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THERAPEUTIQUES INSTITUTIONNELLESEMC-Psychiatrie Pierre Delion

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Sans la reconnaissance de la valeur humaine de la folie, cest lhomme mme qui disparat Franois Tosquelles Navons-nous pas le devoir de rendre habitables ces lieux dsertiques dans lesquels se sont gars, souvent jamais, ceux que nous nommons psychotiques ? 2 Jean Oury Un des principes fondamentaux de la Psychothrapie Institutionnelle, et cela ne surprendra personne puisquil sagit de psychothrapie, pourrait tre quelle est une entreprise de dvoilement mthodique de la vrit. 3 Roger Gentis et Horace Torrubia Les thrapeutiques institutionnelles appartiennent dsormais lhistoire de la psychiatrie et, leur importance dans les pratiques et les thorisations psychiatriques contemporaines nest plus prouver. Partant de la ncessaire critique radicale de lasile, dominant jusqu la deuxime guerre mondiale, les thrapeutiques institutionnelles ont ensuite montr leur fcondit dans la transformation de la psychiatrie. Aujourdhui, les thrapeutiques institutionnelles dmontrent, plus que jamais, le visage humain que la psychiatrie doit prserver en insistant sur les pratiques concrtes qui mettent le sujet, bien quil soit malade mental, au centre de sa gurison . Les enjeux qui se font jour autour des thrapeutiques institutionnelles sont le rsultat de simplifications qui ont beaucoup pes sur sa crdibilit ; en effet, le fait que ces thrapeutiques soient qualifies dinstitutionnelles les a fait passer pour lies aux tablissements qui en ont dans un premier temps hberg les dveloppements. Suivant cette observation au pied de la lettre, il devenait simple de conclure que la psychiatrie sorientant vers des solutions extrieures ltablissement, sous-entendu hospitalier, les thrapeutiques qui avaient fleuri dans les institutions, et en avaient certes permis une relative transformation, devenaient caduques ds lors que celles-ci quittaient les dites institutions. Ctait faire trop peu de cas de la diffrence importante introduite par Tosquelles entre tablissement et institution . Nous verrons que, si les deux sont ncessaires, ils ne sont pas superposables lun lautre. Si nous confondons les plans, alors les thrapeutiques qui pourraient sortir de ltablissement pour soigner les patients dans la cit au plus prs de leur vie quotidienne, ce que la psychiatrie de secteur a ralis, ne pourraient plus tre institutionnelles ; tandis que si nous attribuons linstitution dune thrapeutique entre un patient et11

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ses soignants les qualits qui sont utiles sa continuit, alors la thrapeutique institutionnelle devient le dispositif de soin ncessaire un patient quelles que soient les modalits qui seront ncessaires sa ralisation tout au long du traitement de ce patient-l. A un moment crucial de la psychiatrie au cours duquel la politique de soin semble guide essentiellement par des considrations conomiques, cette distinction revt la plus grande importance puisquil sagit de pouvoir continuer travailler avec les patients tout le temps qui sera ncessaire leur soutien psychique ; et dans ces conditions, la logique des soins ne peut se rsoudre une simple quation dans laquelle lurgence est le seul moment relevant du sanitaire, tandis que le reste du temps, celui de la chronicit, relverait du social ou du mdico-social. La maladie mentale, dans sa dimension de chronicit, soumet le patient une urgence quotidienne. Les thrapeutiques institutionnelles contribuent, par leurs rflexions ce sujet, organiser les soins de telle manire que le patient puisse compter sur nous dans la dure, sans pour autant prtendre tre les seuls capables de le faire ; bien au contraire, les articulations nombreuses avec tous les partenaires du patient, chacun avec sa spcificit, sont une des avances que les thrapeutiques institutionnelles ont thorises et permises. Enfin, sur le plan smantique, il est maintenant admis que le mouvement de Psychothrapie Institutionnelle est un des principaux courants, et quavec les autres lectures ralises autour de la fconde articulation psychothrapie et institution , ils constituent ensemble les Thrapeutiques Institutionnelles . Aujourdhui, lenjeu de cet ensemble est considrable.

POSITION DU PROBLEME Lhumain, laccueil des diffrences psychopathologiques et lintrt des systmes anti-sgrgatifs Lhumain.La psychiatrie est une branche de la mdecine qui a la perspective et prend la responsabilit de traiter les maladies mentales des enfants et des adultes. Mais dans cette discipline, plus encore que dans les autres, la personne qui porte les symptmes psychiatriques doit tre prise en considration et accueillie avec la plus grande attention. Il sagit donc dune mdecine de lhumain, et limportance de cette manire de poser le problme tient notamment au fait que les nouvelles donnes scientifiques, conomiques et administratives pourraient laisser penser quil sagit dsormais dun problme secondaire. Il nen est rien et nous verrons comment cette position thique est dterminante dans la thrapeutique, et plus prcisment dans la Psychothrapie Institutionnelle. En effet, pas de travail psychothrapeutique sans accueil de lhumain.

Laccueil des diffrences psychopathologiquesLimportance de lhumain est en rapport direct avec le fait que souvent la rencontre avec le malade mental se produit au moment le moins propice sa reconnaissance en tant quautrui, puisquil vient au contact du psychiatre et de son quipe un moment de dcompensation dont les modalits sont dcrites dans la smiologie psychiatrique : dpression, suicide, dlire, passage--lacte, manifestations inhabituelles, bizarres, tranges, retrait Il y a donc lieu de travailler avec les soignants une fonction daccueil qui permette une rencontre avec cet autrui en dshrence psychopathologique dans de bonnes conditions pour son avenir. Cette ambiance accueillante sera dterminante pour approcher ce patient et faire avec lui un vritable travail diagnostique, cest--dire entrer en contact et faire connaissance avec lui dans le temps et dans lespace. 2

Respecter ces diffrences psychopathologiques dans le souci de les rapporter une structure pathologique, quand cest le cas, cest permettre ce patient de se dfendre de sa maladie en lui proposant de sadosser sur le dispositif qui prtend le soigner. Nous verrons limportance de ces deux plans, tmoins de deux types diffrents dalination mentale et sociale. De plus nous observons souvent en psychiatrie que la thrapeutique commence ds la premire rencontre, comme si chaque fois, toute notre histoire tait nouveau mobilise.

Lintrt des systmes anti-sgrgatifsPour que ces prcautions ne soient pas de pure forme et prservent leurs potentialits personnelles exploitables, il convient de pouvoir accueillir les patients dans des espaces qui ne prjugent ni de leur pathologie, ni du pronostic qui lui est attach. Cest pourquoi la Psychothrapie Institutionnelle organise un dispositif de soins de faon non sgrgante pour prserver, chez chaque humain prsentant des problmes psychopathologiques, ses capacits de r-organisation ultrieure, et ne pas lier ses soins aux seuls rsultats standards proposs par la voie des spculations statistiques. Chaque tre humain est singulier, et quand bien mme des analogies peuvent tre trouves entre plusieurs, la psychiatrie, la recherche de ce qui fonde lidentit sur laquelle chacun peut sappuyer, se doit de construire pour chaque patient une thrapeutique sur mesure .

Les psychosesParmi les patients qui prsentent les diffrences les plus marquantes sur le plan psychopathologique, la psychose vient au premier rang. Cette pathologie de la personne(Schotte), en mettant en cause la construction de leur personnalit, va aboutir des spcificits dans leurs modes de dcompensation qui crent souvent la ncessit dun accompagnement thrapeutique important, la mesure de la perte dautonomie psychique de ces sujets. Et cest principalement pour les personnes psychotiques que des tablissements psychiatriques ont dabord t penss, puis progressivement, les quipes soignantes sont devenues la pierre angulaire de leur accueil et de leur traitement, aboutissant la notion fondamentale dinstitution. Cette conception de linstitution est donc corrlative des patients les plus en difficults psychopathologiques, qui ont besoin, en cas de dcompensation, dun lieu et surtout dune quipe soignante pour les accueillir et les soigner. Parmi ces patients les plus gravement atteints, les personnes psychotiques reprsentent une trs grande proportion dentre eux. Hlne Chaigneau propose de replacer les thrapies institutionnelles dans la perspective qui les a vues natre : essentiellement un mouvement de recherche et danalyse de la pratique des soins et de lamnagement du collectif daccueil des sujets psychotiques 4. Nous pouvons ds maintenant proposer une quation simple alliant la gravit de la pathologie au poids des institutions requises : un patient nvros ou dprim peut bnficier dune prise en charge individuelle par diverses mthodes thrapeutiques parce que son intgration socio-familiale reste suffisante. A loppos un patient schizophrne dlirant trs angoiss a besoin dun abri psychique beaucoup plus consquent, constitu habituellement par une quipe soignante dont il devient dpendant par ncessit. Linstitution que le nvros va crer avec son psychothrapeute est trs lgre si on la compare la lourdeur de celle que ladulte malade schizophrne ou lenfant autiste vont progressivement crer avec leur quipe soignante. Les problmes institutionnels poss dans les deux cas sont trs diffrents, non pas tant en nature qu'en taille, et la psychothrapie institutionnelle consiste prendre en considration aussi tous les lments de cette deuxime situation, tant entendu que lquipe soignante qui sera capable dassumer cette deuxime situation sera en mesure de rsoudre les problmes inhrents la premire. Mais un des principaux problmes dpasser dans les deux cas sera lapparition des rsistances la fois au traitement sur le plan psychopathologique, et aux changements sur le plan de lorganisation des soins. En effet, les phnomnes de rsistance se dclenchent en progression gomtrique dans notre action 3

thrapeutique, lorsque l'on passe de la psychothrapie individuelle la psychothrapie de groupe, puis la psychothrapie institutionnelle .5 Cela va amener les acteurs de ce mouvement approfondir le champ psychanalytique et tout ce qui en dcoule directement. Dans cette perspective, on peut galement retenir la proposition logique de Oury A lextrme, nous pouvons dire que la psychanalyse est un cas particulier de la psychothrapie institutionnelle 6. La thse dfendue par le mouvement de la Psychothrapie Institutionnelle sappuie donc sur laphorisme Qui peut le plus, peut le moins . Si un service et une quipe soignante sont dans les dispositions qui rendent possibles les soins aux personnes psychotiques, alors a fortiori pourront-ils soigner les patients porteurs dautres pathologies psychiatriques moins envahissantes . Nous verrons les consquences que nous devons en tirer.

La psychothrapie et les institutionsNous avons vu quil sagit daccueillir les patients quels que soient leurs difficults psychopathologiques et de les soigner dune faon humaine en sappuyant sur une dmarche diagnostique approfondie. Cette ambition ncessite la mise en place dune mthode thrapeutique base sur la pense psychothrapique, oriente par elle et devant sadapter toutes le formes de pathologies psychiatriques, des plus bnignes aux plus graves. Les institutions en sont alors les corollaires obligs et leur complexit varie en fonction des patients. Voyons ce quil en est de ces deux concepts de psychothrapie et dinstitutions.

PsychothrapieLa psychothrapie est reprsente par lensemble des mthodes qui permettent de traiter lappareil psychique en souffrance. Si des approches de cette problmatique existent avec plus ou moins de fortune depuis lantiquit, cest principalement partir du sicle des lumires que la conception philosophique de lhomme en a permis lavnement progressif sous une premire forme, celle du traitement moral (Pinel), puis, un sicle plus tard avec la dcouverte de linconscient par Freud, sous sa forme labore, la psychanalyse. Nous verrons comment la psychanalyse est le modle dune praxis qui a profondment rvolutionn lapproche de la souffrance psychique de lhomme et ainsi, grandement contribu fonder des dispositifs thrapeutiques complexes de nature permettre aussi son utilisation pertinente dans les pathologies les plus graves. Il apparat donc clairement que la dmarche psychothrapique a pour but aujourdhui de redonner du sens aux symptmes entendus comme signes de la souffrance psychique humaine, en les resituant dans lhistoire dun sujet. Il va de soi, dans cette conception de la psychothrapie, que tout ce qui concoure diminuer cette souffrance par ailleurs, contribue, par une action sur le cadre de la psychothrapie, favoriser lexpression dun langage contenant en lui une part des lments dont le sens a fait dfaut jusqualors.

InstitutionsMichaud7 fait un point trs complet sur la question des institutions. Elle en retient quelques grandes lignes utiles notre propos : La fonction essentielle de linstitution est dtre un systme de mdiations permettant lchange inter-humain plusieurs niveaux 8. Elle cite la dfinition de Deleuze : les institutions sont des systmes organiss de moyens destins satisfaire des tendances, mdiations entre lindividu et la socit .9 Puis elle nous propose son point de vue : Linstitution est une structure labore par la collectivit tendant maintenir son existence en assurant le fonctionnement dun change social de quelque nature quil soit 10. Elle commente cette proposition de la faon suivante : Le groupe psychiatrique devra donc en premier lieu intgrer cet homme non intgrable, et ceci, non en lui prsentant un cadre tout fait dans lequel il doive se perdre, mais au contraire en modifiant les cadres antrieurs, la mesure de sa 4

personne 11. Plus loin, elle indique : La fonction de linstitution dassurer les changes interhumains prend ici une porte particulire de devoir jouer dans un milieu o par dfinition, il y a rupture de lchange ; chacun des individus qui sy trouvent tant remarquable par son incapacit soit se satisfaire des institutions existantes, dans la socit, si ces institutions sont juges alinantes, soit vouloir consciemment les transformer ou en inventer dautres 12. Et enfin Cest prcisment pour rgler cet change entre la demande(Lacan) du sujet et la rponse que lui apporte le groupe que va se placer linstitution 13. Il ressort de ces dfinitions du concept dinstitution quil y a tout lieu de ne pas le confondre avec celui d tablissement . Ce qui est tabli par notre constitution : lancien texte de loi de 1838 Il est cr dans chaque dpartement un asile dalins , et le nouveau Le secteur est le mode organisationnel de la psychiatrie en France , ne prjuge pas de ce qui se dveloppera dans son cadre gnral savoir, ce qui sinstitue entre un malade mental et ceux quil dsigne pour laccueillir et le soigner. Dans cette logique, linstitution est le chanon manquant entre le sujet et les autres. Il sagit dune co-construction entre ce sujet malade et les autres , chargs de le soigner. Sous un certain rapport, cest un objet transitionnel qui met en relation le sujet et les autres, un objet dot de capacits dadaptation suffisamment bonnes , mais aussi de possible prennisation sans destruction, jusqu ce que des reprsentations internes permettent de se passer de cet objet institution . La psychothrapie institutionnelle vise donc structurer et amnager les quipes soignantes psychiatriques de telle faon quelles soient aptes la pratique de psychothrapies vritables quelles quen soient les modalits. Les rapports entre institutions et comportement psychothrapique dans linstitution sont lis dialectiquement 14.

Pertinence de la Psychothrapie Institutionnelle ; intrication avec la Psychiatrie de secteurIl marrive souvent de dfinir la Psychiatrie de secteur comme la condition de possibilit dexercice de la psychiatrie tandis que la Psychothrapie Institutionnelle en est la mthode organisatrice, pour indiquer comment ces deux mouvements historiques sont profondment intriqus et constituent les deux faces complmentaires dune seule praxis. Nous verrons comment ces deux aspects dune mme philosophie de la psychiatrie soriginent de pratiques et de thorisations consubstantielles lune lautre, et comment, dans lactualit, elles me semblent de nature fconder un renouvellement cratif de la psychiatrie contemporaine. A noter toutefois une bifurcation trs nette au moment de la mise en place de la politique de secteur quand une partie de ses promoteurs a opt pour faire concider la psychiatrie de secteur avec lextrahospitalier, relguant la partie hospitalire de leurs services vers un destin asilaire, entranant dans le mme rejet, la psychothrapie institutionnelle, qui jusque dans les annes 1960-1970 stait attache transformer les hpitaux psychiatriques ; et pour cause puisque lextra-hospitalier ntait pas encore lgalement gnralis lensemble du territoire. Il en a rsult une ide qui perdure : si donc la Psychothrapie Institutionnelle ne soccupe que de lhpital psychiatrique, elle ne convient pas comme mthode organisatrice de la psychiatrie dans son ensemble. Nous allons essayer de dmontrer comment au contraire elle propose des rponses la complexit psychiatrique.

HISTORIQUE Il faut rappeler que le concept de Psychothrapie Institutionnelle nest apparu que progressivement lintrieur dun vaste mouvement dans lequel de nombreux psychiatres se sont engags la fin de la guerre 1939-1945. Ce concept a donc t li aux efforts de transformation dun certain nombre de services des hpitaux psychiatriques franais. 15 5

Les prcurseursSi la notion de Psychothrapie Institutionnelle a t utilise pour la premire fois par Daumezon et Koechlin en 1952 dans les Annales Portugaise de Psychiatrie, lide de se servir du milieu hospitalier comme dun facteur thrapeutique date du dbut du XIXme sicle. Esquirol, dans la filiation du traitement moral de Pinel, en jetait les premires bases en amenant, en 1822, lide qu une maison dalins est un instrument de gurison : entre les mains dun mdecin habile, cest lagent thrapeutique le plus puissant contre les maladies mentales . Bouchet, dans un article de 1848 dans les Annales Mdico-Psychologiques insistait sur limportance de la pense mdicale dans lorganisation des soins : Lindividualit sociale doit disparatre et se fondre dans la vie en commun qui constitue la base actuelle et principale du traitement des alins. Mais il ne faut les appliquer qu des travaux dont lutilit est immdiatement sensible pour eux, les malades ne devant tre mis la disposition daucune pense trangre et comprendre que la pense du mdecin stend sur eux dans toutes leurs actions 16. Mais le traitement moral de la folie, trs imprgn de la psychologie des passions en honneur lpoque, va driver, sous linfluence de deux facteurs principaux, vers lasile au sens le plus pjoratif, celui quil a progressivement acquis au cours du XXme sicle : tout dabord, dans la suite des travaux de Bayle sur les articulations anatomo-cliniques mises au jour propos des liens entre linfection syphilitique (1822) et le dlire de grandeur, une grande partie de ce XIXme sicle va tre consacr aux dveloppements neurologico-mcanicistes et contribuer chosifier le malade mental ; et puis, limpossibilit danalyse du transfert-concept dcouvert plus tard par Freud-allait amener les soignants de lpoque une passivit thrapeutique dfensive qui ne sied pas aux malades mentaux tant elle va dans le sens de leur propre apragmatisme, contribuant ainsi la mise en place de mcanismes asilaires . La description de la dmence prcoce et la vision du malade mental qui la sous-tend, na t que laboutissement logique de cette volution entropique des conceptions de la psychiatrie. Seules quelques expriences d open doors et de norestraint (Tcke) sont menes cette poque, mais, si elles sont bien connues de leurs contemporains, elles restent confidentielles. Il a fallu attendre la rvolution freudienne pour quun contre-courant puisse enfin voir le jour la recherche dune psychopathologie du sujet.

Sigmund FreudEn effet, Freud, en inventant la psychanalyse, (re)met le sujet au centre des proccupations des thrapeutes, mme sil montre que justement, le moi est en quelque sorte, surdtermin par dautres instances, notamment linconscient, mais aussi le sur-moi. Dcouvrant le transfert, loin de le considrer uniquement comme la mise en acte des rsistances inconscientes, Wo es war ( L o du a tait ), il en fait un levier thrapeutique 17 trs puissant sur lequel appuyer le soll Ich werden (du Moi doit advenir ). Proccup de nvross, il va dvelopper avec et pour eux, une technique thrapeutique et une tentative systmatique de comprhension de la psych humaine. Sil est lui-mme intress par ltude des foules(Le Bon) pour approcher au plus prs des mcanismes didentifications, il ne va pas dvelopper dune faon heuristique ltude des psychoses, mme sil nous a laiss quelques textes trs fconds sur cette question. Cependant, et cest en cela que je propose de le ranger dans les prcurseurs de la Psychothrapie Institutionnelle, il prononce Budapest en Septembre 1918, au Vme Congrs International Psychanalytique, une confrence dans laquelle il dit : Pour conclure, je tiens examiner une situation qui appartient au domaine de lavenir et que nombre dentre vous considreront comme fantaisiste mais qui, mon avis, mrite que nos esprits sy prparent. Vous savez que le champ de notre action thrapeutique nest pas trs vaste. Nous ne sommes quune poigne danalystes et chacun dentre nous, mme en travaillant darrache-pied, ne 6

peut en une anne, se consacrer qu un trs petit nombre de malades. Par rapport limmense misre nvrotique rpandue sur la terre et qui , peut-tre, pourrait ne pas exister, ce que nous arrivons faire est peu prs ngligeable. ()On peut prvoir quun jour la conscience sociale sveillera et rappellera la collectivit que les pauvres ont les mmes droits un secours psychique qu laide chirurgicale qui leur est dj assure par la chirurgie salvatrice. La socit reconnatra aussi que la sant publique nest pas moins menace par les nvroses que par la tuberculose(). A ce moment-l on difiera des tablissements, des cliniques, ayant leur tte des mdecins psychanalystes qualifis et o lon sefforcera, laide de lanalyse, de conserver leur rsistance et leur activit des hommes, qui sans cela, sadonneraient la boisson, des femmes qui succombent sous le poids des frustrations, des enfants qui nont le choix quentre la dpravation et la nvrose.() Nous nous verrons alors obligs dadapter notre technique ces conditions nouvelles. () Peut-tre nous arrivera-t-il souvent de nintervenir utilement quen associant au secours psychique une aide matrielle(). Tout porte croire que, vu lapplication massive de notre thrapeutique, nous serons obligs de mler lor pur de lanalyse une quantit considrable du plomb de la suggestion directe(). Mais quelque soit la forme de cette psychothrapie populaire et de ses lments, les parties les plus importantes, les plus actives, demeureront celles qui auront t empruntes la stricte psychanalyse dnue de tout parti pris. 18 Pour une bonne part, la Psychothrapie Institutionnelle est une rponse cette prospective laquelle Freud se livrait au sortir immdiat de la guerre 1914-1918.

Hermann SimonMais un autre prcurseur a eu beaucoup dimportance galement : Hermann Simon, psychiatre trs influenc par Bleuler et lcole de Zurich, et par ce biais, par Freud. Adoptant une nouvelle orientation fondamentale en face du malade mental, il proclame explicitement que lapplication une vie collective active et ordonne est le meilleur moyen psychothrapeutique pour obtenir la gurison symptomatique. Pour Simon, trois maux menacent les malades dans les hpitaux psychiatriques, contre lesquels doit lutter sans arrt la thrapeutique : linaction, lambiance dfavorable de lhpital, et le prjug dirresponsabilit du malade lui-mme. Aussi, pour raliser son plan thrapeutique global, il propose quelques rflexions intressantes : dans le psychisme de chaque malade existe, ct dune partie malade, une partie saine et le psychiatre doit intentionnellement ngliger la premire()et chez chaque malade, ct des symptmes appartenant en propre la maladie, se trouvent dautres manifestations psychiques (comportements agressifs, inhibition, perte de la vivacit, thtralisme, strotypies, et spcialement toutes les manifestations caractre antisocial) qui sont conditionnes par lambiance et, tant en rapport avec la personnalit prmorbide elles peuvent tre favorablement influences par la thrapeutique plus active . Pour raliser ces vises, Simon organise la thrapeutique en sappuyant sur trois temps : la libert, inspire par le no restraint et l open door , qui ne doit pas tre confondre avec le simple laisser faire, laisser aller , la responsabilisation par la thrapeutique plus active et la structuration tlologique du milieu , la matrise psychothrapique du milieu avec tude des rsistances manant du personnel et de lhpital. Dautres personnes ont contribu dvelopper lide de psychothrapie collective et notamment aux Etats-Unis, o les ligues de protection des alins prenaient leur essor ds la fin du XIXme sicle et au dbut du XXme sicle, principalement sous limpulsion de A. Meyer et Beers. En France, cest E. Toulouse qui cra en 1920 la premire Ligue franaise dhygine mentale. Ce sont surtout les apports anglo-amricains qui ont donn aux thrapeutiques de groupes leurs dveloppements les plus significatifs.

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La psychothrapie de groupe amricaine et les clubs sociaux thrapeutiques. Linfluence psychanalytique et le mouvement sociomtrique.A partir des travaux dauteurs franais(Djerine, Camus, Pagniez), la psychothrapie de groupe amricaine sest labore progressivement. A Boston, en 1905, Pratt cr les premiers groupes thrapeutiques pour tuberculeux tendus par Emerson dautres affections somatiques, telles que les diabtes et les cardiopathies, et que Marsch applique en 1908, au traitement des maladies mentales. Lanne 1909 est marque par la srie de cinq confrences que Freud, invit avec Jung et Ferenczi, fait Worcester. Envisageant ds 1911 les productions dlirantes comme des tentatives de gurison et de rinvestissement du monde extrieur, Freud va proposer ds 1918, nous lavons vu, dtendre les techniques psychanalytiques aux tablissements. Or, ds 1933, lAmerican Psychiatric Association se consacre ltude du problme de la psychothrapie dans les services publics de psychiatrie, et notamment pour les psychotiques. Dj, partir de 1923, H.S Sullivan 19 avait commenc travailler avec les schizophrnes au Sheppard Pratt de Towson dans le Maryland. En 1934 New York, Slavson introduit la technique psychanalytique dans les groupes denfants. En 1946, Klapman reprend ltude du traitement des psychoses par les mthodes pdagogiques, quil place au centre de la psychothrapie gnrale dont le malade est le sujet dans lensemble de lorganisation hospitalire et ralise ainsi un plein-temps thrapeutique ordonn par une pense mdicale (Tosquelles). A la suite de cet auteur, un certain nombre de programmes ordonns de la vie hospitalire , dans lesquels divers types de psychothrapie de groupe se succdent, sont mis au point par Bettis, Hamilton, Malons, Halle, Landry. Tous ces travaux sont lis en partie linfluence de Moreno qui proposa, dabord Vienne puis aux Etats-Unis partir de 1926, ses mthodes psychodramatiques et sociomtriques. La sociologie amricaine de Ward et Giddings, influence par Comte, Spencer et Darwin, se concrtise sous linfluence de Moreno dans le mouvement sociomtrique et ses diverses extensions : thorie de la spontanit, thorie des relations interpersonnelles et des groupes, thorie de laction, thorie des rles sociaux, tude des groupes restreints, dynamique des groupes de Kurt Lewin,Avec le sociodrame et le psychodrame, la psychothrapie de groupe constitue une des trois branches de la sociomtrie qui se sont progressivement orientes vers les groupes psychanalytiques(Slavson, Gabriel, Ackermann, Wolf aux USA, Foulkes, et plus tard, Rickmann et Bion, en Grande-Bretagne). Est ainsi dcrite linfluence des patterns inconscients sur les patterns conscients rgissant le fonctionnement des groupes, lamlioration du fonctionnement du moi dans les situations de groupe (), lanalyse des rsistances et des types de transfert en groupe, lanalyse du contre-transfert des thrapeutes Sattaquant aux symptmes, ces techniques impliquaient la pratique concomitante de la rintgration sociale au travers dactivits varies allant de la rducation professionnelle aux runions multiples et la ralisation de clubs sociaux thrapeutiques gouvernement autonome organis , selon la formule de Bierer au Glasgow Royal Mental Hospital(1938). Pour Moreno, une thrapie dintergroupe ou de reconstruction simpose, les problmes dun individu ne pouvant tre rsolus dans un groupe artificiellement coup de la collectivit. La psychothrapie de groupe en institution exige donc linsertion dans lactuel du groupe aussi bien des dterminants affectifs interindividuels que des dterminants sociologiques sous-jacents( savoir la structure et la dynamique de linstitution et sa position dans les contextes sociologiques plus vastes). Le passage aux activits thrapeutiques concomitantes plusieurs groupes (comme la socio-analyse de Bockstaell, les activits centres sur le T-group de Bethel, le N Groupe de Schutz, les travaux de G.R Bach, Grimberg, Basombrio, Figueroa, Rodrigu, les therapeutic communities de Maxwell Jones, etc,)constitue, par la mise en vidence et le maniement de cette double polarit, une des directions de recherche les plus importantes20 . A noter galement les travaux de F. Fromm-Reichmann21 Chesnut Lodge de 1935 1957, qui vont poser les principes dune psychothrapie psychanalytique intensive institutionnelle, dans la double ligne de Freud, Groddeck, dune part et de H.S Sullivan dautre part. K. Menninger 22 a explor aussi ces voies psychothrapiques et institutionnelles. 8

En Amrique du Sud, des travaux sont intressants signaler : en Argentine, Angel Garma introduit la pense kleinienne et Enrique Pichon-Rivire ralise des groupes dadolescents psychotiques Buenos Aires. Cest l que Salomon Resnik et Willy et Madeleine Baranger iront se former la psychanalyse, avant de rejoindre, pour ce qui concerne Resnik, lAngleterre et sa prestigieuse cole psychanalytique(Klein, Rosenfeld, Bion, Bick, Winnicott), puis en France o il travaillera avec Tosquelles et Oury. Il restera jusqu aujourdhui, trs intress par les approches de groupe dans la comprhension et le traitement de la psychose. Ainsi, les conceptions anglo-amricaines ont permis aux psychiatres franais de dpasser, en lenrichissant, la thrapeutique plus active dont Hermann Simon avait expos les principes.

Les pdagoguesItard, considr comme le pre de la psychiatrie infanto-juvnile, a tent dduquer Victor, lenfant sauvage de lAveyron. Mme si sa tentative sest solde par un chec relatif, il faut bien dire quaprs lui, la pdagogie ne sest plus pense comme avant. Puis Sguin 23 introduit de nouvelles conceptions dans le domaine de la pdagogie. Avec Montessori 24, Pestalozzi25, Dewey26, Decroly27, Makarenko28, Cousinet29, des groupes denfants et dadolescents sont pris en charge et duqus en rfrence une conception plus ouverte de lhomme. Des personnalits trs marquantes telles que Freinet30 et la pdagogie qui portera son nom, font videmment partie des prcurseurs. L encore, les dcouvertes freudiennes vont influencer des pdagogues comme Aichorn31, Hug-Hellmuth32 Vienne, et galement Vera Schmidt33 qui tentera une exprience de crche Moscou jusqu la condamnation de la pense psychanalytique par la vulgate stalinienne. Tous ces prcurseurs pdagogues ont eu une influence sur lutilisation des mthodes de groupe dans la prise en charge des malades mentaux, enfants et adultes. Plus tard, nous verrons les rles jous par A.S Neill34, Summerhill, puis par F. Deligny35, dabord auprs des enfants et adolescents dlinquants, puis des autistes ; de mme par F. Oury36, sappuyant sur la pdagogie de Freinet et la fcondant avec dautres par la psychanalyse pour proposer la Pdagogie Institutionnelle .

Les fondateurs Le renouvellement de lassistance psychiatrique franaise de 1942 1950En France, lhistoire des thrapeutiques institutionnelles sinscrit dans le renouvellement de lassistance psychiatrique inaugure par Balvet en 1942 au Congrs de Montpellier qui, avec Tosquelles, dnoncent ltat des malades mentaux et reprennent lide de H. Simon selon laquelle il faut considrer la collectivit elle-mme comme malade et dterminer par quel processus les tablissements psychiatriques aggravent les malades mentaux, ce que Oury appellera plus tard la pathoplastie . Les 40 000 malades mentaux morts pendant la guerre 39-45 (sur les 80 000 hospitaliss en France) donnent un caractre tragique leurs prdictions et, sappuyant sur les expriences des prisonniers revenant des camps de concentration allemands, un grand mouvement de transformation des conditions dexercice de la psychiatrie est engag partir de 1945 par Balvet, Bonnaf, Chaurand, Daumezon, Ey, Fouquet, Le Guillant, Sivadon, Tosquelles et dautres dans le cadre des Journes Psychiatriques Nationales(1945-1947) et au sein de la commission des maladies mentales, jusquau Congrs de Bonneval sur les Psychothrapies collectives (1951). Dans cette priode trs fconde, le groupe Batia, linstar du groupe Bourbaki des mathmaticiens, compos de Ajuriaguerra, Bonnaf, Daumzon, Duchne, Ey, Follin, Fouquet, Lacan, Le Guillant, Mignot et Sivadon se runit avec lide de conjuguer le psychanalytique et linstitutionnel. Mais la guerre froide va aboutir lclatement du groupe en deux tendances, lune psychanalytique prvalente et 9

lautre constitue des psychiatres communistes pris en otage dans les menes staliniennes antipsychanalytiques. Cette sparation aura de trs lourdes consquences sur la psychiatrie franaise.

Georges Daumzon Georges Daumzon devient mdecin-directeur de Fleury ls Aubrais en 1938. Cest son deuxime poste. Brillamment reu au mdicat en 1937, lge de 25 ans, il a rdig sa thse sur La situation du personnel infirmier des asiles dalins . Trs engag dans le mouvement des Eclaireurs unionistes, il poursuivra cette activit mme aprs sa prise de fonction de mdecin-chef Sarreguemines. Il a puis dans cette exprience une partie de ce quil va investir comme organisateur de ce collectif dont il se verra confier la charge par un arrt ministriel. Sa formation juridique, laura que lui valent ses fonctions de secrtaire gnral du tout nouveau Syndicat des Mdecins des Hpitaux Psychiatriques, font de lui le rfrent privilgi de ceux qui cherchent des points dancrage thoriques et pratiques pour mener le combat dsaliniste (Bonnaf) dans des services de plus de 400 malades avec des infirmiers peine sortis de lre du gardiennage. Daumzon met laccent sur limportance dune tude sociologique du milieu asilaire et sa transformation par la cration dactivits diversifies fournissant aux patients des occasions de rencontres et dchanges. Pour la ralisation de cet objectif, il montre limportance de ce personnage en position de convivance avec les malades quest linfirmier, et en 1949, il cr avec Germaine Le Guillant, permanente aux centres dentranement aux mthodes dducation active, des stages de formation destins aux infirmiers en psychiatrie. Ces stages vont avoir une influence dterminante pour lessaimage de cette action transformatrice voire subversive. Il fait cole, et deux de ses lves qui achvent leur internat Maison Blanche avant son arrive Sainte Anne, vont prolonger son action leur accs la fonction de mdecin-chef. Philippe Koechlin, co-auteur de larticle qui cr le terme de psychothrapie institutionnelle rdigera sa thse sur Etude sur la place du travail dans la pratique psychiatrique actuelle (1951), ouvrira en 1960 lhpital psychiatrique Charcot en Seine et Oise, o en tant que mdecin-directeur, il initiera une exprience analogue celle de Daumzon. Philippe Paumelle37 qui a choisi pour sujet de thse Essai du traitement collectif du quartier dagits (1952), et ceci avant lre des neuroleptiques, sengage en 1960 dans la ralisation dun secteur de sant mentale sous la forme juridique dune association loi 1901. Lexprience du XIIIme arrondissement se fera avec quelques psychanalystes de valeur attirs par le travail en institution(Racamier, Diatkine, Lebovici, Woodburry). Ils feront part de leur exprience dans un ouvrage paru en 1970 : Le psychanalyste sans divan . Les stages des CEMEA sont loccasion de rencontres entre mdecins et infirmiers. Mais Daumzon constate certains malentendus quant lusage qui peut en tre fait. Il crit le 9 Mai 1957 dans une lettre destine ceux qui lont aid dans la ralisation de ces stages : Lutilisation par les mdecins et les administrateurs qui ne participent pas nos perspectives des stages et de leur enseignement, donne lieu souvent des rsultats aussi alinants que ltait lasile traditionnel . Lamertume qui se dgage de cette remarque rpondait au fait que les infirmiers revenaient des stages des CEMEA enrichis, non pas tant de techniques sociothrapiques ou de recettes pour occuper les malades, que dune approche et dune comprhension du fait psychopathologique et des modes relationnels, quils avaient eux-mmes vcues, entirement repenses et modifies. Il en dcoulait un changement radical de leur attitude professionnelle et le dsir de la mise en place de structures dsalinantes et thrapeutiques. Et ce faisant ils se heurtaient au traditionnalisme de la hirarchie infirmire et mdicale. Cest ce qui va lamener proposer des rencontres entre psychiatres et psychanalystes do sortiront, aux termes dchanges fructueux et parfois passionns, des orientations trs prcises, tant sur le devenir de la psychothrapie institutionnelle que de la psychiatrie de secteur38.

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Paul Sivadon Paul Sivadon se rvle trs tt comme un organisateur. Aprs un bref passage en province, il occupe un poste de mdecin Ville Evrard o il va raliser la premire exprience dune psychiatrie enrichie en personnel avec le soutien financier de la Scurit Sociale. Cest lui qui le premier accueille des collgues venant travailler avec lui en qualit dassistants. Peu aprs, Louis Le Guillant et Henri Ey organiseront leur tour des CTRS (Centre de Traitement et de Radaptation Sociale). Il cre un club de malades ouvert sur lextrieur et ralise un foyer de postcure. Il souligne limportance pour la vie dun service-ide neuve lpoque, prconise galement par Balvet, Bonnaf et Daumzon-des runions de personnel. Limportance que Sivadon accorde au travail et larchitecture le dsigneront tout naturellement pour devenir le conseiller puis le premier mdecin-directeur de lhpital psychiatrique rserv aux enseignants dont va se doter la MGEN. La Verrire essaimera dans Paris et en province en crant des hpitaux de jour, des centres de consultations spcialises et des centres de post-cure. Son dpart comme enseignant Bruxelles permettra ses lves(Amiel, Chanot, Garrab, Richoux) de prendre des responsabilits dans ces diffrentes institutions. 39

Franois TosquellesFranois Tosquelles est n Reus en Catalogne le 22 Aot 1912, dans une famille de la petite bourgeoisie marchande prtentions culturelles. Ayant frquent ds son enfance, par le rseau dalliances familiales, une institution psychiatrique locale inscrite dans le contexte culturel et politique de la Renaissance Catalane , trs tt il sengagea dans le paysage psychiatrique et dans le combat politique. Devenu mdecin de cette Institution Psychiatrique, il fut lun des lves de Mira i Lopez, dont la tche informative fleurit sur le terrain parcouru avant lui par les anciens psychiatres du mouvement philanthropique du sicle dernier. Ceux-l mme qui ont t la source de lInstitut Pere Mata, dont Mira finit par tre conseiller auprs de la direction, avant mme quavec lorganisation de lUniversit Autonome de Barcelone, il noccupe la chaire de psychiatrie. Mira donc, matre et ami, devint le lieu porte-parole de la continuit, ainsi que le tournant significatif, pour ne pas dire la coupure, dans la psychiatrie vcue comme pratique concrte, o le jeune Tosquelles sengagea : Psychiatrie infantile, Psychologie du travail, Psychologie juridique, et Pdagogie, constituent pour ainsi dire les divers centres dintrt que Mira dveloppa dans ses approches de la folie classique et de la psychothrapie, o souvrait le champ thorique de la psychanalyse et des effets des groupes sociaux, dans la progressive et variable singularisation dun chacun. Cest loccasion des faits politiques dAutriche et dAllemagne, quun certain nombre de Juifs se sont rfugis Barcelone, accueillis par Mira. Lun deux fut lanalyste de Tosquelles, de la fin 1931 1935. Tosquelles, ds 1934, avait tir les consquences des difficults structurelles rencontres par lintroduction de la psychanalyse classique du divan, dune part, dans les institutions ; et dautre part, il va sans dire, en ce qui concerne les enfants et les psychotiques, voire les psychopathes. Ce fut grce Werner Wolf, un autre rfugi , qui travaillait au mme Institut Pere Mata, mythologue fort entich de la psychologie de la forme, que souvrit une incidence dans lavenir professionnel de TosquellesCette malade, propos de laquelle Tosquelles avait publi lobservation en 1935, tout--coup, ne dit plus rien sur le divanTosquelles demanda laide du groupe de contrle, o alors Wolf dvoila ce que tous les infirmiers savaient, quelle avait choisi de parler une malade du service, sourde et aveugle. Cest cette occasion que Wolf dit : Es ist eine gestalt , un ensemble dlments, despaces articuls, dont on ne peut isoler sans leurres les parties, voire les individus en co-action dans ces espaces. Cest le point de dpart de la Psychothrapie Institutionnelle. Tosquelles a t dans sa jeunesse un lecteur attentif de Marx, voire un militant, ayant de ce fait une certaine pratique des groupes davant-garde. Quoi quil en soit, la guerre dEspagne arrta lessor de 11

la psychiaitrie civile-civilise de Catalogne. Ce fut pour lui loccasion dengager une intense activit psychiatrique au front dAragon, qui ne trouvera cependant paradoxalement loccasion de son panouissement majeur quaprs les journes sanglantes de mai, dont Tosquelles survcut par miracle, et aux fronts du sud de lEspagne, o il fut le chef des services psychiatriques de lArme de la Rpublique, depuis le dbut de 1938 jusquau 1 Avril 1939. Cest l que des services mobiles de secteur, ainsi que la communaut thrapeutique dAlmovar des Campo, sarticulaient avec ce quon peut appeler lhygine mentale aux armes, avec des tches de slection professionnelle de diverses armes, sans pour autant cesser de rendre service la population civile, en cas durgence ou dimpasses psychiatriques. Lorsquil put chapper au pige franquiste, il gagna la France le 1 erer Septembre 1939. Il tait convaincu que lexprience psychiatrique qui tait dj la sienne pourrait tre utile la lutte antifasciste dans laquelle la guerre de 1939 sinscrivait. Ce fut pour lui loccasion dinstaurer un service psychiatrique dans le camp de concentration de Sept Fonds. Le 6 Janvier 1940, il fut invit, trouva accueil et champ opratoire Saint-Alban, en Lozre. La dbandade de 1940 amena Saint-Alban, hasard et ncessit, refuge et combat, un certain nombre dintellectuels, mdecins et hommes de lettres. Il sagit donc dvnements et de conditions quon peut considrer en effet comme exceptionnels, grce auxquels il fut possible de mettre en place un dispositif psychiatrique o les perspectives du pass de Tosquelles pouvaient se montrer opratoires. La projection et la diffusion de cette exprience se rpandit aprs la guerre. Devenu mdecin puis psychiatre de lUniversit franaise aprs avoir franchi tous les chelons de la hirarchie hospitalire, il sera nomm mdecin-directeur en 1953. Durant ces annes de guerre et daprs guerre se retrouvent A. Chaurand, L. Bonnaf, P. Balvet puis M. Despinoy, R. Millon, F. Fanon, J. Oury, et plus tard R. Gentis et Y. Racine, et H. Torrubia qui venait, chaque semaine, dAurillac Saint-Alban. Il prend la responsabilit mdicale de linstitution pour enfants L clos du nid Marvejols. Tosquelles va accueillir Saint-Alban les premires journes du G.T.Psy en 1960, puis lors de sa disparition en 1965, il deviendra le premier prsident de la Socit de Psychothrapie Institutionnelle. En 1970, aprs une tentative Marseille, il est nomm la Nouvelle Forge, dans lOise, dans un secteur de psychiatrie infanto-juvnile. Puis, en 1975, nomm Agen, il se rapproche du Sud, aprs avoir renou depuis quelques annes avec la mouvance renaissante de lInstituto Pere Mata. Aprs avoir pris sa retraite en 1979, il continua animer de trs nombreux groupes de praticiens pour divers types dentretiens visant la formation professionnelle du personnel psychiste , et au dvoilement de lobjet mme de la psychopathologie qui simpose ces professionnels. 40 Son influence sur la psychiatrie franaise a t considrable et nous navons pas fini den dcouvrir tous les prolongements aujourdhui. Tosquelles est mort en Septembre 1994, Granges-surLot ; il avait particip juste avant sa disparition louvrage collectif sur la Psychothrapie Institutionnelle et conclu sa contribution ainsi : En tout cas, malgr la confusion et le pessimisme o se trouve engag lensemble des hommes en 1994, malgr mon tat physique actuel qui justifient ensemble le pessimisme gocentrique le plus radical, je dois dire ici que je reste convaincu que tant quil y a des hommes la surface du monde, quelque chose de leur dmarche reste acquis, se transmet, disparat parfois, mais aussi resurgit quoi quil en soit de catastrophes mortifres qui nous assaillent souvent. Comme on le sait, cette rsurgence prend le plus souvent des formes nouvelles qui sactualisent entre nous dans les enjeux du transfert 41.

Les psychothrapies collectives ; la priode des rencontres : 1950-1960En 1951, organises par Henri Ey, ont lieu les journes de Bonneval (aprs les fameuses journes de Septembre 1946 sur la Psychogense des nvroses et des psychoses42 avec Bonnaf, Ey, Lacan, ) sur le thme des Psychothrapies collectives . Tosquelles expose lorganisation mise au point dans lhpital de Saint-Alban et les bases de la Psychothrapie Institutionnelle. Il est vivement critiqu par Le Guillant qui lui reproche que les techniques de groupe flottent mi-chemin entre 12

des concepts psychanalytiques imprcis et une sociologie approximative puis plus loin, ces transformations lintrieur du dispositif matriel de lasile nous loigne des vrais problmes psychiatriques que sont ltude des situations pathognes qui alinent les hommes, leur mode daction et leur transformation. Lhpital nest ni un village ni une usine et il na que faire de singer leurs institutions. Le malade doit certes participer des groupes, mais ces groupes humains rels auxquels il appartenait et continue dappartenir. 43 Tosquelles lui rpond quil scotomise prcisment lanalyse du rejet du malade par la socit surtout quand il est psychotique. On peut voir dj dans ces oppositions, les racines de ce qui va aboutir au courant anti-psychiatrique de Cooper et Basaglia, puis plus tard une certaine conception de la rhabilitation sociale, celle qui nenvisage pas de traitement possible pour la psychose, et se contente donc dun traitement social . A cette poque ont lieu dautres travaux qui concourent lapprofondissement de ces notions de psychothrapie collective et favorisent les rencontres entre diffrents courants de pense. Cest ainsi que la Fdration Nationale de Croix-Marine, aprs la cration, linitiative de Doussinet, de la premire socit rgionale dhygine mentale Clermont-Ferrand en 1947, va venir jouer un grand rle dans la diffusion et la mise en place des ides de la psychothrapie institutionnelle. Henri Ey va galement contribuer ce renouveau par lorganisation Paris en 1950, du premier congrs international des psychiatres, au cours duquel un grand nombre de participants vont pouvoir rviser leurs positions et leurs malentendus 44. De nombreux textes prparatoires vont galement aboutir la prsentation par le ministre de circulaires visant rorganiser le fonctionnement de la psychiatrie : la circulaire du 4 Fvrier 1958 portant sur lorganisation du travail thrapeutique, et celle du 15 Mars 1960 sur la psychiatrie de secteur. Mais en attendant la parution de ces textes, les psychiatres se sont servis des associations loi 1901 conventionnes avec les hpitaux psychiatriques : Saint Alban, Lannemezan, Ville Evrard, Villejuif, Bonneval, Aix en Provence, Vauclaire, Leyme, Auch, Aurillac, Toulouse, etcLes travaux des auteurs ont port sur lanalyse critique des structures traditionnelles et sur les structures idales, sur lutilisation de la psychanalyse et de la sociodynamique. Citons par ordre chronologique : Ridoux(1950), Alizon, Follin, Scheer, Koechlin(1951), Benoiston, Berthier, Calvet, Paumelle, Theallet(1952), Margat, Puech(1953), Azoulay, Fanon, Ouls, Teuli(1954), Rappard, Schweich, Segui(1955), Oury(1956), Ayme, Baudry, Bidault, Racamier(1957), Chaigneau, Fernandez-Zola, Gentis, Guillet, Michaud, Torrubia(1959), Roelens(1960), Colmin(1961), Poncin, Rothberg, Simon, Teboul(1962) En 1957, au congrs de Zurich, Oury fait une intervention sur Lentourage du malade dans le cadre de la thrapeutique institutionnelle dans laquelle il insiste sur les deux alinations et sur limportance deffets inattendus de cette technique : Par une technique du milieu, le mdecin arrive clairer des zones de la personnalit de chacun qui seraient restes tout jamais dans lombre. Elle tend crer des systmes de mdiation contrls mdicalement entre lensemble du personnel de lhpital et lensemble des malades.() Cette dialectique soignants-soigns instaure un ordre particulier qui bouleverse les structures trop anciennes , et donne sa signification tout systme mdiatif que lon cherche crer . Entretemps, en 1957 et 1958, ont lieu linitiative de Daumzon, les rencontres du groupe de Svres. Ce groupe rassemble tout ceux quanime la volont de changements institutionnels, les hritiers de Pinel et de Freud. Ayme45 les dcrit ainsi : Le groupe runit soit ceux qui veulent subvertir linstitution asilaire pour en faire un vritable instrument de soins, dsireux de gurir dans la mme dmarche les institutions et les malades quelles accueillent, soit ceux qui veulent crer un ailleurs dgag des facteurs dalination de structures hrites du pass . Il poursuit : Les premiers sont principalement des psychiatres cliniciens qui, partir des expriences de type simonien, laborent une rationalisation des phnomnes de groupes en institution selon plusieurs directions : psychanalyse, psychiatrie, phnomnologie, anthropologie structurale, psychologie sociale, linguistique(Daumzon, Oury, Tosquelles, Bailly-Salin, Ayme, Chaigneau,)Les seconds sont plutt des psychanalystes qui tendent une mthode prouve en thrapeutique 13

individuelle aux situations de groupe (Lebovici, Diatkine, Racamier, Kestemberg, ). Le problme se pose, partir de cette tendance, de la spcificit thrapeutique propre des phnomnes de groupe. Les thmes abords touchent la lutte contre la suralination asilaire, la participation des infirmiers la psychothrapie, et la politique de secteur. Mais un conflit clate et deux tendances vont dvelopper chacune dans leur style une thorico-pratique rfre la fois la psychanalyse et aux institutions. Rappelons toutefois quau niveau du contexte gnral, Staline est mort en 1953 et le rapport fait par Kroutchev en 1956 au XXme congrs du PC dURSS peut laisser esprer une dtente ; la reprise en main de Budapest en Octobre 1956 montrera quil nen est rien. A noter galement le dbut de la guerre dAlgrie en 1954 avec ses consquences en France et en Algrie. Un autre vnement aura une grande porte dans le conflit du groupe de Svres, la scission de la Socit Psychanalytique de Paris et la cration de la Socit Franaise de Psychanalyse aprs le rapport fait Rome par Jacques Lacan46 en Septembre 1953.

La dispersion : 1960-1970Autour de Tosquelles et de Oury, un petit nombre de responsables de services de psychiatrie se regroupent(Gentis, Poncin, Racine, Tosquelles, Oury, Torrubia, Colmin, Paillot, Ayme, puis Baudry, Chaigneau, Michaud, Million, Polak, Rappard, Vermorel, Guattari) pour douze rencontres qui vont se situer entre le 1 Mai 1960 et le 31 Octobre 1965, avec la participation frquente de Jacques Schotte47, psychiatre et psychanalyste enseignant Louvain. Les thmes abords sont l encore indicatifs des proccupations des participants tant sur les plans thoriques que pratiques : ltablissement psychothrapique comme ensemble signifiant, largent lhpital psychiatrique, fantasme et institution, le concept de production dans le collectif psychiatrique, la notion de superstructure, le transfert en institution Puis en 1965, la Socit de Psychothrapie Institutionnelle est cre sous la forme dune fdration de groupes rgionaux. Cest l que Tosquelles propose sa clbre mtaphore : La psychothrapie institutionnelle marche sur deux jambes : la psychanalytique et la politique . Une revue appele Psychothrapie institutionnelle est dite et va faire paratre sept numros sur les grands concepts : le transfert, la transversalit, la hirarchie, la pdagogie, Mais en 1968, la SPI cesse de fonctionner Devant la grande affluence que commencent connatre ces petits groupes, Guattari cr le FGERI(Fdration des Groupes dEtude et de Recherche Institutionnelle) qui publiera la revue Recherches. Pendant ce temps, Racamier, Lebovici, Diatkine, et Paumelle vont travailler ces articulations diffremment et produire un livre trs important Le psychanalyste sans divan 48, qui contient beaucoup dlments trs intressants, notamment la prudente contribution de Diatkine 49 : Lapport de la thorie psychanalytique la comprhension des maladies mentales et ventuellement lorganisation dinstitutions destines les traiter et galement celle de Racamier sur les Interactions dynamiques entre les malades et linstitution , dans laquelle il dcrit en dtail lobservation princeps de Stanton et Schwartz sur les phnomnes de rsonance sociopathologique entre dissociation schizophrnique et dissociation du milieu 50. Oury gnralisera le principe de Stanton et Schwartz en laborant sur le plan thrapeutique la rponse que constitue la constellation transfrentielle ces problmes spcifiques des psychoses. Cet ouvrage, sil reste un lment fondamental des travaux de lcole du XIIIme, offre un certain nombre de divergences avec le courant de Psychothrapie Institutionnelle, notamment sur le concept de transfert : pour lquipe du XIIIme, le transfert doit tre restreint la seule curetype et ses entours immdiats ; les mouvements affectifs entre les patients et les soignants sont des attitudes et des contre-attitudes et ne relvent pas du mme espace de rfrence. Pour le mouvement de Psychothrapie Institutionnelle, le transfert englobe lensemble de la situation institutionnelle et doit donc tre apprhend en tant que tel dans les espaces de paroles institus ; Tosquelles cr cette fin le concept de contre-transfert institutionnel . 14

Mais sil nest pas possible de ne pas reconnatre ces divergences, je reste persuad, quarante ans aprs, que les points de rapprochements taient plus nombreux que les divergences. Bien sr, outre les positions politiques diffrentes, nous pouvons comprendre aujourdhui que la question des appartenances psychanalytiques a eu la plus grande importance sur les avatarsinstitutionnels de ces courants. Je noublie pas non plus que ces psychanalystes, Lebovici et Diatkine, ont fond cette poque lcole de pdopsychiatrie franaise qui a aujourdhui un grand renom sur le plan international. Des rapprochements sont sans doute maintenant possibles et souhaitables. En tout cas, ils sont attendus par ceux qui se soucient aujourdhui la fois de psychanalyse et dinstitution, notamment pour le soin des psychotiques enfants et adultes.

Jean OuryEn 1947, alors quil est en quatrime anne de mdecine, Oury assiste grce Millon au cycle de confrences hebdomadaires de la rue dUlm : Ey, Lacan, Bonnaf, TosquellesIl hsite entre la recherche en Physique-chimie lInstitut Pasteur et la Psychiatrie. Ajuriaguerra reoit une lettre de Tosquelles qui propose deux postes dinterne Saint-Alban : Oury et Millon y arrivent le 3 Septembre 1947. Cest le dbut dune amiti avec Tosquelles qui ne se dmentira jamais. Oury reste Saint-Alban deux ans, puis part Saumery en Octobre 1949. En dcembre 1950, il est ths et qualifi en psychiatrie et se retrouve de fait mdecin-directeur jusquen 1953. Le 3 Avril, Oury sinstalle La Borde avec les patients de Saumery qui lont suivi. Commence alors lhistoire dun lieu qui a contribu soigner un nombre norme de patients atteints de psychoses et dautres pathologies, mais aussi accueillir des stagiaires du monde entier, venus La Borde pour y rflchir avec les soignants permanents, les moniteurs , sur les pratiques et la thorie de la psychothrapie institutionnelle, et dire vrai, de la psychiatrie, et pouvoir en importer les invariants structuraux dans leurs services dorigine. Oury rencontre Lacan, va travailler avec lui pendant plus de vingt, et particulirement dans le cadre de lEcole Freudienne dont il devient un des principaux membres, et ainsi participer cette aventure du retour Freud . Il rencontre galement Flix Guattari qui apportera la Borde son dynamisme intellectuel et y prendra racine. Cette clinique, unique en son genre, a t et est encore le lieu le plus actif dans llaboration de la thorico-pratique psychiatrique rfre la Psychothrapie Institutionnelle. Oury, un des psychiatres qui connat le mieux au monde la psychose (Gentis), continue denseigner la faon dAntigone, sans certitudes, acceptant toujours de remettre sur le mtier les concepts fondamentaux, en forgeant de nouveaux, intransigeant sur la position thique, gnreux de sa culture encyclopdique, toujours en position dpistmologue devant un problme quel quil soit, et rigoureux dans la prsentation de ses rflexions les plus novatrices. Ses sminaires et confrencesdbats sont toujours des sources de surprises et denrichissement, et il fait partie de ces quelques rares personnes qui aident vraiment penser en premire personne et non la manire de...Lecteur insatiable, il articule Freud, Lacan, Marx, Tosquelles, Maldiney, Schotte, Heidegger, Kierkegaard, et dinnombrables auteurs avec ses propres conceptions et ouvre ainsi des perspectives la fois thoriques et concrtes aux champs psychiatriques. Infatigable militant de la Psychothrapie Institutionnelle, il continue danimer ce mouvement en insistant sur la ncessit des espaces ouverts, sans jamais abandonner ceux qui comptent sur lui. De trs nombreux documents crits, enregistrs, films sont consultables pour approcher lhistoire de ce quil faut bien appeler un des gants de la psychiatrie contemporaine.

Ayme, Chaigneau, Gentis, Rappard, TorrubiaParmi les principaux artisans de ce mouvements, Ayme, Chaigneau, Gentis, Rappard et Torrubia ont eu galement un rle important dans la diffusion des ides et des pratiques de la Psychothrapie Institutionnelle. 15

Jean Ayme, psychiatre des hpitaux, mdecin-directeur Clermont de lOise, puis chef de service Sainte-Anne Paris est un militant depuis le dbut de sa carrire psychiatrique. Il va devenir Prsident du Syndicat des Psychiatres des Hpitaux et arriver faire prendre conscience de limportance des concepts de la psychiatrie de secteur et de la psychothrapie institutionnelle dans la pratique des quipes de secteur franaises. Passionn dhistoire, il va crire de trs importantes contributions51 celle du mouvement de Psychothrapie institutionnelle, mais il est aussi lauteur dun ouvrage52 fondamental sur lhistoire de la psychiatrie franaise au cours de la deuxime moiti du XXme sicle. Hlne Chaigneau, psychiatre des hpitaux, chef de service Maison Blanche, a contribu lapprofondissement permanent des concepts de la psychothrapie institutionnelle par son souci de la rigueur et de la justesse. Son esprit critique et sa brillante intelligence des personnes et des vnements en font un des piliers de la sagesse psychiatrique. Plusieurs de ses lves(Karavokyros, Baillon) ont contribu dvelopper de vritables politiques de secteur dans les services quils ont dirigs. Roger Gentis, form Saint Alban avec Tosquelles et ses collgues, a su donner un essor particulier la psychiatrie en publiant un pamphlet Les murs de lasile53 qui a eu un norme retentissement, laissant malheureusement dans lombre une pratique trs intressante douverture psychiatrique sur le secteur, le projet Alose54, mene Orlans en articulation avec le culturel . Il sest galement pench sur les thrapies mettant le corps 55 en scne dans les approches psychothrapiques. Philippe Rappard, psychiatre des hpitaux, interne chez Henri Ey, a crit une thse sur Les clubs thrapeutiques (Bordeaux, 1955). Chef de service Etampes, il a publi de trs nombreux textes sur la thorie de la psychothrapie institutionnelle et notamment son fameux La folie et ltat 56. Horace Torrubia, psychiatre des hpitaux, chef de service Fleury-ls-Aubrais avec Gentis, aprs avoir particip la guerre civile espagnole aux cts des rpublicains, est oblig de fuir son pays, linstar de Tosquelles. Il fait sa mdecine Toulouse et est nomm Aurillac, ce qui lui permettra des contacts intenses avec lquipe de Saint-Alban. Il a incarn une fonction trs importante dans le mouvement de psychothrapie institutionnelle, celle du doute mthodique :et si ce ntait pas a ? se plaisait-il dire lors des discussions roboratives que les uns et les autres avions avec lui. Toujours soucieux de cohrence sur le plan intellectuel et de vrit sur le plan affectif, il a su instaurer dans son service une qualit des soins rare. A une patiente dlirante qui, le voyant arriver pour la premire fois dans le service, lui avait envoy une magistrale paire de gifles, il rpondit, devant son personnel prt maintenir la patiente pour le dfendre, quil avait compris quelle voulait lui parler ; et de sisoler avec elle pour lcouter, indiquant par ce geste quil souhaitait transformer les passage--lacte en autant doccasions de parler. Un ouvrage reprenant ses principales publications devrait sortir prochainement.

1970-2000. Psychothrapie institutionnelle et psychiatrie de secteur : renaissance ou survie La mise en place du secteur en rfrence la psychothrapie institutionnelle: 1970-1980Artarit, Baillon, Bailly-Salin, Broustra, Certhoux, Chollet, Colmin, Dissez, Gaussel, Henry, Karavokyros, Liauzu, Racine, Ribstein, Roth, Tosquellas, Viader, et beaucoup dautresvont mettre en place, l o ils sont nomms, les secteurs de psychiatrie avec un certain nombre de vicissitudes qui donneront lieu beaucoup de travaux. Je dois souligner ce moment, la place dterminante qua eu le syndicat des psychiatres des hpitaux pour relayer, soutenir et laborer collectivement les applications de la doctrine de secteur dans chaque dpartement, souvent contre 16

les directions administratives locales peu au fait des raisons profondes de cette rvolution psychiatrique. La mise en place de la psychiatrie de secteur partir des annes 1970 va avoir une influence dterminante dans lextension des ides et des pratiques de la psychothrapie institutionnelle, dans la mesure o pour ses fondateurs, nous lavons vu, limportance de la dsalination accomplir est dterminante pour changer le visage de la psychiatrie. Plusieurs scnarios vont se drouler : soit le service hospitalier est ancien et a un pass trs asilaire en ce qui concerne les pratiques et la mise en place du secteur extra-hospitalier sera pour le moins pnible, soit le service hospitalier nexiste pas et il va sagir dune implantation pralable mais la question des hospitalisations se posera souvent dune faon conflictuelle avec les services chargs des hospitalisations leur place, soit le service hospitalier a dj depuis longtemps commenc travailler dans un esprit de secteur et cette rforme va se mettre en place dans de bonnes conditions humaines pour les patients et les soignants. Cest en 1976 que le groupe rgional de Brignac va se mettre en place sous limpulsion de Colmin qui a runi Sainte-Gemmes sur Loire quelques psychiatres autour de lui dans le but de transformer ce viel asile en un tablissement fonctionnant en rfrence la psychothrapie institutionnelle ; il sagit au dbut de Jacques Henry, Grard Mercier, Marie-Franoise Le Roux, Daniel Denis et Pierre Delion. Un contact avec Jean Oury permet, pour la premire rencontre de 1976, de rassembler quelques psychiatres intresss parmi lesquels Monroy, Baillon, Leclerc, Bidault, Laffond, Dissez, Roulot, Sans et quelques autres. Ce groupe continue aujourdhui de se runir depuis 24 ans et a abord de trs nombreux thmes toujours articuls avec des monographies de services. Les CPN, cette poque pratique autour de quelques foyers nantais une psychothrapie institutionnelle trs militante qui fera naufrage dans la cration de la Fondation au Cellier. A la Roche sur Yon , Pennec et les Horassius 57 mettent en place une psychiatrie de secteur trs en lien avec les expriences de Paumelle Paris ; ils ont la chance rare davoir un directeur, Mazurelle, qui favorise les initiatives des psychiatres de secteur et de leurs quipes. Cest l que se formeront Barr, Halimi et les Gloannec. A Nantes, Ganry dveloppe son service dans cette mouvance, avec P. Rhabiller, Touret Fontenay le Comte, A Villeurbanne, Hochmann58 pour les enfants et Sassolas pour les adultes, dans la mme ligne, mettent en place leur association Sant mentale et communaut , dont le travail dapprofondissement et darticulation entre psychanalyse et institution est remarquable bien des gards.

Un dveloppement bien tempr : 1980-1990Mais en France, dautres rgions ont ralis un trs gros travail de rflexion pour mettre en place une psychiatrie de secteur de bonne qualit. Je cite titre indicatif : Le Roux Morlaix puis Landerneau, Dissez avec Drylewicz Tours, Minard Dax, Chemla Reims, Henry, Denis, Buzar, Robelet et Delion Angers, Richon Thouars, Roth Sarreguemines, Mercier Laval, Viader, Giudicelli59, Moreau et Tosquellas Marseille, Phrivong Rennes puis Fontenay le Comte, Darrot la Roche sur Foron, Legendre Anemasse, Marciano Bziers, Tonnelier Toulon, Drogoul Paris, Constant60 Chartres, Halimi61 la Roche sur Yon, Contadour(familles daccueil thrapeutiques) Nantes, Saint Simon Toulouse, Des dbats passionns ont lieu pour savoir sil faut ou non crer des clubs thrapeutiques dans lextra-hospitalier, comment les articuler avec les clubs intra-hospitaliers et avec les structures associatives de la commune ou du quartier urbain. Les questions de la sgrgation se posent avec acuit dans la mesure o chaque service a accueilli les patients hospitaliss dans diffrents services antrieurement trs cloisonns, la fois sans mixit vraiment ralise, avec des sparations de pathologies beaucoup trop rigides. Les infirmiers psychiatriques sont trs actifs dans cette transformation de la psychiatrie et sils ont t une des principales forces vives pour ces changements trs profonds, la suppression de leur diplme spcifique a t pour la psychiatrie dynamique un coup trs dur. En effet, il aurait t tout--fait possible de ne pas traiter ce problme 17

ainsi tout en leur permettant de rejoindre le corps des Diplms dEtat auquel ils auraient d appartenir pour services rendus. Mais lvolution va montrer les difficults engendres par une analyse trop superficielle des problmes poss la sectorisation : certains services vont devenir trs clivs en deux parties quelques fois trs diffrentes : un extra-hospitalier de bonne qualit et un intra-hospitalier asilaire. Ces exemples reposent sur une organisation sparant de fait les deux parties du service et en faisant des services quasiment autonomes lun par rapport lautre. Cette constatation est la rsultante dune absence de prise en compte du contre-transfert institutionnel, notion sur laquelle Tosquelles insistait beaucoup. En effet, comment soigner un patient en extra-hospitalier et esprer quil dveloppe une relation de confiance avec ces soignants, si ds la premire dcompensation, ce sont dautres soignants, ceux de lintra qui le prennent en charge ? Nous savons bien que cette logique, loin de rpondre des arguments techniques, est un amnagement de conditions de travail privilgies des uns par rapport aux autres. La logique psychothrapique repose sur la relation transfrentielle qui, elle, repose sur la continuit des soins. Sans cette continuit, pas de relation psychothrapique et donc pas de psychothrapie institutionnelle. Pour nous aider penser toutes ces difficults, Oury, le plus public des psychiatres privs62 , propose ds le dbut des annes 80, peu aprs la mort de Lacan, de faire un Sminaire SainteAnne chaque mois. Il commencera par Espaces, transfert et psychose . Ces sminaires continuent encore aujourdhui, et par ltendue des thmes abords et leur prise directe dans le concret, permettent beaucoup de soignants de mieux travailler et penser la psychiatrie. Cest en 1986, qua lieu au Mans, linitiative de Delion, une premire journe nationale des associations culturelles, qui a pour thme : Le lit, la table et les couloirs : psychopathologie de la vie quotidienne . Cette manifestation annuelle runit lquinoxe de printemps chaque anne maintenant, de 300 5OO participants des quipes soignantes francophones pour travailler ensemble sur des thmes mobilisateurs : le transfert, les potentialits soignantes, la fonction daccueil, Cest galement dans cette dcade que les acteurs de diffrentes rgions ont commenc leurs runions : Association Mditerrannenne de Psychothrapie Institutionnelle avec Tosquellas, Moreau, Olive et Viader, Sar-Lor-Lux avec Roth, Hoffmann,

1990-2000 : la psychothrapie institutionnelle dans la psychiatrie en criseLes effets de la logomachie sur la dsinstitutionnalisation se font sentir lourdement dans la mesure o les acteurs de la psychothrapie institutionnelle en arrivent tre obligs de rappeler aux collgues, aux tutelles hospitalires, etc, que la diminution du nombre de lits hospitaliers en psychiatrie ne doit pas tre une fin en soi. En supprimant des lits, on ne supprime pas le travail psychothrapique continuer avec les patients au long cours, au contraire, on laugmente. Comme la logique de la diminution du nombre des lits a t trs bien rcupre par les dcideurs pour faire des conomies, ceux qui luttent contre les effets nfastes de cette diminution sche passent facilement pour des conservateurs anti-progrs. Le courant antipsychiatrique dsormais reprsent par cette tendance est nouveau en opposition avec la Psychothrapie Institutionnelle. Il semble quune partie du courant de la Rhabilitation Sociale, trs en pointe actuellement, ait ralli ces positions, et tente danticiper sur le dlestage des patients chroniques dans le mdico-social, en proposant, en lieu et place dun traitement possible de la psychose63, auquel certains nont jamais vraiment adhr, des prises en charge qui sloignent progressivement de la notion de soin actif. Lide daider le patient se rinscrire dans le monde du travail est louable et prside la notion de soins de radaptation ; il nen est pas de mme lorsque la rhabilitation prtend remplacer le soin. Allant de pair avec ces restrictions budgtaires objectives, et les diminutions de psychiatres dans le service public au profit dune installation massive dans la pratique prive, la suppression du diplme dinfirmier psychiatrique, sous le prtexte de lEurope, va aboutir leur dmoralisation, et cette priode reste pour beaucoup celle dun moment de dpression gnrale centre sur lhpital18

entreprise, et laissant le renforcement des pouvoirs des directeurs prendre toute son ampleur. Les ordonnances Jupp, rorganisant la philosophie de la Scurit Sociale, vont crer les Agences Rgionales de lHospitalisation, vritables lieux du pouvoir sanitaire. Une nouvelle culture apparat dans les hpitaux gnraux qui tend tre extrapole dans les hpitaux chargs de la psychiatrie, sans tenir le moindre compte de leur spcificits incontournables. Les efforts importants pour dvelopper un esprit dquipe dans les services sectoriss sont lobjet dattaques en rgle pour instaurer un discours dentreprise hospitalocentrique.

Aujourdhui : tat des lieuxLes ples de rfrence : la psychothrapie institutionnelle cest la psychiatrie (Oury) Le CRIC Caen(Villeneuve, Crt, Ecobichon), lAMPI Marseille(Moreau, Olive, Tosquellas, Viader), la Crie Reims(Chemla, Rochereau), lACSM Angers( Alapetite, Petit, Delion), lAREPP(Minard, Castra, Claus,), la Borde Cour Cheverny(Oury, Couturier, Bichon, Lecarpentier, Roulot,), St Martin du Vignogoul Montpellier(Bokobza, Mornet, Enjalbert), Esper au Cellier(Crossay, Etienne), Camille Blaizot Caen(Villeneuve), Cluny Bellangreville(Deutch,Crt), Reus(Labad, Garcia), Barcelone(Fernando Vicente), Huesca(Gonzals), Rome(Amati), Mendrizio(Pellandini, Mazzolini), Setubal (Braulio), Sarrebrck(Hoffmann), Sarreguemines(Roth), Tours(Dissez/Jouhet)(Drylewicz), Landerneau(Le Roux, de Chaizemartin), Pontarlier( ?), Bressuire(Richon, Filet, Marquet), Rodez(Sans), Dax(Minard, Castra), Bondy(Baillon, Doukan), Paris(Drogoul, Simon ), Villejuif(Spiesser), Rennes(Chevallier, Launat), Saint-Alban(Nayrat, Bteille), Saint Simon Toulouse(Monmayrant), Maubeuge(Inion),

La Psychothrapie Institutionnelle et ses proches : les Thrapeutiques Institutionnelles XIIImeCette quipe sefforce dintgrer la perspective psychanalytique la ralit nouvelle dinstitutions qui ont cess dtre a priori hospitalo-centriques. La prsence de lquipe traitante auprs et au sein de la communaut sociale, sa disponibilit, sa continuit, sa mobilit et presque son ubiquit, sa prsence consistante, indestructible et durable sont considres par Paumelle comme des conditions essentielles du travail institutionnel. Au lieu que le psychiatre matrialise et reprsente, par son propre isolement dans le sein de la forteresse hospitalire, la rupture du malade davec le tissu socio-familial, le psychiatre de secteur reprsente un lien continu et un mdiateur actif entre le malade et la ralit sociale, ralit dont il fait lui-mme partie. Bquart et Azoulay sattachent dfinir la situation institutionnelle, et chacun deux la diffrencie de la situation psychanalytique. Il est vident que linstitution ne saurait calquer son ambition sur celle de la cure psychanalytique, mais nen permet pas moins, dans certaines conditions, une mobilisation psychodynamique relle. 64Cette quipe de renom, avec Paumelle, Diatkine, Lebovici, Bquart, Azoulay, Balier, a t rejointe par Woodbury, en provenance des USA, et porteur de la culture psychanalytique de Chestnut Lodge. Les avances sur le plan des thrapeutiques institutionnelles ont continu et aujourdhui, avec une quipe renouvele(Gautier 65, Bonnet, Avram, Souffir,), des travaux importants continuent dy tre raliss. Lexemple de l Unit du soir 66 cre par Diatkine est un modle des nouvelles voies que peuvent prendre les thrapeutiques institutionnelles.

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Hochmann, SassolasJacques Hochmann67, en crant avec son quipe lyonnaise, lassociation Sant mentale et communaut, a mis en uvre un vaste projet de secteur permettant daccueillir les enfants et les adolescents en souffrance psychopathologique, y compris les enfants autistes les plus graves. Ce faisant, il pariait sur les capacits des soignants prendre en charge ces pathologies dans la cit. Ses travaux, connus internationalement, insistent toujours sur limportance de se dprendre du processus autistisant en sappuyant sur la crativit, que seule linstitution mentale de chacun, mise au travail, peut produire. Par ce quil appelle la mise en rcit, il conjugue dune faon fine et articule les avances de la psychothrapie et les possibilits des institutions. Marcel Sassolas68 qui travaille galement au sein de la mme association, articule les plans psychanalytiques et institutionnels au service des patients adultes psychotiques. Tentant de sauvegarder et restaurer leur activit mentale, alors que celle-ci est justement, comme il le dit, lpine irritative dont ils cherchent inconsciemment se dfaire, il prserve et renforce leur identit de sujet, alors quils se fuient eux-mmes dans des constructions dlirantes. Ce faisant, il prend revers certains aspects de la psychiatrie actuelle, volontiers tente de rduire le fonctionnement mental ses supports biologiques et comportementaux.

MissRoger Miss69, pdopsychiatre ayant eu une importance considrable en France quant la mise en place des secteurs de psychiatrie infanto-juvnile et leur reconnaissance dans le dispositif sanitaire, a appuy sa rflexion sur son travail la Fondation Valle. Aprs plusieurs annes auprs des enfants, les expriences ralises par son quipe avaient russi transformer cette institution devenue asilaire aprs le dpart de son fondateur, Bourneville, en un centre vocation curative, assorti dun dispositif extra-hospitalier orient vers la prvention et les soins ambulatoires. En restant au plus prs dune pratique envisage tantt de faon largie, tantt partir dexpriences focalises, Miss montre comment les membres de lquipe contribuent lvolution dun authentique processus psychothrapique, les changes ducatifs ou pdagogiques devenant mme les instruments privilgis de mdiations psychothrapeutiques.

Tavistock ClinicLa Tavistock Clinic de Londres, cole mondialement connue de formation des psychanalystes kleiniens, a beaucoup dvelopp de travaux dans la direction des autismes et des psychoses. Ses psychanalystes, en acceptant de participer nos congrs et journes de formation, contribuent trs largement notre meilleure comprhension de la psychopathologie. Par ailleurs, leurs liens avec les psychanalystes ayant dvelopp des recherches sur les groupes (Bion,)ouvrent des perspectives de travail en commun sur la double problmatique de la psychanalyse des psychoses et des institutions. A noter enfin que le dveloppement de la mthode dobservation directe des bbs cre linstigation dEsther Bick, est une approche pleine despoir dans la mise en place dune vritable prvention concrte.

ISPSLInternational Symposium for Psychothrapia of Schizophrenia and Child Psychosis est une association fonde par Benedetti, Mller, Lidz, Alanen, etc en vue de promouvoir les psychothrapies pour les personnes schizophrnes, autistes et autres psychoses dans un environnement international tent par des approches en apparence plus pragmatiques et loignes pour ne pas dire hostiles la psychanalyse dinspiration freudienne. La participation de quelques uns dentre nous aux dernires runions (London, 1997 ; Stavanger, 2000) laisse augurer de la possibilit dtre nouveau en contact avec le monde anglo-saxon par leur intermdiaire et ainsi pouvoir tmoigner des thses de la psychothrapie institutionnelle sur un plan international. SOFOR 20

Cet organisme de formation et de recherche cr par Francis et Christiane Jeanson, Nicole Rumeau, et Michel Minard, repose sur des prsupposs thoriques fortement ancrs dans la tendance progressiste de la psychiatrie. Dj Jeanson avait pris parti, comme il sait le faire pour de grandes causes(Algrie, Yougoslavie, et psychiatrie), pour une psychiatrie rsolument tourne vers la cit, fonctionnant dune faon dmocratique, et soucieuse dune formation intense pour ses acteurs. La rencontre avec Minard devait le dcider franchir le pas de la cration de la SOFOR(Sud Ouest Formation Recherche) pour mettre au service des quipes soignantes dsireuses de se former pour mieux soigner, une organisation dynamique, thique et perfomante. Les nombreux contacts entre cet organisme et le mouvement de psychothrapie institutionnelle ont toujours permis davancer dans la voie du dsalinisme avec efficacit mais sans concessions.

Fdration Nationale des Associations Croix MarineCette fdration ne au lendemain de la deuxime guerre est devenue une allie de la psychothrapie institutionnelle. Elle organise chaque anne un congrs sur des thmes importants de la psychiatrie contemporaine, en russissant rassembler des professionnels de statuts trs varis et les mettre en communication les uns avec les autres. Un groupe est traditionnellement anim par Oury et porte sur les problmatiques institutionnelles concernant le thme des journes annuelles.

Fdration Internationale des Croix MarineLa fdration internationale a t cre par certains membres de la Croix Marine afin de fortifier les liens avec les pays disposant de structures daide la sant mentale, et particulirement les pays en voie de dveloppement. Outre les pays europens, les principaux pays reprsents sont les pays africains et dAmrique du sud. Cela contribue crer des relations fonctionnelles avec ces pays en ce qui concerne aussi la Psychothrapie Institutionnelle.

Encore dautres

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La Fondation John Bost Bergerac, lhpital de jour Wilson Bordeaux (Demangeat), CONCEPTS

Le malade mental et la double alination mentale et sociale Depuis 1948, au moment de la condamnation de la psychanalyse par le jdanovisme, jai insist sur la distinction entre alination sociale et alination psychopathologique . Prise de position fondamentale, dautant plus quune vingtaine dannes plus tard les antipsychiatres considrrent les maladies mentales comme simples effets des problmes de socit : thse qui constitue lun des facteurs de la confusion actuelle entre resocialisation et soins. Il est ncessaire de proposer quelques jalons pour lutter contre un processus de dspcification du fait psychiatrique. En effet, sur la base dune idologie mdicale rudimentaire, cette attitude conduit une hypersgrgation sous le couvert dune technique moderniste(). Le mot alination , dorigine latine, apparat dans plusieurs domaines : juridique, mtaphysique, religieux, esthtique. Mais nous nous appuyons surtout sur les expressions germaniques, celles reprises par Hegel, puis Marx. Ltude des processus, des contextes sociaux qui sont en jeu dans cette sorte de smiose , est dautant plus importante que lanalyse de lalination sociale est la base mme de toute analyse institutionnelle .70 Cette longue citation de Jean Oury rsume parfaitement la problmatique de la double alination et les consquences qui en rsultent sur le plan psychiatrique. Elle permet en outre dintroduire la distinction soutenue par Hlne Chaigneau entre psychanalyse et analyse institutionnelle. En effet, lorsque nous aborderons le niveau de fonctionnement de lquipe soignante, nous verrons que la rflexion que cette quipe conduit sur son organisation interne et les rapports quelle doit entretenir avec les systmes hirarchiques tatiques classiques relvent du niveau de lanalyse institutionnelle, et partant de lalination sociale, tandis que cette mme quipe laborant lensemble de ses relations contre-transfrentielles, ce que Tosquelles nommait le contre-transfert institutionnel, travaille en rfrence notamment la psychanalyse, au niveau de lalination psychopathologique. Celle-ci concerne lalination du sujet, dans la ligne de Freud et Lacan principalement, par son entre dans lordre du langage et de la problmatique du dsir, alors que celle-l, dans la ligne de Hegel et Marx, la concerne par son entre dans lordre social.

La psychiatrie se doit de rpondre des deux niveaux de la souffrance psychique et socialeSur un plan fonctionnel, cette importante distinction ne vise pas choisir de sattacher un des types dalination pour refuser lautre, bien plutt de tenter, comme cest souvent utile dans la dmarche de la Psychothrapie Institutionnelle, de dialectiser les deux. Aussi, cela nous amne-t-il pouvoir rpondre des deux aspects dans la stratgie thrapeutique gnrale pour un patient : savoir articuler au plus prs de sa problmatique personnelle les moyens de travailler son alination psychopathologiques par les approches psychothrapiques et ceux de son alination sociale par les approches institutionnelles. Mais si dans certains cas, une psychothrapie individuelle est possible, laccueil du patient sur la tablature institutionnelle (Oury) lui permet de se frayer un chemin dsalinant (Bonnaf) vers les autres, ce qui aura, en retour, une grande efficacit sur son travail psychothrapique. Pour dautres, le travail sur la dsalination sociale aura tout intrt se faire dans la cit, en sappuyant sur des relais (Delion) avec lesquels il convient donc de tisser des liens partir de la notion de E. Duprel71, les rapports complmentaires .

Le transfert et son utilisation en psychiatrie : cration de champs transfrentielsLe concept de transfert mis au monde par Freud dans son acception actuelle de processus par lequel les dsirs inconscients sactualisent sur certains objets dans le cadre dun certain type de relation tabli avec eux et minemment dans le cadre de la relation analytique ()sous la forme de rptition de prototypes infantiles vcue avec un sentiment dactualit marqu 72, est la base de toute psychothrapie et prcisment de toute psychothrapie institutionnelle. Mais comme Freud lavait prvu Budapest en 1918 par son fameux Nous nous verrons obligs dadapter notre technique ces conditions nouvelles , le transfert est sans doute le concept psychanalytique qui a eu le plus tre interrog dans la psychothrapie des psychoses. Sappuyant sur les travaux de Lacan, Klein, Resnik, Pankow, Rosenfeld, et de bien dautres, Oury met en vidence les notions de transfert dissoci et de transfert multirfrentiel (Tosquelles). Il indique ainsi comment la personne psychotique, ayant construit avec le monde un rapport objectal singulier, ne peut transfrer sur un seul psychanalyste comme cela se passe dans la cure-type. Par contre, dans ltablissement et avec lquipe soignante qui laccueille, il peut instituer dune faon partielle, linstar des objets partiels, des investissements de divers ordres sur des personnes, des choses, des espaces, etcIl sagit dune relation reposant en partie sur ce que les kleiniens appellent lidentification projective pathologique . Par ce type de construction du rapport au monde, le patient actualise dans le transfert institutionnel les modalits selon lesquelles il sest lui-mme construit. Toute la difficult consiste reprer et runir ces investissements htrognes et cest lobjectif de ce que Tosquelles a appel constellation transfrentielle dans laquelle se trouvent rassembls, souvent pour la premire fois, les fragments projets dun sujet psychotique. Il ne sagit pas de runir un groupe qui prend en charge tel patient pour parler de ce qui se droule aux niveaux conscients et objectifs, bien plutt de runir ce qui a pu ou peut tre lobjet dun investissement partiel du sujet en question, que ce soit les soignants quil apprcie, mais aussi ceux qui le perscutent, etc, de faon approcher les diffrents niveaux qui constituent la ralit psychique projete du patient sur son entourage. A partir de ces runions, un travail psychique dlaboration et de perlaboration(Freud) peut tre entrepris dans la temporalit. Ginette Michaud prcise que dans un groupe, ce que nous appelons relations de transfert sont les relations o apparatront des Imagos parentales transfres sur des personnes, des groupes de personnes, ou le groupe entier, relations permettant de ne pas faire la sparation indique comme ncessaire et ainsi investir ces personnes, ou le groupe, du rle toujours difficile assumer compltement 73. Resnik sintresse la notion de champs transfrentiels pour clairer les spcificits du transfert dans les pathologies les plus graves. Reprenant Kurt Lewin 74 la notion de champ de forces, il indique quelle est la tension, ou quelles sont les forces existantes en un point et un moment donn du champ. Il utilise le terme de valences positive et ngative induites sur ou par un objet, et dcrit les influences directes et indirectes entre les objets constitutifs dun champ. La notion de champ enrichit le concept de transfert en psychanalyse. Lexprience du transfert se dveloppe dans un champ et dans un temps donns, lments constitutifs de lide de cadre analytique ou setting . Si donc on retient ces lectures du concept de transfert, des implications en rsultent immdiatement : pour quun patient puisse investir son entourage et que ces investissments aient quelque valeur signifiante, il doit pouvoir circuler librement. Nous voyons en quoi le transfert est li de faon trs troite avec le fonctionnement de ltablissement, son ambiance, sa fonction daccueil, ses possibilits dchanges, vritables conditions de possibilit des rencontres. Dans les dispositifs sectoriels, cette manire denvisager le transfert peut tre gnralise, condition de disposer de loprateur qui en fonde lutilisation, linstitution de la constellation transfrentielle.

Organisation des soins, rapports de d-compltude et stratgies thrapeutiquesUn patient prsente une souffrance psychopathologique grave. Il est accueilli par un psychiatre et son quipe soignante. Une approche diagnostique va avoir lieu et aboutir une premire indication de soins. Le patient, au gr de ses investissements va rencontrer des soignants de diffrents statuts, dautres patients, leur attribuer un rle, instituer avec eux des relations de qualits diverses et varies, participer des groupes ou non, sintgrer la vie de ltablissement soit temps complet , soit temps partiel, en fonction de son mode dhospitalisation. La prescription mdicale de soins va se dialectiser avec la libert de circulation offerte au patient, pour produire un ensemble de contacts avec les autres, constituant ainsi une sorte de diagramme de lorganisation des soins du patient. Dans cette organisation des soins, nous voyons que le plus grand compte est tenu des trajectoires pulsionnelles de ce pat