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MP – Cours de chimie Jean Le Hir, 3 septembre 2005 Page 1 sur 24 THERMODYNAMIQUE DE LA RÉACTION CHIMIQUE Chapitre 3 Solutions aqueuses : approche théorique Voici un chapitre de révision du cours de première année. Les équilibres acido-basiques, les équilibres de complexation et les équilibres de précipitation ne feront pas l’objet d’un enseignement complémentaire en deuxième année. Toutes ces notions doivent être bien assimilées et revues au regard des connaissances nouvellement acquises en thermodynamique chimique. 3.1. L’eau, solvant polaire La molécule 2 HO Dans toutes ses formes physiques — gazeuse, liquide et solide — l’eau a une structure moléculaire correspondant à la formule chimique 2 HO . La molécule n’est pas linéaire, les deux liaisons O H - forment un angle de 104°. La longueur de la liaison O H - est de 10 0,96 10 m - × , soit 96 pm. L’énergie de chaque liaison O H - a pour valeur : 18 OH 0, 77 10 J 4,8 eV - - = × = E L’oxygène a huit électrons ( 8 Z = . Sa configuration électronique, conformément à la règle de Klechkowski, est donc 2 2 4 1 ,2 ,2 s s p . Selon la règle de Hund, deux électrons 2p sont appariés et il reste deux électrons célibataires. Ces électrons non appariés sont responsables des liaisons chimiques avec l’hydrogène dans la molécule d’eau. L’angle de liaison, tel que le prévoit la théorie VSEPR, est voisin de l’angle au centre du tétraèdre régulier. Les doublets d’électrons non liants de l’atome d’oxygène sont localisés du côté de la molécule opposé aux atomes d’hydrogène. 8 Z = Oxygène O ↑↓ ↑↓ ↑↓ 2 1s 2 2s 4 2 p 2 doublets non liants 2 électrons célibataires Doublets électroniques non liants O H H p

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MP – Cours de chimie

Jean Le Hir, 3 septembre 2005 Page 1 sur 24

THERMODYNAMIQUE DE LA RÉACTION CHIMIQUE

Chapitre 3

Solutions aqueuses : approche théorique

Voici un chapitre de révision du cours de première année. Les équilibres acido-basiques, les équilibres de complexation et les équilibres de précipitation ne feront pas l’objet d’un enseignement complémentaire en deuxième année. Toutes ces notions doivent être bien assimilées et revues au regard des connaissances nouvellement acquises en thermodynamique chimique.

3.1. L’eau, solvant polaire

La molécule 2H O

Dans toutes ses formes physiques — gazeuse, liquide et solide — l’eau a une structure moléculaire correspondant à la formule chimique 2H O. La molécule n’est pas linéaire, les deux liaisons O H−

forment un angle de 104°. La longueur de la liaison O H− est de 100,96 10 m−× , soit 96 pm. L’énergie de chaque liaison O H− a pour valeur :

18O H 0,77 10 J 4,8 eV−

− = × =E

L’oxygène a huit électrons ( )8Z = . Sa configuration électronique, conformément à la règle de

Klechkowski, est donc 2 2 41 , 2 , 2s s p . Selon la règle de Hund, deux électrons 2p sont appariés et il reste deux électrons célibataires. Ces électrons non appariés sont responsables des liaisons chimiques avec l’hydrogène dans la molécule d’eau. L’angle de liaison, tel que le prévoit la théorie VSEPR, est voisin de l’angle au centre du tétraèdre régulier. Les doublets d’électrons non liants de l’atome d’oxygène sont localisés du côté de la molécule opposé aux atomes d’hydrogène.

8Z = Oxygène O ↑↓ ↑↓ ↑↓ ↑ ↑

21s 22s

42p

2 doubletsnon liants

�����

2 électronscélibataires

���

Doublets électroniques non liants

O

H

H

p���

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Une liaison chimique dissymétrique, telle que la liaison O H− de la molécule d’eau, du fait de la différence d’électronégativité entre l’oxygène et l’hydrogène, ne peut être purement covalente. L’oxygène, plus électronégatif, attire vers lui le doublet électronique liant. Pour cette liaison, le barycentre des charges négatives liantes n’est plus à mi-chemin entre les deux noyaux, comme c’est le cas pour une liaison purement covalente, mais se trouve déplacé vers l’oxygène. Il apparaît donc un moment dipolaire électrostatique.

L’unité de moment dipolaire du Système international est le coulomb⋅ mètre (symbole C m⋅ ) Les chimistes utilisent couramment comme unité de moment dipolaire le debye (symbole D). La

correspondance entre les deux unités est la suivante : 291 D 0,334 10 C m−= × ⋅ .

Dans le cas de la molécule d’eau, les liaisons O H− sont fortement polarisées. Les doublets non liants de l’oxygène contribuent également au moment dipolaire résultant de la molécule 2H O.

Ce moment dipolaire, de valeur relativement élevée, 2

29H O 0,62 10 C m 1,84 Dp −= × ⋅ = , est responsable

de nombreuses propriétés chimiques originales de l’eau.

La liaison hydrogène

Dans les phases condensées de l’eau — liquide et solide — il existe de nombreuses liaisons intermoléculaires que l’on peut interpréter comme résultant de l’attraction entre les atomes d’hydrogène partiellement chargés positivement et les doublets électroniques non liants portés par un atome d’oxygène d’une molécule voisine.

L’atome d’oxygène de la seconde molécule se trouve dans le prolongement de la liaison O H− , la distance H- - -O étant voisine de 180 pm, soit presque le double de la distance O H− . L’énergie de cette liaison est égale à 0,26 eV pour la glace et 0,20 eV pour l’eau liquide. Cette valeur est très supérieure aux énergies cinétiques des molécules dans le chaos moléculaire aux températures usuelles ( 0,04 eV)≈ . Cela explique la stabilité de cette liaison dans les phases condensées.

La liaison hydrogène provoque des associations moléculaires qui modifient les propriétés physiques et chimiques. L’eau liquide tend à se polymériser sous la forme ( )2H O

n, les molécules étant associées par

liaison hydrogène dans une structure lacunaire voisine de la structure de la glace. Le nombre n peut être de plusieurs dizaines de molécules : l’eau est un liquide constitué de molécules monomères qui coexistent avec des agrégats polymères de structure moins dense.

Dans l’eau liquide, la proportion de molécules monomères par rapport aux agrégats augmente avec la température. Ce phénomène produit une augmentation de la densité. Pour l’eau, la disparition des agrégats moins denses l’emporte sur la dilatation thermique dans le domaine de température [ ]0 C 4 C° ⋅⋅ ° .

En conséquence, la masse volumique de l’eau passe par un maximum aux alentours de 4°C. Il s’agit là encore d’un comportement tout à fait original.

La liaison hydrogène stabilise les phases condensées et « retarde » les changements d’état.

— Les liaisons hydrogène sont responsables d’une enthalpie molaire de fusion particulièrement élevée pour la glace. Pour faire fondre une mole de glace sous la pression de 1 bar à la température de 0°C, il faut fournir 6,0 kJ alors que 2,4 kJ suffisent pour faire fondre une mole de 2H S solide.

H

O180 pm

H O

H

H

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— Sous la pression atmosphérique, les liaisons hydrogène subsistent dans l’eau liquide jusqu’à la vaporisation à 100°C. Il s’ensuit une chaleur latente molaire de vaporisation particulièrement

élevée : 140,6 kJ mol−⋅ .

Notons enfin que les liaisons hydrogène ne sont pas l’apanage de l’eau. On constate un comportement similaire pour d’autres composés hydrogénés dont les molécules sont fortement polaires tels que HF et

3NH , preuve de l’existence entre ces molécules de liaisons hydrogène.

Les ions de l’eau

Conduction protonique

L’observation d’une faible conductivité électrique de l’eau pure démontre l’existence d’ions, particules électriquement chargées, mobiles en solution aqueuse. Les mesures de conductivité de l’eau pure, très délicates à réaliser, conduisent à une valeur très faible, témoignant de l’existence d’ions en très petite quantité dans l’eau pure.

6 15,5 10 S m− −γ = × ⋅ à 25°C

Ces ions sont la conséquence d’une réaction équilibrée d’auto-ionisation : +2 32H O H O OH−= +

Cette réaction d’échange d’un proton +H entre deux molécules d’eau s’appelle réaction d’autoprotolyse de l’eau. Le proton libre n’existe pas en solution. Nous observons une mobilité toute particulière des charges à l’occasion des échanges protoniques nombreux entre les ions de l’eau et les molécules d’eau par les réactions chimiques suivantes :

+ +2 3 3 2H O H O H O H O+ = +

2 2H O OH OH H O− −+ = +

Le bilan de ces réactions, du point de vue de l’évolution chimique, est absolument nul. Il n’empêche que ces réactions de transfert de protons, via le réseau des liaisons H, sont la cause principale de la conductivité de l’eau pure.

L’ion oxonium ++++3H O

L’ion +

3H O , que l’on appelle ion oxonium, ou plus simplement proton hydraté, interagit fortement avec

les dipôles que sont les molécules d’eau. Il se trouve ainsi lié par interaction électrostatique à un certain nombre de molécules d’eau, le plus souvent au nombre de trois.

Nous verrons plus loin que ce phénomène d’hydratation est très général en solution. Ces liaisons d’hydratation, qui sont principalement des interactions électrostatiques ion-dipôle, ont une énergie beaucoup plus importante que les liaisons hydrogène entre molécules d’eau qui, du point de vue électrostatique, sont des interactions dipôle-dipôle — plusieurs électronvolts au lieu de 0,2 eV. La

formule chimique ( ) +2 33

H O H O est donc plus proche de la réalité que la formule +3H O . Nous

conviendrons cependant de n’écrire explicitement les molécules d’hydratation que dans le cas où elles

interviennent effectivement dans le bilan des réactions chimiques. Notons aussi l’écriture usuelle aqH+ qui

permet le rappel symbolique de l’hydratation sans trop alourdir l’écriture.

L’ion hydroxyde −−−−OH

L’anion OH− , que l’on appelle ion hydroxyde, est également entouré de plusieurs molécules d’eau, le plus souvent au nombre de trois, fortement liées par interaction électrostatique ion-dipôle. Comme nous en avons déjà convenu, nous n’écrirons pas explicitement les molécules d’eau d’hydratation. L’ion

hydroxyde sera noté OH− ou aqOH− , pour ( )2 3H O OH− .

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Les électrolytes

Pouvoir dissolvant de l’eau

L’eau est un milieu diélectrique linéaire dont la permittivité relative est voisine de 80 aux températures usuelles. Cela signifie que les forces inter-ioniques à grande distance sont 80 fois moins intenses qu’elles ne le seraient dans le vide. Pour des solutions suffisamment diluées, nous pourrons établir un modèle de la solution aqueuse en considérant que les ions n’interagissent pas du tout en dehors des chocs qui permettent la thermalisation et les réactions chimiques éventuelles : nous dirons qu’une telle solution est une solution électrolyte idéale.

On appelle dissolution, le phénomène de mise en solution sous forme d’une phase homogène, d’un solide, d’un liquide ou d’un gaz, s’accompagnant éventuellement d’une dispersion d’entités ioniques. La substance dissoute s’appelle le soluté. S’il se fait que les molécules du solvant réagissent chimiquement sur le soluté, qu’il soit ionique ou moléculaire, on parle alors de solvolyse — on parle d’hydrolyse si le solvant est l’eau.

Dans le cas d’un soluté moléculaire, qu’il s’agisse d’un gaz, d’un liquide ou même d’un solide, les forces d’interaction inter-moléculaires sont généralement modestes. Il apparaît dans l’eau des forces d’interaction plus importantes, particulièrement dans le cas où des liaisons hydrogène sont possibles entre des molécules d’eau et des molécules du soluté. Ces forces assurent la stabilité du soluté en solution.

Dans le cas d’une structure cristalline ionique, la dissociation suppose que soient vaincues les forces de cohésion réticulaire du cristal, qui sont des forces très importantes d’interaction de charges monopolaires. Au voisinage immédiat d’un ion, le gradient du champ électrique est très important. Lors de la mise en solution du cristal, les molécules d’eau immédiatement voisines d’un ion s’orientent de telle sorte que s’exerce entre elles et l’ion une force attractive maximale, proportionnelle au gradient du champ. Les molécules d’eau responsables de cette dissolution resteront liées au soluté ionique : ce phénomène s’appelle la solvatation.

Loi d’Ohm, conductivité molaire

On constate expérimentalement que la conduction ionique dans les électrolytes obéit à la loi d’Ohm, pourvu que les champs électriques ne soient pas trop forts, ni trop rapidement variables. Lorsqu’on applique une différence de potentiel au cœur d’un électrolyte, les ions de charge positive (cations) se déplacent, en moyenne, dans le sens des potentiels décroissants, tandis que les ions de charge négative (anions) se déplacent dans le sens opposé : leurs contributions à l’intensité du courant s’ajoutent.

La conductivité γ de l’électrolyte peut s’écrire sous la forme d’une somme de contributions à la

conduction, toutes positives, des différentes espèces ioniques. ic étant la concentration de l’espèce i en

solution, nous définissons les conductivités molaires partielles iλ de chaque espèce ionique en solution

par la relation :

i i ii i

cγ = γ = λ∑ ∑

Note : certaines tables thermodynamiques donnent les conductivités molaires « équivalentes », définies par la relation /i i izΛ = λ , où iz est le nombre algébrique de charge de l’ion. La conductivité γ

s’exprime alors par la relation : i i ii

c zγ = Λ∑

Dans le cas général, les conductivités molaires de chaque espèce dépendent de la température et de l’ensemble des concentrations de tous les solutés. Toutefois, dans le cas des solutions idéales, les conductivités molaires des ions ne dépendent que de la température — il s’agit toujours de fonctions

croissantes de la température. Ainsi, par exemple, la conductivité molaire des ions oxonium 3H O+ , ne

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vaut que 2 10,0314 S m mol−⋅ ⋅ à 18°C au lieu de 2 10,0350 S m mol−⋅ ⋅ à 25°C et atteint 2 10,0465 S m mol−⋅ ⋅ à 50°C.

Attention ! Pour les applications numériques, il convient de veiller particulièrement au fait que l’unité de concentration molaire du Système international est la mole par mètre cube et non pas la mole par litre : 0 1 31 mol L 1000 mol mc − −= ⋅ = ⋅ .

3.2. Loi d’action de masse

Expression générale de la loi d’action de masse

Pour toute équation bilan chimique en solution aqueuse, l’expérience montre que l’on peut définir une

constante d’équilibre ( )0K T , fonction seulement de la température, caractérisant les proportions dans

lesquelles les réactifs et les produits coexistent à l’équilibre thermodynamique. Considérons le cas le plus général d’une réaction dont le bilan chimique se traduit par l’équation bilan :

A 0i ii

ν =∑

Rappelons que dans cette écriture, les coefficients stœchiométriques sont algébriques : positifs pour les produits et négatifs pour les réactifs. La condition d’équilibre chimique à pression et température constantes, établie par les lois de la thermodynamique, s’appelle loi d’action de masse ou loi de Guldberg et Waage. Cette condition, dans le cas le plus général, s’écrit sous la forme simple de la constance d’un rapport que l’on exprime en fonction de paramètres A i

a , nombres sans dimension physique, que l’on

appelle activités des espèces chimiques dans les conditions d’équilibre. Chaque activité intervient, élevée à la puissance du coefficient stœchiométrique algébrique correspondant.

( )0A

i

i

v

i

K T a= ∏

Les activités A ia sont fonction, dans le cas général, de l’ensemble des paramètres qui définissent l’état

physico-chimique du système réactionnel à l’équilibre chimique. Elles dépendent en particulier de la constitution chimique du système.

Cas particulier des solutions idéales

Nous admettrons, sans démonstration, que dans le cas des solutions idéales — rappelons qu’il s’agit des solutions réelles dans la limite des très faibles concentrations —, les activités des solutés sont proportionnelles aux concentrations molaires. L’activité1 du soluté A i dans une solution idéale est égale au rapport de sa concentration à la

concentration de référence 0 11 mol Lc −= ⋅ . [ ]A

A 0 0

Ai

i

ica

c c= =

Par ailleurs, l’activité du solvant est égale à 1 : 2H O 1a = . Il en est de même de l’activité de toute phase

solide en équilibre avec le solvant : ( )sA 1a = . Aussi, ne tient-on pas compte, dans l’écriture de la constante

1 Attention ! La notation [ ]A i est parfois utilisée comme symbole de la concentration standardisée, rapport sans dimension de

la concentration à la concentration standard. Cela ne change rien pour les applications numériques tant que les concentrations

sont exprimées en 1mol L−⋅ . En tout état de cause, la notation entre crochet ne peut être utilisée que pour les solutés.

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d’équilibre, ni de l’intervention éventuelle du solvant 2H O dans l’équation bilan, ni de l’existence

éventuelle de phases solides en équilibre avec la solution.

Nous écrirons donc la loi d’action de masse pour les solutions aqueuses idéales sous la forme suivante :

( ) [ ]00

solutés

A i

iK T Qc

ν

= =

Produit ionique de l’eau

La constante d’équilibre de la réaction d’autoprotolyse de l’eau, usuellement notée eK , s’appelle produit

ionique de l’eau :

2 32 H O H O OH+ −= + ( )

3e 20

H O OHK

c

+ − =

La mesure de la conductivité électrique de l’eau pure permet d’accéder expérimentalement à la valeur de eK . Ces mesures, très délicates, exigent une parfaite purification ionique de l’eau. En particulier, la

moindre persistance de 2CO dissous a pour conséquence d’augmenter considérablement la conductivité.

On retiendra particulièrement la valeur de eK pour la température de 25°C :

( )14

e 320

1H O OH 1,0 10K

c

+ − − = = × à 25 Ct = °

Pour de l’eau pure, les ions 3H O+ et OH− sont produits en quantité égale à l’avancement ξ de la

réaction d’autoprotolyse : 0 7 1

3 eH O OH 1,0 10 mol Lc KV

+ − − −ξ = = = = × ⋅ à 25 Ct = °

Bien sûr, comme toute constante d’action de masse, le produit ionique de l’eau est très sensible à la

température. Notons, par exemple, que le produit ionique eK ne vaut plus que 340,7 10−× à la température

de 20°C.

Réactions d’échange de particules

Nous allons nous intéresser à une classe de réactions chimiques faisant intervenir un échange de particules dans un couple donneur/accepteur.

Réactions d’acido-basicité : Hacide base += +

La particule échangée est un proton . L’acide est le donneur de protons, tandis que la base est l’accepteur de protons. Nous définissons ainsi un couple acide / base au sens de Brønsted.

Réactions d’oxydoréduction : eréducteur oxydant −= + ν

Il s’agit d’un échange d’un ou de plusieurs électrons . Le réducteur est le donneur d’électrons et l’oxydant est l’accepteur d’électrons.

Réactions de complexation : Lcomplexe accepteur= + ν

Les particules échangées, que l’on appelle ligands sont des molécules ou des anions. L’ion complexe est constitué d’un cation métallique entouré d’un certain nombre de ces ligands.

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Réactions de précipitation : ( )sprécipité anions cations= +

Dans une telle réaction chimique hétérogène, le précipité sera, dans tous les cas, le donneur. Nous pourrons tout aussi bien considérer qu’il s’agit d’un échange d’anions, un cation jouant alors le rôle d’accepteur, ou d’un échange de cations, l’accepteur étant alors un anion. La présence d’une phase solide se traduit par une application très différente de la loi d’action de masse.

3.3. Équilibres acido-basiques

Définitions

Définition du pH

La notion de potentiel hydrogène a été introduite pour la première fois par le chimiste danois Sørensen en 1909. Nous définirons le pH d’une solution aqueuse comme le cologarithme décimal — l’opposé du

logarithme — de l’activité en ions oxonium 3H O+ . Dans le cas des solutions idéales, le pH est égal au

cologarithme décimal du rapport de la concentration en ions 3H O+ et de la concentration de référence 0 11 mol Lc −= ⋅ :

( )3

310 0H O

H Olog lgpH a

c+

+ = − = − Définition du pH

Opérateur « p »

Par analogie, nous définissons le pOH d’une solution idéale comme le cologarithme de la concentration

standardisée en ions hydroxyde OH− : 0

OHlgpOH

c

− = −

Plus généralement, nous utiliserons symboliquement l’opérateur « p » pour signifier « cologarithme

décimal ». Par exemple, plutôt que d’exprimer le produit ionique de l’eau sous la forme 14e 10K −= , nous

écrirons plus souvent : e elg 14pK K= − =

Précisément, l’existence de l’équilibre d’autoprotolyse de l’eau implique une relation toujours vérifiée entre le pH et le pOH d’une solution aqueuse. L’utilisation des opérateurs « p » permet d’exprimer le produit ionique de l’eau sous la forme d’une relation linéaire entre pH et pOH :

( )e 320

1H O OHK

c

+ − =

epK pH pOH= +

De façon générale, la loi d’action de masse, qui s’exprime sous forme de produits des concentrations élevées à la puissance des coefficients stœchiométriques, sera transformée, par l’intermédiaire des opérateurs « p », en relation linéaire entre les cologarithmes des concentrations. Les résultats suivants doivent être retenus : — pour de l’eau pure à 25°C, e / 2 7pH pOH pK= = =

— pour une solution acide à 25°C, 7pH pOH< < — pour une solution basique à 25°C, 7pH pOH> >

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Force dans l’eau des acides et des bases

Acides forts, bases fortes

Par définition, nous dirons qu’un acide AH est un acide fort dans l’eau lorsque la réaction d’hydrolyse acide peut être considérée comme totale dans le domaine usuel des concentrations.

2 3AH H O A H O− ++ = +

Par conséquent, un acide fort est un acide qui ne peut pas exister dans l’eau. Au contraire, la base conjuguée A− d’un acide fort est particulièrement stable en solution aqueuse : nous dirons que A− est une base infiniment faible. L’introduction dans l’eau d’un acide fort, quelle qu’en soit la concentration,

équivaut, du point de vue acido-basique, à l’introduction directe d’ions oxonium 3H O+ .

Symétriquement, nous dirons qu’une base est forte dans l’eau lorsque la réaction d’hydrolyse basique qui

la concerne est une réaction totale. Ainsi, par exemple, l’ion amidure 2NH− est totalement hydrolysé et

produit de l’ammoniac 3NH et des anions OH− . L’ammoniac, qui pourrait avoir des propriétés acides du

fait des atomes d’hydrogène, est donc un acide infiniment faible : il n’intervient jamais en tant qu’acide dans les processus acido-basiques. L’introduction dans l’eau d’une base forte en toutes proportions — en restant toutefois dans le domaine des concentrations usuelles — équivaut, du point de vue acido-basique,

à l’introduction directe d’ions hydroxyde OH− .

Constantes d’acidité et de basicité

On appelle constante d’acidité d’un couple acido-basique AH / A − la constante d’équilibre relative à la réaction d’hydrolyse acide de la forme acide AH :

2 3AH H O A H O− ++ = + 3

a 0

A H O

AHK

c

− + =

On appelle constante de basicité d’un couple acido-basique AH / A − la constante d’équilibre relative à la

réaction d’hydrolyse basique de la forme basique A− :

2H O A OH AH− −+ = + b 0

OH AH

AK

c

=

Ces définitions impliquent l’existence d’une relation simple entre les constantes aK et bK d’un même

couple acido-basique : le produit des deux constantes est égal au produit ionique de l’eau.

( )3 3

a b e20 0 0

A H O OH AH H O OH

AH AK K K

c c c

− + − + −

= = =

Nous poserons bien sûr a algpK K= − et b blgpK K= − , avec a b epK pK pK+ =

Plus la constante d’acidité aK est petite, plus l’acide sera dit faible. Il apparaît donc que, dans un couple

acido-basique, plus l’acide est faible, plus la base conjuguée est forte, et réciproquement. À la limite, comme nous l’avons déjà vu, les bases conjuguées des acides forts sont infiniment faibles.

Cas particulier du solvant

eK est la constante d’action de masse de la réaction d’autoprotolyse de 2H O. Cette réaction peut aussi

bien être interprétée comme une hydrolyse acide ou comme une hydrolyse basique. Ainsi, eK peut être

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considérée comme constante d’acidité du couple 2H O / OH− ou comme constante de basicité du couple

3 2H O / H O+ .

Si l’on considère les réactions d’hydrolyse acide de 3H O+ et d’hydrolyse basique de OH− , ces réactions

ont un bilan chimique nul et leurs constantes d’équilibre ont par définition la valeur unité :

3 2 2 3H O H O H O H O+ ++ = + a 1K =

2 2H O OH OH H O− −+ = + b 1K =

Nous avons ainsi établi les valeurs des pK des couples acido-basiques faisant intervenir le solvant 2H O :

3 2 a b e

2 a e b

couple H O / H O 0 14

couple H O / OH 14 0

pK pK pK

pK pK pK

+

= = =

= = =

Classement des acides et des bases selon leur force

Si l’on établit un classement des acides par ordre de force décroissante, on ordonne du même coup les bases conjuguées par ordre de force croissante. Le tableau ci-dessous représente quelques couples acido-basiques par ordre de apK croissants (les valeurs sont données pour une température de 25°C).

2 4 4

24 4

3 4 2 4

3 3

2 aq 3

22

2 4 4

4 32

3 32aq2 34 4

2

+3 2

aq

HCl / Cl

H SO / HSO

/

HSO /SO

H PO / H PO

HF/ F

HCOOH / HCOO

CH COOH / CH COO

CO / HCO

H S/ HS

H PO / HPO

NH / NH

HCO / CO

Ca / CaOH

HPO / PO

HS /S

/

NH / NH

Na / NaOH

− −

− −

+

− −

+ +

− −

− −

+

3 2

2

H O H O

H O OH

++++

−−−−

1,9

2,1

3,4

3,8

4,8

6,4

7,2

9,3

10,3

11,6

12,7

13,0

0,0

7,0

14,0

12,1

11,9

10,6

10,2

9,2

7,6

6,8

4,7

3,7

2,4

1,3

1,0

14,0

7,0

0,0

apK

bpKformebasique/

formeacide

formebasique/

formeacide

acidesforts

acidesfaibles

acidestrès faibles

acidesextrêmementfaibles

basesextrêmement

faibles

basestrès faibles

basesfaibles

basesfortes

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THERMODYNAMIQUE DE LA RÉACTION CHIMIQUE Chapitre 3 Solutions aqueuses : approche théorique

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Prédominance acido-basique

Domaines de prédominance acido-basique

L’expression de la constante d’acidité aK d’un couple acido-basique nous permet d’affirmer que dans

une solution aqueuse, indépendamment de l’influence de toutes les autres espèces chimiques, la forme basique du couple est majoritaire par rapport à la forme acide — c’est-à-dire en quantité plus importante — lorsque le pH de la solution est supérieur au apK du couple.

Pour le démontrer, il suffit d’exprimer la constante aK sous différentes formes. Considérons un couple,

que l’on notera symboliquement {acide / base}, et calculons pour ce couple la valeur du rapport de la concentration en forme acide sur la concentration en forme basique, en fonction du pH de la solution :

2 3H O H Oacide base ++ = + 3

a 0

H ObaseK

acide c

+ =

Nous en déduisons : algbase

pH pKacide

= −

Nous pouvons rendre compte de cette prédominance de différentes façons, mais, dans tous les cas, l’essentiel de l’information sera résumée dans un schéma d’une extrême simplicité que l’on appelle diagramme de prédominance. Ce schéma traduit simplement la présence plus abondante de la forme basique en milieu relativement basique ( )apH pK> et de la forme acide en milieu relativement acide

( )apH pK< . Il va de soi que ce rapport majoritaire est graduel et d’autant plus marqué que l’on

s’éloigne de la zone d’équivalence. Nous parlerons, dans certains cas, de « large prédominance ».

Acidités successives

Certaines espèces chimiques comprennent plusieurs atomes d’hydrogène susceptibles d’intervenir dans une hydrolyse acide. Il peut alors se produire plusieurs réactions acido-basiques successives, les espèces intermédiaires ayant un caractère amphotère. Les acidités successives sont généralement de forces décroissantes. On peut alors définir des zones de prédominance adjacentes. Voici, par exemple, le diagramme de prédominance correspondant aux trois acidités de l’acide orthophosphorique :

domaine de prédominance

de la fa

ormecide

domaine de prédominance

de la forbas

meique

apK pH

3 4H PO 2 4H PO− 24HPO − 3

4PO −

( )a1

2,1

pK

( )a2

7,2

pK

( )a3

12,7

pK pH

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Représentation graphique des prédominances : titres et pourcentages

Considérons une espèce chimique ne pouvant exister en solution que sous deux formes : AH forme acide et A− forme basique. Nous pouvons alors écrire pour cette espèce une règle de conservation de la matière en appelant 0c la concentration totale en solution :

0AH A c− + =

Étant donné que le rapport AH

A −

ne dépend que de la valeur du pH, nous connaissons aussi l’abondance

relative de chaque forme acide et basique. Par exemple, pour la forme acide, nous pouvons écrire :

aAH

AH 1 1

1 10AH A A1

AH

pH pKx −− −

= = =

++ +

La représentation de ces titres en fonction du pH, normés à l’unité AH A1x x −+ = ou sous forme de

pourcentages (AH A100%x x −+ = ), constitue une première représentation graphique quantitative des

prédominances.

Représentation graphique des prédominances : diagrammes logarithmiques

En portant en ordonnée, toujours en fonction du pH, les quantités 0

AHlgpAH

c

= − et

0

AlgpA

c

−−

= − , nous réalisons le diagramme logarithmique des concentrations.

On remarquera en particulier les comportements asymptotiques de chaque espèce dans chaque zone de « large prédominance ». Ce diagramme logarithmique est plus riche d’informations que le diagramme des pourcentages. En effet, il nous informe non seulement sur les espèces prédominantes, mais aussi sur le comportement, en la circonstance, des espèces minoritaires.

AHxA

x −

pourcentagede la forme acide

pourcentagede la forme basique

x

100%

50%

0%

apKa 1pK − a 1pK + pH

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Prévision des réactions acido-basiques

À quelle condition une espèce basique et une espèce acide peuvent-elles coexister en solution aqueuse ? Vont-elles réagir ? Si oui, la réaction sera-t-elle quantitative ? Il s’agit pour nous de savoir répondre à ces questions en nous appuyant sur un raisonnement rationnel.

Étude de prédominance

L’étude des prédominances nous permet de savoir si une petite quantité de réactif introduite dans une solution, dont on connaît le pH, y sera stable ou instable : cette information est capitale pour déterminer a priori le sens d’évolution d’un système chimique, ce qui présente bien évidemment un grand intérêt.

Considérons, par exemple, une solution aqueuse contenant simultanément deux couples acido-basiques :

le couple 3 3CH COOH / CH COO− ( )a1 4,8pK = et le couple 4 3NH / NH+ ( )a2 9,3pK = . Le diagramme

de prédominance de ces couples nous donne quelques informations majeures.

Il apparaît sur ce diagramme que les deux formes acides 3CH COOH et 4NH+ peuvent coexister en

solution aqueuse : la solution sera alors évidemment acide. Les deux formes basiques 3CH COO− et 3NH

peuvent aussi coexister dans une solution basique. Nous voyons également qu’une solution d’acétate

d’ammonium 4NH+ , 3CH COO− pourra être stable en milieu de pH neutre. Nous voyons surtout qu’il est

impossible que puissent coexister en solution l’acide le plus fort 3CH COOH et la base la plus forte 3NH .

Si l’on introduit dans une même solution de l’ammoniac et de l’acide acétique ils réagiront ensemble par une réaction acido-basique quasi totale :

3 3 3 4CH COOH NH CH COO NH− ++ = +

3CH COOH 3CH COO−

4NH+3NH

a1pK

a2pK

pH

pente 1pA−

−10 0log

c

c−

apK pH

pente 1pAH

+

0pcforme acide prédominante forme basique prédominante

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De façon générale, nous pouvons énoncer la règle qualitative suivante qui est, en quelque sorte, la règle fondamentale des équilibres acido-basiques :

Règle d’incompatibilité

En solution aqueuse, un acide ne peut coexister en quantité importante avec une base plus forte dans l’eau que sa base conjuguée.

Nivellement par le solvant des bases et des acides forts

L’étude ci-dessus démontre qu’il ne peut exister dans l’eau en quantité importante d’acide plus fort que

3H O+ , ni de base plus forte que OH− . De tels acides ou de telles bases réagiraient totalement sur l’eau :

c’est la définition que l’on a donné d’un acide fort et d’une base forte. On dit que le solvant nivelle les bases et les acides forts : tous les acides de négatif se comportent dans l’eau de façon identique. Il en est de même de toutes les bases de négatif.

3.4. Équilibres de complexation

Solvatation des ions

Dans l’eau, solvant polaire, les ions simples n’existent pratiquement pas. Chaque ion s’entoure d’un certain nombre de molécules d’eau pour former une structure chimique stable : ce phénomène s’appelle la solvatation. Le phénomène de solvatation des ions est un phénomène général.

L’énergie de liaison d’un dipôle de moment dipolaire p���

bien orienté à un ion de charge ze est de l’ordre

de grandeur de 2

0

1

4

p z e

rπε où r est la distance ion-dipôle.

Cette énergie de liaison est d’autant plus importante que l’ion est chargé et petit. Par exemple, l’ion

chlorureCl− , porteur d’une seule charge, a un rayon ionique de 180 pm, ce qui correspond à une distance minimale d’approche pour les molécules d’eau d’environ 270 pm, pour une énergie de liaison

électrostatique de 0,75 eV. Au contraire, l’ion ferrique 3Fe + , qui est plutôt petit — son rayon ionique est de l’ordre de 60 pm, soit une distance ion-dipôle d’environ 150 pm — et porteur d’une triple charge, est lié à six molécules d’eau par des liaisons de l’ordre de 7 eV chacune, soit une énergie totale d’hydratation supérieure à 40 eV.

Dans les deux cas, l’énergie de la liaison d’hydratation est bien supérieure à l’énergie d’une liaison hydrogène (0,2 eV). Dans le cas des métaux de transition, l’énergie des liaisons d’hydratation est d’un ordre de grandeur tout à fait comparable aux énergies usuelles des liaisons chimiques covalentes ou ioniques : il s’agit de liaisons chimiques à part entière.

Chaque ion se déplace en solution accompagné d’un cortège de molécules d’eau plus ou moins fortement liées. Au-delà de la première couche d’hydratation, d’autres molécules d’eau prennent une orientation préférentielle au voisinage de l’ion, sans être cependant liées à celui-ci.

Le schéma suivant suggère la répartition des molécules d’eau autour d’un cation métallique tétracoordonné Mα+ .

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Définitions

Coordinence

Les ions hydratés sont des structures chimiques stables que l’on nomme aquacomplexes. Les molécules d’eau entourant l’ion central sont alors qualifiées de ligands. Le nombre de ces molécules constituant la première couche d’hydratation s’appelle la coordinence (généralement 4 ou 6, parfois 2, 3 ou 5).

Pour un même ion central, d’autres ligands peuvent se substituer aux molécules d’eau pour former des structures encore plus stables que l’on qualifie de complexes. Ces ligands sont des anions

( F− ,Cl− ,CN− ,OH− , 22 3S O − , 3CH COO− , etc.) ou des molécules polaires (3NH , CO, etc.). Les complexes

peuvent être cationiques, neutres ou anioniques, selon la charge algébrique de l’ensemble. Pour tous ces exemples, les ligands s’attachent à l’ion central par une liaison chimique simple : on les qualifie de ligands monodentés.

Certains ligands s’attachent à l’ion central par des liaisons chimiques multiples.

Citons le cas de l’ion éthylènediaminetétracétate, ligand hexadenté de formule semi-développée

( ) ( )( )4

2 2 2 22 2CH COO NH C CH N CH COO

−− — on le notera 4Y − —, qui forme avec presque tous les

cations métalliques Mα+ des complexes anioniques de formules ( )4MY −α − . Le cation central est alors enveloppé par le ligand.

Nomenclature

Le nom d’un complexe s’écrit en un seul mot, précédé du petit mot ion dans le cas où le complexe n’est pas neutre, et se compose de deux parties. On désigne en tête les ligands, dans l’ordre alphabétique de leur nom, éventuellement précédés d’un préfixe multiplicateur (di, tri, tétra, penta, hexa). Les noms des ligands les plus courants sont les suivants :

— pour les anions, il s’agit du nom usuel auquel est adapté un suffixe « o »

fluoro pour F− , chloro pour Cl− , hydroxo pour OH− , cyano pour CN− , sulfato pour 24SO − ,

thiosulfato pour 22 3S O − , acétato pour 3CH COO− , etc.

— chaque ligand moléculaire a un nom spécial aqua pour 2H O, ammine pour 3NH , nitrosyl pour NO, carbonyl pour CO

(en solution aqueuse, la désignation des ligands aqua est facultative).

Vient ensuite la désignation du métal central. Pour les complexes neutres et pour les cations complexes, il s’agit tout simplement du nom du métal. Pour les anions complexes, le nom du métal est combiné avec un suffixe « ate ». On dit, par exemple, argentate pour l’argent, cuprate pour le cuivre, ferrate pour le fer, etc. Dans tous les cas, le degré d’oxydation du métal est indiqué, pour finir, en chiffres romains et entre parenthèses.

ion Mα+

( ) +2 4

première couche d'ionisation

ordre parfait M H Oα

deuxième couche d'ionisationordre partiel

Au-delà il subsiste encore un ordrerésiduel, mais à grande distance ledésordre est parfait

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Exemples : ZnOH+ ion hydroxozinc(II)

( )3Al OH trihydroxoaluminium(III)

( )2Ag CN

− ion dicyanoargentate(I)

( )3 3Pt NH Cl+ ion triamminechloroplatine(II)

Constantes de dissociation

Les réactions de dissociation d’un complexe en solution aqueuse sont comparables aux réactions de pertes successives de protons par un polyacide. Pour chaque équilibre, nous définissons une constante de dissociation. Notons A le cation accepteur, L le ligand et AL k le complexe :

1AL AL Lk k−= + [ ][ ][ ]

1d 0

AL L

ALk

kk

Kc

−= et d dlgk kpK K= −

Nous définissons ainsi k constantes de dissociation successives. Le produit de ces constantes de dissociation correspond à la constante d’action de masse de la réaction de dissociation totale du complexe :

AL A Lk k= + [ ][ ]

[ ]( )d d0

1

A L

AL

k k

ikik

K Kc =

= = ∏ soit d d1

k

ii

pK pK=

=∑

Les ordres de grandeur des constantes de dissociation sont très variés. Plus la constante dK est faible,

plus le complexe est stable en solution aqueuse. Les tables thermodynamiques utilisent parfois la notation β pour la constante de formation du complexe, avec d1/ Kβ = et d lgpK = β .

Dans le cas des multiacides, il est assez fréquent de rencontrer des écarts entre successifs de plusieurs unités : les réactions acido-basiques peuvent alors être considérées comme successives. Au contraire, les constantes d iK de dissociation successives d’un complexe sont souvent très proches, tant et si bien que

les différentes réactions de dissociation se produisent simultanément : c’est une difficulté supplémentaire pour la détermination quantitative des équilibres de complexation. Notre objectif est plus modeste. Nous allons simplement observer de quelle façon l’étude des prédominances permet, dans bon nombre de cas, de prévoir si un complexe est stable en solution aqueuse, ou au contraire instable.

Prédominance complexe-accepteur

Nous pouvons envisager deux types de diagrammes de prédominance, selon le problème que l’on se pose. Il peut s’agir de déterminer si une forme complexe est stable ou non en fonction de la concentration en ligands ou en fonction de la concentration en cations accepteurs. La première étude aura de l’intérêt si le ligand est susceptible de former plusieurs complexes correspondant à des cations différents. La seconde étude, au contraire, sera intéressante si plusieurs ligands différents sont en concurrence pour former des complexes avec un même cation métallique, mais aussi dans le cas où d’autres réactions d’échange de particules — d’acido-basicité, d’oxydoréduction ou de précipitation — sont susceptibles de concerner le même cation.

Notons [ ]

0

LlgpL

c= − le cologarithme décimal de la valeur numérique de la concentration en ligands

exprimée en unité 0c .

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De façon très générale, nous pouvons écrire : [ ][ ]

1d

ALlg

ALk

kk

pL pK− = −

Cette relation signifie que la forme la plus riche en ligands est prédominante en présence d’une plus grande quantité de ligands, pour des valeurs de pL inférieures à dkpK .

Domaines de prédominance disjoints

Prenons l’exemple des complexes successifs du cuivre II avec l’ammoniac :

( )( ) ( )( ) ( )( ) ( )

2 23 3 d1

2 23 3 3 d22

2 23 3 3 d33 2

2 23 3 3 d44 3

Cu NH Cu NH 4,1

Cu NH Cu NH NH 3,5

Cu NH Cu NH NH 2,9

Cu NH Cu NH NH 2,2

pK

pK

pK

pK

+ +

+ +

+ +

+ +

= + =

= + =

= + =

= + =

À ces équations bilans nous pouvons associer le diagramme de prédominance représenté ci-dessous.

Nous constatons sur le diagramme des titres molaires que les formes complexes intermédiaires, lorsqu’elles sont prédominantes, ne le sont jamais largement. Aussi pouvons-nous étudier directement le

rapport entre la forme la plus complexée ( )23 4

Cu NH+

et la forme 2Cu + en considérant la constante de

dissociation totale d d1 d2 d3 d4 1/K K K K K= = β .

Nous avons alors : ( )

2

d23 4

Culg 4

Cu NHpL pK

+

+

= −

Le complexe ( )23 4

Cu NH+

est prédominant par rapport au cation 2Cu + dès lors que pL est inférieur au

quart de dpK , soit ( )2,2 2,9 3,5 4,1 / 4 3,2pL < + + + ≈ . Cette dernière analyse de prédominance, bien

plus simple à mettre en œuvre, sera généralement suffisante.

0

1

0 1 2 3 4 5

d1

4pK

( )23 3

Cu NHx +

( )23 2

Cu NHx +

3pNH

( )23Cu NH

x +

x

2Cux +( )2

3 4Cu NH

x +

( )23 4

Cu NH+

2

3 3Cu(NH )

+ 2

3 2Cu(NH )

+ 2

3Cu(NH )

+ 2Cu

+2

3 4Cu(NH )

+

2Cu +3pNH

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Complexe intermédiaire instable : exemple des complexes ammineargent

Les ions argent forment deux complexes avec l’ammoniac, l’ion ammineargent(I) et l’ion diammineargent(I). Les constantes de dissociation successives sont les suivantes :

( ) +3 3 3 d22

+3 3 d1

Ag NH AgNH NH 3,8

AgNH Ag NH 3,2

pK

pK

+

+

= + =

= + =

Représentons les diagrammes de prédominance des complexes ammineargent(I) et diammineargent(I) :

Il apparaît qu’il n’y a pas de domaine de pour lequel les ions ammineargent(I) seraient prépondérants. En milieu riche en ammoniac, pour 3 d1 3,2pNH pK< = , le diammineargent(I) est prépondérant.

Au contraire, en milieu pauvre en ammoniac, pour 3 d2 3,8pNH pK> = , l’ion argent(I) est prépondérant.

Dans l’intervalle d1 3 d2pK pNH pK< < , nous devons comparer directement les ions argent(I) et

diammineargent(I) en considérant la constante de dissociation totale du complexe :

( ) ( ) ( )

2

3 3 3 3d d1 d2 20 0 0

3 3 32 2

Ag NH AgNH NH Ag NH

AgNH Ag NH Ag NHK K K

c c c

+ + +

+ + +

= = =

Nous en déduisons :

( )d1 d2

3

3 2

Aglg 2

2Ag NH

pK pKpNH

+

+

+ = −

L’ion diammineargent(I) ( )3 2Ag NH

+ est donc prépondérant en milieu riche en ammoniac, soit :

d1 d23 3,5

2

pK pKpNH

+< = .

Nous en déduisons le diagramme de prédominance recherché :

Pour une concentration totale en argent(I) égale à 0c , nous pouvons écrire, pour chaque domaine de

prédominance, les comportements logarithmiques asymptotiques :

3,5

( )3 2Ag NH

+ Ag+

3pNH

3,8

+3AgNH( )3 2

Ag NH+

3pNH

3,2

+3AgNH

3pNH

+Ag

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si Ag+ est largement prédominant :

( )

0

3 0 d1 3

3 0 d1 d2 322

pAg pc

pAgNH pc pK pNH

pAg NH pc pK pK pNH

+

+

+

≈ ≈ − +

≈ − − +

si ( )3 2Ag NH

+ est largement prédominant :

( )

0 d1 d2 3

3 0 d2 3

3 02

2pAg pc pK pK pNH

pAgNH pc pK pNH

pAg NH pc

+

+

+

≈ + + − ≈ + −

Ces asymptotes sont des droites de pentes 2− , 1− , 0, 1+ et 2+ . Remarquons que la variation de la concentration totale en argent n’a pour seul effet que de décaler tous les graphes en ordonnée. Le graphe

logarithmique ci-dessous est construit pour une concentration 10 0,10 mol Lc −= ⋅ .

Remarque : si les ions ammineargent(I) ne sont jamais prédominants, ils ne sont pas pour autant en

concentration négligeable, en particulier pour une concentration en ammoniac de l’ordre de 310− à 4 110 mol L− −⋅ .

0

1

0 1 2 3 4 5 6

0

1

2

3

0 1 2 3 4 5 6

3

pente 1pAgNH+

+

10 0log

c

c−

d1

2pK

3pNH

( )3 2

pente 2pAg NH

+

+

0 1pc =( )3 2

Ag NH prédominant+

3

pente 1pAgNH+

+pente 2pAg+

Ag prédominant+

( )3 2Ag NH prédominant

+Ag prédominant+

3pNH

%

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Prévision des réactions de complexation

Les diagrammes de prédominance nous permettent de savoir a priori si une petite quantité de réactif introduite dans une solution, dont on connaît le pL, y sera stable ou instable. Nous pouvons ainsi, comme dans le cas des équilibres acido-basiques, prévoir le sens d’évolution chimique d’une solution.

Considérons, par exemple, une solution de EDTAcalcium(II), 2CaY − d 10,7pK = . Dans une telle

solution, introduisons des ions aluminium(III), susceptibles de former avec les ions EDTA un ion complexe AlY − d 16,1pK = .

Les diagrammes de prédominance des couples 2 2CaY / Ca− + et 3AlY / Al− + font apparaître qu’il n’existe

pas de domaine commun de prédominance pour les ions 2CaY − et 3Al + . De plus, l’écart entre les dpK

est suffisamment important pour que l’on s’attende à une réaction totale :

2 3 2CaY Al Ca AlY− + + −+ = +

3.5. Équilibres de précipitation

Solubilité

Produit de solubilité

Considérons une substance solide de formule M Aβ α en équilibre thermodynamique avec une solution

aqueuse. Il nous faut tout d’abord remarquer que cet équilibre s’établit non plus par l’intermédiaire de réactions se produisant en volume, au cœur de la solution, mais par des interactions localisées à la surface de la phase solide. Cette interaction est d’autant plus efficace que la surface inter faciale entre le solide et la solution est grande, c’est-à-dire que le solide est plus divisé. De façon générale, les équilibres thermodynamiques hétérogènes correspondent souvent à des réactions plus difficiles. On améliore beaucoup les choses en homogénéisant la phase liquide par agitation.

L’équilibre étant atteint, la loi d’action de masse s’écrit alors, dans le cas d’une solution idéale :

( )+

sM A M Aα β−β α = β + α ( )

( )s

AMs

M A 1

a a PK T Q

a

β−α+

β α

β α

= = =

Le réactif, qui est dans une phase solide, a une activité égale à 1, tandis que les ions, qui sont des solutés supposés idéaux, ont une activité égale au rapport de leur concentration sur la concentration standard :

( )sM A 1aβ α

= 0M

Ma

cα+

α+ = et

0A

Aa

cβ−

β− =

La constante d’action de masse s’appelle produit de solubilité :

(10,7)

(16,1) 2Ca +2CaY −

3Al +AlY −

4pY −

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THERMODYNAMIQUE DE LA RÉACTION CHIMIQUE Chapitre 3 Solutions aqueuses : approche théorique

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( ) ( )+ss 0 0

M AM A M A K T P

c c

β αα+ β−α β−

β α

= β + α = =

À l’équilibre thermodynamiqueet en présence des solides

Solubilité dans l’eau pure

Certaines substances solides, par un processus de dispersion ionique s’accompagnant le plus souvent d’hydratation, sont donc solubles dans l’eau. Cette dissolution est limitée. La solubilité dans l’eau pure, toujours fonction croissante de la température, correspond à des ordres de grandeur très différents d’une substance à l’autre. Ainsi, à la température de 25°C, le chlorure de sodium ( )sNaCl est extrêmement

soluble dans l’eau, à raison de 16,1 mol L−⋅ . Le chlorure de plomb ( )2 sPbCl n’est que moyennement

soluble à raison de 2 13,8 10 mol L− −× ⋅ . Le chlorure d’argent ( )sAgCl , enfin, est extrêmement insoluble à

raison seulement de 5 11,3 10 mol L− −× ⋅ .

Dans le cas, assez rare cependant, où les ions sont stables en solution et ne subissent pas d’autres réactions chimiques que l’hydratation, la mesure de la solubilité permet de connaître la valeur de la constante sK .

( )+

sM A M A

initialement 0 0

à l’équilibre

n

n

α β−β α = β + α

− ξ βξ α ξ

On appelle solubilité le rapport de la quantité de matière dissoute sur le volume de la solution : sV

ξ= .

Le produit de solubilité s’écrit donc : s 0 0 0

sK

c V c V c

α β α+βα ββξ α ξ = = β α

Condition de précipitation

Notons P le produit ( )0

M A

c

β αα+ β−

α+β

dans une solution idéale. Lorsque ce produit P est inférieur à sK et

que l’on introduit dans la solution une quantité infime de solide ( )sM Aβ α , celui-ci réagit sur l’eau et se

dissout. Lorsque le produit P est supérieur à sK , la solution n’est pas en équilibre thermodynamique, les

ions réagissent entre eux et il se forme un précipité.

s

s

s

équilibre en solution homogène

équilibre en présence de la phase solide

déséquilibre, précipitation

P K

P K

P K

< ⇒ = ⇒ > ⇒

Solubilité en présence d’un ion commun

Bien entendu, les ions en solution peuvent avoir une autre origine que la dissolution d’une seule substance solide. Calculons, par exemple, la solubilité à 25°C du chlorure d’argent dans une solution molaire

( )11 1 mol Lc −= ⋅ de chlorure de sodium.

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( )+ 10

ss

1

1 1

AgCl Ag Cl 1,6 10

initialement 0

à l’équilibre

K

n cV

n c V c V

− −= + = ×

− ξ ξ + ξ ≈

La dissolution du chlorure d’argent ne change pratiquement pas la concentration initiale en chlorure et l’on peut considérer que la solubilité du chlorure d’argent a pour valeur :

( ) ( )2 20 0 10 1s s

1

Ag 1,6 10 mol LCl

K Ks c c

V c+ − −

ξ = = = ≈ = × ⋅

Cette solubilité est, par raison d’effet d’ion commun, très inférieure à la solubilité dans l’eau pure de

valeur 5 10 1,3 10 mol Ls − −= × ⋅ .

Prédominance en présence d’un précipité

Domaine d’existence d’un précipité

Deux types d’analyse de prédominance sont possibles selon que l’on étudie la condition de précipitation en fonction de la concentration d’anions ou en fonction de la concentration de cations.

Dans chaque cas, le diagramme de prédominance fait apparaître la condition de précipitation en fonction de la concentration de l’un des ions, l’autre concentration étant fixée a priori.

Par exemple, la concentration molaire des ions chlorure étant fixée a priori à la valeur 10 0,1 mol Lc −= ⋅ ,

la concentration des ions 2Pb + à partir de laquelle on observera la précipitation de ( )2 sPbCl est telle que :

( )2

s0 20

0

Pb

/

K

c c c

+ = soit 2+

s 02pPb pK pc= − , avec

00 0

s

lg 1

3,7

cpc

cpK

= − =

=

Nous pouvons dès lors représenter le diagramme de prédominance, pour le chlorure de plomb, qui met en évidence l’incompatibilité en solution des différents ions. La condition de précipitation définit un domaine d’existence de la forme solide ou domaine de précipitation. Il serait abusif, pour la phase solide, de parler de domaine de prédominance.

Attention ! La limite du domaine de précipitation dépend de la valeur que l’on s’est fixée a priori pour la concentration de l’anion en solution (ou du cation, selon le type d’analyse).

Domaine de prédominance en fonction du pH

Dans le cas des hydroxydes métalliques, définis comme des complexes neutres ayant pour ligand l’ion OH− (complexes hydroxo), les domaines d’existence dépendent bien évidemment du pH.

0 s 02pK pc−

( )2 s

Domaine deprécipitationde PbCl

2pPb +5

0

Domaine deprédominance

des ions Clà la concentration c

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Étudions, à titre d’exemple, le cas du complexe ( ) ( )3 sAl OH , d’appellation trihydroxoaluminium(III) selon

la nomenclature IUPAC, que l’on nomme plus simplement hydroxyde d’aluminium.

Cet hydroxyde est amphotère : il a un comportement basique en milieu acide et un comportement acide en milieu basique. Les réactions acido-basiques sont les suivantes :

( ) ( ) ( )

( ) ( ) ( )( )

( )

33

3 33sb b 43 s 0

+34+ 12

2 3 sa a 23 s 4 0

Al OHAl OH Al 3 OH 10

Al OH H OAl OH 2 H O Al OH H O 10

hydrolyse basique K Pc

hydrolyse acide K Pc

+ −+ − −

− −

= + = =

+ = + = =

En présence du précipité, les deux relations sb bK P= et sa aK P= sont satisfaites simultanément et l’on a :

( )( )

( )

4403 + +sb 3 3sb

3 2 3 00sa esa4

Al H O H O

Al OH OH

K c K

K K cK c

+

− −

= =

avec ( )

3 14e 20

H O OH10K

c

+ −−

= =

ou encore : ( )

3

e sa sb

4

Allg 3 4 21 4

Al OHpK pK pK pH pH

+

= + − − = −

La forme soluble acide 3Al + est donc prédominante en milieu acide, pour 5,25pH <

En milieu acide, l’hydrolyse basique est prépondérante et si l’on se place à la limite d’apparition du précipité, les ions aluminium 3Al + sont en concentration égale à la concentration totale apportée dans la solution, que l’on notera c. La relation sb bK P= s’écrit alors :

( )( )23 3 0

e

sb 4 303

OH

H O

c K ccK

c

+

= =

soit ( )e sb

1 13

3 3pH pK pK pc pc= − − = +

En milieu basique, l’hydrolyse acide est prépondérante et si l’on se place à la limite d’apparition du

précipité, les ions aluminate ( )4Al OH

− sont en concentration égale à la concentration totale apportée dans

la solution c. La relation sa aK P= s’écrit alors :

( )+

3

sa 20

H OcK

c

= soit sa 12pH pK pc pc= − = −

Le domaine d’existence du précipité est donc défini par la relation 1

3 123

pc pH pc+ < < −

Nous en déduisons le diagramme de prédominance des différentes espèces en concurrence, représenté ci-dessous pour 2pc = .

3Al + ( )4Al OH

−( ) ( )3 sAl OH

13

3pc+ 12 pc− pH0 14

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Dans ce domaine d’existence du précipité, nous définissons la solubilité totale en aluminium par la

relation ( )( )

( )203 sa3 sb

324 +3 03e

Al Al OH H OH O

K cKs

K c

−+ + = + = +

Notons que cette solubilité présente un minimum. Recherchons ce minimum :

( )( )20

2 sasb32 2+3 0

3 3e

3H O 0

H O H O

K cKds

d K c

++

= − =

soit ( )

43

3 sa e40

sb

H O

3

K K

Kc

+ = ou encore ( )sa e sb

13 lg3 5,37

4pH pK pK pK= + − + =

La solubilité minimale a alors pour expression :

3 13 34 4

0 0 3 4 1 4 3 4sb sa e sa emin sa sa sb e3 3 4

e sb sb

4

3 3 3

K K K K Ks c K c K K K

K K K

−−

= + =

soit sa sb emax

3 3 32lg 2 lg3 6,51

4 4

pK pK pKps

+ −= − + =

Le graphe suivant représente les variation de 0

lgs

psc

= − en fonction du pH pour 2pc =

Prévision des réactions de précipitation

Représentons sur un même diagramme de prédominance deux couples précipité / accepteur correspondant au même ion échangé.

Considérons, par exemple, les couples ( )sAgCl / Cl− ( )s1 9,75pK = et ( )2

2 44 sAg CrO / CrO − ( )s2 11,9pK = ,

l’ion commun échangé étant l’ion Ag+ .

0

1

2

3

4

5

6

7

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14

pH

0lg

sps

c= −

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Pour des solutions molaires ( )24

10Cl CrO

1 mol Lc c c− −−= = = ⋅ , les conditions de précipitation s’écrivent :

pour ( )sAgCl 0

s10

0

Ag K c

cc

+ > soit s1 0 9,75pAg pK pc+ < − =

pour ( )2 4 sAg CrO 0

s20

0

Ag K c

cc

+ > soit ( )s2 0

15,95

2pAg pK pc+ < − =

Nous en déduisons le diagramme de prédominance suivant qui met en évidence l’impossibilité

d’existence d’ions chlorure Cl− en quantité notable en présence d’un précipité de chromate d’argent

( )2 4 sAg CrO .

Cette propriété est utilisée en argentimétrie comme indicateur de fin de réaction lors d’un titrage d’une solution de chlorure. Par addition d’une solution titrée de nitrate d’argent dans une solution de chlorure contenant des ions chromate, les ions chlorure précipitent sous forme de chlorure d’argent. L’apparition d’un précipité de chromate d’argent, de couleur rouge, est la preuve qu’il n’y a plus d’ions chlorure en solution.

(5,95)

(9,75) ( )2 14CrO 1 mol L− −⋅( )2 4 sAg CrO

( )1Cl 1 mol L− −⋅( )sAgCl

pAg+