TEXTE DE LA PIECE · deux histoires d'amours parallèles, celle de Lizzie pour son Augustin ... De...

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La Compagnie Clarance en partenariat avec la Compagnie M.R. Lire & Dire présente Lucie DEPAUW Une rêverie librement inspirée de la disparition d'Augustin Leprince, pionnier de l'enregistrement et de la projection d'images animées. contact : Rémi Chenylle / [email protected] / 01 44 92 03 18 Rémi CHENYLLE Martine REINBOLD Céline CAUSSIMON Camille DUGAS Marie-Hélène PINON Camille PENAGER Mise en scène Lizzie Lady Louise Scénographie Lumières Costumière Garden scene

Transcript of TEXTE DE LA PIECE · deux histoires d'amours parallèles, celle de Lizzie pour son Augustin ... De...

La Compagnie Claranceen partenariat avec la Compagnie M.R. Lire & Direprésente

Lucie DEPAUW

Une rêverie librement inspirée de la disparition d'Augustin Leprince,pionnier de l'enregistrement et de la projection d'images animées.

contact : Rémi Chenylle / [email protected] / 01 44 92 03 18

Rémi CHENYLLEMartine REINBOLDCéline CAUSSIMONCamille DUGASMarie-Hélène PINONCamille PENAGER

Mise en scène Lizzie

Lady Louise Scénographie

Lumières Costumière

Garden scene

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Garden Scene est une commande d'écriture de la compagnie M.R. Lire & Dire. J'ai proposé de travailler autour de la disparition mystérieuse en 1890 d'Augustin Leprince, pionnier dans l'invention de l'enregistrement et de la projection d'images animées. L'origine de ce projet est le croisement et le tiraillement de mon parcours entre le théâtre et le cinéma. Passionnée de cinéma depuis toujours j'ai décidé d'y consacrer mes études (maîtrise cinématographiques et audiovisuelles / école supérieure de réalisation audiovisuelle) et d'en faire mon métier (assistante mise en scène cinéma audiovisuel depuis 2003). C'est naturellement avec des envies de cinéma que j'ai commencé à écrire. Mais la langue a choisi… depuis j'écris pour la scène…

L'époque du pré-cinéma et la naissance de cet art sont des périodes qui m'ont toujours fascinée et particulièrement le destin d'Augustin Leprince disparu mystérieusement en 1890, après avoir réalisé les premières images animées connues, Garden Scene en 1888. Je souhaitais raconter cette période où le mouvement était encore à inventer, les défis techniques et artistiques d'une fin de siècle, les balbutiements d'un art, le choc de découvrir des images animées après avoir contemplé des images fixes pendant des siècles, et surtout rendre hommage a un inventeur, un précurseur de génie que l'histoire a enfoui.

Parler d'Augustin Leprince c'est parler du manque du vide de l'absence… Cette désertion c'est Lizzie qui nous la raconte, sa femme. Lizzie qui attend, cherche, traverse, se souvient, veut comprendre, croire, aimer, être désirée par son Augustin ou encore… l'étrangler, l'enterrer, le faire disparaitre totalement, l'enfouir dans le jardin, ce jardin du premier film, cet éden perdu… Lizzie attend son Augustin, se dessèche, le temps passe, l'histoire passe, les frères Lumière passent, inventent le cinématographe, c'est l'histoire d'un art en train de naitre, les débuts du cinéma forain, Augustin ne reviendra jamais.

La parole se partagera dès lors avec Louise, femme à barbe reconvertie en opérateur dans un cirque…Garden Scene raconte alors deux histoires d'amours parallèles, celle de Lizzie pour son Augustin qu'elle continue de faire exister à travers sa parole et ses écrits, un mémoire sur les procédés techniques et le parcours d' Augustin, qu'il soit reconnu comme un chaînon manquant de l'histoire du cinéma… puis l'histoire d'amour de Louise pour le cinématographe, la fascination pour cet appareil à l'imagination illimitée capable de l'illusion d'immortalité…

Lucie DEPAUW

# NOTE D'INTENTION SUR LE TEXTE

TEXTE DE LA PIECE

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Premier mouvement

Garden scene

# 1

LIZZIE (SARAH ELISABETH WHITLEY)Quand j’entends des bruits de pasAugustin?Quand j’entends un souffleQuand je sens qu’il devient chaudQuand je sens qu’il devient courtQuand je sens qu’il devient très très courtAugustin?Quand la porte s’ouvre ou claqueUn courant d’airQuand l’orage éclate la lumièreUne sensation d’esprit j’y crois pasQuand les draps glissentLa nuitQuand une voix appelle un souvenir happe aspireAugustin?Je t’aime te hais te déteste t’aime plusQuand une main des mains descend descendent raidissent détaillent décuplentenglobent mon être entier tient dans une main comme une chatte à peine sevréeAugustin?Augustin cette façon de s’immiscer partoutDans mes failles mes trous mes lèvresCette façon de s’inviterEt de se retourner comme ça j'aimeAugustin?

Quand je me retournePas làPas revenuPas mortPas vivantJuste pas làJuste pasNulle partPartoutAlors je voudrais ouiTe serrer t'étouffer de mes propres mainsT’amputer que tu ne te sauves plusQue tes membres fantômes voyagent seulsCreuser de mes propres mains t’arracher les yeuxQue tu ne prennes plus le trainQue tu ne regardes plus le paysage qui défile qui t'aspireQue les vaches ne te voient plus filer au loinSavoir que tu m’appartiens dans mon trou mon ancrageCreuser de mes propres mains sales de sang de terrePouvoir te charrier t’enterrer t’enterrer là dans le jardinT’aimer làT’aimer ne plus souffrir de tout le videT’aimer là dans le jardinComme avant comme au premier jourDans le jardin

BOBINE PROJETÉEGARDEN SCENE

(2 secondes les premières images animées connues) /Augustin Leprince octobre 1888

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# 2

LIZZIEQuand un homme disparaît que reste-t-il ?

Il reste le jardinLe premier jour dans le jardin la rencontreTu te souviens AugustinLa promesse dans le jardinDe nos vies qui s'unissent jusqu'au dernier souffleDans le jardinL’herbe pousse trop vite

« le chef du 1er bureau de la 1re division à l’honneur de faire savoir à Madame Leprince, en lui retournant la photographie ci-jointe, que les recherches dont M. Leprince, Louis Aimé Auguste, son mari, a été l’objet dans le ressort de la préfecture sont demeurées sans succès »Le chef de bureauSignature illisibleImprimé préfecture de police daté de 1900

Un homme ne disparaît pas comme çaQuelque chose qui fait dire qui expliqueUn geste une parole un silence une brouille une embrouille une broutilleUn mot plus haut chuchoté plus bas pas sortiUn sentiment une piste indice intuition pronosticAffaire classée disparition / crime parfaitRien Rien RienQuand un homme disparaîtAffaire classée sans suite sans succèsQue reste-ilCinq enfants il me reste du gras sur les hanches il me resteUn homme ne disparaît pas comme ça enfinQue reste-ilPas de valiseQuand un homme disparaît et sa valise aussiQue reste-il

Pas de valise évanouie dans la natureCinq enfants il me reste cinq enfants et deux plaques de seize imagesUne caméra une lentille une séquence des images animéesDeux secondes un film dans le jardin avec ma mèreMa mère morte en 1888Je n’ai plus de mère / Plus d’AugustinÉvanoui dans la nature ou peut-être évanoui dans un ailleursJ’ai cinq enfants quand même il faut que la vie continueLa danse continue

BOBINE PROJETÉEGARDEN SCENE

(bout à bout danse en boucle)

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# 3

LIZZIELa photographie ci-jointeLa photographie d'AugustinUn daguerréotypeAugustin s'intéressait à la chimieAugustin s'intéressait aux fantômes de la photographieAux temps de poses aux révélations des bromures d'argentAux Champs Élysées désertés aux heures de pointesOù persiste seulement mais obstinée l'ombre d'un cireur de chaussuresfixée pour l’éternité par la longueur du labeur accordée aux temps d'expositionAugustin était un artiste un peintre de talentMais il sentait que la révolution du siècle prochain serait celle du mouvementIl se passionnait pour le développement des techniques de prises de vueMais surtout à ce moment-làAugustin s'intéressait passionnément à une jeune jolie jeune fille de vingt ansSarah Elisabeth WitleyCe premier regard…Augustin quand je t'ai vuDéjà je le savais que tu serais mon AugustinMon frère nous a présentés« mon ami français nous avons étudié la chimie ensemble à Vienne »Bonjour Augustin« Ma sœur Lizzie elle peint aussi très douée tu vas l'adorer »Augustin ce premier regardTu peux bien disparaîtreTe terrer te volatiliser avec ta valiseAu bout du monde aspiré par un trou noir effondré sur toi-mêmeFaire une brasse papillon éternelle au fond d'un marécageAu milieu du pacifique dans le triangle des BermudesEnglouti par un tsunami fossilisé par la lave d'un volcanAbsorbé par les sables mouvants rayé de la carte rayé du systèmeAu coin du feu en chaussons de laine à quelques pâtés de maisonsTu peux bien disparaîtreCe premier regard restera gravé fossilisé

Avec moi je referai l'histoire plus belleToi qui aimes les belles histoiresJe ne t'en veux pasJe t'en raconterai d'autresTu peux rentrer je ne dirais rienJe ferai comme si de rien n'étaitAugustin j'attends

# 4

LIZZIEAugustin reviensAugustin si tu reviensJe t'étripe je t'arrache la glotte je fais des nœuds marins avec je t'arracheQue tu n'ailles pas voir ailleursJe t'arrache le cœur je fais des prières je le mange tout cruQue le sang dégouline bave jaillisseComme si je n'avais plus mangé depuis longtempsJe mangerai tout ça à pleine bouche à pleines dentsCroquant mâchant mastiquant consciencieusementPour ne pas être ballonnée ton cœur tout cru pour prendre tes forcesSucer ton sang pour revivre un peuJe suis anémiée carencée diminuéeTu vois rentre AugustinJe t'attends de pied ferme« Maman tu ne peux pas rester comme ça »Notre fille aînéeMariella me ditMaman tu ne peux pas rester comme çaElle te ressemble des fois de plus en plusLa fossette un sourire une lueur du regard et l'absence qui suitC’est pas flagrant mais moi je le vois tout de suiteJe lui dis à MariellaJe crois que ça lui fait plaisir la fossette se creuse alorsvotre père aimait bien jouer avec vous dans le jardinSurtout avant la machine à Leeds un peu moins à New YorkAprès plus le temps

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dévoré tout cru par la machineIl disait de toute façon ce siècle remplacera l'homme par la machineQui remplacera AugustinDisparu de mes jours disparu de mes nuitsDe mon corps délaissé le jardin la maison les enfantsL’herbe pousse dans le jardinElle recouvre toutOn croirait qu'elle étouffe une civilisation ancienne

# 5

LIZZIEOn me dit il n'y a que le temps pour apaiser1895Augustin chaque jour je te parleEntends-tu seulement tes oreilles siffler une musique triste et grondanteje voudrais te poser quelques questionsBeaucoup de questions pas de réponseAugustin je parle seuleMariella dit que je dois sortir pourquoi pas aller danserPourquoi pas à la foire du pain d'épiceQue je vais devenir folle sinonJ’irais à la foire du pain d'épiceJ’irais voir ce cinématographe dont on cause tantEt pour que tu sois encore là je continuerai à parlerTes oreilles sifflerontOù que tu sois dans le lit d'une femmeOu d'autres dans le lit d'une rivièreOu d'un marais salant stagnant mangé par l'oubliJe continuerai à te parlerTe noyer sous mes paroles d'amourGonflées d'amour comme un corps immergéGorgées à l'eau de roseAugustin j'aime les histoires d'amour à l'eau de roseJ’ai besoin de toi à mes côtés dans le jardinAu petit-déjeuner entre deux tranches de vie beurrée de confituresDans mon lit

Augustin je dors toujours nueSi ça t'intéresseDans notre litUn peu plus au milieuPresque parfaitement nueEt je garde mes chaussettes et je t'attendsC’est par les pieds qu'on attrape froidJe ne voudrais pas mourir pas d'un mauvais rhume pas maintenantPas avant que tu ne reviennesTu reviendras la nuitReviens la nuitReviens quand mes yeux se reposent de ton videTon absence pèseDes kilos des tonnes des quintauxReviens quand je dors quand je ne suis plus qu'un tas de viande mortePresque plus celle que tu as fuie peut-êtreQuand je ne parle plus que je ne te demande plus rien plus de compteAugustin tu avais des dettes non rien je me tais je dors ou je fais semblantJ’attends que tu rentres sans frapperJ’attends que la déchirure me réveilleRentre dans ma nuit au plus profond de ma nuitEt si ce n'est pas assez rentre plus loinRepousse tout plus haut repousse le diaphragme repousseLes côtes repousse les poumons rentre dans mon cœurLaisse-moi ce goût de toi dans la bouche dans le ventre plein le ventreFais-moi déborder de ton absenceAugustin fais de moi la dernière de tes traînées de fuite en avantRentre partoutles yeux fais-moi pleurer des larmes de sangsPartout les oreilles les orifices rentre chez toi et rebouche tout emmure moiReste là à jamais restons là en nous dans le jardinNe me réveille plus jamaisJe veux bien mourir mais comme çaVivre sans toi Augustin c'est vivre les milliers d'années de l'âge glaciaireJ’attendsMais il n'y a que le froid qui rentre en moiLe froid du temps qui passe

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Deuxième mouvement

Le Cinématographe :

Écrire le Temps

# 6

LADY LOUISEElisabeth ne bougeait pasElisabeth ne pleurait pasElisabeth était comme aspirée en apnéeJ’ai rencontré Elisabeth à la foire du pain d'épiceLe cirque des frères Vincent venait de poser ces valisesQuelques jours au plusLe cirque c'était ma maison depuis que j'étais une moitié de femmeDepuis qu'une pilosité s'était ardemment développée sur mon corpsJusqu’à m'envahir aussi largement qu'un homme un désordre hormonalEn tout cas les frères Vincent m'ont accueillie appris à taillerEt considérer comme une valeur ajoutée l'ensemble de mes différencesJ’avais là une famille une maison un certain succèsLe numéro de lancé de rasoir sur la femme à barbe en avait fait trembler plus d'unMais les modes retombent si vite de nos joursLa concurrence des sciences et techniques dans le spectacle se fait rudement sentirIl semblerait que tout s'accélèreLes frères Vincent ont senti le vent tournerProposant tout ce qui se faisait de nouveau dans le divertissement optiqueSpectacle de lanternes magiques illusionnisme cabarets optiquesEt un jour ils ont ramené une nouvelle attractionUne invention étonnante dont personne ne voulaitLes frères Vincent ont tout de suite imaginé le potentiel de l'enginCapable de concurrencer directement le spectacle vivantJe faisais le rabattage et le boniment pour la machine

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LADY LOUISE« Approchez mesdames messieurs, militaires, bonnes d'enfants, passionnés de chimie, aristocrates et démocrates, jeunes filles sorties des cours où des jupes de leurs mères, poètes, prostituées, dames amoureuses, messieurs aux chapeaux hauts, ouvriers exténués etc. etc. venez voir la dernière attraction du petit cirque des Frères Vincent venez saluer une invention magique effrayante hallucinante approchez mesdames et monsieur venez découvrir la vie… le cinématographe…Cinq sous pas cher… ChutÉcoutez la cadence le ronronnement de la croix de malteLe claquement de la pellicule dans les crochets de perforations…Les griffes qui entraînent qui enroulent…Le sifflement de la bobine…La séance commence et le piano accompagne la vie des immortels du cinématographe… »

BOBINE PROJETÉEVUE LUMIÈRE N° 653

L'arrivée du train en gare de la Ciotat 1895

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# 9

LADY LOUISEC'est là que j'ai vu Mme LeprinceÀ la dernière séance du cinématographeElle était assise au premier rangMadame ? Elle ne répondait pasJe peux comprendre le choc de cette invention sur les cerveauxCette sensation de côtoyer le royaume des ombresJe sais ce que c'est d'assister à çaLa première projectionOn peut vous le raconter mais il faut le voirNotre petit siècle a déjà connu quelques révolutions en sciencesIl suffit de se rappeler les premiers daguerréotypesIl paraît que les sauvages d'AmériqueCroyaient qu'en les photographiant c'est leurs âmes qu'on capturait et figeaitQu’auraient-ils pensé du cinématographeDans la pièce sombreUn faisceau de lumière électrique est projetéSur une grande toile blanche apparaît une photographieDe deux archines et demie de long sur une et demie de hautUn déclic l'emballement des croix de maltes les coups de griffesLa photographie tressaille des hommes et femmesBougent s'approchent s'éloignent rapetissent reviennentUne vie de fantômes et d'ombres grises instables au petit trotOn ne sait plus où regarder dans le flot d'images qui défilent trop viteSecouant nos cerveaux rétines cristallins devenus trop feignantsça donne la migraineNos yeux ont peine à suivre après avoir fixéDurant les siècles et les siècles des images figéesL’homme du prochain 20e devra s'adapterDarwin aurait pu écrire une nouvelle théorie de l'évolutionC’est tout simplement fascinantJe ressens comme une affection particulière pour cette machineEt cela recommencera à la prochaine séanceDes hommes et des femmes condamnés à revivre inlassablementLe même mouvement comme momifié dans l'illusion d'une vie éternelle

# 8

LIZZIELes mots me manquent mon AugustinTon rêve s'agite en tous sensBien au-delà de toutes tes espérancesMes yeux piquent et me font malJe ne sais si c'est le chagrin ou l'hallucinationLe public se prend de plein fouetL'arrivé d'un train en gareFigure-toi mon Augustin que les gens si peu habitués à ce mouvementSont pris de panique et convulsentVoyant leurs dernières heures venues sous les roues du vapeurCertains affolés reculent d'autres médusés prientLa vie anime tant ce train qu'on l'imagine fendre l'écranDérailler dans la salleAplatir les cerveaux sectionner les tibiasRéduire en bouillie humaine la masse des curieuxPuis le train s'arrêteUn flot de vie chaotique se déverseDes hommes et des femmes s'appellent mais les mots doux ne sortent pasCertains s'approchent tout près du bord ils vont nous tomber dessusMordre la poussière mais nonIls disparaissent à jamais volatilisésComme tombés de la surface du mondeComme si la terre était vraiment parfaitement plateLe cinématographe est une illusion dangereusement réelleEt tous finissent par disparaîtreLe quai reste désert abandonné à nouveau sans vieTout ce désert que tu as laissé AugustinJe me rassois sur le banc face à l'horloge de la gareJ'attends que tu descendes de ce fichu trainJe ne partirai pas tant que tu ne seras pas descendu du trainJe t'attendraiJe t'attends déjà depuis le 16 septembre 1890Le DIJON / PARIS de 14h05Qu'as-tu fait de ta valise Augustin

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LADY LOUISEExcusez-moiExcusez-moi madameLa séance est finieJe vais devoir vous demander de vous leverJe sais que ce spectacle est grandiose et perturbantMais je dois balayer la salleVous pouvez revenir demain il y aura une autre séance

LIZZIEJe ne partirai pasJ’attends le trainJ'attends Augustin

LADY LOUISEÀ la même heure demainLe même trainC’est l'avantage du cinématographeOn peut refaire la même histoireÀ l'infini parfaitement fidèleEn attendant je dois moi aussi refaire la même choseComme tous les soirs passer le balai et préparer le matériel

LIZZIEJ'attends AugustinAugustin va revenir

LADY LOUISEAugustin?

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LIZZIEJe commence un travail d'écritureUn travail qui remplit le videJ'écris quelques mémoires AugustinJe n'arrive plus à peindre ton absence partoutRentre partout les trous par tous les pores les cicatricesMa peau respire l'absence et souffrePlus rien ne caresse plus rien ne rassureMais l'herbe pousse les feuilles s'accumulentBouchent les chéneaux l'eau débordeLa vie continue les fleurs reviennent dans le jardinLes enfants grandissentL’eau coule sous les pontsL’eau coule sous le pont de Leeds

BOBINE PROJETÉETRAFFIC CROSSING LEEDS BRIDGE

3 secondes en boucleOct 1888 Augustin Leprince

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LADY LOUISEAugustin ?Augustin Leprince…Ca ne me dit rienElisabeth parle d'une invention confisquéeElisabeth parle de pierres poséesElisabeth dit qu'elle écrira pour AugustinElisabeth parle de brevet de 1886 et de brevet augmenté de 1888

Extrait brevet de 1888

« qu'il soit reconnu que moi Augustin Leprince, de la ville, contrée et état de NY, ai inventé certaines nouveautés et améliorations utiles dans le mécanisme d'un appareil destiné à produire des images animées de scènes naturelles et de la vie sur verre, toile ou autres surfaces adéquates pour lequel ce qui suit est une description complète claire et exacte dans le dessein de mettre à exécution ma méthode, j'ai fabriqué un appareil consistant en un receveur ou photo-caméra et un délivreur ou stéréopticon adapté pour passer les images transparentes obtenues au moyen de la dite caméra ou récepteur dans le même ordre et le même temps dans lesquels elles ont été prises comme cela sera ci après pleinement décrit et reven-diqué. Les images transparentes passées en succession rapide sur un verre dépoli ou tout autre matériel adéquat produiront sur les yeux du spectateur la même impression que les objets eux-mêmes en mouvement devant la caméra… »

Troisième mouvement

Mémoire(s) de Lizzie

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pleurer et rire ensemble tellement la vie déborderait de l'écran« Ma bien chériemalheureusement si la caméra s'améliore sensiblementje rencontre de grand problème au niveau du projecteur »« Il fonctionne aussi bien qu'une machine à coudre multipliée par trois »Les images projetées n'étaient pas suffisamment lumineusesElles sautillaient terriblement et l'appareil faisait un bruit d'enferC'est peut-être ce foutu projecteur qui a eu raison d'AugustinLe chef du district de police dit :Monsieur Leprince n'a peut-être tout simplement pas supporté l'échec…

# 12

LIZZIETout le monde a des problèmes AugustinEst-ce une raison pour disparaîtreNotre fille Mariella dit qu'il faut se ressaisirElle m'aide un peuSurtout pour l'écriture des mémoiresElle corrige quelques fautes se rappelle parfois mieux que moiElle se rappelle de ce jour où je lui ai demandé d'aller te chercher à l'atelierSinon la soupe aurait été froideElle se souvient des bruits étranges qui échappaient un peu à la porte closeDes éclairs de lumière des scintillementsEt quand elle a ouvert des hommes marchaient sur le murMariella pense que c'était à la fin de l'année 1886Elle était encore bien jeuneElle me dit à quel point cela l'avait impressionnéeDe voir ces géants courir sur le murEt les cauchemars qu'elle a faits des jours durantJe consigne celaJe voudrais écrire tant de chosesJe voudrais remplir noircir ces pages blanchesUne boulimie d'écrire m'envahit pour épuiser ton absenceRemplir l'allée vide et profonde de l'histoire que tu laisses aux autresTout ce qui se fera sans toiToutes les histoires que les autres écriront

# 11

LIZZIEAugustin a disparu de l'HistoireDisparu avec ces inventionsAugustin n’a pas donné son corps à la science mais le reste ouiIl me reste quelques images tout de mêmeLes brevets sont bloqués les plaques sous scellés

Extrait brevet rajouts 1887

«…Au premier quart de révolution de la roue dentée A4 le quart d'engre-nage J1 transmettra une révolution entière au pignon E1, et pendant le premier quart de cette révolution opérera sur les pignons des volets G et H1 de telle sorte que le volet G ouvrira l'ouverture L pendant que H1 viendra prendre sa place et la fermer. Mais comme le quart de roue qui s'engrènera avec le pignon du même H1 a une deux ou trois dents de moins que celui qui commande le volet G ; le volet H1 sera libre d'autant plus tôt et abaissé par le ressort M1 et se produira la pose qui sera terminée par la chute subsé-quente du volet G… »

Je consigne ce qu'il reste de toiJ’écrirai pour que personnes ne t'oublie mon AugustinLes frères Lumière ont créé un procédé qu'ils appellent le cinématographeIl faut faire vite mon Augustin ils auront vite fait d'enterrer engouffrer ton travailAugustin disaitJe voudrais réussir un procédé d'images animées qui pourrait raconterLes histoires du mondeUn appareil à fable à l'imagination illimitéUn appareil capable de raconter toutes les histoires petites grandes `Mythiques héroïques frissonnantes romantiquesQui filent la larme à l'œil pleurer de rire pleurer d'amour qui finit malCapable de faire des hommes les héros en mouvement d'un imaginaire sans frontièresD’enregistrer la pellicule la lumière et le tempsLa pellicule est sensible beaucoup plus sensible que nousFaire un spectacle de projection ou les femmes et les hommes pourraient

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le désir la mort l'amour d'une jeune filleJe ne sais plus si le commencement est la fin ou inversementNous tentons de remettre des choses en placeNous ne pardonnons pas ton absenceMais avec les enfants nous insistons pour que ton travail soit reconnuQue tu n'aies pas en vain consacré ces années et ta famille à la machinePour rien ou pour deux plaques de seize imagesPeut-être est-ce une façon de te retrouver un peuCar mon Augustin je ne sais si tu le vois où que tu soisMais des avancées spectaculaires bouleversent notre sièclePas plus tard qu'hier je retournais voir cette invention des frères LumièreUn projecteur capable d'enregistrer et de projeterUne image fidèle et bien plus stable que tous tes essais mon AugustinCe cinématographe je crois que cela signifieQuelque chose comme écriture du temps ça vient du grecAlors je m'active pour qu'il reste des images quelque chose de toiQu’on se souvienne dans cent ans que tu fus dans l’armée des pionniersEt peut-être même bien un salaud mon Augustin

# 14

LADY LOUISEUn jourJe lui dirais à Lizzie

LIZZIEquoi

LADY LOUISEque c'est supportable

LIZZIEQu'est-ce qui est supportable?

LADY LOUISEvivre sans homme

LIZZIEvivre sans Augustin…

Crier que tu as existé que tu as posé des pierresÉcrire tout cela écrireJe commence aussi à comprendre que si je n’écris pasL’Histoire et le cinématographe t'auront définitivement tué bâillonnéLes enfants m'aident, notre fils Adolphe me rapporte des précisions techniquesSur le déroulement des essais de la machine auxquels il a participéAdolphe me dit combien il était fier de travailler avec son pèreLe mémoire sera bientôt achevé nous pourrons le soumettre à la commission d'expertsC’est notre façon de t'aimer pour toujoursMais après nous que restera-t-il?

# 13

Lettre du 2 février 1888

« Ma bien chérie… quelques lignes pour vous dire exactement où en sont mes travaux.J'ai réussi à reproduire le mouvement d'un homme qui marche, mais j'ai encore de violents chocs dans la machine, et je travaille à les réduire, j'y arriverai bientôt, je suis convaincu que l'effet sera absolument naturel, mais c'est dur d'avancer (dur à décrocher). Je croyais pouvoir y arriver plus rapidement, mais chaque étape semble coûter une infinité d'essais, mais me confirme aussi dans l'assurance d'un succès proche à la fois excellent et pratique… »

LIZZIECet après-midi nous avons retrouvé quelques lettresNous trions les documents afin d'ordonner une chronologieQuel exercice difficile se plonger dans ta chronologieLe temps n'existe plus la rencontre le mariage les enfants la machine Leeds New YorkTout me vient en désordreTrier les moments de bonheur démêler tisser ratisser comprendreRendre compte de ta vie mon augustinTout se mélange l'amour le dégoût la peur l'ivresse

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# 15

LIZZIECommission d'expertsVoilà ce que je leur dirai mon Augustin pour faire reconnaître tes travauxGarden Scene a été impressionné en 1888Dix jours avant la mort de mamanRegardez bien il suffit d'étendre un drap blancPour faire se dresser marcher et danser les mortsMaman était là à peine endormieDans une bobine avec un peu de chaleur et d'humiditéIl faut pour la ramener à la vieUn faisceau de lumière traversant des lentillesVoilà ce que mon mari a créé il y a quelques années déjàMaman est morte en 1888Quand une mère disparaît que reste-t-ilJe resteUne enfant il resteJe n’ai plus aucun désir de grandir,Plus personne ne me protègeL’origine du monde a disparuEt pourtant regardezGrâce à Augustin elle dansera éternellement…Louise a raison tu as inventé l'immortalité…

BOBINE PROJETÉEGARDEN SCENE

En boucle la danse de la mère dix jours avant sa mortAugustin Leprince octobre 1888

LADY LOUISEPas aujourd'hui c'est trop tôtLizzie je comprends votre attachement pour AugustinCe que cet homme a créé moi aussi j'aurais voulu le serrer à la descente du trainJ'imagine le sentiment de puissance originelle de cet hommequi projette sur les murs de son atelier la viequi touche du bout des doigts la vie qui s'animeCréer le grand miracle être le premier quel sentiment cela fait d'être le premier hommeEnfin tout ça pour disparaîtreMais on attend pas indéfiniment un hommeLizzie j'ai appris quelque chose de mes aventuresj'ai eu des hommes faut pas croirecertains sont attirés par l'expérience des phénomènesJ'ai attendu souvent leur retourje pensais aux femmes de marins qui guettent l'horizonles grains blancs les lames de fond et les naufragesles joues salées à guetter les corps bouffis qui rentrent au portces femmes finissent par s'habituer à être seulesun arrière-goût iodé de libertéje préfère mener ma barque seule être une aventurièreJe n'attends plus je préfère le mouvement c'est pour cela que j'aimele cirque c'est pour cela que j'aime le cinématographe c'est pour celaque j'aime votre Augustin c'est pour cela qu'il faut vivreVenez braves gens venez tous applaudir le miracle du cinématographemanchots de la commune unijambistes de la dernière guerre apprentisentomologistes vieilles bigotes amateur de bonne chair de bon vinjoueurs invétérés hommes imberbes femmes de grandes et petites vertusbouchers et gamins des rues tuberculeux jeunes femme en fleur etc.. etc..venez approchez venez découvrir le cinématographevenez ouvrir les yeux sur la fenêtre du monde pour cinq sous le monde n'est pas cher…

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Je ferme les yeux viensMais Augustin ne répond pasCes lèvres bougent mais les sons ne sortent pasAugustin comme un film muetEt j'attends j'attends dans ma nuit mais rienQuand j'ouvre les yeuxAugustin est retourné à sa place figé fixéAccroché au mur dans le bromure d'argentJ’attendrai AugustinQue tu reviennes encore

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LIZZIEAugustin ne m'invite plus à danserJ'aurais aimé garder une image de toi en mouvementUn mouvement éternel qui te ramène vers moiQue ton départ ou la mort cesse d'être absoluGarder cette relique incrustée sur ma rétineGarder incrustés ces petits gestes de rienIncruster la parole au bout des lèvresPrêtes à dire « Ma bien chérie »Incruster le mouvement d'amour la douceur les caressesDire que la vie éternelle est possible à cause d'une défaillance physiologiqueComme si la rétine ne pouvait se satisfaire de la fixité l'absence la perteComme j'aimerais créer des images intermédiaires pour provoquer ce mouvementC’est cela même le cinématographeAlors une fois de plus je reste à regarder ce portrait AugustinDésespérément fixe et j'attendsJ’attends que ma persistance rétinienne réinvente tout ton être tout ton artComme les oiseaux s'envolent des praxinoscopesEt les chevaux s'échappent au galop des zootropes et autre machines magiquesJ’attends que la défaillance humaine permette à nouveau de créerL’homme magnifique héroïque demi-dieu qui compense et réinvente la vieAugustin ne fait pas partie des gens qu'on enferme dans un cadreAlors je regardeFixement longtemps fixementEt alorsAugustin tu commences à remuer les paupièresPersistance de l'être aimé…Au début des petits tressautements presque imperceptiblesComme un enfant qui fait le mort mais que les nerfs optiques trahissentPuis tu me regardes tu me fixes à ton tourTu as vu la fatigue et le temps me creuserAlors tu entrouvres tes lèvres pour dire des mots tendresPeut-être « ma bien chérie je t'aime encore quand même »Et tu tends les bras demandant un baiser

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Alors oui je dois l'avouer mon AugustinJe préférerais que tu te tires une balle dans la tête en chou-fleur sur une plage NormandeMadame désolé de vous dire çaVous aimait-il seulement encore madame ?

AUGUSTIN LEPRINCE

# 17

LIZZIEAugustin?Si je glisse j'ai l'impression parfoisQu'une présence me retient délicatement par le brasJe sens qu'il respire des fois je sens un souffle chaudEst-ce que je n'ai pas compris quelque choseje me sens coupableJ’ai peur pour AugustinAurais-tu fait des choses que tu ne pouvais pas direD’autres fois je me dis qu'Augustin est vraiment un salaudQu’il croupit pourrit boursoufle que c'est bien faitQu’il attend sans rien dire salaudM. Leprince était criblé de dettespeut-être que M. Leprince est criblé de ballesM. Leprince avait de la concurrence déloyaleIl y avait du monde sur le créneau optique nonM. Leprince avait peut-être conscience de son immense échecLa police dit qu'Augustin a le droit de disparaîtreQu’il est majeur tatoué vaccinéQu’il dispose de sa libertéMon AugustinCe matin encore j'achète le journalQuelques nouvelles de FranceJe regarde les bancs de mariage les carnets rose noir blanc il y en a pour tous les goûtsLes avis de décès et naissance se côtoient comme un signe de réincarnationPuis les pneumonies les gangrènes les vilaines grippes cirrhose et les faits sordidesLes femmes éventrées les hommes égorgés les enfants emmurésLes chiens dépecés les chats désorbitésEt autres noyés défenestrés foudroyé crucifié démembrésOù que tu sois je prie mon AugustinQuand on se penche sur cette faune-làOn se rend compte comme les hommes sont maladesQuand on attend chaque jour des crimes plus atroces que la veilleJe ne voudrais pas vivre le prochain siècle

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BOBINE PROJETÉEVue n° 655 Lumière

PETIT DÉJEUNER EN FAMILLE 1895

# 18

LIZZIEOuiNous avons été heureux avec Augustin

Oui nous avons été heureux comme celaHeureux comme ça aussi simplementElle fait du café sur un réchaud à alcoolElle regarde son jeune et bel épouxUn regard d'amour à lui crever les yeuxIl commence à nourrir sa filleDu rire de l'homme heureux de voir la soupe s'étalerPlein le visage joufflu d’un gros bébéCela ressemble étrangement à notre bonheur à jamais perduCe tableau gris muet du bonheurLa vie des ombres du passé des rêves d'autrefoisAugustin j'ai toujours été une femme qui existait pleinementJe t'aimaisJe travaillais j'avais quelques économiesLa peinture et mes projets d'écoles d'art m'ont toujours pleinement nourrieJe me suis toujours obstinée pour être cette femme indépendanteL’amour de notre famille l'amour de mon AugustinJe pensais être plus forteCar le vide de toi Augustin me rongeContamine tout partout s'immisce et granditTout ce qui me distrayait et me passionnait parvient à peine à me détourner de ce gouffreTout devient si difficile me nourrir ouvrir les yeuxChaque jour sur l'absenceEt nos pauvres enfants comme ils souffrent aussiJe voudrais être plus forte te remplacer me dédoubler me substituerÊtre la mèreÊtre le pèreÊtre cette famille heureuseLe bonheur avant cette putain de machine et sa malédiction

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BOBINE PROJETÉEVue de New York

1903

LIZZIEChaque jour sur le quai du transatlantiqueJ'attends fidèlementLes mots d'Augustin me reviennent

« Ma bien chérie j'ai quelques modifications à apporter à l 'appareil de prise de vue afin qu'il soit prêt à fonctionner pour prendre quelques vues d'hiver, de luge, de patinage… À New York durant les beaux jours clairs de l'hiver… »

Je t'ai attendu mon Augustin été comme hiverDans le jardin / À Paris / Leeds / New York…C'est à New York qu'Augustin a commencé à travailler sur la machineLa vie à New York était délicieuse pour commencerAugustin travaillait sur les panoramasDe gigantesques tableaux à la modeMais Augustin commençait à s'entêterAugustin a toujours été fasciné par les recherches sur l'œilGlobes cristallins rétines pupilles diffractions persistance

Quatrième mouvement

Écrire le Temps…

Écrire un Siècle

# 19

LADY LOUISECette machine est fabuleuseCette machine me rend amoureuseJe ne pourrais plus vivre sans entendre çaLes cliquetis et frôlements de pelliculesDes frissons l'attente de l'inconnuBlottis dans le noir comme dans un ventreLe spectacle j'attends je découvreJ’attends que la fenêtre s'ouvre sur le mondeLes chutes du Niagara qui coulent à une vitesse vertigineuseLes quatre coins du monde tiennent sur un pan de murUn monde prodigieusement grand un monde prodigieusement autreLes continents et leurs coutumes qui défilent en cadence sous nos yeuxPartir à l'autre bout du monde confortablement installé dans son fauteuilSans effort sans danger pour trois sous sans fatigue et sans lumbagoVoyez-vous LizzieBientôt New-York sera une province pour la FranceOn disait ça dans le journal« Le phonographe et le cinématographe font pour les pays ce que le chemin de fer fait pour les provinces ils font pénétrer à chaque peuple la pensée l'âme la vie de tous les autres peuples »

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Je me creuse seuleLes sillons ravinent autour de ma boucheJe sens que ça s'affaisseLa sécheresse me déshydrate au plus profondEt il ne reste qu'un daguerréotypePour juger de mon effondrementEt toi tu restes ce beau jeune hommeArrogant c'est la première chose qui m'est passée par la têteLa peau bien lisse la moustache bien noireTu as toujours fait moins que ton âgeEst-ce que c'est cela que tu voulaisUne femme plus jeune peut-êtreElle est jolie au moinsElle n'a pas la cuisse molle la peau d’orangeElle n'a peut-être pas le ventre pendantD’avoir eu cinq enfants vivant et un mort néOn se quitte pas comme ça après de si belles annéesNe pas savoir me rend folleTout ce temps sans toi jusqu'à devenir une vieille peauJ’avais pensé qu'on finirait nos vieux joursCôte à côte dans le jardin à l'heure du théJ'ai laissé ta chaiseComme au premier jour comme au commencement de toutDans l'herbe verte du jardinJe te vois si beau et si jeuneSi tu reviens est-ce que tu voudras d'une vieille femmeJe n'aurais jamais pensé à mon âgePrête à tout pour qu'un jeune homme m'effleure du bout des lèvresTu ne m’as laissé que ça AugustinUne photographie pour imaginer l'amourCe soir c'est avec tes vingt ans que j'ai rendez-vousAvec ce pâle reflet argenté pour guider le désirD’une vielle putain pour un jeune homme dans la fleur de l'âgeJe t'aime mon AugustinBonne nuit

Le mouvement composé décomposé recomposéLes études de Muybridge le praxinoscopeAprès avoir travaillé tant d'années sur les images fixes Augustin avait la bougeotteAugustin était un peintre de talent nous partagions cette passion communeEt cela nous avait rapprochés comme si c'était hier je m'en rappelle Garden SceneIl a peint beaucoup…Pour les panoramas il utilisait parfois les lanternes magiquesPour améliorer l'impression de vie de réalitéAugustin aimait passionnément cet objet curieux comme il disaitUne boîte à rêves avec un chapeau comme une lampe tempêteJe crois que c'est cela qu'il voulait faire une lanterne magique avec des images qui bougentGrâce aux panoramas nous avons bien vécu à NYAugustin avait inventé cela aussi un procédé de photographie sur émauxPuis il est resté bloqué accroché à cette idéetout cela est dramatiquement immobileje voudrais que la vie des images s'animeque la vitesse du mouvement soit aussi fulgurante que la vitesse de la vie

Combien de fois avons-nous guetté l'arrivé du transatlantiqueFouillé dans la marée humaine qui s'en déversaitDes milliers de passagers dont la moitié malade pas le pied marinDes milliers des milliers des milliersMais pas Augustin

# 20

LIZZIECombien de couchers de soleil sur l'Eastern River à attendreAugustin ça lui rappelait les gravures de Venise avec la nuit qui tombeIl disait que celui qui parviendrait à maîtriser l'art du tempsCe serait le dernier dieuQu’est ce qu'on peut encore inventer après çaCombien de nuit et combien de jour tombés sur l'Eastern RiverTout se mélange tout s'éloigne

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# 21

LADY LOUISEUn jour aussi je dirais à Lizziepas aujourd'hui il est trop tôtmais il faudra bien un jour lui direLizzie il faut avancer avec son tempsPas se retourner pas vivre avec les fantômesChaque jour de nouvelles bobines arriventQu'il faut prendre le train en marchese laisser bousculer par le mouvement de la vie les choses changentles êtres bougent il faut sortir des frontières du chagrinil faut grandir avec lui Il faut s'adapter devenir darwinienMoi aussi j ai appris à m'adapter j'étais une petite fille bien comme il fautun visage et des cheveux d'ange un fin duvet sur les épaules et le sourireet puis tout ça a poussé poussé encore comme l'herbe de votre jardinje suis devenue poilue barbue hirsute j'ai appris à vivre avec çaaujourd'hui les phénomènes ne font plus recette c'est le cinématographe l'attractionLes forains aussi font de petites bobines des féeries des numéros de cirqueJe voudrais faire du cinématographe faire des tours de manivellesimpressionner les bobines et les spectateursApprochez mesdames et messieursApprochez gens bien comme il faut alcooliques amis des arts amis dessciences chimistes botanistes saltimbanques garde montée mineursconducteurs de machine à vapeur belles archiduchesses etc. etc. approchezvenez découvrir la magie du cinématographe...Venez voir comme le cinématographe peut résoudre les problèmes....même ceux des barbus...

BOBINE PROJETÉEFILM PATHÉ

Le barbier fin de siècle 1896

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# 22

LIZZIEJe t'aime mon AugustinBonjourCe matin j'achète le journalEt le temps s'écrit encore et encore invariablementLe temps les minutes les secondes les nano secondesEt dans quelque temps un siècle sans toiJe cherche une réponse un signe une trace une preuve un indiceUn tibia un péroné un cadavre exquis tant que rien ne s'écrit dans la pierreIl me reste un espoir insupportable je ne supporterai plus très longtemps(Silence elle lit…)Oh mon Dieu… mon Dieu(Silence…)Mon Augustin ce que je vois ce matin dans le journal est effroyable…Le cinématographe a tué104 femmes 7 enfants 4 hommes et 1 chienCette invention est bien mauditeDonner la vie son illusion cela relève du sacréTu le savais Augustin que se serait aussi dangereux…Apparemment à cause de la pellicule celluloïdAugustin en avait acheté aux usines Lumière et fils

LADY LOUISE (baisse le petit journal du 19 mai 1897)Le film flamme a tout embrasé dévasté calciné…Cela c'est passé à la vente du bazar de la charitéLes rubans de celluloïd semés de leurs microscopiques imagesTremblantes et vacillantes de nitrate de celluloseLe cinématographe n'est pas charitableLe composé chimiquement instable aurait été en contact avec la lampe à étherEt le film flamme s'est mis à danserCe jour-là on jouait l'arroseur arrosé

BOBINE PROJETÉEvue Lumière n° 209

L'ARROSEUR ARROSÉ 1896

COUVERTURELe petit journal - 19 mai 1897

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LADY LOUISEUn gamin malicieux joue des tours au jardinier des frères LumièreLa petite musique au piano l'accompagneMais ce jour-là l'eau qui jaillit n'est pas assez vraieLes giclées de l'arroseur sont dérisoires rien n'arrête le feuIl se propage sur les rubans de celluloïd d'une bobine à l'autreLe film flamme se consume sans oxygène rien ne l'arrête ni ne l'étouffeLes longues robes des femmes charitables deviennent torchesEt les femmes flammes se piétinent embraséesLes morceaux de chairs se décollent et grésillentLes langues de feu lèchent et rampent sur leurs corsagesEt les flammes et les femmes torches continuent leur danse rouge et orEn crépitant jusqu'au bout de la nuitL’arroseur n'y peut rien le carnage est cinématographiqueLa bourgeoisie est en colère et veut interdire les séancesIl y avait dans la salle les femmes de la hauteLa duchesse d'Alençon, sœur de l'impératrice SissiLes séances sont suspendues on murmure que c'est la fin du cinématographeMais la bourgeoisie n'aura pas le dernier motL’avènement du cinématographe précipitera sa chuteLe cinématographe est populaireLes séances se multiplient comme des petits painsAux confins du monde le peuple partage la vie des salles obscuresLes Frères Lumière ont inventé une nouvelle lampe pour assurer la sécurité des projectionsLe cinématographe vivra! Longue vie au cinématographe!Le cinématographe adoucit la vie…

BOBINE PROJETÉELE DÉSHABILLAGE IMPOSSIBLE

Méliès 1900

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C’est vrai ce gros bébé joufflu qui ne fait pas de bruitCela ressemble étrangement à un rêveCombien de mères se damneraient pour cette tranquillitéMais il lui manque des joues roses à ce bébéDes joues qu'on ait envie d'attraper des joues à embrasserDans un grand « moucht » un bruit de claque s'il n'est pas sageEt aussi des bruits de langues quand les amoureux s'embrassent au train

LIZZIEJe commence à comprendreQue nos langues ne se tordront plus Augustin à la descente d'un trainJ’ai attendu longtemps mais tu n'es pas descendu dans la vapeurSortant d'un rêve ou d'un cauchemar et le temps a passéUn siècle exactementEt l'année 1901 a commencé bien tristementSais-tu seulement si ton fils Adolphe a rejoint ton monde?Sais-tu seulement qu'il est mort?Notre fils chéri mort sur une plage à côté d'un fusilEt personne ne sait personne n'a rien vuEncore une fois le mystère nous arracheTon fils qui a travaillé si durement à la machine avec toiDes fois je pense bien que c'est encore à cause d'elleCette maudite machine et sa malédictionGrâce à elle pourtant Adolphe restera lui aussi un immortelQuelques images des essais de vos travaux ensemble à la machine…

BOBINE PROJETÉEL’ACCORDÉONISTE

7 images d'Adolphe Leprince en boucle 1888

# 23

LIZZIEJe ne dors plus la nuitJe commence à comprendre que tu ne reviendras pasAugustin j'ai cru que nous étions heureuxPeut-être que toi tu pensais que c'était l'ennui la routine une photographie du bonheurCe que tu voulais Augustin c'était le mouvementLa vie l'amour chaque jour qui recommence infinimentJ’ai oublié tout ça dire que je t'aime que mon corps tout entier t'aimeComme au premier jour retourner s'allonger cultiver son jardin ça me revientPardonne-moi Augustin

LADY LOUISELe cirque va reprendre la routeVous savez Lizzie pourquoi le cirque et le cinéma s'entendent si bienParce que l'essence même de cette science et de l'art forain est le mouvementCette densité dramatique qui fait qu'à tout moment la surprise peut jaillirRegardez les spectateurs qui retiennent leur souffleQui imaginent déjà la chute de l'équilibristeQui imaginent un train qui percute à toute vitesseCet art de donner au spectateur un temps d'avance sur la vieDe vivre le cœur même des fictionsInventer dans la foulée du mouvement la vie au centupleIl manque encore des choses cela viendra sans douteLa couleur cela viendra sans douteLe son cela viendra sans doute

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Dans l'absolu de la créationAugustin ce que tu as fait cela en valait la peine et moi je le saisLa création est bien plus importante que l'homme peut-êtreArracher accoucher extirper chaque jour un peu plus aux ténèbresAu temps qui passe

Augustin tu ne reviens toujours pasAujourd’hui j'irais voir ce film de Méliès dont on parle tant

BOBINE PROJETÉEEXTRAIT LE VOYAGE DANS LA LUNE

Méliès 1902

Cinquième mouvement

Épilogue - Naissance d'un art

# 24

LIZZIEAugustinJe n'attendrai plusJ’ai peur de vieillir trop vite maintenantT'attendre c'est traverser l'absence des heures comme des sièclesJ’en ai déjà vu un passer et je ne tiendrai pas jusqu'au prochainAugustin j'aurais voulu t’appartenir encore dans la mortJ’aurais voulu que tu sois bel et bien mortJ’aurais voulu t'enterrer de mes propres mainsJ’aurais voulu mettre la terre dans tes trous de nezRemplir ta bouche jusqu'au larynx l'œsophageLa terre dans tes poumons plutôt que de l'eauQue tu n'aimes jamais ailleursQue tu n'ailles plus jamais voir ailleursQue je sache ou tu pourrisMais je n'ai plus envie je n'ai plus le temps plus le tempsPeut-être un autre siècle une terre boueuse quelque partCrachera un morceau de dents une mâchoire inférieure un éclat de crânequi dira si tu as vécu longtemps…

Augustin la désertion l'amour l'ennui les dettes la folie la passion le génienous avons sacrifié tant de choses à la machined'éloignement de temps d'amouret les enfants un peu aussi…mais rien ne peut empêcher ce qui anime un être au plus profond de luirien ne peut aller à l'encontre de l'inventeur d'histoirescette folie et ce besoin qu'ont les hommes de se raconterDe se reproduire à l'infini dans un lit ou projeté sur un murCe besoin de traverser sa vieEt peut-être même un siècle laisser une trace

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Ces petites séquences de Méliès…Un jour les hommes iront sur la luneEt la science rattrapera peut-être l'art et l'imaginaire…À la prochaine séance il y aura une séquence d'une femmeUne certaine Alice GuyVa savoir le siècle prochain sera peut-être celui des femmesMon AugustinTu aurais fait le plus beau des voyages au cœur de cet artMais tu as pris la route d'un voyage dont on ne revient pas quel qu'il soitEt déjà tu fais partie des reliquesOn parle de pré-cinéma comme d'animaux préhistoriquesMon Augustin on change de siècle et tout va va beaucoup plus viteLes enfants grandissent plus vite aussiQuant à moi évidemment je ne grandis plusJ’aurais plutôt tendance à tasserJ’aurais aimé te serrer une dernière fois dire adieuMais voilà tu n'es pas revenuJ’ai achevé les mémoires fait partager un peu ton rêveCoupé l'herbeJe t'aime mon AugustinMaisJe veux vivreJe peux vivre seule maintenant mes projets grandissentJe me consacre à nouveau à la peintureJe me consacre à vivre et à mourir seuleJe ne t'attends plusJe t'aime toujoursMon Augustin mon amour immortel

THE END

LADY LOUISELa séance est finie

LIZZIEDéjà on éteintLes lumières les claquements les sifflements de bobinesLouise étale des houssesSur les fauteuils capitonnésLe silence est revenuLe cœur du cinématographe s'est apaiséQuand il s'emballe on ne sait plus si c'est des battements ou des tremblementsLouise attend que la machine refroidisse sur son trépiedPour la bâcher l'envelopper délicatement pour la nuitLouise aime passionnément cette machine

# 25

Augustin le temps a passéLes pages de mon carnet se sont rempliesCes quelques mémoires s'achèventLes écrans blancs se remplissent chaque jourÉcrivent l'histoire d'un art en train de naîtreQuand je t'ai rencontré Augustin je pensais que tu serais un grand artisteUn peintre doué un créateur magnifique un magicienQuelque chose d'une destinée divineCapable de mettre un peu de vie ou il n'y avait que l'immobilitéCet art était pour toi tu aurais fait de grandes chosesMais voilà Augustin tu n’es pas revenuEt l'art du cinéma grandit sans toile cinématographe est encore muet mais déjà il élabore son langageChaque jour des histoires magnifiques s'écriventEt la technique peu à peu se met à son serviceL’art dépasse la science et de beaucoupC’est émouvant d'assister à la naissance d'un artL’imaginaire surpasse tout retrousse les frontières du mondeD’autres magiciens te remplacent tu apprécierais beaucoup

dossier de présentationdossier de présentation

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# BIOGRAPHIE DE L'AUTEURLucie DEPAUW

Elle commence à écrire pour le cinéma mais c’est dans l’écriture théâtrale qu’elle s’engouffre avec Carcasses exquises en 2005 pour laquelle elle reçoit une bourse d’écriture de la Fondation Beaumarchais / Sacd, puis en 2007 Le désert brûle-t-il ? qui reçoit la bourse d’encouragement du CNT, elle poursuit ces travaux avec Pas de quoi fouetter un chat ; Les iliens, fragments et jugement dernier ; Conséquences des fortes rafales sur les foyers naissants ; La trouée, peaux écorces et autres pellicules sensibles ; Autopsie de l’enfant sauvage radioactif ; Dancefloor memories lecture à la Comédie-Française dans le cadre du Bureau des lecteurs en 2012, Hymen ; Lilli/HEINER intramuros et aujourd'hui Garden Scene.

En 2007 elle participe à la mise en scène de Tentative intime de Sabine Revillet au festival A suivre de la Comédie de Clermont-Ferrand. Sa formation d’études cinématographiques l’oriente vers un dialogue entre l’espace scénique et filmique, une réflexion sur l’espace et le temps. Elle découvre par ailleurs les plateaux de cinéma et de télévision, où elle travaille comme assistante à la mise en scène depuis quelques années notamment sur la série satirique des Guignols de l’info, sur des longs métrages Cowboy Angels de Kim Massee, Andalucia d’Alain Gomis (comme stagiaire). Au croisement du théâtre et du cinéma, se définit donc une expérience et une recherche qui s’intéressent à produire des passerelles et du sens autour de l’image, de la matière, des corps dans l’espace et le temps, et le plaisir du verbe toujours…

BIBLIOGRAPHIE

Carcasses exquises / 2005 (Bourse d’aide à l’écriture Beaumarchais 2005)î

Le désert brûle-t-il ? / 2006 (Bourse d’encouragements CNT 2007)

Pas de quoi fouetter un chat / 2007 (Lecture Collectif A mots découverts 2007)

Les iliens, fragments et jugement dernier / 2007

La trouée, peaux, écorces et autres pellicules sensibles / 2008

Conséquences des fortes rafales sur les foyers naissants / 2008

Autopsie de l’enfant sauvage radioactif / 2008

Dancefloor memories / 2009 (Bourse d’écriture Beaumarchais 2009 / Résidence d’écriture à la Chartreuse de Villeneuve-les-Avignons / Lauréate des journées d’auteurs de Lyon 2011 / Lecture à la Comédie-Française - Bureau des lecteurs octobre 2012 /Pièce plébiscitée par le groupe des spectateurs engagés )

Hymen / 2010 (Aide à la création du CNT 2011 / Aide complémentaire de la SACD)

Lilli / HEINER intramuros / 2011 (Aide à la création du CNT 2012)

Garden scene / 2012

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REALISATIONS

Théâtre-Petite rencontre de Jean-Paul Chartier, mise en scène de Sophie Gubri et Jean Grimaud / 2010 -La Bête Humaine, Monsieur Zola... de M. Wyn, mise en scène de Rémi Chenylle / 2005 -Abel et Bêla de Robert Pinget, mise en scène de Rémi Chenylle / 2003 -Le journal de Marie Bashkirtseff, mise en scène de Rémi Chenylle / 2001 -L'Intruse de Maurice Maeterlinck, mise en scène de Sylvain Ledda Vengerder / 2001 -Andromaque de Jean Racine, mise en scène de Maurice Boyer / 2000 -Les Marrons du Feu d'Alfred de Musset, mise en scène de Rémi Chenylle / 2000 -Le Lit de Jean Grimaud, mise en scène de Sylvain Gillet / 1999

Balades urbaines-Les Galeries du Palais-Royal, 1780-1800 de Rodolphe Trouilleux, mise en scène de Sophie Gubri

Figures illustres-Zola/Dreyfus, la Vérité en marche de Lucien Maillard, mise en rue de Jean Grimaud -Max Jacob nous fait la courte-échelle de Lucien Maillard, mise en rue de Jean Grimaud-Françoise Sagan ou la liberté retrouvé de Lucien Maillard, mise en rue de Jean Grimaud

Voyage au cœur d'un tableau-La jeune Fille à la perle (Vermeer) de Jean Grimaud, scénographie de Camille Dugas -Les raboteurs de parquet (Caillebotte) de Jean Grimaud, scénographie de Camille Dugas

# LA COMPAGNIE CLARANCE

La Compagnie de théâtre Clarance est un espace de création qui, depuis 1994 initie, développe et met en scène des projets artistiques novateurs, ambitieux et pluriels - à la croisée des champs historiques, esthétiques et littéraires - portés par des professionnels exigeants: auteurs et dramaturges, metteurs en scène, scénographes et comédiens aguerris.

Après avoir travaillé sur des textes issus du répertoire classique, la compagnie diversifie son approche en s'engageant vers de nouveaux modes d'expression du spectacle vivant et en investissant l'espace public. Passionnée par l'Histoire et le patrimoine, elle conduit les spectateurs au cours de balades urbaines théâtralisées, de promenades littéraires et de déambulations poétiques au cœur de la ville : des passages secrets aux cours privées, des parcs aux jardins, des monuments aux musées,...

La Compagnie Clarance crée un théâtre citoyen «hors-les-murs» qui impliquent les acteurs locaux en travaillant sur la mémoire collective attachée à l'esprit d'un quartier, d' un lieu, d'une institution en les repeuplant des personnages du passé et de ses figures illustres. Elle invite au rêve et au fantasme en sortant des musées les chefs d'œuvres de la peinture, en leur rendant vie sous une forme théâtrale légère et nomade : en libérant les sujets du tableau, percent alors les mystères de sa création.

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REALISATIONS

Théâtre-Gare à la Gardine, adaptation de chansons décrivant les femmes dans leurs métiers / 2009Résidence et création au Théâtre des Roches à Montreuil Avec le soutien de la SPEDIDAM et de l’ADAMI.-Le Miracle de Hildegarde, adaptation de la correspondance et de l’œuvre littéraire de Hildegarde Von Bingen / 2006Création au Temple saint Martial pour le Festival Avignon 2006, Reprise à l’Oratoire du Louvre Paris et à l’Abbaye de FontenayAvec le soutien de la SPEDIDAM, En coproduction avec le Théâtre du Buisson-Marie Jaëll, le chemin qui avance, adaptation de la correspondance, du journal intime et de l’œuvre scientifique et pédagogique de Marie Jaëll / 2004Création à l’Atelier René LoyonReprise à la médiathèque de Bagnolet / 2005

Lectures mises en scène-Virginia et le Dictateur, adaptation des Trois Guinéesde Virginia Woolf / 2010Création à la médiathèque Jacques Duhamel du Plessis TréviseReprise à l’Espace Quartier Latin-Les Parias, d’après l’essai de Simone de Beauvoir La Vieillesse / 2007 Création à la Bibliothèque d’Ecquevilly Reprise à la Maison des femmes de Montreuil et au Café des Deux Magots à St Germain-des Prés / 2007Reprise à la Coupole, boulevard Montparnasse puis dans de nombreuses médiathèques / 2008Avec le soutien de la DRAC lecture IDF Avec l’accréditation du rectorat de Paris-La Gula, collage de textes sur le thème de la gourmandise de Aristote à Annibale Ruccello en passant par Zola, Proust, Rictus etc... / 2005Création Festival de lecture de Brie Conte RobertReprises à Montreuil au Bistrot 33, à la médiathèque d’Ecquevilly, au Petit Ney à Paris.Commande de la médiathèque de Brie Conte Robert

# LA COMPAGNIE M.R. Lire et Dire

« Un cheminement de comédienne jalonné de textes magnifiques, quelques récitals de poésie, des lectures dans différentes librairies ou cafés-littéraires (Joyce, Proust, Voltaire), une approche de l’adaptation théâtrale de la correspondance à l’occasion de deux lectures-spectacles créées en collaboration avec différentes compagnies théâtrales autour de G. Sand, puis de J. J Rousseau m’ont conduite, à l’occasion du spectacle Marie Jaëll, le chemin qui avance, à créer la compagnie M.R.Lire et Dire en février 2004. »

Martine REINBOLD

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MISES EN SCÈNE (sélection)

Ma Jalousie du BarbouilléMolière et Jean-Michel Dagory / 2008

La Bête Humaine, Monsieur Zola…Michel Wyn / 2005

Le CircuitGeorges Feydeau / 2004

Abel et BelaRobert Pinget / 2003

Le MenteurCorneille / 2001

Les Marrons du feuAlfred de Musset / 2000

La MarelleIsraël Horovitz / 1998

Bleu de ThuryMalika Bey Durif / 1997

Au Poète ImpeccableD’après les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire / 1992

La Noce chez les Petits BourgeoisBertolt Brecht / 1990

Théâtre à DomicileEdward Radzinsky / 1988

One Woman Show Sylvie Joly1987

# BIOGRAPHIE DU METTEUR EN SCENERémi CHENYLLE

Après avoir enseigné au Cours Florent, au début des années 1980, il poursuit à partir de 1984, son travail de pédagogue avec des groupes volontairement resserrés tout en s’axant en parallèle sur un parcours de metteur en scène. Il aborde indistinctement le théâtre classique (Molière, Marivaux, Tchekhov, Shakespeare…) et les one-woman show (Sylvie Joly, Catherine Jacob) tout en faisant des incursions dans le théâtre contemporain (Bertold Brecht, Horowitz, Dorothy Parker, Peter Handke, Edward Radzinsky, Philippe Minyana).

À partir de 2000, il abandonne temporairement la pédagogie pour se consacrer particulièrement à la mise en scène. Au cours de ces dix dernières années, il a, avec la Compagnie Clarance, mis en scène La bête humaine, Monsieur Zola de Michel Wyn, Le journal de Marie Bashkirtseff et Abel et Bela de Robert Pinget. Il vient d’autre part, récemment de coécrire avec l’OuLiPien Hervé Le Tellier des comédies.

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Si la première, Lizzie, femme d’Augustin Leprince, mais ce pourrait être la femme de n’importe quel quidam volatilisé, ose ressasser cette solitude dans une adjuration désespérée, sans doute, pour parvenir, à l’acceptation progressive, graduelle, de l’idée de mort, qui semble, alors qu’aucune nouvelle du disparu ne lui parvient, indispensable pour entreprendre le long processus de deuil qui se mettra en place tout au long de la pièce, la seconde, Lady Louise, dans son univers de baraques foraines confectionnées de rugueuses et inflammables toiles peintes, atteintes d’hirsutisme, ne se confie pas, peut-être qu’elle ne sait pas ou qu’on ne lui a pas appris, elle tente de nous donner le change. Le spectacle doit continuer. Mais comme Lizzie elle est seule, même son numéro où elle servait de cible à un lanceur de rasoir ne fait plus recette. Autrefois, au moins on la dévisageait, maintenant on l’évite en détournant le regard. Pourtant, il en va de leurs survies à l’une comme à l’autre, de s’en sortir, de trouver la solution car il y a danger de mort à ne plus exister dans le regard de l’autre. Et l’une comme l’autre réussiront à recréer ce regard de l’autre, cette raison de vivre.

Lizzie en continuant à faire exister son Augustin grâce à un mémoire sur les procédés techniques qu'il aura inventé, pourra effectuer le travail de deuil qui lui est indispensable pour réussir à vivre seule. Lady Louise en tombant amoureuse de l’attraction où elle se retrouvait cantonnée : le cinématographe, qui, s’il sait projeter, sait aussi regarder. Elle aime cette machine qui, si elle capable de nous faire croire que des trains risquent de nous écraser, saura sûrement nous donner l’illusion qu’on est aimé.

Rémi CHENYLLE

Si le sous-titre de la pièce indique : « rêverie librement inspirée de la disparition d'Augustin Leprince, pionnier de l'enregistrement et de la projection d'images animée », je décide de penser que l’élément clef de cet intitulé est le terme « rêverie » (dans le sens de pensée, réflexion) et non l’évocation d’Augustin Leprince réalisateur (dans le sens premier du terme, de celui qui rend réel et projet, un rêve, et non, simplement, dans celui qui dirige la mise en scène d’un film) des premières images animées. Même si le titre principal de cette pièce reprend, comme un hommage de la part de Lucie Depauw, vraie passionnée de cinéma, le titre du premier film Augustin Leprince et par là même le titre du premier film de tous les temps le sujet réel de cette pièce ne se trouve pas là. Car effectivement, même si le contenu de cette pièce nous autorise au passage à nous interroger sur la véritable paternité du cinématographe, une paternité qui ne serait peut-être pas de façon si évidente qu’on se plaît à nous le répéter à l’envi l’œuvre des seuls frères Lumière, et même si cette question concernant l’identité des procréateurs du cinématographe possède un véritable et considérable intérêt le vrai propos de cette « rêverie » n’est pas là.

Sous une véridique, louable et manifeste volonté de nous surprendre quant aux origines du cinématographe, ce thème fait incidemment aussi office d’appât. Car, en réalité, la pièce va s’attacher à mettre, pour nous, en lumière un sujet sans doute beaucoup plus actuel que les origines du cinématographe, afin de nous amener tant homme que femme à l’éprouver. Le texte ne se veut pas historique, son sujet ne porte pas sur le rétablissement d’une vérité qui aurait été dissimulée depuis 122 ans, non, la pièce parle « seulement » intelligemment de la souffrance de deux femmes, Lizzie et Lady Louise, confrontées au manque, au vide, à la présence absente car elles ne sont pas ou plus aimées et la pièce expose leurs comportements face à la recherche d’un amour qui n’existe plus ou ne peut pas exister.

#NOTE D'INTENTION DE MISE EN SCENE

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Lady LouiseCéline CAUSSIMON

Au début des années 80, Céline quitte le Cours Périmony et commence à travailler dans la compagnie de Jean-Claude Cotillard. Ainsi commence le parcours d’une comédienne qui, au hasard des rencontres, travaillera avec des créateurs divers et éclectiques : Jean-Michel Rabeux ou Pierre Santini, François Rancillac ou Ahmed Madani, Frédéric Révérend ou Patrice Douchet, pour n’en citer que quelques-uns.

Parallèlement, elle tourne régulièrement pour la télévision (récemment, R.I.S, Le Client, etc…), et le cinéma (récemment : Comme un Chef, Télégaucho). A partir des années 90, suivant son goût pour l’écriture et la musique, elle crée un spectacle de chansons (Chansons Susceptibles au Tourtour). Ce sera le début de ce qui représente actuellement une grande partie de son activité : la chanson. Trois albums verront le jour chez Chant du Monde/Harmonia Mundi. On a pu voir Céline au cours de l’année 2012, notamment en concert au Lucernaire, en tournée avec La Locandiera (cie Les Déménageurs Associés), dans Le Banquet des Mariées spectacle de rue de Marie-Do Fréval....

Lizzie Martine REINBOLD

Parallèlement à des études universitaires à l’époque glorieuse du festival International du Théâtre universitaire de Nancy, elle suit une formation classique au conservatoire de Nancy où elle obtient les premiers prix de comédie classique et moderne, participe au Regard du Sourd de Bob Wilson, en même temps qu’elle se frotte aux conceptions théâtrales de Grotowski.Tania Balachova et Bella Reine guideront ses pas lors de sa « montée à Paris ».

Son travail d’interprète de Shakespeare, Genet, Strindberg, Claudel, Fassbinder, Grumberg, Camus, Havel, Bergman, Péjaudier, Ruccello, Ibsen, Feydeau, Racine et Brecht croisera les chemins des metteurs en scène Hubert Jappelle, Aristide Demonico, Antoine Campo, Valérie Judde, Guy Sabatier, Christian Rist, Hervé Maysniou, Françoise Kovacic, Nathalie Piazza, François Dumont, Daniel Annotiau, Rémi Chenylle et Catherine Marnas.

Elle ne rougit pas de quelques jolis personnages au cinéma court avec Jill Sarkissian, Mo Roberts, Matthieu Ravey ou Mohamed Benchroui, entre autres. Voulant allier pratique et théorie musicale, elle chante avec le Madrigal de Paris dirigé par Bernard Favre-Garrus, participe aux représentations du « Choix d’Hercule » de Haendel dirigées par Hervé Niquet ainsi qu’à La Fedeltà Prémiata de Haydn sous la baguette de Amaury du Closel.

# DISTRIBUTION

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Éclairagiste : Marie-Hélène PINON

Molière de la Création Lumière 2009 pour le Diable Rouge avec Claude Rich, mis en scène au Théâtre Montparnasse par Christophe Lidon. En complicité avec ce dernier, elle a éclairé de nombreux spectacles avec entre autres Danielle Darrieux, Jacques Weber, Didier Sandre, Danièle Lebrun, Samuel Labarthe, Claude Rich, Roland Giraud. Egalement Tous les Algériens sont des mécaniciens de et par Fellag, Monsieur Sophie Germain de Norbert Aboudarham ou encore Fleurs de Cimetière, chorégraphie de Myriam Hérvé-Gil pour six danseuses et une comédienne. Avec la Compagnie Clarance, elle a collaboré à Petite Rencontre de Jean-Paul Chartier en 2010. Elle a par ailleurs travaillé avec Jean-Claude Brialy, Panchika Velez, Arlette Téphany, Isa Mercure, Laura Scozzi ainsi que Philippe Marioge et Jean-Jacques Delmotte pour la scénographie, Claire Belloc pour les costumes, le CNAC (Centre National des Arts du Cirque) et éclairé plus de cent spectacles.

Vidéaste :

Scénographe : Camille DUGAS

Elle a fait ses études à l'ESAT d'où elle est sortie major de promotion. Parallèlement à ces études de scénographe, elle s'est formée à la Comédie Française, au théâtre national de la Colline et, comme assistante scénographe, à l'Opéra de Paris avec lequel elle collabore encore régulièrement (La Fille mal gardée - Onéguine - Les puritains…). Elle a été également formée à l'art dramatique au Cour Martin, ce qui lui a permis d'acquérir une bonne expérience du plateau. Aujourd'hui, elle travaille dans les plus grandes maisons (Royal Opera House, Liceu de Barcelone...) et notamment pour Richard Brunel ou Laurent Pelly. Elle est également scénographe pour la Compagnie Être et pour la Compagnie Clarance depuis 2007.

Costumière : Camille PENAGER

Camille Pénager commence sa formation à l’université Paris 8, où elle obtient une licence art du spectacle, option théâtre. Elle intègre ensuite en 2005 un diplôme des métiers d’art, costumier réalisateur. Elle travaille comme assistante costume, auprès de plusieurs metteur en scène comme Pierre Guillois ( Théâtre du peuple de Bussang), Laurent Gutmann (CDN de Thionville), Gloria Paris (Théâtre du Nord, Lille), Brigitte Jacques-Wajeman (Festival de Grignan) ou Richard Brunel et Jean-Yves Ruf (Festival d’Aix en Provence). Depuis, elle signe seule ses costumes dans des domaines variés comme la danse auprès de Stephanie Chêne, la commédia dell’arte ( Compagnie Mascarade) et le théâtre avec Cécile Backès, Grégoire Cuvier et Camille Gorde... En parallèle, elle a aussi travaillé comme réalisatrice pour les défilés de haute couture, dans des ateliers comme Balanciaga, Alexander Mc Queen, Chloé ou Hermès homme.

# EQUIPE ARTISTIQUE

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Parti pris scénographique

La scénographie joue sur l'interpénétration et la superposition de deux univers bien distincts : un espace dit mental dans lequel évolue Lizzie et un espace plus concret, celui de Lady Louise.

Au cours de la représentation, l'espace mental, qui est une véritable prison du vide, va peu à peu s'ouvrir à l'espace concret pour disparaître enfin totalement. Cette transformation progressive transpose l'évolution de Lizzie dans sa lutte contre la souffrance de l'absence.

# ELEMENTS SCENOGRAPHIQUES

Implantation minimale de l’espace mental Implantation minimale de l’espace concret

Ecran de rétro-projection Tulle gobelin écru

1 mPartie métallique

Espace lumière

Kinetoscope

CinématographeFauteuils de cinéma ancien

Salle de projection du cinématographe

Les coulissesdu cinématographe

L’entréedu cinématographe

Tulle gobelin blanc

Comptoir

Taps noir

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L'espace mental de Lizzie

L’espace mental de Lizzie est composé de modules identiques (cf. plan), mesurant 1m de long et 30 cm de profondeur (lumière comprise). Il peut prendre ainsi différentes configurations en fonction des plateaux sur lesquels il s’implantera. Sa structure ressemblant au verre et au métal évoque à la fois les barreaux d'une prison et l'architecture industrielle du XIXe siècle.

Les parties écrues sont opaques et intègrent un rétro-éclairage graduable. Lorsqu’elles ne sont pas rétro-éclairées, elles sont support de projection vidéo. L’espace peut ainsi aisément se transformer, par exemple en jardin, comme dans le premier mouvement (cf. vidéo), ou en véritable prison, si la vidéo ajoute des barreaux verticaux.

Images de référence : Elévation de 4 modules de l’espace mental

4 x 1 m = 4 m

4 m

Profilé métalliqueeffet : plomb

Ecran de rétro-projection écru

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La première partie, que l'on découvre à la fin du mouvement 1 lors de l'ouverture du mur lointain de l'espace mental (cf. plan), est la salle de projection. Elle est composée d'un tulle gobelin blanc (support de projection), d'une série de fauteuils de cinéma d'époque en bois de couleur rouge, d'un cinématographe et d’un kinétoscope.

L'espace concret de Lady Louise

Louise travaille à la Foire aux pains d'épices, au stand du cinématographe. Son espace témoigne donc de l'architecture vétuste (de bois et de toile) mais néanmoins fonctionnelle des stands de foire de la fin du XIXe siècle. L’espace concret est composé de 3 parties distinctes mais complémentaires qui apparaissent au fur et à mesure de la représentation.

Images de référence :

Images de référence :

Images de référence :

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La troisième partie représente le fond de la salle de projection, l'espace réservé au cinématographe. Avant de se lancer dans le début de la grande aventure du cinéma, les frères Vincent avaient d'autres activités qui nécessitaient probablement des décors, aujourd'hui tombés en désuétude. Ce troisième espace se compose donc d’anciens châssis retournés, sur lesquels on est venu accrocher des bobines de films et toutes sortes d’accessoires ou machineries relatives au cinéma. Ces châssis habillent l’envers des modules du mur jardin de l’espace mental.

Guindes

Comptoir d’accueil

Borgniol noir

Publicité pour le cinématographe

Châssis marouflé peint : décor de femme à barbe et autres

publicités pour diverses attractions.(cf. nuancier)

Nuancier

La deuxième partie prend appui sur l'envers du mur de l'espace mental côté cour. On la découvre dès le début du 2e mouvement. Elle représente l'entrée du cinématographe et est constituée d'un petit comptoir d'accueil et d'une porte fermée par un rideau noir, le tout est surmonté par un fronton décoratif et agrémenté de diverses affiches publicitaires.

Châssis en boisToile de châssis abîmée, réparée, tachée…Porte et fenêtre praticables

Escaliers + palier praticables

Pochettes pour douilles...

Cabine de projection : table, éclairage, bobines, machines…

4 x 1 m = 4 m4 x 1 m = 4 m4

m

Guindes

Elévation des 4 modules de l’entrée du cinématographe

Elévation de 4 modules des coulisses du cinématographe

Mouvement 1 #1 et 2

Projection (superposition)de Garden scene en image fixe

sans les personnages

Projection (superposition)de L’arrivée en gare de la Ciotat

Projectionde Leeds bridge

Projectionde Garden scene (zoom sur la mère)

comme si on la regardait à travers la fenêtre

Projectiond’une photo d’Augustin Leprince

en pied à l’échelle 1

Mouvement 3 #18 Mouvement 4 #19, #21 et #22 Mouvement 4 #23

Mouvement 2 #8 Mouvement 3 #10 Mouvement 3 #15 Mouvement 3 #17

Projectiondu Petit Déjeuner en famille

Projections à divers endroits de :Vue de New-York

Barbier fin de siècleL’arroseur arrosé

Déshabillage impossible

Projectionde L’accordéoniste

Projectiondu Voyage dans la Lune

Mouvement 4 #24

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La vidéo

Les extraits vidéo relatés dans le texte seront totalement intégrés à la scénographie qui leur servira de support. A certains moments, il y aura superposition entre l'image du film et la réalité théâtrale, comme montré ci-dessus dans le montage représentant la projection de Garden scene (mouvement 1 #1 et #2) et, ci-dessous, de l’arrivée en gare de la Ciotat (mouvement 2 #8).

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Lizzie Sarah Elisabeth Whitley

Femme d'Augustin Leprince« Quand un homme disparaît que reste-t-il ? »

En 1868, Augustin Leprince partit en Angleterre, invité par un ami d'université John Whitley. Il épousa sa sœur, un an plus tard Sarah Whitley, artiste peintre. Ils fondèrent en 1871, une école d'art appliqué The leeds Technical School of Arts, connue pour l'art de fixer les photographies en couleur sur le métal et la poterie.

Portrait de femme d'Alexandre Dubosq, 1890

Vêtements de femme en 1890

Dankst museumrobe 1890

Olga Boznanska

Robe de jourEmilie Pingat, vers 1890

Velour de soie pourpre à motifs floraux

# COSTUMES

Image de référence :

Images de référence

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Le costume de Lizzie sera inspiré des robe de jour de la fin du XIXe, sans pour autant faire une reconstitution historique des tenues de l'époque. Une robe simplifiée, légère dans des couleurs tendres, ou plus sombres comme le pourpre, soulignant son statut de peintre talentueuse et l'amour qu'elle pouvait porter à son mari disparu.

Costume de Lizzie

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Déjà toute jeune, Frida Kahlo, peintre mexicaine, se montrait très consciente de son image et de l’importance de contrôler sa présentation au monde. Les premières photos familiales montrent une Frida adolescente vêtue d’habits masculins, fière et sûre de soi. La moustache de Frida apparaît sur la plupart de ses autoportraits.

Lady Louise

Bonimenteuse, ouvreuse, musicienne, projectionniste, femme à barbe.

« Le cirque c'était ma maison depuis que j'étais une moitié de femmeDepuis qu'une pilosité s'était ardemment développée sur mon corps »

Depuis la nuit des temps, il existe des femmes à barbe dont certaines sont devenues de véritables célébrités. Les femmes à barbe ont suscité énormément d’intérêt au XIXe siècle, celles que l’on appelait communément des ‘monstres’ n’avaient d’autre solution pour survivre que de s’exhiber dans des foires et des cirques. La femme à barbe était une curiosité que chaque foire se devait de montrer.

Clémentine Delait, femme à barbe Clémentine Delait

Delina Rossa Femme à barbe, inconnue

Affiche de cirque, fin XIXe

Photo d'une femme à barbe, Anna Blume

Le montreur dans Lola Montès

Auto-portrait de Frida Kahlo

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Le costume de Lady Louise, sera largement inspiré des femmes à barbe représentées dans les cirques au XIXe siècle, un costume masculin et féminin à la fois, dans une gamme de couleur chaude mais pas vive ,avec par exemple une veste rouge comme le montreur dans Lola Montès. Un costume représentant le temps écoulé, où la femme à barbe à laissé sa place au cinematographe.

Costume de lady louise

Lizzie est morte en 1926 Augustin a disparu le 16 septembre 1890.

Aujourd’hui on ne connait toujours pas la cause de cette disparition.