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TERRES ET CONFLITS DANS LE KIVU MONTAGNEUX Enjeux et perspectives dans les territoires de Kabare et de Walungu Version présentée le 31 mars 2012 à l’Hôtel Mont Kahuzi, Bukavu, DRC IFDP Innovation et Formation pour le Développement et la Paix 87B, Avenue Maniema, Commune d’Ibanda - Bukavu Tél. : +243(0)813176475 E-mails : [email protected] & [email protected] Website: http://www.ifdp.cd Via P.O. Box 489 Cyangugu – Rwanda Province du Sud-Kivu République Démocratique du Congo Synthèse des résultats de l’étude de terrain menée par l’IFDP de juin à octobre 2011 dans le cadre du Programme PATS 104319 financé par

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TERRES ET CONFLITS DANS LE KIVU MONTAGNEUX Enjeux et perspectives dans les territoires de Kabare et de Walungu

Version présentée le 31 mars 2012 à l’Hôtel Mont Kahuzi, Bukavu, DRC

IFDP Innovation et Formation pour

le Développement et la Paix

87B, Avenue Maniema,

Commune d’Ibanda - Bukavu

Tél. : +243(0)813176475

E-mails : [email protected] &

[email protected]

Website: http://www.ifdp.cd

Via P.O. Box 489 Cyangugu – Rwanda

Province du Sud-Kivu

République Démocratique du Congo

Synthèse des résultats de l’étude de terrain menée par l’IFDP de juin à octobre 2011

dans le cadre du Programme PATS 104319 financé par

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TABLE DES MATIERES

SIGLES ET ACRONYMES ............................................................................................................. 3 1. INTRODUCTION ........................................................................................................................ 4 2. ETUDE PROPREMENT DITE..................................................................................................... 4 2.1. Présentation du milieu d’étude ................................................................................................. 4 2.2. Contexte et justification de l’étude............................................................................................ 5 2.3. Objectifs de l’étude................................................................................................................... 6 2.4. Méthode et techniques de collecte des données...................................................................... 6 2.5. Résultats de l’étude.................................................................................................................. 6 2.6. Estimation de répartition géographique de l’espace par groupement en Chefferie de Kabare.. 7 2.7. Répartition géographique de l’espace par groupement en Chefferie de Ngweshe. .................. 9 2.8. Les facteurs qui ont influencé la gestion foncière dans les deux chefferies ............................ 12 2.8.1. Facteurs historiques............................................................................................................ 12 2.8.2. Facteurs socio-culturels ...................................................................................................... 13 2.8.3. Problèmes de la dominance de l’agriculture. ....................................................................... 13 2.8.4. Les facteurs socio-anthropologiques................................................................................... 13 2.9. De la Gestion des terres dans les Chefferies de Kabare et de Ngweshe................................ 13 2.9.1. Les acteurs fonciers ............................................................................................................ 13 2.9.2. La place de la femme dans la gestion des terres ................................................................ 14 2.9.3. Différents modes d’acquisition des terres............................................................................ 14 2.9.3.1. La concession perpétuelle au sens coutumier (Kalinzi): ................................................... 14 2.9.3.2. Le contrat de location (Bwasa) ......................................................................................... 14 2.9.3.3. L’Achat (Bugule)............................................................................................................... 14 2.9.3.4. La succession familiale .................................................................................................... 14 2.9.3.5. Le Certificat d’enregistrement........................................................................................... 14 2.9.3.6. D’autres modes d’acquisition des terres........................................................................... 14 2.10. Procédure et mode d’enregistrement ................................................................................... 15 2.11. Les différentes preuves (titres) existantes sur le sol et le sous sol ....................................... 16 2.12. De la nature des conflits fonciers identifiés dans lesdites chefferies..................................... 16 3. QUELQUES PISTES DE SOLUTIONS ..................................................................................... 18 3.1. A l’ONG IFDP......................................................................................................................... 18 3.2. AU POUVOIR COUTUMIER .................................................................................................. 19 3.3. AU POUVOIR CENTRAL et A LA PROVINCE DU SUD-KIVU : ............................................. 19

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SIGLES ET ACRONYMES

CCPF Cadre de Concertation Provincial sur les questions Foncières FDLR Forces Démocratiques de Libération du Rwanda GRF Groupe de Réflexion sur les questions foncières IFDP Innovation et Formation pour le Développement et la Paix INERA Institut National d’Etude et de Recherche Agronomiques ONG Organisation Non Gouvernementale PNKB Parc National de Kahuzi Biega PV Procès Verbal RCD Rassemblement Congolais pour la Démocratie, ex-mouvement rebelle RDC République Démocratique du Congo REGIDESO Régie des Eaux, Société de fourniture d’eau en RDC SINELAC Société Internationale d’Energie des Pays des Grands-Lacs

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1. INTRODUCTION

L’Innovation et Formation pour le Développement et la Paix (IFDP) est une ONG congolaise créée le 10 avril 2002 à Bukavu et qui s’est spécialisée sur les questions foncières et la Gouvernance locale en y intégrant la dimension minière et environnementale. Ses activités touchent les problèmes liés à la transformation des conflits fonciers, l’accès à la terre pour les vulnérables, la sécurisation foncière, la participation citoyenne au développement des politiques de gestion et de conservation durable des ressources naturelles, le budget participatif ainsi que la redévabilité des gestionnaires des entités locales. La problématique des Ressources naturelles et particulièrement celle liée aux ressources foncières est aujourd’hui au cœur des débats tant sur le plan local, national, sous-régional et international, surtout lorsqu’on analyse le paquet d’enjeux et des défis relatifs à la reconstruction des pays post-conflit, au développement local et à la question de changement climatique que cela renferme. En RDC, plusieurs facteurs sont à la base de la désorganisation du secteur foncier qui amenuise les moyens de subsistance d’une majeure partie de sa population. Parmi ceux-ci, la question juridique qui se traduit par une concurrence rude entre la coutume et le droit écrit sur le foncier figure en première position. Cependant, nous nous sommes intéressés à un autre facteur et non le moindre, celui en rapport avec les pratiques foncières locales qui ont émergé en toute liberté en dehors de toutes dispositions légales et coutumières. Actuellement, les systèmes coutumiers d’accès et de sécurisation des terres (le droit foncier coutumier) ont montré leurs limites et ne parviennent plus à maîtriser l’évolution de ces pratiques qui a accentué des spéculations improductives sur le capital foncier avec comme conséquences, les tensions sociales, les conflits violents et la pauvreté. Cette évolution est marquée par une certaine ascendance, échelonnée dans les temps, sur le droit coutumier et sur la législation écrite qui, eux, n’ont pas connu des adaptations par rapport aux évolutions sociales et contextuels mais également par rapport aux impératifs de la (ré) organisation géo-spatiale et ensemble, sont à la base de toute une gamme d’effets néfastes sur le développement durable et la cohésion sociale partant des conflits (fonciers, de pouvoir et de compétences) qui en résultent. Pour savoir plus de ce qui se passe dans une bonne partie de la province du Sud-Kivu dans la région appelée le « Kivu montagneux », nous avons interrogé les réalités dans deux entités – échantillon à savoir le Territoire de Kabare (chefferie de Kabare excepté Nindja) et celui de Walungu (chefferie de Ngweshe sans compter Kaziba). A travers cette étude, nous voulons (1) d’abord, avoir une connaissance approfondie sur la nature de ces pratiques et leur l’évolution. (2) Ensuite, relever, analyser et comprendre les facteurs qui ont favorisé cette ascendance sur l’écrit et la coutume, notamment les éléments historiques (successions royales), économiques (pauvreté des familles, imitation des pratiques urbaines, phénomène „paysans sans terres”, transformation du contrat traditionnel Kalinzi en vente...), socio-anthropologiques (pression démographique, rapports homme-femme), juridiques (mécanismes de sécurisation précaires, problèmes d’oralité, absence des politiques foncières...), comportementaux (perte des valeurs et des repères sociétales, corruption/concussion, dépossession/spoliation des terres par les acteurs véreux ...). (3) Enfin, attirer l’attention des différents acteurs intéressés par la question foncière sur l’impact de ces évolutions non seulement localisés dans les deux chefferies et d’ailleurs (au champ d’étude) mais aussi dans tout le Kivu montagneux, en vue d’augmenter et/ou d’améliorer les connaissances sur l’ampleur actuelle et de proposer des pistes des solutions en vue d’endiguer la situation dans une démarche plus globale.

2. ETUDE PROPREMENT DITE

2.1. Présentation du milieu d’étude

• Les Chefferies de Kabare et Ngweshe sont aujourd’hui érigées en Entités Territoriales Décentralisées consacrées par la Constitution de la RDC en 2006 et la loi organique N°08/016 du 7 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées.

• La superficie est respectivement de 1609 Km² (Kabare) et 1604 Km² (Ngweshe) avec une population de 535.000 habitants (Kabare) et 583.059 habitants (Ngweshe) représentant une densité respective de 317et 375 habitants/Km².

• Le sol dans ces deux chefferies est issu de l’altération du basalte donnant naissance à un sol argileux brun rouge à l’exception des résidus de l’éruption volcanique à Kabare nord et les alluvions dans le bas-fonds et les terres des marais.

• Les deux chefferies totalisent 30 groupements dont 14 à Kabare et 16 à Ngweshe dirigés par les Chefs de groupements dont la plupart sont issus de la descendance royale.

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• La chefferie de Kabare est dirigée aujourd’hui par le Mwami KABARE RUGEMANINZI II N’NABUSHI et celle de Ngweshe par le Mwami Pierre NDATABAYE WEZA III.

• Le régime hydrographique est dominé par les rivières (chutes) du bassin hydrographique de la Ruzizi et d’Elila et le Lac-Kivu. Notons l’importance des rivières Mushuva et Murhundu à Bushwira à partir de laquelle, la société REGIDESO capte, traite et alimente toute la ville de Bukavu. Mais également, la rivière Ruzizi d’où sont installés les barrages hydro-électriques, notamment celui de la SINELAC dans le groupement de Mumosho, société internationale de trois pays des Grands-lacs (Burundi, RDC et Rwanda) qui produit et vend de l’électricité à ces trois pays. Lors de la construction de ce barrage, beaucoup de familles ont perdu leurs champs malgré des indemnisations financières (faibles) qui ont été données plus tard à ces dernières

• La population inégalement repartie est en majorité des Bashi qui sont intimement attachés à la terre, en dépit quelques pygmées aujourd’hui éparpillés avec l’influence culturelle des Bahavu à Kabare Nord, des bafuliro (Kamanyola), des Barega à la limite de Ngweshe avec les Territoires de Mwenga et de Shabunda

• Le mode de vie est totalement paysan caractérisé par les activités agropastorales pratiquées sur des pentes, les terres des marais et des bas-fonds. Cependant, l’on signale l’exploitation artisanale des minerais à Ngweshe, principalement dans les groupements de Mushinga, Mulamba, Lubona et Kaniola. Il faut signaler la fabrication artisanale des briques à Nyangezi qui alimente à plus de 95% la construction des maisons dans la ville de Bukavu et la pêche artisanale sur le Lac kivu.

• Région montagneuse, le point culminant à Ngweshe et le Mont Nidunga (2.900 m) et Mulume Mulume Munene (2.600 m) à Kabare.

• Les pluies tombent généralement de Septembre à juin avec une alternance de deux saisons pluvieuse et sèche. La température moyenne annuelle en climat tropical humide est de 23°C, les maxima de 30°c à Kashenyi-Kamanyola, une zone en proie de la sécheresse depuis deux décennies. Les précipitations oscillent entre 1400 à 2000 mm/an

• L’habitat est du type traditionnel en majorité et est dispersé. L’on rencontre quelques agglomérations dans les bananerais, aux chefs lieux des Chefferies, le long du Lac-Kivu et des routes nationales (tronçons Bukavu-Nyangezi, Bukavu-Kamanyola et Bukavu-Kalehe).

• La végétation jadis naturelle a été modifiée par l’action de l’homme. Cependant quelques essences naturelles en voie de menace par l’homme peuvent encore se retrouver à Kaniola et Rubimbi et dans le Parc National de Kahuzi-Biega.

2.2. Contexte et justification de l’étude

La problématique posée par la gestion des terres en RDC en général et dans la province du Sud-Kivu en particulier depuis l’époque coloniale jusqu’aujourd’hui, justifie le bien-fondé de cette étude. Etant donné que c’est pratiquement difficile de l’entreprendre sur toute l’étendue de la province, nous avons considéré deux chefferies tout en sachant que les résultats pourraient être extrapolés sur les autres entités dans le Kivu montagneux. Ici, nous épinglons les éléments suivants :

• A l’époque coloniale, il y avait une distinction, par le législateur colonial, des terres indigènes, des terres non indigènes, des terres vacantes et celles des particuliers. Les terres rurales obéissaient au régime foncier coutumier avant l’établissement de la loi foncière de 1973.

• Tandis que la législation de 1966 suivie par celle de 1973 a carrément nationalisé le sol et le sous sol. Ainsi, toutes les terres y compris les terres occupées par les communautés locales (article 385 loi foncière) ont été domanialisées et sont devenues une propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l’Etat.

• Les autorités coutumières ont été exclues de la liste des autorités foncières. Egalement, plus de 75% de la population congolaise (populations paysannes) se sont donc retrouvées dans une situation de non-droit, jouissant des droits précaires sur des espaces fonciers qu’elles occupent.

• Au lieu de lever les ambiguïtés, la loi de juillet 1973 est venue durcir le problème de jouissance des droits fonciers dans tout le pays. L’impact étant ressenti par les populations vulnérables

• Les droits de jouissance régulièrement acquis sur les terres rurales devraient être réglés par une Ordonnance présidentielle (art 387) mais jusqu’ici n’a pas été prise.

• Dans l’entretemps, le pouvoir coutumier a continué à gérer la terre en faisant fie au droit écrit et couvert implicitement par l’arrêt de la Cour Suprême de Justice qui a stipulé, qu’en attendant l’ordonnance présidentielle, les terres rurales pourraient continuer à être sont régie par le droit coutumier.

• Alors que la loi foncière ne reconnaît pas le pouvoir coutumier parmi les autorités foncières, la décision de la Cour Suprême et l’article 34 de la Constitution pourraient justifier les actes posés par les acteurs coutumiers dans le domaine foncier. Cet article stipule ce qui suit : “la propriété privée est sacrée. L’Etat garantit le droit à la propriété individuelle ou collective, acquis conformément à la

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loi ou à la coutume. Il encourage et veille à la sécurité des investissements privés, nationaux et étrangers. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité octroyée dans des conditions fixées par la loi...”.

2.3. Objectifs de l’étude

• Contribuer à l’amélioration des connaissances, des perceptions et des comportements des différents

acteurs qui sont directement à la base et/ou qui subissent les effets de l’évolution des pratiques foncières locales en produisant des informations actualisées sur les réalités foncières dans les deux zones (chefferies de Kabare et Ngweshe) qui donnent également la situation foncière sur l’ensemble du monde rural en général.

• Contribuer à l’élaboration des solutions adaptées et des outils de gestion foncière dans une perspective de « contenir » les causes et les effets d’une gestion foncière ratée, d’améliorer l’accès à la terre pour tous, de promouvoir la paix et favoriser le développement économique local dans les deux zones rurales en particulier et en RDC en général.

2.4. Méthode et techniques de collecte des données

On a utilisé les méthodes et techniques suivantes : • Le recours au profil historique. La compréhension du contexte actuel de la gestion des terres est

importante ainsi que la dynamique des faits influençant cette gestion. Il s’agit d’étudier quelques séquences historiques relevantes depuis 1900 jusqu’aujourd’hui et leur rapport avec la question foncière.

• La technique de l’échantillonnage. 150 personnes ont été choisies pour être interviewées (experts, les autorités coutumières, services étatiques, secteur privé, composantes société civile locale).

• Les témoignages. On a recouru aux opinions historiques des personnes dont l’âge est situé entre 40 à 80 ans).

• Les descentes sur terrain. Il s’agissait de contacter physiquement les acteurs sur terrain dans tous les 30 groupements que comptent les deux Chefferies pour recueillir, par le biais, des interviews individuelles et des travaux en focus-groupes (interactions), les opinions/connaissances (données empiriques), les témoignages en rapport avec la thématique étudiée sur base d’un questionnaire conçu à l’avance.

• La recherche documentaire. Les informations en ce qui concerne la terminologie, les données démographiques et géophysiques tirées dans divers ouvrages, dans les archives et des publications dans les bibliothèques et en ligne (Internet) sont venues compléter ou appuyer les éléments recueillis sur terrain.

• L’Exégétique. Il s’est agi de tirer d’autres informations dans les lois, les arrêtés, les décrets et les notes circulaires en rapport avec le foncier.

2.5. Résultats de l’étude

• Les informations actualisées sur les pratiques foncières locales dans les chefferies de Kabare et de

Ngweshe, qui du reste sont similaires à celles vécues dans tout le Kivu montagneux, sont partagées avec les acteurs concernées (in)directement par la question foncière dans les deux zones rurales et à Bukavu.

• Les facteurs qui influencent l’évolution de ces pratiques dans les chefferies de Kabare et de Ngweshe sont identifiés et analysés.

• La nature, l’impact et cadres de régulation officiels et non officiels des conflits fonciers qui en résultent sont identifiés, analysés et mieux connus par les acteurs concernés dans ces deux chefferies.

• Des solutions adaptées et des outils de gestion foncière pour améliorer la gestion foncière dans les deux zones rurales en particulier et en RDC en général sont proposés.

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2.6. Estimation de répartition géographique de l’espace par groupement en Chefferie de Kabare

Source :

Groupement Sup

(Km²) Population Village

Espace ménage moyen

Marais Collines Pâturages Plantation Bananeraies habitations

Réserves de la Chefferie

Bugobe 20 32.050 03 0,5 ha 10% 05 % 15 % 17 % 60 % Boisements Cikuli (6 ha) à Bugobe. Mucira à Kalulu et Nongwe à Kahave

Bushumba 182 45.077 11 1 ha 17 % 18 % 2 % 16 % 47 % Boisement Kahorha (2 à 3 ha)

Irhambi 93 63.626 - 1 à 5 ha 20 % - 0 % - - -

Bugorhe - 97.400 7 - 7 % 33 % 0 % 20 % 20 % -

Lugendo 78 19.032 5 1 à 3 ha - 2 % 13 % 30 % 55 % 2 collines à Ludjo et Mulumemunene dans le village de Cishugi

Ishungu 3 7.300 4 1 ha 0 % 17 % 3 % 0 % 80 % -

Luhihi - 22.000 14 2 ha 5 % 20 % 4 % 35 % 36 %

Boisement Mbenge 300 ha, collines, Nyakaliba, Lomera, Nzinzi, Kamalanga, Kabaganda et les marais Kagabu, Mpengi, Muhonga et Ikondero

Miti - 24.425 5 1 ha 3 % 3 % 0 % 59 % 35 % -

Bushwira - 50.000 6 1 ha 13 % 12 % 8 % 17 % 50 % Boisement Kanyenye et Mbiza centre

Cirunga 102 65.461 4 5à ares 12 % 13 % 8 % 20 % 47 %

Marais et boisement Mogo et plusieurs petits boisements à Cibingu. Le marais Nyamirangwe et une partie du marais Namunve

Mudusa - 66.000 4 30 ares 9 % 4 % 0 % 18 % 69 % Une portion du marais Lusheke

Mumosho - 41.921 4 1 ha 15 % 5 % 0 % 30 % 50 % Boisement Cibabu à côté de la SINELAC

Kagabi 87 39.047 5 0,5 ha 18 % 5 % 5 % 11 % 61 % Quelques petits boisements à Cijo et Mbiza

Mudaka 84,5 41.221 7 1 ha 10 % 14 % 2 % 22 % 52 %

Les champs communautaires Nacizibazi Victor et Busenende respectivement à Kajeje et à Kashasha 5, une partie du marais Cihambwe à Cituzo, les reboisements Cirehe à Nshebeyi, Kahumi, Rudahindwa et Konge à Cituzo. Le pâturage Cuzenga à Kashungurhi et les collines Nkunungule, Ngwinja, kananzibira toutes à Mubumbu et Mamba à Cituzo

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Estimation de l’occupation géographique de l’espace dans la chefferie de Kabare Commentaire:

• 8% des marais : marais Namunve, Nangembye, Namuziba, Cigurhi, Nyamonde à Bugobe, Ludaha à Cirhunga, Karhakumbwa et Lushebeyi à Kagabi, Murhundu et Kagenge à Bushwira, vallée Mandwe à Mumosho et Cihambwe à Mudaka.

• 51% sont occupés par des habitations et des bananeraies sont estimés ensemble car le Mushi est inséparable de sa bananeraie. Les parties densément occupées le long de la route nationale sur l’axe Mudaka - Miti – Kavumu.

• 12% des collines nues et inhabitées Lomera et Ikondero, Izimero à Luhihi, Mulume Munene (Kavuna madui) à Cirunga et Kashasha à Mudaka, 2 collines à Ludjo (Lugendo).

• 5 % pâturages sont devenus tous privés. Les pâturages communautaires n’existent presque plus. • 24% sont des plantations.

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2.7. Répartition géographique de l’espace par groupement en Chefferie de Ngweshe.

Groupement Sup

(Km²) Population Village

Espace ménage moyen

Marais Collines Pâturages Plantation Sites

miniers Briqueterie

Bananeraies habitations

Réserves de la Chefferie

Ikoma 11,33 36.552 36 ± 25 ares 3 % 20 % 0 % 10 % 0 % 0 % 67 % -

Rubimbi 81,6 23.712 12 - 3 % 57 % 1 % 4 % 21 % 0 % 14 % Boisements Mashululwe, Karhembo, Mushwa, Lurhembo

Mushinga 140 96.129 15 10 m² 1,5 % 16 % 3 % 9 % 5 % 0,5 % 65 % Aucune

Irongo - 27.400 29 1,5 ha 0 % 0 % 3 % 30 % 0 % 0 % 67 % Boisement Kunene

Luciga - 22.000 35 - 25 % 20 % 1 % 18 % 0 % 5 % 31 % Mwigamba appartenant à Nyangezi, Nidunga, collines appartenant à Nyangezi

Kaniola - 71.000 53 0,5 ha 5 % 20 % 2 % 10 % 4 % 1 % 58 % Une partie de la forêt naturelle vers Nindja.

Burhale 94,8 42.592 48 0,7 ha 5 % 10 % 15 % 10 % 0 % 0,5 % 59,5 % -

Lubona - - 17 0,5 à 1 ha 5 % 10 % 10 % 20 % 0,1 % 2 % 52,9 %

Les champs des cultures vivrières à Cishenga, le pâturage Nkanga, le carré minier de Nyamurhale et une partie du domaine MAE.

Mulamba - 46.759 44 5 ha 4 % 30 % 3 % 20 % 10 % 0,5 % 32,5 %

Les villages entiers de Cirumbi, Muyeye, Rhana2, Bulonge2 et Kashebeyi. Le pâturage de Muzinzi Nyakagugu. Les collines Lugera, Kanguli et Nyabangere. Marais non drainés de Lukungwa, Mirumba, Kadaka, Cidorho, Lukandenge, Ciduduma et Kamirandaku

Lurhala - 71.000 53 - 10 % 10 % 0 % 30 % 0 % 7 % 43 % Les boisements Burhalange et Kaluluma. Le domaine MAE de Nabihuse.

Kamisimbi - - 38 - 11 % 5,5 % 0 % 15 % 0,5 % 3 % 65 % Certains boisements

Walungu 100,08 53.117 44 0,25 ha 22 % 1 % 0,5 % 15 % 0,5 % 3 % 58 %

29 villages fonciers au Mwami ou Bushengenga, les plantations Gombo, boisement de RUVU de 70 ha, plantation de théier de 2 à 3 ha, boisement Mahya, boisement de Kadako et Kangako

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Nyangezi 139,33 49.185 4 5 ha 30 % 5 % 0 % 5 % 0 % 10 % 50 % Mushego, Cigashamwa

Izege 9.980 28.650 22 1 ha 9 % 11 % 20 % 3 % 0 % 0 % 57 %

3 villages fonciers au Mwami dont Ishakishe, Cishiba et Lwena. Les pâturages Censhadu, Iyahungu, Lushanja et dans les collines limitrophes des chefferies de Nindja, Ngweshe et Kalonge (Buhavu)

Nduba 71,39 23.350 29 1,5 ha 8,5 % 5 % 0 % 25 % 0 % 0,5 % 61 % 2 boisements non viables

Kamanyola (Kashenyi)

- - - - 35 % 12 % 0 % 8 % 0 % 3 % 42 % Les pâturages de Cirira, de Kayange et les collines de Kalunga

Source :

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Commentaire:

• 11% de l’espace foncier sont occupés par des marais. Les plus importants sont Nyamubanda (1.050 ha), Kanyantende (500 ha) à Karhongo-Nyangezi, Nalugana (900 ha) à Lurhala, Cisheke (496 ha) à Walungu et Cidorho(450) à Burhale.

• 14 % sont occupés par des collines dont la plupart se situent dans les groupements de Lurhala, Mushinga, Mulamba (Kanguli, Lugera et Nyabangere) et Rubimbi (Nakangere, Mukoba, Mugulu et Kashebere) et Luciga (Nidunga, Nalumpunje, Ibanda (plusieus collines), Nakashasha, Mperere,…

• Les pâturages communautaires n’existent presque plus à l’exception de quelques uns qui sont propriété du Mwami. Citons les pâturages de Kayange et Cirira à Kamanyola.

• 15% des plantations : plusieurs par groupement • 2% par des terrains exploités par la briqueterie artisanale : à Nyangezi (MGL, Nakadaka, Hogola, Kanyantende, Congo, Bishalalo. A Burhale, il y a le

chantier Cibeke. A Walungu, il faut voir Kashanja A Mulamba : Nzibira. A Kamisimbi : Cangoma. • 3 % des Sites miniers :

- Mukungwe à Mushinga, - Nyamurhale à Lubona, - Anciens carrés miniers de cassitérites de MGL: Usine, Citera, Kalongo, Bushali, Irhimbiro et Karhalangwe, Mufa 1 tous à Rubimbi - Carré Lushanza à Izege - Carré Nakangere à Walungu

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2.8. Les facteurs qui ont influencé la gestion foncière dans les deux chefferies

2.8.1. Facteurs historiques

• Un regard a été fixé sur la succession des Bami depuis 1900 et son impact sur la stabilité du pouvoir coutumier et la gestion foncière au Bushi en général et dans les deux chefferies en particulier. Il a été donc constaté que : - La fondation de la dynastie des Bamis par Kangweshe Bagweshe et l’organisation du royaume

Ngweshe à sa mort par son fils Muhivi en 1920. - La reconnaissance de la chefferie par le commissaire District du Kivu (BAU de GHIUSTE) sous le

12ème Mwami Ngweshe Mafundwe en 1920 - En 1936, on assiste à la relégation du Mwami Alexandre Rugemaninzi. - En 1944, le règne de Mpozi après la succession à Kabare de 2 Bamis Ngweshe à savoir Muhigirwa

et Mafundwe. - Grandes réformes des transactions foncières (Cas de Mumosho et Ishungu et fuite des notables) - En 1938, c’est la mort de Mafundwe qui est succédé par Muhigirwa - En 1943, c’est la mort de Muhigirwa et la prise des affaires par Ndatabaye Pierre. Mais il était

encore mineur, Abraham Lwanwa eet Kurhengamuzimu assument la régence. - De 1943 à ce jour, le Mwami Ndatabaye est le 15ème Mwami de la dynastie des Bami Ngweshe. Le changement ou la succession des Bamis a impacté également la gestion foncière, en ce sens que chacun cherchait d’abord à avoir de l’emprise sur le foncier. En attribuant des terrains que son prédécesseur avait donnés, surtout les bénéficiaires n’entretiennent pas de bonnes relations avec le nouveau chef.

• Il a été signalé également le comportement qualifié de mercenariat de certains chefs des groupements non issus de la lignée royale. N’ayant pas de garantie de rester au pouvoir longtemps, ils sont impliqués dans les ventes illicites des terres. C’est le cas à Mumosho avec la famille Kagizi et l’actuel 17

ème

descendant de Makombe à savoir Kagayo. On signale aussi le comportement de l’Administrateur territoire qui était placé comme Intérimaire à Kabare mais qui s’est mis à son tour à vendre des terres.

• Les Luttes du pouvoir au sein de la Cour royale dans la chefferie de Kabare :

- Conflit sanglant de succession entre Ntaitunda et Mamimami, fils de M’Malekera vers les années 1980. La question des terres a été l’un des enjeux de ce conflit. Selon qu’ils ont eu des terres de Ntaitunda ou de Mamimami, les gens devraient prendre de position en faveur de l’un ou de l’autre.

- Pendant l’intérim assumé par M’Muhigirwa pendant que son fils était en exil lors de la rébellion du RCD, cette dernière a octroyé des terres qui n’ont jusqu’ici encore reconnues par l’actuel Mwami Désiré.

• L’expropriation pour cause d’intérêt public :

- Construction de l’aéroport Kavumu et de son élargissement en 1976. On a indemnisé les cultures mais les 100 familles installées à Bwimika attendent que l’on indemnise les champs.

- Construction de la centrale hydroélectrique à Mumosho sur la rivière Ruzizi par la SINELAC. Plusieurs familles ont perdu leurs terres dans la vallée de Mandwe…

- En 1994, l’on assiste à une tentative de déguerpissement de la population sur le site Nyamirangwe à Bugobe-camp Réfugié.

- La création du PNKB en 1973. En 1975, l’on assiste à un élargissement de 60.000 hectares à 600.000 hectares sur décision du Gouvernement zaïrois. Les Groupements touchés: Bugobe, Miti, Bushwira, Mudaka, Irhambi, Bugorhe. L’on signale que plus de ¾ de la chefferie de Nindja sont incorporés dans le Parc. Par ailleurs, l’on assiste à un éparpillement du peuple pygmée. Certains membres de cette communauté dépourvus des espaces cultivables décident même de traverser le lac pour aller s’installer sur l’île d’Idjwi.

• La tentative d’extension de la ville de Bukavu et de modernisation de l’occupation des sols ruraux :

- La ville de Bukavu (62 Km²) est une portion de terre issue de la chefferie de Kabare. - Le projet du lotissement du site de Kashusha (Miti) qui a servi de camp réfugiés de 1994 à 1996.

Mais ce site fait partie des champs d’expérimentation de l’INERA. - Cas du lotissement de la colline de la minérale Hongo au littoral lac Kivu (Kagabi). Certains lopins

des terres ont été accordés aux anciens agents de l’unité. Une autre partie a été « achetée » par le Président Kabila. L’usine, qui a ouvert ses portes, occupe encore une partie.

- Lotissement de la localité de Buhozi vers Panzi en groupement de Mudusa

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2.8.2. Facteurs socio-culturels

• La régence du fait que le Mwami était mineur, a été un des facteurs qui a créé des problèmes dans

la gestion foncière, car chacun profitait pendant qu’il est régent. Aussi, la plupart ne voulait pas quitter le trône même si le vrai Mwami devrait récupérer son pouvoir (Cas de Mpozi à Kabare).

• La plupart des chefs coutumiers et leurs représentants n’avaient pas un niveau d’instruction plus élevé.

• Le phénomène de « Bufanshizo », c’est-à-dire, lorsqu’à la mort du père, s’il n’y a pas de successeur masculin parce qu’il n’a eu que de filles, les orphelines et la veuve sont chassées de leur terre, le chef récupère la terre.

• L’incarnation du pouvoir coutumier jusqu’aux chefs de familles. Toute la chaîne considérait la terre comme étant son bien. Ils sont les ayants droit.

• La nomination des descendants du Mwami comme chefs des groupements (devoir de rendre compte), ce qui a créé des groupements fonciers et ceux qui n’avaient qu’un caractère politique. Mais les chefs sur cette dernière catégorie s’arrangeaient aussi pour tirer profit de leur côté, notamment en s’immixant dans la gestion des terres.

• Le pouvoir successoral n’a pas favorisé une gestion transparente de la terre. • Renforcement du système féodal (les seigneurs et les sujets).

2.8.3. Problèmes de la dominance de l’agriculture.

Dans le milieu, on a remarqué que tout le monde ne s’occupait que de l’agriculture. Peu d’alternatives sont présentes pour suppléer à ce secteur. Cela se manifeste par :

• La diminution du capital foncier. L’observe une surexploitation de la terre qui tend à l’épuisement. • Les marais ne sont pas ou peu drainés. • L’on observe une polyculture incontrôlée. • La persistance des maladies des plantes (mosaïque) et les animaux ravageurs dans les marais. • Il y a un faible développement de la chaine des valeurs même là où les terres sont encore fertiles.

C’est le cas de la partie Nord de Kabare. • L’Agriculture non encore professionnelle

2.8.4. Les facteurs socio-anthropologiques

� La cession des terres sans tenir compte d’une éventuelle progression démographique. � Il y a une décennie la population a doublé mais la terre ne double jamais. � Emiettement des parcelles par la succession familiale. � Le chômage des ruraux causé par le départ des planteurs blancs (+ 5000 ouvriers/plantation) � L’instabilité des populations riveraines du PNKB à cause de l’activisme des FDLR. � Le déplacement des jeunes vers les carrés miniers au détriment de la main d’œuvre agricole � La population est concentrée sur Mudaka, Kabamba, Cirunga-centre… fuyant l’insécurité dans leurs

villages voisins du Parc où opèrent des groupes armés, entre autres les FDLR. � La polygamie officialisée ou non.

2.9. De la Gestion des terres dans les Chefferies de Kabare et de Ngweshe

2.9.1. Les acteurs fonciers

� L’Etat congolais à travers ses services habilités (art. 53) selon superficies et la localisation (milieu urbain ou rural). Sont habilités à céder une portion de terre, selon le cas : le Parlement, le Président de la République, le Ministre national des Affaires Foncières, le Gouverneur de Province et le Conservateur des Titres Immobiliers.

� Les chefs coutumiers: le pouvoir des Bamis du Bushi repose sur le foncier. � Les chefs de groupements et les chefs de villages. Ils sont des collaborateurs des Bamis et les

représentent valablement � Les propriétaires des grandes concessions (bourgeoisie urbaine : politiciens, commerçants,…) � Paysans � Les acteurs miniers: cadastre minier, concessionnaire du terrain, cultivateurs, autorités coutumières

locales du lieu de la découverte, � Les creuseurs artisanaux, les sociétés minières, les éléments de l’armée nationale et de la Police,

les services des mines,…

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2.9.2. La place de la femme dans la gestion des terres

En principe, selon la coutume, la femme ne pouvait pas à la terre par achat/vente, à part les terres sous location appelées communément « Bwasa ». Avec l’évolution sociale et surtout beaucoup d’intellectuels femmes, aujourd’hui la femme commence à acheter, à vendre et même à hériter d’une terre.

2.9.3. Différents modes d’acquisition des terres

2.9.3.1. La concession perpétuelle au sens coutumier (Kalinzi):

• Auparavant, comme dit ci-haut, ce sont les Bamis ou leurs représentants dans les groupements du Bushi dits donateurs (Muhanyi) qui octroyaient la terre et ce oralement.

• La majorité des familles paysannes ont obtenu des terres sous le Kalinzi à partir du Mwami ou de ses représentants dans les groupements ou villages.

• Le Kalinzi était considéré comme un contrat de fraternisation, car son octroi était basé sur les relations d’amitié, de confiance…

• Actuellement, hormis les réserves, le Kalinzi est attesté par différents types de documents. • Transformation du Kalinzi en vente appelée « Bugule », alors que la terre obtenue sous Kalinzi ne

peut pas être vendue. Aujourd’hui, même les autorités coutumières sont impliquées dans ces genres de ventes en exigeant de l’argent.

2.9.3.2. Le contrat de location (Bwasa)

• C’est une pratique basée sur l’oralité (l’écrit est rare) et une histoire des relations entre deux parties. • Les droits de jouissance sont acquis moyennant le versement d’une somme d’argent ou en nature

(poules, chèvres) et la jouissance reste périodique et tend aujourd’hui à la saison culturale, ce qui ne garantit pas le locataire d’une quelconque exploitation durable.

• Ce type de contrat reste volatile, car ni le locataire ou le propriétaire ne possède de garantie de garder longtemps ces droits sur la partie louée.

• La femme peu accéder à la terre sous ce contrat.

2.9.3.3. L’Achat (Bugule)

• Les spéculations sur le sol ont introduit une autre forme d’accès à la terre à savoir la vente/achat • Entente sur un terrain quelconque moyennant une somme d’argent et un acte de vente qui ne

constitue qu’un début de preuve mais ne garantit pas non plus l’acheteur.

2.9.3.4. La succession familiale

• Les terres se transmettent des générations en générations, • Ce mode favorise souvent un émiettement des terres jusqu’à créer des paysans sans terres et

contraindre certains membres de la famille à quitter les villages pour s’installer dans les quartiers de fortune à Bukavu ou à Goma ou encore se dirigent vers le carrés miniers.

2.9.3.5. Le Certificat d’enregistrement

• C’est le seul mode d’accès à la terre reconnu par le droit foncier écrit mais reste ignoré par la majorité des paysans car son obtention coûte très chère.

• Aujourd’hui, la seule détention d’un Certificat d’Enregistrement ne garantit plus son détenteur. L’acceptation/validation sociale demeure une condition supplémentaire pour prétendre jouir durablement de son bien.

• C’est une pratique calquée du modèle colonial qui est facilement accessible à très peu de gens à savoir les riches et moins adapté aux pratiques foncières coutumières.

• Mais selon la Constitution en son article 34, la propriété acquise sous la coutume est reconnue et sa jouissance devrait garantir par l’Etat. Ce qui revient à dire qu’il est impératif que la loi foncière soit transformée pour s’adapter au contexte actuel et aux besoins locaux.

2.9.3.6. D’autres modes d’acquisition des terres

Dans les milieux ruraux, il existait d’autres modes d’accès à la terre mais qui ont largement disparu suite à l’insuffisance des terres et à l’application des nouvelles pratiques dans ces milieux. Il s’agit, par exemple : Obuhashe : un mode d’accès par lequel le Mwami offre collectivement aux paysans une terre généralement un marais non drainé ou la forêt à l’occasion de la journée champêtre.

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OKushobola ou Busengezi : acte par lequel une personne acquiert du mwami une terre sur base des relations privées. Akandalwe : cession d’une terre en contre partie d’une prestation des services. Obugwasi : autorisation tacite du Mwami aux familles de conquérir des terres dans un marais non drainé selon les possibilités dont elles disposent.

2.10. Procédure et mode d’enregistrement

• Deux modes sont usuels à savoir l’acquisition des terres par la procédure coutumière et par celle

prévue par le droit écrit (la loi foncière de juillet 1973). • La solution légale qui met en rapport la paysannerie avec l’administration foncière, est jusqu’à ce

jour ineffective et inefficace. • Pour sécuriser la terre les paysans s’adressent aux autorités coutumières alors que celles-ci ont été

exclues des rangs des autorités foncières a) Procédure coutumière:

• La demande est généralement verbale et adressée au chef coutumier concerné par le biais du groupement.

• Décente de l’Agronome ou le Muganda (appelé le Cadastre en milieu coutumier par défaut) sur terrain pour constater la vacance ou non de terre, effectuer le mesurage qui est sanctionné par un Procès Verbal et un croquis à main levée.

• Le dossier est envoyé au Chef de groupement pour avis et considération. • Il s’en suit la signature du Chef Coutumier, puis la phase de la cession de terre en présence des

voisins, Chefs des villages et Chef de Groupement ou son représentant. • Pour les concessions privées (terres résidentielles, arables, plantations) la demande est adressée à

leurs concessionnaires. Elle est verbale mais qui peut accoucher à un écrit. • S’agissant des terres sous location, la procédure est la même que celle adressée aux privés. • Titres fonciers coutumiers:

- La demande est adressée à la chefferie, sous couvert du chef du groupement ou du village où est située la portion des terres.

- La décente du topographe pour procéder au mesurage. Un Procès verbal sanctionne cette décente.

- Une convention d’octroi de terre est signée dans lequel l’on détermine le délai et les activités à réaliser dans cette concession.

- Un acte de vente est rédigé et dument signé, enfin, par le chef de la chefferie. • L’enregistrement des terres est fait uniquement au niveau de la chefferie. Il concerne seulement les

terrains ayant un titre foncier coutumier. • Carré minier: aucune procédure spéciale n’est prévue pour accéder à un carré minier: installation

d’une manière informelle jusqu’à la découverte pour être reconnu propriétaire du puits. • Le service d’un jour par semaine est rendu au chef du site minier. • les briqueteries ne se trouvent d’habitude que dans les marais. Ces derniers appartiennent surtout

aux privés. Les briquetiers utilisent ces terrains soit par location soit ils achètent. Les locataires sont obligés à la fin du contrat de remettre la terre dans son état initial pour permettre aux propriétaires de poursuivre la culture.

b) Procédure officielle:

• Les documents exigés (l’acte de vente, le titre foncier coutumier, le PV de constat des lieux, le PV de mesurage délivrés par la chefferie, l’attestation de propriété délivrée par l’Administrateur du Territoire, le croquis à main levée).

• La demande au bureau de la Brigade de la circonscription foncière. • La descente du géomètre sanctionnée par Procès Verbal de Constat des lieux, le PV de mesurage

et de bornage et le P.V. de mise en valeur. • un Contrat de location et ses annexes sont délivrés au demandeur moyennant la preuve de

payement de la quittance à la Banque Centrale. • Les paysans ne savent ni lire ni écrire, sont pauvres, méconnaissent les méandres du

fonctionnement de l’administration foncière et ignorent, pour une très large majorité, l’existence de la loi foncière.

• Cette procédure est inaccessible aux paysans pauvres, car elle coûte très chère et les prix ne sont jamais connus car la corruption la gangrène sérieusement.

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2.11. Les différentes preuves (titres) existantes sur le sol et le sous sol

• La croyance à l’oralité demeure: d’où absence des preuves sur certaines portions de terre (les

paysans détenant ne fut-ce que le titre foncier coutumier sont estimés à 5%) • Acte de vente surtout entre privés (n’accorde pas la concession perpétuelle ou ordinaire sur un

terrain) • les locations des terres arables se font oralement. Rares sont ceux qui font un écrit. • Dans la chefferie de Ngweshe, il existe deux sortes de titre foncier coutumier : celui de délimitation

et de Bugule. • L’attestation de propriété qui continue à être délivrée par l’Administrateur du Territoire (en milieu

rural) et le Bourgmestre (en milieu rural). • Le certificat d’enregistrement, considéré comme le seul «Titre » reconnu par l’Etat sur des portions

de terres. • Dans la Chefferie de Ngweshe: Taxes sur la délimitation: 35$ par ha, titre foncier coutumier Bugule:

300$ par ha, et 50$ par mètre carré pour les titres fonciers dans les centres de négoce. La taxe sur carte de planteurs et des éleveurs 100$/mois et par plantation.

• Dans la Chefferie de Kabare, la superficie de 0 et 5 ha : 20 $. la superficie 10 et 60 ha:50 $.(Total estimé à 150$ soit descente de l’agronome topographe : 80$, la Quittance : 20$, la prise en charge de l’agronome topographe : 30$, taxe sur attestation de propriété de parcelle ou terrain à 10 $,...

• Titre sur le domaine minier: - Certains creuseurs n’ont pas de titres - Autres acteurs : permis d’exploitation artisanale, l’autorisation de prospection, le permis

d’exploitation des petites mines, le permis de recherche, autorisation de recherche des produits de carrières, autorisation d’exploitation de carrières temporaire et celle permanente

- Carte de creuseurs délivré par le SAESSCAM

2.12. De la nature des conflits fonciers identifiés dans lesdites chefferies

a) Causes des conflits fonciers :

• De la multiplicité d’acteurs dans la gestion des conflits: « abaganda barhali bahwinja ci bagula », c’est-à-dire, les agents du cadastre coutumier du Mwami ne sont dingues mais intelligents.

• Les transactions foncières non témoignées par les chefs locaux : - Les 10% de la taxe sur vente parcellaire ne sont pas signalés à al chefferie. - Certaines transactions échappent par ailleurs au contrôle des chefs locaux, notamment la vente

des terres sous Kalinzi ou les terres d’héritage • Les abus commis par les Baganda dans l’octroi des terres :

- Ils donnent des champs sans précision des limites - Bien souvent, ils exécutent la parole du Mwami selon leurs propres intérêts contrairement aux

ordres donnés par ce dernier. - La recherche des avantages illicites et soudoyés car le Mwami ne donne pas deux fois (Mwami

arhahana kabirhi). • Excès de confiances du Mwami envers ses collaborateurs, car ils sont considérés comme les yeux,

les pieds et les oreilles du chef. • La suprématie de certaines familles dignitaires qui pensent avoir tout le pouvoir sur la terre dans leur

entité. • Le vice de procédure dans l’octroi des titres sur les terres par l’administration publique en charge de

la gestion foncière. • la concurrence causée par le flou de compétences entre les Bami et l’administration publique (loi

foncière 1973) • La corruption dans les cours et tribunaux avec une justice de l’argent.

Les modes de sécurisation des terres sont encore précaires dans les chefferies sous examen. Population peu sensibilisée et pauvre :

• une protection insuffisante des transactions (oralité, lacunes dans les papiers utilisés, corruptibilité des témoins et des chefs coutumiers).

• Certes, il s’observe l’introduction progressive de l’écrit dans les transactions foncières à la campagne. Mais nombreuses sont les transactions qui ne sont couvertes par aucun écrit.

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• La procédure n’est pas claire lors de la succession dans les familles. En milieu rural, l’on considère toujours que la fille (femme) ne peut hériter. Tout revient au fils aîné (E’nfula). Les abus dans les partages et usage des biens sous l’héritage. L’aîné s’approprie de tout, prive ses frères et sœurs et parfois, il chasse même sa propre mère ou les femmes de son défunt père.

• Le manque des preuves tangibles et écrites et des faux témoins dans les transactions réalisées sur base des considérations coutumières.

• La polygamie • Les convoitises surtout pour des familles qui se retrouvent aujourd’hui sans ou avec peu d’espaces

cultivables. • La persistance des revendications historiques dans les zones où l’on découvre les gisements

miniers. Ici, l’on assiste à la superposition des conflits fonciers et miniers. L’article 3 du code minier qui stipule que : « le concessionnaire foncier ne peut se prévoir de son titre pour revendiquer un droit de propriété sur les gites des substances minérales » ne marche pas souvent, car ce sont des intérêts en jeu qui priment et non les dispositions législatives. La situation de Mukungwe dans le Groupement de Mushinga dans la chefferie de Ngweshe est éloquente.

• Les conflits entre les services étatiques qui se disputent les compétences dans les attributions des terres : ministère de l’agriculture, le ministère de l’environnement, le ministère des mines, le ministère des affaires foncières. Cette situation crée la confusion au sujet des différentes taxes que chaque ministère veut percevoir.

• Le Cadastre minier délivre des titres d’exploration ou d’exploitation sans avoir descendu sur terrain pour s’enquérir du statut foncier du site et ignore les communautés locales qui occupent le site. Cas de Banro dans la chefferie de Luhwindja et même dans le périmètre de Mukungwe à Ngweshe.

• La détention des titres miniers contestés par les communautés locales, car elles n’ont pas été consultées.

• La délocalisation des populations aux fins d’exploration/exploitation minière qui est suivie souvent par une faible indemnisation.

b) Types des conflits

• Les conflits de limite entre parcelles (champs) • Double vente: un lopin de la terre vendue à une ou plusieurs personnes • Double Kalinzi: trois facettes

- le fruit du travail du donataire est convoité par le donateur - Le donateur s’emporte énergiquement contre led successeurs en lui demandant une nouvelle

redevance (manque de preuve) - Investiture des chefs de groupement sans terre »la chèvre ne broute que là où elle est

attachée »

• Les conflits de location : - Effort exceptionnel pour fertiliser les champs, durée courte de jouissance - Un contrat renouvelé plusieurs fois: tentative d’appropriation - Moins de récolte par rapport au prix de location ou le contraire - Cas des cultures pérennes ou cycle végétatif long - Abus de confiance: non protection de limite par l’usager

• Conflit de dépossession : - Dépossession pour désobéissance aux règles de la coutume - Dépossession pour non renouvellement de la confiance - Dépossession pour succession des chefs groupements - Dépossession pour abandon de la terre pour une période donnée

• Conflit d’héritage: qui est héritier? Tutelle? - Fille ainée - Fils ainé de la maitresse - Enfant hors mariage

c) Impact des conflits fonciers dans ces chefferies Des conflits continuent à naitre, d’autres sont en cours, très peu ont été vidés d’où des conséquences sur la vie quotidienne des populations:

• Les procès interminables et qui piègent la cohésion sociale au sein des communautés locales • Les déplacements des familles qui quittent leurs villages vers les centres ruraux (Kavumu, Nyangezi,

Katana, Butuza, Nzibira, Walungu…) à cause des conflits fonciers qui s’accompagnent des actes des violences.

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• L’instabilité du pouvoir des chefs locaux qui de plus en plus se voient moins considérés par les populations.

• La destruction de la confiance intracommunautaire et surtout entre les Chefs locaux et les communautés locales.

• La perte en vies humaines (sorcellerie, criminalité) et en matériels (frais des tribunaux) • La méconnaissance du droit écrit par la population. • Les grandes concessions ne profitent pas à la population et même parfois à leurs concessionnaires. • La diminution de la main d’œuvre à cause de l’exode rural. D’où, la surpopulation de certains

quartiers de la Ville de Bukavu comme quartiers Mosala, Cimpunda, Panzi, Nkafu, Kasha, Ndendere,

• La diminution sensible des espaces des terres en milieux ruraux créent des « paysans sans terre ». • La disparition des cadres communautaires de régulation des conflits fonciers laissant vite un vide de

dialogue et de cohabitation entre les générations. • La disparition des terres en jachère et celles communautaires. • L’émiettement des sols en petites propriétés rend difficile la conception et la réalisation des plans

d’aménagement foncier. • Difficulté d’appliquer un plan de redressement dans le domaine agricole. Le cas le plus récent est la

difficulté de mise en œuvre du projet de la laiterie du Bushi. • La réticence de la population face aux décisions politiques et autres reformes administratives

relevant des organes de l’Etat : la création des communes rurales et l’extension de la ville de Bukavu qui profitent, malheureusement aux décideurs politiques et opérateurs économiques.

d) Cadres de régulation des conflits fonciers dans ces chefferies Il faut préciser ici que la plupart des initiatives de résolution des conflits fonciers sont l’œuvre des organisations de la société civile et les églises. Les populations locales ne sentent pas l’implication du pouvoir coutumier ou de l’administration publique. Les Cours et Tribunaux n’ont pas non plus arrangé la situation. Ces initiatives apportent des solutions socialement acceptées et pacificatrices. A part les initiatives des organisations de la Société, les conseils de famille, les personnes habitant à proximité des parties qui se disputent des lopins des terres, les amis ou voisins, les comités internes des creuseurs artisanaux essayent également de suggérer des solutions pour tenter de ramener la paix aux villages.

3. QUELQUES PISTES DE SOLUTIONS

3.1. A l’ONG IFDP

• Approfondir la recherche principalement sur les acteurs et les différentes dispositions normatives légales et coutumières auxquelles ils sont attachés en ce qui concerne la question foncière, en vue de connaître les enjeux, les intérêts, les motivations et les comportements/attitudes individuels et collectifs dans une perspective de développer des solutions plus adaptées, consolidées et durables.

• Poursuivre et étendre le travail réalisé par les GRF (Groupes de Réflexion sur les questions foncières) qui constituent des espaces villageois pour renforcer les capacités locales de résolution des conflits fonciers priligiant la démarche “gagnant-gagnant” en permettant aux communautés locales de devenir médecins de leur propre guérison et moins dépendants des instances officielles et/ou non officielles.

• Etendre la Sociothérapie pour soigner la société dans d’autres zones qui n’étaient pas jusque là touchées par cette approche.

• Etendre les réflexions sur la codification des pratiques foncières sur base des contrats fonciers liés aux modes d’accès encore usuels à savoir le Bwasa, Kalinzi, Bugule et les terres de succession (Bwime) et les partager avec d’autres acteurs agissant dans le domaine foncier pour aider les paysans à passer de l’oralité à l’écrit et endiguer les conflits générés par les pratiques résultant de la déroute dans l’application de ces modes.

• Sensibiliser les différentes couches de population paysanne, à travers des échanges communautaires, sur l’utilité d’avoir une couverture juridique pour limiter les dépossessions et les conflits fonciers.

• Promouvoir un autre modèle d’agriculture qui se fonde sur la construction de la cohésion sociale, la prévention des conflits, l’amélioration des revenus familiaux et la protection de l’environnement. C’est par exemple l’agriculture pour la Paix qui est basée sur un partenariat « gagnant-gagnant » entre les concessionnaires privés et les familles paysannes sans terres à travers le contrat de location des terres à longue durée (3 à 5 ans).

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• Appuyer les initiatives paysannes d’élaboration de la cartographie à main levée dans leurs villages

3.2. AU POUVOIR COUTUMIER

• Défendre et garantir les droits de jouissance des populations sur les terres acquises individuellement

ou collectivement en vertu de la coutume et du souci de stabilité sociale et non paraître comme co-auteurs des spoliations et des conflits fonciers qui en découlent.

• Accélérer le processus de conversion du Kalinzi en Titre foncier coutumier en proposant aux paysans des conditions alléchantes pour faire obstacle aux multiples «ventes», dépossessions, spoliations et accaparements des terres par une partie de la population (intellectuels, politiciens, commerçants, églises, ONG…) dont sont victimes des milliers des paysans et dans un premier temps sécuriser et stabiliser ces derniers.

• Amorcer le regroupement des habitations pour permettre un aménagement adéquat du terroir, la création des agglomérations, la libération suffisante des espaces pour une agriculture à large échelle, faciliter la fourniture des services sociaux de base, la réduction importante de l’émiettement excessif de la terre, l’uniformisation des lopins des terres et la réduction des conflits fonciers.

• Limiter, moyennant des décisions courageuses et fermes des chefferies, le morcellement des parcelles familiales par des conditions qui favorisent la mise en valeur durable au profit des générations futures par la formalisation du processus d’écriture du Droit foncier coutumier qui pourrait, peut-être, inspirer le travail de la réforme foncière avec pour objectif de réglementer la gestion et l’exploitation des terres coutumières, en vue de sécuriser, dans un premier temps, les paysans, de réduire les conflits et de propulser le développement rural.

• Conscientiser les paysans pour adopter un comportement visant à l’abandon des pratiques locales qui mettent en danger la gestion des ressources naturelles (terres, eau, mines…).

• Participer aux débats et discussions sur les questions foncières au niveau provincial.

3.3. AU POUVOIR CENTRAL et A LA PROVINCE DU SUD-KIVU :

• Mettre en place tous les dispositifs de sécurisation foncière équitable à travers une réforme

foncière axée sur la décentralisation : organiser des consultations provinciales et nationales en vue d’élaborer des systèmes et des règles de gestion foncière participative qui favorisent un accès équitable à la terre et qui limite l’accès à terre à une seule catégorie de la population au détriment de la grande masse paysanne. S’inspirer de la Gestion décentralisée foncière en RDC à partir du modèle des Guichets fonciers développé, par exemple au Madagascar.

• Elaborer Document de politique foncière et toutes les lois portant principes fondamentaux, surtout celles portant sur des matières touchant la question foncière (régime foncier, minier, environnement, forêt, agriculture…), conformément à l’article 123 de la Constitution, en vue de permettre aux provinces d’en élaborer rapidement les politiques locales à travers la prise des Edits. Il s’agit de mettre en place une gestion foncière transparence et construire une légitimité reconnue par le plus grand nombre. Les règles de jeu doivent être largement partagées pour servir des références à l’ensemble des acteurs et le cadre institutionnel de régulation foncière doit être ingénieusement coordonné pour produire des décisions et actes légitimes.

• Entreprendre les plans d’aménagement du territoire qui débouchent sur les plans d’affectation/utilisation du sol en distinguant les espaces de terre selon leur vocation (terres agricoles, terres à vocation minière, terres à vocation forestière, terres à vocation industrielle, les espaces habitables y compris la foresterie villageoise, les infrastructures routières…) qui prendraient également en compte, les besoins s’il y en aura, de création des nouvelles entités (villes, communes rurales)

• Compte tenu de la diminution sensible des surfaces agricoles, trouver des pistes de solution pour renforcer et valoriser l’agriculture en milieu paysan et de développer des activités non agricoles pour élargir les opportunités d’emplois et des revenus issus d’autres secteurs non tributaires de la production agricole.

• Exiger aux grands propriétaires de mettre en valeur leurs terres permettant, par exemple, aux ménages paysans d’y accéder moyennant des conventions écrites échelonnées sur une période plus large.

• Soutenir le projet d’Edit sur la réhabilitation et conservation des boisements dans la province du Sud-Kivu

• Soutenir le Cadre de Concertation Provincial sur les questions Foncières (CCPF) au Sud-Kivu pour nourrir les débats tant au niveau local, provincial que national sur la problématique foncière dans la province,notamment sur le processus de réforme foncière : principe d’inclusion, approche multi-acteurs, démarche globalisante…