‟échelle nationale.

Graphique 2.14 :

Graphique 2.13 :

Page 77: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

76

Les courbes d‟incidence de la croissance durant les périodes 1985-2001 et 1985-

2007 sont presque similaires. Outre qu‟elles soient au-dessus de zéro, elles sont

également décroissantes pour les classes pauvre et modeste, ce qui montre qu‟il y a à

la fois une baisse de la pauvreté au cours de ces périodes et également une réduction

de l‟inégalité au sein des pauvres.

Cependant, il y a lieu de signaler que seulement 7% de la population la moins aisée

(la plus pauvre) se sont vus réaliser un taux de croissance de la dépense moyenne

supérieur au taux de croissance de la dépense moyenne de l‟ensemble de la

population (gt(p)=20,2%). Un tel constat ne permet pas de trancher de manière

définitive sur la dimension pro-pauvre de la croissance durant ces deux périodes à

l‟échelle nationale en termes relatifs. Ces résultats rejoignent ceux obtenus à partir

du calcul de l‟indice Ω de la croissance pro-pauvre de Kakwani et Chen.

Contrairement aux milieux urbain et rural, la courbe d‟incidence de la croissance

entre 2001 et 2007 montre que la croissance était bel et bien pro-pauvre. En effet, si

l‟on exclut les 5% de la population la plus pauvre qui ont réalisé un taux de

croissance de la dépense moyenne inférieur à celui réalisé par l‟ensemble de la

population, le reste de la population pauvre et la population moyenne ont enregistré

un taux de croissance de la dépense moyenne largement supérieur. Cela veut dire

que la population pauvre et la population dont la dépense est inférieure à la médiane,

ont profité beaucoup plus des fruits de la croissance que le reste de la population.

Cette situation s‟explique beaucoup plus par la maîtrise des inégalités à l‟échelle

nationale entre 2001 et 2007.

Graphique 2.15 :

Page 78: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

77

Après avoir vu dans les sections précédentes, l‟évolution de la pauvreté au Maroc, sa

dynamique et le rôle de la croissance et de l‟inégalité dans cette dynamique, il est

question dans les sections suivantes de voir le profil comparé des populations

pauvre, vulnérable et aisée et de dégager par la suite les déterminants de la pauvreté

et des niveaux de vie.

Graphique 2.16 :

Graphique 2.17 :

Page 79: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

78

Section 5 : Le profil de la pauvreté monétaire au Maroc

Il s‟agit dans cette section de dresser le profil de la population pauvre et vulnérable

au Maroc, en comparaison avec celui de la population aisée. La référence sera faite

aux données de l‟Enquête Nationale sur les Niveaux de Vie des Ménages (ENNVM)

2006/07. L‟objet étant donc de mieux apprécier la nature et les caractéristiques

actuelles de la pauvreté monétaire au Maroc. C‟est ainsi qu‟il sera question de voir

les caractéristiques sociodémographiques et socioéducatives des groupes sociaux,

d‟en traiter les caractéristiques socioéconomiques à travers l‟emploi, d‟étudier leur

degré d‟accessibilité aux services de soins de santé et aux autres services sociaux de

base et enfin d‟étudier les caractéristiques de logement de ces groupes sociaux, et

ceci dans le but de mieux cerner les facteurs favorisant la probabilité d‟occurrence

de la pauvreté.

Paragraphe 1 : Pauvreté et caractéristiques sociodémographiques

1.1- L’effet de la taille moyenne des ménages et la structure par âge

Une taille moyenne plus élevée chez les pauvres : la taille moyenne des ménages

est un facteur déterminant des conditions de vie des ménages. En effet, plus la taille

du ménage est élevée, plus le ménage est exposé au risque de la pauvreté et vice-

versa. Selon les données de l‟ENNVM 2006/07, la taille moyenne des ménages au

Maroc est de l‟ordre de 5,1 personnes. Cette moyenne cache des disparités selon le

milieu de résidence et selon également le niveau de vie. C‟est ainsi que la taille

moyenne des ménages ruraux est de l‟ordre de 5,6 membres alors que celle des

ménages citadins n‟est que de 4,8 membres.

Selon le niveau de vie des ménages et abstraction faite du milieu de résidence, la

taille moyenne des ménages pauvres est la plus élevée (7,0), suivie par celle des

vulnérables (6,2), tandis que la taille moyenne des ménages aisés n‟est que de 3,9

personnes. Ces tailles moyennes s‟élèvent respectivement à 6,5, 5,9 et 3,7 personnes

en milieu urbain et à 7,2, 6,6 et 4,3 personnes en milieu rural.

L‟indicateur du niveau de vie (dépense par tête) pris en compte dans l‟estimation de

la pauvreté et qui ne prend pas en considération les économies d‟échelle réalisées au

sein des ménages, peut expliquer en grande partie, la taille élevée des ménages

pauvres et vulnérables.

Une forte proportion des moins de 15 ans : la composition de la population par

groupe d‟âges montre que la proportion des enfants de moins de 15 ans est la plus

élevée chez les populations à faible niveau de vie. Les enfants de moins de 15 ans

représentent un peu plus du tiers (34,4%) de la population pauvre. Cette proportion

atteint 30,5% chez la population vulnérable et uniquement 21,2% chez la population

aisée. Ce résultat reste également confirmé selon le milieu de résidence. C‟est ainsi

que 32,9% des citadins pauvres et 30,1% des citadins vulnérables sont des enfants de

Page 80: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

79

moins de 15 ans, contre seulement 22u, 0% chez les citadins aisés. Ces proportions

s‟élèvent respectivement à 35,0%, 30,5% et 18,8% en milieu rural.

La forte présence des enfants de moins de 15 ans parmi les ménages pauvres et

vulnérables, se justifie par une fécondité relativement élevée parmi ces couches

sociales comparativement à la population aisée. L‟indice synthétique de fécondité33

ne cesse de diminuer au fur et à mesure que le niveau de vie s‟améliore. Il est de 3,2

enfants par femme chez la population pauvre, de 2,8 enfants par femme chez la

population vulnérable et de seulement 1,6 enfant par femme chez la population

aisée. Ces indices sont respectivement de 2,4, 2,1 et 1,5 en milieu urbain et de 3,6,

3,0 et 1,9 en milieu rural.

1.2- L’effet du sexe du chef de ménage

La ventilation des ménages selon le sexe de leur chef, laisse apparaître que la

majorité des ménages marocains sont dirigés par les hommes (83,4%). Cette

proportion reste la plus fréquente en milieu rural, dans la mesure où les femmes

cheftaines ne représentent que 13,0% contre 18,7% en milieu urbain.

Tableau 2.17 : Répartition de la population selon le sexe du chef de ménage et

les classes des dépenses

En %

Sexe de chef de ménage

Classes des dépenses Masculin Féminin Ensemble

Pauvre 9,2 7,4 8,9

Vulnérable 17,6 16,4 17,4

Intermédiaire 53,2 56,2 53,7

Aisée 20,0 20,0 20,0

Total 100 100 100

Source : Traitements faits par l‟auteur sur la base de l‟ENNVM 2006/07 - HCP.

Selon le niveau de vie des ménages, la proportion de femmes chefs de ménages ne

cesse d‟augmenter au fur et à mesure que le niveau de vie augmente. C‟est ainsi que,

13,8% des ménages pauvres sont dirigés par des femmes, contre 15,1% pour les

ménages vulnérables et 20,0% pour les ménages aisés.

La corrélation positive entre la proportion des ménages dirigés par les femmes et le

niveau de vie des ménages laisse croire que l‟incidence de la pauvreté est plus forte,

chez les ménages dirigés par les hommes que chez les ménages dirigés par les

femmes.

En effet, la ventilation de la population selon les classes des dépenses et le sexe du

chef de ménage montre que l‟incidence de la pauvreté est bel et bien plus importante

chez les ménages dirigés par les hommes que chez les ménages dirigés par les

femmes, soit respectivement des taux de pauvreté de l‟ordre de 9,2% et de 7,4%. Ce

33

L‟indice synthétique de fécondité (ISF) est le nombre moyen d‟enfants qu‟a mis au monde une femme

durant sa vie féconde.

Page 81: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

80

constat ne paraît pas surprenant dans la mesure où la taille moyenne des ménages

dirigés par les hommes (5,4) est plus importante que la taille moyenne des ménages

dirigés par les femmes (3,9).

Tableau 2.18 : caractéristiques sociodémographiques de la population pauvre,

vulnérable et aisée selon le milieu de résidence

Population

pauvre

Population

vulnérable Population aisée Ensemble

Milieu de

résidence

U R Ens. U R Ens. U R Ens. U R Ens.

1. Sexe de chef de ménage

Masculin 84,8 86,9 86,2 81,4 87,8 84,9 79,5 82,8 80,0 81,3 87,0 83,4

Féminin 15,2 13,1 13,8 18,6 12,2 15,1 20,5 17,2 20,0 18,7 13,0 16,6

2. Groupe d’âge de chef de ménage

Moins de 25 ans 0,0 0,0 0,0 0,5 0,9 0,7 1,8 1,8 1,9 1,1 1,0 1,1

De 25 à 44 ans 36,3 42,3 40,3 34,5 37,4 36,1 35,7 34,0 34,8 35,5 36,4 35,8

De 45 ans à 59

ans

42,9 35,8 38,2 45,0 39,4 42,0 38,0 31,6 36,6 40,7 36,1 38,9

60 ans et plus 20,8 21,9 21,5 20,0 22,3 21,3 24,5 32,6 26,7 22,7 26,5 24,2

3. Groupe d’âge de la population

Moins de 15 ans 32,9 35,0 34,4 30,1 30,7 30,5 22,0 18,8 21,2 26,0 26,5 26,2

De 15 à 59 ans 61,2 58,5 59,3 63,9 61,2 62,3 67,3 66,5 67,3 66,0 63,8 65,0

60 ans et plus 5,9 6,5 6,3 6,0 8,1 7,2 10,7 14,7 11,5 8,0 9,7 8,8

4. Taille des ménages et ISF

Taille de

ménages

6,5 7,2 7,0 5,9 6,6 6,2 3,7 4,3 3,9 4,8 5,6 5,1

ISF 2,4 3,6 3,2 2,1 3,0 2,8 1,5 1,9 1,6 1,8 2,7 2,2

Source : Traitements effectués par l‟auteur sur la base de l‟ENNVM 2006/07 - HCP.

Paragraphe 2 : Pauvreté et caractéristiques socioéconomiques

2.1- L’impact de la pauvreté sur l’éducation

Le tableau 2.20 ci- après, donne les principaux indicateurs permettant d‟évaluer le

degré d‟accès de la population pauvre à la scolarisation et à la formation. Si la

lecture de ce tableau permet de confirmer que l‟analphabétisme est davantage

observé chez la population pauvre, elle indique, également que le taux de

scolarisation des enfants âgés de 6 à 14 ans fait l‟objet de grandes disparités selon

les diverses catégories sociales.

En termes statistiques, le taux d‟alphabétisation des pauvres est de 58,6% en milieu

urbain et de 37,2% en milieu rural, contre respectivement 82,7% et 48,0% chez la

population aisée. Quant au taux net de scolarisation34

des enfants âgés de 6 à 14 ans,

il est de 86,2% en milieu urbain et 64,9% en milieu rural chez les pauvres, contre

respectivement 98,6% et 83,9% au niveau des plus favorisés (5éme quintile). Ces

différents taux attestent également des disparités entre les deux sexes. En effet,

49,9% des filles pauvres en milieu rural sont scolarisées contre 79,7% des garçons.

34

Le taux net de scolarisation est la part des élèves scolarisés ayant la limite d‟âge de scolarisation dans

un cycle (ou plusieurs cycles) de l‟enseignement relative à la population ayant un âge correspondant à la

scolarisation dans ce cycle.

Page 82: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

81

Cette différence selon le sexe tend à s‟estomper en milieu urbain, voire même à

s‟inverser. En effet, le taux net de scolarisation des filles issues des couches pauvres

atteint 87,1% en milieu urbain, contre 85,5% chez les garçons.

Le niveau relativement bas de la scolarisation des pauvres âgés de 6 à 14 ans,

s‟explique essentiellement par l‟incapacité financière des parents vis à vis des frais

de scolarisation de leurs enfants. Cette incapacité financière des parents explique

24,9% des raisons de non scolarisation des enfants en milieu urbain et à 36,6% en

milieu rural.

Dans l‟espace rural, d‟autres facteurs sont à l‟origine de la non-scolarisation des

enfants pauvres. Il s‟agit du désintéressement des enfants envers l‟école (14,9%),

des difficultés familiales (6,9%), de la nécessité d‟aider les parents dans leurs

activités (6,1%), de l‟éloignement et des difficultés géographiques et du manque

d‟écoles dans la localité de résidence à raison de 5,4%.

Tableau 2.19 : Raisons de non scolarisation des enfants âgés de 6 à 14 ans issus

des couches pauvres selon le milieu de résidence (en%)

Raisons de non scolarisation Urbain Rural Ensemble

Eloignement / difficultés géographiques 4,3 5,4 5,3

Manque d‟écoles -- 5,4 4,7

Aides des parents -- 6,1 5,2

Obligation de travailler 4,1 1,3 1,6

Manque de moyens 24,9 36,6 35,0

Manque d‟intérêt 22,7 14,9 16,0

Attitude des parents -- 3,3 2,8

Difficultés familiales 20,6 6,9 8,9

Autres 23,4 20,1 20,5

Total 100 100 100

Source : Traitements effectués par l‟auteur sur la base de l‟ENNVM 2006/07 - HCP.

La ventilation du niveau scolaire de la population âgée de 15 ans et plus selon le

niveau de vie montre également qu‟il y a de fortes disparités entre les classes

sociales. En effet, près de la moitié (46,7%) de la population âgée de 15 ans et plus,

n‟ont aucun niveau scolaire à l‟échelle nationale. Ce pourcentage s‟élève à 65,5%

chez la population pauvre, 58,7% chez la population vulnérable et seulement 29,5%

chez la population aisée.

Pour le secondaire et plus, la situation s‟inverse. C‟est parmi les plus aisés que la

proportion de ceux qui ont le niveau secondaire et plus est la plus élevée, soit

36,0%, contre 7,1% chez la population vulnérable et seulement 4,1% chez la

population pauvre.

Les mêmes constants sont également observés quel que soit le milieu de résidence.

En milieu urbain, 49,2% de la population pauvre âgée de 15 ans et plus n‟ont aucun

niveau scolaire et seulement 3,1% ont le secondaire et plus. Ces pourcentages sont

Page 83: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

82

respectivement de 42,0% et 13,0% chez la population vulnérable. La part des ruraux

pauvres n‟ayant aucun niveau scolaire s‟élève à 72,8% contre uniquement 1,9% pour

le secondaire et plus. Ces pourcentages s‟élèvent respectivement à 70,4% e t 2,9%

chez la population rurale vulnérable.

L‟inégal accès de la population à l‟éducation et à la formation peut-être également

appréhendée par les dépenses des ménages consacrées à l‟enseignement. A l‟échelle

nationale, la population aisée dépense 10 fois plus que la population pauvre en

éducation et formation, soit respectivement des dépenses annuelles moyennes par

personne de 748 DH et 67 DH. La population vulnérable quant à elle n‟en consacre

que 97 DH par personne et par an.

Selon le milieu de résidence, les plus grandes disparités en matière des dépenses

d‟éducation et de formation sont observées en milieu urbain. C‟est ainsi que les

pauvres citadins dépensent 89 DH par personne et par an en éducation et formation,

contre 124 DH pour les vulnérables et 888 DH pour les aisés. Ces dépenses s‟élèvent

respectivement à 57 DH, 75 DH et 122 DH en milieu rural.

Il ressort de ce qui précède que la pauvreté va de pair avec l‟analphabétisme et que

les chances de scolarisation des enfants issus des couches pauvres sont relativement

faibles et surtout pour les filles.

Tableau 2.20 : Alphabétisation et scolarisation de la population pauvre, vulnérable

et aisée selon le milieu de résidence

Population

pauvre

Population

vulnérable Population aisée Ensemble

Milieu de

résidence

U R Ens, U R Ens, U R Ens, U R Ens,

1. Taux d’alphabétisation des 10 ans et plus

Masculin 67,4 51,5 56,6 75,3 56,3 64,6 91,4 67,4 86,3 82,7 61,8 73,9

Féminin 50,3 25,1 32,5 51,9 26,0 36,0 74,6 31,3 64,3 62,1 28,2 46,9

Ensemble 58,6 37,2 43,8 63,8 39,8 49,7 82,7 48,0 74,9 72,3 43,9 59,9

2. Taux d’alphabétisation des 15 ans et plus

Masculin 62,1 44,0 49,9 71,3 50,0 59,4 90,6 64,8 85,1 80,6 57,5 71,0

Féminin 42,5 18,3 25,4 46,2 18,2 29,1 72,0 27,4 61,1 57,8 22,2 41,8

Ensemble 51,9 29,8 36,6 58,8 32,5 43,4 81,0 44,5 72,7 69,1 38,4 55,8

3. Taux net de scolarisation des enfants de 6 à 14 ans

Masculin 85,5 79,7 81,4 93,6 77,1 84,3 98,4 87,2 97,7 95,8 82,5 89,9

Féminin 87,1 49,9 60,7 89,5 67,6 75,8 98,8 79,6 95,2 94,5 65,4 81,7

Ensemble 86,2 64,9 71,2 91,8 72,2 80,2 98,6 83,9 96,5 95,1 74,1 85,9

4. Niveau scolaire de la population de 15 ans et plus

Aucun 49,2 72,8 65,5 42,0 70,4 58,7 20,8 58,8 29,5 33,0 64,7 46,7

Fondamental 42,1 25,3 30,4 45,0 26,7 34,2 31,9 33,9 34,5 41,1 30,7 36,6

Secondaire 6,9 1,2 3,0 9,0 2,1 5,0 23,1 5,0 18,7 15,5 3,2 10,2

Supérieur 1,8 0,7 1,1 4,0 0,8 2,1 24,1 2,3 17,3 10,4 1,4 6,5

5. Dépenses annuelles moyennes par personne et par an en DH

89 57 67 124 75 97 888 122 748 442 87 301

Source : Traitements effectués par l‟auteur sur la base de l‟ENNVM 2006/07 - HCP.

Page 84: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

83

2.2- Pauvreté et accès aux soins de santé

Les difficultés d‟accès aux formations sanitaires en milieu rural ainsi que la

faiblesse des niveaux de revenu et de la couverture médico-sanitaire, limitent la

demande de soins de santé. L‟évaluation de l‟état de santé de la population en

fonction du niveau de vie indique que le taux de morbidité (personne malade ou

blessée) de la population pauvre est estimé à 8,1% en milieu urbain et à 7,0% en

milieu rural. Ces pourcentages sont largement inférieurs à ceux observés pour les

couches les plus aisées (le 5ème quintile), soit respectivement 20,8% et 17,3%. Ces

écarts peuvent s‟expliquer par le degré de perception de la sévérité de la maladie qui

varie en fonction du niveau de vie et du milieu de résidence. En effet, pour les

couches pauvres, la maladie se confond généralement avec l‟inactivité totale, alors

que pour les classes aisées, il suffit que la personne soit légèrement blessée pour

qu‟elle se déclare malade.

Cette incidence de la morbidité n‟est pas totalement traduite en demande effective

de consultation médico-sanitaire. C‟est particulièrement parmi les couches pauvres

du milieu rural que la proportion de la population malade qui procède à une

consultation médicale est la plus réduite, soit 47,9% contre 76,4% pour les couches

les plus aisées.

Tableau 2.21 : Accès de la de la population pauvre, vulnérable et aisée aux soins de

santé selon le milieu de résidence

Population

pauvre

Population

vulnérable Population aisée Ensemble

1. Taux de morbidité

Urbain 8,1 11,1 20,8 15,3

Rural 7,0 9,4 17,3 11,7

National 7,3 10,1 20,2 13,7

2. Taux de consultation médico-sanitaire

Urbain 81,8 69,3 87,4 81,7

Rural 47,9 59,7 76,4 68,6

National 59,2 64,1 86,6 76,9

3. Taux de couverture médico-sanitaire

Urbain 2,4 7,2 50,1 25,0

Rural 1,5 0,5 10,0 3,9

National 1,8 3,3 44,4 15,8

Milieu de

résidence

U R Ens, U R Ens, U R Ens, U R Ens,

4. Personnel consulté

Médecin 94,6 91,8 93,1 89,1 89,4 90,3 90,9 93,5 91,6 91,3 91,7 91,4

Dentiste 0,0 0,0 0,0 0,0 0,4 0,2 1,7 0,5 1,5 1,0 0,3 0,8

Pharmacien 1,1 2,0 2,2 8,2 3,5 5,8 6,5 2,5 5,6 6,2 3,4 5,2

Infirmier 1,4 6,2 3,3 2,3 5,0 2,9 0,5 2,8 1,0 0,6 3,8 1,6

Autres 2,9 0,0 1,4 0,4 1,7 0,8 0,4 0,7 0,3 0,9 0,8 1,0

5. Lieu consulté

Public 80,3 47,2 62,4 69,9 54,9 62,1 20,7 38,3 27,4 43,4 46,6 44,4

Privé 19,7 52,8 37,6 30,1 45,1 37,9 79,3 61,7 72,6 56,6 53,4 55,6

6. Dépenses annuelles moyennes par personne en soins de santé en DH

82 65 71 166 156 160 1596 1458 1570 799 427 652

Source : Traitements effectués par l‟auteur sur la base de l‟ENNVM 2006/07 - HCP.

Page 85: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

84

Ce constat est l‟une des conséquences directes de la diffusion limitée de la

couverture médico-sanitaire parmi les populations rurales en général et les pauvres

en particulier. La couverture médico-sanitaire est mieux diffusée parmi les

populations aisées (50,1%) que parmi les populations pauvres (2,4%) en milieu

urbain (respectivement 10,0% et 1,5% en milieu rural).

Selon le lieu de consultation et quelque soit le milieu de résidence, on remarque que

la majorité des personnes relevant des couches sociales aisées effectuent leurs

consultations auprès du secteur privé, en cas de morbidité. En effet, en milieu urbain

près de huit consultations sur dix (79,3%) contre un peu plus de six sur dix (61,7%)

en milieu rural effectuées par les plus aisés sont faites auprès d‟un médecin du

secteur privé. Inversement, la demande de consultation par les populations pauvres

est principalement sollicitée auprès d‟un médecin du secteur public (80,3% dans les

villes et 47,2% en milieu rural). Il en découle que les formations sanitaires

publiques, surtout en milieu urbain, demeurent, de part la tarification de leurs

services, un lieu de consultation privilégié pour les populations pauvres en situation

de morbidité.

En termes de dépenses en soins de santé, les pauvres ne consacrent que 71 DH par

personne et par an de leur budget à ces dépenses, alors que les plus aisés en

consacrent 1570 DH, soit 20 fois de plus. Les vulnérables quant à eux ne dépensent

que 160 DH par personne et par an en soins de santé.

Quel que soit le milieu de résidence considéré, les disparités en termes des dépenses

en soins de santé selon le niveau de vie sont également manifestes. Les pauvres

citadins dépensent en soins de santé 82 dh par personne et par an, contre 166 dh

pour les vulnérables et 1596 dh pour la population aisée. Ces dépenses s‟élèvent

respectivement à 65 dh, 156 dh et 1458 dh, en milieu rural.

Il importe de noter que le taux de morbidité, le taux de consultation médico-sanitaire

et l‟accès aux formations sanitaires privées sont étroitement dépendants de

l‟adhésion de l‟individu à un système de couverture médico-sanitaire. Le tableau ci-

après montre que parmi les personnes couvertes, le taux de morbidité est estimé à

17,5% contre 13,3% parmi les personnes non couvertes. D‟autre part, 85,7% des

personnes malades disposant d‟une couverture médico-sanitaire, ont consulté un

personnel médical. Cette proportion est estimée à 74,7% pour les personnes non

couvertes. Les formations sanitaires privées constituent, en outre, un lieu de

consultation pour les malades disposant d‟une couverture médico-sanitaire à raison

de 68,2% des cas, alors que pour les personnes non couvertes, les consultations se

font presque équitablement auprès des formations publiques (48,8%) et auprès des

formations privées (51,2%).

Page 86: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

85

Tableau 2.22 : Taux de morbidité, taux de consultation médico-sanitaire et lieu de

consultation selon l’état de couverture

En %

Indicateurs Couvert Non couvert

Taux de morbidité 17,5 13,0

Taux de consultation médico-sanitaire 85,7 74,7

Lieu de consultation

Public 31,8 48,8

Privé 68,2 51,2

Total 100 100

Source : Traitements effectués par l‟auteur sur la base de l‟ENNVM 2006/07 - HCP.

2.3- Pauvreté et marché de travail

L‟interaction entre l‟offre et la demande de main d‟œuvre révèle que le déséquilibre

sur le marché du travail s‟explique en partie par une offre excédentaire et, dans une

moindre mesure, par une demande insatisfaite, et qu‟un chômage voire un sous -

emploi structurel affecte presque toutes les catégories de la population active. Cette

sous utilisation de la main d‟œuvre frappe en priorité, le milieu urbain et sévit

beaucoup plus parmi les femmes, les jeunes et les diplômés.

En 200935

, le nombre d‟actifs s‟est établi à 11 484 milliers dont 1 029 milliers sont

en situation de chômage. Le volume de la population active est appelé à s‟élever

sous l‟effet conjugué d‟une diffusion de l‟éducation et de la formation parmi les

femmes en particulier et de l‟urbanisation. Le déséquilibre en matière d‟emploi ne

peut que favoriser l‟expansion de la pauvreté, car les ménages n‟arrivent pas à

utiliser la totalité de leur force de travail pour se protéger contre la pauvreté. Du fait

que le développement du marché du travail conditionne les niveaux de vie des

ménages, il constitue par conséquent un élément incontestable dans la stratégie de

lutte contre la pauvreté.

Selon les données de l‟ENNVM 2006/07, le taux d‟activité de la population âgée de

15 ans et plus est plus important chez les populations pauvres et vulnérables que

chez la population aisée. En effet, si le taux d‟activité est estimé à 61,8% chez la

population pauvre et à 61,3% chez la population vulnérable, il n‟est que de 52,7%

chez la population relevant du 5ème quintile le plus aisé. Ces taux sont

respectivement de 54,3%, 51,1% et 50,8% en milieu urbain et de 65,2%, 68,4% et

63,5% en milieu rural.

Cet avantage en termes de participation des populations pauvre et vulnérable à la

production des biens et services n‟est qu‟apparent, puisque les personnes issues de

ces deux couches sociales occupent généralement des emplois précaires et très peu

rémunérés. C‟est ainsi que la population active occupée pauvre se trouve

essentiellement dans la branche « Agriculture, forêt et pêche » avec un pourcentage

de 54,4% et dans la branche « bâtiment, travaux publics » avec un pourcentage de

35

Données de l‟Enquête Nationale sur l‟Emploi, 2009 : Haut Commissariat au Plan.

Page 87: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

86

l‟ordre de 12,0%. Ces pourcentages sont respectivement de 51,9% et 10,9% chez les

vulnérables et de seulement 17,3% et 5,3% chez les aisés.

La présence de la population active occupée aisée se manifeste généralement dans

les branches à forte valeur ajoutée, comme l‟industrie (14,1%) et le commerce

(13,6%) et également dans la branche « Administration générale » caractérisée par

une régularité dans le travail avec un pourcentage de l‟ordre de 23,6%.

Analysée selon les groupes socioprofessionnels, la population pauvre active âgée de

15 ans et plus se trouve essentiellement dans le groupe « ouvriers et manœuvres

agricoles » avec une proportion de 37,9%, suivi par les groupes « artisans et ouvriers

qualifiés », « exploitants agricoles, pêcheurs, forestiers et assimilés » et

« manœuvres non agricoles » avec respectivement 16,0%, 15,8% et 15,6%.

Selon le milieu de résidence, près de la moitié (49,7%) de la population rurale active

pauvre exerce dans le groupe « ouvriers et manœuvres agricoles » et 63,0% de la

population citadine pauvre sont dans les groupes « artisans et ouvriers qualifiés » et

« manœuvres non agricoles ».

La majorité des actifs vulnérables se trouvent également dans les mêmes groupes

que les actifs pauvres, il s‟agit notamment des groupes « ouvriers et manœuvres

agricoles » (37,1%), « manœuvres non agricoles » (17,2%), « exploitants agricoles,

pêcheurs, forestiers et assimilés » (15,1%) et « artisans et ouvriers qualifiés »

(14,6%). En revanche, les actifs aisés se trouvent dans d‟autres groupes

socioprofessionnels exigeant une meilleure qualification du personnel, à savoir

« cadres moyens » (14,7%), « employés » (13,6%) et « responsables hiérarchiques et

cadres supérieurs » (9,0%). Ces proportions sont beaucoup plus importantes en

milieu urbain, soit respectivement 20,4%, 16,5% et 15,0%.

La ventilation du taux de chômage selon le milieu de résidence et les classes des

dépenses montre que la pauvreté peut-être une conséquence directe d‟absence ou de

pénurie d‟opportunités d‟emploi. En effet, près d‟un quart des citadins pauvres

(23,1%) et vulnérables (22,9%) sont à la recherche d‟un emploi, contre uniquement

14,0% pour leurs homologues aisés. Quoiqu‟il soit faible en milieu rural, le taux de

chômage des ruraux pauvres est plus important que celui enregistré parmi les ruraux

aisés, soit respectivement des taux de chômage de l‟ordre de 8,2% et 5,3%.

Les faibles taux de chômage enregistrés en milieu rural peuvent être expliqués par la

coexistence des emplois à caractères familial et occasionnel liés aux exploitations

familiales sous forme d‟aide familiale non rémunérée et également par la

prédominance des emplois agricoles saisonniers.

Il ressort de ce qui précède que la pauvreté est fortement corrélée avec les branches

d‟activité et les statuts socioprofessionnels de la population active. Les pauvres

exercent généralement dans les branches d‟activités à faible rémunération

« agriculture, forêt et pêche » et « bâtiments et travaux publics » et ils appartiennent

également à des groupes socioprofessionnels nécessitant une faible qualification tels

Page 88: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

87

que les « ouvriers et manœuvres agricoles », les « exploitants agricoles, pêcheurs,

forestiers et assimilés » et les « manœuvres non agricoles ». Il en ressort également

que les populations actives pauvre et vulnérable sont les plus touchées par le

chômage et notamment en milieu urbain.

Tableau 2.23 : Caractéristiques socioprofessionnelles de la population pauvre,

vulnérable et aisée selon le milieu de résidence Population

pauvre

Population

vulnérable Population aisée Ensemble

Milieu de

résidence

U R Ens, U R Ens, U R Ens, U R Ens,

1. Indicateurs d’activité de chômage de population âgée de 15 ans et plus

Taux brut

d‟activité

54,3 65,2 61,8 51,1 68,4 61,3 50,8 63,5 52,7 50,9 66,1 57,5

Taux de chômage 23,1 8,2 12,2 22,9 5,1 11,2 14,0 5,3 13,8 20,4 5,3 12,8

2. Branche d’activité de la population de 15 ans et plus

Agriculture, forêt

et pêche

8,2 71,5 54,4 7,3 75,4 51,9 2,1 66,5 17,3 4,6 71,7 38,0

Industrie 21,2 4,4 9,0 19,0 4,2 9,3 15,7 6,4 14,1 19,8 4,6 12,3

BTP 16,0 10,5 12,0 15,7 8,4 10,9 4,6 5,1 5,3 10,7 7,4 9,0

Commerce 12,8 1,8 4,8 17,2 2,7 7,7 15,3 7,1 13,6 16,3 4,8 10,6

Transport et

communication

4,1 1,0 1,8 4,5 1,7 2,7 6,4 3,0 5,7 6,3 2,2 4,2

Administration

générale

2,8 1,7 2,0 6,8 1,1 3,1 31,9 6,3 23,6 14,7 2,6 8,7

Autres services 18,3 3,0 7,1 14,3 3,6 7,3 18,2 3,4 14,3 16,0 3,7 9,9

Chômeur n‟ayant

jamais travaillé

16,3 6,1 8,9 15,2 2,9 7,1 5,8 2,2 6,1 11,6 3,0 7,3

Total 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100

3. Groupes socioprofessionnels de la population de 15 ans et plus

Responsables

hiérarchiques et

cadres supérieurs

0,0 0,0 0,0 0,5 0,2 0,3 15,0 0,3 9,0 3,9 0,2 2,0

Cadres moyens 0,6 0,0 0,2 0,8 0,2 0,4 20,4 3,4 14,7 7,2 1,0 4,1

Employés 4,7 1,6 2,4 7,1 0,8 3,0 16,5 3,4 13,6 12,3 1,9 7,1

Commerciaux,

intermédiaires

financiers

6,8 0,8 2,4 8,1 1,7 3,9 9,3 5,7 8,5 9,0 3,4 6,2

Exploitants

agricoles,

pêcheurs,

forestiers

1,3 21,1 15,8 1,6 22,2 15,1 1,0 24,4 6,9 1,3 22,6 11,9

Artisans et

ouvriers qualifiés 31,6 10,3 16,0 30,1 6,4 14,6 15,0 9,5 16,1 26,3 8,5 17,4

Ouvriers et

manœuvres

agricoles

6,0 49,7 37,9 5,8 53,6 37,1 1,1 41,8 10,2 3,1 48,9 25,9

Conducteurs

d‟installations et

de machines

1,5 0,7 0,9 2,0 0,9 1,3 3,5 3,2 3,8 4,7 1,9 3,3

Manœuvres non

agricoles 31,4 9,8 15,6 28,8 11,2 17,2 12,4 6,1 11,0 20,7 8,8 14,8

Chômeurs

n‟ayant jamais

travaillé

16,3 6,1 8,9 15,2 2,9 7,1 5,8 2,2 6,1 11,6 3,0 7,3

Total 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100

Source : Traitements effectués par l‟auteur sur la base de l‟ENNVM 2006/07 - HCP.

Page 89: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

88

2.4- Pauvreté et conditions de logement

En plus de l‟emploi, l‟habitat social, la proximité des points d‟eau potable en milieu

rural, l‟accès au réseau d‟eau dans les villes, comme dans les campagnes, ainsi que

l‟électrification des douars ruraux, s‟inscrivent parmi les premières priorités de

l‟Initiative Nationale du Développement Humain (INDH).

L‟objet de ce paragraphe est d'évaluer l'avantage tiré par les populations pauvres de

l'investissement social dans l‟habitat social et économique, l'électrification et la

desserte en eau potable, aussi bien dans les zones urbaines qu'en milieu rural. Cette

évaluation est faite dans le sens de repérer les facteurs qui favorisent un accès massif

des populations défavorisées à l'investissement dans le renforcement de

l'accessibilité à l'eau courante et à l'électricité.

2.4.1- Le statut d’habitat

La disposition de meilleures conditions d‟habitation, figure parmi les critères

d‟évaluation des conditions de vie. Les données du tableau, ci-après, décrivent les

conditions de logement des pauvres, des vulnérables et celles des couches les plus

favorisées.

Il en découle que l‟amélioration du niveau de vie des ménages contribue largement à

l‟amélioration des conditions de logement. C‟est le cas notamment des 20% les plus

aisés du milieu rural qui recourent à des substituts satisfaisants et adaptés en matière

d‟équipements des logements : installations de bains (13,1%), de douche (18,6%) et

de fosses sceptiques et d‟aisance (71,9%). Dans les villes, les populations pauvres

vivent dans des conditions plus confortables que leurs homologues du milieu rural.

Ainsi, 88,0% des citadins pauvres disposent des moyens d‟évacuation des eaux

usées (égout, fosse septique et d‟aisance), contre 49,1% des ruraux pauvres. A noter

que le taux enregistré chez les pauvres ruraux a connu une amélioration très

importante au fil du temps, dans la mesure où 14,3% seulement des pauvres ruraux

utilisaient ces moyens d‟évacuation des eaux usées en 1998/99.

La collecte des ordures ménagères laisse également apparaître une grande disparité

selon le milieu de résidence. Sept ménages pauvres sur 10 (69,8%) bénéficient de la

collecte des ordures en milieu urbain. Comme pour l‟ensemble de la population

rurale (2,8%), les ruraux pauvres connaissent à peine (1,4%) la collecte des ordures

par les services communaux.

Selon le nombre de personnes par pièce, on relève qu‟au fur et à mesure que le

niveau de vie s‟améliore, le nombre de personnes par pièce diminue. En effet, ce

nombre passe de 3,3 chez la population pauvre à 2,7 chez la population vulnérable et

à 1,1 chez la population aisée en milieu urbain, respectivement 2,8, 2,4 et 1,3 en

milieu rural.

On notera également qu‟à même niveau de vie, les logements sont plus spacieux en

milieu rural qu‟en milieu urbain. C‟est ainsi qu‟en milieu rural, 34,5% des ménages

Page 90: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

89

pauvres, 36,2% des ménages vulnérables et 45,9 des ménages aisés occupent des

logements de 4 pièces et plus, tandis qu‟en milieu urbain, ces proportions sont

respectivement de 13,7%, 14,6% et 41,3%.

Cet avantage des ruraux est plutôt apparent puisque les logements urbains sont

généralement construits en maçonnerie, équipés en eau et électricité et offrent, de

par leur proximité à l‟infrastructure sociale, plus de confort que les logements ruraux

généralement construits en pisé.

Compte tenu des conditions de logement des populations pauvres, les

investissements sociaux en matière de relogement et d‟amélioration des conditions

d‟habitat peuvent être davantage ciblés vers les strates/poches de pauvreté dans les

villes et les zones rurales les plus défavorisées et enclavées. En outre, une attention

particulière peut être accordée à l‟amélioration des conditions d‟habitat par

l‟extension du programme de relogement et d‟habitat social aux zones rurales

supposées constituer des nuées dynamiques de développement. Le recours à des

solutions localement et socialement adaptées aux aspirations des populations rurales

pauvres en particulier (cas de l‟usage des matériaux locaux), contribuera à la

réduction des coûts de construction et favorisera l‟émergence de logements

relativement décents.

Page 91: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

90

Tableau 2.24 : Conditions d’habitat de la population pauvre, vulnérable et aisée

selon le milieu de résidence

Population pauvre Population

vulnérable Population aisée Ensemble

1. Taux des ménages qui cohabitent

Urbain 8,1 13,2 4,1 8,4

Rural 3,4 4,0 2,6 3,4

National 5,0 8,2 4,7 5,4

2. Nombre moyen de personnes par pièce

Urbain 3,3 2,7 1,1 1,9

Rural 2,8 2,4 1,3 1,9

National 2,9 2,5 1,2 1,9

Milieu de

résidence

U R Ens, U R Ens, U R Ens, U R Ens,

3. Statut d’occupation des logements

Propriétaire 73,1 90,7 84,8 65,8 86,3 77,0 64,5 87,7 67,8 64,3 87,5 73,0

Locataire 17,9 1,0 6,6 22,5 1,3 10,9 25,6 3,2 21,9 25,3 26 16,8

Logement de

fonction

0,0 0,0 0,0 0,9 1,1 1,0 1,6 2,0 1,8 1,3 1,1 1,2

Logement

gratuit

9,0 6,1 7,1 9,9 9,8 9,9 8,1 5,4 7,7 8,6 7,4 8,2

Autres statuts 0,0 2,2 1,5 0,9 1,5 1,2 0,2 1,7 0,7 0,5 1,3 0,8

4. Equipement sanitaire

Bain 0,0 9,5 6,3 0,7 9,4 5,4 3,7 13,1 5,3 1,9 11,8 5,6

Baignoire 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 31,3 1,1 22,1 11,2 0,3 7,1

Douche 4,0 0,2 1,5 13,3 3,5 8,0 73,2 18,6 62,1 44,6 7,1 30,5

Lavabo 11,8 0,4 4,2 23,7 3,3 12,6 86,2 20,2 73,3 58,6 8,9 39,9

5. Evacuation des eaux usées

Egout 56,0 1,5 19,8 70,9 2,6 33,7 93,3 3,4 77,6 85,0 2,5 54,0

Fosse

sceptique

8,6 10,8 10,1 8,3 10,6 9,6 3,3 17,4 5,8 5,3 14,1 8,6

Fosse

d‟aisance

23,4 36,8 32,3 13,0 35,8 25,4 3,0 54,5 12,6 6,9 44,4 21,0

Jetées dans la

nature

12,0 50,6 37,7 7,8 49,2 30,4 0,4 24,4 4,0 2,8 38,0 16,0

Autres 0,0 0,3 0,1 0,0 1,8 0,9 0,0 0,3 0,0 0,0 1,0 0,4

6. Mode d’évacuation des ordures ménagères

Poubelle

communale

26,6 0,2 9,0 32,9 0,5 15,3 41,5 0,3 33,7 35,6 0,4 22,4

Ramassage

direct par

camion

43,2 1,2 15,3 47,4 1,6 22,4 55,4 3,6 47,6 54,8 2,4 35,1

Jetées dans la

nature

27,9 95,9 73,1 16,9 27,2 60,7 1,8 93,1 17,3 8,0 95,2 40,7

Autres 2,3 2,7 2,6 2,8 2,7 1,6 1,3 3,0 1,4 1,6 2,0 1,8

Source : Traitements effectués par l‟auteur sur la base de l‟ENNVM 2006/07 - HCP.

2.4.2- L’accès aux services de base

2.4.2.1- eau potable

Le taux de branchement au réseau d‟eau potable s‟élève à 96,7% pour les citadins

les plus aisés et à 50,0% pour les ménages pauvres. En milieu rural, les sources

traditionnelles constituent le principal mode d‟approvisionnent en eau potable pour

toutes les couches sociales. L‟accès à l‟eau potable du réseau est relativement plus

important chez les ruraux à revenu élevé que chez les ruraux pauvres, mais reste

Page 92: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

91

limité dans son ensemble. Ainsi, 42,2% des plus aisées de la population rurale

s‟approvisionnent en eau potable du réseau, (soit 18,4% par branchements directs et

23,8% par les bornes fontaines). Au niveau des populations pauvres, près du tiers

(32,3%) s‟approvisionnent du réseau (6,5% par branchements directs et 25,8% par le

biais des bornes fontaines).

Le taux d‟accès des ménages pauvres du milieu rural au réseau d‟eau potable par

branchements directs ou par les bornes fontaines a connu une nette augmentation

durant ces dernières années. En effet, ce taux n‟a été que de 7,8% en 1998/99. Cet

énorme progrès est le résultat, des efforts déployés par les pouvoirs publics en

matière de desserte de la population rurale en infrastructure sociale de base (eau

potable, électricité, etc.).

2.4.2.2- Electricité

En matière d‟électrification, le Maroc a connu des progrès appréciables ces dernières

années. En 2006/07, plus de huit ménages marocains sur 10 (85,1%) disposent de

l‟électricité dans leur logement. Dans les villes, cette proportion s‟est élevée de

81,1% en 1998/99 à 94,3% en 2006/07, soit un taux d‟accroissement annuel moyen

de 1,1%. Dans l‟espace rural, de 1998/99 à 2006/2007, le taux d‟équipement en

électricité a progressé de 15,6% à 69,8%, soit une croissance annuelle moyenne de

20,6%.

A l‟instar d‟autres équipements communautaires non moins importants,

l‟élargissement de l‟accessibilité à l‟électricité avantage, en priorité, les populations

les plus aisées. Abordée selon le niveau de vie, la comparaison des taux

d‟équipement des logements en électricité montre que les ménages pauvres ne sont

équipés qu‟à raison de 70,7% dans les villes et de 47,2% dans les zones rurales. Ces

taux s‟améliorent à mesure que le niveau de vie s‟élève et s‟établissent pour les

vulnérables à 84,6% et à 64,3% et pour les plus aisés à 98,4% et à 81,7%

respectivement en milieu urbain et en milieu rural.

Il importe de signaler que l‟électrification d‟une zone urbaine ou rurale, ne suffit pas

à elle seule de garantir un usage massif de l‟électricité. Les populations pauvres sont

manifestement les couches sociales les plus confrontées aux problèmes de

financement quant à la couverture des frais de branchement au réseau d‟électricité et

des charges de consommation. D‟autre part, les logements des populations pauvres

sont généralement de type sommaire et mal adaptés aux conditions de branchement

au réseau d‟électricité. La diffusion de l‟usage de l‟électricité parmi les couches

pauvres suppose donc l‟extension du réseau d‟électricité aux zones rurales

défavorisées, le recouvrement du coût de branchement des ménages les plus pauvres

et l‟amélioration des conditions d‟habitat de façon à ce que les logements soient

mieux adaptés à l‟équipement en électricité.

Page 93: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

92

Tableau 2.25 : Accès de la population pauvre, vulnérable et aisée à l’eau potable, à

l’électricité et aux moyens de communication selon le milieu de résidence

Population

pauvre

Population

vulnérable Population aisée Ensemble

Milieu de

résidence

U R Ens, U R Ens, U R Ens, U R Ens,

1. Mode d’approvisionnement en eau potable

Eau de réseau 50,0 6,5 21,1 68,6 8,9 36,0 96,7 18,4 83,6 85,7 11,3 57,7

Fontaine

publique

26,0 25,8 25,9 12,4 25,5 22,8 1,3 23,8 5,1 8,3 26,7 15,2

Eau de source 0,8 19,6 13,3 0,9 18,9 10,7 0,0 15,1 2,3 0,2 16,7 6,4

Autre 23,2 48,1 39,7 11,1 46,7 30,5 2,0 42,7 9,0 5,8 45,3 20,7

2. Disposition de l’électricité dans le ménage

Oui, compteur

individuel

47,1 36,4 40,0 56,2 54,9 55,5 86,9 72,2 83,3 73,9 59,4 68,4

Oui, compteur

collectif

17,9 4,9 9,2 23,8 2,9 12,4 10,4 3,8 10,6 18,2 4,6 13,1

Oui, sans

compteur

5,7 5,9 5,8 4,6 6,5 5,6 1,1 5,7 2,1 2,2 5,8 3,6

Non 29,3 52,8 45,0 15,4 35,7 26,5 1,6 18,3 4,0 5,7 30,2 14,9

3. Taux d’équipement des ménages en :

Téléphone fixe 1,7 -- 0,6 2,6 0,2 1,3 43,2 3,0 33,0 19,9 1,2 12,9

Portable 60,5 45,3 50,4 76,1 57,0 65,7 90,4 75,2 88,5 84,4 64,5 76,9

Parabole 17,2 8,2 11,2 31,1 17,9 23,9 84,3 46,8 76,6 60,6 27,2 48,1

Source : Traitements effectués par l‟auteur sur la base de l‟ENNVM 2006/07 - HCP.

S‟agissant des moyens de communication, il y a lieu de noter qu‟il existe également

une nette différenciation selon le niveau de vie. La possession d‟un téléphone fixe

par les ménages pauvres est quasi-inexistante. En effet, à peine 0,6% des ménages

pauvres possèdent un téléphone fixe, contre 1,3% chez les ménages vulnérables et

33,0% chez les ménages aisés.

Pour le téléphone portable, quoi qu‟il commence à se généraliser ces dernières

années, les ménages pauvres accusent toujours un retard en matière de possession

d‟au moins un téléphone portable. Un peu plus de la moitié (50,4%) des ménages

pauvres en 2006/07 ont au moins un portable, contre 65,7% chez les ménages

vulnérables et 88,5% chez les ménages aisés. Il en est de même pour la possession

d‟une antenne parabolique qui enregistre le taux le plus faible parmi les ménages

pauvres (11,2%) et les ménages vulnérables (23,9%) que parmi les ménages aisés

(76,6%).

Section 6 : Synthèse des déterminants de la pauvreté : application d’un modèle économétrique

Il ressort de la section précédente que la pauvreté monétaire est fonction de plusieurs

facteurs d‟ordre démographique, éducatif et économique. C‟est ainsi que le niveau

de vie des ménages est influencé par la composition démographique du ménage, le

sexe du chef de ménage, son niveau scolaire, son activité et l‟activité des autres

membres de ménage, son groupe socioprofessionnel, le milieu de résidence, la

région, etc.

Page 94: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

93

Afin de mieux synthétiser les déterminants de la pauvreté monétaire au Maroc, il est

question dans cette section d‟estimer l‟effet isolé –toutes choses égales par ailleurs-

des variables susceptibles d‟expliquer les niveaux de vie des ménages. L‟estimation

est effectuée à l‟aide d‟un modèle probit ordonné.

Paragraphe 1 : Présentation du modèle

Variable expliquée :

La variable à expliquer est une variable qualitative polytomique prenant 4 modalités

(classes des dépenses), et cette variable est structurée comme suit :

Classe des dépenses36

=

aiséestménagelesi

ermédiaireestménagelesi

érablevuestménagelesi

pauvreestménagelesi

3

int2

ln1

0

La nature de la variable dépendante (polytomique et ordonnée) suggère l‟utilisation

d‟un modèle probit ordonné. En effet, les ménages sont ordonnés selon le niveau de

vie du plus pauvre au plus aisé, en passant par les ménages non pauvres mais

vulnérables à la pauvreté et par les ménages intermédiaires.

Considérons une variable yi prenant quatre modalités ordonnées 0, 1, 2 et 3. La

variable latente yi* est la somme d‟une composante déterministe et d‟un élément

aléatoire :

*

iy = iix '

Où ix est le vecteur des variables exogènes, est le vecteur des paramètres, et

i l‟erreur résiduelle.

On a :

3

2

1

0

3

*

3

*

2

2

*

1

1

*

ii

ii

ii

ii

yy

yy

yy

yy

Soit encore,

en replaçant *

iy par

iix '

3

2

1

0

'

3

'

2

'

1

'

2

'

1

'

1

iii

iiii

iiii

iii

yx

yxx

yxx

yx

36

Considéré pauvre tout ménage qui a une dépense annuelle par tête inférieure au seuil de pauvreté,

vulnérable tout ménage qui a une dépense se situant entre le seuil de pauvreté et 1,5 fois le seuil de

pauvreté, intérmédiaire tout ménage qui a dépense se situant entre 1,5 fois le seuil de pauvreté et la valeur

du 5ème

quintile et aisé tout ménage qui a une dépense supérieure à la valeur du 5ème

quintile.

Page 95: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

94

Avec :

- yi = 0 si le ménage est pauvre, yi = 1 si le ménage est vulnérable, yi = 2 si le

ménage est intermédiaire et yi = 3 si le ménage est aisé.

- 1 , 2 et 3 sont les bornes qui séparent les différentes classes des

dépenses :

o 1 : borne qui sépare les pauvres et les vulnérables

o 2 : borne qui sépare les vulnérables et les intermédiaires

o 3 : borne qui sépare les intermédiaires et les aisés

Variables explicatives :

Le choix des variables explicatives à tester dans le modèle dépend de leur pertinence

et également de leur disponibilité. C‟est ainsi qu‟on a testé les variables suivantes

pour expliquer les niveaux de vie des ménages ou la pauvreté des ménages :

- Les variables liées aux caractéristiques du chef de ménage : sexe, niveau

scolaire, alphabétisation, statut dans la profession, groupe socioprofessionnel,

etc. ;

- Les variables liées aux caractéristiques du ménages : taille du ménage, la part

des actifs occupés dans le ménages, le nombre de chômeurs rapporté au

nombre d‟actifs dans le ménage ;

- Les caractéristiques du milieu environnant : milieu de résidence et la région

économique.

Paragraphe 2 : Présentation et analyse des résultats

L‟estimation du modèle nous a permis d‟obtenir les résultats présentés dans le

tableau suivant :

Tableau 2.26 : Résultats de l’estimation de la pauvreté (niveau de vie) par un

modèle probit ordonné

Variables Coeffi

cient T-Stat

Effets marginaux sur :

Y = 0 Y = 1 Y = 2 Y = 3 Milieu de résidence

- Urbain

- Rural

0,313

Réf

8,24

--

-0,019*

--

-0,052*

--

-0,015*

--

0,086*

--

Sexe du chef de ménage

- Masculin

- Féminin

0,230

Réf

4,99

--

-0,015*

--

-0,039*

--

-0,006*

--

0,061*

--

Taille du ménage

- Moins de 4 personnes

- Entre 4 et 6 personnes

- 7 personnes et plus

Réf

-0,908

-1,472

--

-22,05

-29,20

--

0,054*

0,186*

--

0,142*

0,250*

--

0,060*

-0,147*

--

-0,256*

-0,228*

Niveau scolaire du chef de ménage

- Aucun niveau ou fondamental

- Secondaire

- Supérieur

Réf

0,388

0,944

--

6,22

9,64

--

-0,016*

-0,025*

--

-0,054*

-0,099*

--

-0,053*

-0,212*

--

0,123*

0,336*

Alphabétisation du CM

Page 96: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

95

Variables Coeffi

cient T-Stat

Effets marginaux sur :

Y = 0 Y = 1 Y = 2 Y = 3 - Oui

- Non

0,172

Réf

4,84

--

-0,010*

--

-0,028*

--

-0,011*

--

0,048*

--

Région économique

- Régions du sud

- Souss-Massa-Daraa

- Gharb-Chrarda-Bni Hssen

- Chaouia-Ourdigha

- Marrakech-Tensift-Al Haouz

- Oriental

- Grand Casablaca

- Rabat Salé-Zemoour-Zaer

- Doukala-Abda

- Tadla-Azilal

- Meknès-Tafilalet

- Fès-Boulemane

- Taza-Al Hoceima-Taounate

- Tanger-Tetouan

-0,011

-0,287

-0,538

-0,071

-0,154

-0,109

Réf

-0,113

-0,433

-0,173

-0,427

-0,129

-0,217

Réf

-0,12

-4,96

-8,17

-1,10

-2,86

-1,63

--

-1,99

-6,62

-2,45

-6,75

-2,05

-3,25

--

0,001

0,020*

0,048*

0,004

0,010*

0,007**

*

--

0,007**

0,035*

0,011**

0,034*

0,008**

0,015*

--

0,002

0,050*

0,100*

0,012

0,026*

0,018**

*

--

0,019**

0,079*

0,030*

0,077*

0,022**

0,038*

--

0,001

0,002

-0,027*

0,003**

*

0,005*

0,004*

--

0,005*

-0,012

0,004*

-0,010

0,005*

0,004

--

-0,003

-0,073*

-0,121*

-0,019

-0,041*

-0,029***

--

-0,030**

-0,102*

-0,045*

-0,102*

-0,035**

-0,056*

--

Nombre des actifs occupés sur la taille du ménage

- Moins de 1/3

- Entre 1/3 et 1/2

- Entre 1/2 et 3/4

- Plus de 3/4

Réf

0,195

0,167

0,453

--

5,13

3,49

7,41

--

-0,010*

-0,008*

-0,018*

--

-0,030*

-0,026*

-0,062*

--

-0,017*

-0,015*

-0,066*

--

0,057*

0,049*

0,146*

Nombre de chômeurs sur le nombre des actifs

- Aucun chômeur

- Moins de 1/3

- Plus de 1/3

Réf

-0,189

-0,273

--

-2,67

-3,69

--

0,010*

0,119*

--

0,029*

0,048*

--

0,017**

0,004

--

-0,056*

-0,070*

Groupe socioprofessionnel CM

- Responsables et cadres

- Employés

- Commerçants

- Exploitants agricoles

- Artisans et ouvriers qualifiés

- Ouvriers et manœuvres agricoles

- Conducteurs d‟installations

- Manœuvres non agricoles

- Inactifs et chômeurs n‟ayant jamais

travaillé

Réf

-0,842

-0,963

-1,143

-1,199

-1,356

-0,770

-1,408

-1,030

--

-8,14

-8,60

-10,34

-11,93

-12,30

-6,94

-13,86

-6,52

--

0,096*

0,118*

0,134*

0,156*

0,220*

0,085*

0,212*

0,099*

--

0,158*

0,179*

0,206*

0,215*

0,230*

0,145*

0,240*

0,183*

--

-0,089*

-0,116*

-0,113*

-0,151*

-0,242*

-0,077*

-0,217*

-0,052**

--

-0,165*

-0,181*

-0,226*

-0,220*

-0,208*

-0,153*

-0,235*

-0,230*

Situation dans la profession du CM

- Salariés

- Indépendants

- Employeurs

- Autres situations

-1,238

-0,997

Réf

-0,860

-10,68

-8,74

--

-5,27

0,103*

0,087*

--

0,074*

0,205*

0,174*

--

0,152*

-0,001

-0,024**

--

-0,025

-0,307*

-0,236*

--

-0,202*

Proportion des alphabètes dans le ménage

- Moins de 1/3

- Entre 1/3 et 1/2

- Entre 1/2 et 2/3

- Plus du 2/3

Réf

0,277

0,243

0,672

--

7,01

5,57

13,73

--

-0,014*

-0,012*

-0,028*

--

-0,042*

-0,037*

-0,093*

--

-0,027*

-0,024*

-0,091*

--

0,083*

0,073*

0,212*

Limit 1 (première borne)

Limit 2 (deuxième borne)

Limit 3 (troisième borne)

-4,338

-3,456

-1,522

(0,018)

(0,177)

(0,174)

Log de vraisemblance (L)

Log de vraisemblance L(0)

Probabilité

Pseudo R2

Nombre d‟observations

-6450,18

-8107,82

0,0000

0,2044

7062

(*) : significatif à un seuil de 1% ; (**) : significatif à un seuil de 5% ; (***) :

significatif à un seuil de 10%.

Page 97: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

96

Tableau 2.27 : prédictibilité du modèle

Les

valeurs

prédites

Les valeurs observées % des

prédictions

vraies Y = 0 Y = 1 Y = 2 Y = 3 Total

Y = 0 4 0 1 0 5 0,9

Y = 1 207 237 272 16 732 23,0

Y = 2 255 786 3182 952 5175 85,3

Y = 3 2 9 275 864 1150 47,2

Total 468 1032 3730 1832 7062 60,7

Globalement, ce modèle présente un bon pouvoir explicatif. Au total, il prédit 60,7%

des observations vraies. Ce pourcentage de prédictions vraies diffère selon les

modalités. En effet, le pourcentage des prédictions vraies le plus élevé est enregistré

au niveau des ménages intermédiaires, soit 85,3%, suivis par les ménages aisés

(47,2%) et les ménages vulnérables avec un pourcentage de prédications vraies de

l‟ordre de 23,0%.

D‟autres statistiques montrent également la pertinence du modèle dans sa globalité

est le Log de vraisemblance et le pseudo R2. La statistique du Log de vraisemblance

est significativement différente de 0 à moins de 1%, le pseudo R2 quoi qu‟il soit

faible (0,204), il reste également satisfaisant, étant donné la nature des données en

coupe transversale.

Il ressort des résultats du modèle estimé, que les signes des coefficients sont

conformes aux attentes et la majorité des variables sont significatives à un seuil de

1%.

Selon le milieu de résidence, les ménages ruraux sont les plus exposés au risque de

la pauvreté et de la vulnérabilité. En effet, le coefficient de la variable milieu de

résidence (Urbain) est positif et largement significatif, en d‟autres termes, toutes

choses égales par ailleurs, un ménage installé en milieu urbain, a un niveau de vie

supérieur à son homologue résident dans le rural et par conséquent augmente la

probabilité d‟échapper à la pauvreté et à la vulnérabilité.

Ces résultats confirment ceux obtenus lors de l‟analyse descriptive de la pauvreté

monétaire et rejoignent également les études réalisées ailleurs stipulant que la

pauvreté est une donne rurale. Le milieu rural est caractérisé en général par des

activités agricoles souvent à caractère saisonnier et à faible rentabilité,

contrairement en milieu urbain où les activités qui y sont exercées ont un caractère

beaucoup plus stable et à productivité relativement plus forte.

Les effets marginaux qui mesurent les effets d‟une augmentation d‟une unité de la

variable indépendante donnée sur la variable dépendante, montrent que

l‟urbanisation contribue à l‟augmentation de la chance de se trouver dans la classe

aisée de 0,086%.

Page 98: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

97

Contrairement à ce que nous avons obtenu lors de l‟analyse descriptive où les

ménages dirigés par les femmes ont un niveau élevé par rapport aux ménages dirigés

par les hommes et par conséquent courent moins le risque de se trouver dans la

pauvreté, les ménages dirigés par les hommes, toutes choses égales par ailleurs, ont

plus de chance d‟appartenir à des classes sociales élevées. En effet, le coefficient de

la variable sexe de chef de ménage est largement significatif et son signe est positif.

Les femmes cheftaines sont en général des femmes veuves ou divorcées, ayant des

enfants à charge et n‟ayant pas d‟activités stables génératrices de revenu.

La taille du ménage joue également un rôle important dans la détermination du

niveau de vie des ménages. Par rapport aux ménages constitués de moins de 4

personnes, les autres types de ménages ont une plus forte probabilité d‟appartenir

aux classes pauvres et vulnérables. Le faible niveau de vie enregistré parmi les

ménages à taillé élevée peut-être expliqué, entre autres, par l‟indicateur de niveau de

vie pris en considération « dépense par tête » qui ne tient pas compte les économies

d‟échelle et la composition démographique du ménage.

La scolarisation et l‟alphabétisation s‟avèrent également des déterminants essentiels

de l‟amélioration du niveau de vie des ménages. En effet, plus le niveau scolaire du

chef de ménage s‟améliore et/ou plus la proportion des membres alphabètes dans le

ménage est élevée, plus le ménage est protégé contre le risque de la pauvreté et de la

vulnérabilité.

Les variables mesurant le niveau scolaire du chef de ménage, son alphabétisation et

l‟alphabétisation de tous les membres de ménage sont toutes significatives à 1%, les

signes des coefficients de ces différentes variables sont positifs. Il y a lieu de noter

que ceci n‟est valable que lorsque l‟investissement dans le cursus scolaire est

couronné par des emplois productifs et garantissant par les revenus décents.

Les résultats du modèle montrent également que la probabilité d‟appartenance à des

classes sociales élevées est plus élevée chez les ménages dirigés par un employeur

que chez les ménages ayant à leur tête un salarié ou un indépendant. Les variables

mesurant le statut dans la profession du chef de ménage (salarié, indépendant et

autres situations) sont négatives et largement significatives.

En termes d‟effets marginaux, le passage d‟un ménage dirigé par un employeur à un

ménage dirigé par un salarié contribuerait à l‟augmentation de la probabilité de

figurer dans les classes modestes (pauvre et vulnérable) de 0,31%. Pour un ménage

donné, le nombre d‟actifs occupés rapporté à la taille exerce un effet positif et

largement significatif sur l‟ascension dans les classes sociales. En d‟autres termes,

plus la part des actifs occupés dans le ménage est élevée, plus la probabilité du

ménage d‟appartenir à la classe aisée augmente. L‟augmentation de la proportion des

actifs occupés dans le ménage est synonyme de la diversification des sources de

revenus.

Page 99: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

98

A l‟opposé, l‟augmentation de la part des chômeurs dans le ménage, conduira à

l‟aggravation du niveau de vie du ménage et par conséquent à l‟augmentation de la

probabilité de la pauvreté et de la vulnérabilité.

Analysé selon le statut social, la catégorie socioprofessionnelle du chef de ménage

est une variable déterminante du niveau de vie des ménages. Les résultats du modèle

montrent que les ménages dirigés par les « responsables hiérarchiques, cadres

supérieurs et cadres moyens » ont plus de chance d‟appartenir aux classes sociales

intermédiaire et aisée en comparaison avec les ménages dirigés par des

commerçants, artisans, exploitants agricoles, etc.

Les coefficients des variables et les effets marginaux montrent que les ménages

dirigés par les manœuvres non agricoles sont les plus exposés au risque de la

pauvreté. Le coefficient de la variable « manœuvres agricoles » est le plus élevé en

valeur absolue et le passage d‟un ménage dirigé par un responsable hiérarchique ou

un cadre à un ménage dirigé par un manœuvre non agricole contribuerait à

l‟augmentation de la probabilité de faire partie des classes modestes de 0,451%. Ces

ménages sont suivis par les ménages dirigés par les ouvriers et manœuvres agricoles

et par les exploitants agricoles. Le niveau des gains engendrés par ces ménages est

faible, contrairement aux ménages ayant à leur tête des responsables, cadres ou

employés.

Les estimations obtenues par le modèle, montrent également que les variables

indicatrices de la région ont un impact statistiquement significatif sur le niveau de

vie des ménages. En effet, par rapport aux régions « Grand Casablanca » et

« Tanger-Tetouan », la probabilité des ménages des autres régions d‟appartenir aux

classes modestes (pauvre et vulnérable) est plus élevée. En termes de classement, il

paraît que, toutes choses égales par ailleurs, les régions de « Gharb-Chrarda-Bni

Hssen », « Doukala-Abda » et « Meknès-Tafilalet » connaissent les plus faibles

niveaux de vie et par conséquent la résidence dans ces régions augmente

sensiblement le risque de la pauvreté et de la vulnérabilité des ménages. Les effets

marginaux au niveau des classes pauvre et vulnérable de ces régions sont les plus

élevées, soit respectivement 0,148, 0,114 et 0, 111.

Les enseignements de cette modélisation ont permis de cerner les principaux

déterminants de la déficience des niveaux de vie. Ces déterminants restent fortement

liés à certaines caractéristiques sociodémographiques et aux aptitudes

socioéducatives et économiques des membres du ménage, à l‟entourage familial et à

l‟espace dans lequel vit le ménage.

C‟est ainsi que les plus faibles niveaux de vie sont observés dans le milieu rural,

chez les ménages dirigés par des analphabètes, des femmes, des personnes exerçant

des professions à faible rentabilité économique (« manœuvres non agricoles »,

« ouvriers et manœuvres agricoles » et « exploitants agricoles »). Toutes choses

égales par ailleurs, les ménages à taille élevée, les ménages dont la part des

personnes actives en chômage est élevée, les ménages habitant des régions « Gharb-

Page 100: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

99

Chrarda-Bni Hssen », « Doukala-Abda », « Meknès-Tafilalet », sont les plus

exposés à la pauvreté et à la vulnérabilité.

Il en ressort que toute politique de lutte contre la pauvreté doit être axée, entre

autres, sur :

1- La généralisation de la scolarisation et la lutte contre l‟anlphabétisme ;

2- La sensibilisation à la planification familiale par avoir moins d‟enfants et par

conséquent mieux investir dans leur éducation ;

3- Le Ciblage des ménages monoparentaux dirigés par les femmes (les aider à

surmonter les difficultés économiques, auxquelles ils sont confrontés), etc.

Page 101: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

100

Chapitre III :

Les enseignements de

l’approche de la pauvreté

multidimensionnelle au

Maroc

Page 102: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

101

Comme nous l‟avons souligné dans l‟introduction, l‟approche monétaire ne fait pas

l‟unanimité parmi les économistes comme étant le seul cadre d‟analyse de la

pauvreté.

Les analyses de la dynamique de la pauvreté et de ses déterminants dans le chapitre

précédent, révèlent pour une grande part le caractère « multidimensionnel » de la

pauvreté. Dans le présent chapitre, nous appliquons une méthodologie

complémentaire, pour mesurer et analyser la pauvreté. Ainsi la construction d‟un

indice composite constitue une bonne mesure de l‟indicateur de bien-être et

également une alternative fiable à l‟indicateur monétaire. Cet indice de bien -être

s‟inscrit dans le cadre général de l‟analyse multidimensionnelle de la pauvreté.

L‟extension de la mesure de la pauvreté au Maroc à l‟approche non-monétaire

permet, par ailleurs, d‟enrichir la panoplie des mesures envisageables pour le ciblage

des localités pauvres et le suivi de la réduction de la pauvreté (travail que nous

effectuons dans le chapitre IV ci-après).

Deux principales raisons motivent l‟extension de la mesure de la pauvreté au

Maroc :

La première consiste en l‟adoption d‟une nouvelle manière de définir et de

mesurer la pauvreté, en se fondant sur une approche multidimensionnelle

utilisant les facteurs intrinsèques et non monétaires de la pauvreté ;

La seconde raison est de se référer à cette approche de la pauvreté pour

identifier les politiques et les stratégies qui permettent de la réduire. En fait,

les objectifs fondamentaux de cette approche consistent à : i) identifier et

décrire les principales facettes de la pauvreté à travers l‟étude des conditions

de vie des ménages au Maroc, ii) en déduire un profil de pauvreté et

d‟inégalités et, enfin, iii) tester la concordance entre mesures des conditions

de vie et de bien-être monétaire.

Section 1 : L’indice composite du bien être : conception et formulation

Pour atteindre les objectifs de cette investigation, il est indispensable de construire

un indice d‟actifs détenus par les ménages et qui sera considéré comme un indicateur

composite du bien être individuel (dans notre cas l‟individu correspond au ménage).

C‟est sur la base de cet indice, nous axons notre travail. En effet, cet indice qui n‟est

autre qu‟un indicateur de pauvreté non–monétaire, permet d‟estimer le taux de

pauvreté selon cette approche et de dresser un profil des pauvres.

Paragraphe 1 : Méthodologie de la construction de l’indice composite du bien être

Nous adopterons l‟approche non monétaire basée sur les besoins fondamentaux, qui

privilège le bien être des ménages, contrairement à l‟approche monétaire qui donne

beaucoup plus d‟importance à leurs ressources. Les principaux domaines pris en

Page 103: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

102

compte dans l‟approche non monétaire sont : éducation, nutrition, santé, hygiène,

assainissement, eau potable, électricité, habitat, communication, possession des

biens durables et de confort, etc.

Plusieurs approches permettent d‟agréger les différentes dimensions de la pauvreté

non monétaire afin d‟avoir une vision d‟ensemble de celle-ci dans sa globalité et de

faciliter le suivi de leur évolution de son ensemble. Parmi ces approches, on peut

citer entre autres, l‟approche d‟entropie et l‟approche d‟inertie. La construction d‟un

indicateur du bien-être sera basée dans notre travail sur l‟approche d‟inertie à travers

des analyses multidimensionnelles. Le choix de cette approche s‟explique

principalement par le fait qu‟elle permet d‟éliminer autant que possible l‟arbitraire

dans le calcul de l‟indicateur composite tout en évitant la redondance dans les choix

des dimensions pertinentes de la pauvreté. La technique d‟analyse factorielle qui est

la plus adaptée dans notre cas est celle de l‟Analyse des Correspondances Multiples

(ACM), car les indicateurs primaires de la pauvreté sont mesurés au niveau des

ménages sous la forme qualitative et peuvent être codifiés sous forme binaire (voir

l‟approche en détail dans l‟annexe 3.1).

Plusieurs travaux ont opté pour cette approche. Il s‟agit notamment des travaux

réalisés au sein du réseau « politiques économiques et pauvreté » (PEP). Nous citons

dans ce cadre les travaux de Djoke Kossi Agbévianté et al. (2006) pour les pays de

l‟UEMOA, Foko Borel et al. (2006) pour le Cameroun, Ambapour Samuel (2006)

pour le Togo, Ayadi et al. (2006) pour la Tunisie, Jean Bosco KI et al. (2004) pour

le Sénégal et (2006) pour le Burkina Faso, etc.

Paragraphe 2 : Forme fonctionnelle de l’indicateur composite de pauvreté (ICP)

La forme fonctionnelle de l‟ICP est définie comme suit :

Considérons m l‟indice d‟un ménage donné et Cm sa valeur propre pour l‟ICP, la

forme fonctionnelle de l‟ICP est alors :

Cm = K

IWK

k

J

j

k

j

k

j

k

k

kk1

K = nombre d‟indicateurs catégoriels ;

Jk = nombre de catégories de l‟indicateur k ;

k

jkW = le poids (score de premier axe normalisé,

1

score) de la catégorie Jk ;

k

jkI = la variable binaire 0/1, prenant la valeur 1 lorsque l‟unité a la catégorie Jk.

Les coefficients de pondération obtenus par l‟ACM correspondent au score

normalisé sur le premier axe factoriel. La valeur de l‟ICP pour tout ménage m

correspond à la moyenne des scores normalisés des variables catégoriques. Le poids

Page 104: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

103

d‟une catégorie est la moyenne des scores normalisés des unités de la population

appartenant à cette catégorie.

Toutes les modalités des variables étant transformées en indicateurs binaires (0 ou

1), donnant au total P indicateurs binaires, l‟indicateur composite de la pauvreté

(ICP) pour un ménage i donnée, peut également s‟écrire :

ICPi = K

1 (W1 Ii1 + W2 Ii2 + W3 Ii3 + ………. + Wp Iip), Ip, p=1àP : indicateur binaire

(0/1), prenant la valeur 1 lorsque le ménage a la modalité p et 0 sinon.

Section 2 : L’application de l’ACM sur le cas du Maroc

Paragraphe 1 : Présentation des données

Les principales sources d‟informations utilisées pour le calcul de l‟ICP est l‟Enquête

Nationale sur la Consommation et les Dépenses des Ménages 2000/01 (ENCDM) et

l‟Enquête Nationale sur les Niveaux de Vie des Ménages 2006/07 (ENNVM).

Les données de ces enquêtes portent respectivement sur un échantillon 14 243 et

7062 ménages. Vu les tailles de l‟échantillon, ces enquêtes sont représentatives à

l‟échelle nationale et selon le milieu de résidence, et voire même selon les régions

économiques.

Les données de ces enquêtes peuvent répondre à nos attentes dans la mesure où elles

ont touché tous les volets (démographie, scolarité, santé, emploi, habitat,

équipements ménagers, etc.). Elles se prêtent donc bien à l‟application de la

méthodologie de construction de l‟ICP.

Paragraphe 2 : Description des dimensions non monétaires de la pauvreté

2.1- La satisfaction des besoins basiques

2.1.1- Nutrition

L‟accès à une alimentation suffisante et équilibrée demeure une condition essentielle

pour la réalisation du bien-être social, économique et sanitaire. Les différents pays

signataires de la déclaration du millénaire, se sont engagés de réduire de moitié la

proportion de la population qui souffre de la faim à l‟horizon 2015. Cet engagement

demeure également parmi les premiers points de la stratégie de réduction de la

pauvreté. Plusieurs indicateurs permettent d‟approcher l‟état nutritionnel de la

population. Il s‟agit notamment, de l‟état sanitaire des enfants de moins de 5 ans, les

problèmes alimentaires rencontrés par les ménages liés à la sous-alimentation.

Afin d‟avoir une information complète sur tous les ménages, on va approcher l‟accès

à une alimentation suffisante par les dépenses totales et les dépenses alimentaires

des ménages en comparaison avec le seuil de pauvreté alimentaire (se référer au

chapitre 2, section 2, paragraphe 1).

Page 105: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

104

Par ailleurs, la proportion des personnes dont les dépenses alimentaires sont

inférieures au seuil de pauvreté alimentaire atteint 13,6% à l‟échelle nationale. Cette

proportion diffère selon le milieu de résidence. En effet, 18,4% de la population

rurale vivent avec une dépense alimentaire en dessous du seuil de pauvreté

alimentaire, contre uniquement 9,9% en milieu urbain. En 2001, cette proportion

s‟établissait à 21,3% à l‟échelle nationale, 14,0% en milieu urbain et 30,7% en

milieu rural. Ce qui atteste qu‟il y a une nette amélioration des niveaux de vie de la

population marocaine entre 2001 et 2007.

Les données de l‟ENNVM 2006/07 montrent que seulement près de 1,0% des

marocains ont une dépense inférieure au seuil de pauvreté alimentaire. Les

problèmes alimentaires, quoi qu‟ils soient quasi-inexistants, ils sont plus fréquents

en milieu rural qu‟en milieu urbain. En effet, 2,0% de la population rurale ont une

dépense inférieure au seuil de pauvreté alimentaire contre uniquement 0,1% chez les

citadins. Ces pourcentages s‟établissement respectivement à 1,8%, 3,7% et 0,3% en

2001.

Tableau 3.1 : proportion des personnes souffrant de la faim selon le milieu de

résidence

Milieu de résidence

2001 2007

Proportion de la population dont :

DAMP <

SPA

D_alim. <

SPA

DAMP <

SPA

D_alim. <

SPA

Urbain 0,32 14,0 0,1 9,9

Rural 3,74 30,7 1,9 18,4

Ensemble 1,82 21,3 0,9 13,6

Source : Traitements effectués par l‟auteur à partir des données de l‟ENCDM 2000/01

et ENNVM 2006/07, HCP.

Notation : DAMP : dépense annuelle moyenne par personne

D_alim. : dépense alimentaire

SPA : seuil de pauvreté alimentaire

2.1.2- Conditions d’habitat

L‟accès à un logement décent a été également parmi les cibles à atteindre au niveau

des OMD à l‟horizon de 2015. Vivre dans un logement décent fait partie des

conditions nécessaires pour l‟atteinte du bien être économique et social. Cette

dimension non négligeable de la pauvreté pourrait être approchée par plusieurs

indicateurs dont les plus importants : le type de logement, la cohabitation dans le

logement, le nombre de pièces, l‟assainissement liquide et la disposition des

installations sanitaires de type bain, douche, cuisine, etc.

Pour le type de logement, en 2007, la proportion des ménages vivant dans des

logements précaires37

a atteint 27,6% à l‟échelle nationale. Cette proportion s‟élève

à plus de 61,3% en milieu rural contre seulement 7,3% en milieu urbain. Cette

37

Il s‟agit des logements du bidonville ou encore des logements construits en pisé dans le milieu rural.

Page 106: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

105

proportion ne cesse également de diminuer au cours du temps. C‟est ainsi que la

proportion des ménages habitant des logements précaires a enregistré une baisse de

près de 8 points de pourcentages entre 2001 et 2007, en passant de 35,5% à 27,6%.

Quant à la cohabitation dans le logement, 93,5% des ménages marocains vivant

seuls dans leur logement. L‟occupation du logement par un seul ménage est quasi

généralisée en milieu rural avec un pourcentage de 96,6%. Ce pourcentage s‟élève à

91,5% en milieu urbain. Autrement dit, 8,5% des ménages citadins partagent leur

logement avec d‟autres ménages. Cette proportion était de 11,5% en 2001. La

cohabitation dans le logement est générée principalement par le manque des

ressources financières et donc par la pauvreté et la vulnérabilité.

En ce qui concerne l‟assainissement approché par le mode d‟évacuation des eaux

usées, en 2007, plus de la moitié (54,0%) des ménages sont raccordés au réseau

d‟évacuation des eaux usées, à l‟échelle nationale. En milieu urbain, le raccordement

au réseau des eaux usées est quasi généralisé dans la mesure où 85,0% des ménages

y sont raccordés, contrairement en milieu rural où le raccordement au réseau

d‟évacuation des eaux usées est presque inexistant, soit seulement 2,5% des

ménages ruraux qui y sont raccordés. Les ménages ruraux non raccordés au réseau

d‟évacuation des eaux usées utilisent d‟autres moyens tels, les fosses sceptiques

(14,1%), les latrines ou puits perdus (44,4%) ou évacuées dans la nature (39,0%).

Il faut signaler que le raccordement aux réseaux d‟évacuation des eaux usées a

connu une sorte de « saturation » dans la mesure où le taux de raccordement des

ménages à ces réseaux n‟a augmenté que de 1 point de pourcentage entre 2001 et

2007. Cependant, les autres moyens utilisés, à savoir les fosses sceptiques et les

latrines, ont connu une nette amélioration durant cette période, particulièrement en

milieu rural.

Pour les installations sanitaires dans le logement, on remarque également qu‟il y a

une nette différenciation entre les deux milieux de résidence. En effet, 46,5% des

ménages citadins possèdent une douche ou une baignoire dans leur logement contre

seulement 7,2% en milieu rural. Pour la cuisine, ces pourcentages s‟élèvent

respectivement à 90,7% et 83,8%.

Page 107: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

106

Tableau 3.2 : Ménages (en %) selon les conditions d’habitation et le milieu de

résidence

Conditions d’habitat 2001 2007

Urbain Rural Ensemble Urbain Rural Ensemble

Type de logement

Villa / Appartement 15,4 0,4 9,6 20,3 0,3 12,8

Maison marocaine 75,2 5,3 48,4 72,4 11,5 49,5

Habitat Sommaire/autre 9,4 77,3 35,5 7,3 61,3 27,6

Logement rural -- 17,0 6,5 -- 26,9 10,1

Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

Cohabitation entre ménages

Ménage habite seul 88,2 95,3 90,9 91,5 96,6 93,5

Ménage cohabite avec

un autre ménage 6,4 3,3 5,2

5,2 2,5 4,2

Ménage cohabite avec

deux autres ménages 2,9 1,0 2,2

1,6 0,4 1,1

Ménage cohabite avec

plus de deux ménages 2,5 0,4 1,7

1,7 0,5 1,2

Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

Mode d’évacuation des eaux usées

Réseau d‟égout 84,8 1,6 52,9 85,0 2,5 54,0

Fosse sceptique 2,9 9,2 5,3 5,3 14,1 8,6

Latrine 9,3 31,9 18,0 6,9 44,4 21,0

Jet dans la nature 3,0 57,3 23,8 2,8 39,0 16,4

Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

Equipement sanitaire

Bain traditionnel 2,4 18,4 8,5 1,9 11,8 5,6

Baignoire / douche 35,7 3,1 23,2 46,5 7,2 31,7

Toilette 97,4 47,5 78,3 97,8 69,6 87,2

Cuisine 93,1 81,1 88,5 90,7 83,8 88,1

Source : HCP – Données de l‟ENCDM 2000/01, Rapport de synthèse et traitements

effectués par l‟auteur à partir des données de l‟ENNVM 2006/07.

2.1.3- Les services de base : eau potable et électricité

L‟accès des ménages à l‟eau potable et à l‟électricité sont parmi les besoins de base

dont la satisfaction est une condition préalable à la réalisation du bien être

économique et social. D‟ailleurs l‟accès à l‟eau potable est un domaine qui a été pris

en compte par les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et privilégié

également par la stratégie nationale de réduction de la pauvreté dans le cadre de

l‟Initiative Nationale de Développement Humain (INDH). Selon les résultats de

l‟ENNVM 2006/07, le pourcentage des ménages dont le logement est raccordé au

réseau de l‟eau potable est estimé à 57,7% à l‟échelle nationale. Ce taux enregistre

des disparités très nettes selon le milieu de résidence. En effet, le taux de

raccordement au réseau de l‟eau potable atteint 85,7% en milieu urbain contre

seulement 11,3% en milieu rural.

Page 108: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

107

En milieu rural, outre le raccordement au réseau de l‟eau potable, l‟accès à l‟eau

potable peut être approché également par les autres moyens à savoir la fontaine

publique et l‟eau de source. C‟est ainsi qu‟en 2007, le taux d‟accès des ménages

ruraux à l‟eau potable s‟élevait à 54,7% (16,7% accèdent à l‟eau de source et 26,7%

à l‟eau potable via la fontaine publique).

Tableau 3.3 : Ménages (en %) disposant selon les sources d’eau potable et les

sources d’éclairage selon le milieu de résidence

Eau potable /

Electricité

2001 2007

Urbain Rural Ensemble Urbain Rural Ensemble

Source d’eau potable

Réseau d‟eau potable 80,5 7,6 52,7 85,7 11,3 57,7

Fontaine publique 11,9 12,8 12,2 8,3 26,7 15,2

Eau de source -- 20,0 7,8 -- 16,7 6,4

Autre 7,6 59,4 27,3 6,0 45,3 20,7

Disposition de l’électricité

Compteur individuel 68,9 27,4 53,0 73,9 59,4 68,4

Compteur commun 20,0 2,8 13,4 18,2 4,6 13,1

Sans compteur 3,2 5,0 3,9 2,2 5,8 3,6

Ne dispose pas

d‟électricité 7,9 64,8 29,7

5,7 30,3 14,9

Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

Source : HCP – Données de l‟ENCDM 2000/01, Rapport de synthèse et traitements

effectués par l‟auteur à partir des données de l‟ENNVM 2006/07.

L‟accès des ménages à l‟eau potable a assez significativement augmenté au fil du

temps. En effet, de 2001 à 2007, le pourcentage des ménages habitant des logements

raccordés au réseau d‟eau potable a connu une augmentation annuelle moyenne de

l‟ordre de 1,5% passant de 52,7% à 57,7%. Cette augmentation est beaucoup plus

importante en milieu rural qu‟en milieu urbain, soit respectivement 6,4% et 1,0%.

S‟agissant de l‟électricité, les données de l‟ENNVM 2006/07 montrent, qu‟au niveau

national, 85,1% des ménages disposent de l‟électricité dans leurs logements,

enregistrant une augmentation annuelle moyenne de l‟ordre de 3,2% entre 2001 et

2007. Ce taux s‟établit à 94,3% en milieu urbain. En milieu rural, les efforts

déployés par les pouvoirs publics ces dernières années en matière d‟électrification

des zones rurales, ont conduit à une nette amélioration de l‟accès des ménages à

l‟électricité en passant du simple au double. En effet, le taux d‟accès des ménages

ruraux à l‟électricité est passé de 35,2% en 2001 à près de 70,0% en 2007.

2.1.4- les éléments de confort et d’équipements

Les éléments de confort et d‟équipements d‟un ménage constituent également une

dimension non moins importante pour cerner son niveau de pauvreté. L‟étude de la

possession de ces éléments permet de mieux appréhender l‟évolution du niveau de

vie des ménages. L‟accès à ces équipements est fortement lié au degré de confort et

du bien être vécu par le ménage.

Page 109: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

108

En 2006-07, 54,6% des ménages marocains sont équipés d‟une cuisinière à gaz. Ce

taux connaît une différence importante entre les ménages citadins (61,6%) et les

ménages ruraux (42,9%).

Le taux d‟équipement des ménages en four à gaz atteint 52,4% durant la même

période. Ce taux enregistre de faibles disparités selon le milieu de résidence. C‟est

ainsi qu‟il atteint 53,1 en milieu urbain contre 51,2% en milieu rural. Signalant que

les taux d‟équipement des ménages en cuisinière à gaz et en four à gaz n‟ont pas

connu des changements notables entre 2001 et 2007.

S‟agissant des appareils réfrigérants, en 2006-07, 64,5% des ménages marocains

disposent d‟un réfrigérateur et seulement 3,6% qui possèdent un congélateur. Selon

le milieu de résidence, les ménages ruraux accusent un retard par rapport à leurs

homologues citadins en matière de possession d‟appareils réfrigérants. En effet,

34,5% des ménages ruraux ont un réfrigérateur et 0,5% ont un congélateur, contre

respectivement 82,6% et 5,4% pour les ménages citadins.

Tableau 3.4 : Ménages (en %) selon la disposition des biens durables et le milieu de

résidence

Biens durables 2001 2007

Urbain Rural Ensemble Urbain Rural Ensemble

Cuisinière à gaz 65,9 40,9 56,3 61,6 42,9 54,6

Four à gaz 51,0 38,3 46,1 53,1 51,2 52,4

Réfrigérateur 71,4 10,6 48,0 82,6 34,5 64,5

Congélateur 2,4 0,1 1,5 5,4 0,5 3,6

Source : HCP – ENCDM 2000/01, Rapport de synthèse et traitements effectués par

l‟auteur à partir des données de l‟ENNVM 2006/07.

2.1.5- Les moyens de communication

L‟accès aux moyens de communication est considéré comme un besoin fondamental

à l‟épanouissement de la population en vue d‟atteindre un certain niveau du bien -

être. Cette dimension non moins importante reste encore privilégiée par les objectifs

du millénaire pour le développement.

Le tableau suivant montre qu‟en 2007, 88,3% des ménages marocains sont équipés

en télévision et 48,1% sont équipés en antenne parabolique. Ces pourcentages

s‟établissaient respectivement à 77,2% et 29,0% en 2001. A noter également que ces

pourcentages cachent encore des disparités selon le milieu de résidence. En effet,

95,5% des ménages citadins disposent d‟une télévision dans leur logement contre

76,2% chez les ménages ruraux. Ces pourcentages, s‟élèvent respectivement à

60,6% et 27,2% pour l‟antenne parabolique.

S‟agissant des moyens de télécommunication, le taux de possession de ménages

marocains d‟au moins un téléphone portable ne cesse de croître au cours du temps

avec le développement du secteur des télécommunications dans le monde entier.

C‟est ainsi que le taux de possession des ménages marocains d‟au moins un

Page 110: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

109

téléphone portable a passé de moins de 1,0% en 1998/99 à 25,7% en 2000/01, avant

d‟atteindre 76,9% en 2007. Selon le milieu de résidence, près de 9 ménages citadins

sur 10 (88,3%) disposent d‟au moins un téléphone mobile contre près de

moitié (48,1%) en milieu rural.

Tableau 3.5 : Ménages (en %) selon la disposition des moyens de communication et

le milieu de résidence

Moyens de

communication

2001 2007

Urbain Rural Ensemble Urbain Rural Ensemble

Télévision 91,7 93,8 77,2 95,5 76,2 88,3

Parabole 41,4 8,9 29,0 60,6 27,2 48,1

Téléphone mobile 34,0 12,4 25,7 84,4 64,5 76,9

Source : HCP – Données de l‟ENCDM 2000/01 et traitements effectués par l‟auteur à

partir des données de l‟ENNVM 2006/07.

2.2- Les facteurs de développement humain

2.2.1- Education

L‟éducation figure parmi les principaux domaines privilégiés de l‟analyse non

monétaire de la pauvreté. Elle vient en second plan des Objectifs du Millénaire pour

le Développement. Plusieurs indicateurs permettent de mesurer le degré d‟accès à

l‟éducation dont on cite, entre autres, les taux brut et net de scolarisation et les taux

d‟alphabétisation des adultes de 15 ans et plus.

Selon les données de l‟ENNVM 2006/07, 43,4% de la population âgée de 15 ans et

plus est sans niveau d‟instruction. Cette part diffère selon le sexe, le milieu de

résidence et le niveau de vie. C‟est ainsi que la part des hommes âgés de 15 ans et

plus n‟ayant aucun niveau d‟instruction s‟élève à 27,9% contre 57,7% chez les

femmes. Selon le milieu de résidence, les ruraux sont dans la majorité des cas sans

niveau d‟instruction ou ayant un niveau ne dépassant pas le primaire ou le collège

(91,0%), contre 71,6% chez les citadins. La part des citadins âgés de 15 ans et plus

ayant le niveau secondaire et plus atteint 25,9% contre uniquement 4,6% pour les

ruraux.

Par rapport aux données de l‟ENCDM 2000/01, on remarque qu‟il y a une nette

amélioration en matière de scolarisation de la population âgée de 15 ans et plus. En

effet, la part de cette population n‟ayant aucun niveau scolaire affichait 48,4% en

2001, enregistrant par là même une baisse annuelle moyenne de l‟ordre de 1,8%

entre 2001 et 2007. En revanche, la part de la population âgée de 15 ans et plus

ayant au moins le niveau secondaire a connu une augmentation annuelle moyenne de

3,5% durant la même période en passant de 13,6% en 2001 à 16,7% en 2007.

S‟agissant de l‟alphabétisation, quoique le taux d‟analphabétisme ne cesse de

diminuer au cours du temps, il demeure élevé par rapport au taux enregistré dans des

pays comparables. En effet, selon les résultats de l‟ENNVM 2006/07, 60% de la

Page 111: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

110

population âgée de 10 ans et plus, à l‟échelle nationale, savent lire et écrire. Ce taux

cache également des disparités selon le sexe et le milieu de résidence. C‟est ainsi

qu‟en milieu urbain, le pourcentage des hommes qui savent lire et écrire atteint

82,7% contre seulement 62,1% chez les femmes. En milieu rural, ces pourcentages

s‟élèvent respectivement à 61,8 % et 28,2%.

Durant la période 2001-2007, l‟alphabétisation a gagné 5 points de pourcentages, en

passant de 55% en 2001 à 60% en 2007. Ce gain est beaucoup plus prononcé en

milieu rural qu‟en milieu urbain, soit respectivement un gain de l‟ordre 6,1 et 4,8

points de pourcentages.

Tableau 3.6 : Niveau scolaire de la population âgée de 15 ans et plus et taux

d’alphabétisation de la population de 10 ans et plus selon le sexe et le milieu de

résidence

Niveau scolaire et

alphabétisation

2001 2007

Masculin Féminin Total Masculin Féminin Total

Milieu urbain

Néant 23,8 47,4 35,8 19,0 41,9 30,5

Fondamental 47,9 34,9 41,3 47,3 34,9 41,1

Secondaire 14,8 10,9 12,8 17,9 13,2 15,5

Supérieur 9,1 6,2 7,6 11,5 9,3 10,4

Autre 4,4 0,6 2,5 4,3 0,7 2,5

Taux

d’alphabétisation

78,1 57,2 67,5 82,7 62,1 72,3

Milieu rural

Néant 50,1 84,0 66,9 40,4 77,2 60,3

Fondamental 34,6 13,8 24,3 43,7 19,7 30,7

Secondaire 4,1 1,1 2,6 5,1 1,6 3,2

Supérieur 1,7 0,3 1,0 2,4 0,5 1,4

Autre 9,5 0,8 5,2 8,4 1,0 4,4

Taux

d’alphabétisation

53,2 21,8 37,8 61,8 28,2 43,9

Ensemble du pays

Néant 34,7 62,1 48,4 27,9 57,7 43,4

Fondamental 42,2 26,4 34,4 45,8 28,1 36,6

Secondaire 10,3 7,0 8,6 12,6 8,0 10,2

Supérieur 6,1 3,8 5,0 7,7 5,4 6,5

Autre 6,5 0,7 3,6 6,0 0,8 3,3

Taux

d’alphabétisation

67,5 42,6 55,0 73,9 46,9 59,9

Source : HCP – ENCDM 2000/01, Rapport de synthèse et traitements effectués par

l‟auteur à partir des données de l‟ENNVM 2006/07.

2.2.2- Santé

L‟approche non monétaire de la pauvreté à partir des besoins de base considère la

santé comme l‟un des éléments indispensables pour atteindre une certaine qualité de

vie. D‟ailleurs, le secteur de la santé figure parmi les huit objectifs de la déclaration

Page 112: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

111

du millénaire. Faute de disposer des données sur la mortalité infantile, la mortalité

juvénile et la mortalité maternelle, à partir des enquêtes sur la consommation et le

niveau de vie des ménages, nous focalisons notre attention sur la consultation

médicale et la couverture médico-sanitaire.

Selon les données de l‟ENNVM 2006/07, un peu plus de 5 ménages sur 10 (51,4%)

ayant parmi ses membres au moins une personne ayant déclaré malade ou blessée.

Le taux d‟accès de ces ménages aux services de soins de santé pour se faire soigner

a atteint 83% dont 76,8% d‟accès total38

. Le taux d‟accès des ménages aux services

de soins de santé diffère selon le milieu de résidence. En effet, en milieu urbain, le

taux d‟accès des ménages aux services de soins de santé a enregistré 86,1% (80,5%

en accès total et 5,6% en accès partiel). En milieu rural, le taux d‟accès total des

ménages aux services de soins de santé s‟élève à 70,2% contre 6,2% d‟accès partiel

soit un taux global d‟accès aux soins de santé de l‟ordre de 76,4%.

Tableau 3.7 : La ventilation du statut d’accès des ménages aux soins de santé selon

le milieu de résidence

Statut d’accès

aux soins de

santé

2001 2007

Urbain Rural Ensemble Urbain Rural Ensemble

Aucun malade 36,2 51,7 42,1 46,7 51,7 48,6

Accès total 54,3 38,4 48,2 42,9 33,9 39,5

Accès partiel 4,1 2,4 3,5 3,0 3,0 3,0

Inaccès total 5,4 7,5 6,2 7,4 11,4 8,9

Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

Source : HCP – Données de l‟ENCDM 2000/01 et traitements effectués par l‟auteur à

partir des données de l‟ENNVM 2006/07.

Concernant la couverture médico-sanitaire, elle est caractérisée par sa faiblesse. Une

telle faiblesse constitue une entrave à la promotion du secteur privé, au

développement du secteur pharmaceutique et surtout à une meilleure répartition des

infrastructures sanitaires. En 2006/07, le taux de couverture de la population par un

système d‟assurance maladie a atteint 15,8% l‟échelle nationale. Ce taux cache

encore des disparités selon le milieu de résidence. En effet, le milieu urbain dispose

d‟un taux très élevé par rapport au milieu rural, soit respectivement 25,0% et 3,9%.

Cette différence est liée principalement à la structure de l‟économie rurale et au

statut socioprofessionnel des actifs occupés ruraux. A signaler également que ce

taux de couverture médico-sanitaire a connu une amélioration de l‟ordre de 2,3

points de pourcentages entre 2001 et 2007 et que ce taux ne cessera d‟augmenter en

raison de l‟adoption de l‟assurance maladie obligatoire (AMO) et le RAMED.

Analysé par ménage, en 2007, 23,7% des ménages ont au moins parmi leurs

membres une personne couverte par un système d‟assurance maladie, dont 12,4%

38

On entend par accès total des ménages aux soins de santé, le fait que toutes les maladies ou blessures

survenues au sein d‟un ménage durant la période de référence choisie lors de l‟enquête, ont fait l‟objet de

consultations médico-sanitaires.

Page 113: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

112

sont totalement couverts et 11,3% ne le sont que partiellement. Ces pourcentages

s‟élèvent respectivement à 18,1% et 15,8% en milieu urbain et à 3,1% et 3,6% en

milieu rural.

Tableau 3.8 : Couverture médico-sanitaire selon le milieu de résidence

Couverture médico-

sanitaire

2001 2007

Urbain Rural Ensemble Urbain Rural Ensemble

Taux de couverture 21,3 3,8 13,5 25,0 3,9 15,8

Etat de couverture médico-sanitaire du ménage

Totalement couvert 12,3 2,7 8,6 18,1 3,1 12,4

Au moins la moitié

des membres sont

couverts

8,8 1,3 5,9

9,9 1,8 6,9

Moins de moitié des

membres sont

couverts

9,6 2,0 6,7

5,9 1,8 4,4

Aucun membre n‟est

couvert 69,3 94,0 78,8

66,1 93,3 76,3

Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

Source : traitements effectués par l‟auteur à partir des données de l‟ENCDM 2000/01 et

de l‟ENNVM 2006/07, HCP.

2.2.3- Activité professionnelle

L‟amélioration de certains indicateurs sociaux (réduction du taux de chômage) est

considérée parmi les facteurs contribuant à la réduction de la pauvreté. C‟est

d‟ailleurs que la création des emplois décents et productifs pour les jeunes âgés de

15 à 24 ans à la recherche d‟un emploi figure parmi les cibles des OMD.

Selon les données de l‟ENNVM 2006/07, 68,9% des ménages marocains n‟ont pas

de jeunes actifs ayant un âge entre 15 et 24 ans. Ce pourcentage s‟établit à 75,3% en

milieu urbain et à 58,2% en milieu rural. Sur l‟ensemble des ménages qui ont des

jeunes actifs âgés entre 15 et 24 ans, 28,6% ont au moins un jeune à la quête d‟un

emploi à l‟échelle nationale. Ce pourcentage est près de quatre fois supérieur en

milieu urbain par rapport au milieu rural, soit respectivement 44,9% et 12,9%.

En ce qui concerne le nombre de chômeurs total dans le ménage, 17,5% des ménages

à l‟échelle nationale ont au moins une personne parmi leurs membres en situation de

chômage (21,6% en 2001). Les ménages dont le nombre des chômeurs ne dépasse

pas la moitié des personnes âgées de 15 ans et plus, représentent 14,8% au niveau

national, tandis que pour ceux qui ont un nombre de chômeurs dépassant la moitié

des personnes âgées de 15 ans et plus ne représentent que 2,7%. Ces différents

pourcentages s‟élèvent respectivement à 18,9% et 3,6% en milieu urbain et à 8,0% et

1,2% en milieu rural. Il en ressort que le chômage demeure toujours un phénomène

urbain et qu‟en milieu rural, il faut plutôt raisonner en termes de sous emploi qu‟en

termes de chômage.

Page 114: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

113

S‟agissant du nombre d‟actifs occupés dans le ménage, 11,8% des ménages

marocains n‟ont aucun actif occupé parmi leurs membres (9,4% en 2001), 35,6% ont

moins d‟un tiers des membres qui sont actifs occupés, 37,7% ont entre le tiers et les

deux tiers des membres qui sont actifs occupés et 14,9% des ménages dont le rapport

entre les actifs occupés et la taille des ménages dépasse les deux tiers. Selon le

milieu de résidence, la proportion des ménages qui n‟ont pas d‟actifs occupés parmi

leurs membres est plus importante en milieu urbain qu‟en milieu rural, soit

respectivement 14,8% et 7,0%.

Tableau 3.9 : Ménages (en %) selon le chômage et l’emploi et le milieu de résidence

Indicateurs de

chômage et d’emploi

2001 2007

Urbain Rural Ensemble Urbain Rural Ensemble

Activité des jeunes âgés entre 15 et 24 ans

- Aucun actif / pas de

jeune 67,2 52,3 61,5 75,3 58,2 68,9

- Existence de jeunes

actifs occupés dans le

ménage

19,3 43,0 28,4 13,6 36,4 22,2

- Au moins un jeune

cherche un emploi 13,5 4,7 10,1 11,1 5,4 8,9

Part des chômeurs de 15 ans et plus

- Aucun chômeur 70,7 90,9 78,4 77,5 90,8 82,5

- Moins de la moitié 27,3 8,8 20,2 18,9 8,0 14,8

- Plus de la moitié 2,0 0,3 1,4 3,6 1,2 2,7

Part des actifs occupés

- Aucun actif occupé 11,9 5,4 9,4 14,8 7,0 11,8

- Moins de 1/3 43,8 25,1 36,7 42,7 23,7 35,6

- Entre le 1/3 et 2/3 36,4 44,5 39,5 34,0 43,7 37,7

- Plus de 2/3 7,9 25,0 14,4 8,5 25,6 14,9

Source : Traitements effectués par l‟auteur à partir des données de l‟ENCDM 2000/01

et de l‟ENNVM 2006/07, HCP

Paragraphe 3 : Analyse des Correspondances Multiples des dimensions non monétaires de la pauvreté

Pour aller au-delà de la description et afin de différencier les liaisons existantes

entre les différentes dimensions de la pauvreté et avoir une photographie de ces

liaisons et la position des ménages dans un plan tenant compte des dimensions non

monétaires de la pauvreté, nous avons procédé à une première ACM sur l‟ensemble

des dimensions non monétaires de la pauvreté présentées ci-dessus et récapitulées

dans le tableau ci-dessous. Cette première ACM constitue également la base

permettant la construction de l‟Indicateur Composite de la Pauvreté (ICP).

Page 115: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

114

Tableau 3.10 : Liste préliminaire des variables pour l’indicateur composite de la

pauvreté

Variables Urbain Rural

Education

- Niveau scolaire

- Alphabétisation

X

X

X

X

Santé

- Accès aux soins de santé

- Couverture médico sanitaire

X

X

X

X

Eau potable

- Réseau eau potable

- Fontaine publique

- Eau de source

- Autre

X

X

X

X

X

Energie

- Electricité : compteur individuel

- Electricité : compteur collectif

- Electricité : Sans compteur

- Pas d‟électricité

X

X

X

X

X

X

Conditions d’habitation

- Type de logement

- Cohabitation entre ménages

X

X

X

X

Evacuation des eaux usées

- Réseau d‟égout

- Fosse sceptique

- Latrine

- Jet dans la nature

X

X

X

X

X

Equipement sanitaire

- Bain traditionnel

- Baignoire / douche

- Toilette

- Cuisine

X

X

X

X

X

X

Nutrition

- Proportion de la population dont la

DAMP est inférieure au SPA

- Proportion de la population dont la

dépense alimentaire est inférieure au SPA

- Malnutrition des enfants de moins de 5

ans

X

X

X

X

X

X

Communication

- Télévision

- Parabole

- Téléphone mobile

X

X

X

X

X

X

Eléments de confort et d’équipements

- Cuisinière à gaz

- Cuisinière à four

- Réfrigérateur

- Congélateur

X

X

X

X

X

X

X

Activité

Page 116: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

115

Variables Urbain Rural

- Activité des jeunes âgés entre 15 et 24

ans

- Part des actifs occupés dans le ménage

- Part des chômeurs de 15 ans et plus dans

le ménage

X

X

X

X

X

X

Avant de procéder à la présentation des résultats de l‟ACM. Il s‟agit de préciser

qu‟afin de mener des comparaisons inter-temporelles cohérentes de la pauvreté, il

est nécessaire que le poids accordé à chaque attribut entrant dans le calcul de

l‟indice composite du bien-être (ICBE), soit constant à travers toute la période. Pour

ce faire, deux techniques s‟imposent : la première consiste à empiler toutes les

données disponibles (2 enquêtes) en une seule base de données et appliquer par la

suite une ACM, pour déterminer les poids permettant de calculer notre indice ; la

deuxième technique consiste à appliquer l‟ACM sur les données de l‟une des deux

périodes pour déterminer les poids des différents attributs et les utiliser ensuite pour

le calcul de l‟indice de l‟autre période. Le choix entre l‟une et l‟autre technique reste

une question empirique. L‟application des deux techniques a donné des résultats

presque semblables en termes d‟indices composites, dans la mesure où, il existe une

forte corrélation entre les deux indices de l‟ordre de 0,995, d‟autant plus que les

deux indices classent les ménages de la même façon.

Dans ce travail, nous avons opté pour la deuxième technique dans le souci d‟alléger

la présentation des résultats et dans le souci également d‟utiliser ces poids pour les

données d‟autres enquêtes (antérieures et futures). Ainsi, l‟ICBE à calculer selon les

différentes sources de données est celui calculé en appliquant les poids issus d‟une

ACM sur les données de l‟enquête de 2006/07.

3.1- Les enseignements d’une ACM préliminaire

Le tableau des valeurs propres (tableau 1, annexe 1) issu de l‟ACM des dimensions

non monétaires de la pauvreté, met en exergue la distinction du premier axe

factoriel. Cet axe explique plus de 52% de l‟inertie totale du nuage des variables

tandis que les autres axes ont un faible pouvoir explicatif (chaque axe a moins de 4%

de l‟inertie expliquée).

Ce premier axe privilégié par rapport aux autres axes portera le nom de l‟axe de la

pauvreté. L‟analyse donc de l‟ACM sera principalement basée sur cet axe de la

pauvreté. Ce premier axe factoriel de l‟ACM des dimensions de la pauvreté non

monétaire oppose nettement deux catégories des ménages à savoir les pauvres et les

non pauvres.

L‟état de la pauvreté est décrit par des indicateurs négativement corrélés au premier

axe, alors que celui du bien être est saisi par les indicateurs qui lui sont positivement

corrélés. Le tableau 2 en annexe 1, donne les coordonnées des différents indicateurs

de la pauvreté pour le premier et le deuxième axe.

Page 117: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

116

L‟examen des variables les plus corrélées négativement au premier axe, permet de

dégager que les ménages pauvres ont un très faible accès à l‟éducation, à la santé, à

l‟eau potable, à l‟assainissement, à l‟habitat décent, à l‟alimentation et aux éléments

de confort, et ce quel que soit le milieu de résidence.

Le faible accès à l‟éducation est caractérisé par un faible taux d‟alphabétisation du

chef de ménage, une faible proportion des membres ne sachant ni lire et écrire dans

le ménage et une forte proportion des membres n‟ayant aucun niveau scolaire dans

le ménage.

Dans le domaine de la santé, l‟assainissement et l‟eau potable, l‟ACM montre que

les pauvres n‟accèdent pas le plus souvent aux soins de santé en cas de maladie ou

de blessure, n‟ayant pas de couverture médico-sanitaire. Ils ne possèdent pas des

toilettes hygiéniques et ne sont pas raccordés au réseau de l‟eau potable ou même ne

s‟en approvisionnent pas d‟une fontaine publique de proximité (cas des ménages

ruraux).

Les ménages pauvres n‟arrivent pas également à satisfaire leurs besoins alimentaires

dans la mesure où leurs dépenses en alimentaire sont inférieures au seuil de pauvreté

alimentaire. Ces ménages comptent parmi leurs membres des enfants de moins de 5

ans souffrant de la malnutrition et du retard de croissance.

Dans le domaine de l‟habitat, les ménages pauvres habitent dans des logements

sommaires caractérisés par l‟absence des conditions hygiéniques et de confort. Les

matériaux de construction de ces logements ne résistent pas aux pluies fortes.

En matière d‟électricité, les ménages pauvres ne possèdent pas d‟électricité dans

leurs logements, ils utilisent le plus souvent les bougies et les lampes à gaz ou à

pétrole pour l‟éclairage.

Pour les moyens de communication, on note également que les ménages pauvres ne

possèdent pas de télévision, de parabole et de téléphone portable. Le pourcentage

des ménages ne possédant pas ces moyens de communication est plus important en

milieu rural qu‟en milieu urbain. Le groupe des ménages pauvres manque également

des moyens de confort, tels la cuisinière à gaz, le four à gaz, le réfrigérateur ou

encore le congélateur.

Par rapport à l‟activité, les ménages pauvres sont ceux dont le chef n‟a pas d‟emploi,

dont au moins un jeune enfant de 15 à 24 ans est actif occupé.

Il faut noter que dans ce groupe des ménages pauvres sur le plan multidimensionnel,

on retrouve une catégorie des ménages non pauvres par rapport à certaines

dimensions telles que la proportion des actifs occupés dans le ménage et la

proportion des chômeurs dans le ménage.

Pour ces ménages, la proportion élevée des actifs occupés dans le ménage n‟a pas

été suffisante pour les épargner du groupe de la pauvreté, car ils demeurent très

Page 118: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

117

défavorisés par rapport aux autres dimensions telles que l‟éducation, la santé, l‟eau

potable, les communications, etc.

Contrairement aux ménages pauvres, les ménages nantis sont généralement ceux qui

ont accès à l‟éducation, à la santé, à l‟eau potable, à l‟assainissement, à l‟habitat

décent, à l‟alimentation et aux éléments de confort.

Les ménages appartenant à l‟axe du bien être ou bien les ménages nantis, sont des

ménages dont le chef est alphabétisé, dont la proportion des membres alphabétisés

est élevée et dont la proportion des membres n‟ayant aucun niveau scolaire est

faible.

Ils ont accès aux services de santé de base en cas de maladie ou de blessure et ils

sont couverts par un système d‟assurance maladie. Ils ont parmi leurs membres des

enfants de moins de 5 ans ne souffrant pas du retard de croissance ni de

malnutrition.

Ces ménages ont également des logements raccordés à l‟eau potable et au système

d‟évacuation des eaux usées et ils disposent des toilettes hygiéniques. Ils habitent

dans des logements décents de type ville, appartement ou maison marocaine et

disposent de l‟électricité et de moyens de confort (cuisine, appareils

électroménagers).

Les ménages nantis sont également des ménages qui ont accès aux moyens de

communication (télévision, portable et parabole), dont le chef est actif occupé et

dont les jeunes enfants de 15 à 24 ans n‟exerçant pas une activité professionnelle.

3.2- Construction de l’indicateur composite de la pauvreté

3.2.1- Sélection des variables pour la construction de l’ICP

L‟analyse des correspondances multiples nous a fourni des éléments de base pour

sélectionner les variables qui vont servir dans la construction de l‟ICP. Le principal

critère utilisé pour réduire le nombre de variables sans perdre la consistance

substantielle est celui de la consistance ordinale du premier axe factoriel (COPA)

qui décrit une situation du bien-être. Les variables qui ont la propriété COPA sont

celles qui obéissent à la règle selon laquelle, le bien être se détériore en passant

d‟une situation de richesse à une situation de pauvreté tout au long du premier axe.

Pour les variables dichotomiques, la propriété COPA signifie que la modalité

décrivant une situation du bien être se trouve du côté des riches sur le premier axe et

celle décrivant une situation de pauvreté se trouve du côté des pauvres. Les autres

critères concernent les mesures de discrimination, l‟étalement sur le premier axe, la

fréquence élevée des non-réponses et les fréquences faibles de certaines modalités.

Aussi bien en milieu urbain qu‟en milieu rural, certaines variables ont été éliminées

du fait qu‟elles ne possèdent pas la propriété COPA (chef de ménage est actif

occupé en milieu urbain et chef de ménage est actif occupé et chef de ménage est

Page 119: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

118

chômeur en milieu rural). D‟autres variables polytomiques ne possédant pas la

propriété COPA ont été gardées après avoir procédé au regroupement de leurs

modalités tout en leur conférant la propriété COPA. C‟est le cas notamment, de

l‟accès aux soins de santé, l‟état de couverture médico-sanitaire, type de logement,

état nutritionnel des enfants, source de l‟eau potable, etc. Les variables

polytomiques représentant les proportions des actifs occupés dans le ménage et

celles des chômeurs ont été éliminées de l‟ACM, faute de justifier la propriété

COPA.

La possession d‟un congélateur en milieu rural, possède la propriété COPA, mais la

variable a été éliminée à cause de la faible fréquence de la modalité (moins de 1%).

3.2.2- Les enseignements d’une ACM élaborée

Une ACM finale effectuée sur les variables retenues pour la construction de l‟ICP a

conduit à une augmentation considérable du pouvoir explicatif du premier axe

factoriel qui est passé de 52% à 69%. Dans le plan factoriel de l‟ACM finale, les

pauvres sont à gauche et les riches sont à droite et le bien être augmente du gauche à

droite. Dans ce nouveau plan, toutes les variables ont la propriété de consistance

ordinale sur le premier axe COPA. Sur ce plan, on assiste à une nette séparation des

pauvres et des riches qui sont opposés sur le premier axe factoriel.

Comme il a été défini dans la partie méthodologique de ce travail, la valeur de

l‟indicateur composite de pauvreté (ICP) pour un ménage est la moyenne des ses

poids-catégories correspondant à la moyenne des scores normalisés sur le premier

axe factoriel. En d‟autres termes, c‟est la coordonnée factorielle du ménage sur le

premier axe qui classe les ménages en fonction de leur situation du bien être.

Les valeurs extrêmes de l‟indicateur composite de pauvreté ainsi calculé sont de -

1,77 (ménage le plus pauvre) et 0,75 (le ménage le plus riche) en milieu urbain et

de -1,0 et 1,35, respectivement en milieu rural.

Le ménage qui a la plus petite valeur de l‟ICP (-1,77) en milieu urbain a les

caractéristiques suivantes :

le chef de ménage est analphabète ;

plus des trois quart des membres de ce ménage n‟ont aucun niveau scolaire et

moins du tiers parmi eux qui savent lire et écrire ;

les membres de ce ménage n‟accèdent pas aux services de soins de santé et

n‟ont aucune couverture médico-sanitaire ;

les enfants relevant de ce ménage souffrent du retard de croissance ;

Page 120: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

119

le logement de ce ménage est de type précaire et il n‟est pas raccordé au

réseau de l‟eau potable, au réseau d‟électricité et au réseau d‟évacuation des

eaux usées ;

ce ménage ne dispose pas des éléments de confort et des biens durables :

douche, cuisine séparée, toilette, télévision, parabole, portable, cuisinière à

gaz, réfrigérateur, etc. ;

en termes des dépenses, ce ménage a une dépense alimentaire largement

inférieure au seuil de pauvreté alimentaire et une dépense totale qui ne

représente même pas la moitié du seuil de pauvreté.

Au contraire, le ménage qui a l‟indicateur composite de la pauvreté (0,75) le plus

élevé a les caractéristiques suivantes :

le chef de ménage est alphabète ;

tous les membres de ce ménage ont été scolarisés et par conséquent tous

savent lire et écrire ;

tous les membres de ce ménage ont une couverture médico-sanitaire ;

le logement de ce ménage est de type villa et il est raccordé à toutes les

infrastructures sanitaires de base ;

ce ménage dispose également de tous les éléments de confort et de tous les

biens durables ;

en termes des dépenses de consommation, les dépenses alimentaires de ce

ménage représentent quatre fois le seuil de pauvreté total et les dépenses

totales mensuelles de ce ménage s‟élèvent à 29000 DH.

Pour le milieu rural, il s‟agit de noter que le ménage qui possède la plus faible valeur

de l‟indicateur composite de pauvreté (-1,0) vit dans des conditions difficiles. C‟est

ainsi que tous les membres de ce ménage n‟ont aucun niveau scolaire et ils sont

illettrés, ils n‟accèdent pas aux services de soins de santé et ils ne sont pas couverts

par un système de couverture médicale. S‟agissant des conditions de logement et de

confort, ce ménage ne dispose d‟aucun équipement de base et ne possède aucun

élément de confort. Les dépenses alimentaires et les dépenses totales de ce ménage

sont respectivement inférieures au seuil de pauvreté alimentaire et au seuil de

pauvreté total.

Pour le ménage rural qui a la valeur la plus élevée de l‟ICP (1,35), il vit dans des

conditions meilleures en termes d‟accès aux équipements de base (éducation, santé,

logement etc.) et en termes de conditions de vie approchées par les dépenses

alimentaires et les dépenses totales (ce ménage appartient au 20% les plus aisés des

ménages ruraux).

Page 121: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

120

3.2.3- L’indice de pauvreté multidimensionnelle (IPM)

L‟indicateur composite de pauvreté est une variable numérique qui mesure le niveau

du bien-être des ménages. Comme toutes les autres variables de mesure du bien-être

(dépenses, revenus, etc.), il peut faire l‟objet d‟analyse des différents indicateurs

numériques de pauvreté (taux de pauvreté, indice volumétrique ou indice de

sévérité) et d‟inégalité (indice de gini, indice d‟entropie, etc.). Cependant, l‟ICP a la

propriété d‟être négatif pour les ménages les plus pauvres. Il peut être rendu positif

en ajoutant au score de chaque ménage la valeur absolue du score le plus faible de

tous les scores de la distribution39

. Pour obtenir un indice de pauvreté

multidimensionnelle, il suffit donc de fixer un seuil et tous les indicateurs de

pauvreté et d‟inégalité deviennent calculables.

3.2.4- Synthèse : calcul du seuil de pauvreté multidimensionnelle

Toute étude sur la pauvreté nécessite au préalable la définition d‟un seuil de

pauvreté partageant les ménages pauvres et les ménages non pauvres. Pour

l‟approche monétaire, il y a des pays qui utilisent le seuil de pauvreté absolu qui

représente le montant minimum nécessaire à l‟individu pour satisfaire ses besoins

fondamentaux, c‟est le cas du Maroc ; et il y a d‟autres pays qui utilisent le seuil de

pauvreté relatif, défini comme une proportion du revenu médian, qui représente le

montant minimum pour atteindre un niveau du bien être habituellement observé dans

la société, c‟est le cas, entre autres, des pays de l‟OCDE.

Dans le cas d‟approche non monétaire, le problème du choix du seuil de pauvreté est

moins difficile, dans la mesure où la définition d‟un seuil de pauvreté absolu est une

tâche délicate du fait que l‟ICP que nous utilisons ne contient pas une dimension

nutritionnelle qui permet de définir un seuil minimum de subsistance. Pour cette

raison, le seuil de pauvreté à choisir est celui du seuil de pauvreté relatif qui

représente 60% de la médiane de la distribution de l‟ICP.

Ce choix reste arbitraire et nos conclusions seront dépendantes de ce seuil. Donc, le

seuil de pauvreté retenu est :

Zi=0,6 * ICPi médian

Avec i=1 à 2, 1 pour le milieu urbain et 2 pour le milieu rural

Tableau 3.11 : Indicateurs composites de pauvreté et seuil de pauvreté selon le

milieu de résidence

ICP moyen ICP médian Seuil de pauvreté

Urbain 1,775 1,8546 1,1128

Rural 0,996 0,9902 0,5941

Source : Données de l‟ENNVM 2006/07.

39

Nous nous retrouverons ainsi avec une nouvelle distribution de l‟ICP définie théoriquement sur le

support [0,+∞[

Page 122: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

121

La valeur du seuil de pauvreté obtenue représente la valeur de l‟indicateur composite

au-delà duquel le ménage accède aux besoins de base et par conséquent échappe à la

pauvreté. Une valeur de l‟indicateur composite de pauvreté en dessous de ce seuil

explique la situation de la pauvreté.

En appliquant les indices de Foster-Greer-Thorbecke (FGT) de pauvreté à

l‟indicateur composite de pauvreté, on obtient des indices de pauvreté

multidimensionnelle à savoir les taux de pauvreté (FGT0), la profondeur de la

pauvreté (FGT1) et la sévérité de la pauvreté (FGT2). Dans la suite de ce travail,

tous les résultats obtenus de la pauvreté multidimensionnelle vont être comparés

avec les indicateurs de la pauvreté monétaire40

.

Section 3 : Profil et dynamique de la pauvreté monétaire et non monétaire

Paragraphe 1 : La pauvreté monétaire et non monétaire : la dimension géographique

1.1- La comparaison entre l’urbain et le rural

La comparaison entre la pauvreté multidimensionnelle et la pauvreté monétaire

montre que la pauvreté multidimensionnelle est beaucoup plus importante que la

pauvreté monétaire, soit un taux de pauvreté de 8,9% selon l‟approche monétaire et

de 12,1% selon l‟approche multidimensionnelle, à l‟échelle nationale. Ces taux

s‟établissent respectivement à 4,8% et 7,4% en milieu urbain et à 14,4% et 18,3% en

milieu rural. Pour les autres indices de pauvreté mesurant la profondeur (FGT1) et la

sévérité (FGT2), toutes choses égales par ailleurs, la pauvreté multidimensionnelle

est davantage accentuée que la pauvreté monétaire, soit un écart de 1,9 points de

pourcentage pour la profondeur et 1,3 pour la sévérité à l‟échelle nationale. Ces

pourcentages s‟élèvent respectivement à 1,1 et 0,6 en milieu urbain et 2,9 et 2,0 en

milieu rural.

Tableau 3.12 : Ventilation de la pauvreté monétaire et non monétaire selon le

milieu de résidence

Milieu de

résidence

Pauvreté

multidimensionnelle Pauvreté monétaire

Différence

(multidimensionnelle

– monétaire)

FGT0 FGT1 FGT2 FGT0 FGT1 FGT2 FGT0 FGT1 FGT2

Urbain 7,4 1,9 0,8 4,8 0,8 0,2 2,6 1,1 0,6

Rural 18,3 6,2 3,2 14,4 3,3 1,2 3,9 2,9 2,0

Total 12,1 3,8 1,9 8,9 1,9 0,6 3,2 1,9 1,3

Source : calculs à partir des données de l‟ENNVM 2006/07.

40

La pauvreté monétaire ou pécuniaire est le manque d‟argent entraînant des difficultés pour se nourrir,

s‟habiller, se loger, etc. Elle est estimé au moyen d‟un seuil de pauvreté qui peut être absolue (pays en

développement) ou relatif (pays développés).

Page 123: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

122

1.2- La dimension régionale

Selon la région, Si l‟on excepte les régions de « Rabat-Salé-Zemmour-Zaer » et

« Gharb-Chrarda-Bni Hssen » où la pauvreté monétaire (6,1% resp. 18,5%) ne

s‟écarte pas beaucoup de la pauvreté multidimensionnelle (6,4% resp. 17,6%), et la

région « Oriental » qui est caractérisée par une suprématie de la pauvreté monétaire

(8,6%) sur la pauvreté multidimensionnelle (5,1%) ; dans les autres régions, c‟est la

pauvreté multidimensionnelle qui se démarque de la pauvreté monétaire.

La plus grande différence est observée au niveau des régions « Taza-Al Hoceima-

Taounate » et « Tadla-Azilal », soit un écart absolu, en termes de points de

pourcentages de 12,0% et 10,1% respectivement. La région « Doukala-Abda » reste

la plus pauvre selon les deux approches. En effet, elle occupe le dernier rang

(14ème) selon l‟approche multidimensionnelle et l‟avant dernier rang (13ème) selon

l‟approche monétaire.

D‟après ces résultats au niveau régional, il ressort que deux stratégies de ciblage

peuvent être orientées vers les régions :

- un ciblage visant à investir davantage dans l‟infrastructure physique dans les

régions où la pauvreté multidimensionnelle est élevée et dépasse de loin la

pauvreté monétaire ;

- un ciblage moyennant les transferts directs dans les régions où la pauvreté

monétaire est plus importante que la pauvreté multidimensionnelle.

Tableau 3.13 : Ventilation de la pauvreté monétaire et non monétaire selon la

région

Région

Pauvreté

multidimensionnell

e

Pauvreté

monétaire

Différence

(multidimensionne

lle – monétaire)

Rang

multid

imensi

onnell

e

Rang

monét

aire

Diff.

Rang

(mlti./

mon.) FG

T0

FG

T1

FG

T2

FG

T0

FG

T1

FG

T2

FG

T0

FG

T1

FG

T2

Régions du sud 11,0 2,5 0,9 4,9 1,0 0,3 6,1 1,5 0,6 7 3 4

Souss Massa Daraa 12,8 4,1 2,0 12,1 2,6 0,8 0,7 1,5 1,2 8 10 -2

Gharb Chrarda Bni

Hssen 17,6 5,7 2,8 18,5 3,4 1,0 -0,9 2,3 1,8 10 14 -4

Chaouia Ourdigha 6,9 1,8 0,8 0,9 0,2 0,1 6,0 1,6 0,7 5 1 4

Marrakech Tensift Al

Haouz 18,8 5,5 2,7 12,5 2,9 1,0 6,3 2,6 1,7 11 11 0

Oriental 5,1 1,1 0,4 8,6 3,1 1,4 -3,5 -2 -1 2 8 -6

Grand Casablanca 4,5 1,1 0,5 3,3 0,5 0,1 1,2 0,6 0,4 1 2 -1

Rabat Salé Zemmour

Zaer 6,4 1,2 0,4 6,1 1,2 0,5 0,3 0 -0,1 3 6 -3

Doukala Abda 20,2 6,3 2,9 17,5 3,7 1,1 2,7 2,6 1,8 14 13 1

Tadla Azilal 19,5 6,3 3,4 9,4 1,3 0,3 10,1 5 3,1 13 9 4

Meknès Tafilalet 14,8 5,7 3,0 12,6 1,9 0,5 2,2 3,8 2,5 9 12 -3

Fès Boulemane 6,8 2,1 1,2 5,2 1,0 0,3 1,6 1,1 0,9 4 4 0

Taza-Al Hoceima-

Taounate 19,3 7,7 4,4 7,3 1,6 0,6 12,0 6,1 3,8 12 7 5

Tanger Tetoaun 10,2 3,2 1,6 5,6 1,6 0,6 4,6 1,6 1 6 5 1

Total 12,1 3,8 1,9 8,9 1,9 0,6 3,2 1,9 1,3 -- -- --

Source : calculs à partir des données de l‟ENNVM 2006/07.

Page 124: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

123

Paragraphe 2 : la pauvreté monétaire et non monétaire et les caractéristiques démographiques et socioéconomiques du chef de ménage

2.1- L’effet de la taille des ménages

La ventilation de la pauvreté selon la taille montre que la pauvreté monétaire est une

fonction croissante de la taille de ménage. En d‟autres termes, plus la taille du

ménage est élevée, plus le taux de pauvreté est également élevé. C‟est ainsi que, le

taux de pauvreté passe de 0,8% lorsque le ménage est individuel (composé d‟une

seule personne) à 21,2% lorsque le ménage est composé de 10 personnes et plus.

Tableau 3.14 : Ventilation de la pauvreté monétaire et non monétaire selon la taille

de ménage

Taille du

ménage

Pauvreté

multidimensionnelle Pauvreté monétaire

Différence

(multidimensionnelle –

monétaire)

FGT0 FGT1 FGT2 FGT0 FGT1 FGT2 FGT0 FGT1 FGT2

Une

personne

26,2 10,1 5,3 0,8 0,1 0,02 25,4

10,0 5,3

2 à 3 pers. 12,8 4,2 2,0 1,5 0,3 0,1 11,3 3,9 1,9

4 à 6 pers. 11,4 3,6 1,8 5,6 1,2 0,4 5,8 2,4 1,4

7 à 9 pers. 11,6 3,4 1,7 12,7 2,9 1,0 -1,1 0,5 0,7

10 pers. et + 15,1 4,4 2,1 21,7 4,2 1,3 -6,6 1,2 0,8

Total 12,1 3,8 1,9 8,9 1,9 0,6 3,2 1,9 1,3

Source : calculs à partir des données de l‟ENNVM 2006/07.

Abstraction faite du ménage individuel où la pauvreté enregistre un taux élevé, la

pauvreté selon l‟approche multidimensionnelle est peu sensible à la taille du

ménage, comme le montre le graphique ci-dessous. En effet, le taux de pauvreté

selon cette approche varie de 12,8% chez les personnes vivant dans des ménages

composés de 2 à 3 personnes à 15,1% chez celles vivant dans des ménages composés

de 10 personnes et plus.

Page 125: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

124

Graphique 3.1 : Ventilation des différentes formes de la pauvreté selon

la taille du ménage

0

5

10

15

20

25

30

Une personne 2 à 3 pers. 4 à 6 pers. 7 à 9 pers. 10 pers. Et +

Taille du ménage

Ta

ux d

e p

au

vre

Pauvreté

multidimensionne

lle

Pauvreté

monétaire

2.2- L’effet de sexe du chef de ménage

L‟analyse de la pauvreté sous ses différentes formes selon le sexe du chef de ménage

montre que les ménages dirigés par les hommes sont les plus exposés au risque de la

pauvreté que ceux dirigés par les femmes. En effet, le taux de pauvreté selon

l‟approche multidimensionnelle atteint 12,3% chez les personnes vivan t dans des

ménages dirigés par les hommes, contre 11,0% chez les personnes vivant dans des

ménages dirigés par les femmes. Ces pourcentages s‟établissent respectivement à

9,2% et 7,4% selon l‟approche monétaire.

Il faut noter que, la différence de l‟incidence de la pauvreté selon les deux sexes est

sensiblement plus importante selon l‟approche monétaire que selon l‟approche

multidimensionnelle, soit respectivement une différence de l‟ordre 1,8 et 1,3 points

de pourcentages.

Tableau 3.15 : Ventilation de la pauvreté monétaire et non monétaire selon le sexe

du chef de ménage

Sexe du

chef de

ménage

Pauvreté

multidimensionnelle Pauvreté monétaire

Différence

(multidimensionnelle

– monétaire)

FGT0 FGT1 FGT2 FGT0 FGT1 FGT2 FGT0 FGT1 FGT2

Masculin 12,3 3,8 1,9 9,2 2,0 0,7 3,1 1,8 1,2

Féminin 11,0 3,5 1,8 7,4 1,4 0,4 3,6 2,1 1,4

Total 12,1 3,8 1,9 8,9 1,9 0,6 3,2 1,7 1,3

Source : calculs à partir des données de l‟ENNVM 2006/07.

Page 126: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

125

2.3- L’effet du niveau scolaire et de la situation dans la profession du chef de ménage

La ventilation des différentes formes de la pauvreté selon le niveau scolaire du chef

de ménage montre que la pauvreté monétaire, comme la pauvreté non monétaire est

une fonction croissante du niveau scolaire du chef de ménage. L‟incidence de la

pauvreté non monétaire (17,2%) et monétaire (12,1%) sont les plus élevées pour les

personnes vivant dans des ménages dirigés par une personne n‟ayant jamais été

scolarisée.

Ces proportions atteignent respectivement 5,4% et 4,9% pour le niveau fondamental

du chef du ménage, 1,7% et 2,3% pour le niveau secondaire, et 0,4% et 0,4% pour le

niveau supérieur. On dégage également de ces résultats que l‟impact du niveau

scolaire du chef de ménage sur la pauvreté est très important selon l‟approche

multidimensionnelle que selon l‟approche monétaire.

Tableau 3.16 : pauvreté monétaire et non monétaire selon le niveau scolaire du

chef de ménage et selon la profession du chef de ménage

Caractéristiqu

es du chef de

ménage

Pauvreté

multidimensionnelle Pauvreté monétaire

Différence

(multidimensionnell

e – monétaire)

FGT

0

FGT

1

FGT

2

FGT

0

FGT

1

FGT

2

FGT

0

FGT

1

FGT

2

Niveau scolaire du chef de ménage

Aucun niveau 17,2 5,4 2,7 12,1 2,6 0,8 5,1 2,8 1,9

Fondamental 5,4 1,5 0,7 4,9 1,1 0,4 0,5 0,4 0,3

Secondaire 1,7 0,4 0,2 2,3 0,3 0,1 -0,6 0,1 0,1

Supérieur 0,4 0,2 0,1 0,4 0,1 0,02 -- 0,1 0 ,1

Situation dans la profession du chef de ménage

Employeur 2,5 0,4 0,1 0,6 -- -- 1,9 0,4 0,1

Salarié 12,3 3,9 1,9 9,7 2,3 0,8 2,6 1,6 1,1

Indépendant 16,2 5,0 2,5 10,1 1,9 0,5 6,1 3,1 2,0

Autre 13,3 4,0 1,7 8,2 1,9 0,6 5,1 2,1 1,1

Total 12,1 3,8 1,9 8,9 1,9 0,6 3,2 1,9 1,3

Source : calculs à partir des données de l‟ENNVM 2006/07.

Selon la situation dans la profession du chef de ménage, les ménages dirigés par les

employeurs sont les moins exposés au risque de la pauvreté selon toutes ses formes.

En effet, 2,5% des ménages dirigés des employeurs sont pauvres selon l‟approche

multidimensionnelle et seulement 0,6% selon l‟approche monétaire.

En revanche, les ménages dirigés par les indépendants sont les plus exposés au

risque de la pauvreté sous toutes ses formes. Il faut noter également que l‟incidence

de la pauvreté monétaire est moins élevée que celle de la pauvreté non monétaire,

quelque soit la situation dans la profession du chef de ménage. C‟est ainsi que, le

taux de pauvreté des personnes ayant à leur tête un chef exerçant en tant

qu‟indépendant atteint 16,2% selon l‟approche multidimensionnelle et seulement

Page 127: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

126

10,1% selon l‟approche monétaire, soit un écart absolu de 6,1 points de pourcentage.

Cet écart est moins accentué pour les autres statuts, soit 5,1 pour « autres statuts » et

2,6 pour les salariés.

Paragraphe 3 : Liens entre pauvreté monétaire et pauvreté non monétaire et l’ampleur de la double pauvreté

3.1- Liens entre la pauvreté monétaire et la pauvreté non-monétaire

Il s‟agit dans ce paragraphe d‟explorer d‟une façon globale les corrélations entre la

pauvreté monétaire et la pauvreté non monétaire et de voir d‟une façon particulière

le pourcentage des pauvres « non monétaires » parmi les « pauvres monétaires » et

celui des « pauvres monétaires » parmi les « pauvres non monétaires ». En d‟autres

termes, il s‟agit de voir si les « pauvres non monétaires » sont exposés également à

la pauvreté monétaire.

Le coefficient de corrélation entre l‟Indicateur Composite de Pauvreté et les

dépenses par tête est positif (0,46). Ce qui signifie qu‟il existe une corrélation

linéaire directe, quoi qu‟elle soit relativement faible, entre l‟Indicateur Composite de

Pauvreté et les dépenses par tête. Cela veut dire qu‟une dépense par tête élevée est

généralement synonyme d‟un bien-être non monétaire.

Les pauvretés monétaire et non monétaire ne peuvent pas être indépendantes, même

s‟il y a des cas où le ménage est riche du point de vue monétaire mais cette richesse

monétaire ne lui garantit pas le bien-être social. C‟est d‟ailleurs, ce qui ressort du

tableau suivant liant la pauvreté non monétaire au quintile des dépenses par tête en

montrant que les deux formes de pauvreté sont dépendantes.

Tableau 3.17 : pauvreté non monétaire et quintile des dépenses par tête

Quintile de

dépenses par tête

Pauvreté multidimensionnelle

FGT0 FGT1 FGT2

1 33,4 11,8 6,4

2 15,0 4,1 1,7

3 7,8 1,9 0,8

4 3,3 0,8 0,3

5 1,0 0,2 --

Total 12,1 3,8 1,9

Source : calculs à partir des données de l‟ENNVM 2006/07.

La lecture du tableau ci-dessous montre clairement que l‟incidence de la pauvreté

non monétaire (FGT0) décroît de façon significative du premier au cinquième

quintile de dépenses par tête. C‟est ainsi que le taux de pauvreté passe de 33,4%

pour le premier quintile à 1% au cinquième quintile. Les mêmes tendances sont

observées en ce qui concerne la profondeur et la sévérité de la pauvreté. On assiste

donc à une décroissance des indices de pauvreté non monétaire quand on passe des

Page 128: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

127

populations défavorisées ou à faible revenu à des populations aisées ayant des

revenus élevés.

La relation entre pauvreté monétaire et pauvreté non monétaire va nous conduire à

vérifier si les ménages pauvres du point de vue non monétaire sont également

pauvres du point de vue monétaire et vice-versa. Le tableau suivant donne la

proportion des pauvres monétaires parmi les pauvres non monétaires et celle des

pauvres non monétaires parmi les pauvres monétaires et ce par décile de dépenses

par tête.

Tableau 3.18 : croisement des pauvres non monétaires et des pauvres monétaires

Décile de dépense par

tête

% des pauvres

monétaires

Pauvres selon l’approche

multidimensionnelle

1 88,5

2 1,0

3 à 10 --

Ensemble des « pauvres multidimensionnels »

tout décile confondu 31,5

Décile de dépense par

tête

% des pauvres non

monétaires

Pauvres selon l’approche

monétaire

1 43,1

2 19,2

3 à 10 --

Ensemble des pauvres monétaires tout décile

confondu 42,8

Source : traitements effectués par l‟auteur à partir des données de l‟ENNVM 2006/07.

Parmi l‟ensemble des « pauvres non monétaires », 31,5% d‟entre eux sont aussi

frappés par la pauvreté monétaire. Quant aux « pauvres monétaires », 42,8% sont

également des « pauvres non monétaires ». Ce qui révèle qu‟il existe des « pauvres

monétaires » qui échappent à la pauvreté non monétaire et des « pauvres

multidimensionnels » qui échappent à la pauvreté monétaire avec des taux dépassant

de loin 50% pour les deux cas.

Selon les déciles de dépenses par tête, la relation entre la pauvreté monétaire et la

pauvreté non monétaire est très étroite au niveau des ménages à faibles niveaux des

dépenses. En effet, dans le premier décile des dépenses, les personnes qui sont

pauvres selon l‟approche non monétaire sont dans la majorité des cas pauvres selon

l‟approche monétaire (88,5%) et les personnes qui sont pauvres selon l‟approche

monétaire sont à 43,1% pauvres du point de vue non monétaire. Ces pourcentages

s‟élèvent respectivement à 1% et 19,2% au niveau du deuxième décile. Ce la signifie

que l‟extrême pauvreté monétaire est synonyme également d‟une pauvreté non

monétaire traduite par un manque d‟infrastructure de base et un manque

d‟équipement et des éléments de confort.

Page 129: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

128

3.2- L’ampleur de la double pauvreté

Il s‟agit dans ce paragraphe de déterminer la proportion des personnes qui sont

touchées à la fois par la pauvreté monétaire et la pauvreté non monétaire, la

proportion de celles qui sont pauvres du point de vue non monétaire et non pauvres

selon l‟approche monétaire et vice-versa, ainsi que les personnes qui ne sont ni

pauvres monétaires ni pauvres du point de vue non monétaire. Le tableau suivant

donne ces différentes proportions selon les caractéristiques du chef de ménage.

Tableau 3.19 : La double pauvreté selon les caractéristiques de chef de ménage

Caractéristiques du

chef de ménage

Pauvreté multidimensionnelle et monétaire

Total « Pauvres

multidimensionnels et

monétaires »

« Pauvres

multidimensionnels

» et « non pauvres

monétaires »

« Non pauvres

multidimensionnels

» et « pauvres

monétaires »

« Non Pauvres

multidimensionnel

s » et « non

pauvres

monétaires »

Milieu de résidence

Urbain 2,2 5,2 2,6 90,0 100

Rural 6,0 12,3 8,4 73,3 100

Région

Régions du sud 1,1 9,9 3,8 85,2 100

Souss Massa Daraa 3,4 9,4 8,7 78,5 100 Gharb Chrarda Bni

Hssen 7,8 9,8 10,7 71,7 100

Chaouia Ourdigha 0,1 6,8 0,8 92,3 100 Marrakech Tensift Al

Haouz 6,7 12,1 5,8 75,4 100

Oriental 2,4 2,7 6,2 88,7 100

Grand Casablanca 1,6 3,0 1,8 93,7 100 Rabat Salé Zemmour

Zaer 1,7 4,7 4,4 89,2 100

Doukala Abda 7,5 12,7 10,0 69,8 100

Tadla Azilal 5,0 14,5 4,5 76,1 100

Meknès Tafilalet 6,4 8,4 6,2 79,0 100

Fès Boulemane 3,0 3,8 2,2 91,0 100 Taza-Al Hoceima-

Taounate 4,5 14,8 2,8 77,9 100

Tanger Tetouan 2,3 7,9 3,3 86,5 100

Sexe du chef de ménage

Masculin 3,9 8,4 5,3 82,4 100

Féminin 3,5 7,5 4,0 85,0 100

Taille du ménage

Une personne 0,9 25,3 0,0 73,8 100

2 à 3 pers. 1,1 11,7 0,4 86,8 100

4 à 6 pers. 3,0 8,4 2,6 86,0 100

7 à 9 pers. 5,0 6,6 7,7 80,7 100

10 pers. et + 7,3 7,8 14,4 70,5 100

Niveau d’instruction du chef de ménage

Aucun niveau 5,5 11,7 6,6 76,2 100

Fondamental 1,5 3,9 3,4 91,2 100

Secondaire 0,7 1,0 1,6 96,7 100

Supérieur 0,4 0,0 0,0 99,6 100

Situation dans la profession du chef de ménage

Employeur 0,0 2,5 0,6 96,9 100

Salarié 4,0 8,3 5,7 82,0 100

Indépendant 4,9 11,4 5,2 78,5 100

Autre 5,1 8,2 3,1 83,6 100

Page 130: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

129

Caractéristiques du

chef de ménage

Pauvreté multidimensionnelle et monétaire

Total « Pauvres

multidimensionnels et

monétaires »

« Pauvres

multidimensionnels

» et « non pauvres

monétaires »

« Non pauvres

multidimensionnels

» et « pauvres

monétaires »

« Non Pauvres

multidimensionnel

s » et « non

pauvres

monétaires »

Quintile de dépense par tête

quintile 1 19,1 14,4 25,5 41,0 100

quintile 2 0,0 15,0 0,0 85,0 100

quintile 3 0,0 7,8 0,0 92,2 100

quintile 4 0,0 3,4 0,0 96,6 100

quintile 5 0,0 1,1 0,0 98,9 100

Total 3,8 8,3 5,1 82,8 100

Source : calculs effectués par l‟auteur à partir des données de l‟ENNVM 2006/07.

Le tableau ci-dessous montre qu‟en 2007, 3,8% des personnes sont frappées par la

double pauvreté à savoir par la pauvreté monétaire et par la pauvreté non monétaire.

Ce pourcentage constitue en fait le noyau dur de la pauvreté au Maroc.

Plus des trois quarts (82,8%) de la population échappent à toutes formes de la

pauvreté. En d‟autres, elles ne sont ni pauvres du point de vue monétaire ni pauvres

du point de vue non monétaire. La proportion des personnes qui sont pauvres sur le

plan non monétaire et non pauvres sur le plan monétaire s‟élève à 8,3% de

l‟ensemble de la population, alors que celle des personnes pauvres selon l‟approche

monétaire et non pauvres selon l‟approche multidimensionnelle atteint 5,1%.

L‟incidence de la double pauvreté est beaucoup plus élevée en milieu rural qu‟en

milieu urbain. En effet, la proportion des personnes frappées par la double pauvreté

atteint 6,0% en milieu rural contre uniquement 2,2% en milieu urbain. Il en ressort

que les ménages ruraux manquent non seulement de moyens financiers, mais

également d‟infrastructures, de cadre de vie décent et sont privés de capacités

fonctionnelles (éducation, santé, etc.) leurs permettant de faire face à de la vie

quotidienne.

Analysée selon la région, la double pauvreté est plus répandue dans les régions de

« Gharb-Chrarda-Bni Hssen » et « Doukala-Abda » avec respectivement des

proportions de 7,8% et 7,5%. Ces régions sont suivies de celles de « Marrakech-

Tensift-Al Haouz » avec 6,7% et « Meknès-Tafilalet » avec 6,4%. Les régions les

moins touchées par la double pauvreté et comme d‟ailleurs pour les autres formes de

la pauvreté sont « Grand Casablanca » et « Rabat-Salé-Zemmour-Zaer », avec

respectivement 1,6% et 1,7%.

Selon les caractéristiques du chef de ménage, la double pauvreté est presque

identique chez les ménages dirigés par les hommes que chez les ménages dirigés par

les femmes. Ainsi que la proportion des personnes touchées par la double pauvreté

affiche 3,9% au sein des ménages dirigés par les hommes contre 3,4% au sein des

ménages dirigés par les femmes. A noter que la proportion des pauvres

multidimensionnels et des non pauvres monétaires est sensiblement importante chez

Page 131: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

130

les ménages dirigés par les hommes que chez ceux qui ont à leur tête des femmes,

soit respectivement 8,4% et 7,5%.

Selon la taille des ménages, la double pauvreté est une variable croissante de la taille

de ménage. Elle affiche son maximum lorsque le ménage est composé de 10

personnes et plus avec un pourcentage de 7,3% contre uniquement 0,9% pour les

personnes vivant dans des ménages de moins de 4 personnes. On signale également

que les ménages de taille réduite sont beaucoup plus touchés par la pauvreté non

monétaire, c‟est le cas notamment des ménages individuels (25,3%) et les ménages

composés de 2 à 3 personnes (11,7%).

Selon le niveau scolaire du chef de ménage, 23,8% des personnes vivant dans des

ménages dirigés par une personne n‟ayant aucun niveau scolaire sont menacées d‟au

moins une forme de la pauvreté. La double pauvreté touche 5,5% des personnes

ayant à leur tête un chef n‟ayant pas été scolarisé. Ce pourcentage est de 11,7% pour

les pauvres multidimensionnels et non pauvres monétaires et de 6,6% pour les

pauvres monétaires et non pauvres multidimensionnels. Plus le niveau scolaire du

chef de ménage augmente, plus le ménage est immunisé de tout risque de la

pauvreté.

Le statut du chef de ménage indépendant est un facteur favorisant la pauvreté selon

toutes ses formes en comparaison avec les autres statuts. En effet, 4,9% des

personnes vivant dans des ménages dont le chef est indépendant souffrent de la

double pauvreté, 11,4% sont frappées par la pauvreté multidimensionnelle sans être

pauvres du point de vue monétaire et 5,2% par la pauvreté monétaire uniquement.

Ces pourcentages restent très faibles, voire inexistants, parmi les ménages dirigés

par les employeurs, soit respectivement 0,0%, 2,5% et 0,6%.

Selon le niveau de vie des ménages approché par les quintiles de dépenses par tête,

la double pauvreté touche uniquement les personnes appartenant au 1er quintile des

dépenses avec un pourcentage qui avoisine le un cinquième (19,1%). Les personnes

pauvres monétaires et non pauvres multidimensionnels se concentrent également au

sein de ce premier quintile, alors que les pauvres multidimensionnels et non pauvres

monétaires se trouvent dans toutes les classes des dépenses.

Paragraphe 4 : L’évolution de la pauvreté multidimensionnelle

Comme nous l‟avons signalé auparavant, et afin de mener des comparaisons inter -

temporelles cohérentes de la pauvreté, nous avons utilisé les poids issus de

l‟utilisation de l‟ACM sur les données de l‟enquête 2006/07, pour calculer

l‟indicateur composite de pauvreté pour d‟autres années d‟enquêtes (ENCDM

2000/01 dans notre exemple). Après avoir calculé l‟ICP pour l‟année 2001, nous

adoptons la même démarche à savoir de rendre l‟ICP positif et ce en ajoutant au

score de chaque ménage, la valeur absolue du score le plus faible. Le seuil de

pauvreté multidimensionnelle choisi pour l‟année 2001 est celui calculé à partir des

Page 132: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

131

données de l‟enquête 2007, soit 1,1128 en milieu urbain et 0,5941. L‟application de

cette méthode a donné les résultats suivants :

Tableau 3.20 : Evolution de l’incidence la pauvreté monétaire et non monétaire

selon le milieu de résidence

Année et milieu

de résidence

Pauvreté multidimensionnelle Pauvreté monétaire

FGT0 Contribution

relative en% FGT0

Contribution

relative en%

2001

Urbain 9,4 22,0 7,6 28,0

Rural 42,3 78,0 25,1 72,0

Total 23,9 100,0 15,3 100,0

2007

Urbain 7,4 34,5 4,8 30,1

Rural 18,3 65,5 14,4 69,9

Total 12,1 100,0 8,9 100,0

Variation annuelle moyenne 2007/2001 en%

Urbain 4,1 -7,2 8,0 -1,2

Rural 15,0 3,0 9,7 0,5

Total 12,0 -- 9,5 --

Source : calculs effectués par l‟auteur à partir des données de l‟ENCDM 2000/01 et

l‟ENNVM 2006/07.

L‟analyse de la pauvreté multidimensionnelle et monétaire au cours du temps

montre que les deux formes de pauvreté ont connu une baisse notable entre 2001 et

2007. Cette baisse est beaucoup plus prononcée selon l‟approche

multidimensionnelle que selon l‟approche monétaire à l‟échelle nationale. En effet,

le taux de pauvreté non monétaire est passé de 23,9% en 2001 et 12,1% en 2007, soit

une baisse annuelle moyenne de l‟ordre 12%, alors que celui de la pauvreté

monétaire a enregistré une baisse annuelle moyenne de l‟ordre de 9,5% en passant

de 15,3% en 2001 à 8,9% en 2007. Selon le milieu de résidence, si la pauvreté

monétaire a reculé à un rythme beaucoup plus important que la pauvreté

multidimensionnelle, en milieu urbain ; en milieu rural, c‟est l‟inverse qui prévaut.

En effet, le taux de pauvreté monétaire a affiché une baisse annuelle moyenne de

8,0% en milieu urbain entre 2001 et 2007, alors que celui de la pauvreté non

monétaire n‟a enregistré que 4,1% de baisse annuelle moyenne durant la même

période. Ces taux s‟établissent respectivement à 9,7% et 15,0%.

Ces résultats montrent que les conditions de vie de la population marocaine,

mesurées par l‟accès aux infrastructures sociales de base (eau potable, électricité,

assainissement, etc.), à la scolarisation, aux services de soins de santé, aux moyens

de confort et de communication, etc. se sont améliorées ces dernières années, et

particulièrement en milieu rural. Cette nette amélioration est le résultat

essentiellement des efforts déployés par les pouvoirs publics ces dernières années en

vue d‟améliorer le bien être de la population. Leur action a revêtu plusieurs formes

Page 133: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

132

(desserte de la population en eau potable, programmes d‟électrification des zones

rurales, etc.).

La décomposition des deux formes de la pauvreté selon le milieu de résidence,

montre que la pauvreté non monétaire comme la pauvreté monétaire restent une

donne rurale. En 2001, 78% des pauvres multidimensionnels et 72% des pauvres

monétaires, sont des ruraux. Ces pourcentages ont connu de baisses entre 2001 et

2007. Cette baisse est beaucoup plus importante selon l‟approche

multidimensionnelle que selon l‟approche monétaire. En effet, la part des ruraux

dans l‟ensemble des pauvres multidimensionnels a reculé de 12,5 points de

pourcentages entre 2001 et 2007 passant de 78,0% à 65,5%, tandis que la proportion

des ruraux dans l‟ensemble des pauvres monétaires n‟a régressé que de 2,1 points de

pourcentages durant la même période.

Analyse de robustesse des indicateurs de tendance de la pauvreté

Nous avons effectué dans ce qui précède des comparaisons inter-temporelles des

différentes formes de pauvreté entre 2001 et 2007. Mais, ce genre de comparaisons

reste entaché des limites dans la mesure où le choix d‟un seuil particulier de

pauvreté pourrait conduire à l‟inversion des conclusions tirées de l‟évolution de

pauvreté entre la période t0 et la période t1.

Les analyses de dominance stochastique sont donc des instruments nécessaires pour

s‟assurer que les comparaisons inter-temporelles de la pauvreté ne sont influencées

ni par le choix des seuils de pauvreté ni par le choix des mesures de pauvreté. En

d‟autres termes, cette technique permet d‟attester que ces comparaisons restent

valables pour un intervalle donné de seuils de pauvreté et pour une classe donnée

des mesures de pauvreté. Pour donner une robustesse aux conclusions des

comparaisons inter-temporelles de la pauvreté ci-haut, nous appliquons, dans ce qui

suit, l‟outil de l‟analyse de dominance stochastique.

Pour simplifier la présentation des résultats, nous avons normalisé les distributions

de l‟ICP et des dépenses totales de telle sorte que le seuil de pauvreté se lon les deux

approches soit égal à 100. Pour vérifier les conditions de dominance stochastique au

premier ordre, nous avons calculé les différences des incidences de la pauvreté

calculés pour les distributions de 2001 et 2007, et ce pour des différentes valeurs de

seuils de pauvreté (tableau ci-dessous).

Page 134: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

133

Tableau 3.21 : Incidences de la pauvreté (en %) selon les différentes approches de

la pauvreté et les classes de seuil

Seuil z 25 50 75 100 125 150 175

Approche multidimensionnelle

2001

Urbain 0,3 1,2 3,9 9,4 19,3 34,4 58,2

Rural 3,8 13,4 27,9 42,3 55,3 68,1 78,4

Ensemble 1,4 6,6 14,5 23,9 35,1 49,2 67,1

2007

Urbain 0,2 1,1 3,4 7,4 16,0 31,0 58,4

Rural 1,4 5,1 10,0 18,3 27,1 39,3 50,9

Ensemble 0,7 2,8 6,3 12,1 20,8 34,6 55,1

Différence

Urbain 0,1 0,1 0,5 2,0 3,3 3,4 -0,2

Rural 2,4 8,3 17,9 30,2 28,2 28,8 27,5

Ensemble 0,7 3,8 8,2 11,8 14,3 14,6 22,0

Approche monétaire

2001

Urbain -- 0,3 2,5 7,6 16,2 24,3 33,0

Rural 0,2 2,3 10,1 25,1 40,9 55,6 65,7

Ensemble 0,09 1,2 5,8 15,3 27,1 38,1 47,4

2007

Urbain -- 0,07 1,2 4,8 9,9 17,5 25,8

Rural 0,04 1,2 5,7 14,4 25,9 38,0 49,4

Ensemble 0,02 0,6 3,2 8,9 16,8 26,4 36,1

Différence

Urbain -- 0,2 1,3 2,8 6,3 6,8 7,2

Rural 0,18 1,1 6,9 10,7 15,0 29,2 16,3

Ensemble 0,07 0,6 2,6 6,4 10,3 11,7 11,3

Source : calculs effectués sur le logiciel DAD à partir des données de l‟ENCDM

2000/01 et l‟ENNVM 2006/07.

Il découle de la lecture du tableau ci-dessus que la distribution de 2001 domine celle

de 2007 à l‟échelle nationale selon les deux approches de pauvreté. En effet, quel

que soit le seuil de pauvreté considéré, l‟incidence de la pauvreté

multidimensionnelle ou monétaire est plus importante en 2001 qu‟en 2007. Cela

veut dire que la pauvreté au Maroc selon ses différentes formes a enregistré une

nette diminution entre 2001 et 2007, à l‟échelle nationale.

Par milieu de résidence, et comme le montre les courbes de dominance stochastique

du premier ordre (voir graphiques en annexe), la pauvreté monétaire a connu une

diminution importante entre 2001 et 2007 et ce quel que soit le milieu de résidence.

Quant à la pauvreté multidimensionnelle, si en milieu rural, la nette diminution de la

pauvreté est confirmée quel que soit le seuil de pauvreté considéré ; en milieu

urbain, la diminution de la pauvreté ne reste valable que pour un seuil inférieur à

175% du seuil initial. Au delà de ce seuil, la pauvreté multidimensionnelle en milieu

urbain aurait connu une légère augmentation entre 2001 et 2007.

Paragraphe 5 : Indice d’inégalité multidimensionnelle

Après avoir rendu positif l‟indicateur numérique (ICP) qui mesure le bien-être des

ménages, il est possible de lui appliquer les outils de calcul d‟indices d‟inégalité tels

que l‟indice de Gini. Le tableau suivant donne la valeur de l‟indice de Gini pour

Page 135: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

134

l‟Indicateur Composite de Pauvreté (ICP) et pour les dépenses totales par tête selon

le milieu de résidence.

Tableau 3.22 : Indice de Gini selon l’approche de mesure de la pauvreté et le

milieu de résidence

Milieu de résidence

Indice de Gini

ICP Dépenses totales par tête

2001 2007 2001 2007

Urbain 0,141 0,127 0,392 0,411

Rural 0,309 0,248 0,320 0,331

Ensemble 0,295 0,225 0,406 0,407

Source : calculs à partir des données de l‟ENCDM 2000/01 et l‟ENNVM 2006/07.

L‟analyse de l‟indice de Gini selon l‟indicateur du niveau de vie montre que la

distribution de l‟Indicateur Composite de Pauvreté est moins concentrée que celle

des dépenses par tête. En effet, en 2007, l‟indice de Gini est de 0,225 pour

l‟indicateur non monétaire de pauvreté (ICP), alors qu‟il est de 0,407 pour les

dépenses totales par tête. Ces indices s‟élèvent respectivement à 0,127 et 0,411 en

milieu urbain et à 0,248 et 0,331 en milieu rural. De ces indices de Gini par milieu

de résidence découlent également que, si l‟inégalité des dépenses est plus accrue en

milieu urbain (0,411) qu‟en milieu rural (0,331), c‟est l‟inverse qui prévaut au

niveau de l‟Indicateur Composite de Pauvreté, avec des indices de Gini de 0,127 et

0,248 respectivement. Le niveau du bien-être non monétaire est donc plus

inégalitaire en milieu rural qu‟en milieu urbain.

Par rapport à 2001, si le niveau des inégalités des dépenses a stagné à l‟échelle

nationale, en passant de 0,406 en 2001 à 0,407 en 2007 ; il s‟est légèrement accentué

selon le milieu de résidence. Les indices de Gini des dépenses par tête, en 2001,

affichaient 0,392 en milieu urbain et 0,32 en milieu rural. Concernant l‟évolution

des inégalités de l‟indicateur du bien être non-monétaire, on assiste à une diminution

de l‟indice de Gini entre 2001 et 2007 à l‟échelle nationale et également selon les

deux milieux de résidence. La diminution est beaucoup plus importante au niveau

national et en milieu rural, qu‟en milieu urbain. En effet, l‟indice de Gini pour

l‟indicateur du bien être non monétaire a reculé de 0,07 points au niveau national

entre 2001 et 2007, de 0,061 points en milieu rural et de 0,014 points en milieu

urbain.

Ces différents résultats sont également illustrés par les différentes courbes de Lorenz

dans les graphiques suivants. A titre d‟exemple, la courbe de concentration des

dépenses totales par tête se trouve en dessous de celle de l‟ICP à l‟échelle nationale.

Ce qui veut dire que le niveau du bien-être monétaire est beaucoup plus inégalitaire

que celui du bien-être non monétaire.

Page 136: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

135

Graphique 3.2 : Courbe de Lorenz selon les dépenses et l’ICP

Graphique 3.3 : Courbes de Lorenz des dépenses par tête et de l’ICP selon le

milieu de résidence

Page 137: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

136

Paragraphe 6 : Décomposition de l’évolution de la pauvreté

Pour mieux comprendre l‟évolution de la pauvreté, il s‟agit dans ce paragraphe de

voir les effets de la croissance économique et de l‟inégalité sur la variation de la

pauvreté durant la période 2001-2007, et ce selon les deux approches de la pauvreté.

Les méthodes dynamiques développées par Datt et Ravallion (1992) et par

Shorrocks (1999)41

, permettent d‟appréhender les effets de la croissance économique

et de l‟inégalité sur l‟évolution temporelle de la pauvreté. Il est à signaler que la

décomposition n‟est cohérente que lorsqu‟on neutralise l‟effet de l‟inflation afin de

raisonner en termes réels. Cette neutralisation se fait par le biais de déflation des

dépenses de consommation par le rapport des seuils de pauvreté. Les résultats de

cette décomposition sont présentés dans le tableau ci-dessous.

Tableau 3.23 : Décomposition de l’évolution de la pauvreté monétaire et

multidimensionnelle selon le milieu de résidence entre 2001 et 2007

Milieu Variati

on de P0 Effet croissance Effet inégalité Résidu

Datt &

Ravalli

on

Shorroc

ks

Datt &

Ravalli

on

Shorroc

ks

Datt &

Ravalli

on

Shorroc

ks

Approche monétaire

Urbain -2,9 -3,4 -3,2 0,2 0,3 0,3 --

Rural -10,7 -13,3 -13,2 2,5 2,5 0,1 --

Ensemb

le

-6,4 -6,8 -6,4 -0,3 0,0 0,7 --

Approche multidimensionnelle

Urbain -2,0 -0,3 -0,3 -1,7 -1,7 0,0 --

Rural -24,1 -16,2 -16,3 -7,7 -7,8 -0,2 --

Ensemb

le

-11,8 -5,1 -4,8 -7,1 -6,9 0,4 --

Source : calculs effectués sur le logiciel DAD à partir des données de l‟ENCDM

2000/01 et l‟ENNVM 2006/07.

La pauvreté a connu une baisse importante, selon toutes ses formes, entre 2001 et

2007. En effet, la pauvreté monétaire a reculé de 6,4 points de pourcentage entre

2001 et 2007, passant ainsi de 15,3% en 2001 à 8,9% en 2007 à l‟échelle nationale.

La baisse a été plus prononcée en milieu rural qu‟en milieu urbain, en enregistrant

des gains respectifs de l‟ordre de 10,7 et 2,9 points de pourcentages.

La décomposition de la pauvreté selon les approches de Datt & Ravallion et

Shorrocks, permet de conclure que le recul de la pauvreté était entièrement dû à

l‟effet de la croissance. En effet, si la redistribution reste inchangée, la croissance

aurait contribué à la baisse de la pauvreté entre 2001 et 2007, à l‟échelle nationale,

41

« Dynamique de la pauvreté : Revue des approches de décomposition de la pauvreté et application aux

données du Burkina Faso : Tambi Samuel KABORE ».

Page 138: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

137

de 6,8 points de pourcentages selon l‟approche de Datt & Ravallion (6,4 selon

l‟approche de Shorrocks). Selon le milieu de résidence, cette contribution aurait été

respectivement de 3,4 et 3,2 en milieu urbain et de 13,3 et 13,2 en milieu rural.

L‟impact de l‟inégalité dans l‟évolution de la pauvreté entre 2001 et 2007 reste

également important. A l‟échelle nationale, si la dépense en termes réels était restée

inchangée, l‟inégalité aurait contribué à la réduction de la pauvreté en termes

absolus de 0,3 (Datt & Ravallion) et à sa stagnation selon l‟approche de Shorrokcs.

Selon le milieu de résidence, l‟inégalité aurait contribué à l‟augmentation de la

pauvreté, soit respectivement de 0,2 et 0,3 en milieu urbain et de 2,5 pour les deux

approches en milieu rural.

Si le recul de la pauvreté monétaire entre 2001 et 2007 était dû totalement à l‟effet

de la croissance, celui de la pauvreté multidimensionnelle a été partagé entre l‟effet

de la croissance et l‟effet de la redistribution. En effet, à l‟échelle nationale, la

croissance n‟a contribué qu‟à raison de 43% (41%) à la réduction de la pauvreté

multidimensionnelle selon l‟approche de Datt & Ravallion (Shorrocks), alors que la

redistribution a contribué respectivement de 60% et 59%.

Par milieu de résidence, si l‟impact de la redistribution reste le plus important en

milieu urbain (soit 85% contre 15% pour la croissance), en milieu rural, c‟est

l‟inverse qui prévaut. En effet, la croissance de l‟indicateur composite de la pauvreté

a contribué à la réduction de la pauvreté multidimensionnelle rurale de l‟ordre 16,2

points de pourcentages (Datt & Ravallion), soit une contribution relative de 67%,

tandis que l‟inégalité n‟a contribué à la baisse de la pauvreté, en termes absolus, que

de 7,7 points, soit une contribution relation de l‟ordre de 32%.

Conclusion

Cette partie montre que l‟approche monétaire permet de cerner des aspects non

négligeables de la pauvreté, mais elle ne permet pas de rendre compte des

dimensions/facteurs qui entravent une vie décente. La pauvreté est, en fait, un

phénomène multidimensionnel, et il est donc important de tenir compte de ce

caractère multidimensionnel pour mesurer la pauvreté. C‟est ainsi que l‟approche

multidimensionnelle de la pauvreté a constitué le point focal de cette recherche. Elle

nous a permis d‟avoir des résultats non moins importants.

En effet, dans ce chapitre, nous avons construit un indicateur composite de pauvreté

(ICP). La construction de cet indicateur a l‟avantage de tenir compte de la pluralité

des dimensions, tant qualitative et quantitative, du bien-être, et d‟en privilégier

celles liées aux besoins fondamentaux de la population.

A partir de cet indicateur composite de pauvreté, un seuil de pauvreté

multidimensionnelle a été déterminé. Ce seuil a permis de calculer des indices de

pauvreté multidimensionnelle comparables aux indices de pauvreté monétaire. Ainsi,

en 2007, 12,1% de la population marocaine est frappée par la pauvreté non

monétaire contre 8,9% par la pauvreté monétaire. Que ce soit, au niveau urbain ou

Page 139: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

138

rural, la pauvreté non monétaire est, par définition, la plus répandue. Les régions les

moins touchées par la pauvreté dans toutes ces formes sont celles les plus urbanisées

à savoir « Grand-Casablanca » et « Rabat-Salé-Zemmour-Zaer ».

Les résultats ont montré également que la pauvreté monétaire et la pauvreté non

monétaire ne sont pas indépendantes. En effet, une extrême pauvreté monétaire est

directement synonyme de la pauvreté non monétaire.

Ce chapitre s‟est également penché sur la double pauvreté, c'est-à-dire les ménages

qui sont à la fois frappés par la pauvreté monétaire et par la pauvreté non monétaire.

Cette double pauvreté demeure la caractéristique du milieu rural et des ménages à

taille élevée. Enfin, l‟étude a abordé la question des inégalités de niveau de vie

relatives aux deux formes de pauvreté, ainsi que leur évolution. Il en ressort que les

inégalités sont plus accentuées sur le plan monétaire que sur le plan non monétaire, à

l‟échelle nationale, urbain et rurale.

Abstraction faite, du seuil de pauvreté choisi, les deux formes de pauvreté ont connu

une baisse importante entre 2001 et 2007. Si l‟essentiel de la baisse de pauvreté

monétaire durant cette période a été le résultat de l‟effet de la croissance, la baisse

de la pauvreté non monétaire était le résultat conjugué de l‟effet de la croissance et

de l‟effet de redistribution ou de la réduction des inégalités.

Toutes ces investigations ont été élaborées à partir des données d‟enquêtes. Ces

données ne sont pas représentatives à l‟échelle locale (région, province et commune)

et par conséquent le ciblage des localités pauvres pour lutter contre la pauvreté est

difficile à opérer sur la base de ces données. Pour remédier à cette insuffisance en

matière des données désagrégées sur les indicateurs de niveau de vie et de pauvreté,

nous construisons dans le chapitre suivant des indicateurs de pauvreté et d‟inégalité

à l‟échelle locale la plus fine, données dont le rôle dans le ciblage des ressources

publiques n‟est plus à démontrer.

Page 140: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

139

Chapitre IV :

Les startégies de réduction de

la pauvreté : l’approche des

indices calculés à l’échelle

locale

Page 141: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

140

Au Maroc, la lutte contre la pauvreté est, à n‟en point douter, le principal enjeu du

développement, dans la mesure où le quart de la population marocaine (8,9% des

pauvres et 17,5% des vulnérables) vit en dessous du seuil de vulnérabilité (Cf.

section 2, chapitre 2).

L‟élaboration d‟une carte de la pauvreté, description spatiale de la distribution de la

pauvreté est très utile aux différents décideurs et aux chercheurs quand elle est bien

désagrégée, c'est-à-dire quand elle est représentée à un niveau très fin, en

l‟occurrence les petites unités géographiques, telles les communes rurales, les

municipalités, les douars ou bien les quartiers.

Pour des raisons des coûts temporels et financiers, la plupart des enquêtes sont

moins désagrégées pour être représentatives à de tels niveaux, et bon nombre de

recensements généraux de la population et de l‟habitat ne fournissent pas les

informations requises sur la consommation permettant de calculer les indicateurs du

bien-être sur la pauvreté et sur l‟inégalité.

Le Maroc ne fait pas exception à cette règle. Les données des enquêtes sur les

niveaux de vie des ménages et des enquêtes sur la consommation et les dépenses des

ménages, fournissent seulement des informations sur le bien-être selon le milieu de

résidence et voire, dans le meilleur des cas, selon la région. A l‟opposé, les données

du Recensement Général de la Population et de l‟Habitat sont exhaustives, c'est-à-

dire qu‟elles contiennent des informations démographiques et socio-éducatives

relatives à chaque membre du ménage, mais ne fournissent pas des informations sur

les revenus ni sur les dépenses des ménages.

Face à cette insuffisance en matière des données sur le bien-être à l‟échelle locale le

plus fin, des techniques ont été récemment développées permettant de joindre l‟atout

des données d‟enquêtes (observation des dépenses) à l‟atout des données de

recensements (exhaustivité et observation des déterminants des dépenses)

moyennant l‟utilisation des modèles économétriques. L‟utilisation de cette technique

permet d‟estimer des taux de pauvreté à des niveaux très fins et par conséquent

d‟identifier les champs d‟intervention des décideurs en vue de lutter contre la

pauvreté notamment dans des localités sujettes à des taux élevés de la pauvreté et de

l‟inégalité.

Face aux besoins récurrents de formulation de stratégies locales de réduction de

pauvreté, le Maroc42

, en collaboration avec la Banque mondiale, a élaboré trois

cartes de pauvreté (1994, 2004 et 2007) qui consistent à avoir des indicateurs de

pauvreté et d‟inégalités à des niveaux géographiques, les plus fins à savoir la

commune et voire même le quartier. Ces cartes ont permis, entre autres, aux

42

Le Haut Commissariat au Plan a élaboré ces cartes de pauvreté en collaboration avec la Banque

mondiale sur la base du couplage entre les données de l‟ENNVM 1998/99 et celles du RGPH 1994 pour

la carte de 1994, les données de l‟ENCDM 2000/01 et le RGPH 2004 pour la carte de 2004 et celles de

l‟ENNVM 2006/07 et le RGPH 2004 pour la carte de 2007.

Page 142: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

141

décideurs et aux hommes politiques de disposer des moyens pour bien cibler leurs

stratégies d‟intervention.

Ce chapitre consacré aux indicateurs de pauvreté et d‟inégalité à l‟échelle locale le

plus fin, s‟articulera comme suit : Dans la première section, l‟attention sera focalisée

sur la méthodologie de construction des indicateurs de pauvreté et d‟inégalité à

l‟échelle locale (carte de la pauvreté).

La deuxième section fera l‟objet de l‟analyse dynamique de la pauvreté à l‟échelle

locale, moyennant l‟utilisation des modèles économétriques. La troisième section

abordera le ciblage géographique de la pauvreté basée sur la construction des

indicateurs monétaires de la pauvreté à un niveau le plus fin.

Enfin, dans la quatrième section, l‟accent sera mis sur la construction des indicateurs

non-monétaires à l‟échelle locale et un essai de ciblage des localités (communes,

provinces, régions) les plus pauvres sur la base des indicateurs monétaires et non-

monétaires à l‟échelle locale. Le but étant d‟éclairer les décideurs et les hommes

politiques des localités les plus touchées par la pauvreté et l‟inégalité dans toutes les

formes pour y focaliser leur attention.

Section 1 : Estimation des indicateurs de la pauvreté à l’échelle locale

Paragraphe 1 : Méthodologie de construction des indicateurs affinés de la pauvreté à l’échelle locale : la cartographie de la pauvreté

La méthode d‟estimation adoptée, pour la construction des indicateurs de pauvreté à

l‟échelle locale le plus le fin, est l‟approche « povrety mapping » décrite en détail

dans Elbers, Lanjouw et Lanjouw (2002)43

. Fondée sur le couplage44

des données

d‟enquêtes sur les niveaux de vie ou de consommation avec les données du

recensement, cette approche permet de reconstituer dans le fichier de recensement,

la variable mesurant le niveau de vie des ménages (dépenses) et les indicateurs de la

pauvreté et de l‟inégalité. Ce qui va permettre d‟avoir des indicateurs de niveau de

vie, de la pauvreté et de l‟inégalité pour les petites zones géographiques, telles que

les provinces et les communes.

La méthode a été mise en œuvre dans un nombre croissant de pays en

développement et les expériences acquises suggèrent que les estimations

statistiquement fiables de la pauvreté et de l‟inégalité peuvent être atteintes à des

niveaux précis de détail spatial.

43

Elbers, C., Lanjouw J.O. and Lanjouw P. (2002) “Micro-level estimation of welfare” Policy Research

Working Paper 2911, Development Research Group, the World Bank, Washington D.C.

44

Il s‟agit des méthodes d‟appariement pour l‟extrapolation.

Page 143: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

142

Empiriquement, trois étapes45

ont été empruntées pour aboutir à l‟estimation des

indicateurs de la pauvreté et de l‟inégalité à l‟échelle locale :

- La première consiste à sélectionner les variables communes entre le

recensement et l‟enquête ménage. Pour cela, il ne faut pas seulement les

énumérer mais comparer leur distribution (moyennes, centiles, etc.), afin de

s‟assurer que la distribution issue de l‟enquête ménage représente celle du

recensement. Il est important également que ce sous-ensemble de variables

commun soit défini de manière similaire pour les deux sources de données.

Outre les variables relatives aux individus et aux ménages, on peut également

introduire dans les deux bases de données des variables communautaires

(niveau d‟agrégation plus élevé que le ménage) provenant soit des données

de recensement ou bien d‟autres sources de données, telle que la base des

données communales, etc.. L‟objet étant donc de capturer les effets

géographiques non observés, tels que les conditions agro-climatiques, la

qualité de l‟administration du gouvernement local, etc., ce qui reste très

important dans les prévisions de la consommation des ménages.

- La seconde étape consiste à régresser les dépenses par tête sur les variables

explicatives sélectionnées. Signalons que le but n‟est pas d‟obtenir un modèle

explicatif de consommation mais de se munir de meilleur outil d‟estimation

des valeurs des dépenses au vu de la comparabilité des différentes bases de

données disponibles. Dans cette étape, nous incluons l‟hétéroscédasticité

d‟erreur et l‟estimation de la distribution des résidus. Ces derniers étant

composés des erreurs issues de la mesure des valeurs des variables sur un

ménage et de l‟effet de la localité.

- La troisième étape consiste à imputer des valeurs des dépenses à chaque

ménage du recensement à l‟aide de plusieurs simulations qui prennent en

compte des distributions dans lesquelles sont issus les résidus. Ces

simulations permettent de minimiser l‟erreur.

Schématiquement, les principales étapes de la méthodologie de la cartographie de la

pauvreté se présentent comme suit :

- Estimation d’un modèle beta de consommation par habitant, en termes de

logarithme népérien, à partir des données de l‟enquête en se référant aux

variables sélectionnées (les variables communes entre le recensement et

l‟enquête ainsi que les variables communautaires).

Les dépenses de consommation sont modélisées de la façon suivante :

Ln ych = E[ln ych/Xch] + µch (1)

45

Banque Mondiale « Royaume du Maroc : Rapport sur la pauvreté : comprendre les dimensions

géographiques de la pauvreté pour en améliorer l‟appréhension à travers les politiques publiques »,

Rapport N° 28223-MOR, septembre 2004.

Page 144: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

143

ych : dépense moyenne par personne du ménage (h) dans la localité (c) ;

Xch : variables indépendantes ; et

µch : le résidu

En utilisant une approximation linéaire de l‟espérance conditionnelle, nous

modélisons le logarithme de la dépense par personne de la façon suivante :

Ln ych = X’ch β + µch (2)

Où β est un vecteur de paramètres associés aux variables indépendantes.

- Spécification d’un modèle alpha d’hétéroscédasticité

Etant donné que le résidu (µch) du modèle (2) est décomposable en deux

types d‟erreurs :

µch = ηc + εch (3)

où ηc est due à l‟effet de la localité et εch représente l‟erreur due à la

composante ménage.

Puisqu‟il est n‟est pas possible d‟estimer la composante ηc, on estime sa

variance σc2. Cette étape passe premièrement par l‟estimation d‟un modèle

alpha. La méthode d‟estimation de cette variance passe par les étapes

suivantes :

i) Dégager les résidus à partir du modèle (2) ;

ii) Régresser ces résidus en fonction des variables muettes

représentant les localités. Les résidus ainsi obtenus sont εch ;

iii) Calculer la transformation logit de ces résidus :

)max(*,,ln2

2

2

051ch

ch

ch eAaveceA

e

iv) Régresser cette fonction sur les caractéristiques des ménages

(modèle alpha) :

)4(ln2

2

ch

T

chrz

eA

e

ch

ch

v) Le vecteur des coefficients estimés ( ) permet d‟estimer la

variance (2

che ), en assimilant

che à une loi normale (0,

2

che ) et ηc

à une loi normale (0, 2

ch ). Ces variances sont utilisées pour

Page 145: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

144

passer du modèle de régression des moindres carrés ordinaires

OLS à un modèle de régression de moindres carrés généralisés

GLS.

vi) Sur la base de ce nouveau modèle GLS, on réalise des

simulations sur ych estimé, selon l‟équation suivante :

)5()~~~exp(ˆ ' r

ch

r

c

r

ch

r

chxy

Chaque ych estimé sert à calculer les différents indicateurs sur

le niveau de vie (dépense et indicateurs de pauvreté et

d‟inégalité).

Paragraphe 2 : Application : cartographie de la pauvreté au Maroc

L‟application de la méthodologie de « poverty mapping » aux données marocaines a

donné lieu à l‟élaboration de 3 cartes de pauvreté. Rappelant que la construction de

ces cartes a été faite séparément selon le milieu de résidence et en recourant à des

groupements des régions qui tiennent en compte la proximité géographique. Les

seuils de pauvreté choisis sont estimés à partir des données de l‟enquête et diffèrent

d‟un milieu de résidence à un autre (voir chapitre 2).

Les résultats des différentes cartes de pauvreté au Maroc montrent une variation

considérable dans la distribution du bien-être au sein des régions et provinces et

entre elles. Comme le montre les cartes en Annexe 4.1, il existe une hétérogénéité

importante des estimations de la pauvreté à travers les provinces : les taux de

pauvreté entre des provinces voisines peut varier considérablement. Il existe à la fois

des « poches de pauvreté » et des « zones de prospérité » au niveau provincial. Une

telle hétérogénéité est encore manifeste si l‟on s‟intéresse aux communes. En effet,

dans une même province, on observe des différences importantes de pauvreté entre

les communes de cette province.

Page 146: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

145

Tableau 4.1 : Evolution du taux de pauvreté et de vulnérabilité selon la région à

travers les données de la cartographie de la pauvreté

(En %)

Région Taux de pauvreté Taux de vulnérabilité

1994 2004 2007 1994 2004 2007

Oued Ed-dahab-Lagouira 4,2 2,8 2,6 8,1 4,7 11,5

Laayoune-Boujdour-Sakia El Hamra 5,8 6,3 2,2 12,3 9,1 9,2

Guelmim-Es-Semara 14,4 13,1 9,7 18,7 14,2 20,8

Sous-Massa-Darâa 16,2 18,9 12,5 21,6 18,3 19,4

Gharb-Chrarda-Bni Hssen 22,7 20,5 15,6 25,5 22,9 26,7

Chaouia-Ouardigha 11,8 13,5 7,6 25,4 17,5 17,4

Marrakech-Tensift-Al Haouz 20,1 19,2 11,2 25,7 23,1 21,6

Oriental 14,6 17,9 10,1 20,2 19,6 15,0

Grand Casablanca 4,0 3,5 3,2 16,3 8,0 10,1

Rabat-Salé-Zemmour-Zaer 11,1 8,1 5,1 18,3 12,1 13,8

Doukala-Abda 17,8 15,6 14,3 29,1 23,4 24,6

Tadla-Azilal 17,3 14,4 9,3 28,0 19,9 18,3

Meknès-Tafilalet 24,1 19,5 12,5 23,4 19,2 21,6

Fès-Boulemane 27,2 14,2 9,5 23,7 18,1 19,5

Taza-Al Hoceima-Taounate 19,2 14,5 10,7 25,5 15,9 19,9

Tanger-Tetouan 19,2 12,4 7,4 22,6 16,0 13,1

Ensemble 16,5 14,2 9,5 22,8 17,3 18,0

Source : HCP, Cartes de la pauvreté 1994, 2004 et 2007.

La pauvreté au Maroc, a connu une diminution assez importante au fil du temps,

comme on l‟a montré dans le paragraphe 2 (section 2 du chapitre 2) relatif à

l‟évolution de la pauvreté au Maroc. Les données émanant de la cartographie de la

pauvreté confirment ce constat. A l‟échelle nationale, la pauvreté a baissé de 16,5%

en 1994 à 9,5% en 2007 en passant par 14,2% en 2004. Quant à la vulnérabilité,

s‟elle a baissé entre 1994 et 2004, contre une légère augmentation entre 2004 et

2007, soit respectivement, 22,8%, 17,3% et 18,0%.

Selon la région, il faut noter qu‟il existe des disparités en termes d‟indicateurs de

pauvreté et que l‟ordre des régions selon l‟état de pauvreté a changé. En effet, la

région la plus pauvre en 1994 « Fès – Boulemane » affichait un taux de pauvreté de

27,2%, alors que celle la moins pauvre « Grand Casablanca » n‟observait que 4,0%

du taux de pauvreté, soit une étendue46

de 23,2 points de pourcentage. Cette étendue

s‟est rétrécie à 17,7 points de pourcentage en 2004 et à 13,4 points de pourcentage

en 2007. Les régions affichant des taux de pauvreté extrêmes sont « Gharb –

Chrarda – Bni Hssen » (20,5%) et « Oued Ed-Dahab – Lagouira » (2,8%) en 2004 et

« Gharb – Chrarda – Bni Hssen » (15,6%) et « Laayoune – Boujdour – Sakia

Lhamra » (2,2%) en 2007.

En termes de classement des régions, il faut signaler que les régions « Tanger –

Tetouan » et « Fès – Boulemane » ont connu un saut qualitatif à partir de 2004, en

46

La différence entre le taux de pauvreté maximal et le taux de pauvreté minimal enregistrés au niveau

régional.

Page 147: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

146

passant du 15ème et 16ème rang en 1994 au 5ème et 8ème rang en 2004 et en 2007

respectivement. Quelle que soit l‟année considérée, Les régions du Sud « Oued Ed-

Dahab – Lagouira » et « Laayoune – Boujdour – Sakia Lhamra » et la région du

« Grand Casablanca » enregistrent les taux de pauvreté les plus faibles.

Au niveau provincial, on remarque que les disparités des indicateurs de pauvreté

sont plus prononcées. L‟étendue mesurant la différence entre le taux de pauvreté

provincial le plus élevé et le taux de pauvreté provincial le plus faible, quoi qu‟il ait

diminué au cours du temps, est beaucoup plus important que l‟étendue de la pauvreté

régionale. En effet, cette étendue est passée de 47,8 points de pourcentage en 1994, à

31,4 points de pourcentage en 2004 et à 31,5 points de % en 2007.

Cette hétérogénéité des taux estimatifs de pauvreté s‟accroît de manière remarquable

si l‟on s‟intéresse à un niveau beaucoup plus désagrégé tel que le niveau communal.

En d‟autres termes, lorsque la pauvreté est désagrégée à des niveaux inférieurs,

l‟écart entre les localités les plus pauvres et les localités les moins pauvres se creuse

de manière considérable, comme le montre le schéma ci-après relatif à la pauvreté

rurale par localité d‟agrégation en 2007. Ces localités sont classées de la moins

pauvre à la plus pauvre. L‟écart entre la commune rurale la plus pauvre et la

commune rurale la moins pauvre a atteint 52 points de pourcentages. Cet écart s‟est

beaucoup rétréci en comparaison avec celui enregistré en 1994 et 2004 où il a

dépassé 80 points de pourcentage.

Graphique 4.1 :

Page 148: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

147

La pauvreté à l‟échelle locale a connu une dynamique très importante durant ces

dernières années. Si entre 1994 et 2004, la baisse de la pauvreté n‟a pas été

systématique dans toutes les régions, elle a été manifeste dans toutes les régions

entre 2004 et 2007, mais à des rythmes différents. Les plus importantes baisses sont

observées dans les régions les plus pauvres (voir graphique ci-après).

En termes de variations relative, seulement six régions qui ont connu une baisse

inférieure à 30%. Il s‟agit de « Taza - Al Hoceima - Taounate » (-26,4%),

« Guelmim – Es-Smara » (-26,3%), « Gharb – Chrarda – Bni Hssen » (-23,9%),

Doukala – Abda » (-8,3%), « Oued – Ed-dahab – Lagouira » (-7,7%) et « Grand

Casablanca » (-7,0%). La plus grande baisse de la pauvreté a été observée dans la

région de « Laayoune – Boujdour – Sakia El Hamra », avec une variation relative de

65,9%, suivie de l‟Oriental (-43,9%).

De leur côté, la baisse de la pauvreté au niveau des provinces n‟a pas été une

évidence entre 1994 et 2004 dans la mesure où il y a des provinces qui ont connu de

fortes baisses de la pauvreté, c‟est le cas notamment de la Province de Fahs – Anjra

et Larache avec une réduction absolue de 16,3% et 14,1% respectivement, et

d‟autres qui ont connu de fortes augmentations de la pauvreté (Zagora, Figuig et

Jrada, avec une augmentation en termes absolus de 9,6%, 9,8% et 12,1%

respectivement). En revanche, la quasi-totalité des provinces (93,5%) ont enregistré

une baisse importante de la pauvreté entre 2004 et 2007 (graphique 4.3). Cette baisse

est fortement variable selon les provinces. C‟est ainsi que la réduction de la pauvreté

provinciale en termes relatifs dépasse 50% dans les provinces de Laayoune, M‟Diq -

Graphique 4.2 :

Page 149: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

148

Fnidq, Inzegane-Ait Melloul, Rabat, Oujda-Angad, Tétouan, Marrakech, Khouribga,

Agadir-Ida Ou Tanan et Chtouka-Ait Baha. Dans d‟autres provinces, cette baisse est

inférieure à 20%. C‟est le cas notamment de Kenitra, Sefrou, El Jadida, Aousserd,

Mohammedia, Taounate, Oued Ed-Dahab, Zagora et Safi. Dans le reste des

provinces, elle se situe entre 20% et 50%.

Si la hausse de la pauvreté provinciale est peu significative entre 2004 et 2007, une

tendance de la pauvreté à la stagnation est observée dans les provinces de Boujdour,

Casablanca, Fahs Anjra et Assa-Zag. Dans ces provinces, l‟écart entre les taux

pauvreté de 2007 et 2004 ne dépasse guère 2 points de pourcentage.

Au niveau communal, la pauvreté a enregistré entre 1994 et 2004 une baisse dans

45% des communes. Cette baisse a concerné 54% des communes urbaines et 44%

des communes rurales. Les communes qui n‟ont pas tiré profit de la baisse de la

pauvreté représentent 47% à l‟échelle globale, 38% en milieu urbain et 49% en

milieu rural. Le reste des communes (8%) n‟ont pas connu de changements

significatifs dans la pauvreté. Par milieu de résidence, cette proportion demeure

moins importante en milieu urbain (7,5%) qu‟en milieu rural (8%).

Entre 2004 et 2007, la pauvreté communale a enregistré une baisse dans 79,0% des

communes, une stagnation dans 5,0% et une hausse dans 16,0% des communes.

Cette évolution de la pauvreté a été plus favorable en milieu rural qu‟en milieu

urbain. En effet, 80,0% des communes rurales ont observé une baisse de la pauvreté

entre 2004 et 2007, 5,0% une stagnation et 15,0% une augmentation. Ces

Graphique 4.3 :

Page 150: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

149

pourcentages sont respectivement de 73,0%, 6,0% et 21,0% en milieu urbain. La

baisse de la pauvreté entre 2004 et 2007 a profité beaucoup aux communes les plus

pauvres. En effet, 88,4% des communes qui avaient un taux de pauvreté supérieur à

30% ont vu leur taux de pauvreté diminuer. Près de 54% de ces communes ont

connu une diminution de la pauvreté se situant entre 33% et 66%.

Tableau 4.2 : Répartition des communes selon la variation de l’incidence de la

pauvreté et le milieu de résidence entre 1994 et 2004 et entre 2004 et 2007.

Milieu

de

résidenc

e

Changements dans la pauvreté par commune :

Entre 1994 et 2004 Entre 2004 et 2007

Baiss

e

Stagnatio

n

Hauss

e

Tota

l

Baiss

e

Stagnatio

n

Hauss

e

Tota

l

Urbain

(%

ligne)

123 17 87 227 285 24 82 391

54,2 7,5 38,3 100 73 6 21 100

Rural

(%

ligne)

553 98 613 1264 1041 65 192 1298

44 8 48 100 80 5 15 100

Total

(%

ligne)

676 115 700 1491 1326 89 274 1689

45 8 47 100 79 5 16 100

Source : Calculs effectués à partir des données des cartes de pauvreté 1994, 2004 et

2007 (HCP)

Le changement dans la pauvreté communale entre les différentes périodes invoque

de poser des questions : pourquoi certaines communes ont tiré profit du processus de

recul de la pauvreté, alors que d‟autres n‟en ont pas profité ? Comment les liens

triangulaires entre pauvreté, croissance et inégalité se dressent-ils à l‟échelle

communale ? Comment ces liens et les impacts des caractéristiques locales

s‟interférent-ils ?

La réponse à ces questions se fera moyennant l‟utilisation d‟un modèle

économétrique sur les données communales émanant des deux cartes de la pauvreté

de 1994 et de 2004. La non prise en considération des données de cartographie de la

pauvreté de 2007 est due essentiellement à la non disponibilité des caractéristiques

locales se référant à cette année.

Section 2 : La dynamique de la pauvreté à l’échelle locale : les enseignements d’une modélisation économétrique

Paragraphe 1 : Présentation des données et des variables du modèle

Cette approche est basée sur un panel de 1 491 communes dont 1 264 en milieu rural

et 227 en milieu urbain (voir tableau 4.2). Les indices de mesure et les variables

explicatives portent sur une période intercensitaire 1994-2004. Dans un premier

temps, la modélisation consiste à tester l‟impact des déterminants du développement

économique sur l‟évolution de la pauvreté communale en se situant dans un cadre de

liens triangulaires entre la croissance, l‟inégalité et la pauvreté au niveau communal.

Page 151: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

150

Il serait question de se prononcer sur l‟efficacité des politiques économiques, à

l‟échelle locale, en termes de croissance et équité, et sur leurs mérites ou leurs

manquements dans la lutte contre la pauvreté communale.

Les variables retenues sont les suivantes :

Croissance économique au niveau communal : l‟impact de cette variable sur

l‟évolution de la pauvreté est appréhendé moyennant l‟élasticité entre la

pauvreté et la DAMP en termes réels. Il s‟agirait donc de l‟effet de croissance

des dépenses réelles per capita de la commune sur l‟évolution de la pauvreté

des ménages observés par localité.

L’équité : elle mesure l‟aversion à l‟inégalité et correspond à l‟équivalent d‟un

revenu également réparti. Mesurée par la soustraction de un et de l'indice de

Gini standard (1-G), l‟équité dépendrait étroitement de l‟évolution de l‟indice

de Gini. Plus l‟inégalité est importante, moins la répartition du revenu /

dépense communale serait égalitaire.

Ces modèles de base vont être élargis pour tenir compte de l‟impact des

changements dans le profil démographique et socio-économique de la commune sur

l‟évolution de la pauvreté locale. Toutes choses égales par ailleurs, l‟introduction

des caractéristiques démographiques et socio-économiques communales dans les

modèles, permet de tester la robustesse des corrélations inférées en contrôlant les

caractéristiques spécifiques observées de chaque commune. Il s‟agit notamment des

variables suivantes :

Caractéristiques démographiques de la commune : fécondité, âge moyen au

premier mariage, part de la population âgée de 60 ans et plus ;

Capital scolaire de la commune : niveau d‟éducation de la population ;

Marché du travail local : insertion économique, secteurs d‟activité

économique, statut professionnel, catégorie professionnelle, etc. ;

Interaction entre capital scolaire et insertion économique dans la

commune/province ;

Infrastructure domestique (électricité, eau, type d‟habitat…) par commune.

Ces différentes vont être définies dans les différents tableaux des résultats ci -après.

Paragraphe 2 : Les méthodes d’estimation retenues

L‟exploration des liens entre la dynamique de la pauvreté communale, la croissance,

l‟équité et différents facteurs explicatifs, démographiques et socio-économiques, a

été fondée sur deux variantes d‟un modèle économétrique de panel à effets fixes : (i)

la première variante traite des liens triangulaires entre la croissance, l‟inégalité et la

Page 152: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

151

pauvreté dans les communes ; (ii) la deuxième introduit des facteurs de contrôle

relevant des sphères démographique, sociale et économique.

Sur le plan empirique, ces deux variantes de la modélisation de la dynamique de la

pauvreté ont été expérimentées à tous les niveaux, rural, urbain et national. Les

corrélations établies ont cherché à comprendre l‟impact de la croissance, de

l‟inégalité et des caractéristiques communales et leurs changements sur la

dynamique de l‟incidence de la pauvreté. Une telle mise au point a permis de cerner

les liens pérennes qui aident à expliquer en partie les tenants et les aboutissants des

changements intervenus dans la dynamique de la pauvreté communale.

Les données de panel, de par leurs dimensions transversale et temporelle, visent à

une meilleure représentation de la dynamique des comportements des agents et à la

prise en compte de leur hétérogénéité. Elles offrent la possibilité de prendre en

compte, par l‟intermédiaire d‟effets spécifiques, certaines caractéristiques

inobservables propres aux communes et/ou périodes. Chacune de ces deux

dimensions peut être le lieu d‟une hétérogénéité non observée. Une commune peut

présenter une caractéristique particulière, par exemple, prépondérance de l‟emploi

indépendant et une année peut présenter une conjoncture particulière, etc.

Le modèle de panel à effets fixes47

constitue la façon la plus simple de prendre en

compte cette hétérogénéité sous la forme d‟un facteur constant propre à la commune

ou/et au temps. Cependant, il est impératif de considérer l‟hypothèse suivante :

l‟impact des variables explicatives sur la pauvreté des communes est identique pour

toutes les communes, et ce, abstraction faite de la période considérée.

itkitkk

titXbCCCP 10

Dans ce modèle, Pit désigne le taux de pauvreté de la commune i pendant l‟année t,

Ci désigne un terme, constant au cours du temps, ne dépendant que de la commune i,

Ct un terme ne dépendant que de la période t, et εit un terme aléatoire croisé.

Cette spécification tient, donc, compte de l‟effet spécifique de la commune qui

représente l‟ensemble des facteurs inobservables qui caractérisent chaque commune,

et qui par définition ne sont pas pris en compte par les variables explicatives. Ce qui

permet ainsi de saisir l‟hétérogénéité inobservable des communes. Cette approche se

justifie essentiellement dans la mesure où chaque commune nous intéresse en tant

que telle.

47

Le choix entre un modèle à effets fixes et un modèle à effets variables se réfère au test de Hausman. La

présentation détaillée de ces modèles ainsi que l‟expression de ce teste est consignée dans l‟Annexe 4.2

Page 153: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

152

Paragraphe 3 : Analyse des résultats des estimations

Nous avons utilisé deux types de modèle : le premier est un modèle restreint qui

expérimente seulement les relations triangulaires liant la croissance, la pauvreté et

l‟inégalité, et le deuxième est un modèle élargi qui intègre également les facteurs

démographiques et socio-économiques. Ces deux modèles ont été appliqués aussi

bien à l‟échelle nationale qu‟aux milieux urbain et rural.

Les tests d‟Hausman réalisés nous ont permis de trancher pour l‟utilisation d‟un

modèle à effets fixes au lieu d‟un modèle à effets aléatoires (voir les résultats de ces

tests en annexe). Les résultats de la modélisation sont présentés dans les tableaux

4.3, 4.4 et 4.5 ci-après.

3.1- La dynamique de la pauvreté communale à l’échelle nationale

Tableau 4.3 : Résultats de l’estimation relative à la pauvreté communale à

l’échelle nationale (modèles de panel)

Variables

Modèle 1 Modèle 2

Coef. Elasticité

(ey/ex) Coef.

Elasticité

(ey/ex)

Equité -0,518 ***

-1,636 -0,827 ***

-2,611

damp_icv -0,006 ***

-1,927 -0,006 ***

-1,886

damp_icv2

0,000 ***

0,288 0,000 ***

0,277

Isf -- -- -1,690 **

-0,275

isf2

-- -- 0,223 ***

0,144

ampm -- -- -4,695 ***

-5,880

ampm2

-- -- 0,091 ***

3,077

p60p -- -- 0,830 ns

0,325

p60p2

-- -- -0,037 ns

-0,130

p_ao_prim -- -- -21,726 ***

-0,339

p_ao_prim -- -- 19,496 ***

0,137

p_ouv_art_m -- -- -33,842 ***

-0,694

p_ouv_art_m2

-- -- 24.053 ***

0,241

p_exp_agr -- -- 31.746 ***

0,311

p_exp_agr2

-- -- -65.525 ***

-0,180

p_btp -- -- 20.469 * 0,074

p_btp2

-- -- 9.751 ns

0,005

Sommaire -- -- 0.045 ns

0,011

Electricité -- -- -0.13 ns

-0,020

Constante 91,948 ***

-- 180.99 ***

--

Nombre de communes

Nombre de périodes

R2 within

R2 betwen

R2 overall

F de ficher

1496

2

0,541

0,639

0,608

585,66 ***

1496

2

0,581

0,688

0,653

107,15 ***

Degré de signification : ***

1%, **

5%, * 10% et

ns non significatif.

Page 154: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

153

Les variables explicatives se définissent comme suit :

Equité représente le complément à l‟unité de l‟indice de gini ;

damp_icv est la dépense annuelle moyenne par personne dans la commune déflatée

par l‟indice du coût de la vie et damp_icv2

son carré;

Isf représente l‟indice synthétique de fécondité observé dans la commune et isf2 son

carré ;

Ampm représente l‟âge moyen au premier mariage observé dans la commune et

ampm2 son carré ;

p60p est la proportion des personnes âgées de 60 ans et plus dans la commune et

p60p2 son carré ;

p_ao_prim est la proportion des actifs dans la commune ayant le niveau primaire et

plus et p_ao_prim2 son carré ;

p_ouv_art_m est la proportion des actifs masculins ouvriers et artisans dans la

commune et p_ouv_art_m2 son carré ;

p_exp_agr est la proportion des actifs exploitants agricoles dans la commune et

p_exp_agr2 son carré ;

p_btp est la proportion des actifs exerçant dans la branche bâtiment et travaux

publics dans la commune et p_btp2 son carré ;

Sommaire est le pourcentage de l‟habitat sommaire dans la commune ;

Electricité est le pourcentage des ménages raccordés à l‟électricité dans la

commune.

Les résultats de la modélisation montrent un lien étroit entre l‟évolution de la

pauvreté communale et le niveau de développement local. La croissance économique

de la commune s‟avère un fort déterminant de la réduction de la pauvreté.

En se limitant au modèle (modèle 1) qui expérimente les relations triangulaires

croissance-pauvreté-inégalité, il est important de relever que la valeur absolue de

l‟élasticité de la pauvreté communale par rapport à la croissance de la commune est

supérieure à l‟unité, et ce à tous les niveaux urbain, rural et à l‟échelle nationale. Il

ressort, donc, en contrôlant l‟effet de l‟inégalité, que toute augmentation de la

croissance économique à l‟échelle locale entraînerait une réduction de la pauvreté

communale, de façon plus proportionnelle par rapport à la croissance.

A titre illustratif, une croissance locale de 1% se traduirait par une diminution du

taux de pauvreté communale de 1,9%, à l‟échelle nationale. Cette diminution est

beaucoup plus prononcée en milieu urbain (4%) qu‟en milieu rural (1,7%). Ces

indices montrent que la croissance économique neutre à l‟inégalité, est plus

réductrice de la pauvreté communale en milieu urbain qu'en milieu rural. Autrement

dit, il faudrait plus de croissance économique pour réduire la pauvreté communale

en milieu rural qu‟en milieu urbain.

La réduction de l‟inégalité par commune, à même niveau de croissance, est

également un facteur crucial dans la détermination de la baisse de la pauvreté

communale. En effet, les élasticités inégalité-pauvreté par commune, en valeur

absolue, sont supérieures à l‟unité. Une augmentation (diminution) de l‟équité

(inégalité) de 1% se traduirait par une baisse de la pauvreté par commune de 1,6%,

Page 155: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

154

tous milieux confondus, de 1,5% dans les communes urbaines et de 1,6% dans les

communes rurales.

En outre, il s‟avère que la réduction de la pauvreté dans les communes urbaines

dépend beaucoup plus de l‟impact de la croissance que celui de l‟équité. En

revanche, dans les communes rurales, ces deux impacts s‟avèrent à effet égal.

L‟intégration des facteurs de contrôle se rapportant aux contextes démographique et

socioéconomique des communes dans la modélisation de la dynamique de la

pauvreté a permis de nuancer les résultats inférés ci-dessus. Procéder de cette façon

a le mérite de tenir compte des synergies entre un ensemble élargi de facteurs

susceptibles d‟expliquer la pauvreté locale.

Ainsi, on constate que l‟impact de la croissance et de l‟inégalité au niveau

communal sur la pauvreté ne s‟était pas modifié, chose indiquant la robustesse des

liens sus-indiqués d‟une part, et d‟autre part, leurs renforcements lorsque différentes

caractéristiques communales sont contrôlées.

En effet, la sensibilité de l‟incidence de la pauvreté communale à la croissance

économique des communes est devenue plus importante en passant de 1,6 à 1,9 en

valeur absolue à l‟échelle nationale, soit une amélioration de 19,0%. Cette

amélioration est plus importante pour l‟impact de la réduction des inégalités inter

communales, soit une amélioration de 59%. Ces résultats corroborent l‟importance

et la constance des liens entre la croissance économique et la réduction des

inégalités au niveau des communes et la tendance à la baisse de leur pauvreté dans le

temps.

Outre la croissance et l‟inégalité, les facteurs démographiques et socioéconomiques

ont également joué un rôle important dans la dynamique de la pauvreté communale.

Les liens de causalité entre la pauvreté et les phénomènes démographiques ne sont

plus à démontrer, de telle sorte qu‟ils s‟affectent mutuellement, et il est par

conséquent nécessaire qu'ils soient abordés conjointement. En général, il est de

coutume de prévoir qu‟une fécondité élevée est l‟apanage des communes pauvres, et

que ces dernières sont caractérisées par un mariage précoce, une mortalité infantile

élevée, une mortalité maternelle culminante, une faible espérance de vie, une

malnutrition, etc.

La lecture de ces liens à travers les résultats de la modélisation dynamique de la

pauvreté locale permet de souligner des résultats pertinents. Dans un premier temps,

contrairement à toute attente, on constate que la fécondité est négativement corrélée

avec la pauvreté.

Toutes choses égales d‟ailleurs, tel constat insinue que les communes ayant un

nombre moyen élevé d‟enfants par femme, sont relativement moins exposées au

risque de la pauvreté. La nature de cette relation est à nuancer puisqu‟elle est

parabolique et convexe. En effet, la corrélation négative entre la fécondité et la

Page 156: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

155

pauvreté n‟est vérifiée que pour les communes ayant un nombre moyen d‟enfants

inférieur à 4, selon les résultats de ce modèle. Au-delà de cette valeur, la fécondité

devient un facteur favorisant la recrudescence de la pauvreté.

En dépit de ce revirement dans le lien entre la fécondité et la pauvreté au niveau

communal, il serait donc non moins important d‟attribuer au comportement

procréateur une part d‟explication de l‟essor de la pauvreté communale durant la

période intercensitaire 1994-2004.

Âge au premier mariage et pauvreté communale : une corrélation tantôt positive,

tantôt négative

D‟ordinaire, il est de coutume de considérer que l‟entrée dans le mariage à un âge

précoce pourrait être un facteur de risque de pauvreté dans la mesure où les

ressources du ménage, à revenu constant, se trouvent laminées avec l‟augmentation

des charges familiales. En outre, il est devenu évident que le développement de

l‟enseignement et les difficultés d‟insertion économiques des jeunes ont eu des

effets importants sur leurs comportements matrimoniaux. Généralement, les

difficultés pécuniaires que rencontrent les jeunes pour bâtir un foyer familial,

logement, équipement, etc., contribuent à faire durer le célibat, et, subséquemment, à

réduire le risque de voir leur niveau de vie tiré vers le bas, suite notamment à un

changement de la taille du ménage non proportionnel aux ressources familiales.

En effet, cette variable démographique est liée à la pauvreté communale selon une

relation en U. Si dans un premier temps, la pauvreté des communes est tirée vers le

bas suite à l‟augmentation de l‟âge au premier mariage, cet impact s‟estompe « selon

le modèle » au voisinage de 26 ans. Après ce seuil, l‟augmentation de l‟âge au

premier mariage dans la commune est associée au risque d‟augmentation de la

pauvreté.

L‟augmentation de la part des personnes âgées pose, souvent et avec acuité, le

problème de leurs conditions de vie, surtout que seule une minorité d‟entre elles sont

généralement couvertes par les systèmes de couverture sociale. La majorité des

personnes âgées comptent sur les filets de sécurité traditionnelle, à savoir,

essentiellement, leurs enfants et proches familiaux. Cependant, ces filets de

protection traditionnelle sont de plus en plus fragilisés en raison notamment de la

rupture des schémas familiaux anciens, notamment avec l‟urbanisation. Dans ce

cadre, la pauvreté des personnes âgées semble être une dimension importante de la

pauvreté totale, en particulier la pauvreté communale. Elle est synonyme

d‟insécurité sociale et économique, de risques pour la santé et de dépendance.

Ce lien semble être bien confirmé par le modèle de panel à effets fixes avec

variables de contrôle. Il indique une relation corrélative positive entre la part des

personnes âgées par commune et l‟incidence de la pauvreté communale. Ainsi, le

coefficient d‟élasticité entre vieillissement et pauvreté communale est de 0,32. Etant

Page 157: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

156

donné que ce coefficient est inférieur à l‟unité, la pauvreté communale augmenterait

à un rythme moins important que celui de la part de la population âgée.

Toutes choses égales par ailleurs, ces indices soulignent l‟importance de la prise en

charge des personnes âgées comme dimension importante de lutte contre la pauvreté

des communes. Dans ce sens, le développement des filets de sécurité sociale

constitue une piste à suivre pour agir sur une facette non négligeable de la pauvreté

monétaire.

La pauvreté se caractérise également par l‟absence d‟infrastructures domestiques de

base, particulièrement l‟énergie et la qualité de l‟habitat. Ainsi une pénurie

d‟électricité et/ou d‟eau potable se traduit par des coûts supplémentaires et des

corvées qui ont incontestablement des effets négatifs sur le développement social,

sans compter qu‟ils aggravent et entretiennent la pauvreté. Du surcroît, pareilles

activités laissent peu de temps libre à consacrer à des activités susceptibles de

générer un revenu additionnel pour l‟amélioration des conditions de vie du ménage.

En outre, la promiscuité et la médiocrité du logement sont deux sources des

problèmes de la santé qui jouent un rôle déterminant dans la persistance de la

pauvreté.

Ainsi, la modélisation de la dynamique de la pauvreté communale fait ressortir une

corrélation négative mais non significative entre la part des ménages équipés en

électricité et la réduction de la pauvreté au niveau de la commune. Cette relation

demeure faible en termes de réduction de la pauvreté dans la mesure où une

augmentation de 1% des ménages équipés en électricité, au sein de la commune, ne

fait diminuer l‟incidence de pauvreté communale que de 0,02%. Cet impact limité de

l‟électrification sur la pauvreté communale est dû à la part importante des ménages

bénéficiaires de l‟électricité aussi bien dans les communes les plus pauvres que

celles les moins pauvres.

En revanche, l‟habitat sommaire se révèle positivement mais faiblement corrélé avec

la pauvreté communale. En effet, le modèle en question montre que la réduction

(augmentation) de l‟habitat sommaire contribue faiblement à la réduction

(augmentation) de la pauvreté communale. A titre indicatif, la réduction de l‟habitat

sommaire de 10% au niveau communal se traduirait par une baisse de l‟incidence de

la pauvreté communale de 0,1%. L‟étroitesse de cet impact laisse envisager que la

lutte contre la pauvreté communale ne peut être axée principalement sur la lutte

contre l‟habitat insalubre.

De par son influence décisive sur le niveau de vie des ménages, le marché du travail

est, à tous égards, un élément incontournable dans l‟appréhension et le ciblage de la

pauvreté. En effet, d‟une part, ledit marché est considéré comme une courroie de

transmission de l‟impact des politiques macro-économiques sur la pauvreté. D‟autre

part, les inégalités communales en termes de formation, type de profession, statut

socioprofessionnel et secteur lucratif d‟emploi, pourraient constituer un facteur de

vulnérabilité économique et sociale des communes. C‟est dire que la structure du

Page 158: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

157

marché du travail, et la nature de sa stratification à l‟échelle communale, constituent

des éléments de grande importance autant dans l‟appréhension que dans

l‟explication de la pauvreté spatiale.

De toutes les variables caractérisant le marché du travail dans la commune, la part

des actifs masculins dotés d‟un capital professionnel « ouvriers qualifiés et

artisans » dans la commune s‟avère la variable la plus déterminante de la baisse de

la pauvreté communale durant la période intercensitaire 1994-2004. Cette

corrélation, fortement significative, montre que l‟augmentation de 10% de cette

catégorie d‟emploi induirait, toutes choses égales par ailleurs, une baisse de la

pauvreté communale de près de 7%.

L‟interaction entre l‟activité et le capital scolaire (primaire et plus) s‟est également

révélée un facteur important dans la détermination de la pauvreté communale. Ainsi,

toute augmentation de la part des actifs scolarisés parmi la population active dans la

commune entraînerait une baisse significative de l‟incidence de la pauvreté

communale. En termes d‟impact, une augmentation de 1% de la population active

occupée scolarisée dans la commune est en mesure de faire baisser la pauvreté

communale de 0,34%. Chose pouvant témoigner de la consistance du capital humain

de la population active dans la lutte contre la pauvreté au niveau local le plus fin.

Selon la catégorie socioprofessionnelle, les communes ayant une part importante des

«exploitants agricoles» sont plus exposées au risque de la pauvreté que les autres

communes. La branche économique «bâtiment et travaux publics» s‟est discernée

comme une source moins importante de la recrudescence de la pauvreté communale.

Plus la part des actifs exerçant dans cette branche augmente, plus le risque de la

pauvreté communale augmente mais avec une faible acuité.

Ces liens s‟expliquent essentiellement par les faibles salaires observés dans les

secteurs agriculture et BTP, qui sont traditionnellement considérés comme un refuge

pour les personnes sans qualification professionnelle.

Page 159: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

158

3.2- La dynamique de la pauvreté communale en milieu urbain

Tableau 4.4 : Résultats de l’estimation relative à la pauvreté communale en

milieu urbain (modèles de panel)

Variables

Modèle 1 Modèle 2

Coef. Elasticité

(ey/ex) Coef.

Elasticité

(ey/ex)

Equité -0,296 ***

-1,481 -0,793 ***

-4,357

damp_icv -0,004 ***

-4,024 -0,004 ***

-4,149

damp_icv2

0,000 ***

0,780 0,000 ***

0,832

p60p -- -- 1,573 ns

0,977

p60p2

-- -- -0,137 * -0,651

p_ao_second -- -- -119,96 ***

-2,369

p_ao_second2

-- -- 172,80 ***

0,907

p_salariés -- -- -101,22 **

-4,769

p_salariés2

-- -- 115,62 ***

3,064

p_indépen -- -- 66,64 **

1,302

p_indépen2

-- -- -115,01 ***

-0,756

Constante 66,030 ***

-- 126,50 ***

--

Nombre de communes

Nombre de périodes

R2 within

R2 betwen

R2 overall

F de ficher

227

2

0,464

0,721

0,617

65,5 ***

227

2

0,615

0,619

0,597

31,34 ***

Degré de signification : ***

1%, **

5%, * 10% et

ns non significatif.

Avec :

p_ao_second représente la part des actifs occupés ayant le secondaire et plus dans le

ménage et p_ao_second2 son carré ;

p_salariés est la proportion des salariés dans la commune et p_salariés2 son carré ;

p_indépen est la proportion des indépendants dans la commune et p_indépen2 son

carré.

En contrôlant les caractéristiques des communes urbaines, les liens de causalité entre

la croissance, l‟inégalité et la pauvreté de la commune restent constants mais avec

des intensités différentes. Ainsi, force est de constater que l‟impact de l‟équité

intercommunale tend à égaler celui de la croissance communale, soit respectivement

un coefficient d‟élasticité, en valeur absolue, de 4,4 et 4,2. Alors que le modèle

triangulaire restreint montre que ces coefficients sont respectivement de l‟ordre de

1,5 et 4,0.

Ceteris paribus, ces indices indiquent qu‟en milieu urbain l‟effort de la croissance et

la réduction des inégalités intercommunales, constituent deux leviers pour agir sur la

baisse de la pauvreté communale. Le revers de ces constats est que la dégradation

de l‟inégalité entre les communes peut se révéler une source génératrice de la

Page 160: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

159

pauvreté, et, partant, le risque d‟inhiber l‟effet positif de la croissance communale

sur la baisse de la pauvreté est à considérer.

Si, dans le cadre du modèle triangulaire élargi, la fécondité et l‟âge moyen au

premier mariage agissent sur la pauvreté communale à l‟échelle nationale selon une

relation en U, ces impacts ne semblent pas perdurer dans l‟explication de la

dynamique de la pauvreté communale urbaine. Eu égard à ces constats, il serait

difficile de conditionner l‟essor de la pauvreté des communes urbaines par un

changement dans le comportement procréateur à l‟échelle locale.

En revanche, la part des personnes âgées par commune est la seule variable

démographique qui intervient significativement dans l‟explication de la dynamique

de la pauvreté des communes urbaines. A l‟instar du lien observé à l‟échelle

nationale, ce facteur entretien un lien corrélationnel positif avec la pauvreté locale.

D‟emblée, le coefficient d‟élasticité estimé (0,98) est près de trois fois plus

important que celui observé au niveau national. Ainsi, force est de constater qu‟une

accentuation du vieillissement dans les communes urbaines de 1% risquerait de se

traduire par une augmentation de la pauvreté locale de près de 1%. Pareil résultat

met en exergue le rôle crucial de la prise en charge des personnes âgées dans la

commune, comme dimension démographique de lutte contre les risques de la

pauvreté communale.

La condition du salariat de la population active dans les communes urbaines s‟avère

un déterminant dont l‟impact est équivaut à celui de la croissance ou celui de

l‟équité. D‟abord, les communes urbaines caractérisées par une augmentation du

salariat, au cours de la période intercensitaire, ont connu une baisse importante de

leur pauvreté. Ensuite, avec un coefficient d‟élasticité de 4,8, en valeur absolue, tout

effort d‟augmentation de la part des salariés de 1% pourrait, toutes choses égales par

ailleurs, infléchir la pauvreté des communes urbaines de 4,8%. Enfin, force est de

constater, selon les résultats des modèles établis, que cette articulation est plus

prononcée dans les communes urbaines caractérisées par une part du salariat

inférieure à 43%.

Ces indices montrent que la promotion de la condition du salariat ne peut favoriser

notablement la régression de la pauvreté locale que dans les communes urbaines

avec une faible part des salariés dans la population active.

L‟amélioration de l‟insertion économique des actifs du niveau scolaire secondaire et

plus a notablement contribué à réduire la pauvreté communale entre 1994 et 2004.

Tel constat reflète l‟importance de l‟emploi qualifié dans l‟effort de lutte contre la

pauvreté. Il est à souligner qu‟une augmentation de 1% de ce type d‟emploi se

traduirait par une baisse de 2,4% de l‟incidence de la pauvreté communale.

En revanche, l‟emploi informel « cas des indépendants » attenue la baisse de la

pauvreté communale en milieu urbain. Ainsi, une augmentation de la part des

indépendants risquerait d‟affaiblir tout effort de réduction de la pauvreté locale en

Page 161: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

160

milieu urbain. Pareille corrélation s‟explique probablement par la dominance de ce

type d‟emploi dans les communes les plus pauvres. Ainsi, une façon de minimiser

les risques de la pauvreté dus à l‟emploi indépendant, consisterait à diversifier le

spectre de l‟emploi indépendant dans les communes les plus pauvres via notamment

la micro-finance qui s‟érige comme un outil efficace aussi bien de viabilité

économique que de rentabilisation pécuniaire des activités les moins génératrices

des revenus.

3.3- La dynamique de la pauvreté communale en milieu rural

Tableau 4.5 : Résultats de l’estimation relative à la pauvreté communale en

milieu rural (modèles de panel)

Variables

Modèle 1 Modèle 2

Coef. Elasticité

(ey/ex) Coef.

Elasticité

(ey/ex)

Equité -0,551 ***

-1,624 -0,769 ***

-2,268

damp_icv -0,006 ***

-1,694 -0,006 ***

-1,644

damp_icv2

0,000 ***

0,225 0,000 ***

0,215

Isf -- -- -2,303 **

-0,363

isf2

-- -- 0,298 ***

0,194

p60p -- -- 0,895 ns

0,332

p60p2

-- -- -0,043 ns

-0,148

p_pop_rev 57,831 **

0,486

p_pop_rev2 -156,57

*** -0,269

p_ao_prim -- -- -28,815 ***

-0,348

p_ao_prim -- -- 17,680 **

0,078

p_btp -- -- 29,878 ***

0,097

p_btp2

-- -- -36,554 ns

-0,018

Constante 95,34 ***

-- 108,49 ***

--

Nombre de communes

Nombre de périodes

R2 within

R2 betwen

R2 overall

F de ficher

1269

2

0,560

0,647

0,617

534,15 ***

1269

2

0,582

0,679

0,651

133,58 ***

Degré de signification : ***

1%, **

5%, * 10% et

ns non significatif.

La lecture des liens croissance-inégalité-pauvreté à travers les résultats du modèle

élargi permet de souligner des résultats pertinents. D‟abord, l‟impact de la

croissance locale sur la réduction de la pauvreté des communes rurales n‟a

pratiquement pas changé, soit un coefficient d‟élasticité, en valeur absolue, de 1,6

versus 1,7 dans le cas du modèle triangulaire. En revanche, en contrôlant les

caractéristiques communales, le lien corrélationnel entre la réduction de l‟inégalité

entre communes et la baisse de la pauvreté s‟est consolidé, soit une élasticité de 2,3,

en valeur absolue, versus 1,6 dans le cas du modèle triangulaire. Ceteris paribus, ces

indices montrent que la conjonction des efforts de la croissance des communes et la

Page 162: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

161

réduction des écarts intercommunaux en milieu rural, peut se révéler un fort

déterminant de la baisse de la pauvreté des communes rurales.

Dans les communes rurales, la fécondité entretient une relation en U avec la

pauvreté. Dans un premier temps, force est de constater que la fécondité est

négativement corrélée avec la pauvreté. Toutes choses égales par ailleurs, le modèle

montre que seules les communes ayant un nombre moyen d‟enfants par femme de

moins de 4 enfants, sont relativement moins exposées au risque de la pauvreté. En

revanche, la pauvreté va de pair avec une fécondité élevée, notamment dans les

communes caractérisées par un indice synthétique de fécondité de plus de 4 enfants.

Cette ambivalence entre la fécondité et la pauvreté des communes rurales s‟explique

probablement par le fait que la fécondité a augmenté (baissé) dans les communes

rurales ayant connu une baisse (hausse) de la pauvreté. L‟analyse des modèles

explicatifs de la baisse de la pauvreté permettra en partie de dissiper cette ambigüité.

La deuxième caractéristique démographique des communes rurales déterminant

significativement la dynamique de la pauvreté, est la part de la population âgée. Elle

est positivement corrélée avec la pauvreté communale, mais avec un impact étroit de

telle sorte que l‟accentuation du vieillissement des communes de 1% ne se traduirait

que par une hausse de l‟incidence de la pauvreté de 0,3%. En dépit de cette

étroitesse, il est important de signaler que, d‟après les estimations du modèle, cette

articulation risque de concerner près de 85% des communes rurales.

L‟interaction entre l‟emploi et le capital scolaire à l‟échelle locale s‟avère un

déterminant de la baisse de la pauvreté des communes rurales. En effet,

l‟amélioration de l‟insertion économique des actifs du niveau scolaire « primaire et

plus » a contribué à réduire la pauvreté communale. Cependant, bien que son impact

reste réduit dans la mesure où une augmentation de 1% de ce type d‟emploi se

traduirait par une baisse de 0,4% de l‟incidence de la pauvreté communale, force est

de constater que cette baisse concernerait la totalité des communes rurales. Pareil

constat reflète l‟importance de l‟emploi qualifié dans l‟effort de lutte contre la

pauvreté spatiale en milieu rural.

Contrairement à toute attente, la part des actifs avec revenu est positivement

associée avec la dynamique de la pauvreté communale rurale. Ceteris paribus, ce

lien laisse entendre que les communes ayant connu une hausse de l‟emploi rémunéré

durant la période intercensitaire, ont connu également une hausse de la pauvreté. La

pertinence de ce lien n‟a pas été influencée par le contrôle des changements dans les

caractéristiques communales entre 1994 et 2004. En outre, selon les estimations

établies par le modèle, cette articulation ne concerne que les communes rurales dont

la part de l‟emploi pécuniaire est moins de 11%. Au-delà de ce seuil critique, l‟effort

de la création de l‟emploi rémunéré contribuerait à la réduction de la pauvreté des

communes rurales.

Par secteur d‟emploi, la modélisation dynamique a mis en exergue que l‟emploi dans

le secteur « bâtiment et travaux publics » évince, mais faiblement, la baisse de la

Page 163: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

162

pauvreté communale en milieu rural. Une augmentation de la part des actifs exerçant

dans ce secteur risquerait d‟affaiblir tout effort de réduction de la pauvreté locale.

Pareille corrélation s‟explique probablement par la dominance de ce type d‟emploi

dans les communes les plus pauvres. Selon le modèle, une augmentation de la part

de l‟emploi drainé par le BTP de 10% se traduirait, toutes choses égales par ailleurs,

par une légère hausse de 1% de l‟incidence de la pauvreté communale.

En somme, les variantes des modèles triangulaires, simples et élargis, ont mis en

exergue des liens causaux entre la dynamique de la pauvreté communale et un

ensemble de facteurs socioéconomiques et démographiques. Cependant, pour

compléter le schéma analytique, et tester, entre autres, la robustesse de ces résultats

selon l‟unité spatiale, il serait intéressant de changer l‟unité d‟analyse en

construisant un panel des provinces sur trois années, à savoir 1994, 2001, et 2004.

Procéder de cette façon a le mérite de différencier la nature et l‟intensité des

interactions entre la dynamique de la pauvreté locale et ses déterminants spécifiques

à l‟échelle géographique.

3.4- La dynamique de la pauvreté provinciale

Abstraction faite du milieu de résidence, les résultats du modèle élargi de panel, à

effets fixes, corroborent les liens triangulaires entre croissance, inégalité et pauvreté

observés au niveau des communes. Les élasticités croissance/pauvreté et

équité/pauvreté sont respectivement, en valeur absolue, de 4,4 et 3,8. Ces indices

montrent le rôle crucial et de la croissance et de la réduction des inégalités

interprovinciales dans la tendance à la baisse de la pauvreté des provinces.

En tenant compte des caractéristiques spécifiques à chaque province, et en

contrôlant l‟effet de l‟inégalité, l‟augmentation de la croissance des provinces de 1%

pourrait induire une réduction de la pauvreté provinciale, en moyenne, de 4,4%. De

même, à croissance égale entre les provinces, la réduction des écarts en termes de

répartition de 1%, serait en mesure d‟incliner la pauvreté des provinces, en

moyenne, de près de 3,8%. Ces indices montrent encore une fois l‟importance d‟agir

à la fois sur la promotion de la croissance locale et la réduction des inégalités

géographiques pour agir de la manière la plus forte sur la réduction de la pauvreté

spatiale.

Page 164: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

163

Tableau 4.6 : Résultats de l’estimation relative à la pauvreté provinciale

(modèles de panel)

Variables

Modèle 1 Modèle 2

Coef. Elasticité

(ey/ex) Coef.

Elasticité

(ey/ex)

Equité -0,004 ***

-1,635 -0,010 ***

-3,837

damp_icv -0,0001 ***

-1,202 -0,0001 ***

-4,364

damp_icv2

-- -- 0,000 ***

1,394

p_15 -- -- 0,488 ***

0,984

p_indépen

-- -- -0,192 ***

-0,312

p_fond1 -- -- -0,293 ***

-0,431

Secheresse

-- -- -0,013 **

-0,014

Constante 0,653 ***

-- 1,290 ***

--

Nombre de provinces

Nombre de périodes

R2 within

R2 betwen

R2 overall

F de ficher

55

3

0,350

0,759

0,661

29,10 ***

55

3

0,728

0,890

0,854

39,37 ***

Degré de signification : ***

1%, **

5%, * 10% et

ns non significatif.

De par le monde, différents travaux ont montré que l‟effort de scolarisation va de

pair avec la réduction de la pauvreté. Considérée comme proxy variable de l‟effort

du développement déployé par les pouvoirs publics, la scolarisation s‟érige

négativement corrélée avec l‟évolution de la pauvreté des provinces. Avec un

coefficient d‟élasticité de 0,4, en valeur absolue, tout effort du développement

provincial visant, entre autres, l‟augmentation de la scolarisation de 1% se traduirait

par une baisse de la pauvreté provinciale de 0,4%. Chose pouvant témoigner de

l‟importance des liens indirects entre l‟effort du développement local notamment

dans les domaines de scolarisation, de santé et d‟infrastructures sociales, et la

réduction de la pauvreté locale.

De toutes les caractéristiques de l‟emploi à l‟échelle provinciale, seule la part des

indépendants s‟avère corrélée avec la dynamique de la pauvreté de la province.

Contrairement aux modèles du panel à l‟échelle communale, cette corrélation est

négative de telle sorte que le développement de l‟emploi indépendant de 1%

contribue à infléchir la pauvreté provinciale de 0,3%. Cette exception est

probablement due à l‟effet de l‟agrégation géographique, et ce sans distinction du

milieu de résidence. En dépit de l‟étroitesse de ce lien, il est important de signaler

qu‟étant donné l‟importance de l‟emploi indépendant dans l‟insertion économique

de la population active, tout effort de rentabilisation de cette source d‟emploi, ne

peut que favoriser l‟impact de ce facteur sur la baisse de la pauvreté monétaire

locale.

Page 165: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

164

Le point particulier de ce modèle est qu‟il a pu capter l‟effet de la pluviométrie

(sécheresse) sur l‟essor de la pauvreté spatiale. Toutes choses égales par ailleurs, le

modèle montre que la pauvreté de l‟année en cours est négativement corrélée avec

les conditions pluviométriques de l‟année qui précède. Si cette dernière est

caractérisée par une pluviométrie plus importante que celle de l‟année en cours, la

pauvreté provinciale connait une baisse quoique qu‟elle reste limitée. En effet,

l‟élasticité pluviométrie/pauvreté n‟est que de 0,01, en valeur absolue. Tel résultat

indique également que la pauvreté du moment est susceptible d‟augmenter suite à

une année discernée par une sécheresse, synonyme d‟une faible année agricole.

Par rapport aux facteurs démographiques, le modèle a montré une corrélation

positive entre la part des moins de 15 ans et la pauvreté provinciale. L‟augmentation

(réduction) de la part de cette frange de la population risquerait d‟entrainer une

augmentation (réduction) de la pauvreté provinciale, et ce d‟une façon

proportionnelle, soit un coefficient d‟élasticité équivaut à 1.

Cependant, à considérer la transition démographique que connait le Maroc, et à tous

les niveaux, caractérisée, entre autres, par le recul de la part des moins de 15 ans,

cette corrélation positive s‟explique probablement par le fait que la pauvreté a baissé

(augmenté) dans les provinces dont la part des moins de 15 ans s‟est reculée (a

progressée).

Section 3 : Le ciblage géographique de la pauvreté : intérêt des indicateurs de la pauvreté au niveau le plus fin pour une allocation optimale des ressources

Les pouvoirs publics affichent une volonté de réduction de la pauvreté. Les

politiques suivies à cet effet ont été longtemps fondées sur les transferts forfaitaires

destinées à l‟ensemble de la population, notamment sous forme de prestations

sociales, de subventions à la consommation alimentaire et de développement de

l‟environnement social et économique.

Ces formes de ciblage, destinées principalement à réduire les disparités sociales et la

pauvreté, n‟ont pas atteint les résultats escomptés, dans la mesure où un tel ciblage

profite beaucoup plus aux populations favorisées qu‟aux populations pauvres. C‟est

le cas notamment du programme des subventions de la caisse de compensation.

L‟initiative nationale du développement humain (INDH) mise en œuvre depuis la fin

de 2005 est venue à point nommé pour promouvoir une approche globale de façon à

corriger les distorsions sociales dont notamment celles engendrées par les politiques

de développement fondées sur les transferts forfaitaires.

La disposition des indicateurs de la pauvreté et de l‟inégalité à un niveau très

désagrégé (province, commune et district) dégagés à partir de la cartographie de la

pauvreté, pourrait améliorer les politiques de ciblage des populations pauvres et

vulnérables.

Page 166: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

165

Il s‟agit dans cette section de simuler l‟impact anticipé de plusieurs politiques de

ciblage, en se basant sur les données de la pauvreté et des dépenses des ménages

géographiquement désagrégées, ce qui permettra par la suite de désigner, parmi

celles-ci, celle la plus performante pour établir une répartition géographique plus

optimale d‟un budget donné. Dans le premier paragraphe, nous présentons un aperçu

sur les politiques de ciblage au Maroc et notamment celles relatives aux subventions

alimentaires et aux crédits à l‟éducation. Les deuxième et troisième paragraphes

seront consacrés respectivement à l‟approche méthodologique des politiques de

ciblage géographique et à la présentation et l‟analyse des résultats de ces

investigations.

Paragraphe 1 : L’insuffisance des politiques de ciblage forfaitaire : cas des subventions alimentaires et des subventions à l’éducation et à la formation

Depuis son indépendance, le Maroc a entrepris des mesures visant à réduire la

pauvreté et les inégalités. Ces mesures ont concerné, entre autres :

- L‟objectif de généralisation de la scolarisation et la lutte contre

l‟analphabétisme ;

- l‟amélioration des conditions sanitaires de la population ;

- l‟amélioration des conditions de vie de la population notamment la

population rurale et ce par la progression significative de l‟accès à l‟eau

potable, les efforts de désenclavement en milieu rural et vers une

généralisation de l‟électrification rurale ;

- la stratégie de lutte contre l‟habitat insalubre ;

- les mesures de promotion de l‟emploi ;

- les subventions par la caisse de compensation, etc.

1.1- Pour les produits alimentaires

Les subventions par la caisse de compensation ont été introduites pour stabiliser les

prix des produits de base à savoir les produits alimentaires (sucre, huile et farine

nationale de blé tendre), le gaz butane et les produits pétroliers.

Le budget de la caisse de compensation a connu une évolution soutenue durant les

10 derniers années, avec un pic en 2008, année de flambée de toutes les matières

premières sur les marchés internationaux.

Page 167: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

166

Le budget alloué à la caisse de compensation est passé de 5,8 milliards de DH en

1998 à 31,5 milliards de DH en 2008 soit une augmentation annuelle moyenne de

l‟ordre de 18,4%. Rapportées au produit intérieur brut, les subventions de la caisse

de compensation s‟oscillaient entre 1,3% et 2,6% entre 1998 et 2007 pour se situer à

4,6% en 2008.

Tableau 4.7 : Les subventions sur les produits : ONICL et Caisse de

Compensation

Unité : millions DH

Produits Sucre Huile Farine

Produits pétroliers Total

Année Butane Autres Ensemble

1998 1 846 1 905 1 555 -- -- 529 5 835

1999 1 871 1 949 1 636 -- -- 920 6 376

2000 1 902 1 871 1 733 -- -- 2 489 7 995

2001 1 994 89 1 684 2 136 474 2 610 6 377

2002 2 004 66 1 523 1 905 167 2 072 5 665

2003 2 114 158 1 705 2 194 176 2 370 6 347

2004 2 104 115 1 523 3 040 1 547 4 587 8 329

2005 1 241 86 2 479 4 058 3 405 7 463 11 269

2006 2 189 64 3 190 4 656 3 044 7 700 13 143

2007 1 659 63 3 747 5 562 5 119 10 681 16 150

2008 3 020 100 2 590 -- -- 25 740 31 450

Source : HCP, les comptes nationaux (2007).

Graphique 4.4 :

Page 168: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

167

Par produit subventionné, les produits alimentaires ont connu un recul ces dernières

années au profit des produits pétroliers et du gaz butane. En effet, en 1998, un peu

plus de 90% des subventions de la caisse de la compensation ont été destinées aux

produits alimentaires (31,6% pour le sucre, 32,6% pour l‟huile et 26,6% pour la

farine nationale du blé tendre). Avec la libéralisation des prix de l‟huile, la part des

subventions alimentaires ne représentait que 33,9% des subventions totales de la

caisse de compensation en 2007. Les produits pétroliers et le butane ont grimpé pour

totaliser les deux tiers des subventions de la caisse de compensation réparties de

façon équitable entre le gaz butane et les produits pétroliers.

Destinées par les pouvoirs publics à promouvoir le pouvoir d‟achat de la population

notamment des populations pauvre et vulnérable, ces subventions vont-elles

vraiment à ceux qui en ont réellement besoin ? Autrement dit, à qui profitent les

subventions de la caisse de compensation ?

Pour répondre à cette question, on va analyser la structure de consommation des

dépenses des ménages en produits subventionnés selon les classes des dépenses de

consommation (quintile ou décile des dépenses) à travers les différentes enquêtes sur

les niveaux de vie et la consommation et les dépenses des ménages.

Tableau 4.8 : Part dans la consommation des produits subventionnés selon la

classe des dépenses et le milieu de résidence (en%)

Année

produit

2000/01 2006/07

Farine Sucre Butane Farine Sucre Butane

Décile de dépenses

Décile 1 5,1 5,7 4,2 4,6 5,6 6,0

Décile 2 6,7 7,0 5,4 6,5 7,6 7,2

Décile 3 7,3 7,5 7,1 7,5 8,0 7,6

Décile 4 8,3 8,0 8,2 8,5 8,6 8,3

Décile 5 9,0 8,7 8,6 8,9 9,1 9,4

Décile 6 9,7 9,2 10,5 9,8 9,6 10,1

Décile 7 10,6 10,1 11,8 11,1 10,2 10,4

Décile 8 11,7 11,2 11,8 12,0 11,4 11,2

Décile 9 13,5 13,2 13,8 13,9 12,2 13,2

Décile 10 18,1 19,3 18,5 17,3 17,7 16,6

Milieu de résidence

Urbain 60,5 56,7 56,4 59,3 52,5 60,4

Rural 39,5 43,3 43,6 40,7 47,5 39,6

Source : HCP, données de base de l‟ENCDM 2000/01 et l‟ENNVM 2006/07.

L‟analyse de la structure de consommation des produits subventionnés par la caisse

de compensation selon les classes des dépenses permet d‟approcher les gains tirés

par chaque classe de ces subventions et donc permet de voir la façon avec laquelle

ces transferts sont distribués.

La répartition des subventions des produits alimentaires et du gaz butane selon les

déciles des dépenses fait ressortir qu‟il y a des écarts importants selon le niveau de

vie. En d‟autres termes, les plus aisés tirent beaucoup plus profit des subventions de

Page 169: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

168

la caisse de compensation que les pauvres. En 2001, le décile le plus pauvre a profité

seulement de 5,1% des subventions de la farine nationale du blé tendre contre 18,1%

du dernier décile, soit un écart inter-décile de l‟ordre de 3,5. Cet écart s‟élève à 3,4

pour la consommation du sucre (5,7% pour le décile le plus pauvre et 19,3% pour le

décile le plus aisé) et à 4,4 pour le gaz butane (soit respectivement une part dans la

consommation totale du sucre 4,2% et 18,5% respectivement).

En 2007, si les écarts inter-décile des subventions de la farine nationale du blé

tendre et du sucre n‟ont pas beaucoup changé en passant respectivement de 3,5 à 3,7

et de 3,4 à 3,1, celui des subventions du gaz butane a connu une baisse importante

en passant de 4,4 à seulement 2,7. Les plus pauvres (1er

décile) ont vu leur part dans

la subvention totale du gaz butane s‟élever de 4,2% en 2001 à 6,0% en 2007, alors

que celle des plus riches (10ème

décile) a régressé de 18,5% en 2001 à 16,6% en

2007.

Selon le milieu de résidence, en 2001, les citadins bénéficiaient de 60,5% du total

des subventions destinées à la farine nationale du blé tendre, de 56,7% des

subventions destinées au sucre et de 56,4% des subventions du butane. Ces

pourcentages s‟élèvent respectivement à 59,3%, 52,5% et 60,4% en 2007. Si l‟on

tient compte de la structure de la population selon le milieu de résidence48

, on

remarque que ces transferts sont presque équitablement répartis entre les deux

milieux de résidence, sauf pour la consommation du sucre en 2007 où les ruraux en

consomment un peu plus que les citadins et par conséquent profitent un peu plus des

subventions de la caisse de compensation en sucre. Concernant les autres pétroliers

qui accaparent plus du tiers du total des subventions de la caisse de compensation, il

est difficile de saisir la part de chaque classe sociale de ces subventions, dans la

mesure où les prix de presque tous les produits (produits alimentaires, entre autres,

etc.) dépendent amplement des prix des produits pétroliers (coûts de transport).

1.2- Pour l’éducation

La population aisée profite également beaucoup plus des crédits alloués à

l‟éducation et à la formation que la population pauvre. La répartition des personnes

en cours de scolarisation49

selon le niveau scolaire et les classes des dépenses le

montre clairement. En effet, le quintile le plus aisé totalise les parts les plus

importantes à tous les niveaux et surtout à partir de l‟enseignement du collège.

48

La part de la population urbaine s‟élevait à 55,5% en 2001 et à 56% en 2007. 49

Nous avons pris en considération uniquement les personnes qui suivent leurs études dans le secteur

public, du moment que dans le secteur privé, les ménages ne bénéficient pas du budget de l‟Etat alloué à

l‟éducation et à la formation.

Page 170: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

169

Tableau 4.9 : Répartition des personnes scolarisées dans le secteur public selon

la classe des dépenses et le niveau scolaire (en%)

Niveau scolaire /

Quintile Primaire Collège Secondaire Supérieur Ensemble

2000/01

Quintile 1 24,0 11,4 6,5 4,8 19,7

Quintile 2 23,0 15,4 12,4 9,5 20,8

Quintile 3 20,4 22,1 19,1 16,7 21,3

Quintile 4 19,6 25,6 25,7 25,1 20,6

Quintile 5 13,1 25,6 36,3 43,8 17,6

2006/07

Quintile 1 25,5 13,7 9,9 6,2 19,0

Quintile 2 23,2 19,1 17,0 12,8 19,9

Quintile 3 21,2 22,4 20,5 17,9 20,3

Quintile 4 19,2 22,4 22,8 24,9 21,6

Quintile 5 10,9 22,5 29,8 38,1 19,1

Source : HCP, données de base de l‟ENCDM 2000/01 et l‟ENNVM 2006/07.

En effet, en 2000/01, dans le secteur de l‟enseignement public, 24,0% des personnes

scolarisées dans l‟enseignement primaire appartiennent à la classe la plus

défavorisée (1er quintile), 23,0% sont issues du deuxième quintile et seulement

13,1% sont de la classe aisée. Ces pourcentages s‟établissent respectivement à

11,4%, 15,4% et 25,6% pour l‟enseignement du collège, 6,5%, 12,4% et 36,3% pour

l‟enseignement secondaire et 4,8%, 9,5% et 43,8% pour l‟enseignement supérieur.

Malgré le recul de leurs parts à partir du collège, les classes aisées continuaient

toujours à bénéficier davantage des crédits accordés à la scolarisation et à la

formation. En effet, en 2006/07, 22,5% des personnes scolarisées dans

l‟enseignement du collège sont de la classe aisée. Cette part a atteint 29,8% pour

l‟enseignement secondaire et 38,1% pour l‟enseignement supérieur. Ce léger recul

des parts des classes aisées dans le total des subventions accordées à la scolarisation

et à la formation est imputable essentiellement au développement du secteur de

l‟enseignement privé et qui profite beaucoup plus à ces classes qu‟aux classes

modestes.

Page 171: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

170

Paragraphe 2 : La méthodologie des politiques de ciblage géographique

La méthodologie adoptée dans ce mode de ciblage géographique est basée sur une

approche scientifique développée par la Banque Mondiale50

. Cette approche est

appliquée aux données sur la pauvreté et les dépenses des ménages,

géographiquement désagrégées. Elle simule l‟impact anticipé des diverses politiques

de ciblage, permet de désigner parmi celles-ci celle la plus performante et s‟y réfère

pour établir la répartition géographique optimale d‟un budget donné.

Il s‟agit en fait d‟une évaluation ex-ante de « l‟incidence distributionnelle » de la

répartition des ressources publiques, fondée sur les indicateurs dégagés à partir de

l‟élaboration de la cartographie de la pauvreté. Cette évaluation consiste à simuler

l‟impact sur la pauvreté des différentes politiques de transfert d‟un budget donné à

des sous-groupes de population, géographiquement définis. Elle consiste aussi à

établir la répartition provinciale optimale d‟un tel budget de façon à maximiser la

baisse de la pauvreté.

Au cas où la connaissance des populations pauvres était parfaite (disponibilité d‟un

répertoire des pauvres périodiquement actualisé), le ciblage consisterait en un

transfert direct des ressources aux pauvres (ciblage parfait). En l‟absence d‟un tel

répertoire, seuls les transferts uniformes ou forfaitaires sont envisageables, en dépit

de leur impact limité sur la pauvreté. Aujourd‟hui, les avancées récemment

enregistrées par la branche de l‟économie des niveaux de vie offrent l‟opportunité

d‟opter pour un ciblage géographique remédiant, en partie, aux insuffisances des

transferts forfaitaires.

C‟est ainsi qu‟en plus des transferts, parfait et uniforme, l‟attention est focalisée sur

les ciblages géographiques « naïf et optimal ». Définis ci-après, ces approches de

ciblage utilisent la connaissance de la répartition géographique de la pauvreté d‟une

manière différente. Elles vont du transfert le plus simple et le plus intuitif à des

ciblages géographiques où la pauvreté anticipée est minimisée sous réserve des

contraintes à l‟information et aux ressources budgétaires. Leurs performances

relatives à des niveaux alternatifs de désagrégation géographique (région, province,

commune et district51

du recensement) sont évaluées en termes de réduction de la

pauvreté et d‟économie des ressources.

50

Se référer, entre autres, à Elbers, C., Fujii, T., Lanjouw, P., Ozler, B. & Yin, W. (2007) „Poverty

Alleviation Through Targeting: How Much Does Disaggregation Help?‟ Journal of Development

Economics, 83, 197-213. Cette approche a été également appliquée sur les données marocaines par Mr P.

Lanjouw, A. Ezzrari et M. Douidich « Simulating the impact of geographic targeting on poverty

alleviation in Morocco : what are the gains from disaggregation ? », in Policy Research Working Paper,

n° WPS 4724, 2008/09. 51

Le district du recensement de la population (Rgph 2004) est considéré comme une unité géographique

infra communale. L‟impact du ciblage fondé sur les données relatives à cette unité renseigne, en fait, sur

le niveau des gains en termes de réduction de la pauvreté, imputable au ciblage infra communal appliqué

au niveau du douar rural ou du quartier urbain.

Page 172: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

171

Toutes les politiques de ciblage envisagées (plans de ciblage) considèrent que le

pays n‟a pas une connaissance parfaite des pauvres (répertoire des ménages

pauvres), qu‟il a un budget, S, disponible pour la redistribution et qu‟il souhaite le

transférer de manière à maximiser la réduction de la pauvreté.

2.1- Les plans de Ciblage

Il y a trois grandes catégories de plans pour cibler la population pauvre :

Plan « naïf » : il assume une connaissance de la répartition spatiale de la pauvreté,

mais il ne s‟en sert pas d‟une manière scientifique. Ce plan considère que le transfert

(a) à distribuer à chaque personne est égal au rapport entre le budget total (S) et le

nombre total des pauvres (Np). Les localités sont d‟abord classées selon l‟indice de

sévérité52

de la pauvreté. Par la suite, le transfert (a) est distribué à toutes les

personnes, pauvres et non-pauvres, en commençant par la localité53

la plus pauvre,

jusqu‟à l‟épuisement total du budget. Dans la localité marginale – là où le budget est

épuisé – on ne transfère pas le montant (a), mais une part égale du solde du budget.

Plan optimal : il se réfère à un schéma de transfert particulièrement favorable aux

localités les plus pauvres, basé sur une utilisation judicieuse des indices de la

pauvreté. Le calcul de la part, dans le budget total, des diverses localités s‟y fonde

sur la minimisation de l‟indice de sévérité de la pauvreté. Les localités sont d‟abord

classées selon l‟indice volumétrique54

de la pauvreté. Par la suite, des transferts

forfaitaires sont effectués à la localité la plus pauvre jusqu‟à ce que son indice

volumétrique soit égal à celui de la localité qui lui est juste supérieure dans le

classement. Ces deux localités vont bénéficier, à leur tour, d‟un transfert leur

permettant d‟avoir un indice volumétrique égal à celui de la localité suivante, etc.

jusqu‟à l‟épuisement total du budget.

Plan ‘uniforme’ : les gains en termes de réduction de la pauvreté qui découlent des

plans de transfert „naïf‟ et „optimal‟ sont comparés à ceux d‟un plan de référence dit

« uniforme ou forfaitaire ». Ce plan est envisageable au cas où l‟on n‟aurait aucune

connaissance de qui sont les pauvres ou de l‟endroit où ils se trouvent. Le pays n‟est

donc pas en mesure de distribuer le budget, S, d‟une autre manière que par un

transfert uniforme à l‟ensemble de la population de taille N. L‟impact, sur la

pauvreté, de ce plan est celui d‟un transfert forfaitaire d‟un montant, a = S/N, à

l‟ensemble de la population. Le calcul de cet impact est simple. On majore la

dépense annuelle moyenne par personne de chaque ménage, pauvre ou non pauvre,

par le montant (a), et on recalcule les indices de la pauvreté. Les subventions à la

consommation alimentaire auraient illustré ce plan si elles étaient uniformément et

équitablement distribuées à la population.

52

Pour un ménage pauvre, cet indice est le carré du rapport, au seuil de pauvreté, de la différence entre la

dépense de consommation et le seuil de pauvreté. Il va de 0 (dépense du ménage pauvre équivalente au

seuil de pauvreté) à 1 (dépense du ménage pauvre pratiquement nulle). 53

La localité peut être la région, la province, la commune ou encore le district. 54

Pour un ménage pauvre, cet indice est le rapport, au seuil de pauvreté, de la différence entre la dépense

de consommation et le seuil de pauvreté.

Page 173: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

172

2.2- Les méthodes d’affectation des ressources budgétaires

Pour simuler l‟impact des plans de ciblage „uniforme‟, „naïf‟ et „optimale‟, il

importe de fixer un niveau raisonnable de ressources budgétaires dédiées à la lutte

contre la pauvreté. Il est clair que l‟impact de ces plans varie en fonction de

l‟importance de ces ressources, et que l‟objet n‟est pas d‟évaluer l‟importance de cet

impact, mais de montrer que le ciblage contribue à lui seul à la réduction de la

pauvreté.

On considère alors deux scénarii indicatifs de fixation du budget (S) de lutte contre

la pauvreté :

Scénario 1 : le budget (S) est fixé de manière exogène, et supposé représenter 5%

du fonds obtenu en multipliant la dépense annuelle moyenne par tête du 25ème

percentile55

par l‟effectif de la population. Ce budget s‟établit à 8,4 milliard de DH

de 2004, soit 1,9% du PIB de la même année. Les gains du ciblage dépendent du

budget (S) et varient selon le seuil de pauvreté. Il n‟y a pas de raison de procéder à

un ciblage en présence de ressources budgétaires illimitées. Et plus le seuil (et donc

le taux) de pauvreté est élevé, plus le ciblage perd de sa pertinence.

Scénario 2 : le scénario 1 se fonde sur des budgets, urbain et rural, séparément

estimés. Comme la dépense par tête du 25ème percentile est 1,9 fois plus élevée

dans l‟urbain que dans le rural, ce scénario est sensiblement généreux vis-à-vis des

urbains56

. Il ne permet pas de comparer les impacts de divers plans de ciblage en

fonction du milieu de résidence, ni d‟évaluer cet impact à l‟échelle nationale. Pour

rendre comparables ces impacts, le budget (S) représente, dans le scénario 2, le

montant à transférer, selon un ciblage parfait57

, à l‟ensemble de la population pauvre

de façon à égaliser ses dépenses de consommation au seuil de pauvreté, pendant une

année entière. Ce budget est de 3,3 milliard de DH de 2004, soit près de 0,7% du

PIB de la même année. Il a un intérêt analytique dans la mesure où il permet de

calculer la distance entre les plans de ciblage (optimal et naïf) et le ciblage parfait.

55

La population enquêtée est répartie en 100 classes (ou percentiles) de dépenses par personne,

regroupant chacune 1% des individus. Le 1er percentile regroupe le 1% le plus pauvre de la population, le

2éme percentile le 1% suivant, etc. jusqu‟au 25éme percentile. 56

Selon ce scénario, le milieu urbain totaliserait 70,2% des ressources budgétaires allouées à la réduction

de la pauvreté. La part de ce milieu dans la population totale (55,1% en 2004) ou encore dans la

population pauvre (30,1% en 2004) ne peut justifier cette allocation des ressources. L‟écart entre les

seuils, urbain et rural, de pauvreté ne peut justifier non plus cette allocation. 57

Rappelons que le ciblage parfait suppose que l‟on dispose d‟un répertoire de l‟ensemble des ménages

pauvres et de l‟ensemble des données requises (taille, revenu par tête, avoirs, patrimoine, soutien familial,

etc.) pour calculer le montant à transférer à chaque ménage. Ce budget éliminerait la pauvreté des

ménages pendant une année et ne tient pas compte des coûts de la conception et de l‟administration du

ciblage parfait des ménages pauvres.

Page 174: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

173

Paragraphe 3 : Présentation et analyse des résultats du ciblage géographique

Les résultats obtenus des diverses simulations illustrent l‟impact annuel des plans de

ciblage et l‟allocation optimale d‟un fonds de ressources, consacré à la réduction de

la pauvreté (cf. Annexe 4.3). Ils montrent que la réduction sensible de la pauvreté et

l‟économie des ressources publiques passent nécessairement par l‟option pour un

plan de ciblage optimal, conjugué à un ciblage subordonné à l‟intérieur des localités

pauvres. Leur analyse suscite les commentaires suivants :

3.1- Le ciblage optimal face à la pauvreté

3.1.1- La performance du ciblage optimal

La performance du ciblage optimal par rapport au ciblage naïf est plus nette dans le

milieu urbain que dans le milieu rural. Pour le scénario 1, la réduction du taux de

pauvreté urbaine obtenue grâce au ciblage optimal dépasse celle due au ciblage naïf

de 60,0% au niveau de désagrégation régional, de 100% au niveau provincial, de

94,7% au niveau communal et de 54,3% au niveau infra communal (tableau 4.10).

Dans le milieu rural, ces plans de ciblage sont pratiquement équivalents en termes de

réduction du taux de pauvreté. Mais en termes de sévérité de la pauvreté rurale, le

ciblage optimal anticipe des gains supérieurs à ceux du ciblage naïf, de 9,4%,

10,5%, 12,2% et de 9,4%, respectivement.

Tableau 4.10 : Impact sur le taux de pauvreté (FGT0) et sur la sévérité de la

pauvreté (FGT2) des plans de ciblage à différents niveaux de désagrégation

géographique (en % de l’indice original)

Plan de ciblage

Niveau de

désagrégation

FGT0 FGT2

Ciblage

optimal

Ciblage

naïf

Ciblage

optimal

Ciblage

naïf

Indice original 0,081 0,00681

Milieu urbain

Transfert uniforme 72% 72% 53% 53%

Niveau régional 68% 80% 46% 76%

Niveau provincial 66% 83% 44% 78%

Niveau communal 63% 81% 40% 76%

Niveau district 46% 65% 19% 49%

Milieu rural

Transfert uniforme 86% 86% 71% 71%

Niveau régional 84% 84% 65% 68%

Niveau provincial 82% 82% 58% 62%

Niveau communal 78% 78% 45% 51%

Niveau district 77% 77% 42% 47%

Source : HCP, données de base de la carte de la pauvreté 2004, estimations faites par

l‟auteur.

Le ciblage naïf aux niveaux régional, provincial et communal atteint, dans le milieu

urbain, une moindre réduction de la pauvreté que ce n‟est le cas avec un ciblage

Page 175: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

174

uniforme. Le faible impact du ciblage naïf sur la réduction des indicateurs de la

pauvreté est observé à tous les niveaux de désagrégation géographique : régional,

provincial, communal ou infra communal (district). C‟est la raison pour laquelle le

ciblage optimal est utilisé dans ce qui suit pour analyser l‟impact sur la pauvreté

ainsi que l‟économie et la répartition géographique des ressources budgétaires.

3.1.2- L’impact du ciblage optimal sur le taux de pauvreté

Tout d‟abord, la disponibilité de données désagrégées sur la cartographie de la

pauvreté au Maroc permet d‟améliorer sensiblement l‟impact des politiques de

réduction de la pauvreté. Plus cette cartographie est utilisée à son niveau le plus

désagrégée (commune ou district), plus importante sera l‟amélioration des plans de

ciblage, naïf et optimal, par rapport au transfert uniforme.

Le plan de ciblage optimal appliqué au niveau provincial anticipe cependant des

gains appréciables en termes de réduction des indices de la pauvreté, en comparaison

avec le transfert uniforme. Les graphiques 4.5 et 4.6 illustrent la réduction annuelle

des indices de la pauvreté, attendue du transfert uniforme et du ciblage optimal

appliqué à divers niveaux de désagrégation géographique.

En fait, quel que soit le niveau de désagrégation, le ciblage optimal contribue à lui

seul à réduire sensiblement la pauvreté, en comparaison avec le transfert uniforme.

L‟impact de ce plan varie évidemment en fonction du budget et de l‟équité de sa

répartition spatiale, de la désagrégation géographique des indices de la pauvreté et

du seuil de pauvreté.

Graphique 4.5 : Taux de réduction de la pauvreté rurale selon le ciblage optimal,

comparé au transfert uniforme.

58

55

42

35

29

2322

1816

15

10

20

30

40

50

60

Transfert uniforme Optimal région Optimal province Optimal commune Optimal district

Taux d

e r

éductio

n e

n %

Indice de sévérité

Taux de pauvreté

Page 176: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

175

Pour le budget le plus modeste (0,7% du PIB) et le plus équitable vis-à-vis du

monde rural, le ciblage optimal entraînerait une réduction annuelle de la pauvreté

plus sensible dans le milieu rural que dans le milieu urbain. Dans ce dernier milieu,

le ciblage uniforme conduit à une réduction du taux de pauvreté d‟avant transfert de

5% en une année. Le ciblage optimal améliore davantage cette réduction selon qu‟il

est appliqué au niveau régional (7%), provincial (8%), communal (9%) ou encore à

un niveau infra communal de l‟ordre du district (18%). Pour le milieu rural, la

réduction annuelle du taux de pauvreté attendu d‟un ciblage uniforme (13% du taux

d‟avant transfert) est aussi améliorée par le ciblage optimal selon qu‟il est appliqué

au niveau régional (14%), provincial (16%), communal (20%) ou infra communal -

district (21%).

Le budget du scénario 1 est relativement consistant (1,9% du PIB) mais franchement

défavorable au milieu rural. Le transfert de ce budget selon un ciblage uniforme

anticipe une réduction du taux de pauvreté urbaine d‟avant transfert de 18%. Le

ciblage optimal réduit davantage cette proportion selon qu‟il est appliqué au niveau

régional (32%), provincial (34%), communal (37%) ou infra communal (53%). Pour

le milieu rural, le ciblage uniforme donne lieu à une réduction annuelle du taux de

pauvreté d‟avant transfert de 15%. Le ciblage optimal améliore aussi cette réduction

selon qu‟il est appliqué au niveau régional (16%), provincial (18%), communal

(22%) ou infra communal (23%).

3.1.3- La performance du ciblage face à l’extrême pauvreté

Les gains attendus du ciblage optimal sont plus considérables en termes de réduction

de la sévérité de la pauvreté. Dans le milieu urbain, le ciblage optimal, appliqué au

niveau provincial, réduit l‟indice de sévérité de la pauvreté à 83% de l‟indice d‟un

transfert uniforme. Dans le milieu rural, cette proportion est de 82%. Pour le niveau

de la commune, ces proportions sont de 75% et de 63%, respectivement. Elles

Graphique 4.6 : Taux de réduction de la pauvreté urbaine selon le ciblage optimal,

comparé au transfert uniforme.

81

605654

47

53

3734

32

28

15

25

35

45

55

65

75

85

Transfert uniforme Optimal région Optimal province Optimal commune Optimal district

Taux d

e r

éductio

n e

n %

Indice de sévérité

Taux de pauvreté

Page 177: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

176

s‟établissent à 37% et à 59%, respectivement, pour le niveau infra communal –

district.

3.2- Les gains en économie des ressources

Les gains d‟équivalence dérivés du ciblage géographique sont aussi d‟une

importance budgétaire considérable. Etablis en termes d‟économie des ressources

budgétaires, ces gains mesurent de combien le budget global serait plus petit pour

atteindre le même impact sur la pauvreté avec un ciblage optimal et avec un transfert

uniforme.

Dans le milieu rural, même une carte de pauvreté régionale aurait permis la même

réduction de la sévérité de la pauvreté que le transfert uniforme, à 76,1% du coût du

transfert uniforme. Avec une carte de pauvreté communale, le même impact aurait

pu être atteint à 31,4% du coût du transfert uniforme.

Dans le milieu urbain, ces proportions sont de 73,4 % et 64,5%, respectivement

(graphique 4.7). La désagrégation des indices de la pauvreté au niveau du district

améliore davantage ces proportions, soit 23,0% dans le milieu urbain et 27,7% dans

le milieu rural. Il en découle qu‟une utilisation judicieuse de la cartographie de la

pauvreté désagrégée au niveau de la commune ou du district permettrait

d‟économiser d‟importantes ressources budgétaires.

Il en ressort qu‟un ciblage optimal appliqué aux districts permet d‟atteindre le même

impact que le transfert uniforme à un moindre coût. Cette approche de ciblage donne

lieu à une économie de ressources budgétaires de l‟ordre des trois-quarts du coût du

transfert uniforme ou forfaitaire.

Graphique 4.7 : Coût du ciblage optimal en % du coût du transfert uniforme selon le

niveau de désagrégation géographique.

- Budget : variante 1, scénario 1 -

23,3

64,5

73,4

82

100

27,731,4

57,1

76,1

100

10

30

50

70

90

Transfert uniforme Optimal région Optimal province Optimal commune Optimal district

Co

ût

en

% d

u t

ran

sfe

rt u

nif

orm

e

Urbain

Rural

Page 178: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

177

Allocation des ressources budgétaires

La comparaison de l‟impact des options de ciblage a montré la pertinence du ciblage

optimal à tous les niveaux de désagrégation géographique. La question qu‟on se

pose ici concerne la répartition empirique optimale d‟un budget dédié à la réduction

de la pauvreté. Il s‟agit en fait d‟aider à l‟intégration de la dimension pauvreté dans

l‟allocation des ressources budgétaires du pays.

La référence au ciblage optimal a permis de produire l‟allocation socialement

souhaitable d‟un budget donné selon les provinces. L‟objet de cette allocation ne

consiste pas en une répartition au DH près des fonds de lutte contre la pauvreté, mais

d‟indiquer les provinces vers lesquelles d‟importantes ressources budgétaires

doivent être destinées.

Ce schéma de redistribution, notamment sous forme d‟investissement dans les

facteurs de revenus, de protection sociale des populations à risque ou encore de

transfert conditionné, garantirait la rentabilité des politiques de réduction de la

pauvreté.

Dans le milieu rural, et au cas où les ressources étaient ciblées aux communes les

plus pauvres selon un ciblage optimal – scénario 1, les cinq provinces d‟Erachidia

(11,4% du budget consacré au milieu rural), Essaouira (8,1%), Ouarzazate (6,9%),

Taroudante (5,5%) et Taza (5,2%) se verraient allouer juste moins de deux

cinquièmes du budget total à transférer (Graphique 4.8). Au cas où ces mêmes

ressources étaient ciblées aux districts les plus pauvres, la même approche de

ciblage montre que ces mêmes provinces figureraient, à côté de Kenitra (5,1%), Sidi

Kacem (4,3%) et Khénifra (4,0%), parmi celles qui devraient totaliser d‟importantes

parts dans les ressources budgétaires.

Page 179: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

178

Dans le milieu urbain, le même ciblage (optimal) appliqué au niveau communal

montre que la province de Kenitra se classerait en tête avec une allocation de 10,1%

du budget consacré à la lutte contre la pauvreté urbaine, suivie de la province de

Marrakech-Ménara (8,0%), Tanger- Asilah (6,8%), Fès Jdid-Dar Dbibagh (5,9%),

Salé (4,7%) et Skhirate-Temara (4,0%) (Graphique 4.9). Ce même ciblage appliqué

au niveau district, montre que des provinces comme Casablanca (6,0%) et Meknès-

Ismaïlia (3,6%) rejoindraient, elles aussi, celles qui totaliseraient le plus de

ressources budgétaires.

Graphique 4.8 :

Page 180: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

179

Le scénario 2 se réfère à un budget relativement modeste (0,7% du PIB), mais

équitablement réparti entre les urbains et les ruraux. Au cas où ce fonds était

transféré aux districts les plus pauvres, les zones rurales qui en totaliseraient

d‟importantes parts relèvent des provinces d‟Errachidia (11,1%), Essaouira (8,1%),

Ouarzazate (6,8%), Taza (5,2%), Taroudante (5,2%) et Kénitra (5,0%). Pour les

zones urbaines, ces provinces sont Kénitra (14,2%), Tanger-Asilah (6,1%),

Marrakech-Ménara (6,3%), Casablanca (4,6%) et Skhirat-Témara (5,6%).

Les diverses allocations budgétaires établies pour divers budgets des plans de

ciblage convergent vers le fait que la priorité à accorder aux provinces les plus

pauvres est robuste (voir Annexe 4.3).

En tout cas, cette investigation a permis de simuler l‟impact de tout fonds de

réduction de la pauvreté, et d‟établir sa répartition géographique optimale, de façon

à engendrer la plus grande baisse de la pauvreté et de sa sévérité.

3.3- Les limites du ciblage géographique « optimal » : quelle combinaison avec le « parfait » ?

Le ciblage optimal au niveau du district et, en second lieu, au niveau communal est

plus prometteur en matière de réduction de la pauvreté. Mais à quelle distance se

trouve-t-on de l‟élimination de la pauvreté lorsqu‟un budget est transféré selon le

ciblage optimal au lieu d‟être adapté, selon un ciblage parfait, aux circonstances

précises de chaque ménage pauvre ? Le budget du scénario 1 constitue une

enveloppe appréciable de ressources (1,9% du PIB de 2004). Distribué selon un

Graphique 4.9 :

Page 181: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

180

ciblage parfait, ce budget est plus que suffisant58

pour annuler le taux de pauvreté

d‟avant transfert.

Il est cependant clair que le transfert de ce budget, même au moyen d‟un ciblage

optimal appliqué au niveau local le plus fin (district), est loin d‟être suffisant pour

atteindre la performance du ciblage parfait.

Le ciblage optimal du scénario 1, appliqué au niveau du district, permet une

réduction appréciable de la pauvreté. Il donne lieu à une baisse du taux de pauvreté

d‟avant transfert de 23% dans le milieu rural et de 54% dans le milieu urbain.

Mesurée par l‟indice de sévérité, cette baisse est plus consistante. Le ciblage optimal

appliqué au niveau du district produit une réduction de l‟indice de sévérité de la

pauvreté de 79% dans le rural, et de 93% dans l‟urbain.

Il est alors clair que le ciblage optimal conjugué à un ciblage subordonné (de type

parfait) des ressources au sein des localités cibles est le meilleur moyen d‟améliorer

énormément le coût et le rendement du ciblage géographique. Le ciblage subordonné

peut consister en une mise en place d‟un répertoire des ménages manifestement

pauvres et des individus à haut risque.

Un tel répertoire ne constitue pas une fin en-soi. La convergence des programmes de

développement vers ce noyau dur de la pauvreté devra améliorer l‟aptitude des

populations cibles à s‟auto-protéger durablement de la pauvreté, dans l‟objectif

d‟activer les sorties du répertoire.

Section 4 : L’intérêt des indicateurs de la pauvreté non-monétaire pour un ciblage différencié des localités

Dans cette section, l‟accent sera mis sur la construction des indicateurs non -

monétaires de la pauvreté à l‟échelle locale le plus fin (région, province,

commune/municipalité ou district/douar) et de les coupler avec les différents

indicateurs de pauvreté monétaire de ces localités dans le but de faire un ciblage des

zones les plus pauvres, du point de vue monétaire et du point de vue conditions de

vie (non-monétaire).

Un tel ciblage permettra d‟éclairer les décideurs et les hommes politiques des zones

doublement frappées par la pauvreté monétaire et non monétaire en vue de bien

orienter leurs stratégies d‟intervention et par conséquent de mieux orienter les

ressources budgétaires dédiées à la lutte contre la pauvreté.

Paragraphe 1 : Construction des indicateurs de la pauvreté non-monétaire à l’échelle locale

La construction des indicateurs non-monétaires de la pauvreté à l‟échelle locale se

fera de la même manière que l‟approche multidimensionnelle de la pauvreté

58

Le scénario 2 montre qu‟un budget de l‟ordre de 0,7% du PIB distribué selon un transfert parfait aux

ménages pauvres annule le taux de pauvreté.

Page 182: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

181

développée dans le chapitre 3 sur la base des données des enquêtes sur la

consommation et les dépenses des ménages et sur les niveaux de vie des ménages.

L‟approche utilisée est celle de l‟analyse des données, notamment l‟analyse en

composante multiple.

Pour avoir des données représentatives à l‟échelle locale le plus fin, l‟analyse sera

menée à partir des données exhaustives du RGPH 2004. La différence qui existe

entre le milieu urbain et le milieu rural en matière des conditions de vie, suggère

l‟application l‟analyse des données sur les deux milieux séparément. Les variables

testées lors de l‟analyse en composante multiple préliminaire sont les variables

observées par le RGPH 2004 et jugées correspondre à certains aspects de la vie

quotidienne des ménages marocains. Il s‟agit des :

- variables relatives à l‟alphabétisation et à la scolarisation du chef de ménage

et des autres membres des ménages ;

- variables relatives à l‟activité du chef de ménage et des autres membres des

ménages ;

- variables relatives aux conditions d‟habitat des ménages (type de logement

décent, accès à l‟électricité, assainissement liquide, etc.) ;

- variables relatives à la possession des équipements sanitaires dans le

logement (bain/douche, cuisine, toilette, etc.) ;

- variables relatives aux mass-médias et aux moyens de communication.

Rappelons encore une fois que pour appliquer l‟analyse en composantes multiples,

toutes les variables retenues doivent-être des variables qualitatives (catégorielles).

Certaines variables quantitatives (proportion des alphabètes dans le ménage,

proportion des sans niveau dans le ménage et le nombre de portables dans le

ménage) ont été codifiées en constituant des classes d‟intervalles pour les rendre

qualitatives.

Les variables ainsi retenues pour le calcul de l‟indicateur non-monétaire après une

ACM préliminaire selon le milieu de résidence sont synthétisées dans le tableau ci -

dessous.

Tableau 4.11 : Liste des variables retenues pour l’indicateur non-monétaire de

la pauvreté selon le milieu de résidence

Dimension Variables Modalités Milieu

Ed

uca

tio

n e

t

form

ati

on

Alphabétisation du Chef de

ménage

Oui

Non

U & R

Proportion des personnes qui

savent lire et écrire dans le ménage

Moins de 1/3

Entre 1/3 et ½

Entre ½ et 2/3

Plus de 2/3

U & R

Page 183: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

182

Dimension Variables Modalités Milieu

Proportion des personnes qui n‟ont

aucun niveau scolaire dans le

ménage

Moins de 1/3

Entre 1/3 et ½

Entre ½ et 2/3

Plus de 2/3

U & R

Acti

vit

é

Chef de ménage est chômeur Oui

Non U

Chef de ménage est actif occupé Oui

Non U

Co

nd

itio

ns

d’h

ab

ita

tio

n

Type de logement du ménage Villa

Appartement

Maison marocaine

moderne

Maison marocaine

traditionnelle

Autres

U & R

Accès au réseau l‟électricité Oui

Non U & R

Source de l‟eau potable Eau de réseau

Fontaine

Puits/sources

Autres

U & R

U &R

R

U & R

Accès au réseau d‟évacuation des

eaux usées

Réseau

Fosse sceptique

Puits perdus

Autres

U & R

R

R

U & R

Eq

uip

em

en

t

san

ita

ire

Bain local Oui

Non R

Baignoire / douche Oui

Non U

Toilette Oui

Non U & R

Cuisine Oui

Non U & R

Ma

ss-m

éd

ias

et

mo

yen

s

de c

om

mu

nic

ati

on

Télévision Oui

Non U & R

Parabole Oui

Non U & R

Téléphone fixe Oui

Non U & R

Nombre de portables 0

1

2

3 et plus

U & R

Les résultats de l‟ACM finale sont présentés en Annexe 4.4. Toutes les variables

retenues présentent la propriété COPA qui est le principal critère de choix des

variables. Rappelons que les variables qui ont la propriété COPA sont celles qui

Page 184: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

183

obéissent à la règle selon laquelle le bien-être des ménages se détériore en passant

d‟une situation de non-pauvreté à une situation de pauvreté tout au long du premier

axe factoriel de l‟ACM.

Le choix des variables selon cette propriété a permis finalement d‟obtenir un

pouvoir explicatif du premier axe factoriel très élevé. Il est de 75,6% en milieu rural

et de 75,4% en milieu urbain.

Tableau 4.12 : les 8 premières valeurs propres de l’ACM selon le milieu de

résidence

Dimension Urbain Rural

Inertie principale Pourcentage Inertie principale Pourcentage

Dim 1 0,05517 75,42 0,05404 75,56

Dim 2 0,00519 7,09 0,00444 6,20

Dim 3 0,00179 2,45 0,00176 2,45

Dim 4 0,00090 1,23 0,00070 0,98

Dim 5 0,00031 0,43 0,00011 0,16

Dim 6 0,00022 0,31 0,00005 0,06

Dim 7 0,00003 0,04 0,00002 0,03

Dim 8 0,00001 0,02 0,00002 0,02

Total 0,07315 100,00 0,07152 100,0

Source : Traitements faits par l‟auteur à partir des données du RGPH 2004, HCP.

L‟ACM finale appliquée sur les variables sélectionnées permettra donc de procéder

à un examen plus poussé de la pauvreté multidimensionnelle à un niveau très

désagrégé. L‟indicateur Composite de Pauvreté (ICP) peut-être construit à partir des

coordonnées des modalités des différentes variables retenues sur le premier axe

factoriel. Cet indicateur qui est une variable numérique mesure le niveau du bien-

être des ménages selon une approche multidimensionnelle.

La valeur de l‟ICP est déduite pour chaque ménage à partir des données exhaustives

du RGPH 2004. Et comme cette valeur peut-être négative (cas des ménages

pauvres), une transformation de cette variable pour qu‟elle soit positive et par

conséquent sujette aux mesures usuelles en matière de pauvreté, est indispensable.

Cette transformation se fait en ajoutant à chaque ICP la valeur absolue de la plus

faible valeur négative de l‟ICP de base.

Le nouvel indicateur ICP* ainsi calculé est bel et bien supérieur ou égal à 0, où la

valeur 0 reflète un état de pauvreté plus élevé et la valeur maximale exprime

l‟inverse. A partir de ce nouvel indicateur, nous pouvons obtenir les différents

indicateurs de pauvreté multidimensionnelle et d‟inégalité et par la suite élaborer

une carte plus désagrégée de pauvreté multidimensionnelle pour l‟ensemble du

territoire national (région, province et commune).

La démarcation entre les pauvres et les non pauvres se fera par le biais d‟un seuil de

pauvreté relatif qui représente un pourcentage d‟une tendance centrale de la

Page 185: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

184

distribution de l‟indicateur composite de pauvreté (ICP*). Dans notre cas, nous

avons choisi un seuil qui représente 60% de la médiane de l‟ICP*.

Tableau 4.13 : Indicateurs composites de pauvreté et seuil de pauvreté selon le

milieu de résidence

Milieu ICP* moyen ICP* médian Seuil de pauvreté

Urbain 3,7338 3,9186 2,3512

Rural 1,7123 1,6847 1,0105

Source : calculs effectués par l‟auteur à partir des données du RGPH 2004, HCP.

Analyse des résultats

L‟application de l‟approche multidimensionnelle sur les données exhaustives du

RGPH 2004, a donné un taux de pauvreté à l‟échelle nationale de l‟ordre de 17,3%.

Ce taux cache des disparités selon le milieu de résidence et selon les régions. C‟est

ainsi que, un peu plus de un quart (27,1%) des ruraux sont en situation de pauvreté

multidimensionnelle, contre uniquement 9,3% en milieu urbain.

Les conditions de vie des ménages ruraux sont précaires en comparaison avec leurs

homologues citadins. Si l‟on s‟intéresse aux variables retenues dans l‟ACM finale,

pour l‟application de l‟approche de la pauvreté multidimensionnelle, nous trouvons

que :

En milieu rural

- 72,1% des chefs de ménage ne savent ni lire ni écrire, 64,0% ont plus de la

moitié de leurs membres qui n‟ont aucun niveau scolaire et 61,9% ont plus de

deux tiers de leurs membres analphabètes ;

- seulement 19,0% des ménages vivent dans un logement de type villa,

appartement dans un immeuble ou maison marocaine moderne/traditionnelle ;

- 1,7% des logements sont raccordés au réseau public d‟évacuation des eaux

usées et 36,5% des ménages disposent de fosse sceptique pour l‟évacuation

de leurs eaux usées, 48,4% disposent de l‟électricité et 18,2% sont raccordés

au réseau de l‟eau potable ;

- 80,0% des ménages disposent d‟une cuisine, 59,3% d‟une toilette et 28,3%

d‟un bain traditionnel ;

- 57,9% des ménages disposent d‟une télévision, 14,0% d‟une antenne

parabolique, 42,5% ont au moins un portable et 2,1% ont une téléphone fixe.

En milieu urbain

- 60,9% des chefs de ménage savent lire et écrire, 21,0% ont plus de la moitié

de leurs membres qui n‟ont aucun niveau scolaire et 23,2% ont plus de deux

tiers de leurs membres analphabètes ;

Page 186: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

185

- 86,4% des ménages vivent dans un logement de type villa, appartement dans

un immeuble ou maison marocaine moderne/traditionnelle ;

- 79,1% des logements sont raccordés au réseau public d‟évacuation des eaux

usées, 89,9% disposent de l‟électricité et 83,0% sont raccordés au réseau de

l‟eau potable ;

- 87,2% des ménages disposent d‟une cuisine, 96,0% d‟une toilette et 40,9%

d‟une douche ou bain moderne ;

- 88,5% des ménages disposent d‟une télévision, 46,6% d‟une antenne

parabolique, 72,4% ont au moins un portable et 22,3% ont un téléphone fixe.

Outre l‟incidence de la pauvreté multidimensionnelle, la profondeur et la sévérité de

la pauvreté connaissent également des disparités selon le milieu de résidence. En

effet, la profondeur de la pauvreté a atteint 2,9% en milieu urbain et 13,4% en milieu

rural et la sévérité a atteint 1,5% et 8,9% respectivement. A l‟échelle, nationale la

profondeur de la pauvreté est estimée à 7,6% et la sévérité à 4,8%.

L‟analyse de la pauvreté multidimensionnelle montre également qu‟il existe de

fortes disparités selon la région, la province et la commune.

Au niveau régional, et tous milieux confondus, les indices de pauvreté les plus

élevés se trouvent au niveau de la région « Taza-Al Hoceima-Taounate » avec

31,9% (l‟incidence), 15,7% (la profondeur) et 10,5% (la sévérité). Cette région est

suivie par les régions de « Oued Ed-dahab-Lagouira », « Tadla-Azilal » et

« Doukala-Abda », avec des taux de pauvreté de 29,8%, 26,8% et 21,0%

respectivement.

A l‟opposé, la région la moins pauvre selon l‟approche multidimensionnelle est la

région « Grand-Casablanca » avec des indices de 6,6% (incidence), 1,8%

(profondeur) et 0,9% (sévérité), suivie par les régions « Laayoune-Boujdour-Sakia-

El Hamra » et « Guelmim-Es-Smara », avec respectivement 10,5% et 12,9% en

termes d‟incidence de pauvreté.

En termes de contributions relatives, il ressort qu‟au niveau de l‟incidence de

pauvreté, la région « Marrakech-Tensift-Al Haouz » qui a plus de pauvres à l‟échelle

nationale. En effet, elle totalise 11,5% de l‟ensemble des pauvres au Maroc, suivie

par la région « Taza-Al Hoceima-Taounate » (11,2%) et « Sous-Massa-Darâa »

(9,4%). Ce résultat s‟explique par le fort taux de pauvreté enregistré au niveau de la

région « Taza-Al Hoceima-Taounate » et par l‟importance de la population globale

dans les régions « Marakech-Tensift-Al Haouz » et « Sous-Massa-Darâa ».

Selon le milieu de résidence, les régions « Oued Ed-dahab-Lagouira », « Rabat-Salé-

Zemmour-Zaer », « Taza-Al Hoceima-Taouante » et « Tadla-Azilal » sont les plus

frappées par la pauvreté multidimensionnelle en milieu rural. En effet, la

Page 187: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

186

contribution absolue de l‟incidence de la pauvreté multidimensionnelle dans ces

régions s‟établit respectivement à 41,9%, 38,9%, 38,8% et 34,6%.

Cependant, l‟ordre des régions selon la contribution relative de la pauvreté

multidimensionnelle change énormément. En effet, seule la région «Taza–Al

Hoceima-Taounate» qui continue à occuper les premiers rangs en termes du nombre

de pauvres dans le total des pauvres ruraux (14,7%). Les autres régions, de par la

faible part de leur population dans le total de la population rurale, ne contribuent que

peu dans la masse globale des pauvres. C‟est le cas notamment des régions « Oued

Ed-dahab-Lagouira » avec une contribution relative de la pauvreté de 0,2%

seulement et de « Rabat-Salé-Zemmour-Zaer » (5,0%). A signaler également que les

régions les plus touchées par la pauvreté multidimensionnelle sont celles qui ont un

plus grand déficit en termes des conditions de vie et en termes de l‟infrastructure

sociale de base. A titre d‟illustration, 72% des ménages ruraux issus de la région

« Taza-Al Hoceima-Taouante » ont plus des deux tiers de leurs membres

analphabètes et seulement 6,6% parmi eux qui habitent des logements raccordés au

réseau de l‟eau potable.

Au niveau du milieu urbain, outre la région « Oued Ed-dahab-Lagouira », la région

de « Gharb-Chrarda-Bni Hssen » connaît également de forts indicateurs de pauvreté

multidimensionnelle, 15,6% (incidence), 4,8% (profondeur) et 2,3% (sévérité).

Selon la contribution relative, les régions qui ont un poids démographique élevé sont

celles qui contribuent le plus à la pauvreté urbaine. C‟est ainsi que 27,6% des

pauvres citadins sont issus des régions « Grand Casablanca » (14,9%) et « Rabat-

Salé-Zemmour-Zaer » (12,7%).

Page 188: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

187

Tableau 4.14 : Taux de pauvreté multidimensionnelle selon la région et le milieu

de résidence (en %)

Région Taux de pauvreté Contribution relative

U R Ens. U R Ens.

Oued Ed-dahab-Lagouira 27,1 41,9 29,8 1,1 0,2 0,4

Laayoune-Boujdour-Sakia El Hamra 10,2 16,9 10,5 1,6 0,0 0,5

Guelmim-Es-Semara 10,4 17,6 12,9 1,9 0,7 1,1

Sous-Massa-Darâa 9,8 19,6 15,6 8,1 9,9 9,4

Gharb-Chrarda-Bni Hssen 15,6 19,8 18,0 7,9 5,9 6,5

Chaouia-Ouardigha 10,0 24,9 18,4 4,7 6,4 5,9

Marrakech-Tensift-Al Haouz 9,8 24,9 19,0 7,8 13,0 11,5

Oriental 9,1 24,3 14,7 7,0 4,7 5,4

Grand Casablanca 6,9 4,4 6,6 14,9 0,4 4,7

Rabat-Salé-Zemmour-Zaer 10,2 39,9 15,8 12,7 5,0 7,3

Doukala-Abda 10,8 26,8 21,0 5,0 9,4 8,1

Tadla-Azilal 13,2 34,6 26,8 4,6 8,9 7,6

Meknès-Tafilalet 8,4 32,4 18,9 6,6 8,3 7,8

Fès-Boulemane 6,5 32,4 13,7 4,8 3,9 4,2

Taza-Al Hoceima-Taounate 10,2 38,8 31,9 2,9 14,7 11,2

Tanger-Tetouan 9,2 29,8 17,8 8,7 8,5 8,6

Ensemble 9,3 27,1 17,3 100,0 100,0 100,0

Source : HCP, données de base du RGPH 2004, calculs effectués par l‟auteur.

Au niveau provincial, les provinces les plus touchées par la pauvreté

multidimensionnelle sont « Azilal » (avec une incidence de pauvreté de 44,5%),

« Chichaoua » (37,0%), «Taouante » (35,6%), « Taourirt » (33,8%), « Khenifra »

(33,7%) et « Khemisset » (32,4%). Ces provinces sont caractérisées par un déficit en

termes de conditions de vie des ménages (faible niveau d‟éducation et de formation,

faible accessibilité au réseau d‟eau, d‟électricité et d‟assainissement, faible

possession des équipements sanitaires, etc.). Les provinces les mieux dotées en

infrastructure sociale de base et qui sont des importants pôles économiques du

Maroc, ont des faibles taux de pauvreté multidimensionnelle. Il s‟agit des provinces

« Rabat », « Casablanca », « Fès » et « Marrakech » avec respectivement une

incidence de 4,6%, 4,9%, 5,9% et 7,4%. En termes de contribution relative, c‟est la

province « El Jadida » qui a le plus de pauvres à l‟échelle nationale, soit 5,0% du

total des pauvres, suivie par les provinces de « Taounate » (4,6%), « Kénitra »

(4,5%) et « Azilal » (4,4%).

Selon le milieu de résidence, outre la province « Tan-Tan » qui affiche une

incidence de pauvreté multidimensionnelle rurale de 62,1%, les provinces

« Khénifra », « Taourirt », « Figuig », « Ifrane », « Jerada », « Oued Ed-dahab » et

« Azilal » enregistrent également de fortes incidences de pauvreté dépassant 50,0%.

Le rural des provinces de « Nouaceur », « Inzegane Ait Melloul », « Mediouna »,

« Marrakech », « Mohammadia », « Es-Smara » et « Fès » est moins touché par la

pauvreté multidimensionnelle avec une incidence ne dépassant pas 10,0%. En termes

Page 189: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

188

de contribution relative, les provinces « Taounate », « El Jadida », « Azizal » et

« Taza » contribuent à elles seules à 25% dans la pauvreté totale rurale.

En milieu urbain, trois provinces seulement qui se sont vues l‟incidence de leur

pauvreté multidimensionnelle dépassant les 30%, il s‟agit des provinces

« Aousserd » (46,8%), « Mediouna » (44,5%) et « Nouaceur » (35,3%)59

. De par son

poids démographique dans l‟ensemble de la population urbaine (20,3%), la province

de « Casablanca » abrite le plus grand effectif des pauvres citadins, soit une

contribution relative de 9,5%, suivie par la province « Kénitra » avec une

contribution de 6,6%.

Tableau 4.15 : Taux de pauvreté multidimensionnelle selon la province (les 8

provinces les plus pauvres et les 8 provinces les moins pauvres) et le milieu de

résidence (en %)60

Province Taux de pauvreté Contribution relative

U R Ens. U R Ens.

Azilal 13,1 50,6 44,5 0,7 5,9 4,4

Chichaoua 15,2 40,2 37,0 0,4 3,3 2,5

Taounate 17,3 37,7 35,6 0,8 6,3 4,6

Taourirt 18,6 54,9 33,8 1,5 1,3 1,3

Khenifra 11,2 59,0 33,7 2,0 3,9 3,3

Khemisset 11,2 47,6 32,4 1,6 2,1 3,3

Aousserd 46,8 16,9 32,4 0,1 0,0 0,0

Essaouira 14,2 36,8 32,0 0,9 3,6 2,8

Les autres provinces 11,7 24,1 18,5 65,9 72,1 68,9

Meknès 6,6 17,2 8,7 2,4 0,7 1,2

Oujda-Angad 6,0 21,8 8,2 1,0 0,4 0,8

Inezgane- Ait Melloul 8,4 3,9 8,0 2,1 0,0 0,6

Marrakech 8,2 4,7 7,4 4,5 0,3 1,5

Laayoune 7,2 13,1 7,4 0,9 0,0 0,3

Fès 5,8 9,0 5,9 3,7 0,1 1,1

Casablanca 4,9 -- 4,9 9,6 -- 2,8

Rabat 4,6 -- 4,6 1,9 -- 0,6

Ensemble 9,3 27,1 17,3 100,0 100,0 100,0

Source : HCP, données de base du RGPH 2004, calculs effectués par l‟auteur.

Au niveau communal, les centres urbains sont les plus touchés par la pauvreté

multidimensionnelle urbaine. En effet, les quatre communes/centres urbaines les

plus pauvres du point de vue multidimensionnel sont des centres urbains.

Il s‟agit des centres « Karia » de la commune rurale Bouhmame de la province El

Jadida, « Sidi Taibi » de la province Kénitra, de « Lahraouyine » de la province

59

Paradoxalement, les provinces de « Mediouna » et « Nouaceur » enregistrent les faibles taux de

pauvreté en milieu rural. Cela ne veut pas dire que les conditions de vie des ruraux de ces provinces sont

meilleures des citadins puisque chaque milieu a été traité à part et toute comparaison donc, doit être faite

à l‟intérieur de chaque milieu. 60

Les résultats détaillés pour toutes les provinces sont présentées en Annexe 4.4.

Page 190: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

189

Mediouna et de « Tainaste » de la province Taza ». Plus de 60% de la population de

ces quatre centres ont un indicateur composite de pauvreté inférieur au seuil de

pauvreté multidimensionnelle (60% la médiane) avec un pic de 88,7% dans le centre

« Karia – Bouhmane ». Ces centres sont suivis par les municipalités « Ain Aouda »

et « Shkhirate » (province de SkhiratèTemara), « Lagouira » (province d‟Aousserd)

et « Tamanar » (province d‟Essaouira), avec des taux de pauvreté se situant entre

43,1% et 48,3%.

De tels pourcentages reflètent les faibles conditions de vie de la population résidant

dans ces localités. Les ménages de ces localités sont les moins dotés en

infrastructure physique de base (accessibilité à l‟eau potable, à l‟électricité, au

réseau d‟assainissement, au logement décent, etc.) et ces localités sont également

caractérisées par un faible développement des aptitudes humaines (faible

pourcentage des personnes scolarisées).

En revanche, les municipalités et les centres qui connaissent un fort développement

des aptitudes humaines en termes de scolarisation et de formation et dont les

logements sont bien équipés en infrastructure sociale de base, sont celles qui

connaissent des taux de pauvreté multidimensionnelle les plus faibles voire même

nuls. C‟est le cas notamment de municipalité « Touargua » et arrondissement « El

Youssoufia (pr. Rabat), centre urbain « Moulay Abdellah » (pr. El Jadida),

municipalité « Ain Reggada » (pr. Berkane), arrondissement « Chorf Souani » (pr.

Tanger Assilah), les arrondissements « Hay Mohammadi », « Assoukhour

Assawda » et « Sidi Othmane » (pr. Casablanca) et municipalités « Errachidia » et

« Ifrane ». Ces localités ont un taux de pauvreté multidimensionnelle ne dépassant

pas 2,5%.

Dans le milieu rural, les communes les plus pauvres selon l‟approche

multidimensionnelle sont des communes caractérisées par une défaillance de

l‟infrastructure sociale de base (habitat précaire, quasi-absence des équipements

sanitaires) et par un très faible développement des aptitudes humaines (formation et

d‟éducation). En termes du taux de pauvreté, il existe 24 communes rurales qui ont

un taux de pauvreté qui dépassant 80%. Il s‟agit notamment des communes « Oulad

M‟hammed » et « El Atef » (Pr. Taourirt), « Anemzi », « Sidi Yahya Ou Youssef »,

« Aguelmam Azegza », « Oum Rabia » et « Kerrouchen » (Pr. Khenifra),

« Tabaroucht », « Zaouiat Ahansal », « Ait Abbas », « Isseksi », « Tiffert N'Ait

Hamza », « Ait M'Hamed », « Tilougguite » et « Anergui » (Pr. Azilal).

Page 191: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

190

Tableau 4.16 : Répartition des municipalités/centres et communes rurales selon

les classes du taux de pauvreté multidimensionnelle

Classe du taux de

pauvreté

Municipalités/

centres Communes rurales Ensemble

Effectif %

colonne

Effectif %

colonne

Effecti

f

%

colonne

Moins de 10% 165 42,2 253 19,5 418 24,7

Entre 10 et 20% 145 37,1 255 19,7 400 23,7

Entre 20 et 30% 57 14,6 230 17,7 287 17,0

Entre 30 et 50% 20 5,1 323 24,9 343 20,3

Entre 50 et 80% 3 0,7 213 16,4 216 12,8

Plus de 80% 1 0,3 24 1,8 25 1,5

Ensemble 391 100,0 1298 100,0 1689 100,0

Source : HCP, données de base du RGPH 2004, calculs effectués par l‟auteur.

Selon les autres classes du taux de pauvreté, 213 communes rurales, soit 16,4% du

total des communes rurales, ont un taux de pauvreté se situant entre 50 et 80%. Ces

communes connaissent également un faible niveau des conditions de vie des

ménages en matière de logement décent, de disposition des équipements sanitaires,

d‟accessibilité aux moyens de communication et de mass-média et en matière

également de scolarisation. Plus de la moitié de ces communes se concentrent dans 4

régions (Meknès-Tafilalet (33), Marrakech-Tensift-Al Haouz (32), Souss-Massa-

Daraa (25) et Taza-Al Hoceima-Taounate (25)). Les provinces qui englobent le plus

de communes appartenant à cette classe du taux de pauvreté sont « Khenifra » (19)

et « Khemisset » (17).

Un quart des communes rurales (323 communes) ont un taux de pauvreté se situant

entre 30 et 50%, dont la moitié se concentre dans les régions « Taza-Al Hoceima-

Taounate » (59), «Marrakech-Tensift-Al Haouz » (49) et « Souss-Massa-Darâa »

(42). Un peu plus de la moitié (55%) des communes rurales de la province

« Taounate » appartiennent à cette classe du taux de pauvreté.

Les communes rurales les mieux dotées en infrastructure sociale de base sont celles

qui enregistrent les faibles taux de pauvreté. Près de un cinquième (19,5%) des

communes rurales ont un taux de pauvreté inférieur à 10%. Les régions du « Grand

Casablanca », « Oued Eddahab Lagouira » et « Laayoune-Boujdour-Sakia El

Hamra » qui ont le plus des communes qui appartiennent à cette classe, soit

respectivement 90%, 72,7% et 40%. En termes d‟effectif, les régions « Sous-Massa-

Darâa » et « Marrakech-Tensift-Al Haouz » ont le plus grand nombre de communes

qui ont un taux de pauvreté inférieur à 10%, soit respectivement 65 et 58 communes.

Après avoir estimé les taux de pauvreté à l‟échelle locale le plus fin selon les deux

approches, à savoir l‟approche monétaire et l‟approche multidimensionnelle, la

question qui se pose, existe-t-il une forte corrélation entre ces deux approches ? en

Page 192: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

191

d‟autres termes, les localités les plus pauvres selon l‟approche monétaire le sont -

elles également selon l‟approche multidimensionnelle ?

Paragraphe 2 : Analyse des interférences entre les pauvretés « monétaire » et « non-monétaire » à l’échelle locale

La relation entre la pauvreté monétaire locale et la pauvreté multidimensionnelle

locale peut-être appréhendée à travers le coefficient de corrélation qui existe entre

les deux formes de pauvreté et à travers également l‟interférence entre les quintiles

des différentes formes de pauvreté.

Le coefficient de corrélation entre la pauvreté monétaire et la pauvreté non-

monétaire à l‟échelle locale, au niveau national, montre qu‟il existe une corrélation

positive et significative entre ces deux formes de pauvreté. En effet, le coefficient de

corrélation entre la pauvreté monétaire et la pauvreté non-monétaire à l‟échelle

locale atteint 0,575 en 2004 et 0,552 en 2007.

Dans les municipalités et les centres urbains, il existe également une corrélation

positive et largement significative entre la pauvreté monétaire et la pauvreté non

monétaire à l‟échelle locale. Le coefficient de corrélation entre ces deux formes de

pauvreté est de 0,509 en 2004 et de 0,526 en 2007.

La corrélation positive entre ces deux formes de pauvreté, quoi qu‟elle soit faible

dans les communes rurales (0,328 en 2004 et 0,286 en 2007), elle est statistiquement

significative, comme le montre le tableau des corrélations ci-dessous.

Tableau 4.17 : Coefficient de corrélation entre la pauvreté monétaire et la

pauvreté non-monétaire selon le milieu de résidence

Année / milieu Urbain Rural Ensemble

2004 0,509 *** 0,328 *** 0,575 ***

2007 0,526 *** 0,286 *** 0,552 ***

Source : HCP, données de base du RGPH 2004, calculs effectués par l‟auteur.

Notation : *** degré de signification à 1%.

La ventilation des communes selon le quintile de taux de pauvreté monétaire et le

quintile de taux de pauvreté non monétaire, montre que, dans la majorité des cas, le

classement des communes selon le taux de pauvreté change sensiblement d‟une

forme de pauvreté à une autre. En d‟autres termes, seulement 37,6% des

municipalités et centres urbains appartiennent à la même classe du quintile de

pauvreté (classe de classement) en passant de l‟approche monétaire à l‟approche

multidimensionnelle. Ce pourcentage n‟est que de 29,1% dans les zones rurales.

Il y a lieu de signaler que certaines communes ont connu un changement

spectaculaire dans le classement en passant d‟une forme de pauvreté à une autre. En

milieu urbain, parmi les 79 municipalités et centres urbains les moins pauvres du

point de vue monétaire, 3 se trouvent parmi les 78 municipalités et centres urbains

Page 193: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

192

les plus pauvres selon l‟approche non monétaire61

. A l‟opposé, 3 centres urbains

(« Alnif » de la province « Errachidia », « Madagh » de la province « Berkane » et

« Tahannaout » de la province « Al Haouz » et une municipalité (« Touissit » de la

province de « Jerada ») parmi les moins pauvres du point de vue non-monétaire sont

les plus pauvres en termes monétaires62

.

Le changement extrême dans le classement est beaucoup plus apparent parmi les

communes rurales. En effet, 11,1% des communes rurales les moins pauvres en

termes monétaires, sont les plus pauvres selon l‟approche non-monétaire et 11,2%

des communes rurales les moins pauvres en termes non-monétaire sont les plus

pauvres selon l‟approche monétaire. A titre d‟illustration, la commune « Aghbala »

de la province « Beni Mellal » a un taux de pauvreté multidimensionnelle de 78,4%

alors que son taux de pauvreté monétaire n‟est que de 5,6% et la commune

«Taghbalte» de la province « Zagora » a un taux de pauvreté monétaire de 47,7%

alors que son taux de pauvreté multidimensionnelle n‟est que de 7,1%.

Tableau 4.18 : Ventilation des communes selon le quintile du taux de pauvreté

monétaire et le quintile du taux de pauvreté multidimensionnelle et selon le

milieu de résidence

Approche

monétaire

Approche multidimensionnelle

Quintile 1 Quintile 2 Quintile 3 Quintile 4 Quintile 5 Total

Municipalités et centres urbains

Quintile 1

(% ligne)

40 14 9 13 3 79

50,6 17,7 11,4 16,5 3,8 100,0

Quintile 2

% ligne

18 23 12 15 10 78

23,1 29,5 15,4 19,2 12,8 100,0

Quintile 3

% ligne

9 18 29 10 12 78

11,5 23,1 37,2 12,8 15,4 100,0

Quintile 4

% ligne

8 17 13 21 19 78

10,3 21,8 16,7 26,9 24,4 100,0

Quintile 5

% ligne

4 6 15 19 34 78

5,1 7,7 19,2 24,4 43,6 100,0

Ensemble

% ligne

79 78 78 78 78 391

20,0 20,0 20,0 20,0 20,0 100,0

Communes rurales

Quintile 1

% ligne

92 50 42 47 29 260

35,4 19,2 16,2 18,1 11,1 100,0

Quintile 2

% ligne

63 67 50 45 35 260

24,2 25,8 19,2 17,3 13,5 100,0

Quintile 3

% ligne

45 56 69 49 40 259

17,4 21,6 26,6 18,9 15,4 100,0

61

Il s‟agit des municipalités « Lagouira » et « Dakhla » et du centre urbain « Gueznaia » de la province

« Tanger-Asilah » qui ont respectivement des taux de pauvreté monétaire de 2,8%, 2,7% et 3,7% et des

taux de pauvreté non monétaire de 46,8%, 25,8% et 20,5%. 62

Dans ces localités, les taux de pauvreté monétaire s‟élèvent à 17,5%, 13,7%, 13,9% et 25,7% et les taux

de pauvreté multidimensionnelle à 5,6%, 5,1%, 3,5% et 5,6%, respectivement.

Page 194: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

193

Approche

monétaire

Approche multidimensionnelle

Quintile 1 Quintile 2 Quintile 3 Quintile 4 Quintile 5 Total

Municipalités et centres urbains

Quintile 4

% ligne

31 49 55 60 65 260

11,9 18,9 21,2 23,1 25,0 100,0

Quintile 5

% ligne

29 38 43 59 90 259

11,2 14,7 16,6 22,8 34,8 100,0

Ensemble

% ligne

260 260 259 260 259 1298

20,0 20,0 20,0 20,0 20,0 100,0

Source : HCP, données de base du RGPH 2004, calculs effectués par l‟auteur.

Il ressort que le classement des communes selon le taux de pauvreté connait des

changements non négligeables en passant d‟une approche à une autre et surtout en

milieu rural. Il reste cependant conforme aux attentes et à l‟incapacité de chacune de

ces approches à rendre compte d‟un fait social aussi complexe et dynamique que la

pauvreté. Notons aussi que les résultats obtenus dépendent, à leur tour, des lignes de

pauvreté que s‟est fixée la présente étude. On en retient cependant que, compte tenu

de l‟interaction entre les deux formes de pauvreté, le ciblage des localités pauvres

devrait se fonder sur les mesures monétaire et non-monétaire de la pauvreté.

En effet, pour un éventuel ciblage des localités pauvres, l‟on se pose la question de

savoir s‟il faut se baser sur les indices de pauvreté monétaire à l‟échelle locale

déduits du couplage entre les données d‟enquêtes et les données du recensement ou

sur les indices de pauvreté non-monétaire à l‟échelle locale déduits de l‟analyse des

données appliquée sur les données exhaustives du recensement ? ; Ou bien faut-il se

baser sur un nouvel indicateur composite qui englobe à la fois les indices de

pauvreté monétaire et les indices de pauvreté non-monétaire ?

Le paragraphe suivant opte pour un classement des localités selon un indice

composite qui combine à la fois les indicateurs de la pauvreté monétaire et les

indicateurs de la pauvreté non-monétaire. Les différents indicateurs qui vont être

pris en considération sont tous quantitatifs (incidence de pauvreté, profondeur,

sévérité, vulnérabilité, etc.). C‟est pour cette raison que la méthode d‟analyse des

données qu‟on va utiliser est l‟analyse en composantes principales.

Paragraphe 3 : Le ciblage des plus pauvres selon les caractéristiques des collectivités territoriales : Analyse en composantes principales

L‟indicateur composite permet de comparer et de classer les localités (commune,

province ou région) en combinant plusieurs indicateurs à la fois. Cet indicateur a

l‟avantage de rendre compte simultanément de la totalité du phénomène

multidimensionnel comme la pauvreté qui englobe à la fois plusieurs aspects

(incidence, profondeur et sévérité de la pauvreté monétaire, vulnérabilité, incidence

de pauvreté non monétaire63

, etc.).

63

Certes l‟approche non-monétaire est une approche multidimensionnelle basée sur un indice composite

des conditions de vie, mais elle ne prend pas en considération l‟aspect essentiel des niveaux de vie des

ménages qu‟est l‟aspect monétaire.

Page 195: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

194

Le classement des localités selon les différents indicateurs simples ne permet pas de

trancher sur les localités à prioriser dans le cadre des politiques de lutte contre la

pauvreté64

. Ce sont les principales raisons qui justifient le recours à un indice

composite qui tient compte des différents indices de pauvreté monétaire (incidence,

profondeur et sévérité), le taux de vulnérabilité, l‟incidence de pauvreté non-

monétaire et bien d‟autres indicateurs du développement humain et social.

La nature quantitative des variables prises en considération pour estimer l‟indicateur

composite de pauvreté, suggère l‟utilisation de l‟analyse en composantes

principales. Une telle technique permet d‟expliquer ou de rendre compte de la

variance observée dans la masse des données initiales à un nombre réduit de

composantes tout en assurant une perte minimale des informations65

.

L‟Analyse en composantes principales a été effectuée sur des variables mesurant les

indicateurs de la pauvreté monétaire à l‟échelle locale (incidence, profondeur et

sévérité) et la vulnérabilité, les indicateurs de la pauvreté non-monétaire (incidence,

profondeur et sévérité) et sur les indicateurs de privation en développement humain

et de privation en développement social dans la localité66

. Cette analyse a été

effectuée séparément selon le milieu de résidence.

Afin de garantir un indice composite plus robuste, une analyse de fiabilité de ces

indicateurs a été conduite sur la base d‟un test statistique d‟homogénéité et de

cohérence absolue (coefficient alpha de Cronbach).

Il s‟agit d‟un indice statistique variant entre 0 et 1 et qui traduit un degré

d‟homogénéité (consistance interne) d‟autant plus grand (e) que sa valeur est proche

de 1. L‟utilisation de ce test nous a permis de ne retenir que 7 indicateurs relatifs à la

pauvreté monétaire et à la pauvreté non monétaire et d‟écarter les 2 indicateurs du

développement humain et du développement social.

Les tableaux suivants présentent les résultats de ce test :

64

La carte de la pauvreté établie par le HCP était à la base des communes rurales ciblées par l‟INDH pour

la période 2006-2010. Une nouvelle vision 2011-2015 de cette initiative est encours de finalisation, la

prise en compte des indicateurs composites de pauvreté pourrait être utile dans ce sens. 65

Voir la méthodologie de l‟ACP en Annexe. 66

Les indicateurs de privation en développement humain et en développement social sont le complément

à 100 de l‟indicateur du développement humain (IDH) et de l‟indicateur de développement social (IDS).

L‟IDH est un indicateur composite qui comprend les dimensions santé, scolarisation/alphabétisation et

niveau de vie et l‟IDS comprend l‟accès à l‟électricité, à l‟eau potable et à la route goudronnée en milieu

rural (Cf. HCP – Pauvreté, développement humain et développement social : données cartographiques,

2005).

Page 196: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

195

Tableau 4.19 : Statistiques de fiabilité

Milieu de

résidence

Alpha de

Cronbach

Alpha de Cronbach basé sur des

éléments normalisés

Nombre

d’éléments

Urbain 0,589 0,891 7

Rural 0,621 0,837 7

Tableau 4.20 : Statistiques de l’ensemble des indicateurs par milieu de

résidence

Milieu Variable

Moyenne

de

l’échelle

en cas de

suppressi

on d’un

élément

Variance

de l’échelle

en ca de

suppressio

n d’un

élément

Corrélatio

n complète

des

éléments

corrigés

Carré de

la

corrélatio

n multiple

Alpha de

Cronbach

en cas de

suppressio

n de

l’élément

Urbai

n

P0_mon

P1_mon

P2_mon

Vulnérabilit

é

P0_non_mo

n

P1_non_mo

n

P2_non_mo

n

21,44

11,15

28,44

29,66

30,02

30,11

30,13

132,64

66,31

240,05

269,25

281,44

282,44

282,65

4,82

4,71

4,78

4,71

4,43

4,41

4,38

4,87

4,71

4,99

4,99

4,97

4,99

4,99

4,263

4,482

4,514

4,577

4,603

4,605

4,605

Rural

P0_mon

P1_mon

P2_mon

Vulnérabilit

é

P0_non_mo

n

P1_non_mo

n

P2_non_mo

n

27,37

19,62

39,02

41,15

41,90

42,05

42,11

70,48

115,92

178,93

213,01

231,54

232,11

232,38

4,79

4,53

4,82

4,77

4,24

4,23

4,21

4,90

4,59

4,99

4,99

4,99

4,99

4,99

4,370

4,516

4,503

4,590

4,635

4,637

4,637

D‟après ces tableaux, il ressort que les 7 indicateurs des différentes formes de

pauvreté sont homogènes et cohérents que ce soit en milieu urbain ou en milieu

rural, puisque la valeur du coefficient alpha (0,891 pour le milieu urbain et 0,837

pour le milieu rural) est supérieure à toutes les valeurs alpha de Cronbach en cas de

suppression d‟un élément.

L‟analyse des résultats de l‟ACP (présentés en Annexe 4.5) montre que le premier

axe factoriel, largement dominant, explique 61,0% de l‟inertie totale en milieu

Page 197: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

196

urbain (51,1% en milieu rural). Ce qui indique qu‟il serait un indicateur composite

largement représentatif de l‟état de la pauvreté à l‟échelle locale. Quant au deuxième

axe, qui ne joue pas un rôle prépondérant par rapport au premier, représente pour sa

part 27,1% de l‟inertie totale en milieu urbain et 35,5% en milieu rural.

Les coordonnées des variables sur le premier axe factoriel représentent les

pondérations de ces variables après normalisation pour calculer l‟indicateur

composite.

Tableau 4.21 : Poids alloués à chaque variable (coefficients des coordonnées sur

le premier axe factoriel)

Dimension Indicateur Poids relatif

Urbain Rural

Monétaire

Incidence de pauvreté 0,206 0,229

Profondeur de pauvreté 0,194 0,220

Sévérité de pauvreté 0,180 0,208

Vulnérabilité économique 0,168 0,152

Non Monétaire

Incidence de pauvreté 0,178 0,193

Profondeur de pauvreté 0,812 0,196

Sévérité de pauvreté 0,173 0,191

D‟après ce tableau, on constate que les indicateurs de la pauvreté monétaire ont des

coefficients de pondération relativement plus élevés que les indicateurs de la

pauvreté non-monétaire. En d‟autres termes, les poids les plus élevés sont alloués

aux indicateurs de pauvreté monétaire. En milieu urbain, l‟incidence de la pauvreté

monétaire a un poids relatif de 0,206, alors que l‟incidence de la pauvreté non -

monétaire n‟a qu‟un poids de 0,178. Ces poids s‟élèvent respectivement à 0,229 et

0,193 en milieu rural.

Sur la base de l‟indicateur composite de la pauvreté à l‟échelle locale calculé à partir

de ces différents poids, l‟on note qu‟un classement des localités (région, province ou

commune) selon leur état de privation ou de pauvreté, pourra être effectué.

Un tel classement a donné la région « Meknès-Tafilalet » en milieu rural comme la

plus pauvre selon les deux dimensions de la pauvreté. Cette région occupait la 6ème

place selon la pauvreté monétaire et la 5ème

selon la pauvreté non monétaire. Elle est

suivie par les régions « Fès-Boulemane », « doukala-Abda » et « Gharb-Chrarda-Bni

Hssen ». Ces trois régions ont également des indices de pauvreté monétaires et non

monétaires élevés. Les régions les moins touchées par cette double pauvreté sont

« Grand Casablanca », « Laayoune-Boujdour-Sakia El Hamra », « Chaouia-

Ourdigha » et « Oued Ed-dahab-Lagouira ».

En milieu urbain, c‟est la région « Gharb-Chrarda-Bni Hssen » qui est la plus pauvre

selon l‟indicateur composite de double pauvreté. Cette région est également la plus

pauvre selon l‟approche monétaire et selon l‟approche non-monétaire. Les régions

« Doukala-Abda » et « Meknès-Tafilalet » occupent respectivement les deuxième et

troisième places en termes de privation et de pauvreté.

Page 198: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

197

Les régions les moins touchées par cet indicateur composite de pauvreté en milieu

urbain sont « Grand Casablanca », « Laayoune-Boujdour-Sakia El Hamra » et

« Tanger-Tetouan ».

A l‟échelle nationale, c‟est la région « Gharb-Chrarda-Bni Hssen » qui est la plus

touchée par les deux dimensions de la pauvreté, suivie par les régions « Doukala-

Abda », « Meknès-Tafilalet » et « Taza-Al Hoceima-Taounate ».

Tableau 4.22 : Classement des régions selon l’indicateur composite, la pauvreté

monétaire et la pauvreté non-monétaire et selon le milieu de résidence

Région

Classement

Indicateur

composite Pauvreté

monétaire

Pauvreté

non-

monétaire Indice Rang

Gharb-Chrarda-Bni Hssen 0,238 1 1 8

Doukala-Abda 0,100 2 2 4

Meknès-Tafilalet -0,070 3 4 6

Taza-Al Hoceima-Taounate -0,295 4 6 1

Tadla-Azilal -0,439 5 10 3

Sous-Massa-Darâa -0,512 6 3 11

Oriental -0,648 7 7 12

Marrakech-Tensift-Al Haouz -0,672 8 5 5

Guelmim-Es-Semara -0,737 9 8 14

Fès-Boulemane -0,760 10 9 13

Oued Ed-dahab-Lagouira -0,828 11 15 2

Chaouia-Ouardigha -1,196 12 11 7

Rabat-Salé-Zemmour-Zaer -1,259 13 13 10

Tanger-Tetouan -1,314 14 12 9

Laayoune-Boujdour-Sakia El Hamra -1,987 15 16 15

Grand Casablanca -2,144 16 14 16

Source : HCP, données de base du RGPH 2004, traitements faits par l‟auteur.

Au niveau communal, les petits centres sont les plus touchés par la double pauvreté

en milieu urbain. En effet, parmi les 10 premières localités urbaines

(municipalités/autres centres) les plus touchées par la double pauvreté, 8 sont des

autres centres. Il s‟agit des centres de « Karia », « Tainaste », « Foum Jemaa »,

« Hrara », « Sidi Taibi », « Laakarta », « Oulad Said » et « Sebt Jahjouh »67

. Les

deux municipalités qui font partie de ces 10 premières localités les plus pauvres sont

« Ait Daoud » de la province « Essaouira » et de « Ain El Aouda » de la province

« Skhirate-Temara ».

Les municipalités les moins frappées par les deux formes de la pauvreté sont celles

qui ont un faible taux de pauvreté aussi bien monétaire que non-monétaire. Il s‟agit

67

Ces centres urbains relèvent respectivement des provinces « El Jadida », « Taza », « Azilal », « Safi »,

« Kénitra », « Settat », « Safi » et « El Hajeb ».

Page 199: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

198

notamment de la plupart des municipalités et des arrondissements de Rabat

« Touarga », « Hassan », « El Youssofia » et « Agdal Riad » et de quelques

arrondissements à Casablanca « Mechouar », « Assoukhour Assawda » et « Hay

Hassani ». A signaler qu‟au niveau du milieu urbain, pour qu‟un ciblage des

localités les plus pauvres soit optimal, il faut descendre à un niveau très fin tel que le

quartier urbain ou voire même le district du recensement.

Dans le milieu rural, les communes qui occupent les premiers rangs en termes de

l‟indicateur composite de pauvreté sont les communes qui ont les taux de pauvreté

monétaire et non-monétaire les plus élevés. Ces communes sont caractérisées par un

déficit considérable en termes d‟infrastructure sociale de base et en termes

également de développement des aptitudes humaines (scolarisation et

alphabétisation). En termes de localisation de ces communes dans les provinces, 11

provinces seulement abritent les 30 communes les plus touchées par cette double

pauvreté. Il s‟agit des provinces « Azilal » (6 communes), « Zagoura » (5

communes), « Chichaoua », « Ourzazate », « Figuig », « Khenifra » (3 communes),

« Errachidia », « Taourirt » (2 communes), « Essaouira », « Jerada » et « Tan Tan »

(une commune).

Le tableau ci-dessous qui donne les 30 premières communes rurales les plus pauvres

au sens de l‟indicateur composite de pauvreté. Il montre que la commune rurale de

« Oulad Sidi Abdelhakem » est la plus pauvre. Cette commune a un taux de pauvreté

non-monétaire de près de 90%, et près de la moitié de sa population vivent au-

dessous du seuil de vulnérabilité. Cette commune est suivie par les communes

« Oulad M‟hamed », « Ikniouen », « Sidi Ali », « Bleida », et « Amenzi ». Ces

communes enregistrent également les taux de pauvreté monétaire et non-monétaire,

les plus élevés. A signaler qu‟abstraction faite de la commune « Imilchil », toutes

ces communes bénéficiaient des actions de l‟initiative nationale pour le

développement humain.

Tableau 4.23 : Indicateur composite, taux de pauvreté monétaire, taux de

vulnérabilité et taux de pauvreté non-monétaire des communes rurales les plus

pauvres

Province Commune

Indicateur

composite Taux de

Pauvreté

monétaire

(%)

Taux de

vulnérabili

té (%)

Taux de

pauvret

é non

monétai

re (%)

Indic

e

Ran

g

Jerada Oulad Sidi

Abdelhakem 8,247 1 31,4 14,6 88,8

Taourirt Oulad M'hammed 7,907 2 22,4 18,4 99,6

Ouarzazate Ikniouen 7,736 3 50,7 23,8 57,5

Errachidia Sidi Ali 7,206 4 52,3 20,1 55,4

Khenifra Anemzi 7,199 5 25,3 36,4 97,0

Zagora Bleida 7,087 6 52,4 23,0 43,4

Page 200: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

199

Province Commune

Indicateur

composite Taux de

Pauvreté

monétaire

(%)

Taux de

vulnérabili

té (%)

Taux de

pauvret

é non

monétai

re (%)

Indic

e

Ran

g

Taourirt El Atef 6,654 7 22,8 30,6 92,8

Azilal Ait Blal 6,576 8 38,6 23,8 73,4

Khenifra Sidi Yahya Ou

Youssef 6,573 9 35,0 33,0 87,2

Azilal Ait Abbas 6,409 10 28,2 29,7 86,7

Azilal Zaouiat Ahansal 5,897 11 25,3 25,6 91,0

Zagora Taghbalte 5,767 12 47,7 22,0 7,1

Azilal Tabaroucht 5,764 13 22,4 26,5 93,1

Essaouira Assais 5,634 14 31,9 29,8 74,3

Zagora Errouha 5,549 15 46,2 24,5 31,0

Tan-Tan Tilemzoun 5,464 16 29,9 24,0 59,3

Ouarzazate Ighil N'Oumgoun 5,287 17 39,9 27,9 54,3

Figuig Bouchaouene 5,282 18 27,0 18,3 75,5

Ouarzazate Imi N'Oulaoune 5,266 19 36,6 28,6 59,3

Azilal Ouaoula 5,258 20 29,5 28,2 76,9

Errachidia Imilchil 5,239 21 25,5 42,2 79,6

Chichaoua Imindounit 5,140 22 31,5 30,2 78,2

Zagora Bouzeroual 5,089 23 46,9 24,3 9,3

Figuig Maatarka 4,974 24 25,4 25,6 69,0

Khenifra Agoudim 4,949 25 27,3 36,8 73,4

Azilal Ait M'Hamed 4,931 26 22,3 33,0 83,6

Chichaoua Timlilt 4,920 27 34,9 29,7 71,0

Chichaoua Ait Haddou

Youssef 4,903 28 32,7 30,9 74,6

Zagora Ait Ouallal 4,873 29 42,2 26,8 27,8

Figuig Boumerieme 4,862 30 27,5 17,5 72,0

Source : HCP, données de base du RGPH 2004, traitements faits par l‟auteur,

L‟interférence entre le classement des communes rurales selon l‟indice composite de

pauvreté et l‟éligibilité des communes aux actions de l‟INDH (2005-2010), montre

que 170 communes rurales parmi les 260 communes mal classées bénéficiaient des

actions de l‟INDH.

Selon cet indice également, parmi les 259 communes les mieux pauvres, seulement

neuf communes figuraient parmi les communes ciblées par les actions de l‟INDH.

Ce que veut dire que le classement des communes selon l‟indice composite de

pauvreté donnera la priorité à d‟autres communes rurales pour un ciblage

géographique de lutte contre la pauvreté monétaire et non-monétaire.

Page 201: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

200

Tableau 4.24 : Ventilation des communes rurales selon le quintile de l’indice

composite de pauvreté et l’éligibilité aux actions de l’INDH

Quintile Quintile

1

Quintile

2

Quintile

3

Quintile

4

Quintile

5

Total

Eligibilité aux actions de l’INDH

Oui 170 107 75 42 9 403

Non 90 153 184 218 250 895

Total 260 260 259 260 259 1298

Source : HCP, données de base du RGPH 2004, traitements faits par l‟auteur.

Page 202: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

201

Conclusion

Générale

Page 203: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

202

La pauvreté au Maroc, mesurée selon l‟approche monétaire, a connu une diminution

importante depuis l‟indépendance jusqu‟à nos jours, en passant de 55,7% en 1959/60

à 8,9% en 2007. Cette diminution de la pauvreté est due entre autres à l‟amélioration

des indicateurs macroéconomiques tels que le produit intérieur brut, la

consommation finale des ménages, et la formation brute du capital fixe, et également

aux efforts fournis par les pouvoirs dans le domaine de lutte contre la pauvreté à

travers des programmes de développement tournés vers les localités les plus

pauvres. Il s‟agit notamment du programme des priorités sociales (BAJ), du PAGER

et récemment de l‟INDH. Cependant, il faut souligner que durant cette période, les

années 90 ont été marquées par une augmentation de la pauvreté, en raison

notamment des effets négatifs du PAS et des sécheresses successives qu‟a connues

le Maroc durant cette période.

D‟où l‟importance d‟une connaissance approfondie des changements non seulement

dans la pauvreté monétaire, mais aussi dans le reste des formes de pauvreté. Le but

est de saisir leur dynamique et les facteurs et options de politiques socio-

économiques qui permettent d‟activer leur baisse, à côté notamment des inégalités.

En effet, c‟est justement pour mieux comprendre les déterminants du niveau de vie

des ménages au Maroc, que plusieurs études basées sur les enquêtes sur les niveaux

de vie ménages et les enquêtes sur la consommation ont été réalisées, depuis le

début des années 90. Ces études avaient pour objectifs de décrire les caractéristiques

des populations pauvres, d‟analyser les déterminants de la pauvreté et d‟éclairer les

politiques de sa réduction. Elles ont été basées sur l‟approche monétaire qui réduit la

pauvreté à une insuffisance des ressources budgétaires des ménages.

La présente recherche a permis d‟élargir le champ d‟analyse de la pauvreté au Maroc

à l‟aspect multidimensionnel de la pauvreté. La mesure de la pauvreté

multidimensionnelle au Maroc, développée dans cette recherche, s‟est basée sur les

fondements théoriques d‟Amartya Sen et sur les travaux empiriques réalisés dans les

différents pays en voie de développement. Elle a été confrontée aux mesures

classiques monétaires unidimensionnelles de la pauvreté, à leur dynamique et à leur

interaction avec la croissance et les inégalités.

Cette recherche a, en fait, abordé la contribution de la croissance et des inégalités

dans les changements de la pauvreté au Maroc, au moyen d‟outils analytiques

récemment développés dans le cadre des études sur la pauvreté :

la dominance stochastique qui est une méthode utile pour évaluer la variation

de la pauvreté dans une société donnée entre deux années ;

la décomposition de la pauvreté en effet croissance et inégalités qui estime

l‟impact de la croissance économique et de la redistribution de la richesse sur le

niveau de pauvreté entre deux années déterminées ;

la croissance pro-pauvre pour voir qui a profité le plus des fruits de la

croissance, la population pauvre ou la population non pauvre ?

Page 204: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

203

Toutes ces analyses ont été basées sur les données microéconomiques provenant de

l‟enquête sur les niveaux de vie des ménages 2006/07 et des enquêtes sur la

consommation et les dépenses des ménages 1984/85 et 2000/01. Ces analyses ont

permis de comprendre les changements dans la pauvreté au Maroc au fil du temps et

d‟analyser ses principaux déterminants. Elles permettront, par conséquent, d‟éclairer

les décideurs et les hommes politiques au sujet des stratégies nationales à mettre en

œuvre pour lutter contre la pauvreté.

Face aux besoins récurrents de formulation des stratégies locales de réduction de la

pauvreté, la connaissance des indicateurs de pauvreté et d‟inégalité à l‟échelle locale

la plus fine (région, province, commune ou district/douar) était d‟une importance

cruciale. C‟est dans ce sens, que la présente recherche a mis l‟accent sur la

construction et l‟analyse des indicateurs de pauvreté à des niveaux très fins pour

identifier les champs d‟intervention des décideurs dans le domaine de la lutte contre

la pauvreté et l‟inégalité, notamment dans les localités sujettes à des taux élevés de

pauvreté et d‟inégalité.

La construction de ces indicateurs s‟est basée essentiellement sur les données

exhaustives du recensement général de la population et de l‟habitat (1994 et 2004).

Si la construction des indicateurs de pauvreté non monétaire était faite directement

sur la base des données brutes du recensement, celle des indicateurs de pauvreté

monétaire a été réalisée moyennant le couplage entre les données d‟enquêtes sur les

niveaux de vie ou de consommation avec les données du recensement. La

présentation des approches méthodologiques de construction de ces indicateurs a été

abordée dans cette recherche.

Pour comprendre les changements opérés dans les niveaux de pauvreté entre les

localités (commune ou province), l‟utilisation des modèles économétriques sur les

données de panel, liant le niveau de pauvreté estimé durant la période i dans la

localité j et les caractéristiques sociodémographiques et économiques dans cette

localité, a fait également l‟objet également de cette recherche.

La construction des indicateurs monétaires à l‟échelle locale, a permis d‟établir des

scénarii de ciblage pour réduire la pauvreté. Il en découle que le plan optimal de

ciblage68

est celui qui permet de maximiser la réduction de la pauvreté et d‟inégalité

à un moindre coût.

La présente recherche a cependant montré que tout ciblage ainsi fondé n‟atteindrait

pas l‟ensemble des populations les plus pauvres. En effet, l‟interférence entre les

indicateurs monétaires et non monétaires à l‟échelle locale (commune) a permis de

déduire qu‟il existe des communes non pauvres selon l‟approche monétaire mais

fortement frappées par la pauvreté non-monétaire et vice versa. Ce constat nous a

conduit à établir un indice composite de pauvreté à l‟échel le locale combinant les

différents indices de pauvreté monétaire (taux de pauvreté, indice volumétrique et

68

Pour la définition des différents plans de ciblage, vous référer au pargraphe 2, séction 4 du chapitre 4.

Page 205: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

204

indice de sévérité) et les différents indices de pauvreté non monétaire, en vue de

classer les communes selon leur état de privation. Un tel classement permet

d‟éclairer les décideurs et les hommes politiques sur les localités les plus touchées

par l‟une ou les deux formes de pauvreté, surtout au moment du lancement de la

nouvelle vision de l‟INDH (2011-2015).

L‟indice composite de pauvreté à l‟échelle locale a été construit à travers

l‟utilisation des techniques de l‟analyse des données et précisément l‟analyse en

composantes principales. Les principaux enseignements que dégage l‟analyse de

l‟ensemble des indicateurs ainsi construits se résument dans ce qui suit :

Les changements opérés dans les indicateurs de pauvreté durant la période 1985-

2007, sont bel et bien confirmés par l‟analyse des courbes de dominance

stochastique. En effet, la baisse de la pauvreté s‟avère indépendante du choix du

seuil de pauvreté.

La croissance économique a beaucoup plus contribué à la réduction de la

pauvreté que les inégalités. A titre d‟illustration, à l‟échelle nationale et au cours

des périodes 1985-01, 2001-07 et 1985-07, la croissance économique a engendré

une baisse de l‟incidence de la pauvreté en termes absolus respectivement de

7,1%, 6,4% et 13,0%.

La croissance économique ne pourrait contribuer à la réduction de la pauvreté

que si cette croissance ne génère pas une augmentation des inégalités. En effet,

l‟analyse de la décomposition statique de la pauvreté, a montré que la valeur

absolue de l‟élasticité de la pauvreté par rapport à l‟inégalité est supérieure à

celle de la croissance. En 2007, l‟élasticité de la pauvreté par rapport à l‟inégalité

représente presque le double de celle de la croissance, soit respectivement 5,9%

et 3,0%. Selon le milieu de résidence, l‟élasticité de la pauvreté par rapport à

l‟inégalité est plus que deux fois plus importante en milieu urbain qu‟en milieu

rural. Donc, toute politique de réduction de la pauvreté axée sur la réduction de

l‟inégalité aurait plus d‟impact en milieu urbain qu‟en milieu rural.

Le prolongement de ces analyses moyennant l‟indice de croissance pro-pauvre et

les courbes d‟incidence de la croissance a permis également d‟affiner les liens

entre la croissance et la pauvreté. Il en découle que globalement, les pauvres ont

bénéficié des fruits de la croissance à un rythme plus élevé que celui de la

croissance de la dépense moyenne de toute la population. En d‟autres termes, la

croissance économique durant cette période a été qualifiée de pro-pauvre et

notamment en milieu urbain.

L‟analyse des déterminants de la pauvreté monétaire a permis de cerner les

principaux facteurs de la déficience des niveaux de vie. Ces facteurs restent

fortement liés à certaines caractéristiques sociodémographiques et aux aptitudes

socioéducatives et économiques des membres du ménage, à l‟entourage familial

et à l‟espace dans lequel vit le ménage. C‟est ainsi que toute politique de lutte

Page 206: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

205

contre la pauvreté gagnerait à être axée, entre autres, sur la généralisation de la

scolarisation et la lutte contre l‟analphabétisme, la sensibilisation à la

planification familiale pour mieux investir dans l‟éducation des enfants.

Ces résultats se fondent sur l‟approche de la pauvreté monétaire. Ils ont permis de

cerner des aspects non négligeables de la pauvreté, mais ils sont insuffisants pour

rendre compte des aspects multiples susceptibles d‟empêcher toute vie décente. Il est

donc important de tenir compte du caractère multidimensionnel du bien-être pour

mesurer la pauvreté. L‟approche multidimensionnelle de la pauvreté a, en fait,

constitué le noyau dur de cette recherche. Elle a permis d‟avoir des résultats non

moins importants que l‟approche monétaire.

En 2007, la pauvreté multidimensionnelle touchait 12,1% de la population

marocaine, contre 8,9% par la pauvreté monétaire. Sa répartition géographique

montre qu‟elle est plus grande dans le rural (18,3%) que l‟urbain (7,4%) et que les

régions les moins touchées par la pauvreté dans toutes ces formes sont les plus

urbanisées, en l‟occurrence « Grand-Casablanca » et « Rabat-Salé-Zemmour-Zaer ».

Cette recherche s‟est également penchée sur la double pauvreté et sur les inégalités.

Il s‟en dégage que la double pauvreté est la caractéristique du milieu rural et des

ménages à taille élevée, et que les inégalités sont plus accentuées sur le plan

monétaire que sur le plan multidimensionnel. L‟analyse de l‟évolution de la pauvreté

entre 2001 et 2007 a montré que la baisse de la pauvreté multidimensionnelle durant

cette période était le résultat conjugué de l‟effet de la croissance et de l‟effet de la

redistribution, contrairement à la pauvreté monétaire où seul l‟effet de croissance a

joué en faveur de la baisse de la pauvreté durant cette même période.

Cette recherche a, par la suite, abordé les indicateurs de la pauvreté à l‟échelle locale

afin de comprendre les changements de la pauvreté communale et provinciale entre

1994 et 2004 et d‟essayer de proposer des modes de ciblage géographique à partir

des indicateurs de pauvreté monétaire et non-monétaire à une échelle locale la plus

fine.

L‟évaluation des changements dans la pauvreté entre 1994 et 2004 ont montré que la

croissance économique de la commune (province) est un fort déterminant de la

réduction de la pauvreté dans cette commune (province). La réduction des inégalités

est également un facteur propice de la baisse de la pauvreté. D‟autres facteurs

relatifs aux changements dans les caractéristiques démographiques de la commune,

son capital scolaire, le marché de travail local, l‟interaction entre capital scolaire et

insertion économique dans la commune (province) et l‟infrastructure physique locale

ont contribué à la réduction de la pauvreté.

C‟est ainsi que tout effort de développement communal (ou provincial) gagnerait à

se focaliser essentiellement sur l‟investissement dans le capital humain (éducation et

santé), l‟insertion économique et notamment des jeunes et l‟investissement dans

Page 207: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

206

l‟infrastructure physique locale (accès à l‟eau potable, à l‟électricité et au logement

décent).

Il y a cependant lieu de noter que certains facteurs de lutte contre la pauvreté

échappent aux décideurs communaux et provinciaux. En effet, les résultats de la

modélisation à l‟échelle provinciale montrent également que l‟évolution de la

pauvreté est impactée par des variables exogènes, telles que le niveau de la

pluviométrie enregistré dans la province.

Les différents scénarii du ciblage géographique fondés sur les indices de pauvreté à

l‟échelle locale ont permis de mieux cerner l‟approche des ciblages des plus pauvres.

Ils montrent qu‟un ciblage optimal conjugué à un ciblage subordonné (de type

parfait) des ressources au sein des localités cibles est le meilleur moyen d‟améliorer

énormément le coût et le rendement du ciblage géographique. Le ciblage subordonné

peut consister en une mise en place d‟un répertoire des ménages pauvres et des

individus à haut risque. Il est à rappeler que le ciblage optimal est d‟autant plus

performant en termes de réduction de la pauvreté et d‟inégalité s‟il est appliqué à un

niveau très désagrégé (douar en milieu rural et quartier ou district en milieu urbain).

De son côté, l‟interférence des indicateurs de la pauvreté monétaire et non-monétaire

à l‟échelle locale (commune) a permis d‟affiner le ciblage géographique en vue de

lutter contre la pauvreté et par conséquent de mieux orienter les ressources

budgétaire dédiées à la lutte contre la pauvreté. Il en découle que la priorité devrait

être donnée aux communes qui ont des indices de pauvreté monétaire et non-

monétaire les plus élevés, c'est-à-dire, les communes caractérisées par un déficit

considérable en termes d‟infrastructure sociale de base, de sources de revenu et

d‟aptitudes humaines (scolarisation et alphabétisation). Le classement de ces

communes selon la double pauvreté permet d‟aider à mieux orienter les stratégies

d‟intervention en vue de réduire la pauvreté et les inégalités, notamment dans les

localités les plus pauvres.

Enfin la mise à jour périodique de ces analyses permet de recentrer les ressources

publiques dédiées à la lutte contre la pauvreté sur ceux qui en ont vraiment besoin,

d‟activer la réduction des inégalités et de la pauvreté, et d‟atténuer les frustrations

sociales qui en découlent. C‟est dire que la disponibilité des indicateurs de pauvreté

et des inégalités à l‟échelle nationale ou locale de façon permanente est une

nécessité pour éclairer les décideurs et les hommes politiques des zones pauvres et

pour éventuellement faire une évaluation des politiques de lutte contre la pauvreté.

D‟où l‟intérêt de la réalisation des enquêtes permanentes sur les niveaux de vie de

type panel et leur couplage avec les données exhaustives.

L‟ouverture de la recherche-action sur les nouveaux outils d‟analyse et de ciblage de

la pauvreté est aussi incontournable, en raison des revendications sociales qui

s‟accentueraient dans le futur auprès des populations les plus démunies, et dont les

germes sont déjà présents dans notre paysage social.

Page 208: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

207

Liste des tableaux et des graphiques

1- Liste des tableaux

Tableau 1.1 : Besoins énergétiques recommandés selon le profil des individus

Tableau 2.1 : Evolution de la dépense annuelle moyenne par personne DAMP

selon le milieu de résidence

Tableau 2.2 : Dépense annuelle moyenne par personne selon les classes des

déciles et le milieu de résidence

Tableau 2.3 : Evolution de la structure des dépenses de consommation selon le

milieu de résidence, 1960-2007

Tableau 2.4 : Nombre d’équivalent adulte selon la composition démographique

des ménages en adultes et en enfants

Tableau 2.5 : Evolution du seuil de pauvreté alimentaire selon le minimum

requis en calories

Tableau 2.6 : Résultats de l’estimation des paramètres

Tableau 2.7 : Evolution des seuils de pauvreté selon le milieu de résidence et la

forme de pauvreté

Tableau 2.8 : Taux d’accroissement annuel moyen (en %) des agrégats

macroéconomiques en termes réels

Tableau 2.9 : Evolution des indices de pauvreté selon le milieu de résidence

entre 1959 et 2007

Tabeau 2.10 : Récapitulatif des différents facteurs explicatifs de la variation de

la pauvreté

Tableau 2.11 : Elasticités des indices de pauvreté par rapport à la croissance et

à l’inégalité et taux marginal propotionnel de substitution selon le milieu de

résidence

Tableau 2.12 : décomposition de l’évolution des indices de pauvreté à l’échelle

nationale

Tableau 2.13 : décomposition de l’évolution des indices de pauvreté en milieu

urbain

Tableau 2.14 : décomposition de l’évolution des indices de pauvreté en milieu

rural

Tableau 2.15: Interprétation de l’indice de croissance pro-pauvre Ω selon le

signe G

Tableau 2.16 : Evolution de l’indice de croissance pro-pauvre au Maroc selon le

milieu de résidence et les différents indices de pauvreté

Page 209: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

208

Tableau 2.17 : Répartition de la population selon le sexe du chef de ménage et

les classes des dépenses

Tableau 2.18 : caractéristiques sociodémographiques de la population pauvre,

vulnérable et aisée selon le milieu de résidence

Tableau 2.19 : Raisons de non scolarisation des enfants âgés de 6 à 14 ans issus

des couches pauvres selon le milieu de résidence (en%)

Tableau 2.20 : Alphabétisation et scolarisation de la population pauvre, vulnérable

et aisée selon le milieu de résidence

Tableau 2.21 : Accès de la de la population pauvre, vulnérable et aisée aux soins de

santé selon le milieu de résidence

Tableau 2.22 : Taux de morbidité, taux de consultation médico-sanitaire et lieu de

consultation selon l’état de couverture

Tableau 2.23 : Caractéristiques socioprofessionnelles de la population pauvre,

vulnérable et aisée selon le milieu de résidence

Tableau 2.24 : Conditions d’habitat de la population pauvre, vulnérable et aisée

selon le milieu de résidence

Tableau 2.25 : Accès de la population pauvre, vulnérable et aisée à l’eau potable, à

l’électricité et aux moyens de communication selon le milieu de résidence

Tableau 2.26 : Résultats de l’estimation de la pauvreté (niveau de vie) par un

modèle probit ordonné

Tableau 2.27 : prédictibilité du modèle

Tableau 3.1 : proportion des personnes souffrant de la faim selon le milieu de

résidence

Tableau 3.2 : Ménages (en %) selon les conditions d’habitation et le milieu de

résidence

Tableau 3.3 : Ménages (en %) disposant selon les sources d’eau potable et les

sources d’éclairage selon le milieu de résidence

Tableau 3.4 : Ménages (en %) selon la disposition des biens durables et le milieu de

résidence

Tableau 3.5 : Ménages (en %) selon la disposition des moyens de communication et

le milieu de résidence

Tableau 3.6 : Niveau scolaire de la population âgée de 15 ans et plus et taux

d’alphabétisation de la population de 10 ans et plus selon le sexe et le milieu de

résidence

Page 210: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

209

Tableau 3.7 : La ventilation du statut d’accès des ménages aux soins de santé selon

le milieu de résidence

Tableau 3.8 : Couverture médico-sanitaire selon le milieu de résidence

Tableau 3.9 : Ménages (en %) selon le chômage et l’emploi et le milieu de résidence

Tableau 3.10 : Liste préliminaire des variables pour l’indicateur composite de la

pauvreté

Tableau 3.11 : Indicateurs composites de pauvreté et seuil de pauvreté selon le

milieu de résidence

Tableau 3.12 : Ventilation de la pauvreté monétaire et non monétaire selon le

milieu de résidence

Tableau 3.13 : Ventilation de la pauvreté monétaire et non monétaire selon la

région

Tableau 3.14 : Ventilation de la pauvreté monétaire et non monétaire selon la taille

de ménage

Tableau 3.15 : Ventilation de la pauvreté monétaire et non monétaire selon le sexe

du chef de ménage

Tableau 3.16 : pauvreté monétaire et non monétaire selon le niveau scolaire du

chef de ménage et selon la profession du chef de ménage

Tableau 3.17 : pauvreté non monétaire et quintile des dépenses par tête

Tableau 3.18 : croisement des pauvres non monétaires et des pauvres monétaires

Tableau 3.19 : La double pauvreté selon les caractéristiques de chef de ménage

Tableau 3.20 : Evolution de l’incidence la pauvreté monétaire et non monétaire

selon le milieu de résidence

Tableau 3.21 : Incidences de la pauvreté (en %) selon les différentes approches de

la pauvreté et les classes de seuil

Tableau 3.22 : Indice de Gini selon l’approche de mesure de la pauvreté et le

milieu de résidence

Tableau 3.23 : Décomposition de l’évolution de la pauvreté monétaire et

multidimensionnelle selon le milieu de résidence entre 2001 et 2007

Tableau 4.1 : Evolution du taux de pauvreté et de vulnérabilité selon la région à

travers les données de la cartographie de la pauvreté

Tableau 4.2 : Répartition des communes selon la variation de l’incidence de la

pauvreté et le milieu de résidence entre 1994 et 2004 et entre 2004 et 2007.

Page 211: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

210

Tableau 4.3 : Résultats de l’estimation relative à la pauvreté communale à

l’échelle nationale (modèles de panel)

Tableau 4.4 : Résultats de l’estimation relative à la pauvreté communale en

milieu urbain (modèles de panel)

Tableau 4.5 : Résultats de l’estimation relative à la pauvreté communa le en

milieu rural (modèles de panel)

Tableau 4.6 : Résultats de l’estimation relative à la pauvreté provinciale

(modèles de panel)

Tableau 4.7 : Les subventions sur les produits : ONICL et Caisse de

Compensation

Tableau 4.8 : Part dans la consommation des produits subventionnés selon la

classe des dépenses et le milieu de résidence (en%)

Tableau 4.9 : Répartition des personnes scolarisées dans le secteur public selon

la classe des dépenses et le niveau scolaire (en%)

Tableau 4.10 : Impact sur le taux de pauvreté (FGT0) et sur la sévérité de la

pauvreté (FGT2) des plans de ciblage à différents niveaux de désagrégation

géographique (en % de l’indice original)

Tableau 4.11 : Liste des variables retenues pour l’indicateur non-monétaire de

la pauvreté selon le milieu de résidence

Tableau 4.12 : les 8 premières valeurs propres de l’ACM selon le milieu de

résidence

Tableau 4.13 : Indicateurs composites de pauvreté et seuil de pauvreté selon le

milieu de résidence

Tableau 4.14 : Taux de pauvreté multidimensionnelle selon la région et le milieu

de résidence (en %)

Tableau 4.15 : Taux de pauvreté multidimensionnelle selon la province (les 8

provinces les plus pauvres et les 8 provinces les moins pauvres) et le milieu de

résidence (en %)

Tableau 4.16 : Répartition des municipalités/centres et communes rurales selon

les classes du taux de pauvreté multidimensionnelle

Tableau 4.17 : Coefficient de corrélation entre la pauvreté monétaire et la

pauvreté non-monétaire selon le milieu de résidenc

Tableau 4.18 : Ventilation des communes selon le quintile du taux de pauvreté

monétaire et le quintile du taux de pauvreté multidimensionnelle et selon le

milieu de résidence

Tableau 4.19 : Statistiques de fiabilité

Page 212: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

211

Tableau 4.20 : Statistiques de l’ensemble des indicateurs par milieu de

résidence

Tableau 4.21 : Poids alloués à chaque variable (coefficients des coordonnées sur

le premier axe factoriel

Tableau 4.22 : Classement des régions selon l’indicateur composite, la pauvreté

monétaire et la pauvreté non-monétaire et selon le milieu de résidence

Tableau 4.23 : Indicateur composite, taux de pauvreté monétaire, taux de

vulnérabilité et taux de pauvreté non-monétaire des communes rurales les plus

pauvres

Tableau 4.24 : Ventilation des communes rurales selon le quintile de l’indice

composite de pauvreté et l’éligibilité aux actions de l’INDH

2- Liste des graphiques

Graphique 2.1 : Dominance stochastique du premier ordre en pauvreté à l’échelle

nationale

Graphique 2.2 : Dominance stochastique du premier ordre en pauvreté à l’échelle

urbaine

Graphique 2.3 : Dominance stochastique au deuxième ordre : Courbes de déficit

de pauvreté urbaine entre 1985 et 2007

Graphique 2.4 : Dominance stochastique du premier ordre en pauvreté à l’échelle

rurale

Graphique 2.5 : Courbe de Kuznets

Graphique 2.6 : Sensibilité d’élasticité de l’incidence de la pauvreté à l’échelle

nationale en 2007 selon les multiples du seuil de pauvreté

Graphique 2.7 : Sensibilité de l’incidence de la pauvreté urbaine en 2007 selon les

multiples du seuil de pauvreté

Graphique 2.8 : Sensibilité de l’incidence de la pauvreté rurale en 2007 selon les

multiples du seuil de pauvreté

Graphique 2.9 : Courbe d’incidence de la croissance en milieu urbain entre 1985 et

2001

Graphique 2.10 : Courbe d’incidence de la croissance en milieu urbain entre 1985

et 2007

Graphique 2.11 : Courbe d’incidence de la croissance en milieu urbain entre 2001

et 2007

Graphique 2.12 : Courbe d’incidence de la croissance en milieu rural entre 1985 et

2001

Page 213: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

212

Graphique 2.13 : Courbe d’incidence de la croissance en milieu rural entre 1985 et

2007

Graphique 2.14 : Courbe d’incidence de la croissance en milieu rural entre 2001 et

2007

Graphique 2.15 : Courbe d’incidence de la croissance au niveau national entre

1985 et 2001

Graphique 2.16 : Courbe d’incidence de la croissance au niveau national entre

1985 et 2007

Graphique 2.17 : Courbe d’incidence de la croissance au niveau national entre

2001 et 2007

Graphique 3.1 : Ventilation des différentes formes de pauvreté selon la taille du

ménage

Graphique 3.2 : Courbe de Lorenz selon les dépenses et l’ICP

Graphique 3.3 : Courbe de Lorenz des dépenses par tête et de l’ICP selon le milieu

de résidence

Graphique 4.1 : Pauvreté rurale par localité d’agrégation : localité d‟agrégation

classée de la moins pauvre à la plus pauvre

Grpahique 4.2 : Taux de pauvreté en 1994, 2004 et 2007 selon la région

Grpahique 4.3 : Taux de pauvreté en 1994, 2004 et 2007 selon la province

Grpahique 4.4 : Evolution du budget de la caisse de compensation en valeurs et en

% du PIB (1998-2008)

Graphique 4.5 : Taux de réduction de la pauvreté rurale selon le ciblage optimal,

comparé au transfert uniforme

Graphique 4.6 : Taux de réduction de la pauvreté urbaine selon le ciblage optimal,

comparé au transfert uniforme

Graphique 4.7 : Coût du ciblage optimal en % du coût du transfert uniforme selon

le niveau de désagrégation géographique

Graphique 4.8 : Part dans le budget, des zones rurales prioritaires selon la

province : scénario 1 du ciblage optimal au niveau communal

Graphique 4.9 : Part dans le budget, des zones urbaines prioritaires selon la

province : scénario 1 du ciblage optimal au niveau communal

Page 214: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

213

Bibliographie

Page 215: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

214

Abdelkhalek, T. (2006), « Croissance économique et pauvreté au Maroc : Quels liens ?

», les Cahiers du Plan, N° 6, février-mars 2006.

Abdelkhalek, T., & Ejjanoui F. (2009), « Approche multidimensionnelle de la

pauvreté : Présentation théorique et Application au cas de la ville de Marrakech », 16ème

Congrès de l‟ERF – Caire 7-9 novembre 2009.

Adegbidi A., Ahohounkpanzon M., Adjovie E., Houndekon V., Djoi D., Fagnisse S.

(1999) « Profil de la pauvreté et de l‟inégalité au Bénin », Université Laval – CREFA,

Cahier de recherche N° : 00-01.

Afristat – Observatoire économique et statistique d‟Afrique subsaharienne (2009)

« Méthodologie d‟élaboration de la ligne de pauvreté sur une base harmonisée : Bilan

dans les états membres d‟Afristat », Séries Méthodes N° 7.

Alkire S., EMMA SANTOS M. (2010) « Acute Multidimensional Poverty : A New

Index for Developing Countries », Oxford Poverty and Human Development Initiative,

Working Paper No. 38.

Alkire, S. & Foster, J. (2007) « Counting and Multidimensional Poverty Measurment »,

Oxford Poverty and Human Development Initiative, Working Paper No. 7, Oxford

Department of International Development, University of Oxford.

Alkire, S. & Foster, J. (2009) « Counting and Multidimensional Poverty », In Von

Braun J. (Ed.) The Poorest and Hungry : Assessment, Analysis and Actions.

Washington D.C. : International Food Policy Research Institute.

Ambapour, S. (2006), « Pauvreté multidimensionnelle au Congo : une approche non

monétaire », Document de travail – Bureau Application des Méthodes Statistiques et

Informatiques.

Araar A. (2003), « The Shapley Value », Paper presented at the SISERA Training

Workshop on Poverty Dynamics, 22-30 January, Kampala, Uganda.

Araar A. (2002), « L‟Impact des Variations des Prix sur les Niveaux d‟Inégalité et du

Bien-être : une Application à la Pologne Durant la Période de Transition », L‟Actualité

Economique/Revue d‟Analyse Economique, 78, 221-42.

Asselin, L.M., & Dauphin, A. (2000), «Mesure de la pauvreté : un cadre conceptuel »,

Centre Canadien d‟Etude et de Coopération Internationale.

Asselin, L.M., & Tuan Anh, V. (2005), «Multidimensional Poverty in Vietnam 1993-

1998, according to CBMS indicators, Vietnam Socio-Economic Development

Reveview, Spring 2005, no. 41.

Asselin, L.M., & Tuan Anh, V. (2008), «Multidimensional Poverty and Multiple

Correspondance Analysis », in Quantitative Approaches to Multidimensional Poverty

Measurement, N. Kakwani and J. Silber ed., Palgrave.

Page 216: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

215

Ayadi, M. El-Lahga, & A. Chtioui, N. « Analyse de la pauvreté et des inégalités en

Tunisie entre 1998 et 2001 : Une approche non monétaire », 5th PEP Resherch Net

Work, Addiss Abiba, 2006

Banque Mondiale (2004), « Rapport sur la pauvreté : comprendre les dimensions

géographiques de la pauvreté pour en améliorer l‟appréhension à travers les politiques

publiques », Rapport N0. 28223-MOR.

Banque Mondiale (2001), Mise à Jour de la Pauvreté, Royaume du Maroc, VolumeII :

Annexes, Rapport n° 21 506-MOR.

Banque Mondiale (1993), Pauvreté ajustement et croissance au Maroc, Rapport 11918

MOR. Volumes 1 & 2

Banque Mondiale (1990), Rapport sur le Développement dans le Monde,1990 : la

Pauvreté. New York : Oxford University Press

Becker G.S. (1967) : “Human capital and the personal distribution of income : an

analytical approach”, Ann Arbor, Institute of public administration, University of

Michigan.

Bibi, S. & El-Lahga A. (2008), « Comparaisons ordinales robustes de la pauvreté

multidimensionnelle : Afrique du Sud et Egypte »,

Blauche, L. & Glaude, M. (1983), « Une Approche du Coût de l‟Enfant » Economie &

Statistique, n° 155

Boccanfuso D., Ménard C. (2009) « La croissance pro-pauvre : un aperçu exhastif de la

„la boîte à outils‟ », GREDI, Working Paper 09-06.

Bourguignon F., (2003). «The poverty-growth-inequality Triangle», Conférence sur la

pauvreté, inégalité et croissance, Agence Française du Développement/ EU

Development Network, Paris, Novembre 2003.

Bourguignon F., (2002), The growth elasticity of poverty reduction: explaining

heterogeneity across countries and time periods, working paper N°2002-03, DELTA,

Paris.

Chauvette, J.F. (2004), « Pauvreté au Canada », Faculté des études supérieures de

l‟Université Laval.

Deaton, A. & Muellbaoer, J. (1980), Economics and Consommer Behaviour,

Combridge University Press.

Direction de la Statistique (2001) « Analyse du profil et de la dynamique de pauvreté :

un fondement d‟atténuation des dénuements », Haut Commissariat au Plan.

Djoke, K.A., Djadou A., Almeida A., & Ruffino R. (2006), « Profil de la pauvreté

infantile dans les pays de l‟UEMOA : une analyse comparative basée sur l‟approche

Page 217: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

216

multidimensionnelle de la pauvreté », Cahier de recherche du réseau PEP, 5ème

conférence du réseau, Addis Ababa.

Douidich, M., & Ezzrari, A. (2008) « Ciblage géographique de la pauvreté : pour une

répartition performante des budgets de lutte contre la pauvreté » in Cahiers du Plan, N°

19, juillet-Août 2008.

Douidich, M., Ezzrari, A., & Soudi, K. (2009), « Dynamique de la pauvreté au Maroc :

1985-2007 », Cahiers du plan N° 26, Haut Commissariat au Plan – Rabat.

Douidich, M., Ezzrari, A., Ferre, C. & Lanjouw, P. (2007), Poverty Dynamics in

Morocco‟s Rural Communes : Tracking Change via Small Area Estimates,

(http://are.berkeley.edu/~ferre/Dynamique_Maroc.pdf).

Douidich, M. (2009), « la croissance est-elle pro-pauvre au Maroc », Workshop on

"Poverty, Growth and Inequality in the MENA Region"

6 November 2009.

Douidich, M. (2006) « Méthodologie de la mesure de la pauvreté au Maroc », Cahiers

du plan N°9, Haut Commissariat au Plan – Rabat.

Dubois, J.L. (1997) « Monitoring Urban Poverty at the Bangladesh Bureau of Statistics:

Design and Implementation Issues for an Adaptive 1-2-3 Survey. » Development

Institutions et Analyses de Long Terme (DIAL) Document de Travail DT/97/13. Paris.

Duclos J.-Y. & A.Araar (2006), Poverty and Equity : Measurement, Policy and

Estimation with DAD, Published by Springer & International Development Research.

Duclos J.-Y. (2002), Poverty and Equity : Theory and Estimation, Département

d‟économique and CREFA, Université Laval, Canada.

Duclos J.-Y. (1994), « Poland‟s Socialist Reforms: 1970-1989 », London School of

Economics, STICERD, EF # 06.

Elbers, C., C., Fujii, T., Lanjouw, P., Ozler, B. & Yin, W. (2007) „Poverty Alleviation

Through Targeting: How Much Does Disaggregation Help?‟ Journal of Development

Economics, 83, 197-213.

Elbers, C., Lanjouw J.O. and Lanjouw P. (2002) “Micro-level estimation of welfare”

Policy Research Working Paper 2911, Development Research Group, the World Bank,

Washington D.C.

El Khider A., El Bouhada A. & Kchirid E. (2008) « La croissance économique est-elle

pro-pauvre au Maroc ? : une tentative d‟explication par l‟approche monétaire et non

monétaire », Equity and Economic Development.

Ezzrari, A & Soudi, K. (2005) « La mesure de la pauvreté au Maroc : seuil par tête

versus seuil par équivalent adulte », les Cahiers du Plan, No 7, avril-mai 2006.

Ezzrari, A. (2010) « Pauvreté et inégalités des conditions de vie au Maroc entre 2001 et

Page 218: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

217

2007 : une approche multidimensionnelle » les Cahiers du Plan, N° 30, juillet-Août

2010.

Ezzrari, A. (2011) « Formes monétaire et multidimensionnelle de la pauvreté :

Cartographie et intérférence » les Cahiers du Plan, N° 34, mai-juin 2011.

Foko, B. Ndem, & F. Tchakote, R. “Pauvreté et inégalités des conditions de vie au

Cameroun : une approche micro-multidimensionnelle”, 5th PEP Resherch Net Work,

Addiss Abiba, 2006

Foster, J., Greer, J. & Thorbecke, E. (1984), «A Classe of Decomposable Poverty

Measures», Economitrica, Vol 52 n° 3

Friedmann, J. (1996), « Repenser la pauvreté : autonomisation et droits des citoyens »,

Revue Internationale des Sciences Sociales, n° 148, UNESCO/érès

Glaude, M. & Mautardier, M. (1991), « Une Evaluation du Coût Direct de l‟Enfant de

1978 à1989 », Economie & Statistique, n° 248

Glaude, M. (1990), « Mesure des Niveaux de Vie et Echelle d‟Equivalence », Stateco

n° 61

Griffoni, C.L. (2005) “croissance économique et pauvreté : une application de l‟indice

de croissance pro-pauvre au cas du Maroc entre 1985 et 1999 », CEFI, Université de la

Méditerranée (Aix-Marseille II).

Gunther, R. (2006) “Redistribution and economic growth in integrated economies”,

Journal of Macroeconomics, Elsevier, vol. 28 (2), pages 392-408, June.

Haut Commissariat au Plan (2010) « Comptes nationaux 1980-2008, base 1998 », site

du HCP http://www.hcp.ma/pubData/comptabiliteNationale//ComptesNat19802008.pdf

Haut Commissariat au Plan (2010), « Carte de pauvreté 2007 », séminaire de Rabat sur

le développement humain 15-16 janvier 2010, site du HCP :

http://www.omdh.hcp.ma/Carte-de-la-pauvrete-2007_a185.html

Haut commissariat au Plan (2008), « Présentation des premiers résultats de l‟enquête

nationale sur les niveaux de vie des ménages 2006/07 ».

http://www.hcp.ma/pubData/News/25.06.2008.fr.pdf.

Haut Commissariat au Plan (2005) «Pauvreté, développement humain et développement

social : données cartographiques, 2005).

Haut Commissariat au Plan (2005), « Enquête Nationale de la Consommation et des

Dépenses des Ménages 2000-01 : Rapport de synthèse », site du HCP :

www.hcp.ma/pubData/ConsommationDepensesMenages/rapportsSynthese/2000-

2001.pdf.

Page 219: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

218

Haut Commissariat au Plan (2004), « Carte de la pauvreté communale : recensement

général de la population et de l‟habitat 1994 et Enquête nationale sur les niveaux de vie

des ménages, 1998/99 ».

Haut Commissariat au Plan (2001), « Analyse du profil et de la dynamique de la

pauvreté : un fondement de l‟atténuation des dénuements », Direction de la Statistique.

Haut Commissariat au Plan « Diverses publications annuelles de l‟activité et de

l‟emploi de 2001 au 2009 ».

Hofmann, E. & Marius-Gnanou, K. (2003) « L‟approche genre dans la lutte contre la

pauvreté : l‟exemple de la micro-finance », in Développement Socialement Durable et

la Pauvreté, Actes du Colloque de la Chaire Unesco de Bordeaux 4, Presses

Universitaires de Bordeaux, 2003.

Hourriez, J.M. & Olier, L. (1997), « Niveau de vie et taille de ménage : estimation

d‟une échelle d‟équivalence », Economie & Statistique, n° 308-309-310

Kabore, T.S. « Dynamique de la pauvreté : Revue des approches de décomposition et

application avec les données du Burkina Faso ».

Kakwani, N. & Pernia E.M., (2000), « Pro-poor Growth and Income Inequality », Asian

Development Bank.

Kakwani N. (1997), On measuring growth and inequality components of poverty with

application to Thailand, School of Economics- the University of New South Wales,

Sydney

Kakwani N. (1995), «Income Inequality, Welfare, and Poverty An Illustration Using

Ukrainian Data», Washington D.C. : Banque Mondiale. Ducument de travail de

recherché sur les politiques n° 1411.

Kakwani N. (1993), Poverty and Economic Growth with application to Côte d’Ivoire,

University of New South Wales.

Kakwani N. (1990), «Poverty and Economic Growth with Application to Côte

d‟Ivoire», Living Standards Measurement Study (LSMS). Working Paper n° 63.

Washington D.C. : The World Bank.

Ki, J.B., Faye, S. & Faye, B. (2005), « Pauvreté multidimensionnelle au Sénégal les

besoins de base : une approche non monétaire par », Cahier de recherche PMMA 2005-

05.

Kuznets S. (1955), « Economic Growth and Income Inequality » in The American

Economic Review, XLV, 1 (March 1955), 65, pp. 1-28.

Lachaud J-P. (2006), « La croissance économique en Afrique sub-saharienne est-elle

«pro-pauvres»? Une investigation appliquée au Burkina Faso », Centre d‟économie du

développement, Université Montesquieu-Bordeaux IV.

Page 220: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

219

Lachaud, J.P. (2004) « Le travail des enfants et la pauvreté en Afrique : Un réexamen

appliqué au Burkina Faso », CERDI, Documents de travail No 96.

Lachaud, J.P. (1998) : « Pauvreté, Dimension des ménages et Genre au Burkina Faso »,

Bordeau, Centre d‟Economie et de Développement, Université Montesquieu-Bordeau

IV.

Lanjouw, P. & RAVALLION M. (1995), «Poverty and Household size», The

Economic Journal, n° 105

Lanjouw, P., Ezzrari, A. & Douidich, M. « Simulating the impact of geographic

targeting on poverty alleviation in Morocco : what are the gains from disaggregation

? », in Policy Research Working Paper, n° WPS 4724, 2008/09.

Lechene, V. (1993), « Une mesure de la Littérature sur les Echelles d‟Equivalence »,

Economie et Prévision n° 110-111

Lollivier, S. & Verger, D. (1997), «Condition de Vie – Pauvreté d‟existence, monétaire

ou subjective sont distinctes», Economie & Statistique, n° 308-309-310, INSEE

Madjigoto, R. (2002) « La consommation alimentaire et les indicateurs de pauvreté au

Tchad », MEGA, Tchad.

McCulloch, N. & Baulch, B. (1999) “Being poor and becoming poor : Povrety Status

and Povrety transition in rural Pakistan”, IDS WP 79, Brighton : IS

Massoumi, E. (1999) « Multidimensional Approches to Welfare Analysis », in J Silber

(ed.), Handbook of Income Inequality Mesurement. Boston : Kluwer Academic.

Meulman, J.J. (1992) « The integration of multidimensional scaling and multivariate

analysis with optimal transformations », Psychometrika, 54.

Ministère de l‟Economie et des Finances – Direction de la politique économique

générale (DPEG) – (2002) « Les politiques sociales au Maroc : état des lieux »,

Document de travail n° 80.

Mourji, F., Decaluwé B. & Plane B. (2007) « Le développement face à la pauvreté :

réseau analyse économique et développement », Economica.

Morrisson C. (1976), «La répartition des revenus dans les pays du Tiers-Monde : un

état de la recherche», Mondes en développement, n° 16.

Perry, G. & Olearraga M. (2006), « Trade Liberalisation, Inequality and Poverty in

LAC », Annual Bank Conference on Development Economics (ABCDE), World Bank.

PNUD, Rapport Mondial sur le Développement Humain 1990, 1991, 1992, Economica,

Paris

Prais, S.J & HOUTHAKKER H.S. (1955), The Analysis of Family Budgets, with an

Application to two British Surveys Conducted in 1937-39 and their detailed results,

Page 221: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

220

Cambridge University Press.

Ravallion, M. (1992), Poverty Comparaisons, A Guid to Concepts and Method, LSMS,

Working Paper n° 88

Ravallion, M. (1996), “Comparaisons de la pauvreté ; Concepts et mesures”, Etude sur

la mesure des niveaux de vie (LSMS) document de travail N° 122, Février 1996.

Ravallion, M. and Datt G., 1992. « Growth and Redistribution Component of Changes

in Poverty Measures : A decomposition with Applications to Brazil and India in the

1980‟s. » Journal of Development Economics 38, 275-295.

Ravallion, M. et Chen S., (2004), « Measuring Pro-poor Growth », World Bank,

Working Paper N° 2666.

Razafindrakoto, M. & Roubaud, François, (2001) « les multiples facettes de la pauvreté

dans un pays en développement : la cas de la capitale malgache », Document de travail

2001/07 – centre DIAL.

Rodney Low (1993), “The Welfare State in Britain since 1945”, Journal of Social

Policy, 22 : 565-566.

Rybczynski, T. M "Factor Endowments and commodity prices" Economica n°22 p.

336-341, 1955

Sen A., (1997), On Economic Inequalit, Oxford : Clarendon Press in Essama Nssah B.

(2000), Inégalité, Pauvreté et Bien-être Social, De Boeck Université, Bruxelles.

Sen, A. (1995)a, Inequality Re-examined, Cambridge Massachusetts: Harvard

University Press, in Essama Nssah (2000), Inégalité, Pauvreeté & Bien-être Social,

Université De Boeck, Bruxelles

Sen A., (1990), “Welfare, Freedom and Social Choice: a reply”, Recherches

économiques de Louvain, 56 (3-4).

Sen, A. (1981)b, Poverty and Famines. An Essay on Entitlement and Deprivation,

Oxford

Sen, A. (1976)c, «Poverty : An Ordinal Approach to Measurement». Econometrica,

Vol 44 n° 2

Towsend, P.B. (1979) « Poverty on United Kingdom : a survey of household resources

and standards of living », Harmonds Worth : Penguim Books.

Valtriani, P. (1999), Politiques Sociales en France, Hachette Education

Vole, M., (1993), « Analyse des données », 3ème

édition, Economica-Paris.

Page 222: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

221

Page 223: THESE DE DOCTORAT ES SCIENCES …lasaare.com/Etudes Pauvrete/Dynamique de la pauvrete au Maroc et... · 2 Paragraphe 2 : Les orientations méthodologiques et les outils pour l‘analyse

222

Annexes