Thermoluminescence de la glace
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Louis REY
Chemin de Venlonnet.2, CH-JOlO Lausanne, Suisse
(Reçu le 7 septembre 1999. accepté après révision le 28 octobre 1999)
Thermoluminescence of ice
Des échantillons d'eau légère et d'eau lourde sont irradiés par les rayons gamma à latempérature de l'azote liquide puis réchauffés progressivement. Pendant cette période,l'émission lumineuse thermoluminescente est enregistrée et son il1lensité et sa distribution spectrale étudiées en fonction de la température et de la dose de rayonnementreçue. Sur les deux pics principaux identifiés, l'un d'entre eux semble être lié directement à la structure du solide. © 2000 Académie des sciences/Éditions scientifiques etmédicales Elsevier SAS
irradiation gamma / eau lourde / eau légère /Iuminescence
Résumé,
Abstract. DiJJerent samples of normal and heavy water are irradiated witlt gamma rays of LiquidNitrogen lemperature and, lhen, progressively warmed Hp. Dllrillg titis period thethermolll1nilJescent glow is recorded and its intensity and emission spectrum analyzedin fill/ctioll of temperat/./re and irradiation dose. Olle of the two emissioll peaks appearto he directly Iinked to the network structure wilhfll the ice. © 2000 Académie dessciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS
gamma Irradiation/ heavy water / water /lumillescellce
La méthode de thermoluminescence développée, entre autres, par S.W.S. MeKeever [1] a été utiliséepar divers chercheurs dont R. Visocekas [2] pour analyser la struclUre des solides. Nous avons voulul'appliquer à l'eau pour connaître son comportement à basse température.
Dans ce but, des échantillons d'oxyde de deutérium et d'eau purifiée (PP!) ont été congelés à 253 0 Kpuis post-refroidis à la température de l'azote liquide or K) el soumis au rayonnement gamma ducobalt 60 (réacteurs Célestin, Marcoule, et Cigal, Cadarache) à des doses croissantes. Ils ont ensuite étéréchauffés à vitesse constante (40 Klmin) dans une enceinte obscure face à un photomultiplicateur dehaute sensibilité. Dans certaines expériences, le photomultiplicateur a été remplacé par un systèmeoptique en quartz relié par une fibre optique en silice à un spectographe à réseau (300 à 800 nm) coupléavec une camera C.e.D.
Lors de ce réchauffement, la glace irradiée émet de la lumière dont l'intensité et la distributionspectrale ont été enregistrées en fonction de la température et de la dose de rayonnement reçue (de 0,1à 30 kGy).
Lafigure 1 donne, en unités arbitraires, la courbe d'émission lumineuse. Celle-ci comporte deux picsprincipaux situés respectivement, pour le pic 1, à 117 0 K pour D,O et 1150 K pour H,O et, pour le pic2, à 1680 K pour D,O et 162 0 K pour H,O, confirmant ainsi les travaux de L.I. Grossweiner et
C. R. Acad. Sei. Paris, t. 1, Série IV, p. 107-110, 2000Solides, fluides: structure/Solids, fJuids: structure
Thermoluminescence de la glace
Note présentée par Hubert CURIEN.
S [287-2147 (00) 000 100 [ [07 © 2000 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS.Tous droits réservés 107
l. Rey
Emission Thermoluminescente de D20 et H20 après irradiation à 77°K parles Rayons Gamma ( 10 kGy 1
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CR. Acad.Sci-L.REY-Figure 1 Température oK
Figure 1
M.S. Matheson [3]. L'émission lumineuse de l'eau lourde est près de 50 fois plus intense que celle del'eau légère. En outre, l'analyse spectrale (figure 2) montre que les deux pics correspondent à deslongueurs d'onde différentes. Le pic 1 (basse température) présente deux bandes d'émission centréessur 342 nm et 665 nm, tandis que le pic 2 est essentiellement placé dans le domaine visible. Ce dernierpic comporte quatre raies distinctes à 448 nm, 483 nm, 523 nm et 575 nm, qui offrent plusieurs descaractéristiques d'une émission de bord de bande (encore appelée spectre d'Ewles-Kroger). Ainsi,l'important écart en énergie de l'ordre de 0,20 eV entre les raies recoupe des valeurs d'énergie dephonons dans la glace (R. Visocekas) [4]. On relève toutefois que les conditions d'observation sont icitrès inhabituelles puisque ce spectre n'est pas acquis en luminescence mais en thermoluminescence età des températures relativement élevées. Ainsi, le modèle proposé ne peut l'être qu'avec des réserves,dans l'attente d'autres confirmations. On notera, sur la même figure, la très faible émission de l'eaulégère dont le pic basse température n'a pas pu être enregistré.
Sur lafigure 3, la hauteur et l'importance relative de ces émissions est portée en fonction de la dosede rayonnement reçue.
La structure de l'émission semble indiquer que le premier pic (basse température) est lié à lamolécule elle-même, compte tenu de l'important effet isotopique observé (Teixeira) [5]. Quant audeuxième pic, il paraît lié, sans doute, aux liaisons hydrogène. Nous avons, en effet, montré que lespectre thermoluminescent (pic 2) de la formamide cristallisée présente les mêmes caractéristiques àdes températures identiques: il semble donc dépendre de la structure du solide. Ainsi, l'émissionthermoluminescente de D20 comprimée à 20'000 bars à 77° K, puis irradiée à cette température,comporte un pic 1 très important, correspondant aux glaces amorphes haute densité (HDA) et bassedensité (LDA), suivi d'une émission très faible et très aiguë (pic 2) lors du passage à la glace cubique(Ic) (figure 4).
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Thermoluminescence de la glace
Spectres d'émission thermoluminescente de H20 et 020 irradiées à nOK parles Rayons Gamma (10 kGy)
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Figure 2
Emission Thermoluminescente de 020 et H20 irradiées à nOK par les RayonsGamma à différentes doses
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C.R Acad.Sci-L.REY-Figure 3
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Dose reçue ( kGy )
10 100
Figure 3
Ces travaux suggèrent que la thermoluminescence de la glace préalablement irradiée dépend de lastructure du solide qui, elle-même, semble être fonction de celle du liquide initial (Rey) [6].
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L. Rey
Emission Thermoluminescente de D20 comprimée à 20.000 bars à 77°Kpuis irradiée par les Rayons Gamma (10 kGy)
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Figure 4
Références bibliographiques
[1] McKeever S.W.S., Thermoluminescence of solids, Cambridge solid state science series, Cambridge University Press (1985)1-376.
[2] Visocekas, R., Comparison between tunnelling afterglows following alpha or beta irradiations, Nue!. Tracks Radial. Meas. 14(1988) 163-168.
[3] Grossweiner L.I., Matheson M.S., Fluorescence and Thermoluminescence of [ce, J. Chem. Phys. 22 (1954) 1514-1526.[4] Visocekas R., Communication personnelle (1999).[5] Teixeira J., Communication personnelle (1998).[6] Rey L.R., Low-Temperature Thermoluminescence, Nature 391 (1998) 418.
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