Thérapeutique diurétique Diuretic-based therapy · Tableau 1 Effet des différentes classes de...

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EXPERTISE MÉDICALE CONTINUE EN NÉPHROLOGIE Thérapeutique diurétique Diuretic-based therapy Claire Presne a , Matthieu Monge a , Janette Mansour a , Roxana Oprisiu a , Gabriel Choukroun a , Jean Michel Achard b , Albert Fournier a, * a Service de néphrologie médecine interneréanimation médicale, CHU dAmiens, hôpital Sud, avenue René-Laennec, 80054 Amiens cedex 01, France b Département de physiologie, CHU de Limoges, France Reçu le 6 avril 2007 ; accepté le 13 avril 2007 MOTS CLÉS Diurétiques ; Revue générale ; Pharmacologie ; Thérapeutique ; Complications des médicaments ; Insuffisance cardiaque ; Œdèmes ; Cirrhose hépatique ; Syndrome néphrotique ; Insuffisance rénale ; Hypertension artérielle ; Essais thérapeutiques Résumé Les diurétiques sont des substances augmentant la natriurèse par inhibition de la réabsorption tubulaire du sodium. Celle-ci relève de mécanismes différents en fonction du site daction tubulaire, ce qui explique ladditivité de leurs effets sur la natriurèse et les dif- férences entre leurs effets hydroélectrolytiques. La réponse natriurétique à une dose donnée de diurétique dépend de sa concentration urinaire à son site daction. Celle-ci peut être dimi- nuée par des phénomènes pharmacocinétiques tels ceux survenant au cours de linsuffisance rénale ou du syndrome néphrotique. Ces mécanismes de résistance à un diurétique peuvent être corrigés selon le cas par laugmentation des doses, la fixation du diurétique sur lalbu- mine ou ladministration de warfarine, ce qui permet datteindre la concentration defficacité maximale au site daction et le plateau de natriurèse maximale normal. Il nen va pas de même sil existe une maladie œdémateuse avec hypovolémie efficace ou une hypertrophie tubulaire distale secondaire à un traitement chronique par diurétique de lanse. Dans ces cas, il existe une résistance pharmacodynamique qui explique un plateau dhypernatriurèse plus bas que normalement, en labsence de tout facteur de résistance dordre pharmacociné- tique. Les principales indications des diurétiques sont les maladies œdémateuses et lhyper- tension artérielle. La conduite du traitement est précisée en fonction des situations cliniques et des éléments physiopathologiques. Dans les maladies œdémateuses, lindication des diuré- tiques nest formelle et suffisante que sil existe une hypervolémie efficace. Dans lhyperten- sion artérielle non compliquée, le traitement diurétique de choix est lassociation dun thia- zide à faible dose et dun épargneur de potassium. Les indications plus rares des diurétiques sont également passées en revue. © 2007 Elsevier Masson SAS et Association Société de Néphrologie. Tous droits réservés. Néphrologie & Thérapeutique 3 (2007) 392426 Cet article est paru initialement dans lEncyclopédie EMCNéphrologie, III-2004, volume 2, 18-066-E-10, 26 pages. Nous remercions la rédaction de EMCNéphrologie pour son aimable autorisation de reproduction. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Fournier). 1769-7255/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS et Association Société de Néphrologie. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.nephro.2007.04.002

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Néphrologie & Thérapeutique 3 (2007) 392–426

EXPERTISE MÉDICALE CONTINUE EN NÉPHROLOGIE

Thérapeutique diurétique ☆

Diuretic-based therapy

Claire Presnea, Matthieu Mongea, Janette Mansoura, Roxana Oprisiua,Gabriel Choukrouna, Jean Michel Achardb, Albert Fourniera,*

a Service de néphrologie médecine interne–réanimation médicale, CHU d’Amiens, hôpital Sud, avenue René-Laennec,80054 Amiens cedex 01, Franceb Département de physiologie, CHU de Limoges, France

Reçu le 6 avril 2007 ; accepté le 13 avril 2007

MOTS CLÉSDiurétiques ;Revue générale ;Pharmacologie ;Thérapeutique ;Complications desmédicaments ;Insuffisance cardiaque ;Œdèmes ;Cirrhose hépatique ;Syndrome néphrotique ;Insuffisance rénale ;Hypertensionartérielle ;Essais thérapeutiques

☆ Cet article est paru initialrédaction de EMC–Néphrologie

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : Fournier.A

1769-7255/$ - see front mattedoi:10.1016/j.nephro.2007.04

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Résumé Les diurétiques sont des substances augmentant la natriurèse par inhibition de laréabsorption tubulaire du sodium. Celle-ci relève de mécanismes différents en fonction dusite d’action tubulaire, ce qui explique l’additivité de leurs effets sur la natriurèse et les dif-férences entre leurs effets hydroélectrolytiques. La réponse natriurétique à une dose donnéede diurétique dépend de sa concentration urinaire à son site d’action. Celle-ci peut être dimi-nuée par des phénomènes pharmacocinétiques tels ceux survenant au cours de l’insuffisancerénale ou du syndrome néphrotique. Ces mécanismes de résistance à un diurétique peuventêtre corrigés selon le cas par l’augmentation des doses, la fixation du diurétique sur l’albu-mine ou l’administration de warfarine, ce qui permet d’atteindre la concentration d’efficacitémaximale au site d’action et le plateau de natriurèse maximale normal. Il n’en va pas demême s’il existe une maladie œdémateuse avec hypovolémie efficace ou une hypertrophietubulaire distale secondaire à un traitement chronique par diurétique de l’anse. Dans cescas, il existe une résistance pharmacodynamique qui explique un plateau d’hypernatriurèseplus bas que normalement, en l’absence de tout facteur de résistance d’ordre pharmacociné-tique. Les principales indications des diurétiques sont les maladies œdémateuses et l’hyper-tension artérielle. La conduite du traitement est précisée en fonction des situations cliniqueset des éléments physiopathologiques. Dans les maladies œdémateuses, l’indication des diuré-tiques n’est formelle et suffisante que s’il existe une hypervolémie efficace. Dans l’hyperten-sion artérielle non compliquée, le traitement diurétique de choix est l’association d’un thia-zide à faible dose et d’un épargneur de potassium. Les indications plus rares des diurétiquessont également passées en revue.

© 2007 Elsevier Masson SAS et Association Société de Néphrologie. Tous droits réservés.

ans l’Encyclopédie EMC–Néphrologie, III-2004, volume 2, 18-066-E-10, 26 pages. Nous remercions lan aimable autorisation de reproduction.

hu-amiens.fr (A. Fournier).

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KEYWORDSDiuretics;Review;Pharmacology;Therapy;Drug complications;Heart failure;Oedema;Liver cirrhosis;Nephretic syndrome;Renal failure;Hypertension;Trials

Abstract Diuretics are pharmacological agents that increase natriuresis through inhibition oftubular re-absorption of sodium. The mechanisms and site of this inhibition differ with eachdrug class, accounting for their additive effects on natriuresis increase and their hydroelectro-lytic side effects. The response to a given diuretic dose depends on the diuretic concentrationon the urine at its action site. This concentration may be decreased by pharmacokinetic fac-tors such as encountered in renal insufficiency or in nephrotic syndrome. These resistancemechanisms of diuretics may be corrected by dose increase, previous diuretic fixation on albu-min or warfarin administration. Once these mechanisms are opposed, the diuretic concentra-tion for maximal efficacy is reached at is action site and the natriuresis obtained as the nor-mal maximal plateau. This is not the case when an oedematous systemic disease witheffective hypovolemia is present, like in heart failure or cirrhosis, or when chronic use ofloop diuretics has induced a hypertrophy of the more distant part of the tubule. In thesescases, a pharmacodynamic resistance exists, resulting in a lower maximal natriuresis plateauin spite of adequate concentration of the diuretic at its action site, even in the absence ofpharmacokinetic resistance factors. The main indications of diuretics are systemic oedematousdisease and hypertension. In the oedematous diseases, diuretics indication is both straightfor-ward and sufficient only if effective hypervolemia is present. The therapeutic approach is dis-cussed according to the various clinical conditions and pathophysiological background. Inuncomplicated hypertension, diuretics are the cornerstone of the therapy. The most suitablediuretic treatment for hypertension is an association of low doses thiazide (12.5–50 mg/day)with potassium sparing diuretics. Rare indications of diuretics are also reviewed.

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Principe de la thérapeutique diurétique

L’usage réserve le nom de diurétique à toute substancepharmacologique natriurétique, c’est-à-dire qui augmentela natriurèse et entraîne de ce fait une augmentation del’excrétion urinaire hydrosodée iso-osmotique. Les diuréti-ques se distinguent donc des autres substances qui augmen-tent la diurèse, en particulier l’apport d’eau et les« aquarétiques » (qui seront définis à la page 13).

Les diurétiques tirent leurs indications essentiellementde leur capacité d’induire une contraction initialementiso-osmotique du volume extracellulaire. Cela expliqueque leurs indications concernent essentiellement le traite-ment des maladies œdémateuses et de l’hypertension arté-rielle.

Nous rappellerons tout d’abord la classification pharma-cologique des diurétiques, les complications hydroélectro-lytiques propres à chaque classe et la physiopathologie dela déplétion sodée et des hyponatrémies. Nous développe-rons ensuite les justifications et les règles de leur utilisationdans leurs deux principales indications avant d’évoquerrapidement leurs complications et indications plus rares etspécifiques.

Classification pharmacologique (Tableau 1)

À l’exception des diurétiques osmotiques et des peptidesnatriurétiques (atrial et cérébral), qui agissent aussi enaugmentant la filtration glomérulaire, les diurétiques agis-sent uniquement en inhibant la réabsorption tubulaire dusodium et se distinguent suivant le site et le mécanismede cette inhibition [1,2]. La Fig. 1 illustre la classificationfonctionnelle des différents segments du tubule et la Fig. 2précise le mécanisme d’action cellulaire des diurétiques.

Inhibiteurs de l’anhydrase carbonique (Fig. 2A)Les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique (acétazolamideou Diamox®) agissent en inhibant indirectement la réab-sorption du sodium par l’intermédiaire de l’inhibitiondirecte de celle des bicarbonates au niveau du tubuleproximal. Bien qu’environ 20 % du Na réabsorbé par leproximal le soit sous forme de bicarbonates, l’effet natriu-rétique de l’acétazolamide est faible car la réabsorptionsodée des segments d’aval est proportionnelle au débit desodium qui leur est délivré et compense en grande partiel’inhibition de la réabsorption proximale du sodium. Deplus, l’acidose qu’il induit inhibe son action.

Diurétiques de l’anse (Fig. 2B)Les diurétiques de l’anse (essentiellement furosémide ouLasilix®, bumétamide ou Burinex®, pirétanide ou Eurelix®)agissent essentiellement en bloquant le cotransporteurNaK2Cl situé sur la membrane apicale des cellules de labranche ascendante large de Henlé (BALH) (Fig. 1A). Envi-ron 20–25 % du sodium filtré étant réabsorbé à ce niveau etseulement 7–9 % par les segments plus distaux du tubule, lesdiurétiques de l’anse à dose maximale sont les plus effica-ces. Ils parviennent à leur site d’action après sécrétion parle tubule proximal car ils ne sont guère filtrés, en raison deleur forte fixation à l’albumine. Leur durée d’action estbrève (quatre heures per os, trois heures en i.v.) [2].L’augmentation initiale de la filtration glomérulaire qu’ilsentraînent ne peut rendre compte de leur effet natriuré-tique car elle est très brève.

Alors que les doses orales usuelles de diurétiques del’anse sont de 40 mg pour le furosémide et 0,5 mg pour lebumétamide, la dose orale maximale donnant la réponse enplateau (Fig. 2) est de l’ordre de 80 mg pour le furosémideet de 1 mg pour le bumétamide chez le sujet non insuffisantrénal. L’absorption intestinale étant de l’ordre de 50 % pour

Tableau 1 Effet des différentes classes de diurétiques

Classe Dose per osusuelle (mg/j)durée d'action(heures)

Site d'action Impact primaire Efficaciténatriurétiquemaximale

Effetssecondaires

Complications Indications

Inhibiteur de l'anhydrasecarbonique : acétazolamide(Diamox®)

250–500 Tube proximal ↓ anhydrasecarbonique

Faible Perte debicarbonate

Acidose métabolique GlaucomeMal des montagnesAlcalose de reventila-tion des bronchopneu-mopathies chroniquesobstructives

Perte de K HypokaliémieLithiasephosphocalcique

Diurétiques de l'anse :furosémide (Lasilix®)

60 mg LP × 1(12 heures)

Brancheascendantelarge de Henlé

↓ NaK2Clcotransporteur

Forte :jusqu'à 20 %du sodiumfiltré

Perte K et Cl Alcalose métaboliqueHypokaliémie

40 mg × 2 ou 3(4 heures)

Bumétamide (Burinex®) 0,5 mg × 2 ou 3(4 heures)

Perte Ca, Mg Hypercalciurie

Pirétanide (Eurelix®)a 6 mg × 1(12 heures)

↓ pouvoir deconcentration

Déshydratationextracellulaire le plussouvent iso-osmotiqueOtotoxicité

Thiazidiques :hydrochlorothiazide (Esidrex®)25–100

25–100(24 heures)

Segmentcortical dedilution

↓ NaCltransporteur

Modéréejusqu'à 5 % duNa filtré

↑ perte de KCl Alcalose métabolique Correction de l'acidoseHypokaliémie Correction de

l'hyperkaliémie

Chlorthalidone (Hygroton®) 125–25

12,5–25(24 heures)

↓ perte de Ca Hypercalcémie Correction deshypercalciuriesidiopathiques ± lithiaseet/ou ostéoporose

Xipamide (Lumitens®) 20 20 (24 heures) ↑ perte de Mg Hypomagnésémie Traitement HTA (àfaiblesdoses ± associations àépargneurs K ou IEC,ARATI, bêtabloquant)

Indapamide (Fludex®)a 1,5 LP-2,5 1,5 LP –2,5(24 heures)

↓ pouvoir dedilution ↓ soif

Hyponatrémie dedéplétion

Syndrome de GordonDiabète insipidenéphrogénique

(suite)

C.Presne

etal.

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Tableau 1 (suite)Classe Dose per os

usuelle (mg/j)durée d'action(heures)

Site d'action Impact primaire Efficaciténatriurétiquemaximale

Effetssecondaires

Complications Indications

Épargneurs de K+ nonantagonistes compétitifs del'aldostérone : amiloride(Modamide®) triamtérène (n'estplus commercialisé seul)

5–20 mg(24 heures)

Collecteurcortical

Cellule principalefermeture ducanal sodium

Faible 2–4 %maisaugmentée sihypervolémieefficaceinhibant laréabsorptionproximale

↓ perte de K Hyperkaliémie Correction del'alcalosehypokaliémique desthiazidiques etdiurétiques de l'anse

↓ perte de H Acidosehyperchlorémique

Hyperminéralocorticis-me primaireHyperminéralocorticis-me secondaire des cir-rhoses et de l’insuffi-sance cardiaquesyndrome de Liddle(indication spécifique)

Antagonistes compétitifs del'aldostéroneb : spironolactone

25–400 mg(48 heures)

Tube collecteurcortical

Celluleprincipale : canalNa et K Na-K-ATPase

↓ perte de K+ Hyperkaliémie Mêmes indications quepour l'amiloride, àl'exclusion dusyndrome de Liddle

(Aldactone®) éplérénone Celluleα-intercalaire : Het H/K-ATPase

↓ perte de H+ AcidosehyperchlorémiqueGynécomastie,impuissance etmétrorragies moindresavec éplérénonequ'avec spironolactone

Na : sodium ; Cl : chlore ; Ca : calcium ; K : potassium ; Mg : magnésium ; ATPase : adénosine triphosphatase ; HTA : hypertension artérielle ; IEC : inhibiteur de l’enzyme de conversion ; ARATI : anta-gonistes des récepteurs de l’angiotensine I.a Dosage adapté à l’hypertension artérielle mais non aux œdèmes.b En sachant que seules la spironolactone et l’éplérénone ont été évaluées avec succès dans une étude randomisée contre placebo (réduction de la mortalité dans l’insuffisance cardiaque).

Thérapeutiquediurétique

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Figure 1 Schéma fonctionnel du néphron et site d’action des diurétiques.

C. Presne et al.396

le furosémide et de 95 % pour le bumétamide, les dosesintraveineuses maximales sont identiques pour le buméta-mide mais moitié moindre (40 mg) pour le furosémide(Tableau 2). On remarquera ainsi qu’en l’absence d’insuffi-sance rénale, le rapport des doses de furosémide et debumétamide i.v. est de 40. Cela témoigne d’une plusgrande puissance du bumétamide par rapport au furosé-mide. Ce paramètre « puissance » (efficacité rapportée àla masse) n’a aucune conséquence dans le choix cliniqueentre ces deux médicaments, puisque leur efficacité estcomparable.

Il en est de même quand il existe une insuffisancerénale, qui diminue la concentration de diurétique arrivantà la face luminale des cellules de la BALH car la diminutiondu flux plasmatique rénal et la compétition des anions orga-niques au niveau du tube proximal diminuent le débit desécrétion du furosémide et du bumétamide. Pour obtenirla même concentration de diurétique au niveau de laBALH inhibant au maximum la réabsorption du sodium, de

façon à obtenir le plateau de natriurèse, il faut augmenterles doses de furosémide et de bumétamide, proportionnel-lement au degré de l’insuffisance rénale. Brater [2] a puestimer que la dose unitaire maximale de furosémide i.v.était de 200 mg et celle de bumétamide 10 mg pour uneclairance de la créatinine (CCr) inférieure à 15 ml/min. Lerapport des doses entre insuffisance rénale sévère et fonc-tion rénale normale est aussi de 5 avec le furosémide et de10 avec le bumétamide. Cela s’explique par le fait qu’aucours de l’insuffisance rénale, l’augmentation de l’élimina-tion hépatique du bumétamide compense la diminution deson élimination rénale alors que cette compensationn’existe pas pour le furosémide (Tableau 2). L’insuffisancerénale double ainsi la demi-vie du furosémide mais noncelle du bumétamide. Cela explique que le rapport desdoses maximales du furosémide et du bumétamide est de40 en absence d’insuffisance rénale et de 20 en cas d’insuf-fisance rénale sévère pour les voies veineuses, et de 80pour les formes orales. Le rapport des doses maximales

Figure 2 Sites d’action des principaux diurétiques.

Tableau 2 Posologie unitaire maximale des diurétiques de l’anse en fonction du degré d’insuffisance rénale (d’après Brater[2])

Situation clinique Furosémide (Lasilix®) Bumétamide (Burinex®)Voie orale cp à 40, cp LP60, cp500 mg

Voie intraveineuse ampoulesà 20 et 250 mg

Voie orale cpà 1 et 5 mg

Voieintraveineuseampoules à0,5, 2 et 5 mg

Œdème aigu pulmonaire (posologie dans l'urgence)Dose maximale unitaire sans insuffisance rénale 40 mg 1 mgDose maximale unitaire avec insuffisance rénale sévère(< 15 ml/min)

200 mg 10 mg

Insuffisance cardiaque congestive (posologie pour 24 heuresDose usuelle initiale 40 mg × 2–4 ? (cp 40)

60 mg × 1–2 ? (cp LP60)20 × 4 0,5 mg × 4 0,5 mg × 4

Dose maximale sansinsuffisance rénale

80 × 4 (cp 40) ou 120 × 2 (cp LP60) 40 × 4 1 mg × 4 1 mg × 4

Insuffisance rénaleModérée (40 ml/min) dose maximale 250 mg × 3 120 × 3 (perfusion continue

à 13 mg/h après dose de chargeà 40 mg)

5 mg × 3 5 mg × 3

Sévère (< 15 ml/min) dose maximale 400 mg × 3 200 mg × 3 (perfusion continueà 25 mg/h après dose de chargeà 120 mg)

10 mg × 3 10 mg × 3

cp : comprimés.

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C. Presne et al.398

entre bumétamide et furosémide ayant été établi sur lanatriurèse cumulative de huit heures après leur administra-tion, nous proposons en cas d’insuffisance rénale sévère oumodérée de répéter ces doses trois fois par 24 heures sinécessaire (tout en sachant que les demi-vies sont alors de100 minutes pour le bumétamide et de 150 minutes pour lefurosémide). En absence d’insuffisance rénale, les demi-vies sont comparables et de l’ordre de 100 minutes pourles deux diurétiques, correspondant à des durées d’actionde l’ordre de trois et quatre heures pour les formes i.v. etorale ordinaire (12 heures pour la forme Lasilix® 60 LP). Sui-vant la nécessité du tableau clinique (persistance del’œdème pulmonaire ?), on pourra répéter les administra-tions à ces intervalles sur l’ensemble du nycthémère ouseulement pendant la journée, pour éviter les mictions noc-turnes source d’insomnie.

Thiazides et apparentés (Fig. 2C)Les thiazides et apparentés (hydrochlorothiazide HCTZ ouEsidrex® ; chlortalidone ou Hygroton® ; xipamide ouLumitens® ou Chronexan® ; indapamide ou Fludex®) agis-sent en bloquant le cotransporteur NaCl situé au niveau dela membrane luminale du tube contourné distal (DCT) 1 et 2(faisant suite à la BALH). Ils atteignent leur site d’actionpar sécrétion tubulaire proximale, à l’exception du xipa-mide, qui l’atteint par le pôle basolatéral des cellules dusegment de dilution. Leur durée d’action est de 12–24 heu-res. Contrairement aux diurétiques de l’anse, les thiazidesont une courbe dose–réponse plate et on augmente peu leurefficacité natriurétique en doublant leur dose usuelle.

Antagonistes de l’aldostérone (Fig. 2D,E)Pour les antagonistes de l’aldostérone (essentiellement laspironolactone ou Aldactone® et ses génériques, les méta-bolites actifs de la spironolactone comme la canrénone, etl’éplérénone), le mécanisme d’action est un blocage parcompétition du récepteur cytosolique de l’aldostérone descellules principales du tubule distal connecteur et du seg-ment cortical du canal collecteur. Ils ont accès à ces cellu-les par leur pôle basolatéral. L’importance de leur effetnatriurétique est donc conditionnée par celle d’une sécré-tion d’hormones minéralocorticoïdes (aldostérone ou DOC)ou par le degré d’inhibition du catabolisme in situ du corti-sol en cortisone inactive par la 11β OH stéroïde-déshydrogénase (excès de réglisse ou syndrome de Ulick).Il faut savoir en effet que l’affinité du cortisol pour lerécepteur de l’aldostérone est comparable à celle del’aldostérone et que sa concentration dans le plasma est1000 fois plus élevée. Cela devrait entraîner une activationpermanente de ce récepteur et donc un tableau de minéro-locorticisme. Ce dernier est cependant prévenu car le cor-tisol est catabolisé en cortisone inactive grâce à la 11βhy-droxy-stéroïde-déshydrogénase. Or, cette enzyme estinhibée en cas d’intoxication à la réglisse ou en cas demutation inhibitrice de son gène (syndrome de Ulick) créantun tableau d’excès apparent en minéralocorticoïde sensibleaux antagonistes de l’aldostérone.

L’aldostérone stimule les transports cationiques distaux(Na+ contre H+ et K+) en activant la transcription du gèneinduisant la synthèse de diverses protéines mal connuesfavorisant la réabsorption du sodium et la sécrétion de

potassium et de protons par l’intermédiaire d’une activationde la NaK ATPase basolatérale, de l’ouverture des canauxluminaux du Na+ et du K+ et de la fermeture du canal potas-sique basolatéral de la cellule principale. Cela aboutit à uneaugmentation de l’électronégativité de la lumière, favori-sant la sortie de potassium par le canal luminal de la celluleprincipale et de H+ par activation des H+ ATPases et H/KATPases de la cellule intercalaire α du collecteur cortical.Les antagonistes de l’aldostérone favorisent donc la réten-tion d’ions K+ et H+ c’est-à-dire l’hyperkaliémie et l’acidosemétabolique hyperchlorémique, réalisant un tableaud’acidose tubulaire distale hyperkaliémique dite de type 4[3]. Leur durée d’action est de 48 heures.

Diurétiques épargneurs de potassium, non antagonistesde l’aldostéroneIls sont représentés par l’amiloride ou Modamide® et par letriamtérène ou Teriam®, récemment retiré du commerce.Leur mécanisme d’action est le blocage du canal sodiumde la membrane luminale de la cellule principale, qu’ilsatteignent après sécrétion par le tubule proximal. Leuraction natriurétique chez le sujet sain est faible, compa-rable à celle des antagonistes de l’aldostérone car le pour-centage de sodium réabsorbé au niveau du tube collecteurcortical n’est que de 2 à 4 %. En revanche, l’effet natriuré-tique de ces diurétiques épargneurs de K+ est plus impor-tant lorsque la fraction du débit de sodium filtré délivréau tube collecteur est augmentée par inhibition de la réab-sorption sodée en amont, du fait soit d’un syndrome miné-ralocorticoïde primitif avec hypervolémie, soit d’une coad-ministration de diurétiques de l’anse ou de thiazidiques. Àla différence des antagonistes compétitifs de l’aldostérone,l’amiloride et le triamtérène sont les seuls diurétiquescapables de normaliser à la fois l’hypertension et l’hypoka-liémie du syndrome de Liddle, en rapport avec une activa-tion permanente d’origine génétique du canal sodiumamiloride-sensible du collecteur. En effet, les antagonistesde l’aldostérone sont inefficaces en raison de l’hypominé-ralocorticisme–hyporéninisme secondaire à l’hypervolémieinduite par cette hyperréabsorption distale du sodium.

Il est intéressant de noter que le paradoxe de la spécifi-cité d’action rénale de la majorité des diurétiques (àl’exception des antagonistes compétitifs de l’aldostérone etdu xipamide), alors que leurs protéines cibles sont ubiquitai-res, s’explique par leur forte liaison à l’albumine, qui dimi-nue leur espace de diffusion, et par leur sécrétion tubulaireproximale suivie d’une hyperconcentration dans la lumièretubulaire du fait de la réabsorption progressive du filtrat glo-mérulaire par le tubule rénal [4]. Cela entraîne en effet detrès fortes concentrations au niveau de leurs cibles. Inverse-ment leur compétition, lors de leur sécrétion tubulaire, avecles anions organiques, explique la diminution de leur effica-cité en cas d’insuffisance rénale, de cirrhose avec rétentionde sels biliaires ou d’administration de probénécide.

Complications hydroélectrolytiques propresà chaque classe de diurétiques

Ces complications non liées directement à leur effet com-mun, qui est la déplétion sodée, concernent essentielle-

1 Rappelons que la calcémie corrigée est égale à :

● calcémie mesurée/(0,55 + [protidémie (g/l) : 160]) ;

● calcémie mesurée – ([albuminémie (g/l) – 40] × 0,02 [mmol] ou 0,8[mg]).

Thérapeutique diurétique 399

ment la kaliémie, l’équilibre acidobasique et le métabo-lisme des cations divalents (Ca et Mg) [5] (Tableau 1).

HypokaliémieL’hypokaliémie est propre aux diurétiques de l’anse et auxthiazidiques, en raison de l’augmentation du débit desodium arrivant au niveau du collecteur, où s’effectue laréabsorption d’un Na+ contre une sécrétion d’un K+. Cettehypokaliémie est par ailleurs proportionnelle à la duréed’action de ces diurétiques, expliquant la plus faible fré-quence des hypokaliémies avec les diurétiques de l’ansequ’avec les thiazides ou apparentés comme l’indapamide,qui ont une plus longue durée d’action. Cette hypokaliémieest souvent associée à une hypomagnésémie favorisée parl’hypermagnésiurie des thiazidiques et surtout des diuréti-ques de l’anse.

La survenue d’une hypokaliémie est corrigée par unapport de chlorure de potassium (Kaleorid® ou Diffu-K®)ou par des sels organiques de potassium. Le plus souvent,les hypokaliémies modérées (> 3,3 mmol/l) sont facilementcorrigées par la simple adjonction d’un épargneur de potas-sium. L’association appropriée de ces derniers constitue lameilleure prévention de ces hypokaliémies, particulière-ment à redouter chez les malades sous digitaliques carelles favorisent la survenue de troubles du rythme (torsadesde pointes). Toute hypokaliémie rebelle fera rechercher etcorriger la déplétion magnésienne habituellement associée(administration de MgSO4, de Mg(OH)2, de MgCl2) et parti-culièrement fréquente chez l’alcoolique pour qui elleconstitue un facteur de risque de mort subite.

HyperkaliémieL’hyperkaliémie est propre aux diurétiques d’épargne potas-sique. Son risque est majoré par la réduction du nombre denéphrons (c’est-à-dire l’insuffisance rénale organique), parla restriction sodée et l’hypominéralocorticisme, notammentl’hypoaldostéronisme par hyporéninisme des diabétiquesavec neuropathie végétative, et par l’administration d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Ces derniers favori-sent l’hyperkaliémie, qu’ils soient spécifiques ou non de lacyclo-oxygénase de type 2. La baisse de la sécrétion derénine, du taux d’angiotensine II et de prostacycline est eneffet comparable dans ces deux classes d’AINS, le seul avan-tage des inhibiteurs spécifiques de la COX2 étant de moinsinhiber la synthèse des prostaglandines protectrices de lamuqueuse gastrique. Le tableau réalisé est celui de l’acidosetubulaire distale hyperkaliémique de type 4. L’arrêt desmédicaments la favorisant et la correction de l’hyperkalié-mie par des résines échangeuses d’ions ou des diurétiqueskaliurétiques permettront de corriger aussi l’acidose paraugmentation de la synthèse de NH4.

Alcalose métaboliqueC’est une complication non rare des diurétiques kaliuréti-ques (thiazides et des diurétiques de l’anse), surtout don-nés à fortes doses ou en association entre eux, du fait dumécanisme de contraction volémique, qui stimule la réab-sorption proximale des bicarbonates, et de la stimulationde la synthèse d’ammonium en raison de la déplétion potas-sique.

Acidose métabolique hyperchlorémiqueC’est une complication des inhibiteurs de l’anhydrase car-bonique et des diurétiques épargneurs de potassium. Avecles premiers, l’acidose est associée à une hypokaliémie, enraison de la stimulation des échanges distaux de Na avec leK+, elle-même secondaire à l’augmentation du Na+ délivréau tube distal par l’inhibition de la réabsorption proximale,alors qu’une hyperkaliémie est présente avec les secondes.

On remarquera qu’en raison de leur caractère opposé, lescomplications dyskaliémiques et acidobasiques des diuréti-ques peuvent être prévenues par l’association des épargneursde potassium aux thiazides et/ou diurétiques de l’anse.

HypercalcémieL’hypercalcémie vraie est une élévation du calcium corrigépour l’élévation de l’albuminémie ou à défaut pour celle dela protidémie1. C’est une complication rare qui ne se voitqu’avec les thiazides, le plus souvent à la faveur d’uneostéolyse sous-jacente modérée que les thiazides viennentdémasquer (hyperparathyroïdie, néoplasie). Cela est dû à lastimulation par les thiazides de la réabsorption transcellu-laire du calcium au niveau du tubule contourné distal 1 et2, aboutissant à une hypocalciurie. Les mutations inactiva-trices du gène codant pour le cotransporteur NaCl s’accom-pagnent également d’une hypocalciurie avec hypokaliémie(syndrome de Gitelman).

HypercalciurieL’hypercalciurie est un effet secondaire de la thérapeutiquepar les diurétiques de l’anse. Elle s’explique par l’augmen-tation de l’électronégativité de la lumière de la BALH,entraînant une diminution du transport paracellulaire descations divalents Ca et Mg (qui normalement se fixent surune protéine, la paracelline, et sont attirés par le côtébasolatéral de l’anse de Henlé à la faveur d’un gradientélectrique transépithélium lumière postivive). Cet effetavait été mis à profit naguère dans le traitement des hyper-calcémies résistantes à la réhydratation par une solutionsalée isotonique. Cette hypercalciurie aggrave l’hyperpara-thyroïdie de l’insuffisant rénal.

DysnatrémiesLes désordres de la natrémie induits par les diurétiquesétant non seulement dépendants du site d’action des diuré-tiques mais aussi de l’intensité de la déplétion sodée qu’ilsentraînent, ils seront envisagés après avoir exposé lesconséquences physiopathologiques de la déplétion sodée.

Physiopathologie de la déplétion sodéeet de la tolérance ou résistance aux diurétiques…[4]

Les diurétiques augmentant l’excrétion urinaire hydrosodéede façon iso-osmotique entraînent initialement une diminu-

Figure 3 Effets hémodynamiques à court et moyen termesd’un diurétique thiazidique (TZ) dans l’hypertension (d’aprèsMoser M. Diuretics in the management of hypertension. Med.Clin. North Am. 1987;71:935–46). Diagramme représentantles évolutions de la pression artérielle (PA), du poids, duvolume plasmatique (VP), des résistances périphériques (RP),du débit cardiaque (DC) et de l’activité rénine plasmatique(ARP) lors de l’administration d’un TZ dans le traitement del’hypertension. L’administration de TZ a été commencée auniveau de la flèche gauche et arrêtée au niveau de la flèchede droite.

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tion iso-osmotique du volume extracellulaire (EC). Le main-tien de cette contraction du volume EC dépend cependantd’un équilibre dynamique entre les facteurs qui favorisentla négativation de ce capital sodé (essentiellement la pour-suite de l’administration de l’agent pharmacologiquenatriurétique) et les facteurs qui luttent contre cette néga-tivation. Outre la poursuite des apports hydrosodés, les fac-teurs visant à corriger cette déplétion hydrosodée consis-tent initialement en une diminution de la filtrationglomérulaire (par diminution de la pression de perfusionsecondaire à la diminution du débit cardiaque par diminu-tion de la précharge) et en une stimulation de la réabsorp-tion tubulaire proximale du sodium aboutissant à une dimi-nution du débit (absolu et relatif) de sodium délivré à laBALH. Cela explique la diminution de la réponse natriuré-tique après une seconde dose identique de diurétique sil’on n’a pas pris soin de compenser au préalable la pertehydrosodée : c’est le phénomène de la tolérance aiguëaux diurétiques. Son mécanisme reste hypothétique. Eneffet, il ne disparaît pas sous traitement par inhibiteur del’enzyme de conversion (IEC) ou α1-bloquant, éliminant laresponsabilité de l’angiotensine II et des catécholamines etfaisant émettre l’hypothèse d’une down-regulation desrécepteurs aux diurétiques ou d’une up-regulation despompes impliquées dans la réabsorption du sodium.

Ces phénomènes de contregulation expliquent qu’ilexiste à la fin de la durée d’action d’un diurétique unrebond postdiurétique d’antinatriurèse marqué par uneprofonde réduction de la natriurèse en dessous de sonniveau initial. Ce phénomène est particulièrement netavec les diurétiques de l’anse, en raison de leur plus grandeefficacité initiale et de la brièveté de leur durée d’action(quatre heures pour le Lasilix® 20 mg i.v. et quatre heurespour le Lasilix® 40 mg per os). Cela explique que l’adminis-tration de ce produit peut n’entraîner en 24 heures aucuneperte de poids si l’apport en sel est important (de l’ordrede 16 g ou 270 mmol/j). Cette stabilité du poids jointe à lanotion d’une stabilité de la natrémie signifie en effet que levolume extracellulaire est resté stable, comme le capitalsodé de l’organisme, l’absence de variation de la natrémieexcluant une redistribution de l’eau entre les secteursintra- et extracellulaires.

Avec les thiazides aux doses usuelles utilisées antérieu-rement dans l’hypertension (50–100 mg d’HCTZ) en associa-tion avec une restriction sodée modérée (100 mmol/24 h),la restauration d’un état euvolémique en dépit de la pour-suite du traitement diurétique demande deux à quatresemaines. En supposant que la dose de diurétique et lesapports sodés sont constants, on assiste ainsi à une perteinitiale du poids qui est maximale vers le quatrième jour,se stabilise ensuite les quatre à six jours suivants et s’élèveensuite pour revenir son niveau initial vers le 15e jour. Onremarquera au passage que ces variations du poids étant lereflet des variations d’un bilan hydrosodé iso-osmotique, lanatriurèse ne représente plus guère un paramètre fiable demesure de l’activité d’un diurétique une fois passés les qua-tre premiers jours. Il en est de même de la perte de poidsune fois passé le huitième jour et des mesures plus sophis-tiquées telles que celles des volumes plasmatique et extra-cellulaire ou du débit cardiaque, ces derniers paramètres

revenant à leur niveau initial entre la deuxième et qua-trième semaine (Fig. 3).

À ce stade, l’activité d’un diurétique ne se traduit plusqu’en termes de stimulation des mécanismes homéostati-ques qui visent au maintien des volumes de l’organisme àun niveau le plus proche de leur état initial. Ces mécanis-mes impliquent la stimulation du système nerveux sympa-thique, avec élévation des catécholamines plasmatiques,et la stimulation du système rénine–angiotensine–aldosté-rone, qui stimule la réabsorption du sodium au niveau dutube proximal (angiotensine II) et du collecteur cortical(aldostérone), en même temps qu’elle stimule les centresde la soif et de l’appétit du sel (angiotensine II). Inverse-ment, les hormones natriurétiques comme les peptidesnatriurétiques atrial et cérébral voient leur sécrétion frei-née.

En dépit de la stimulation des hormones vasoconstricti-ves et du rétablissement du débit cardiaque à son niveauinitial, la pression artérielle se normalise chez l’hypertenduou ne s’abaisse que modérément chez le sujet normotendu,témoignant d’un abaissement des résistances périphéri-ques. Cela permet le maintien d’une perfusion des organesadaptée à leurs besoins, en dépit d’une baisse de la pres-sion artérielle. Le mécanisme de cette baisse des résistan-ces périphériques sera discuté plus loin dans la partieconsacrée à l’HTA.

Nous expliquerons ici, en revanche, la diminution pro-gressive de l’efficacité des diurétiques utilisés à la mêmedose unitaire maximale. Ce phénomène, appelé tolérancechronique, a été décrit surtout avec les diurétiques de

Thérapeutique diurétique 401

l’anse et est expliqué chez l’animal par une hypertrophiedu tubule distal sollicitée par un afflux augmenté desodium qu’il réabsorbe. Le fait que l’on ait observé chezl’homme hypertendu un émoussement de la réponse natriu-rétique après un mois de furosémide et que la réponse authiazidique (en l’absence de furosémide et dans les mêmesconditions d’équilibre sodé) ait été plus forte aprèsqu’avant l’administration chronique de furosémide, suggèreque ce phénomène d’hypertrophie tubulaire distale se pro-duit également chez l’homme. Bien que nous ne connais-sions pas d’étude du même type avec les épargneurs depotassium, il est probable que l’on retrouverait égalementune réponse exagérée.

La Fig. 4 explique les variations de la courbe dose–réponse d’un diurétique de l’anse. L’abscisse représente ledébit d’excrétion urinaire de ce diurétique, et non directe-ment la dose administrée per os ou i.v., et l’ordonnéereprésente la réponse natriurétique exprimée de deuxfaçons : en valeur absolue en millimole par minute ou enFENa c’est-à-dire en fraction excrétée du sodium filtré.Cette courbe permet de comprendre les concepts de rende-ment natriurétique maximal, d’effet plateau variable avecdes doses maximales en raison de la survenue de mécanis-mes de résistance de nature pharmacodynamique oupharmacocinétique :

● cette courbe sigmoïdale montre que le rendementnatriurétique maximal se trouve au-dessus d’un débitd’excrétion seuil du diurétique et en dessous du débitdose efficace 50 %, correspondant à la moitié du débitdonnant l’effet natriurétique maximal en plateau. Ellefait comprendre que ce débit avec rendement optimalsera obtenu plus longtemps après une administrationpar voie orale que par voie intraveineuse à la mêmedose unitaire, à condition que celle-ci soit suffisantepour entraîner un débit urinaire du diurétique au-

Figure 4 Courbe dose–réponse d’un diurétique de l’anse. UNaVsodium filtré ; FG : filtration glomérulaire.

dessus du seuil. Cela explique que l’efficacité natriuré-tique globale après une même dose unique de furosé-mide (20 mg par exemple chez un sujet normal) seracomparable après administration orale ou i.v., alorsmême que l’absorption intestinale est de 50 %seulement ;

● par ailleurs la Fig. 4 montre que la réponse plateau don-née par la dose unitaire maximale peut être diminuéedans quatre circonstances :○ en cas d’une seconde administration après la fin de la

durée d’action de la première dose : c’est le phéno-mène de tolérance aiguë ;

○ en cas de maladies œdémateuses avec hypovolémieefficace (insuffisance cardiaque ou cirrhose) quis’accompagnent d’une hyperréabsorption sodée enamont et en aval de l’anse de Henlé entraînant unerésistance ;

○ en cas d’administration chronique de diurétiques del’anse qui entraîne une hypertrophie des segments enaval de l’anse de Henlé responsable d’une tolérancechronique ;

○ en cas de syndrome néphrotique avec protéinurie mas-sive, qui fixe le diurétique et l’empêche d’agir sur lecotransporteur NaK2Cl. À la différence des trois pre-mières circonstances, cette résistance est doncd’ordre pharmacocinétique et nonpharmacodynamique ;

● la résistance des diurétiques de l’anse au cours del’insuffisance rénale est également avant tout d’ordrepharmacocinétique. En effet que l’insuffisance rénalesoit organique ou fonctionnelle, elle altère la biodispo-nibilité du diurétique en diminuant le débit du diuré-tique arrivant dans la lumière de la branche de Henlépour une dose administrée donnée, car un diurétiquede l’anse est fortement fixé à l’albumine et ne peutêtre filtré par le glomérule. Il parvient à l’anse de

: débit d’excrétion du sodium ; FENa : fraction excrétée du

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Henlé uniquement par sécrétion tubulaire, qui est dimi-nuée du fait d’une diminution du flux sanguin rénal et dela compétition des anions organiques rétentionnés en casd’insuffisance rénale. Cependant ce facteur pharmacoci-nétique de résistance peut être compensé par l’augmen-tation des doses administrées. Cela permettra en casd’insuffisance rénale organique (sans hypovolémie effi-cace) d’obtenir un débit de diurétique dans les urinesqui entraînera la même réponse maximale en plateauque chez le sujet normal si l’ordonnée est exprimée envaleur absolue en millimole par minute, (et même unplateau plus élevé si l’ordonnée est en FENa, l’abaisse-ment de la réabsorption fractionnelle proximale dusodium étant proportionnel à la diminution de la filtra-tion glomérulaire jusqu’à un stade avancé d’insuffisancerénale, permettant à l’organisme de rester en équilibrehydrosodé sans apparition d’œdème). Cette adaptationpermet en effet que le même débit absolu de sodiumsoit délivré à la branche ascendante de Henlé alors quel’augmentation des doses permet d’assurer un mêmedébit urinaire de diurétique et donc des concentrationsdu diurétique dans la lumière de la BALH comparables àcelles du sujet normal. Cette correction de l’altérationpharmacocinétique dans l’efficacité des diurétiques del’anse au cours de l’insuffisance rénale, par de fortesdoses unitaires du diurétique, disparaît cependant pourdes raisons pharmacodynamiques au stade olioganurique(diminution trop forte de la filtration glomérulaire) ;

● en cas de syndrome néphrotique se surajoutent deuxfacteurs de résistance d’ordre pharmacocinétique. Lepremier réside en la diminution de l’apport du diuré-tique au tube proximal où il doit être sécrété, car le diu-rétique est transporté par l’albumine et il existe unehypoalbuminémie dans le syndrome néphrotique. Cetterésistance peut être corrigée par l’augmentation desdoses et la fixation du diurétique sur de l’albumineavant son injection. Elle n’abaisse donc pas le plateaude réponse natriurétique si elle est corrigée. Le secondfacteur réside dans la diminution de la concentration dudiurétique libre au niveau du cotransporteur NaK2Cl dela BALH, en raison de sa fixation sur l’albumine présentedans la lumière ; ce phénomène peut être diminué par lawarfarine ou le sulfisoxazole. Bien que de nature phar-macocinétique, ce second facteur abaisse le niveau duplateau car il agit indépendamment du débit urinairedu diurétique mis en abscisse.

On comprend ainsi qu’un plateau normal de réponsepeut être obtenu chez l’insuffisant rénal ou l’hypoalbumi-némique si l’on augmente suffisamment les doses ou si l’onfixe le diurétique sur de l’albumine. En revanche, le pla-teau de réponse sera abaissé en dépit de l’obtention deconcentrations optimales de diurétiques dans la BALH, dufait d’une tolérance aiguë ou chronique, ou d’une résis-tance pharmacodynamique (hypovolémie efficace) ou dela fixation du diurétique sur l’albumine présente dans lalumière de la BALH. En cas d’hypovolémie efficace seuleson amélioration par la position couchée ou le bain chez lecirrhotique ou par des médicaments améliorant la fonctiondu ventricule gauche dans l’insuffisance cardiaque (bêta-bloquant, IEC et antagonistes des récepteurs-AT1 de

l’angiotensine II) pourront rétablir un plateau de réponsediurétique plus élevé.

Diagnostic et traitement d’une hyponatrémiesous diurétiques

Évaluation de l’hydratation extracellulaireLe diagnostic étiologique d’une hyponatrémie(Na < 130 mmol/l) chez un malade sous diurétiques repose(comme celui chez tout autre malade) avant tout sur unexamen clinique de base et des examens biologiques deroutine appréciant l’état d’hydratation extracellulaire.Cette évaluation sera orientée par les données anamnesti-ques concernant les apports et pertes hydrosodées possiblesdans les jours précédents (alimentation, boisson, perfusion,pertes digestives, cutanées et ventilatoires du fait de la fiè-vre ou de la température extérieure).

Alors que les œdèmes diffus témoignent facilement del’existence d’une hyperhydratation extracellulaire, lessignes de déshydratation extracellulaire sont plus délicatsà rechercher. Aussi, nous les rappellerons brièvement.Hypotension et tachycardie orthostatique. Ce sont lessignes les plus fiables de déshydratation extracellulaire(en dehors de la notion d’une dysautonomie). On les retien-dra s’il existe une baisse de la systolique d’au moins20 mmHg et une augmentation de la fréquence cardiaqued’au moins 15 pulsations (mesurées sur au moins 15 secon-des) lors du passage de la position couchée à la positiondebout (rappelons que physiologiquement, la fréquencecardiaque peut augmenter de 10–15 pulsations minutes àl’orthostatisme alors que la pression artérielle [PA] systo-lique ne bouge guère et que la PA diastolique peut augmen-ter de 10 mmHg) [6].Autres signes cliniques. Les autres signes de déshydratationEC sont en revanche plus difficiles à apprécier :

● persistance anormale du pli cutané (difficile à appréciersurtout chez le sujet âgé dont la peau a perdu sonélasticité) ;

● perte de poids, difficile à apprécier en raison de l’igno-rance du poids antérieur exact et de l’efficacité plus oumoins grande des mécanismes d’adaptation à distancede l’épisode déplétif initial (> 8 jours).

Signes biologiques. C’est dire l’intérêt des signes biologi-ques.

● Hémoconcentration : élévation des protides et del’hématocrite, à interpréter si possible avec des mesuresantérieures, en raison de la possibilité d’anomalies pri-mitives liées à la malnutrition, aux maladies hépatiqueset aux pertes intestinales pour les protides, et à desmaladies hématologiques ou à une hémorragie pourl’hématocrite ;

● insuffisance rénale fonctionnelle : élévation de la créa-tininémie, de l’uricémie et de l’urée sanguine avecconservation du pouvoir de concentration des urinesavec un rapport urée urinaire sur urée plasmatique supé-rieur à 10. Ce rapport est plus facile à interpréter que lerapport Na/K urinaire, qui dépend des apports alimentai-

Thérapeutique diurétique 403

res et des pertes digestives éventuelles en Na et K, ainsique de l’efficacité persistante ou non des diurétiques etde leur nature.

Traitement d’une hyponatrémie de déplétionLorsque les signes ci-dessus de déshydratation extracellu-laire existent, l’hyponatrémie est dite de déplétion. Ellesurvient lorsque la contraction initiale du volume EC a étésupérieure à 10 % (soit 2 % du poids du corps, le VEC repré-sentant 20 % du poids du corps). Elle s’explique par la miseen jeu de la sécrétion non osmotique de l’ADH, l’organismedonnant la priorité au maintien de la volémie sur celui del’osmolalité, et par la diminution du débit d’eau libre for-mée au niveau des segments de dilution du fait de la réduc-tion de la filtration glomérulaire et de l’hyperréabsorptionproximale du sodium qui diminuent le débit de sodium déli-vré à la BALH.

Le traitement d’une telle hyponatrémie de déplétionsous-diurétique est simple. Il faut tout d’abord arrêter cesderniers et donner un supplément de sel et d’eau per os. Deplus, en cas de troubles digestifs ou d’urgence du fait del’hypotension, de troubles neurologiques (confusion,convulsions, coma) ou d’une natrémie inférieure à125 mmol/l apparue en moins de 48 heures, il faut perfuserdu sérum salé isotonique, voire hypertonique (3 %), ce der-nier au rythme de 2–6 ml/kg par heure afin de faire remon-ter la natrémie de 2 mmol/l par heure jusqu’à ce que lestroubles neurologiques disparaissent ou que la natrémieaugmente de 10 %. Ultérieurement, l’augmentation de lanatrémie sera plus lente (1 mmol/h, sans dépasser20 mmol/l par 24 heures) afin de réduire le risque de myé-linolyse centropontique [7].

Diagnostic et traitement d’une hyponatrémieavec hydratation extracellulaire normale sous-diurétiqueCela oriente vers un syndrome de sécrétion inappropriéed’hormone antidiurétique (ADH), d’origine néoplasique,neurologique, pneumologique ou iatrogène, un hypocorti-cisme ou une hypothyroïdie, voire vers des vomissementssubreptices, à moins que le malade ne soit sous thiazide.Les thiazides favorisent en effet la survenue d’hyponatré-mies, plus souvent que les diurétiques de l’anse et celapour trois raisons :

● la première réside dans le fait que les thiazides ont laparticularité d’inhiber uniquement le segment corticalde dilution et non le segment médullaire de dilutioncomme le font les diurétiques de l’anse. Or, ce segmentmédullaire de dilution (ainsi appelé car, comme le seg-ment cortical de dilution, il dilue l’urine primitive en per-mettant une réabsorption de sodium sans eau du fait deson imperméabilité à l’eau) est aussi le segment permet-tant la création du gradient osmotique corticopapillaire(croissant vers la papille) et donc la concentration desurines et la rétention d’eau libre par l’organisme. Durantles périodes de stimulation non osmotique de la sécrétiond’ADH (hypovolémie efficace), les thiazides, qui ne blo-quent pas la réabsorption de sodium à ce niveau, facili-tent la survenue d’une hyponatrémie par réabsorptiond’eau libre. Les diurétiques de l’anse, en revanche, abo-

lissent le gradient de concentration corticopapillaire etinduisent une diurèse iso-osmotique au plasma. Aussin’aggravent-ils pas l’hyponatrémie. Au contraire, quandcelle-ci existe, ils en permettent la correction en permet-tant la compensation de cette diurèse hypo-osmolaire(car isotoniques au plasma hypotonique) par la perfusiond’une solution salée normotonique (à 9 g ‰) c’est-à-direavec une concentration sodée plus élevée à celle duplasma hyponatrémique ;

● la deuxième pour laquelle les thiazides provoquent plussouvent des hyponatrémies que les diurétiques de l’anserésulterait d’une action dipsogène (stimulation de lasoif) particulièrement fréquente chez le sujet âgé [8].La fréquence de l’hyponatrémie de dilution du sujetâgé est de plus augmentée par le recours exagéré auxpsychotropes responsables de syndrome de sécrétioninappropriée d’ADH iatrogène ;

● la troisième, plus anecdotique, est liée à une interactionentre le cotrimoxazole (Bactrim®) et les thiazides. Cescas ont été signalés surtout en cas d’infection à Pneumo-cystis carinii chez les malades atteints de sida, qui ontvolontiers un syndrome de sécrétion inappropriéed’ADH.

Signalons enfin que des hyponatrémies avec étatd’hydratation clinique normale ont été rattachées à unedéplétion potassique ainsi qu’à une déplétion magnésienne[8]. On pense que dans ces cas la cellule rétablit son osmo-lalité en faisant appel au sodium extracellulaire et que levolume extracellulaire est maintenu par une sécrétion nonosmotique d’ADH et des apports d’eau exagérés car ladéplétion potassique altère les osmorécepteurs et stimulela soif [7].

Le traitement de ces hyponatrémies avec hydratationextracellulaire normale sous diurétique consiste à arrêterles thiazides, éviter les interactions médicamenteusesnéfastes et à corriger la déplétion éventuelle en potassiumet en magnésium. Une déshydratation incipiens étant diffi-cile à éliminer un apport de NaCl est licite, sauf chezl’hypertendu. Chez ce dernier, le thiazide sera remplacépar un diurétique de l’anse à faible dose et à libération pro-longée comme Eurelix®.

Un certain nombre de ces cas ne sont cependant pasexclusivement liés au traitement diurétique mais à des fac-teurs nutritionnels favorisants. Il peut s’agir en premierlieu de boissons trop abondantes. Cela peut être le caschez l’insuffisant cardiaque et le cirrhotique dont l’hypo-volémie efficace stimule la soif et réduit le débit de sodiumarrivant aux sites de dilution. Cela peut également se voirchez l’insuffisant rénal, chez qui il est légitime de conseil-ler une certaine cure hydrique car elle peut ralentir la pro-gression de l’insuffisance rénale (cela a été prouvé chez lerat par Bankir et al. [9]). Cependant, cet apport hydriquedoit rester limité car l’insuffisance rénale diminue le débitd’eau libre formé, du fait de la réduction du nombre denéphrons.

Chez le sujet âgé ou le cirrhotique anorectique il peuts’agir d’une malnutrition avec régime carencé en proti-des (syndrome des vieilles dames se nourrissant de gâteauxet de thé, et respectant un régime pauvre en sodium etpotassium). En effet, ce régime carencé en protides et

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sels diminue la charge osmotique urinaire composée princi-palement d’urée, de NaCl et KCl, et donc la capacitéd’éliminer l’eau par simple diurèse osmolaire, c’est-à-diresans nécessité de dilution des urines. La correction des fac-teurs nutritionnels (restriction hydrique et apport de proti-des) facilitera la prévention de la récidive de ces hypona-trémies. Rappelons que la réalité de la restriction hydriquese vérifiera par la réduction quotidienne du poids.

Diagnostic et traitement d’une hyponatrémiesous diurétique chez un malade œdémateuxChez le sujet œdémateux, la survenue d’une hyponatrémieest fréquente avant même toute administration de diuré-tique, en raison de la mise en jeu d’une sécrétion nonosmotique d’ADH et d’une stimulation de la soif secondaireà la stimulation du système rénine–angiotensine, en parti-culier dans l’insuffisance cardiaque et la cirrhose avechypovolémie efficace. Ces hyponatrémies étant dues à unerétention hydrique proportionnellement plus importanteque l’augmentation du capital sodé, elles sont souventappelées hyponatrémies de dilution. Leur traitementrepose en priorité sur la restriction hydrique (< 700 ml/j)et l’utilisation des diurétiques de l’anse à l’exclusion desthiazidiques, mais en association avec les épargneurs depotassium pour corriger ou prévenir l’hypokaliémie.

Quand ces mesures sont insuffisantes et que l’hyponatré-mie reste profonde (< 130 mmol/l), on pourra bientôt avoirrecours aux « aquarétiques ». Les aquarétiques sont dessubstances pharmacologiques bloquant les récepteurs V2de l’ADH (ou vasopressine) dont la stimulation permetl’insertion dans la membrane luminale des tubes contournésdistaux et collecteurs, des « aquaporines » c’est-à-dire deprotéines en forme de canaux rendant cette membraneperméable à l’eau, et permettant ainsi l’équilibrationosmotique entre la lumière urinaire et l’interstitium. Lesaquarétiques, en bloquant ce mécanisme, permettentl’excrétion élective d’eau libre, indépendamment desmodifications du capital sodé. Leur utilisation est présente-ment en cours d’évaluation dans l’insuffisance cardiaque etla cirrhose. L’essai EVEREST évaluant le tolvaptan dansl’insuffisance cardiaque n’a pas mis en évidence de protec-tion sur des critères de morbimortalité. Néanmoins, cetaquarétique a permis d’augmenter la natrémie de façonsignificativement plus importante que le placebo chez lesinsuffisants cardiaques hyponatrémiques [10].

Prévention des hyponatrémiesElle sera facilitée par la compréhension de leur physiopa-thologie, conduisant à adapter pour chaque patient ledegré de la restriction sodée et hydrique ainsi que la dosedu diurétique, en vue d’obtenir le degré de déplétionhydrosodée souhaité compte tenu de la nature de la mala-die à traiter (maladie œdémateuse et/ou hypertension) dudegré de l’insuffisance rénale et de l’apport alimentaire enprotéine, sodium et potassium, responsable de la chargeosmolaire à éliminer par les urines.

Complications métaboliques des diurétiques

Les complications métaboliques des diurétiques sontl’hyperuricémie, l’insulinorésistance responsable de l’into-

lérance aux hydrates de carbone et de la dyslipidémie. Ellesseront discutées dans la partie consacrée à l’utilisation desdiurétiques dans le traitement de l’hypertension artérielle.

Autres complications des diurétiques [4,8]

Nous citerons pour mémoire la myopie des thiazides et lerisque de lithiase par précipitation du triamtérène.

● L’impériosité mictionnelle après furosémide ou buméta-mide est fréquente et sera particulièrement à prendreen compte en cas de pathologie prostatique etvésicale ;

● l’effet antiandrogène des spironolactones à fortes dosesest responsable de gynécomastie et impuissance chezl’homme et de métrorragies chez la femme. Il justifierale recours à de faibles doses grâce à leur associationavec l’amiloride dans le traitement au long cours deshyperminéralocorticismes, voire à leur substitutiontotale par ce dernier totalement dépourvu de ces effetsantiandrogènes ou à l’éplérénone dont les effets antian-drogènes sont moindres que ceux des spironolactones ;

● l’effet ototoxique des diurétiques de l’anse fera contre-indiquer leur association aux antibiotiques ototoxiques(aminoglycosides) ;

● il faut connaître par ailleurs la possibilité de réactionsd’hypersensibilité aux thiazides et diurétiques de l’ansed’ordre hématologique, cutané, respiratoire, pancréa-tique et hépatique ;

● enfin, chez les malades sous lithium, il faut savoir quediurétiques, IEC et AT1-bloqueurs augmentent la lithié-mie, nécessitant un ajustement des doses du lithium oule recours à d’autres thymorégulateurs comme la carba-mazépine (Tégrétol®). Il faut néanmoins rappeler que cedernier peut induire un syndrome de sécrétion inappro-priée d’ADH avec hyponatrémie par dilution ;

● signalons enfin le déclenchement possible d’un comahépatique par hyperammoniémie induite par l’acétazo-lamide.

Points forts à comprendre

● Les diurétiques usuels sont en fait des« natriurétiques ». L’augmentation du débit denatriurèse à leur dose plateau est fonction de troisfacteurs :○ du débit de sodium filtré délivré au segment tubu-

laire, dont ils inhibent la réabsorption active dusodium ;

○ du pourcentage de sodium filtré qui est normale-ment réabsorbé au niveau de leur site d’action ;

○ de la réabsorption sodée par les segments situésen aval. Leur efficacité va donc décroissant pourles diurétiques de l’anse, les thiazides et les épar-gneurs de potassium, leur site d’action réabsor-bant respectivement 20, 4 et 2 % du sodium filtré.

● concernant l’excrétion du potassium, on oppose : diu-rétiques kaliurétiques (diurétiques de l’anse et thia-zidiques) et épargneurs de potassium (spironolacto-

Thérapeutique diurétique 405

nes, éplérénone, amiloride et triamtérène). Ces der-niers bloquent en effet la sécrétion de K+ et H+ par letube collecteur cortical, alors que les premiers aug-mentent cette sécrétion essentiellement en augmen-tant le débit de sodium délivré à ce segment, du faitde l’inhibition de la réabsorption du sodium qu’ilsexercent en amont ;

● les thiazides, inhibant uniquement le segment corti-cal de dilution mais non, comme les diurétiques del’anse, le segment médullaire de dilution (respon-sable aussi du pouvoir de concentration du rein) expo-sent plus souvent que ces derniers à l’hyponatrémiede dilution.

Points forts à retenir

● Les différentes classes de diurétiques bloquant laréabsorption de sodium au niveau de segments diffé-rents du néphron, leur association a toujours un effetnatriurétique additif ;

● l’association ajustée des diurétiques d’épargnepotassique avec les thiazides ou les diurétiques del’anse hypokaliémiants permet de plus de maintenirun équilibre kaliémique et acido-basique optimal ;

● en raison de leur courte durée d’action (trois à quatreheures) et du rebond d’antinatriurèse postdiurétique,on augmentera la fréquence d’administration desdiurétiques de l’anse avant leur dose unitaire afind’augmenter la négativation du bilan sodéquotidien ;

● la dose unitaire donnant la réponse natriurétiquemaximale augmente avec la diminution de la filtra-tion glomérulaire. Administrée per os cette dose estde 80 mg pour le furosémide et de 1 mg pour le bumé-tamide en absence d’insuffisance rénale et respecti-vement de 400 et 10 mg en cas d’insuffisance rénalemajeure (CCr < 15 ml/min) ;

● en l’absence de syndrome néphrotique ou d’insuffi-sance cardiaque, le plateau de réponse des diuréti-ques de l’anse n’est cependant pas abaissé jusqu’àun stade avancé d’insuffisance rénale non oligurique.La raison de l’augmentation des doses nécessaires estde nature purement pharmacocinétique (diminutionde leur sécrétion tubulaire proximale).

Règles d’utilisation des diurétiquesdans le traitement des œdèmes

Justifications du traitement diurétiquedans les œdèmes généralisés

La justification et les modalités pratiques de la thérapeu-tique diurétique étant différentes suivant l’étiologie desœdèmes généralisés, nous les envisagerons successivementà propos des quatre principales étiologies : l’insuffisancecardiaque, la cirrhose ascitique, les glomérulopathies etles œdèmes secondaires aux oligoanuries aiguës ou termi-nales de néphropathies chroniques.

Rappelons néanmoins au préalable que les diurétiquesn’ont pas leur place dans :

● le traitement des œdèmes diffus de la toxémie gravi-dique, du traitement des néoplasies malignes par l’inter-leukine, des maladies systémiques inflammatoires (poly-myosite, sclérodermie), des hypoprotidémies d’origineintestinale et des œdèmes cycliques idiopathiques. Àpropos de ces derniers, certains auteurs pensent qu’ilssont même déclenchés par la prise cachée de diuréti-ques chez des femmes obnubilées par leur cellulite, lesœdèmes apparaissant à l’arrêt temporaire de ces diuré-tiques (signalons que l’éphédrine per os pourrait dimi-nuer certains de ces œdèmes, qui relèvent d’une hyper-perméabilité capillaire [11]) ;

● le traitement des œdèmes des membres inférieurs nerelevant pas d’une rétention hydrosodée rénale, tels queles œdèmes d’origine veineuse (varices, ou phlébite) oulymphatique ou en rapport avec la prise d’anticalciquesdu fait de la vasodilatation préférentielle des sphinctersprécapillaires (rappelons que les œdèmes prétibiaux sontsouvent importants et que leur fréquence est non négli-geable [28 % avec le Chronoadalate® dans l’étudeINSIGHT] [12], mais plus rare avec la lercanidipine[< 5 %]).

Traitement des œdèmes de l’insuffisance cardiaquecongestive

JustificationQu’elle soit de nature systolique ou diastolique ou mixte,l’insuffisance cardiaque congestive bénéficiera d’unedéplétion hydrosodée par les diurétiques en termes nonseulement symptomatiques, mais aussi de survie [13].Celle-ci sera impérative et urgente en cas d’œdème pulmo-naire. L’amélioration de la dyspnée provient d’une amélio-ration des échanges gazeux alvéolaires et de la diminutiondu travail respiratoire du fait de la diminution de la pres-sion capillaire pulmonaire, entraînant une diminution de lasurcharge hydrique alvéolaire, et d’une amélioration de lacompliance pulmonaire. Cette déplétion sera cependantprudente en cas d’insuffisance cardiaque diastolique, pourne pas diminuer le débit cardiaque, qui dépend de façoncruciale de la précharge dans cette forme d’insuffisancecardiaque. Le traitement physiopathologique de cette der-nière repose en fait sur des médicaments améliorant larelaxation diastolique des ventricules : vérapamil, diltia-zem, bêtabloquants, IEC et sartans. La distinction entreces deux formes d’insuffisance cardiaque repose d’unepart sur la radiographie de thorax, car la cardiomégalien’est présente que dans l’insuffisance cardiaque avec fonc-tion systolique altérée et dilatation du ventricule gauche,et d’autre part sur les données d’échocardiographie appré-ciant la fonction systolique (fraction de raccourcissement[FR] < 30 %, pour une normale à 33 ± 3 %, fraction d’éjec-tion [FE] < 40 % pour une normale à 70 ± 5 %) et la fonctiondiastolique, d’après le rapport E/A de la courbe des vitessesde remplissage du VG à l’extrémité de l’entonnoir mitral :en cas de dysfonction diastolique, FR et FE restent normauxtandis que le flux mitral affecte le plus souvent le type I

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d’Appleton, avec un rapport E/A inférieur à 1 témoignantdu rôle essentiel de la contribution auriculaire dans le rem-plissage du VG.

Modalités d’utilisation en cas d’OAPVu l’urgence, on aura recours aux diurétiques de l’anse parvoie veineuse dont le délai d’action est de trois minutesenviron. Les doses maximales unitaires conseillées sontfonction du degré de l’insuffisance rénale (Tableau 2). Ona pu montrer que la diminution de la pression capillaire pul-monaire qu’ils entraînent survenait avant que n’augmentela diurèse, suggérant un effet vasodilatateur veineux. Cettevasodilatation veineuse est renforcée par les opiacés et parles dérivés nitrés administrés en spray sublingual ou enintraveineux. Une étude randomisée récente [14] a bienmontré l’intérêt de donner dans un second temps de fortesdoses répétées de dérivés nitrés (3 mg d’isosorbide dini-trate toutes les cinq minutes si la PA moyennereste > 90 mmHg) plutôt que de répéter toutes les 15 minu-tes le furosémide i.v. à 80 mg. Ces fortes doses de dérivésnitrés ont divisé par deux la nécessité d’avoir recours à laventilation mécanique et le risque de survenue d’un nouvelinfarctus. Cela n’est cependant pas très étonnant vu que40 mg i.v. de furosémide assurent déjà une natriurèse maxi-male en plateau pendant trois heures en l’absence d’insuf-fisance rénale et que l’effet veinodilatateur du furosémideest modeste. En absence de diurèse et d’amélioration del’OAP au bout de 30 minutes, on pourra faire néanmoinsune seconde injection i.v. de furosémide à la dose de80 mg, à visée natriurétique, car le degré d’une insuffi-sance rénale éventuelle n’est pas immédiatement connu.Il est inutile cependant de dépasser la dose unitaire de200 mg i.v. car elle entraîne la réponse natriurétique maxi-male.

Modalités d’utilisation initiale en cas d’insuffisancecardiaque congestive décompenséeLe malade étant hospitalisé, l’examen clinique de départprécise le degré de la dyspnée d’effort (nombre d’étages)et de décubitus (nombre d’oreillers), recherche les râlessous crépitants aux bases pulmonaires ( ± épanchementspleuraux), les œdèmes périphériques et le gros foie doulou-reux avec reflux hépatojugulaire. De plus, il est indispen-sable d’établir valablement le poids dans des conditionsles plus reproductibles possibles (si possible nu, à jeunaprès avoir été aux toilettes) et de mesurer la tension arté-rielle et la fréquence cardiaque en position couchée etdebout. Une échocardiographie sera réalisée pour préciserla dysfonction ventriculaire gauche diastolique ou systo-lique. Quant au dosage du peptide natriurétique du typeB, il est seulement en cours d’évaluation et ne doit pas sesubstituer au jugement clinique complété par l’échocardio-graphie [15].

La mesure quotidienne de la diurèse et de la natriurèseest utile mais difficile à interpréter en l’absence de laconnaissance exacte des apports hydriques et sodés. Grâceà une diététicienne, ceux-ci seront réduits à 3 g/24 h pourle sel et 1 l pour les boissons. Nous avons vu que sur le planpratique la variation de poids donne une estimation adé-quate du bilan hydrosodé, la perte de poids étant le seulgarant de sa négativation. En revanche, quand le poids est

stable malgré des doses et des associations adaptées de diu-rétiques, la mesure de la natriurèse des 24 heures est capi-tale pour vérifier la réalité des apports alimentaires sodés à3 g de sel (soit une natriurèse < 17 × 3 ou 51 mmol/24 h). Cerecueil d’urine de 24 heures devra cependant être validépar la créatininurie des 24 heures mesurée par le labora-toire, cette dernière devant tomber dans les 20 % de sonestimation par le numérateur de la formule de Cockcroftet Gault : {(140 – âge) × poids × 1,04 chez la femme ;(140 – âge) × poids × 1,23 chez l’homme)} × 1,44 (car cenumérateur représente la créatininurie de 1000 minutes)[16]. En effet, à poids stable et en l’bsence de pertes diges-tives anormales, la natriurèse représente les apports sodés.

Le choix du diurétique dépendra du niveau de la pressionartérielle pulmonaire systolique évaluée à partir du fluxd’insuffisance tricuspidienne, de la sévérité de la dysfonc-tion systolique, de l’importance des œdèmes et des anoma-lies du bilan biologique évaluant la fonction rénale etl’équilibre hydroélectrolytique.

Au stade d’IVG pure et en l’absence de dysfonctionsévère, d’insuffisance rénale et d’hyperkaliémie, on peutse contenter de l’association d’une dose usuelle de diuré-tique de l’anse et d’épargneur potassique à faible dose(amiloride 5 mg, spironolactone à 25 mg). Les diurétiquesde l’anse seront donnés per os le matin pour le furosémide(Lasilix®) 60 mg à libération prolongée (car il agit sur12 heures, de façon à éviter l’hyperdiurèse nocturne entraî-nant l’insomnie) ou le matin et à midi pour le Lasilix® 40 mgou le bumétamide (Burinex®) à 0,5 mg car leur duréed’action théoriquement de quatre heures chez le sujetnon œdémateux peut être prolongée à six heures environdu fait du ralentissement de l’absorption intestinale parl’œdème de la muqueuse intestinale. Les thiazides neseront généralement pas utilisés en première intention,car ils sont souvent inefficaces seuls et à doses usuellesdans l’insuffisance cardiaque. De plus, ils sont dipsogèneset favorisent l’hyponatrémie de dilution. Si une hypokalié-mie franche préexiste (< 3 mmol/l), celle-ci sera préalable-ment corrigée par un apport de potassium sous forme dechlorure ou de sel organique et/ou l’utilisation d’un diuré-tique d’épargne potassique. Celui-ci pourra être donné àdoses deux fois plus fortes, de façon isolée pendant quatreà six jours avant l’introduction du diurétique hypokalié-miant. Cette correction de l’hypokaliémie est impérativesi le patient reçoit un digitalique en raison du risque detroubles du rythme.

Au stade d’insuffisance cardiaque congestive globaleavec turgescence des jugulaires, reflux hépatojugulaire,œdèmes périphériques diffus et dysfonction ventriculairegauche sévère, on pourra avoir recours d’emblée à la doseunitaire maximale des diurétiques de l’anse donnantl’effet natriurétique en plateau de la Fig. 2. Ces doses,en l’absence d’insuffisance rénale, sont de 80 mg pour lefurosémide et 1 mg pour le bumétamide. Compte tenu dela brièveté de la durée d’action (quatre heures), elles pour-ront être répétées quatre à six fois suivant que l’on veut ounon respecter la période de sommeil. Le Lasilix® 60 LPayant 12 heures de durée d’action pourra être donné seule-ment deux fois. Par ailleurs on associera sans tarder lesinhibiteurs de l’enzyme de conversion, qui améliorerontl’insuffisance cardiaque en diminuant les résistances péri-

Thérapeutique diurétique 407

phériques et qui potentialiseront l’action des diurétiquesen diminuant la réabsorption proximale du sodium stimulépar les taux circulants élevés d’angiotensine II.

Le but à atteindre est tout d’abord de faire fondre pro-gressivement les œdèmes avec une perte de poids qui nedoit pas dépasser 2 kg par jour et qui, en valeur absolue,ne doit pas aller au-delà de 2 kg en dessous du poids pourlequel les œdèmes disparaissent (il est en effet admisqu’une rétention hydrosodée de 2 kg pour un adulte de70 kg ne se traduit pas par des œdèmes cliniquement déce-lables). Par ailleurs, aucune hypotension ni tachycardiesymptomatique ne doit être notée à l’orthostatisme pen-dant la période de fonte des œdèmes, ni aucune aggrava-tion de la fonction rénale (supérieure à 30 %) ou des désor-dres hydroélectrolytiques initiaux. La rythmicité desionogrammes de surveillance sera de l’ordre de deux foispar semaine durant la période de fonte des œdèmes, enl’absence d’anomalies initiales.

Une fois l’état d’hydratation optimal obtenu, le maladepeut sortir avec les mêmes recommandations diététiques etles mêmes doses de diurétique et d’IEC. Il sera cependantrevu en consultation la semaine suivante avec sa surveil-lance quotidienne du poids, un recueil des urines des24 heures pour la mesure de la créatinine, du sodium, dupotassium et de l’urée (± protéinurie si néphropathie) etun ionogramme sanguin + créatininémie et urée sanguine.Très souvent du fait du moindre respect de la restrictionsodée et de la prise de poids, les doses de diurétiquesdevront être augmentées, ainsi que les doses d’IEC jusqu’àun maximum dicté par l’apparition d’une hypotension ettachycardie orthostatiques.

Traitement diurétique des œdèmes réfractaireschez l’insuffisant cardiaqueNous appellerons arbitrairement « œdèmes réfractaires »ceux qui persistent après huit jours, sans perte de poidsmalgré un traitement associant un alitement, une restric-tion sodée stricte à 3 g de sel (vérifiée par une natriurèsedes 24 heures à 51 mmol avec un poids stable) et l’adminis-tration conjointe d’IEC, de bêtabloquants et de diurétiquesde l’anse, aux doses précisées au paragraphe précédent etdont on s’assurera de l’observance. Cette définition arbi-traire est justifiée par le fait que ce traitement associetrois médications majeures de l’insuffisance cardiaquecongestive utilisables avec seulement un minimum de pré-cautions. On ne saurait par ailleurs trop souligner l’impor-tance du clinostatisme (± les jambes surélevées) dans lacorrection des œdèmes, car il permet un meilleur retourveineux au cœur, une stimulation de la sécrétion d’ANF etune freination des systèmes sympathique et rénine–angio-tensine–aldostérone. Ce retour veineux peut être égale-ment renforcé par l’immersion en baignoire.

De même, avant de renforcer la thérapeutique diuré-tique il faut éliminer les facteurs classiques d’aggravationde l’insuffisance cardiaque :

● les troubles du rythme supraventriculaire, en particulierla tachyarythmie par fibrillation auriculaire paroxystique ;

● les infections de rencontre, en particulier les grippes etplus rarement les endocardites ;

● les embolies pulmonaires très souvent latentes s’expri-mant seulement par une aggravation de la dyspnée dedécubitus (elles justifient le traitement anticoagulantsystématique des cardiaques alités) ;

● les causes iatrogènes telles la prise de vérapamil, de dil-tiazem, et même d’alpha1-bloquants comme la doxazo-sine ou de dihydropyridine, et enfin de vasodilatateurscomme le minoxidil ;

● on en rapprochera les interactions médicamenteuses,notamment la prise d’anti-inflammatoires. Comme l’arappelé une étude épidémiologique récente [17], laprise d’AINS dans la semaine (en dehors de l’aspirine àfaible dose) augmente le risque d’une hospitalisationpour insuffisance cardiaque par un facteur 2 par rapportà la population générale et un facteur 10 par rapport à lapopulation des insuffisants cardiaques. Selon cetteétude, 19 % des admissions pour insuffisance cardiaqueseraient dues aux AINS. Cela s’explique par une diminu-tion brutale de la filtration glomérulaire en rapport avecl’inhibition des prostaglandines vasodilatatrices etnatriurétiques, qui ne compensent plus l’effet vasocons-tricteur de l’angiotensine II et des catécholamines auniveau de l’artériole préglomérulaire, ni l’effet stimula-teur de ces hormones sur la réabsorption tubulaire dusodium.

Ces causes d’aggravation de l’insuffisance cardiaqueétant éliminées chez un malade ayant des œdèmes réfrac-taires, on aura recours à deux ordres de mesures :

● une maximalisation de la thérapeutique diurétique pro-prement dit ;

● une optimalisation des traitements associés visant àaméliorer l’insuffisance cardiaque.

Maximalisation du traitement diurétique. Elle repose surl’augmentation des doses des diurétiques de l’anse et surl’association éventuelle des thiazides et des épargneurspotassiques.

Adaptation posologique du diurétique de l’anse. Dansl’insuffisance cardiaque avec DFG normal, il n’y a pas deraison d’augmenter la dose unitaire du diurétique del’anse induisant une efficacité maximale, c’est-à-dire laréponse en plateau de la Fig. 2 car son élimination urinaireest normale et son absorption intestinale cumulative sur24 heures également. Seule la rapidité de l’absorptionintestinale est diminuée.

La Fig. 2 montre cependant que la dose unitaire maxi-male donnera en cas d’insuffisance cardiaque un plateaunettement plus bas que celui obtenu chez un sujet saindont les pertes hydroélectrolytiques sont compensées.L’insuffisance cardiaque induit en effet une résistance quis’explique par l’augmentation de la réabsorption en amontet en aval de l’anse de Henlé. Si la réabsorption d’aval peutêtre bloquée par l’association thiazide + épargneur depotassium, la réabsorption proximale ne peut être bloquéedurablement par l’acétazolamide, du fait que l’acidosequ’il induit en inhibe rapidement l’efficacité natriurétique.Seule l’amélioration de l’insuffisance cardiaque par destraitements étiologiques ou adjuvants peut augmenter la

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réponse plateau à une dose maximale unitaire de diuré-tique de l’anse (voir paragraphe suivant).

Cependant un certain degré d’insuffisance rénale estsouvent présent chez l’insuffisant cardiaque. Or, celle-cioblige à augmenter la dose unitaire maximale pour des rai-sons pharmacocinétiques (diminution du débit plasmatiquerénal et compétition de ces diurétiques avec les acidesorganiques au niveau des processus de sécrétion anioniquedu tubule proximal). C’est la raison pour laquelle Brater [2]recommande, dans l’insuffisance cardiaque avec œdèmesréfractaires et insuffisance rénale modérée, une posologieunitaire intermédiaire entre celles nécessaires pour obtenirle plateau de natriurèse en l’absence et en présence d’uneinsuffisance rénale sévère. Pour le furosémide par voieorale, la dose proposée est de 250 mg au lieu de 80 mgsans insuffisance rénale, ces doses pouvant être répétéestoutes les huit heures. La voie veineuse n’est pas indispen-sable. Si elle est jugée nécessaire, on aura recours de pré-férence à une perfusion continue à la dose de 13 mg/haprès une dose de charge de 40 mg, plutôt qu’à des bolusde 120 mg répétés toutes les huit heures, sans être sûrd’avoir le même rendement optimal. Pour le bumétamide,la dose unitaire maximale, orale ou i.v, sera augmentée de1 à 5 mg à répéter au moins trois fois par 24 heures. Cesdoses maximales seront atteintes progressivement, en dou-blant la dose par palier quotidien tant que le poids ne dimi-nue pas. Elles seront ensuite maintenues tant que la pertede poids quotidienne se situe entre 1 et 2 kg et diminuées sila perte est supérieure à 2 kg/j ou si le poids optimal estatteint.

Traitements associés. L’association des thiazides auxdiurétiques de l’anse est synergique sur le plan natriuré-tique. Cependant, leur utilisation est souvent limitée parl’augmentation du risque d’alcalose hypokaliémique etd’hyponatrémie de dilution.

L’adjonction de diurétiques épargneurs de potassium estégalement logique sur le plan de la synergie natriurétique.Leur indication sera cependant limitée par l’existenced’une hyperkaliémie (K > 5 mEq/l). Parmi les diurétiquesépargneurs de potassium, on peut maintenant donner lapréférence à la spironolactone à la dose de 12,5–50 mg/j,en s’appuyant sur les résultats de l’étude RALES [35], ou àl’éplérénone à la dose de 25–50 mg par jour, si l’on seréfère aux résultats de l’étude EPHESUS [19] ; ces deux étu-des réalisées contre placebo (en association avec une thé-rapeutique optimale) ont en effet montré des résultatsfavorables en termes de survie (RR de 0,70 dans RALES etde 0,85 dans EPHESUS). Bien que la justification théoriquede ce traitement repose sur la prévention de la fibrose car-diaque expérimentale, il n’est pas sûr que le bénéfice cli-nique observé passe nécessairement et exclusivement parla prévention de cette fibrose, et non pas simplement parla synergie d’action natriurétique et stabilisatrice de lakaliémie qu’offre l’association spironolactone avec les diu-rétiques de l’anse, synergie qui pourrait être égalementobtenue avec l’amiloride. Il faut en effet se rappelerqu’expérimentalement, le rôle cardio- et vasculofibrotiquede l’aldostérone n’a été prouvé qu’en association à une sur-charge sodée. Faute d’une étude contrôlée avec l’amilo-ride, ce problème ne sera jamais formellement résolu.Une analyse récente des résultats de RALES exclurait

cependant le rôle d’une déplétion hydrosodée différente(mais non celui d’une kaliémie différente) [20]. Un mar-queur du remodelage de la matrice extracellulaire (le pro-collagène type III aminopeptide) ayant été trouvé abaissédans le groupe spironolactone, il a été suggéré quel’amélioration de la survie de ce groupe pourrait être expli-quée par la diminution du remodelage cardiaque [21].

Optimalisation du traitement pharmacologique associéde l’insuffisance cardiaque [22,23]Dans l’insuffisance cardiaque dont le traitement étiolo-gique est impossible ou insuffisant il faudra avoir recours àdes mesures associées dont l’efficacité a bien été validéeen termes d’amélioration de la morbimortalité cardiovascu-laire. Ces mesures permettront d’élever le plateau deréponse natriurétique des doses unitaires maximales de diu-rétiques de l’anse en améliorant la filtration glomérulaireet en inhibant la réabsorption sodée proximale.

Insuffisance systolique. Dans l’insuffisance cardiaquesystolique (fraction d’éjection ≤ 40 %), on aura recours, endehors des diurétiques et des digitaliques, avant tout àl’association IEC et bêtabloquant, la triple associationavec un antagoniste du récepteur AT1 de l’angiotensine II(sartan) n’ayant que inconstamment donné des résultatssupérieurs à la bithérapie IEC et bêtabloquant :

● la nécessité de recours systématique aux IEC est démon-trée depuis longtemps. Ainsi, la méta-analyse de Flather[24] regroupant les études SAVE (captopril), AIRE (rami-pril), TRACE (trandolapril) et SOLVD (énalapril), regrou-pant au total plus de 12 000 patients, montre une réduc-tion significative de la mortalité (20 %), des nouveauxinfarctus (21 %), des hospitalisations pour insuffisancecardiaque (33 %), mais curieusement pas de réductionsignificative (–4 %) des accidents vasculaires cérébraux(AVC). De plus, dans l’étude SOLVD, l’amélioration de lasurvie cardiovasculaire avec l’énalapril sans diminutiondu risque d’AVC, est encore observée après 12 ans desurvie [25], que les patients aient eu initialement uneinsuffisance cardiaque ou simplement une dysfonctionasymptomatique du ventricule gauche ;

● le recours aux bêtabloquants est maintenant égalementparfaitement justifié, non seulement dans l’insuffisancecardiaque diastolique installée, mais aussi dans l’insuffi-sance cardiaque systolique dilatée, en plus de l’associa-tion « diurétiques + IEC ». Dans cette situation l’additionde doses très progressives de carvédilol, bisoprolol, bucin-dolol ou métoprolol, a en effet diminué la morbimortalitécardiovasculaire dans des essais contrôlés contre placebo[26]. Le dernier essai COPERNICUS [22] vient en effet dedémontrer une diminution de 65 % de la mortalité cheztous les patients, y compris les patients avec une insuffi-sance cardiaque de classe III–IV avec une fraction d’éjec-tion inférieure à 25 %. L’introduction de ces bêtabloquantsse fera cependant à doses très progressives en milieu hos-pitalier. Le rationnel physiopathologique de l’utilisationdes bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque résidedans l’existence d’une signalisation adrénergique inadap-tée et d’une transduction altérée mais persistante dusignal donné notamment par les bêta-1 récepteurs, dont

Thérapeutique diurétique 409

l’activation est proapoptotique. Chez la souris transgé-nique, la surexpression des récepteurs bêta-1 humainaboutit rapidement à une cardiomyopathie [26] ;

● l’avènement au cours des dix dernières années des sar-tans ou AT1-bloquants pose le problème de leur placeoptimale dans le schéma thérapeutique de l’insuffisancecardiaque. La preuve de leur supériorité par rapport auxIEC en termes d’efficacité s’est soldée, pour le moment,par un échec, le losartan à 50 mg une fois par journ’ayant pu être montré supérieur au captopril à 50 mgtrois fois par jour, ni chez l’insuffisant cardiaque sansinfarctus récent dans l’étude ELITE II [18], ni chez lepatient avec infarctus récent et insuffisance cardiaquedans l’étude OPTIMAAL [27] au cours de laquelle la mor-talité cardiovasculaire a même été trouvée supérieuredans le groupe losartan. Cette différence était probable-ment due à une titration insuffisante du losartan cardans l’étude VALIANT [28], le valsartan à la dose de160 mg deux fois par jour a été associé à une morbimor-talité cardiovasculaire comparable à celle du captopril àla dose de 50 mg trois fois par jour, dans une populationcomparable à celle d’OPTIMAAL. Aussi, ce n’est qu’encas de toux ou autre intolérance à un IEC que l’on a cer-tainement intérêt à remplacer un IEC par un AT1 blo-quant, comme l’ont montré à la fois l’étude VALHeft[29] et l’étude CHARM-alternative [30].

En revanche, l’intérêt d’une association d’IEC et d’AT1bloquant n’a été prouvé que dans l’étude CHARM-added[31] à la fois en termes de mortalité cardiovasculaire eten termes de réhospitalisation pour complication cardiovas-culaire, et cela même dans le sous-groupe traité par bêta-bloquant. Les autres études n’ont, en revanche, pas montrél’intérêt de cette triple association. L’étude VALHeft, qui apourtant montré une diminution du risque de réhospitalisa-tion pour insuffisance cardiaque, a même montré un sur-croît de mortalité dans le sous-groupe ayant reçuvalsartan + IEC et bêtabloquant. Cette interaction n’a heu-reusement pas été retrouvée par l’étude VALIANT [28] maiscette étude n’a pu montrer de diminution de la morbimor-talité cardiovasculaire avec l’addition de valsartan à labithérapie captopril et bêtabloquant, alors que la trithéra-pie a augmenté les effets secondaires (malaises hypoten-sifs, insuffisance rénale, hyperkaliémie).

Insuffisance diastolique.Dans l’insuffisance cardiaque diastolique (fraction

d’éjection > 40 %), le candésartan à la dose de 32 mg/j,testé contre placebo, n’a pas modifié le risque de mortalitémais a diminué le risque de réhospitalisation pour insuffi-sance cardiaque (CHARM-preserved trial) [32], suggérantque les AT1-bloquants pourraient améliorer ce type d’insuf-fisance cardiaque aussi bien que les bêtabloquants.

Autres thérapeutiques :

● les inhibiteurs mixtes des vasopeptidases inhibent à lafois l’enzyme de conversion de l’angiotensine II et l’endo-peptidase neutre et aboutissent à une forte élévation despeptides natriurétiques). L’omapatrilate (Vanlev®) a

donné des résultats encourageants dans l’insuffisance car-diaque (étude IMPRESS [33], étude OVERTURE [34]) maisle risque non négligeable d’œdème angioneurotique, sur-tout chez le sujet noir, a limité le développement de cemédicament non seulement dans l’HTA mais, pour lemoment aussi, dans l’insuffisance cardiaque ;

● l’utilisation des digitaliques en l’absence de tachyaryth-mie reste l’objet de controverses. Un consensus semblese dégager pour considérer qu’ils améliorent la sympto-matologie fonctionnelle mais non la mortalité ;

● en cas d’échec de ces thérapeutiques médicales, lesœdèmes réfractaires peuvent bénéficier de quelquesséances d’ultrafiltration : en effet la déplétion hydroso-dée permet parfois de les rendre de nouveau sensiblesaux mesures médicales pendant quelques jours à quel-ques semaines, en attendant une greffe cardiaque. Lemécanisme de cette amélioration reste hypothétique(diminution de la précharge améliorant les échangesgazeux ? Soustraction de cytokines déprimant lemyocarde ?). L’utilisation de la dopamine et autres ino-tropes est déconseillée par la majorité des auteurs car,en traitement chronique, elle aggrave la mortalité enfavorisant les troubles du rythme.

Traitement des œdèmes dans la cirrhose

Dans les cirrhoses hépatiques, le traitement des œdèmes etde l’ascite n’améliore guère le pronostic mais améliore leconfort du malade. La déplétion sodée sera toujours trèslente afin d’éviter l’aggravation de l’insuffisance rénale,réalisant alors un pseudosyndrome hépatorénal. Lorsqu’ilexiste une ascite sans œdème, on préférera recourir auxponctions d’ascite itératives. La supériorité de celles-cisur le traitement diurétique s’explique par le fait que lamobilisation de l’ascite par les diurétiques ne peut sefaire qu’à partir de sa résorption par les capillaires périto-néaux, la capsule hépatique empêchant la résorption del’ascite. Or, la vitesse de résorption par les sinusoïdes péri-tonéales est limitée à 500 ml/j. Pour espacer les ponctionsd’ascite, on pourra avoir néanmoins recours au repos au litet aux spironolactones, en plus de la restriction sodée (3 g/j de NaCl) et hydrique (< 700 ml uniquement s’il existe unehyponatrémie), car il existe souvent une hypokaliémie. Lesspironolactones sont préférées aux autres épargneurspotassiques car la sécrétion de ces derniers par le tubuleproximal est réduite par la rétention des sels biliaires.Leur seule contre-indication est la coexistence d’une aci-dose tubulaire rénale. On cherchera ainsi à induire uneperte de poids au plus égale à 500 g/j.

En cas d’œdèmes on pourra cependant viser une pertede poids de 1 kg par jour et le réaliser grâce à la coadminis-tration de diurétiques de l’anse à dose progressive, jusqu’à160 mg de furosémide et 2 mg de bumétamide, les spirono-lactones pouvant être augmentées jusqu’à 400 mg. Celapermettra la prévention de l’hypokaliémie, qui peut préci-piter l’encéphalopathie hépatique par augmentation del’ammoniogenèse.

Rappelons également l’intérêt de l’immersion dans l’eaujusqu’au cou pour réduire les syndromes d’hydropysie. Celaétait connu déjà des anciens comme le rappelle Marguerite

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Yourcenar dans les mémoires d’Hadrien. Cette technique aété très étudiée pour démontrer le rôle du peptide atrialnatriurétique (PAN) dans la pathogénie des œdèmes résis-tant tout particulièrement dans ceux de la cirrhose. Sonélévation au stade initial de la cirrhose valide le conceptd’une prépondérance de la rétention hydrosodée primitive-ment rénale en réponse au blocage veineux splanchniquepar rapport à la rétention sodée secondaire à la baisse dela volémie « efficace ». Néanmoins à un stade plus tardif dela cirrhose au cours de laquelle la baisse tensionnelle systé-mique s’aggrave on a pu rapporter des cas dans lesquelsl’immersion augmentant la volémie centrale renforçaitl’élévation de l’ANP et contribuait à réduire les œdèmes[36]. Une autre façon d’augmenter cette volémie centraleest d’administrer de la vasopressine ou un de ses analoguesspécifiques des récepteurs VI comme la terlipressine quientraîne une vasoconstriction des veines splanchniques[37]. La terlipressine permet, lorsque le patient est répon-deur, d’améliorer la fonction rénale et la survie dans le syn-drome hépatorénal de type I, ce qui peut permettre de réa-liser une transplantation hépatique [38].

Si les ponctions d’ascite deviennent plus fréquentesqu’une fois tous les 15 jours malgré la correction del’hypoalbuminémie par des perfusions d’albumine, onpourra discuter la pose d’un shunt péritonéoveineux parexemple un shunt péritonéojugulaire de Le Veen, la créa-tion d’un shunt portocave intrahépatique par voie transju-gulaire ou des ultrafiltrations de l’ascite avec réinjectionintraveineuse ou intrapéritonéale des protéines, en atten-dant la transplantation hépatique.

Pour éviter la survenue d’un syndrome hépatorénal rapi-dement mortel, nous insisterons sur l’intérêt de deux mesu-res préventives récemment validées [39] :

● le traitement des péritonites bactériennes spontanéesnon seulement par antibiotiques mais aussi administra-tion d’albumine ;

● l’administration de pentoxyfylline (Torental®

400 mg × 3/j) en cas de cirrhose alcoolique, dont l’effetfavorable s’explique probablement par une inhibition duTNF et du VEGF.

En cas de syndrome hépatorénal mortel sans néphropa-thie à IgA ni septicémie, les reins du cirrhotique peuventparfaitement être utilisés pour une transplantation rénale,car ils sont indemnes de tare organique définitive. Le seulrisque à prendre en compte est un hyperréninisme transi-toire par hyperplasie acquise de l’appareil juxtagloméru-laire, secondaire à l’hypovolémie efficace majeure du syn-drome hépatorénal.

Traitement des œdèmes des glomérulopathies [4]

Rappel physiopathologiqueLes œdèmes compliquent habituellement les gloméruloné-phrites aiguës et les syndromes néphrotiques. Quelle quesoit la nature de ces glomérulopathies, la rétention sodées’explique par une réduction de la capacité rénale intrin-sèque à éliminer le sodium, dont le mécanisme est incertain

(une résistance du tube collecteur à l’action du peptideatrial natriurétique a été incriminée) [4]. Les argumentsexpérimentaux chez l’animal suggèrent que la réabsorptionsodée serait liée à l’ouverture du canal sodium de la celluleprincipale du canal collecteur et à l’activation de la Na/K-ATPase basolatérale [40]. Dans les glomérulonéphritesaiguës, les œdèmes périphériques restent relativementmodérés et s’accompagnent d’une hypertension artérielle àl’origine de complications redoutables particulièrement fré-quentes chez l’enfant : l’œdème pulmonaire et l’œdèmeaigu cérébroméningé. Dans les syndromes néphrotiques, lesœdèmes périphériques sont souvent très importants et asso-ciés volontiers à des épanchements des séreuses, en particu-lier ascite et épanchements pleuraux, alors que l’élévationde la pression artérielle est inconstante.

Une hypotension orthostatique peut même s’observerdans les glomérulopathies idiopathiques à lésions glomérulai-res minimes. Cette hypotension est en rapport avec un désé-quilibre entre la diminution adaptative de la pression onco-tique interstitielle et la diminution de la pression oncotiqueplasmatique, créant ainsi une hypovolémie plasmatique parfuite du liquide plasmatique dans l’interstitium. Cette hypo-volémie réelle majore la rétention rénale de sodium, aumême titre que la fausse hypovolémie, dite « hypovolémieefficace », de l’insuffisance cardiaque et de la cirrhose.Elle se voit essentiellement dans deux circonstances :

● à la phase initiale d’une néphrose idiopathique del’enfant : la protéinurie massive et brutale entraîneune diminution du capital protidique plasmatique, avecbaisse paradoxalement faible de la protidémie du faitdu transfert rapide d’eau dans l’interstitium dont lesprotéines n’ont pas encore eu le temps d’être restituéesau plasma par les lymphatiques ;

● à la phase chronique des syndromes néphrotiques sévè-res par hyalinose segmentaire et focale ou par amylose :dans ces conditions, la baisse adaptative de la pressiononcotique interstitielle est à son plancher mais l’impor-tance de l’hypoalbuminémie diminue le gradient depression plasma–interstitium et fait fuir le liquide plas-matique dans l’interstitium.

La présence d’une hypertension dans les gloméruloné-phrites aiguës et son absence habituelle dans les syndromesnéphrotiques s’explique par la normoprotidémie dans lepremier cas et l’hypoprotidémie dans le second cas. Eneffet, la rétention hydrosodée d’origine rénale se répartiraaussi bien dans le volume plasmatique que dans le volumeinterstitiel si la protidémie est normale, alors qu’elle serépartira préférentiellement dans le volume interstitiel sila protidémie est abaissée. Cela explique que le volumeplasmatique reste habituellement normal dans les syndro-mes néphrotiques, même quand il existe une albuminémieentre 20 et 30 g/l.

Utilisation des diurétiquesCes éléments physiopathologiques expliquent pourquoi lesdiurétiques sont indiqués (avec le régime sans sel) defaçon impérative et rapide dans les glomérulonéphrites

Thérapeutique diurétique 411

aiguës, en raison de la mise en jeu du pronostic vital parl’œdème aigu pulmonaire et l’œdème aigu cérébroméningésecondaire à l’hypertension.

Leur indication peut en revanche être différée dans lessyndromes néphrotiques purs, le traitement corticoïdeétant souvent rapidement efficace, surtout chez l’enfanten cas de néphrose idiopathique.

Dans les syndromes néphrotiques résistants aux corticoï-des et/ou aux immunosuppresseurs, les œdèmes pourrontbénéficier de diurétiques à doses progressives associant undiurétique de l’anse, un épargneur de potassium et sinécessaire un thiazidique comme dans l’insuffisance car-diaque. Les IEC et les antagonistes des récepteurs del’angiotensine remplaceront les épargneurs de potassiumen raison de leur effet antiprotéinurique propre potentiali-sant celui des diurétiques, et en raison de leur effet hyper-kaliémiant. La surveillance et l’adaptation des doses sui-vront les mêmes principes initiaux que pour l’insuffisancecardiaque. L’étude COOPERATE a montré que pour unmême contrôle tensionnel, l’association de trandolapril àdose maximale (4 mg) et de losartan à dose maximale(100 mg) possède une synergie antiprotéinurique et protec-trice vis-à-vis de la dégradation de la fonction rénale. Cetteassociation peut être recommandée dans les syndromesnéphrotiques rebelles [41], en redoublant la surveillancede la créatininémie et de la kaliémie si un épargneur depotassium est associé.

De plus, en cas d’œdèmes réfractaires du fait d’une pro-fonde hypoalbuminémie (< 20 g/l), on peut utiliser la tech-nique d’Inoue et al. [42] qui consiste à administrer le diu-rétique de l’anse après sa fixation sur de l’albuminehyperoncotique à 20 % (à raison de 3 ml pour 3 mg de bumé-tamide et de 60 ml pour 60 mg de furosémide). Cela permetune augmentation du débit du diurétique délivré au tubuleproximal où il doit être sécrété, en évitant des doses plusfortes ototoxiques. Par ailleurs il faut signaler un autre fac-teur de résistance aux diurétiques dans les syndromesnéphrotiques : la liaison du diurétique de l’anse à l’albu-mine présente dans la lumière du tubule. Cette liaisonl’empêche en effet d’être actif sur le cotransporteurNaK2Cl. On a pu montrer expérimentalement (mais nonencore en clinique) que cette résistance pouvait êtrelevée par l’administration de warfarine ou de sulfisoxa-zole, qui se fixent sur l’albumine au même site que les diu-rétiques de l’anse [2]. Les arguments expérimentaux évo-qués plus haut justifient par ailleurs l’utilisationspécifique de l’amiloride [43].

En dehors du cas du syndrome néphrotique avec hypo-tension symptomatique, où l’on peut prescrire des solu-tions isooncotiques d’albumine, on n’aura pas recours àces dernières car elles majorent la protéinurie et aggraventles lésions glomérulaires, et probablement la progression del’insuffisance rénale. Un régime hypoprotidique est mêmeconseillé pour réduire la protéinurie ainsi que des statinespour lutter contre les dyslipidémies, avec le double espoirde réduire le risque cardiovasculaire et la progression de lanéphropathie.

Dans les hyalinoses segmentaires et focales, des séancesde plasmaphérèse ou d’immunoadsorption sur protéine Aont été proposées pour réduire la protéinurie et la dyslipi-démie majeure. Leurs résultats préliminaires sont encoura-

geants [42]. L’application en clinique pourrait concerner leshyalinoses segmentaires et focales du VIH, où le traitementimmunosuppresseur n’a pas sa place.

Signalons la difficulté particulière de traiter les œdèmesnéphrotiques quand s’y associe une insuffisance rénaleaiguë. Après avoir éliminé une néphrite interstitielle aller-gique (aux AINS, antibiotiques et diurétiques ainsi qu’aufoscarnet et à l’alpha interféron), une thrombose des vei-nes rénales et une évolution rapide de la glomérulopathieinitiale, on retiendra la possibilité d’une nécrose tubulairedans les circonstances suivantes [44] :

● chez l’enfant, lors de l’installation ou la rechute brutaled’une protéinurie massive par néphrose idiopathique,avec choc hypovolémique et hémoconcentration sansnécessairement hypoprotidémie : l’histologie rénalepeut montrer des lésions de nécrose tubulaire et/ou denombreux cylindres d’albumine obstructifs. Ce tableaucontre-indique les diurétiques et bénéficiera des corti-coïdes. Une perfusion d’albumine isooncotique (et nonhyperoncotique pour ne pas favoriser l’obstruction tubu-laire) pourra être nécessaire pour traiter l’hypotension ;

● chez l’adulte âgé hypertendu et athéroscléreux, l’insuf-fisance rénale apparaît vers la quatrième semaine et dis-paraît vers la septième semaine sous corticoïdes et trai-tement des œdèmes par diurétiques de l’anse, et sinécessaire dialyse itérative. L’histologie montre unenécrose tubulaire ou un œdème interstitiel pur.

Œdèmes chez les malades oligoanuriques

En cas d’œdèmes chez des malades en oligoanurie du faitd’une nécrose tubulaire ou d’une néphropathie chroniqueterminale, l’administration de diurétiques de l’anse peutpermettre la diminution de la prise de poids interdialy-tique. Les doses utilisées sont de l’ordre de 1 à 2 g de furo-sémide (2–4 cp spéciaux à 500 mg) à répartir en quatre pri-ses et à associer, si nécessaire, à des thiazides à la dose de50–100 mg d’HCTZ. L’administration de ces fortes doseschez les dialysés chroniques n’est justifiée que si ellessont nécessaires pour maintenir une diurèse de l’ordre dulitre.

La réalité du maintien d’une meilleure diurèse grâce àde fortes doses de furosémide chez les patients avec insuf-fisance rénale aiguë vient d’être démontrée par l’étudecontrôlée contre placebo de Cantarovitch et al. [45]. Ellea été réalisée chez 330 patients ne répondant pas à unedose test de 15 mg/kg de furosémide i.v. Le pourcentagede malades répondeurs c’est-à-dire ayant une diurèse des24 heures entre les séances de dialyse supérieure à 2 l/jétait de 86 % avec le furosémide en perfusion continue à25 mg/kg par jour et de 57 % dans le groupe placebo. Lenombre de dialyses, la mortalité et la créatininémie aprèsla dernière dialyse n’ont cependant pas été modifiés par letraitement et la fréquence d’une ototoxicité, favorisée parl’utilisation conjointe d’antibiotiques ototoxiques a été de2 contre 1 % dans le groupe placebo.

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Points forts à comprendre

● Le traitement diurétique des œdèmes se justifie uni-quement lorsque le mécanisme primitif de la réten-tion sodée est rénal, comme dans les glomérulopa-thies avec normo- et hypertension et dans lesoligoanuries, car il existe alors une hypervolémieefficace ;

● quelle que soit sa nature systolique, diastolique oumixte, l’insuffisance cardiaque congestive relèved’une déplétion hydrosodée par diurétique. Celle-ciest même impérative et urgente dans l’œdème pul-monaire. Cependant, en cas d’insuffisance cardiaquediastolique, cette déplétion sera prudente pour nepas induire de réduction du débit cardiaque ;

● dans les syndromes néphrotiques, les diurétiques nesont vraiment utiles que dans les formes corticorésis-tantes, souvent hypertensives, en association avec lesIEC et les AT1 bloquants, dont ils potentialisent l’effetantiprotéinurique ;

● dans la cirrhose ascitique, les diurétiques ne serontutilisés que prudemment, après la ponction d’asciteévacuatrice et s’il y a des œdèmes, en raison durisque d’altération de la fonction rénale par l’aggra-vation de l’hypovolémie efficace.

Points forts à retenir

● Le décubitus (facilitant le retour veineux), la restric-tion sodée à 3 g/j (facilitant la négativation de labalance sodée) et la restriction hydrique à 1 l/j (pré-venant l’hyponatrémie de dilution) seront systémati-quement prescrits et vérifiés ;

● dans l’œdème aigu pulmonaire, les diurétiques del’anse seront administrés en intraveineuse à la dosede 40 mg pour le furosémide et 1 mg pour le buméta-mide. Leur effet thérapeutique immédiat, lié à la vei-nodilatation, est cependant modeste et sera nette-ment renforcé par des dérivés nitrés intraveineux àdoses fortes (3 mg) et répétées toutes les cinqminutes ; plutôt que par l’augmentation des doses ;

● dans l’insuffisance cardiaque congestive globale, lesdiurétiques de l’anse seront d’emblée associés, si lakaliémie le permet, aux IEC et aux épargneurs depotassium en particulier spironolactone ou épléré-none. Leur dose unitaire sera augmentée en fonctiondu degré de l’insuffisance rénale et la fréquence deleur administration sera fonction de la sévérité dutableau et du souci de respecter le sommeil. Latachyarythmie sera toujours traitée et les anticalci-ques seront arrêtés car ils peuvent aggraver l’insuffi-sance cardiaque et induire des œdèmes localisés auxjambes ne justifiant pas des diurétiques. L’associationaux bêtabloquants à doses très progressives et auxAT1-bloquants sera considérée en cas d’œdèmesréfractaires, sous surveillance redoublée de la créati-

ninémie, de la kaliémie et de la natrémie. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens seront proscrits ;

● dans les syndromes néphrotiques, les diurétiques del’anse seront associés aux IEC et/ou aux AT1 blo-quants, et si nécessaire aux thiazides et aux épar-gneurs de potassium. Les perfusions d’albumineseront proscrites en chronique. Elles ne seront utili-sées qu’en cas d’hypotension orthostatique ;

● dans la cirrhose ascitique, les diurétiques de type spi-ronolactone ne seront administrés que s’il existe desœdèmes. Si nécessaire on aura recours en plus auxdiurétiques de l’anse, aux perfusions d’albumine età l’immersion en baignoire ;

● dans tous les cas, la déplétion hydrosodée sera appré-ciée cliniquement par la surveillance initialementquotidienne du poids, de la fréquence cardiaque etde la pression artérielle en position couchée etdebout afin de dépister à temps une déplétion volé-mique exagérée, se manifestant par une tachycardieet une hypotension orthostatique, redoutable surtoutchez le sujet âgé ou athéroscléreux. Quant à la sur-veillance biologique (créatininémie, urée, acideurique, électrolytes sanguins) elle se fera à un rythmeadapté à la vitesse de la déplétion hydrosodée et àl’importance des désordres initiaux.

Règles d’utilisation des diurétiquesdans le traitement de l’hypertension artérielleet de maladies diverses

Nous envisagerons successivement leur justification dans laprotection cardiovasculaire primaire de l’hypertendu et laprotection de la fonction rénale des patients avec néphro-pathie, avant d’envisager leurs complications et leur méca-nisme d’action antihypertensive, qui reste toujours aussihypothétique que la pathogénie de l’hypertension essen-tielle. Nous terminerons par la discussion des bithérapiesantihypertensives en combinaison fixe comprenant un diu-rétique et les indications spécifiques des divers diurétiquesdans les HTA avec dyskaliémie. Nous terminerons par lesindications plus rares des diurétiques : traitement deshypercalciuries et prévention des lithiases calciques et del’ostéoporose par les thiazides, traitement de l’hypercalcé-mie par les diurétiques de l’anse, du diabète insipidenéphrogénique par les thiazides, du glaucome et de l’alca-lose ventilatoire par l’acétazolamide.

Diurétiques et protection cardiovasculaire primairede l’hypertendu

À la fin des années 1990, les diurétiques thiazidiquesn’occupaient plus la première place qu’ils avaient avant1990 en termes de journées de prescription (15 contre44 % pour les anticalciques, 21 % pour les IEC et 20 % pourles bêtabloquants d’après les statistiques de 1996 de laVeterans Administration des États-Unis) [46]. Ils mérite-raient de reprendre cette place au XXI

e siècle, du moinsdans la prévention cardiovasculaire primaire de l’hyper-

Thérapeutique diurétique 413

tendu, si l’on juge selon les critères de la médecine fac-tuelle (evidence-based medicine).

En effet, si toutes les grandes classes d’antihypertenseursen monothérapie en comparaison à un placebo normalisentapproximativement 50 % des HTA essentielles légères àmodérées (étude de Veterans Administration et étudeRAHNE) [47], les diurétiques et les dihydropyridines (DHP)sont les deux classes qui diminuent paradoxalement le plusla pression artérielle. En effet, ce sont les deux seules clas-ses qui stimulent les récepteurs AT1 de l’angiotensine II paractivation de la formation d’angiotensine II, alors que lesbêtabloquants, les IEC et les non-dihydropyridines à longuedurée d’action (NDHPLDA) diminuent cette activation endiminuant la formation d’angiotensine II soit directement(IEC) ou indirectement par freination de la rénine secondai-rement à l’inhibition de l’activation des récepteurs β1 (bêta-bloquant et NDHLDA). Dans une méta-analyse récente desétudes contre placebo, nous avons montré que les diuréti-ques et les DHP par comparaison aux bêtabloquants et auxIEC réduisaient davantage à la fois la pression systolique (–11,7 versus –6,9 mmHg, p = 0,005) et la pression diastolique(–4,96 versus –3,53 mmHg ; p = 0,01) [sous presse].

Par ailleurs, les diurétiques constituent la seule classed’antihypertenseurs ayant fait la preuve de son efficacitépar rapport à un placebo en termes de prévention primairedes AVC, des infarctus du myocarde, de l’insuffisance car-diaque et en termes de mortalité cardiovasculaire et glo-bale. Les seules nuances à apporter à cette affirmation glo-bale sont les suivantes [47,48] :

● la prévention de l’infarctus du myocarde avec les diuré-tiques n’a été démontrée que chez le sujet âgé recevantl’association thiazide à faibles doses et d’un épargneurde potassium, et non chez le sujet d’âge moyen avec desthiazides seuls à fortes doses ;

● les bêtabloquants seuls diminuent le nombre d’AVC nonmortels (mais pas celui des AVC mortels chez les sujetsâgés) mais ne diminuent pas le nombre des infarctus dumyocarde ni la mortalité cardiovasculaire ou globale ;

● les dihydropyridines de longue durée d’action (nitrendi-pine) diminuent le nombre des AVC mortels ou non et lamortalité cardiovasculaire globale, mais non le nombred’infarctus ou d’insuffisance cardiaque ;

● les α1-bloquants, les IEC et les antagonistes des récep-teurs AT1-de l’angiotensine II n’ont jamais fait l’objetd’une évaluation, contre placebo isolé en préventionprimaire.

Dans les essais comparatifs de prévention cardiovascu-laire primaire, les thiazides n’ont été comparés en tête-à-tête qu’avec quatre classes d’antihypertenseurs.

Comparaison à d’autres classes d’antihypertenseursen monothérapieBêtabloquants. Les résultats sont discordants. Dans lesdeux grands essais du MRC chez les sujets d’âge moyen etles sujets âgés, les thiazides s’avèrent supérieurs aux bêta-bloquants alors que l’étude HAPPHY ne montre aucune dif-férence et que l’étude MAPHY montre une mortalité cardio-vasculaire supérieure avec les thiazides seuls donnés à forte

dose chez des hommes d’âge moyen (mais sur un petit nom-bre d’événements) [48].

Dihydropyridines à longue durée d’action. On disposede deux études :

● l’étude INSIGHT [12] a montré une morbimortalité car-diovasculaire globale comparable mais une réduction durisque à la fois d’infarctus du myocarde (61/77 ;RR = 0,72) et d’insuffisance cardiaque (12/26 ;RR = 0,46) avec l’association thiazide + amiloride compa-rée au Chronoadalate® ;

● l’étude ALLHAT [49] où la chlortalidone comparée àl’amlodipine (10 mg) a donné une protection coronaire,cérébrale et globale comparable mais une protectionsupérieure vis-à-vis de l’insuffisance cardiaque, avec unebaisse comparable de la pression artérielle moyenne.

α1bloquants. Dans l’étude ALLHAT, le bras doxazosine aété interrompu en raison d’une incidence moindre souschlortalidone de l’insuffisance cardiaque et d’AVC maisnon des infarctus et de la mortalité globale [50].

IEC. L’étude ALLHAT a comparé le lisinopril (40 mg) à25 mg de chlortalidone [49]. La protection a été compa-rable pour le risque coronarien dans les deux groupes maisle risque d’AVC (RR 1,15) et d’insuffisance cardiaque (1,19)était significativement plus élevé avec le lisinopril, toutparticulièrement dans le sous-groupe des noirs américains,où le risque relatif était respectivement de 1,40 et de 1,32.Cette différence importante était en partie, mais non com-plètement expliquée par une PA systolique plus élevée(+2 mmHg dans la population générale et +4 mmHg dans lapopulation noire) du fait que les médicaments associés endeuxième intention étaient l’aténolol, la clonidine ou laréserpine connus pour avoir une synergie antihypertensiveavec un thiazide et non avec les IEC car freinant commeces derniers l’activation du récepteur AT1.

L’étude ANBP2 australienne, randomisée mais non endouble insu [51] a comparé un thiazide à divers IEC et mon-tré avec le thiazide un risque coronarien (1,16) et global(1,12) supérieur. Le risque cérébral global était comparablemais le risque d’AVC mortels était diminué de 48 %. Il fautnoter cependant qu’une pression artérielle comparableentre les deux groupes n’avait été obtenue que grâce àl’addition de thiazide chez 15 % des patients du bras IECet que la taille de cette étude était beaucoup plus petiteque pour la comparaison chlorthalidone–lisinopril dans ALL-HAT (1431 événements contre 6455).

On rapprochera de ces études de morbimortalité l’étudeLIVE [52], qui a comparé sur 48 semaines l’effet de l’inda-pamide et de l’énalapril sur la régression de l’hypertrophieventriculaire gauche (HVG) échocardiographique, etdémontré de façon très rigoureuse la supériorité de l’inda-pamide non seulement en ce qui concerne la régression dela masse du ventricule gauche mais aussi celle de l’épais-seur des parois. Cette étude corrobore les résultats del’étude TOMHS [53], qui avait montré la supériorité de lachlortalidone sur l’énalapril dans la prévention de l’HVGchez les hypertendus. Cette discordance de conclusionavec celle des méta-analyses antérieures tient à la rigueur

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de la méthodologie (avec contrôle continu de la qualité deséchocardiographies et évaluation finale centralisée totale-ment en aveugle, vis-à-vis à la fois du traitement et de laséquence des échocardiographies), au plus grand nombre depatients (500), à la plus longue durée de l’étude (48 semai-nes contre ≤ 24 semaines dans la plupart des autres études)et à l’absence d’utilisation simultanée ou antérieure dediurétique dans le groupe IEC. Cette efficacité supérieuredes diurétiques sur les IEC dans la régression ou la préven-tion de l’HVG des hypertendus est en accord avec le rôle del’apport sodé, bien démontré sur le plan clinique et expéri-mental par l’équipe d’A. Mimran [54]. Le mécanisme intimeliant l’HVG à l’apport sodé reste encore énigmatique.Cependant des données expérimentales ont démontré quel’augmentation de l’apport sodé augmente la rigidité desgros troncs artériels [55], ce qui augmente l’impédanceaortique et donc le travail cardiaque pour une même pres-sion artérielle moyenne. Vu l’importance de l’HVG concen-trique dans la survenue d’une insuffisance cardiaque diasto-lique, les diurétiques peuvent ainsi jouer un rôle dans laprévention de ce type d’insuffisance cardiaque alorsmême qu’ils n’ont plus de place dans ce type de pathologieune fois l’OAP jugulé.

Études comparatives des diurétiques en associationLes résultats des essais comparant le traitement« conventionnel » (diurétique et/ou bêtabloquant) à unIEC (captopril dans l’étude CAPPP [56] ; énalapril ou lisino-pril dans l’étude STOP-hypertension 2) [57] ou à un antago-niste calcique (diltiazem dans l’étude NORDIL) [58] sontplus difficiles à interpréter en termes de protection vascu-laire liée spécifiquement aux diurétiques, d’autantqu’aucune différence de morbimortalité cardiovasculaireglobale n’a été observée. Seule l’incidence des AVC a ététrouvée plus grande avec le captopril et plus faible avec lediltiazem par rapport au traitement conventionnel. Les diu-rétiques, plus cérébroprotecteurs que les bêtabloquantsdans les études du MRC, sont probablement responsablesde la supériorité du traitement conventionnel dans l’étudeCAPPP. Au contraire, les bêtabloquants, qui diminuent laformation d’angiotensine II, peuvent expliquer la moinsbonne protection cérébrale du traitement conventionnelpar rapport au diltiazem à courte durée d’action (qui aug-mente la formation d’angiotensine II). En effet, le groupedit conventionnel a été traité de façon prépondérante pardes bêtabloquants (dans une proportion de 3/5 contre 2/5seulement pour les thiazides). La récente méta-analyseévaluant les nouveaux antihypertenseurs par rapport autraitement conventionnel confirme la moins bonne cérébro-protection avec les IEC, qui diminuent la formation d’angio-tensine II (le RR d’AVC est de 1 à 1,19). Ce lien direct entreformation d’angiotensine II et protection cérébrale a étéretrouvé dans notre revue générale des grandes études[48] et s’explique par des mécanismes anti-ischémiquescérébraux médiés par l’activation des récepteurs non-AT1(AT2 et AT4) de l’angiotensine II. Par ailleurs, la méta-analyse de la Blood Pressure Lowering Trialist Collaborationconfirme que le traitement conventionnel est supérieur auxantagonistes calciques dans la prévention de l’insuffisancecardiaque (RR = 0,68–0,82) [59].

Au total, comme l’a encore démontré la méta-analyseen réseau [60], aucune méta-analyse ne peut valablementproposer une autre classe d’antihypertenseur pour détrônerles thiazides (surtout s’ils sont combinés aux épargneurs depotassium) de leur première place pour le traitement ini-tial, notamment chez le sujet âgé, puisque les diurétiquesoffrent une meilleure protection cérébrale que les bêtablo-quants, les α1bloquants et les IEC et une meilleure protec-tion cardiaque que les antagonistes calciques (insuffisancecardiaque) et que les α1bloquants (insuffisance cardiaque).Cela est d’autant plus remarquable que les diurétiques,même à faibles doses, exposent à des complications méta-boliques plus fréquentes qu’avec les nouveaux antihyper-tenseurs (α1bloquants, antagonistes calciques et IEC).

Cependant, la fréquence globale de leurs effets secon-daires est plus faible que celle des dihydropyridines (42 %avec le coamilozide (HCTZ + amiloride) et 49 % avec leChronoadalate®) et entraîne moins souvent l’arrêt du trai-tement (1048 contre 1259) dans l’étude INSIGHT [12]. Seulela classe des AT1-bloquants présente une tolérance incon-testablement meilleure que celle des diurétiques, la fré-quence de ses effets secondaires étant comparable à celled’un placebo [61].

Ces faits justifient les recommandations françaises del’Anaes, celles de la British Society of Hypertension [47] etcelles du JNC-7 [62] qui recommandent les diurétiques enpremière intention. Ces recommandations précisent de plusqu’on ne peut parler d’hypertension résistante à une bi- outrithérapie sans avoir introduit un diurétique. De fait, les diu-rétiques ont une action antihypertensive additive ou syner-gique prouvée et recommandée avec la majorité des autresclasses d’antihypertenseurs. Avec les inhibiteurs du systèmerénine angiotensine (bêtabloquant, IEC, antagonistes desrécepteurs AT1) cette action est synergique, alors qu’avecles vasodilatateurs (qui entraînent une rétention sodée), lesantihypertenseurs centraux, les antagonistes calciques et lesα1bloquants, elle ne serait qu’additive. Cela justifie lesbithérapies à combinaison fixe du Tableau 3, auxquellesdevrait s’ajouter une association diurétique + diltiazem [63].Le seul inconvénient des associations avec les α1bloquants etIEC ou AT1 bloquants est le risque de malaise orthostatique, àcraindre surtout chez le sujet âgé, dont le baroréflexe estémoussé. De plus, la faiblesse de la dose de thiazide peutdiminuer la protection vis-à-vis des AVC, car la revue desgrands essais thérapeutiques [48,63] suggère un lien entre ledegré de stimulation du système rénine angiotensine et cetteprotection cérébrale, probablement par la stimulation desrécepteurs non AT1 de l’angiotensine II [64]. Il faut rappelerici que la protection cérébrale donnée par les diurétiques etpar les dihydropyridines est comparable, comme l’a biendémontré l’étude INSIGHT [12]. Cette constatation est enaccord avec ce concept, les dihydropyridines stimulant lasécrétion de rénine [65].

Les études de cohorte ont montré que le risque cardio-vasculaire présentait une relation log linéaire avec la pres-sion artérielle systolique jusqu’à son seuil définissable de115 mmHg et avec la pression diastolique jusqu’à75 mmHg, suggérant que ces pressions devraient être lesPA optimales, car associées au risque cardiovasculaire leplus faible [66]. Cependant, de tels chiffres ont rarementété atteints dans les grandes études, expliquant que les

Tableau 3 Bithérapies antihypertensives comprenant un diurétique en combinaison fixe, commercialisées en France en 2003

Médicament associé (DCI) Médicamentassocié(dose, mg)

Diurétique (DCI) Diurétique(dose, mg)

Nom commercialde l'association®

Épargneurs de potassiumAmiloride 5 Hydrochlorothiazide 50 ModuréticAmiloride 5 Furosémide 40 LogirèneTriamtérène 50 Hydrochlorothiazide 25 PrestoleTriamtérène 150 Cyclothiazide 3 CyclotériamTriamtérène 150 Méthyclothiazide 5 IsobarSpironolactone 25 Altizide 15 Aldactazine

PractazinPrinactizideSpiroctazine

Spironolactone 50 Furosémide 20 Aldalix

BêtabloquantsMétoprolol 200 Chlortalidone 25 LogrotonOxprénolol 160 Chlortalidone 20 TrasitensinePindolol 10 Clopamide 5 ViskaldixTimolol 10 Hydrochlorothiazide 25 ModucrenBisoprolol 2,5/5/10 Hydrochlorothiazide 6,25 Lodoz

IECCaptopril 50 Hydrochlorothiazide 25 Captea/ÉcazideÉnalapril 20 Hydrochlorothiazide 12,5 CorenitecLisinopril 20 Hydrochlorothiazide 12,5 Prinzide/ZestoreticBénazépril 10 Hydrochlorothiazide 12,5 Briazide/CibadrexQuinapril 20 Hydrochlorothiazide 12,5 Acuilix/KoreticPérindopril 2/4 Indapamide Indapamide 0,625/1,25 { Preterax Bipreterax

Antagonistes de l'ATIILosartan 50 Hydrochlorothiazide 12,5 HyzaarLosartan 100 Hydrochlorothiazide 25 FortzaarCandésartan 8/16 Hydrochlorothiazide 12,5 Cokenzen (8/16)

Hytacand (8/16)Irbésartan 150/300 Hydrochlorothiazide 12,5 Coaprovel (150/300)Valsartan 80 Hydrochlorothiazide 12,5 Cotareg (80/12,5)Valsartan 160 Hydrochlorothiazide 25 Nisisco (160/25)Telmisartan 80 Hydrochlorothiazide 12,5 MicardisPlus, PritorPlus

AutresRéserpine 0,1 Bendrofluméthiazide 2,5 TensionormeDCI : dénomination commune internationale ; IEC : inhibiteurs de l’enzyme de conversion ; ATII : angiotensine II.

Thérapeutique diurétique 415

recommandations des consensus aient été variables maistoujours plus élevées, par exemple :

● en l’absence de diabète et d’insuffisance rénale,< 140/85 mmHg pour Ramsay et al. [47] ;

● en présence d’un diabète, < 140/80 mmHg pour Ramsaymais < 130/85 pour Bakris.

La récente méta-analyse des grandes études concernantles diabétiques a montré que la fréquence d’obtentiond’une PAS inférieure à 140 mmHg n’atteignait guère 50 %[67], ce qui démontre bien le caractère volontariste etnon prouvé par les faits de ces recommandations.

Diurétiques et prévention de la progressiondes néphropathies protéinuriques

L’étude MDRD a fortement suggéré, grâce à une analysepost hoc [68], que la progression de l’insuffisance rénale

pouvait être ralentie par une diminution de la pressionartérielle au-dessous des chiffres tensionnels de 140–90 pro-posés par l’OMS. En effet, la comparaison de deux groupesd’insuffisants rénaux, dont la PA a été maintenue enmoyenne à 130–85 et 125–75 mmHg, a pu montrer une moin-dre dégradation de la fonction rénale dans le groupe à PAinférieure à condition toutefois que leur protéinurie soitsupérieure à 1 g/j. Pour obtenir une telle baisse tension-nelle, les diurétiques sont presque constamment indispen-sables, à dose progressivement croissante, en raison du rôlede la rétention sodée dans l’HTA des insuffisants rénaux.

La justification des diurétiques dans l’insuffisance rénaleest d’autant plus grande que la déplétion sodée qu’ils indui-sent diminue la protéinurie [69,70], qui représente avecl’HTA l’un des deux facteurs de progression de l’insuffi-sance rénale les plus importants. Il n’est pas inutile de rap-peler que dans la seule étude ayant comparé en tête à têteun diurétique, l’HCTZ et un IEC, l’énalapril, pendant quatreans, chez 110 diabétiques de type 2 avec macroprotéinurie,l’évolution de la filtration glomérulaire (FG) [mesurée par

Figure 5 Surveillance d’un malade insuffisant rénal traité par inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) ou AT1-bloquant etdiurétique (modifiée d’après Bakris et Weir [74]). SCr : créatinine sérique ; PA : pression artérielle ; AINS : anti-inflammatoiresnon stéroïdiens.

C. Presne et al.416

EDTA] a été comparable alors que celle de la protéinurien’a été moins bonne avec le thiazide qu’au cours de la qua-trième année [71].

Cela explique que l’association diurétique IEC et/ou AT1bloqueur représente le traitement de choix de toutes lesnéphropathies protéinuriques, le diurétique pouvant êtreun thiazide seul si la clairance de la créatinine est supé-rieure à 60 ml/min et un diurétique de l’anse, éventuelle-ment associé à un thiazide, si la clairance de la créatininedevient inférieure à 60 ml/min. Les antagonistes des récep-teurs AT1 (ARAT1) ont maintenant fait leur preuve dans lanéphropathie du diabétique de type 2 (étude RENAAL [72],étude IDNT [73]). L’association supplémentaire d’un épar-gneur de potassium sera en revanche à éviter en raison durisque d’hyperkaliémie des IEC. Nous lui préférons l’asso-ciation IEC et AT1-bloqueur comme dans l’étude COOPE-RATE [41] qui a par ailleurs montré une meilleure synergieantiprotéinurique pour l’association AT1-bloqueur + IECavec les diurétiques qu’avec les antagonistes calciques.

Rappelons que l’association d’un diurétique à un IECet/ou un ARAT1 expose à une augmentation initiale de lacréatininémie. Celle-ci doit être tolérée tant qu’elle nedépasse pas 30 %, et qu’elle s’accompagne d’une diminu-tion de la protéinurie. Cette baisse initiale de la FG et dela protéinurie au cours des traitements antihypertenseursde l’insuffisance rénale est même un facteur prédisantune meilleure conservation à long terme de la fonctionrénale [74]. Si elle dépasse 30 % il faut diminuer les doses

du diurétique et/ou de l’IEC, éliminer les éventuels anti-inflammatoires et si cela ne suffit pas, rechercher une sté-nose de l’artère rénale (uni- ou bilatérale) par écho-doppler (Fig. 5).

Rappelons qu’en cas d’exploration radiologique avecproduit de contraste iodé (angiographie, scanner) il estrecommandé d’arrêter transitoirement les diurétiques 24–48 heures avant, pour diminuer le risque d’aggravation del’insuffisance rénale. Signalons que l’on a récemment pro-posé le recours à l’administration d’acétylcystéine(Fluimucil® per os à la dose de 600 mg deux fois par jourla veille et le jour de l’examen) pour diminuer ce risque[75].

Complications des diurétiques dans le traitementde l’HTA et de la progression des néphropathies

Complications hydroélectrolytiques et rénalesElles ont déjà été envisagées dans la première partie. Aussinous nous contenterons d’insister seulement ici sur le faitque chez l’hypertendu les complications électrolytiquesdevraient toujours être prévenues par la combinaison d’undiurétique hypokaliémiant avec un épargneur de potassiumà doses modérées, en l’absence d’insuffisance rénale, etd’un inhibiteur de la synthèse d’angiotensine II ou d’un blo-queur des récepteurs de l’angiotensine II en cas d’insuffi-sance rénale. D’après une étude cas témoin [76], la préven-

Thérapeutique diurétique 417

tion des hypokaliémies des thiazides par l’amiloride estmême capable de diminuer le risque de mort subite parrapport aux bêtabloquants. Les associations fixes des diuré-tiques à des inhibiteurs de la sécrétion de rénine (bêtablo-quants) et surtout de la synthèse ou des récepteurs AT1 del’angiotensine II peuvent être utilisées dans le même but.Rappelons que la recommandation de doses modérées dethiazide (12,5 à 50 mg d’HCTZ au maximum) et de leurassociation aux épargneurs de potassium est particulière-ment importante chez le sujet âgé pour éviter les hypona-trémies.

Complications métaboliques des diurétiques [8]Les principales complications métaboliques des diurétiquessont l’hyperuricémie et une insulinorésistance responsablede l’intolérance aux hydrates de carbone et de la dyslipidé-mie. Elles sont importantes à discuter car leur conséquencenéfaste sur le pronostic cardiovasculaire a été initialementsurestimée, conduisant à considérer a priori les diurétiquescomme moins cardioprotecteurs que les nouveaux antihy-pertenseurs, alors qu’aucune preuve n’a pu en être appor-tée jusqu’à présent, même chez le diabétique.Hyperuricémie. Elle est en rapport avec une diminution dela clairance de l’acide urique proportionnelle à la déplétionsodée et à la stimulation du système rénine angiotensine.Elle est donc habituelle avec les thiazides et les diurétiquesde l’anse et plus rare avec les épargneurs de potassium,dont la déplétion sodée induite dans l’hypertension essen-tielle est faible. Un consensus existe pour ne pas la corriger,sauf s’il existe des antécédents de goutte. On peut alorsavoir recours aussi bien aux uricosuriques (comme le benz-bromarone, le losartan ou Cozaar®, seul antagoniste desrécepteurs AT1 de l’angiotensine II à avoir cette propriété)qu’à l’allopurinol, inhibiteur de la xanthine-oxydase.Jusqu’à tout dernièrement, l’hyperuricémie n’était pasconsidérée comme un facteur de risque vasculaire indépen-dant, mais des études épidémiologiques plus récentesremettent en cause ce consensus et une étude récente endonne une explication physiopathologique en montrant quesa correction chez le diabétique a pu améliorer la vasodila-tation endothélium-dépendante.Intolérance aux hydrates de carbone. Une intolérance auxhydrates de carbone a tout d’abord été rapportée dans uneétude du MRC en 1976 alors qu’étaient données de fortesdoses de thiazidiques seuls. Elle avait été rapportée à uneinsulinorésistance favorisée par la déplétion potassique.Cette explication n’est cependant pas suffisante, car uneinsulinorésistance a été également rapportée dans l’étudeeuropéenne chez le sujet âgé, alors qu’une association dethiazide et de triamtérène était utilisée. Le risque d’appa-rition d’un diabète (glycémie à jeun > 7 mmol ou non à jeun> 11 mmol/l, ou prise d’un traitement antidiabétique) avecles thiazides seuls à faibles doses n’est cependant pas plusgrand dans l’étude ARIC que celui d’un groupe témoinhypertendu non traité ou du groupe traité par IEC seul,antagoniste calcique seul (risque relatif à 0,95, 0,99 et1,17) à l’opposé de ce qui est observé avec les bêtablo-quants (RR = 1,26 [1,03–1,52]) [77]. La majoration de l’inci-dence du diabète de type 2 observée dans le groupeconventionnel par rapport au groupe captopril de l’étudeCAPPP, ou dans le groupe placebo par rapport au groupe

ramipril de l’étude HOPE, est plutôt à mettre sur le comptedes bêtabloquants que sur celui des thiazides.

Ces données doivent d’autant moins conduire à restrein-dre les thiazides chez les hypertendus, même obèses oudiabétiques de type 2, que leur efficacité dans la protec-tion cardiovasculaire a été bien démontrée chez les diabé-tiques de type 2 dans l’étude SHEP. Néanmoins on proscrirales fortes doses de thiazides (> 50 mg d’HCTZ) car elles ontété incriminées à l’origine de comas hyperosmolaires.

Il faut signaler cependant que l’étude ALLHAT a confirmél’existence d’un effet diabétogène plus important avec lachlortalidone qu’avec l’amlodipine (RR = 1,18) ou le lisino-pril (RR = 1,43), parallèlement à un risque hypokaliémiqueplus fort (RR respectivement de 4,47 et 10,6). Cela ne futassocié à aucun surcroît de risque de complication cardio-vasculaire. C’est même l’inverse qui a été observé, alorsque le traitement associé était comparable et comportaitentre autres des bêtabloquants.Dyslipidémie. Elle est caractérisée par une augmentationdu cholestérol total et des triglycérides et par une baissedu HDL cholestérol. Elle est également médiée par l’insuli-norésistance et potentialisée par la déplétion potassique etpar la coadministration de bêtabloquants sans activité sym-pathomimétique intrinsèque. Cependant ces anomalies sontsurtout rencontrées avec de fortes doses de diurétiques etsont transitoires car exceptionnellement retrouvées dansles études prolongées sur plus d’un an. De plus, elles sontmajorées par le tabagisme, qui aggrave l’insulinorésistanceet, selon une étude israélienne [78], leur persistance ne severrait que chez les fumeurs. Ainsi n’y a t-il aucune raisonde ne pas prescrire des thiazides à un sujet diabétique,obèse ou ayant une dyslipidémie initiale.

L’étude ALLHAT a cependant également confirmé l’effethypercholestérolémiant de la chlortalidone par rapport àl’amlodipine et surtout le lisinopril, le pourcentage depatients avec un cholestérol total supérieur à 2,40 g/létant de 14,4 avec la chlortalidone, contre 13,4 % avecl’amlodipine (NS) et 12,8 % (p < 0,005) avec le lisinopril.Cette dyslipidémie n’a cependant entraîné aucun surcroîtde morbidité coronaire, au terme d’un suivi de six ans.

Retentissement sur la qualité de vie et la carcinogenèseLes risques de malaise orthostatique, d’impuissance,d’altération des fonctions cognitives et de carcinogenèserénale sont également à discuter car ils sont fréquemmentmis en avant pour dénier aux diurétiques leur place commetraitement initial préféré dans le traitement de l’HTAessentielle non maligne.Hypotension orthostatique. Le malaise orthostatique peutêtre favorisé par tous les antihypertenseurs et en particu-lier par les diurétiques. Sa prévention est importante pouréviter les AVC, les chutes et les fractures. Pour cela il estnécessaire, surtout chez le sujet âgé, de n’augmenter quetrès progressivement les doses, avec vérification régulièrede la fréquence cardiaque et de la PA en position couchéeet debout. Dans l’étude STOP Hypertension 2, concernantdes sujets âgés de 76 ± 10 ans, la fréquence de ces malaisesétait de l’ordre de 25 à 28 % et comparable pour le traite-ment conventionnel (diurétique et/ou bêtabloquant, et letraitement par IEC ou dihydropyridine).

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Impuissance. Elle est fréquente chez l’hypertendu etencore plus après mise en route du traitement. Les thiazi-des à fortes doses, comme dans l’étude du MRC [79], aug-mentent significativement la fréquence des impuissances.Cependant, à faibles doses, comme dans l’étude TOMHS,la diminution de la fréquence de l’acte sexuel et de l’inté-rêt pour lui n’était pas plus grande avec la chlortalidonequ’avec l’acébutolol, l’énalapril ou l’amlodipine [8].Fonctions cognitives. Une altération des fonctions cogniti-ves du sujet âgé a pu être rapportée lors de l’utilisationdes thiazides à fortes doses. Une étude randomisée récenten’a montré cependant aucune différence significative entreun placebo, un demi-comprimé de Modurétic® et 50 mgd’aténolol. Il n’y a donc aucune contre-indication à utiliserl’association thiazide + épargneur de potassium à faiblesdoses chez le sujet âgé, comme chez le sujet très âgéchez lequel les diurétiques ont été les seuls à prouver leurefficacité dans la prévention cardiovasculaire [80].

Il faut signaler cependant que chez les sujets âgés de 80à 96 ans ayant une forte hypertension à 182 mmHg, l’étudepilote HYVET [81] a montré que l’abaissement de leur pres-sion artérielle par les diurétiques ou un IEC à 150 mmHgpouvait s’accompagner d’une augmentation du risque demortalité (RR = 1,23 ; IC95 % : 0,75–2,0). Le seul bénéficesignificatif concernait la diminution du risque d’AVC(RR = 0,47 ; IC95 % : 0,24–0,93), cette diminution étantsignificative avec le thiazide (bendrofluazide 2,5 mg)[RR = 0,31 ; p = 0,01] mais non avec l’IEC lisinopril(RR = 0,63 ; p = 0,21).

Ces données sont en accord avec l’étude PROGRESS [82]qui avait montré (dans une population 20 ans plus jeune),une réduction du risque de récidive d’AVC non significativede 5 % avec le périndopril seul comparé à un placebo, alorsque l’étude PATS [83] avait montré une réduction de 29 %de ce risque avec l’indapamide seul, pour une même baisede la PAS de 5 mmHg, dans une population comparable avecantécédent d’AVC et d’accident ischémique transitoire (àl’exception de l’ethnie qui était à asiatique 100 contre40 % dans l’étude PROGRESS).

Secondairement à cette bonne protection contre l’isché-mie cérébrale, les diurétiques ont été prouvés efficaces vis-à-vis de la prévention contre le déclin cognitif et ladémence. Ainsi dans l’étude PROGRESS [84] le périndoprilseul a augmenté le risque de toute démence de 8 % (NS),alors que ce dernier était significativement abaissé de23 % avec l’association indapamide + périndopril. Cepen-dant dans la présentation globale des deux essais randomi-sés indépendants de l’étude PROGRESS, le risque de toutedémence n’était pas abaissé de façon significative (–28 à+8 %), et seul le risque de démence associée à une récidived’AVC (c’est-à-dire de démence vasculaire) était significa-tivement abaissé de 34 %. Aussi le fait qu’avec le périndo-pril seul ayant diminué le risque de récidive d’AVC de 5 %,le risque de toute démence ait été augmenté et non dimi-nué, suggère que le risque de démence d’Alzheimer a étéaugmenté par le périndopril.

Cette suggestion est corroborée par l’étude de cohortedu Cache County [85] qui a montré une augmentation nonsignificative du risque de maladie d’Alzheimer avec les IEC(RR = 1,13 ; IC95 % : 0,60–1,98), alors que ce risque a dimi-nué de façon significative avec les diurétiques (RR = 0,61 ;

0,37–0,98) et plus particulièrement avec les diurétiquesd’épargne potassique (RR = 0,26 ; 0,08–0,64). Cela soulignel’importance de contrôler régulièrement la kaliémie aucours des thérapeutiques par thiazide et diurétique del’anse, et de maintenir la kaliémie entre 4 et 5 mmol/l, sinécessaire par l’amiloride et les spironolactones. Il fautrappeler à ce propos que ces dernières ont des effets secon-daires hormonaux (gynécomastie, impuissance et ménomé-trorragie) et un effet hyperkaliémiant de plus longue duréeque celui de l’amiloride (trois contre un jour) en cas desurdosage.

Outre l’importance de maintenir une eukaliémie, il fautinsister également sur le maintien d’une normonatrémie,l’hyponatrémie, qu’elle soit de déplétion ou de dilution,diminuant les capacités cognitives.

Les diurétiques (comme les dihydropyridines dansl’étude SYST-EUR [86]) paraissent capables de diminuer àla fois le risque de démence vasculaire et de démencetype d’Alzheimer, contrairement aux IEC seuls, à conditionde n’induire ni dyskaliémie, ni dysnatrémie et de ne pasabaisser la PAS au-dessous de 160 mmHg chez le sujet deplus de 80 ans.Carcinogenèse rénale. D’après un éditorial récent de Mes-serli [87], les diurétiques (essentiellement thiazides à for-tes doses) pourraient être un facteur de risque de cancerrénal. En effet, neuf études cas témoins et trois études decohorte le suggèrent, surtout chez la femme (RR de 2contre 1,7 chez l’homme). Cela conduit Messerli à ne plusrecommander en première intention les thiazides chez lesfemmes avant la ménopause car le traitement thiazidiquen’éviterait que six AVC mais pas d’infarctus ni de mort« pour le prix d’un cancer du rein ». En revanche chezl’homme et chez le sujet âgé, quel que soit le sexe, le« prix d’un cancer du rein » serait payé par la préventionde 20 à 40 AVC, 3 à 28 infarctus et trois à dix décès decause cardiovasculaire. S’il veut suivre les conseils de Mes-serli, le médecin devra de plus tenir compte de la perte del’effet préventif des thiazides vis-à-vis de l’ostéoporoseparticulièrement fréquente chez la femme, et du risquede décès par fracture du col.Interactions médicamenteuses. Enfin nous insisterons denouveau sur le risque d’interférence avec les AINS, quisont une des causes de résistance d’une hypertension àune trithérapie comprenant un diurétique et qui peuventprécipiter une insuffisance rénale et une insuffisance car-diaque.

Mécanisme de la baisse tensionnelle induitepar les diurétiques dans l’hypertension essentielle

Le mécanisme antihypertenseur des diurétiques reste para-doxalement encore mal connu. Ce paradoxe reflète en faitnotre ignorance de la pathogénie de l’HTA essentielle. Unconsensus existe pour considérer qu’il réside essentielle-ment dans l’induction d’une balance sodée négative,même si celle-ci n’est que transitoire comme nous l’avonsvu dans la première partie. Durant les deux premièressemaines (pendant lesquelles le poids diminué n’est pasencore revenu à son niveau initial), la baisse tensionnelle,qui s’établit progressivement pendant la première semainepour se maintenir constante par la suite, s’explique avant

Thérapeutique diurétique 419

tout par l’abaissement du débit cardiaque, les résistancespériphériques restant à leur niveau initial même après uneélévation réactionnelle transitoire (Fig. 3). Cela peut secomprendre si on se rappelle l’équation hémodynamiquefondamentale :

Pression artérielle moyenne ¼ débit cardiaque� résistances périphériphériques totales

la diminution du débit cardiaque étant elle-même due à ladiminution du retour veineux en rapport avec l’hypovo-lémie.

Au-delà de la quatrième semaine, on constate la persis-tance de la baisse tensionnelle alors que le débit cardiaqueest revenu à son niveau initial et que les résistances périphé-riques sont abaissées. Cela implique une diminution de lavasoconstriction des artérioles [88,89]. La finalité de cettevasodilatation artériolaire répond à la théorie de Guyton,qui veut que la perfusion des tissus s’adapte à leur demandemétabolique. En effet, celle-ci étant constante d’un jour àl’autre implique que le débit cardiaque basal reste constanten dépit de la baisse de pression de perfusion.

Le mécanisme intime de cette vasodilatation dépendantde la déplétion sodée initiale reste encore mystérieux.

Des expériences in vitro réalisées avec les thiazides,l’indapamide, les diurétiques de l’anse et les épargneursde potassium ont réussi à démontrer une action vasodilata-trice directe sur les artérioles, mais à des concentrations leplus souvent pharmacologiques. Pour les thiazides ayantgardé une activité inhibitrice de l’anhydrase carbonique(comme le HCTZ mais pas le bendrofluazide), des travauxrécents ont montré qu’ils provoquaient in vitro (à desconcentrations compatibles avec des doses thérapeutiques)une relaxation de la fibre musculaire lisse par ouverture descanaux potassiques activés par le calcium, suite à l’alcali-nisation du cytoplasme par inhibition de l’anhydrase carbo-nique. En effet l’ouverture de ces canaux potassiquesconduit à une hyperpolarisation de la cellule musculairelisse, conduisant à la fermeture des canaux calciquesvoltage-dépendants [90]. La démonstration in vivo chezl’homme d’un effet artériolodilatateur des diurétiquesindépendant de leur effet natriurétique reste à faire (pourl’instant seul un effet veinodilatateur direct a été démon-tré avec le furosémide).

Indépendamment de leur action vasodilatatrice artério-laire à long terme, les diurétiques augmentent la com-pliance des gros troncs artériels [55]. Cela améliore lafonction d’amortissement de l’onde systolique, fréquem-ment altérée chez l’hypertendu âgé. Or, cette altération adeux conséquences néfastes : l’augmentation de la pressionsystolique et l’abaissement de la pression diastolique, avecpour conséquence une augmentation de la pression pulsée.L’augmentation de la pression systolique s’explique parl’augmentation de la vitesse de propagation de l’onde dupouls proportionnelle à la rigidité artérielle, expliquantque l’onde réfléchie, au lieu de revenir dans la diastole,revient pour renforcer l’onde systolique. Alors que le risqued’AVC apparaît essentiellement lié à la pression artériellemoyenne [91], le risque d’infarctus du myocarde est essen-tiellement lié à la pression systolique et donc à la pressionpulsée. Cette différence entre le retentissement coronarienet cérébral s’explique par le fait que l’ischémie myocar-

dique est accrue par la baisse de la pression diastolique(la circulation coronaire ne se faisant que durant la dias-tole) et par l’augmentation du stress pariétal lors de la sys-tole, qui se fait contre une impédance aortique augmentéedu fait d’une pression systolique élevée.

L’efficacité des diurétiques sur la compliance artérielleexplique qu’ils forment la classe d’antihypertenseurs quiabaisse le plus la pression pulsée, comme l’a montrél’étude de l’Administration des vétérans [92], avec unebaisse de 8,6 mmHg pour l’HCTZ, 6,3 pour la clonidine,5,5 pour le diltiazem et 4 pour le captopril et l’aténolol.

Avec Safar [55], il faut remarquer que l’amélioration dela compliance induite par les diurétiques est plus faibledans l’HTA humaine essentielle que dans les modèles expé-rimentaux de rat Dahl sensible au sel, probablement àcause de la stimulation réactionnelle des systèmes adréner-giques et rénine–angiotensine. De fait, son équipe a pudémontrer une amélioration additive de cette compliancepar l’addition de 50 mg de captopril, alors que l’additionde 5 mg d’amiloride était sans effet sur cette complianceet que la PAM était comparable. Cette observation est unejustification des associations IEC et thiazide.

Ces mécanismes d’action à long terme des diurétiquesexpliquent que les diurétiques sont les antihypertenseursayant le rapport vallée/pic le plus élevé lors de la mesureambulatoire de la pression artérielle sur les 24 heures [93,94]. L’existence d’un effet pic pourrait constituer à nosyeux la seule démonstration de leur action vasodilatatricedirecte, indépendante de l’équilibre hydrosodé. Quoi qu’ilen soit, ils sont en particulier remarquablement efficacespour restaurer la chute nocturne de la pression artérielle,notamment chez l’insuffisant rénal.

La stabilité du contrôle tensionnel accordée par les diu-rétiques par rapport aux nouveaux antihypertenseurs (anta-gonistes du calcium même à longue durée d’action, IEC)explique probablement leur remarquable protection cardio-vasculaire, malgré leurs effets métaboliques délétères, etleur efficacité supérieure à celle des IEC dans la régressionde l’HVG, comme vient le démontrer l’étude LIVE [52], endépit de la stimulation de la synthèse de l’angiotensine II,cofacteur de croissance favorisant l’hypertrophie cardiaque.

Bithérapies antihypertensives en combinaison fixecomprenant un diurétique [95]

Elles sont résumées dans le Tableau 3.La justification de leur utilisation en deuxième inten-

tion est évidente quand, pour un malade donné, la néces-sité d’associer deux composants a été établie sur le plan del’efficacité et de la tolérance. En effet, cela diminue lenombre de comprimés à prendre (et favorise donc a prioril’observance) et par ailleurs le coût.

Leur justification en première intention mérite enrevanche discussion :

● les combinaisons fixes d’épargneurs de potassium avecles thiazides ou diurétiques de l’anse ne se justifientque chez les patients initialement normokaliémiques,pour diminuer les risques d’hyper- ou hypokaliémie ;

● la combinaison fixe de réserpine et de bendrofluméthia-zide est intéressante par la diminution des doses des

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deux composants, dont les doses initiales plus élevéesétaient responsables d’effets secondaires nonnégligeables : dépression pour la réserpine, impuissancepour le bendrofluméthiazide ;

● les combinaisons fixes des thiazides avec les bêtablo-quants, les IEC et les AT1-bloquants sont parfaitementlogiques sur le plan de la synergie dans la baisse tension-nelle, puisqu’elles sont conformes à la théorie des pairessynergiques de traitements proposée par le groupe deCambridge [96]. Une synergie est en effet observée siles deux médicaments associés ont une action opposéesur la rénine, et donc sur la formation d’angiotensine II,et donc sur l’activation des récepteurs-AT1 de l’angioten-sine II. L’étude ALLHAT en a magistralement démontré lebien-fondé. Cette étude randomisée en double insu ainclus plus de 33 000 patients hypertendus ayant aumoins un autre facteur de risque cardiovasculaire. Lachlortalidone a été comparée à l’amlodipine et au lisino-pril pendant une durée moyenne de cinq ans. Si néces-saire une bithérapie pouvait être instituée. La baisse ten-sionnelle a été comparable dans les groupes chlortalidoneet amlodipine alors que dans le groupe lisinopril elle a étésignificativement plus faible : la pression systolique adiminué de 2 mmHg de moins en moyenne. Or dans legroupe lisinopril, le deuxième élément de la bithérapieétait choisi parmi des médicaments freinant tous larénine (aténolol, clonidine, réserpine), expliquant labaisse moindre de la PAS avec le lisinopril. Les nouvellesclasses non évaluées dans ces deux études (à savoir lesAT1-bloquants et les non-dihydropyridines à longuedurée d’action [NDHPLDA]) entrent logiquement dans legroupe AB de Dickerson (IEC et bêtabloqueurs) et non CD(calcium–antagonistes dihydropyridiniques et diurétiques)car ces deux classes atténuent l’activation des récepteursAT1, les sartans en bloquant directement les récepteursAT1 et les NDHPLDA en inhibant la sécrétion de réninepar action sympatholytique centrale prédominante. LesNDHPLDA s’opposent sur ce point aux NDHP à courtedurée comme le diltiazem utilisé dans 5/7 de la duréede l’étude NORDIL [48].

La justification des associations d’un thiazide avec unbêtabloquant, un IEC, un AT1 bloquant ou une NDHPLDAen termes de protection cardiovasculaire indépendante dela baisse tensionnelle, repose essentiellement sur une meil-leure protection cérébrale. En effet, nous avons montréque la cérébroprotection était corrélée directement à laformation d’angiotensine II [48,63]. Or, la formationd’angiotensine II est diminuée par les bêtabloquants, lesIEC et les NDHPLDA et augmentée par les AT1-bloquants etles thiazides. Cela suggère donc, qu’indépendamment de labaisse tensionnelle, l’association de thiazide renforcera laprévention des AVC pour tous ces médicaments et que lameilleure cérébroprotection sera obtenue par l’associationthiazides et AT1-bloqueurs.

Par ailleurs, on remarquera aussi que la cérébroprotec-tion devrait être aussi d’autant meilleure que la dose dethiazide et de sartan sera plus élevée, c’est-à-dire avecFortzaar®, ou Cotareg®–Nisisco® (160/25), qui sont associésà 25 mg et non 12,5 mg d’HCTZ, et avec Cokenzen® et

Hytacand® 16 ou Coaprovel 300®, en raison de la plusforte dose de sartan (Tableau 3).

Ces bithérapies fixes posent par ailleurs le problème deleur choix préférentiel entre elles. Pour appuyer ce choix,il faudrait que ces bithérapies aient été comparées entreelles dans de grandes études randomisées de morbimorta-lité. Cela n’a pas encore été réalisé mais est parfaitementjustifié car l’étude ALLHAT a montré qu’une bithérapieétait le plus souvent nécessaire pour obtenir une pressionartérielle inférieure ou égale 140/90. Bien que cetteétude ait conclu de donner la préférence aux thiazides parrapport aux DHP, il faut reconnaître qu’en termes de pro-tection cardiovasculaire globale, l’amlodipine n’était passignificativement inférieure. Aussi, dans le choix d’unebithérapie, il nous paraît logique de ne pas écarter lesDHP. De plus, les DHP sont, avec les thiazides, les deux seu-les classes activant les récepteurs AT1 et donc synergiquespour la baisse tensionnelle quand ils sont associés avec tousles autres antihypertenseurs inhibant l’angiotensine II, àsavoir bêtabloquants, IEC, AT1-bloqueurs et NDHPLDAcomme le COERverapamil [97] et le vérapamil LP [98].

En raison de leurs effets non optimaux sur le risqued’insuffisance cardiaque et d’AVC, les préparations à longuedurée d’action du vérapamil ne nous paraissent pas unchoix prioritaire comme deuxième antihypertenseur. DansCONVINCE [97], le risque d’AVC avec le vérapamil, comparéà diurétique et/ou un bêtabloquant, était de 1,15 (0,90–1,48) et dans l’étude INVEST, le vérapamil comparé àl’aténolol était associé à un risque cardiovasculaire globalaugmenté dans le sous-groupe avec antécédents d’insuffi-sance cardiaque (RR = 1,21 [0,99–1,40]).

Aussi, la discussion de deuxième médicament doit seconcentrer sur bêtabloquant, IEC et AT1-bloqueurs, enécartant a priori les bêtabloquants en raison du risque plusélevé de diabète par rapport aux IEC (études CAPPP etHOPE) et aux AT1-bloquants (études LIFE et SCOPE). On enarrive donc à souhaiter qu’une grande étude compare lesquatre bithérapies suivantes : un thiazide associé à un IECou un AT1-bloqueur, et une DHP associée également à unIEC ou un AT1-bloqueur.

L’étude UKPDS a montré un risque cardiovasculaire simi-laire pour captopril et aténolol, alors que l’étude LIFE amontré un risque d’AVC et cardiovasculaire global moindreavec le losartan comparé à l’aténolol. On peut escompterdès lors une supériorité des AT1-bloqueurs sur les IEC entermes de risque cérébral et vasculaire global. Les donnéesde l’étude VALIANT [28], qui a montré une égalité entrevalsartan et captopril à forte dose, laissent présager unrisque cardiaque équivalent entre les deux classes. Vul’infériorité de l’amlodipine comparée à la chlortalidonedans l’étude ALLHAT vis-à-vis du risque d’insuffisance car-diaque, on peut s’attendre à une légère supériorité de labithérapie thiazide–AT1 bloquant sur les trois autres.

Traitement diurétique spécifique des HTAavec dyskaliémie

Dans les hypertensions avec hypokaliémie par hyperaldos-téronisme secondaire à un hyperréninisme primitif (tumeurà rénine) ou secondaire à une néphroangiosclérose maligneidiopathique ou sclérodermique ou à une sténose unilaté-

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rale des artères rénales, les diurétiques sont initialementcontre-indiqués en raison de l’hypovolémie, qui se corrigeragrâce à un traitement étiologique (ablation de la tumeur ouintervention de revascularisation en cas de sténose) ougrâce à un traitement pharmacologique par IEC ou anta-goniste des récepteurs AT1. Les sténoses bilatérales desartères rénales bénéficieront en revanche souvent d’untraitement diurétique car elles sont habituellement volodé-pendantes et à rénine basse ou normale.

Dans les hypertensions avec hypokaliémie et rénine basserelevant d’un hyperaldostéronisme primaire, ou d’une hyper-sécrétion de DOC, ou d’une inhibition de la 1αOH stéroïde-deshydrogénase idiopathique (non due à l’excès de réglisse),la spironolactone et l’éplérénone seront efficaces. En revan-che, dans le syndrome de Liddle lié à l’hyperactivité du canalsodium amiloride-sensible, seuls l’amiloride et le triamtérènecorrigeront l’HTA et l’hypokaliémie, spironolactone et éplé-rénone étant inefficaces, puisqu’ils sont antagonistes del’aldostérone et que la sécrétion de celle-ci est freinée.

Dans le syndrome de Gordon avec hyperkaliémie et fonc-tion rénale normale, les thiazides normaliseront l’HTA,l’hyperkaliémie et l’acidose hyperchlorémique.

Indications rares des diurétiques

Elles dépendent de la nature des diurétiques.

Thiazides et traitement des hypercalciuriesidiopathiques ou de l’hypoparathyroïdie traitéeHypercalciuries. Comme nous l’avons vu leur effet hypocal-ciuriant peut être mis à profit pour traiter les hypercalciu-ries idiopathiques associées à des lithiases calciques et àcertaines ostéoporoses du sujet jeune, ou observées aucours des hypoparathyroïdies traités par calcium et vita-mine D. On aura recours de préférence à une associationthiazide + épargneur de potassium (type Modurétic®), carla déplétion potassique aggrave l’hypocitraturie, autre fac-teur lithogène, et favorise l’asthénie. Chez les sujets nor-motendus, on commencera par un demi-comprimé par jouret on pourra augmenter jusqu’à deux comprimés si la tolé-rance orthostatique est bonne et, si l’hypercalciurie n’estpas corrigée en dépit d’une restriction associée des proti-des à 1 g/kg de poids et du sel à 5–6 g/j (natriurèse des24 heures < 100 mmol, urée des 24 heures < 350 mmol).L’apport de calcium ne sera pas restreint mais maintenuoptimal, entre 700 et 1000 mg/24 h afin d’éviter d’induireune hyperoxalurie [99–101].Ostéoporose. En ce qui concerne l’intérêt des thiazides dansle traitement préventif et curatif de l’ostéoporose, il a étésurtout démontré par des études cas témoins et des étudesde cohortes mais non dans de larges essais randomisés contreplacebo. Une méta-analyse récente [102] permet deconclure à un effet bénéfique en ce qui concerne, non seu-lement, la densitométrie osseuse mais aussi le risque de frac-ture, qui serait réduit de 20 %. Rappelons que cet effet estplus important lorsque les doses d’HCTZ sont supérieures à25 mg. Chez le sujet âgé on aura donc intérêt à ne pas tropdiminuer la dose de thiazide sauf si cela est nécessaire par lasurvenue d’hypotension orthostatique, facteur de chute etd’ischémie cérébrale transitoire. Une dose allant jusqu’à50 mg peut être utilisée, car elle n’augmente pas le risque

de mort subite par rapport aux bêtabloquants, même si ellen’est pas associée à un diurétique d’épargne potassique [76].

L’effet bénéfique des thiazides dans l’ostéoporose estexpliqué essentiellement par son action hypocalciurianterénale, aboutissant à une freination de la PTH et du cata-bolisme osseux. Cet effet hypocalciuriant est aboli parl’augmentation des apports sodés. Ces derniers devrontdonc être bien restreints à 100 mmol/j (6 g de sel) [99].

Un travail récent [103] a démontré que l’effet hypocal-ciuriant de 50 mg de HCTZ était davantage renforcé par lebicarbonate de K que par le KCl probablement en raisond’une meilleure équilibration de la surcharge acide alimen-taire. De plus, le bicarbonate de K est plus efficace que lebicarbonate de sodium car l’excès de sodium diminuel’effet hypocalciuriant des thiazides.

À l’opposé, du fait de leur effet hypercalciuriant stimu-lant la PTH, les diurétiques de l’anse diminuent la densitéosseuse et aggravent l’hyperparathyroïdie. Ils sont doncdéconseillés chez les sujets à risque d’ostéoporose.

Diurétiques thiazidiques et traitement du diabèteinsipide néphrogénique héréditaireLe diabète insipide central par défaut de sécrétion d’ADHpeut être traité efficacement par de la desmopressine(DDAVP ou Minirin®). Au contraire, dans le diabète insipidenéphrogénique (par défaut génétique de récepteur V2 oude synthèse des aquaporines AQP-2) la réduction de la diu-rèse ne peut être obtenue que par réduction des apportsosmolaires en sodium et urée, c’est-à-dire par restrictionen sel et en protéines, associée à un traitement diurétiquethiazidique [4] dont le mécanisme d’action vient d’êtremieux compris. Avant les travaux de Magaldi [104], on expli-quait la réduction paradoxale de la diurèse sous thiazides parla contraction du volume extracellulaire entraînant unehyperréabsorption proximale et donc une réduction dudébit d’eau et de NaCl délivré au tube collecteur [7].Grâce à des travaux de microperfusion, Magaldi a montréque les thiazides agissaient spécifiquement au niveau de laface luminale de la portion médullaire interne du collecteuren interférant avec l’action de la PGE2, cette dernière étantconnue pour diminuer la perméabilité à l’eau en inhibantl’adénylcyclase stimulée par l’ADH. On conçoit que cetteaction soit potentialisée par les AINS (comme la tolmentine,dont la tolérance chez l’enfant est bonne) car ils inhibent lasynthèse de PGE2. L’action des thiazides est renforcée parl’amiloride, qui prévient l’hypokaliémie, celle-ci pouvantpar elle-même créer un diabète insipide néphrogénique.

Diurèse forcée par diurétique de l’anse

En dehors du traitement de l’hyponatrémie de dilution avecou sans œdème et des tentatives infructueuses d’améliorerle pronostic des insuffisances rénales aiguës (voir ci-dessusles chapitres correspondants) la diurèse forcée par de fortesdoses de diurétique de l’anse et compensation hydroélectro-lytique a été proposée dans deux autres indications :

● le traitement d’urgence des hypercalcémies ;● le traitement de certaines intoxications.

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En raison de l’avènement des biphosphonates, qui inhi-bent remarquablement les hypercalcémies ostéolytiquesnéoplasiques dans les 48 heures et moins efficacement leshypercalcémies parathyroïdiennes, cette méthode est tom-bée en désuétude ;

● les intoxications dans lesquelles la diurèse forcée auxdiurétiques de l’anse a été proposée sont : celles auxsalicytates, aux barbituriques de longue durée d’action,à l’éthylène-glycol, au thallium, au bromure et à l’iode,ces deux halides étant réabsorbés par le BALH [4].

Indications particulières de l’acétazolamideEn raison de la diminution de son efficacité par l’acidosequ’il induit, l’acétazolamide n’est plus guère utilisé quede façon transitoire dans les cas suivants :

● traitement du glaucome aigu à angle ouvert (sous formeinjectable si nécessaire [ampoule à 500 mg]). L’acétazo-lamide diminue en effet la sécrétion liquidienne dans lachambre antérieure de l’œil ;

● traitement préventif de l’alcalose de reventilation desbronchitiques chroniques en poussée ;

● traitement du mal des montagnes (par correction del’alcalose d’hyperventilation). Une revue récente pré-cise que la dose de 750 mg est nécessaire et qu’elle ala même efficacité que la dexaméthasone à 8–16 mg[105]. Il faut traiter trois sujets pour éviter un cas, encas d’ascension de plus de 500 m par jour au-dessus de4000 m ;

● traitement du vertige de Ménière (pour lequel n’existecependant aucune étude contrôlée) ;

● traitement des migraines avec auras fréquentes du syn-drome CADASIL (cerebral autosomal dominant arteriopa-thy). L’acétazolamide provoque en effet une augmenta-tion de la perfusion cérébrale par vasodilatation des grostroncs (les artérioles étant altérées). Il pourrait agiraussi par hypercapnie ou par un effet vasculaire directcomme pour les thiazides avec activité inhibitrice del’anhydrase carbonique [106].

Rappelons qu’en raison du risque de lithiase phosphocal-cique et de néphrocalcinose par alcalinisation importantedes urines, l’acétazolamide n’a plus sa place dans le traite-ment au long cours des lithiases uriques et xanthiques.

Points forts à comprendre

● Les diurétiques abaissent la pression des hypertenduspar un mécanisme variable dans le temps :○ baisse du débit cardiaque par hypovolémie dans

les 15 premiers jours ;○ abaissement progressif des résistances périphéri-

ques au-delà du 15e jour, qui persiste aussi ;○ quelques semaines après l’arrêt du diurétique.

● La stabilité du contrôle tensionnel induit par les diu-rétiques explique sans doute leur remarquable effica-

cité dans la prévention et la régression de l’HVG etdans la prévention cardiovasculaire primaire globale,c’est-à-dire non seulement vis-à-vis des AVC et del’insuffisance cardiaque, mais aussi des infarctus dumyocarde, contrairement aux bêtabloquants ;

● cette qualité de la protection cardiovasculaire desdiurétiques s’observe en dépit d’effets métaboliquespotentiellement néfastes à très long terme pour laprotection cardiovasculaire (hyperuricémie, hypoka-liémie, induction d’une insulinorésistance, du moinspour les thiazides par rapport aux dihydropyridineset aux IEC, et en l’absence de prévention de l’hypo-kaliémie par des diurétiques d’épargne potassique) ;

● les diurétiques augmentent l’activation des récep-teurs AT1 de l’angiotensine II comme les dihydropyri-dines, par stimulation bêta-adrénergique de la sécré-tion de rénine. Ils ont de ce fait une actionantihypertensive synergique avec toutes les autresprincipales classes d’antihypertenseurs qui diminuentl’activation des AT1-récepteurs, en particulier les sar-tans qui bloquent le récepteur ; avec les IEC, quidiminuent directement la formation d’angiotensineII ; avec les bêtabloquants et les non-dihydropyridines à longue durée d’action, qui dimi-nuent la sécrétion de rénine par diminution de l’acti-vation des récepteurs β1 et donc la formationd’angiotensine II ;

● la supériorité en termes de protection cérébrale desthiazides, des dihydropyridines et des AT1-bloqueurs,qui augmentent tous la formation d’angiotensine II,peut s’expliquer par la stimulation des récepteursnon-AT1 de l’angiotensine II. En effet, expérimentale-ment, des mécanismes anti-ischémiques cérébrauxpar stimulation des récepteurs AT2 et AT4 ont étémis en évidence ;

● la meilleure bithérapie en termes de protection car-diovasculaire globale sera probablement l’associationthiazide + AT1-bloqueur de préférence aux associa-tions thiazide + IEC, ou DHP + IEC ou AT1 bloquant enraison d’une meilleure protection vis-à-vis des AVC oude l’insuffisance cardiaque, et de préférence à cellesimpliquant les bêtabloquants, en raison de l’effet dia-bétogène de ces derniers.

Points forts à retenir

● Dans le traitement de l’hypertension essentielle, lesdiurétiques à faibles doses (de préférence thiazidi-ques, car à plus longue durée d’action que les diuré-tiques de l’anse, et en association à des épargneursde potassium pour prévenir l’alcalose hypokaliémiqueet l’insulinorésistance) sont le traitement initial depremier choix en dehors de contre-indications spéci-fiques (allergie). L’augmentation des doses ne se jus-tifie que pour les diurétiques de l’anse en cas d’insuf-fisance rénale ;

● en cas de résultat insuffisant, le respect de la restric-tion sodée à 5 g/j (17 × 5 = 85 mmol de natriurèse) etl’absence d’AINS seront vérifiés et des associations

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seront utilisées, notamment avec des antihyperten-seurs inhibant le système rénine angiotensine afind’en prévenir la stimulation (bêtabloquants, IEC etantagonistes des récepteurs AT1 de l’angiotensine ;ces deux derniers dispensant de l’association auxépargneurs de potassium) ;

● dans les hypertensions avec dyskaliémie, les différen-tes classes de diurétiques auront, en revanche, desindications spécifiques si la rénine est basse :

○ thiazide pour les hypertensions familiales avechyperkaliémie ;

○ amiloride ou triamtérène pour le syndrome deLiddle avec hypoaldostéronisme et hypokaliémie ;

○ spironolactone (ou éplérénone) à forte dose à titrede traitement initial puis amiloride à fortesdoses ± spironolactone à faibles doses (mieux tolé-rées) pour les hyperminéralocorticismes non opé-rables ou non curables par arrêt de la réglisse.

En revanche, dans les HTA hypokaliémiques à réninehaute et hyperaldostéronisme secondaire, on aurarecours aux IEC et/ou AT1 bloqueurs en attendant untraitement étiologique éventuel (dilatation d’une sté-nose de l’artère rénale, ablation d’une tumeur àrénine).

● Parmi les diverses autres indications des diurétiques,il faut retenir l’intérêt de l’effet hypocalciuriant desthiazides pour la prévention des récidives de lithiasecalcique et la prévention de l’ostéoporose, l’utilisa-tion des diurétiques dans le traitement du diabèteinsipide néphrogénique et l’efficacité de l’acétazola-mide dans le traitement du glaucome, de l’alcalosede reventilation et du mal des montagnes, et descéphalées du syndrome CADASIL.

Remerciements

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Les auteurs remercient les Prs Lesbre, Andrejak et Slamad’avoir relu le manuscrit et Mmes Catherine Bilhaut, AnneDuputel et Sabine Darret pour la dactylographie.

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