Thérapies - Naissance du 4ème Type

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NAISSANCE DU QUATRIEME lYPE

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NAISSANCEDU QUATRIÈME TYPE

par Daniel FAVRECatherine FAVRE

Le Souffle d'OrBP3

BARRET-le-BAS

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AVERTISSEMENTAU LECTEUR

Etant donné la nature complexe du sujet traité, les faits etles hypothèses s'ordonnent selon un mouvement «en spirale»,mais les clés, les outils et méthodes utilisés se trouvent réunisdans l'Introduction.

Des conclusions-résumés à la fin de chacune des partiespermettent un recentrage de notre propos, et éventuellement del'attention du lecteur.

La plupart des mots importants sont définis, soit dans letexte, soit dans un lexique. Dans ce dernier cas, ils sont signalésdans le texte par un astérisque et font généralement l'objetd'une restriction de sens.

En effet les hypothèses ou les conclusions auxquelles nousparvenons n'ont de validité que dans la mesure où le lecteur etnous-mêmes donnons la même signification aux mots que nousemployons, et que ces hypothèses et ces conclusions restentsituées dans leur contexte.

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SOMMAIRE

Avertissement au lecteur 7

Repères 9

Introduction 13

PREMIERE PARTIE:

LA SEPARATION.INi>IVIDU~TION DU 1er TYPE 35

· La cosmogenèse la plus scientifiquement probable 35· La complexification et l'évolution de la matière 37

· La saturation des possibles «possibles» 39

· L'eau: des propriétés uniques 41· Les briques de la vie 43

· L'univers n'est pas ce que l'on croyait' 47

· La séparation-individuation du 1er type en bref 49

SECONDE PARTIE:

LASEPARATION·INDIVIDUATIONDU 2ème TYPE .... 51· L'évolution: une histoire ancienne

qui nous touche de près 51

· La symbiose: la vie ensemble à profit mutuel 65

· Déterminismes et jeux dans l'évolution 69

· Hasard et intelligence 73· L'évolution des mécanismes

de la motivation dans le règne animal 79

· La séparation-individuation du 2ème type en bref 89

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TROISIEME PARTIE:

LASEPARATION·INDIVIDUATION DU Sème TYPE 93

· Les hommes sont-ils des minus habens biologiques? 95

· Dépendance, non dépendance, '::'

interdépendance et indépendance 99

· L'émergence d'Homo: un scénario plausible 103

· Pensée, conscience, outils et langage 107

· Des concepts et des hommes 111

· Régime de pénurie et régime d'abondance 123

· Thésaurisation et capitalisation intellectuelle 137

· La solitude et l'angoisse de séparation 145

· La séparation-individuation du3ème type en bref... 155

QUATRIEME PARTIE:VERS UNE SEPARATION DU 4ème TYPE 157

· Peut-il y avoir en nous des programmes étrangers? 159

· Naître ou ne pas être 173

· Le changement de système de motivation 181

· Le changement de forme d'autorité 191· Vers un mode de relation éducative

favorisant la séparation du 4ème type 203

· La formation du couple psychiquement adulte 229

· Vers une psychothérapie qui favorise

la séparation du 4ème type 237

· Vers une séparation du 4ème type en bref 257

CONCLUSION:

LA NAISSANCE DU 4ème TYPE 261

Bibliographie 267Lexique 272

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REPÈRESLes aléas d'une naissance

Si mon attrait pour la biologie est très ancien, mon intérêtpour la philosophie date de mes années de terminale et desefforts qu'a déployé en 68 mon professeur Jean Bollon. Grâce àMontaigne, Bergson, ... et lui, j'ai commencé à me sentirpenser ... Attirés avec Catherine vers la recherche fondamen­tale en neurobiologie, nous n'arrivons pas d'emblée à nousinvestir complètement dans un sujet de recherche très étroit parnécessité. Cette insatisfaction nous incite à chercher ailleurs, etnotamment à travers les apports de Jacques Dartan, une ap­proche globalisante et épistémologique de la pensée humaine.Par cette rencontre nous redécouvrons le concept d'évolution etl'aspect révolutionnaire, à travers les attitudes qu'elle engen­dre, de la pensée scientifique. A cette époque Catherine aban­donne l'expérimentation en neurobiologie, découvre la materni­té et commence à explorer la pédagogie et la psychologie. Nousdevons beaucoup l'un et l'autre à nos deux filles Anaïs et Amélie :elles ont contribué puissamment à nous éduquer et surtout ànous faire davantage aimer la vie. Quant à moi et de manièreinattendue, l'épistémologie développe mon imagination en re­cherche fondamentale, ce qui me donne l'occasion de faireplusieurs publications i~novantes dans le domaine de la neuro-plasticité. .

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10 Naissance du quatrième type Repères 11

Divers romanciers comme C. Simak, F. Herbert ou des scien­tifiques comme J. Paillard, K . Pribram, J. de Rosnay, R,W. Sperrycontribuent à élargir mon horizon. Ma rencontre avec GérardPinson puis avec André Demailly au début des années 80 mepermet avec le concept d'holographie de concevoir un modèlemoins mécaniste du cerveau et un modèle de logique holosco­pique où la notion de preuve formelle devient degré de cohérenceavec le contexte. Lors d'un colloque en 84je fais la connaissanced'Edgar Morin qui développera et complexifiera ces modèles; enretour il nous apportera par la suite de nombreux conseilsméthodologiques et encouragements pour nous guider dansl'élaboration de Naissance du 4ème type.

Je reviens un peu en arrière dans le temps pour préciserqu'étant chercheur-enseignant, je me suis trouvé confrontéégalement à l'enseignement. Nouvelle difficulté devant la prisede conscience que le rendement didactique est très faible.J'essaie d'y remédier en enseignant autrement l'anatomie et lefonctionnnement du système nerveux, en particulier en mon­trant comment la nature l'a façonné au cours de l'évolution. Unpremier polycopié est constitué, lointain ancêtre de cet ou­vrage ... Le colloque de Cordoue me stimule, l'envie me vientd'écrire un livre sur le cerveau humain, l'holographie et l'épisté­mologie. Michel Cazenave, consulté en 83, me conseille plutôtd'aborder avec mes outils conceptuels l'inconscient car il existeselon lui des lecteurs potentiels en quête d'information dans cedomaine. Je suis d'autant plus facile à convaincre qu'après lesconceptions freudiennne et jungienne, je découvre d'autresformes de psychologie comme celle de C. Rogers, T. Gordon,A. Maslow, E. Fromm, et enfin S. Grof. C'est à cette époque quedes institutions commencent à commander à l'Institut de Re­cherche et d'Information bio-Sociales (IRIS) ses premières for­mations centrées sur l'approche transdisciplinaire de l'adoles­cence. Leur élaboration comprenant apports théoriques et misesen situation pratiques se fait avec Catherine, Anne-Marie etEric Buttin. Nous sommes ainsi amenés à examiner et à modé­liser de nombreux concepts comme celui de l'autorité, de l'erreuret des motivations. Comme ces stages sont reçus comme des

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catalyseurs de changement, une nouvelle version d'un ouvragecentré sur les processus en oeuvre dans le changement estentamée. Lorsque se présente le chapitre concernant la motiva­tion, l'écriture se bloque; Catherine et moi explorons alorsd'autres approches. De notre rencontre avec Man William etavec Frans Veldman nous retirons un concept élargi de ladimension affective du comportement humain.

Puis nous connaissons une période de crise : nous voicibrutalement engagés dans le processus même que nous es­sayons de modéliser ... Retour aux sources avec Jean Bollon oùses compétences de psychologue aux multiples grilles de lecture,sa confiance dans la vie et en nous, nous permettent de devenirplus congruents. De ce travail personnel naît le concept deprogramme étranger qui sera lui-même intégré dans le modèlecomplexe des motivations que nous présentons dans ce livre. Lademande en stages s'accroissant, Catherine devient formatriceà l'IRIS tout en terminant parallèlement de nouvelles études enpsychologie. Pour ma part, je poursuis à la fois l'expérimenta­tion en sciences fondamentales et en pédagogie, l'équilibre meconvient. Les matériaux : articles théoriques, cas concrets,s'accumulent pour «le livre». Début 87 les éléments sont réuniset le concept de naissance du 4ème type va émerger, l'élabora­tion de ce livre peut commencer, trois versions seront nécessai­res pour accoucher de celle-ci... Entre chacune nous avonsutilisé les compétences de nombreux lecteurs et je tiens àexprimer ma reconnaissance à Jean Bollon, Michel Cazenave,François Copin, André Demailly, Mireille Ehrhardt, Abel J ean­naire, Anne-Marie Lauret, Michel Lavit, Edgar Morin, Ber­trand Rioux, Luc Thoré et Lorraine Zajc; chacun a su à lamanière qui est la sienne, nous prodiguer des encouragements,des commentaires avisés, une lecture critique du premier étatde Naissance du 4ème type. Leurs apports nous furent tousprécieux. Je remercie vivement également Dany et MichelLe Roux pour la disponibilité et la rigueur bienveillante qu'ilsn'ont pas hésité à mettre au service de la rédaction de cetouvrage dont ils ont suivi de près l'élaboration. Les quelquescontacts que nous avons eu avec des éditeurs nous ont montré

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12 Naissance du quatrième type

qu'il n'était pas aisé actuellement de publier un livre difficile àclasser dans une catégorie, dont les auteurs sont peu connus etle succès en librairie imprédictible. Cela nous a permis d'appré­cier encore davantage notre rencontre avecYvesMichel, éditeurdu Souille d'Or. Son implication, sa prise de risque, la confiancequ'il nous a accordée et ses conseils nous ont particulièrementtouchés.

Dans mon souhait d'illustrer les circonstances généralesqui ont présidé à l'élaboration de ce livre, je tiens à préciser quesije m'attribue la paternité du projet et la rédaction du premierjet, la formulation des différents concepts présentés ici et leurapplication particulièrement en situation de formation est lefruit d'un travail commun de plus de dix ans avec ma compagneCatherine. Bien queje ne puisse définir avec précision la part dechacun, j'ai conscience que son action constructive a été déter­minante tant du point de vue théorique que pratique. Malgré lefait que nous soyons deux cosignataires et que pas un para­graphe n'ait échappé à un travail commun, l'emploi duJE plutôtque du NOUS a été choisi en espérant que le lecteur ne sera pastrop décontenancé s'il ignore si c'est la main droite de l'un ou lamain gauche de l'autre qui a tenu la plume.

Daniel Favre

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«Rien n'est plus pratique qu'une bonne théorie»G. Bateson

INTRODUCTION

Au delà du mur...

Quel mur? Où? Pourquoi aller au delà? N'est-ce pas unevieille idée? Un ancien rêve? Une utopie?

Le mot «mur» indique une séparation, une limite diffici­lement franchissable. Le mur arrive très vite avec la civili­sation. Il offre alors une protection à l'abri de laquelle peuventse faire les alchimies subtiles qui ont permis à l'humanité de«mûrir». Certains n'ont vu dans cette alchimie qu'un pourrisse­ment, d'autres une succession cyclique et sans finalité d'événe­ments répétitifs.

Pourtant l'étude de la biologie nous offre des métaphoresextraordinaires. Nest-ce pas quand la chenille s'enferme der­rière la paroi de son cocon que s'opère la métamorphose? Vuepar la chenille, c'est la mort qui lui arrive, tous ses organes in­térieurs subissent une digestion, une désorganisation néces­saires. Vu par le papillon qui s'est peu à peu constitué, il s'agitbel et bien d'une naissance. Une nouvelle vie s'offre à lui dès lorsqu'il perce le «mur»de son cocon.

Globalement les données scientifiques recueillies par notreespèce convergent pour m'amener à penser que c'est essentiel­lement sur le plan psychique que, depuis 30.000 ans, se mani­feste l'évolution et que sont réunies les conditions de la méta-

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14 Naissance du quatrième type Introduction 15

morphose des humains. Si l'on peut douter parfois de l'immi­nence de la naissance d'un Homme plus autonome et plusheureux, il semble ne faire aucun doute que la «solution» à ceproblème d'évolution est d'abord individuelle et qu'il appartientpour la première fois à chacun d'entre nous de désirer et dechoisir consciemment la mutation psychique. J'ai longtemps eule sentiment d'être coupé de moi-même, de mes potentialités.Des déclics ou des flashes m'ont montré qu'il existait au-delà du«mur intérieur», illusoire et source d'illusions, un mode d'exis­tence beaucoup plus satisfaisant. Ce dont j'ai pris conscience,c'est que nous humains, nous dirigeons vers ce mode d'existenceet qu'il est possible également de rendre cet accouchement desoi-même, - cette libération? - moins laborieux, plus économede souffrance et d'angoisse et surtout plus joyeux. J'ai alorsdécidé de faire disparaître ce mur. Ce livre est une des consé­quences de cette décision. Ecrire un livre relève d'ailleurs biensouvent d'un processus de naissance, et celle-ci se produit quandles forces de rétention deviennent plus faibles que les forces delibération: c'est le cas aujourd'hui.

Le but central de cet ouvrage est, en utilisant une approchescientifique et transdisciplinaire, d'illustrer l'aventure qui estla nôtre et qui commence avec l'histoire de la Vie ou avec celle del'Univers ..

En écrivant ce livre, j'ai plusieurs objectifs. Le premier estde m'en «délivrer»; le second consiste à vouloir communiquerune image, une représentation et un concept originaux surl'Homme. Ce qui me pousse à le faire, c'est la prise de conscienceque les humains jusqu'à présent n'ont su trouver de solutions àleurs «problèmes», que lorsqu'ils ont puse représenter autrementou-et plus globalement «les données de ces problèmes». Chacunpeut constater que la vie humaine se complexifie de plus en plus,que les situations paradoxales pullulent et qu'on ne sait plustrop par quel bout prendre le «problème». Je n'ai pas trouvé dedomaine de l'existence en cette fin de XXe siècle qui soit épar­gné; la vie en couple, l'éducation des enfants, les relations socio­professionnelles, l'économie, la politique, la philosophie et lamétaphysique, témoignent des contradictions et des doutes

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internes que les hommes cultivent au fond d'eux-mêmes. Cecipose au moins deux questions de fond:

Serions-nous victimes d'une fatalité?Ceux qui retirent des «bénéfices secondaires» de l'exercice

prosélytique du pessimisme généralisé répondraient probable­ment oui à cette question.

Serait-ce dû à un mésusage de nos ressources ?

Voilà une hypothèse que je préfère à la précédente et je mepropose d'explorer dans ce livre les pistes qui en découlent.

Un autre objectifpoursuivi dans cet ouvrage consiste préci­sément à communiquer des outils destinés à optimiser le fonc­tionnement de notre psychisme. Ce sont d'ailleurs ceux que j'aiutilisés pour élaborer cet essai. Il me semble important de lesdécrire pour permettre au lecteur de mieux situer la démarchequi est la mienne, et éventuellement, s'il le souhaite, pourexplorer son «au delà du mur».

De la méthode ...

Les outils conceptuels que j'évoque appartiennent à deuxcatégories: ce sont d'une part les règles de pensée que j'aiutilisées pour élaborer ce livre, et d'autre part la référence à uneimage globale, ou plutôt globalisante, de l'Homme dont lacohérence vérifie les éléments qui la composent.

Examinons d'abord en quoi consistent ces règles de pensée.Elles sont extrêmement subversives parce qu'elles ouvrent lavoie vers une plus grande autonomie sur le plan intellectuel etconceptuel en permettant de s'affranchir des opinions d'autrui;si, vous lecteurs, les utilisez, je ne peux plus vous «faire prendremes vessies pour vos lanternes». Je propose donc de tester les«armes» que voici d'abord contre moi, et de vérifier que dans celivre j'ai :

1°) Substitué des hypothèses aux idées reçues, opinions,croyances, préférences, dogmes.

2°) Substitué la critique à la fabrication de systématiques.

3°) Substitué la réflexion à la projection.

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Ces règles, je ne les ai pas inventées, c'est l'humanité qui seles est forgées au fil des millénaires. Nombre de réussites tech­niques ou de découvertes faites par les hommes sont le fruit del'application de ces trois règles comme on le verra plus en détaildans cet ouvrage.

Reprenons-les une par une:

1) Substituer des hypothèses aux idées reçuesCeci a pour but d'opérer une séparation, d'installer une

distance, une distinction entre une information donnée et l'af­fectivité ou l'émotion. Exprimée sous forme d'hypothèse unemêmeinformation est plus facilement traitable, appréhendableet repérable par la pensée.

Exemple: l'idée reçue suivante: «l'économie va mal parcequ'il y a trop de travailleurs immigrés» pourrait être transfor­mée en hypothèse: «les travailleurs immigrés ::;eraient-ils àl'origine des difficultés économiques?» Cette transformationpréserve l'information initiale mais chacun peut sentir, en lui­même, affectivement et intellectuellement, la différence.

2) Substituer la critique à la fabrication desystématiques

L'application de celle-ci permet de se débarrasser des systé­matiques qui enferment et limitent la pensée. En effet unesystématique, basée sur une généralisation abusive, élimineou déforme tous les faits qui ne la corroborent pas. La critique,comprise ici comme la recherche de la contre-évidence, n'estdonc pas une critique négative, elle permet de repérer et depréciser le champ de validité des idées, propos, et théoriesénoncés et de garder une ouverture d'esprit aux informationsnouvelles.

Pal'-exemple, en appliquant cette règle, la proposition: «lesfemmes sont plus sensibles que les hommes» infirmée par unexemple concret (tel ami est beaucoup plus sensible que tellefemme) devient: «certaines situations montrent que certainesfemmes pourraient être plus sensibles que certains hommes».L'emploi du mot «certain» crée le besoin de préciser les circons­tances, de définir l'espace dans lequel cette proposition peut êtrejuste.

... au cerveau ...

Ma méthode précisée, je souhaite montrer sa pertinence endécrivant sommairement un modèle des ressources cérébro­psychiques de l'être humain. La connaissance de la variété deces ressources éclairera peut-être le lecteur sur les raisons quim'ont fait adopter les attitudes mentales développées précé­demment.

3) Substituer la réflexion* à la projection* (au sensoptique de ces deux termes)

Cette opération permet de refléter la réalité de manièremoins déformante et ouvre la voie vers la créativité «réaliste».Appliquée au domaine subjectif elle permet une meilleure con­naissance de soi-même, des autres et une meilleure communi­cation. Elle constitue en elle-même une méthodologie d'observa­tion des faits en posant à la conscience les questions suivantes:«Suis-je vraiment réflexif maintenant ?», «Est-ce bien la réalitéque je vois, que j'entends, ou bien une déformation projectivedont je suis l'auteur?» Le postulat qui sous-tend cette règle estle suivant: «J'ai besoin, pour agir de manière autonome et êtrecréateur, d'être correctement informé sur mon environne­ment extérieur et sur mon monde intérieur.

Exemples:«Ce bébé souffre beaucoup» devient: «Ce bébé pleure»«Attention! tu vas tomber» devient: «J'ai peur que tu tombes»«Tu me rends heureux» devient: «Je me sens bien avec toimaintenant»

Ces règles, qui constituent par ailleurs l'essence même de ladémarche scientifique (Favre, 1991), seront plus détaillées dansla troisième partie. J'espère pouvoir démontrer alors leur carac­tère autonomisant, révolutionnaire et ludique. Pour terminercette présentation je signale que l'emploi de ces règles, quinécessite un apprentissage, permet de développer une sensibi­lité à la qualité de son activité mentale, sensibilité qui incite àvérifier les prémisses de ses raisonnements.

17IntroductionNaissance du quatrième type16

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18 Naissance du quatrième type Introduction 19

Il existe de nombreuses façons de se représenter nos res­sources cérébrales. Probablement parce que je suis neurobiolo­giste, le modèle que je vais décrire est en partie basé sur desdonnées issues de cette discipline. Ce modèle est bien sûr uneapproximation mais il a le mérite de permettre une représenta­tion globale qui ne sépare pas les structures et les fonctions decet ensemble que j'appelerai désormais l'appareil cérébro­psychique.

Les centres nerveux primaires (moëlle épinière, tronc céré­bral, diencéphale) ne sont pas compris dans le modèle présentéici car ils sont programmés génétiquement, donc pratiquementinéducables, et peu différents de ceux dont disposent nos cou­sins mammifères.

Plus intéressante est la partie de notre cerveau qui estprogrammable, déprogrammable et reprogrammable au coursde notre existence. On peut différencier trois systèmes detraitement de l'information qui possèdent cette qualité de plas­ticité et qui traitent de manière spécifique et complémentaireles informations qui nous parviennent de notre environnement,et cecià la suite le plus souvent d'un premier traitement dans lescentres nerveux primaires.

Ces trois systèmes de traitement de l'information sontlocalisables grossièrement au néocortex gauche (cerveau gau­che), au néocortex droit (cerveau droit) et aux structures limbi­que, hypothalamique et mésencéphalique (que je désigneraidésormais par le terme de cerveau affectif et émotionnel).

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jDiencéphale+ une partie du cervelet"

Tronc cerébral

Moelle épinière

Hémisphèrescérébraux

(néocortex)

Cerveau 'a1Iectüet émotionnel

(système limbique+ une partie de l'hypothalamus+ une partie du mésencéphale)

Néocervelet

programmé génétiquement

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programmable par l'expérience

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20Naissance du quatrième type 1

.1Introduction 21

Cerveau gauche et cerveau droit:

Le fonctionnement asymétrique des hémisphères gauche etdroit chez l'Homme a été mis en évidence par de très nombreu­ses expériences; l'une d'entre elles rapportée par Deglin (1976)a consisté à «endormir» un des deux hémisphères chez un sujetnormal et à lui demander de reproduire le dessin ci-dessous:

Le cerveau droit semble être de manière complémentaire lastructure qui traite globalement les informations et qui permetd'en saisir la signification; on reconnaît ici la forme dessinéemais il manque les détails, la précision, les «articulations logi­ques» des sous-parties qui composent le dessin modèle. Letraitement des informations dans ce cas est semi-conscient.

Je partage la position de Sperry (1986) qui postule que «ce

processus bilatéral peut être perçu comme un construit mentalintégré qui, fonctionnellement et en termes de causalité, est qua­litativement différent et supérieur à la somme des activités ducôté droit et gauche et de plus exerce un contrôle causal descen­dant sur les activités nerveuses des deux hémisphères».

Pour résumer, ces deux systèmes de traitement de l'infor­mation sont complémentaires et peuvent fonctionner de ma­nière synergique : l'un, utilisant la logique de l'analyse, per­met l'abstraction et la formulation de lois, de mécanismes,tandis que l'autre utilisant la logique de la globalité, permet lerepérage des fruits de l'analyse par rapport à un contexte ou àun référentiel global.

Les lecteurs soucieux d'en savoir plus trouveront chezPinson, Demailly et Favre (1985), Morin (1987), Pignon (1987)et Tabary (1987), des précisions supplémentaires sur le fonc­tionnement de nos hémisphères. Je tiens néanmoins à signalerque la localisation des systèmes de traitement de l'informationà l'un ou l'autre hémisphère est relative, puisque on a puconstater, à la suite de l'ablation de l'un, que l'hémisphèrerestant, après une période d'adaptation de plusieurs mois,pouvait récupérer une grande partie des fonctions de son ju­meau disparu.

La partie avant de ces deux hémisphères qui constitue leslobes frontaux mérite à mes yeux quelques commentaires carc'est la dernière acquisition de notre espèce au cours de sonévolution. Leur rôle serait de permettre la permanence desperceptions sensorielles en l'absence de stimulus externes etl'organisation de ces perceptions par rapport au temps (Josephet Barone, 1989). Une autre fonction des lobes frontaux est miseen évidence par le test de Wisconsin. La réussite à ce test

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&dessin obtenu lorsqueseul le cerveau droit

fonctionne

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dessin obtenu lorsqueseul le cerveau gauche

fonctionne

oCette expérience et bien d'autres montrent que c'est grâce

au cerveau gauche qu'est effectuée l'analyse de la structure: lesangles droits, les côtés égaux sont-perçus mais la significationglobale échappe au sujet qui ne fonctionne qu'avec son cerveaugauche. Cette partie du cerveau est associée à une logiquedéductive, pas à pas, que l'on attribue au fonctionnement de lapensée consciente. On sait également que le centre du langageabstrait est situé préférentiellement à gauche.

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22 Naissance du quatrième type Introduction 23

Cerveau affectif et émotionnel:Son activité peut en effet moduler celle de tout l'ensemble

évoqué précédemment y compris celui des lobes frontaux dont ilpeut inhiber ou favoriser le fonctionnement. Ce mode de traite­ment émotionnel des situations et des informations est le moinsconscient, mais il ajoute sa coloration en permanence au traite­ment des deux sytèmes précédents.

Autrement dit, chaque information est analysée, replacéedans son contexte et qualifiée dans un registre émotionnel etaffectif. Le fait même de dire <~ene ressens rien» est en soi lesigne d'un traitement émotionnel.

Tout au long de notre vie, et même au cours d'une seulejournée, notre état émotionnel fluctue, atteignant quelquefoisdes extrêmes, ce qui peut être représenté ainsi:

nécessite de trouver la nouvelle règle présentée par chaquenouvelle épreuve, et surtout d'être capable d'abandonner larègle précédente (Milner et Petrides, 1984). Les personnesayant des lésions des lobes frontaux, des symptômes schizo­phréniques ou encore une atteinte dégénérative du cortex fron­tal, ne parviennent plus à se détacher de leur représentation dela première règle pour découvrir les suivantes présentées par letest.

Si le fonctionnement des lobes frontaux est associé auchangement de représentation et peut-être au changement decomportement, comment se fait-il que la plupart des êtreshumains, qui réussissent sans difficulté à acquérir de nouvellesrègles en situation de test, aient tant de difficultés à se séparerd'une idée ou d'une habitude dans la vie quotidienne? Cettequestion nous fait découvrir l'importance concrète d'un troi­sième système de traitement de l'information associé au fonc­tionnement d'un ensemble nerveux : le cerveau affectif etémotionnel.

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Chacun a pu remarquer que dans les extrêmes de l'échelle,désespoir profond ou euphorie, sa capacité à penser et à réagird'une manière adéquate aux situations est très sensiblementaltérée.

Un quatrième outil vient ainsi compléter les trois règlesméthodologiques: l'indicateur émotionnel. Cet outil mentalpermet de se représenter son état émotionnel instantané, derepérer éventuellement les déplacements du curseur, leur sens,et favorise ainsi la connaissance de son état intérieur, et desévénements qui le font varier dans un sens ou dans l'autre. Sinous l'utilisons, nous pouvons par exemplé être prévenus entemps réel sur les risques accrus deprojection et de perte de laréalité qui existent lorsque le curseur pénètre dans les régionsextrêmes de l'indicateur. Il est alors possible, si nous le souhai­tons, d'identifier les causes du déplacement et d'y remédier. Parexemple, si dans une réunion je suis attentif à mon indicateurémotionnel, je peux repérer de manière très rapide les proposi­tions qui me conviennent ou celles avec lesquelles je suis enfausse acceptation.

Interférant favorablement ou défavorablement avec lesdeux autres systèmes de traitement de l'information, l'influencedu travail du cerveau affectifet émotionnel sur celui du cerveauanalytique peut être à l'origine de rationalisations de nos idées,de nos préférences et de certains de nos comportements.

Par ailleurs le cerveau affectif et émotionnel gère notreénergie psychique et ainsi module notre motivation, notredésir d'agir ou de changer de comportement. C'est du fait de sonactivité que l'on «ala pêche»,mais c'est également à cause de luiet de ses programmations que l'on se réveille fatigué alors quel'on vient de dormir dix heures d'affilée...

... et réciproquement.Du fonctionnement de ces trois systèmes, dépendent la

constitution et la modification de notre référentiel indivi­duel, ensemble des représentations que nous possédons surnous-même et sur le monde.

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24 Naissance du quatrième type Introduction 25

Dans quel cas de figure situeriez-vous l'aveugle temporairedécrit plus haut?

Comment acquérir un référentiel ouvert ou vérifier qu'il l'est ?

En utilisant les trois règles méthodologiques mentionnéesplus haut: elles ont pour but de maintenir ouvert notre ré­férentiel individuel et de nous permettre ainsi d'accueillirdes faits nouveaux même ((dérangeants».

Nous, auteurs de ce livre, avons vécu cette aventure avecplus ou moins de facilité et avec des sentiments divers car touteséparation d'avec une certitude bouleverse, inquiète, le monde((s'ouvre» mais qui viendra l'explorer avec nous? Heureusementnous étions deux et heureusement un autre type de sécurité etde logique vient remplacer l'immuabilité de notre façon de nousreprésenter le monde. Lorsque nous laissons s'ouvrir notreréférentiel tout en utilisant les trois règles mentionnées ci­dessus, celui-ci s'unifie peu à peu, et une image globalisante serévèle d'elle-même avec sa logique propre fondée sur sa cohé­rence : telle information colle avec le reste ou elle ne colle pas.Les informations contenues dans ce livre ne sont donc pas pournous de nouvelles certitudes, chacune d'entre elles prise isolé­ment peut être infirmée dans l'avenir.

Cette image composite de soi et du monde se constitue au

cours de notre vie de manière plus ou moins consciente paraccumulation d'expériences, de connaissances et d'émotionsdiverses. En conséquence elle est tout-à-fait unique, commechaque individu. En fonction de nos expériences, de la façondont nous gérons notre sécurité affective, notre référentiel,notre carte du monde, peut être fermé ou ouvert, morcelé ouunifié, spécialisé ou transdisciplinaire.Accueillir des faits nou­veaux dans son référentiel peut être plus ou moins insécurisant,et la fermeture de notre référentiel ou son morcèlement sont desstratégies employées pour éviter la déstabilisation intérieure. Ace sujet, l'exemple le plus spectaculaire que je connaisse m'a étéraconté en 1987 par Edgar Morin. Il concerne la réaction d'unsecrétaire du Parti Communiste anglais à la lecture du rapportKroutchev paru dans les années 50. La représentation idéaleque cet anglais avait de l'application du communisme parStaline s'est trouvée brutalement remise en question dans undocument signé par une autorité qu'il reconnaissait. Militantsincère, il n'a sans doute pas pu tolérer un si grand bouleverse­ment de son référentiel personnel, et il a trouvé une «parade» quin'était pas dangereuse pour sa vie : il est devenu aveuglependant plusieurs semaines. '

La rupture brusque de la cohérence du référentiel indivi­duel, illustrée ici, est à rapprocher du concept de coupureépistémologique formulé par Bachelard (1938). Ainsi une décou­verte importante dans l'univers extérieur ou intérieur peutretentir à terme sur l'ensemble de notre représentation dumonde et de soi et tout notre référentiel individuel est secoué ...Ou bien, s'il est trop rigide, si notre sécurité de base en dépend,les faits nouveaux sont déformés, rejetés ou oubliés, ou les troisà la fois. L'inconvénient d'un référentiel rigide ou fermé résidedans le fait qu'il constitue une «prison» pour l'esprit danslaquelle le prisonnier est aussi le gardien. Quelques types deréférentiel peuvent être identifiés et caricaturalementillustrés:

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REFERENTIELINDIVIDUEL

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Page 14: Thérapies - Naissance du 4ème Type

Un référentiel individuel peut-être par exemple:

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Page 15: Thérapies - Naissance du 4ème Type

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Page 16: Thérapies - Naissance du 4ème Type

30 Naissance du quatrième type Introduction 31

Nous n'avons pas toujours un référentiel ouvert et unifié,sans doute parce que notre apprentissage n'est pas terminémais également parce qu'un référentiel ouvert à cent pour centne permet plus aucune permanence à nos représentations etsans celle-ci, pas d'action possible. Pour cette raison, le messagevéhiculé par ce livre se relativise partiellement puisqu'il consti­tue notre interprétation de la façon dont nous avons perçu etressenti la cohérence de cette image globalisante de l'univers etdu sens que nous lui avons attribué.

Une démarche transdisciplinaireParce que l'Homme a de multiples dimensions, ma démar­

che ne pouvait être que transdisciplinaire* de manière à béné­ficier de l'interfécondation des différents champs disciplinairespour construire une image globale de l'évolution humaine etpour en extraire du sens. Cette démarche ne s'improvise pas,elle nécessite des précautions et un recul épistémologique que lecontexte scientifique classique encore trop monodisciplinaire nefavorise pas toujours. Elle aboutit à la constitution d'un «réfe­rentiel transdisciplinaire».

Un référentiel transdiciplinaire n'est pas un système de

pensée, il représente une «structure d'accueil» potentielle detoutes les grilles de décodage (comme l'est le tableau de Mende­leev pour les atomes). Sa construction implique l'utilisation destrois règles précédentes qui ne sont que des «garde-fous» évitantde fermer notre mode de représentation. La personne acquiertainsi la possibilité de s'auto-informer, l'autonomie acquise ré­side dans le fait que le référentiel transdisciplinaire constitueune carte cognitive évolutive permettant de repérer les nou­velles informations. On comprendra qu'il appartient à chacunde se constituer un référentiel transdisciplinaire.

Ce qui est commun d'un individu à l'autre ce n'est pas le poold'informations (comme c'est le cas pour les spécialistes d'unediscipline) mais la structure (langage assembleur) du référen­tiel transdisciplinaire, structure qui reflète les liens de cohé­rence du réel. L'intérêt d'un référentiel se mesure à la compré-

hension et à l'intelligence nouvelles du réel qu'il introduit etréside dans la qualité des différentiels* qu'il comporte.

Pour comprendre ce qu'est un différentiel, et comment ilintervient dans la prise de conscience, on peut prendre quelquesexemples. Ainsi si l'on veut comprendre ce qu'est le «jour», on sefacilite la tâche en introduisant le concept de «nuit» : le couplejour/nuit est un différentiel. Les hommes se sont construit desinstruments qui permettent de révéler de la différence dans cequi semble homogène. Le prisme en est un exemple: en décom­posant artificiellement la lumière, il nous révéle la multipli­cité des longueurs d'onde qui sont confondues en elle.

De la même façon, le travail de la conscience, en produisantun différentiel, permet d'opérer des distinctions, qui sont àl'origine d'une compréhension nouvelle de la réalité et de la miseen évidence des lieux d'action possibles sur cette réalité.

On comprend donc qu'un différentiel, utilisé dans son domained'adéquation, représente un outil heuristique* extrêmementpuissant et que notre compréhension de l'univers et de nous­même, notre capacité d'agir efficacement dépendent de la qua­lité et de l'adéquation des différentiels que nous utilisons pourappréhender ces réalités, c'est-à-dire pour nous les repré­senter de manière abstraite dans notre univers intérieur.

Les trois règles méthodologiques présentées plus hautpeuvent être traduites en trois différentiels: hypothèse/croyance,critique/systématique et réflexion/projection. J'utiliserai danscet ouvrage de nombreux différentiels tels que: l'aventure del'espèce/l'évolution individuelle; l'enfance/l'âge adulte; ou en­core le régime de pénurie/le régime d'abondance. J'ai égalementintégré dans cette approche transdisciplinaire notre mondeintérieur conscient et non-conscient. Une signification diffé­rente peut alors se dégager, où les paradoxes, dont les consé­quences quelquefois nous déchirent et nous broient, peuventdisparaître.

En résumé, les trois outils conceptuels que je viens de présen­ter se complètent mutuellement: les trois règles méthodologiquessont d'autant plus pertinentes que le modèle de nos ressources

Page 17: Thérapies - Naissance du 4ème Type

32 Naissance du quatrième type Introduction 33

cérébro-psychiques met l'accent sur un traitement de l'informa­tion dépendant d'une part de son repérage dans un référentielindividuel et d'autre part de l'état émotionnel. Enfin l'approchetransdisciplinaire fondée par les deux modèles précédents per­met d'optimiser la pensée en lui permettant de sortir des «ghettosépistémologiques)) représentés par les approches monodiscipli­naires et d'ouvrir de nouveaux champs heuristiques*. Voila

pourquoi il me paraissait nécessaire de m'attarder dans cetteintroduction sur ces modélisations, aussi importantes à mes

yeux que les concepts qui seront développés dans la suite de cetouvrage et qui ont été élaborés à partir d'elles.

Cette présentation méthodologique terminée, je tiens éga­lement à souligner que les hypothèses qui sont présentées dansce livre bénéficient des travaux de nombreux chercheurs etpenseurs d'horizons les plus divers. Mais à aucun moment je n'aicherché à faire une revue exhaustive de chaque domaine abordé.A l'inverse, en utilisant la méthodologie proposée ici, je n'aicessé de constater qu'une grande part de ce que j'avais élaboréavait déjà été décrit ou énoncé... mais de manière fragment6e.

Où se trouve donc mon originalité ?

Elle repose d'abord dans la méthode elle-même qui, enfavorisant à l'extrême les processus heuristiques*, m'a permisde retrouver dans un temps relativement court une partie desconclusions de nombreux auteurs. J'espère toutefois que cer­tains spécialistes de l'une ou l'autre discipline ne se sentirontpas frustrés par une approche qu'ils trouveraient trop superfi­cielle de leur spécialité. De la position épistémologique que j'aiadoptée pour écrire ce livre, j'ai vérifié de nombreuses fois quedifférentes approches sont complémentaires alors que leursauteurs se sont opposés. En effet, l'utilisation de la première etde la deuxième règles méthodologiques permet, en précisant lechamp de validité d'une hypothèse ou d'une théorie, de dépasserdes paradoxes. Leur non-résolution résulte, dans pratiquementtous les cas étudiés, de l'existence de <<préférencesoccultes» ou de«crypto-systématiques» chez les auteurs. Et le conflit conceptuelappelé paradoxe est en fait la conséquence :

- soit d'une opposition entre les pré-supposés implicitesdes différents auteurs et encore plus de leurs disciples;

- soit de constats faits à des niveaux différents de la réalité,qui pourraient faire croire à une incohérence de l'univers et del'être humain.

Ainsi l'originalité de ce travail est également de montrerla cohérence des phénomènes dont l'Univers est le siège,depuis sa naissance jusqu'aux multiples crises que subissent lesindividus de notre espèce en cette fin de vingtième siècle. Uneimage globale, une théorie, de notre évolution et de ses enjeuxdevient perceptible et même mieux, enseignable et utilisable,pour que chacun puisse trouver des solutions qui lui conviennentdans sa vie de tous les jours.

La période actuelle me paraît par ailleurs propice pourpromouvoirrapproche transdisciplinaire des faits, dans la mesureoù nombre de chercheurs sont de moins en moins à l'aise dansleur monodisciplinarité et où l'on assiste de plus en plus fré­quemment à une aventure que j'illustre moi-même ici: sortir desa spécialité et chercher dans d'autres disciplines des complé­ments d'information, des modèles de représentation, des grillesde décodage, de nouveaux «différentiels».A titre d'exemple, lenombre de scientifiques qui abordent la philosophie a augmentéconsidérablement depuis quelques années. Clairement formulépar Stengers et Prigogyne (1981) qui y voient une «NouvelleAlliance», ce mouvement va à mon sens encore s'amplifier et«Naissance du 4ème type» aura nécessairement des compagnonsde route sur le chemin de l'évolution. Ainsi des physicienscomme Hubert Reeves (1987) s'intéressent à la biologie, à lapsychologie et à la métaphysique: «Le rôle de l'espace n'est passeulement, comme le croyaient nos ancêtres d'héberger l'humani­té mais aussi de l'engendrer. Et cela prend beaucoup, beaucoupde place ...» Des psychologues recherchent des modèles explica­tifs en mathématiques ou en biologie.Ce passage de la monodis­ciplinarité vers la transdisciplinarité est toujours inconfortablepour un chercheur, il est également très exigeant et demandebeaucoup de rigueur. Il nécessite donc un «macroscope»commele démontre J. de Rosnay (1977) et de la «méthode»pour nous

Page 18: Thérapies - Naissance du 4ème Type

34Naissance du quatri~me type

approprier l'information et la faire fructifier. Dans sa réflexionsur l'épistémologie de notre façon de connaître, Edgar Morin(1987) montre comment, dans le cas où notre outillage méthodo­logique est imparfait, nous pouvons être attachés à des idées etdes opinions qui à leur tour nous possèdent. Or, il serait utilequelquefois de savoir se séparer d'un préjugé ou d'une croyancepour être plus à même d'y voir clair. Mais se séparer de quoi quece soit n'est pas une aventure facile, toute séparation parrapport à une idée, un objet, une relation, à la fois co(Uequelquechose mais permet aussi de gagner autre chose. D'une manièregénérale,je constate que depuis que l'Univers existe, il y a aucoeur des transformations les plus spectaculaires desprocessus de séparation et d'individuation.

Si les trois premiers types de séparation-individuation ontdéjà été partiellement décrits bien que non reconnus commetels, la séparation et la naissance du 4ème type n'ont été pressen­ties que par très peu d'individus. Ce qu'elle offre à l'Hommecomme perspectives et comme qualité de vie nous motive beau­coup, en tant qu'auteurs, pour partager avec d'autres humainsles fruits de cette prise de conscience; et c'est ce dernier objectifque nous essayons d'atteindre avec ce livre.

1

PREMIÈRE PARTIE

LA SÉPARATION-INDIVIDUATIONDU 1er TYPE

LA COSMOGENÈSE LA PLUSSCIENTIFIQUEMENT PROBABLE

Au commencement la lumière fut ... ainsi débute la Genèse

dans la Bible. Vision multimillénaire, puis simple hypothèse deA. Friedman et G. Lemaître, le «Big Bang» a été promu modèlestandard de la cosmologie en 1965 quand on a pu mesurer, dansl'espace interstellaire, la chaleur résiduelle de l'explosion ini­tiale à l'origine de la naissance de l'univers. A l'heure actuelle lespreuves s'accumulent et valident de plus en plus ce modèle decosmogénèse. Ainsi à!' origine du temps et de l'espace, tout ce quiconstitue l'univers est rassemblé dans un volume très inférieurau millimètre cube (rayon = 10-32 mm), à des températuresénormes, des milliards de degrés (t = 10320 k), les particules etl'énergie ne se distinguent pas et les quatres forces fondamen­tales de l'univers sont unifiées. Très rapidement, en moins detrois minutes, les sous-particules et les particules se formentainsi que les photons, c'est-à-dire la lumière. Le modèle du Big­Bang affiné par Sakharov prévoit la création simultanée departicules et d'anti-particules baignant dans un rayonnementélectromagnétique intense de rayons X. Ce qui est étonnantc'est que la matière ne se soit pas complètement détruite car la

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36 Naissance du quatrième type

rencontre entre la matière et l'anti-matière est fatale: il seproduit une désintégration complète productrice d'énergie. Lescalculs de Sakharov montrent qu'un milliardième de la matièrepeut échapper à cette destruction. L'univers révèle donc dès sacréation une asymétrie sans laquelle nous ne pourrions exister.Il fallait en effet que la matière se distingue de l'énergiepour que l'espace et le temps puissent exister à leur tour,c'est ce qui constitue la séparation du premier type et «nous»coûte l'éternité.

Cette séparation commencedonc par une explosionénorme :imaginons la désintégration quasi-simultanée d'une masse unmilliard de fois plus grande que celle de toutes les galaxies et lesétoiles de l'univers actuel. Le fantastique «pétard» aurait explo­sé il y a environ 15milliards d'années, lançant tout cequi existedans une expansion spatiale fulgurante qui atteindrait actuel­lement mille milliards d'années-lumière de diamètre. La sépa­ration des forces fondamentales de l'univers (à savoir la gravi­tation, l'électromagnétisme, les interactions nucléaires faibleset fortes) qui s'est produite quelques secondes après la nais­sance de celui-ci est donc essentielle: grâce à elle un milliar­dième de la matière survit à l'holocauste et commence uneaventure singulière, la fusion nucléaire, à l'ïntérieur des proto­étoiles (Spielberg, 1978;Andrillat et coll, 1988). ,

LA COMPLEXIFICATIONET L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

Comme cela pourrait se produire avec un jeu de construc­tion, les noyaux des atomes fusionnent mais de plus ils dégagentune énorme énergie: le rayonnement solaire en est un exemple.En simplifiant on peut dire que, dans le type de réaction qui seproduit dans le coeur d'une étoile, deux atomes d'hydrogènes'associent et apparaît alors un élément nouveau: l'hélium.Trois atomes d'hélium font de même, l'atome de carbone seforme à son tour. Par fusions successives, la matière se recom­bine avec elle-même, fabrique ainsi tous les éléments, lesatomes de l'univers dont Mendeleev a su si bien assurer la clas­sification dans son célèbre tableau. Remarquons donc que ledéterminisme inhérent aux particules élémentaires (proton,neutron, électron et photon) est suffisant pour produire desatomes nouveaux dont les propriétés uniques naissent avecl'association de ces particules ou de ces noyaux d'atomes. Dèsson apparition, la matière, par autoconstruction, secomplexifie, se différencie, bref évolue selon cet uni·versel schéma. La séparation du premier type a ainsipermis à la matière de s'individuer à travers la formationd'atomes de plus en plus complexes.

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LA SATURATION DES POSSIBLES «POSSIBLES»

J'ai parlé de déterminisme, je ne veux pas dire que tout estdéterminé. La physique quantique montre bien que tout n'estpas déterminé, que telle particule n'est pas «destinée» à rencon­trer telle autre. Le déterminisme dont je parle résulte del'observation du fait que les associations de particules ne seproduisent pas n'importe comment et «obéissent» à des lois phy­siques et énergétiques non contournables. Autrement dit, danscertaines conditions de température et de pression, les noyauxd'hydrogène en s'auto-associant ne peuvent produire QUE lacentaine d'éléments prévue par la classification de Mendeleev.Le cas du carbone est remarquable. On pensait il y a quelques

années que ce constituant fondamental des molécules du vivantpouvait être remplacé par un autre corps possédant des proprié­tés chimiques comparables mais d'une masse différente, commele silicium par exemple. Aujourd'hui on sait que ce n'est paspossible, car l'atome de carbone a des dizaines de propriétésuniques qui en font le seul candidat possible pour permettre lacomplexification de niveau supérieur que sont les macromolécu­les des êtres vivants.

En effet, quand on l'étudie de près, on s'aperçoit qu'ilintroduit à son tour de nouveaux déterminismes, de nouvelles«règles» à laquelles devront «obéir» les autres atomes en saprésence. Le carbone est en effet tétravalent, ce qui signifie qu'ilaccepte de se lier avec quatre atomes seulement; on ne pourralui en faire accepter un cinquième. De même ses préférencesnaturelles vont vers l'azote, l'hydrogène, l'oxygène ou tout autre

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40 Naissance du quatrième type

atome de carbone. Notre corps est ainsi constitué par ces atomesnés à des dizaines de millions de degrés dans ces matricesqu'auraient été les premières étoiles (Spielberg, 1978).

Si je décris les événements initiaux qui ont affecté notreunivers, c'est parce que j'ai besoin, pour la suite et le but de cerécit, de mettre en évidence des lois fondamentales qui, fauted'avoir été explicitetnent formulées, passent souvent inaper­çues.

Nous venons ainsi de voir que la séparation initiale desforces fondamentales de l'univers rend possible son auto­complexification et l'apparition de structures différen­ciées, aux propriétés uniques, que le niveau d'organisa­tion précédent ne permettait pas de prévoir.

L'EAU: DES PROPRIETÉS UNIQUES

Voyons ce qui se passe quand on aborde le niveau suivant decomplexification, c'est-à-dire la formation des molécules, etprenons comme exemple le cas de l'eau - H20 -. On peuts'étonner des conséquences de la rencontre de deux gaz auxpropriétés complètement différentes: l'hydrogène et l'oxygène.Sitôt qu'ils s'unissent, une molécule nouvelle naît, l'eau; avecelle émergent des propriétés originales grâce auxquelles la vieva pouvoir se développer; la molécule d'eau est tellement singu­lière dans son comportement que je ne résiste pas au plaisird'évoquer une de ses spécificités. Elle présente en effet uneanomalie étonnante: c'est un des seuls corps qui soit plusvolumineux à l'état solide qu'à l'état liquide. Grâce à cela laglace flotte sur l'eau. Imaginons que l'eau solide soit plus denseque l'eau liquide, la glace couleràit, s'entasserait au fond desocéans où elle ne se réchaufferait plus, la majeure partie de l'eaude la Terre existerait alors sous forme de glace entassée dans lesrégions polaires et au fond d'océans réduits; le reste de laplanète ne serait sans doute plus qu'un désert. Heureusementelle flotte ...

La complexification de la matière, ici le passage du degré destructuration atomique à celui des molécules, s'accompagneainsi de propriétés nouvelles qui naissent alors spontanément,de manière transcendantale puisque le stade d'organisationsuivant contient, tout en les dépassant, les stades d'orga­nisation précédents:

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42 Naissance du quatrième type

Totalement étrangères à celles des gaz qui la composent, lespropriétés de l'eau ont émergé de leur union. L'eau transcendeles gaz qui la composent parce qu'elle les associe et leur succède.Il va en être de même des autres molécules simples commelegazcarbonique (C02), le méthane (CH4), l'ammoniac (NHs)' etc.

La matrice de ces molécules est également un «lieu chaud»puisqu'elles naissent dans les entrailles des volcans qui exis­taient en grand nombre sur la Terre peu après sa formation.

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LES BRIQUES DE LA VIE

Il Ya environ quatre milliards d'années l'atmosphère ter­restre, dont la température était beaucoup plus élevée qu'àprésent, contenait principalement de la vapeur d'eau, du mé­thane et de l'ammoniac. La Terre n'était pas la planète bleuequ'elle est aujourd'hui puisque l'atmosphère ne contenait pasd'oxygène libre. La couche d'ozone (Os) n'était pas là non pluspour arrêter les rayons ultraviolets dont les plus puissants sontbactéricides. La Terre était à cette époque parfaitement stérile.

Stanley Miller, un physicien américain, recréa en 1952 l'at­mosphère terrestre primitive en laboratoire (cf.Dickerson, 1978).Son expérience réalisée d'abord clandestinement nous fait vivreune réalité plus fantastique que la fiction. A partir des molé­cules utilisées par Miller, la chimie moderne peut synthétiserdes millions de molécules organiques différentes. Pourtant lors­qu'on soumet ce mélange de gaz à des décharges électriquessemblables à celles produites par un ciel d'.orage, c'est la sur­prise: on n'obtient seulement et très préférentiellement quequelques types de molécules qui sont précisément les éléments­briques permettant la construction des cellules vivantes : lesacides aminés constituants des protéines. Mais Miller n'a pascréé la vie car les molécules obtenues sont présentes pour moitiésous la forme D(l)et pour moitié sous la forme Vl), alors que la

(1) Les acides aminés possèdent un atome de carbone dit asymétrique parce qu'il est lié àquatre radicaux différents. La propriété de cet atome de carbone est de dévier la lumièrepolarisée soit vers la droite (dextrogyre = forme D) soit vers la gauche (lévogyre = forme L)selon la distribution spatiale de ces liaisons.

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44 Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 1er type 45

caractéristique des molécules constitutives des êtres vivants estd'être toujours de la forme L. Il est à signaler d'ailleurs que cechoix ne relève pas du hasard car ces deux formes d'une mêmemolécule, bien qu'elles possèdent des propriétés physiques etchimiques comparables ne sont pas exactement symétriques.La sélection de la forme L est un phénomène actif des méca­nismes de la vie et ne cesse d'ailleurs qu'avec celle-ci: dans lestissus très minéralisés comme les dents, la proportion desformes D et L tend à s'équilibrer avec le temps.

Miller aura par la suite de nombreux successeurs. Bard(cf.Ferrara, 1979) a plus récemment montré que la lumièresolaire contenait à elle seule l'énergie et l'information permet­tant en présence d'argile de faire la synthèse des vingt acidesaminés.

De même que les briques ne sont pas la maison, les acidesaminés et les acides nucléiques ne forment pas une cellulevivante. On croit connaître tout de même certaines des circons­tances (Thomas, 1977; Boureau, 1985) qui ont permis la nais­sance de la première cellule vivante. En effet la planète est àcette époque bombardée par les rayons ultra-violets et le seulabri possible, c'est l'eau. La profondeur idéale au développe­ment de la vie semble être celle à laquelle la lumière solairepénètre sans risquer de détruire les molécules complexes, envi­ron 9 à 10 mètres. Les océans ne peuvent convenir car ils sontagités par des courants et marées et ne contiennent pasd'argiles. Celles-ci servent de catalyseurs aux réactions biochi­miques grâce aux métaux qu'elles renferment. Les argiles nic­kelifères, selon Lawless (cf.Ferrara, 1979),agissent commedesaimants en attirant les acides aminés et en les accrochant lesuns aux autres. Les argiles riches en zinc ont une grande affinitépour les composants de l'ADN et jouent le même rôle. On saitégalement que dans ce milieu très stable, les lipides s'organi­sent spontanément pour former des sphères limitées par unemembrane qui rappelle beaucoup celle des bactéries.

Ainsi depuis qu'il s'est formé, l'univers ne cesse d'extério­riser une aptitude à s'auto-organiser, à se complexifier et às'individuer. Achaque pas, véritable «saut qualitatif», des pro-

priétés nouvelles «transcendantales» émergent, créantainsi de nouveaux déterminismes. Déterminisme et hasardsemblent ainsi indissociables et interdépendants l'un de l'autre.

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L'UNIVERS N'EST PAS CE QUE L'ON CROYAIT!

Il est temps, me semble-t-il, de se débarrasser de quelquessystématiques et philosophies pessimistes. Hubert Reeves nousy invite en nous amenant à constater combien on avait étérapide et systématique en généralisant le concept de l'entropieau fonctionnement général de l'univers. L'entropie est unefonction de désordre. Un bout de bois qui brûle par exemple vafournir de l'énergie, de la vapeur d'eau, divers autres gaz, descendres et une augmentation de l'entropie puisque de la struc­ture, de l'ordre, ont été «perdus» localement. Reeves (1987, p.70)résume ainsi la pensée que C. Levi-Strauss exprime dans«Tristes tropiques» (1955) :«Dans la nature tout se "déglingue" etl'être humain ne fait qu'accélérer ces processus destructeurs.L'holocauste nucléaire s'inscrivait d'une façon quasi logiquedans un tel mouvement. Autant en finir rapidement avec cettecourse absurde vers la ruine et le néant. A la question du sens dela réalité et de la vie humaine, l'auteur répond sans ambiguïté:elles n'en ont aucun et toute impression contraire est à mettre aucompte d'une vaste illusion qu'un regard approfondi se charge dedémentin>. Notons au passage que ce type de pensée pessimisten'est pas un exemple isolé, il témoigne de la désillusion qui signla fin du scientisme triomphant du 19ème siècle. Je reviendrui.sur ce phénomène plus tard quand j'aurai un peu rempli lubéance temporelle qui sépare l'époque dont je parle mainioDll.nidu courant existentialiste des années 50. «Tout est à l'envers»écrit Reeves (1986, p.88) par rapport à cette conception qu'onappellait «entropiste» d'un univers uniquement orienté vors lu

Page 25: Thérapies - Naissance du 4ème Type

48 Naissance du quatrième type

mort thermique. C'est au contraire l'édification progressive,auto-accélérée, au cours des âges de ce que Reeves appelle «lapyramide de la complexité» que l'astronomie, la physique et lachimie et la biologie nous donnent en spectacle. «Loin de descen­dre des dieux, nous sommes le résultat d'une longue ascension.Nous émergeons d'une lignée d'ancêtres où nous reconnaissons,tout à tour, et en ordre chronologique inversé, les primates, lesreptiles, les poissons, les cellules, puis, auparavant, les molécu­les géantes, les molécules simples, les atomes, les noyaux, lesnucléons et les particules élémentaires du Big Bang.»

Un autre physicien de renom, T.X. Thuan (1986) conclutainsi un de ses articles, illustrant à sa façon la modification dela vision de l'univers : «En attendant, il nous faut tirer notrechapeau bien bas à l'Univers. A partir d'une purée initialeparfaitement homogène, le niveau zéro de l'organisation, il a su,en dépit de notre ignorance, engendrer des galaxies, des étoiles,des plantes, des animaux et des hommes dont les moléculesd'ADN représentent l'un des plus hauts degrés d'organisation.Au désordre le plus complet, il a substitué cet ordre de la plusgrande complexité que représente la vie.»

Entropie et néguentropie (création d'ordre, d'organisation)cohabitent donc dans notre univers, il n'est donc plus de mode nid'être optimiste ni pessimiste, la réalité est sans doute plus belleque la fiction.

Ce n'est cependant pas encore «l'heure de s'enivrer». Nousarrivons à un moment crucial, les macromolécules prébiotiquessont là, probablement entre neuf et dix mètres au fond d'un lacargileux à l'abri des impitoyables rayons U.V:B.

Tout est prêt pour la «séparation-individuation du secondtype», événement moins spectaculaire que le Big Bang maisqualitativement aussi important: c'était il y a 3,4 milliardsd'années!

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LA SÉPARATION-INDIVIDUATION DU 1er TYPE •••ENBREF!

Quelques minutes après le «Big Bang», l'énergie et lamatière se séparent, se distinguent l'une de l'autre quandl'univers commence à se refroidir, il y a quinze milliards d'an­nées. La matière et l'énergie restent alors en étroite relation etcela tant que la température de l'univers n'aura pas atteint lezéro absolu. Avec la perte de l'éternité et de l'immuabilitépeuvent alors exister le temps et l'espace tridimen­sionnel. Au cours du temps c'est la matière qui va se complexi­

fier (particules, atomes, molécules, macromolécules), s'indivi­duer* et donc évoluer. Cette complexification se fait par auto­addition des particules élémentaires : 1 proton + 1 électron =1 atome d'hydrogène; 2 atomes d'hydrogène = 1 atome d'hélium;3 atomes d'hélium = 1 atome de carbone, etc.

La complexification fait apparaître des propriétésnouvelles spontanément.

L'atome de carbone a des possibilités d'ajustement molécu­laire que n'ont pas les atomes d'hélium qui ont servi à saconstruction. Mais le nombre et les caractéristiques possiblesdes liaisons sont déterminés. Toutes les combinaisons théo­riques ne sont donc pas possibles. C'est grâce au champ limitédes possibilités uniques d'association du carbone avec les autresatomes que va apparaître la vie.

Page 26: Thérapies - Naissance du 4ème Type

SECONDE PARTIE

LA SÉPARATION-INDIVIDUATIONDU2èmeTYPE

La séparation du 2ème type divise l'univers connu en deuxparties très inégales. Elle a lieu lorsque une sphère de phospho­lipides a emprisonné juste ce qu'il fallait de protéines, deglucides et d'acides nucléiques pour permettre une auto-organi­sation suivie d'ùne auto-réplication. La première cellule vivanteest née au moment où une fragile membrane phospholipidiquede sept nanomètres d'épaisseur a séparé l'univers, désormaisextérieur, d'un univers «intérieur» capable de se reproduired'abord, puis d'évoluer ensuite. Une infime partie de l'univers­de ce que les biochimistes appellent la «soupe moléculaireprimitive» - s'est donc isolée, différenciée du reste en acqué­rant cette possibilité nouvelle qui est de maintenir et perpétuersa «forme» et donc sa capacité à s'auto-organiser.

La matière venait par là-même de gagner une autonomie,un degré de liberté supplémentaire, considérable et «révolution­naire». Mais cette autonomie a un prix car la séparation dusecond type donne également naissance à la mort. Un simplecalcul montre que de banales bactéries, se dupliquant toutes lesdemi-heures, mais qui seraient «immortelles», occuperaient enquelques jours un volume plusieurs fois supérieur à celui de laTerre. Très rapidement ce processus «cancéreux»aurait épuisé

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52 Naissance du quatrième type

toutes les ressources nutritives de la planète et l'aventure de laVie se serait arrêtée à son début. Paradoxalement donc, pourque la Vie puisse continuer à se manifester, il fallait que lesindividus soient mortels. Ainsi la mort des êtres vivants permetà la Vie de se survivre à elle-même et de se complexifier.

Les connaissances actuelles des phénomènes biochimiquessuggèrent fortement que tout ce qui vit sur notre planèteprovient d'une première cellule qui était sans doute une bacté­rie; comme l'oxygène gazeux n'existait pas encore, il s'agissaitplus précisément d'une bactérie anaérobique telle que la métha­nobactérie, la plus ancienne forme de vie que l'on connaisseactuellement. Tous les êtres vivants sont en effet des cousinsplus ou moins éloignés comme le montre la parenté de leursprotéines et l'identité de certains de leurs gènes.

Je me propose donc de raconter rapidement cette aventurequ'a été la constitution de la grande famille des êtres vivants.Les biologistes appellent cette aventure l'Evolution. Celle-cisaute aux yeux de celui qui donne au phénomène de la vie sa4ème dimension: le temps.

L'ÉVOLUTION: UNE HISTOIRE ANCIENNE QUINOUS TOUCHE DE PRÈS

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54 Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 2~metype 55

obtient un arbre généalogique émouvant qui contient potentiel­lement tous les êtres vivants de cette planète, (comme le fait letable au de Mendeleev pour les atomes de l'UI~ivers).Une versiontrès simplifiée de l'arbre généalogique des êtres vivants estprésentée ci-après (figure A).

Si l'évolution est comparable à une mèche qui brûle avec letemps, elle «brûlait» il y a 700 millions d'années pour l'amibe, ily a 450 millions d'années pour les poissons et il y a 35.000 anspour accoucher de notre espèce. Ainsi l'espèce Homo sapienssapiens, la nôtre, a des caractéristiques somatiques apparem­ment fixéesdepuis au moins trente mille ans. L'évolutionéchappedonc irrémédiablement à l'expérience, elle ne peut recommen­cer à zéro, les conditions dans lesquelles se trouvait la Terreavant l'apparition de la Vie ayant radicalement changé. L'exa­men de l'Evolution m'incite à penser que l'écoulement du tempsest irréversible ...

Pour mieux comprendre l'Homme, regardons l'aventure dela vie depuis son début il y a 3,4 milliards d'années sur cetteplanète «bleue»que les hommes ont appelé la Terre.

Avant que la Vie n'apparaisse, l'atmosphère de la Terre neressemble pas à celle que l'on connaît aujourd'hui, elle estchaude, riche en gaz carbonique, en ammoniac, en méthane eten vapeur d'eau, le ciel est noir car l'oxygène n'est pas encoreprésent dans cette atmosphère primitive. L'oxygène constitued'ailleurs un poison mortel pour les formes de vie de cetteépoque.

Pourtant quelques cellules mutantes comportant une molé­cule spéciale, la ~hlorophylle,vont libérer l'oxygène en utilisantl'énergie solaire pour briser la molécule de gaz carbonique.Défiant les lois de Darwin qui ne peuvent s'appliquer ici, la viestrictement anaérobique avait inventé son propre «poison»,l'oxygène. De nos jours, l'oxygène de l'eau oxygénée est encoreutilisé pour détruire la très ancienne bactérie responsable dutétanos. Autre exemple: depuis 9000 ans l'humanité s'obstine àlabourer ses sols agricoles et donc à exposer à l'air libre desbactéries qui fixent l'azote et dont les enzymes (nitrogénases)sont inhibées aujourd'hui encore par 0,01 % d'oxygène. En

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bouleversant la stratigraphie des micro-organismes, les agri­culteurs se condamnent à devoir enrichir eux-mêmes la terre enazote et illustrent ainsi de manière problématique le fait que lavie Sur la Terre a été anaérobique pendant plus d'un milliardd'années.

Cependant l'oxygène libre n'a pas que des inconvénients,c'est aussi un excellent capteur d'électrons libres. En débarras­sant la cellule de ses électrons à bas niveau d'énergie, il luipermet d'avoir un métabolisme élevé, cequi sera indispensablepour le fonctionnement du système nerveux des êtres vivantspluricellulaires. L'oxygèneest libéré progressivement, et quandles premiers organismes pluricellulaires apparaissent sur laTerre il y a 700 millions d'années, sous forme d'algues, d'épon­ges, de méduses et de coraux, il y a 1 % d'oxygène dansl'atmosphère terrestre. Les 10 % ne seront atteints qu'à l'èretertiaire il y a 60millions d'années environ. Certains biologistespensent d'ailleurs que ce taux d'oxygène était nécessaire pourque le développement explosif des Mammifères se produise,alors que leur apparition remonte à 220 millions d'années.

Les indices de cette extraordinaire coordination tempo­relle au cours de l'évolution du viv.antpullulent; le plus specta­culaire est celui du peuplement des terres émergées. Il seproduit de façon synchrone pour les trois branches principalesde l'Arbre de la Vie: pour les mousses et les fougères qui serventde protection et de nourriture à des populations de mollusqueset de crustacés, et aussi dans notre embranchement, celui desvertébrés, où ce sont les amphibiens qui vont tenter l'aventure.

Plusieurs problèmes doivent être résolus pour réussir lasortie de l'eau: une respiration aérienne, des membres pour sedéplacer, une commande nerveuse spéciale pour s'adapter à lapesanteur: le tonus musculaire. Remarquons qu'il s'agit ici del'acquisition d'unè plus grande autonomie par rapport à lapesanteur, qui continue bien évidemment à s'exercer sur lesamphibiens, et non d'une indépendance qui laisserait supposerque ceux-ci sont devenus insensibles à cette force. Ceci mepermet d'introduire le concept de non-dépendance associéà la conquête de l'autonomie.

Page 29: Thérapies - Naissance du 4ème Type

-35000ans

................~.~.r:..l!l.~!TIm!t~~~-220millions

.............~.~~~.p.I.9.r.r~~..9...Q.~i.~?~- 280...............................::].~.':"~p.~!!~~-~20

millions

~ AMPHiBIENS.................................................-380sortie de l'eau millions

~ POiSSONS

.................................1~~..~~~.tti?r.~-501 0

~~ mil ions~ PROCORDES--__*ECHiNODERI1ES

CORAUX ET I1EDUSES

_ - .:J.~:.~..p.!~:.!.~~!!~!~!.~~~.-700milliOhs

cellules complexes

...................I.~?~r9.~i.?!"!..?~...l:.~.~:-(~~rl~- 2,2miliaras

cellules simples

--= 'BAcrERi~S

..........................................foRttATioN bE LA -1ère. (EWJLE (méthanobacrerie) -3,6................................................FoRHATiOI\l I>E LA T~~E -4,6...................................................FOt(HAriotJ DU SOLEi L. , - 5 à 6

miliards

FOO' r·................................................ ,...t1AT/ON DE L UNIVERS ; -15miliaras

Fig. A - L'ARBRE DE LA VIE

L'étude des espèces animales et végétales ainsi que l'évaluation de la date d'apparition de ces espèces grâce aux données de lapaléobiologie, permetde schématiser l'évolution comme un arbre qui se serait développé avec le temps, dont lesfeuilles constitueraient autant d'espèces de parenté plusou moins proche selon qu'elles sont situées sur un même rameau ou des rameaux éloignés, et dont les branches et le tronc-le bois-représenteraientles processus évolutifs. Aucune espèce n'est réellement à l'origine d'aucune autre de la même façon qu'une feuille ne donne jamais naissance à uneautre feuille.

Page 30: Thérapies - Naissance du 4ème Type

58 Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 2ême type 59

Il faut également régler les problèmes de la non-dépen­dance par rapport au besoin d'eau. La première justification del'ingestion d'eau chez un organisme est de permettre l'excrétiondes déchets azotés. Pour des animaux aquatiques tels les pois­sons, l'azote catabolique est excrété sous forme d'ammoniaquetrès toxique pour la cellule, cet inconvénient étant compensé parla possibilité qu'ontles poissons d'excréter un très grand volumed'eau. La Nature va résoudre de deux façons complémentairesce problème: d'abord en permettant l'excrétion de l'azote sousforme d'urée ou d'acide urique, beaucoup moins toxique pour lacellule que l'ammoniaque, et ensuite en mettant en place unecommande neuro-hormonale qui permet de récupérer l'eau desurines au niveau des reins et de la recycler dans le sang.L'importance de cedernier dispositif, qui est conservé chez tousles vertébrés supérieurs, apparaît lors d'une maladie baptiséediabète insipide où la dépendance par rapport à l'eau est mise enévidence: le malade doit absorber au moins 20 litres d'eau parjour pour compenser un volume presque équivalent d'urine.

Plus tard et toujours de manière synchrone, apparaît chezles oiseaux et les mammifères un ensemble d'aptitudes nou­velles qui leur permettent de réguler leur température. Lesoiseaux et les mammifères sont alors équipés pour coloniser tousles territoires de la planète quelle que soit leur latitude (l'An­tarctique par exemple) ou leur altitude, quels que soient lasaison et l'éclairement.

L'inconvénient d'un récit détaillé est qu'il nous fait perdre lavision d'ensemble de ce phénomène coordonné et autoré­gulé au cours du temps que l'on appelle l'Evolution.

Alors résumons (tableau 1) qualitativement les faits:1. La première cellule permet l'apparition d'un milieu inté­

rieur séparé par une membrane du milieu extérieur. Ce milieuintérieur est de plus capable d'auto-réplication, son contenudevient ainsi moins dépendant du monde extérieur.

2. Les bactéries acquièrent un flagelle qui leur permet dedevenir «auto-mobile», leur autonomie s'accroît.

3. Avec l'apparition des organismes pluricellulaires arrive

la possibilité de la spécialisation cellulaire. Des cellules muscu­laires, osseuses, sanguines, épidermiques, glandulaires et enfinnerveuses vont se différencier chez les animaux. Les cellulesnerveuses sont très importantes puisque leur premier rôle estde mettre en communication le monde extérieur avec lemilieu intérieur et réciproquement. Cette communicationse développera ensuite grâce à des comportements de plus enplus complexes et des performances de plus en plus grandes.

4. Avec la sortie de l'eau est acquise une plus grandeautonomie par rapport à la pesanteur.

5. Le gain d'autonomie par rapport à l'ingestion d'eau estparticulièrement visible chez les reptiles qui peuvent coloniserles déserts les plus arides.

6. Legain d'autonomie par rapport à la température internes'extériorise chez les oiseaux et les mammifères qui vontconquérir la planète entière.

7. Chez une variété de primates anthropoïdes peu différentsgénétiquement du gorille ou du chimpanzé, Homo habilis,émergent des comportements nouveaux non program­més par la Nature.

Avant d'achever cette description de l'évolution des indivi­dus et des espèces, il faut évoquer une question fondamentale:et si tout cela n'était qu'une construction de l'esprit, une théo­rie parmi d'autres possibles?

Afin d'atténuer un doute désagréable, il suffit de regarderl'embryogenèse d'un être vivant situé en «bout»d'évolution. Parexemple celui d'un insecte, ou de vous et moi. En effet, la seuleimage, saisissante malgré son imprécision, que nous puissionsavoir de l'Evolution se découvre lorsqu'on observe le film dudéveloppement embryonnaire et larvaire d'un individu appar­tenant à une espèce située en bout de branche sur l'Arbre de laVie: celle-cidoit posséder, si la théorie de l'Evolution est exacte,des «souvenirs», codés dans ses cellules, des caractéristiquescommunes aux espèces qui l'ont précédé et qui ont préparé sonémergence dans une certaine mesure. Et c'est bien cela qu'onpeut observer : ainsi, pendant leur développement embryon-

Page 31: Thérapies - Naissance du 4ème Type

naire, les insectes se segmentent transversalement et chaquesegment - anneau - possède une paire d'appendices, commeen possèdent de nombreux vers adultes. Ces appendices vontrapidement dégénérer à!'exception des appendices céphaliquesqui constitueront les pièces masticatrices et de trois paires depattes situées sur le thorax. Quant aux formes larvaires, ellesressemblent le plus souvent à des vers (ver blanc du hanneton)ou à des insectes primitifs (qui ne muent pas et gardent un peul'aspect de larves) ou bien encore à des crustacés. Les insectes aucours de leur développement ressemblent étonnamment à leurslointains cousins et prédécesseurs, vers ou crustacés, alorsqu'ils s'en différencient très nettement à l'âge adulte. Pourdéceler la parenté entre une mouche et un ver de terre il suffitd'observer le petit asticot qui éclot d'un oeuf de mouche.

De même le développement du foetus humain récapitule enquelques mois cinq cents millions d'années d'évolution (Figure B).Quand l'embryon est âgé de quelques semaines, il est pourvu defentes branchiales comme un poisson et d'arcs branchiaux quiconstituent primitivement le squelette des parois latérales dupharynx. Ces arcs branchiaux formeront par la suite d'autresstructures telles que les osselets de l'oreille moyenne, certainsos de la mandibule ou encore l'épiglotte qui ferme la trachée lorsde la déglutition. Toutes les ébauches embryonnaires mêmelorsqu'elles ont perdu leur rôle premier sont réutilisées par laNature pour former des organes nouveaux. Le foetus humainpossède une queue comme tous ses cousins mammifères et, versle huitième mois de gestation, est entièrement recouvert d'unlong duvet, le lanugo, qui disparaît peu avant la naissance. Cephénomène est également frappant dans l'ordre d'apparitiondes fonctions motrices chez le jeune enfant (tableau 2), ordre quiest précisément celui de l'émergence des voies cérébro-spinalesau cours de l'Evolution. Ce type de comparaison a également étéeffectué par Doman, cité par Veras (1982). L'évolution de l'indi­vidu humain (son ontogenèse) retrace donc bien les grandeslignes de l'évolution des groupes animaux (phylogenèse) quinous ont précédés. La loi de Haeckel peut être à nouvea u utiliséesi l'on prend soin de préciser que ce qui nous relie, nous autres

EVOLUER, C'EST GAGNER EN AUTONOMIE

Autocréation de la

- 3,4 milliardsMéthanobaetérieCréation d'un milieu inté-1ère cellule et

rieur séparé par une mem-autoréplication

brane de la "soupe" macro-moléculaire primitive (quidevien t le milieu extér~eur) 1

SEPARATION DU 2è TypEInvention du

- 2,5 milliardsFlagellésPossibilité d'auto·flagelle

déplacement. Gain d'auto·nomie dans la recherche dela lumière, de la nourriture

Individus

- 800 millionsEpongesSpécialisation cellulaire: lespluricellulaires

Médusesperformances biologiquesAlgues

cellulaires sont amélioréesnotamment au niveau descellules nerveuses

Sortie de l'eau

- 380 millionsAmphibiensRégulation nerveusepermettant l'adaptation à lapesanteur (tonus musculaire)

Colonisation des

- 150 millionsReptilesRégulation neuro-hormonalemilieux non·

(HAD) permettant la non-aquatiques

dépendance par rapport à l'ea].1

Thermo-régulation

- 80 millionsMammifèresRégulation neuro-hormonal.eOiseaux

et comportementale quipermet à l'animal d'étendreses périodes d'activité à toutle nyctémère et à tous lesclimats

Emergence de la

- 4 millionsHomo habilisNon-dépendance par rapportconscience.

aux instincts, la partie duDébut de

cerveau la plus récentel'évolution

devient éducable. Apparitionculturelle et

de comportements nonpsychique

programmés génétiquement(création d'outils et langagesabstraits)SEPARATION DU 3è TYPE

Arrêt apparent de

- 35.000 ansHomosapiensDémarche pédagogiquel'évolution géné-

sapiensempirique visant à utilisertique. L'évolution

les ressources de notrepsychique et cultu-

1 cerveau (apprentissage)relIe se poursuit

TABLEAU 1

Il

1

i

'1l1

l,')"

La séparation-individuation du 2éme type 61

Page 32: Thérapies - Naissance du 4ème Type

La séparation-individuation du 2~me type 63

Sciences et AvenirHors-Serie n° 17

Fig. B - PHOTO DE FAMILLE

1° Les premiers stades du développement embryonnaire des Vertébréssupérieurs (Mammifères) sont peu différenciés d'une espèce à l'autre etrappellent les formes des Vertébrés inférieurs.20 Les formes embryonnaires des Vertébrés inférieurs sont peu différentesdes formes adultes, c'est l'inverse pour les Vertébrés supérieurs.

humains, aux autres vertébrés, cesont les stades embryonnairescommuns sur le plan morphogénétique. Ainsi, au départ de savie intra-utérine un être humain potentiel est un organismeunicellulaire (oeuf) puis un pluricellulaire; plus tard il a desfentes «branchiales», un système cardiaque de type reptilienavant d'être celui des mammifères, il devra lui aussi sortir del'eau, etc.

Pour terminer ce tour d'horizon de l'évolution des êtresvivants dont nos cellules conservent indubitablement le souve­nir, il nous faut définir la Nature à partir des faits que l'onconnait : la Nature est un ensemble de déterminismescoordonnés et auto-régulés dans le temps et dans l'es­pace;une autre façon de parler de l'autorégulation dans l'espacec'est de parler de la symbiose (cf.Droscher, Thomas, Lovelock,RusselL.).

Page 33: Thérapies - Naissance du 4ème Type

LE DEVELOPPEMENT DU FOETUS HUMAINRECAPITULE EN QUELQUES MOIS

CINQ CENTS MILLIONS D'ANNEES D'EVOLUTION

Voie cérébro-1

Fonction1

Apparition au Date d'entrée enspinale (1)

cours de lafonctiondansphylogénèse*

l'ontogénèse*d'un être humain

Réticulo-spinale

1 Commande de laCyclostomes2 à 3 mois demusculature axiale

(lamproie)gestation

Vestibulo-spinale 1 Orientation parPoissons

8 mois de gestationrapport à la

peut-être plus tôtpesanteur

Tecto-spinale1 Commande des

ReptilesPériode de laOlivo-spinale

mouvements de la naissancetête dans l'espace. Orientation de latête dans la mêmedirection

quele

regard ou l'ouïeRubro-spinale

1 Commande de la 1 Oiseaux14è à 6è mois

musculaturepost-natal

proximale (racines des membres)Cortico-spinale

1 Commande de laPrimates19è moismusculature

(chimpanzé)post-nataldistale (extrémités

(commande dedes membres)

l'index seul)

Homme

s'achève vers 15 à(commande de la

16 ans mais lemusculature de

cerveau humaintous les doigts,

reste "plastique",(1) Fibres nerveuses

des muscles dupeut fabriquer deconduisant les

cou, de la languenouveaux circuitsordres moteurs en

et des cordesnerveux jusqu'àpro-venance de

vocales)sa mortcertaines régions du cerveau vers lamoëlle épinière

TABLEAU 2

LA SYMBIOSE:la vie ensemble à profit mutuel

Tout ce qui vit sur la planète, saufl'Homme par certaines deses activités depuis le néolithique, participe à la symbiose telleque je viens de la définir. Les êtres humains semblent en effetêtre «sortis» de l'écologie planétaire où ce qui vit.est coordonnéet autorégulé.

Depuis quelques années, sous l'impulsion de J. Lovelock,inventeur de l'hypothèse Gaïa, un nombre de plus en plusimportant de scientifiques appartenant à des disciplines di­verses se proposent d'étudier la biosphère comme un tout(appelé Gaïa), un méta-organisme capable d'évoluer (R. Dubos,1979). Ce qui pose des questions épineuses : comment unsystème peut-il se concevoir lui-même et s'organiser? Existe-t­il un plan «caché» et où ? Lovelock et Epton (1975) vont très loinen posant ainsi le problème : «Gaïa peut-elle se passer del'Homme? Avec lui, elle possède l'équivalent d'un système ner­veux central et une conscience d'elle-même et du reste de l'uni­vers ...»

Dans la nature, aucune cellule, aucun organisme ne vitseulement pour lui-même; certaines cellules. se contractenttoute leur vie pour que l'organisme soit alimenté en oxygène etnourriture, et des cellules intestinales meurent tous les jourspar milliards dans le processus de la digestion pour que les60.000 milliards d'autres, qui composent notre corps, vivent.

Page 34: Thérapies - Naissance du 4ème Type

66 Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 2lrM type 67

Pourtant chez un organisme pluricellulaire, toutes les cellulesont la même information génétique de base. La symbiose estpartout présente, à l'échelle de la planète comme à celle d'uncorps ou même à celle d'une cellule puisque les mitochondriesqui nous fournissent notre énergie étaient à l'origine vraisem­blablement des bactéries symbiotiques (Margulis et Sagan, 1985).Sèule la cellule devenue cancéreuse, qui a d'ailleurs des «pro­blèmes de communication» avec les autres cellules (Yamasaki etcoll., 1987) se développe pour son <<proprecompte» et échappe àla symbiose. Les cellules cancéreuses régressent, se dédiffé­rencient, se comportent un peu comme des cellules embryon­naires. Mais il s'agit ici d'un suicide puisque l'organisme entierva mourir, et non d'un processus de développement.

Parvenu à ce moment de sa lecture, le lecteur commence-t­il à visualiser l'image globale de la Vie et de l'Evolution? Si c'~stle cas, il n'aura aucune difficulté à constater qu'en passant dusimple au complexe les organismes vivants extériorisent ungain d'autonomie sans cesse accru au cours du temps, ce qui setraduit par une moindre dépendance par rapport auxconditions extérieures.

Les mécanismes de cette évolution sont complexes et malconnus. Ils mettent en jeu des facteurs d'ordre non-apparentsdont l'observation n'est guère possible puisqu'ils appartiennentau passé de cette planète. En revanche ce que l'on peut dire aveccertitude, c'est que le darwinisme, les lois de Mendel, ou touteautre théorie aléagénétique ne sont pas suffisants pour rendrecompte de tous les sauts qualitatifs qui permettent le gaind'autonomie. Il suffit de lire ce qu'en dit Pierre-Paul Grassé(1971), biologiste qui possède une vision globale du mondeanimal, pour s'en rendre compte. «Nombre infini de mutations(mille pages ne suffiraient point pour décrire les seules muta­tions formatrices de l'oeil), apparition au stade adéquat, étroitecorrélation entre elles : voilà les exigences de l'organogenèse.Comment le hasard peut-il les satisfaire? (...) Ce n'est pas d'unemutation qu'il s'agit mais de milliers et encore de milliers. Il afallu que ces mutations apparaissent à point nommé, quand le

«besoin» s'en faisait sentir. Les mutations concernant l'oeil ontforcément dû se produire en même temps que celles qui mode­laient les lobes occipitaux à vocation visuelle. La zone striée deces lobes, dans les hémisphères cérébraux, correspond anatomi­quement et physiologiquement à la rétine. Les évolutions desdeux ont obligatoirement été solidaires et leurs jonctions dans lescorps genouillés ont dû aller de pair, sinon l'ensemble n'aurait puêtre fonctionnel. (...) Quelle pluie, quel déluge de mutations! Etn'oublions pas, surtout, que l'organisme a varié en bloc,(I)ila donc fallu que des mutations en nombre faramineux, gigantes­que, seproduisent en même temps, soient adéquates à la fonctionde l'organe et se coordonnent, ce qui dans la nature actuelle ne sevoit jamais.»

Par expérience (pinson et colL 1985, pp. 258 à 260), je saisqu'il est plus facile de critiquer le darwinisme que de proposerune explication qui ne soit infirmée par aucun fait connu. Jetrouve cependant important de préciser le domaine de validitéd'une théorie. Voici ce que Darwin exprime, au début du cha­pitre de «L'origine des espèces» qui traite de la sélection natu­relIe: «Nous pouvons être sûrs que toute variation quelque peunéfaste sera impitoyablement détruite. Cette préservation desvariations favorables, et le rejet de celles qui sont néfastes, jel'appelle sélection naturelle.»

Ainsi, le darwinisme explique l'évolution par une multitudede mutations au hasard des êtres vivants. Seules les mutationsfavorables aux individus seraient retenues, la sélection «natu­relle» éliminant les autres ... Comme on le voit tout repose surl'infaillibilité de la sélection naturelle. Or celle-ci, en réalité,n'est pas infaillible: 7 % des mutations neutres ou défavorableschez l'animal et 17 % chez le végétal échappent en temps normalà son action éliminatrice (Godron 1984). Mais si l'on examine lesmutations favorables, c'est encore la surprise: les travauxrécents d'auteurs tels que Cairns et coll. (1988) semblent mon­trer que des bactéries peuvent élaborer des mutations quifavoriseraient leur survie en réponse à une modification artifi-

(1) C'est moi qui souligne.

Page 35: Thérapies - Naissance du 4ème Type

68 Naissance du quatrième type

cielle de leur environnement. Ce type de mutation bénéfiqueéchappe aux lois du hasard basées sur la simple agitationthermique des molécules. Ces résultats traduisent ainsi uneaptitude, chez des organismes aussi primitifs, à modifier et àenrichir de manière non aléatoire leur héritage génétique afinde pouvoir mieux survivre.

Enfin, à l'heure actuelle, de nombreuses simulations infor­matiques montrent que si les théories aléa-génétiques sontpresque suffisantes pour expliquer la microévolution, elles«s'essouflent» pour rendre compte de la macroévolution.Le hasard «pur~)favorise toujours des processus simpli­ficateurs et entropiques, ou bien il n'est pas pur...

DÉTERMINISMES ET JEUXDANS UÉVOLUTION

L'évolution décrite dans l'Arbre de la Vie est le fruit del'action de déterminismes qui l'ont orientée dans le sens d'unecomplexification et d'une autonomie croissantes des espèces quila jalonnent. Mais, si ces déterminismes sont responsables duplan général de l'évolution, de la macroévolution visible au«macroscope», ils n'influencent pas la réalisation des détails, lamicroévolution dont le «soin» est laissé au hasard.

Des théories récentes en thermodynamique et en biochimieattirent l'attention sur le fait que «le vivant fonctionne loin del'équilibre, (...) dans un domaine où les processus producteursd'entropie, les processus qui dissipent l'énergie, jouent un rôleconstructif, sont source d'ordre» (Stengers et Prigogine,1979).Ces processus peuvent être décrits comme des fluctuations quireflètent l'agitation de la matière et notamment des molécules.Ainsi, la génétique a mis à jour les règles aléatoires de larecombinaison des informations innées. Le brassage chromoso­mique obéit à des lois statistiques appelées communément «loisdu hasard». En fait, les recombinaisons génétiques se font «auhasard» mais toujours dans les limites du «jeu» que permettentles déterminismes macroévolutifs.

L'exemple dujeté de dé va nous aider à y voir clair: lors d'unjoté, le dé a une chance sur six de tomber sur une face donnée,

Page 36: Thérapies - Naissance du 4ème Type

70 Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 2~metype 71

le trois par exemple. Le jeté du dé, tout comme la recombinaisongénétique, ne semble relever d'aucun ordre, puisque toutes lespositions sont équivalentes. Le hasard plutôt qu'une ab­sence d'ordre, est une absence de «contre-ordres». Eneffet la probabilité d'obtenir une des faces du dé est déterminéepar la construction même du dé : il a six faces, non pas cinq, nonpas sept. Un autre exemple souvent cité est celui d'une boîtecontenant de petits aimants : lorsqu'on agite cette boîte, onintroduit du déséquilibre, des fluctuations hasardeuses, et lors­qu'on l'ouvre il est possible d'aperçevoir des figures régulièresformées par l'association des aimants. Est-ce de l'ordre «fabri­qué» par le hasard? Non car il suffit de remplacer les aimantspar des morceaux de métal de forme identique mais non aiman­tés pour constater que l'agitation de la boîte n'entraîne pasl'appartition de figures ordonnées.

Les déterminismes macroévolutifs sont comparables auxrègles de construction qu'il faut appliquer pour obtenir un dé ouun aimant; une fois celles-ci posées, le jeté de dé, l'agitation desaimants, comme la redistribution des gênes obéissent approxi­mativement au hasard. Au niveau cellulaire, la vision au micro­scope des échanges et des réactions chimiques ne permet pasd'en voir la cohérence et tout semble se passer de façon désor­donnée. Le milieu cellulaire est le lieu de fluctuations nombreusesloin de l'état d'équilibre, fluctuations qui constituent les jeuxnécessaires à l'auto-organisation. Il est nécessaire de s'éloignerun peu de ce microcosme que constitue une cellule pour s'aper­cevoir que le tout, l'organisme, forme une image cohérente. Dela même façon, si l'on regarde un tableau avec des jumelles ense plaçant à deux mètres de lui, est-on impuissant à rien saisirde son sens et de la beauté née de sa cohérence.

Le hasard apparaît ainsi dans son rôle.d'agent de l'évolu­tion. Il en est un serviteur idéalement neutre, impuissant àmodifier quoi que ce soit dans le plan préétabli. Les détermi­nismes macroévolutifs coordonnés, dont le meilleur synonymeest le mot Nature, ne doivent pas intervenir partout. L'évolutionorientée par certains déterminismes n'est rendue possible quepar le jeu qu'ils autorisent. Un système complètement déter-

miné ne pourrait évoluer, il ne pourrait qu'effectuer in­définiment les actes pour lesquels il a été programmé.

L'existence de processus biologiques obéissant aux loisstatistiques est un indice du fait que les déterminismes naturelsne sont sans doute pas absolus et que ce sont précisément cesdegrés de liberté*, ces jeux qui permettent à une dynamiquegénératrice d'évolution de s'installer. De même qu'un engrenageprivé de (~eu» (usiné parfaitement) ne saurait fonctionner, lesmécanismes de l'évolution, même s'ils sont moins hasar­deux qu'on ne l'avait pensé, ne peuvent s'actualiser quesi les lois statistiques (du hasard) jouent.

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HASARD ET INTELLIGENCE

L'élucidation plus précise du rôle du hasard dans la créationdes formes nouvelles au cours de l'évolution, va nous permettremaintenant de clarifier les relations entre comportement etintelligence. Etre en vie et le rester signifie qu'à l'échelle molé­culaire, physiologique et comportementale se font des milliersde «choix». La méthode essai-erreur, qui est une extrapolationau niveau comportemental du darwinisme, constitue une formed'apprentissage mais nous verrons que ce n'est pas la seule.

C'est dans les faits, c'est-à-dire en observant ses comporte­ments, qu'il est possible d'évaluer «l'intelligence» d'un orga­nisme biologique aussi primitif qu'une bactérie ou un champi­gnon. On peut définir l'intelligence naturelle dont tous les êtresvivants sont pourvus comme une aptitude aux choix biologi­quement justes, l'erreur exerçant une sélection négative aucours de l'évolution. Inversement, les animaux qui après avoircessé d'évoluer, ont survécu pendant des centaines de millionsd'années, ont bel et bien démontré leur aptitude à effectuer deschoix justes. A cet égard, l'amibe est intelligente comme lemontre une expérience toute simple: lorsqu'elle se déplace pourchercher sa nourriture, elle n'absorbe parmi toutes les substan­ces disponibles que celles qui présentent un intérêt nutritionnelpar rapport à ses besoins et à ses possibilités digestives. Si on luiprésente les particules de carbone composant une microgoutte

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74 Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 2éme type 7S

d'encre de chine, elleva les absorber, puis les restituer au milieuextérieur car elle ne peut pas les digérer. Si on réitère l'expé­rience,l'amibe se détourne des particules de carbone et ne tenteplus de les absorber. Cet être unicellulaire peut déjà:

1) effectuer un choix en fonction des -informations extérieures,

2) s'adapter au mieux pour sa survie en enrichissant son milieuintérieur d'information de façon à ne pas renouveler une expé­rience nuisible ou inutile. J'en conclus que l'aptitude à êtrecorrectement informé sur son univers conditionne la possibilitéd'effectuer des choixjustes.

Autrement dit, la sensibilité et la mémoire sont les condi­tions préalables à l'actualisation de comportements intelligentspotentiels.

Cette définition de l'intelligence «naturelle» éclaire un pointtrès important: tout être, s'il a pu conserver sa vie, est intelli­gent. Il fait preuve comme tout ce qui est vivant d'infaillibilitétant que son environnement extérieur, sa niche écologiquen'estpas brutalement modifiée. «Vivre c'est choisir et l'intelligence estl'aptitude aux choix justes» disait L.D. Steiner (cité par J. Dartan,1977). Cette aptitude existe également chez des êtres pluscomplexes que l'amibe. De nombreux récits illustrent le fait quele choix n'est pas toujours conséquent à un essai-erreur maisrelève d'un mécanisme «d'insight» oud'apprentissage en un seulessai ce qui permet de mieux comprendre l'équilibre dynamique(homéostasie) de la symbiose planétaire. Là encore je vaisprendre quelques exemples.

Il y a trente ans déjà, un couple d'ornithologistes allemands(8auer et Sauer, 1960) démontra grâce à un planétarium quecertains oiseaux migrateurs comme les fauvettes utilisaient laposition des étoiles pour se repérer dans leur voyage entrel'Europe et le Soudan. S'interrogeant sur l'origine du «savoir»qui permet à ces oiseaux de migrer, ces zoologistes ont faitcouver artificiellement des oeufs de fauvette et chaque oiseau aété élevé sans jamais être en contact avec un de ses congénères.Placé dans le planétarium de Brême, l'oiseau qui n'avait encorevu ni ciel, ni soleil, ni étoile, a été effrayé quand les étoiles ont

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été «allumées»,vers la fin septembre. Cette peur s'est cependantdissipée et la fauvette élevée par des humains a commencé àsautiller sur son perchoir pour s'orienter vers le sud-est commele font lors de leur départ toutes les autres fauvettes, qu'ellessoient sous un planétarium ou dans la nature sous de vraiesétoiles. Elles volent dans cette direction la nuit - sauflorsqueles nuages masquent les étoiles les plus brillantes - et celajusqu'au moment où se présente la configuration stellaire setrouvant à ce moment-là de l'année au dessus de l'île de Chypreen Méditerranée. Alors coup de théâtre, elles changent dedirection et prennent plein sud. La fauvette orpheline, commeles autres, «savait» de manière innée changer de direction. Sil'on prolonge par un trait la direction du sud-est, on tombe enplein désert d'Arabie. Puisqu'elles ne peuvent ni se nourrir niboire ni se reposer au dessus de la Méditerranée, leurs réservesénergétiques sont au plus bas quand elles ont fini de traverserla mer. Le désert est doncmortel pour cesoiseaux épuisés. Si desfauvettes ont fait «l'erreur» de continuer vers le sud-est, il estvraisemblable qu'elles n'ont pu transmettre le fruit de cet «es­sai--erreur» fatal. Seules ont survécu celles qui ont bifurqué àtemps et qui ont enregistré la position des étoiles au dessus deChypre ainsi que le changement de direction pour le transmet­tre, vraisemblablement par voiegénétique, à leurs descendants.

Il existe un grand nombre de situations où les organismesvivants ne peuvent utiliser ni les ressources d'une appréciationde probabilité ni celles d'un apprentissage essai-erreur. Dansle monde végétal, ces situations relèvent de la pré-adaptation:comme le font les fruits, d'autres végétaux utilisent les besoinset les «goûts»d'un consommateur précis pour assurer la meilleuredispersion de leurs semences. En biologie animale, l'étude desparasites (Combes, 1983)nous apprend que certains vers plats(Leucoclostridium paradoxum) après s'être introduits chez telescargot (hôte intermédiaire), quittent son tube digestif pourgagner ses tentacules, les «cornes». Ceux-ci augmentent devolume et s'annellent; la biochimie cellulaire de l'escargot estmodifiée puisque les cornes vont prendre des couleurs chato­yantes avant de se détacher du mollusque, et de tomber à terre.

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76 Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 2ême type 77

Ces sacs bourrés de larves de parasites, ont alors la formegénérale, les couleurs et même les mouvements désordonnés dechenilles. Ils sont devenus un mets irrésistible pour une espècede passereaux dans lesquels les parasites se reproduiront. Cen'est qu'à ce moment qu'ils pourront éventuellement faire béné­ficier leur descendance de leur «expérience». L'utilisation d'unhôte intermédiaire peut nous sembler une stratégie compliquéealors que ces parasites pourraient être ingérés directement parun oiseau ou un mammifère local comme un lièvre, mais c'estoublier que la plupart des passereaux sont migrateurs, et que ladispersion de la descendance de ces parasites est ainsi beaucoupplus importante. Ce sans-faute, réalisé par des individus dontl'espèce est apparue des dizaines de millions d'années avant lesoiseaux et mettant en jeu des dizaines de mutations selon uneséquence rigoureuse, ne peut relever seulement d'un phéno­mène aléatoire.

Je pourrais multiplier les récits et montrer que l'astuce du«cheval de Troie» d'Ulysse a déjà été utilisée par la Nature bienavant le célèbre grec; mais on ne peut convaincre avec desexemples, tout au plus et c'est mon but, rendre plausible l'hypo­thèse qu'il peut exister une forme d'intelligence naturellequi organise, régule, coordonne tout ce qui est vivant.

Le dernier exemple nous touche de près, c'est celui de notrecorps. Imaginons que nous nous entaillions le doigt. Des cellulesmeurent dans cet accident et de nouvelles cellules sont fabri­

quées quand commence le travail de réparation. Mais puisquetoutes les cellules de notre corps possédent les mêmes informa­tions génétiques, comment celles-ci peuvent-elles savoirqu'elles doivent devenir cellule osseuses, conjonctives ou épider­miques et comment connaissent-elles la place qu'elles doiventprendre dans l'espace pour remplacer le tissu endommagé? Lafréquence de ce fait est telle qu'il a cessé de nous étonner.Pourtant cette énigme est encore presque entière et motive lesbiologistes car elle contient de plus le secret de la cancérisation.

Je propose donc, à titre d'hypothèse, d'accepter la possibi­lité d'existence à un niveau cellulaire d'un système de traite­ment des informations concrètes et d'appeler ce système «intel-

ligence naturelle» puisqu'il permet de faire des choix et par làmême d'inventer des formes et-ou des comportements. Je n'aipas dit bien sûr que ces choix étaient faits consciemment,je n'aipas dit non plus qu'ils étaient motivés par une «volonté»; depuisle Big-Bang rien ne montre qu'il y ait besoin d'une «inter­vention extérieure». Apparemment, il y a tout ce qu'il fautdans l'Univers dès le début.

Il y a pourtant un «moteur» chez les êtres vivants apparusavant l'Homme. Ce moteur on l'appelle souvent «l'instinct» : ceterme désigne à la fois un contenu informationnel (dessavoir-faire et un dispositif biologique capable de traiter de l'in­formation concrète), mais également le moteur de vie quipousse à se nourrir, à se reproduire, à se défendre, bref à resteren vie. C'est pour cela que je voudrais, après la symbiose et l'in­telligence naturelle, évoquer l'évolution des mécanismes de lamotivation dans le règne animal.

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L'ÉVOLUTION DES MÉCANISMES DE LAMOTIVATION DANS LE RÈGNE ANIMAL

Après les premiers pluricellulaires animaux, éponges etcoraux, deux voies sont alors adoptées par la Nature (cf.l'Arbrede la Vie, pp. 56-57) :

- Le superphylum insecti/êreCette branche de l'arbre de l'évolution prend naissance avec

les annélides et culmine avec les insectes sociaux. Tout au longde la constitution de ce superphylum, la primauté est donnée àl'émergence d'instincts et à leur renforcement. Ces ins­tincts déterminent des comportements innés programmés favo­risant ainsi la survie et même l'hégémonie de l'espèce. Lesinstincts se multiplient et se précisent au fur et à mesure de lacroissance de cette branche pour atteindre chez les insectes undegré de complexité qui fait notre admiration. Les insectesnaissent avec un bagage de comportements adéquats à laplupart des situations de leur vie, comportements auxquels ilsne sont pas libres de se soustraire. Il y a peu de possibilitésd'apprentissage et pratiquement aucune liberté de désobéir auxordres innés.

L'évolution s'est achevée ici avec l'apparition des insectesqui mutent, s'adaptent mais n'évoluent plus depuis plu­sieurs dizaines de millions d'années. Les insectes fossilisés sont

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80 Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 2ême type 81

identiques «au poilprès» aux espèces qui survivent de nosjours :entre temps, grâce à la diversité de leurs formes (plusieursmillions d'espèces recensées actuellement), ils sont parvenus àcoloniser tous les milieux naturels (terre, eau, air) y compris lesautres organismes vivants en développant le parasitisme. Lesespèces les plus évoluées ont formé des communautés d'indivi­dus dont la survie et la reproduction sont assurées par uneorganisation complexe et hiérarchisée.

Le cas de l'individu appartenant à une société d'insectes aété bien décrit par R. Chauvin (1969) :une fourmi ou un termiteisolés extériorisent relativement peu de savoir-faire innés etleur observation ne permet pas de comprendre le fonctionne­ment quasi-infaillible d'une termitière ou d'une fourmillière.C'est seulement l'ensemble de la société d'insectes quiextériorise une intelligence lorsque ses membres sontmûs par des instincts sociaux symbiotiques. Dans cecas lavie en société transcende les aptitudes individuelles de la mêmefaçon qu'un organisme humain transcende les aptitudes descellules qui le composent. La cohérence de ces sociétés d'insectesest obtenue grâce à la circulation de phéromones entre sesmembres et les naissances sont régulées en fonction de lapopulation et des ressources de la communauté. Comme chez lesvertébrés les plus évolués (oiseaux, mammifères), les insectessociaux entourent de soins attentifs leur progéniture de façon àla soustraire le plus possible au hasard.

Tous ces prodiges et bien d'autres encore sont rendus possi­bles par la grande adaptabilité des ordres instinctifs qui guidentle comportement de ces organismes.

- Le superphylum hominifèreOn assiste au contraire dans cette voie, depuis les échino­

dermes (oursins, étoiles de mer) jusqu'à l'Homme, à un relâche­ment progressif de la «pression» des instincts sur le comporte­ment de l'individu. Certains de ces instincts laissent place, chezl'Homme en particulier, à ce qu'on appelle des «pulsions» (ali­mentaire, sexuelle, ...), informations innées moins coercitives

que les instincts. La primauté est donnée à l'individua­tion : chaque individu devient autre que les autres. Plus lapression des mécanismes innés se relâche et plus les ex­périences éducatives acquièrent de l'importance à telpoint que l'évolution biologique va se poursuivre par uneévolution psychique, ce que nous verrons dans la troisièmepartie.

Une structure nouvelle apparaît en effet exclusivementdans le cerveau des vertébrés et évolue avec eux : les circuitsnerveux de renforcement. Ils ont été pour la première foisdécrits par Olds et Milner en 1954.Ayant placé une électrodedans une partie ancienne du cerveau appelée le système limbi­que (noyau du septum) et stimulé électriquement l'animal, iciun rat, ils ont observé que celui-cirevenait obstinément dans lapartie de la cage où il se trouvait quand ses neurones ont été ex­

cités par l'expé­rimentateur.

Lorsque lerat s'est stimu­lé lui-mêmeune premièrefois grâce aulevier sur le­quel il appuie(dessin ci-con­tre), il recom­mence et nes'arrête plus at­teignant par­fois le rythmede 100 autostimulationspar minute.

J. Olds, ScientifieAmerican, oct. 1956

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Ce fut une expérience bouleversante, pour Olds qui devintcélèbre par cette découverte, et pour le rat qui en mourut. Quand

je demande à mes étudiants en licence de psychologie de quoi,pu mourir le rat, j'obtiens comme première réponse: «parélectrocution». Cela est impossible, le courant est très faible, df~l'ordre d'une stimulation physiologique. Puis, inévitablemen.i~chaque année, on me dit que le rat meurt de plaisir et d'épuise­ment, ce qui évidemment ne peut être cause de la mort maismontre l'influence durable d'une culture moralisée!

Un rat placé ainsi en situation d'autostimulation connaîtpeut être du plaisir mais comment le savoir? Ce que l'on voitc'est qu'il recommence son acte de stimulation et que la nourri­ture, pas plus que l'eau ou les partenaires sexuelles «compétentes», ne peuvent le distraire de son activité. Le rat dans ce casmeurt donc de déshydratation ...

Une définition peut être ainsi tirée des faits expérimentaux.Les circuits de renforcement positif du comportementsont des circuits nerveux dont la stimulation entraîneune répétition du comportement qui a provoqué cettestimulation.

Ce type d'expérience a montré que la motivation issue de lastimulation «directe» de ces circuits était plus puissante queles pulsions: soif, faim, pulsion de reproduction ... Et que bio··logiquement l'instinct n'est plus seul à la source de la motivationchez les mammifères, tels que le rat, le chien ou le singe. Et toutporte à croire selon les expériences de Delgado (1976) qu'en cequi concerne ces circuits, les hommes sont fabriqués comme desrats: nous en verrons plus loin les conséquences.

Présents dans de nombreuses régions du cerveau, associésau fonctionnement des circuits utilisant la sérotonine, la nora­drénaline et surtout la dopamine, ces circuits de renforcementpositif du comportement modulent de nombreux comporte­ments naturels chez l'animal, comme l'alimentation ou la sexua­lité. Ils sont directement associés à la sécrétion des endor­phines, morphines naturelles secrétées par le cerveau, compor­tent des récepteurs moléculaires aux substances opiacées etpeuvent être stimulés par des substances toxiques (morphine,héroïne ... mais aussi alcool) (Wise, 1987; Gold et Roehrich, 1987).

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Je tiens cependant à mettre l'accent sur le caractère artifi­ciel de la mise en évidence par Olds des circuits de renforcementpositif chez l'animal, caractère artificiel qui apparaît lorsqu'onla compare à d'autres situations expérimentales.

L'étude des causes de l'alcoolisme humain par exemple a né­cessité la recherche de modèles animaux pour mieux compren­dre le phénomène de la dépendance par rapport à l'alcool.L'expérience suivante a permis d'établir le rôle rèspectif descomportements instinctuels et celui des circuits de renforce-ment positif.

1. On constate que le rat et de nombreux autres animauxprésentent une toxicophobie naturelle (c'est également vraipour le jeune enfant). Dans des conditions normales, l'alcool neles attire pas du tout.

2. Si ces animaux sont forcés à ingurgiter régulièrement del'alcool, ils vont manifester les signes extérieurs de la dépen­dance alcoolique: attirance pour l'eau alcoolisée plutôt que pourl'eau normale et réactions de sevrage (agitation anormale,dilatation des pupilles, tremblements ...) lorsque l'accès à l'al-cool est supprimé.

3. Cependant il n'a pas été possible de reproduire chez l'animalle modèle de l'alcoolisme humain, car si on laisse le choix entreeau alcoolisée et eau normale à un rat rendu préalablement

dépendant depuis cinq à sept semaines, l'animal va progressive­ment diminuer sa consommation d'eau alcoolisée au profit del'eau normale pour finalement ne plus consommer que celle-ci(Le Bourhis, 1988).

Cet exemple montre que l'alcool administré de force chez lerat peut introduire une dépendance temporaire impliquant lefonctionnement des circuits de renforcement positif. Mais l'ani­mal dans ce cas, contrairement à l'expérience d'Olds, n'est pas«court-circuité» par l'électrode directement implantée dans cesstructures nerveuses. Sous l'effet de son intelligence naturelle

qui l'amène à choisir une nourriture non toxique pour sescellules, l'animal se détourne progressivement de l'alcool.

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84 Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 2ême type 85

L'alcoolisme humain est à l'évidence un phénomène pluscomplexe, impliquant des structures nerveuses, mais égale­ment le psychisme à travers le plaisir et notamment leplaisir mémorisé par un individu au cours de son existence. Onpeut également se demander si la prise d'alcool se fait dans lebut de se procurer un plaisir ou dans celui de corriger un état demal-être plus ou moins chronique, mal-être dont l'animalsemble, dans la plupart des cas, exempté ...

Dans des circonstances plus naturelles, on peut observer lefonctionnement des circuits de renforcement positif à travers lephénomène d'empreinte. Celui-ci a été maintes fois décrit chezles oiseaux. Il décrit l'attachement spectaculaire du nouveau-néà un objet en mouvement présenté immédiatement après l'éclo­sion de l'oeuf. Ce peut être un carton, un chat, ou un biologiste !On comprend l'intérêt d'une telle procédure «d'attachement» cardans l'environnement naturelle premier «objeten mouvement»est le plus souvent la mère. Je relie ce phénomène d'imprégna­tion à la mise en route des circuits de renforcement positif parceque le retrait de l'objet, sur lequel s'est fixé l'animal et dont il nes'éloigne plus, provoque chez celui-ci une grande détresse quel'on retrouve dans le syndrome de sevrage.

Mais il y a plus : plusieurs exemples d'imprégnation pré­coce, observés chez les mammifères, démontrent la force despulsions en jeu et surtout la prégnance de ces premières expé­riences sur toute la vie de l'animal. Les voici résumés parJ.D. Vincent (1986) : «Si les mamelles de la mère (rate) sontlavées au détergent, lespetits ne sont plus capables de les trouveret de s'Y crocher. Mais, en badigeonnant ces mamelles troppropres avec du liquide amniotique prélevé lors de l'accouche­ment, les petits peuvent alors téter. L'accrochage des petits auxmamelles n'est pas le seul fait de ceux-ci. La mère lèche le liquideamniotique qui recouvre les nouveaux-nés et se lèche ensuite lesmamelles; les petits, par l'odeur attirés, se dirigent vers elle et s'Yaccrochent. La substance responsable, ou phéromone, a été iso­lée; il s'agit du bisulfite de méthyle, que l'on trouve égalementdans la salive de la mère et des petits, d'où les léchages récipro­ques qui renforcent l'attachement. On peut masquer l'odeur

naturelle par celle, synthétique, du citrol. Lorsqu'on injecte cetteessence dans la corne utérine de la mère, quelque temps avant lamise bas, les petits vont se fixer électivement sur des mamellescitrolées et, à choisir entre plusieurs mères, ils adopteront celledont les mamelles ont été accommodées au citrol. L'histoire nes'arrête pas là. Devenus grands, les rats noueront des affinitésélectives avec des rates dont le vagin a été parfumé au citrol. Desanimaux ayant eu l'expérience du citrol dans leur plus jeune âgemettront deux fois plus de temps à éjaculer avec des femelles sanscitrol qu'avec des femelles citrolées.»

Il est à noter que l'attachement dans lemonde animal relèvele plus souvent d'un processus «bijectif»:la mère devient mater­nelle sous l'influence de ses petits. En effet, si l'on présente defaçon répétée et pendant plusieurs jours de suite des ratonsnouveaux-nés à une rate vierge ou à une femelle qui n'a plus depetits, celles-ci refuseront d'abord puis finiront par adopter uncomportement maternel, suivi bientôt d'une montée de lait(Montagnèse, 1986).

Il semble important de retenir que, prenant le relais de lamotivation d'origine instinctuelle, les circuits de renforcementpositif donnent à «l'expérience vécue» un grand poids, car il estdans leur nature de reproduire un comportement qui les astimulés. Au cours de l'évolution des vertébrés et contrairementà ce qui s'est passé dans le superphyllum insectifère, l'instincts'efface au profit de moteurs nouveaux au service del'expérience individuelle. Par expérience individuelle il fautentendre la recherche de nourriture, celle d'un territoire, d'unhabitat ... ainsi que l'expérience sexuelle avec un partenaire«sélectionné».Le nombre de degrés de liberté* augmente chez lemammifère avec la contrepartie suivante: parce qu'il n'estqu'incomplètement informé par ses instincts, lejeune demande,pendant que son système nerveux est plastique et jusqu'à samaturité, des soins nombreux et une éducation. La diminutiondu guidage instinctuel représente le préalable et le complémentindispensable de cette plasticité nerveuse, car à quoi bon avoirun cerveau éducable si l'instinct commande toujours avec lemême programme ancestral!

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86 Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 2tme type 87

Cependant, les circuits de renforcement positif pourraient,s'ils existaient seuls, être aussi enfermants que l'instinct quantà la reproduction d'une conduite. On peut mesurer cet enferme­ment chez le malheureux - ou bienheureux - rat d'Olds qui,comme tous les individus «court-circuités» ainsi, ne peuvent querépéter le même acte, impuissants à y mettre fin.

Dans le dispositif normal et naturel, la fonction des circuitsde renforcement positif est modulée par celle des circuits derenforcement négatif découverts· à la suite des premiers parDe Molina et Hunsperger (1962). Ces derniers sont définiscomme des circuits dont la stimulation entraîne la non·répétition du comportement qui a provoqué leurstimulation. Ces circuits utilisent comme médiateur principall'acétylcholine, sont plus ou moins antagonistes des précédentset ils sont associés à des sécrétions hormonales comme l'A.C.T.H.(hormone adrénocorticotrophique), dont l'effet au niveau du cer­veau est ressentie chez l'homme comme anxiogène. Ils fonction­nent naturellement quand la répétition de l'action induite parles circuits de renforcement positif est rendue impossible parune modification de l'environnement, par exemple lorsque ce­lui-ci devient dangereux. Les circuits de renforcement négatifconstituent donc les structures qui permettent le change·ment de comportement, ils sont eux aussi activés lors d'expé­riences et tout à fait complémentaires des circuits de renforce­ment positif.

Pour illustrer le fonctionnement de ces circuits, imaginonsune souris en quête de sa nourriture. Un concours de circons­tances et une odeur alléchante l'amène sur la troisième étagèrede votre placard de cuisine, là où vous rangez vos fruits secs.Comme cette nourriture est «bonne» pour sa survie, ses circuitsde renforcement positif sont activés. Elle va répéter son compor­tement, c'est-à-dire le cheminement qui l'a amenée à s'inviterdans votre garde-manger. Imaginons maintenant que, n'ayantaucune envie de partager vos noisettes avec ce petit rongeur,vous introduisez après son premier passage un chat dans votrecuisine. Si la souris n'était mue que par ses circuits de renforce-

ment positif, elle continuerait à venir grignoter dans votreplacard, même si elle avait détecté l'ennemi ... jusqu'à ce quemort s'ensuive. Grâce à ses circuits de renforcement négatif, ellepeut changer de comportement et explorer un autre environne­ment, le cellier de votre voisin par exemple! Cet exemple estthéorique, car il existe bien sûr des souris qui se font croquer pardes chats, mais globalement l'espèce souris s'est adaptée auxchats et a su changer de comportement quand la répétition de cedernier pouvait être mortel.

Comme vous pouvez le remarquer, il n'y a pas de mani­chéisme dans le fonctionnement de ces circuits nerveux appeléspar certains «circuits de récompense ou de punition»; nousverrons plus loin quels types d'émotions ou de sentiments noussont engendrés lorsqu'ils fonctionnent mais pour cela il faudrainterviewer des sujets humains.

En résumé, les mammifères, l'Homme y compris, sont dotoHde structures qui prennent le relais de l'instinct et motI­vent ainsi la répétition ou l'abandon de comportemonten fonction de l'expérience vécue.

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LA SÉPARATION-INDIVIDUATION DU 2ème TYPE•..EN BREF !

Les biologistes s'accordent sur le fait que la vie apparaîtlorsqu'un organisme composé d'une sphère de phospho-lipidescontenant des acides nucléiques, des protéines et divers élé­ments chimiques a été capable de s'auto-répliquer. La deuxièmeséparation révolutionnaire, affectant notre planète cette fois-ci,est la création d'un milieu intérieur, isolé des fluctuations dumilieu extérieur mais communiquant avec lui. La vie est inven­tée avec son corollaire : la mort.

Ainsi, le premier organisme vivant est né lorsqu'une mem­brane biologique a séparé en deux milieux distincts ce qui n'étaitqu'un mélange plus ou moins chaud de macromolécules appeléaussi «soupe biochimique primitive». Par la suite, les êtresvivants vont évoluer et en particulier dans leurs rapports avecl'environnement qu'ils modifieront à son tour. C'est bien d'abordsur l'interface entre le monde extérieur et intérieur, à savoir lamembrane, que porte l'évolution.

Puis les composants cytoplasmiques et génétiques se com­plexifient. Quand apparaissent les pluricellulaires, les cellulesvivantes se spécialisent, et l'une des spécialités créées estla communication entre milieu intérieur et milieu ex­térieur, communication assurée par la cellule nerveuse dontc'est le premier rôle. L'évolution se poursuit donc à coups de dé­terminismes et de <~euxde hasard» par sauts qualitatifs dont la

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nature noua 6chllppe encore et échappe aux modèles explicatifsde l'évolution. Ce quo l'on peut observer montre indubitable­ment qu'au cours du temps les êtres vivants se complexifientdans trois directions différentes : les plantes à fleurs pour lemonde vég6tal, et pour le monde animal, les insectes sociauxd'une part, les primates supérieurs et l'homme d'autre part.Dans les trois branches de l'évolution, les principales acquisi­tions faites par les générations précédentes sont conservées etles nouvelles possibilités se rajoutent aux anciennes. Chaquenouvelle acquisition augmente l'autonomie, c'est-à-dire lenombre de degrés de liberté des êtres vivants concernés.L'Homme, qui émerge le dernier dans sa branche, bénéficie detous les «gadgets»inventés par le processus évolutif de sa lignéeà savoir: la pluricellularité, la tétrapodie, la respiration aé­rienne, l'adaptation à la pesanteur, l'autonomie par rapport àl'eau, la thermorégulation et le prodigieux développement dunéocortex des mammifères supérieurs.

Jusqu'à l'apparition de l'Homme, la régulation deséchanges entre les organismes vivants fait l'objet d'une homéos­tasie générale dont le principe de base est la symbiose définiecomme la «vie ensemble à profit mutuel». On s'aperçoit quebactéries, végétaux, insectes, vertébrés, proies et prédateursont de par leur existence une action profitable aux autres êtresvivants.

Cette supra-régulation est capable d'amortir des effets dehasard tels que les accidents telluriques ou cosmiques, ouencore les changements climatiques. Elle implique des moyensde communication entre les êtres vivants quÎ ne sont pas encorebien identifiés, les clés de cette compréhension ne relevant pasuniquement de l'étude du génôme, puisque le milieu extérieurparaît y jouer lui aussi un rôle déterminant. Tout se passecomme si des macrodirectives venant de l'ensemble du milieuextérieur déterminaient en partie les microdirectives instinc­tuelles des individus, ces macrodirectives constituant un peuplus qu'une simple addition des microdirectives propres à cha­que organisme vivant. Disons pour simplifier que jusqu'àl'Homme, la Nature dirige, coordonne et autorégule le fonction-

nement et le développement des êtres vivants. Chaque individuest donc «relié»aux autres à travers cevaste échange profitableà chacun et à tous qu'on appelle «symbiose».

Ce rapide survol de l'évolution biologique, permet de voirque les faits biologiques ne sont jamais totalement opposés ­seuls les points de vue «épistémologiques»des biologistes diffè­rent - mais qu'ils constituent les facettes d'une même imageglobalisante. Ainsi les déterminismes ne s'opposent-ils pas aux<~eux»,pas plus que l'autonomie n'exclut l'interdépen­dance, ou que la lutte pour la vie n'interdit la symbiose.Tout cela dépend de l'altitude à laquelle on se place pourregarder les faits, passant ainsi de la macro-évolution à lamicro-évolution. Si on laisse les faits s'ordonner d'eux-mêmes,ils nous donnent une image cohérente de l'Evolution, non exclu­sive de certains faits et qui de plus constitue une vérification deceux-ci. Il apparaît alors clairement un sens à cette aven­ture : l'accroissement de l'autonomie des êtres vivants.

Au cours de la complexification évolutive, le développementdu système nerveux est un événement majeur. C'est en effet luiqui nous caractérise le mieux et c'est à travers lui que labiopolitique de la «liberté*» peut s'exprimer progressivementchez les vertébrés. De nouveaux circuits nerveux viennent eneffet relayer la motivation de l'instinct.

L'expérience individuelle devient à son tour une sourced'informations prépondérante. Les circuits de la motivationparticipent alors à sa répétition ou à sa non-reproduction. Cenouveau moteur existe chez tous les primates y compris nosancêtres directs et chez l'Homme actuel. Le prochain coup dethéâtre dans le processus évolutif «naturel» va consister à«échapper» au moins partiellement à la Nature: jusque là,aucune créature vivante n'a eu son mot à dire, chacune a exécutéson rôle, une partition qu'elle n'avait pas choisie, les méca­nismes de la symbiose étant chargés de coordonner l'ensemblede ces programmes élémentaires.

90 Naissance du quatrième type

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La séparation-individuation du 2ème type 91

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TROISIÈME PARTIE

SÉPARATION-INDIVIDUATIONDU 3ème TYPE

Comme on l'a vu pour les deux premières, cette troisièmeséparation illustre une coupure radicale avec l'état préalable del'univers. Ici ce n'est plus à l'échelle des particules ou desmacromolécules que s'opère cette transformation, c'est auniveau comportemental. Il y a trois à quatre millions d'an­nées, en effet, une variété de primates va produire du <~amais­vu» dans l'histoire de la Vie sur la Terre: l'outil, l'artefact. D'unpoint de vue technique ces premiers outils sont peu élaborés,peu performants; déjà le chimpanzé ou certains oiseaux uti­lisent des objets comme outils ou même quelquefois les fabri­quent. Ce qui est nouveau ici c'est que l'outil est conservé,amélioré et, avec le recul des millénaires, on voit qu'il s'agitbien d'un nouveau mode d'évolution qui se superpose àl'évolution génétique.

La Nature, vue comme l'ensemble des déterminismes ex­ternes et internes à l'être vivant, passe progressivement lesrênes à l'individu et perd donc son monopole de «créateur».Le genre Homo est né avec l'outil qu'il a fabriqué; il est ledébut d'une longue chaîne où les individus vont inventer descomportements de plus en plus complexes qui sont, «dévia­tionnisme biologique suprême», non prévus, non programmés

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94 Naissance du quatrième type

par les mécanismes naturels. La Nature s'est donc inventé unco-créateur, mais liberté oblige, celui-ci ne peut continuer à luiobéir et elle ne peut continuer à être sa tutrice. Le petit Homodevient ainsi «potentiellement» capable de tout et dans tous lessens de ce terme ... il va le prouver.

La Nature a-t-elle été prise en défaut, en n'exerçant pas desélection négative, et en laissant apparaître des créatures quiéchappent de plus en plus à son contrôle symbiotique?

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LES HOMMES SONT-ILS DES MINUS HABENSBIOLOGIQUES ?

Il est fréquent d'opposer l'infaillibilité de «l'instinct» à l'er­reur spécifiquement humaine et au dérèglement introduit parles actions de notre espèce. De là à ce que l'homme se sente une«amibe malchanceuse» commeJean Rostand l'écrit au début dece siècle, il n'y a qu'un pas, fortement motivé par l'idée millé­naire du «péché originel».

Il est donc important d'aller voir de près ce qui se passe aucours de la maturation d'un individu humain. Ces dernièresannées ont vu la révision de nos «opinions» concernant lescompétences d'un nouveau-né. Celui-ci sait regarder et voit netentre 0,6 et 2,4mètres, il possède les comportements innés de lanage et de la locomotion à quatre pattes et bien d'autrespossibilités, en particulier des capacités de communication trèssupérieures à celles qu'on lui attribuait auparavant. On con­naissait déjà quelques-uns de ses comportements moteurs telsque le réflexe archaïque de succionet celui dela locomotion,donton observait l'extinction dans les semaines post-natales. Celaparaît étrange car l'enfant mettra une dizaine-de-mois_mini­mum ensuite pour apprendre à marcher. Uexpérience est làpourtant pour montrer comment ce relayage s'effectue: unnouveau-né soutenu sous les bras et à qui on chatouille la planted'un pied, le relève cequi déclenche les mouvements coordonnés

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IJj Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 3ème type 97

1111IIllhl'OH rn~lissurtout ceux des membres111,,111(\1'\plus tard la même stimulation

JlI'oH""mmos moteurs innés de la moelleo C:OIllIllOsi ceux-ci, fonctionnels à la

i1nHJlHwctJ (IVHElid, (,1.0 Illhlb6t:l. Cette inhibition est-elle un effetiI/, ïlduiJ/Ol!iJl'""'tll d" lit ('onscience ou un phénomène naturel/lf{I/It'!l ,~ 1/1)11,' II~/JI"'I'

Püllf 11111111111.'0" C()~toquestion, il faut. comparer ces pro­1l101.l\tU'Hdo la locomotion avec d'autres programmes

tout 1111",,1 ln lI(lH : (:uu" de la digestion également inscrits dans la1l1O,.II'i,S"IIlI(wl\.'I\)lüd'abord, remarquons qu'il est heureux que('(lt 1I11f1mlllllofill'~complexe de contractions diverses, de secré­t.l1l1l11do ,WCH ot.d'onzymes, qui permet à notre nourriture d'êtredlJ{{\,'ÜII,IlHHirnil60,et de voyager à la bonne vitesse entre lahoud\(\ lit, II)roctum, ne doive pas être appris. Sinon nous aurionsIlCllll~('0hl l'occasion de mourir d'inanition avant d'avoir acquis

'II (twvoir-faire» essentiel. Mais remarquons aussi qu'il est"Momont en notre, pouvoir d'accélérer ou de ralentir notretransit intestinal, de secréter davantage de bile ou d'enzymespancréatiques ce qui serait bien utile en prévision des fêtes oudes repas de fin d'année, Nous n'avons que très peu de priseconsciente et de commande volontaire sur notre digestion. Lesprogrammes génétiques de la digestion n'ont en effet, ne leregrettons pas,jamais été inhibés au cours de notre maturation.Ils échappent ainsi à notre contrôle conscient, sauf pour lesquelques personnes qui recherchent par une pratique approfon­die de yoga, un contrôle partiel de leurs viscères. Inversementchacun a pu apprendre à marcher en un an.

On peut donc faire l'hypothèse que l'inhibition néonataledes programmes moteurs innés comme ceux de la loco­motion est la condition nécessaire pour apprendre à s'enservir consciemment. Uobservation semble confirmer cettehypothèse dans la mesure où c'est bien en sachant qu'il le fait etdans un but bien précis qu'un enfant apprend à marcher; toutson apprentissage consiste bien à contrôler ses jambes et à lesamener à lui obéir. Quand il y parvient, sajoie est à la mesure del'épreuve qu'il a dû surmonter et réussir. Il n'a pas besoin de

chocolat, ou de compliments, c'est-à-dire de récompenseexogènes. A travers l'autonomie supplémentaire nouvellementacquise, il est pour quelque temps entièrement récompensé parlui-même.

Aussi, contrairement au plus banal des veaux qui dans lespremières heures après sa naissance se relève pour aller têter samère, le petit d'Homme est très démuni et le peu qu'il a, laNature le lui retire, ne lui laissant que les programmes neuro­végétatifs, Il y a bien de quoi se sentir chassé tout nu duparadis ... des instincts.

C'est le prix à payer pour exercer un contrôle par la cons­cience sur son corps, c'est le prix pour pouvoir, toute sa viedurant, être apte à l'apprentissage. On ne peut à la fois êtreguidé par la Nature et s'auto-diriger (choisir ses comportementspour les mettre à son service). Dans le cas contraire, si lesdéterminismes naturels d'inhibition des programmes de lalocomotion ne fonctionnaient pas, ne nous transformant pas enminus habens biologiques, nos jambes ne nous obéiraient pasplus que notre intestin ou notre foie. Cet état de «moins-ayantbiologique» a cependant un corollaire obligatoire: l'état dedépendance. Car pendant de nombreuses années nous dépen­dons d'autres êtres humains pour devenir ce que nous sommesen potentialité.

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DÉPENDANCE - NON DÉPENDANCE ­INTERDÉPENDANCE ET INDÉPENDANCE

Des mots pt'oches mais qui désignent des situations trèsdifférontofl. (Jun do ces mots devrait presque être rayé de notrevocabulairo : III::l'ugit de l'indépendance,

L'indépendance dans un univers cohérent tel que le nôtren'existo pUH, il n'ost pas possible de rencontrer une particule, unêtre vivant ou une étoile indépendante. Je crois qu'il n'y a quedans 10 domaine mathématique où l'on peut s'inventer desvariablos indépendantes.

IlintQrdépendance est le mode de relation universelleentro 101:4ôtl'OS vivants et l'écologie a bien montré la richesse etla comploxité de ce type de rapports.

pondant le désir d'être indépendant peut exister, le plussou~ont en,réaction à un sentiment de dépendance par rapport àautrui, un contexte socio-professionnel oppressant ou envahis­sant. Il se manifeste par un besoin de coupure, d'isolement, peucompatible avec des relations d'interdépendance.

De par la grande immaturité de son psychisme à lanaissance, l'être humain se présente comme très dépen­dant. n l'est sur le triple plan matériel, intellectuel etaffectif par rapport à ses éducateurs. Cette dépendance estrenforcée et prolongée dans la mesure où, malgré la maturationdes structures cérébro-psychiques, la quasi-absence de direc-

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100 Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 3bme type 101

tives instinctuelles le font continuer à dépendre des autres. Plusque celle de tous les autres primates, la survie du petit d'Hommenécessite la satisfaction de besoins nutritionnels, des soinsd'hygiène, des stimulations sensorielles et motrices, de l'atten­tion et de la tendresse respectueuse. Dans les premières annéesde sa vie, l'enfant est presque complètement dépendant de sonenvironnement humain, mais progressivement il va être enmesure de satisfaire lui-même ses propres besoins... sil'«éducation» qu'il reçoit favorise suffisamment l'acquisition dela non-dépendance.

La maturation psychologique pour un être humainpeut être définie comme le déplacement de la dépen­dance quasi-totale in utéro à la non-dépendance, maté­rielle d'abord (<<jene suis pas assisté par autrui») puis intellec­tuelle (<<jen'adopte pas la pensée d'autrui sans connaître sondomaine de validité») et affective «<jene suis pas la chosed'autrui et je suis capable de faire le deuil d'une relation»). Cettetriple non-dépendance est la condition sine qua non de l'exer­cice d'un libre arbitre réel et d'une autonomie réelle.

Cette perspective est-elle une utopie? Si on parle d'attein­dre le 100 % de non-dépendance, alors je pense que oui mais jesouhaiterais distinguer le but à atteindre et le chemin qui y mène.Je compte démontrer dans ce livre que cette conquête estpossible à la majorité d'entre nous, si cela nous est désirable etuniquement dans cecas. Ce but n'est pas facile à atteindre; dansle passé se déplacer vers la non-dépendance a dû être trèsdifficile. En effet, dire que nous sommes des créatures inter­dépendantes, c'est dire que les variables climatiques, socialeset-économiquespeuvent modifier la qualité de notre maturationpsychique ... Et ceci d'autant plus que cette dernière n'a pasatteint un degré suffisant de non-dépendance pour préservercontre vents et marées notre libre-arbitre.

Je propose que munis de ces concepts de dépendance et denon-dépendance, nous quittions provisoirement la descriptiondes faits à l'échelle individuelle pour examiner comment, aprèsla séparation du 3ème type, le nouveau mode d'évolution psy­chique s'est superposé, puis a relayé l'ancien mode d'évolution.

A l'heure actuelle on connaît dans les grandes lignes lesconditions de l'émergence de notre ancêtre ou très proche cousinHomo habilis. C'est probablement en Mrique équatoriale quenos ancêtres se sont progressivement séparés de la Naturetutélaire organisatrice de la symbiose pl~nétaire.

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L'ÉMERGENCE D'HOMO: UN SCÉNARIOPLAUSffiLE

Il y a une dizaine de millions d'années, nos ancêtres pri­mates sont établis dans la forêt équatoriale et tropicale. Ils sontomnivores et se nourrissent vraisemblablement de fruits, deracines et de petits animaux. Le genre Homo n'est pas encoreapparu. A partir de ces données bien établies, on peut bâtir unehypothèse qui puisse rendre compte des conditions qui ontfavorisé l'émergence de l'homme. Il semblerait en effet qu'à lasuite de changements climatiques, la forêt ait cédé progressive­ment la place à la savane.

On peut distinguer a posteriori deux types de primates :d'une part les grands singes qui vont suivre la forêt dans sarégression. Ce sont essentiellement les gorilles et les chimpan­zés pour l'Afrique, ainsi que les orang-outans etles gibbons pourl'Asie. Leur volume crânien est demeuré· aux alentours de500 cm3 et leur population est en diminution. Et d'autre part, lesancêtres des Australopithèques qui s'établissent progressi­vement dans la savane. Il n'est pas certain que les Australopi­thèques graciles (appelés ainsi à cause de leur petite taille :1,2 mètre et 30 kgs environ) soient à l'origine du genre Homomais à l'échelle de l'Evolution ce sont de proches «parents» quiont fréquenté pendant une certaine période le même biotope: lasavane où apparaît Homo habilis il y a trois à quatre millions

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104 Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 3~metype 105

d'années. Celui-ci sera suivi par Homo erectus deux millionsd'années plus tard et par Homo sapiens il y a cent mille ansseulement.

Avec Homo sapiens sapiens (l'homme de Cromagnon), levolume du cerveau des individus de notre espèce atteint 1450 cm3en moyenne, ce qui est d'ailleurs un peu moins que celui ducerveau d'Homo sapiens neanderthalis : l'homme de Neander­thal, dont la sous-espèce aurait disparu lors de la dernièreglaciation il y a dix mille ans. Le genre Homo va se différencierégalement des autres primates de la forêt équatoriale dans lamesure où les individus vont migrer progressivement, colonisertoutes les terres émergées et présenter l'accroissement démo­graphique exceptionnel que l'on peut constater aujourd'hui.

Dans le cas des primates vivant encore dans la forêt,l'évolution s'est apparemment arrêtée: les crânes et les micro­reliefs intérieurs révélant l'organisation de leur système ner­veux, sont aujourd'hui identiques à ceux datant de cinq ou sixmillions d'années. De plus, ils n'ont pas été contraints à évoluer,n'étant pas sollicités par des modifications de leur environne­ment extérieur autres que celles prises en compte par leurhéritage génétique. Ils ont continué à obéir aux instincts infail­libles qui assurent leur survie et qui n'est menacée actuellementque par l'Homme qui rogne leur niche écologique. Nos ancêtres,au contraire, ont dû résoudre les problèmes de la survieposés par la savane, biotope radicalement différent etpour lequel ils n'avaient pas a priori, de réponses innéesadéquates.

L'apprentissage des savoir-faire nécessaires à la vie ensavane est rendu possible par l'énorme développement du cer­veau antérieur et en particulier par la complexification de sonécorce : le cortex cérébral, principale structure éducable dusystème nerveux; éducable signifie ici pauvre en programma­tion génétique mais programmable par des expériences au coursde la vie de l'individu. C'est la continuation du processus d'en­céphalisation entamé chez les vertébrés inférieurs qui se carac­térise chez les hominidés par le développement accru d'unestructure déjà présente chez les mammifères supérieurs. Chez

l'Homme, le cortex est constitué d'un ensemble de neuronesinterconnectés pour former un centre intégrateur extrêmementcomplexe. Ce système a la possibilité, à la condition d'avoir reçuune éducation adéquate, de contrôler partiellement et de modu­ler la fonction de tous les centres nerveux sous-jacents, enparticulier l'hypothalamus, cerveau de la vie neuro-végétativequi orchestre la survie de l'individu. Le développement ducortex cérébral et surtout des lobes frontaux est associée àl'émergence d'une aptitude nouvelle: la réflexion* consciente del'univers (réflexion étant pris ici dans le sens optique).

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PENSÉE, CONSCIENCE, OUTILS ET LANGAGE

Quelle est l'originalité primordiale de l'homme par rapportà l'animal?

En appliquant la deuxième règle méthodologique (cf. page 16)pour répondre à cette question, et en ne retenant comme origi­nale que les caractéristiques de notre espèce qui ne se retrou­vent pas chez d'autres animaux, on constate que ce n'est pas lastation debout, le pouce opposable aux autres doigts, la peausans poils, le langage articulé, le plus gros ou le plus complexedes cerveaux qui fait notre spécificité. La réponse est dérou­tante: nous sommes apparemment la seule espèce à avoirappris par nous-même à fabriquer et à traiter des infor­mations abstraites ou ((concepts». Des expériences ont montréque certains singes en laboratoire pouvaient eux aussi mani­puler des figures abstraites comme des triangles rouges ou descarrés verts mais il ne faut pas oublier que ce sont des humainsqui l'ont appris à ces singes et non leurs congénères.

L'élaboration de concepts provient d'une activité classifica­toire que l'appareil cérébro-psychique humain permet dès 10

plus jeune âge. Chacun a pu remarquer par exemple que lesbébés aiment porter les objets à leur bouche; en répétant ce gestetout simple, le bébé classifie les objets qu'il peut saisir et élaboreainsi deux concepts opposés : «ça entre dans ma bouche» et «çan'entre pas dans ma bouche», fabriquant un de ses premiers

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108 Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 3ème type 109

différentiels* (cf.page 31). L'expérimentation sensorimotricepréalable et le concept né de l'activité classificatoire débouchentsur une prise de conscience, certes partielle, mais réflexive dumonde dans lequel se trouve l'enfant. De cette aptitude à utilisermentalement des abstractions va découler une autre aptitude:la «simulation» mentale indispensable à tout acte decréation non fortuite. Pour fabriquer un outil, il faut un but,une motivation pour le faire mais aussi une image mentale del'outil achevé. Image mentale plus ou moins précise, car ce dontle créateur a besoin, c'est d'une forme globale, d'une «gestalt», del'objet à réaliser. Au fur et à mesure du travail de création, cetteforme va s'affiner, se matérialiser par la mise enjeu conjointe deressources mentales conscientes et incons-cientes. Bien qu'il yait par définition de l'imprévisible dans la création, on ne peutcréer sans le faire exprès, c'est·à·dire sans avoir cons­cience de le faire (en sachant qu'on le fait et pourquoi onle fait). Imaginer, concevoir, prendre conscience*, élaborerl'image ou le concept de, sont donc des processus voisins et trèsliés.

La possibilité de nommer l'objet, c'est à dire de le désignerpar un symbole abstrait, constitue un autre aspect majeur decette révolution qui va transformer la communication entreindividus d'abord, puis d'une génération à l'autre. Les mots sontégalement des abstractions même s'ils désignent des objetsconcrets. Ainsi, quand je dis: «la table est blanche», je désignedes choses bien matérielles, bien concrètes mais les cinq motsutilisés sont en soi cinq abstractions. On peut voir égalementdes mots-abstractions désignant non plus des objets concretsmais d'autres abstractions, exemple: le mot «zéro»qui désigne«l'ensemble vide». Dans «l'espace psychique», les mots ou lesimages mentales se comportent alors comme les «objets»dansl'espace quadridimensionnel (à trois dimensions plus le temps).Il est donc important, sous peine de désordre mental, de ne pasconfondre ces deux catégories d'objets qui appartiennent à notreréalité en se rappelant l'évidence qui fonde la «Sémantiquegénérale» : «le territoire n'est pas la carte pas plus que les motsne sont la chose désignée» (Korzybski, 1933; Dziedzic, 1988).

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L'histoire de l'évolution culturelle montre que ce n'est pastoujours facile d'effectuer cette distinction entre le monde exté­rieur et le monde intérieur d'où l'intérêt de la troisième règlecitée en introduction: substituer la réflexion à la projection.

Le développement de la conscience*, l'élaborationdes concepts et l'invention du langage semblent consti·tuer des facettes indissociables du même phénomène quinous permet d'inventer des actes et des programmes deconduite hors de la tutelle de la Nature et d'augmenterainsi notre autonomie par rapport aux déterminismes <tel'Univers. Cette aptitude est obtenue en colonisant un espacenouveau, l'espace psychique, avecdes objets nouveaux imma­tériels mais non irréels: les mots, les images mentales, maisaussi les sentiments et les émotions.

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DES CONCEPTS ET DES HOMMES

Une façon de refléter l'évolution psychique et culturelle del'humanité consiste à observer comment et dans quel ordre leshommes ont élaboré les principaux concepts de notre cultureactuelle.

Le tableau 3 présenté dans les pages suivantes résume demanière non exhaustive l'aventure culturelle qui a affecté plusspécialement le monde occidental pendant les derniers millé­naires. Toutes les dates proposées ici sont approximatives etsujettes à être précisées dans l'avenir; ce qui semble le plussolide c'est l'ordre d'émergence de ces concepts. Ainsi il y aquelques années encore on faisait remonter l'acquisition de lamaîtrise du feu à moins 450.000 ans; or on a trouvé récemmentdes foyers en Afrique datant d'1.400.000 ans. Seul est restéconstant le fait que cette acquisition relève de l'activité d'Homoerectus. De plus la date correspond aux traces que les anthropo­logues et paléontologues ont découvertes et non pas à la dateréelle d'émergence du concept. Le but de cette présentation estde fournir une image globale du développement de l'aptitude àrefléter abstraitement la réalité. Ceci permet de passer de lasubjectivité projective, exemple: si il y a du tonnerre c'estDONC que les habitants du ciel sont en colère, à la seule formed'objectivité à laquelle l'homme puisse prétendre, c'est-à-direl'objectivité réflexive, de plus en plus précise au cours de

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112 Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 3ême type 113

l'histoire et non déformante: le tonnerre s'explique comme laconséquence de la détente brutale de l'air ionisé surchauffé parl'arc électrique appelé foudre. Si on compare les étapes de ceprocessus d'acquisition, qui a pris pour l'humanité des milliersd'années, à celles d'un enfant, on s'aperçoit que celui-ci pro­gresse dans son développement psychique selon le même ordre.Ainsi l'aptitude à dessiner précède l'écriture et souvent lesdessins de jeunes enfants présentent l'étape de l'homme-tétardque l'on retrouve sur les murs de certaines grottes occupées pardes hommes de la préhistoire.

Peinture effectuéesur un galet

par Anaïs, 4 ans

De même la géométrie plane élaborée par les arpenteurségyptiens de l'époque pharaonique est comprise avant la géomé­trie dans l'espace, l'arithmétique avant l'algèbre. L'enfant uti­lise d'abord une représentation numérique proche du systèmeromain avant d'être capable d'intégrer le zéro en comprenantson intérêt. Ainsi la pédagogie de Rudolf Steiner préconise, pourun développement psychique plus harmonieux et plus respec­tueux des besoins cognitifs des enfants, de leur faire traverserleur scolarité en parcourant en une dizaine d'années les dixderniers millénaires de l'évolution de l'humanité. L'enfant pro­gresse ainsi à travers les époques en utilisant les techniques, lesarts: musique, dessin, théâtre ... , les connaissances que l'on

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possède sur elles. Il passe ainsi de manière cohérente du mondegéocentré et égocentré de Ptolémée à celui plus réflexif de laréalité de Copernic. L'enfant effectue parallèlement unpassage progressif du concret vers l'abstrait. J'ai retrouvéégalement dans l'approche pédagogique de Caleb Gattegno(1972) l'importance accordée à ce mouvement qui va de l'appro­che sensorimotrice à la conceptualisation, puis à la formulation.Je partage l'idée selon laquelle ce sens devrait être respecté aucours des divers apprentissages car elle s'appuie sur la progres­sion évolutive qu'a effectuée l'espèce humaine.

Selon la grille de lecture que l'on utilise pour décoderl'histoire et la préhistoire, on peut déceler dans celles-ci desbasculements, des points de ruptures, ou bien des cycles. Pourma part, j'ai choisi ici d'en montrer le caractère puissammentévolutif en établissant une relation entre la création des con­cepts et le gain d'autonomie qui en a résulté plus ou moinsdirectement. En utilisant ce type de critère, j'ai retrouvé les troisvagues de civilisation décrites par Tofller (1980) : d'abord larévolution introduite par l'adoption de l'agriculture, puis celleinduite par l'industrialisation, et enfin le souci très récent d'êtredavantage responsable de sa vie qui témoigne de l'avènementd'une troisième vague civilisatrice.

Le dix-huitième siècle me paraît cependant une périodecharnière à partir de laquelle une mutation individuelle etsociale a affecté l'Occident avant de s'étendre peu à peu à toutela planète. L'historien Eugen Weber (1986) décrit ce passage ences termes : «On passa des monarchies absolues aux constitu­tions et aux républiques, de la féodalité aux institutions repré­sentatives~ d'une passivité politique compensée par des soulève­ments sporadiques à la participation et aux réformes, du rythmeet de la productiùité des hommes et des animaux à ceux desmachines, des manufactures à domicile aux grandes ruchesindustrielles, usines et villes, de la politique du clocher à uneperspective mondiale. Le changement fait aujourd'hui partie dela vie. Ce n'était pas le cas au dix-huitième siècle, où la stabilitérestait la norme, même dans un monde secoué par les spasmes

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114 Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 3ème type 115

meurtriers de la guerre et de l'insurrection, de la famine et de lapeste (...) L'environnement, le mode de vie, les institutions se mo­difiaient si peu, si lentement, qu'à la plupart des hommes ilsapparaissaient immuables».

A l'origine de cet ensemble de transformations, la clé devoûte des révolutions: une nouvelle conception de l'individu etde la société. En un siècle, les Anglais d'abord avec l'idée d'uncontrat social entre gouvernants et gouvernés, puis les Améri­cains et enfin les Français élaborent et formulent un concept etun idéal nouveaux, incompatibles avec l'ancien mode d'organi­sation de la société. Dans la Déclaration d'Indépendance desEtats-Unis de 1776 (qui est en fait une déclaration de non­dépendance), l'avocat Jefferson, inspiré par les philosophes deson temps, écrivait: «Nous tenons ces vérités pour auto-éviden­tes : que les hommes sont créés égaux, que leur Créateur les adotés de droits inaliénables, parmi lesquels la vie, la liberté et larecherche du bonheur. Que pour garantir ces droits, les hommesinstituent des gouvernements tirant leurs justes droits du con­sentement des gouvernés. Que si un gouvernement, quelle qu'ensoit la forme, va à l'encontre de ces fins, le peuple a le droit del'abolir et d'instituer un nouveau gouvernement».

La révolution française est'plus violente, plus totale que lesprécédentes. Pourtant Louis XVI était sans doute un des rois lesplus libéraux que la France ait connu et il a même fallu payerdes dizaines de personnes pour crier «Mort au roi». Mais couperlégalement la tête à un roi, qui représente l'autorité absolue, lepouvoir issu du modèle social de la horde où le mâle alpha estsouventle père des dominés (cf. chapitre Pénurie etAbondance),n'est pas un acte banaLG. Mendel (1969) montre bien que le rôlele plus fondamental de la révolution française a été de fournirune licence pour oser penser en dehors des liormes socialespréétablies. J'ai plusieurs raisons d'interpréter les faits dans unsens similaire. D'abord cela témoigne de l'émergence d'un con­cept nouveau : celui de liberté individuelle enfin reconnuecomme telle à travers la Déclaration des Droits de l'Homme quipréfigure la naissance des démocraties. C'est aussi la premièrerévolte réussie contre l'autorité qui va s'étendre progressive-

ment, entraînant souvent des souffrances et des bouleverse­ments énormes. De tout temps, l'histoire raconte des révoltescontre l'autorité: depuis Spartacus, esclaves, paysans, mar­chands, bourgeois se sont révoltés des dizaines de fois puis sesont fait écraser. Comme dans le cas du concept de «l'amour duprochain», des hommes vont tuer, piller, torturer au nom de laliberté; mais ces concepts se propagent de manière irréversibleet irrésistible sur toute la planète.

Je n'ai pas envie de démontrer s'il s'agit d'une cause oud'une conséquence mais il existe à mes yeux une concomittanceétonnante entre l'ère des révolutions, la Déclaration des Droitsde l'Homme d'une part, et le renversement des valeurs, l'explo­sion des connaissances relatives à l'univers extérieur et à notremonde intérieur d'autre part. Au coeur de cette remise enquestion, il y a Dieu: principe explicatif et rl:iison d'être de tout.Et l'idée de Dieu, ou plus précisément la représentation occiden­tale déresponsabilisante d'un Dieu omniprésent et omnipuis­sant, est «attaquée» selon trois axes «meurtriers» différents. Lesvoici:

Grâce à des biologistes comme Lamarck et Darwin, leconcept d'évolution est élaboré: le monde vivant forme untout. Au cours des millénaires les individus évoluent, mutent,constituent des espèces, l'Homme n'est qu'une espèce parmi lesautres, il dérive d'ancêtres animaux proches du singe. Si Dar­win n'est pas brûlé ou excommunié c'est probablement dû au faitque l'église avait déjà perdu de son pouvoir, car les textesreligieux sont profondément remis en question par cette avan-cée de la biologie.

Parallèlement les mathématiciens élaborent un conceptantifinaliste en mathématisant sous forme statistique la notionde hasard. Appliqué à la physique des particules par Heisen­berg, ce concept permet un développement considérable de cettescience, et une meilleure connaissance de la matière. Les biolo­gistes, les mathématiciens et les physiciens du XIXe siècle puisceux du XXe concourrent à l'érosion des valeurs du passé dansla mesure où ils montrent que Dieu n'est pas le «principe

explicatif de tout» et ce qui est «pire» encore, son existence n'est

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116 Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 3ème type 117

même pas une hypothèse «utile» au raisonnement scientifique.L'affaiblissement de l'idée de Dieu et le fait que tout ne soit pasprédéterminé, inéluctable, qu'il y ait du hasard, c'est-à-dire unjeu possible, renforcent le concept de liberté individuelle. Queserait une liberté ou tout serait décidé, voulu, dirigé par Dieu?

Enfin, inspiré par tous les philosophes qui l'ont précédédans cette voie, Freud va porter un troisième coup à l'idée deDieu en inventant le concept de l'inconscient, qui rend compteen particulier de la raison d'être de notre représentation deDieu. L'explication freudienne est décapante :la représentationd'un Dieu omniscient est le prolongement de l'image du père,c'est une manifestation infantile qui est l'indice chez un indivi­du que celui-ci ne peut assumer sa responsabilité et sa solitude*d'adulte.

A la suite de cette triple remise en question, et malgré lesfreins neuro-psychologiques que les hommes opposent souventaux changements, on assiste alors à une remise en questionquelquefois explosive des valeurs du passé, des croyances, desmorales, de la sexualité, des moeurs, et cette vague culturellerévolutionnaire atteint un maximum en Occident vers la fin desannées soixante, juste avant les effets psychologiques des chocspétroliers.

La période de la fin du XVIIIe siècle est donc le début d'unecrise qui qualitativement mime à l'échelle sociale ce que lespsychologues appellent «crise de l'adolescence» chez l'individu.L'hypothèse que l'humanité était entrée en adolescencesur le plan psychologique m'a paru tellement heuristi.que* que je l'ai adoptée provisoirement. Je n'ai pas trouvéd'indice tendant à prouver que cette crise soit terminée et quel'objectif de la crise d'adolescence, une véritable renaissancepsychique, soit atteint. L'âge adulte est donc à venir. .. si nousarrivons à franchir notre crise d'adolescence.

Cette hypothèse ne fait que transposer sur le plan psy­chique ce que nous avons déjà vu sur le plan somatique. Ledéveloppement de notre corps durant sa gestation et la périodenéonatale retrace les grandes lignes de l'évolution des animaux

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qui nous ont précédé; n'en serait-il pas de même de notrepsychisme? Vers le XVIe et XVIIe siècles, le mot «adolescent»désigne celui qui est en train de grandir et concerne une tranched'âge entre 14 et 30 ans, il est peu utilisé et il n'est pas attachéà un état de crise ou à un âge difficile,c'est une tranche de la vietout simplement. C'est auXIXe et surtout auXXe siècleque vontêtre décrits les «problèmes» de l'adolescence et qu'un nouvelenjeu va apparaître: la re-naissance psychologique avecses risques: la violence,la folie,la drogue sous toutes ses formes,le suicide...

Le XXe siècle est aussi celui où l'on commence à découvrircomment fonctionne notre appareil cérébro-psychique. La con­naissance de notre système nerveux, de son développementd'une part et celle des processus cognitifs et d'apprentissaged'autre part, progressent parallèlement; de nouvelles pédago­gies voient le jour, les méthodologies s'affinent grâce à unemeilleure approche épistémologique. C'est grâce à tout cela queles trois règles méthodologiques proposées ici et qui résument lefonctionnement de la pensée scientifique ont pu être formulées.C'est au XXe siècle également que sont mis en évidence lesmécanismes inconscients et le fonctionnement des «récom­penses cérébrales» décrites sous les termes de circuits de renfor­cement du comportement au chapitre précédent.

L'apparition de nouveaux concepts au cours de l'évolutionculturelle permet une dynamique individuelle et sociale qui vadans le même sens que l'évolution naturelle génétique et soma­tique. Ce sens c'est l'accroissement des possibilités d'autonomie,c'est-à-dire le nombre de degrés de liberté*, de possibilités dechoix dont l'individu dispose vis-à-vis d'une situation donnée.

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LES IDÉES QUI ONT CHANGÉ LE MONDE+ 15-33 ap. J.C.

Concept de l'amour du 1 Développement des idéauxprochain démocratiques

Date

HOMO HABILIS- 3 millions

Emergence duconcept

Concept de l'outil

Gain d'autonomie

Démultiplication des possibilités del'homme

+ 1100 Concept de l'ensemblevide (zéro)(Fibonacci)

Emergence du calcul mental.Possibilité d'innovation, de lamultiplication et des calculscomplexes indispensables audéveloppement des techniques

HOMO ERECTUS 1 Concept du feu- 1.400.000 ans

Concept de la vie et de 1 Interrogation métaphysiquela mort

Développement des sciencesbiologiques et de la médecine

La société issue des modèles de lahorde éclate. Naissance desdémocraties. Nouvelles idéologies.Augmentation de l'autonomieindividuelle. Passage de l'enfance àl'adolescence sur le plan psychiqueau niveau spécifique

Possibilité de gérer la Nature et nonplus d'être géré par elle

Développement de l'algèbre et destechniques nécessaires à l'indus­trialisation. Nouvelles lois physiques.Grandes découvertes

Fin de la querelle des universaux.Meilleure utilisation du langage etdes logiques qui vont préparer larévolution de la Renaissance

Concept de l'évolution(Darwin). Concept duhasard (Maxwell).Concept de l'asepsie(Pasteur, Semelweiss)

Concept d'inconscient 1 Développement de la psychologie(Freud, Shopenhauer,Adler, ...)

Concept de loiéconomique:A Smith, J.B. Say,K. Marx, F. Bastia, ...

Concept de la libertéindividuelle(révolutions anglaise,américaine, française)

Conceptsmathématiques(Descartes, Newton,Pascal)

Concept del'abstraction(Abélard)

+ 1900

+ 1850

18ème-19ème s.

+ 1789

+ 1700

Prise de conscience des moeurs del'animal convoité (chasse facilitée)ou redouté (meilleure protection)

Accroissement de la sécurité.Exploration. Développementdu sommeil entraînant undéveloppement accru du systèmenerveux?

Augmentation de la fidélité et dunombre de détails transmis d'unegénération à l'autre. Chaquegénération profite mieux des acquisde la précédente

Augmentation de l'efficacité desoutils.Naissance d'une sensibilité àl'harmonie.

Augmentation de la non-dépendancepar rapport à la nourriture(temporaire car il existe aussi desmauvaises récoltes et apparition defamines)

Concept de l'élevage etde l'agriculture (consé­quences nombreuses:sédentarisation,concept de propriété)

Concept de l'animalreprésenté dans undessin. Représentationmentale abstraite aprèsune généralisation

Concept de symétrieConcept du beau(apparition des"bifaces")

Concept de l'écriture

-7.000 ans

- 100.000 ans

- 800.000 ans

HOMO SAPIENSSAPIENS- 35.000 ans

- 4.000 ans

-1.200 ans av. J.C.

Concept de la guerre(apparition des armesantipersonnelles)

Concepts logiques(axiomes, syllogismeset postulats)

Développement des techniques,crises et prises de conscience?

Formulation de loisjustes ou fausses.Dans le 1er cas meilleure maîtrisedu monde extérieur

20ème siècle Concept de lapédagogie (Piaget,Montessori, Gattegno,Steiner, Dartan,Lozanov, Freinet,La Garanderie, ...)

L'éducation commenceà être adaptéeaux ressources et aux besoins ducerveau humain. Surmultiplicationdes possibilités humaines

TABLEAU 3

Page 61: Thérapies - Naissance du 4ème Type

120 Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 3tme type 121

Je laisse au lecteur le soin de compléter et de complexifiercette présentation qui laisse volontairement de côté les conceptsproduits récemment par les sciences «dures» (physique, chimie,biologie ...) pour mettre l'accent sur ceux qui me paraissentdirectement liés à la maturation psychique de notreespèce.

Ce tableau ne rend pas compte des mythes et des croyancesque véhicule également notre culture. Cet héritage culturel peuconceptualisé, associé à l'enfance psychique de l'humanité, etproduit d'une pensée projective, n'en a pas moins nourri le réfé­rentiel des êtres humains pendant des millénaires.

Je mets enfin à part les philosophes pour deux raisonsprincipales: ils ont le plus souvent une pensée qui est isolée parrapport à celle de leurs contemporains. De plus ils utilisentassez peu l'outil que représente la «capitalisation intellectuelle»(cf. ce chapitre), ils repartent en effet souvent, comme Des­cartes, de «zéro» pour élaborer leur pensée. Tout ceci ne leurretire en rien leur qualité principale: servir de ferments pourféconder la pensée des humains; sans Montaigne, Pascal, Leib­nitz, Kant, etc ... pas de culture, pas d'évolution, pas de révolu­tion et donc pas de maturation psychique. A ce titre ils sont touségalement importants. Cependant à ma connaissance seulJacques Dartan (1977) a proposé d'utiliser de manière conjointeles trois règles méthodologiques exposées ici et qui résumenttout en les explicitant les comportements spécifiques de ladémarche scientifique. Il s'ensuit des «zones d'ombre» dans lapensée de la plupart des philosophes, qui constituent un terreaupropice dans lequel se sont enracinées les quelques préférenceset a-priori affectifs de leurs auteurs. Les discours ainsi élaboréssont par là-même récupérables, par exemple pour justifier etvalider des positions politiques involutives. A titre d'exemple, jeciterai le philosophe Locke qui a contribué à faire germer lesidées révolutionnaires évoquées plus haut. Dans «Le caractèreraisonnable du christianisme», il fait la distinction entre lesgens éduqués pour qui «la raison doit être le juge et le guide entoute chose» et «lesjournaliers, les compagnons, les fileuses et leslaitières» qui «ne peuvent savoir et doivent donc croire».

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Ainsi on comprend mieux, me semble-t-il, qu'en dépit desapports exceptionnels de la philosophie depuis l'antiquité, lesdictateurs locaux, version cultivée du mâle dominant de lahorde, aient pu se servir du travail des philosophes pour trouverdes arguments propres à justifier leurs comportements. C'estpour éviter cela que j'ai invité le lecteur à diriger contre mespropos la deuxième règle méthodologique (cf. Introduction) afinde repérer d'éventuelles préférences qui malgré mes précau­tions auraient envahi ces lignes.

L'immaturité psychique n'est pas le seul facteur explicatifde la propagation des croyances et donc de la dépendanceintellectuelle. Comme on l'a vu plus haut les hommes dépendentde la relation avec autrui pour savoir qui ils sont et ce qu'ilspeuvent faire. Or les caractéristiques de cette relation ont variéconsidérablement en fonction du contexte économique. Notrehistoire en effet est riche d'alternance de périodes d'abondanceet de pénurie qui ont modifié considérablement les relationsentre les hommes. Pour mûrir et devenir autonome, il faut avanttout survivre; or les conditions de la survie des individus et desgroupes sont très différentes en régime de pénurie et en régimed'abondance.

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RÉGIME DE PÉNURIEET RÉGIME D'ABONDANCE

La pénurie se définit en fonction de nos besoins vitaux. Parordre de priorité, un être humain est dépendant d'abord del'oxygène, puis de l'eau et enfin de la nourriture pour pouvoirsurvivre. C'est généralement ce dernier élément qui fait le plusfacilement défaut en dehors des régions désertiques.

La pénurie s'installe lorsque la somme des ressour­ces en présence est inférieure aux besoins vitaux desmembres d'un groupe. Le régime d'abondance se définitpar le contraire: la somme des ressources en présenceest supérieure aux besoins vitaux des membres de cegroupe.

Inventons un scénario pour mieux nous représenter ce quecette réalité économique signifie socialement : imaginez quevous, lecteur, êtes le «chef-responsable» d'un groupe humaincomposé de cent personnes et qu'on dispose du minimum vitalde nourriture pour dix seulement.

Que faites-vous? Allez-vous partager en cent parts égales?Quelles seraient les chances de survie du groupe alors?

Une seule réponse possible: lepartage équitable conduiraità zéro survivant, legroupe entier disparaîtrait. Votre rôle de chefest simple bien qu'insupportable pour nos idéaux humains: ilsuffit de laisser se faire la sélection des «forts» sur les «faibles».

Page 63: Thérapies - Naissance du 4ème Type

124 Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 3hm• type 125

Ce seront donc les plus forts, c'est-à-dire les plus aptes à lasurvie en pénurie, qui survivront (ce qui nous donne une expli­cation possible de l'accroissement de la taille et du poids deshominidés au cours des derniers millions d'années).

Imaginez ensuite le passage inopiné d'un «idéaliste», quivoyant venir le massacre sélectif par les plus costauds s'écrie:«Non 1 Nous n'allons pas nous comporter comme des bêtes,soyons des frères jusqu'au bout et partageons équitablement 1»

Quelle sera alors votre attitude? Pourrez-vous appliquer ceprécepte en pleine période de pénurie? Avec le recul on com­prend aujourd'hui que les idéalistes aient rarement connu uneexistence facile dans le passé; le plus souvent on les empêchaitde «nuire» de manière spectaculaire et puis... on cultivait leursidées pendant les générations suivantes.

La pénurie va ainsi engendrer deux règles sociales,féroces, implacables conditions de la survie de notre espèce,jamais écrites mais souvent appliquées:

1) «Empare-toi pour survivre de plus que ta juste part»

2) «Domine, asservis et, si tu ne peux faire autrement,soumets-toi à l'autorité de celui qui est plus fort que toi»

Il n'a pas été nécessaire d'écrire ces règles, elles se sontinscrites au cours des temps au plus profond de nous et resurgis­sent - à notre grande surprise - à l'occasion d'une mini­pénurie de sucre, d'essence ou même d'une rumeur de pénurie.

Le régime de pénurie est producteur d'insécuritépuisque la survie d'autrui ne peut se faire qu'au détri­ment des uns et des autres.

La prise en compte de ce phénomène me paraît d'autantplus essentielle que le dernier passage de la pénurie à l'abon­dance s'est produit très récemment pour notre société occiden­tale, qu'un quart de l'humanité connaît encore aujourd'hui lapénurie ainsi définie et que vraisemblablement les modes depensée et la vie affective sont imprégnés par la peur dumanque ... et par le désir réactionnel de surabondance 1

Au XVIIIè siècle, chez les pauvres qui constituaient lamajorité de la population, voici quelle était la situation: «Une

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famille mangeait deux à trois livres de pain par jour les bonnesannées, moins d'une livre en temps de disette, etpas grand chosed'autre. Pour bien comprendre ce que cela signifie, il faut savoirque deux livres et demi de pain représentent trois mille calories,soit le minimum absolu pour une famille de cinq personnes. Etils pouvaient obtenir une telle ration seulement une année surquatre 1Les pommes de terre dans le Nord et l'Ouest de l'Europe,le maïs dans le Sud-Est, permettaient à davantage de gens desurvivre avec des salaires encore plus faibles, et évitèrent peut­être les révoltes pendant que la production augmentait ou que lasociété s'organisait suffisamment pour satisfaire quelques re­vendications ou écraser les mécontents. Les pauvres devaientdonc vivre tout le temps à la limite de la faim: le spectre de lafamine surgissait à nouveau chaque année de mauvaises ré­coltes» (Weber, 1986). La mortalité est alors quatre fois plusélevée dans les classes pauvres que dans les classes aisées. Cetteréalité persiste encore partiellement au début du XXè siècle:«Ce qu'il y a de terrible avec la mort» a dit Proust, «c'est quepresque toujours elle simplifie la vie des survivants».

Depuis ses origines il y a plusieurs millions d'années jus­qu'au XXe siècle, l'humanité a connu une alternance entre lapénurie et l'abondance telles que nous les avons définies. Nousallons rapidement survoler cette succession de périodes aucours desquelles se sont modifiés les enjeux de la survie et del'évolution des hommes.

1) La forêt vierge équatoriale: le berceau desprimates anthropoïdes

Il est à peu près certain qu'il y a six à sept millions d'annéesnos ancêtres côtoyaient ceux des gorilles et des chimpanzés(Pickford, 1985) dans la forêt équatoriale qui occupait alors untrès vaste territoire. C'était le temps de l'abondance et de lasécurité, période que l'on peut appeler leparadis des instincts:nos ancêtres vivaient en symbiose avec la nature. La forêt viergeest en effet tout le contraire d'un enfer vert pour ceux qui ontl'information (génétique ou culturelle) pour y vivre et s'y a-

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126 Naissance du quatrième type1

La séparation-individuation du 3lme type 127

dapter. La nourriture est riche et variée (fruits, racines, bulbes,graines, champignons, oeufs, larves d'insectes, petits mamIIJti­fères, etc ...). Des ethnologues estiment que deux heures d'acti­vité par jour suffisent pour subvenir à tous les besoins élémen­taires. La sécurité y est grande du fait de la présence des arbreset de la rareté des prédateurs, la température et l'humiditévarient peu.

2) La savane: le berceau de l'humanitéTout ce que l'on sait actuellement laisse à penser que nos

ancêtres il y a cinq ou six millions d'années ont commencé àcoloniser la savane à la suite d'une période de sécheresseplanétaire. Contrairement à la forêt, la savane n'offre que peude ressources d'origine végétale, les espèces herbacées nécessi­tent un système masticateur et digestif que les primates nepossèdent pas. De plus elle contient des prédateurs dangereux,lions et lycaons, et des charognards. Tous vivent en symbioseavec différentes espèces d'herbivores dont ils limitent les excé­dents de population catastrophiques et suppriment les indivi­dus malades ou anormaux. Nos ancêtres, faute de posséder lesinformations et les guides instinctuels nécessaires, connurentvraisemblablement à cette période la pénurie et l'insécuritéqui lui est associée. Ils étaient ainsi un peu comme des pariasdans un monde étranger. Cette adaptation s'est probablementétalée sur plusieurs millions d'années et a coïncidé chronologi­quement avec la fabrication des premiers outils et le développe­ment de la conscience et de la pensée.

3) L'«âge d'or» du paléolithique supérieurLe bond en avant ici est important puisque nous abordons

maintenant les derniers cent mille ans de notre histoire évolu­tive. Pendant la période écoulée depuis la colonisation de lasavane, le développement du néocortex a multiplié par trois levolume du cerveau de nos ancêtres pour atteindre celui del'Homme de Cromagnon. Sans doute plusieurs alternances de

périodes d'abondance et de pénurie se sont succédées mais ilnous reste de ces alternances trop peu d'indices pour en parlerconstructivement. En revanche le paléolithique supérieur, ladernière période de «l'âge de pierre», nous a laissé de nombreu­ses informations (Sarlins 1982) sur les usages et les coutumes denos ancêtres: ils étaient nomades et voyageaient beaucoup, ilsétaient cueilleurs et chasseurs, ils connaissaient la sélectiongénétique des graines pour obtenir des végétaux plus intéres­sants (Pernès 1983), leurs moeurs semblent avoir été paci­fiques, le meurtre presque inexistant, les femmes jouaient unrôle important dans la société, les objets sculptés témoignentd'une grande stabilité pendant des millénaires. D'un point devue écologique, ils semblent particulièrement bien intégrés àleur environnement naturel. Alors pourquoi cet état d'abon­dance et de paix sociale a-t-il cessé après les dernières glacia­tions? Pourquoi les hommes ont-ils décidé de pratiquer l'agri­culture à l'époque du néolitique?

4) L'aventure du néolithiqueLe passage au néolithique ne s'est pas produit dans des

conditions écologiques identiques, ni à la même époque danstoutes les régions concernées. Il semble cependant que l'agricul­ture et l'élevage n'aient pas été inventés seulement pour faireface à une modification de l'environnement, mais correspondentà une étape dans la psychogénèse des individus (Cauvin 1987),avec l'exploration d'un nouveau type de comportement.

Les conséquences de l'introduction d'un nouveau mode degestion des ressources naturelles ont ensuite perpétué ce quipeut être au début n'était qu'une tentative isolée. L'introductionde l'agriculture n'est pas un fait banal dans la mesure où lapleine maîtrise de cette pratique ne s'acquiert que par la con­naissance biologique des besoins des végétaux et de l'humus dessols.

Le labour, interprété dans certaines traditions comme lafécondation de la terre par le pénis de l'homme, a pour consé­quence de détruire à terme l'organisation des micro-organismes

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128 Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 3tme type 129

du sol sans lesquels les cultures ne tardent pas à péricliter. C'estsans doute pour cette raison que les civilisations les plus du­rables sont celles qui étaient implantées sur des deltas. Dans cescas les crues des fleuves concernés (Nil, Tigre, Euphrate, Gange,etc.) avaient pour effet de renouveler par le dépôt d'alluvions leséléments fertiles du sol que les pratiques agricoles ont toujourseu tendance à faire disparaître. Une des hypothèses explicati­ves de la disparition de la civilisation des Mayas, qui n'était pasinstallée sur un delta, fait intervenir une catastrophe écologi­que liée à la monoculture du maïs. A l'heure actuelle ce sont descentaines de milliers d'hectares de terres «cultivables» de notreplanète qui sont désertifiées chaque année ... parce que lesmicro-organismes constituant l'humus du sol et fixant l'azoteatmosphérique supportent mal l'oxygène et la dessication pro­voquée par les labours. L'étude écologique montre, qu'exceptéceux des déserts, tous les sols à l'état naturel comportent enpermanence une couverture végétale. En fragmentant le sol, lesracines permettent une oxygénation réduite de ces micro­organismes, évitent le compactage tandis que .les tiges et lesfeuilles créent un écran protecteur contre le soleil et les vents etune source de nourriture pour les bactéries de l'humus. L'agri­culture moderne doit donc surmonter un paradoxe: l'emploi dela monoculture exigé par la mécanisation entraîne l'obligationde décompacter le sol mis périodiquement à nu, ce qui lestérilise; il faut donc trouver le moyen d'aérer le sol en respec­tant sa stratigraphie, ce qui n'est pas facile.

Les conséquences de l'usage de l'agriculture vont êtrenombreuses et variées. Comme l'Homme devient tributairepour sa survie d'une bonne ou d'une mauvaise récolte, d'unecrue insuffisante, d'insectes trop voraces, les groupes sociauxvont connaître des périodes de famine et de surabondance.L'agriculture a donc entraîné paradoxalement la réap­parition périodique de la pénurie. Elle implique égalementla sédentarisation: on ne peut transport~r ses champs avecsoi. Cette fixation des hommes va entraîner une augmentationde la population et une accumulation de biens de toutes sortes.Le concept de propriété apparaît alors peu à peu avec la séden-

tarisation. Les biens et réserves accumulés exercent des convoi­tises surtout en période de famine; il va donc falloir des hommespour les protéger, les armes anti-personnelles vont apparaître àl'âge du cuivre, il y a 6500 ans environ (Courtin, 1984). Lemeurtre va être institutionnalisé et depuis cette époque, laguerre n'a pas cessé de dresser des humains contre d'autreshumains sur notre planète.

Le statut de la femme va sensiblement se modifier : dereprésentante incarnée des forces divines de la Nature, elle vadevenir «bien de consommation», destinée au plaisir et à la«fabrication» des guerriers nécessaires à la protection du groupesocial. Dans la plupart des sociétés post-néolithiques la femmene reçoit presque pas d'éducation. A l'origine de ce changementde situation, il y a peut être le fait que, contrairement à lacueillette, les travaux de l'agriculture nécessitent plus de forcephysique et que seuls les hommes vont les pratiquer. Egalementparce que le rôle du géniteur mâle est probablement découvertgrâce à l'élevage et que la reproduction cesse d'être une «magie»d'origine féminine. Il y a six mille ans environ, les représenta­tions de divinités féminines sont remplacées par des représen­tations masculines.

Le néolithique génère également l'insécurité et nos livresd'histoire, qui sont autant de récits nécrologiques, ne cessent dedécrire les batailles et les guerres qui en constituent les princi­paux repères. Cependant à travers le développement des scien­ces, les hommes vont acquérir une meilleure maîtrise de leurenvironnement, et la révolution industrielle et le développe­ment des sciences chimiques et biologiques vont donner aumonde occidental des moyens considérables: la machine et lesengrais chimiques, les outils de l'abondance actuelle.

5) La deuxième moitié du XXe siècle: lasurabondance du monde occidental et l'insécurité

La F.A.O. annonçait dans les années 70 que les Américainsagriculteurs, soit 4% de la population des Etats-Unis, produi­saient assez de protéines végétales pour satisfaire au besoin

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130Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 3ème type 131

potentiel de tous les humains. Aujourd'hui encore il aurait étéproduit dans le monde entier 584 millions de tonnes de blé en 90,soit l'équivalent de 300 grammes de blé par terrien et par jourdurant un an. Cette réalité coexiste avec l'existence de faminesdans le Tiers-Monde et le développement paradoxal des mala­dies de la surabondance et de l'excès dans le monde occidental.Peut-être peut-on voir ici une habitude mentale de pénurie :«mieux vaut détruire de la nourriture que la partager".

Ainsi l'abondance n'a pas entraîné la sécurité comme elledevrait le faire logiquement, parce que les occidentaux obéis­sent encore à des doctrines économiques - à des règles dejeux - élaborées en pénurie et de ce fait inadéquates à gérer unrégime d'abondance. En effet les trois principales doctrinesactuellement utilisées par les économistes et les banquiers àsavoir : le néo-classicisme, le marxisme et le néo- keynésismeinstallent leur discours logique sur un seul aspect de la réalitééconomique : la gestion des ressources rares. Elles sont doncaussi inutilisables en période d'abondance que la géométried'Euclide l'est dans l'espace interstellaire. Plusieurs tentativesplus ou moins heureuses ont été faites au XXe siècle pourélaborer une économie compatible avec le régime d'abon­dance et la démonétisation générale de l'or (Gesell, 1948;Issautier, 1961). Il n'empêche que contrairement au bon senset àce que nos yeux voient, les économistes d~ploient une ar­gumentation logique apparemment sans faille pour démontrerqu'une bonne récolte, sur une planète où deux hommes sur troisont faim, n'est pas une bénédiction mais une «catastrophe» qui,depuis 1929, ruine régulièrement les agriculteurs. Je remets àune autre occasion le développement d'une critique plus solidebasée sur un examen approfondi des prémisses qui fondent lesdifférentes «doctrines» économiques (Chassagnes et Grandjean,1983; Grandjean, 1985). Simplement, il est intéressant de noterque la pensée économique est souvent un système de pensée«auto-référencé". La validité de tels systèmes est purementinterne, liée à l'acceptation des axiomes de départ puis à l'appli­cation d'une logique classique sur ceux-ci (cf. plus loin la thésau­risation intellectuelle). Ces axiomes conçus en période de pénu-

rie ne peuvent être utilisés sans dommage en régime d'abon­dance. «L'économie n'est en fait qu'une science des moyens; ellen'a pas de finalité en elle-même. Or les normes de l'économieéchangiste et marchande du système industriel, adaptées à lagestion des biens semi-rares, se révèlent sans prise sur la montéed'une abondance de biens matériels et de services créés par lesmachines automatisées et informatisées)) (Europe 1993 :Pour unprojet de civilisation, p. 13, GRIT).

L'époque actuelle constitue ainsi une époque complexeprésentant d'une part un changement d'organisation psychiqueet sociale: le passage de l'enfance «spécifique» à l'adolescencedepuis le XIXè siècle; et d'autre part le passage de la pénurie àla surabondance dans les pays occidentaux. Il s'agit maintenantd'apprendre à gérer cette surabondance pour mettre sur piedune économie au service des hommes, respectueuse del'écologie et non créatrice de pénurie artificielle. Cetteélaboration nécessite la formulation d'axiomes économiques nou­veaux réflexifs de la réalité économique actuelle. Celle-cipeut se résumer ainsi : des machines qui pourraient produirebeaucoup plus s'il existait des acheteurs, dans un monde où lamonnaie ne peut plus, nulle part objectivement, faire défautpuisqu'elle est dégagée depuis 1978 de sa contrepartie or. Il estainsi urgent de comprendre qu'en période d'abondance, et con­trairement à ce qui se passe en période de pénurie, «enrichir))son voisin est leplus sûr moyen de s'enrichir soi-même comme l'amontré le plan Marshall, au lendemain du deuxième conflitmondial. Le passage à une économie basée sur les profits mutuelsest rendue difficile par la persistance d'opinions, d'a-priorisissus de «l'enfance de l'humanité». Si l'on rajoute que la moyenned'âge des gouvernants est élevée et que la plupart ont reçu leuréducation en période de pénurie, nous pouvons concevoir qu'unepartie des paradoxes douloureux que connaît aujourd'hui l'hu­manité, a son origine dans ce difficile changement de mentalitésque rend nécessaire le passage du régime de pénurie au régimed'abondance.

Or, nous allons voir que les règles sociales du régime depénurie ne sont guère compatibles avec la conquête de l'autono­mie liée à l'«adolescence psychique)).

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132Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 3ème type 133

6) Les conséquences des régimes de pénurie etd'abondance sur le fonctionnementdes groupes humains

Le différentiel précédent (pén urie/abondance) se révèle trèsheuristique* pour mieux comprendre pourquoi l'organisationsociale des groupes humains est très liée aux circonstanceséconomiques: pénurie ou abondance.

Cette relation est plus facile à observer chez nos cousinsprimates, par exemple chez la même espèce de chimpanzésvivant alternativement en forêt vierge et en savane. Dans lepremier cas, en régime d'abondance, la structure sociale est detype familial comprenant une ou plusieurs familles, les mâlessont assez proches des petits, il n'y a pas ou peu de ségrégationsexuelle; les jeux, la sieste et les séances d'épouillement occu­pent les journées puisque la nourriture est abondante. Ensavane au contraire l'organisation de ces mêmes primates esttout à fait différente : en pénurie, la structure sociale de lahorde apparaît. Le mâle dominant, encore appelé mâle alpha,généralement le plus fort ou le plus «rusé», exerce un ascendantsur les autres mâles et par extension sur tout le groupe qui doitobéir, de manière cohérente et immédiate, pour faire face à undanger ou aux exigences de la chasse en savane. Le groupe estdonc structuré par des relations hiérarchiques selon une formepyramidale. Si la nourriture est pauvre, c'est le mâle dominantqui se sert le premier. Il dispose également d'un «harem» defemelles et généralement lui seul peut copuler. Remarquons iciqu'il s'agit d'un choix biologiquement juste dans la mesure où illèguera un patrimoine génétique mieux adapté à la pénurie, etdonnera ainsi de meilleures chances de survie à ses descen­dants.

Examinons maintenant comment ces deux types de sociétésde singes (celle de la forêt vierge et celle de la savane) secomportent face à un danger mettant en jeu leur survie. Voicil'expérience de Korthland (1967) rapportée par Olivereau (1985) :

«On poussa dans leur milieu naturel (il s'agit ici de celui deschimpanzés) une panthère empaillée tenant entre ses pattes une

imitation de bébé chimpanzé. Dans les deux cas, la réaction deschimpanzés fut spectaculaire, et ils s'armèrent de bâtons pours'opposer à ce prédateur apparemment menaçant. Cependant,les chimpanzés de la forêt prirent des bâtons, trop courts et tropgrêles, tenus bien maladroitement, et n'osèrent guère affronter le«fauve» de face et de près, se contentant de lancer leurs bâtons(parfois par dessus l'épaule tout en s'enfuyant) dont aucunn'atteignit le fauve présumé dangereux. Ce dernier eut-il réelle­ment tenu un jeune chimpanzé entre ses griffes que ses sembla­bles habitués à la vie facile de la forêt n'auraient rien pu pour sasurvie. Au contraire, les chimpanzés de savane, soumis à lamême expérience, se montrèrent beaucoup plus performants, ilss'armèrent de bâtons plus gros et plus longs, tenus comme unhumain le ferait, et osèrent des attaques plus frontales. Et l'onenregistra des matraquages très efficaces (énergie cinétiquesupérieure à 300 kgm, soit l'équivalent d'une cartouche de groscalibre) sur la panthère empaillée qui finit même par êtreproprement décapitée.»

Autre expérience : si on isole dans une horde de singes unjeune mâle dominé et si on lui apprend à se servir d'un distribu­teur de bananes, il saura au bout de quelque temps l'utiliserparfaitement. Replacé au sein de la horde avec son appareil ils'offre devant ses congénères, chaque fois qu'il en a envie, unebanane. Aucun d'entre eux n'apprend à se servir du distributeurmais des comportements agressifs se déclenchent assez rapide­ment et il faut retirer promptement le singe «technicien» et lamachine à bananes. La même expérience effectuée avec le mâledominant aboutit à une conclusion diamétralement opposée: enquelques heures tous les singes de la horde savent se servir dela machine à bananes. La transmission de l'information dans les

groupes hiérarchisés suit donc la règle suivante: l'informationcircule beaucoup mieux du sommet de la pyramide vers le basque dans le sens inverse.

L'organisation sociale de la horde qui favorise les actionsd'un groupe cohérent dirigé par un «leader» constitue sansaucun doute un mode d'organisation sociale adéquat à la pé­nurie, mais uniquement à elle.

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134 Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 3ême type 135

Dans les sociétés humaines onretrouve cemode d'organisa­tion mais il passe progressivement d'un registre fonctionnel àun registre structural: autrement dit il s'institutionnalise. Etles relations inter-individuelles fondées sur la domination­soumission présentent des inconvénients importants obser­vables dans la plupart des structures très hiérarchisées: l'indi­vidu est souvent utilisé comme un objet pour satisfaire desappétits ou comme un outil pour atteindre un objectif que lapersonne n'a pas choisi consciemment. Le régime de pénuriefavorise ainsi l'irresponsabilité à travers des comportements desoumission (à des hommes ou à des idées) ou de domination.

Quelles sont les conséquences de ce type d'organisationsociale sur l'éducation des humains? En période de pénurie lasécurité du groupe est obtenue par l'uniformisation des compor­tements; ce qui n'est pas chose facile à réaliser avec des indivi­dus disposant d'un libre arbitre potentiel important, commelesmembres de l'espèce Homo sapiens. Ceux-ci peuvent ne plusobéir au doigt et à l'oeil au chef. En régime de pénurie, l'obliga­tion faite au groupe d'obéir comme un seul corps va doncrendre nécessaire une éducation extrêmement conformisante,peu compatible avec l'expérimentation individuelle nécessaire àla recherche de l'autonomie.

La survie, si difficile en pénurie, passe par le blocage partielet nécessaire de l'évolution psychique des individus à travers lescomportements de domination-soumission.

Pourtant des oeuvres célèbres attestent que des individussont parvenus à penser, créer et ont échappé à la cultureconformisante de leur temps. Ceci ne contredit pas ce quiprécède car ces penseurs ont rarement appartenu à la masse dela population qui subissait directement la pénurie. Grâce à leuraction innovante, l'humanité a pu, dans son ensemble, progres­ser lentement au cours des siècles. Mais leur existence n'a pasété facile car l'homéostasie sociale ne tolère dans ce cas qu'unefaible déviation par rapport à la norme. Et c'est encore ce qui sepasse aujourd'hui dans les pays qui n'ont pas accédé à l'abon­dance.

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En revanche le régime d'abondance n'oblige pas les hu­mains à adopter des comportements qui opposent certainsindividus aux autres puisque potentiellement les ressources enprésence sont suffisantes pour satisfaire les besoins de chacun.L'abondance est donc la condition nécessaire mais nonsuffisante de l'interdépendance. Non suffisante car l'exis­tence de l'interdépendance nécessite une éducation adéquatedes humains.

En effet, les promesses du régime d'abondance ne sont pasréalisées si les traditions culturelles, issues du régime de pénu­rie, perpétuent des automatismes inhibiteurs de la psychogénèsedes individus.

Page 69: Thérapies - Naissance du 4ème Type

THÉSAURISATION ET CAPITALISATIONINTELLECTUELLES

Ces termes désignent deux modes différents d'acquisition etde transmission des connaissances humaines. Je ne parleraipas ici de la genèse des différentes logiques mais des deux typesprincipaux de comportements associés à l'emploi de la logique.

La thésaurisation intellectuelleUn thésauriseur est quelqu'un qui prend par exemple des

pièces d'or, les met dans un bas de laine, cache celui-ci sous sonoreiller et ne dormant que d'un oeil, le fusil à la main, tire surquiconque fait mine de s'approcher de son «trésor». Des connais­sances, des concepts, des systèmes de pensée justes ou erronéspourraient-ils être traités de la même manière et devenir ainsides trésors culturels qu'il ne fait pas bon approcher d'un peutrop près? La réponse pourrait bien être «oui» et nous allonsmaintenant examiner de façon plus précise en quoi consiste lathésaurisation intellectuelle.

1. Elle repose sur des définitions conceptuelles «colorées» le plussouvent par la personnalité de leur auteur. Les prémisses sontrarement formulées explicitement et sont issues de dogmeschoisis en fonction de préférences et de projections personnelles.La pensée est associée à la personne qui la formule, le critère du

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138 Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 3lme type 139

«vrai» dépendant de la bonne ou mauvaise réputation decelle-ci.

Exemple: «Ceque dit M. Machin est certainement juste caril est du même bord politique que moiet de plus il est sorti d'unegrande école...»

2. La logique utilisée est linéaire: les syllogismes qui la compo­sent sont mis bout à bout, ce qui rend son emploi relativementpeu sûr: une erreur au cours du raisonnement fausse nécessai­rement tout ce qui suit.

Exemple : «Etant donné que tout ce qui est rare est cher,comme le pétrole devient de plus en plus rare, il ne peut devenirque de plus en plus cher».Ainsi s'exprimait un homme politiquecélèbre, féru en économie, au moment du de.uxièmechocpétro­lier. Mais la réalité est têtue, elle n'obéit pas aux prémissesfausses telles que «tout ce qui est rare est cher» ! Il existe desmillions de choses rares, comme les mouches en hiver sous nosclimats, et qui n'ont aucune valeur vénale! Quelques annéesplus tard, le pétrole encore plus rare pouvait voir néanmoins sonprix baisser ...

3. La pensée est auto-référencée et ne peut faire l'objetd'aucune validation externe. Le système de pensée ainsi consti­tué est fermé à la critique.

Exemple: les doctrines économiques, philosophiques, poli­tiques, religieuses ... et même éventuellement un paradigmescientifique avant son remplacement par un nouveau.

4. Les détenteurs de l'autorité en régime de pénurie ont toujourstenté (le plus souvent avec succès) d'imposer cette forme depensée à l'ensemble de la société, puisque la cohésion de cettedernière, conditionnant sa survie, exige la quasi-unanimitéd'opinion de ses membres.

Exemple: le procès de Galilée ou l'affaire Lyssenko.

5. Nous devons à ce type de discours la plupart de nos opinionset de nos croyances et c'est ainsi que naissent et se transmettentnos systématiques et nos erreurs qui deviennent très difficiles àdétecter à cause des points 1 et 3.

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6. Mais nous devons à ce type de pensée notre SURVIEpuisqu'en maintenant les hommes en état de dépendanceintellectuelle, elle a assuré presque jusqu'à nos jours lacohésion des sociétés humaines.

La capitalisation intellectuelleUn capitaliste est souvent celui qui, contrairement au

thésauriseur, accepte de se dessaisir de son argent. Il l'investitet permet ainsi la réalisation de biens (immeubles, barrages, ...)qui n'auraient pas vu le jour sans son apport. Il prend un«risque»dans l'espoir de recueillir un profit plus important quesa mise. Pouvons-nous devenir aujourd'hui des «capitalistesintellectuels» qui accepterions de nous séparer d'idées chères, decroyances intimes, qui prendrions le risque de remettre enquestion notre vision du monde, nos modes de relations, notreréférentiel ?

Quel sera alors notre profit?Si la logique aristotélicienne et les systématiques ont assu­

ré notre survie, il ne leur était guère possible de faire évoluerrapidement la société humaine puisque le sens de celle-ci estcelui d'un accroissement de non-dépendance dans tous lesdomaines. Un autre mécanisme s'est ajouté à la thésaurisationintellectuelle quand sont nées les sciences exactes. C'est l'unedes principales étapes de l'évolution de l'homme, lorsque poussépar des pulsions encore mal connues, il commença à rechercheret à comprendre, en la formulant, la cohésion fondamentale del'univers. Nous venons de voir que la thésaurisation intellec­tuelle implique une certaine opacité par rapport aux prémisseset une attitude conservatrice.

Au contraire la capitalisation intellectuelle implique unemise en évidence et une formulation des prémisses du raisonne­ment et une utilisation par tous des conclusions. La commu­nauté - pas seulement scientifique - capitalise alors, fait fruc­tifier les connaissances dans leur ensemble. Le critère de vali­dité d'une théorie ne dépend plus de la réputation de sonauteur mais de sa résistance à la critique (popper, 1965).

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() Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 3ème type 141

Sije m'approprie mentalement ces trois différentiels,j'ai lesmoyens de m'auto-évaluer et de me déplacer en connaissance decause vers le pôle qui me satisfait davantage. L'auto-évaluationde la pensée est le premier pas vers la non-dépendance intellec­tuelle, et il pourrait être enseigné dès le plus jeune âge enutilisant bien évidemment un vocabulaire adapté.

Reste posé le problème de la validité de ce que l'on pense:l'ancien outil, la logique aristotélicienne, donne une illusion devalidation absolue du raisonnement. Illusion car «le raisonne­ment n'a plus alors qu'une valeur tautologique pour présenter"autrement" une vérité présente dans les prémisses et notam­ment pour relier entre elles des données apparemment dispa­rates» (Tabary, 1987). Ainsi «les mathématiques ont pu jouer unrôle essentiel dans ce cadre, pratiquant des opérations apparte­nant à des groupes de substitution. Du point de vue logique, larésolution d'équations complexes du troisième degré ne fait querendre plus manipulable un résultat qui est aussi présent dansl'équation avant la résolution qu'après». Et les mathématiciensn'en sont pas dupes!

Cette prise de conscience nous amène à voir que, si nousvoulons nous diriger vers la non-dépendance, nous devons«abandonner» la sécurité apparente et trompeuse de la logiqueutilisée dans la thésaurisation intellectuelle. Tabary parvient àla conclusion que «la seule validation possible est celle de la

• orIU(.uo tfO substitue alors à la systématique, il n'y adOllc pl UH do système de pensée à défendre tant qu'on reste danslino IlLU tude scientifique «pure». Pure car les scientifiques, toutcomme los autres humains, ont la tentation de thésauriser leursmodèles explicatifs de la réalité. L'histoire de la science est ainsijalonnée de moments de crise où l'emploi, par la communautéscientifique elle-même, de la deuxième règle méthodologique acontraint certains de ses membres à se dessaisir de leur théorie((chérie» devenue périmée.

Le passage de la thésaurisation à la capitalisation intellec­tuelle est intimement lié à l'attitude que l'on a par rapport àl'erreur, la sienne et celle d'autrui. En effet dans le premier cas,on considère les idées d'autrui comme des émanations «respec­tables» et «sacrées» auxquelles on ose d'autant moins s'attaquerqu'elles sont issues d'une autorité plus élevée dans la hiérarchiesociale. Une différence importante s'établit lorsque l'on consi­dère les idées d'autrui et les nôtres comme des hypothèses.Cette substitution constitue une invitation à «tester» l'énoncéproposé, à le soumettre à la critique. On ne le conservera commehypothèse de travail, comme modèle de représentation du réelque dans la mesure où il aura résisté à tous les assauts. Ongardera à l'esprit que si on est prêt à se battre avec autrui etmême à mourir pour une idée, on le fait beaucoup plus rarementpour une hypothèse! Ce changement d'attitude comporte en­core un avantage de taille: celui qui l'adopte est moins tenté deprojeter ses opinions, ses préférences sur le réel. La substitu­tion d'hypothèses aux idées facilite alors la réflexion detous les aspects du réel.

Cette attitude représente un gain d'autonomie grâce à lanon-dépendance intellectuelle supplémentaire que l'em­ploi des trois règles énoncées dans l'introduction permetd'acquérir. Leur intérêt est en particulier de nous procurer lesmoyens d'auto-évaluer ce qui se passe en nous et de repérersur trois ((axes»comment nous pensons et ce que noussentons. Ces trois axes sont constitués des trois différentiels*suivants:

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HYPOTHESES

CRITIQUE

ATTITUDEREFLEXIVE

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SYSTEMATIQUE

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DEPENDANCEINTELLECTUELLE

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142 Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 3~metype 143

cohérence interne reliant chaque observation à la théorie. lathéorie à chacune des observations. (1) Si cette forme de validationn'est pas absolue, elle a l'énorme avantage de demeurer ouverte(llet de pouvoir évoluer, expliquant leprogrès à l'échelon individuelcomme à celui de la civilisation».

Lors d'un précédent travail (Pinson, Demailly et Favre,1985), j'ai tenté d'illustrer le fait que notre appareil cérébro­psychique pourrait fonctionner sur le modèle de l'hologramme.L'image dans un hologramme est formée de points, mais ellediffère fondamentalement par ailleurs des images classiquesdans la mesure où chacun de ses points possède une informationsur l'ensemble de l'image, sur le contexte. Cette particularitérepose sur un mode de traitement de l'information pour lequelnotre cerveau, avec ses deux hémisphères asymétriques, sembletout à fait équipé. Dans cette hypothèse, on arrive à un mode devalidation compatible avec le progrès de la pensée et utilisablepar tous : l'image vérifie le ou les points qui participent à saconstruction. Un exemple de «validation holographique» estdonné par la vérification d'un mot par l'ensemble des autres àl'intérieur d'une grille de mots croisés. Réciproquement la vali­dité de la grille réside dans la cohérence produite par leséléments qui la composent. En ce qui concerne la validationd'une théorie, Tabary (1987) note qu'«un complément de valida­tion apparaît, lié à l'accord holographique entre théories. Psy­chologie, biologie etphysique sont considérées comme des appro­ches différentes d'une réalité commune qui ne peuvent se validerque par l'accord dont elles font preuve; dans ce cadre le para­digme holographique exprime la nature du lien entre l'élément etla totalité, et doit se retrouver constamment sous une forme ouune autre dans toutes les analyses cognitives».

Ainsi resitué, le passage à la non-dépendance intellectuellecomporte la «dessaisie» d'un mode de validation absolu qui seraréservé aux mathématiques, et l'apprentissage d'un mode devalidation relatif, donc sujet à la remise en question. L'applica­tion des trois règles méthodologiques présentées ici et l'appro-

(1) C'est moi qui souligne.

1~

che transdisciplinaire des faits ne sont donc pas des gadgetsintellectuels mais des outils nécessaires et incontournablespour permettre à chacun de devenir propriétaire de sa pensée.

L'approche transdisciplinaire rendue possible et opération­nelle par l'auto-évaluation de la pensée met la non-dépendanceà la portée de tous ceux qui la désirent. Le critère de cetteacquisition n'est plus une accumulation de connaissances dispa­rates, mais une aptitude à se construire un référentiel indivi­duel ouvert, une image cohérente du monde susceptible de semodifier, d'accueillir les faits nouveaux, même s'ils dérangent etperturbent temporairement cette cohérence. La sécurité neréside plus dans la permanence de cette image mais dans lacapacité à accueillir et à traiter toute nouvelle informa­tion, pour obtenir une image encore plus précise que laprécédente.

Cette dernière remarque attire notre attention sur l'aspectaffectif que comporte tout changement de comportement. Lepremier mode de pensée était à l'origine d'une sécurité qu'on neremettait pas en question puisque la plupart des individusfonctionnait ainsi: ce mode de pensée est associée à l'enfancepsychique et ses caractéristiques sont accentuées et perpétuéespar la pénurie. Lors du passage progressif de «l'enfance àl'adolescence psychique» sur le plan spécifique, sont apparusl'abondance matérielle et les outils «démocratisables» de la non­dépendance intellectuelle. Le frein exercé sur la maturationpsychique par la pénurie à maintenant disparu en Occident; ilne reste plus que ... les freins affectifs pour nous empêcher de«lâcher» un mode de fonctionnement encore sécurisant bienqu'illusoire contre un autre qui, en nous mettant en prise directeavec la réalité, nous permet de continuer à mûrir.

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LA SOLITUDE ET L'ANGOISSE DE«SÉPARATION»

Sortir il y a quelques millions d'années de la vie sécurisanteau sein de la forêt équatoriale nous a coûté la perte de «l'infailli­bilité instinctuelle». C'est le premier prix à payer pour avoir lapossibilité de ne plus être guidé par la Nature, et pour pouvoirinventer.

Mais le deuxième prix à payer pour accéder à l'humanité,c'est la perte du sentiment d'être complet, unifié que nousprocurait probablement l'existence en symbiose avec tout lereste du monde vivant. C'est la possibilité d'être malheureux,angoissé, bref de souffrir psychiquement qu'il nous est donné devivre.

Sur le plan individuel chacun d'entre nous, d'après certainspsychologues, aurait connut l'état symbiotique, sans limite, ac­compagné d'un sentiment d'éternité et de béatitude trèsagréable. Il correspondrait à la période de vie intra-utérine etaux quelques mois qui suivent la naissance. Cet état seraitressenti comme un grand plaisir lié au fait qu'on serait à cemoment-là «fusionné» psychiquement avec sa mère et que l'onn'oxisterait pas encore en tant qu'entité consciente. L'émer­p,'onco de la conscience* rend impossible ou difficile le maintiendo cot 6tat symbiotique car les forces de la séparation dut.,·oIHlomotypo s'exercent dans le sens opposé.

Page 74: Thérapies - Naissance du 4ème Type

Le développement de la conscience passe donc par cetteétape: «Je suis seul et responsable de ma vie» dont un descorollaires est la solitude*, quelquefois très douloureuse.

L'ancien mode d'existence: «vivre relié» n'est donc pluscompatible avecle nouveau dans lequell'être humain devient deplus en plus un sujet, un JE séparé du reste de l'univers. Cettecrise, cette perte de l'ancien mode d'existence peut être àl'origine d'une angoisse très importante à laquelle l'hommepeut tenter de pallier par divers moyens.

Faits comme des rats 1/

Avant de passer en revue ces moyens et pour comprendrepourquoi ils ont été utilisés, il faut se demander ce que devientla motivation d'un individu après la séparation du troisièmetype. Nous avons vu dans la deuxième partie que des circuits derenforcement de l'action avait pris le relais du moteur instinc­tuel chez les mammifères notamment. Lors de la séparation du3ème type, la coupure avec les instincts s'accentue, et lescircuits de renforcement du comportement deviennent les prin­cipales structures de motivation chez l'Homme.

Dix ans après que Glds et Milner l'aient réalisée chez le rat,Delgado va reproduire chez l'Homme l'expérience qui consiste àintroduire une électrode dans les circuits neuroniques de ren­forcement positif (ici le faisceau de fibres médian du cerveauantérieur). Mis en situation d'autostimulation, les patients deDelgado vont s'autostimuler avec la même intensité compulsiveque les rats. C'est dire que la partie ancienne de notre cerveaucontient des circuits de renforcement aussi puissants que ceuxdes rongeurs. Mais à la différence de ces derniers, les sujets deDelgado pouvaient nommer ou essayer de décrire les senti­ments et les émotions que cette stimulation électrique leur aprocuré. Pour résumer et en schématisant les témoignagesrecueillis, ceux-ci décrivent tous un plaisir très intense avecquelquefois une qualité sexuelle et orgasmique marquée. Assezsouvent la personne perd la mesure interne du temps, elle

. n'arrive pas à évaluer la durée de l'expérience. Enfin certains

147146 Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 3ème type

témoignages rapportent un sentiment d'expansion de soi, dedélocalisation, d'existence en dehors des limites de son corps, etmême l'expérience de ne plus avoirde limites. Ainsi que cela a étéremarqué chez des adolescents «difficiles»,cette stimulationcalme l'angoisse et l'agressivité de l'individu qui devient douxetsoumis ... (Delgado, 1976).

D'autres expériences plus récentes ont montré qu'il existaitchez l'Homme, comme chez l'animal, des récepteurs naturelsaux substances opiacées et que le cerveau humain secrétait luiaussi ses propres endorphines (Beck D. et J., 1988).

Rappelons deux propriétés importantes des circuits derenforcement positif:

1. Lorsqu'ils ont été stimulés une première fois, ils poussentl'individu à reproduire le comportement qui a provoqué cettestimulation, cette fonction est directement associée à la mémoire.

2. Matures bien avant la naissance, ils peuvent fonctionneravant le cortex cérébral, la partie du cerveau qui est associée auxprocessus conscients.

On peut maintenant avec le rappel de ces deux informa­tions, examiner par quels moyens les «séparés du 3ème type»vont calmer leur angoisse de séparation en stimulant leurscircuits de renforcement positif. Ces moyens sont individuels oucollectifs.

1) Les moyens individuels

Je pense tout d'abord aux drogues. Il en existe de plusieurssortes. Les premières sont celles qui font tourner plus vite la«mécanique cérébrale», telles que les amphétamines et la co­caïne, et donnent l'illusion d'être plus efficace.Les secondes, lesplus nombreuses, diminuent la conscience et donc le sentimentd'être un isolat psychique. C'est également ce que produit l'al­cool, ce qui n'est pas étonnant quand on sait qu'il a dans lecerveau à peu près les mêmes effets que la morphine. Lesdérivés de la morphine abrutissent, anesthésient partielle­ment, ils sont aussi directement euphorisants: «Jeme sens bien

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148 Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 3ème type 149

enfin 1»dit le drogué - au début surtout. Il a recours à la droguele plus souvent pour se sentir normal, pour se donner «confianceen soi».Avecce type de drogue, il y a recherche d'un plaisir dansl'instant: ressentir tout en n'existant plus, «s'éclater», se «dé­foncer».

Cette quête d'un plaisir extrême supprimant le temps et lesangoisses est illusoire, ce qui montre bien que l'évolution est unphénomène irréversible. Voici ce qu'un utilisateur d'héroïnedepuis dix ans confiait à Catherine lors de sa désintoxication:«La drogue, c'est le contraire de la serpillère : après une prise,l'envie de me piquer revient d'un coup,je ne pense qu'à ça et auplaisir qui va m'envahir puis lorsque je me pique à nouveau, quele produit est dans mes veines,je sens que je me suis fait encoreavoir, que ce n'est pas si fantastique que cela et je regretted'avoir encore succombé; avec la serpillère, avant je n'ai pasenvie de la passer pour nettoyer ma chambre mais lorsque je m'ymets enfin, le désagrément n'est pas aussi terrible que jel'imaginais et après je ne suis jamais déçu, je suis satisfaitd'avoir nettoyé l'endroit oùje vis».

La troisième catégorie de drogues, comme la mescaline, lapsylocibine, l'acide lysergique (LSD) désinhibent ou potentiali­sent (font fonctionner davantage) certaines synapses* telles lessynapses sérotoninergiques, dopaminergiques ou adrénergi­ques impliquées elles aussi dans les circuits de renforcement etla mémoire (Snyder, 1986). Ces drogues libèrent ainsi de façonapparemment anarchique des morceaux de «mémoires énergé­tiques» composésd'images,de perceptions kinesthésiques, d'émo­tions et de sentiments. Elles sont souvent utilisées dans les ritesd'initiation et sont présentes dans de nombreuses culturesprimitives. Leurs effets sont aléatoires, un «voyage»sous L.S.D.peut donner l'impression très gratifiante de «fusionner» avec lecosmos mais peut être aussi un cauchemar redoutable, et alorsl'offet anxiolytique n'existe plus. On appelle «expérience reli­g-iouseprimaire» cette aptitude de l'appareil cérébro-psychiqueà engendrer le sentiment qu'on n'existe plus en tant qu'individudifT6rencié,séparé, mais au contraire que l'on est relié à toutl'Univers. Faire UN avec Dieu est le but de la démarche Zen

aboutissant à l'état de satori puis au nirvana. Il est intéressantde noter que l'obstacle à surmonter, c'est là aussi le «menta!»,qu'il faut faire taire. L'état recherché est atteint quand après desannées de lutte contre soi-même on ne doit plus désirer at­teindre le Nirvana. La méthode Zen (Benoit, 1959) n'est pas laseule dans son genre, des mystiques ont montré que le jeûne,l'abstinence, l'isolation pouvaient, s'ils étaient maintenus, en­gendrer ce type d'expérience où il existe souvent deux sortes derécompenses: le ravissement (mot qui a la même origine que ra­visseur) et une dispense fort intéressante: la dispense d'avoir àagir et donc à s'impliquer.

Il existe également des moyens plus courants dont oncomprend mieux le fonctionnement quand on sait que nosmuscles produisent eux aussi des endorphines au cours d'uneffort prolongé. Bien que les endorphines ainsi élaborées neparviennent pas directement au cerveau, chacun a pu remar­quer les effets euphorisants et enivrants du fou-rire, les plaisirsplus discrets dujogging, etc. Serions-nous tous des drogués?

Le «rapport de drogue à drogué» n'existe à mon sens que sion ne peut pas se passer d'une substance, d'un comportement oud'une personne pour ne pas être mal. Ainsi, il existe unedifférence très nette entre le fait de partager entre amis unebonne bouteille, dont l'objectif est la rencontre amicale et lajoied'échanger, et le fait d'être en situation de malaise psychiquesitôt que la concentration d'alcool dans le sang descend endessous d'1 gramme par litre. De même, lorsqu'une personnequi pratiquait un sport plusieurs heures par jour se sent dépri­mée lorsqu'elle cesse cette activité, on peut dire qu'elle avaitcontracté une dépendance vis à vis de cette activité. Cettesituation de dépendance existe bien évidemment par rapport àdes personnes, et pas seulement à des objets ou des activitésludiques ou professionnelles. Lorsque deux personnes se sépa­rent et si le «processus de deui!»*normal ne se produit pas onpeut dire qu'il y avait entre ces deux personnes un rapport dedépendance et non une rencontre* de personne à personne, deJE àJE.

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l '1() Nùiiltllil/c'C' du quatrième type La séparation-individuation du 3ème type 151

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A travers le conformisme on propose à l'individu d'offacer cequ'il a de différent donc de différencié par rapport à la majoritédu groupe, il perd donc un peu de son individualité et a moins lesentiment d'être à part, séparé et seul. Le conformisme véhiculeainsi une séduction et une illusion. Elles résident dans le fait quel'on croit retrouver «l'unité perdue», l'état fusionné qui précèdel'émergence de la conscience associée à la possibilité de prendreles rênes de soi-même et d'être responsable de sa vie. Au XXesiècle, c'est encore avec ce type de résonnance qu'Hitler va fairevibrer un grand nombre d'Allemands : «Tous ensemble pourfaire UN dans le 3ème Reich». Avec ce sentiment d'apparte­nance fusionne Ile apparaît le sentiment illusoire d'être fort, sen­timent agréable surtout si l'on est habité par' la peur d'êtrefaible ...

Les fêtes orgiaques sont tout à fait complémentaires duconformisme social et comme lui tolérées voire favorisées mêmepar les plus autoritaires des gouvernements. La fête orgiaque aun gros avantage, elle défoule ... temporairement ce qui estinconsciemment «refoulé». On retrouve les traces de cette fêtedans le carnaval, les «grosses bouffes» où il est de bon ton d'êtreun peu ivre. Toutes les occasions sont bonnes pour cela, De nosjours en période d'abondance alimentaire cela a même un côtéridicule et caricatural. L'orgie alimentaire apporte aujourd'huien effet plus de désagrément que de plaisir, ce qui n'était pas lecas en pénurie, La fête défoule d'autant plus qu'elle arrive à desépoques régulières de l'année et que l'on peut faire, surtout sur

le plan sexuel et dans l'ivresse (Le. l'inconscience et l'irrespon­sabilité) ce qui est interdit les autres jours. Dans ce dernier casl'orgie a un effet anxiolytique puissant connu et très utilisédepuis la préhistoire. Cependant ni le conformisme ni lafête orgiaque ne résolvent durablement le problème de laséparation et de l'angoisse qui peut en résulter. Que reste-t­il alors? Parmi les moyens collectifs, il en existe un qui est unpeu particulier: l'état amoureux, qui amène deux personnes, leplus souvent de sexe opposé, à former une «sorte» d'unitésubjective temporaire très gratifiante où chacun est habité parle sentiment qu'il est fait pour vivre heureux.

3) L'état amoureux

Ce troisième moyen de combler le vide engendré par laséparation liée à l'émergence de la conscience comporte plu­sieurs étapes dont la première correspond le plus souvent à ungrand bouleversement de l'univers intérieur des «protago­nistes». L'état amoureux, appelé état naissant par Alberoni(1984), correspond à une révolution pour la personne, et commetel, il est très subversif pour l'ancien ordre psychique intérieur.Quelquefois il aboutit à une véritable «naissance psychique» desdeux individus, l'état amoureux devient alors amour véritablede l'autre ou interdépendance affective. Dans ce cas et comme onle verra dans la quatrième partie «l'angoisse de séparation» peutêtre constructivement dépassée.

Mais le plus souvent et on peut le regretter, l'état amoureuxdisparaît et est remplacé par une succession de comportementsplus ou moins automatiques qui se substituent à la rencontre*potentielle avec l'autre. Dans cette relation, l'angoisse demeureavec son refoulement inconscient qui nécessite alors des défoule­ments toniques comme le conformisme, et phasiques comme lafête orgiaque. Certains accepteront ce compromis, d'autres cul­tivent les états amoureux successifs, réalisant sur le modèle deDon Juan ou de ses variantes féminines, une autre forme decompromis. Dans ce dernier cas, plaisir et séduction sont liésintra-psychiquement, comme le sont séduction et frustration.

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152 Naissance du quatrième type La séparation-individuation du 3ême type 153

Voilà une conclusion qui peut paraître un peu saumâtre; onvient de voir que potentiellement chacun d'entre nous estconstitué pour devenir autonome et éprouver du plaisir et de lajoie. Mais dans de nombreux cas, les ressources en plaisir nesemblent disponibles, utilisables, que dans des situations «ex­ceptionnelles» liées à l'emploi de substances dangereuses oud'électrodes court-circuitantes de la volonté, à de longues initia­tions mystiques quelquefois «mutilantes», à des situationsamoureuses temporaires ou encore à des comportements visantl'exercice et la recherche du pouvoir ou de la violence, sur lesautres ou sur soi-même.

N'y-a-t-il que ces pistes pour ressentir du plaisir? La fina­lité du plaisir sexuel en particulier est-elle uniquement anxioly­tique? Ne peut-on être heureux autrement? Nous verrons queoui mais cela implique une démonstration car ce sujet estcomplexe et déchaîne par lui-même des controverses violentes.

Faisons le point: nous sommes passés sur le plan spécifiquede «l'enfance à l'adolescence psychique», de la thésaurisation àla capitalisation intellectuelle et du régime de pénurie à celuid'abondance. Alors pourquoi tout n'est-il pas parfait? Eh bientout simplement parce que l'adolescence n'est pas l'âge adulte.L'adolescence est une crise avec ses risques réels, ses dangers etses promesses. Ceci est vrai également à l'échelle de l'espècehumaine. On a reconnu comme obsolètes les valeurs du passémais l'avenir fait peur. On perçoit un espace vide, inconnu,terriblement angoissant. C'est d'ailleurs ainsi qu'on imagine lamort. Il est donc compréhensible de tenter de sauver le passé, deressortir quelques ayatollahs poussiéreux, d'agiter de vieillesvaleurs xénophobiques, mais il n'est pas possible d'arrêterl'évolution, d'arrêter les forces même de la vie qui nous forcentà «mourir» pour mieux «renaître» sans cesser d'être vivant.

C'est de renaissance dont il est question à l'adolescence: lamort de l'organisation de la chenille donne naissance à la formeadulte, le papillon. Cependant contrairement à ce qui se passepour lepapillon, ce n'est pas la Nature qui programme pour nouscette métamorphose.

En quoi va consister pour nous cette «mort», cette séparationdu 4ème type, puisque nous conservons notre corps? Quel est leprix à payer? Que faut-il abandonner? Dans les trois sépara­tions précédentes, il y a l'idée que l'on perd quelque chose maisque l'on gagne de la différenciation: de quoi est fait ou serafait l'homme véritablement adulte? Et surtout est-cejouis­sif d'être non-dépendant affective ment ? Comment le devenirpuisque nous nous construisons psychiquement en relation avecles autres et que nous ne pourrions le faire sans cette relation?La séparation-individuation du 3ème type nous a fourni desmoyens nouveaux, ceux de la conscience, mais elle nous aconduit à une situation paradoxale car du fait de notre éduca­tion elle nous a rendus partiellement dépendants de nos édu­cateurs. Mais nous avons également maintenant des ressourcespour accoucher de nous-mêmes.

Une nouvelle séparation pour une nouvelle individuation,une nouvelle naissance s'imposent parce que je ne vois pasd'autre issue et que nous semblons parvenus à terme.

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~.

LA SÉPARATION-INDIVIDUATION DU 3ème TYPE•••ENBREF!

Elle s'est produite quand une variété de singes anthro­poïdes a posé des actes qui n'étaient pas programmés génétique­ment. Cette séparation d'avec la nature se fait progressivementmais elle commence avec l'outil, nécessairement conçu avantd'être fabriqué et conservé et dont le mode de fabrication va êtreenseigné et transmis culturellement.

Les anthropologues font remonter le début de l'émergencede la conscience et du langage symbolique à l'époque où estapparu Homo habilis, dans la savane est-africaine, il y aquelques millions d'années. Avec le langage et la conscience,un nouveau mode de transmission d'information d'unegénération à l'autre se met en place. L'éducation et laculture se rajoutent à la transmission génétique. La culturetransmet des concepts et des techniques mais aussi des règlessociales.

Si la part culturelle dans l'évolution du genre Homo restefaible pendant les premiers millions d'années, elle devientprépondérante à partir du moment oùle cerveau humain atteintle degré de complexification qu'il connaît aujourd'hui, c'est-à­dire il y a 30 ou 40.000 ans. Depuis, le nombre d'informationstransmises par la culture ne cesse de s'accroître selon unecourbe hyperbolique.

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156 Naissance du quatrième type

Entre ces époques lointaines et aujourd'hui, des successionsde période de pénurie et d'abondance vont moduler les règlessociales et les modes de relation entre les humains. Pendant desmillénaires et peut-être plus, nos ancêtres devront leur survie àdes comportements de domination-soumission que l'on retrouveencore dans certains rapports d'autorité. Un paradoxe impor­tant caractérise l'être humain peu pourvu d'instincts (hor­mis ceux réglant la survie du corps) :le petit d'homme ne peutdevenir humain, devenir lui-même que dans la relation àautrui. L'existence des «enfants sauvages>; montre bien cetteinaptitude à extérioriser ses propres potentialités en dehorsd'une relation avec d'autres humains. Si les autres humainsnous apportent des connaissances sur nous, une éducation, unerelation affective et émotionnelle, ils peuvent consciemment etsurtout iriconsciemment* nous «attacher» à eux, à des idées, àun type de relation affective.

Une longue quête commence pour l'humanité: conquérirune certaine non-dépendance matérielle (la moitié de l'hu­manité n'y est pas encore arrivée) puis s'affranchir des idées,des opinions, des préférences et des systèmes de pensée en pro­venance du passé ou encore véhiculés par la culture. C'est larévolution scientifique dont on a surtout vu les conséquencestechniques. Pourtant elle a introduit la révolution la plussubversive qui soit, dans nos modes de pensée: la possibilité dedevenir non-dépendant, autonome sur le plan intellec­tuel, en observant certaines attitudes de pensée. Le dernierdomaine à libérer est donc le domaine affectif, c'est-à-dire celuiqui sous-tend toute relation entre un être humain et un autre.En tant qu'organismes vivants nous nous étions relativementdétachés de la Nature en créant et en inventant pour notrepropre compte; il reste donc à nous libérer par rapport à nos«éducateurs» car ceux-ci ont pu «piéger» nos systèmes de moti­vations inconscients. Que peut donc signifier: JE suis, JE veuxou JE désire?

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QUATRIÈME PARTIE

VERS UNE SÉPARATION DUQUATRIÈME TYPE

La séparation du premier type affecte tout l'univers; laseconde inaugure le processus de la Vie; la troisième concerneune seule espèce de primates et donne naissance à un nouveautype d'évolution, l'évolution psychique et culturelle; la sépara­tion du quatrième type ne peut se produire qu'à l'échelle del'individu conscient du nouvel enjeu. Plus encore que les précé­dentes, c'est une séparation-individuation : la «mutation»donne accès à la forme psychique adulte d'Homo sapiens sa­piens. Cette «mutation» est accomplie si nous pouvons vérifierque nous tenons véritablement les rênes de nous-mêmes, quenous avons la vie que nous voulons vraiment, que nous nous ensentons pleinement responsables et que nous sommes heureuxd'être vivants.

Nous avons vu que nous nous construisons psychiquementgrâce à la relation avec l'autre et que nos «éducateurs» nouspermettent de réaliser des apprentissages divers: la marche, lelangage, le raisonnement logique, des connaissances et dessavoir-faire, sources d'une certaine autonomie. Mais ils ontaussi pu nous transmettre, dans certains cas, des conditionne­ments qui nous limitent et des systèmes de valeur inadéquats.

Nos éducateurs pourraient bien ainsi nous avoir «parasité»

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158 Naissance du quatrième type

à notre insu et au lour également - si eux-mêmes sont para­sités. Je vais donc maintenant essayer de répondre à cette ques­tion : Peut-il y avoir en nous des «programmes étrangers» ?

(Favre, 1987)

PEUT-IL Y AVOIR EN NOUS DES PROGRAMMESÉTRANGERS?

2

Chromosome viral contenanttoutes les informations pour fa­briquer d'autres virus.

2

~1r-----------...

-- -----"Chromosome bactérien

1

Les exemples de parasitisme abondent dans la nature.Celui des virus bactériophages illustre bien le concept de «pro­gramme étranger».

De quoi s'agit-il? Les virus qui s'attaquent aux bactériesprocèdent de la manière suivante:

3-- ..•.•..•..•-- ......•.

--------{-\-~-\~,f? ~ ~

Chromosome viral = programmeétranger

La bactérie se met «au service»du programme viral, ne fabri­que plus que des virus et peutmême en mourir.

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160 Naissance du quatrième type Vers une séparation du 4~1TUtype 161

Cet exemple montre comment une information biochimiqued'origine «étrangère» peut détourner la «destinée» d'une bacté­rie, mais ne reflète cependant que partiellement les rapportsexistant entre virus et bactérie. Dans la nature, ceux-ci viventen «symbiose dynamique» les uns avec les autres, échangeanttrès fréquemment de l'information génétique. La destruction dela bactérie est la conséquence de la transformation occasion­nelle de la relation endo-symbiotique (entre la bactérie et levirus qui l'habite) au profit d'une relation favorable seulementau virus. La plupart des bactéries contiennent en permanenceun ou plusieurs virus et forment des communautés mixtespluricellulaires comprenant différentes souches de bactéries etde virus. Sonea (1988) évoque ainsi l'existence d'un vaste «marchécommun» des gênes auquel auraient accès toutes les souchesbactériennes de la planète, ce qui relativise la notion d'«étranger»quand on parle d'un programme génétique provenant d'unautre être vivant. Il n'existe pas réellement de «programmeétranger» tant que les êtres vivants primitifs sont peu «indivi­dués» au sein de recto-symbiose (symbiose globale) qu'ils for­ment tous ensemble.

Ce serait différent si le programme avait son origine àl'extérieur de la symbiose et était porteur d'une finalité. Ainsi eninformatique on appelle «virus» un mini-programme, difficile­ment détectable, fabriqué par exemple par un programmeur quiveut modifier de façon clandestine le programme officiel d'un or­dinateur. L'actualité nous a fourni l'exemple d'un employélicencié qui, pour se venger, a introduit un «virus» dans l'ordina­teur gérant les dossiers des clients de l'entreprise. Quand levirus artificiel fut détecté par ses effets néfastes, plusieursdizaines de milliers de dossiers avaient été effacés du fichier in­formatique. On voit que l'ordinateur, qui obéit à un modèle defonctionnement beaucoup plus complexe, peut être détourné desa tâche par un programme étranger parasite. Le caractèreétranger prend encore une toute autre signification chez l'Homme.La séparation du 3ème type provoque le retrait de l'individu, àla fois de la symbiose avec la nature (ecto-symbiose) et de larelation «symbiotique» avec l'environnement humain; il devient

ainsi un «isolat». Tout ce qui n'est pas «directement lui» est doncétranger. Des parasites tels le vecteur de la bilharziose peuventpénétrer le corps, leurrer les défenses immunitaires (dont le rôleest de distinguer le soi-biologique du non-soi) et détourner lescellules de notre corps de leur activité. Pourrait-il exister l'équi­valent sur leplan psychique de ce que font quelquefois les virusou les parasites sur le plan biologique? Pourrait-il exister desprogrammes étrangers implantés en nous par autrui, suscepti­bles de passer inaperçus une partie de notre vie et de nousdétourner de nos objectifs?

Voici un curieux et troublant récit d'idéation induite. L'ac­tion se passe aux U.S.A., il y a quelques dizaines d'années. Unfumeur, que nous appelerons Hubert, est consentant pour seprêter à une expérience d'hypnose. L'hypnotiseur lui donne troisdirectives successives :

1. Arrêter de fumer dès le lendemain.

2. Faire un détour pour rejoindre son lieu de travail et passer parla rue X.

3. Ne pas se rappeler d'avoir été hypnotisé (directive communeà la plupart des expériences d'hypnose).

Rien de très original dans ces ordres; ce qui est plus remar­quable c'est la façon dont Hubert va s'en accommoder.

Le lendemain celui-ci se réveille et se dit: «Tiens, aujour­d'hui j'ai une idée, je vais m'arrêter de fumer». On notera qu'il nereconnaît pas le caractère étranger de l'information, et pensequ'elle lui appartient. Il continue à se parler à lui-même,pense qu'il risque d'être frustré comme l'ont été des collèguesqui avaient tenté de faire la même chose; aussi décide-t-il d'allers'acheter un nougat pour parer à cette frustration éventuelle. Ilconnaît justement une boulangerie qui en vend et cela ne ferapas un long détour pour aller au travail car elle se trouve dans ...la rue X.

Comme on le voit ici démontré: Hubert va justifier etrationaliser consciemment le programme de conduiteinduit par un autre et qu'il croit être le sien.

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162 Naissance du quatrième type Vers une séparation du 4Ame type 163

L'histoire se termine bien à mes yeux, car quelques joursplus tard, il rencontre à nouveau son hypnotiseur qui, ensupprimant le troisième ordre: celui d'oublier l'expérience, valui permettre de prendre conscience qu'il a confondu ses propresidées avec celles d'un autre et que, plus encore, il en a été«complice» en les rationalisant pour mieux se berner lui-même.Prise de conscience difficile d'avoir été parasité et consentant.Mais que se serait-il passé si l'hypnotiseur ne s'était pas présen­té à nouveau à Hubert et ne lui avait permis de découvrir samanipulation sur son subconscient? Comment Hubertaurait-il pu prendre conscience qu'il y avait en lui un «pro­gramme étranger» qui ne lui laissait temporairement pas plus delibre-arbitre que le virus bactériophage n'en laisse à la bactérie?On peut imaginer plusieurs stratégies. Heureusement, nousavons plus de ressources que les bactéries pour dépister, recon­naitre et même supprimer un programme étranger.

Une question se pose encore: sommes-nous si hypnotisablesque cela?

Les professionnels de l'hypnose sont formels: après la pu­berté on ne peut hypnotiser que les individus qui y consentent,c'est à dire qui s'y prêtent, qui acceptent qu'un autre (l'hypnoti­seur) les investisse, les commande. On peut faire l'hypothèseque, si certaines personnes sont volontaires pour faire ce genred'expérience, il doit exister du plaisir à obéir à autrui et àdevenir ainsi «sa chose» passivement. Un individu post-puber­taire est tout à fait équipé pour résister à l'hypnose. Son arme,c'est le filtre de la conscience qui est capable d'analyser, dedétecter l'intention manipulatrice de l'autre et donc de s'yopposer.

Au cours de notre vie, le filtre décodeur de la conscience n'acependant pas toujours existé, il s'est constitué peu à peu avec lelangage, l'apprentissage de la logique et de la cohérence concep­tuelle. Avant sa mise en place, l'enfant est donc hypno­tisable, il ne peut opposer que de faibles barrières à «l'invasionétrangère», d'autant plus que, sous peine d'autisme*, il ne peutse construire psychiquement sans s'investir dans la relation,très affective d'ailleurs, qu'il entretient avec ses éducateurs.

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Si on veut comprendre encore mieux pourquoi<tous lesenfants sont potentiellement hypnotisables, il faut revenir à lamaturation des différentes parties du cerveau. Les structuresassociées au fonctionnement de la conscience, de l'imaginationet de la décision sont les lobes front-aux et le néo-cortex en

général. Or ce sont les dernières structures à êtr~ apparues aucours de l'évolution biologique: leurs circuits neuroniques sonttrès immatures et peu fonctionnels à la naissance. Contraire­ment à ceux-ci, les circuits de renforcement appartenant à unepartie plus ancienne, le cerveau affectif et émotionnel, sont déjàfonctionnels avant la naissance. Autrement dit tout être humainpeut, même avant sa naissance, ressentir du plaisir ou dudéplaisir sans pour autant en être conscient*. Ce décalage dematuration neurobiologique entre le cerveau affectif et émo­tionnel et les structures associées au fonctionnement de la cons­cience font de nous des êtres facilement «influençables», aumoins durant la prime enfance. Alors s'ouvre une période devulnérabilité redoutable pour l'individu car le fonctionnementdes circuits de renforcement positif, comme nous l'avons vu,amène l'individu à reproduire le comportement au cours duquelils ont été stimulés, ce qui les stimule à nouveau ..., etc. C'est labase neurobiologique des comportements répétitifs. Comme l'amontré Delgado, quand on met isolément les circuits de renfor­cement d'un être humain en route, ça marche tout seul ...L'individu reproduit ou essaye de reproduire des circonstancesanalogues à celles où ils ont été activés la première fois ... Il estfait comme un rat !

Avant d'aller plus loin, je souhaite citer un cas rencontrédans sa clientèle par un psychologue de ma connaissance. Pourle résumer on pourrait dire qu'il s'agit d'une femme, d'unetrentaine d'années, qui vient consulter car elle veut se séparerde son mari avec qui elle a eu trois enfants. Son comportement,son incapacité à pouvoir rencontrer* son mari et les hommes"VQC qui elle a vécu en général ainsi que certains indices relatifsfi /'108 onfants font soupçonner la propre mère de cette femmed'ôlt·o HU contre du problème. Après de nombreuses tractations'oUo dornlôro accepte de rencontrer le psychologue. La discus-

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sion est difficile puis elle «craque» et admet: «Eh oui !MonsieurX, les enfants il faut bien SE les attacher, j'ai donc masturbé mafille et mes trois petits enfants depuis leur naissance jusqu'à cequ'ils aient quelques années».

Neurobiologiquement cette grand-mère a mis en route lescircuits de renforcement positif du comportement chez sesenfants et petits enfants qui ont donc expérimenté le plaisirsexuel à un moment où il leur était difficile de reconnaître ce quileur arrivait. Et ceci n'est pas sans conséquence puisque l'acti­vation de ces circuits tend à nous faire reproduire les mêmescomportements avec la même personne ou avec d'autres per­sonnes avec lesquelles peut se mettre en place le même type derelation psychologique.

Aussi le désir de cette femme de rencontrer* son compagnonse trouvait contrarié par l'association inconsciente entre leplaisir sexuel et la position d'«objet de la grand-mère», ce quil'amenait à des ruptures successives avec ses amants, rupturesqu'elle rationalisait comme notre fumeur Hubert, en invoquanttelle ou telle raison «objective» pour justifier la fin de la relationsexuelle.

Les pratiques analogues à celles de cette grand-mère sontloin d'être rares; l'anthropologue Camille Lacoste-Dujardin (1986)montre, en étudiant les populations maghrébines, que la rela­tion affective inter-individuelle la plus forte est traditionnelle­ment celle qui lie la mère ... à son fils. Dans certaines régions duMaghreb, les femmes sont encore souvent victimes de traditionsoù la naissance d'une fille est considérée comme une calamité,et où l'éducation vise à faire d'elle une créature réservée etsoumise. Or, grâce à la naissance d'un fils, la femme va pouvoiraccéder à la reconnaissance sociale; et c'est à travers lui qu'elleva connaître les satisfactions affectives les plus intenses. Celui­ci règne sur sa vie affective, petit tyran auquel elle «passe» tousses caprices. Voici comment Lacoste-Dujardin décrit la mèretraditionnelle :

«.•. Aussi, pour elle, la première naissance d'un garçon estbeaucoup plus importante que le mariage ... Mais aussi commentne donnerait-elle pas libre cours, avec ce garçon tant désiré, à une

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affectivité si longtemps contenue, bridée par des comportementsimposés de soumission, discrétion, pudeur extrême et mêmehonte? (...) Les jeux de contacts corporels, touchers, effleure­ments, massages, mordillements, ne laissent à l'écart aucunendroit du corps de l'enfant et le sexe du petit mâle est toutparticulièrement l'objet de multiples attentions, sollicitations etjeux de la part de la jeune maman qui, passant ainsi facilementdu ludique à l'érotique, procède à des investissements autantsexuels que narcissiques». Au point que Sylvie Garnero, qui aégalement étudié ces comportements, pose la question: «Le sexedu petit garçon appartient-il à l'enfant ou bien plutôt à sa mère ?»(1982 p.93)

La mère devient dans ce cas l'équivalent d'une «drogue» quiadministrée précocement va créer une dépendance risquant de«ligoter» le garçon dans sa vie sexuelle. Voilà qui rappelleétrangement une histoire de citrol... Bien que ces pratiquespuissent procurer du plaisir à l'enfant, elles visent à satisfaireles besoins de l'adulte, en considérant l'enfant comme un objet.Il semble que ces mères d'Mrique du Nord perpétuent malgréelles et à leur insu une violence inconsciente en réponse à laviolence de l'accueil qui leur a été réservé en tant que fille. J'aiappris également qu'en Mrique noire comme en Sicile, on re­commandait de masturber les enfants pour les calmer quand ilspleuraient. Un peu partout le sexe des enfants fait l'objet d'at­tentions particulières de la part des adultes qui l'entourent.

Inversement, C. Lacoste-Dujardin montre que dans lespays d'Mrique duN ord où l'image de la femme se dégage de cettereprésentation traditionnelle, les femmes semblent nettementmoins frustrées et parvoie de conséquence, les pratiques mas­turbatrices sur les enfants beaucoup moins fréquentes.

L'actualité de ces dernières années nous a montré que lespratiques incestueuses existaient en France et n'étaient passeulement le fait de la mère. Si les sociétés humaines, malgréleur diversité, se sont interdit le plus souvent l'inceste, c'estvraisemblablement parce que cette expérience, en limitant ledéveloppement affectif de l'enfant, n'est pas favorable à lasurvie du groupe. C'est ainsi que l'inceste consommé avec les

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enfants reste rare; ce qui est plus fréquent en revanche ce sontles caresses, les propos ambigus qui donnent à l'enfantl'illusion qu'il est le complément sexuel de l'adulte.Alimenter cette illusion, c'est renforcer et prolonger sa dépen­dance.

Il existe d'autres moyens que le plaisir pour maintenir unenfant en état de dépendance: la frustration est également trèsefficace.

L'hypothèse de F. Foulatier (1987) sur l'origine de l'autismemontre que ce mécanisme pourrait fonctionner très tôt. Seloncet auteur l'autisme* proviendrait d'injonctions contra­dictoires, sur le modèle de la «double contrainte» de Bateson(1977). Il a observé en effet que chez certaines mères, unecontraction de l'utérus «paralysant» l'enfant intervient quandcelui-ci remue et explore son habitat utérin. Ceci constitueraitun véritable conditionnement pour l'enfant qui de manière nonconsciente associerait: «être actif, plus autonome» et «punition)).L'enfant cesserait alors de bouger. Puis, dans un second temps,la mère, inquiète de ne plus sentir son enfant et se sentantcoupable, l'accueillerait davantage en elle en relâchant la pres­sion utérine; peu à peu l'enfant se remettrait à bouger normale­ment jusqu'à ce qu'une contraction l'immobilise à nouveau.C'est avec des injonctions contradictoires que Pavlova renducomplètement fous des chiens, déclenchant ainsi de véritablespsychoses expérimentales. Quelle que soit l'origine de ce compor­tement paradoxal et son lien avec l'autisme, il semble 6videntqu'il handicape la prise d'autonomie de l'enfant, en pervertis­sant ses repères.

Il existe également de nombreuses pratiques post-natalesgénératrices de frustrations. L'exemple d'une de nos amies illus­tre tout à fait ce propos. Après avoir accouch6 de doux filles, elledonna naissance il y a quelques années à un garçon qu'elleallaita. Ce fIls comptait beaucoup pour elle et, le moment venu,elle tenta de le sevrer à plusieurs reprises, mais il existaittoujours une «bonne» raison pour lui donner le «tétou». «Il étaittrop mal» disait-elle, <~en'ai pas pu résister», et effectivementcomme c'était la seule façon d'avoir le sein et le plaisir associé,

l'enfant se conditionnait à être mal et il l'était de manièrespectaculaire ... surtout lorsque sa mère rentrait dans la pièce oùil se trouvait. Après plusieurs rencontres où je lui expliquail'inconvénient d'une telle pratique, elle se décida enfin à sevrerl'enfant qui avait alors dix mois; mais l'histoire ne s'arrête paslà. Le «destin» allait réunir encore ces deux êtres une nuitchaude où, raconte-t-elle ... son fIls la rejoint sur sa couche ets'empare vigoureusement de l'objet convoité dont il était devenu«accrû»... Sa mère n'a pas eu ensuite le courage de le retirer, lemal étant fait !!! On voit bien ici comment le plaisir et lafrustration peuvent être associés et dirigés non-consciemmentvers un but précis: conserver la relation privilégiée avec l'enfanten prolongeant sa dépendance.

J'ouvre une parenthèse: si ces exemples 'sont centrés essen­tiellement sur la relation mère-fIls, ce n'est sans doute pas lefruit du hasard. Cela met en évidence une difficulté spécifiqueaux garçons: il est vital pour eux de s'extraire du «monde de lamère», pour pouvoir devenir ensuite des hommes virils et adul­tes. Ceci est rendu possible par la présence active d'un pèreauquel ils pourront s'identifier. Les épreuves que doivent fran­chir les hommes et la différence avec le parcours des femmes estparticulièrement bien illustré par Guy Courneau (1989). D'au­tre part, les mères ont souvent moins de retenue avec leur filsque les pères n'en montrent avec leur fille. Cela ne signifie nul­lement que de tels attachements ne soient pas également con­tractés par des filles dans leur enfance.

Parallèlement à la frustration alimentaire toutes sortesd'injonctions non-verbales (montrer un visage fermé, courroucéou maussade quand l'enfant est content par exemple) et ver­bales peuvent être sources de frustrations. Chacune d'elle peutréaliser un conditionnement hypnotique qui participe à la for­mation d'un programme étranger. Voici quelques exemples d'in­jonctions verbales; à chaque lecteur de compléter cette listehélas non exhaustive!

«Th ny arriveras pas /)) «Th vas tomber /» «Th n'as pas dechance, tu es du signe du Capricorne /» «Th vas être malade /»

«Th as froid /» «Th es nul /» «Th es timide, jaloux, égoïste, idiot,

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168 Naissance du quatrième type Vers une séparation du 4ème type 169

Du fait de la dépendance matérielle, intellectuelle et affec­tive que connaît l'être humain dans la première partie de sa vie,l'existence de programmes étrangers ne peut être isolée de soncontexte culturel (famille, milieu scolaire et professionnel,médias). Un certain nombre de ces apports culturels peuventrenforcer l'intégration dans le psychisme des programmesétrangers.

Ir' systématiquesr doctrines

manuel, intellectuel, comme ta mère, comme ton père !»«Tu as ungros derrière !» «Tu es moins ... que ton frère, ta soeur !» «Tu croisqu'un homme voudra de toi !» «Ne pleure pas, tu es un garçon !»

«Ce n'estpasà taportée !»«Andouille! Menteur! Lâche !Voleur!Tricheur! Drogué! ...» «Obéis sans discuter !» «Tu es de la racedes élus, écrase les autres !» «Tu es le meilleur !» «Tu me tues !»

«Tu me combles !»

Ces injonctions sont d'autant plus difficiles à ignorer qu'audébut de notre vie, nous dépendons des autres pour savoir ce quenous sommes et nous risquons de prendre pour une «réflexion»de notre réalité ce qui n'est somme toute qu'une «projection» del'éducateur. Par la suite, on verra des adultes soutenir qu'ilssont ceci plus que cela mais une attention particulière portée àleur propos permettra de se rendre compte qu'ils les récitent unpeu comme une ritournelle ou une table de multiplication alorsqu'en fait ils sont mésinformés sur leurs ressources personnelles.

Soit ces injonctions sont prédicatives, par exemple: «Tuvastomber !», soit elles constituent un jugement sur l'autre (<<Tun'es qu'un flemmard !»)et sont alors disqualifiantes comme l'amontré Bateson (1977).

Si elles sont intériorisées par l'enfant, elles jouent un rôled'empreinte, chacune étant à l'origine d'un programme étran­ger auxiliaire. Ces différents programmes étrangers auxiliairessont associés entre eux, s'auto-renforçant les uns les autres (<<Jen'y arriverai pas» et (~eme soumets»), et sont articulés avec ­et organisés par - un programme étranger principal qui estplus difficile à détecter car son origine est plus ancienne. Lesprogrammes étrangers auxiliaires se sont déposés sur lui suc­cessivement comme des couches de nacre autour d'un grain desable. L'ensemble forme un méta-programme étranger à plu­sieurs facettes. Peuvent participer également à ce méta-pro­gramme étranger des expériences que l'enfant n'a pu intégrerdu fait de leur forte charge émotionnelle, par exemple des scènesde violence, des scènes sexuelles ou encore un abandon.

Voici comment on peut schématiser l'organisation internedu méta-programme étranger, les flèches indiquant des interac­tions qui renforcent la «virulence» globale de l'ensemble.

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1

PEP:programme étrangerprincipal

Informationsissuesde renvironnementculturel

OPinions~

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préférences.

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PEA:programme étrangerauxiliaire

PEA : programmeétranger auxiliaire

PEP : programmeétranger principal

.croyances

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170 Naissance du quatrième typeVers une séparation du 4~m.type 171

L'emploi des trois règles méthodologiques, largement déve­loppées plus haut, en dirigeant notre attention sur la qualité desénoncés que nous formulons à nous-même et à autrui, et envérifiant notre réflexivité, constitue un «antidote» qui affaiblitou tout au moins révèle l'existence de programmes étrangers.Dans ce contexte, l'utilisation de ces règles est auto-thérapeu­tique.

Je propose maintenant d'observer, à travers une simulationthéorique où JE pourrait être n'importe lequel d'entre nous, lesgrandes étapes de l'installation d'un programme étranger.

1) Une injonction disqualifiante prononcée dans le cadre d'unerelation affective nécessaire et à une époque où la consciencecritique et analytique est peu développée. Exemple: «Tu n'esvraiment qu'un lâche !» associé à un ton et à une mimiqueexprimant le dégoût.

2) Intériorisé commereprésentation de soi, le message devient:«JE suis un lâche» même sije n'ai pas conscience de me le direà moi-même.

3) J'accepte l'intégration de ce programme étranger dans monespace intérieur parce que d'autres prgrammes étrangers auxi­liaires ou une programmation plus ancienne ont diminué maconfiance en moi et dans la vie. Ces programmes étrangersauxiliaires peuvent être par exemple: «Je suis faible, je ne mesens pas bien avec les autres, je suis ridicule en public». Cetteintégration diminue mon estime de soi. Mais j'y gagne enéchange une certaine irresponsabilité, ce qui me permet derenoncer aux actions qui me font peur. Cet ensemble causalrenforce à son tour et interactivement un programme étrangerprincipal éventuel: «J'ai du plaisir dans les situations oùje suisenfant».

4) Mes actes reflètent l'installation du programme étranger.J'évite les situations qui me font peur, cequi renforce mes peurs.Quand je suis confronté à de telles situations, je me sens«paralysé» ce qui renforce ma conviction que JE suis vraimentun lâche.

5) Je recherche des excuses en me «déresponsabilisant»: «Jen'aipas de chance !»Dans les exemples de personnes que j'ai autourde moi, je repère d'autres personnes qui me ressemblent, jeconstate que les humains sont souvent lâches, peut-être mêmeque la lâcheté est inhérente à la nature humaine, la mienne medevient ainsi plus tolérable.

6) La situation me convient, ce qui revient à dire que j'accepteplus ou moins consciemment le fait d'être «parasité» et d'êtrelimité, car j'en retire des bénéfices secondaires.

7) Ou bien la situation cesse de me convenir. J'entre alors enconflit avec moi-même puisque je me reproche de ne pas attein­dre les objectifs que je me suis fixé. Exemple: «Celafait dix ansque je voudrais créer ma propre entreprise mais je n'ai toujourspas osé faire le pas».Ce conflit est vécu commedouloureux, il estun grand consommateur d'énergie psychique. La situationnécessite à mes yeux une recherche de solutions adaptées à laréalité complexe du programme étranger. La solution la pluslogique consiste à refaire en sens inverse le chemin décrit ci­dessus. Les grandes étapes du déparasitage seront abordéesdans le dernier chapitre de cette quatrième partie.

Pour terminer, résumons les caractéristiques d'un pro­gramme étranger:

1. Il est inconscient* ou sa finalité n'est pas perçue consciem­ment.

2. Il est analogue à une hypnose ou à un conditionnement etcomme tel il devrait disparaître, s'il n'est pas renforcé, entrete­nu par l'environnement humain et par l'hypnotisé lui-même.

3. Il est toujours associé à un plaisir ou à un déplaisir c'est-à-direau fonctionnement des circuits de renforcement.

4. Il est héréditaire culturelle ment s'il reste inconscient, et peutêtre transmis pendant plusieurs générations.

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172 Naissance du quatrième type

D'un point de vue théorique, si nous ne voulons plus vivreavec un programme étranger, nous pouvons nous en débar­rasser !Il suffit d'en prendre conscience et de ne plus le renforcerdans nos comportements. En pratique nous verrons bientôt qu'ilfaut, pour y parvenir, du temps et une motivation puissante. Or,si nous connaissons mieux maintenant les «dangers» liés à lastructure de nos circuits de renforcement, nous ne savons pasencore comment ils ont été naturellement programmés avant quedes éducateurs aux «motivations ambivalentes» rajoutent éven­tuellement quelques programmes de leur cru.

NAÎTRE OU NE PAS ÊTRE

Des travaux récents de neurobiologie et de psychologieconvergent pour fournir un éclairage sur le fonctionnement ducerveau affectif et émotionnel avant et pendant la naissance.

La physiologienous apprend que la naissance est un phéno­mène biologique violent. Des mesures effectuées chez le nou­veau-né (Langercrantz et Slotkin, 1986) montrent que la con­centration en adrénaline du sang dépasse de loin celle qu'onpeut mesurer lors des autres stress de la vie.

ADULTEAU REPOS

HOMME DANSUN SAUNA

FEMMEAU COURS

D'UN ACCOUCHEMENT

HOMMEAU COURS

D'UN ENTRAÎNEMENT

SUJET'ATTEINT D'UNPHÊOCHAOMOCYTOME

ENFANTS ÀLA NAISSANCE

T,J,

J,i,

\,

Pour la Science. Juin 1986

10 20 30 40 50

CATÉCHOLAMINES (EN NANOMOLES PAR UTRE)

LES CONCENTRATIONS EN CATÉCHOLAMINES chez des nouveau-nés et chezdes adultes ont été comparées. Les concentrations en catécholamines prélevées au cordonombilical, chez les Douveau~nés9sont environ 20 fois supérieures aux concentrations prélevéesdans le sang veineux d'adultes au repos. Les nounBu-nés ont également des concentrationsen catécholamines plus élevées que des adultes en situation de stress. (Un phéochromocytomeest une tumeur qui produit des catécholamines.) On a découvert que les nouveau-nés bienponants. mis au monde par voie vaginale, ODt des concentrations en catécholaminessupérieures à celles d'adultes en situation de stress sévère, ce qui indique qu'une décharged'hormones au cours de l'accoucbement ne sert pas seulement à protéger le fœtus contreun manque d'oxygène.

Page 88: Thérapies - Naissance du 4ème Type

On voit qu'on peut multiplier par quatre les valeurs indi­quées si le nouveau-né a été soumis à une hypoxie, telle celleproduite quelquefois par l'enroulement étrangleur du cordonombilical. L'adrénaline est l'hormone secrétée en cas de stress:elle prépare à l'action quand elle est secrétée en faible quantitémais à forte dose elle immobilise l'individu en tension, le para­lyse (Laborit, 1981). Les Anglo-Saxons parlent alors de «free­zing». On peut conclure de ce type de recherche que, vraisembla­blement, l'adrénaline à forte dose joue à la naissance un rôleprotecteur essentiel par rapport à l'hypoxie et stimulant del'adaptation, mais qu'elle doit également interférer fortementsur le plan émotionnel et affectif. Par ailleurs, les travauxd'autres auteurs montrent que parallèlement à l'adrénaline sontsecrétées des doses proportionnelles d'enképhalines et d'endor­phines. Le nouveau-né reçoit dans ses artères un cocktail extrê­mement puissant de substances anxiogènes et d'hormonesassociées au plaisir et à l'euphorie.

Dans ce contexte,je trouve que les travaux de Stanislas Grof(1984) reçoivent a posteriori une validation biologique impor­tante. Ce psychiatre d'origine tchèque a commencé ses recher­ches dans un environnement culturel où la lecture de Freudétait interdite mais où une libre expérimentation de l'effet desdrogues psychédéliques comme le LSD (acide lysergique) étaitpossible. Le LSD était en effet utilisé par les médecins tchèques

car il déclenche des comportements qui miment ceux que l'onrencontre dans la plupart des maladies mentales. Dans l'équipeoù travaillait Grof, on va donc administrer à plusieurs milliersde volontaires humains (<<malades mentaux» et «normaux»,médecins de l'équipe, Grofy compris), plusieurs doses d'environ200 microgrammes de LSD 25. Pendant des années, Grof vacollectionner les témoignages et les observations qui vont décou­ler de ces «voyages». Emigré en Californie, et à la suite del'interdiction de l'emploi des psychotropes, il mettra au pointune technique utilisant la relaxation, la respiration et la mu­sique pour provoquer des expériences comparables aux précé­dentes. Ce n'est que récemment qu'il va décider, après avoirrejoint l'école de Maslow, de publier ses résultats.

Grof retient quatre types de récits correspondant à quatresortes de «vécus» ressentis par les «cobayes» sous l'effet désinhi­biteur de la drogue. L'analogie avec le phénomène de la nais­sance dans ses différentes étapes est si grande qu'il a appelématrices périnatales fondamentales ces «mémoires énergé­tiques» activées par le LSD. Quand il a été possible de le faire,la confrontation de ces témoignages avec les souvenirs des pa­rents et personnes qui étaient présents au moment de la nais­sance a confirmé leur authenticité.

Les notions de mémoire et d'énergie sont associées par Grofcar tout se passe comme si un contenu riche en émotion et ensentiment envahissait le «voyageur» tout entier chassant pres­que complètement la perception de la réalité. Le plus souvent lesujet de l'expérience est tellement «pris» par ce qu'il vit qu'il nefait pas le lien entre ce qu'il dit vivre et sa naissance. Grof adéfini les matrices périnatales fondamentales par les quatrerécits-types que je résume plus loin (Voir tableau 4). Il fait unerelation étroite entre l'importance excessive d'une matrice péri­natale fondamentale, et certains comportements que le sujet aadopté au cours de sa vie. Bien que cela soit à mon avis trop sys­tématique, les points communs abondent: ,par exemple entreune matrice périnatale 2 prédominante, et des individus qui ontdu mal à surmonter les épreuves, qui n'ont pas confiance en euxet qui peuvent se «rabattre» sur les seuls plaisirs que la matrice

174 Naissance du quatrième type

ENFANT

BIEN PORTANT,

ACCOUCHEMENTPAR CÉSARIENNE

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(QUEL OUE SOITLE TYPE

D'ACCOUCHEMENT)

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Vers une séparation du 4~metype 175

Page 89: Thérapies - Naissance du 4ème Type

périnatale 1 laisse parvenir du passé: l'extase «océanique», êtresans conscience, fusionné, d'où recherche de drogue, mysticismeou relations sentimentales fusionnelles avec l'autre. De mêmela prédominance d'une matrice périnatale 3 coexiste avec uncomportement général où risque et jouissance sont liés, où lesujet recherche des vécus forts et dangereux pour être bien. Grofconfirme ainsi en les précisant certaines des hypothèses expli­catives de la psychologie contemporaine mais en situant l'ori­gine des difficultés à vivre du sujet dans des programmationsémotionnelles antérieures aux premières années de la vie del'individu.

A mon sens, cette approche met en lumière l'importance duphénomène de la naissance comme prototype de toutes lessituations de crise* que nous rencontrerons ultérieurement.Grof lui accorde une importance déterminante surtout si desévénements biographiques rendent telle ou telle matrice prédo­minante. Mais je ne suis pas du tout convaincu qu'un «revécu»des événements de la naissance puisse nous libérer de cesempreintes, comme Grofle prétend. Cependant ces expériencesont un intérêt majeur du fait que le LSD agit au niveau descircuits de renforcement positif et négatif qu'il désinhibe par­tiellement et temporairement (Snyder, 1986). Les expériencesde ce type, qui font ressortir des points communs invariants,donnent ainsi des indications sur la façon dont se sont program­més nos circuits de renforcement, et montrent qu'il existe diffé­rents types de plaisirs. On peut parler de programmation «natu­relle» car, excepté celui qui est né par césarienne, chacun d'entrenous a connu les quatre étapes de la naissance.

De ces travaux il est possible de conclure que, lors d'unenaissance naturelle, l'enfant a ressenti quatre sortes deplaisir alors que sa conscience n'est pas encore structu­rée.

- Le premier est lié à la matrice 1 et peut se résumer ainsi:«Je suis tout et rien, sans limites et je me sens très bien sansexister.»

- Il est plus difficile de voir quel peut être le plaisir associéà la matrice 2. Pourtant quand on reproduit expérimentalement

176 Naissance du quatrième type

1

LES QUATRE MATRICES PÉRINATALESFONDAMENTALES SELON GROFMPFl

MPF2MPF3MPF4

«Je flotte, je

«Je vis un«Je me sens«J'ai réussivole, je n'ai

cauchemar,broyé, écrasé,l'épreuve,pas de limite,

Je me sensdétruit,je me suisje suis un

coincé,j'étouffe, jeséparé, j'existepoint et je suis

j'étouffe, il n'ysuis en trainmaintenanttout, je me

a pas de sortie,de mouriret c'est bon,sens très bien

de solutionmais je jouisj'ai confiancecomplet,

pour moi, c'esttrès forten moi etéternel.»

trop dur, je n'yaussi.»dans mesarriverai pas,

(Souventressources.»le passage

orgasmesn'est pas libre,

sexuelsc'est l'enfer.»

associés à cetype de récit.)CORRESPONDANCE AVEC LES ÉTAPES DE LA VIEINTRA·UTÉRINE ET DE LA NAISSANCE

Existence

La naissanceProgressionSoulagementintra-utérine

se prépare, lesdans les voiesqui suitEtat fusionnel

contractionsgéni tales quil'intensificationavec la mère

utérinessoumetde laLe plus

efficaces, trèsl'enfant à desouffrance etsouvent

violentes, ontfortesle dégagementconditions

transformépressions oùdu corps deidéales pour

l'universles os dula mère.l'enfant

accueillant,crâne seL'épreuve aAltérations:

sécurisant enchevauchentété franchie.stress de la

"outil deet où laL'existencemère, hypoxie,

torture".compressiondu nouveau-néphénomène de

L'enfantdu cerveau esten tantgarotpar

subit cesconsidérable.qu'individucompression

contractions autonomedes membres

passivement, commence.et même

le col n'est pasmanque de

encore dilaté.nourriture.

TABLEAU 4

Page 90: Thérapies - Naissance du 4ème Type

178 Naissance du quatrième type Vers une séparation du 4ème type179

des «situations sans issue» stressantes, on constate que lecerveau des animaux concernés secrète paradoxalement desendorphines et que ceux-ci deviennent presque insensibles à ladouleur. Certains chercheurs ont nommé ce syndrome «résigna­tion acquise» et d'autres auteurs comme Le Magnen (1987) ontmontré que l'homme comme l'animal avait tendance à recher­cher ou à fabriquer ce type de situations en réponse à unedépendance par rapport aux endorphines produites par le stressinitial.

- Le troisième correspondant à la matrice 3 peut s'expri­mer ainsi: «Je suis détruit,je souffre,je meurs, mais quel pied !»

- Le dernier enfin: «J'ai réussi,je suis séparé,j'existeet c'est bon», est lié à la matrice 4.

Ces quatre types de plaisir, qualitativement différents, toutun chacun les connaît et les recherche plus ou moins. Ilsdiffèrent cependant du point de vue de la participation del'enfant à leur genèse. Pour ce qui est des deux premiers,l'individu les vit, les subit sans pouvoir intervenir, dans un étatde non-séparation d'avec la mère, tandis que pour le dernier, leplaisir est associé à une action, à une séparation-individuationréussie.

Ceci m'amène à formuler une hypothèse extrêmement impor­tante: il existerait en nous deux systèmes de motivation,l'un associé à une position d'objet passif, et l'autre à uneposition de sujet actif et décidant. Il y aurait donc deuxsources de motivation qui peuvent être contradictoires si elles nesont pas à leur place dans l'histoire psychologique de l'individu.

Cette distinction se retrouverait-elle au niveau des compor­tements humains? Peut-on donc classer ceux-ci en deux catégo­ries issues de ces deux types de motivation? Dans le chapitreintitulé «Faits comme des rats» nous avons vu toute une série de

comportements: rites orgiaques, conformisme, démarche mys­tique visant à fusionner avec l'univers-Dieu, prise de drogues,comportement-drogue, relation-drogue, suicide, à travers les­quels l'individu recherche une altération, une diminution, voiremême une disparition de la conscience ou tout au moins de laconscience d'être un individu séparé. Il cherche plus ou moins à

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«immobiliser» le temps, à faire persister soit l'état fusionné, soitla jouissance liée au sentiment qui précède de peu la mortbiologique (Van Eersel, 1986). Il s'agit d'un retour illusoire àl'état de non-séparation. Le mythe du paradis perdu trouve iciune explication mais rechercher ceparadis nous fait emprunterle chemin de l'évolution en sens inverse, c'est-à-dire dans le senscontraire de celui de la vie. Nombre de psychologues considèrentque ce premier type de motivation de l'être est le seul. Or pensercela c'est déboucher logiquement sur cette conclusion: «Naîtreet se séparer c'est connaître le manque, le regret, et vivre c'estlutter plus ou moins efficacement contre l'envie de retrouverl'état symbiotique. Celle-ci est refoulée à jamais sous peine defolie». Tout ceci serait juste s'il n'existait que ce premier systèmede motivation. Mais s'il en existe un second lié à une séparation­individuation réussie, ce type de discours pessimiste post­existentialiste cultive une erreur d'autant plus grave qu'elle estdésespérante, c'est à dire en fin de compte démotivante sur leplan évolutif.

D'autres psychologues tels qu'Abraham Maslow ont pres-senti l'existence de ce second type de motivation. Maslow (1983)a en effet été surpris de constater après une enquête approfon­die qu'une minorité d'Américains étaient spontanément heu­reux de vivre, simplement, sans nul besoin de démarches com­

pliquées, de biens matériels coûteux, d'émotions fortes ou dedistractions sophistiquées. Cet état survenait chez des per­sonnes dont le point commun n'était pas le comportementreligieux oula recherche intellectuelle, ni même l'appartenanceà une certaine classe sociale. En effet ces individus ne «font pasde vagues» autour d'eux, ils sont bien intégrés socialement, biendans leur peau, bref aux yeux des médias, ils passent presquetotalement inaperçus.

Leur point commun est plus subtil : ils paraissent peusensibles à la publicité et semblent avoir accédé plus que leurscontemporains à une non-dépendance non seulement sur leplanintellectuel mais aussi sur leplan affectif, ce qui ne veut pas direbien sûr qu'ils n'aient pas de relations affectivement très richesavec d'autres humains. Je suis tenté de faire l'hypothèse que

Page 91: Thérapies - Naissance du 4ème Type

180 Naissance du quatrième type

cette joie de vivre est à relier avec une séparation-individuationplus complète.

Le phénomène de l'adolescence en tant que crise deséparation-individuation pourrait donc contenir un enjeupassé presqu'inaperçu jusqu'à présent : le changementde système de motivation prédominant.

LE CHANGEMENT DE SYSTÈME DE MOTIVATION

Avant de décrire en quoi peut consister ce changement,résumons ce que nous savons déjà du fonctionnement desmotivations.

On peut définir l'apparition de la vie comme l'apparitiond'un «moteur» biologique tendant à atteindre deux objectifs: laconservation de la vie et son évolution. Ce «moteur» qu'ondésigne de manière assez vague par le terme d'instinct chez lesanimaux a été remplacé chez l'homme presqu'entièrement parles motivations associées au fonctionnement des circuits ner­veux de renforcement du comportement. Ces circuits reçoiventdifférentes programmations, commençant dès la vie intra-uté­rine et variant selon les expériences, les événements, les modesde relation que chacun d'entre nous a connus depuis. Le moteurprimitif devient alors une force, une énergie interne tendant àl'auto-gratification, c'est-à-dire au plaisir.

Nous avons déjà distingué deux «qualités» de plaisir: celuiqui pousse l'individu à combler un besoin, un manque, associé àun état de dépendance, de non-existence en tant qu'individuséparé et autonome; et celui qui est associé à l'actualisation deses potentialités et le pousse à la réalisation de soi.

Ce serait une erreur de penser qu'il y en a un qui est «bon»,moral, (le second par exemple 1),et l'autre malsain et immoral.Ils sont tous deux indispensables au dévelop'Jement de l'être

Page 92: Thérapies - Naissance du 4ème Type

quand ils sont temporellement à leur place.Autrement dit, toutêtre humain connaît la «fusion» émotionnelle avec un autrehumain, le plus souvent la mère, à travers laquelle il pourranourrir sa sécurité, sa confiance en l'environnement humain, enl'univers et finalement sa confiance en lui-même. Cependantvivre pour un être humain, c'est accepter d'abandonner le tempssubjectif immobile de la prime enfance pour expérimenter unautre plaisir, celui qui résulte de l'action individuante. Celle-ciimplique de se glisser dans le fleuve du temps mobile et d'accep­ter d'être emporté non pas comme un bouchon de liège maiscomme une entité autonome et créatrice, à la fois esquif etcapitaine.

Ces précisions données, je propose de voir maintenantcomment les deux formes de motivation coexistent et se relaientau cours de la vie, dans différents «cas de figure».

Dans les schémas qui vont suivre, chaque système demotivation, issu du fonctionnement conjoint des circuitsde renforcement positif et négatif, est représenté par uneflèche dont la densité optique est fonction de la «puissance» dela motivation qu'il fournit à l'individu. Quelque soit le momentde la vie concerné, la somme des parts de chacun des systèmesest tenue pour constante. Dans ce modèle, motivation et étatvivant sont complètement interdépendants et indissociables, etles deux systèmes de motivation ne s'opposent que par les com­portements qui leur sont associés.

Deux périodes sont très importantes pour le développementpsychique; elles sont représentées par un espace blanc car ilserait trop difficile de schématiser les multiples mouvementsqui affectent alors l'individu. La première récapitule au niveaude l'individu la séparation-individuation du 3ème type et sesitue entre la naissance biologique et l'accession à l'identité (quiintervient aux alentours de la fin de la deuxième année). Laseconde période de grand développement débute avec la pu­berté et débouche éventuellement sur la séparation-individua­tion du 4ème type.

Les schémas qui vont suivre sont des modélisations théo­riQues qui n'ont valeur que de «cartes».

L'enfant arrive dans l'existence en présentant un maximumde dépendance. Il va expérimenter, recevoir et donner le plaisirdans cette situation de dépendance, et ceci est favorable à sondéveloppement. Ainsi l'enfant pourra, grâce aux personnes quil'entourent satisfaire ses besoins, et accéder à un état de bien­être. S'il est respecté et considéré comme une personne à partentière - malgré sa petite taille - par son environnement hu­main, il aura le sentiment solide de son identité et la certitudeque la vie vaut la peine d'être vécue. Le premier système demotivation (SM 1) sera relayé progressivement par le second(SM 2) dans lequel le plaisir est associé à un gain de non·dépendance (motivation au développement). Ce relayage il­lustre la dynamique d'autonomisation déjà observée au cours del'évolution biologique.

Lors d'un développement idéal, le point d'équilibre entre lesdeux systèmes dl:')motivation se situe au début de la crise* del'adolescence. La résolution de cette crise nécessite un choixconscient par l'individu d'une vie autonome et permet l'engage­ment dans une rencontre* non fantasmée avec l'homme ou lafemme aimé(e). Le deuxième système de motivation devientprépondérant, et cette situation où le temps, le vieillissement, etles multiples deuils sont acceptés et vécus comme la condition

182 Naissance lu quatrième type1

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Vers une séparation du 4tme type

FONCTIONNEMENT IDEAL

SM1 : système de motivation 1; SM2 : système de motivation 2;Sep/Ind 3 : séparation-individuation du 3°type;Sep/Ind 4: séparation-inviduation du 4° type

183

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Page 93: Thérapies - Naissance du 4ème Type

184 Naissance du quatrième typeVers une séparation du 4~me type 185

FONCTIONNEMENT PARASITE

PE: programmes étrangers; MP : maturité psychique;SeplInd Incompl. : séparation-individuation incomplète

Dans ce cas de figure, le déséquilibre entre les deux systè­mes de motivation est un peu plus grand que dans le précédent.Ce schéma ne veut pas rendre compte de toutes les formes detoxicomanie mais seulement de celles associées à des difficultés

B. Cas particulier n° 1: l'individu toxicomane

va ensuite rechercher la dépendance comme source deplaisir et concevoir autrui comme un «outil» pour tenter desatisfaire ses propres besoins, ce qui entrave le relayage dupremier système par le second, relayage qui reste temporaire­ment incomplet. Dans ce cas, le déséquilibre des forces au profitdu premier système de motivation ne permet pas une crised'adolescence «décisive».Comme la dynamique du second sys­tème de motivation «pousse»à la non-dépendance et à la réali­sation des idéaux individuels, et s'oppose ainsi à celle du pre­mier, l'habitat psychique est déchiré. On peut associer à cettesouffrance le terme de névrose.

Si cet état de conflit se prolonge, l'individu «parasité» nepeut accéder à la maturité et accueillir l'écoulement du tempslinéaire. Il est leplus souvent prisonnier de conduites répétitiveset quelquefois compulsives qui le piègent dans un temps «circu­laire» où il se retrouve périodiquement à la «case départ» ... saufsi une remise en question profonde de cet équilibre (crise dumilieu de vie, deuil d'un proche, proximité de sa propre mort ...)lui ouvre la possibilité d'accéder à la séparation-individuationdu 4ème type. C'est souvent à ces occasions, difficiles à vivre,qu'une stratégie de désactivation des programmes étrangerssera encore plus efficace.Sonobjectifest, commeon le verra plusloin, d'aider l'individu à restaurer un deuxième système demotivation aussi puissant que le premier, de façon à pouvoiréventuellement choisir l'individuation et ainsi réussir ... sa crise*d'adolescence. Il n'y a pas d'âge limite pour être heureux ...Cequi ne veut pas dire que nous avons atteint le nirvana mais quenous avons enfin l'énergie intérieure suffisante pour nous enga­ger à fond dans nos projets et les mener à terme malgré lesdifficultés.

Non dépendancemaximale

.::::;::::::::::»>

D:~~at~" ...Rencontreréelle avec

Sep/lndyautrui (MP)

•••''Névrose''

/seplIndPuberté .IncompI.

A. Cas généralr---- ----,

Renforcement par de. PE verbaux et non verbauxL____ . ....J

~ ~ ~ ~

d'une perpétuelle renaissance, est l'indice de l'accession à lamaturité psychique et aux joies spécifiques qui l'accompagnent.

Est-il utile de préciser que ce cas idéal n'est que peurépandu à ce moment de l'évolution d'Homo sapiens sapiens ?On peut imaginer cependant qu'il devienne «normal» quandcollectivement les humains se seront dégagés de leur crised'adolescence.

Dans tous les cas qui vont suivre, des programmes étran­gers renforcent la puissance du premier système de motivation.Ce renforcement est figuré sur les schémas suivants par unnoircissement accru de la flèche correspondant au premiersystème de motivation, ainsi parasité.

Ce cas de figure résulte d'une relation avec un environne­ment humain qui a favorisé l'installation de programmes étran­gers chez l'enfant dépendant. Celui-ci a connu du plaisir ou dela frustration dans une relation où il a été chosifié, traité enobjet, utilisé. Du fait de la programmation de ses circuits derenforcement et de l'attitude de son environnement, l'individu

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Page 94: Thérapies - Naissance du 4ème Type

186 Naissance du quatrième type Vers une séparation du 4~metype 187

Sans écarter l'existence de déterminants génétiques (ano­malies chromosomiques) ou-et fonctionnels (hyperactivité descircuits de renforcement positif dopaminergiques entraînantl'inhibition du cortex frontal), on peut appliquer la même grillede lecture à la compréhension de la schizophrénie. Ainsi lamaladie mentale constitue un des risques majeurs de la crise*de l'adolescence, crise qui révèle quelquefois brutalement lafragilité de la personnalité. Ici encore plus que dans le casprécédent, la présence de programmes étrangers verbaux etnon-verbaux, installés sans doute plus précocement, renforce lefonctionnement du premier système de motivation, et inhibe lesprocessus de·maturation psychique. Le relayage par le secondsystème de motivation ne sera possible qu'en associant à unechimiothérapie (qui a le même rôle que le sevrage pour letoxicomane) un travail psychothérapique long et profond quipuisse rompre le cercle vicieux entre l'incapacité à assumer sapropre existence et l'assistance proposée par les institutions.

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N......... Sop/lnd N.. .•• / .••billiogique 3 accession"Autl8me" Puberté "Psychose"à l'identité \

SM, ·.i••.•·))::~:-P~;::I::::;l1;\.~;.iNon dépendance maximale

Dans ce cas extrême de psychose infantile, on atteint auxlimites du modèle présenté ici. En effet l'autisme semble être letémoin du débordement des facultés de réparation et de com­pensation du petit d'Homme. Des études statistiques mettenten avant la pluralité des facteurs épidémiologiques qui concour­rent à ce phénomène (Aussilloux, 1986). Parmi ceux-ci, laprésence fréquente d'hospitalisations, en particulier au cours dela première année, donne un exemple de l'interaction constante,

2. L'autisme* =~~~~Renforcement par des FE non verbaux ----~

Dépendance maximale '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" ----

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~~~ 11. 11. 11. 11. 11. 11.Renfon:ementpar de. PE verbaux et non verbaux

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10 ogtque difiiciIe \ ..!,comp .\ A autruiU ....•._-: - SopIImI~5M2 ··::.:::::::;::::::::::::::~:::::::::::::~:::::L_Jrt~l:rt~:~I:r~ltmmm~:l:~ avortéeij:jjjIfrf:::~i::. ':;IIH_Non dépendance

mazimale

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précoces vécues par l'enfant et déjà identifiables par une fragi­lité du sentiment d'identité. Un environnement humain insuf­fisamment «bon» (carences maternelle et paternelle entreautres) ne permet pas à l'individu de supporter le bouleverse­ment induit par la puberté. La prise de toxique qui intervientalors, par ses effets neurobiologiques et psychiques, replongel'individu dans une relation de dépendance et court-circuitel'évolution psychique; le temps intérieur semble immobilisé. Sil'individu interrompt sa pratique d'intoxication, il se retrouveaprès sevrage au stade psychique de maturation où il se trouvaitau moment du début de son intoxication: l'adolescence et la

crise de maturation qui y e~t associée. Il lui reste encore àdésactiver ses programmes étrangers pour se dégager définiti­vement de son passé.

C. Cas particulier nO 2 : l'individu psychotique1. La schizophrénie de l'adolescence

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Dépendance maximale 11...SM)

/ \. -------7 ..•... : ..•... Désactivation •Naissance AcœsslOn / SeplInd R de. PE Rencontrebiologique Sep/Ind 3 à.l'i~ntiW Puberté Incompl. "P.ych •••••• ~ "Névro.e" réelle.avec

\ difficile \ 1 autrw/ crise d'adolescence•. E ..•••.. SeplInd 4/ (MP)__ ---.-1. _ \ avortée (~)

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Page 95: Thérapies - Naissance du 4ème Type

La modélisation rapide de maladies classées habituelle­ment dans le registre de la psychiatrie n'a ici sa place que pourillustrer l'intérêt d'une approche dynamique du fonctionnementpsychique. Du premier au dernier cas de figure présenté ci­dessus, du développement d'un homme sain à celui d'unenfant qui n'extériorise que peu des aptitudes spécifi­quement humaines, il n'y a pas de coupure, de fosséinfranchissable, mais un gradient croissant de freinageexercé principalement par le biais de programmes étran­gers sur la maturation psychique.

Un tel développement me paraît utile pour autant qu'ilpermet un changement de notre représentation de la santé et dela «maladie» psychiques, changement en soi éminemment

et fondamentale à cet âge, entre le désordre physique (quisemble être à l'origine de l'hospitalisation) et les troubles rela­tionnels que cette séparation va induire ou amplifier. La préco­cité des dysfonctionnements relationnels handicape considéra­blement le développement harmonieux du petit enfant sur leplan physique et psychique, l'empêchant d'accéder complète­ment à la conscience de lui-même (3ème séparation-individua­tion), ce qui interagit négativement en retour avec l'attache­ment de la mère pour un enfant qui paraît si peu présent. Il mesemble également impossible de ne pas tenir compte d'unfacteur «individuel», bien que celui-ci soit difficile à évaluer. Ilexiste des individus que la pire des épreuves ne peut terrasseret d'autres qui se «rendent» plus facilement, et cette différencedans la quantité d'énergie vitale participe à l'originalité dechacun d'entre nous. Ici le succès de la thérapie est étroitementliée à la précocité de la détection des troubles. La raison en estla plasticité du cerveau humain. Bien que modulable et adap­table toute la vie, certaines de ses aptitudes telles le langagedeviennent presque impossibles à actualiser après la puberté.D'où l'intérêt d'agir à plusieurs niveaux, avec l'enfant, avec safamille, de façon à mobiliser rapidement le plus grand nombrepossible de facteurs et à provoquer une rééquilibration durapport au monde de l'enfant.

thérapeutique. Pour nous-même d'abord, parce qu'il nous libèred'une image dépassée et limitante de nous-même (<<Tues commeça, tu ne changeras pas, on n'échappe pas à sa structurepsychologique»);pour autrui ensuite en ce qu'il ouvre la possibi­lité, à tout moment et jusqu'à la mort au moins, d'une croissanceet d'une thérapie possibles.

C'est cette dynamique de changement, de relayage d'unsystème de motivation par l'autre, que les programmes étran­gers installés dans la relation avec autrui vont rendre difficile,voire impossible.

Les programmes étrangers en s'opposant ainsi à la sépara­tion et à l'individuation, contrecarrent, ralentissent ou fontavorter la crise* d'adolescence, et empêchent l'individu denaître à l'âge adulte. Dans le cas contraire, les motivations dudeuxième système prédominent et favorisent l'accession à lanon-dépendance, non seulement sur le plan intellectuel, enélaborant une pensée critique non projective, mais aussi sur leplan affectif en substituant la relation de JE à JE, qui seule estune véritable rencontre*, à la relation d'objet à objet qui associeen fait de manière illusoire deux solitudes* individuelles.

Cette substitution est difficilecar il existe du plaisir dans lesdeux cas. Il ne faut pas se leurrer : on ne lâche vraiment unplaisir que contre un plaisir jugé plus satisfaisant. Ce mieuxpeut ne pas être immédiatement perçu si nos relations sont«minées» par des programmes étrangers créés et-ou alimentéspar les personnes de l'entourage et par soi-même, et se renfor­çant donc chaque fois qu'ils s'expriment à nouveau. Cette réac­tivation peut aussi se produire sans que cespersonnages n'aientà intervenir à nouveau. Par nos pensées et nos actes nous avonsen effet la possibilité de «cultiver» et donc de réactiver nosconditionnements affectifs.

Une des situations les plus courantes par laquelle se trou­vent réactivés les conditionnements affectifs est la situationhiérarchique et plus largement les rapports d'autorité. Une desconditions de la naissance du 4ème type est la substitution d'uneautorité basée sur l'autonomie et le respect de chacun à uneforme d'autorité fondée sur la domination d'autrui.

188 Naissance du quatrième type

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Vers une séparation du 4tme type 189

Page 96: Thérapies - Naissance du 4ème Type

LE CHANGEMENT DE FORME D'AUTORITÉ

Pour faciliter la compréhension du phénomène de l'auto­rité, introduisons un nouveau «différentiel», qui sera ensuitedéveloppé dans un tableau. A une extrémité de l'axe nous allonsplacer la forme d'autorité qui renforce la dépendanced'autrui, héritage de la vie sociale en régime de pénurie, et àl'autre extrémité, celle qui a pour but le respect et le dévelop­pement de l'autonomie d'autrui.

Autorité qui =:-t= Autorité qui favoriserenforce la ••• ., le gain d'autonomIedépendance d'autrui d'autrui

Le but de cette distinction est triple: ne plus être incohérentquand nous sommes en position d'exercer une autorité, ne plusêtre abusé par la première et ne plus rejeter par erreur la secondedont on peut avoir besoin bien au-delà de l'enfance (voirTableau 5).

Ce tableau illustre les caractéristiques de formes d'autoritésituées aux extrêmes du différentiel ci-dessus. Certaines situa­tions plus complexes n'y sont pas abordées. Ainsi, il va de soi quedans une situation d'urgence ou de danger, on peut être amené

Page 97: Thérapies - Naissance du 4ème Type

AUTORITÉ QUIAUTORITÉ QUI FAVORISERENFORCE LA

LE GAIN D'AUTONOMIEDÉPENDANCE D'AUTRUI

D'AUTRUI

Elle est signifiée

l'émission de signaux visantl'émission de signaux précis,par

l'asservissement d'autruiverbaux ou non-verbaux de(langage, habitus corporel,

non -asservissement.attitudes). La plupart

L'émetteur montre"masquent" les émotions et les

ostensiblement sessentiments réels de celui qui

motivations; il essaye d'êtreles émet.

transparent et se positionnecomme un gardien des objectifsà atteindre.

Elle est basée sur

le savoir, la réputation ou lela compétence de celui quistatut social de celui qui

l'exerce à organiser etl'exerce.

optimiser le fonctionnementd'un groupe.

Sa finalité est

d'instituer ou de conserverde permettre la réalisadonune opinion, une préférence,

d'un projet (apprentissage,un pouvoir, un privilège et

tâche, développementd'une manière générale un

personnel) par le biais de lasystème de pensée ou d'action.

prise de conscience etElle renforce, chez celui qui

l'acquisition de savoir-faire etl'exerce comme chez celui qui

savoir-être nouveaux. La

la subit, le premier système decoopération consciente et

motivation, par le biais de lamotivée d'autrui est ici

manipulation et desindispensable: cette forme

programmes étrangers tels

d'autorité sollicite le secondque les comportements de

système de motivation.domination-soumission, de sadomasochisme et deculpabilisation.

Le sentiment de

illusoire, et a pour origine leréel et issu de la vérification de

puissance de celuicomportement des autres, leurses aptitudes et de la confiance

qui l'exerce estsoumission, leur manque dedans ses compétences.

confiance en eux.L'individu à qui

passif, traité comme un objet.actif, traité comme un alterelle s'adresse est

ego.

Pour celui qui

ne pas obéir c'est refuser sail est demandé ici le respect del'exerce

personne et donc lerègles, de contrats définis avecdéstabiliser.

tous. Leur non-respectn'entraîne pas la remise encause de la personne qui exercel'autorité.

Sa réussite

la soumission.l'acquisition d'une autonomiesupplémentaire.

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Son échecla révolte ou la résistanceelle ne peut pas échouer en

passive (inertie, inattention).tant qu'autorité car elle

respecte autrui et celui-ci peuttoujours dire non.L'erreur

est ici considérée comme uneest ici utilisée, positivée pourfaute et sanctionnée, ce qui

obtenir un gain de conscienceintroduit ou renforce un des

et d'autonomie. Le sujet qui aplus redoutables programmes

fait une erreur est aidé pourétrangers: la culpabilité qui

reconnaître et s'approprier sesimmobilise et démotive.

propres sentiments afin qu'ilse sente responsable de sonerreur et non coupable. Lacompréhension des erreurs estla base de l'amélioration dessavoir-faire.

Elle renforce une

la systématique.la critique qui recherchecomposante

l'évidence négative et permetparticulière de la

de préciser le domaine depensée

validité d'une hypothèse oud'une théorie.

Ontogénétiquement*

à des situations qui favorisentà des situations qui favorisentelle est associée

l'infantilisme.la maturation psychique.

Phylogénétiquement*,

au processus de traitementau processus fondé sur laelle est associée

des informations culturellescapitalisation intellectuelle.fondé sur la thésaurisation intellectuelle.

Elle participe à une

-antibiotique» puisqu'ellesymbiotique (à profit mutuel)socialité de type

institue une relationpuisqu'elle permet une relationinterindividuelle reposant sur

fondée sur la coopération où lala dualité dominant-dominé,

spécificité et la compétence degagnant-perdant.

chacun sont proposées à tous.

En régime de

elle seule peut maintenir etutilisée unilatéralement ellepénurie

favoriser la survie du groupereprésente un danger pour leen obtenant une obéissance

groupe qu'elle désarme et chezinconditionnelle des individus

lequel elle développe unqui le composent comme un

altruisme mortel.corps unique.

En régime

elle devient inutile voireelle seule est compatible avecd'abondance

même dangereuse parcela maintien et lequ'elle perpétue

développementl'infantilisme.

qualitatif de l'abondancecar la responsabilitéet l'expression desressources individuellessont favorisées.

TABLEAU 5

Page 98: Thérapies - Naissance du 4ème Type

194 Naissance du quatrième type Vers une séparation du 4ème type 195

111

- malaise- trop tard- irritation

117

Nous ne nous attendions absolument pas à ce résultat dansla mesure où nous pensions que la plupart des jeunes «vomis­saient» l'autorité quelle qu'elle soit. Notre surprise est devenueagréable lorsque nous nous sommes aperçus que la compilationdes réponses fournissaient un cahier des charges assez completde ce que pourrait être une autorité «idéale» pour les adolescentsd'aujourd'hui.

Nous avons été tout aussi surpris, mais plus péniblement,lorsque nous avons regroupé leurs réponses à notre troisièmequestion:

«Imaginez que vous prenez conscience d'avoir commis uneerreur. Pourriez-vous caractériser en un seul mot le sentiment quivous habite dans une telle situation ?»

Voici toutes leurs réponses :- souci 1 - embarras- «zut» 1 - recommencer- ennui 4 - honte

Q2 : Oui si l'autorité n'est pas étouffante, gratuite, inhibitrice,abusive, despotique ou un boulet.Oui quand l'autorité est juste, souple, nécessaire, pro­ductive, bénéfique.Oui si elle permet de proposer sanf>imposer, de guider sinécessaire, de comprendre, d'introduire la rigueur, deprévenir les erreurs, d'aider, de fixer des limites, d'expé­rimenter.

- Garçons: 54Q1 : 40 oui soit 75 %; 9 non soit 16 %; 5 sans réponse soit 9 %Q2 : Oui si l'autorité n'est pas étouffante, abétissante, fondée

sur la domination d'autrui, systématique, abusive, dé­personnalisante et si l'adulte ne se prend pas trop ausérieux.Oui quand l'autorité est juste, nécessaire, légitime, intel­ligente, libérale, profitable, respectueuse et compréhen­sive, source de «bons» conseils, requise pour la bonnemarche de la vie familiale, l'éducation, le travail, «utilepour maintenir l'ordre social (26 %)>>.

~

~

Questions:1. L'existence de l'autorité se justi(ie-t-elle encore aujourd'hui àvos yeux ?2. L'autorité des adultes vous est-elle supportable?

si oui, dans quelles situations ?

si non, que faudrait-il que l'adulte fasse pour qu'ellele devienne?

Réponses des adolescents :-Filles: 28

Q1 : 26 oui soit 93 %; 1 non soit 3,5 %; 1 sans réponse soit 3,5%

à décider pour autrui sans lui laisser le choix: par exemple unenfant au bord d'un précipice qu'on va attraper fermement pourle poser en lieu sûr. Mais le but n'est pas alors le renforcementde sa dépendance mais la sauvegarde de sa vie. L'autoritéautonomisante ne s'applique que dans les situations propres àl'apprentissage.

De la même façôn, un de nos amis professeur d'éducationphysique a constaté, avec des adolescents extériorisant descomportements violents, qu'avant de pouvoir exercer une auto­rité autonomisante, il devait mimer consciemment le rôle d'unchef de horde. Une fois que les élèves l'avaient reconnu commemâle alpha, ils pouvaient accepter de lui qu'il définisse desrègles du jeu fondatrices d'un fonctionnement de groupe plusresponsabilisant.

Soucieux de confronter le produit de notre réflexion avec lecomportement d'adolescents en chair et en os, un des membresde l'IRIS à effectué un mini-sondage il y a quelques années surune population hétérogène d'élèves de classes de terminale et depremière dans plusieurs établissements secondaires de Haute­Savoie. Ils ont été consultés sur ce qu'ils pensaient de l'autoritéet aussi sur les sentiments qu'ils éprouvaient en prenant cons­cience d'avoir fait une erreur.

Voici in extenso l'ensemble des réponses de 80 jeunes genset jeunes filles. Ils ont pu choisir le moment où ils désiraientrépondre à ces questions (en classe, à la maison, ...).

Page 99: Thérapies - Naissance du 4ème Type

tialité. Cette culpabilité-là fournit à celui qui l'éprouve une in­satisfaction positive cette fois car elle le pousse vers un plusgrand achèvement de lui-même en sollicitant le deuxième sys­tème de motivation.

Pour mettre en oeuvre une autorité qui favorise le gaind'autonomie, il semble bien qu'il soit nécessaire de changer desystème de motivation prédominant.

Au contraire, dans les situations d'apprentissage, la trans­mutation culturelle de l'erreur en faute contribue au maintien etau renforcement des comportements déterminés par les «pro­grammes étrangers», qui ne disparaîtront culturellement quelorsque l'autorité renforçant la dépendance d'autrui cesserad'être utilisée; mais celle-ci ne peut disparaître tant que lepouvoir exerce autant d'attrait (ou-et tant qu'on se soumettra àautrui avec autant de satisfaction). Il s'agit ici du pouvoir surautrui qui séduit et attire, et non de la responsabilité.

L'autorité qui renforce la dépendance d'autrui dérive vrai­semblablement d'un comportement archaïque observable chezles primates. Le taux de sérotonine dans le liquide céphalo­rachidien d'un mâle dominant est plus élevé que celui de sescongénères mâles dominés. Si ce mâle alpha est retiré dugroupe, son taux de sérotonine après une semaine est revenu auniveau de celui des mâles dominés. Même chose s'il est placéderrière un miroir sans tain, position de laquelle il peut voir sescongénères, émettre à leur vue des signaux de domination ...complètement inefficaces puisque ces derniers ne le voient pas.Si le miroir est remplacé par une simple vitre, les singesdominés éxécutent les signaux de soumission que le comporte­ment du chef exige, et le taux de sérotonine de ce dernier resteélevé (Mac Guire, 1984). Cette série d'expériences illustre l'im­portance de l'attitude complémentaire des dominés dans lemaintien de la domination chez les singes. Qu'en est-il chezl'homme? Peut-on extrapoler?

On peut relever tout d'abord la dépendance de certains,hommes ou femmes, envers l'émission, par les personnes de leurentourage, de signaux verbaux et non-verbaux de soumission.Ils vivent en effet très mal la révolte de leur enfant au moment

196 Naissance du quatrième type

- remords

13- réparer 1- regret9- anxiété

1- coupable3- repentir1- culpabilité

4- responsable 1 - inquiétude1- fatalité

1- colère 1- malchance1- angoisse

8- «merde» 5- rectifier1- déception

1- gêne 6- sentimentsuicidaire

1

Tous les sentiments qui accompagnent la prise de cons­cience d'une erreur vont dans le même sens sauf 4 signalés enitaliques (5 % des réponses). Seuls 4 adolescents sur 77 ne sontpas <<immobilisés» quand ils réalisent une erreur : il est bienregrettable qu'ils soient aussi peu nombreux. Toutes les autresréponses font écho à une situation désagréable associée le plussouvent à un sentiment de culpabilité et à une soumission.

Nous avons une démonstration éclatante et malheureuse­ment douloureuse de l'effet conditionnant d'un système d'édu­cation encore inspiré par notre passé de «pénurie» et d'«insécurité»où la survie du groupe nécessitait, je le rappelle, la normalisa­tion et le conformisme, c'est-à-dire le blocage partiel de lamaturation psychique des individus. Nous nous attendions à ceque le pourcentage d'individus se sentant responsables de leurserreurs soit assez faible mais pas à ce point. Quel est le pro­gramme étranger qui peut nous pousser à nous interculpa­biliser de manière aussi efficace?

Lorsque l'on a mémorisé affectivement : «expéri­menter, innover = risque d'erreur = souffrance» (c'est lepoids de la culpabilité), on risque de préférer l'ivresseinfantile de l'irresponsabilité à la joie adulte de créer savie, et de s'en sentir responsable.

Je distingue cependant deux «sortes» de culpabilité. Lapremière, que l'on évoque avec ce sondage, résulte d'un condi­tionnement social qui entraîne l'inhibition et le renforcement dupremier système de motivation. Mais il en existe également uneautre beaucoup plus stilumante de l'individuation, engendréepar l'écart entre ce que l'on a fait ou été jusqu'à présent,et ce que l'on se sent capable de faire ou d'être en poten-

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Vers une séparation du 4ême type 197

Page 100: Thérapies - Naissance du 4ème Type

Vers une séparation du 4~metype 199

... ébruiter un secret sur le pouvoir.

Vos initiatives

Sont déplorables 1

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de l'adolescence ou celle de leurs subordonnés, deviennentirritables ou présentent certains symptômes dépressifs. Or on amontré une corrélation entre l'apparition de ces symptômes etla diminution du taux de sérotonine dans le cerveau humain. Ilest clair que s'il est impossible de prouver complètement l'iden­tité des mécanismes neuropsychiques impliqué dans les deuxcas, les singes et les humains dominants sont dépendants descomportements de soumission des dominés. Voiciun secret surle «pouvoir»qu'il faudrait peut-être ébruiter ...

Plusieurs auteurs affirment même que la recherche dupouvoir (terme ambivalent donc)apparaît comme la motivationunique des acteurs sociaux (Mucchielli, 1981). D'où peut bienvenir cet engouement, cet envoûtement pour le pouvoir surautrui? Un psychologue anglais, Winnicott, en a fourni uneexplication qui ne présente jusqu'ici à ma connaissance aucunecontre-évidence. En étudiant les relations des mères à leursenfants, il a constaté que «la bulle» mère-enfant persistaitpendant quelques mois après la naissance etjusqu'à cequ'inter­vienne une nouvelle séparation: le sevrage. Winnicot introduitle concept de la «mère suffisamment bonne» qui va s'adapteractivement aux besoins de l'enfant pour les satisfaire. L'enfantressentirait alors un sentiment de puissance extraordinaire: ila l'illusion que l'univers entier lui obéit puisqu'il suffit qu'ilappelle pour que la mère (ou la personne qui joue son rôle)accoure et lui procure ce qu'il désire (Winnicott, 1975).Winni­cott insiste sur le fait que cette expérience positive est fondatricedu sentiment de confiance en soi et dans la vie que l'enfantressentira durant toute sa vie, et qu'il est dommageable pourl'enfant de faire trop précocement l'expérience d'une rupture decontinuité dans les soins et la tendresse qui lui sont prodigués.Mais, ensuite, au fur et à mesure que l'enfant acquiert del'autonomie, l'adaptation active de la mère va consister à se«retirer», à faire un pas en arrière POUR QUE l'enfant fasse unpas en avant, découvre qu'il peut par lui-même satisfaire cer­tains de ses besoins (s'asseoir, marcher, se nourir, se laver,s'habiller, ...) et construire sa véritable puissance et sonpouvoir comme provenant de lui et non d'autrui.

Page 101: Thérapies - Naissance du 4ème Type

200 Naissance du quatrième type Vers une séparation du 4ême type 201

L'enfant passe donc d'une puissance absolue mais complète­ment illusoire, qui dérive d'ailleurs de l'état correspondant à lavie intra-utérine (matrice périnatale 1), à une conquête activeoù se développe le vrai pouvoir. Vu du côté de la mère ou duparent en général ce n'est pas toujours évident à Vivre car il peutêtre très agréable et enivrant d'être «tout» pour quelqu'un. C'esturi sentiment de puisd'ance qu'il fa ut abandonner pour permettreà son enfant de s'emparer des rênes de lui-même. Mais pour ygagner un plaisir d'une qualité toute différente: celui d'êtrel'accompagnant et le témoin du cheminement de cet enfant versla non-dépendance. Au contraire, il existe des mères - et despères - «insuffisamment bons» qui vont frustrer précoce­ment leur enfant rendu ainsi dépendant des caprices paren­taux, et qui ensuite refuseront de se «retirer» et de le laissers'épanouir, naître à une vie individuée. C'est le cas de cettefemme, évoquée précédemment, qui était réticente à sevrercomplètement son fils.

Que se passe-t-il alors si cette «désillusion» constructive duMoi n'a pas lieu?

La réponse est simple: la personne se développe physiologi­quement mais continue à détenir d'autrui son sentiment depuissance, c'est-à-dire son sentiment de bien-être tout simple­ment. Quand on est dépendant d'autrui pour être «bien dans sapeau», on fait tout pour le garder à soi, afin d'éviter à tout prixde perdre l'illusion d'avoir du pouvoir. On comprend donc quecesser de se soumettre à un «drogué du pouvoir», c'est le blesserdouloureusement, le déstabiliser et le déterminer à tenter dechâtier le «révolté». On comprend aussi que les hommes atta­chés affectivement à leur mère auront - d'une manière géné­rale - plus besoin de l'exercice du pouvoir-drogue qui perpétueà travers l'illusion le fonctionnement du premier système demotivation et les plus communs des programmes étrangers :l'auto-dépréciation, la domination-soumission(1), le sadomaso­chisme et la culpabilisation.

(1) n est vraisemblable que même chez les animaux, la domination-soumission relève d'unprocessus d'acquisition proche du conditionnement.

ln

Si nous résumons les différentes conclusions de ce chapitre,•\ou~voyons plus clairement combien l'enjeu de la crise d'adoles­cexÎCe,que vit l'humanité occidentale et un grand nombre d'en­tre nous, est important. Au départ de notre vie, «animaux»pauvres en instincts comportementaux, nous dépendonsd'autres humains pour nous construire psychiquement. Mais dela qualité de nos rapports avec autrui va dépendre:

- soit le développement de notre autonomie affective et depensée,

- soit au contraire notre «enfermement» dans des con­

duites répétitives, limitatives de nous-mêmes, mais non viergesde plaisir. Celles-ci bloquent ou plutôt retardent douloureuse­ment une nouvelle naissance à nous-mêmes et la joie d'en êtrel'acteur conscient et responsable.

Ainsi la séparation du quatrième type permet de naître à soi­même, de devenir enfin adulte, il n'y a pas d'âge limite ... pourdevenir l'inventeur, le créateur de sa vie, rencontrer autrui,plutôt que subir sa vie et se servir des autres en s'emprisonnantdavantage.

De la connaissance des conditions de cette mort-renaissance

psychologique, à savoir simultanément: le changement desystème de motivation, celui du type d'autorité et la dis­parition des programmes étrangers, découlent des indica­tions plus précises pour favoriser cette naissance, en particulierun modèle d'éducation mais aussi une approche thérapeutiquenouvelle.

Examinons d'abord ce que serait une relation éducativefavorisant la séparation-individuation du "quatrième type etdonc l'accession à la forme psychologiquement adulte d'Homosapiens sapiens.

Page 102: Thérapies - Naissance du 4ème Type

..

VERS UN MODE DE RELATION ÉDUCATIVEFAVORISANT LA SÉPARATIONDU QUATRIÈME TYPE

Voici un programme audacieux qu'on pourrait a prIOrItrouver utopique. Je vais tenter de montrer qu'il n'en est rien,parce que Homo sapiens s'est donné les moyens de favoriser sapropre métamorphose. L'essentiel de mon travail a consisté àrecueillir ces différents outils et à m'expliquer comment ilspeuvent s'articuler les uns aux autres. Je pense en fait quel'espèce Homo sapiens est maintenant à terme psychologi­quement pour cette naissance. Ce qui est utopique, c'est depenser que tous les humains vont «muter» en même temps. Encela nous sommes peu différents des petits pois : il en est desprécoces et des plus tardifs mais la plupart finissent par germer.

La séparation-individuation du 3ème type a fait de nous des«isolats psychiques». Le problème central qui s'est posé à Homosapiens, et avant lui à tous les Homo, est la rupture de cetisolement par l'établissement d'une comm]J.nication avec au­trui. La profusion et le développement actuels des techniques decommunication témoignent de la persistance et de l'importancede ce besoin chez nos contemporains.

Parmi ces moyens il en est qui favorisent l'autonomie et ledéveloppement de l'être; ils constituent selon moi des moyens àprivilégier puisqu'ils s'inscrivent dans le sens de l'évolution

Page 103: Thérapies - Naissance du 4ème Type

204 Naissance du quatrième type Vers une séparation du 4ème type 205

phylogénétique* et ontogénétique*. Au contraire, ceux qui ten­tent de faire obstacle au processus d'individuation sont à pros­crire. Pour une part, la relation avec autrui véhicule des infor­mations nécessaires à toutes sortes d'apprentissage et desconnaissances utiles à la vie sociale. A lui seul, l'examen descontenus de la relation pédagogique mériterait un ouvrageentier; je signale simplement qu'en fonction de mes critèresméthodologiques, de mon expérience et de mes connaissances,la pédagogie et le matériel éducatif qui utilisent le mieux lesressources cérébro-psychiques humaines ont été élaborés parC. Gattegno (1972, 1987). Cependant, je n'aborderai pas icil'aspect pédagogique de la relation éducative, réservant ce sujetpour un futur ouvrage.

Ce sur quoije voudrais attirer l'attention ici, est en relationavec la dimension affective de la relation éducative.

L'étymologie du mot éducation est latine. Il semble avoirdeux racines: educare qui signifie «avoir soin de» et educere :«faire sortir, mettre dehors ou encore accompagner d'un point àun autre». Je donnerai ici au mot éduquer le sens d'accompagnerun individu inachevé, naturellement vulnérable, hors des mu­railles de l'instinct et de l'inconscience, vers une existence auto­nome. La période d'éducation s'achève quand, ayant conquis sonlibre-arbitre, l'éduqué est capable de se déterminer consciem­ment et d'extérioriser les potentialités qui font de lui un êtreunique non interchangeable. L'éducation commence avec l'équi­valent individuel de la séparation du deuxième type, c'est à direavec la fécondation qui origine l'être, et prend fin avec laséparation du quatrième type.

L'éducateur «idéal» est donc un accompagnateur quirecherche le cheminement le plus favorable pour que puisses'effectuer chez l'«accompagné»ce qui est en somme une matu­ration vers le maximum de liberté individuelle possible et de joiecompatible avec la vie.

Voici les pratiques qui, en fonction des besoins et desspécificités de chaque âge de la vie, me paraissent les plus aptesà favoriser cette maturation.

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C'est à Frans Veldman (1989) que revient le mérite, endécouvrant ou en redécouvrant le toucher «haptonomique»,d'avoir montré que l'on peut communiquer affectivement trèstôt avec un enfant, bien avant la naissance. Veldman établit unedistinction entre le toucher haptonomique et différentes autresformes de toucher: le toucher objectivant qui transforme l'autreen objet, par exemple lors d'une palpation médicale; le toucherconsolant où l'on tente d'apporter de «l'énergie»et du réconfortà celui qui est touché; le toucher érotisant qui fait naître desémotions; etc. Ces touchers peuvent manipuler émotionnelle­ment autrui si la relation n'est pas claire. Le toucher haptono­mique est qualitativement différent de ceux-ci dans la mesureoùon ne fait pas quelque chose à l'autre; mais on le contacte avecrespect et on le reconnaît comme un être àpart entière. Ce toucherest doncessentiellement affectif(l'haptonomie est définie commela science de l'affectivité) et sans autre projet que la rencontre etla confirmation de l'existence de l'autre. Très curieusement unenfant in utero semble discriminer ces différents touchers et,contacté haptonomiquement à travers la paroi abdominale de lamère, il semble répondre en venant se placer contre la main quil'invite.

Dans l'esprit de la «guidance haptonomique» d'une nais­sance, c'est dès sa conception que l'enfant est considéré commeune personne (Martino, 1986). La rencontre d'un homme etd'une femme et leur désir de concrétiser leur amour permet à unêtre humain - en potentialité - de s'incarner. Devenus déjàpère et mère, cet homme et cette femme vont contacter leurenfant dans l'utérus. On peut faire l'hypothèse que ce contactinforme l'enfant qu'il existe un monde dans lequel il est attendu,et lui donne également une confirmation affective de sonexistence. Cette relation fait l'objet d'un véritable travail aucours duquel la mère peut être amenée à reconnaître en elle undouble désir: celui de garder l'enfant qui contrarie le désir de luipermettre de naître.

Ce travail effectué par le couple a également pour objectifdefaciliter le passage de l'enfant vers une vie à l'état séparé. Pourcela la femme enceinte va apprendre à modifier son tonus

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musculaire en entrant en contact haptonomique avec son maride façon qu'au moment de l'accouchement, elle puisse s'ouvrirdavantage, moins souffrir et moins faire souffrir le bébé. Le rôledu père est d'accompagner sa femme dans un état de présenceactive et de l'aider à ne pas se «replier» en elle-même et à ne pasabandonner psychiquement leur enfant.

Quand l'enfant est né, c'est le père qui l'accueille et coupe lecordon ombilical. Ce geste a une charge symbolique importantepour les trois personnes, car il signifie que la relation privilégiéede l'enfant avec la mère, nécessaire pendant le temps de lagestation et rappel de l'évolution de l'espèce, est terminée. C'estentre la mère et le père qu'existe la relation privilégiée compor­tant amour et relations sexuelles et il est bon de le fairepercevoir à l'enfant. Dans cet acte de séparation signifié «aunom du père» (comme aurait pu le dire J. Lacan), le pèrereconnaît son enfant comme un être à part entière et le confirmedans son existence autonome par cette relation nécessairementtrès affective. En réitérant le même type de contact déjà établiavant la naissance, en le soutenant par sa «base», son sacrum,le père présente le bébé au monde. L'enfant ainsi confirmé peuttenir sa tête et son buste droits et regarder calmement les gensqui l'entourent. On peut faire l'hypothèse que cette expériencerenforce la matrice périnatale 4 de Grof et le deuxième systèmede motivation chez l'enfant. Ce qui est plus difficile à définir,c'est à quoi attribuer cela: au contact spécial haptonomique quia nécessité un apprentissage, ou-et à la démarche des parentsqui se sont préparés à accueillir un être, un autre JE potentielet non pas un objet, un faire-valoir ou un moyen à travers lequelle couple peut fonctionner dans la normalité.

Ce type de naissance présente une plus grande cohérencesymbolique que l'accouchement «Leboyer» selon lequel, sitôtaprès le passage dans les voies génitales, l'enfant est remis surle ventre maternel puis dans l'eau tiède, ce qui dénie quelquepeu la séparation d'avec la mère ainsi que la radicale différenceentre l'univers utérin et le monde.

Dans le cas de la naissance guidée haptonomiquement, cen'est qu'après que l'enfant ait pris contact avec le monde exté-

rieur que le père va lui permettre de retrouver sa mère. Ainsi,avant que ne se mettent en place les mécanismes de l'attache­ment par lesquels le bébé s'attache à la personne qui satisfaitses besoins fondamentaux, s'inscrit en germe le détachementfutur de celle-ci. Ce n'est pas une frustration car l'enfant a gagnéen échange tout un monde nouveau; mais c'est lui signifier qu'àla naissance, séparation physique du corps de la mère, corres­pond une séparation psychique ultérieure qui lui donnera accèsà la conscience de lui-même et à toutes les satisfactions propre­ment humaines. On peut faire l'hypothèse que la signification àl'enfant de sa place par rapport à celle du couple parental vainfluer sur la qualité de l'attachement que celui-ci va développeravec sa mère - et son père -, et ceux-ci avec lui, préparant ledétachement qui devra suivre.

Ainsi que nous venons de le voir, l'éducation idéale com­mence avant la naissance, qui en est bien évidemment un tempsfort, et se poursuit ensuite si les parents incarnent le concept de«mère naturellement bonne» emprunté à Winnicott. Cette mèreet ce père devront apprendre à devenir de moins en moinsimportants pour l'enfant, à se retirer à temps pour que leurenfant puisse grandir, c'est-à-dire faire par lui même ce que les«éducateurs» étaient tenus, de par sa dépendance, de faire à saplace. Chaque fois que l'enfant acquiert un nouveau savoir­faire, ils n'hésiteront pas à «activer sa matrice périnatale 4» enlui faisant observer sa propre joie d'avoir réussi. Après, et aprèsseulement, ces parents «idéaux» pourront exprimer leur joie devoir leur enfant gagner de l'autonomie et en être heureux.Imaginons, à titre d'exemple, les mots qui peuvent être mis surl'expérience vécue par l'enfant: «C'était difficile mais mainte­nant tu es content d'y être arrivé !»«C'est une expérience qui teprouve que tu es compétent; trouves-tu cela agréable ?... Pourma part je suis heureux que tu vives cela et que tu découvres tesvrais pouvoirs ...»

De cette manière, les parents stimulent à nouveau ledeuxième système de motivation de l'enfant, celui qui a étéactivé une première fois après avoir réussi l'épreuve de sanaissance. Cela renforce également sa confiance en lui et dans la

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vie pour expérimenter le plus souvent possible l'action et l'auto­nomisation comme sources de satisfaction. Connaissant la na­ture des circuits de renforcement, on peut faire l'hypothèse quecela va devenir une bonne habitude qui facilitera ensuite lafuture crise de séparation qu'est l'adolescence.

Le modèle idéal d'éducation présenté ici comprend deuxpôles principaux: l'acquisition de la non-dépendance intel­lectuelle et celle de la non-dépendance affective.

La non-dépendance intellectuelle est, comme nousl'avons déjà vu, indispensable pour penser par soi-même ettraiter des informations sans être soumis aux critères, auxprojets et aux intentions des autres, bref pour oser penser etinnover. L'apprentissage progressif des trois règles peut se fairedès le plus jeune âge. Afin d'illustrer ce propos je citerai deuxexemples, le premier d'une de mes filles alors âgée de deux anset demi avec son grand père, et le second lorsqu'elle avait dix ansavec son père. Lors de la première scène, la chambre des amis etdes parents de passage se trouvait à une dizaine de mètres denotre maison. Ayant appris qu'elle avait pleuré dans la nuit, songrand père apostrophe l'enfant: «Alors, tu as réveillé tout lemonde cette nuit !» Celle-ci resta d'abord silencieuse puis luidemanda: «Est-ce que je t'ai réveillé toi?» «Non», lui répondit­il !... «Alors, je n'ai pas réveillé tout le monde !» affirma-t-elletrès sûre d'elle. Le grand père est resté muet pendant quelquetemps. Car sa petite fille n'était pas tombée dans le piège de lasystématique culpabilisante, et avait résisté ainsi à l'implanta­tion d'un programme étranger.

Comme le grand-père, je me fais moi-même prendre enflagrant délit quand j'affirme, généralement en colère: «J'en aiassez !Après ton passage c'est toujours le désordre, j'ai l'impres­sion d'être un esclave condamné à ranger tes affaires». Unegénéralisation abusive comme celle-ci est souvent détectée: «Cen'est pas toujours vrai ce que tu dis car la semaine passée, j'airangé ma chambre; et puis quand tu cries comme ça, je ne mesens pas bien car j'ai l'impression que tu ne m'aimes plus». Vousavez compris que c'était bien moi qui avait besoin d'un «complé­ment d'éducation idéale» et qui l'ai eu !

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Un enfant qui gagne en autonomie devient ainsi extrême­ment exigeant pour son entourage et c'est tant mieux!

La conquête de la non-dépendance affective quant à ellenécessite que l'enfant n'ait recours ni à la soumission ni à larévolte réactive dans ses relations avec les autres. Au cours deson apprentissage il convient donc que ses éducateurs exercentle deuxième type d'autorité: celui qui vise le gain d'autonomie.Mais ce n'est pas suffisant; la relation avec l'autre comprend eneffet une dimension affective et émotionnelle importante et ilest nécessaire d'apprendre à l'enfant à «substituer la réflexion àla projection» dans ses relations à autrui.

La compréhension projective, très fréquente chez l'enfant etles individus appartenant à des sociétés primitives, repose surune approximation effectuée grâce à un raisonnement analo­gique. L'enfant comme le primitif <<projette»quand il supposequ'autrui et le reste du monde fonctionnent comme lui, avec desmotivations et selon des processus similaires aux siens. Ainsipar exemple il va relier deux événements indépendants commele bruit que les gens font lorsqu'ils se disputent et le tonnerre, etexprimera que le tonnerre est DONC l'indice que les habitantsdes cieux sont en colère. Le modèle d'univers construit grâce àune pensée projective est égocentré comme l'était la représenta­tion astronomique de Ptolémée. A partir de la Renaissance, leurpensée devenant plus réflexive, les hommes abandonnent pro­gressivement l'opinion selon laquelle la Terre est le centre del'univers.

A ce sujet, j'ouvre une petite parenthèse: près d'un françaissur deux présente une non-assimilation de la révolution coper­nicienne puisqu'il affirme que c'est le Soleil qui tourne autour dela Terre; belle illustration de la difficulté à se séparer d'uneopinion. Cette difficulté est sans doute accentuée par l'emploid'images issues dù sens commun et indiquant que c'est le Soleilqui est en mouvement: le Soleil se lève, se couche ... La poésie n'yperdrait rien si l'on disait: «Le matin, la Terre se tourne vers lesoleil», et ce serait beaucoup plus réflexif ..

Mais revenons à la projection: dans certaines tribus afri­caines (Jung, 1975) le processus projectif est utilisé analogique-

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ment pour comprendre l'esprit humain en associant sa compo­sante inconsciente à la nuit, dangereuse, inquiétante où lesesprits des morts et les génies rôdent incontrôlés; la représenta­tion des «forces» de l'inconscient humain n'est pas si fausse si cen'est qu'elle est située à l'extérieur du sujet et que les manifes­tations intrasubjectives et la réalité objective sont confondues.

Dans la relation avec autrui la projection est également uneapproximation qui est presque juste, car spéculer que les autrespensent et agissent comme moi est un raisonnement valabletant que les autres et moi sommes peu différenciés, peu indivi­dués et donc peu séparés. C'est souvent le cas en régime depénurie où la maturation psychique des individus est limitéepour des raisons de survie par l'exercice généralisé d'une auto­rité du premier type basée sur l'implantation de programmesétrangers tel celui de la domination-soumission.

La projection ne doit cependant pas être confondue avec la«simulation» qui est probablement une des aptitudes spécifi­ques des lobes frontaux. Le mot simulation est pris ici dans lesens de visualisation d'une scène, d'un enchaînement d'événe­ments. On imagine alors le dialogue, les questions et les répon­ses possibles, les réactions des personnages. La simulationamène à une approximation et représente un complément à laformulation d'hypothèses, travail attribué au cerveau gauche.Elle repose sur l'aptitude à fabriquer des images mentales et àles visualiser, base de l'expérimentation intérieure. Contraire­ment à la projection qui n'est pas une opération psychiquecontrôlée par la conscience, la simulation s'apparente à laréflexion et n'attribue pas au monde extérieur de caractéris­tiques issues de notre monde intérieur; elle n'est donc pas àl'origine des limitations introduites dans notre connaissanced'autrui et de soi par la projection.

En effet, la projection n'est pl us un mode de connaissance del'autre suffisant quand on s'approche du moment de la sépara­tion du quatrième type; chaque être humain, en se différenciantdavantage, en s'individuant, n'est plus directement compréhen­sible en se prenant soi-même comme modèle. Le fait d'êtreimpliqué dans une dynamique de séparation nous oblige à

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utiliser un mode de relation qui permet d'être relié à autrui maispréserve l'individuation de chacun. Cette situation peut pa­raître paradoxale tant que l'on ne perçoit pas qu'il s'agit desubstituer une relation dans laquelle autrui et moi sommesreliés mais distincts, à une relation dans laquelle nous sommesaffectivement et psychiquement fusionnés.

Pour partir à la rencontre* et à la découverte de l'autre, jepropose d'opérer trois distinctions préalables dont la finalité estde distinguer notre propre réalité de celle d'autrui. Pourcela, j'utiliserai, tout en le complétant, le travail de clarificationréalisé par Thomas Gordon (1970,1981), psychologue de l'écolede Rogers.

1) Distinguer la personne de son comportement

Dire à quelqu'un par exemple «Tu me contractes 1»relève dela projection et même de la pensée magique, puisqu'on prête àl'autre le pouvoir exorbitant de modifier à son gré notre étatintérieur; en réalité personne ne peut contracter personne, sicelui-ci n'y consent pas! Si l'on substitue la réflexion à laprojection, on dira: «Quand tu dis ou tu fais cela, JE ressens unefrustration, JE suis irrité, etc.»

Autre exemple: «Mon chef de service est un imbécile rétro-grade avec qui il est impossible de travailler». Cette formulationqui met en cause la personne peut être remplacée par: «Je suisdécouragée quand mon chef de service ne veut pas comprendrece que je voudrais lui montrer».

Ceci permet de prendre conscience qu'il y a une grandedifférence entre la personne et le comportement que celle-ciextériorise à un moment et dans un contexte donnés, et qu'unepersonne est beaucoup plus que l'ensemble des comportementsque nous lui connaissons. Généralement on est tenté d'assimilerl'une à l'autre, surtout quand on juge autrui. C'est à Carl Rogers(1966) que revient le mérite d'avoir réintroduit le concept depersonne en psychologie, comme un individu auquel on recon­naît des désirs propres, des capacités particulières de résoudreses problèmes et une manière bien à lui de se mettre en relationavec autrui. 'Etre une personne est indépendant du fait qu'on

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Vers une séparation du 4~metype 213

... déconfondre la personne et sa production.

'* Traduction à l'usage des pédagogues du lan5age prociecl:iF en lan~a~e.. réFlexif =

Il Je SUIS déçue./déconcenance."e- el: vexee car malgrès

mes eFForts / vos résultats en maths resl:enc pour-Il-' Ile moment Ires insuFFisants.

2) Distinguer les comportements de l'autre avec lesquelsje me sens bien et ceux avec lesquels je suis mal à l'aise

Ainsi je peux constater qu'il existe des comportements del'autre qui ne me gênent pas, et d'autres avec lesquels je «suis enproblème»,c'est-à-dire qui font varier mon indicateur émotioneldans le sens négatif. Exemple: si mon fils de vingt ans m'em­prunte ma voiture, cela ne me dérange pas, mais s'il omet de meprévenir avant de le faire, je trouverai son comportement inac­ceptable et je serai irrité contre lui. Ou bien: selon que je suis enpleine forme oufatigué, j'accepterai ou non les jeux bruyants demes enfants dans la salle de séjour. Ou encore : si un collègueenseignant critique mes cours devant mes étudiants, je risquene pas me sentir à l'aise alors que j'aurais pu accepter sescritiques si nous étions seul à seul. Ces différents exemplesmontrent que la limite entre l'acceptation et la non-acceptationdu comportement d'autrui est jZuctuante et varie en fonction detrois types de facteurs : mon état intérieur, le comportement del'autre et le contexte dans lequel se situe la relation.

mesure 50 centimètres de long ou 1 m 80; dans un nouveau-néde quelques heures, dans un homme au sommet de sa puissancephysique ou dans celui qui voit ses possibilités décliner, lapersonne est là, intacte. Le fondement d'une relation humainesatisfaisante semble résider dans l'acceptation mutuelle despersonnes. Mais tout en acceptant et en respectant la personne,il arrive que je ne puisse accepter, pour diverses raisons, certainsde ses comportements.

3) Répondre à la question : qui est en problème ou enmalaise en ce moment

Une mère me racontait qu'elle se disputait avec son fils car«il faisait froid» et qu'il refusait de s'habiller chaudement poursortir. Ce qu'elle ne voyait pas, c'est que c'était elle qui étaitglacée dans sa maison, qu'elle projetait que son fils était dans lemême état et que s'il refusait de s'habiller, c'était pour l'embêter(deuxième projection), elle, qui ne voulait que son bien. C'était

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214 Naissance du quatrième type Vers une séparation du 4êTTUI type 215

Résultat: Ici la réalité a été déformée (cf. dessin p. 216).

Résultat: Ici la réalité concernant le père n'a pas été dé­

formée. Correctement informé l'enfant trouve une solution quilui convient.

Aux deux types de comportement habituels: la soumission,la révolte ou l'agression, je propose de substituer l'expression dece que nous ressentons exactement quand autrui a tel compor­tement précis. C'est une évaluation réflexive qui le con­fronte à ce que produit sur nous son action.

Simulons un message-type avec son décodage, adressé à unenfant par son père :

génératrice de projection. En effet, quand je suis en relationdifficile et désagréable avec autrui (on dira alors que~suis «enproblème»), mes réactions les plus communes, semi-automa­tiques, sont la soumission, la fuite ou bien l'agression. Verbale­ment cette dernière s'exprime par un message projectif etculpabilisant du type: «C'est toujours pareil avec toi, tu as gâchéma jeunesse, ma vieillesse ... , tu es insupportable ..., un imbé­cile ... , complètement incompétent ...»

«Papa est fatigué;sije fais encore

.du bruit, il sera mal»

Décodage par l'enfant

«Je fais mal à papa,je suis méchan1;>"cequi peut entraînerun sentiment dou-

loureux de culpabilité

«Je suis très fatiguéet le bruit que tu faisen jouant me dérange»

Message

«Vous me cassezles oreilleset la tête')

Nouvelle formulationpar le même acteur,message plus réflexif:

Soit un père aprèsune dure journéequi s'adresse àses enfants :

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donc elle qui était «en problème» et mal à son aise. Sortant de laprojection, elle a pu vérifier que son fils qui jouait vivement,avait les mains bouillantes.

Il est donc très important de savoir qui est «en problème»dans une relation: moi, l'autre, les deux ... ou personne, afin depouvoir agir en accord avec la réalité du moment.

Ces trois distinctions préalables, en permettant de substi­tuer la réflexion à la projection dans la relation, ont une grandevaleur opérationnelle. Grâce à elles, des situations relation­nelles compliquées peuvent être mises à plat. Il devient alorspossible de leur trouver une issue satisfaisante, en particulierpar l'emploi d'outils de communication adaptés.

En premier lieu, il est nécessaire de reconnaître l'émotion oule sentiment réel qui nous habite quand autrui fait ou-et dit ceciou cela. Pouvoir nommer les sentiments que l'on éprouve reflèteun gain d'autonomie. Cela nécessite parfois un désapprentis­sage: perdre l'habitude d'ignorer ou de déformer ce que l'onressent émotionnellement et de vivre «coupé» ainsi de son corps.

Un test simple permet de distinguer deux catégories d'indi­vidus selon la facilité ou l'incapacité avec laquelle ils verbalisentleurs émotions. L'épreuve consiste à relier des points sur unsupport transparent en arrière duquel se trouve un fond illus­tré, représentant un paysage par exemple. A posteriori le testpermet de discriminer les individus concentrés sur la tâche,efficaces, mais qui sont ensuite incapables de dire s'il existait unfond et de le décrire, et ceux qui peuvent le décrire car ils l'ontperçu tout en effectuant le dessin. Ces derniers, s'ils sont moinsconcentrés, extériorisent une aptitude à traiter de manièresynchrone plusieurs informations avec une attention périphé­rique diffuse, faculté dont les premiers semblent démunis. Lespersonnes du premier groupe semblent être de bons candidatsau développement de somatisations (Montreuil et Jouvent,1989).

La diffiiculté à traiter consciemment les manifestations denotre cerveau affectif et émotionnel augmente quand la relationavec autrui engendre une «tempête émotionnelle», elle-même

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Quand on est «soi-même en problème», la façon la plusefficace d'agir semble être, comme le préconise Gordon, d'adres­ser à autrui un message bâti en trois parties (message-JE) surle modèle suivant:

Voici un exemple vécu en enseignement : «Quand je vousvois bavarder presque constamment, je me sens rejeté et niéparce que ce que je fais et dis semble n'avoir aucune importancepour vous». Ce qui fait la force d'un tel message, c'est lacohérence qu'il permet d'installer. Les termes mêmes de cettephrase reflétaient ma réalité du moment mais ne peuventconstituer une recette pour ce genre de situation.

Ce genre de message est radicalement différent de la formu­lation d'un «état d'âme» (par exemple: «Je n'ai pas le moral») parla précision du contexte (le comportement de l'autre) dans lequelse situe l'expression de ma réalité intérieure. Ce message obéità la deuxième règle méthodologique (<<substituer la recherche dela contre-évidence à la systématique») et définit le domaine devalidité d'un sentiment, repéré ainsi dans le temps etdans l'espace.

Cette formulation peut paraître lourde mais elle est souventtrès efficace dans la mesure où elle provoque une confronta­tion quelquefois bouleversante pour autrui entre ce qu'ilcroit faire et le résultat provoqué. Ce type de messageentraîne souvent une élévation temporaire de la tension émo­tionnelle de celui à qui il s'adresse: en effet le destinataire estdirectement impliqué dans la situation à travers la descriptionde son comportement.

La plus difficile pour celui qui émet un message-JE, c'est derepérer le sentiment précis qu'il éprouve, et d'abandonner uneopinion très répandue: «Celui qui est fort ne parle pas de sessentiments et émotions, les avouer est une preuve de faiblesse».

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Parce que... (précisez leseffets de l'action del'autre sur l'organisationde votre vie, sur votretemps, votre énergie)

JE ressens ..., JE suis ...(sentiment préciséprouvé par soi)

Quand tu (ou vous)fais ou dis ...(comportement del'autre ou des autres)

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...à propos de message codé

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218 Naissance du quatrième type Vers une séparation du 4tme type 219

C'est exactement l'inverse! Il faut être fort pour oser exprimer~ses sentiments ou sa réalité intérieure et on l'est encore plusquand on l'a fait.

A ce propos, je ne résiste pas à l'envie de vous raconterl'expérience vécue par plusieurs personnes dans des situationscritiques différentes. Ces récits montrent que, même en cas depéril immédiat, il peut être profitable de substituer la réflexion àla projection, de faire fond sur des ressources spécifique­ment humaines plutôt que de faire résonner les comporte­ments et les automatismes préhumains.

La première expérience c'est Bruno Bettelheim (1960) quil'a faite dans un camp de travail allemand pendant la deuxièmeguerre mondiale. Les médecins nazis avaient ordre de ne passoigner les juifs. Malgré cela plusieurs essayaient d'apitoyer lesmédecins pour recevoir des soins. Ce qu'ils récoltaient le plussouvent, c'était des coups et des «passages à tabac». Bettelheimavait, à la suite de travaux agricoles effectués en hiver sous lapluie, des crevasses dans les mains. Il se présenta alors aumédecin du camp. Celui-ci déclara: <Nous savez bien qu'on nesoigne pas les juifs !»Bettelheim, debout devant lui, dit simple­ment: «Je ne peux pas travailler» en montrant ses paumesouvertes. Bettelheim raconte alors qu'il ne fut ni repoussé nibattu mais correctement soigné. Que s'est-il passé chez cemédecin allemand dans les deux cas rapportés ici ? Pourquoicette violence lorsque les juifs cherchaient à l'apitoyer?

Plusieurs réponses complémentaires me viennent à l'esprit.En cherchant à apitoyer, les juifs se dévalorisaient eux-mêmes,ils incarnaient alors l'image que les nazis voulaient donner desjuifs, mais surtout ils mettaient en conflit douloureux l'individuà la fois médecin et nazi qui était écartelé entre deux motiva­tions inconciliables : celle du médecin dont la vocation est desoigner les souffrances humaines et celle du nazi exterminateurdes juifs. Comme on peut donner un coup de pied dans une tablecontre laquelle on s'est cogné, le médecin nazi projetait à l'exté­rieur de lui-même la cause du conflit qui le déchirait intérieure­ment et accablait de coups ceux qui avaient réactivé ce conflit.Ce comportement bien qu'inacceptable n'est cependant pas

aberrant car en «cherchant à apitoyer», les juifs ont tenté unemanipulation des médecins par la réactivation de leur program­mes étrangers de culpabilisation; mais ici la manipulation esttrop efficace et se retourne contre eux.

Le positionnement de Bettelheim est tout à fait différent.D'abord il aborde le médecin en homme planté sur ses deuxjambes. TImontre des faits vérifiables et une conséquencelogique: «Je ne peux pas travailler 1»Le camp où il se trouve apour objectif une production, les médecins sont là pour que cetravail puisse être effectué par des individus dont l'état de santéle leur permet. Les consignes ne sont cependant pas très claires,elles se contredisent puisqu'il est interdit de soigner les juifs quieux aussi travaillent dans ce camp. Comme Bettelheim ne lemet pas en conflit directement, le médecin choisit alors d'obéirà une motivation altruiste, profitant du degré de liberté quepermet l'ambigüité des consignes du camp. Bettelheim s'est doncadressé à la conscience claire du médecin en montrant desfaits, il n'a pas essayé d'activer ses programmes étrangers enrejouant la scène de «la victime implorant le bourreau sadique»,«du tyran et du tyrannisé».

Le décodage de cet épisode de la vie de Bettelheim dans uncamp de concentration, raconté plusieurs fois, m'a permis derecueillir de nombreux récits où les personnes se sont «sorties»de situations critiques en utilisant intuitivement la mêmestratégie: s'adresser à la conscience de l'autre en réflé­chissant la réalité plutôt qu'à son cerveau affectif etémotionnel programmé.

Une infirmière m'a ainsi confié qu'un jour, alors qu'elleétait en panne de voiture, elle a dü faire de l'auto-stop. Unautomobiliste accepte de l'emmener à l'hopital mais dit qu'il doitfaire un détour pour un prétexte quelconque. Puis il s'arrêtedans une forêt, pousse l'infirmière dans un fossé. L'infirmièreest d'abord «saisie» par la panique, elle se dit qu'elle ne peut rienfaire et qu'elle va être violée comme le montre le comportementde son agresseur. Puis elle se ressaisit; perdue pour perdue, ellen'a pas encore tout tenté. Elle se redresse alors, regarde l'hommequi lui fait face et lui dit, déterminée : «Je ne veux pas faire

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message confrontant avec la réalité, cela relève de sa liberté*potentielle de ne pas vouloir l'entendre.

Continuons maintenant à définir comment nous pouvonsencore agir pour favoriser la réflexion de la situation.

Lorsque l'on a repéré que c'est autrui Quiest «enproblème»,et non pas soi, on peut l'aider à sortir de son état problématiqueen l'aidant à reconnaître les sentiments et les émotions qui lepossèdent, l'envahissent, voire le submergent.

Plusieurs conditions sont cependant nécessaires pour cela :1. La première est de vérifier qu'on est soi-même neutreémotionnellement, c'est-à-dire que notre «lac intérieur» estassez calme pour pouvoir refléter sans la troubler la réalité del'autre.

2. La seconde est de décider, c'est-à-dire de choisir de l'aideret de se rendre disponible pour le faire.3. Etre sans projet pour lui si cen'est notre désir qu'il s'en sortelui-même.

4. Etre persuadé qu'il est le mieux placé non seulementpour découvrir la meilleure solution à son problèmemais aussi pour l'appliquer •5. Pratiquer l'empathie. Mot inventé par Rogers (1970) signi­fiant être proche de l'autre sans être l'autre, donc sans souffrirsoi-même (au contraire de la sympathie dont le sens étymolo­gique est: sentir ensemble). Dans cet état d'empathie, on main­tient une disponibilité intérieure, une ouverture à la réalitéd'autrui, on peut se représenter ce qu'il ressent mais on restesoi: ce n'est pas une relation fusionnelle. L'empathie nécessiteque l'on se maintienne activement et consciemment à la «bonnedistance» de l'autre :

indifférence

l'amour avec vous, je ne vous aime pas !»Le violeur potentiel sefige alors sur place, la regarde, il ressemble à quelqu'un qui sortd'un rêve ou d'une torpeur. Il exprime qu'il ne sait plus cequi luiest arrivé et s'excuse. IlIa ramènera ensuite à l'hopital en luirenouvelant ses excuses.

Même type de récit rapporté par une autre infirmière quirentre en voiture chez elle après une nuit de travail. Victimed'une crevaison, elle s'arrête pour réparer, lorsqu'un homme envoiture passant dans cet endroit désert lui propose son aide et làencore l'agresse pour la violer; dans ce cas également cettefemme réussit à surmonter sa panique et lui dit: «Ecoute monbeau! J'ai passé la nuit à travailler, je suis éreintée et je n'aivraiment pas la tête à ça». L'effet sur l'homme est similaire: ilsemble sortir d'un envoûtement, est confus, s'excuse et l'aide àchanger sa roue. Que se serait-il passé si ces deux femmes avaientcrié, hurlé, supplié menacé, etc. ? Cela aurait-il alimenté lecinéma intérieur du «violeur» ou cela l'aurait-il arrêté?

Il est fort probable que l'expression de programmes étran­gers nécessite la présence chez autrui d'un programme étrangercomplémentaire comme dans le cas du boUrreau et de sa vic­time. La violence et le plaisir sexuel sont souvent liés ainsi quele montre encore les nombreux rapports sadomasochistes.Jouer un programme d'origine hypnotique n'est pas uneliberté et encore moins une force, au mieux c'est accéder àune forme de plaisir que l'on croit ne pas pouvoir se procurerautrement.

Ce que je propose ici c'est d'être transparent, d'exprimer ceque l'on ressent vraiment dans les situations critiques où onpeut être en difficulté, dans la rue, au bureau ou chez soi. Etretransparent, contrairement à la légende ambiante, c'est décou­vrir un autre type de force non destructrice pour autrui etn'autorisant plus l'intermanipulation consciente et inconscientedu vainqueur et du vaincu, du dominant et du dominé. Il suffitde l'expérimenter pour s'en convaincre et éprouver un senti­ment nouveau: on peut se sentir fort, puissant sans que lacontrepartie de ce sentiment soit l'affaiblissement d'autrui. Cecine veut pas dire qu'automatiquement autrui va accepter notre

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(00)relation empathique

Enrelation fusionnelle

«sympathie»

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Dans les deux derniers schémas, A est mal placé pour aiderB :trop près ou trop loin. Pour pouvoir aider autrui, il ne faut pasavoir «mal à son ventre» ...

Toutes ces conditions réunies, on est alors à même depratiquer l'écoute active, c'est-à-dire de refléter en les for­mulant les sentiments et les émotions d'autrui. En voici unexemple: lors d'un voyage en train, j'ai été amené à secourir unjeune homme qui avait perdu connaissance et dont le pouls étaittrès faible. Autour de lui s'élevait un concert d'exclamations:«Donnez-lui à boire», «Non plutôt un sucre», «C'est parce qu'il apeur d'aller à l'armée», «Il a trop bu», «Ah ! Ces jeunes !»M'ap­prochant de lui et me représentant ce qu'il pouvait ressentir, jelui dis calmement : «Vous vous sentez comme dans du coton,faible, et vous avez du mal à revenir avec nous». Il ouvrit alorsun oeil, tourna légèrement la tête dans ma direction, et me fitsigne que oui. Je lui dis alors: «Si vous voulez sortir de cet étatvous pouvez prendre quelques grandes inspirations». C'est cequ'il fit, il reprit alors peu à peu des couleurs et put se redresserde lui-même. L'écoute active, en rejoignant cet homme «là où ilétait» lui a permis de redevenir présent à la réalité ambiantealors que tous les conseils et les commentaires sur son état entransmettant l'angoisse projective de l'entourage, avaient l'effetinverse.

Si on pratique ce type d'écoute active, on est presquetoujours étonné de la mobilité des sentiments chez «l'aidé» :ceux-ci se modifient dans leur nature et dans leur intensitéjusqu'au moment où la personne s'achemine vers une solutionqui lui convient. Comme si elle sortait d'un sommeil, elle vousperçoit alors consciemment, sa voix, son visage, son regard sontcomplètement différents: elle a réussi à gérer sa difficulté grâceà son action et à votre aide.

L'attitude de l'écoute active peut être rapprochée de celle dela mère avec son bébé. Le nourrisson est le siège de sensationset d'émotions intenses (froid, plénitude, angoisse, faim, joie, ...)dont il ignore primitivement le sens. C'est le sens que la mèreva donner à ces manifestations en lui parlant (<<Tuas eu peur, tu 1,.

voudrais que je te prenne dans mes bras»; ...), en le parlantcomme disait F. Dolto, qui va permettre peu à peu à l'enfant dese constituer une représentation de ce qu'il vit et de ce qu'il est.La réflexion proposée à l'autre par le biais de l'écoute activeparticipe de ce même mouvement d'appropriation de soi grâce àla relation avec l'autre.

Dans certains cas cependant, en particulier dans le cadre dela thérapie, l'écoute n'est pas suffisante et il est nécessaire quele thérapeute reflète, à celui qui le consulte, que son émotion estproduite par la réactivation d'un programme étranger. Ainsi lethérapeute pourrait dire à une personne ambivalente par rap­port à sa maladie: «Vous aimeriez guérir, mais cette maladie n'apas que des inconvénients pour vous». Ou encore à une femmedéçue dans sa relation conjugale: «Vous en voulez à votre maride ne pas vous aimer comme votre père vous aimait».

Il existe - et c'est heureux - de nombreuses situations où. personne n'est «en problème». Si l'environnement relationnelest favorable, Homo sapiens est un créateur dont la profusionn'a pas de limite; le caractère enrichissant, ludique, agréable dela relation tissée avec autrui peut être reflétée à autrui enutilisant toujours le mode réflexif des sentiments éprouvés, lessiens (message-JE) ou ceux d'autrui (écoute active).

Exemples: «J'ai beaucoup apprécié de pouvoir parler lon­guement avec toi»; «l'explication que tu m'as donnée hier m'aposé question puis j'ai compris plusieurs choses et maintenantje me sens mieux»; «quand je te regarde vivre et agir,je suis tout­à-fait confiant dans tes ressources»; «tu sembles très joyeuse cematin» ...

La substitution progressive de la réflexion à la projectiondans la relation avec autrui permet de communiquer à la foisde manière conceptuelle et émotionnelle, ce qui pouvaitsembler auparavant impossible: le coeur et la raison sont enfin

réunis pour une plus grande autonomie des individus. Bien quel'apprentissage de ce mode réflexif de communication demandeun certain délai nécessaire au changement d'habitude, et si l'ex­périmentation vous tente, je vous conseille de commencer avecdes personnes qui affectivement ne sont pas très proches de

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vous ou avec de jeunes enfants chez qui les habitudes decommunication ne sont pas encore trop enracinées. Ce change­ment d'attitude réalisé, chacun pourra rencontrer ensuite pluscomplètement et authentiquement ses propres enfants, sesparents et son (ou sa) conjoint(e).

En conclusion voiciun tableau résumant les principaux«cas de figure» relationnels :

Diagnostic de laQu'est·ce queLimites éventuelles de

situationje peux faire?mon action

Je suis mal

• J'identifie les comportements- L'autre peut avoir besoind'autrui qui me perturbent et je

d'être écouté.

lui exprime mes sentiments (message-JE), je vérifie si je ne

- Il ne veut rien entendre.

suis pas en fausse acceptation, en soumission.L'autre est mal

• Si mon seul projet est de- L'envie d'être aidé de

l'aider, je lui reflète en les lui

l'autre.formulant les émotions et les sentiments qui le «possèdent»(écoute active).

Personne n'est «en

• J'exprime mes sentiments de- Pas de limite.

problème»

bien-être en les mettant enrelation avec les comportementsd'autrui qui sont à l'origine deleur naissance (message-JE).• Je reflète à autrui sessentiments ou son état intérieur(écoute active).

Moi et l'autre (ou les

• J'exprime d'abord mon- L'envie de l'autre de

autres) sommes «en

ressenti-mess age-JE) ce quirésoudre ce problème.

problème»

peut accentuer ou diminuer lemalaise d'autrui. J'écoute

• L'envie des deuxensuite l'autre (écoute active).

personnes de trouver une• Si le dialogue ne peut

solution à leur conflit.

s'instaurer,je peux faire appel à un médiateur extérieur quipratiquera alors une écouteactive de chacune des personnesen difficulté.

TABLEAU 6

il

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...et trois remarques:1. Il faut également garder à la conscienceque nous sommes desêtres vivants, c'est-à-dire dynamiques: il n'y a donc aucuneobligation d'éprouver les mêmes sentiments même dans descirconstances analogues.2. Tant que les partenaires d'une relation sont vivants, l'und'entre eùx peut toujours revenir sur une rencontre ou unerelation qui pose problème.S. Un postulat de base, à garder à l'esprit, réside dans le fait quel'autre a d'aussi «bonnes raisons» d'agir commeil le fait que j'enai moi-même pour motiver tous mes comportements. Chacunprésente une cohérence «locale» dans ses actes qui diflèrecependant souvent d'un individu à l'autre.

Une métaphore, celle du surfeur et de la vague, permettra,j'espère, de préciser où se situe le gain d'autonomie dans cetravail d'expression. On utilise souvent l'image de la vague pourdécrire une émotion. Pourrions-nous devenir, grâce à la pra­tique développée ici, des surfeurs de nos émotions?

Quand survient une vague, le surfeur court deux risques: larater ou se faire engloutir par elle. C'est entre ces deux possibi­lités qu'il développe une autonomie nouvelle lui permettantd'utiliser la force de la vague pour se mouvoir dans toutes lesdirections de l'espace. Sur le plan émotionnel, cesdeux sortes derisques existent également. En rationalisant, en «étiquetant»ses propres comportements, en les «expliquant» avant d'avoir«accuséréception» de ses émotions et de ses sentiments, onpeut«rater» ce type d'informations et, si cela devient une habitude, se«couper» de son cerveau affectif et émotionnel et de l'énergiequ'il nous procure. N'est-ce pas à ce moment que peuventapparaître l'asthénie et les maladies somatiques? Le secondrisque consiste à être submergé par ses émotions, à perdre sesressources cognitives (inhibition des lobes frontaux), il devienttrès difficilede contrôler consciemment ses actes. Cette «posses­sion» par l'émotion s'accompagne souvent d'un «blanc»mnési­que, on a du mal à se rappeler ce qui s'est passé un peu avant etplus ou moins longtemps après.

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Commepour un surfeur,l'autonomie pour un être humainconsiste à «chevaucher» la «vague émotionnelle», à res­ter à sa surface en utilisant sa force et sa dynamique, enla reconnaissant et· en formulant consciemment lesémotions qui l'ont engendrée. Il ne s'agit donc pas de contrô­ler ou de maîtriser la vague, qui est produite par le vent, lamarée et les courants marins (ici des déterminismes non cons­cients), mais plutôt de se l'approprier. C'est cet objectif quevisent les deux pratiques proposées dans cet ouvrage: le mes­sage-JE quand nous sommes directement concernés par lavague émotionnelle et l'écoute active quand c'est autrui qui estmenacé par les deux risques que je viens de décrire. C'est ainsiqu'on peut goûter au plaisir unique du «surf émotionneh>,etéprouver un sentiment de puissance réelle en relation avec lefonctionnement du deuxième système de motivation.

En résumé, je pense qu'un éducateur qui a accompagné unêtre humain en développement depuis la fécondation jusqu'àl'adolescence physique et psychique, a terminé sa tâche. En effetla pratique de l'autorité du deuxième type, combinée avec unerelation qui encourage plus la réflexion que la projection dans ledomaine affectif, conduit immanquablement l'individu vers lanon-dépendance affective et conceptuelle.

Une autre manière de résumer le contenu de l'éducationidéale est de parler de l'amour que l'éducateur apporte à celuiqui grandit. Pour se développer et devenir une personne à partentière, deux types d'amour sont nécessaires à un enfant et à unadolescent. Un amour-acceptation, de type maternel, qui faitsentir au petit d'homme que «quoiqu'il soit, fasse et devienne, ilsera toujours aimé». Cet amour fonde sa confiance dans la vie eten lui-même. Mais il ne suffit pas à l'attirer vers l'âge adulte.Pour cela, il lui faut un amour-exigence, de type paternel, quilui signifie: «Parce que je sais que tu peux faire encore plus etparce que je t'aime, j'exige que tu te réalises davantage, que tufranchisses cette épreuve, que tu deviennes de plus en plus toi­même». Peu importe que ces deux formes d'amour soient appor­tées par une même personne ou par des personnes distinctes; cequi est véritablement important c'est qu'elles soient présen-

tes toutes les deux de manière équilibrée dans l'environ­nement de l'enfant. Apporter l'une sans apporter l'autre, c'estcréer un déséquilibre qui risque de maintenir l'enfant dans ladépendance. Apporter les deux, c'est créer un environnementfavorable à la séparation du 4ème type ..

Cependant la décision de la séparation ne dépend pasde l'éducateur, qui l'aura facilitée, mais de l'individu. Ilfaut en effet que celui-ci choisisse définitivement, lors d'unecrise* décisive, de rechercher plutôt le plaisir à vivre, à agir et àrencontrer autrui comme une autre personne, que celui d'êtredépendant et passif.

De ce choix dépend en effet l'autonomie maximale que jepeux imaginer actuellement comme accessible à un être hu­main. Nous avons pu voir que jusqu'à la séparation du 3èmetype, l'univers dans notre système solaire se comporte commeune totalité, une unité créatrice capable d'engendrer en quel­ques milliards d'années d'autres «unités créatrices» : les hu­mains. L'autonomie d'un être humain n'est pleinement réaliséeque s'il devient une unité en soi. Avant la séparation du 4èmetype, le sentiment d'unité est obtenu avec l'appartenance à - oula dissolution dans - une entité plus vaste que soi, la mère, legroupe, la nature, l'univers. Aveccette naissance, l'unité est at­teinte avec l'acceptation de sa solitude*, de son identité, de sonoriginalité, et la distinction, en soi, entre cequi est à soi et ce quiconstitue des programmes étrangers.

Pour connaître, chacun d'entre nous utilise des diffé­rentiels*.

La relation duelle présente le grand intérêt de nous faireexister à l'intérieur d'un différentiel psychique. Parce que l'autreest différent, je peux me rendre compte de ce que je suis. Detoutesles relations duelles que nous tissons avec autrui (amicales,professionnelles, amoureuses, familiales, ...), la plus intime et laplus complète est celle qui inclut la relation sexuelle.

La séparation-individuation du 4ème type, si elle consistedans un changement de système de motivation dominant, vaparvenir jusqu'à son dernier acte grâce à une relation d'interdé­pendance affective. Pour des raisons de complémentarité biolo-

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gique et psychologique, l'autre ne peut être que de sexe opposé.Il faudrait plus d'un ouvrage pour démontrer cela et notammentexposer des travaux de neurobiologie montrant que le cerveauest «sexué» en dehors des zones régulant la sexualité. Je veuxexprimer par là que le traitement de l'information comporte despoints communs mais également des différences (Sullerot, 1978)chez l'homme et chez la femme, et qu'il est extrêmement complé­mentaire.La séparation du quatrième type s'opère égalementet nécessairement sur le plan sexuel, et va consister pour unefemme à découvrir sa féminité réelle et pour un homme à«investir» sa virilité adulte. Les termes de féminité et de virilitéont des contenus très flous. Qu'est-ce donc qu'être féminine ouêtre viril ? En répondant à cette question, on aborde le dernieracte de la séparation du quatrième type: la substitutionde la relation sexuelle réelle à la relation sexuellefantasmée.

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LA FORMATION DU COUPLE PSYCHIQUEMENTADULTE

Quand j'observe les différents processus de séparation­individuation qui se succédent à l'échelle de la vie d'un individu

humain, je suis frappé de constater la place primordiale qu'ytient la sexualité. La séparation-individuation du 2ème type,c'est-à-dire la formation de la première cellule de notre corps, estle résultat de la fusion de deux cellules sexuelles lors d'un«rapport sexuel fécondant». Celle du 3ème type commence avecune reptation plus ou moins éprouvante à travers le sexe d'unefemme, la mère qui nous a abrité dans son giron, et se termineavec la conscience et le sentiment d'être un individu «entier»porteur d'un seul sexe.

Il ne fait aucun doute pour moi que dans le processus deséparation-individuation du 4ème type la dimension sexuellesoit également impliquée. Il peut sembler paradoxal d'associerle terme de séparation à celui de rencontre* ou de couple. Dequoi faut-il se séparer pour former un couple psychiquementadulte? Inversement, de quoi la formation d'un couple peut-elleme permettre de me séparer psychiquement ? Et pour commen­cer, le plaisir sexuel est-il toujours de même nature? Dépend-ilde la réalisation de fantasmes plus ou moins conscients en moi,ou bien de la rencontre de ce qui constitue l'unicité et ladifférence de l'autre?

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Le fantasme* fait partie du processus projectif. Le fonction­nement en nous de ce qui relève de la projection contribue àperpétuer le parasitage du premier système de motivation et laposition d'objet. Imaginons une scène classique dans la littéra­ture sentimentale contemporaine : «L'inconnue descendit dutrain en faisant crisser ses bas, elle me regarda comme si elle mereconnaissait, instantanément je la désirais et je savais qu'il enétait de même pour elle, ... etc.» Fabriquons une autre suite àcette histoire: «...elle ouvrit la bouche, à laquelle manquait desdents et d'une voix criarde riche en aigus, elle me dit qu'ellerecrutait pour la célèbre secte des frustrés du paradis perdu».Cette suite incongrue rompt brutalement le charme / Dans unetelle situation, ai-je été véritablement en relation avec cettefemme? Est-ce que je la connais? Non bien sûr 1Je jouais avecelle un rôle propre à faire naître en moi des émotions; celles-cipeuvent être agréables ou désagréables mais n'existent que sil'autre joue le rôle complémentaire au mien.

J'ouvre à ce sujet une parenthèse. Le «philtre» employédans cette histoire sentimentale est très largement exploité parla publicité. Celle-ci réalise souvent une hypnose douce dont onne se méfie pas assez. Elle consiste par exemple à associer unefemme «appétissante» et peu vêtue avec telle· voiture, ou unplaisir avec tel produit. En «s'accrochant» à des programmesétrangers plus anciens, elle influence l'acheteur potentiel. Lespublicistes qui le savent bien disent: «Nous vendons de l'il­lusion», ils sont même très précis: «Cela se vend bien carl'illusion c'est agréable 1»«Pour vendre quelque chose à quel­qu'un, il faut alimenter un de ses fantasmes».

Mais pourquoi donc l'illusion serait-elle plus agréable que laréalité ? Et allons plus loin : la réalité ne pourrait-elle pasêtre plus agréable que l'illusion? L'idée reçue contraire a saplace dans de nombreux référentiels individuels. De nom­breuses personnes pensent en effet que la réalité est ce dont ondoit s'accommoder, mais qu'heureusement pour se procurer duplaisir, il yale fantasme. L'acceptation de la réalité ne procure­t-elle que de la frustration ou bien recèle-t-elle un «cadeau» queceux qui «préfèrent» l'illusion ont du mal à se représenter?

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La relation fantasmée ne permet de percevoir l'autre qu'autravers d'un jeu de rôle et nous interdit d'être complètementnous-même puisque nous sommes piégés dans l'interprétationd'un rôle attendu par celui ou celle qui est en face de nous. Le jeude la séduction est un jeu de dupes où chacun tente de fairecroire à l'autre qu'il possède les attributs qu~ celui-ci recherchesans le savoir. Pour que l'illusion soit presque parfaite et donc leplaisir plus intense, il est nécessaire que la relation soit brève.On ne peut pas pendant des années fantasmer que son conjointest un autre que lui et continuer à éprouver du plaisir, car peuà peu la réalité vient altérer le processus fondé sur l'illusion.Faut-il le regretter?

Prenons un autre exemple. A propos de cinéma, on entenddire quelquefois qu'un bon film doit «prendre aux tripes». Ainsi,du désir va naître en moi quand la scène le suggérera, deslarmes s'écouleront de mes yeux quand les amants serontséparés, la haine m'envahira quand le «gros méchant» torturerale héros, etc. Tout au long de la séance je vais ressentir desémotions diverses comme si j'étais le héros moustachu prenantdans ses bras la belle, contraint de fuir ou torturé; mais pourtantdans la réalité je n'ai pas cessé d'être dans un fauteuil et d'êtreseul. Le metteur en scène du film a su par le truchement desimages et des sons nous engendrer, sans nous connaître maisavec notre accord, des émotions et des sentiments .

Cette aptitude à projeter qui nous vient de l'enfance estindubitablement nécessaire à la genèse du psychisme: elle nouspermet par exemple, de comprendre et de surmonter certainesdifficultés en nous identifiant aux héros et héroïnes des mytheset des contes. Bruno Bettelheim (1976) a montré de manièreconvaincante comment les contes de fées, en parlant à l'enfantson langage, faciliteraient la constitution du Moi en renseignantinconsciemment l'enfant ou l'adolescent sur la nature desépreuves qu'il doit surmonter pour devenir adulte. Cette fonc­tion est assurée en partie dans certains films tels qu'«Highlander»(1986) ou «Les ailes du désir» (1987) qui nous donnent desimages de la séparation du quatrième type. Mais le plus sou­vent, les films ou émissions télévisées, en facilitant la passivité

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232 Naissance du quatrième type Vers une séparation du 4ème type 233

du spectateur, le laissent subir de manière non critique, dans unétat quasi-hypnotique, les pensées et les projets d'autrui. Enbref, le cinéma et la télévision à travers le processus de laprojection peuvent provoquer des émotions vraies faisant réson­ner en nous le moi profond mais par le fait qu'ils suscitent lapassivité, ils entretiennent également les états où l'on a été«objet» et prolongent la survie en nous des programmesétrangers.

Je peux compléter ce noir et malgré tout séduisant tableaupar la description de ce que la relation fantasmée ne permet pasde faire. Imaginons encore une femme dont le programmeétranger, traduit en mots, soit: «Tu ne pourras te sentir bien etéprouver du plaisir que si tu restes une petite fille»; «l'hypnoti­seur» était un adulte de son entourage, forcément «mal dans sa

peau», qui lorsqu'elle était enfant a tenté ainsi de la maintenirdans un état de dépendance. La présence de ce programmeétranger va conduire cette femme à rechercher des situations oùles relations sexuelles avec son amant lui permettront de jouerun rôle de petite fille. Ce faisant, elle va éprouver du plaisir danscette position, ce qui ne fera qu'entretenir le fonctionnement descircuits de renforcement positif et donc perpétuer le programmeétranger. La relation fantasmée, source de plaisir, renforce ainsiles barreaux de la prison; ce n'est pas par elle que peut se fairela séparation du quatrième type et la naissance à nous-même.Reste donc à vivre la relation sexuelle réelle, c'est à dire larencontre* véritable avec l'autre qui est aussi notre complé­ment sexuel et nous approprier, grâce à lui, notre sexualitéadulte.

L'état amoureux, qu'Alberoni qualifie d'«état naissant» (1984),introduit une véritable révolution chez les deux personnes, avecdeux sorties possibles : la réussite avec le développement del'amour conjugal, ou bien l'échec si les personnes trop liéesintérieurement par leurs programmes étrangers n'ont purompre leurs amarres. Echec qui se traduit soit par une rupturede la relation, soit par une vie à l'état semi-dépressif où chacunsent bien qu'il pourrait «être plus» si ses programmes étrangersne le bridaient pas, ce qu'il traduit souvent par une rationali-

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sation : «Je n'ai pas encore rencontré l'autre idéal !»Quand il y a réussite, que s'est-il passé?Je ne saurais expliquer les alchimies subtiles de l'état

amoureux mais à travers les forces qui poussent un être versl'autre, est présent également un désir d'authenticité, celui de'se mettre à nu devant l'autre, sans subterfuge ni intermédiaire.Ainsi la finalité de la rencontre* est autant de découvrirqui on est réellement que de découvrir ùn individu diffé­rent de soi, potentiellement libre et donc imprévisible. Leplaisir éprouvé ici est issu du deuxième système de motivation,associé au sentiment d'unité intérieure et de puissance quirésultent de la découverte de soi. La relation devient transfor­mative pour les deux partenaires. Ceci est valable pour tous lesregistres relationnels et particulièrement pour le registre sexuel.

Pour aller plus loin dans cette direction, il est indispensablede commencer à répondre à ces deux questions qui nous confron­tent à nous-même: Qu'est-ce donc que la virilité? Et commentdéfinir la féminité? Voici mes réponses personnelles.

La virilité est, très prosaïquement, la capacité d'érection, etpar extension, de force, de confiance en soi; ce qui requiert la«confiance dans son inconscient*» puisque les processus impli­qués dans l'acte sexuel ne sont pas sous le contrôle direct de laconscience. C'est être capable de pénétrer une femme maiségalement lui permettre de jouir réellement. Ce dernier motsignifie sans recours à des fantasmes* conscients et incons­cients; il est valable aussi pour l'homme. C'est seulement dansce cas que peut se produire la rencontre véritable.

L'enjeu visé par la féminité n'est pas tout à fait le symétri­que de celui visé par la virilité; il s'agit tout d'abord d'êtreaccueillante sexuellement et ensuite d'être capable d'être pleine­ment satisfaite par son amant. C'est ici qu'une partie de lacomplémentarité sexuelle va s'exercer car ce n'est que si l'hommefait jouir vraiment sa femme qu'il se sentira pleinement viril etc'est en se sentant pleinement viril que dans les faits il pourrasatisfaire complètement sa femme.

Dans une relation aussi intime le cerveau affectif et émo­

tionnel des deux partenaires est parfaitement renseigné, le

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moindre subterfuge de type fantasme est détecté et le «miracle»ne se produit pas. La belle au bois dormant peut bouger dans sonrêve mais elle ne s'est pas réveillée et le prince charmant n'estpas devenu un homme. Si au contraire la relation réelle entreles deux JE a lieu, les amarres avec le passé se rompent, laséparation du quatrième type se produit et avec elle une nais­sance. Le plaisir éprouvé dans cette rencontre réelle estplus puissant que le plaisir associé aux éventuels pro­grammes étrangers. Alors peut cesser enfin la dictature d'unepartie de nous-même sur une autre partie: «Malheureuse l'âmeesclave de la chair, malheureuse la chair esclave de l'âme», disaitdéjà il Y a 2000 ans le Christ (Thomas, évangile apocryphe,Leloup 1986).

Tel un capitaine qui prend les commandes de son bateau etsort du port, ou un cavalier qui fait corps avec sa monture et àqui elle obéit à la moindre injonction, nous prenons les com­mandes de nous-même, pour choisir notre vie et non la subir.Une nouvelle vie commence alors avec un ingrédient supplé­mentaire, la liberté*, et ce qui va avec : la totale responsa­bilité. C'est ainsi que l'espèce Homo sapiens me semble appeléeà s'auto-transformer en Homo liber.

Dans les conditions de cette réussite de l'état amoureux, larencontre* à l'intérieur d'un couple devient un aller simpledans lequel l'autre est celui grâce à qui on a pu naître à soi-mêmeet à qui de puissants liens authentiques et conscients nousrelient. Contrairement aux liens qui retiennent et limitent, cesliens affectifs sont issus de la gratitude qu'on ne peut s'empêcherd'éprouver pour celui ou celle qui nous donne envie d'évoluer, deréaliser nos multiples potentialités tout en nous permettant denous sentir pleinement homme ou pleinement femme. La seule«peur» rétrospective qui pourrait nous habiter est celle de ne pasl'avoir rencontré!

L'interdépendance affective consciente se substituealors aux relations de dépendance perpétuées par l'existencedes programmes étrangers (<<Jemourrais si tu t'en allais», dit lejeune enfant à sa mère ou l'amant(e) dépendant(e) à l'autre).Dans la relation amoureuse fondée sur la non-dépendance

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affective, les sentiments d'amour ne sont pas issus d'un besoinvU d'une nécessité mais d'un libre choix de poursuivre avecl'autre une relation épanouissante pour chacun. La rupture detels liens par la mort ne peut pas être ressentie comme non­douloureuse. Ce qui différencie dans cette circonstance la per­sonne non-dépendante de la personne dépendante, c'est seule­ment son aptitude à «faire le deuil» de cette relation. Ellesouffrira sans doute mais ne s'effondrera pas, pourra continuerà s'individuer et ressentir du plaisir à le faire.

Ces sentiments ne peuvent s'émousser car c'est l'aventurenon aventureuse (non laissée au hasard c'est-à-dire aux dé­terminismes des circonstances extérieures) qui commence. L'âge«adulte psychique» atteint, l'individuation se poursuit, avec ladifférence qu'ici c'est nous-même qui créons notre vie, en exploi­tant toutes les occasions, bonnes ou mauvaises, pour nousindividuer. Nous sommes donc autres, différents chaque jourtout en étant davantage nous-même. Comment se lasser mu­tuellement dans ces conditions, d'autant que la principale causede la diminution du plaisir: l'affaiblissement de l'illusion issued'une relation fantasmée avec l'autre, a disparu?

Cette description ne doit pas faire penser que la vie à deuxest source d'euphorie constante. Il me semble illusoire de penserque les épreuves puissent épargner le couple. Les difficultésqu'il rencontre peuvent être la source de tensions, voire mêmede mini-crises mais la façon de vivre et de surmonter l'épreuveest autre. Loin de remettre en question les options qui fondentle couple, la confrontation à ces difficultés justifie son existence,le rend plus conscient, et aboutit au renforcement des liensaffectifs tout en favorisant l'individuation de chacun de sesmembres. La vie à deux devient ainsi plus calme, plus confianteet ... plus discrète.

Comme l'a relevé déjà Maslow (1983), les gens heureux nefont pas de vagues, ils n'ont pas la une des médias. Comme cebonheur va souvent de pair avec une certaine non-dépendanceintellectuelle, ils ne sont pas facilement séductibles par tout cequi brille ..... bref on ne parle pas d'eux. Les personnes qui tirentleur plaisir de l'illusion les évitent car ils sont déstabilisants

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236 Naissance du quatrième type

pour eux parce qu'activateurs d'un conflit intérieur, ce qui n'estpas le cas avec d'autres personnes qui fonctionnent de la mêmemanière qu'eux. Ce dont on parle beaucoup dans notre société,ce sont des catastrophes, des truanderies, des crises sans solu­tions, des guerres ou alors des plaisirs «forts» produits par dessituations extrêmes, exceptionnelles et généralement violentes.Les gens heureux sont ainsi peu nombreux et font peu écolemais ils sont dans le sens de la vie et de l'évolution.

Ce qui augmente actuellement de manière vertigineuse,c'est le nombre de gens qui ont conscience d'être insuffisammentheureux. Cette accélération contient paradoxalement une pro­messe : si les forces de la vie sont retenues, elles «déchirent»l'habitat psychique. C'est probablement la raison pour laquelleon voit fleurir les écoles pour «se libérer», libérer l'énergie en soi,devenir des entreprenants, découvrir des forces mystérieuses,etc. Des Homo sapiens de plus en plus nombreux cherchent,après plusieurs échecs apparents, à se dégager de ce qui lesretient en deçà de leurs potentialités, et ayant fait une telle prisede conscience, s'orientent vers une issue psychothérapique.C'est le sujet que je vais aborder maintenant compte tenu detout ce que nous avons vu sur les mécanismes des programmesétrangers.

VERS UNE PSYCHOTHÉRAPIE QUI FAVORISE LASÉPARATION DU QUATRIÈME TYPE

Dans un chapitre précédent, nous avons esquissé ce quepourrait être un modèle d'éducation idéale en insistant sur laforme et l'objectif de cette éducation et non sur son contenu. Ilsemble évident qu'un très petit nombre d'individus sur la pla­nète ont pu bénéficier d'une telle éducation. Il reste donc àélaborer et à préciser comment une tierce personne pourrait,cette fois-ci d'une manière curative et non plus préventive,intervenir pour aider et accompagner celui qui est en difficultéentre la séparation du troisième et du quatrième type à libéreren lui les forces de la vie et de l'évolution.

Avant de développer les qualités et caractéristiques d'unetelle relation, je voudrais préciser plusieurs points.

En premier lieu,je ne suis pas naïf au point de croire qu'unedizaine de pages soient suffisantes pour développer une ap­proche complète destinée à des professionnels. Je réserve cecipour un autre ouvrage. Mon objectifici est de communiquer uneimage globalisante de ce que pourrait être une relation d'aidecentrée sur la disparition des programmes étrangers;cette image est donc plus une carte de repérage à grande échellequ'une description complète de tous les cas de figure. Carj'estime que la possession de quelques outils permettrait à denombreuses situations génératrices de difficultés et de handi­caps relationnels d'être simplifiées et dépassées. Il me semble

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qu'une carte, même approximative, est préférable à une absencede carte, surtout quand on est perplexe en face de ce que l'ondécouvre d'étranger en soi, et qu'on ne sait comment mener àbien cette exploration et provoquer sa propre naissance. Chaquepersonne qui se sent concernée et motivée par cedernier Qbjectifpeut devenir «un environnement naturellement bon», pour elle­même. Ainsi elle peut substituer une auto-psychothérapiede la vie de tous les jours à la généralisation de comporte­ments «névrogènes». Dans cette optique elle ira consulter unpsychothérapeute lorsqu'elle aura le sentiment d'être bloquéedans son exploration intérieure. Mais il n'en reste pas moinsque, pour le corps comme pour le psychisme, chacun est sonpropre guérisseur. L'intervention extérieure, qu'elle soit de naturechirurgicale, homéopathique ou psychothérapique, est une aidequi facilite et permet cette auto-guérison, mais pas davantage.

Ensuite, la finalité de l'accompagnement thérapeutiqueproposé ici n'est pas, comme ce peut être le cas pour d'autrestechniques, d'adapter à une réalité «frustrante» un individucondamné à vivre en état de manque chronique, mais biend'aider un individu à accéder à la totalité de ses ressour­ces, y compris celles qui lui permettent de poursuivreseul son chemin vers la maturité. Pour atteindre cet objectif,et en fonction de ce que nous avons vu précédemment, je faisfond sur un double postulat: c'est la conscience qu'il con­vient d'éduquer (afin de mieux respecter la personne et sondevenir), et c'est à la conscience de nous libérer de ce qui,en nous, fait obstacle de manière non-consciente à l'indi­viduation.

Enfin, soucieuse de respecter la liberté d'autrui, cette rela­tion d'aide ne peut commencer qu'après que le thérapeute aitposé deux questions fondamentales à la personne qui vient levoir:

«Votre vie actuelle vous convient-elle ou non ?»

«Etes-vous prêt à agir pour changer ?»

et obtenu un NON en réponse à la première, et un OUI à laseconde.En effet,je constate régulièrement qùun certain nombrede personnes, qui décrivent avec force détails leurs ennuis,

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souffrances et difficultés, hésitent à dire NON à la premièrequestion et prennent la fuite à la seconde. Je dois dire que je mesens plus libre et plus efficace depuis que je pose ces deuxquestions à ceux qui viennent me raconter leurs problèmes etdont certains ne me considéraient que comme une oreille pas­sive où soulager leur malheur. Ceci n'empêche pas que desindividus de plus en plus nombreux, bien que «partagés» inté­rieurement, se déclarent prêts à vouloir se libérer de leursentraves.

Après cesprécisions préliminaires, je vais pouvoir décrire laspécificité de cette relation psychothérapique et les raisons pourlesquelles elle me semble la plus efficace pour atteindre laséparation du 4ème type. .

Je rappelle que l'objectif opérationnel de cette psychothéra­pie est de permettre à celui dont les comportements sont «para­sités» de se débarrasser de ses programmes étrangers en déci­dant de mettre àjour les «compromis»établis avec autrui et aveclui-même. Le mode de relation que je décris ici ne vise pas uneaction SUR la personne; le thérapeute se comporte comme unallié de la conscience de celui qui le consulte pour désactiverAVEC lui les programmes étrangers qui parasitent son cerveauaffectif et émotionnel.

Et tout d'abord, comment va procéder un thérapeute dontles programmes étrangers seraient neutralisés et la totalité deses ressources au service de sa conscience, elle-même alliée dela consciencede son client? Il va permettre à celui-cide rétablirune communication avec lui-même, en l'aidant à distinguer cequi, dans ses émotions, ses perceptions et ses arguments ration­nels, relève du fonctionnement libre de ses ressources psychi­ques, et ce qui est le fruit de l'activité des programmes étran­gers. Au fur et à mesure de ce travail, le client développeprogressivement une attitude critique par rapport à ses proprescomportements et pensées, en mettant enjeu les trois systèmesde traitement de l'information qui composent ses ressourceshumaines (cf. Introduction). Je rappelle pour mémoire que cestrois logiques sont respectivement : la logique analytique, lalogique de la globalité et la logique de l'affectivité.

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240 Naissance du quatrième type Vers une séparation du 4'me type 241

Il est un peu difficile d'imaginer les mecanismes par les­quels ces trois sytèmes peuvent être sollicités, aussi bien chez lethérapeute que chez le client, de façon simultanée et complé­mentaire dans ce travaiL Pour rendre ceciplus compréhensible,je vais artificiellement décrire séparément les différents typesd'interaction qui peuvent être mis en jeu au cours de l'actionthérapeutique proposée ici.

Le thérapeute aide son client à analyser la situation. Desémotions de nature différente peuvent alors affieurer à laconscience de ce dernier selon que sont mises en résonnanced'anciennes représentations de lui-même issues de son parasi­tage (peur, angoisse, frustration) et-ou des représentationsauxquelles il aspire (joie, espoir, enthousiasme).

Dans un premier temps, ce travail peut provoquer uneffritement du référentiel spécialisé, fermé, du client; celui-ciavec l'aide du thérapeute réexamine alors les systémati­ques issues de son passé, et accepte progressivement dese dessaisir de ce qu'il prenait pour des «vérités» ou des«valeurs». C'est toujours lui en toute conscience qui effectue letravail de clarification et simultanément de reconstruction d'unréférentiel plus ouvert, plus accueillant des faits. Peu à peu ilpeut cesser de produire des systématiques enfermantes, ce quiconstitue un témoin de l'action thérapeutique.

Tout ce travail au niveau des représentations provoque desmodifications dont l'impact peut être perçu sur le plan émotion­nel et onirique. Pour s'en convaincre, il suffit de maintenirprésente à la conscience une représentation (par exemple celledes actions où nous estimons avoir réussi) et d'observer lesémotions qui vont bientôt émerger. Puis de comparer ce qui sepasse avec la représentation des situations dans lesquelles nousavons échoué. Est-ce également facile de maintenir l'une oul'autre de ces représentations à la conscience?

Ces modifications émotionnelles peuvent entraîner elles­mêmes une accélération ou un ralentissement du processustransformatif. En effet le «bouleversement intérieur» engendredes émotions contradictoires, déplaçant l'ancien équilibre :angoisse et panique à l'idée du changement (le fonctionnement

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des circuits de renforcement négatif est anxiogène);joie intensequand la personne fait un pas en avant grâce à son actionconsciente. Ces sentiments paradoxaux ne pourraient-ils êtreles indices d'une «naissance» qui s'approche?

Ainsi par une succession de mouvements en avant et dereprise d'équilibre, l'individu peut se libérer lui-même. Il ac­quiert peu à peu les moyens de vérifier par la logique analytiqueles sentiments engendrés par le traitement émotionnel dessituations. Si ceux-ci sont considérés comme suspects parcequ'incohérents avec la totalité des faits, une liberté nouvelleapparaît: celle de ne plus les croire. Ce comportement nouveaudissout alors progressivement les angoisses artificiellemententretenues par le parasitage des motivations, et lève le voilehypnotique. Cette succession d'interactions constitue un sché­ma théorique; dans la réalité ces interactions sont mises enjeuun grand nombre de fois,permettant à la personne de se dégagerprogressivement de ses programmations affectives.

La dynamique de la libération est effective et irréversible,lorsque l'individu cesse de répéter des comportements engen­drés par les programmes étrangers; ces derniers perdent de leurforce et s'éteignent comme n'importe quel conditionnement lors­qu'on cesse de les renforcer. Le corollaire de cette affirmation estcapital: la personne les renforçait donc inconsciemment aupa­ravant, en particulier par la mise en représentation de fantas­mes* conscients* à l'état de veille ou de fantasmes inconscients*dans le rêve. Les émotions et sentiments issus du parasitagesont de plus en plus faciles à identifier et de nouvelles actions,de nouveaux comportements, peuvent être élaborés et effectuéspar le client en connaissance de cause; c'est à travers l'actionqu'il se libère complètement et irréversiblement. Sitôtqu'il est capable de distinguer ce qui relève du parasitage dureste, et le type d'action à opposer aux programmes étrangerspour les antidoter, le thérapeute ne lui est plus indispensable.

Après la théorie, voyons les grandes étapes de la «libéra­tion» thérapeutique.

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Les grandes étapes du travail thérapeutique

1) Comment détecter en soi un programme étrangeréventuel?

Cela revient à se demander comment l'hypnotisé de notreexpérience pouvait prendre conscience qu'il ne s'était pas arrêtéde fumer de lui-même.

Lorsqu'on remarque un changement brusque de comporte­ment en soi-même, il est facile de soumettre ses «rationalisa­tions»justificatrices à la critique par une analyse fine. Mais cecin'est pas toujours possible car la plupart de nos programmesétrangers sont à l'origine d'habitudes comportementales quenous ne remettons pas en question, les croyant constitutives denotre personnalité; à mon avis la méthode «objective»la plussûre est empruntée à la physique. Lorsque les physiciens veu­lent détecter ou mesurer un phénomène peu apparent, unchamp magnétique par exemple, ils utilisent un émetteur departicules et le braquent sur une cible:

Naissance du quatrième type 243

saires afin d'isoler la cause intra-psychique de causes extra­psychiques. Appliqué à notre «hypnotisé»volontaire, ce raison­nement conduit à penser qu'il aurait pu prendre conscience deson programme étranger, s'il avait eu par exemple rendez-vousavec son amante le matin dans la rue Yet s'il avait constaté qu'ilne pouvait faire autrement que d'aller à la boulangerie de la rueX...

Plusieurs personnes m'ont tenu des propos me montrantqu'ils faisaient des constats similaires à celui que je viensd'imaginer. Certains par exemple ont voulu vivre avec tellefemme et désiraient être heureux avec elle;or ils constatent que,quoiqu'ils fassent pour y échapper, ils se disputent régulière­ment avec elle. D'autres m'ont dit qu'ils avaient décidé d'affron­ter telle personne «importante», de lui dire ce qu'ils pensaientd'elle et qu'ils étaient alors convaincus que cette personne ne lesimpressionnait pas; pourtant lorsqu'ils sont passés à l'action, ilsse sont retrouvés démunis et émus en face de leur adversairecomme un enfant peut l'être en face d'un adulte redouté. D'au­tres encore me disent avoir tel projet, avoir décidé de le mettreen oeuvre mais ne parviennent jamais à le réaliser. Enfincertains s'interrogent sur les raisons qui les ont fait prononcerdes paroles qu'ils savaient malencontreuses : «Mais qu'ai-jedonc été raconter là! ...»

Très souvent ces situations permettent de prendre cons­cience de l'existence de deux désirs à finalité opposée:

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Si le faisceau de particules est dévié d'un angle e par rapportà la trajectoire prévisible (ici représentée en pointillés), ils endéduisent l'existence d'un champ magnétique dont la nature etl'intensité sont fonction de la valeur de l'angle e.

En transposant à notre cas, on peut ainsi «mesurer» un écartpossible entre ce qu'on voulait faire consciemment et ce qu'on afait réellement (ou ce qu'on ne voulait pas faire et qu'on a pas pus'empêcher de faire) : plusieurs vérifications sont parfois néces-

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désir réactionnel

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fonctionnement du premier système de motivation, et ceux quisont associés au second.

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même coup la pulsion de libération, ce qui se traduit par unerationalisation: «Finalement je n'étais pas si mal que cela,laissons tomber !»

Quand la «finalité» de l'angoisse est reconnue, la «ruse»inconsciente* induite par les programmes étrangers est démas­quée. La véritable enquête qui permettra d'identifier les pro­grammes étrangers peut alors commencer .

Un exemple va permettre d'en préciser l'utilité. Imaginonsune personne dépendante de l'alcool qui désire consciemments'arrêter de boire. Après qu'elle ait interrompu sa pratique, ellepeut se sentir «mal» en référence au plaisir de la dépendance(SM 1 parasité), mais «bien» en référence au gain d'autonomieque représente cet acte (SM 2). Si elle «craque» et reprend del'alcool, elle risque de ressentir le contraire: le plaisir de boireun verre (SM 1 parasité) et l'insatisfaction de s'être «laissé aller»encore une fois (SM 2).

Ainsi, en discriminant la qualité du plaisir ou du malaiseressenti, pouvons-nous savoir lesquels de nos comportementsrenforcent nos programmations intérieures et lesquels les affai­blissent.

La détection de l'existence d'un programme étranger est unpremier pas; mais il est nécessaire que nous reconnaissionsensuite que cette situation ne nous convient plus et décidions devouloir y remédier. Cette étape peut relever de l'auto-psychothé­rapie, car elle est très personnelle. Cette reconnaissance nousfragilise car nous acceptons ainsi d'entrer en conflit avec une«partie de nous-même». Les compromis et les statu-quo établiset acceptés dans le passé sont reniés par la partie qui veut selibérer: c'est une étape délicate, angoissante pendant laquellenous pouvons faire appel à un thérapeute. Celui-ci doit fairepreuve d'une grande «présence». Il aide le candidat à la libéra­tion à reconnaître les sentiments qu'il éprouve et lui montrerleur raison d'être provisoire et leur finalité: devenir adulte faitpeur (<<Serais-jeencore aimé sije deviens non-dépendant ?»), lapeur réactive l'enfance et ses programmations, et inhibe du

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2) Identifier les programmes étrangers

Il s'agit de désigner en les nommant le comportementrépétitif, la croyance intime, qui en collant étroitement à nous,nous donne l'illusion d'être constitutif de notre être. C'est en faitune identification précise de ce qui, en nous, ne correspondplus à nos désirs réels et nous impose une dépense d'énergietrès importante par les conflits que cela engendre. Il ne faut pasoublier que ces programmes étrangers sont de nature émotion­nelle, inscrits à un niveau inconscient*; la représentation cons­ciente que nous nous en donnons est une approximation de cequi a été mémorisé puis refoulé. D'où l'intérêt que cette formu­lation soit la plus juste possible, et cette justesse se vérifie parles émotions que va engendrer son énoncé chez nous.

Quelques programmes étrangers pourraient être formulésainsi: «Je ne suis pas une femme attirante», «Je ne pourraijamais te quitter», «C'est seulement toi qui sait m'aimer». Bienévidemment la formulation précise de ces programmes étran­gers est propre à chaque individu puisqu'elle est intimementliée à son expérience relationnelle personnelle.

3) Découvrir les hypnotiseurs premiers et la finalité duprogramme étranger principal

Cela revient à répondre à ces questions : A qui profitel'hypnose - mis à part l'hypnotisé lui-même -? Qui a eu intérêtà me persuader de penser et d'agir ainsi? Quel serait alors mondevenir, sije me laissai entraîner dans ces voies induites à moninsu, étant entendu que dans ce cas, répondre <<jene sais pas» estproche de <<jene veux pas savoir»? Qui sont les «inducteurs»,

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entités culturelles ou personnes de l'entourage proche ou loin­tain?

Généralement c'est dans notre proche entourage que setrouvent ceux qui ont eu un intérêt non-conscient à inhibernotre maturation et notre épanouissement. C'est en nous main­tenant ainsi enfant dans le statut d'«objet»(personne réduite àl'état passif) qu'ils pouvaient satisfaire leurs besoins de plaisirfondé sur la dépendance. Bien qu'on puisse leur en vouloir, onest amené à constater que, compte-tenu de leur propre parasi­tage, ils pouvaient difficilement faire différemment.

4) Découvrir ou reconnaître la nature du plaisir échangéavec l'hypnotiseur

Identifier ce plaisir qui constitue la contrepartie de l'accep­tation du programme étranger, c'est découvrir pourquoi j'ai«marché dans la combine».

Là oùje suis complice le plus souvent, c'est dans le fait quej'ai accepté et utilisé le fait que l'hypnotiseur ne se «retirepas», ne fasse pas ce pas en arrière dont nous avons déjà parlé,pour me laisser développer mon autonomie. Je n'ai pas luttécontre cette attitude et revendiqué à grands cris la liber­té d'agir. Pourquoi? Probablement parce que ce faisant,j'éco­nomisais le prix de la liberté: l'angoisse de l'inconnu, l'inconfortde devoir tout faire tout seul.

Par rapport à l'attitude que j'ai eu étant enfant, je suis unpeu dans la même situation que le héros que Vercorsdécrit dansun de ses romans. Revenu des camps d'extermination nazis,celui-ci finira par mettre fin à ses jours parce qu'il ne peutsupporter l'image que lui renvoie son miroir: celle d'un hommequi n'a rien dit, rien tenté, quand un SS lui a fait signe de mettredans la fosse commune un homme encore vivant au sortir de lachambre à gaz. Ce qu'il se reproche, c'est d'avoir choisi latranquilité, de ne pas s'être révolté.

Ce compromis, vécu comme honteux, est refoulé au plusprofond de soi. Il est refoulé également parce qu'il contrevient àla loi fondamentale des sociétés humaines: l'obligation de seséparer affectivement de ceux qui nous ont donné le jour et

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accompagné dans l'enfance. Au coeur du «consensus fraudu­leux» passé entre hypnotiseur et hypnotisé se tient ce plaisirproduit par le premier système de motivation et consommé parles deux parties.

Le candidat à la naissance du 4ème type a besoin de toutesses ressources pour localiser ce plaisir inconscient. En effetcelui-ci est très difficilement détectable, car aucune émotion n'yconduit. Grâce à l'aide du thérapeute qui l'empêche de «dériver»et le contraint, avec son accord, à rester centré sur ce problème,il localise ce plaisir inconscient à partir de l'analyse logique etdes recoupements qu'il a fait concernant ce sujet. C'est seule­ment après avoir reconnu et verbalisé ceplaisir que la personnepourra ressentir une émotion spécifique associée, désormaispour lui à la réactivation de ses programmes étrangers.

5) Se libérer à travers l'action en se reconnaissant soi-mêmeavec son propre projet de vie

La seule prise de conscience provoquée par les étapesprécédentes ne suffit pas à faire disparaître les programmesétrangers. Commenous l'avons vu, ils perdurent car ils utilisentcomme «moteur» le plaisir associé à la passivité de la situationd'objet et de victime, et à la croyance en des déterminismesextérieurs plus puissants que soi. Certaines actions doivent doncêtre engagées pour SE montrer à soi-même ce dont on estcapable et corriger notre image de nous-même, mais aussi pouractiver le deuxième système de motivation : «J'agis et jeréussis».

Sitôt qu'un équilibre est atteint entre les plaisirs du pre-mier et du second système de motivation, vient un momentcrucial : celui de la décision qui fera basculer de manièreirréversible la personne vers sa libération. Cette décision de selibérer, d'abord prise par la conscience,doit s'étendre, se distri­buer à tous les niveaux de l'être.

C'est peut-être ce que montre l'exemple suivant. Un de mesétudiants fumait douze à vingt cigarettes par jour depuis huitans. Il y a plus d'un an, il fait le bilan suivant : «Par jour,seulement deux ou trois cigarettes me procurent du plaisir; pour

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les autres, je me sens obligé de les fumer car, sije ne le fais pas,je ne suis pas bien,je suis irrité, j'ai des maux de tête,je n'arrivepas à me concentrer. C'est payer trop cher,j'en ai assez,j' arrête».Cette décision prise, il a effectivement cessé de fumer sanséprouver ni les symptômes désagréables du «sevrage» qu'ilconnaissait préalablement, ni l'envie de fumer lorsque d'autrespersonnes allument une cigarette devant lui. Ce cas est, jel'admets, singulier mais il a le mérite de nous contraindre à nousinterroger sur la nature profonde de la décision. La décision decet étudiant ne s'est apparemment pas accompagnée d'autreschangements dans la même période de sa vie. On peut ainsi fairel'hypothèse qu'il s'agit dans ce cas d'une décision totalementacceptée; l'intégration de la décision par l'accord de tous lesniveaux de notre psychisme permettrait-elle d'éviter les dés­agréments que produisent les décisons prises à un seul niveau,intellectuel en particulier?

Passé ce point de non-retour, les forces de la vie et del'évolution redeviennent les plus puissantes et les satisfactionsqu'elles procurent, plus attractives que les plaisirs du passé oùJE n'existait pas encore pleinement. Le thérapeute incite celuiqu'il accompagne jusqu'à la séparation du quatrième type àposer des actes «antidotes» des programmes étrangers(et à évaluer leurs effets).

Les comportements qui entretiennent le parasitage devien­nent plus rares, et tel un conditionnement qui s'estompe lors­qu'il n'est pas renforcé, ces conduites perdent de leur capacitéattractive. Mais elles ne disparaissent complètement que lors­que a eu lieu la séparation du quatrième type (qui me paraîtsubordonnée à la formation du couple psychologiquement adulte)qui fait cesser l'état de conflit intérieur.

Le fonctionnement du système de traitement émotionneldes informations reste inconscient*, ce qui a changé désormaisc'est qu'il travaille en synergie avec la conscience, les forces etles ressources inconscientes se mettant «au service» de laconscience. Ainsi, si la psychothérapie est l'outil avec lequelnous allons dégager le «terrain intérieur)) des projets qui ne sontpas nôtres, il nous reviendra ensuite de forger notre propre

projet de vie, et de le réaliser progressivement, en mettant enoeuvre conjointement nos ressources conscientes et incons­cientes.

Une nouvelle unité de l'être se constitue alors, génératricede bien-être et d'énergie pour agir, différente de la première carici JE existe et s'est libéré des béquilles et des échafaudages quilui ont permis de se constituer. Cela ne signifie pas qu'il n'Y aplus de difficultés mais que celles-ci pourront être abordées avectoutes nos ressources et toute notre énergie et que chacune est untremplin pour aller encore plus loin vers une plus grande réali­sation de soi, pleinement motivée car toujours riche en satisfac­tion.

La position du thérapeute

Il n'est pas dans mon intention de traiter ce sujet de manièreexhaustive; tout au plus j'essayerai de préciser, puisque lelecteur connaît maintenant davantage nos différentes res­sources psychiques, ce qu'il est préférable d'éviter de faire et lesattitudes qu'un thérapeute devrait utiliser préférentiellementpour favoriser chez son client la naissance du 4ème type.

Tout d'abord, le thérapeute est un allié de la consciencede son client, il n'est pas dans le rôle d'un père ni d'une mère,ni de gourou. La thérapie proposée ici, n'exploite pas le phéno­mène du «transfert), sur lequel est fondée la psychanalyse. Iln'empêche qu'un transfert se produit car le thérapeute joue iné­vitablement sur la scène intrapsychique un rôle «d'adulte psy­chique») auquel s'identifiera son client. C'est d'ailleurs souventce type de «bon))adulte (G. Cornea u, 1989) dont il a manqué danssa propre croissance et que le thérapeute incarne. Mais si sonclient l'utilise comme objet pour «transférer)) sur lui des événe­ments et des personnages anciens de sa biographie, le théra­peute montrera alors la nature fantasmée de ce type de relationet reprécisera sa position.

Cette position, qui permet cependant à une amitié de naîtrecomme elle peut le faire entre deux alliés qui ont gagné un rudecombat, ne constituera pas ensuite un obstacle lorsqu'il faudra

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interrompre la relation thérapeutique dans la mesure où cettethérapie aboutit à une relation de JE à JE.

Vu du côté du thérapeute: quelles peuvent être ses motiva­tions c'est-à-dire les satisfactions qu'il escompte?

Il est dans la position de quelqu'un à qui on demande del'aide ce qui est agréable et renforce la confiance en soi. Le succèsqu'il vise à travers son action c'est d'aider quelqu'un à s'aider; lelibre arbitre et l'action de l'autre doivent donc être respectés. Iln'est qu'un co-responsable de la libération, il a un rôle d'accou­cheur ou plutôt de préparateur à l'accouchement de soi par soi,mais ce n'est pas lui qui naît, ni qui choisit de le faire: c'est sonclient. La relation qu'il a avec lui est active, elle est établie entreun sujet et un autre sujet (ou du moins tend vers cela), elle estla résultante d'un double engagement.

Le thérapeute essaye d'aider son client à ne plus être dupede lui-même, il est prêt pour cela à être perçu temporairementcomme un ennemi; mais cette relation comporte une dimensionaffective certaine. L'action posée ensemble crée des liens puis­sants, non pas de ceux qui pèsent ou enferment, mais bien deceux qui affermissent et confirment l'existence des deux indivi­dus en relation.

Le thérapeute peut avoir également le sentiment de parti­ciper comme un élément évolutif au fonctionnement de l'uni­vers. Ne favorise-t-il pas la libre expression des forces de la vieinscrites en chacun ?

Une psychothérapie parmi d'autres?

A la lecture de ce chapitre, le lecteur peut légitimements'interroger sur la place de la démarche évoquée ici dans l'en­semble des pratiques de psychothérapie, et sur les raisons pourlesquelles elle serait plus appropriée pour favoriser la naissancedu 4ème type. Pour répondre à ces questions, il me paraîtnécessaire de dégager des critères d'appréciation des multiplesformes de «travail» proposées sur le marché de la psychologie etd'effectuer un rapide repérage épistémologique des grandscourants qui les fondent, rapide car un exposé complet m'amè-

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nerait à resituer le travail de plusieurs dizaines d'auteurs.La représentation d'un être humain comprenant deux sys­

tèmes de motivation permet de différencier qualitativement lesdiverses pratiques. Ainsi, toute action ou relation thérapeu­tique qui favorise la progression d'un individu vers la maturitépsychique, en s'adressant à sa conscience et en lui permettantde continuer seul son chemin, peut être considérée commefavorable à l'évolution, par opposition à d'autres, involutives,qui favorisent le non-dépassement oule renforcement des situa­tions de dépendance. Il revient à chacun dejuger si la démarcheet la relation proposées par le thérapeute de son choix en­traînent effectivement un gain d'autonomie et un épanouisse­ment de ses ressources personnelles.

Ce différentiel supplémentaire étant posé, je vais mainte­nant repérer les recoupements et les divergences de l'approcheprésentée ici avec différentes écoles psychologiques, principale­ment la psychanalyse, puis les thérapies comportementales, etenfin celles qui sont fondées sur les pratiques corporelles.

Bien que les découvertes freudiennes soient à l'origine d'ungrand nombre de concepts et constituent un fond culturel danslequel j'ai puisé moi aussi, elles décrivent un être humainessentiellement animé par un seul système de motivation, àpartir d'observations cliniques portant à mon sens sur despathologies du premier système de motivation. La psychanalyseest grossièrement fondée sur l'hypothèse suivante: l'être hu­main, du fait de sa «prématurité spécifique», court inconsciem­ment après un état d'équilibre qu'il a connu et perdu depuis sanaissance, il est motivé par l'apaisement - transitoire - destensions pulsionnelles dont il est l'objet, élabore contre cestensions des mécanismes de défense et parvient dans le meilleurdes cas à les sublimer en comportements reconnus socialement.L'être humain ne va de l'avant que parce qu'il ne peut retourneren arrière ... Il est bien dommage que ce présupposé colore lapensée de Freud et de certains de ses successeurs, érigeant tropsouvent la psychanalyse en système de pensée fermé. Car Freuda décrit en détailles multiples manifestations d'un parasitagedu premier système de motivation qui est à l'origine d'une

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individuation psychique limitée, d'une accession incomplète austatut de sujet. Dans ce cas, du fait du renforcement du systèmede motivation fondé sur la dépendance, nous sommes poussés,à certains moments par le second système de motivation versl'avenir et la maturation, et à d'autres vers le passé et la non­existence en tant que JE. Cette coexistence fonctionnelle dedeux systèmes de motivation opposés (au lieu de leur relayageprogressif) conduit à un conflit intérieur que je rapproche de ceque Freud a défini comme la névrose. En montrant que noussommes tous plus ou moins névrosés, habités par un détermi­nisme inconscient qui nous retient encore dans «l'enfance psy­chique» et ses séductions, Freud a selon moi décrit une réalitéactuelle mais transitoire de l'espèce humaine.

Je rejoins tout-à-fait cet auteur lorsqu'il parle de «soumis­sion à l'épreuve de réalité». La prise de conscience qui en estl'objectif a un effet désaliénant, puisqu'elle permet à celui quil'accepte de sortir de la répétition de comportements qu'il n'apas choisi. Les trois règles méthodologiques présentées dans cetouvrage visent également cet objectif quand elles sont utiliséespour soi. Elles nous permettent d'ajuster nos représentationsintérieures, notre image du monde et de soi à la réalité. Laréalité a souvent mauvaise réputation, on la soupçonne d'êtrefrustrante, triste, privatrice de liberté. Or, en observant leseffets à moyen et à long terme de l'utilisation des trois règlesméthodologiques chez moiet chez autrui, j'arrive à la conclusionopposée: se glisser dans la réalité, accepter les règles de l'univers,en inventer d'autres, est libérateur.

En s'engageant progressivement dans la voie de la matu­rité psychique, les humains «parasités» connaissent le conflitintrasubjectif douloureux qui précède l'âge adulte. Ce conflit estd'autant plus anxiogène que l'on prend conscience que l'on estdéterminé inconsciemment par des programmes de comporte­ment. C'est ce que l'école américaine de Palo-Alto (Bateson,1977; Watzlawick, 1980) a développé avec le concept de para­doxe et de situation paradoxale. Mais les paradoxes relevésentre «carte du monde» et volonté affichée d'un individu ne sontà mon sens que les témoins de l'existence de programmes

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étrangers.Certaines écoles de psychologie ont ainsi centré leurs re­

cherches sur la disparition de ces programmes comportemen­taux. L'intérêt des thérapies «comportementales» repose selonmoi essentiellement sur le fait qu'elles proposent une actiondifférente, un changement de comportement. L'hypothèse quisous-tend cette pratique est la suivante: la déprogrammations'opère quand on cesse de renforcer le conditionnement; cela,c'est une réalité biopsychique incontestable. Ames yeux, ce typed'approche peut complèter celle de la psychanalyse qui risqued'être inefficace si elle ne contient pas ou n'est pas suivie d'uneélaboration de nouveaux comportements chargés d'antidoterles anciens. Ce nouveau type d'approche thérapeutique, qu'il­lustre par exemple la programmation neurolinguistique (Cay­rol et De Saintpaul, 1984), me paraît cependant insuffisante àelle seule. D'une part parce qu'il ne sert à rien de remplacer uneprogrammation par une autre, la disparition du symptôme(phobie, angoisse ...) n'étant en aucun cas synonyme d'une libé­ration psychique. D'autre part parce que nos différents «pro­grammes étrangers», établis à une époque où notre conscienceétait embryonnaire, sont reliés entre eux. La libération passepar la découverte consciente du sens et de la finalité de l'en­semble de ces programmes. Il est donc nécessaire pour nousemparer des rênes de nous-même de comprendre pleinementpourQuoi et comment nous avons fonctionné sur le mode qui aété le nôtre pendant de nombreuses années. Ce travail, quiutilise certains éléments de la psychanalyse (l'interprétationdes rêves par exemple), doit être complété par un décondition­nement actif et conscient en sachant comment et pourquoi on lefait.

Dans les processus transformatifs du psychisme qu'il estconvenu d'appeler crises maturantes (Houde, 1989), tels quel'adolescence et la crise du milieu de la vie, de nombreuxéléments font référence au phénomène de la naissance, méta­phore ou souvenir d'une réalité. Certains successeurs de FreudcommeRank (1968)et d'autres psychothérapeutes commeJanov(1975) ou Grof(1984) ont émis l'hypothèse que ce serait dans le

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processus biologiquement le plus traumatisant de notre vie, laséparation avec la vie intra-utérine, que se seraient mémorisésles conditionnements qui ont plus ou moins bloqué notre déve­loppement psychique.

Cette approche est d'un intérêt certain surtout depuis quel'on connaît mieux les processus biologiques de la naissance etle décalage de maturation cérébro-psychique entre les structu­res associées aux émotions et celles associées à la conscience etau langage abstrait. Dans ce sens, le thérapeute aidera efficace­ment son client en lui permettant de reconnaître les comporte­ments qui réactivent la matrice périnatale 4 de Grof, correspon­dant à une victoire après une épreuve, un détachement réussi,un plaisir à devenir un peu plus sujet. Mais j'émets des doutessur l'efficacité à long terme de ce genre de thérapie et surl'emploi par les thérapeutes de techniques diverses: respira­tions, relaxations psychédéliques, substances hallucinogènespour provoquer des «revécus» émotionnels de naissance à partird'éléments d'information engrammés dans notre cerveau affec­tif et émotionnel. La principale contre-évidence que j'oppose àleur hypothèse fondamentale, c'est que l'on ne se déconditionnepas en «revivant» plus ou moins ce qui nous a conditionné maisen cessant complètement de le répéter, y compris de manièrefantasmatique et inconsciente*. Je n'exclus pas cependant quedans des situations extrêmes: anoxie, hyperoxie sévère, comainduit par des drogues ou par un choc, ces conditionnements ouformes de mémoires affectives puissent être modifiés ou partiel­lement effacés, libérant la personne qui le désire pour poursui­vre sa maturation psychique. C'est ainsi que je comprends lesexpériences vécues par certains individus aux approches de lamort clinique (Van Eersel, 1986).

Ceci m'amène à dire un mot des thérapies corporelles qui sebasent en commun sur un constat auquel je souscris : nosconditionnements, ce qui nous empêche d'évoluer et d'être «biendans notre peau», sont inscrits également dans notre corps, auniveau émotionnel. De ce constat découle un programme d'ac­tion : agissons sur le corps et les émotions pour nous libérer denotre passé et de tout ce qu'il a de limitateur et d'emprisonnant.

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Ce que je ne crois pas, je veux dire que je n'exclus pas ici un apriori de ma part, c'est que les expériences émotionnelles diver­ses soient efficaces pour parvenir à se «déconditionner». Lacritique précédente demeure: en faisant s'exprimer à nouveauun conditionnement, on prend le risque de le réactiver même si- et ce n'est pas toujours le cas -, on permet une verbalisation,une prise de conscience par le sujet de ce qui se passe en lui.D'une manière générale,je crois qu'il faut se garder de se placerà nouveau dans des situations qui réactivent en nous la dépen­dance (hypnose, toucher, suggestion d'autrui, ...). Je suis cepen­dant prêt à accueillir des faits qui me montreraient que malecture de ce type de thérapie est fausse.

Ce tour d'horizon extrêmement rapide et incomplet montrecependant que depuis longtemps, les hommes poussés par lesmêmes désirs: se connaître, devenir soi, être plus heureux, ontinventé différents modèles de l'homme et de sa finalité, etdifférentes techniques pour se libérer et mûrir davantage. Si l'onprend du recul, ces approches paraissent se compléter, chacunea le mérite d'avoir éclairé un aspect du continent humain. Leprogrès maintenant suppose le dépassement d'un mode de pen­sée où chacun s'a utorise à s'enfermer dans des sytématiques quiexcluent ou déforment les faits et les approches des autres. Si cetessai en a donné l'envie à quelques uns, j'ai déjà atteint un demes buts.

Je terminerai par une remarque. Le plus souvent, comme cefut le cas pour l'avion, les hommes ont eu besoin d'avoir unereprésentation mentale, conceptuelle, adéquate pour inventerdes techniques et de nouveaux comportements. En effet tantque les hommes avaient pour modèle d'avion une machine avecdes ailes mobiles comme l'oiseau, ils n'ont pu décoller mêmeavec un moteur thermique. Mais dès que le concept de l'ailerigide a été élaboré, la plupart des pays industriels ont inventédes machines volantes et l'aviation est née. Si le concept précèdela mise en pratique, nous voici parvenus au moment où, pourcesser de répéter des comportements qui ont cessé de leurconvenir, les hommes doivent élaborer un concept de l'Hommeplus respectueux de tous les aspects de la réalité. Cette élabo-

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ration de l'image d'un homme futur est forcément un acted'abord individuel; cette représentation n'est là que pour définirune direction compatible avec les réalités et les désirs humainset pour permettre à chacun de se repérer. C'est aussi afin defavoriser cette autoconstruction d'un projet de vie comportant lamutation que j'ai eu envie d'écrire ce livre.

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VERS UNE SÉPARATION DU QUATRIÈME TYPE•••EN BREF !

Si on a accepté le concept de «séparation croissante» enplusieurs étapes au cours de l'évolution comme un moyen parlequel peut s'exprimer de la «différence» ou del'«individuation», il est logique de voir que le pas qui reste àfaire maintenant en tant qu'individu pour devenir soi-même estde vérifier l'origine de JE quand il dit: «JE pense ceci, J'ai enviede cela, JE veux ou JE décide».

De nombreuses expérimentations démontrent qu'il peut yavoir interférence et confusion entre ce que le sujet veut réelle­ment, ce qui constitue son projet de vie, et des motivationsdifférentes liées à des programmations affectives. Certainesexpériences d'hypnose montrent que non seulement le sujetn'arrive pas à reconnaître les directives hypnotiques venantd'autrui mais que de plus il justifie consciemment ces pro­grammes étrangers. Cela pose donc le problème suivant: d'oùnous viennent nos idées, pourquoi acceptons-nous inconsciem­ment de nous tromper nous-mêmes? C'est ici que l'emploi destrois règles méthodologiques devient indispensable pour locali­ser certains programmes étrangers comme, parmi les plus cou­rants, l'auto-dépréciation, la culpabilisation d'autrui ou de soi,le comportement de domination-soumission, le sadomasochisme.L'étape la plus délicate n'est pas de reconnaître les «hypnoti­seurs» possibles mais de prendre conscience de la contrepartieémotionnelle et affective qui fait que «l'on a marché dans lacombine».

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Ne pas se tromper soi-même doit donc être la préoccupa­tion essentielle du candidat à la séparation du quatrième type.Pour cela il y a deux terrains à «déminer» dans la relation avecautrui :1)L'autorité qui peut comporter un aspect asservissant et-ou unaspect certes contraignant mais également autonomisant. Ilfa"udra donc les distinguer pour éviter les deux écueils de larelation humaine : la révolte ou la soumission.2) Connaître et reconnaître ses motivations, constater que l'onfonctionne avec deux systèmes de motivation dont les moyenssont diamétralement opposés. Ces sytèmes sont associés aufonctionnement de structures nerveuses appelées circuits derenforcement et mettent en jeu la mémoire. Situés dans unepartie ancienne du cerveau, ces structures maturent et fonc­tionnent très tôt, bien avant la naissance et donc bien avant lesstructures néo-corticales associées au fonctionnement de laconscience et au traitement des symboles et des abstractions.Autrement dit l'enfant peut très tôt éprouver du plaisir bienavant d'être capable de le reconnaître consciemment etdonc de pouvoir se l'approprier; or il est dans la nature de cescircuits de reproduire les comportements qui ont provoqué leurstimulation. Le conditionnement peut doncêtre renforcé, perpé­tué, tout au long d'une vie, entraînant la répétition de compor­tements devenus inadéquats voire même nuisibles. Detels «con­ditionnements» ouprogrammes étrangers sont peu compatiblesavec l'objectif de la séparation du quatrième type: définir et sefabriquer un projet de vie et se créer soi-même. Comme ils nesont pas constitutionnels de la psyché mais pièces rapportéespar des éducateurs eux-mêmes parasités, ils peuvent, s'ils nenous conviennent plus, être «dissous»; il suffit de ne plus lesrenforcer et ils disparaissent d'eux-mêmes. Il est nécessaired'opposer des actions antidotes aux comportements automati­ques induits par les programmes étrangers. Uapplication decette démarche thérapeutique conduit à une démonstration dufait que le réel est libérateur. Elle permet également de consta­ter que les programmes étrangers induisent, maintiennent, etreproduisent les conditions de l'«illusion», stérilisant ainsi la

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rencontre avec autrui. En effet, celui-ci n'est pas vécu commeautre», un sujet différent de nous, mais comme un acteur

potentiel et complicepour le cinéma intérieur. Le plus puissantet le plus illusoire de ceux-ci est le «cinéma érotique» que nosprogrammes étrangers nous font projete~ sur autrui, tellementjouissif que l'on ne peut s'en «décrocher»que contre mieux.

Ce mieux existe là, potentiellement au sein de chacun denous: c'est la séparation du quatrième type qui est un processusde naissance véritable, la création de soi par soi à chaqueinstant. Expérimenter cela, c'est prendre conscience que lepremier type de plaisir constitue une «prison» dont on peutsortir. En dehors de la relation avecun thérapeute, c'est avec sonpartenaire dans un couple hétérosexuel que les problèmes desprogrammes étrangers ou la libération posent le plus de diffi­culté. La vie en couple peut être en fait soit une façon d'accen­tuer les symptômes qui sont l'expression des limites introduitespar nos éducateurs, soit au contraire, quand les deux parte­

~aires sont accordés consciemment pour le faire, la voie royalepour se libérer. Dans cedernier cas leproblème du choix(un seulcompagnon ou une seule compagne pour la vie) ne se pose plus.La vie à deux a atteint son but, elle devient un aller simple.Uamour ne se mesure donc plus que comme l'exigence quel'on a pour l'autre pour qu'il devienne davantage lui·même.

C'est à partir de là que, dans un travail qu'on peut qualifierde développement personnel, des ressources pour mieux com­muniquer sans avoir à se révolter ou à se soumettre deviennentnécessaires. Elles visent conjointement à prendre consciencede, et à exprimer ses émotions, donc à apprendre à être au plusprès de soi. Elles visent ensuite à refléter la «réalité» d'autrui, àapprendre à l'écouter sans projeter, ce qui permet d'être trèsproche de lui. La rencontre avec l'autre permet de mieux seconnaître, de se comprendre, de s'éprouver, en un mot de se«créer».En levant l'«hypothèque»qui enfermait la relation dansla répétition, on peut entrer ainsi dans un mode de relationtransformative dont la relation éducative et la relation psycho­thérapique ne sont que deux exemples.

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CONCLUSION

LA NAISSANCEDU QUATRIÈME TYPE

Au terme de cet ouvrage, je ressens le besoin de prendre durecul, non seulement pour amorcer une dessaisie de ma «produc­tion», mais aussi pour apprécier le rôle que JE ajoué dans monactivité d'observateur des faits et de producteur de concepts,d'hypothèses et de modèles.

J'ai décidé d'employer la première personne du singulierpour aborder ce sujet de l'approche transdisciplinaire de l'évolu­tion humaine car j'avais bien conscience d'y être impliquéjusqu'au cou! Heureusement la partie de ma personne restéeémergée était équipée d'outils me permettant d'évaluer cons­ciemment ma propre pensée : les trois règles méthodologiques.J'espère en avoir fait bon usage. Mais je ne pouvais pas - et n'aid'ailleurs pas cherché à le faire - dissocier et isoler les proposthéoriques des informations acquises à travers mon expériencepersonnelle d'être humain. Les modèles théoriques de l'évolu­tion et du fonctionnement des êtres humains présentés icirésultent donc d'une interaction entre les connaissances appor­tées par la communauté scientifique, et la façon dont je les aicomprises et reconnues dans mon existence et dans mes rela­tions avec autrui. L'observateur, l'Homo sapiens que je suis,n'est pas dissociable de l'objet observé, l'évolution humaine, etde ce fait, ce qui est décrit dans ce livre ne peut prétendre au

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rang de vérité formelle. Depuis longtemps déjà, les scientifiquesne demandent plus à une théorie d'être juste mais d'être pra­tique, opérationnelle et heuristique* et c'est généralement cescritères qui permettent d'estimer sa «durée de vie».C'est à cettesorte de jugement que je voudrais voir soumettre le concept deNaissance du 4ème type.

Au moment de conclure cet essai, mon attention est attiréepar un point capital, celle de la représentation que je me fais dutemps. La physique traque l'origine du temps et l'associe à lacréation de l'espace au «moment» du Big Bang. Avant cettesingularité, le temps n'existe pas, «avant» n'a pas de sens. De làdeux positions sont métaphysiquement soutenables. La pre­mière repose sur la représentation d'un temps cyclique. L'uni­vers après une phase d'expansion se recondenserait, puis il yaurait à nouveau un Big Bang, et cela à l'infini. A l'échellehumaine l'existence de ce temps cyclique se traduirait par desrépétitions que sociologues et historiens se sont souvent em­ployés à décrire. L'autre façon de considérer le temps est de sele représenter comme un phénomène irréversible. Ma formationinitiale de biologiste - et sans doute une préférence d'ordreaffectif - m'a poussé à adopter cette dernière représentation.Pour ce qui concerne l'univers, un jour peut-être, les physiciensseront à même d'établir, en mesurant la durée de vie moyennedes particules stables commele proton, si l'univers est ounon enexpansion illimitée. Pour ce qui nous concerne, cette représen­tation d'un temps linéaire ouvert nous conduit immanquable­ment à nous concevoircomme des sujets en devenir. Toutefoisle blocage éventuel de l'individuation dont j'ai décrit les diffé­rentes modalités constitue pour un être humain une cause detransformation de son temps intérieur linéaire ouvert en tempscyclique. Cela amène l'individu à répéter, à se diriger vers unavenir plus ou moins déterminé d'avance, hypothéqué par lepassé. La répétition serait l'indication que quelque chose s'estproduit dans notre passé, nous détournant de notre développe­ment potentiel.

Dans ce livre les deux représentations du temps sont cepen­dant contenues : les exemples abondent dans l'univers et en

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particulier dans le monde vivant, de phénomènes cycliques,mais globalement l'écoulement du temps s'accompagne d'unpassage irréversible des formes simples aux formes complexes.Cette progression est observable en physique, en biochimie, enbiologie, en neurobiologie comme en psychologie.De même quela Terre, bien qu'elle tourne autour du Soleil, ne revient j amaisà la même place, il est possible de se représenter le temps commeun écoulement en spirale. C'est cette image qui me vient notam­ment à l'esprit quand je visualise la succession des différentesséparations-individuations, sous la forme de naissances succes­sives (cyclicité) par lesquelles émergent des propriétés diffé­rentes et sont intégrées dans une organisation plus complexe(irréversibilité) les étapes précédentes.

Ainsi, la séparation-individuation du premier type faitexister le temps et l'espace grâce aux <~eux»entre la matière etl'énergie. La matière se différencie puis se diversifie en secomplexifiant, fabriquant ainsi les ingrédients de la premièrecellule vivante. Cette séparation-individuation de l'aube destemps affecte tout l'univers. Tandis que la séparation-indivi­duation du deuxième type le sépare en deux. C'est le milieuintérieur des cellules puis des organismes qui va évoluer et secomplexifier à son tour, modifiant d'ailleurs le milieu exté­rieur: la biosphére s'auto-organise. Dans ce type d'évolution,chaque être vivant appartient à la Nature mais il est lui aussi laNature, il la constitue. La séparation-individuation du troi­sième type permet à l'individu humain, qui colonise son espaceintérieur avec des abstractions, de devenir conscient et co­créateur, c'est-à-dire de se différencier de la Nature et d'in­venter des comportements qu'elle n'a pas programmé, en ré­ponse à des motivations individuelles. L'Homme dépend,pour devenir lui-même, non plus de déterminismes naturelsmais de ses éducateurs rendus indispensables, liberté biologi­que oblige. Le «programmable» par l'instinct devient ainsi le«programmable» par l'éducation. Ces éducateurs dépendenteux-mêmes d'autres éducateurs qui n'ont pas toujours une idéetrès claire de leur rôle et qui, pour survivre en période depénurie, installent à leur insu chez leurs élèves desprogrammes

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limitant la maturation psychique. L'accès à un libre-arbitreréel et à la pleine responsabilité qui en est le corollaire,nécessite une séparation-individuation du quatrième type parlaquelle l'être humain peut consciemment, tout en l'inventant,reprendre à son compte le plan évolutif qu'extériorise l'universdepuis une quinzaine de milliards d'années.

Cette séparation-individuation passe d'une part par le«déparasitage» du système de motivation caractéristique d'uneépoque de notre vie où notre conscience individuelle ne s'étaitpas encore suffisamment développée; elle suppose d'autre partl'adoption de comportements spécifiques (auto-évaluation de lapensée et de l'état émotionnel en particulier) destinés à éviterde produire, d'acquérir ou encore de véhiculer à son insu desprogrammes parasitants.

Ce passage constitue en soi une véritable naissance pourlaquelle selon moi Homo sapiens sapiens arrive «à terme». Jeveux dire que les conditions externes de cette naissance sontréunies à mes yeux. A la fin de ce siècle convergent en effet, ladésinhibition intellectuelle qui a suivi l'entrée dans «l'adoles­cence» de notre espèce, la généralisation de la démarche scien­tifique, l'émergence du concept de sujet grâce aux scienceshumaines, et les conséquences économiques du passage durégime de pénurie en régime d'abondance.

Mais ceci ne veut pas dire, comme je l'ai déjà précisé, quel'ensemble des humains est concerné à court terme par l'auto­mutation. Comme pour la majeure partie des phénomènesbiologiques, celui-ci se distribuera probablement selon unecourbe de Gauss et nous n'en sommes qu'au début ... Les centai­nes de millions d'êtres humains soumis à un régime de pénuriesévère ont leur attention centrée sur la survie et ne sont pasdisponibles apparemment et provisoirement pour une telleaventure. Pourtant, la révolution technique et culturelle in­duite par les télécommunications crée des conditions nouvellesdont les conséquences étaient difficilement prévisibles : lesrideaux de fer et les régimes dictatoriaux ne sont plus étanchesaux informations en provenance des démocraties occidentales.Les comportements des habitants du Tiers-Monde montrent

qu'ils ont les yeux tournés vers nous, vers nos modèles dedéveloppement. La formulation de nouveaux axiomes économi­ques fondés sur les réalités de l'abondance constitue un deschamps heuristiques à explorer d'urgence par des équipes plu­ridisciplinaires à l'aide du concept de naissance du 4ème type.

Cela ne signifie pas non plus que c'est gagné d'avance. Ainsique je l'ai décrit, l'existence de deux systèmes de motivation,opposés dans les comportements qu'ils renforcent, fonde pourmoi l'existence de la liberté humaine. Nous avons le choix, à lacondition d'avoir pu expérimenter les deux, entre le plaisir de ladépendance et le plaisir de l'individuation. Cette liberté n'exis­terait pas si nous étions mus par un seul type de motivation. Siseul le premier système se manifestait en nous, il n'y aurait pasde progrès possible ni d'évolution, nous serions contraints derépéter de génération en génération les mêmes types de compor­tements. Si c'était au contraire le second système de motivationnotre unique moteur, la «pulsion de développement» pousseraitchacun d'entre nous immanquablement vers l'individuation.Nous serions obligés de devenir autonomes! Dans les deux casnous serions prédéterminés et donc partiellement irrespon­sables. Le fait d'être mu par deux types de pulsions différentesm'amène à penser que la naissance du 4ème type est possiblemaintenant mais non certaine car elle nécessite en chacun unchoix conscient, un engagement de la personne touteentière dans une dynamique d'individuation.

Parce que nous sommes conscients des risques et parce quecette métamorphose évoque pour nous quelque chose qui res­semble à la mort, cette séparation-individuation du quatrièmetype nous fait peur. Qu'allons-nous collectivement choisir?

Accepterons-nous de «lâcher», de mourir à notre passé, defaire le deuil des plaisirs archaïques qui ont pour prix leralentissement du développement de la conscience et la répéti­tion de conduites périmées?

Déciderons-nous de préférer le plaisir de la Vie, de naître auprésent et à l'avenir et du même coup d'inventer notre existence,d'en être le <~oueur»plutôt que le <~ouet»?

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cifique sans nous auto-détruire, sur le plan écologique parl'emploi d'armes surpuissantes, ou encore sur le plan économi­que avec des doctrines obsolètes?

Je ne peux répondre «oui»avec certitude à ces questions.Maisje propose deparier consciemmment sur la non-cyclicitédutemps, car un temps cyclique nie toute idée de progrès, dedéveloppement, d'évolution et même de responsabilité car lepassé détermine l'avenir. 8ije ne dispose pas de savoirs scienti­fiques dans ce domaine, j'ai la certitude intime qu'il est néces­saire de miser sur l'imminence d'un nouveau processus denaissance. Celle-cin'est sans doute pas la dernière mais c'est, entout cas, la première qu'en tant qu'individu nous devons cons­ciemment décider. Si pour les trois premières nous n'avonspas eu notre mot à dire, nous sommes devenus le centreconscient d'où s'initie le choix.

Alors, un des rôles fondamentaux de l'univers sera peut êtreatteint en permettant à une humanité adulte de s'auto-engen­drer - mais cela ne pourra être affirmé qu'a posteriori. Il estcohérent de penser qu'un nouvel espace évolutif, aussi différentque l'étaient entre eux les trois précédents, se manifestera.

De la position spatio-temporelle que j'occupe actuellement,il m'est très difficile d'imaginer les détails de cette naissance etla nature des épreuves que les humains devront surmonter ...Jesuis aujourd'hui un peu comme un éventuel extra-terrestre qui,il y a un peu plus de trois milliards d'années, aurait assisté à laformation de la première cellule vivante .. Il aurait été bienincapable de décrire les milliards d'espèces vivantes qui ontconstitué sa descendance. Je ne peux donc pas davantageraconter ce que va devenir Homo s'il réussit sa séparation­individuation du quatrième type.

Pour ma part, il me manque un recul ... d'un siècle ou deuxpour en dire plus mais personnellement, la dynamique intro­duite par cette naissance du quatrième type affecte complète­ment mon existence, et je ressens comme agréable et énergisantle fait de participer vivant et conscient à cette aventure quidonne sens, à travers l'univers, la vie et la conscience, à chacund'entre nous.

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LEXIQUE

Autisme

Pathologie mentale infantile qui est caractérisée par une quasi-absence decommunication de l'enfant et un retard très important de son dévelop­pement.

ConscienceLes définitions de ce terme abondent. Pour le Robert, «la conscience estl'acte ou l'état par lequel le sujet se connaît en tant que tel et se distinguede l'objet qu'il connaît». Cette définition me semble insuffisante carelle neprend pas en compte l'évolution de la conscience au cours du temps.Etymologiquement, la conscience est associée à la connaissance; pourquoirefuser une forme de conscience élémentaire aux êtres vivants de la

biosphère comme aux cellules de notre corps qui manifestent dans leursactes une «connaissance» à la fois de leur environnemént et de leurspossibilités ?La maîtrise de l'abstraction qui débute avec la création de l'outil il y aquelques millions d'années est une forme de conscience plus élaborée etimplique que l'on sait que l'on sait faire. L'éducation fondée sur la cons­cience peut alors commencer.Une autre étape est franchie, et ce seulement chez les êtres humainssemble-t-il, par la constitution et la prise de conscience de son identité,étape qui chez l'enfant correspond au «stade du miroir» (cf. définition duRobert).La conscience atteint un autre niveau avec l'accès à la maturité affectiveque Searles (1986) définit par le terme d'apparentement. C'est le doublesentiment d'appartenir à tout ce qui vit sur la planète et celui d'être un êtreradicalement différent en tant qu'être humain.Un être humain peut donc accéder progressivement en fonction de son âgepsychique à toutes ces formes de conscience. Je laisse au lecteur le soind'associer le mot conscience avec l'une ou l'autre de ses significations enfonction du contexte dans lequel il le rencontre.

Crise

Ce mot est pris dans un sens proche du sens étymologique: «krisis» en grecsignifie moment de la décision. Une crise peut être définie comme uneremise en cause qui touche la personne toute entière; elle intervientlorsqu'un processus de séparation est enjeu. On peut parler de crise décisivesi le processus engagé a permis de trancher (en latin decidere signifietrancher) et de crise non décisive si la séparation etle deuil qui s'ensuit n'ontpas eu lieu.

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L'évolution individuelle (et collective) semble passer par des crises succes­sives, mais celles-ci n'ont pas obligatoirement un caractère dramatiquecomme le sous-entend la connotation que nous attachons généralement àce mot. On peut faire l'hypothèse qu'un certain nombre de crises existen­tielles pourraient être évitées si n'étaient pas réunies les conditions de leurémergence. Il semble bien en effet que l'intégration d'erreurs, d'imprégna­tions affectives inadéquates dans notre référentiel individuel provoque unedésadaptation progressive par rapport à la réalité extérieure et réunitinsensiblement les conditions d'une crise. La réalité se re-présente alors ànous mais d'une façon généralement violente et désagréable; charge à nousde faire «coller» notre référentiel intérieur avec le monde extérieur.Chaque crise est une occasion - non choisie - de mûrir.

Deuil, processus de deuilSelon les circonstances, les personnes et leur degré de maturation évalué entermes de séparation-individuation, «faire le deuil» est possible ou bien nel'est pas.Dans le premier cas, la perte d'un objet, d'un privilège, d'une idée, d'unesituation socio-professionnelle ou d'une relation se neutralise émotionnelle­ment avec le temps. A posteriori, cette perte est perçue comme une épreuveque nous avons surmontée et qui nous a permis de mûrir.Dans le second cas, l'évocation de la perte, même très longtemps après,produit une réactivation des émotions comme si la perte était toute récente.La perte a été vécue comme une sorte de blessure qui ne cicatrise pas. Lesouvenir douloureux peut quelquefois être «refoulé» loin de la conscienceclaire; ce processus actif, non conscient, consomme de l'énergie et ne doitpas être confondu avec une séparation acceptée. Le deuil n'a pas été fait ...et reste donc à faire.Vivre pour un être humain c'est, tout au long de i'existence, se trouverconfronté à des situations dans lesquelles il doit se séparer pour s'indivi­duer. A ma connaissance ce processus débute lors de la séparation d'avec lamère et s'achève à la séparation d'avec notre corps. Cette possibilité de fairele deuil est en relation directe avec le relayage du premier système demotivation par le second. Si celui-ci se produit difficilement, le deuil resteincomplet. Il est possible d'apprécier notre capacité personnelle à nousséparer et donc notre capacité d'individuation dans notre attitude lors d'unchoix, que ce soit celui d'un vêtement, d'une maison, d'un conjoint ousimplement d'un menu au restaurant, et dans le fait de regretter ou non cechoix après l'avoir fait. Lors d'un choix, nous devons renoncer, «mourir» àtoutes les autres possibilités. Ceci permet peut-être de comprendre pour­quoi certains peuvent faire une tête d'enterrement à un mariage ...

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274Naissance du quatrième type

La naissance du 4ème type 275

Différentiel

C'est un outil d'auto-évaluation de la pensée utilisable par la consciencepour repérer les fruits de son activité. On peut le représenter par un axe surlequel se déplace un curseur mobile, qui définit une pensée ou une action àun instant donné, entre les deux extrêmes opposés que sont les deux termesdu différentiel.

Exemple: le différentiel croyance - hypothèse peut être. représenté ainsi:

Fantasme, relations fantasmées

Je décris deux types de fantasmes: le fantasme conscient et le fantasmenon-conscient.

Le fantasme conscient correspond à une activité mentale où l'on se met enscène avec d'autres personnes dans un jeu de rôle. Ce type de fantasmescorrespond aux histoires qu'on se raconte, au "film» qu'on se projetteintérieurement. Bien souvent le scénario change peu, même si les rôles sont

La place du curseur indique que dans ce cas ma pensée n'est pas complète­ment formulée sous forme d'hypothèse. Comme on le voit, le différentiel apour rôle de "forcer» la prise de conscience.Liste des principaux différentiels:

référentiel individuel fermé - référentiel individuel ouvertcroyance - hypothèsesystématique - recherche de la contre-évidenceprojection - réflexionenfance psychique - maturité psychiquerégime de pénurie - régime d'abondanceindépendance - interdépendancedépendance - non-dépendancethésaurisation intellectuelle - capitalisation intellectuellesystème de motivation 1- système de motivation 2puissance illusoire - puissance réellerelation fantasmée - relation transformativedésir réactionnel - désir réelautorité asservissante - autorité autonomisantefaute - erreursympathie - empathieconditionnement - apprentissage

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interprétés par des personnes différentes et si le décor varie. Ce type defantasme s'élabore plus facilement à partir d'inconnus que de personnesproches, que l'on connaît «trop». Chacun peut donner à ses «rêverieséveillées» le pouvoir de lui procurer du plaisir, de la frustration ou del'angoisse, ces émotions étant d'autant plus fortes qu'autrui est inconnu,distant (star de cinéma) et incarne, par l'un ou plusieurs de ses actes ou deses traits physiques, un personnage important de son cinéma intérieur.Dans ces conditions on peut «fantasmer» à deux sans jamais se rencontrer.Le fantasme conscient constitue la partie émargée d'un iceberg qui seraitle fantasme non-conscient. Ces fantasmes profondément enfouis en nousdans notre passé, généralement pendant l'enfance, ne laissent filtrer quepeu d'informations à notre mémoire consciente. Pourtant on peut fairel'hypothèse qu'ils contiennent le ou les scénarios de base qui nous engen­drent le besoin de les ré actualiser à travers des "rêveries diurnes». Pour

connaître ces scénarios, il faut recenser les principaux fantasmes cons­cients, trouver leurs points communs et noter les corrélations existantentre l'activité de veille et les rêves nocturnes.

Exemple: «Hier j'ai aperçu tel homme au restaurant et cette nuit j'ai rêvéà mon frère». De cette façon on peut arriver à remonter dans le passé etidentifier comment, petit enfant, nous avons projeté nos désirs et noscraintes sur nos proches. A la lumière de cette approche, on comprendpourquoi le fantasme conscient est si répétitif, producteur d'émotions nonnégligeables si on ne sait pas comment se les procurer autrement, etinhibiteur de la maturation psychologique, de la rencontre réelle et duplaisir qui les caractérise.Le fantasme non-conscient pourrait être également la réponse réactive àl'implantation d'un programme étranger. La substitution de la réflexion àla projection peut nécessiter une mise en lumière des «dessous» de nosfantasmes pour parvenir à cesser d' «utiliser» autrui, de le «déformer» pourmieux le faire coincider à notre film intérieur. Un critère doit être appliquéquand on rentre en relation avec autrui, à travers la réponse à la questionsuivante : «Suis-je une télévision branchée sur la magnétoscope ou surl'antenne extérieure ?» Autrement dit : Est-ce que je suis en train de mepasser la cassette d'un vieux film ou bien est-ce que je reçois correctementles signaux que m'envoie autrui grâce à mes «antennes» sensorielles.

HeuristiqueSe dit de processus, de concepts, de modes de pensée, qui favorisent chez lesindividus l'idéation, la modélisation mentale, l'élaboration de nouveauxconcepts.

Inconscient, inconsciemmentModes de fonctionnement, ensemble d'informations et aspects de notre moiqui échappent à la conscience claire (la conscience d'avoir conscience). Le

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276 Naissance du quatrième type l La naissance du 4~metype 277

moi est considéré ici comme un complexe englobant le plus largementpossible le corps ET l'esprit et comprenant donc des aspects physiques,énergétiques et psychiques.L'inconscient ainsi défini peut recouvrir deux modes de fonctionnementpsychique et somatique qui se différencient par leur finalité:

1. Le premier mode produit un inconscient au service de la conscience et dumoi.

De nombreuses opérations neuro-psychiques comme celles qui concernentla mémoire, le référentiel individuel, l'intuition, la gestion des émotions, lesréactions neurovégétatives ou posturales qui se font nécessairement demanière non-consciente sont dans ce cas au service de la conscience et desdécisions du moi.

Exemple 1 :je souhaite me réveiller demain à 5 heures pour prendrele train. Le lendemain matin, avant que le réveil ne sonne, je meréveille clair et dispos.Exemple 2: Je veux me rappeler ce que j'ai dit à un collègue il y a deuxans. En maintenant l'état d'interrogation sur cette partie de monpassé, l'information s'affiche à ma conscience et devient disponible.Exemple 3 : Je désire passer une bonne soirée et rencontrer amoureu­

sement ma femme. Si c'est son désir également, ce projet se réalise,mais le déroulement de la rencontre reste imprévisible.

Ce mode de fonctionnement est en accord avec la dynamique évolutiveprésente dans le phénomène vivant. La finalité poursuivie est le gain dedéveloppement et le plaisir qui y est associé (cf. deuxième système demotivation).

2. Le deuxième mode de fonctionnement résulte d'un parasitage partiel pardes «programmes étrangers». La finalité de ces programmes est de rendredifficile ou impossible le relayage «nature!» du SM 1 par le SM 2. Dire qu'ily a une finalité ne signifie pas nécessairement qu'il y a une «intention» dela part de l'inconscient. Tout au plus celle-ci a pu exister chez la personneavec qui a été installé le programme étranger. Ainsi on peut avoir l'illusionque l'inconscient se comporte comme une autre conscience plus ou moinsmalveillante ou inamicale, comme un «diable» dans la boîte.

Exemple 1 : Je me rendors après avoir arrêté la sonnerie de mon réveilet je rate un rendez-vous important pour moi.Exemple 2 : Lors d'une prise de parole en public, je bafouille et perdsle fil de ce que je voulais dire.

Exemple 3 :Je désire passer une soirée agréable, j'en imagine les plai­sirs, mais dans la réalité quand je retrouve ma femme, je me querelleavec elle et ne trouve le «calme» que devant un film à la télévision.

La décision de désactiver ce mode de fonctionnement inconscient, et lesconséquences qui en résultent fait disparaître progressivement le senti­ment d'un Inconscient tout-puissant. Il est remplacé par un sentiment

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d'unité intérieure et de confiance en soi et dans ses possibilités. Les limitesde ces dernières sont connues, ce qui est la condition préalable pour pouvoirles dépasser et évoluer encore.

IndividuationProcessus par lequel on se différencie, on devient autre que les autres. Ainsidéfinie, cette notion d'individuation peut être étendue par exemple à ladifférenciation de l'atome de carbone par rapport aux autres atomes, à cellede la molécule d'eau par rapport aux autres molécules, à celle des amphi­biens par rapport aux poissons, comme à celle des primates qui commen­cent à fabriquer des outils par rapport aux singes anthropoïdes.

LibertéSituation d'une personne qui n'est pas sous la dépendance d'autrui. Enscience, l'expression «degré de liberté» indique le nombre d'axes autourdesquels un système, biologique ou non, est mobile. Dans le cas del'Homme, on peut opposer les contraintes et les degrés de liberté, quicependant coexistent. «Etre libre c'est danser dans ses chaînes» disaitGoethe. J'ajouterai que pour un être humain les chaînes ne doivent pas êtreassimilées seulement à des limitations, mais également à des contraintesautour desquelles peuvent s'articuler des libertés d'action, de pensée,d'émotion et de sentiment. Ceci permet d'imaginer un avenir oùles hommespeuvent s'inventer consciemment des contraintes, des règles pour explorerun champ infini de (<libertés nouvelles».

OntogénétiqueQui relève du développement ou de l'évolution de l'individu.

PhylogénétiqueQui relève de l'évolution de la lignée ou de l'ensemble des êtres vivants quiprécèdent un individu donné à l'intérieur d'un phylum ou embranchement.

ProjectionUn projecteur en optique est un appareil qui dirige une source lumineusesur un écran. Cette source peut être filtrée par une diapositive par exem pIe.Nous dirons que nous sommes «projectifs» si nous ne parvenons pas àdétecter la présence d'un filtre, d'un codage induit par des émotions, dessouvenirs avec lequel nous «habillons» la réalité perçue par nos sens oureprésentée par notre entendement. Quelques exemples: l'ombre d'unlampadaire peut devenir celle d'un célèbre vampire transsylvanien; unélève qui ne veut pas répondre en classe peut être interprété par l'ensei­gnant comme un «ennemi» qui désire le déstabiliser; la sécheresse ou le sidadeviennent des châtiments d'origine céleste, etc.

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278 Naissance du quatrième typeLa naissance du 4êIM type 279

RéflexionL'exemple-type de réflecteur en optique est celui du miroir. Un être humainpeut devenir apte à «réfléchi!'>, la réalité perçue par ses sens ou représentéegrâce à son entendement si son «lac intérieUr>' affectif et émotionnel estsuffisamment calme et lisse comme un miroir. Cela ne signifie pas que lesémotions soient absentes ou bloquées mais qu'elles ont été reconnues cons­ciemment. Quand se produit une tempête émotionnelle (colère, tristesse,euphorie ...) les risques de devenir «projectif" augmentent fortement, nousdevenons beaucoup moins capables de «saisi!'>, sans déformation les don­nées issues de la réalité.

RencontreJe donne dans cet ouvrage au terme de «rencontre ••un sens bien particulier.Il s'agit de la possibilité d'entrer en relation avec autrui sur un mode réflexifde la réalité de l'autre (ou des autres) aussi bien que de la mienne. Larencontre trouve sa finalité en elle-même, elle vise à la découverte d'unindividu différent de soi, potentiellement libre et donc imprévisible. Leplaisir éprouvé est issu du second système de motivation. Ce type derelation est nécessairement transformatifpour les personnes en présence.

SolitudeEtat séparé (de séparation psychique) qui est à l'origine d'au moins deuxsentiments opposés. Le premier est l'angoisse, la tristesse lorsque lasolitude provient de la rupture non désirée de l'état symbiotique (vécue auniveau spécifique aussi bien qu'au niveau individuel). Mais la soli tude peutengendrer à l'opposé un sentiment dejubilation sereine lorsqu'elle corres­pond à un état, transitoire ou non, de non-dépendance.L'existence de programmes étrangers est incompatible avec l'expérience dece dernier type de solitude grâce à laquelle on peut enfin rencontrer l'autre.«Je n'ai jamais été solitaire, ni seule ni avec d'autres. La solitude ça veutdire :je suis entière. Ce soirje suis enfin solitaire», exprime l'héroïne du filmde Wenders «Lesailes du désir», quand elle rencontre l'homme qu'elle aime.

SynapseLieu spécialisé de proximité entre deux cellules nerveuses (neurones) oùcelles-ci peuvent échanger, dans un seul sens, de l'information. Cet échangepeut se produire grâce à la libération, par la première cellule préalablement«excitée ••, de substances chimiques (acétylcholine, dopamine, noradréna­line, sérotonine ... ). Ces substances appelées neuromédiateurs vont se fixersur la membrane de la seconde cellule engendrant à cet endroit unenouvelle excitation. Il existe dans le cerveau humain plusieurs dizaines demilliards de neurones qui sont connectés par l'intermédiaire de plusieurscentaines de synapses à d'autres neurones. La transmission synaptiquen'est cependant pas le seul moyen de communication entre deux neurones:

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de l'information bio-électrique peut en effet passer directement d'unecellule nerveuse à l'autre dans le cas où leurs membranes sont encore plusproches ou même sont accolées l'une à l'autre.

TransdiciplinaireCe mot qualifie un mode d'approche particulier (encore peu usité) desmultiples composantes d'un phénomène donné.Ce terme s'oppose à ceux de monodisciplinaire, pluridisciplinaire et inter­disciplinaire. Lors d'une approche monodisciplinaire, on privilégie un seulmode d'observation d'un phénomène complexe: l'approche médicale de lavieillesse par exemple. Dans une démarche pluridisciplinaire, on multiplieles disciplines, les angles sous lesquels on va décrire une même réalité(lecture neurobiologique, sociologique, historique, psychologique de lavieillesse), mais le plus souvent l'hétérogénéité des méthodologies em­ployées ne permet pas une interpénétration des différents champs discipli­naires. L'interdisciplinarité naît lorsqu'on parvient à formuler des métho­dologies communes aux diverses disciplines, c'est la dernière étape avant latransdisciplinarité.Ce dernier mode de traitement de l'information est particulièrementexigeant dans la mesure où il demande l'adoption et la pratique de ladémarche scientifique (résumée dans les trois règles méthodologiquesprésentées dans cet ouvrage), la définition précise des concepts utilisés, ladélimitation du domaine de validité des diverses approches, le repérage etla formulation des «angles ••sous lesquels va être étudié le phénomène con-cerné.Lorsque ces conditions sont réunies, même temporairement, les différentesfacettes que l'on perçoit semblent s'ordonner dans une image globalisantequi possède plusieurs propriétés. Ainsi cette image composite permet danscertains cas de <<vérifier••la validité des points qui la composent, de la mêmefaçon que dans une grille de mots croisés, l'ensemble des mots vérifie lajustesse de chacun d'entre eux. D'autre part cette image n'est pas figée, elleest l'objet d'un constant remaniement, surtout si notre référentiel indivi­duel est ouvert. Ceci nous permet d'obtenir des indications sur des points del'image que notre culture personnelle ne nous a pas fournis ou qui n'ont pasencore été décrits, en d'autres termes d'accéder à des informations quin'étaient pas directement contenues dans les apports de chaque disciplineprise isolément. Enfin l'image résultante possède des propriétés hologram­morphiques qui ont déjà fait l'objet d'investigations (pinson et al 1985,Morin 1987, Tabary 1987). Les conséquences heuristiques de ces propriétésde l'image globalisantejustifient à mon sens le terme de transdisciplinaireutilisé dans cet ouvrage.

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Rob e r t de Ropp

Par ole

Comment en est-on arrivé là?Quel est le sensde l'évolution et d'abord :yen a-t-il un ? Etquel est le sensde notrepropre vie? Robert S,de Ropp a tournéces questions sans relOche depuis l'Ogede quatre ans, et il en avait soixantedouze en écrivant ce livre; Il lesa poséesà d'autres, tels qu'Ouspensky qu'il a suiviun moment, Il arrive à la conclusion qu'ildémontre ici, que l'être humain estinachevé.

Au soir de sa vie, il livre un vade­mecum aux lecteurs qui ont décidéd'entreprendre un chemin intérieur, desortirde l'esclavage hypnotique de notremonde moderne; grOce à celui-ci, quiagira comme un antidote à la rêveriespirituelle, ils parviendront peut-être àdistinguer l'imaginaire du réel; ilsaurontdes repères pour mener à bien leur propre création.

Robert S. de Ropp propose l'éclairage de la science, d'une manièretrès accessible, et de la gnose. Il distingue ainsi l'Oeuvre d'illusion et sespièges sur le chemin, décrits d'une manière saisissante, de l'Oeuvre véri­table pour lesquels il donne des aphorismes, dont un est: «Cessezde rêver;soyez présents ici et maintenant,»

Toute personne sur une voie de transformation intérieure devrait lirece livre, •

~

Robert S. de Ropp se qualifie d'ermite, 1/était aussi scientifique, auteurde plusieurs livres importants dans l'histoire de la contre-culture des années60 et 70, comme «TheMaster Game», C'est un vétéran de plusieurs décen­nies d'expériences sociales, écologiques et communautaires vécues avecd'autres explorateurs. 1/est né et a vécu son enfance en Europe.

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LA TERRE S'EVEILLE

Les sauts évolutifs de Gaia

PETER RUSSEl

Ce livre est stimulant. Il remet enquestion la vision traditionnelle que l'ona de nous-mêmes et de notre placedans l'Univers.

Dans le prolongement de JamesLovelock, et de son hypothèse GAiA,Peter Russell nous invite à considérer laTerre comme un organisme collectif etvivant à part entière, doté de capacitésd'auto-régulation, et nous emmène dansune exploration du potentiel de l'huma­nité vu à travers les yeux de la planète.L'évolution depuis le big-bang ne s'estpas faite de façon linéaire, mais por{(bonds quantiques», Peter Russel meten lumière les conditions qui ont pré­cédé ces étapes, à nouveau réunies ànotre époque. Une toute autreperspective s'en dégage,

Se basant sur les travaux de physiciens, de psychologues, de philo­sophes et de mystiques, Peter Russel montre que l'humanité serait sur lepoint d'opérer un bond {(quantique» dans l'évolution, aussi significatif quel'émergence de la vie elle-même voici quelques trois millions et demid'années, •

Peter Russel est dipl6mé de Cambridge, où 1/ a étudié les mathé­matiques, la physique théorique, la psychologie et plus tard, l'Informatique.1/ a entrepris des recherches sur la psychologie de la médiation, et possèdeà son actif plusieurs émissions radio/TV. Parmi ses publications, on trouve{(TheTM Technique» et ((TheBrain Book», Peter Russel donne fréquemmentdes conférences en Europe et aux Etats-Unis et conseille plusieurs Impor­tantes compagnies internationales sur le développement des processusd'éducation. .

IMPRIMERIE LOUIS-JEANBP 87 - 05003 GAP Cedex

Tél. : 92.51.35.23

Dépôt légal: 121 - Février 1991Imprimé en France