Terray Emmanuel Naissance Croissance Et Victoire Du Parti Chretien

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Conférence du 13 mai 1985

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  • NUMERO 2MAI I98'

    EMMANUEL TERRAYNAISSANCE, CROISSANCFET VICTOIRE DU PARTICHRETIEN, DU IER AU VSIECLE DE NOTRE ERF

    LES CONFERENCES

    DU PERROOUET

  • i les rflexions dont je vais faire tat doivent tre publies uniour, elles le seront sous un titre qui pourrait tre:
  • naissance du Christianismelsral

    Le Christianisme, on le sait, nat au carrefour d'une double crise,crise du Judai'sme, crise du polythisme pai'en.

    Crise du Judaisme, d'abord. Au cours d'une histoire millnaire,lsral est pass d'un Dieu tribal anthropomorphe un Dieu universelunique, Tronscendont, Tout Puissont et Croteur. Ce Dieu intervientdans le monde par le biais d'une alliance ave un peuple lu; celtealliance, pour reprendre l'expression de Max Weber, est soumise auprincipe du rationolisme thique: les vnements de I'histoire, heureuxou malheureux, sont conus comme autant de rtributions, positivesou ngatives, du comportement, bon ou mauvais, du peuple lu.A la fin des temps, cependant, I'alliance se manifestera par I'envoid'un Messie, qui fera triompher le rgne de Dieu sur la terre.

    Ces thses constituent ensemble ce qu'on peut appeler le messagefondamental du Judaisme, mais la veille de la naissance du Christ, cemessage est affect d'un certain coefficient d'incertitude et deflottement.

    En ce qui concerne la notion mme de Dieu, la tendance laspiritualisation et la sublimatioi, qui a transform le Dieu tribald'Abraham en le Dieu Universel des Prophtes, continue d,exercer seseffets, et produit un Dieu de plus en plus lointain et de plus en plusabstroit. D'o I'introduction progressive d'intermdiaires - attributsde Dieu hypostasis ou tres angliques - qui viennent remplir ladistance grandissante entre les hommes et Dieu.

    Cependant, ct de I'interprtation universaliste de Dieu, persisteune interprtation nationale s'accommodant sans trop de mal del'existence d'autres dieux pour d'autres peuples que le peuple juif.

    En ce qui concerne I'alliance et le rapport des hommes Dieu,les Prophtes ont mis en cause avec une vhmence croissante lecaractre formaliste, ritualiste, lgaliste du culte, et ils ont posl'exigence d'une adhsion intrieure la loi. De mme, ils ont peu

  • peu substitu la responsabilit collective du peuple juif la responsa-bilit personnelle de chaque individu devant Dieu. Enfin, pour surmonterle paradoxe que constitue, au regard de la justice divine, le bonheurdes mchants, ils ont introduit les ides de rsurrection et de vieternelle, ainsi que celle de fugement dernier.

    Mais ici encore, une fraction importante d'lsral continue deprivilgier I'adhsion extrieure et collective l'alliance, et de fairede la frquentation du Temple et de I'offrande des sacrifices lecur de la pratique religieuse.

    Enfin, ct de I'image traditionnelle du Messie conu commehros politique charg de restaurer la libert et la grandeur du royaumede David, s'introduit la figure neuve d'un Messie dfini comme unhros cosmique, donl. la venue marque la fin du Monde et l'avnementdu rgne de Dieu.

    Mais une fois encore, les deux notions persistent cte cte et enconcurrence, de sorte qu'lsral est partag entre deux couronts.. uncourant des ides anciennes - le Dieu national, le Culte et le Templecomme aspects principaux de la religion, et le Messie comme hrospolitique - et un courant des ides nouvelles - le Dieu Universel,I'adhsion intrieure la loi comme noyau fondamental de la religion,et le Messie comme hros cosmique.

    A cette alternative correspond un grand choix politique et national: la veille de la naissance du Christ, lsral se trouve depuis plusieurssicles insr dansdesensembles politiques etculturels qui le dbordent:empire perse, monde hellnistique, monde romain. Cette insertion setraduit la fois par le statut de nation domine qui est celui d'lsralet par I'existence de la diasporo. Elle confronte lsral un choixcrucial'.

    - lsral doit-il s'efforcer de reconqurir son indpendance, ce quisuppose que soient exalts ses particularismes et sa spcificit ?

    - Ou bien lsral doit-il se rsigner sa condition asservie et tenterd'accrotre son influence I'intrieur de l'ensemble o il se trouve,ce qui implique une formulation de plus en plus universaliste deson message ?

  • polythisme paien

    Ce choix est d'autant plus difficile que, de son ct, le mondepai'en connat lui aussi une crise intellectuelle et religieuse profonde,qui sollicite lsral et pse sur ses choix.

    Cette crise accompagne les transformations sociales et politiquesdu monde antique. Les vieilles religions de la cit continuent certesde jouer un rle sur le plan de la vie civique, mais comme la cit n'estplus le lieu du pouvoir, ce rle perd de son importance; par ailleurs,elles ne remplissent plus leur fonction d'interprtation du monde, etelles ne rpondent plus aux attentes affectives des individus.

    En outre, I'individualisme a progress: les bouleversements etbrassages lis aux guerres et aux conqutes, les avances de l'conomiemarchande, ont peu peu bris, au moins dans les villes, les anciennessolidarits; de plus en plus les individus sont livrs eux-mmes faceau malheur et la mort.

    Enfin, sur le plan proprement intellectuel, la rflexion du mondeantique sur sa propre ralit le conduit dans deux directions:

    - syncrtisme; les dieux des diverses religions sont en ralitidentiques sous des noms diffrents.

    - monothisme: le speclacle de l'ordre naturel, du Cosmos, et celuide l'ordre politique, de I'Empire, conduisent I'un et I'autre I'ideque l'Univers obit un seul Dieu qui est le souverain suprme, lesautres divinits n'tant que ses ageqts.

    De fait, travers l'essor du culte solair ou celui des religions mystres, s'impose une religiosit qui est dsormais personnelle - elles'adresse I'individu et non plus la communaut - et monothiste- elle clbre un Dieu unique. L'cart s'accrot toutefois entre uneversion lettre et une version populaire de cette religiosit, imprgnesla premire de philosophie, la seconde de magie et de sorcellerie.

    On voit en quel sens une telle volution sollicite le Judai'sme: enmatire de monothisme et d'intriorisation de la croyance, le .l udaismea, si je puis dire, beaucoup d'avance, et peut poser sa candidaturecomme religion universelle, capable de rallier autour d'elle I'ensembledu monde antique.

  • Encore faut-il qu'il se dbarrasse au pralable de ses particularitsethniques et culturelles juives. On peut demander un Grec ou unRomain de se convertir une croyance nouvelle, on ne peut exigerde lui qu'il renonce son identit sociale, culturelle et historique.Ce qui est ici pos, c'est bien entendu le problme de la loi mosaique,dans la mesure o elle est un code, non seulementthique et religieux,mais aussi social, culturel et politique. Faut-il imposer aux futursconvertis I'inrgralit de la loi ? Telle est la question qui dcide cette poque du destin du Judailme.

    On sait qu'aprs des dbats acharns, lsra|, dans sa majorit, refuserad'assumer les risques de I'universalisme. ll restera fidle sa particularitethnique et culturelle, et se jettera corps perdu dans I'aventurenationaliste, qui le conduira aux insurrections dsastreuses de 66-70et de 135. C'est en fait le Christianisme qui relvera le dfi devantlequel lsral s'est drob.

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  • le Christ

    Telle est la situation dans laquelle surgit le Christ. On a beaucoupinsisl sur l'extrme simplicit du message du Christ, qui pourl'essentiel se ramne une annonce et un appel:

  • Bref, vingt ans aprs la mort du Christ, la nature et la destine duChristianisme sont' encore indcises: s'agit-il d'une nime entreprisede rforme intrieure du Juda'isme, analogue celle des Essniens,ou bien est-il le germe d'une nouvelle religion ouverte tous ?

    On le sait, c'est l'intervention dcisive de I'optre Poul qui vatrancher ce problme. Paul veut propager le message du Christ parmiles pai'ens; pour y parvenir, il lui faut abattre l'obstacle qui avaitempch l'expansion du Judaisme; I'exigence d'une fidlit intgrale la loi juive. Aprs une crise aige, connue sous le nom d'incidentd'Antioche, Paul aura gain de cause: les convertis d'origine pai'enneseront dispenss de respecter la loi juive.

    Pour lgitimer celte rupture avec la loi institue par Dieu, Paul vad'abord se dcrire comme un aptre, gal en rang et en dignit auxdouze Yrilables compagnons du Christ. Mais surtout, la loi a ttablie par Dieu, et Dieu seul peut dfaire ce que Dieu a fait. Paul vadonc prsenter son inspirateur le Christ, non pas comme un prophteou un homme bni - un homme ne saurait abroger la loi pose parDieu - mais comme Dieu lui-mme s'tant fait chair et homme pourvenir parmi nous. C'est la thse de I'lncarnation, dans laquelle nouspouvons voir le message fondamental du Christianisme.

    De cette analyse qui aujourd'hui n'est plus gure originale, nombred'historiens ont conclu que Paul tait le vritable fondateur duChristianisme. Afflrmation qui mconnat le phnomne essentiel dudouble commencement, sur lequel Alain Badiou attire notre attentiondans sa Thorie du Suiet. Certes, c'est avec Paul que le Christianismeapparat dans I'histoire comme lde et comme Force indpendantes,capables de transformer le monde. Mais pour que Paul surgisse, ilfallait qu'au pralable la parole ambige du Christ vienne branlerou dtruire les certitudes acquises, et introduire dans le rel ce ieu ouce flottement sans lequel le neuf ne peut faire irruption sur la scnede I'histoire.

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  • formation de la doctrineA partir de Paul, le dveloppement de la doctrine chrtienne se

    dploie dans l'espace d'une contradiction massive entre deux plesdont I'un reprsente le lieu d'origine de la nouvelle religion, je veuxdire le Judai'sme, et dont I'autre reprsente son champ d,expansion, jeveut dire le paganisme grco-romain.

    Au ple d'origine, nous avons un monothisme intransigeant etI'exaltation de la transcendance divine: Dieu est Un et Unique, et il estlnfini, ternel et Tout Puissant.

    Au ple d'expansion, nous avons un polythisme dclar, oul'affirmation d'une pluralit hirarchise du Divin, que cette pluralitprenne la forme du panthisme stoibien ou de la doctrine noplatoni-cienne des manations. Par ailleurs, l'accent est plac sur l,immanencedu divin: le dieu ou les dieux sont d'emble prsents et agissants dansle monde, sans avoir besoin de se transformer autrement que dans leurapparence.

    D'une certaine faon, la thse de I'lncarnation ralise une sorte defusion ou de synthse entre ces deux apports. eue dit-elle en effet ?

    - Dieu est unique, mais on peut distinguer en lui deux - et plustard trois - Personnes, donnes ensemble de toute ternit.

    - Dieu est tronscendanf, mais dans la mesure o il s,est incarn,et est venu parmi nous, il est galement immonent.

    Ainsi formule, la thse de l'*ncarnation apparat aussitt commeun mystre. Elle ne sera p;ts d'emble regarde comme telle, mais ellesera trs vite ressentie comme difficile penser. La difficult estdouble:

    - Paul et Jean affirment I'unit infrangible de Dieu, mais intro_duisent en lui une pluralit fondamentale, puisque donne de touteternit, entre deux, puis trois Personnes. penser l,lncarnation, c'estdonc penser la contradiction de I'Un et du Multiple. ceci deviendrale problme trinitaire.

    - Paul et Jean maintiennent la divinit absolue du Fils ou du Verbe,donc sa transcendance, mais dclarent que, sans renoncer sadivinit, il s'est fait chair ou homme. Le problme pos est donccelui de la personne du Christ: comment penser un Etre qui soit la

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  • fois fini et infini, mortel et ternel, born et tout-puissant ? Cecideviendra le problme christologique.

    Trs vite, les chrtiens vont s'efforcer de rsoudre ces difficults,et de comprendre l'lncarnation. Mais trs naturellement, I'entrepriseva tre soumise des pressions opposes, tendant privilgier I'un ouI'autre des deux aspects de la contradiction.

    La pression iudoisonte conduira, dans le domaine trinitaire, estomper, gommer la pluralit des Personnes pour restaurer le mono-thisme abiolu, I'Unicit et I'Unit absolues de Dieu. Dans le domainechristologique, elle accusera, soulignera I'humanit du christ, ce qui

    ruru"gurd. aussi bien I'unit que la transcendance de Dieu'A loppos, la pression poinne privilgiera la pluralit des personnes,

    au risque de glisser vers le di- ou le trithisme. Elle privilgiera aussila divinit du Christ; elle fera du Christ un Etre divin venu sur terre,au risque de compromettre la Transcendance de Dieu, car commentcomprendre qu,un Dieu transcendant puisse souffrir et mourir comme,n hott. ? Ou bien, elle fera de l'humanit du Christ et de sadestine humaine une pure apparence; telle est la conception ditedocte qui, par un autre biais, aboutit au mme rsultat: priverI'lncarnation de toute ralit,

    De fait, cder ces pressions, c'est dans tous les cas nier I'lncarnation,

    refuser que Dieu se soit fait homme; dans la thse iuive, le christn'est en effet qu'un homme bni de Dieu; dans la thse pa't'enne,il n'est qu'un dieu sjournant momentanment parmi nous'

    Sous I'effet de ces pressions, vont se succder, au llme et aulllme sicles, Llne srie d'hrsies symtriques et opposes, dontchacune croira rsoudre la contradiction en retenant un terme audtriment de I'autre, et ruinera en fait I'lncarnation. ll n'est pasquestion de refaire ici I'histoire ni mpe l'inventaire de ces hrsies,et je m'en tiendrai leur sujet trois remarques''En

    premier lieu, les diffrentes doctrines concernes ne sont pasds l,origine des hrsies, elles le deviendront de faon rtroactiveds lors que I'orthodoxie sera fixe. ll importe ici de ne pas ratifierI'image que le christianisme donne de sa propre histoire: une orthodoxie

    dfinie ds le dpart, et des dviations ultrieures. La vritable squence

    est toute autre: au dpart, un message nigmatique, un mystresusceptible de plusieurs interprtations; puis le dveloppement et leconflit de celles-ci; enfin, la dfinition d'une orthodoxie, par rapport laquelle les rponses cares font dsormais figure d'erreurs'

    En second lieu, notre schma dualiste simplifie une ralit pluscomplexe. on ne peut rpartir les diverses hrsies connues en deux

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  • rubriques nettement distinctes, notamment parce que la question deI'unit et celle de la transcendance ne se recouvrent pas exactement.En ralit, il y a de grandes options, et au sein de chacune d'ellesplusieurs variantes.

    Une premire option accorde lo primaut I'Unit divine: c'estla thologie . Mais il en existe une version judoi'sonte

    ce sont les thologies ldoptionistes qui font du Christ un hommelu, adopt par Dieu - et une version paganisante - ce sont lesthologies modolistes dans lesquelles le Christ n,est en fait qu,uneapparence, un mode d'tre de Dieu: c,est Dieu lui-mme qui est venu,qui a souffert et qui est mort.

    Une seconde option met au contraire l,accent sur la plurolit desPersonnes'. ce sont toutes les thologies qui prennent au srieux ladistinction du Pre et du Fils, de Dieu et du Verbe. Mais ici aussi, onpeut reprer une variante qui est soucieuse de ne pas compromettrele monothisme, qui instaure cet effet une hirarchie prcise entreles Personnes, et croit sauvegarder l,unit divine en affirmant laprimaut du Pre; Origne est reprsentatif de cette tendance; uneautre variante va jusqu'au bout de la logique des personnes en affirmantleur pleine et entire galit, au risque de tomber dans le di- ou letrithisme, la mutation des Personnes en divinits indpendantes.

    Troisime remarque'. les conflits qui se nouent autour de cesinterprtations ne concernent pas seulement les lettrs et les clercs;la masse des fidles est implique et s'engage, pour deux raisons princi-pales.

    En premier lieu, la thse de l'lncarnation commande la doctrinedu Salut. La proccupation du Salut est en effet vitale pour leshommes de ce temps; ils vivent dans un monde dchu, corrompu,livr au Mal, la Souffrance et la Mort; comment alors s,enlibrer ? q

    Paul rpond: par leurs propres forces, ies hommes ne peuvent sesauver. ll faut que Dieu lui-mme vienne parmi eux et les prenne encharge, assume leur condition et du mme coup la rachte: I'lncarnationest donc lq condition du Solut. Encore faut-il qu'elle soit authentique,que Dieu lui-mme se soit incarn, et non pas un substitut. Cetargument, dit argument sotriologique, iouera un rle fondamentaldans toute la controverse: n'est sauv que ce qui a t d'obordassum par Dieu dans l'lncarnation. C,est pourquoi toutes les thoriesqui paratront mettre en cause la divinit du Christ se heurteront I'hostilit rsolue de la masse des fidles.

    Mais I'authenticit de I'lncarnation est aussi lo condition deI'efficncit des socremenfs. Les sacrements sont des traces ou des signes

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  • que le Christ a institus lors de son psage, et qui sont la fois desrappels de ce passdge et des instruments dans la lutte prsente contrele Mal. Bien entendu, il existe une conception populaire du sacrementcomme amulette protectrice ou rparatrice. Mais nouveau I'efficacitdu sacrement tient ce qu'il a t institu par Dieu lui-mme, non parun substitut.

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  • f ixation de l'orthodoxieLa solution du dbat et la dfinition de I'orthodoxie seront atteintes

    au terme d'une double crise. Le problme trinitaire conduira lo criseorienne, et sera rsolu par le Concile de Nice, dont les thses serontconfirmes, aprs de nombreuses pripties, par le Concile de Constan-tinople. Le problme christologique conduira la crise nestorienneet monophysite, el sera tranch lors des Conciles d'phse et deChalcdoine.

    ll est d'abord intressant d'analyser le processus trsvers'lequello solution est dgoge. Dans les deux cas, on procde par limination;sur le plan trinitaire comme sur le plan christologique, le problmeest de penser une contradiction: un Dieu la fois Un et Multiple, unChrist la fois lnfini et Fini.

    Sont d'abord cartes et condamnes comme hrtiques toutes lessolutions unilotrales, qui privilgient un des deux termes au dtrimentde I'autre.

    Mais sont galement cartes les compromis illusoires et les faussessynthses, qui sont susceptibles de revtir trois formes:

    - une forme conservotrice, qui prconise en quelque sorte unedngation de la question pose et un retour au point de dpart.

    - une forme conciliatrice, qui prconise I'adoption d'une formulevague, ambige, susceptible de rallier par l. mme un consensusquivoque. - une forme slvonte, qui atteint au ibmpromis par raffinementet surenchre de science et de subtilit.

    Ces compromis sont proposs; parfois ils reoivent le soutien deforces sociales ou politiques imposantes; pourtant, ils n'arrtent jamaisle dbat, et le conflit rebondit jusqu' ce que surgisse la solution.

    On peut prendre ici I'exemple de la crise orienne.On le sait, la crise arienne se joue pour I'essentiel autour de la

    thse nicenne selon laquelle le Fils est consubstantlel au Pre, de lamme substance que le Pre (Grec: homo-ousios).

    Contre cette thse, ds les annes qui suivent Nice, un maraisconservateur observe que le mot consubstantiel n9 se trouve pos dans

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  • I'Ecriture et propose un retour pur et simple aux formules du NouveauTestament, comme si le problme, une fois pos, pouvait tre vacude la sorte.

    L'empereur Constance et ses conseillers, soucieux de restaurerI'unit religieuse de I'Empire, tenteront d'imposer ensuite la thseselon laquelle le Fils est simplement sembloble au Pre (en grec:homoios), vacuant les difficults lies la notion de substance.Malgr tout le poids de la puissance impriale, cette prtendue solutions'effondrera trs vite.

    Enfin, certains thologiens orientaux proposeront de considrerque le Pre et le Fils sont, non pas de mme substance, mais de subston-ce sembloble (homoi ousioi, en grec), conciliant I'unit implique parla notion de substance et la dualit implique par I'ide de ressemblancepar de rjouissantes acrobaties scolastiques sur lesquelles je ne peuxmalheureusement pas m'tendre.

    Quand la solution surgit, elle se prsente sous une forme que nousdirions volontiers canonique. Quelle est cette forme ?

    En ce qui concerne le problme trinitaire,la solution rside dans laraffrmation de la thse nicenne selon laquelle le Fils est consubstantielau Pre. Dieu est donc une Essence ou Substance en trois Hypostasesou Personnes; il faut se rappeler que Substance dsigne ici I'essencesingulire, et non le matriau ou le genre.

    En ce qui concerne le problme christologique, la formule deChalcdoine doit tre cite dans ses propres termes, particulirementrvlateurs. Le Concile professe:

  • En quoi consiste cette nouveaut ?Tout d'abord

    mystre. --'- ll y a complet changement d,attitude vis--vis duLe mystre D,est n1,,. rd^_)r

    une difficult i ,rl1-fl" regard comnun arour ., .o,#*;, ;;;iliJJ;.::ril:iff:";JHi,J

    on ne cherche don, pt;;';j; dissoudreet on le proclame dans toute s risrnt,. ou l'dulcorer, on l'sume

    n^#,;';::0,"";:^,,^. 'or;no; ;.'i;:ii', re mme conrenu, re mme:s j t# 1*l|;# #' i{ ",:r ti1 ;li 6i ni:t I # jk fu :e r re_ r,

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    D'une certaine faon, le Christianisme y russira _ aujourd,hui

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  • encore, du ct protestant comme du ct catholique, Nice etChalcdoine font, autorit - mais I'histoire se vengera en suscitant, ct et en dehors du Christianisme, d'autres entreprises aux prten-tions quivalentes.

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  • l'organisation

    La dernire remarque formule nous conduit trs naturellementaux problmes d'organisation.

    La volont d'laborer une interprtation exhaustive du Rel estcorrlative du projet de rassembler I'ensemble de I'espce humaineau sein d'une mme communaut: l'glise.

    Certes, pendant une premire priode, les Chrtiens, se fondant surcertai ns textes vangl iques, attendent com me des chances immi nentesla fin du Monde et le rgne de Dieu.

    En consquence, il est inutile de s'organiser, il suffit que chacunse prpare dans I'attente de ce jour.

    Puis, vers la fin du premier sicle, cette attente est due; lesChrtiens doivent se rendre l'vidence: le monde est appel durer;il faut donc s'organiser pour survivre en son sein et face son hostilitgrandi ssante.

    Comment s'organiser ? Ds I'origine, l'glise rencontre un choixfondamental que rencontrent tous les partis, je veux dire toutes lesorganisations qui se construisent autour d'une vision du monde, etcherchent transformer la socit et la vie conformmnet cettevision.

    Ce choix est le suivant: faut-il, du point de vue du recrutement,construire une glise des Purs,.uune glise des Saints, ou bien uneglise ouverte tous ? En d'autres terrries, faut-il construire un partid'liTe, d'avant-garde, limit aux militants accomplis, ou bien un partiaccueillant en son sein sans discrimination les larges masses ? C'est laversion politique du dilemme classique de la qualit et du nombre.

    Ce dilemme va accompagner la communaut chrtienne tout aulong des premiers sicles de son histoire.

    Or nous observons certes la permanence en son sein d'une tendoncerigoriste, litiste, exclusive, visant fermer l'glise aux tides, auxmous, aux indcis. Cette tendance s'exprime dans un mouvementcomme le montanisme, ou travers des personnages comme Tertullienet Hippolyte de Rome, que nous retrouverons lors du dbat sur laPnitence.

    Mais la majorit de la communaut et de ses dirigeants se prononcera

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  • toujours ontre cette conception, et la combattra de faon rsolue:elle imposera une glise ouverte prtendant trs explicitement regroupertous les humains, autrement dit une glise Catholique.

    Cette volont d'ouverture se traduit de diverses faons: sur le plandoctrinal, ouverture diverses troditions culturelles, maintien systma-tique et dlibr du double ancrage juif et grec.

    Sur le plan de la composition sociole, ouverture toutes lescatgories et classes qui forment la socit antique, ce qui suppose la fois le rejet de toute attitude qui priviligierait telle classe ou telgroupe social, notamment le rejet de toute tendance auprofit des pauvres et des opprims, mais aussi l'affirmation - subversivepour l'poque - de l'galit pour tous, hommes et femmes, matres etesclaves, devant Dieu et I'intrieur de l'glise.

    Sur le plan de I'orgonisation proprement dite, la communautreconnat qu'il existe une pluralit des niveoux de lo croyonce, et serefuse tablir entre eux une hirarchie statutaire. Cette pluralit semanifeste d'abord au regard du sovoir: il y a une croyance populoire,plus affective, plus animiste aussi, et une croyance lettre, plusintellectuelle et plus abstraite. A la diffrence de la Gnose, l'gliserefuse de privilgier cette dernire.

    Mais la pluralit des niveaux se traduit aussi en termes de qualitou d'intensit de la croyonce: il y a les purs et les tides, les militantset les adhrents. Tous ont leur place dans l'glise. Le dbat sur lapnitence est cet gard instructif: d'une rigueur initiale qui exclutsans retour les fauteurs de pch mortel de la communaut et les livre la seule misricorde divine, l'glise passe, aprs de durs dbats, uneattitude beaucoup plus souple, qui confie l'vque le soin de punirle pcheur de telle sorte qu'il puisse sans trop de difficult rintgrerles rangs du groupe. {,

    Toutefois mme si l'glise se refuBe tre une glise des Purs, elleveille mnager aux Purs, non pas une place, mais un rle spcifique:ce sera le statut accord aux confesseurs, c'est--dire aux perscutsqui tiennent bon, durant le llme et le dbut du lllme sicles; ce seraensuite l'panouissement du corps des moines.

    Ce parti pris d'ouverture et de souplesse implique videmment undouble risque'. risque d'clotement, eT risque de dilution ou de dissolu-tion dans le milieu ambiant.

    Ce risque est rendu manifeste par I'essor du mouvement gnostique.Comme on le sait, cet essor consiste en la prolifration d'innombrablessectes, dont chacune se rclame d'un savoir particulier et sotrique

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  • li une rvlation secrte, et regroupe un petit cercle d'initisautour d'un chef inspir".

    Pour pallier le pril, l'glise met tout d'abord en avant I'ide detrodition opostolique: il y a une seule Rvlation, celle du Christ auxaptres, et non pas de multiples rvlations partielles. Cette Rvlationest publique, et non pas secrte, elle est offerte tous, et non pas uncercle troit d'lus. N'ont le pouvoir de la transmettre que les aptres,investis par le Christ, et les hommes que les aptres ont leur touri nvestis.

    Ces hommes sont les seuls dpositaires lgitimes de la parole duChrist; inversement un enseignement ne peut se rclamer du Christ ques'il est transmis par une chane continue de dpositaires rgulirementinvestis; toute interruption rend I'enseignement suspect. On retrouveraune exigence de mme nature dans l'lslam en ce qui concerne leshadith, la relation des faits et gestes du Prophte.

    L'ide de tradition apostolique vaut non seulement pour la trans-mission de la parole de Dieu, mais aussi pour la distribution dessacrements. L'glise se donne donc un corps de spcialistes habilitsselon une procdure dfinie remplir ces deux tches. Ce corps, c'estle clerg.

    Tel est le second ospect de l'effort de l'glise en matire d'unit etde cohsion: elle se donne un clerg, c'est--dire un opporeil. Unappareil, c'est, au sein d'un parti, un groupe de militants spcialisset professionnels chargs de diriger les affaires de la communaut,de former les adhrents, de maintenir I'unit et la discipline et d'organi-ser la propagande. Telles sont dans l'glise les tches du clerg.

    Sa gense est marque par une srie de choix:- ds l'poque de Paul, disqualificotion des inspirs, des charismati-

    ques, directement guids par Dieu t par consquent incontrlables,au bnfice des hommes investis, consacrs, ordonns par I'organisation.Au lllme sicle, les confesseurs devront de mme rentrer dans le rang.

    - en ce qui concerne les procdures de slection, posslge de l'lectionpar lo communaut lo dsignotion por le suprieur, qui est seuldpositaire de I'Esprit et peut seul le transmettre.

    - en ce qui concerne enfin la direction de la communaut, passagede lo gestion collgiale I'outorit monarchique de l'vque.

    Ainsi est mis sur pied, dans chaque communaut locale, un appareilcentralis, qui se recrute lui-mme et qui dsigne son chef, l'vque,ave l'accord des chefs des autres communauts.

    En ce qui concerne les rapports entre les communauts locales,une volution semblable s'accomplit, mais sur un rythme beaucoup

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  • plus lent. A l,origine, l'glise est une idration galitaire dirige pari'assemble des vques, c'est--dire par le Concile; mais peu peu

    la primaut doctrinale et disciplinaire de l'vque de Rome se formeet se consolide. L processus toutefois ne s'achvera que beaucoup plus

    tard.

    En troisime lieu, I'Eglise se donne dans le domaine de la doctrineune ossature ou une armature qui lui permet la fois d'unifier lescroyants et de marquer ses frontires.

    beux dmorches pewenl tre voques ici: tout d'abord, l'glisenumre et dfinit de faqon limitative les textes qui forment pour elle

    l,criture sainte; c'est l;laboration du conon. ll s'agit tout d'aborddlnterdire la production de nouveaux textes sacrs par les sectes gnosti-

    ques. Mais ls choix oprs parmi les textes existants refltent lesjroblmes politiques qu;affronte l'glise: par exemple, I'admission de

    fRpo.utypi. de jean sera longtemps controverse, en raison de I'appuique ce texte apporte aux thses millnaristes de l,hrsie montaniste.

    on notera par ailleurs le caractre circulaire de I'opration: l'glisetient sa lgitimit du fait qu'elle est dpositaire de la Rvlation, maisc'est elle

    -qui s'arroge le privilge de dire quels sont les textes qui

    contiennent cette Rvlation.Laseconde dnnrche, c'est la rdaction de la Profession de foi, autre-

    ment dit du Credo, qui rsume les principaux points de la croyance'llalecaractred'untextedepropagande:ilestfaitmoinspourtrercit que pour tre scand ou chant; il est aussi un texte polmique:

    chacune de ses phrases est dirige contre une erreur prcise'

    Enfin, quotrime point,l'glise dfinit son attitude en ce qui concer-

    ne ses'uirinr et rivaux: d'abord les sectes gnostiques, puis lesgroupements hrtiques et sclfismatiques'" lci encore, l,glise affronte un choix entre deux qttitudes. Ellepourrait adopter une ottitude conciliatrice, considrer que I'appartenan-

    ,. ancienne des dissidents l'glise cre des liens de parent,regarder la rupture comme provisoire, prparer la rconciliation.

    Mais elle peut aussi adopter une ottitude de rigueur, proclamer le

    monopole absolu de l'glise sur la vrit, interdire tout rapport avecles dissidents.

    AuIlmeetaulllmesicles,cettesecondeattitude,sansjamaislremporter tout fait, sera dominante. C'est que les autorits del'glise craignent que la premire n'encourage les schismes, en laissant

    cro-ire qu'ili sont des gestes anodins, aisment reprables' P?.9 .ynhomme comme l'vqu de carthage cyprien, au contraire, I'Eglise

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  • est le dpositaire unique et exclusif de I'Esprit; c'est Cyprien qui estI'auteur de la clbre formule: tHors de l'glise, point de salut>.Les hrtiques sont des agents du dmon, et ceux qui subissent lemartyre sont les plus redoutables, car leur courage risque d'induire lesfidles en erreur. Les principales vertus du Chrtien sont l'humilit,I'espril de concorde, la discipline, la docilit, bref tous les traits quiforment ce que Rudolf Bahro appellera, seize sicles plus tard, I'espritde subalternit.

    Entre les deux attitudes, le conflit clate sur la question duboptme des hrtiques: lorsqu'un hrtique demande rintgrerl'glise, faut-il le rebaptiser, ou bien son baptme hrtique demeure-t-il valide ? lci Cyprien rejette absolument la souplesse qui avaitprvalu dans le domaine de la pnitence vis--vis du simple pcheur:il faut rebaptiser I'hrtique, qui doit connatre une nouvelle naissance.

    Au total, dans le domaine de I'organisation, l'glise tente debalancer I'ampleur et l'clectisme du recrutement, d'un ct par lafermet de I'appareil, de I'autre par une rigueur extrme vis--vis desdissidences. ll y a l une formule dont nous pourrions trouver, dansune histoire ultrieure, de trs nombreuses applications.

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  • la politique de l'glise

    Je voudrais enfin dire quelques mots de la politique adopte parl'glise vis--vis du monde extrieur pai'en, et plus prcismentvis--visde ses deux composantes principales, l'tat d'une part, la Socitcivile d'autre part.

    En ce qui concerne les rapports entre lo communout chrtienneet I'Etot, il faut souligner, contrairement une ide souvent reue, qu'l'origine le conflit n'apparat nullement comme ncessaire et inluctable.

    Vis--vis de l'tat, les sentiments des fondateurs du Christianismevont de l'indiffrence du Christ la bienveillance de paul.

    Le Christ refuse de jouer le rle de leader nationaliste, et exprimeson attitude politique travers deux formules fameuses: et (mon Royaume n'est pas de ce Monder.

    Paul pour sa part admire I'Empire romain: I'Empire romain aforgI'unit politique du monde antique, et cette unit politique prpareson unit spirituelle.

    Dans le cadre de son conflit avec les Juifs, Paul fait porter ceux-cila responsabilit de la mort du Christ; c'est en exonrer du mmecoup Pilate et les Romains.

    Enfin, le souci du caractre intrieur et spirituel du Royaume leconduisent la clbre formule de l'ptre aux Romains (ll, l-Z):

    nQue chacun se soumette aux autorits en charge. Car il n'y apoint d'autorit qui ne vienn de Dieu, et celles qui existntsont constitues par Dieu. Si bien que celui qui rsiste l,autorit

    se rebelle contre I'ordre tabli par Dieu>.

    Du ct de l'Empire romain, de la mme faon, le pluralisme et latolrance sont de rgle. Tous les cultes respectueux de I'ordre publicsont autoriss. Le culte de I'empereur est certes impos tous, mais ils'agit d'un culte plus civique que religieux; au reste, les .f uifs ontobtenu d'en tre dispenss.

    A I'origine donc, nulle occasion de conflit. On le sait, le conflitclalera pourtant. Je ne reviendrai pas sur les circonstances, mon avisdans une large mesure contingentes ou mme accidentelles, quiconduiront au cours du premier sicle au dchanement de la perscu-

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  • tion. Mais je voudrais m'attarder un instant sur les ractions de l'glisesous les coups qui.la frapPent.

    Certes, les perscutions suscitent dans l'glise I'apparition d'unetendonce hostile l'Empire, comme en tmoignent les invectives del'auteur de I'Apocalypse ontre la ville de Rome. De mme certainsextrmistes provoquent dlibrment les outorits imprioles pours'assurer la couronne du martYre.

    Mais l'glise dans son appareil et dans sa majorit adopte une attitude

    oppose:Elle condamne toute bravade inutile, toute recherche provocatrice

    de l'affrontement et du martyre.Elle refuse tout appel la subversion ou la rvolte, elle souligne

    9u, rserve faite du problme du culte imprial, les Chrtienssont de bons citoyens.

    Elle insiste enfin sur I'harmonie et la complmentarit des intrtset des fins entre l'glise et I'Empire, entre l'unit spirituelle et l'unitpolitique. comme l,crivent les idologues chrtiens du lllme sicle,i'Empire trouvera davantage de ciment dans un Christianisme ieuneet fort que dans un paganisme en dclin.

    On sait le poids que cet argument prendra dans I'esprit de l'empereurConstantin, mais auparavant, l'glise aura vaincu sur le terrain de lasocit civile.

    A I'origine, la communaut chrtienne se trouve en face d'unesocit imprgne de paganisme, trs diffrencie entre riches etpauvres, dure aux petits et aux humbles, dmoralise et relativementpessimiste.

    Vis--vis de cette socit, elle se partage trs vite entredeux cour1nts'.

    un courlnt du refus, prconisant le reiet total du monde antique, de sasocit et de sa culture, el tn courgnt fovorisant ou contraire lecompromis, I'intgration et la transformation du monde antique trdeI'i ntrieu r>.

    Les partisons du refus considrent la Socit antique comme ledomaine du dmon; il faut donc rompre avec elle et s'en retirer,sous peine d'tre contamin, dvoy par elle.

    Par ailleurs, toutes les vrits utiles dans tous les domaines sontconsignes dons l'Ecriture; la philosophie, la spculation sont inutileset dangereuses; l'hritage de la culture et de la sagesse antiques estdonc ntirement rejet, au prix d'un anti-intellectualisme parfoisvirulent.

    Le courant du refus regroupe des Chrtiens d'origine iuive, rfractaires

    l'hellnisme , des fidles influencs por les perspectives de I'Apocolypse

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  • t

    et, d'une faon gnrale, ceux qui, sur le plan de l'organisation, seprononcent en faveur d'une glise des Purs.

    Divers facteurs jouent en sa faveur: le recrutement initial de lacommunaut dans les couches populaires, dj exclues de la socitpar leur pauvret; la lutte acharne conduite par l'glise contre ledferlement de la spculation gnostigue, qui conduit beaucoup deChrtiens une sorte de

  • si on les prtend athes. ll en fut ainsi de Socrate et d'Hracliteparmi les Grecs...> (Apol. l, 46, 1-4\.

    (Apol. ll, 13).

    Comment exprimer plus clairement la volont des Chrtiens d'appa-ratre comme les hritiers privilgis, sinon exclusifs, de tout ce quela culture antique a pu produire de beau, de bon et de vrai ?

    Mais les auteurs d'Apologies rappellent cependant que, livre elle-

    mme, lo Roison demeure foible, impuissonte, vulnroble. Elle a besoind'tre taye et guide par la Rvlation. Avant I'lncarnation, les sageset les philosophes n'ont pu produire que des vrits tronques etfragiles. Seul l'vangile peut les complter et les consolider.

    ll s'ensuit que la Philosophie et la Foi, la Spculation et la Rvlationne sont pas antagonistes, mois complmentoires: la premire conduitnaturellement la seconde, qui I'achve et lui donne son sens.

    Sur le plan culturel, l'glise rencontre donc le dilemme classique,affront par tous les partis du changement, entre lo rupture et loconti nuit .

    Privilgier la rupture, c'est limiter le recrutement et I'audience,mais prserver la puret de la doctrine.

    Privilgier la continuit, c'est au contraire faciliter l'adhsion dugrand nombre, mais au risque d'dulcorer le message.

    On ne sera pas surpris que l'glise adopte cesecond parti,ce qui estcohrent avec son option en faveur d'une glise de masse, mais bienentendu un tel choix I'exposera bien vite aux assauts des entreprisesrformatrices.

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  • Je conclus. J'espre avoir mis en vidence le rle qu' travers sarflexion sur la Trinit et sur le Christ, la thologie chrtienne a joudans l'laboration de la pense dialectique. J'espre aussi avoir montrque le dveloppement de l'glise primitive reprsente sans doute lapremire grande exprience de construction du parti que nous offrel'histoire.

    Mais de telles conclusions ne sont plus trs originales. J'aimeraisterminer sur une autre .remarque. Depuis Raymond Aron et JulesMonnerot, il est devenu banal de dfinir le marxisme comme unereligion sculire, et le Parti rvolutionnaire comme une glise lai'que.Contre de telles analogies, je n'ai pas d'ob.iection de principe, si I'onveut bien m'acorder en retour que le premier Christianisme estune politique de la Transcendance, et la premire glise un parti dela foi. Toutes ces formules visent en fait I'envers et l,endroit d'unemme mdaille, les deux versions d'une mme modalit de I'actionpolitique. Ce que la crise du marxisme vient mettre en vidence aprscelle des glises, c'est peut-tre alors la maturation et l'mergenced'une autre politique, d'une forme de l,action politique radicalementnouvelle. Mais ici je m'arrte: cette confrence est place sous l'gidedu Perroquet, et sur le dernier point voqu, les lecteurs du perroqueten savent autant, sinon davantage, que moi.

    JI

  • NAISSANCE, CROISSANCE ET VICTOIRE DU PARTICHRTIEN, DU ler AU V SIECLE DE NOTRE ERE(Confrence prononce le'13 Mai 1985 par Emmanuel Terray)

    La lutte et la victoire du Christianisme primitif, des origines laconversion de Constantin, peuvent tre regardes qussi comme desprocs de caractre politique: dans la confrontation avec la culturepai'enne, dans la rsistance aux perscutions, dans le combat livraux dviations opportunistes ou sectaires, une idologie prend corps,dont I'ambition explicite est de conqurir I'hgmonie universelle.Elle s'en donne le moyen en laborant ce que I'on appellera la