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REPUBLIQUE DU SENEGAL UN PEUPLE- UN BUT- UNE FOI PRIMATURE ECOLE NATIONALE D’ADMINISTRATION DIVISION ECONOMIQUE ET FINANCIERE Promotion 2013-2015 SECTION IMPOTS ET DOMAINES MEMOIRE DE FIN D’ETUDES : Présenté par : Ahmadou Bamba NDIAYE, Elève- Contrôleur des Impôts et des Domaines, Cycle B Sous la direction de : Serigne Moussa DIOP, Conservateur de la propriété et des droits fonciers au Centre des Services Fiscaux de Rufisque

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REPUBLIQUE DU SENEGAL

UN PEUPLE- UN BUT- UNE FOI

PRIMATURE

ECOLE NATIONALE D’ADMINISTRATION

DIVISION ECONOMIQUE ET FINANCIERE

Promotion 2013-2015

SECTION IMPOTS ET DOMAINES

MEMOIRE DE FIN D’ETUDES

:

Présenté par : Ahmadou Bamba NDIAYE, Elève-Contrôleur des Impôts et des Domaines, Cycle B Sous la direction de : Serigne Moussa DIOP, Conservateur de la propriété et des droits fonciers au Centre des Services Fiscaux de Rufisque

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« Le contentieux en matière foncière et domaniale dans les communes de Ngor, Ouakam et Yoff »

Ahmadou Bamba NDIAYE, élève-contrôleur des Impôts et des Domaines, ENA, 2013-2015

DEDICACES

Je dédie ce modeste travail à feu mon père, Amadou Abdoulaye

NDIAYE, Contrôleur des Impôts et des Domaines, arraché à notre

affection au moment où nous avions le plus besoin de ses conseils, de sa

sagesse. Un père qui, tout au long de son existence, n’a cessé de nous

aiguillonner, de nous assister, de nous montrer le droit chemin. Que la

terre sainte de Touba te soit légère, très cher papa Lamyati.

A mon adorable mère, Ndèye Seynabou SECK, pour l’éducation

exemplaire qu’elle a tenu, vaille que vaille, à nous prodiguer ;

A mes frères Papa, Mouhamed Thiéyacine, Mourtada et mes sœurs

Coura, Khady, Anta, Aicha pour le soutien moral et affectif qu’ils me

portent quotidiennement et pour toute la fraternité qui nous lie ;

A Médoune SECK, Boubacar Salim SECK, Amara SECK, Leuch, Iba

SECK, Omar, Justin, mes oncles maternels et Assane, Kader, Izan

NDIAYE, mes oncles paternels ;

A mes cousins Babacar MBOUP et Bara SECK;

A mes beaux-frères Modou DIONE et Pape Cheikh DIOUF

A ma nièce Fatou Kiné DIONE, à mon neveu Nouhou DIABY,

A mes amis et collègues Maguette DIAGNE, Safiétou BADIANE

,Thiaba DIOUF, Mamadou SOW, Ahmeth Lamine BABOU, Omar

NDOUR, Seydina TRAORE, Ameth LO, Senghane NDAO, Meums

NDIAYE, Méta NDOYE, Mor DIOUF, Mor SECK, Khady NIANG,

Kiné TOURE, PAPISCO, Tapha DIOP, Rokhaya Kane DIALLO, Saliou

Pouye NDIONE, Saliou NDIONE, Ass Malick Diop, Khadim DIOP,

Chérif, Tendeng, Mouhamed NDOUR, Julien GOMIS, Abdou Karim

NDIAYE, DIALLO domaine national, Tapha NIANG, Didi, Maty

Cheikh, Fodé, Madidash, Omar, Doyen NGOM, Ousmane Diagne, Gora,

PMD, Diop, Dieng, Ndoye, Ibra, Khady , mes amis de Sanar, mes

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autres collègues de l’ENA, toutes sections confondues, mes partenaires

de la Section Impôts et Domaines, Promotion 2013-2015 ;

A Mariama DIOP, pour la page de garde ;

A Yaye Fatou FAYE, dont la présence à nos côtés a été une source

incommensurable de motivation.

Puisse chaque être de mon entourage se reconnaitre pleinement à

travers ce mémoire qui consacre deux années de dur labeur à l’unique

finalité de pouvoir, ultérieurement, servir dignement mon pays.

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier chaleureusement mon encadreur, Serigne Moussa

DIOP, Conservateur de la propriété et des droits fonciers du CSF de

Rufisque pour avoir accepté de superviser ce travail et de partager

avec moi le fruit de sa riche expérience .

Mes remerciements les plus sincères vont également à l’endroit de :

Monsieur Allé SINE, Inspecteur des Impôts et des Domaines, à la

retraite, pour avoir lu et corrigé ce mémoire. « L’acte a été à la

dimension de l’homme » ;

Monsieur Cheikh Mouhamadou Hady DIEYE, chef du CGE pour

les corrections apportées à ce travail ;

Madame SOW, Censeur du Lycée John Fitzgerald Kennedy, pour

avoir veillé au respect de la syntaxe et des règles

grammaticales ;

Madame Adja Aissatou NIANG, Inspectrice des Impôts et des

Domaines, chef de la section affaires foncières, domaniales et

cadastrales de la DLEC pour les informations gracieusement

mises à ma disposition ;

Monsieur Mor FALL, Inspecteur des Impôts et des Domaines,

Chef du Bureau des Régimes fiscaux spécifiques sis à la DLEC,

pour l’entretien qu’il a bien voulu nous accorder ;

Monsieur Cheikh Oumar Bayo FALL, archiviste de la

DGID pour la panoplie de documentation qu’il m’a transférée ;

Messieurs Moustapha GUEYE, contrôleur des Impôts et des

Domaines, Mamadou NDAO, élève-inspecteur des Impôts et des

Domaines, Souleymane DIAGNE, Directeur de cabinet du maire

de Ouakam pour les documents qu’ils nous ont chaleureusement

offerts ;

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Monsieur Ousseynou NIANG, Chef de la section Géomatique/

Bureau du Cadastre au CSF de NGA pour l’élucidation des

aspects cadastraux relatifs à mon mémoire ;

Mention spéciale à Monsieur Mansour DIOP, agent au bureau

de la conservation foncière du CSF de NGA qui n’a franchement

ménagé aucun effort pour nous aider dans la collecte des

informations nécessaires à la rédaction de ce mémoire ;

Monsieur Abdoulaye SIDIBE, délégué du quartier de Ouakam

pour les sages conseils qu’il m’a prodigués ;

Monsieur El Hadj Ismaïla DIENE, Secrétaire général du Conseil

des Jambours de Ouakam, écrivain, enseignant à la retraite, un

vieux d’une sagesse extraordinaire qui a participé pleinement à

la connaissance de la sociologie des collectivités Lébou de Ngor,

Ouakam et Yoff ;

Monsieur Saliou SAMBA, Adjudant-Major à la retraite, chef du

village traditionnel de NGOR, pour l’entretien très fructueux

que nous avons eu le mercredi 15 avril 2015 ;

Monsieur Chérif KANDJI, Chef de la division technique et de

l’aménagement urbain, agent voyer de la mairie de YOFF pour

nous avoir reçu le 17 avril 2015 ;

Monsieur Mamadou MBENGUE, de la mairie de Yoff, pour toute

sa disponibilité ;

Madame Rocky DIONE DASILVA, magistrate au Parquet du

TGI ex TR;

Monsieur Souleymane TRAORE, l’informaticien de la mairie de

Ouakam, pour la riche documentation qu’il m’a donnée

relativement au contentieux sur les « Niayes de Ouakam » ;

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Monsieur Abdou GNINGUE, Inspecteur des Impôts et des

Domaines chargé des affaires foncières et domaniales à la DRD

pour les éclairages qu’il a bien voulu nous apporter ;

Et enfin, mes remerciements vont à l’endroit de tous ceux et

celles qui m’ont, directement ou indirectement, aidé dans la

conception de ce travail. Qu’Allah vous rétribue au centuple, vos

actes de générosité.

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AVERTISSEMENT

Les opinions émises dans ce mémoire sont propres à

l’auteur. Elles n’engagent ni le directeur de mémoire

ni l’Ecole Nationale d’Administration

(ENA).

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SIGLES ET ABREVIATIONS

APECSY : Association pour la Promotion Economique Culturelle et Sociale de Yoff

CDE : Code du Domaine de l’Etat

CGI : Code Général des Impôts

CISIF : Cabinet International de Sécurité Immobilière et Foncière

CL : Collectivité Locale

COCC : Code des Obligations Civiles et Commerciales

CONGAD : Conseil des Organisations Non Gouvernementales d’Appui au Développement

CSF : Centre des Services Fiscaux

CNRF : Commission Nationale de Réforme Foncière

DSCOS : Direction de la Surveillance et du Contrôle de l’Occupation du Sol

ECUP : Expropriation pour Cause d’Utilité Publique

NGA : Ngor-Almadies

NICAD : Numéro d’Identification Cadastral

PAGEF : Projet d’Appui à la Réforme de la Gestion du Foncier Urbain

TDR : Termes de Référence

TGI : Tribunal de Grande Instance

TI : Tribunal d’Instance

TF : Titre Foncier

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EPIGRAPHE

« Au Sénégal, la terre a toujours été un enjeu économique,

politique et social ainsi qu’une source de conflits entre ceux

qui déclarent en être les maitres, ceux qui l’exploitent

effectivement et ceux qui légifèrent sur ses composantes »

Ciré SALL, ancien Directeur des Domaines

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Avant-propos

Il est de coutume, à l’Ecole Nationale d’Administration, de rédiger, conformément au décret

n° 2011-1704 du 06 octobre 2011 portant organisation de ladite structure, un mémoire de fin

d’études qui porte sur une thématique susceptible d’intéresser l’Administration de manière

générale mais aussi (chacun, selon sa spécialité) la Direction Générale des Impôts et des

Domaines, de manière particulière. C’est pour sacrifier à cette tradition que nous avons porté

notre choix sur « Le contentieux en matière foncière et domaniale dans les communes de

Ngor, Ouakam et Yoff ».

Le choix de ce sujet n’est pas fortuit. En effet, habitant à Ouakam qui forme, avec Ngor et

Yoff, le « Taank », nous avons remarqué qu’il y avait une floraison de litiges fonciers qui

polluaient la vie harmonieuse en toute solidarité et fraternité telle que préconisée par Ballobé

DIOP, plus connu sous le nom de Dial DIOP, premier Grand Serigne de Dakar et l’une des

figures les plus emblématiques de la communauté lébou (bon nombre de liens familiaux ou

amicaux ont été rompus à cause de ces litiges fonciers). Depuis 1901, la zone est en proie à de

violents conflits fonciers, partant de la revendication de la propriété des Niayes des Mamelles

opposant Ngor et Ouakam (terrain qui deviendra le fameux TF 5007) à celle relative à

Mbokhehe, actuel emplacement de l’aéroport LSS, qui deviendra, par la suite, le TF 4407.

A la base donc, les litiges fonciers les plus tenaces opposaient les collectivités elles-mêmes.

Mais avec le temps, les évolutions démographiques, la pression foncière et l’urbanisation de

ce qui, pendant longtemps n’a été considéré que comme un grand village, ont rendu un peu

plus complexes les litiges fonciers et domaniaux, impliquant des acteurs divers et constituant

un véritable casse-tête pour les autorités.

Cet état de fait compliquait donc la tâche aux autorités administratives ayant certaines

attributions en matière foncière (sous-préfecture des Almadies, Préfecture et Gouvernance de

Dakar) ; au bureau des Domaines, de la Conservation foncière et du Cadastre du CSF de

Ngor-Almadies.

Les populations elles-mêmes n’arrivaient que très difficilement à sécuriser leurs opérations

foncières ou même à trouver des clients à qui vendre dans la mesure où une rumeur planait

sur le caractère risqué des acquisitions immobilières dans les villages traditionnels de Ngor,

Ouakam et Yoff de surcroit lorsqu’on n’en est pas originaire.

Il urgeait donc de voir ce qui faisait la particularité de cette zone au point qu’elle constitue

l’épicentre de la plupart des litiges fonciers et domaniaux (les plus complexes, d’ailleurs) au

niveau de Dakar.

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Pour la réalisation de ce travail, une démarche ternaire a été adoptée. Dans un premier temps

nous avons procédé à la collecte de tous les documents relatifs au foncier et susceptibles de

nous intéresser (ouvrages, textes légaux et règlementaires, articles de presse, travaux

universitaires, jurisprudence rendue en matière foncière et domaniale relativement à la zone

d’étude, actes de colloques nationaux et internationaux sur le foncier urbain de Dakar et des

zones environnantes).

Ensuite, nous avons effectué un travail typiquement empirique consistant en une descente sur

le terrain à la rencontre des personnes-ressources (inspecteurs et contrôleurs, agents d’assiette,

géomètres, autorités coutumières, c’est-à-dire les djaraffs, les diambours, chefs de village,

saltigués, freys, les autorités municipales des trois mairies concernées, les structures

administratives couvrant la zone notamment la sous-préfecture de l’arrondissement des

Almadies, la Préfecture et la Gouvernance de Dakar, les autorités administratives

indépendantes notamment le Médiateur de la République, les autorités judiciaires notamment

les juges du Tribunal de Grande Instance (ex Tribunal régional depuis la réforme de

novembre 2014) et de la Cour suprême,) susceptibles de nous renseigner sur leurs expériences

personnelles et respectives en matière de gestion foncière et domaniale mais aussi en matière

de prévention ou résolution des contentieux d’ordre foncier et domanial.

Et enfin, à l’issue de la confrontation de tous les renseignements glanés çà et là auprès des

différentes autorités rencontrées suivie d’un travail de recoupement, nous avons procédé à la

rédaction de ce mémoire en vue de contribuer modestement à ce qui a été déjà dit

relativement à la gestion du contentieux en matière foncière et domaniale.

L’entreprise n’a pas du tout été facile. Toutes les portes ne nous ont pas été ouvertes, un

manque de temps, de disponibilité, des réserves dues au caractère sensible de certaines

affaires, une méfiance dû au soupçon d’une attitude inquisitrice nous ont été opposés. En

effet, certaines autorités nous ont confondu avec des journalistes trop souvent accusés de

dévoyer les propos, les faits recueillis et donc de ne pas être fidèles dans leur reproduction.

Néanmoins, toutes ces réticences ne nous ont aucunement empêché d’aller jusqu’au bout de

cette mission, de ce sacerdoce que nous nous étions assigné.

Enfin, ce document ne prétend nullement être une monographie des conflits fonciers et

domaniaux dans les communes de Ngor, Ouakam et Yoff mais seulement une modeste

contribution au travail d’inventaire des contentieux fonciers, et à la recherche de solutions

définitives ou en tout cas durables pour leur résolution pacifique sans dégâts collatéraux.

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SOMMAIRE

Introduction générale

PREMIERE PARTIE : LES SOURCES DU CONTENTIEUX EN MATIERE

FONCIERE ET DOMANIALE DANS LES COMMUNES DE NGOR, OUAKAM ET

YOFF

CHAPITRE 1°/ Le contentieux du fait de l’Etat et de ses démembrements

Section 1)- Les litiges nés du fait de l’Administration

Section 2- Les litiges occasionnés par les collectivités locales de Ngor, Ouakam et Yoff

Section 3- Des litiges provenant de l’application des textes pris en matière foncière et

domaniale

Chapitre 2°/ les sources extra-étatiques du contentieux en matière foncière et domaniale

dans les communes de Ngor, Ouakam, Yoff

Section 1 –Le fait des particuliers dans la naissance des litiges fonciers et domaniaux

Section 2- la survivance des pratiques coutumières en matière de gestion des terres

DEUXIEME PARTIE : LA GESTION DU CONTENTIEUX EN MATIERE

FONCIERE ET DOMANIALE DANS LES COMMUNES DE NGOR, OUAKAM,

YOFF

Chapitre 1°/ La gestion pacifique des litiges fonciers et domaniaux

Section 1 – gestion prévisionnelle des conflits fonciers et domaniaux

Section 2 – La gestion administrative des litiges fonciers et domaniaux

Section 3 – La gestion alternative des litiges fonciers et domaniaux

Chapitre 2- La gestion juridictionnelle du contentieux en matière foncière et domaniale

dans les communes de Ngor, Ouakam, Yoff

Section 1 – Les règles de compétence juridictionnelle

Section 2- La portée des décisions rendues en matière foncière et domaniale

CONCLUSION GENERALE

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INTRODUCTION GENERALE

La terre en tant que ressource naturelle, a toujours fait l’objet des convoitises les plus

acharnées de la part aussi bien des acteurs publics que privés. En effet, pour l’Etat et ses

démembrements, la terre constitue une énorme source de richesses dans la mesure où elle

constitue l’assiette directe1 ou indirecte2 d’impôts aussi bien d’Etat que locaux notamment les

impôts fonciers. Ces derniers sont à juste titre définis comme étant l’ensemble des

prélèvements qui ont pour assiette le sol, qu’il corresponde (ce sol) à des terrains bâtis ou non

bâtis. Les impôts fonciers connus à cet effet sont au nombre de quatre (4). Il s’agit

essentiellement de la contribution foncière des propriétés bâties (CFPB), de la contribution

foncière des propriétés non bâties (CFPNB), de la surtaxe sur les terrains non bâtis ou

insuffisamment bâtis (qui vise à lutter contre la spéculation foncière et qui constitue la

contrepartie payée par le propriétaire à l’Etat en raison de la réalisation d’aménagements,

d’installations, d’opérations d’urbanisme, et d’équipements collectifs à caractère économique,

social et culturel faits par ce dernier et qui ont permis de donner plus de valeur à son terrain)

et enfin de la taxe sur les ordures ménagères.

Egalement, en cas d’expropriation pour cause d’utilité publique, il est dû à l’Etat, par

l’exproprié, une indemnité de plus-value calculée en application d’un taux proportionnel qui

ne peut excéder trente-cinq (35%), sur la valeur des terrains bâtis, non bâtis ou

insuffisamment bâtis3. C’est donc à juste titre que Monsieur Paul Mathieu a pu dire que

« l’Etat fait de la terre aujourd’hui, plus qu’hier, un véritable levier de développement

économique4 ».

De plus, l’intérêt tout particulier que l’Etat porte à la sécurité des opérations foncières et

domaniales, a justifié la création, au sein de la Gendarmerie nationale, d’une section

spéciale chargée de la surveillance domaniale. Aux termes de l’article 3 du décret n° 2007-

868 du 7 août 20075, cette section spéciale a pour mission d’assurer la surveillance du

1 En ce qui concerne la CFPNB, l’assiette sur laquelle est assise l’imposition est la valeur vénale du terrain. Donc c’est la terre qui est ici appréhendée directement dans le cadre du calcul de l’impôt foncier. 2 En ce qui concerne l’impôt sur le revenu foncier (IRF), de contribution des patentes, l’assiette est constituée par la valeur locative de l’immeuble. Or cette VL n’existe que parce qu’il y’a, à la base, une terre qui a servi pour la construction de l’immeuble. 3 Articles 37, 38, 39 loi n° 76-67 du 02 juillet 1976 4 Paul Mathieu « La sécurisation foncière, entre compromis et conflits », Cahiers Africains n° 23-24, Paris, L’Harmattan 1996, p28

5 DECRET n° 2007-868 du 7 août 2007 portant création au sein de la Gendarmerie nationale d’une section

spéciale chargée de la surveillance domaniale , J.O. N° 6381 du Samedi 22 décembre 2007

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domaine privé de l’Etat, du domaine public et du domaine national. A ce titre, elle est

chargée :

de la surveillance et du contrôle du domaine de l’Etat ;

de la surveillance et du contrôle de l’occupation du sol, des constructions,

aménagements, travaux sur toute l’étendue du territoire national ;

d’apporter son concours aux unités de gendarmerie ;

de veiller au respect des lois et règlements en matière d’urbanisme et d’occupation des

sols ;

de la constatation des infractions relatives à l’occupation du sol.

La mise sur pied d’une telle structure vise également à prévenir certains litiges fonciers ou à

défaut, d’y apporter des solutions pratiques qui permettront de les résoudre avant qu’ils

n’atteignent des proportions démesurées.

De même, avec le décret n° 81-557 du 21 mai 1981, une Commission de Contrôle des

Opérations Domaniales (CCOD) a été instituée. Elle est chargée de donner son avis sur

l’opportunité, la régularité et les conditions financières de toutes les opérations portant sur le

domaine privé de l’Etat, des collectivités locales et des Etablissements publics.

L’article 55 du CDE dispose, à ce propos que : « les projets intéressant le domaine de l’Etat,

des communes, des établissements publics et des sociétés d’économie mixte soumises au

contrôle de l’Etat, sont soumis à l’avis d’une CCOD ».

Toutes ces mesures montrent l’intérêt et l’implication de l’Etat par rapport aux questions

relatives à la gestion foncière et domaniale.

La terre intéresse également les promoteurs immobiliers dans la mesure où elle leur permet

d’ériger leurs projets de construction, de réaliser leurs investissements. Surtout qu’au cours de

cette dernière décennie, la vente d’immeubles et de terrains est devenue une activité très

rentable à cause de la forte augmentation de la demande face à une offre d’une faiblesse

notable, de surcroit dans les agglomérations dakaroises.

Elle intéresse davantage les populations car constituant pour elles, le socle de leur habitat

social, l’aire géographique sur laquelle elles exercent leurs activités agricoles, qu’elles soient

de subsistance ou destinées à la transformation industrielle. « La terre étant un bien au service

des morts, des vivants et de ceux qui vont naitre, elle doit être mise en valeur non plus avec

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les bras mais avec les moyens les plus modernes pour éviter à notre pays d’être riche en

potentialités tout en continuant d’être habité par des pauvres6 ».

La terre sert donc doublement à l’Homme: à la fois comme moyen d’exploitation et comme

support pour leur habitation. Ce dernier aspect nous semble plus important pour des

considérations d’ordre sociologique.

En effet, la vocation de tout être humain est d’avoir un titre de propriété qui lui est propre

matérialisé par un titre foncier (TF) en bonne et due forme. C’est, conscient de cette réalité

que l’Etat du Sénégal a pris une mesure à incidence grandement sociale : la loi n° 2011-06 du

30 mars 2011 autorisant « la transformation gratuite sans formalités préalables en titres

fonciers des permis d’habiter et titres assimilés, délivrés sur les terrains domaniaux destinés

à l’habitation, situés dans les centres urbains7 », ladite mesure étant étendue aux terrains dits

de « Tound » de Dakar Plateau afin de parer à une certaine insécurité juridique qui existait en

plein centre de Dakar. Cette mesure confère donc le droit de propriété aux personnes qui

étaient bénéficiaires des titres ci-dessus énoncés. Ce droit de propriété est

constitutionnellement consacré et garanti.

En effet, aux termes de l’article 8 de la Constitution du 22 janvier 20018 , « la République du

Sénégal garantit à tous les citoyens les libertés individuelles fondamentales, les droits

économiques et sociaux ainsi que les droits collectifs. Ces droits sont notamment : « [le droit

de propriété] ». Ce dernier est défini comme étant un droit définitif, inattaquable, exclusif et

perpétuel dont dispose une personne physique ou morale sur un bien meuble ou immeuble. Le

propriétaire pouvant ainsi jouir pleinement de son bien, en tirer librement les fruits et enfin,

l’aliéner à sa guise. Ce droit de propriété ne peut être remis en question que pour cause

d’utilité publique et moyennant une indemnité juste et préalable, conformément aux termes de

l’article 15 de la Constitution.

L’alinéa 2 de cet article réaffirme un autre principe en matière de « gouvernance foncière » :

la parité dans l’accès à la terre en ces termes : « l’homme et la femme ont également le droit

d’accéder à la possession et à la propriété de la terre dans les conditions fixées par la loi ».

C’est dans leur souci de promouvoir l’effectivité d’une telle « parité foncière » que beaucoup

d’organisations non gouvernementales ont commencé à s’intéresser aux problématiques

foncières et domaniales. La structure la plus en vue dans cette mission est le Conseil des

6 Ciré SALL, ancien Directeur des Domaines, Préface de l’ouvrage, La problématique foncière à l’épreuve des temps, de Monsieur Alla Kane, CISIF, page 4 7 Article premier loi 2011-06 du 30 mars 2011 8 Adoptée par voie référendaire le 07 janvier 2001 et promulguée le 22 janvier 2001

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Organisations Non Gouvernementales d’Appui au Développement (CONGAD9) qui vise à

lutter contre toute forme de discrimination à l’endroit des femmes et des jeunes par rapport à

l’accès à la terre. Selon eux, « le taux d’accès moyen des femmes et des enfants au foncier

tourne autour de 4 à 5% au Sénégal10 » alors que l’expérience a montré que ces deux entités

étaient les plus actives dans la valorisation des terres (surtout celles destinées aux travaux

champêtres en milieu rural).

Leur dessein actuel en la matière est d’aider à la promotion d’une bonne « gouvernance

foncière » surtout en ce qui concerne la gestion et l’accès au foncier agro- sylvo pastoral car

selon eux, « la sécurité de l’accès à la terre et des droits fonciers est souvent essentielle dans

le cadre de la sécurité alimentaire et du développement rural durable11 ». Une « charte locale

sur la bonne gouvernance foncière » a même été élaborée à cet effet.

Les questions foncières et domaniales intéressent, par ailleurs, les organismes internationaux,

les partenaires au développement, notamment l’Union Européenne 12 . C’est dans ce sens

qu’un Projet d’Appui à la Réforme de la Gestion du Foncier Urbain (PAGEF) a été élaboré,

qui porte sur un montant de sept millions (7.000.000) d’euros pour une durée d’exécution de

cinq (05) ans avec une période de contractualisation de trois (03) ans. Ce projet entre dans le

cadre de la coopération UE/Sénégal. Cet engouement des acteurs internationaux aux questions

foncières et domaniales a conduit d’aucuns à se demander « si le foncier s’était

internationalisé13 ».

Avec cette collaboration impliquant des acteurs divers, le Sénégal entend installer un régime

foncier et domanial adapté aux réalités du 21ème

siècle capable de réaliser les conditions d’un

développement harmonieux et durable de notre pays s’appuyant sur une gestion vertueuse des

terres où les litiges fonciers ne seront que de vieux souvenirs.

Cet intérêt commun des acteurs à la fois étatiques et non étatiques sur les questions foncières

et domaniales justifie l’intervention plurielle d’autorités diverses dans la gestion des terres.

Cette pluralité d’acteurs, combinée à une propension nouvelle à l’accaparement des terres

matérialisée par une boulimie foncière des plus prononcées, constituent des problématiques

9 Regroupement de 178 ONG nationales, étrangères et internationales. Oxfam et Caritas travaillent aussi très souvent sur les problématiques foncières et domaniales 10 Boubacar SECK, secrétaire exécutif du CONGAD 11 Adriana HERRERA et Maria Guglielma DA PASSANO in, Gestion alternative des conflits fonciers ,document produit par le service des régimes fonciers de la Division du Développement rural, FAO, Rome, 2007 12 Le premier protocole de la Convention européenne des droits de l’Homme stipule que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international 13 Hamid FALL, « le domaine privé de l’Etat à l’épreuve du fait urbain : les perspectives d’une gestion patrimoniale »,

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tellement ardues qu’elles conduisent très souvent à des conflits, des litiges fonciers et

domaniaux. Une telle situation est préjudiciable aussi bien pour l’Etat, ses démembrements

que pour les particuliers car étant à la base d’une instabilité foncière et domaniale, d’une

insécurité menaçant à la fois les transactions foncières et les investissements14.

Ayant constaté également une prolifération des litiges fonciers sur toute l’étendue du territoire

national 15 , particulièrement dans les villages traditionnels lébou, nous avons décidé de

consacrer une réflexion au « contentieux en matière foncière et domaniale dans les

communes de Ngor, Ouakam et Yoff ». Une élucidation conceptuelle nous permettra de

mieux appréhender l’étendue et les contours du sujet.

Le terme « contentieux » désigne un état de querelle, de blocage relationnel découlant d’un

malentendu, d’une mésintelligence, d’un conflit entre deux ou plusieurs parties et qui fait

obstacle à une coexistence pacifique entre elles. Dans son acception technique, il renvoie à un

ensemble de différends opposant deux ou plusieurs parties et susceptibles de faire l’objet

d’un recours administratif ou/et d’un recours juridictionnel. La matière litigieuse ou la qualité

des parties aux prétentions divergentes détermineront la juridiction compétente.

La matière foncière désigne les éléments et les droits inhérents au sol et plus particulièrement

aux biens immeubles.

Concernant la matière domaniale, on entend à travers cette expression, tout ce qui se rapporte

aux différents types de domaine existant au Sénégal. A ce propos, rappelons qu’au Sénégal

nous avons, à l’heure actuelle, d’une part le domaine de l’Etat, d’autre part le domaine

national et enfin le domaine des particuliers.

Le domaine de l’Etat, régi par la loi n° 76-66 du 02 juillet 1976, est composé du domaine

public et du domaine privé (article 1 CDE). Le domaine public est constitué par l’ensemble

des biens mobiliers ou immobiliers, immatriculés ou non, naturellement ou artificiellement

affectés à l’usage de tous ou à la protection de tous. Ses caractéristiques principales sont

l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité. Il ne peut y être concédé que des permissions de voirie,

des concessions ou autorisations d’occuper et des autorisations d’exploiter.

Quant au domaine privé, il est constitué par l’ensemble des immeubles immatriculés au nom

de l’Etat et ne constituant pas des dépendances du domaine public. Ces immeubles peuvent

14 Litige foncier opposant le milliardaire nigérian Aliko DANGOTE à la famille de feu Serigne Saliou Mbacké; litige foncier opposant Koromak FAYE à la SAPCO, concernant des terrains sur lesquels le « Saltigué » affirme avoir investi plus de 200 millions pour la réalisation d’infrastructures touristiques et hôtelières 15 Affaire Fanaye (litige portant sur 20.000 ha que des conseils ruraux voulaient affecter à une firme italienne Sen Ethanol en 2011) ; Litige foncier à Sangalkam ; Terme-Nord ; Terme-Sud (les litiges les concernant seront traités dans le cadre des développements)

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constituer des terrains affectés au fonctionnement des services publics de l’Etat ou bien

attribués à des particuliers dans des conditions conformes à l’intérêt général en vue de la

réalisation de projets présentant un caractère économique, social ou culturel (article 21 CDE).

Les ressources du domaine public appartiennent exceptionnellement au domaine privé de

l’Etat.

A côté du domaine de l’Etat, nous avons le domaine national, institué par la loi numéro 64-46

du 17 juin 1964 qui est venue avec sa panoplie de décrets d’application16.

Le domaine national est composé de l’ensemble des terres non immatriculées inaliénables,

imprescriptibles, insusceptibles d’appropriation privée mises à la disposition de l’Etat et

classées sous la gestion des collectivités territorialement décentralisées. Le domaine national

regroupe plus de 80 % des terres du Sénégal. Il est divisé en zones des terroirs, zones

pionnières, zones classées, et en zones urbaines17.

La loi sur le domaine national constitue un texte d’enjeu majeur dans la mesure où elle a

opéré deux réformes en même temps :

- Une réforme foncière dans la mesure où elle tend à unifier les différents régimes

fonciers tout en respectant le droit de propriété consacré par la Constitution ;

- Une réforme agraire car elle vient organiser et rationaliser l’exploitation des terres

sans bouleverser la vie sociale des paysans.

La loi sur le domaine national visait les objectifs suivants :

Libérer les paysans des servitudes ancestrales, leur assurer une plus grande sécurité,

les encourager à participer efficacement à la construction nationale ;

Donner à l’Etat les moyens d’assurer la bonne exécution du plan de développement ;

Mettre un terme aux agissements des spéculateurs.

Le domaine des particuliers est, quant à lui, composé de toutes les terres qui appartiennent à

des personnes physiques ou morales, appartenance matérialisée par l’existence d’un titre

foncier exclusif, inattaquable et définitif.

A la lumière de ce qui précède, nous pouvons dire que le Sénégal dispose de deux régimes

fonciers distincts : celui de l’immatriculation et celui du domaine national18.

Le régime de l’immatriculation couvre toutes les terres situées aussi bien en milieu urbain

qu’en milieu rural qui ont fait l’objet d’une immatriculation au nom d’une personne -

16 Décret n° 64-573 du 30 juillet 1964 ; Décret n° 64-574 du 30 juillet 1964 ; Décret n°72-1288 du 27 octobre 1972 ; Décret

n° 80-1057 du 14 octobre 1980. 17 Article 4 loi 64-46 18 Alla KANE , La problématique foncière à l’épreuve des temps, page 17 et 18

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physique ou morale de droit public ou privé – qui garantit leur droit de propriété définitif et

inattaquable sur les portions de terrain délimitées.

L’immatriculation est une procédure permettant l’établissement de façon inattaquable, par une

description prise au livre foncier, de la preuve de la propriété et des droits réels qui sont

attachés à un immeuble.

Cette immatriculation reportée dans un registre public appelé livre foncier est matérialisée par

une copie de toutes les mentions dudit registre – communément appelé titre foncier- remise au

titulaire du droit inscrit.

Le régime de l’immatriculation est un mode de gestion introduit laborieusement par le

pouvoir colonial face à la résistance tenace du régime coutumier qui régissait la gestion des

terres avant la colonisation.

Quant au régime du domaine national, il s’applique sur l’ensemble des terres, aussi bien

urbaines que rurales, qui ne sont pas immatriculées et qui relevaient jusque-là du régime du

droit coutumier.

Ce régime, comme ci-dessus énoncé, résulte de la réforme foncière intervenue en 1964 suite

aux conclusions de l’étude faite sur le régime coutumier reprises dans l’exposé des motifs du

projet de loi portant création et organisation du domaine national dont certaines sont

exprimées en ces termes :

« L’Etat, héritier légitime des anciens pouvoirs coutumiers, devient l’unique maitre de la

terre qui est purgée de tous droits et érigée en domaine national ».

« L’Etat a la charge d’assurer, conformément au plan de développement, la mise en valeur

des portions du domaine national qui restent disponibles et constituent les zones pionnières. »

Au plan juridique, ce sont là les deux régimes fonciers qui régissent les terres au Sénégal.

Par ailleurs, en évoquant la notion de contentieux fonciers ou domaniaux dans l’énoncé du

sujet, il s’agira pour nous d’envisager tous les conflits fonciers apparus sur n’importe lequel

de ces domaines dès l’instant que cela se trouve dans les communes de Ngor, Ouakam et

Yoff19. Une présentation sommaire de cette zone d’étude s’impose donc.

19 Selon l’écrivain El Hadj Ismaïla DIENE, octogénaire, natif de Ouakam, et l’Adjudant-Major Saliou SAMBA, jaraf de NGOR, les lébou ayant quitté l’Egypte et suivant leurs différentes pérégrinations, sont venus s’installer sur le littoral sénégalais et y ont fondé un village dénommé Mbohehe qui correspond à l’actuel emplacement de l’Aéroport Léopold Sédar SENGHOR. Entre 1432 et 1550, une partie de ces habitants de Mbohehe se sont isolés pour fonder le village traditionnel de NGOR. Le site d’accueil étant touffu d’arbres, il fallait défricher (GORR, en wolof) avant de pouvoir y habiter. C’est donc d’une déformation du mot GORR que viendrait le mot NGOR. Une autre version raconte que les habitants qui y vivaient étaient réputés pour leur sens de l’hospitalité sans intérêt, et même lorsqu’ils prêtaient de l’argent ou de la nourriture à un inconnu, ils ne l’acculaient jamais pour le paiement. Du coup, on disait d’eux que niou « Goré laniou », « niou am ngorr laniou ». Cinquante ans plus tard, une autre partie a quitté Mbohehe pour aller s’installer

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Composé d’environ 58.418 habitants20, Ouakam est un ancien village lébou devenu une

banlieue résidentielle du département de Dakar dont il constitue l’une des dix-neuf (19)

communes. Elle fait partie de l’arrondissement des Almadies. Ouakam se trouve à l’ouest de

la capitale, le long de la presqu’ile21 du Cap-Vert. Il est dominé par les collines volcaniques

des Mamelles. Ouakam constitue un centre d’attraction touristique, surtout depuis la

construction du Monument de la Renaissance africaine et une nouvelle autoroute dont

l’assiette foncière ayant permis la réalisation a fait l’objet d’une expropriation pour cause

d’utilité publique (ECUP). L’Etat reste devoir la somme de trois milliards cinq cent quatre-

vingt-dix millions (3.590.000) de francs CFA à la communauté lébou propriétaire de ce titre

foncier22 mais dont cette dernière n’arrive toujours pas à disposer en raison de l’inexistence

d’un représentant unique23 et des intenses guerres de positionnement (chacun se réclamant

représentant légitime de ladite communauté en raison des enjeux fonciers et pécuniaires d’une

telle fonction coutumière).

D’une superficie de 450 ha, pour une population d’environ 11.600 habitants, la commune de

Ngor fait également partie de l’arrondissement des Almadies. Elle comprend un village

traditionnel, des aménagements modernes ainsi qu’une ile du même nom : l’ile de Ngor. Cette

ile fait face au village, à 400m à peine. La commune vit essentiellement de la pêche et du

dans la partie du littoral où il y’avait les palmiers afin d’y exploiter le vin de palme dont ils étaient friands. Après, exploitation, ce vin de palme était mis dans des barils, et soigneusement cachés (yoff signifierait « cacher », selon certains historiens) et attendant leur vente pour éviter qu’on ne les vole (Les voleurs de vin de palme « danioudaane yòte pour sathie sangara si », selon les propos de M.DIENE. Pour les désigner, on disait que « nio ngi yòte ». Ce sont les deux explications qui ont été données quant à l’étymologie du mot YOFF. En ce qui concerne l’étymologie du mot Ouakam, on raconte que la dernière composante à quitter le site est allée s’installer dans la forêt de « Kaam ». Avec l’arrivée de la peste qui a décimé une bonne partie d’entre eux, ils se sont déplacés pour venir s’installer dans l’actuel emplacement de Ouakam. Pour les désigner, on disait que « wa kaam mangi né » Voici ceux qui habitaient ou qui sont venus de kaam. La formule a donc évolué pour devenir « Ouakam ». Ces trois villages traditionnels sont liés depuis des temps immémoriaux par un pacte appelé « Pacte de Thaank » qui stipulait une solidarité et une entraide absolues entre tous les lébou du Sénégal. Cette obligation de solidarité et d’entraide avait été réitérée par le premier Grand Serigne de Dakar, l’Imam Ballobé DIOP, plus connu sous le nom de Dial DIOP qui déjà vers les années 1815 disait ceci, à la suite de sa victoire sur le Damel Amary Ngoné Ndella Coumba FALL, alors roi du Cayor : « Les lébou n’ont pas besoin d’un damel (roi) mais de solidarité entre eux. Nos terres sont vastes et fertiles, nos forêts sont giboyeuses, la mer est là, toujours généreuse, chaque village se suffit à lui-même. Nous sommes tous parents, en cas de difficulté, aidons-nous les uns les autres. Dirigez vos villages dans la concertation, la justice, la paix et que votre autorité ne sois pas lourde. Que le frère cadet suive son frère ainé, que le fils suive son père. ». Mais cette solidarité chancèlera vers les années 1901 à la suite des litiges fonciers intervenus entre Ouakam et Ngor et qui ont même été tranchés par le tribunal arbitral musulman, sur instruction du pouvoir colonial. 20 Recensement de 2007, les résultats du dernier recensement n’étant pas encore officiellement publiés 21 Le terme “ile” peut s’écrire avec ou sans accent circonflexe 22 Le fameux TF 5007 dont une partie a servi d’assiette foncière à la réalisation de l’autoroute de la corniche. 23 Il y’a 4 djaraffs à Ouakam : Omar Guèye SAMB ancien footballeur ; Youssou NDOYE le plus célèbre ; Momar GUEYE le plus âgé ; et Alioune GUEYE, le plus jeune certes mais le plus apprécié des adolescents

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tourisme. Elle est composée majoritairement de lébou (le mot étant invariable) venus

s’installer dans la presqu’ile du Cap-Vert au moment de l’éclatement de l’empire du Djolof.

Concernant la commune de Yoff, elle était à l’origine un petit village de pêcheurs lébou fondé

en 1432. Pendant longtemps, Yoff a gardé un caractère rural mais avec l’urbanisation des

dernières décennies, elle a été absorbée progressivement par la ville et sa population est vite

passée de 40.000 à 100.000 habitants 24 . C’est en 1996 que Yoff a changé de statut

administratif pour passer de communauté rurale à commune. En 2006, le village traditionnel

de Yoff a fait l’objet d’une extension permise par le décret n° 2006-02 du 06 janvier 2006.

Le choix de la zone d’étude géographique n’est pas fortuit. Il s’agit, comme le montre la

présentation ci-dessus, de communes à population majoritairement lébou, population connue

pour son profond attachement à la terre et aux questions foncières (première composante de la

population sénégalaise à soumettre leurs litiges fonciers aux juridictions coloniales, première

groupe sénégalais à obtenir des Tf en bonne et due forme etc.). Dans ces zones, subsiste

encore une forme d’organisation sociale et politique traditionnelle particulière. On y rencontre

des autorités coutumières : le « djaraff » qui est l’autorité centrale au niveau du village25 qui

véhicule l’idée suivante : « les premiers occupants, les premiers défricheurs, sont les

possesseurs incontestés et incontestables de la terre », le « ndèye dji rèew » qui gère les

affaires internes du village comme une sorte de ministre de l’Intérieur, le « saltigué » qui est

le chef de guerre. Outre ces chefs coutumiers, le système comporte aussi un conseil des

notables anciens et un conseil des « frey » (les jeunes notables). Ces autorités coutumières

cohabitent avec des autorités locales élues, qui ont des compétences législatives et

réglementaires en matière de gestion foncière et domaniale et des autorités administratives

représentant l’Etat central et qui ont, entre autres missions, la charge d’approuver certains

actes passés par les élus locaux en matière foncière et domaniale26. Et spécifiquement à Yoff,

s’y ajoute un autre ordre : celui des autorités religieuses de la confrérie soufie des layennes

qui utilisent d’importantes surfaces de terres pour leurs pratiques cultuelles et culturelles. Et

sont souvent en conflit avec les djaraffs.

La terre ne cessant de prendre de la valeur en raison de sa monétarisation croissante amenée

par l’urbanisation et du fait qu’elle est un objet d’échange, un instrument de crédit, une

ressource naturelle et un bien pouvant servir d’assiette à des investissements de nature

diverse, les jeux de pouvoir, les conflits d’intérêt entre ces différentes autorités ont commencé

24 Information recueillie au bureau local de l’état civil de Yoff 25 Ces communes étaient d’anciens villages lébou 26Approbation des baux, des morcellements et lotissements etc.

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à pulluler, exacerbés par les pratiques véreuses des spéculateurs fonciers de même que les

promesses politiciennes de quelques hommes politiques. Ces derniers, en période électorale,

font de grosses promesses d’attribution de terres et de régularisation de situations irrégulières

aux autorités coutumières et à la population afin de se rallier leurs suffrages. Les autorités

coutumières quant à elles, s’efforcent de s’assurer des alliés au sein de l’administration ou

auprès des politiques pour traiter leurs intérêts fonciers. Et concernant les pouvoirs

municipaux, ils sont dans une situation délicate car s’ils ne tiennent pas toujours compte des

revendications des grandes familles traditionnelles lébou en matière foncière surtout, ils

s’exposent à une forte résistance de leur part car ces dernières constituent des partenaires

stratégiques pour ce qui est de l’exécution de toutes sortes d’activités municipales, comme la

mobilisation de la population pour des manifestations publiques, et de mauvaises relations

avec les autorités coutumières peuvent se traduire par une perte conséquente de voix lors des

échéances électorales.

Toutes ces interactions complexes entre ces différents acteurs, cet enchevêtrement des

niveaux d’autorité, ont engendré des conflits fonciers à n’en plus finir.

En effet, Ngor, Ouakam et Yoff constituent les communes où il y’a le plus de litiges fonciers

au Sénégal et ces conflits fonciers ne datent pas d’hier. Pendant la période coloniale, les chefs

traditionnels lébou se sont opposés aux tentatives des autorités coloniales d’acquérir leurs

terres dans des buts d’expansion urbaine27. A l’intérieur des familles, les litiges fonciers

consécutifs à des héritages existent depuis des générations car les lébou avaient

traditionnellement un système matrilinéaire dans lequel la terre passait d’oncle maternel à

neveu. L’arrivée de l’islam, cependant, a vu la promotion du schéma de la succession des

terres du père au fils. Le résultat s’est traduit en des disputes fréquentes entre lignages

matrilinéaires et patrilinéaires autour des questions d’héritage de la terre.

La zone de Ngor, Ouakam et Yoff est, en outre, spécifique dans la mesure où on y trouve

jusqu’à présent des modes de tenures coutumières du foncier, doublée d’une résistance accrue

à l’application de certains textes pris en matière foncière et domaniale, notamment la loi sur le

domaine national.

En effet, ces populations lébou considèrent, pour l’essentiel, la loi sur le domaine national

comme un instrument de spoliation de leurs terres qu’ils ont héritées de leurs aïeux. Elles

27 Rapport Laborde, 1995

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ressentent cette loi comme une diminution de leur pouvoir de contrôle sur les terres et une

astreinte aux « caprices » de l’administration28.

Toutes ces considérations liées à la spécificité de la zone en proie à des conflits fonciers des

plus redoutables qui, s’ils ne trouvent pas de solutions à mesure de les éradiquer ou du moins,

les amoindrir, peuvent plomber leur essor économique et culturel, nous ont amené à réfléchir

sur la thématique suivante : « le contentieux en matière foncière et domaniale dans les

communes de Ngor, Ouakam et Yoff ».

Une telle thématique nous semble intéressante à plusieurs égards dans la mesure où elle fait

intervenir une analyse aussi bien juridique que sociologique 29 pour une appréciation

exhaustive et objective de la situation des litiges fonciers dans la zone ciblée.

Sur le plan juridique, le travail consistera à passer en revue les différents textes pris en

matière foncière et domaniale pour voir s’ils sont adaptés à la réalité socio-économique du

Sénégal en général, et des communes de Ngor, Ouakam et Yoff en particulier.

Sur le plan sociologique, la terre sera envisagée comme socle de l’habitat social doté d’une

sacralité présumée ou avérée nécessitant une certaine sécurité, une stabilité puisqu’abritant le

cadre géographique d’expression et d’épanouissement de la famille. D’où la « nocivité » de

tout éventuel litige susceptible de l’affecter.(un litige foncier débouchant sur l’expulsion

d’une famille, crée sa dislocation, avec des conséquences sociales irréversibles).

Sur le plan économique, la terre sera envisagée comme un bien nécessaire à l’investissement,

un instrument de crédit, objet de transactions immobilières, d’échange et de paiement (dation

en paiement, par exemple) ayant elle aussi besoin du maximum de stabilité et de sécurité

possibles. Vu sous cet angle, l’intérêt de ce sujet sera de montrer comment ces conflits

fonciers et domaniaux peuvent être des facteurs de blocage du développement économique

surtout au niveau local.

Dans le dessein d’intégrer toutes ces préoccupations dans le cadre de notre étude, il nous a

semblé nécessaire de répondre à la problématique suivante : quelles sont les modalités

pratiques de résolution du contentieux en matière foncière et domaniale dans les

communes de Ngor, Ouakam et Yoff?

Pris sous un autre angle, nous essaierons de voir quels sont les différents types de litiges

fonciers qui minent la zone ciblée afin de proposer des solutions idoines.

28 Mayke Kaag, Yaram GAYE, Marieke KRUIS, Les conflits fonciers au Sénégal revisités : continuités et dynamiques émergentes , p.31 29 Selon le doyen Abdel kader BOYE, aucune analyse objective d’un système foncier et domanial ne peut se faire sans un recours préalable ou simultané à la sociologie.

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Il s’agira, en définitive, de faire la revue critique et objective de tout le processus de gestion

des litiges fonciers et domaniaux dans la zone ciblée, quelles que soient leurs origines.

En effet, les conflits fonciers peuvent épouser des formes diverses de par leur nature, opposer

des parties différentes, porter sur des matières spécifiques. Ils peuvent découler d’une

défaillance dans la gestion des terres de la part des autorités à qui elle incombe ou de certaines

pratiques non conformes au droit et émanant de personnes malintentionnées. Ils peuvent

résulter de l’ignorance des populations quant aux procédures foncières et domaniales, de

l’application des textes pris en cette matière. Ils peuvent opposer soit l’Etat à des particuliers,

soit les particuliers entre eux-mêmes ou encore les particuliers aux élus locaux, ou enfin ces

derniers aux autorités coutumières.

Leur traitement fait intervenir un ensemble de structures compétentes, aussi bien sur le plan

administratif que judiciaire et à des échelles différentes.

Dans le souci donc de prendre en compte tous ces aspects, notre travail sera divisé en deux

parties essentiellement :

Dans la première partie nous traiterons des sources du contentieux en matière

foncière et domaniale dans les communes de Ngor, Ouakam et Yoff ;

Et dans la deuxième partie, nous envisagerons la gestion, c'est-à-dire la résolution du

contentieux en matière foncière et domaniale dans lesdites communes.

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PREMIERE PARTIE :

LES SOURCES DU CONTENTIEUX EN MATIERE FONCIERE ET

DOMANIALE DANS LES COMMUNES DE NGOR, OUAKAM ET YOFF

« Ainsi le foncier, la terre, cumule t’il bien des fonctions. Outil de travail, lieu

d’investissement, voire de spéculation, il est aussi un lieu d’exercice de règles sociales, des

règles de transmission patrimoniale ; lieu de prélèvement fiscal, il voit prendre corps sur lui,

politiques et jeux institutionnels, contraires ou concurrents ; mais il demeure surtout un lieu

fondamental d’incarnation de l’exercice des pouvoirs »30.

La gestion de ce foncier fait intervenir des acteurs différents chacun étant compétent

concernant une zone bien déterminée. Ainsi, en ce qui concerne le domaine privé de l’Etat et

le domaine public de même que leurs dépendances, leur gestion incombe essentiellement à

l’administration des domaines en collaboration avec les collectivités comme en dispose

l’article 296 du CGCL : « pour les projets initiés sur le domaine public maritime et le

domaine fluvial par les personnes physiques, les collectivités locales ou toute autre personne

morale, il est requis l’autorisation du conseil départemental, après l’avis de l’organe

délibérant de la commune où se situe le projet. Cette délibération est soumise à l’approbation

du représentant de l’Etat ».

Quant au domaine national, sa gestion est dévolue aux collectivités territorialement

décentralisées, notamment aux communes, à la faveur de l’Acte |III de la Décentralisation qui

a institué la départementalisation et la communalisation intégrale après la suppression de la

région et de la communauté rurale comme collectivités locales. De sorte que, même « pour les

projets et opérations qu’il initie sur le domaine national, l’Etat prend la décision après avis

des conseils locaux concernés, sauf impératif de défense national ou d’ordre public »31.

En ce qui concerne le domaine des particuliers, il apparait tautologique de dire que sa gestion

appartient tout bonnement à leurs propriétaires qui en ont l’usus, le fructus et l’abusus.

La philosophie d’une telle répartition (surtout concernant le transfert de compétences en la

matière aux collectivités locales) réside dans la volonté de l’Etat (entre autres finalités) de

faciliter la gestion foncière et domaniale aux fins essentielles d’éviter toute velléité de litige

pouvant émaner du foncier. Mais l’expérience semble montrer que malgré toutes les

précautions prises, le contentieux foncier et domanial est très important au Sénégal, plus

particulièrement dans les agglomérations dakaroises.

30 Bruno FARGETTE, préface à l’ouvrage, Quarante ans de politique foncière en France , Paris, ECONOMICA ; 1986, pp 5 à 13 31 Article 300 Code Général des Collectivités Locales

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En zone rurale, les conflits fonciers opposent généralement éleveurs et agriculteurs

relativement au parcours du bétail, les servitudes de passage et sont d’habitude réglés par les

autorités administratives territorialement compétentes.

En zone urbaine, cependant, ils épousent des formes un peu plus complexes et opposent, pour

l’essentiel l’Etat à des particuliers, les particuliers entre eux-mêmes ou ces derniers avec les

organes délibérants des collectivités locales.

En ce qui concerne plus spécifiquement les communes de Ngor, Ouakam et Yoff, force est de

constater qu’une bonne partie des litiges fonciers et domaniaux sont du fait de l’Etat et de ses

démembrements, c'est-à-dire les collectivités locales ci-dessus énumérés (CHAPITRE 1)

même si d’autres proviennent d’acteurs externes notamment les populations locales et les

autorités coutumières (CHAPITRE 2).

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CHAPITRE 1 - LE CONTENTIEUX DU FAIT DE L’ETAT ET DE SES

DEMEMBREMENTS

En principe, la gestion du foncier est une compétence propre à l’Etat qui l’exerce à

travers ses services, notamment l’administration des domaines, le Cadastre.

En effet, les Domaines et la Conservation foncière dépendent de la Direction des Domaines

essentiellement, mais aussi de la Direction régionale de Dakar et de la Direction des Services

régionaux. Ils couvrent l’ensemble du territoire national à travers les centres des Services

Fiscaux installés aussi bien au niveau central qu’au niveau local. Ils sont territorialement

compétents pour la mise en application de la législation domaniale et foncière en vigueur. Ce

faisant, ils agissent comme un service juridique de la DGID. Les chefs de bureaux des

domaines et ceux de la conservation foncière sont chargés de la régie, de l’administration et

de la conservation des biens de l’Etat.

Le Cadastre, quant à lui, est une direction technique de la DGID même si la volonté de le

rattacher à la Direction des Domaines est, de plus en plus, manifestée. Il est chargé de

coordonner et de centraliser tous les travaux cartographiques et topographiques à grande

échelle. Il est le géomètre de l’Etat, mais c’est aussi un service technique chargé de la

validation des travaux exécutés par les géomètres privés.

La Conservation foncière a pour fonction la protection et la garantie de la propriété et des

droits fonciers en vue d’assurer aux titulaires la sécurité des droits réels qu’ils possèdent sur

les immeubles soumis au régime de l’immatriculation dans des conditions déterminées par la

loi. Cette garantie est obtenue au moyen de la publication sur les livres fonciers, à un compte

particulier ouvert pour chaque immeuble, de tous les droits réels qui s’y rapportent, ainsi que

des modifications de ces mêmes droits.

La publication desdits droits ne peut porter que sur des immeubles préalablement

immatriculés sur les livres fonciers à la suite d’une procédure spéciale.

Ces structures fonctionnelles (qui ont leurs répondants opérationnels au sein des CSF)

collaborent étroitement, dans le cadre de leurs missions, avec d’autres structures publiques à

l’instar de la Direction de l’Urbanisme et de l’Architecture.

En effet, l’urbanisme a pour objet l’aménagement progressif et prévisionnel des

agglomérations dans le cadre d’une politique de développement économique et social,

d’aménagement du territoire et de protection de l’environnement. Il tend notamment, par

l’utilisation rationnelle du sol, à la création, pour l’ensemble de la population, d’un cadre de

vie propice à son développement harmonieux sur les plans physique, économique, culturel et

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social. Ce sont les services de l’urbanisme qui délivrent les autorisations de lotissement ainsi

que les certificats de conformité. La délivrance des autorisations de construire qui leur

incombait a, par la suite été confiée à la mairie de ville. Cette compétence relève désormais

des conseils municipaux à la faveur de l’Acte III de la Décentralisation.

La Direction de l’urbanisme est membre de la Commission de Contrôle des Opérations

Domaniales (CCOD).

Toutes ces structures de l’Etat, interviennent dans la gestion foncière et domaniale. Donc, en

parlant de « litiges du fait de l’Etat », ce sont un peu ces structures qui sont visées (section 1).

Le souci de rapprocher l’administration des administrés, a conduit l’Etat, à travers un

processus de décentralisation, à transférer aux collectivités locales, certaines compétences

foncières et domaniales. Ce transfert a posé par moment, tellement de problèmes que

d’aucuns n’ont pas hésité à proposer sa suppression pure et simple parallèlement au transfert

de la gestion des terres qui leur étaient confiées, à l’administration des domaines32. Cette

solution semble irréaliste mais aurait l’avantage de mettre fin à une certaine boulimie foncière

dont les élus locaux sont souvent accusés33 (à tort ou à raison ?) ; ce qui constitue une source

importante de contentieux foncier et domanial.

C’est dans cet ordre d’idées qu’une réflexion approfondie est engagée pour examiner ces

causes de conflits fonciers et domaniaux nés du fait des organes délibérants des collectivités

locales de Ngor, Ouakam et Yoff (section 2).

En dernier lieu, une analyse des litiges fonciers et domaniaux émanant de l’application des

textes pris en la matière, sera faite (section 3). Cet aspect, souvent occulté, semble être à la

base de litiges complexes qui remontent soit d’avant la période des indépendances, soit après

l’entrée en vigueur de la loi sur le domaine national.

32 Ndèye Marième SENE, Problématique de la gestion domaniale et foncière des collectivités locales : cas de la commune d’arrondissement de Thiaroye sur mer », mémoire de fin d’études, ENA, cycle B, p.75 33 Au cours du mois d’août 2015 le maire de Ouakam a fait l’objet d’une plainte par sa belle-sœur qui l’accuse d’avoir vendu des terrains lui appartenant

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Section 1)- Les litiges nés du fait de l’Administration

« La terre joue un rôle de premier plan dans l’activité des hommes. Objet de convoitises, lieu

de conflits et de guerres fratricides, sa gestion a toujours été problématique au fil des

temps ». Un bref rappel historique permet de constater que depuis la période coloniale,

l’Administration n’a jamais été étrangère à l’apparition de ces litiges fonciers et domaniaux.

En effet, nous avons d’abord connu une période de négation des droits coutumiers par

l’administration coloniale qui, très vite, a considéré qu’il était exclu de s’appuyer sur les

droits fonciers coutumiers pour sécuriser les investissements dans les colonies. Cette négation

fut la première source des litiges fonciers et domaniaux surtout à Ouakam (voir infra).

Mais à l’heure actuelle, les principales sources du contentieux foncier et domanial du fait de

l’Etat découlent généralement soit de l’inobservation de certaines règles de procédure

(paragraphe 1), soit des modalités d’indemnisation par l’Etat suite à une expropriation pour

cause d’utilité publique ou toute autre opération foncière d’utilité publique (paragraphe 2).

Paragraphe 1)- Le non-respect de certaines règles de procédure

Une descente sur le terrain nous a permis de recenser un certain nombre d’éléments litigieux

auxquels l’Etat a été impliqué et qui ont été à l’origine de conflits fonciers et domaniaux dans

la zone ciblée. Il s’agit entre autres de :

Chevauchement de lotissement34

: le cas d’espèce s’est produit à Ngor. L’Etat avait

autorisé un lotissement sur un terrain qui avait déjà fait l’objet d’un lotissement

administratif de la part de la collectivité locale. Si une telle chose a pu avoir lieu, c’est

parce que la procédure préalable à l’autorisation d’un lotissement n’a pas été

respectée, notamment que les services de l’urbanisme et du cadastre compétents n’ont

pas convenablement exécuté leurs missions;

Double attribution de terrains : des terrains ayant déjà été attribués ont fait l’objet

d’un double emploi et généralement le bénéficiaire initial ne s’en rend compte que

lorsqu’il essaie de céder le droit au bail qui lui a été concédé ;

Cette situation a généralement lieu dans les cas où l’administration résilie unilatéralement

le droit au bail sans même notifier ladite résiliation au bénéficiaire initial. Ce qui constitue

une entorse à la loi.

C’est très exactement ce qui s’est produit dans l’affaire du « lot n° 586 objet du TF

2132/NGA ».

34 Ce cas de figure nous a été rapporté par l’Inspecteur Mor FALL, chef du bureau des régimes fiscaux spécifiques/ Direction de la Législation, des Etudes et du Contentieux

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Attributions inopportunes de parcelles de terrain déjà occupées suite à une

immatriculation : dans ce cas de figure, l’administration immatricule des

parcelles de terrains puis les attribue régulièrement par voie de bail. Très souvent,

ces zones immatriculées au nom de l’Etat sont effectivement occupées par des

populations autochtones sur la base de droits coutumiers. Même si ces derniers ne

sont pas dans la légalité, il demeure difficile de les faire déguerpir. Il devient dès

lors quasiment impossible pour l’attributaire de jouir pleinement des lieux ou tout

simplement de mettre en valeur le terrain objet du bail. Ce qui pose un problème

de prise de possession.

Ce type de conflit trouve son origine profonde dans la négation des droits coutumiers, ou en

tout cas de la plupart d’entre eux, de la part de l’Etat. Ce qui crée des frustrations et des

velléités de résistance de la part des populations.

Une meilleure solution aurait été d’aider les populations déjà implantées, à régulariser leur

situation afin de sécuriser leurs terres et de bénéficier de tous les avantages qu’une telle

régularisation emporte. L’Etat y gagnerait en termes de loyers ou de redevances, mais les

populations concernées aussi.

En effet chaque décision prise en ce qui concerne la domanialité, la fiscalité produit

incontestablement des incidences sociales avérées. Et pour éviter d’éventuelles dislocations

familiales, la régularisation semble être plus pertinente que la destruction ou l’expulsion des

occupants titulaires de simples droits coutumiers. Il faudra, cependant veiller à ce qu’il n’y ait

pas d’abus de la part de populations qui essaieraient de mettre l’Etat devant le fait accompli.

A Ngor, Yoff et particulièrement à Ouakam, quand un tel cas de figure d’attribution

« inopportune » se présente, les jeunes attendent la nuit ou le dimanche de bonne heure, sur

instruction des fois, des « freys », pour détruire systématiquement toutes les impenses érigées

sur le terrain de sorte que le nouvel attributaire soit obligé de traiter directement avec les

populations s’il veut effectivement réaliser son projet de construction. C’est de cette manière

qu’a été réglé le problème lors de la construction des immeubles dénommés « Espace

Résidence, Les Dunes de Ouakam ».

Les faiblesses de la police de l’occupation des sols :

Les autorités chargées d’assurer la police de l’occupation des sols ont pour rôle principal

de veiller à une utilisation rationnelle et légale des sols conformément aux lois et

règlements en matière foncière et domaniale ainsi que de réprimer les infractions

commises en matière d’occupation des sols.

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Or dans la plupart des cas, une absence de répression de ces violations flagrantes est

constatée. Ce qui dénote quelque part une faille certaine dans la mise en œuvre de

sanctions dissuasives et correctives.

Ainsi, une bande verte de 1000 m au-delà de la piste d’envol de l’aéroport Léopold Sédar

Senghor avait été grevée de servitudes aéronautiques et déclarée zone non aedificandi.

Progressivement, compte tenu des réalités sociales35, les autorités ont réduit la superficie

de cette zone non aedificandi qui est passée de 1000 m à 350 m permettant aux

populations de pouvoir habiter dans les 650 m restants. Mais les populations de la localité,

de connivence avec des géomètres privés et certaines autorités coutumières, ont

« morcelé » cette zone et ont vendu jusque dans les 350 m. La Direction de la Surveillance

et du Contrôle de l’Occupation du Sol a été saisie aux fins de mettre fin à une telle

occupation illégale mais en réalité aucune mesure n’a été prise concrètement à cet effet.

Ce qui témoigne d’une certaine carence de cette direction, cheville ouvrière de la police

de l’occupation des sols.

Devant l’attentisme des autorités, près de quatre cents (400) maisons furent illégalement

construites sur le site (même cas pour les constructions sises dans la « zone de cône

d’envol » au niveau de Yoff Tongor) sans autorisation de construire36.

Le cas spécifique des constructions sises derrière la Cité Tobago, a révélé la plus flagrante

manifestation de la faiblesse de la police de l’occupation du sol.

En effet, l’Etat dispose de plusieurs structures et autorités intervenant dans le contrôle de

l’occupation du sol (autorités administratives, DGID à travers notamment la Direction

Régionale de Dakar37, et surtout la DSCOS) et malgré tout, des constructions irrégulières

sur le domaine privé de l’Etat ont pu surgir depuis 2009. Cette pratique s’est perpétuée

dans le temps et n’a été sanctionnée que 6 ans après.

La manière est condamnable car elle traduit soit un laxisme (ou attentisme) soit une

complicité qui justifient que les personnes chargées d’intervenir se soient abstenues de le

faire. Des structures de l’Etat (SENELEC, SONES) ont , de surcroit, réalisé les

installations qui ont permis aux occupants irréguliers de cette zone d’avoir de l’eau et de

35 C’est l’explication officielle qui a été donnée mais sur le terrain, les acteurs neutres du foncier notamment les techniciens justifient ce déclassement pour la boulimie foncière des autorités administratives de la première alternance. 36 Informations recueillies auprès de Monsieur Alioune Assé SECK, conseiller technique au niveau de la Direction de L’Urbanisme et de l’Architecture 37 L’article 108 de l’arrêté n° 20287 du 31-12-2013 portant organisation de la DGID dispose que la DRD est chargée, à travers son Bureau des Affaires foncières, domaniales et cadastrales, , « du contrôle de l’occupation des parcelles de terrains domaniaux et de la gestion du fichier » , entre autres missions.

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l’électricité ; ce qui a contribué à leur faire croire que leur situation devenait de plus en

plus régulière puisqu’ils bénéficiaient désormais des mêmes privilèges que les autres

citoyens installés dans d’autres quartiers alors qu’en réalité cette situation n’était que

précaire.

Dans cette affaire, les seuls perdants restent les acquéreurs de bonne foi qui ont été bernés

par des personnes mal intentionnées qui leur ont vendu des terrains sur lesquels ils

n’avaient aucun droit.

Aussi, l’Etat devait-il faire arrêter lesdites constructions irrégulières bien avant qu’elles ne

progressent ; cela aurait permis d’éviter les démolitions qui, il faut le reconnaitre, ont

porté d’énormes préjudices aux déguerpis.

En effet, beaucoup d’entre eux avaient sollicité et obtenu des prêts bancaires leur ayant

permis la réalisation desdites impenses. Et avec la démolition de leurs maisons, ils se

retrouvent probablement débiteurs à vie sans pouvoir jouir de la contrepartie de leur

endettement.

En ce qui concerne la bande verte, les constructions qui y sont érigées sont doublement

exposées.

En effet, la zone est très facilement inondable mais aussi, en raison de sa proximité avec

l’aéroport et les vols d’avions, les constructions en hauteur qui y sont érigées n’offrent

aucune sécurité (en attendant la délocalisation de l’aéroport, bien sûr).

De plus, en cas de problème, l’Etat sera le premier à être interpelé alors même que les

populations qui y vivent étaient conscientes des dangers potentiels qui les guettaient.

Les litiges issus de la curatelle : les biens en déshérence sont placés sous la

curatelle de l’Etat. Il y’a généralement curatelle en cas d’absence, de disparition ou

de décès d’une personne sans qu’aucun héritier ne se manifeste. Généralement, le

curateur fait une publicité des biens qui lui sont confiés dans un journal

d’annonces légales diffusé dans le ressort du tribunal compétent. Si personne ne se

manifeste dans les cinq (5) ans, il en fait la déclaration au niveau du bureau des

Domaines compétent. Au bout de dix (10) ans de déshérence, l’Etat devient

propriétaire desdits bien et l’intègre dans son domaine privé.

Les cas de litiges relativement à la curatelle rencontrés dans le passé sont relatifs à des

attributions par voie de bail des biens (généralement des terrains nus ou des immeubles bâtis)

sous curatelle (suite à une absence déclarée ou un défaut de manifestation d’héritiers). Par la

suite, la personne déclarée absente réapparait ou ses héritiers mis au courant de l’affaire,

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viennent réclamer leur bien. Dans ce cas de figure, même si ces derniers sont dans leur bon

droit, la difficulté résidera dans le fait de devoir déloger l’attributaire de bonne foi et dans les

cas où il avait construit une maison sur un terrain nu, de devoir la démolir. Un tel cas de

figure s’est produit à Ngor, dans la décennie passée.

Pour parer à des difficultés pareilles, une directive de l’Inspection Générale des Finances

(IGF) a préconisé l’impossibilité de consentir des baux sur des terrains nus sous curatelle dans

les dix (10) ans de l’absence au sens juridique du terme. Mais des propositions ont été faites,

allant dans le sens d’amener ce délai à vingt (20) ans afin d’éviter à l’Etat des désagréments

relativement à la curatelle.

Les problèmes liés aux opérations de remembrement : un remembrement est un

réaménagement dans le cadre d’un plan d’urbanisation, des parcelles afin

d’optimiser le rapport entres les zones constructibles et les zones d’utilité publique

notamment les équipements et les zones devant constituer des voiries.

Aux termes de l’article 34 de la loi n° 2008-43 du 20 août 2008 portant Code de l’Urbanisme,

le remembrement comporte, sur la base des plans d’urbanisme, des opérations obligatoires

d’alignement, de normalisation des limites, des modifications de l’assiette de propriété ainsi

que des charges et servitudes y rattachées, de redistribution de parcelles enclavées ou mal

desservies comprises dans la zone spéciale d’aménagement.

Le remembrement peut être prescrit en cas de restructuration du domaine foncier pour la

réalisation d’un lotissement, d’une zone de rénovation ou d’une zone d’aménagement

concerté.

A la suite du remembrement des Almadies de 1974 sur l’initiative de l’Etat du Sénégal, des

conflits fonciers à n’en plus finir ont vu le jour et continuent, quarante et un (41) ans après à

poser des problèmes aux services des domaines et de la conservation foncière du CSF de

NGA. Un cas particulier mérite d’être analysé.

Le juge du Tribunal Régional hors classe de Dakar a annulé une transaction immobilière

effectuée en 1948 portant sur le titre foncier n° 5136/DG au profit des héritiers Samb, au

motif que la vente avait été faite par des personnes illettrées en l’absence de témoins

instruits alors même que l’article 20 du Code des Obligations Civiles et Commerciales38

(COCC) dispose que dans une opération de vente portant sur un montant supérieur à vingt-

mille (20.000) francs, « la partie illettrée doit se faire assister de deux témoins lettrés qui

38 Loi n ° 63-62 du 10 juillet 1963 portant Code des Obligations Civiles et Commerciales

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certifient dans l’écrit (l’acte de vente) son identité et sa présence ; ils attestent en outre que la

nature et les effets de l’acte lui ont été précisées ».

Cette absence de témoins lettrés constitue une cause de nullité de ladite opération de vente.

Mais dans le cadre de sa décision, le juge a méconnu un certain nombre d’éléments qui, en

définitive, ont rendu non exécutoire et ineffectif son jugement (TR, jugement n° 58 du 08

janvier 2008, « affaire héritiers Diabel SAMB»). Ces éléments sont les suivants :

- La vente annulée a eu lieu en 1948 et le COCC a été voté en 1963. Or, conformément

à l’article 02 du Code civil français, une loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a

point d’effets rétroactifs (ce principe est universellement admis et appliqué)39

;

- Suivant réquisition du 09 avril 1974, le Commissaire au Remembrement des

Almadies, en vertu des dispositions de l’article 225 du décret n° 66-1076 du 31

décembre 1966 portant code de l’urbanisme a demandé l’inscription de la date

d’ouverture des opérations de remembrement sur divers immeubles dont le TF

5136/DG qui appartenait aux feux Adama NDOYE et Diabel SAMB

- En novembre 1983, les héritiers de MM NDOYE et SAMB au profit desquels

l’annulation a été faite avaient déjà vendu, avant la clôture du remembrement, la

totalité du solde du TF n° 5136/DG à un pilote au prix de cinq (05) millions

- Les héritiers ne pouvaient plus se prévaloir d’aucun droit de propriété sur le solde du

TF 5136/DG détenu exclusivement par le pilote qui lui-même ne pouvait plus

réclamer cette propriété en raison du remembrement à la suite duquel l’Etat lui avait

transféré en contrepartie de son terrain, un immeuble objet du TF 23.853/DG avec

renoncement exprès à tous recours de quelque nature que ce soit, contre le

Conservateur et l’Etat du Sénégal du fait de cette opération.

Le seul hic dans cette histoire demeure le fait que le solde des terrains qui n’ont pas

finalement été utilisés dans le cadre de ce remembrement, quoique faisant partie de

l’assiette foncière de l’opération d’utilité publique, au lieu d’être restitués, a été vendu au

prix fort. C’est pourquoi les populations ont accusé l’Etat d’avoir été en collusion avec

des spéculateurs fonciers ou en tout cas d’avoir permis à certains agents de s’approprier

des terrains qui, en réalité, ne devaient pas leur revenir. Information corroborée par des

sources sures au niveau de la DGID.

39 Mais ce principe connait quelques exceptions notamment lorsque la loi nouvelle prévoit expressément que les dispositions qu’elle instituent vont rétroagir ou bien, en matière pénale, lorsque la loi nouvelle prévoit des dispositions « plus douces » notamment en matière de sanctions pécuniaires et /ou privatives de liberté

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Avec la décision d’annulation du Tribunal Régional, le juge a voulu remettre en cause

toutes les opérations concernant le TF 5136 entre 1948 et la date du remembrement, c’est-

à-dire en 1974 et obliger le Conservateur de NGA à muter la propriété du terrain au nom

des parents des héritiers (puisque ces derniers étaient décédés, le terrain allait revenir

directement aux héritiers si la mutation avait eu lieu). Ce qui n’était matériellement pas

possible car ce serait remettre en cause des opérations qui se sont légalement passées.

Cette décision témoigne un peu de l’absence de maitrise, par les juges, des questions

foncières et domaniales d’où l’intérêt d’avoir un juge foncier spécialement dédié à cette

matière.

Comme nous venons de le voir, dans les situations précédentes, l’administration est, de

manière directe ou indirecte, impliquée dans la naissance du contentieux foncier. Mais

l’analyse n’est pas exhaustive car dans bien d’autres cas, contentieux émane du défaut ou

du retard de la part de l’Etat, dans l’indemnisation des personnes dont les terrains ont fait

l’objet d’expropriation pour cause d’utilité publique.

Paragraphe 2- Le contentieux de l’indemnisation des expropriés par l’Etat

Après l’étude des généralités relatives au contentieux de l’indemnisation (A), une analyse de

cas sera faite à titre illustratif (B).

A.)- Généralités sur le contentieux de l’indemnisation

Ce contentieux concerne essentiellement l’expropriation pour cause d’utilité publique. Aux

termes de l’article premier de la loi 76-67 du 02 juillet 1976 relative à l’expropriation pour

cause d’utilité publique et aux autres opérations foncières d’utilité publique,

« l’expropriation….est la procédure par laquelle l’Etat peut, pour un but d’utilité publique et

sous réserve d’une juste et préalable indemnité, contraindre toute personne à lui céder la

propriété d’un immeuble ou d’un droit réel immobilier ».

Il découle de cette définition les caractéristiques suivantes :

- L’expropriation ne peut être faite que par l’Etat même si celui-ci peut l’effectuer au

profit d’une personne physique ou morale soucieuse de réaliser sur le terrain objet de

l’expropriation, une opération d’utilité publique ou un projet d’investissement ;

- L’expropriation ne peut être faite pour des considérations d’ordre privé. L’opération

projetée doit, à terme, bénéficier à l’ensemble de la population ou du moins à la moitié

de la population ;

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- Avant le transfert de la propriété, l’Etat doit verser une indemnité suffisante,

raisonnable qui couvre largement le prix d’acquisition de l’immeuble objet de

l’expropriation. Cette indemnité ne doit aucunement être lésionnaire.

- La procédure de l’expropriation est contraignante, c’est-à-dire que si le caractère

d’utilité publique est justifié et que toutes les conditions en amont ont été respectées,

le propriétaire ne peut nullement refuser de mettre à la disposition de l’Etat,

l’immeuble compris dans l’assiette de l’opération foncière d’utilité publique.

Mais dans la pratique, on se rend compte que souvent la condition de l’indemnisation juste et

préalable fait défaut car soit les parties ne tombent pas d’accord sur le montant de l’indemnité

soit l’Etat indemnise tardivement les expropriés40 soit encore que l’Etat se trompe et verse

l’indemnité à une personne qui n’en était pas la véritable bénéficiaire. Dans ce dernier cas de

figure, le juge a pu décider, dans des situations où les véritables propriétaires s’étaient

manifestés ultérieurement, que le premier paiement effectué par l’Etat au profit de personnes

ayant indument encaissé le montant de l’indemnité, ne leur était pas opposable et a, par

conséquent, condamné l’Etat a payer encore41. « Qui paie mal, paie deux fois », nous apprend

le dicton.

En raison donc de toutes les complexités et difficultés éventuelles susceptibles de découler de

la procédure d’ECUP, un juge spécial a été institué par l’article 11 de la loi n° 76-67 du 02

juillet 1976 qui dispose qu’à défaut d’accord amiable, l’expropriation est prononcée et les

indemnités sont fixées par un juge du tribunal de première instance (Tribunal régional

auparavant, devenu TGI depuis novembre 2014) de la situation de l’immeuble, appelé juge

des expropriations et désigné pour deux ans par le premier président de la Cour d’Appel.

B)- Analyse de cas particuliers à titre illustratif

Au niveau de Ouakam, un cas particulier mérite d’être étudié. Il s’agit de l’expropriation

d’une partie du TF 5007 appartenant à la communauté lébou depuis 1928. Une partie de ce TF

a servi d’assiette à la réalisation de l’autoroute sise sur la corniche ouest.

La réalisation de cette autoroute a été achevée depuis lors mais jusqu’à présent

l’indemnisation de la collectivité propriétaire, qui porte sur un montant de trois milliards cinq

cent quatre-vingt-dix millions (3.590.000.000) de francs CFA, n’a pas eu lieu en raison

surtout de l’absence d’un interlocuteur unique en face de l’administration.

40 Cas de l’indemnisation des expropriés à la réalisation de l’Hôpital de la Paix de Ziguinchor achevé en 2008 mais dont les indemnités n’ont été payées qu’entre 2014 et 2015 41 Cas recueilli auprès de M. Abdou GNINGUE Inspecteur des Impôts et des Domaines, chargé des Affaires foncières, domaniales et cadastrales à la DRD

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En effet, la collectivité lébou de Ouakam se caractérise par l’existence de plusieurs

représentants coutumiers communément appelés « djaraffs ». Il y’en a quatre (04) à l’heure

actuelle. Cette bousculade pour porter le titre de djaraffs s’explique par les importants enjeux

économiques et fonciers qu’offre cette position.

Des tentatives d’intimidation ont lieu quotidiennement pour essayer de faire renoncer aux uns

et aux autres à ce titre.

Cette indemnisation ne pourra définitivement avoir lieu que lorsque la collectivité lébou aura

choisi de manière consensuelle un représentant dument mandaté pour recouvrer, au nom et

pour le compte de ladite communauté, le montant de l’indemnité afférente à cette

expropriation.

Toujours par rapport à l’ECUP, il peut arriver des cas où l’Etat entame une procédure

d’expropriation mais ne la poursuit pas jusqu’à son terme ou bien qu’il ne convoque pas des

expropriés devant la commission de conciliation prévue à l’article 9 de la loi 76-67 du 02

juillet 1976.

C’est ainsi que la Chambre administrative de la Cour suprême, dans son arrêt n° 01 du 29

janvier 2009, « affaire Héritiers Khayat contre Directeur Général des Impôts et des

Domaines » a pu retenir que : « les héritiers Khayat, tirant conséquence du non-respect par

l’expropriant de la procédure prévue à l’article 9, ont adressé une mise en demeure au

Directeur Général des Impôts et des Domaines par exploit de Maitre Assane DIENE, restée

sans suite ; que c’est à bon droit que le juge a constaté l’abandon de la procédure

d’expropriation conformément à l’article 19 de la même loi, en ordonnant la mainlevée et la

radiation de la clause d’indisponibilité inscrite sur le TF des Khayat »

Voilà, de manière ramassée, les cas les plus fréquents de litiges pouvant émaner de

l’expropriation tant dans sa procédure de mise en œuvre que dans ses modalités

d’indemnisation.

Ainsi, après avoir sillonné les principales sources de litiges fonciers et domaniaux du fait de

l’Administration prise stricto sensu, il convient d’envisager ceux qui sont du fait des

collectivités locales concernées, à savoir les communes de Ngor, Ouakam et Yoff.

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Section 2- Les litiges occasionnés par les collectivités locales de Ngor, Ouakam et

Yoff

Selon le Docteur Abdoul Aziz SOW, « la décentralisation constitue un paradoxe en

matière de gestion des conflits fonciers parce qu’elle porte, elle-même, les germes des conflits

qu’elle prétend pourtant gérer. Au lieu de les minimiser, elle tend au contraire à les

multiplier. Telle n’a pas été pourtant la volonté initiale du législateur sénégalais lorsqu’il

votait les lois 96-06 et 96-07 du 22 mars 1996 portant respectivement Code des collectivités

locales et transfert de compétences aux régions, aux communes et aux communautés

rurales »42. Cela peut être interprété comme étant l’une des raisons qui ont justifié le vote de

la loi n° 2013-12 du 28 décembre 2013 portant Code Général des Collectivités Locales afin de

corriger les manquements de la législation antérieure en matière de collectivités locales.

Une collectivité locale est une entité administrative autonome sur le plan administratif et

financier. Elle a la possibilité d’avoir des ressources propres, de gérer des affaires propres

même si ses actes sont soumis à un contrôle a posteriori des autorités administratives, appelé

le contrôle de légalité.

A la faveur de la dernière réforme administrative portant acte 3 de la Décentralisation43, nous

avons au Sénégal deux ordres de collectivités locales à savoir le département et la commune

(cette dernière nous intéresse le plus dans le cadre de cette étude).

Une commune est une collectivité publique et politique administrée par un conseil municipal

sous la direction d’un maire élu. Elle est constituée d’une zone géographique clairement

définie. La commune est le plus petit niveau de l’organisation territoriale, elle-même incluse

dans un département.

Ce Conseil municipal a des attributions avérées en matière foncière et domaniale. Il s’agit,

entre autres, de délibérer sur :

42 SOW, Abdoul Aziz, Décentralisation, domanialité nationale et gestion des conflits fonciers à l’aune du pluralisme juridique au Sénégal, extrait de l’ouvrage collectif, « The problem of violence : local conflict settlement in contemporary Africa », Allemagne, 2011

43 Lors du Conseil des ministres du 07 juin 2012 tenu à Saint-Louis, le Président de la République a décidé de faire le bilan de la décentralisation et d’en poser l’Acte III. Le processus de l’Acte III de la décentralisation a été lancé officiellement le 19 mars 2013 à l’hôtel King Fahd Place. La vision de l’Acte 3 est « Organiser le Sénégal en territoires viables, complétifs et porteurs de développement durable à l’horizon 2022. » Son objectif est de renforcer la décentralisation et la territorialisation des politiques publiques,

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- L’attribution des parcelles du domaine national sises dans les zones urbaines (et

rurales depuis l’avènement de l’Acte III de la Décentralisation) ;

- Les avis sur les projets ou opérations initiés par l’Etat ou autres particuliers sur le

domaine public maritime ou fluvial ;

- La gestion des zones du domaine public maritime et fluvial dotées de plans

d’aménagement spéciaux (pour la partie de ces zones dont la gestion est déléguée à la

commune par l’Etat) ;

- La gestion des terroirs agricoles situés dans les zones urbaines ;

- Les plans d’occupation des sols et aménagement des terres.

Le maire qui dirige ce Conseil municipal est chargé de l’exécution des délibérations du

Conseil municipal en matière foncière et domaniale et assure la présidence de la commission

d’attribution des parcelles issues du lotissement urbain.

Au niveau des collectivités locales, une chose demeure certaine, l’érection et l’organisation de

services fonciers internes (disons commissions) animés par des ressources humaines de

qualité spécialisées en problématiques foncières et domaniales, fait défaut (Paragraphe 1).

Une telle carence s’explique par une certaine volonté d’avoir une mainmise sur le foncier

local souvent matérialisée par un accaparement des terres (Paragraphe 2).

Paragraphe 1- Une organisation critique des services fonciers et domaniaux

dans les communes ciblées

Au sein des collectivités locales, doit exister une commission domaniale présidée par

le maire qui y a d’ailleurs, dans le cadre de ses fonctions exécutives, un pouvoir de règlement

des litiges. Cette commission a la charge d’instruire tous les dossiers fonciers, de la demande

d’affectation ou d’attribution44, au suivi de la mise en valeur. Considérée comme une sorte

d’observatoire, cette commission se charge de toutes les questions qui peuvent se poser en

matière domaniale. Elle instruit les demandes, analyse les plaintes et essaie de donner des

solutions aux différents litiges fonciers et domaniaux qui lui sont, en principe soumis par les

populations. A cet effet, et pour rendre des décisions justes, la commission se rend souvent

sur les lieux pour entendre les parties en conflit, mais également les témoins à même de

corroborer les dires de l’une ou l’autre des parties.

Malgré toute cette organisation prévue par les textes, on se rend compte, à l’analyse, que la

difficulté majeure au sein des communes de Ngor, Ouakam et Yoff et au-delà, de beaucoup

d’autres communes du Sénégal, est relative aux questions foncières et domaniales. Malgré

44 Concernant les dépendances du domaine national sises en zone urbaine

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l’importance de leurs compétences en matière de gestion foncière et domaniale, les

communes n’ont pas le personnel qualifié nécessaire pour assurer efficacement cette mission.

Et souvent, du fait des changements d’équipes municipales lors des élections locales, les

dossiers fonciers mal tenus se perdent, et chaque équipe nouvellement installée, voulant

asseoir sa gestion sur des bases saines, a tendance à faire tabula rasa de beaucoup d’actes

posés par leur prédécesseur. C’est conscient de cela que l’actuel maire de la commune de

Yoff et par ailleurs ministre des collectivités locales, tout juste après son élection, avait

préconisé le blocage systématique de tous les dossiers fonciers qui étaient en instance au

niveau de la commune. Les faits lui donneront raison puisque l’essentiel de ces dossiers

étaient relatifs aux terrains sis derrière la cité Tobago, dans une zone comprise dans le

domaine privé de l’Etat et qui, par la suite, seront au cœur du plus grand scandale foncier

urbain de Dakar. Ces dossiers étaient en quête d’une éventuelle « approbation-légalisation »,

par le maire. Ce qui pouvait impliquer sa responsabilité directe, dans le cadre de ce scandale

foncier.

Une autre difficulté éprouvée par les communes relativement aux questions foncières et

domaniales, est l’absence de collaboration de certains services de l’Etat. En effet, à la mairie

de Ouakam et à celle de Yoff, les agents se sont plaints du fait que le Cadastre « refuse » de

leur faire la situation foncière des terrains situés sur leur territoire communal de sorte qu’ils

puissent savoir avec exactitude quels terrains relèvent directement de la gestion municipale,

quels autres appartiennent à des privés, et quels autres terrains relèvent du domaine de l’Etat

ou encore du domaine national. Toutes les correspondances adressées à ce service à cet effet,

sont restées sans suite. Une plainte logique quand on sait qu’aucune raison ne justifie ce

défaut de collaboration. Et sans une maitrise réelle de l’assiette foncière sur laquelle elle est

censée exercer ses compétences, la commune se retrouve, quelque part, handicapée alors

qu’elle a des missions foncières incontestées, notamment l’élaboration du plan général

d’occupation des sols, des projets d’aménagement, de lotissement, d’équipement des

périmètres affectés à l’habitation ainsi que l’autorisation d’installation d’habitations ou de

campements, de même que l’affectation et la désaffectation des terres du domaine national, et

la liste est loin d’être exhaustive. Sans donc cette maitrise de l’assiette foncière placée sous la

gestion communale, des erreurs peuvent être facilement commises.

Pour pallier ces deux problèmes, il conviendrait d’exhorter les services de l’Etat et les

démembrements de ce dernier, à travailler, davantage, en parfaite synergie afin de pouvoir

rendre leur action plus efficace et plus efficiente. De même, au niveau des collectivités

locales, le recrutement d’experts fonciers qui maitrisent la législation foncière et domaniale,

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de même que les règles d’urbanisme, doit être une priorité pour les maires (l’article 106 du

CGCL leur attribue compétence en la matière). Enfin une meilleure gestion des dossiers

fonciers et une attribution ou affectation rationnelle, équitable, sans magouille des terrains,

devra être préconisée. L’expérience a montré que les proches des autorités municipales sont

souvent privilégiés dans le processus distribution des parcelles au détriment des autres

populations.

En dehors de leurs proches, eux aussi s’arrangent pour devenir d’importants propriétaires

fonciers. Ce phénomène est souvent désigné sous l’expression « accaparement des terres ».

Paragraphe 2- Une certaine propension des acteurs locaux du foncier à

l’accaparement des terres

« La croissance démographique est allée de pair avec un vigoureux processus

d’urbanisation. Au niveau mondial, la crise alimentaire et énergétique ainsi que la perte de

l’hégémonie économique et politique de l’Occident ont conduit à une tendance croissante des

Etats occidentaux aussi bien qu’asiatiques à envisager une mainmise sur la terre en Afrique

comme une manière possible de s’assurer une solution à leurs besoins énergétiques et

alimentaires. Le terme souvent utilisé pour désigner ce phénomène mondial est

l’accaparement des terres. Comment ces évolutions influent-elles sur les conflits concernant

le foncier au Sénégal ? »45.

En posant le problème en ces termes, c’est comme si le Sénégal était victime d’un

accaparement des terres de la part d’acteurs étrangers alors qu’en réalité les faits montrent que

ceux qui sont chargés de la gestion du foncier notamment les élus locaux sont, dans une très

large mesure, à l’origine de cet accaparement des terres. Soit ils s’approprient d’importantes

portions de terres, soit ils en facilitent l’appropriation par leurs proches ou autres acteurs

étrangers au grand dam des populations locales.

Pis, il n’est pas rare de voir des élus locaux englués dans des histoires de vente illégale de

terrains au point de faire la prison. L’exemple d’un ancien maire de la commune de Ouakam

est assez édifiant à ce propos46.

45 Mayke KAAG, Yaram GAYE et Marieke KRUIS, chercheurs au Centre d’Etudes Africaines de Lieden, 46 L’actuel maire est lui-même impliqué dans deux affaires qui lui ont valu d’être auditionné par la Police, courant mois d’août 2015. Sa propre belle-sœur a déposé une plainte contre lui, l’accusant d’avoir vendu des terrains qui lui appartenait à elle.

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Ces accusations d’accaparement des terres sont généralement la cause des divergences entre

les populations de Ouakam et la mairie, les premières accusant cette dernière de vouloir faire

une mainmise sur toutes les portions de terres disponibles apparemment libres de toute

occupation physique mais appartenant traditionnellement à des familles bien identifiées, cette

dernière arguant que ces terres appartiennent au territoire communal et en conséquence, sont

sous sa gestion ; ce qui a créé un climat délétère de méfiance entre autorités coutumières et

autorités municipales.

Cette méfiance des maires est de plus en plus dirigée contre les agents des Impôts et des

Domaines et de l’Urbanisme. A la base de cette mésentente qui, du reste, n’est pas générale,

on retrouve la fausse compréhension qu’ont certains élus locaux de la matière foncière et

domaniale qui pensent que toute portion de terre sise dans l’enceinte de la commune relève de

leur gestion sans pour autant faire la distinction entre domaine national, domaine privé de

l’Etat et domaine public. Ce qui justifie les récentes sorties médiatiques lors desquelles lesdits

agents sont vertement attaqués47.

Et il y’a pis, l’accaparement des terres semble se retourner, de plus en plus, contre les acteurs

locaux du foncier : « la terre finit toujours par prendre sa revanche sur l’homme », dit

l’adage. En effet, actuellement, dans le cadre de la coopération à la décentralisation, un

important financement (les fonds sont déjà disponibles) a été proposé à la mairie de Yoff

pour l’érection d’un poste de santé, clefs à main. Mais la commune n’a pas pu bénéficier, en

définitive, de ce projet face à son incapacité de trouver une assiette foncière à même

d’accueillir un tel investissement.

Ces exemples témoignent à suffisance de la négligence dont font montre, certaines institutions

dotées de compétences en matière de gestion foncière et domaniale et ces manquements,

failles et défaillances sont grandement sources de conflits. Et lorsque ces litiges parviennent

au juge, ce dernier n’hésite pas, pour affirmer l’effectivité des règles selon lesquelles nemo

auditur censetur legem (nul n’est censé ignorer la loi) et que tous les citoyens sont égaux

devant la loi, à condamner l’Etat et ses démembrements s’il s’avère que ces derniers sont

fautifs.

Mais ces failles et sources de conflits ne sont pas qu’institutionnelles, dans bien des cas elles

sont d’origine textuelle.

47 Voir l’émission « Toute la vérité » du 25 mai 2015 lors duquel le maire de la commune de Mermoz- Sacré-Cœur a traité les agents des Impôts et des Domaines de tous les noms d’oiseaux

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Section 3- Des litiges provenant de l’application des textes pris en matière foncière et

domaniale

Pour élaborer une bonne politique foncière et domaniale, il est impératif de tenir

compte des réalités socio-économiques de la population. Pour ce faire, la démarche inclusive

semble être la plus bénéfique dans la mesure où elle consiste à une collaboration entre tous les

acteurs du foncier afin d’adopter des mesures consensuelles insusceptibles d’être contestées

dans le cadre de leur application.

Malheureusement, ce n’est pas toujours que l’Etat du Sénégal procède de la sorte ; ce qui

amène des résistances de la part des populations à l’application optimale des textes pris en

matière foncière et domaniale. Tantôt, c’est leur caractère apparemment inadapté aux réalités

socio-économiques des populations qui est critiqué (Paragraphe 1), tantôt c’est leur caractère

dispersé qui semble ne pas convenir aux populations (Paragraphe 2).

Paragraphe 1- Des textes parfois inadaptés aux réalités sociologiques des

populations sises dans les communes de Ngor, Ouakam et Yoff

Aucune politique foncière et domaniale, aussi performante soit-elle, ne saurait être

viable si elle n’est pas calquée sur les réalités socio-économiques des populations. La

meilleure manière de faire des lois est de partir des attentes de la population, de leurs

desiderata, pour en faire des règles générales et abstraites qui leur seront applicables et

opposables.

Faute de quoi, des velléités de résistance pourraient naitre de part et d’autres. Ce qui rend

ineffectives, ces lois impopulaires. Marc DEBENE avait donc raison de dire « qu’en matière

foncière, on légifère toujours en tremblant ».

Pire encore, le Sénégal étant un pays où l’alphabétisation n’est pas intégrale, beaucoup de

couches de la population ne sont même pas au courant de l’existence de certaines lois et

autres textes règlementaires en matière foncière et domaniale (car si en principe nul n’est

censé ignorer la loi, la réalité est que ceux qui l’ignorent sont plus nombreux que ceux qui la

connaissent). La gestion de leurs terres se fait donc essentiellement par des procédés

coutumiers.

C’est ce constat-là qui fera dire au CONGAD qu’il faut « ouvrir la CNRF aux religieux, chefs

coutumiers, leaders communautaires, ONG et organisations paysannes pour organiser un

dialogue structuré avec tous les porteurs d’enjeu »48

48 Relaté dans un article de Abdoul Aziz SECK paru sur le site www.lesenegalais.net le jeudi 02 mai 2013

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Et parmi ceux qui ont connaissance de certains textes, leur résistance est quelques fois

justifiée et est essentiellement relative à la loi sur le domaine national.

En effet, le texte le plus décrié en la matière est incontestablement la loi n° 64-46 du 17 juin

1964. Nous allons analyser les raisons qui expliquent cette résistance.

Dans la conscience collective des populations des communes de Ngor, Ouakam et Yoff, cette

loi est un instrument de spoliation par l’Etat, des terres qu’elles ont héritées de leurs ancêtres

car l’article premier49 de la loi sur le domaine national abroge de facto le régime coutumier de

la tenure des terres en vigueur jusque-là. Cette loi a sauvegardé la propriété de ceux qui

détenaient les terres selon les règles du code civil et du régime de l’immatriculation au

détriment de ceux qui détenaient collectivement ou individuellement des droits fonciers

coutumiers sur la terre50.

L’article premier de la loi n°64-46 a versé les terres qui jusque-là appartenaient à la

communauté des autochtones dans une sorte de réserve de l’Etat où ce dernier puiserait par la

voie de l’immatriculation pour augmenter son patrimoine immobilier propre au détriment des

autres collectivités.

Il faut rappeler que la loi relative au domaine national avait accordé en 1964, aux personnes

qui avaient réalisé sur leurs terres des constructions, installations ou aménagements

considérés comme une mise en valeur à caractère permanent par l’administration compétente,

un délai de six mois à compter du 29 août 1964 pour en demander l’immatriculation à peine

de forclusion.

Donc depuis le 30 février 1965, tous les propriétaires coutumiers qui n’ont pas demandé une

telle immatriculation sont considérés, juridiquement, comme étant forclos. Or au moment où

cette forclusion théorique, juridique a eu lieu, ces personnes occupaient effectivement ces

terres censées tomber dans le domaine national et ironie du sort, elles les occupent pour

l’essentiel jusqu’à aujourd’hui sans que l'Administration ne puisse les déloger ou détruire

leurs impenses.

La loi sur le domaine national a eu pour conséquence effective, d’une part la consolidation de

la propriété des détenteurs des terres immatriculées, une faible minorité de la population

établie dans les villes, et, d’autre part, la disparition du régime coutumier entrainant avec elle

49 “Constituent de plein droit le domaine national toutes les terres non classées dans le domaine public, non immatriculées ou dont la propriété n’a pas été transcrite à la Conservation des hypothèques à la date d’entrée en vigueur de la présente loi. Ne font pas non plus partie de plein droit du domaine national, les terres qui, à cette même date, font l’objet d’une procédure d’immatriculation au nom d’une personne autre que l’Etat » 50 Alla KANE, ibidem

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la perte de tous les droits qu’y détenaient depuis longtemps, la grande majorité de la

population vivant essentiellement en milieu rural et dans certains villages traditionnels.

En réalité tous les détenteurs des terres en vertu du régime coutumier, hérité des ancêtres ont

été spoliés de leurs droits au profit exclusif de l’Etat. Ce que traduisent clairement ces termes

de l’exposé des motifs de la loi : « l’Etat, héritier légitime des anciens pouvoirs coutumiers

devient l’unique « maitre de la terre » qui est purgée de tous droits et érigée en domaine

national ».

Cette situation portant sur de vastes étendues de terres, au détriment d’une non moins vaste

majorité de la population, constitue l’origine lointaine des conflits et litiges fonciers

d’aujourd’hui qui envahissent notre quotidien en faisant les choux gras de la presse.

Quelque part, nous pouvons dire que la loi sur le domaine national a eu largement le temps de

faire ses preuves en ce qui concerne la mission qui lui était assignée et de révéler ses limites à

l’épreuve des faits. Son bilan tarde à être fait et pourtant son application continue de révéler

ses insuffisances qui militent largement en faveur de l’avènement d’une réforme foncière en

profondeur bien adaptée aux réalités économiques, environnementales sociales et culturelles

de notre pays.

Parmi les critiques susceptibles d’être formulées à l’encontre de la loi relative au domaine

national, nous pouvons retenir les suivantes :

A l’article 7 de la loi 64-46, il est fait allusion à des décrets pris après avis des

comités régionaux de développement censés répartir en zones des terroirs et zones

pionnières les terres du domaine national autres que celles situées dans les zones

urbaines et classées. Seulement, depuis 1964, ces décrets n’ont toujours pas encore

été pris. D’où le flou et la confusion qui règnent et sous le couvert duquel les

spéculateurs fonciers agissent et créent les nombreux conflits fonciers qui ne cessent

de nous assaillir ;

L’article 8 dispose que les terres de la zone des terroirs sont affectées aux membres

des communautés locales qui assurent leur mise en valeur et les exploitent sous le

contrôle de l’Etat. Mais en l’absence de délimitation sur le terrain, on comprend bien

la provenance des attributions abusives que font certains élus locaux dans la gestion

de ces terres qui sont destinées exclusivement aux membres de leurs communautés.

Une application stricte de cette disposition aurait permis d’éviter ce qui s’est passé à

Mbane, par exemple ;

L’article 13 de ladite loi dispose que l’Etat ne peut requérir l’immatriculation des

terres du domaine national constituant des terroirs affectés par décrets en vertu de

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l’article 11 que pour la réalisation d’opérations déclarées d’utilité publique. Cette

disposition constitue en elle-même une limite à l’étendue du domaine national dans la

mesure où l’Etat peut retirer à une parcelle les caractéristiques qui fondaient sa

domanialité nationale (imprescriptibilité, inaliénabilité etc.) suite à une

immatriculation. Ce qui a poussé d’aucuns à parler de tentative de privatisation du

domaine national.

Nous pouvons étendre ces critiques au décret n° 64-573 du 30 juillet 1964 fixant les

conditions d’application de la loi sur le domaine national.

En effet, en son article 26, nous pouvons lire qu’il est constitué pour chaque terroir un dossier

foncier dont la composition sera fixée par arrêté du «Ministre chargé des finances, de

l’économie rurale et du plan ». Mais ici également, ces dossiers fonciers tardent à voir le jour.

Et dans l’ensemble, les deux faiblesses congénitales fondamentales du régime foncier

coutumier se manifestent. L’absence de délimitation physique sur le terrain des différentes

catégories de terres du domaine national fixées par la loi et l’inexistence de leur prise en

charge dans des registres fonciers pouvant permettre le suivi par écrit.

Enfin, comme nous l’avions vu plus haut, la loi relative au domaine national avait accordé en

1964, aux personnes qui avaient réalisé sur leurs terres des constructions, installations ou

aménagements considérés comme une mise en valeur à caractère permanent par

l’administration compétente, un délai de six mois à compter du 29 août 1964 pour en

demander l’immatriculation à peine de forclusion. Ce qui est le cas depuis le 30 février 1965.

Ces terres appartiennent dès lors au domaine national. Or, en vertu de l’article 35 alinéa 1 de

la loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière, les créanciers des

personnes forcloses de leur droit d’immatriculer peuvent eux, le faire afin de saisir ces terres

et les faire vendre devant le Tribunal régional (devenu TGI). Par cette disposition, le

législateur admet pour les créanciers, ce qu’il a refusé pour les propriétaires depuis le 30

février 1965.

Cette disposition manque, à bien des égards, de cohérence puisque dans la rigueur du

principe, un terrain du domaine national est incessible, non patrimonial, imprescriptible.

Cette possibilité constitue une limite de plus à l’étendue du domaine national.

Voilà sommairement, quelques raisons explicatives de la résistance des populations de la zone

ciblée et au-delà, des populations rurales, à l’application optimale de certains textes pris en

matière foncière et domaniale. Cette situation est grandement source de conflits fonciers car à

Ouakam, par exemple, vu que la population considère la loi sur le domaine national comme

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un instrument de spoliation de leurs terres, elles continuent à vendre des terrains du domaine

national en conseillant à leurs acquéreurs d’aller régulariser au niveau des Domaines, tout en

sachant qu’une telle opération serait refusée. Ce n’est qu’après s’être rendu au service des

Domaines territorialement compétent, que le nouvel acquéreur se rend compte de la

supercherie et s’attaque à son vendeur.

Une meilleure communication de la teneur des lois et règlements aux populations, surtout

celles qui sont dans les zones rurales, permettrait de résoudre ou d’éviter pas mal de

problèmes. Mais le caractère dispersé de ces textes n’aide pas à la concrétisation d’une telle

ambition.

Paragraphe 2-Des textes épars parfois pris sans documents interprétatifs

Au Sénégal, nous avons une foultitude de textes régissant la matière foncière et

domaniale (Loi 64-46 relative au domaine national, loi 76-66 portant Code du domaine de

l’Etat, loi 76-67, loi 87-11, loi 94-64, loi 2011-06, loi 2011-07 portant organisation de la

propriété foncière au Sénégal etc.). Cette variété des textes est une richesse en soi car elle

témoigne de toute l’importance que l’Etat du Sénégal accorde à la matière foncière et

domaniale mais a ceci de regrettable que les textes sont éparpillés.

Cette situation est même très critiquée dans le document portant Termes de Référence du

PAGEF : « parmi les principales faiblesses du foncier au Sénégal, il est noté une multiplicité

des textes anciens et disparates. Cette insuffisance a un impact négatif sur l’environnement

juridique actuel qui ne permet pas de mettre en œuvre toutes les modernisations

nécessaires ».

En plus de cela, les documents interprétatifs, censés permettre une meilleure compréhension

et une application uniforme de la législation foncière et domaniale, ne sont parfois pas pris ou

bien le sont tardivement. A titre illustratif, le décret d’application du CDE en ce qui concerne

le domaine public n’a jamais été pris alors que celui portant application dudit code en ce qui

concerne le domaine privé de l’Etat a été pris depuis 1981 51 . Cette situation n’est pas

spécifique à la législation foncière et domaniale car même la circulaire interprétative de la loi

2012-31 portant CGI n’est toujours pas disponible.

Cependant, l’on devrait s’inspirer du CGI (qui, depuis sa dernière réforme centralise

quasiment tous les textes à incidence fiscale), pour fondre dans un seul et même code tous les

textes régissant la matière foncière et domaniale.

51 Décret n° 81-557 du 21 mai 1981 portant application du CDE en ce qui concerne le domaine privé de l’Etat

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Ce « Code Général du Foncier » aurait l’avantage de faciliter la recherche des dispositions

applicables en cas de litige foncier (dans la mesure où le juge n’aura pas à consulter des lois et

règlements épars), d’avoir une vue synoptique sur la règlementation foncière, de pouvoir

confronter les textes afin de juger de leur pertinence, de leur adéquation et de leur cohérence,

de faciliter le travail des acteurs du foncier (Domaines, Conservation, Cadastre, collectivités

locales) et autres experts privés travaillant sur le foncier, et d’en faciliter enfin les réformes

ultérieures notamment en ce qui concerne le « toilettage des textes ».

En effet, il est plus aisé de corriger un corpus textuel unique que de courir derrière une

difficile mise en harmonie de dispositions éparses.

De plus, à travers un inventaire critique, on devrait aboutir à des propositions d’actualisation

des textes régissant la sphère foncière, améliorer la gouvernance foncière par la facilitation de

la révision du cadre législatif et réglementaire actuel. En effet, un cadre législatif et

réglementaire maîtrisé et simplifié permet une compréhension plus facile des textes, d’asseoir

des procédures harmonisées et détaillées dans un manuel garantissant un traitement uniforme

et transparent pour l’usager et le citoyen.

A ce propos, un regret des acteurs du foncier a été exprimé dans le document portant Termes

de Référence (TDR) du PAGEF à la suite de l’atelier de partage et de validation de

l’inventaire et de la revue critique des procédures foncières, domaniales et cadastrales : « à

l’heure actuelle, il n’existe pas au niveau de la DGID, ni de manuels de procédures

formalisés et opérationnels, accessibles par entité séparée (Domaines, Conservation foncière,

Cadastre), ni de manuels de procédures accessibles par processus couvrant les chaines

d’activités des trois entités du bloc foncier susnommées ….

Ce qui existe par contre, ce sont des bribes de procédures, de notes de services et des

documents, épars qui sont détenus par certains agents à titre personnel. 52»

L’élaboration de manuels harmonisant toutes les procédures en matière foncière et domaniale

de sorte à faciliter la tâche au bloc foncier semble être une exigence du moment.

Avec la réforme foncière qui se profile à l’horizon, l’espoir en la concrétisation d’un tel projet

semble être permis.

Cette réforme s’articulera essentiellement autour des deux volets suivants :

- Rationnaliser et rendre transparent le dispositif de gestion foncière ;

- Améliorer la disponibilité, la fiabilité et l’accessibilité des données foncières et domaniales.

52 Ces manuels de procédure sont en train d’être confectionnés et seront bientôt disponibles.

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A la suite des développements précédents, nous pouvons dire que les conflits fonciers sont

légion au Sénégal. Mais si dans bien des cas ces litiges sont dus à l’action directe ou indirecte

de l’Etat, dans d’autres cas l’Etat n’y est pour rien. On dit à ce propos que leurs sources sont

extra-étatiques.

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CHAPITRE 2- LES SOURCES EXTRA-ETATIQUES DU CONTENTIEUX EN

MATIERE FONCIERE ET DOMANIALE DANS LES COMMUNES DE NGOR,

OUAKAM, YOFF

Tous les litiges fonciers et domaniaux ne concernent pas directement l’Etat. Mais ce dernier

n’y est en réalité jamais écarté car même pour les litiges fonciers auxquels il n’est pas

« partie », il est tout de même sollicité soit en tant qu’arbitre, soit en tant que celui qui doit

rétablir la ou les parties lésées dans leur bon droit.

En effet, la ressource foncière étant devenue une source incontestable de richesse, elle

polarise toutes les convoitises, en éveillant l’instinct territorial des individus et du groupe.

C’est cette convoitise acharnée qui amène les populations à commettre un certain nombre de

pratiques souvent sources de conflits fonciers.

De même, l’implication des autorités traditionnelles dans la répartition des terres au niveau de

Ngor, Ouakam et Yoff, sur des critères on ne peut plus nébuleux, pose souvent d’énormes

difficultés et mettent l’administration des Domaines dans une situation très délicate.

Afin de mieux cerner tous ces aspects, nous allons d’abord analyser les litiges fonciers dont

l’origine se trouve dans les pratiques illégales des particuliers (section 1) et ensuite en venir

aux litiges fonciers qui trouvent leur fondement dans la survivance des modes de tenure

coutumières des terres (section 2).

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Section 1 –La part de responsabilité des particuliers dans la naissance de litiges

fonciers et domaniaux

La population lébou est réputée être très attachée à la terre. C’est pourquoi dans les

zones ciblées pour notre étude, il n’est pas rare d’y voir des conflits fonciers qui finissent par

des querelles intestines qui disloquent des familles entières, des guerres fratricides, tellement

la terre y possède, au-delà de sa valeur économique, une valeur symbolique d’une dimension

assez rare.

Une étude empirique réalisée sur le terrain, comparée aux cas traités par les juridictions et qui

concernent la zone, nous ont permis de sérier les contentieux fonciers et domaniaux du fait

des particuliers en deux catégories :

- Les litiges provenant des agissements illégaux des populations (paragraphe 1) ;

- Les litiges provenant de la défaillance des populations concernées dans l’exécution de

leurs obligations contractuelles qui les lient soit avec l’Etat soit avec d’autres

particuliers (paragraphe 2)

Paragraphe 1- Des litiges provenant des agissements illégaux des populations

concernées

Les cas les plus fréquents de litiges fonciers recensés sur le terrain opposent les

populations entre elles-mêmes ou bien ces dernières avec l’Etat ou encore leur mairie. Elles

atteignent souvent une acuité telle que les modes de résolution alternatifs des conflits n’y

peuvent rien et ils ne trouvent généralement de solution satisfaisante, que devant le prétoire

du juge. Ces cas précités tournent autour :

- des occupations anarchiques sans droit ni titre : c’est le cas le plus fréquent. Des

personnes ne bénéficiant ni d’un bail encore moins d’un titre foncier, se permettent de

construire, sur des terrains appartenant à l’Etat, à d’autres particuliers, ou des terrains

dont la gestion est confiée aux communes, sans passer par les procédures classiques

qui permettent la jouissance légale d’un terrain (acquisition à titre onéreux, échange,

attribution ou affectation d’une parcelle de terrain, terrain reçu en dation en paiement

etc.). Ce sont des personnes qui se basent sur et abusent de la clémence de

l’administration ou des véritables propriétaires des terrains sur lesquels ils construisent

car elles se disent que quoi qu’il puisse advenir, leurs constructions,

quoiqu’irrégulières, ne seront pas démolies en raison de considérations d’ordre social

(la décision de démolition est, en effet, très lourde à assumer ;les propriétaires

préféreront généralement négocier pour trouver une solution à l’amiable, à travers

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laquelle tout le monde y trouve son compte, plutôt que de recourir à la DSCOS, par

exemple, aux fins d’une éventuelle démolition).

Mais dans d’autres cas aussi, ces conflits sont tout bonnement transférés vers le juge pour

une résolution judiciaire. Là aussi, le juge est confronté à la même délicatesse de la

question surtout lorsque sa décision aboutit nécessairement à une expulsion ou une

démolition.

L’autre problème lié à ces constructions irrégulières, est l’absence d’autorisation de

construire préalablement à ces constructions.

En effet, puisque ces constructions sont faites sans droits ni titres, les populations qui les

font n’introduisent aucune demande au niveau de l’urbanisme aux fins d’obtenir ladite

autorisation (l’Urbanisme se charge de l’instruction du dossier mais la délivrance du

document est désormais du ressort des maires avec l’Acte III de la décentralisation). Cette

violation des règles établies en matière de construction constitue un danger potentiel car

ces impenses peuvent être érigées dans des zones non aedificandi, parce que fortement

inondables ou non destinées à l’habitat. C’est le cas des constructions érigées dans « la

bande verte de Ouakam » qui, à la base, n’était pas destinée à l’habitat.

- Les oppositions à la prise de possession des terrains attribués par l’Etat : ces

oppositions sont la conséquence directe de la négation des droits coutumiers par l’Etat.

Soit elles résultent du fait que des personnes occupaient ces terrains depuis longtemps

et les considéraient comme leur propriété sur la base de droits coutumiers soit qu’elles

les exploitaient effectivement en guise de champs.

A Ouakam, une pratique est courante. Si ces populations qui occupaient initialement ces

terrains objets d’une nouvelle attribution ne peuvent plus continuer à les occuper parce

qu’étant déguerpis par exemple, elles empêcheront, par des opérations de sabotage, au

nouvel attributaire d’entrer en jouissance des lieux. Ce dernier est généralement obligé de

transiger avec les populations autochtones pour arriver à une issue heureuse du problème ;

- Le contentieux du fait des prêts de terrains : le problème qui se pose à ce niveau

concerne généralement la restitution de ce terrain objet du prêt. Le cas est

généralement le même. Un individu A prête son terrain à son ami ou parent B. La

personne B décède mais n’avait pas pris la précaution de dire à ses héritiers qu’on lui

avait prêté ledit terrain. Ces derniers pensant en être les héritiers légitimes veulent

procéder à sa vente, A ou les héritiers de A s’y opposent revendiquant leur droit de

propriété sur ledit terrain et c’est le début des hostilités. Ces situations sont de plus en

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plus rares mais existent tout de même à Ouakam53

. Ou bien encore A décède le

premier, ses héritiers sachant qu’il avait prêté un terrain à B envisagent de le reprendre

pour les besoins de la dévolution successorale. Ce dernier refuse de rétrocéder ledit

terrain arguant qu’il le lui aurait vendu par acte sous seing-privé perdu, sans témoins

ou bien qu’il le lui aurait tout simplement offert. Ces cas aussi aboutissent très souvent

devant le tribunal régional. Mais à ce niveau un problème se pose très fréquemment :

celui de l’administration de la preuve que A était effectivement propriétaire du terrain

objet du prêt et qu’il ne l’avait pas vendu par la suite. Le juge ordonne généralement

des enquêtes, procède à des recoupements ou à des demandes d’informations auprès

du service de la Conservation foncière compétent afin d’établir le véritable

propriétaire. Si ce terrain n’avait pas été immatriculé, ou inscrit au niveau de la

Conservation foncière, le problème restera entier.

- Les empiètements sur la propriété d’autrui : il n’est pas rare de rencontrer dans les

communes de Ngor, Ouakam et Yoff des personnes qui empiètent volontairement ou

involontairement sur le terrain d’autrui. Le cas le plus fréquent est celui d’une

personne qui bénéficie, par exemple d’un bail portant sur 250 m2 mais qui, lors de la

demande de cession définitive, introduit une demande qui porte sur 300m2 (le cas est

également valable pour un affectataire sollicitant une régularisation par voie de bail).

Il faut, dans ce cas de figure, une grande vigilance de la part des services du cadastre

pour préciser la superficie normale du terrain afin d’éviter d’éventuelles contestations.

Il peut aussi s’agir de personnes qui construisent sans autorisation de construire sans

aucune maitrise véritable de l’assiette foncière qui leur appartient. Avec la nouvelle

compétence dévolue aux maires en matière de délivrance des autorisations de construire,

ce phénomène devrait pouvoir être subjugué en raison des contrôles fréquents effectués

par l’équipe municipale aux fins de vérifier l’existence du document administratif

préalablement à toute construction.

- Les ventes multiples portant sur une même parcelle de terrain : c’est le cas le plus

fréquent au niveau des zones ciblées. La même parcelle est vendue à deux ou plusieurs

personnes différentes. Cette situation a deux raisons principalement : la cupidité et la

malhonnêteté du vendeur, et la négligence ou l’ignorance de l’acquéreur.

53 Informations recueillies auprès du chef de quartier de Ouakam-Asecna Abdoulaye SIDIBE

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En effet, pour mieux ferrer leurs victimes, les vendeurs de mauvaise foi leur déconseillent

vivement de se rapprocher des services des impôts et domaines sous prétexte que ces

derniers leur réclameront, (en sus du prix d’acquisition déjà payé), des droits

d’enregistrement de 10% (récemment ramenés à 5%) de la valeur du terrain et des frais

de publicité foncière de 1%. Une telle information apeure certains acquéreurs (et pourtant

c’est dans leur intérêt de procéder à une telle opération) et c’est de cette peur-là dont

profitent les vendeurs véreux pour commettre leur forfaiture alors qu’une simple

demande d’états des droits réels aurait permis à l’acquéreur de vérifier si effectivement le

bien appartient ou pas à la personne qui prétend en être la propriétaire et voir

éventuellement si le bien en question n’est pas grevé d’une hypothèque ou d’une

quelconque autre clause d’indisponibilité.

Le document délivré à l’acquéreur plumé est généralement un simple acte de vente sous-

seings privées ou bien la photocopie du titre foncier ou encore la copie retrouvée d’un TF

perdu, après délivrance d’un duplicata, quand on sait que le duplicata (qui n’est, en

principe, délivré qu’après la perte de la copie du TF délivrée par les services de la

Conservation foncière), rend caduque la copie elle-même.

Une autre variante de cette infraction existe. Le droit l’appelle le stellionat. Ce terme

désigne l’aliénation du bien d’autrui ou la constitution d’une hypothèque sur le bien

d’autrui (généralement des terrains faisant l’objet de prêt), ou encore lors d’une vente, le

fait de cacher à l’acquéreur l’existence d’une hypothèque grevant l’immeuble. Le

stellionat est un délit civil dans beaucoup de pays, sanctionné par la nullité de l’opération.

Voilà, de manière ramassée, les cas les plus fréquents de litiges fonciers dont la source se

trouve dans certains agissements illégaux, surannés ou tout simplement involontaires des

populations sises dans les communes de Ngor, Ouakam et Yoff.

Mais dans bien des cas, la source du contentieux qui atterrit devant le prétoire du juge se

trouve dans l’inexécution des clauses contractuelles liant des personnes physiques entre

elles-mêmes ou ces dernières avec l’Etat du Sénégal.

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Paragraphe 2- Des litiges provenant de la défaillance des populations

concernées dans l’exécution de leurs obligations contractuelles

Les baux consentis par l’Etat aux personnes physiques comme morales sur son domaine privé

sont généralement assortis d’un certain nombre de conditions, entre autres :

- une mise en valeur suffisante du terrain pendant une période bien déterminée (2 à 3

ans, en général) ;

- l’interdiction de changer la destination de la parcelle louée ;

- l’interdiction de sous-louer ou de céder en totalité ou en partie son droit au bail sans

l’autorisation préalable du Directeur chargé des Domaines ;

- l’obligation de payer les redevances et frais aux échéances fixées ;

- l’interdiction d’abandonner ou de ne pas entretenir le terrain loué et les constructions,

installations ou aménagements qui y sont réalisés ;

- l’interdiction de violer, dans le cadre de la mise en œuvre ou l’entretien du terrain

loué, la règlementation en matière d’hygiène, de salubrité, d’urbanisation et de

sécurité.

Le non-respect de l’une quelconque de ces conditions, peut entrainer la résiliation (annulation

qui ne produit ses effets que pour l’avenir) ou la résolution (annulation avec effet rétroactif),

sans indemnité, du contrat de bail liant initialement l’Etat au preneur.

Mais cette résiliation unilatérale du contrat de bail par l’administration n’est généralement pas

acceptée par le preneur déchu surtout dans les cas où, elle n’est précédée ni d’une mise en

demeure encore moins d’une notification de la décision de résiliation.

Mais lorsqu’elle est justifiée, cette résiliation est généralement confirmée par le juge, en dépit

de la contestation du preneur déchu. Cette possibilité de résiliation ne se limite pas aux baux

mais s’étend aussi aux autorisations d’occuper et titres similaires. C’est ainsi que dans son

arrêt n° 06 du 10 février 2011, « Madame DERIBE née Ndella Wade contre Directeur

Général des Impôts et des Domaines (Etat du Sénégal) »,la Chambre administrative de la

Cour Suprême a pu décider, suite à la résiliation d’une autorisation d’occuper le domaine

public, que : « l’arrêté de résiliation qui, entre autres, est fondé sur le défaut de paiement par

la requérante des redevances domaniales auxquelles elle est assujettie, est légalement justifié.

Les conditions de résiliation de l’autorisation d’occuper doivent être distinguées de celles du

recouvrement des redevances impayées au titre de cette opération.

Dès lors est mal fondé le moyen qui reproche au Ministre de l’Economie et des Finances

d’avoir résilié une autorisation d’occuper sans notification préalable d’un titre de perception

en vue du recouvrement des redevances »

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Mais ces inexécutions d’obligations contractuelles susceptibles de générer des conflits

fonciers et domaniaux ne concernent pas que les relations contractuelles entre l’Etat et des

particuliers. Cela concerne aussi la réalisation d’hypothèques conventionnelles inscrites sur la

propriété d’un débiteur défaillant, la vente sur saisie immobilière, à l’initiative d’un prêteur

personne physique ou morale (une banque ou toute autre structure à caractère financier, lors

d’une ouverture de crédit).

L’Etat également peut requérir l’inscription de telles sûretés et faire procéder à leur réalisation

si le débiteur de l’impôt ne s’en acquitte pas.

Cependant, même si le débiteur saisi, dont la maison ou le terrain est sur le point d’être

vendu, se sait être en faute, des contestations parviennent généralement au juge (des référés le

plus souvent compte tenu de l’urgence et de la délicatesse d’une telle procédure) qui, dans le

meilleur des cas, peut ordonner la suspension de la procédure, un sursis à exécution en tenant

compte d’un certain nombre de facteurs, notamment ceux sociaux.

Mais à cette protection du débiteur en position de faiblesse, se juxtapose la garantie des droits

et intérêts du créancier ; raison pour laquelle lorsque sa créance est sérieusement menacée, la

sûreté qui la garantissait est généralement réalisée.

En ce qui concerne les immeubles (foncier bâti et non bâti), leur vente est faite à la criée (aux

enchères publiques) devant la barre du Tribunal régional hors classe de Dakar devenu TGI.

Ces réalisations d’hypothèques et autres ventes d’immeubles de débiteurs défaillants est

grandement source de conflits fonciers. Et la plupart des terrains objets de ces ventes-là se

situent dans les communes de Ngor, Ouakam et Yoff comme en atteste le document à la page

suivante.

Ces mesures sont, en quelque sorte une sanction de l’inexécution des obligations

contractuelles souscrites par des débiteurs qui, par la suite, n’ont pas pu honorer leurs

engagements vis-à-vis de leurs créanciers.

Si ces cas demeurent des sources incontestables de litiges fonciers, il demeure qu’ils n’en sont

pas les seuls, un autre problème mérite d’être analysé : c’est celui lié à la survivance des

modes de tenure coutumière des terres dans les villages traditionnels de Ngor, Ouakam et

Yoff.

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Section 2- la survivance des pratiques coutumières en matière de gestion des terres

« En milieu urbain (…), la gestion foncière dans les milieux traditionnels lébou

(Ouakam, Yoff, Ngor) pose d’énormes difficultés du fait des conflits entre prétentions

coutumières et droit officiel ; très souvent l’Etat est mis devant le fait accompli ou la

crédibilité des actes qu’il délivre aux citoyens est fortement entachée avec les problèmes

récurrents de prise de possession »54.

Cette assertion révèle la subsistance de pratiques coutumières dans la gestion des terres dans

les villages traditionnels lébou. Or, ce qui caractérise la gestion coutumière des terres est, de

prime abord, une imprécision dans les limites des terres qui appartiennent aux uns et aux

autres et en l’absence de l’intervention de service technique approprié (notamment le

Cadastre) pour procéder à une telle délimitation, des empiètements et accusations d’occuper

illégalement le terrain d’autrui sont très fréquentes dans la zone.

Ces délimitations problématiques (Paragraphe 1) sont donc une source incontestable de

conflits fonciers aussi bien à Ngor, Yoff qu’à Ouakam.

De même, on note une très forte implication des autorités coutumières, notamment les

djaraffs, dans cette répartition (disons vente) des terres dans la zone, de surcroit à Ouakam.

Cette situation en plus d’être source de conflit (Paragraphe 2), est une grande source de perte

de recettes pour l’Etat (nous verrons comment) et d’insécurité juridique pour les acquéreurs

de ces terrains.

Enfin, l’action des spéculateurs fonciers dans la naissance de litiges (qui, dans bien des cas,

agissent à travers des personnes morales de droit privé) sera envisagée (Paragraphe 3).

Paragraphe 1 –Des délimitations problématiques des terrains

Il est extrêmement difficile de délimiter avec précision des propriétés sociologiques en

raison surtout de leur caractère coutumier. En effet, les terrains qui ont aujourd’hui servi de

support à l’érection de bâtiments dans les villages traditionnels lébou, étaient autrefois

délimités par des cibles mobiles, ou par la pose de piquets suite à des témoignages faits par les

notables et autres voisins sur les étendues réelles ou supposées des terrains ou encore par la

plantation de « salaanes ». Or cette délimitation devrait être l’œuvre des services techniques

notamment celui du Cadastre. Mais hélas, ce dernier est souvent mis devant le fait accompli ;

mis à part l’administration des Domaines et celle de l’urbanisme, les populations ne les

saisissent que lorsqu’il y’a des litiges fonciers déjà nés.

54 Termes de référence pour le recensement des textes et programmes en cours dans le cadre du PAGEF

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Cette insuffisance dans la délimitation des terres implique comme conséquence majeure une

difficulté dans l’identification des véritables propriétaires des terrains. Cela constitue une

brèche dans laquelle s’engouffrent les spéculateurs fonciers pour rajouter plus de problèmes à

la situation en cours en tentant vaille que vaille de mettre la main sur ces terrains dont les

propriétaires ne sont pas clairement identifiés.

Cette absence de délimitation objective et préalable des terrains est à l’origine de beaucoup de

difficultés de voisinage en raison de la nature des constructions. C’est pourquoi à Ouakam par

exemple, beaucoup de quartiers exigus où règne une promiscuité on ne peut plus dérangeante,

mériteraient une restructuration profonde aux fins d’aider les populations à accéder à un

mieux-être.

Dans le passé, des tentatives de restructuration ont eu lieu mais sans jamais pouvoir atteindre

les objectifs visés et cela est grandement dû à la sociologie de la population lébou.

En effet, tout projet de restructuration qui menace de réaménager ou de déplacer, par

exemple, des lieux abritant des « xambs », développe automatiquement de la résistance de la

part des populations pour qui un tel acte est une profanation des croyances coutumières de

leurs ancêtres. C’est pourquoi des quartiers très mal en point comme Taglou sont restés en

l’état au moment où d’autres comme la Cité Assemblée se développent à une vitesse

exponentielle avec de belles maisons.

Un autre problème lié à la délimitation des terres et qui est, quant à lui plutôt récent, mérite

d’être soulevé : c’est celui relatif aux documents établis par les géomètres privés. En effet,

très souvent, les travaux qui leur sont confiés ne sont pas directement effectués par eux mais

ils délèguent cela à des opérateurs qui n’ont pas toujours la qualification nécessaire pour

mener à bien cette mission. D’où l’existence des fois de chevauchements de lotissements,

d’élaboration de plans erronés ou inadéquats.

De plus, tout lotissement effectué par les géomètres privés doit être précédé d’une

autorisation de lotir délivrée par l’urbanisme. A l’issue de ces travaux, le plan de lotissement

ainsi élaboré doit être établi en vingt et un (21) exemplaires accompagnés de six (06) CD

numériques, le tout déposé à l’urbanisme qui va les distribuer aux services techniques

compétents pour juger de la qualité et de l’exactitude du travail accompli par le géomètre

privé.

Enfin, le géomètre privé doit introduire une demande de réception de lotissement auprès des

services de l’urbanisme. Mais hélas cette procédure n’est pas toujours respectée ; ce qui cause

d’énormes difficultés aux services techniques, notamment le cadastre et l’urbanisme.

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Avec la création du Numéro d’Identification Cadastral (NICAD), ces problèmes ne seront

bientôt que de vieux souvenirs.

Mais à cette imprécision des terres vient s’adjoindre un autre problème d’une dimension tout

à fait particulière : il s’agit de l’implication des autorités coutumières dans la distribution des

terres au niveau de Ngor, Ouakam et Yoff.

Paragraphe 2 – L’implication inopportune des autorités coutumières dans la

gestion foncière

A la question de savoir pourquoi on attribuait souvent les litiges fonciers aux lébou

(invariable), le Djaraff de Ouakam Youssou NDOYE avait répondu ceci : « la terre c’est la

vie. Nous sommes les principales victimes dans tous ces litiges qui atterrissent souvent au

tribunal. Vous n’êtes pas sans savoir que même le Prophète, avant de construire sa mosquée

avait demandé à qui appartenait la parcelle. Nous sommes victimes de forcing. Certaines

autorités sans scrupule n’hésitent pas à aller jusqu’à changer les numéros de nos parcelles

pour s’en approprier »55.

Cette assertion semble dénoncer deux choses : d’une part la loi sur le domaine national à

cause de laquelle la reprise des terres qu’ils avaient héritées de leurs ancêtres a été possible

sans trop se soucier des titulaires de droits coutumiers initialement installés sur ces terres et

d’autre part, la boulimie foncière qui serait reprochée à des autorités ayant des prérogatives en

matière de gestion foncière et domaniale.

La situation ainsi décrite pourrait amener à croire que les autorités coutumières (notamment

les djaraffs, les saltigués, freys) sont victimes du système mais quand on y regarde de plus

près on se rend compte qu’au contraire qu’elles sont à l’origine de beaucoup de litiges

fonciers.

A Ouakam, par exemple, les djaraffs ont initié des morcellements (pour l’essentiel non

reconnus par l’Administration, de même à Yoff, derrière la Cité Tobago et dans bien d’autres

endroits) de concert avec les géomètres privés et procèdent à la vente de ces terrains. Puis

délivrent aux acquéreurs des actes de vente sous-seings privées en leur demandant d’aller aux

Domaines pour la régularisation tout en sachant que c’était quasiment impossible.

Ces acquéreurs sont désavantagés à bien des égards :

- ils n’ont pas de TF ni aucun autre droit réel ;

- ils ne peuvent pas obtenir d’autorisation de construire et du coup, ils construisent sans

l’aval préalable des autorités compétentes et dans la méconnaissance absolue des règles

55 Entretien avec le Djaraff Youssou NDOYE publié sur le site Bargnysurlenet.blogspot.com le samedi 14 juillet 2012

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d’urbanisme. De plus, ils s’exposent à des dangers potentiels car ils peuvent même

construire sur des zones non aedificandi sans le savoir et leurs constructions seraient ainsi

proies à des inondations et des risques d’effondrement. D’ailleurs il y’a deux ans de cela,

un bâtiment de plusieurs étages s’est écroulé à Ouakam à environ 200m du monument de

la Renaissance Africaine causant la mort d’un homme, des blessés graves et

l’emprisonnement de l’entrepreneur ;

- puisque ces acquéreurs ne disposent d’aucun droit réel, ils ne peuvent pas hypothéquer ces

terrains aux fins d’avoir un prêt bancaire ;

- ils ne peuvent pas obtenir de NICAD et à leur décès, leurs héritiers seront confrontés à

d’énormes difficultés quant à la dévolution successorale de ces terrains ;

- et enfin, leurs constructions sont l’objet de potentielles démolitions de la part de l’Etat

pour non-respect des règles régissant l’occupation du sol. Le cas des quatre cents maisons

(400) détruites (dont cent quatre-vingt et un R+1) derrière la Cité Tobago sur instruction

du Gouverneur de Dakar saisi par le Maire de Yoff, est largement édifiant à ce propos.

Les acquéreurs auraient érigé leurs constructions sur trois lotissements irréguliers dont

l’un aurait été effectué et les parcelles y afférentes vendues par des djaraffs des communes

de Yoff, Ngor et Ouakam qui sont désormais dans le collimateur de la justice. Les deux

autres lotissements irréguliers auraient été réalisés respectivement par certains agents de

l’ASECNA et par des particuliers habitant la commune de Yoff dont plusieurs se

retrouvent, actuellement, sous écrou.

Il faut souligner aussi que l’Etat perd énormément de recettes avec ce mode de

distribution informel des terrains. En effet, sur chacune de ces transactions immobilières

l’Etat devait percevoir des droits d’enregistrement et des frais de publicité foncière mais

en raison du caractère informel de ces opérations, toutes ces recettes lui échappent.

Ces recettes qui lui échappent vont alimenter la caisse de la collectivité lébou de la zone

gérée par le djaraff. Cette sorte « d’impôt coutumier » peut varier selon la valeur du

terrain (par exemple, si le terrain est vendu à un million deux cent mille (1.200.000)

FCFA, les 200.000 FCFA iront dans la caisse de ladite collectivité. Pas étonnant alors

d’entendre le Grand Serigne de Dakar, député et ancien ministre de la République dire

dans les médias que « la communauté lébou pèse des milliards ».

A la base, les terrains étaient vendus à des prix relativement faibles pour permettre à tout

un chacun d’avoir, au moins un terrain mais avec la spéculation foncière, les prix ont très

vite grimpé.

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En principe, ces montants doivent servir à financer les projets de la collectivité ou à

appuyer les structures religieuses telles que les mosquées etc. mais force est de constater

qu’ils atterrissent dans la plupart des cas, dans les poches des personnes chargées de les

gérer. Ce qui est également source de conflits entre gestionnaires et autres membres de la

collectivité.

Nous comprenons maintenant aisément pourquoi la position de djaraff est si convoitée (il

y’en a quatre à Ouakam, deux à Yoff alors qu’il ne devait en avoir qu’un seul).En effet,

elle procure des avantages à n’en point douter tant sur le plan foncier (en dehors des

terrains bradés çà et là, les autorités coutumières sont d’importants propriétaires fonciers)

que sur le plan purement lucratif car vendre des terres est l’une des activités les plus

génératrices de revenus.

Cette manie des autorités coutumières de vendre les terrains au niveau de la zone de

manière tout à fait informelle est de nature à causer des litiges fonciers à n’en plus finir.

D’où l’impérieuse nécessité de la part de l’Etat d’y mettre fin une bonne fois pour toute.

La réalisation d’une telle ambition passe inéluctablement par une restructuration profonde

de la zone afin de l’adapter aux exigences actuelles en matière de gestion foncière et

domaniale mais nécessite aussi une lutte efficace contre la spéculation foncière qui, à bien

des égards, peut être source de litiges.

Paragraphe 3 – Les litiges nés du fait des spéculateurs fonciers

De manière triviale, un spéculateur est défini comme une personne physique ou morale

qui réalise ou tente de réaliser un gain financier en anticipant les variations du prix d’un bien

économique. Les litiges impliquant des spéculateurs fonciers sont plus ou moins complexes

en raison de leur diversité et de leur variété. L’analyse de « l’affaire APECSY » ayant

défrayé la chronique yoffoise, pendant longtemps, nous édifiera un peu plus quant à leurs

manifestations.

L’Association pour la Promotion Economique, Culturelle et Sociale de Yoff a été établie

dans les années 1970 en tant qu’association communautaire par les freys en collaboration

avec les jeunes intellectuels yoffois pour mieux gérer les affaires de la collectivité.

L’association comportait un volet foncier qui envisageait de mieux impliquer les jeunes dans

la gestion des questions foncières afin d’assurer une certaine continuité. Avec le support du

calife des Layennes, l’APECSY fut chargée par la collectivité de Yoff, de gérer et distribuer

les 1160 nouveaux lots sis dans la zone d’extension de Yoff, en 1996, sur initiative de l’Etat.

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Une bonne distribution des terres, moyennant un prix symbolique56, a été faite jusqu’au jour

où la corruption et la spéculation foncière, ont commencé à gangréner ladite association.

Selon le représentant de l’APECSY : « tout alla bien jusqu’en 2006, quand les notables de

Yoff, sous l’égide du djaraff, critiquèrent la gestion du groupe, parce que disaient-ils, il

y’avait un manque de transparence dans l’allocation des terrains. De plus, ils soutirent que

l’association qui devait vendre les terrains à des prix compris entre 800.000 et un million,

finira par les vendre à des prix compris entre 18 et 25 millions de francs par parcelle. A

partir de ce moment-là, le conflit se jouait sur la place publique et les contestataires, sous

l’égide du djaraff, s’emparèrent par la suite des terrains qui étaient destinés, aux dires de

l’association, à des projets de construction d’infrastructures publiques57 ». La vérité est que

le djaraff, ayant vu tout l’argent que se faisaient les responsables de l’association dans la

distribution des terres, a commencé lui aussi, à faire faire des morcellements et à vendre des

terrains. Ce qui a occasionné de multiples cas de double vente.

Questionnés, les habitants de la zone d’extension diront que « le djaraff avait en toute bonne

foi souhaité plus de transparence et de responsabilité-dans la distribution des terres-, mais

que plus tard, influencé par d’autres personnes de son camp, il leur avait permis de

s’approprier les derniers terrains de la zone d’extension 58». Et selon des acteurs municipaux,

membres fondateurs de l’APECSY, l’association elle-même a toujours manqué de

transparence et affichait une volonté flagrante de faire une gestion nébuleuse des terres dont la

distribution vertueuse lui incombait59.

L’affaire fut d’abord portée devant le Tribunal régional mais finira devant le prétoire du juge

de la Cour suprême.

Ici, les litiges fonciers opposaient l’APECSY contre les autorités coutumières mais aussi les

acquéreurs des mêmes parcelles qui s’en disputaient la propriété et tout cela est né du fait de

la volonté de certaines personnes (spéculateurs fonciers invétérés), cachées ou non derrière

des personnes morales, de tirer le maximum de profit de la distribution de terres

gracieusement mises à leur disposition par l’Etat et qui devaient faire l’objet d’une répartition

juste et équitable, moyennant un prix symbolique destiné alimenter la caisse de la collectivité.

D’où l’intérêt pour l’Etat, de lutter farouchement contre de telles pratiques. Mais il appartient

56 Trois conditions étaient requises : 1-être yoffois, 2- ne pas posséder antérieurement de terrain, 3-et verser la somme symbolique fixée par l’association chargée de la distribution des terres. 57 Les conflits fonciers au Sénégal revisités : continuités et dynamiques émergentes , par Mayke KAAG, Yaram GAYE et marieke Kruis, in Gerti HESSELING, « à l’ombre du droit », page 41 58 « Les conflits fonciers au Sénégal revisités : continuités et dynamiques émergentes », par Mayke Kaag, Yaram GAYE et marieke KRUIS, in Gerti HESSELING, A l’ombre du droit , page 42 59 Propos de Mamadou MBENGUE, secrétaire municipal à la mairie de Yoff.

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aussi à la population (autorités coutumières comme citoyens lambda) de tout mettre en œuvre

pour ne pas aider à la naissance ou prolifération de tels incidents.

A la lumière des développements précédents, nous pouvons dire que les litiges fonciers et

domaniaux sont légion dans les communes de Ngor, Ouakam et Yoff. Après en avoir analysé

les principales causes, il convient maintenant de s’intéresser à ses modalités pratiques de

résolution.

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LA GESTION DU CONTENTIEUX EN

MATIERE FONCIERE ET DOMANIALE DANS LES COMMUNES DE NGOR,

OUAKAM ET YOFF

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DEUXIEME PARTIE : LA GESTION DU CONTENTIEUX EN

MATIERE FONCIERE ET DOMANIALE DANS LES COMMUNES DE

NGOR, OUAKAM, YOFF

La gestion foncière au Sénégal présente un visage assez complexe engendrant des

interrogations, des suspicions, des malentendus, des enjeux, des défis, mais aussi des conflits,

tant son contenu, ses contours, ses ambitions sont peu ou mal connus par les acteurs. « La

terre ne ment jamais, et elle vous rend toujours ce que vous lui avez prêté », disaient nos

ancêtres. Le foncier sénégalais, à l’image du foncier en Afrique constitue, la pierre angulaire

du développement aussi bien économique, social que culturel. En effet, la terre est à la base

de tous les rapports aussi bien juridiques que scientifiques entretenus par l’être humain avec la

nature et avec ses voisins. La terre est un bien particulièrement lié à la vie des individus. Elle

sert d’habitat, de moyen de subsistance, de fonds de commerce. D’où l’intérêt de mettre en

place des mécanismes et méthodes pratiques susceptibles de venir à bout des conflits fonciers

et domaniaux qui peuvent la miner pour éviter qu’ils ne soient un obstacle à la pleine

jouissance de la terre. Les litiges fonciers dévalorisent la terre. Il suffit qu’un terrain soit

litigieux pour que personne ne veuille l’acquérir par souci d’éviter des problèmes ultérieurs, le

propriétaire cherchant lui-même à s’en débarrasser parce qu’étant conscient qu’il ne pourra

pas en tirer un profit optimal.

Ces litiges fonciers et domaniaux peuvent être pris en charge de plusieurs manières mais nous

en retiendrons essentiellement deux, que nous passerons en revue. Il s’agit de la gestion

pacifique du contentieux foncier et domanial (Chapitre 1) et de la gestion juridictionnelle des

conflits fonciers et domaniaux (Chapitre 2).

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CHAPITRE 1 – LA GESTION PACIFIQUE DES LITIGES FONCIERS ET

DOMANIAUX

Le recours à la voie pacifique de résolution des conflits fonciers et domaniaux

présente un certain nombre d’intérêts aussi bien lorsque le litige en question oppose des

particuliers entre eux-mêmes ou des particuliers à l’administration.

En effet, lorsqu’il oppose des particuliers, le recours au règlement amiable des litiges fonciers

permet de déboucher sur une solution généralement consensuelle qui fasse que chaque partie

y trouve son compte en évitant les mesures draconiennes telles que les démolitions

d’impenses irrégulièrement érigées sur le terrain d’autrui etc. Un majestueux immeuble R+2

sis juste derrière l’immeuble « Espace Résidence, Les Dunes de Ouakam » est actuellement la

cible d’une potentielle démolition ; la personne ayant construit sur le terrain d’autrui qu’elle

pensait être le sien (on lui aurait offert le terrain, mais sans lui avoir donné les papiers)

refusant catégoriquement de négocier avec le véritable propriétaire, ce dernier a décidé de

faire appel à la DSCOS afin d’obtenir la démolition des constructions alors même qu’une

famille y vit déjà depuis bientôt quatre (4) ans.

Une discussion sincère entre les deux parties aurait permis d’envisager au moins l’une de ces

solutions : soit, le propriétaire du terrain, constatant qu’une famille entière vit dans cet

immeuble irrégulièrement construit et que la personne a forcément investi des dizaines de

millions, daigne le lui céder à une valeur qui ne lui porte pas préjudice ; soit qu’il lui loue la

terre suivant un mécanisme similaire à la concession du droit de superficie ; soit encore que le

propriétaire des impenses, les concède au propriétaire du terrain .Mais faute de tentative de

résolution amiable, toutes ces solutions n’ont guère été envisagées, la démolition semblant

être la seule destinée de cet immeuble.

Lorsque maintenant, le litige oppose l’administration à des particuliers, le recours à la

résolution amiable se présente également comme le moyen le plus efficace d’avoir gain de

cause. En effet, dans les cas où le juge donne tort à l’Administration, le titre exécutoire du

requérant ne produit que très peu d’effets à l’encontre de l’administration dans la mesure où

nul ne peut la contraindre à s’exécuter. Par exemple, le demandeur qui obtient de la part du

juge une ordonnance faisant injonction au conservateur compétent de muter une propriété

donnée en son nom, peut se voir opposer un refus catégorique de la part de ce denier qui est,

avant tout, le protecteur et le garant des droits de l’acquéreur de bonne foi.

En plus, en raison de la nature de la responsabilité du conservateur qui est personnelle et

pécuniaire, ce dernier ne prend pas le risque de certaines mutations périlleuses au risque de

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voir ultérieurement sa responsabilité engagée. Le cas en question s’est produit, par exemple

au CSF de NGA (cf. affaire Diabel SAMB)

En conséquence, les meilleures voies d’éradication des litiges fonciers sont relatives à la mise

en place de mécanismes permettant de prévoir les différents types de conflits susceptibles de

naitre et de mener les diligences nécessaires pour qu’ils n’aient pas lieu (section 1). A défaut,

l’accent devra être mis sur les mécanismes purement administratifs de règlement de ces litiges

(section 2). Ce n’est généralement que lorsque ces deux moyens auront échoué que le recours

juridictionnel sera envisagé.

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Section 1 – La gestion prévisionnelle des conflits fonciers et domaniaux

Puisque « Administrer, c’est prévoir », l’Administration doit pouvoir mettre en œuvre

des mécanismes qui lui permettent d’anticiper sur la naissance des litiges fonciers et

domaniaux car comme nous l’avons vu précédemment, ces derniers peuvent avoir des effets

néfastes, des bouleversements sur le plan économique, social et même juridique. Pour ce

faire, l’Etat doit renforcer la communication sur les enjeux fonciers et domaniaux par la

formation, l’information, la sensibilisation des populations afin de leur permettre de mieux

appréhender les problématiques foncières et domaniales aux fins de pouvoir y apporter, elles-

mêmes, les solutions idoines (paragraphe 1).

Outre cette sensibilisation, le recensement de toutes les familles vivant dans une situation

irrégulière au niveau des communes de Ngor, Ouakam et Yoff pourrait être envisagé suivi de

leur régularisation qui peut épouser plusieurs formes (Paragraphe 2).

Enfin, l’Etat peut envisager, toujours comme moyen d’anticiper sur les litiges fonciers et

domaniaux, de mettre en branle des opérations d’aménagement telles que prévues par le code

de l’urbanisme ; ce qui permettrait à la zone ciblée d’avoir un visage beaucoup plus reluisant

et contribuerait fortement au mieux-être des populations qui y vivent (Paragraphe 3).

Paragraphe 1 – La généralisation de la sensibilisation sur les problématiques

foncières et domaniales

Les travaux d’enquête menés sur le terrain ont permis de constater que les populations

(lato sensu) n’étaient pas les seules qui méconnaissaient les procédures foncières et

domaniales mais que même le personnel municipal et administratif avait aussi besoin d’une

solide formation sur les questions foncières et domaniales.

D’où l’importance, de la part de l’Etat de mener, à travers notamment les agents de la DGID,

des campagnes de sensibilisation des populations locales sur les questions foncières

susceptibles de les intéresser et de leur faire éviter d’éventuels conflits (quels sont les

préalables avant d’acheter un terrain, avant de construire sur son terrain, comment obtenir un

bail ou une autorisation de construire, comment régulariser une occupation par voie de bail,

quelle est la procédure de la cession définitive, quels sont les risques liés à l’occupation

anarchique du domaine public, national ou privé de l’Etat).

Cette sensibilisation pourrait se faire par des descentes périodiques sur le terrain au contact

direct de la population, par la formation des autorités municipales, chefs coutumiers et

religieux à charge pour eux de relayer les informations auprès des populations, par la

réalisation d’émissions radiodiffusées ou télédiffusées traitant de questions foncières et

domaniales ponctuelles notamment sur la législation en vigueur et sur les réformes en vue, car

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une des plaintes qui est souvent revenue au cours des enquêtes est relative à la non-

connaissance des textes à incidence foncière et domaniale par les populations : « L’Etat ne

communique pas », nous-ont-elles souvent dit.

En effet, leur simple publication au Journal Officiel n’est pas suffisante de surcroît lorsqu’une

bonne partie la population à qui elle est destinée, n’est pas instruite.

Enfin, cette « sensibilisation-(in)formation » pourrait passer par l’édition de brochures

répertoriant les problématiques majeures et procédures foncières et domaniales les plus

essentielles et qui seraient distribuées aux populations lors d’évènements tels que les journées

portes ouvertes.

Rappelons que c’est le manque de communication qui est très souvent à l’origine des litiges

opposant les collectivités locales aux populations. Donc tant que la bonne information leur

parviendra à temps, certaines situations malencontreuses pourront être évitées.

Outre cette sensibilisation, la régularisation à vocation sociale des situations irrégulières

semble être une autre alternative permettant de juguler les litiges fonciers et domaniaux dans

le cadre de la gestion prévisionnelle.

Paragraphe 2 – La régularisation à vocation sociale des situations irrégulières

par voie de bail

« La régularisation est une opération par laquelle l’administration légalise une

situation irrégulière. Par régularisation par voie de bail, on entend une action tendant à

mettre l’occupation d’une parcelle de terrain en conformité avec les dispositions légales. Elle

concerne tous les terrains domaniaux occupés de manière illégale60 ».

Il s’agira de faire sortir les populations concernées de la précarité, de l’informel, de l’illégalité

pour les amener vers la lumière, la stabilité et la sécurité symbolisées par la légalité.

En effet, au niveau des communes de Ngor, Ouakam et Yoff, nombreuses sont les personnes

qui occupent illégalement des terrains domaniaux de leur propre chef, sans droit ni titre et qui

s’exposent en exposant leur famille également, à d’éventuelles opérations de déguerpissement

ou même de démolition. Pour des considérations d’ordre social, l’Etat pourrait leur consentir

des baux sur ces terrains illégalement occupés faute de quoi d’autres baux pourraient être

consentis légalement à d’autres personnes sans que ces dernières ne puissent jouir des lieux

car étant confrontées à des difficultés de prise de possession. A cet effet, la régularisation par

voie de bail semble être un moyen qui arrange toutes les parties.

60 Meissa NDIAYE, Chef Bureau des Domaines CSF NGA : « la procédure de régularisation par voie de bail d’un terrain du domaine privé de l’Etat »

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Ahmadou Bamba NDIAYE, élève-contrôleur des Impôts et des Domaines, ENA, 2013-2015 Page 63

Précisons que si les terrains illégalement occupés sont des dépendances du domaine national,

une immatriculation sera nécessaire avant toute tentative de régularisation, il en est de même

si lesdits terrains sont des dépendances du domaine public, auquel cas, un travail préalable de

déclassement sera requis.

En principe, la régularisation est de l’initiative des populations qui, conscientes de

l’irrégularité et de la précarité de leur situation, se rapprochent des services des Domaines aux

fins de sécuriser leurs impenses à travers la régularisation. A cet effet, elles déposeront au

Bureau des Domaines territorialement compétent (NGA, en ce qui concerne notre étude) un

dossier comportant une demande adressée au Chef de Bureau des Domaines qui précise le

numéro de la parcelle occupée et sa situation géographique, 4 extraits de plan visés par le

Chef du Bureau du Cadastre, une photocopie de la pièce d’identification et un état des droits

réels délivré par le Conservateur.

Cependant, même si l’initiative doit émaner des personnes concernées, l’Etat, dans un souci

d’incitation à la régularisation conforme à sa volonté de ne pas s’enrichir avec ses terres dans

le cadre de sa politique foncière, peut aller vers elles comme il l’a fait avec les habitants de la

Médina concernant la transformation des permis d’occuper et titres similaires en titres

fonciers. Une visite des lieux, sous l’égide du Chef du Bureau des Domaines, sera alors

nécessaire, après consultation des services techniques pour avis et observations, aux fins de

constater l’état d’occupation des parcelles ainsi que d’identifier les occupants réels.

A l’issue de cette visite des lieux, un PV sera élaboré qui, avec les deux avis des services

techniques (s’ils sont favorables, bien sûr), permettront au Chef du Bureau des Domaines

compétent de rédiger un rapport à l’attention du Directeur chargé des Domaines qui, à son

tour, soumet le dossier à la CCOD. En cas d’avis favorable de la CCOD, le PV ainsi que le

rapport portant avis de la commission sont notifiés au Chef du Bureau des Domaines de NGA

qui le notifie à son tour à la personne concernée et établit, par la suite, le projet d’acte de bail,

chacun d’eux y apposant sa signature.

Ensuite, le dossier sera transmis, par bordereau d’envoi, au Préfet qui l’acheminera au

Gouverneur pour signature. Une fois de retour au Bureau des Domaines d’où toute la

procédure avait débuté, le Chef de Bureau transmettra, toujours par bordereau d’envoi, le

projet d’acte de bail, au Directeur chargé des Domaines qui saisira le DGID qui saisira à son

tour, le Ministre chargé des Domaines pour approbation.

Une fois l’acte approuvé, il sera transmis au Directeur compétent pour établissement du

bulletin de liquidation qui sera envoyé au Chef du Bureau des Domaines de Ngor-Almadies.

Ce dernier pourra alors inviter l’intéressé, à venir accomplir les formalités fiscales et foncières

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idoines. Cette phase consacre la sortie officielle de l’illégalité et l’entrée de plain-pied dans la

régularité, seul gage de stabilité et de sécurité foncière.

Paragraphe 3 – La mise en œuvre d’opérations d’aménagement urbanistique

La finalité des opérations d’aménagement urbanistique est l’organisation rationnelle

du sol en vue de l’amélioration des conditions de vie des populations afin d’asseoir les bases

de production des richesses et d’un développement durable. Or les litiges fonciers et

domaniaux sont précisément des entraves à ce développement économique durable car au

Sénégal où la terre est au cœur de la plupart des opérations économiques, tout conflit qui

l’affecte déteint négativement certaines activités économiques (les physiocrates ne disaient-ils

pas que l’origine de la richesse se trouve dans l’exploitation de la terre ?).

Dans les communes de Ngor, Ouakam et Yoff, rares sont les zones où les normes de densité

pour les lotissements d’habitation et pour les constructions au niveau parcellaire, sont

respectées. Or la densité au niveau du lotissement vise à limiter la superficie totale affectée

aux parcelles pour garantir un minimum de voirie, d’équipements collectifs et d’espaces

publics. La limitation de la densité de construction au niveau de la parcelle a pour objet de

maitriser les paramètres qui permettent d’améliorer les conditions de vie des populations. A

défaut de cela, ce sera le règne de la promiscuité. Or c’est exactement dans cette promiscuité,

nocive au bon voisinage en ce qu’elle est une source potentielle de litiges fonciers, que vivent

la plupart des populations des communes de Ngor, Yoff et Ouakam de surcroît.

En effet, les constructions sont tellement imbriquées les unes aux autres qu’en cas de

liquidation successorale, se pose souvent le problème de déterminer exactement à quelle

famille appartient tel ou tel espace. Cette promiscuité expose également les populations à des

dangers potentiels. Ainsi, en raison du caractère exigu des rues dont la largeur ne fait des fois

même pas un mètre (voir photos d’illustration à la page suivante), les véhicules-citernes des

sapeurs-pompiers ne peuvent pas accéder à certaines maisons. Du coup, en cas d’incendie, des

dégâts irréversibles sont causés. Il en est de même pour les véhicules de ramassage des

ordures qui n’ont pas accès à beaucoup de quartiers ; résultat : prolifération de l’insalubrité.

Aussi, en cas de décès, les corbillards n’ont pas plein accès à certains quartiers de Ouakam,

Ngor et Yoff (exemple, pour Ouakam, on a Taglou, Mboul Gua, Touba Ouakam, Sinthia,

Gouye-Sor, Niaye Ba, Terme Sud, Rippeu, Bayé, Léona etc., pour Ngor, on a, entre autres,

Wagou, Guèdj, Lakalé, Mbarack bi, Djongarane, Kalane, Guéguène et enfin pour Yoff,

Ngaparou, Dagoudane, Tonghor, Mbenguène, Ndeugane ninat etc). C’est donc dire,

l’essentiel des quartiers desdites communes.

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Pour donc aider les populations à accéder à un mieux-être, l’Etat pourrait diligenter des

procédures de restructuration, rénovation urbaine ou même de remembrement comme cela a

eu lieu aux Almadies.

La rénovation urbaine est une opération qui a pour objectif, l’amélioration de la qualité d’un

ensemble urbain. Elle consiste en l’acquisition éventuelle d’immeubles compris dans le

périmètre à rénover, à procéder aux opérations de démolition nécessaires à la mise en état du

sol, à la remise à neuf des constructions concernées, à l’édification de nouvelles constructions,

à l’aménagement des espaces nécessaires à la voierie et aux équipements collectifs.

L’initiative de l’opération de rénovation urbaine est prise par la commune concernée. Mais

elle peut également être prise par l’Etat ou par des organismes œuvrant dans le domaine de

l’urbanisme et de l’habitat.

Quant à la restructuration, elle est une opération consistant en l’aménagement des zones non

loties, vétustes ou insalubres. Ces zones sont caractérisées par une occupation anarchique de

l’espace avec un manque notoire d’équipements collectifs. La restructuration des quartiers des

zones exiguës des communes de Ngor, Ouakam et Yoff où règne une promiscuité sordide,

aura pour objet d’assurer une utilisation et une organisation plus rationnelle de l’espace urbain

et d’améliorer ainsi le cadre de vie des populations.

La loi 2008-43 portant Code de l’Urbanisme prévoit que la procédure d’exécution des

opérations de restructuration est définie par décret.

Tout comme pour la rénovation urbaine, l’initiative de la restructuration est prise par l’Etat ou

par la commune concernée. Ils peuvent, soit procéder eux-mêmes à l’opération soit la confier

à un organisme public ou privé d’aménagement.

Dans un passé récent, une tentative de restructuration de certains quartiers de la commune de

Ouakam comme Terme Sud avait été amorcée, les financements devant provenir d’un

investisseur étranger qui jugeait que ladite restructuration aiderait la zone à mieux

redynamiser son commerce de culture maraichère. En effet, presque tout Ouakam est

approvisionné en légumes, par les cultures effectuées à « Terme Sud ». Ce qui fait que la zone

est la cible de plusieurs convoitises.

Mais le projet de restructuration tomba à l’eau face à la méfiance des populations qui y

voyaient, à tort, une tentative détournée de spoliation de leurs terres, par l’Etat ou par les

autorités municipales. Rappelons qu’à Ouakam, en raison des fréquentes opérations de

déguerpissement diligentées par des agents de la mairie dans des zones qu’ils jugent être

squattées, une méfiance naturelle s’est installée entre une frange importante de la population

et les autorités municipales.

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Enfin, pour toujours améliorer le cadre de vie des populations concernées, l’Etat pourrait

recourir au remembrement comme aux Almadies mais en veillant bien à l’encadrer pour qu’il

n’y ait aucune dérive.

L’article 34 de la loi n° 2008-43 du 20 août 2008 dispose que le remembrement comporte, sur

la base des plans d’urbanisme, des modifications de l’assiette de propriété ainsi que des

servitudes et charges y rattachées, de redistribution de parcelles enclavées ou mal desservies

comprises dans la zone spéciale d’aménagement. L’opération de remembrement est conduite

par le Maire de la commune concernée en rapport avec les Ministères en charge de

l’Urbanisme, des Domaines et du Cadastre.

De telles opérations, une fois mises en œuvre, auraient l’avantage de contribuer à donner une

nouvelle image, un nouveau visage aux communes ciblées qui n’ont que trop vécu dans la

promiscuité et l’exiguïté des constructions et des ruelles. Cette frustration est un des éléments

les poussant à s’activer dans la vente de terrains issus de lotissements irréguliers comme cela

s’est passé derrière la Cité Tobago. A la suite de ce conflit entre l’Etat et les populations

délogées, beaucoup de jeunes yoffois se sont retrouvés en prison.

Une telle corrélation entre d’une part, litiges fonciers et domaniaux et d’autre part,

promiscuité et opérations d’urbanisme n’est pas facilement perceptible, mais c’est en faisant

la monographie de la sociologie des litiges fonciers dans les villages traditionnels lébou que

l’on se rend compte que ces aspects en sont, quelque part, l’une des causes initiales

Ces opérations d’aménagement urbanistique peuvent donc aider à amoindrir fortement les

litiges fonciers et domaniaux, qu’en est-il maintenant des mécanismes administratifs de

gestion desdits litiges ?

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Quartier Taglou, à Ouakam

L’un des trois premiers quartiers créés à Ouakam avec Santia et Mboul dans les années trente

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Ahmadou Bamba NDIAYE, élève-contrôleur des Impôts et des Domaines, ENA, 2013-2015 Page 68

Section 2 – La gestion administrative des litiges fonciers et domaniaux

L’Administration est, ici, entendue lato sensu. Il s’agira de passer en revue aussi bien

les mesures prises par les autorités administratives déconcentrées dès l’instant qu’elles sont

informées de la naissance d’un litige foncier dans un endroit quelconque de leur ressort

territorial (Paragraphe 1) que les diligences préconisées par les autorités administratives

indépendantes notamment le Médiateur de la République qui, en raison de sa neutralité

statutaire, est souvent sollicité à la suite d’un litige foncier (Paragraphe 2). Nous verrons,

enfin, le rôle de l’administration des Domaines dans cette tentative d’élaboration de solutions

pratiques pour venir à bout des conflits susceptibles d’attenter à la sécurité et la stabilité

foncière et domaniale (Paragraphe 3).

Paragraphe 1 – Le rôle de conciliation des autorités administratives

déconcentrées

La déconcentration a pour finalité de rapprocher l’Administration des administrés et

de rendre plus efficace et efficiente, l’action de l’Etat. Ce rapprochement au centre duquel est

l’autorité administrative déconcentrée fait qu’elle est la première personne à être interpellée

par les populations pour essayer de trouver une solution à leur litige61 surtout au niveau des

collectivités locales.

En effet, le représentant de l’État par ses attributions, intervient dans tous les domaines où la

collectivité locale a reçu compétence conformément à la loi. Ainsi, en matière foncière par le

biais de son pouvoir d’approbation, il règle en amont les problèmes liés à la terre ; de même,

il peut être saisi en tant qu’autorité pour mettre fin à un litige foncier. Le contrôle de légalité

est un moyen de prévention des problèmes fonciers.

Sont concernés, le Gouverneur de la région de Dakar, le Préfet du département de Dakar mais

aussi le Sous-préfet de l’arrondissement des Almadies (qui couvre les communes de Ngor,

Ouakam et Yoff). Le fondement de leur intervention réside dans le fait que ces autorités sont

essentiellement chargées du maintien de l’ordre public. Or, les litiges fonciers, parce qu’ils

peuvent aboutir à des situations désastreuses, constituent incontestablement de sérieuses

menaces de trouble à l’ordre public62, raison pour laquelle même lorsqu’elles ne sont pas

61 Voir le cas du récent litige foncier de MBANE suite à la tentative d’extension de la société Sénégindia, litige pour lequel le sous-préfet a été au cœur du règlement. 62 C’est le cas, par exemple, des récentes manifestations sur l’axe Ngor, Yoff par les populations lébou qui réclament qu’on leur transfère la propriété des parcelles de l’aéroport Léopold Sédar SENGHOR après sa délocalisation arguant que l’assiette foncière qui abrite actuellement ledit aéroport, appartiendrait à leurs aïeux qui l’auraient prêtée à l’Etat colonial en 1943 suite à une réquisition pour fait de guerre pour permettre aux avions américains d’aller effectuer des bombardements sur l’Allemagne nazie. Mais la vérité est que ces aïeux avaient vendu ledit terrain à l’Etat, les archives le prouvent à suffisance.

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saisies, les autorités administratives déconcentrées ne peuvent s’empêcher d’intervenir afin

d’éviter que l’irréparable ne se produise.

Ainsi, lorsqu’elles sont saisies à propos d’un litige foncier ou domanial, les autorités

administratives déconcentrées tentent généralement de rapprocher les parties afin qu’elles

trouvent, à l’amiable, une solution consensuelle à travers la conciliation qui constitue un

mode alternatif de règlement des conflits. Elles peuvent associer à cette conciliation, les

autorités traditionnelles (si bien sûr, elles ne constituent pas des parties au litige), ainsi que les

autorités religieuses de la localité surtout l’Imam Raatib. A Ouakam, par exemple,

l’intervention du conseil des Njambours (qui regroupe les notables âgés de plus de soixante-

dix ans) est d’une efficacité incontestable car ils peuvent dire, avec certitude, quelle famille a

occupé tel ou tel terrain depuis la période coloniale jusqu’à nos jours, au cas où deux

personnes se disputeraient son appartenance.

Ainsi, les autorités administratives déconcentrées, du fait du pouvoir que leur confère la loi,

notamment la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant CGCL, peuvent avoir une

influence avérée sur les litiges fonciers et arrivent, dans bien des cas, à les résoudre. Et si,

malgré toutes les diligences prises, elles ne parviennent toujours pas à trouver une solution au

litige qui leur est soumis en raison de sa complexité, elles transfèrent le dossier à une autorité

mieux habilitée à s’en charger et qui peut être l’administration des Domaines, la DSCOS, le

Procureur de la République ou même le Médiateur de la République.

Paragraphe 2 –Le rôle de médiation des autorités administratives

indépendantes : l’exemple du Médiateur de la République

Aux termes de l’article premier de la loi n° 91-14 du 11 février 199163, « il est institué

un Médiateur de la République, autorité indépendante qui reçoit, (…) les réclamations

concernant le fonctionnement des administrations de l’Etat, des collectivités locales, des

établissements publics et tout autre organisme investi d’une mission de service public ».

La particularité et l’atout majeur du Médiateur de la République est que, dans le cadre de

l’exercice de ses missions, il ne reçoit aucune instruction et n’est soumis à aucun pouvoir

hiérarchique, même pas à celui du Président de la République qui le nomme pourtant par

décret pour une période de six (6) ans non renouvelable. Il est donc inamovible pendant toute

la durée de son mandat. C’est une autorité administrative indépendante et neutre.

A la lecture des dispositions de l’article premier de la loi précitée, nous pouvons en déduire

que le Médiateur de la République intervient en principe, en matière de litige foncier et

63 Loi n° 91-14 du 11 février 1991 instituant un Médiateur de la République au Sénégal.

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domanial, lorsque ledit conflit oppose soit l’Etat à un ou des particuliers, soit lorsque cela

oppose l’Etat central à des démembrements ou encore ces derniers contre les particuliers.

Mais dans les faits, il est aussi très souvent saisi relativement à des litiges fonciers opposant

strictement des particuliers.

Ainsi, toute personne physique ou morale qui se sent lésée par un litige foncier ou domanial

auquel l’Etat, ses démembrements (collectivités locales) ou représentants (autorités

administratives déconcentrées) sont concernés, peut valablement porter l’affaire devant le

Médiateur de la République. A ce niveau, il analyse méticuleusement les prétentions des

parties en litige pour déterminer la partie qui a raison et celle qui a tort, mène toutes les

diligences nécessaires à la manifestation de la vérité telle que prévue par la règlementation et

la législation en matière foncière et domaniale. Il « statue » alors en droit, mais il peut aussi

statuer en équité.

En effet, à la suite d’un litige foncier ou domanial dont il est saisi, lorsqu’il apparait au

Médiateur de la République que la stricte application des dispositions légales et

règlementaires dans leur rigueur totale peut aboutir à une situation d’iniquité, ce dernier peut

proposer à l’autorité compétente, toutes les mesures qu’il estime de nature à y remédier et

faire des suggestions de modification des dispositions légales et règlementaires en cause afin

que chaque partie puisse y trouver son compte et qu’une suite heureuse soit trouvée.

Cependant, lorsque le litige foncier ou domanial atterrit d’abord devant le prétoire du juge, il

est admis que le Médiateur ne pourra pas interférer dans la procédure judiciaire, ni remettre en

cause une décision juridictionnelle rendue en matière de contentieux foncier au cas où le juge

condamnerait telle ou telle autre partie, mais le respect des décisions ayant acquis l’autorité de

la chose jugée n’interdit pas au Médiateur de demander à la personne ou collectivité ayant eu

gain de cause de renoncer à tout ou partie de ses droits en cas d’iniquité manifeste.

Aussi, aux fins de mieux se prononcer sur un litige foncier ou domanial qui lui est soumis, le

Médiateur de la République peut demander au Cadastre, à l’Urbanisme, aux Domaines, ou à

la Conservation foncière, de lui donner communication de tout document ou dossier

concernant l’affaire pour laquelle il fait une enquête. Aux termes de l’article 14 de la loi 91-

14 précitée, « le caractère secret ou confidentiel des pièces dont il demande communication

ne peut lui être opposé sauf en matière de secret concernant l’instruction judiciaire, la

défense nationale, la sûreté de l’Etat ou la politique étrangère ».

A la fin de chaque année, le Médiateur de la République élabore un rapport général qu’il

adresse au Président de la République et qui répertorie l’ensemble des litiges qui lui ont été

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soumis au cours de l’année et les solutions et recommandations pratiques qu’il a faites afin

d’aider à les juguler.64

A titre illustratif, son rapport pour l’exercice 2012-2013 (présenté au Président de la

République le mardi 23 juin 2015) nous renseigne que sur tous les dossiers traités au cours de

cette période, « les 30,6% concernent le Ministère de l’Economie, des Finances et du Plan

avec une prépondérance d’affaires foncières représentant les 22%. Pour l’essentiel, dit-il,

elles portent sur des réclamations pour l’attribution de parcelles de terrain après

l’accomplissement de toutes les formalités, notamment le paiement de la taxe de bornage,

mais également l’obtention de titres de jouissance formulées par les attributaires de parcelles

de terrain dépendant du domaine national. Elles concernent surtout les lenteurs notées dans

les procédures d’immatriculation et les réclamations pour non-paiement d’indemnités dues

suite à des expropriations pour cause d’utilité publique datant de plusieurs années. Enfin, ces

réclamations concernent des plaintes de particuliers pour l’occupation illégale de leurs

terrains65 ».

Compte tenu de ces observations, le Médiateur de la République a recommandé à l’Etat

d’engager la procédure d’immatriculation d’assiettes foncières importantes susceptibles

d’attribution par voie de bail à plusieurs bénéficiaires (avec des réserves de parcelles non a

priori attribuées pour satisfaire les éventuels besoins de substitution à l’initiative de l’Etat).

Il a, par ailleurs, signifié la nécessité pour la CCOD de faire preuve d’une plus grande rigueur

et il a enfin recommandé à l’Etat de faire preuve de diligence dans le paiement des indemnités

suite à des opérations d’expropriation pour cause d’utilité publique.

A travers les exemples précités, nous pouvons largement constater l’étendue du rôle que le

Médiateur de la République peut jouer en matière de litige foncier ou domanial, ce qui est

d’un apport certain dans le renforcement de la sécurité et de la stabilité foncière, condition

sine qua non d’un rayonnement économique harmonieux.

A ce propos, la Direction Générale des Impôts et Domaines y joue un rôle tout aussi crucial

qu’il devient impérieux d’analyser.

Paragraphe 3 – L’intervention de l’administration des Domaines

Dans le cadre du traitement des litiges fonciers et domaniaux, la DGID y joue un rôle

important aussi bien dans la gestion pacifique que juridictionnelle. Ainsi, dans la gestion

pacifique du conflit, recourir à elle est souvent privilégié en raison des avantages qu’elle

64 Pour un cas de résolution de litige foncier par le Médiateur de la République, voir le rapport général annuel du Médiateur, année 1992, page 92, 3ème affaire 65 Journal Le Quotidien n° 3717 du jeudi 25 juin 2015, page 3

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présente notamment la rapidité 66 du traitement (surtout lorsque le litige oppose

l’Administration à des particuliers), la gratuité de la procédure (contrairement à la voie

judiciaire pour laquelle le requérant paie des frais d’enrôlement au greffe, des honoraires

d’avocat etc.) et la simplicité. Il est généralement admis qu’un conflit foncier ou domanial fait

l’objet d’un traitement judiciaire relativement lent (environ 3 mois en première instance, entre

3 et 6 mois en appel et jusqu’à 1 an devant la C.S.). Par contre, la DGID qui dispose d’un

personnel spécialement formé et dédié à cette tâche, offre des perspectives plus intéressantes

(recours à la DRD, au bureau des domaines du CSF compétent notamment NGA pour les

litiges nés à Ngor, Ouakam ou Yoff, à la section affaires foncières et domaniales de la DLEC

etc.).

En ce qui concerne l’intervention de la DGID dans le cadre de la gestion juridictionnelle des

litiges fonciers et domaniaux, elle consiste essentiellement en des avis ou rapports

circonstanciés adressés, sur leur demande, aux juges auxquels des litiges à caractère foncier

ou domanial sont soumis.

En outre, pour mieux appréhender l’étendue du rôle de l’Administration des domaines en

matière de gestion des litiges fonciers et domaniaux, il convient de s’intéresser aux mesures

qu’elle met en œuvre (B) une fois qu’elle est saisie (A) afin d’y apporter un traitement

diligent.

A- La saisine de la Direction Générale des Impôts et des Domaines

La DGID peut être saisie pour toute personne qui le juge nécessaire pour affaire

concernant un litige foncier ou domanial. Dans la réalité des faits, les requérants saisissent

très souvent le Président de la République ou le MEFP ou bien encore ils saisissent

directement la DGID.

Dans bien des cas aussi, c’est le Médiateur de la République qui est saisi et qui, à son tour,

transfère le dossier au MEFP qui l’impute à la DGID. A ce niveau, la DGID dispose de

structures aux compétences foncières et domaniales avérées et dont les plus importantes eu

égard à notre étude sont la Direction des Domaines, la Direction Régionale de Dakar et la

Direction de la Législation, des Etudes et du Contentieux.

Ainsi, la DLEC est compétente pour représenter le Directeur Général des Impôts et des

Domaines aussi bien dans le cadre du contentieux administratif que juridictionnel. Elle est

chargée de suivre, entre autres, les instances foncières et domaniales devant les juridictions

66 Cependant, des techniciens du foncier et par ailleurs agents de la DGID pensent que « la diligence, la célérité

ne sont pas des critéres de performance effectivement remplis par les services de la DGID en matiére domaniale

,et ce ,malgré les engagements contenus dans le PDSAF et en dépit de la surveillance du DOING BUSINESS »

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dans la limite des compétences dévolues en la matière à la DGID, ainsi que de l’instruction

des réclamations et recours administratifs adressés au DGID67.

Concernant la Direction des Domaines, elle se charge, entre autres, de la conception et du

suivi des stratégies définies pour une bonne gestion foncière et domaniale, de la supervision

de la gestion du domaine de l’Etat, de la mise en place de conditions nécessaires à une bonne

conservation de la propriété privée et des droits fonciers, de la surveillance des opérations

foncières relatives au domaine national, de la production d’études et de l’appui à l’élaboration

de la législation en matière foncière et domaniale68. A travers son « Bureau des Affaires

Juridiques », elle assiste les services de la DLEC dans l’élaboration de la législation et dans la

gestion du contentieux administratif et juridictionnel en matière foncière et domaniale,

contrôle la mise en œuvre des procédures d’expropriation pour cause d’utilité publique et

d’exercice du droit de préemption de l’Etat, elle assure également la coordination des travaux

préparatoires de la CCOD en relation avec les Directions opérationnelles concernées69.

Enfin, en ce qui concerne la Direction régionale de Dakar, à travers son « Bureau chargé des

Affaires foncières, domaniales et cadastrales », se retrouve responsable :

- de l’établissement de projets de lotissements administratifs en rapport avec les

services de la Direction chargée de l’Urbanisme et de l’Architecture ;

- du contrôle des lotissements approuvés ;

- du contrôle des lotissements appliqués par les géomètres-experts agrées ;

- du contrôle de l’occupation des parcelles de terrains et de la gestion du fichier ;

- du contrôle de l’application technique des plans d’aménagement ;

- de la délivrance des certificats de conformité et de réception des lotissements privés ;

- du contrôle et de la délimitation des dépendances du domaine public ;

- du suivi de la mise en œuvre des stratégies dégagées par la Direction du Cadastre

ainsi que celles de la Direction des Domaines ;

- du suivi de la mise en œuvre des procédures d’expropriation pour cause d’utilité

publique ;

- du suivi de la centralisation des données sur les performances des services en matière

cadastrale et domaniale ;

- de la supervision de l’inventaire et de la gestion des biens domaniaux et des

concessions ;

67 Article 32 de l’arrêté n° 20287 du 31 décembre 2013 portant organisation de la DGID 68 Article 73 de l’arrêté précité 69 Article 78 arrêté 20287

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- du suivi de la liquidation des redevances pour occupation du domaine ;

- du contrôle des procédures d’acquisition et d’aliénation des biens meubles

appartenant à l’Etat et, éventuellement, à d’autres collectivités ou établissements

publics ;

- du suivi de l’instruction des affaires domaniales ;

- du suivi de toutes les opérations domaniales, foncières et cadastrales exécutées par les

services.

Vu l’étendue de leurs compétences en matière foncière et domaniale, ces structures peuvent,

chacune en ce qui la concerne ou dans une parfaite collaboration entre elles, jouer un rôle

déterminant dans le processus de gestion des conflits fonciers et domaniaux à travers la mise

en œuvre d’actions spécifiques à même de les résoudre.

B) –Les mesures mises en œuvre par la DGID à travers ses structures

compétentes en matière foncière et domaniale

Lorsque l’Administration est saisie relativement à un litige foncier, la structure saisie

(DRD, dans la plupart du temps) essaie de voir s’il s’agit d’un litige privé ou bien à caractère

administratif. Si le litige est privé, les parties en conflit sont convoquées et une tentative de

conciliation est faite en essayant de trouver des clefs de répartition de sorte que chaque partie

y trouve son compte et que nul ne soit lésé.

Si le litige en question concerne le contentieux de l’indemnisation tardive, des mesures

tendant à la facilitation du paiement des sommes dues sont mises en œuvre.

Si le litige est relatif à une double attribution portant sur un terrain nu, la primauté sera

accordée au dernier attributaire et un terrain de substitution sera recherché et octroyé au

premier acquéreur en veillant, au préalable, à résilier son bail. Il s’agit ici d’une résiliation

suivie d’une nouvelle attribution de bail qui suivra alors le circuit classique d’attribution des

baux. Tous les éléments du dossier sont envoyés au Receveur des Domaines territorialement

compétent qui le transmet à la Direction des Domaines, puis à la CCOD. Si l’acte bénéficie

d’un avis favorable de la commission, le receveur compétent transmet le dossier, par

bordereau d’envoi, au DRD qui saisit le DGID pour approbation si le terrain en cause

n’excède pas les 200 m2 ; le cas non-échéant, le dossier est transmis au Ministre en charge

des Domaines pour approbation.

Lorsque le litige concerne toujours une double attribution et que l’un ou l’autre des

attributaires a déjà mis en valeur, on privilégie celui qui a construit sur le terrain litigieux et la

substitution ne concernera que l’autre partie.

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Mais il faut préciser que la substitution n’est pas toujours acceptée ou bien n’est pas toujours

possible. En effet soit l’intéressé peut contester le site de recasement soit il peut accepter la

substitution mais qu’il n’y ait aucune assiette foncière disponible.

C’est pourquoi la solution qui a été préconisée par les acteurs étatiques du foncier, c’est de

prévoir dans les lotissements ultérieurs, une réserve de parcelles destinées à faire face à

d’éventuels litiges fonciers nécessitant le recours à la substitution. Il faudra toutefois bien

sécuriser ces parcelles de sorte qu’elles ne soient pas détournées de leur destination.

Section 3 – La gestion alternative des litiges fonciers et domaniaux

De manière classique, la gestion alternative des litiges renvoie à un ensemble de

mesures extra-judiciaires fixées par les parties en conflit en amont ou en aval du litige. Ces

mesures tournent autour de la négociation, la facilitation, la médiation et la conciliation, mais

ces deux dernières notions ayant déjà été traitées, nous nous focaliserons essentiellement sur

la négociation (Paragraphe 1) et la facilitation (Paragraphe 2), comme moyens alternatifs

de règlement des litiges fonciers et domaniaux.

Ces deux méthodes ont comme point commun de ne pas rechercher des solutions tranchées, le

but n’étant pas de déterminer qui a tort et qui a raison mais d’aider les parties à comprendre

leurs situations respectives et à envisager, en commun, une manière de résoudre

définitivement leur conflit.

Paragraphe 1 – La négociation

La négociation est une méthode de résolution des conflits reposant sur un processus

consensuel utilisé directement par les parties en litige avec ou sans l’aide d’un facilitateur.

Les négociations sont du domaine privé et leur conduite relève des parties qui fixent leur

contenu, leur durée, leur déroulement et leurs résultats. L’autorité décisionnelle relève

directement des parties en négociation et non d’une tierce partie extérieure, comme un arbitre

ou un juge.

Dans les négociations, l’objectif est de parvenir à un accord exécutoire ou non, dans le cadre

du droit formel ou coutumier. En cas d’échec, les parties devront opter pour une autre forme

de résolution des conflits qui impliquera alors l’intervention d’une tierce partie neutre. Les

négociations sont normalement moins couteuses et plus rapides que les méthodes qui

nécessitent l’intervention d’une tierce partie ou un processus formel. Cela dit, les négociations

en matière de litige foncier peuvent être complexes s’il existe un fort déséquilibre des

pouvoirs.

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Si une ou plusieurs parties prenantes estiment que l’accord ne tient pas compte de leurs

besoins et de leurs intérêts, elles ne seront pas enclines à le respecter. Il est également possible

qu’une partie signe l’accord sans bien comprendre, de manière optimale, sa portée ou parce

que son pouvoir de négociation est trop faible pour proposer des solutions différentes ou

encore parce qu’elle est sujette à des pressions extérieures. Dans ce cas, l’accord n’aura

probablement aucun effet.

Un processus de négociation est fructueux lorsqu’il aboutit à un accord considéré comme

légitime par toutes les parties. Un accord négocié peut avoir une autorité juridique s’il

respecte les conditions requises pour la validité d’un contrat dans la législation nationale. Les

accords de règlement indiquent parfois les mesures à prendre par chaque partie, décrivent les

solutions auxquelles elles sont parvenues, et font savoir l’existence de la promesse réciproque

de ne pas engager une instance par des voies légales, toutes les parties en litige ayant décidé

d’appliquer scrupuleusement les conditions de l’accord.

Pour garantir le succès de l’accord, les parties devraient confier à une personne ou structure

neutre, le suivi, l’application et la mise en œuvre de la décision.

Si l’accord n’est pas respecté par l’une des parties, l’autre devrait normalement l’assigner en

justice pour l’amener à honorer son engagement ou encore porter le litige initial devant une

autorité arbitrale ou judiciaire pour une résolution aux contestations moindres.

Les accords informels comme les accords non écrits peuvent être appliqués en droit formel

mais des efforts plus importants sont requis devant les tribunaux et l’issue est beaucoup plus

aléatoire.

Selon les communautés, le processus de négociation peut avoir lieu en droit coutumier, et

l’accord non écrit qui en découlerait pourrait avoir une force exécutoire au sein de la

communauté, sous réserve, généralement, d’être estampillés par les autorités coutumières.

La négociation, si elle aboutit, se révèle être plus simple que les modes de résolution

classiques des litiges en cela que, même après l’exécution de l’accord, les relations sociales

n’en sont pas pour autant atteintes. Il en est de même concernant la facilitation.

Paragraphe 2 – La facilitation

La facilitation est l’intervention d’une tierce partie neutre dont la tâche consiste à aider

les parties prenantes avant (et éventuellement) pendant le processus de résolution d’un litige.

La neutralité d’un facilitateur tient au cadre de ses fonctions qui consistent à favoriser la

communication entre les acteurs mais en aucun cas d’en influencer la décision.

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Le facilitateur s’attachera à faire connaitre les motivations, à préciser les questions en jeu, à

élaborer un consensus et à évaluer le processus. La principale différence entre un conciliateur

et un facilitateur est que le conciliateur doit aborder le fond et le contenu des questions

soulevées par le conflit et envisager des solutions possibles alors que le facilitateur se

désintéresse des décisions sur le fond et le contenu et s’occupe simplement du bon

déroulement du processus.

Une autre différence est que le conciliateur doit rétablir des courants de communication entre

les parties prenantes et même parfois les créer, alors que le facilitateur utilise des réseaux

existants qu’il transforme en outils parfaitement appropriés à la résolution du conflit.

Le rôle du facilitateur s’exerce pour l’essentiel avant le processus de résolution du conflit. Il

ne participe pas directement aux négociations entre les parties prenantes : à ce stade, sa

mission est terminée.

Le facilitateur a principalement pour vocation de donner aux parties prenantes tout l’appui

dont elles ont besoin pour trouver une base commune à partir de laquelle engager des

pourparlers. Il participe à l’analyse de la situation et s’entretient séparément avec chacune des

parties en vue de préparer la médiation. Sa principale différence avec le Médiateur, au sens

classique du terme, est que ce dernier s’implique carrément dans la gestion du conflit en

amont comme en aval et à la fin, fait des recommandations susceptibles de juguler le litige en

cause.

Le facilitateur, quant à lui, se penche essentiellement sur les questions pour lesquelles un

accord potentiel semble envisageable, l’essence d’un conflit n’apparaissant pas toujours

immédiatement et ne concernant pas inévitablement des questions identitaires essentielles. Il

doit s’atteler à faciliter la communication et à faire converger les informations en vue

d’améliorer la capacité de chaque partie prenante mais son rôle doit rester modeste dans les

pourparlers afin de respecter les limites de son mandat.

Comme moyens alternatifs de résolutions des litiges fonciers, la négociation et la facilitation

ne sont, en général, possibles que lorsque le conflit en question n’atteint pas certaines

proportions. En effet, le litige peut être d’une complexité telle qu’aucune forme ne traitement

à l’amiable du conflit ne soit possible. Dans ces cas de figure, le recours à la gestion

juridictionnelle dudit contentieux devient l’ultime solution envisageable.

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CHAPITRE 2- LA GESTION JURIDICTIONNELLE DU CONTENTIEUX EN

MATIERE FONCIERE ET DOMANIALE DANS LES COMMUNES DE NGOR,

OUAKAM, YOFF

La doctrine est partagée quant à la classe à laquelle appartient le recours juridictionnel.

Si une bonne partie des théoriciens jugent qu’il est un mode de gestion pacifique des litiges,

que c’est d’ailleurs le mode normal de résolution des litiges en ce qu’il constitue une simple

interpellation du juge à dire, entre deux prétentions divergentes, quelle est la mieux fondée,

une autre partie de la doctrine opine qu’il symbolise l’échec même de la tentative de

résolution amiable du litige en question ; qu’un litige n’aboutit, en général, devant le prétoire

du juge que lorsque la conciliation, la médiation et toutes les autres options pacifiques ont

échoué ;le litige étant défini ici comme un désaccord de volonté relatif à un objet donné car

l’une des parties prétend quelque chose que lui conteste l’autre. Cette étape symboliserait

donc « l’ouverture des hostilités civilisées ».

Mais en tout état de cause, une chose demeure constante, c’est que, comparée à la gestion

administrative des litiges fonciers et domaniaux par exemple, la gestion juridictionnelle

présente à la fois des aspects positifs comme négatifs. Ses aspects positifs renvoient

essentiellement au fait que lorsque la décision qui en émane est revêtue de l’autorité de la

chose jugée, elle consacre des droits qu’il est difficile voire quasiment impossible de remettre

en cause. Ses aspects négatifs (« décourageants », semble mieux convenir) renvoient à la

lenteur des procédures judiciaires dans un Sénégal où les magistrats sont en sous-effectif, au

caractère onéreux des procédures (frais de greffe, droits d’enregistrement et de timbres tel que

prévu par l’article 56 du Code de Procédure Civile, les honoraires d’avocat etc.).

Après ces considérations générales, il convient maintenant de s’intéresser d’une part aux

règles de compétence juridictionnelle en matière de traitement des litiges fonciers et

domaniaux (Section 1) avant d’analyser, d’autre part, la portée des décisions rendues

relativement à ladite matière (Section 2).

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SECTION 1 – LES REGLES DE COMPETENCE JURIDICTIONNELLE

Les règles de compétence juridictionnelle sont fixées par la loi n° 2014-26 du 03

novembre 2014 abrogeant et remplaçant la loi n° 84-19 du 02 février 1984 portant

organisation judiciaire au Sénégal. La compétence juridictionnelle désigne l’aptitude d’une

juridiction étatique à connaitre d’un litige ou d’une situation de droit. La détermination de la

juridiction compétente est le préalable nécessaire à la saisine du juge et à l’examen de

l’affaire sur le fond. L’incompétence du juge saisi entache la décision rendue d’un vice et

contraint les parties à devoir reprendre l’instance devant un autre juge.

Les règles de compétence juridictionnelle permettent de déterminer, au sein de l’organisation

judiciaire, la juridiction compétente, son ordre, son degré, la nature et le lieu de son siège.

La compétence d’une juridiction est qualifiée d’après la matière de l’affaire dont elle est saisie

(compétence matérielle) et le lieu de rattachement géographique du litige (compétence

territoriale).

Pour les litiges fonciers et domaniaux, les règles liées à la compétence temporelle ne

s’appliquent généralement pas. Par exemple, les infractions continues (occupation illégale du

terrain d’autrui etc.) pourront être portées à la connaissance du juge compétent tant que

l’infraction persistera dans le temps ; autrement dit, l’occupation illégale, même centenaire

d’un terrain appartenant à autrui ne confère aucun droit à la personne qui l’occupe

illégalement.

Paragraphe 1- La compétence juridictionnelle

Distinguons entre compétence matérielle et compétence territoriale. La compétence

matérielle (ou compétence ratione materiae) est l’aptitude d’une juridiction à statuer en raison

de la nature de l’affaire à juger. Au Sénégal, la loi confère une compétence matérielle de droit

commun au Tribunal régional (TR), devenu Tribunal de Grande Instance à la faveur de la

dernière réforme judiciaire (loi n° 2014-26 du 03 novembre 2014). La compétence territoriale

désigne, quant à elle, l’aptitude d’une juridiction à connaitre d’une affaire en raison de sa

localisation géographique. Le Code de procédure civile prévoit la règle «actor sequitur forum

rei », c'est-à-dire la compétence de la juridiction dans le ressort duquel le défendeur à l’action

à son domicile. En matière de litiges fonciers et domaniaux, le TGI dans le ressort duquel se

situe le terrain litigieux peut être perçu comme étant la juridiction territorialement

compétente.

Mais de manière générale, on peut dire que la vie judiciaire d’un litige foncier peut se

circonscrire autour de trois juridictions essentiellement. En matière de litiges fonciers, stricto

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sensu, la compétence est dévolue, en principe, au TGI précédemment appelé TR (A). Ensuite,

les litiges rendus en premier ressort en matière foncière dans les communes de Ngor, Ouakam

et Yoff, sont attaquables, en appel, devant la Cour d’appel de Dakar (B). Et enfin, en ce qui

concerne le contentieux de la désaffectation, de la résiliation jugée arbitraire des baux etc. la

compétence est dévolue à la Cour suprême notamment à sa chambre administrative, surtout

lorsqu’il est question de recours pour excès de pouvoir.

Mais cette chambre connait aussi du contentieux de la cassation concernant les litiges fonciers

déjà jugés par la Cour d’appel de Dakar (C).

A- La compétence de droit commun du Tribunal de Grande Instance en

premier ressort

De manière générale, le TGI a une compétence matérielle de droit commun. Cela

signifie que pour tous les litiges dont compétence n’a pas été expressément dévolue à une

juridiction spéciale, c’est le TGI qui sera compétent. On dit, à ce propos, que le TGI a une

compétence résiduelle alors que les autres juridictions ont une compétence d’attribution dans

la mesure où les infractions pour lesquelles elles sont compétentes sont limitativement

énumérées.

La compétence résiduelle du TGI recouvre le contentieux administratif et fiscal (à l’exception

du recours pour excès de pouvoir et des recours en matière électorale), les infractions pénales

commises par les mineurs, les litiges en matière civile comme commerciale sous réserve de

ceux confiés aux Tribunaux d’Instance (ex tribunaux départementaux), mais aussi le

contentieux en matière foncière (immeuble bâti comme non bâti).

Saisi à propos d’un litige foncier donné, le TGI peut statuer en premier ressort seulement tout

comme il peut statuer en dernier ressort. Dans la dernière hypothèse, le demandeur ou le

défendeur n’ayant pas eu gain de cause peut former un pourvoi contre cette décision devant la

Cour suprême. Mais dans l’occurrence où le TGI n’a statué qu’en premier ressort, la partie

qui estime que le droit a été violé ou en tout cas n’a pas été bien dit peut interjeter appel

devant la Cour d’appel de Dakar.

B –La compétence de la Cour d’appel en la matière

Tout plaideur qui a perdu en première instance dispose d’une possibilité, sous

certaines conditions, de faire juger de nouveau son affaire par une juridiction

hiérarchiquement supérieure.

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L’appel est une voie de recours qui tend à faire réformer ou annuler une décision rendue par

une juridiction du premier degré. Le juge d’appel est tenu de rejuger en fait et en droit la

décision qui lui est dévolue. On parle de l’effet dévolutif de l’appel.

L’appel est habituellement une voie de réformation. C'est-à-dire que le juge d’appel va

rejuger le fond de l’affaire, sur les points où il y’a eu appel et va pouvoir changer les motifs,

sans que le dispositif de la décision ne change nécessairement.

Ce peut aussi être une voie d’annulation qui aboutit à un anéantissement pur et simple du

jugement rendu par le TGI dans les cas où la procédure suivie ou le jugement lui-même sont

considérés comme irréguliers. Le juge d’appel peut alors infirmer la décision totalement ou

partiellement.

L’appel, du moins en matière de procédure civile (et les litiges fonciers relèvent de la matière

civile), est aussi considéré comme une voie d’achèvement où le juge d’appel tient compte de

l’évolution du litige depuis que le premier jugement est intervenu.

L’arrêt de la juridiction d’appel pourra éventuellement faire l’objet d’un pourvoi en cassation

devant la Cour suprême, par les parties y ayant intérêt. En effet, on peut certes priver

quelqu’un d’un recours en appel (c’est le cas pour les affaires de très petite importance ou

dont le taux de ressort est inférieur à un certain montant) mais on ne peut jamais priver un

justiciable qui le désire, d’un recours en cassation.

C - La compétence de la Cour suprême en matière foncière et domaniale

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la Cour suprême (CS) n’est pas un

troisième degré de juridiction. Elle n’a pas vocation à procéder à un nouvel examen des faits

litigieux mais elle se borne seulement à vérifier si le droit a été bien appliqué par la juridiction

d’où émane la décision attaquée, c'est-à-dire la juridiction du fond.

En effet, pour bien comprendre la particularité du rôle de la Cour, par rapport aux autres

juridictions, il est indispensable de partir de l’idée que les décisions de justice (émanant des

juridictions du premier degré ou du second degré) apparaissent, de manière formelle comme

étant la conclusion d’un syllogisme appelé le syllogisme judiciaire. Dans sa démarche

ternaire, le juge procède d’abord à la qualification des faits qui lui permet de déterminer la

règle de droit applicable pour enfin aboutir à la conclusion qui est le jugement (TGI) ou l’arrêt

(CA), à proprement parler.

La Cour suprême ne procède pas de cette manière puisqu’elle n’effectue pas un réexamen des

faits dont l’appréciation relève de la souveraineté des juges du fond. A partir des faits tenus

pour constants, la Cour suprême contrôle si les juges du fond ont bien compris le sens de la

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loi, s’ils lui ont donné sa portée exacte, s’ils n’ont pas été au-dessus ou en deçà de la pensée

du législateur car le juge ne doit statuer ni « ultra petita » ni « infra petita ». C’est une règle

élémentaire du droit processuel.

Par conséquent, l’auteur du pourvoi est tenu d’invoquer une ou plusieurs violations de la loi.

Chacune des violations invoquées constitue un moyen de cassation. Par exemple, le juge du

fond, nonobstant la production d’un duplicata de TF en bonne et due forme au nom de A,

tranche quand même le litige en faveur de B qui a la copie originale du TF. Ici, il y’a violation

de la loi, du fait qu’en principe, le duplicata rend caduque la copie originale du TF car le

duplicata n’est censé être délivré qu’en cas de perte ou destruction du TF et suivant une

procédure rigoureusement bien encadrée.

En outre et, de manière plus concrète, la Cour suprême est compétente en matière de cassation

des décisions relatives à des litiges fonciers, rendues soit en premier et dernier ressort par le

TGI soit rendues en la même matière par la Cour d’appel de Dakar. Sa chambre civile s’en

occupera notamment.

Mais elle est aussi compétente, à travers sa chambre administrative, en premier et dernier

ressort concernant les recours pour excès de pouvoir des autorités exécutives ainsi que les

litiges relatifs à la légalité des actes des collectivités locales. Elle est donc compétente pour

juger de la légalité des actes portant résiliation de baux, ou portant désaffectation dès lors que

ces opérations lèsent des particuliers qui ont intérêt à agir.

En définitive, lorsqu’elle est saisie d’un pourvoi, la CS ne dispose que de deux procédures :

soit elle rejette le pourvoi, soit elle casse la décision en totalité ou partiellement et donc

l’affaire sera rejugée une nouvelle fois par une juridiction appelée juridiction de renvoi, si

l’une ou l’autre des parties en exprime le souhait.

En résumé, les recours en cassation des litiges fonciers qui opposent uniquement des

particuliers et donc auxquels ni l’Etat ni ses démembrements ne sont parties, sont du ressort

de la chambre civile de la CS tandis que ceux purement domaniaux soit parce que l’Etat ou

ses démembrements sont parties au procès soit parce que le terrain litigieux appartient au

domaine public ou au domaine national par exemple, sont du ressort de la chambre

administrative de la CS.

Après en avoir fini avec les généralités concernant les juridictions qui peuvent connaitre des

litiges fonciers et domaniaux, il convient de s’intéresser au juge à qui l’affaire est soumise au

sein de ces juridictions notamment en première instance, qui peut d’ailleurs varier en fonction

de la complexité, de l’urgence, ou du caractère extrêmement sérieux de l’affaire en raison

surtout des arguments et documents brandis çà et là.

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Paragraphe 2 –L’identification du juge compétent

Selon les particularités et la gravité du litige foncier (expulsion, si l’un ou l’autre

gagne, risque de démolition des impenses etc.), le juge saisi ne sera probablement pas le

même. Ainsi ,si dans bien des cas notamment lorsqu’il y’a urgence, c’est le juge des référés

qui est saisi (A), dans bien d’autres cas notamment en cas de motif sérieux ou de contestation

sérieuse, c’est la compétence du juge du fond qui est de rigueur (B).

A –Les hypothèses de saisine du juge des référés en matière de litiges fonciers

Le référé est une procédure contentieuse, très usitée, rapide et peu onéreuse. A la demande

d’une partie, le juge des référés a le pouvoir d’ordonner immédiatement des mesures

conservatoires. Mais les pouvoirs du juge des référés sont soumis aux conditions suivantes :

- l’urgence : elle est une notion de fait, laissée à l’appréciation souveraine du juge. On

estime généralement qu’il y’a urgence dès qu’un retard apporté à une solution

provisoire est de nature à compromettre les droits du demandeur. C’est le cas

lorsqu’une sommation de quitter les lieux aux fins de démolition est soumise à

l’occupant des locaux visés ;

- La mesure demandée ne doit se heurter à aucune contestation sérieuse : il y’a

contestation sérieuse dès lors que le droit qui sert de fondement à une mesure

sollicitée n’est pas évident et incontestable. C’est le cas d’un litige foncier pour lequel

une des parties brandit un état des droits réels en bonne et due forme établi à son nom

et l’autre partie brandit aussi un document similaire faisant ressortir aussi son nom.

Face à cette complexité, les deux documents ayant chacun une valeur juridique

présumée, le juge des référés se dessaisit de l’affaire et la transfère au juge du fond. A

l’inverse, si la partie menacée d’être expulsée ne dispose d’aucun document pouvant

attester qu’elle occupe légalement les locaux litigieux, l’absence de motif sérieux est

constituée ;

- La mesure se justifie par l’existence d’un différend : dans ce cas le requérant

demande au juge la prise des mesures nécessaires à l’attente de la solution du juge du

fond.

Rappelons que c’est le Président de la juridiction saisie, en l’occurrence le TGI, qui joue le

rôle de juge des référés, mais en pratique il le délègue très souvent aux autres magistrats

placés sous son autorité.

Si la procédure aboutit, le juge des référés saisi délivre, à l’issue de ladite procédure, une

ordonnance qui a une double originalité :

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- elle est provisoire en ce sens qu’elle peut être modifiée en cas de circonstances

nouvelles ;

- elle n’a pas l’autorité de la chose jugée au principal : le juge du fond saisi

ultérieurement du litige, n’est pas lié par la décision du juge des référés

Cette ordonnance constitue un titre exécutoire. L’exécution ne peut avoir lieu qu’après

notification au perdant, par voie de signification mais le juge peut décider que l’exécution

aura lieu par exemple, à la simple vue de la minute, c'est-à-dire sans notification préalable de

la décision.

Le gagnant peut recourir à toutes les procédures civiles d’exécution. Si le perdant fait appel de

cette ordonnance, il ne peut pas solliciter du président de la Cour d’appel, un arrêt de cette

exécution ou la subordonner à une garantie.

Les tiers auxquels l’ordonnance de référé porte préjudice peuvent l’attaquer par la voie de la

tierce opposition. Elle peut aussi faire l’objet d’une interjection en appel dans les quinze (15)

premiers jours suivant sa signification au perdant.

En définitive, si les conditions ci-dessus énumérées sont remplies, le juge des référés pourra

mettre en œuvre toute sa compétence mais le cas non-échéant, il se déclarera incompétent au

profit exclusif du juge du fond.

B –La saisine du juge du fond en cas de motif sérieux

Après avoir motivé son incompétence, le juge des référés renvoie nécessairement les

parties devant le juge du fond en matière civile, concernant les litiges purement fonciers, ceux

purement domaniaux avec, à la base un REP, étant dévolus à la chambre administrative de la

Cour suprême. Un travail de réenrôlement va alors se faire au niveau du greffe. La formalité

est gratuite.

Précisons qu’en l’occurrence, aussi bien le juge du fond que celui des référés appartiennent au

TGI (ex TR).

Une enquête menée sur le terrain a permis que constater que la plupart des affaires soumises

au juge étaient relatives au stellionat, à l’empiètement sur le terrain d’autrui, à l’occupation

illégale de terrain appartenant à autrui punie par l’article 423 du Code pénal en ces

termes : « quiconque aura cultivé ou occupé d’une manière quelconque un terrain dont autrui

pouvait disposer, soit en vertu d’un titre foncier, soit en vertu d’une décision administrative

ou judiciaire, sera puni d’un emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende qui ne

saurait être inférieure à 50.000 francs ».

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Outre le renvoi effectué par le juge des référés, le juge civil peut aussi être saisi par voie

d’assignation de la personne défenderesse devant le TGI par ministère d’huissier, le recours à

un avocat n’étant pas nécessaire, en l’occurrence. Cette assignation doit systématiquement

être notifiée à la personne défenderesse sous peine de vice de procédure.

A la comparution des parties, le juge analyse méticuleusement les éléments versés au dossier

foncier litigieux et se borne à dire le droit, il ne se livre, en principe, à aucune tentative de

médiation ou de conciliation des parties comme cela est préconisé en matière de contentieux

matrimonial.

Quand le juge saisi d’une affaire foncière est confronté à des difficultés particulières, il saisit

la DSCOS qui procède à des enquêtes en collaboration avec l’administration des Domaines, le

Cadastre et l’Urbanisme. A la suite de ce travail, un avis ou rapport circonstancié est soumis

au juge par la DSCOS. Cet avis ne lie pas le juge car il est simplement consultatif mais

généralement ce dernier le suit car n’étant pas lui-même un expert du foncier, il accorde une

forte présomption de véracité aux documents produits par des structures étatiques.

Selon la complexité du dossier, le litige peut être vidé entre 3 et 7 mois en première instance

et généralement en moins de 3 mois en appel.

En effet, le jugement rendu par le juge du fond du TGI peut être attaqué par voie

d’interjection en appel devant la Cour d’appel (CA). Et si à l’issue de l’arrêt de la CA, la

contestation persiste, les parties pourront se pourvoir en cassation.

Une fois les règles de compétence juridictionnelle ainsi que l’identification du juge compétent

élucidées, il convient de s’intéresser maintenant à la portée des décisions rendues en matière

foncière et domaniale.

SECTION 2- LA PORTEE DES DECISIONS RENDUES EN MATIERE

FONCIERE ET DOMANIALE

La portée des décisions rendues en matière foncière et domaniale renvoie à leur

étendue et à leurs limites. La jurisprudence étant une source du droit, ces décisions

participent, quelque part, à une meilleure compréhension de la législation foncière et

domaniale (Paragraphe 1). Mais force est de constater aussi que du fait de la conjugaison

d’un certain nombre de circonstances, ces décisions restent critiquables tant quantitativement

que qualitativement (Paragraphe 2).

Paragraphe 1- des décisions participant à la consolidation de la jurisprudence

en matière foncière et domaniale

La loi étant générale et abstraite, laisse une marge d’interprétation à la jurisprudence.

Le juge, à travers les décisions qu’il rend, est donc le premier interprète de la règle de droit,

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en cas de difficultés particulières relativement à son application ou à sa compréhension. Ces

décisions permettront donc d’avoir une base de données fiable sur la nature des litiges

fonciers et domaniaux, les complexités qu’ils soulèvent et les solutions pratiques auxquelles

le juge a recours pour leur traitement. A ce stade, il sera possible de dégager des postulats, à

même d’aider les acteurs et professionnels du foncier ainsi que les autres chercheurs

intéressés par la matière, de fixer les principes généraux régissant le contentieux foncier et

domanial, ce qui n’empêche nullement la modulation de ces principes en fonction des cas

traités.

Cette jurisprudence, entre autres vertus, permet de combler les carences de la législation

foncière et domaniale. En effet, l’attitude d’un juge devant un litige, influence très souvent les

décisions ultérieures du législateur relativement à la même matière.

De plus, les décisions rendues en matière foncière et domaniale consacrent, en général, des

droits intangibles. C’est le cas lorsqu’une ordonnance du juge ordonne au Conservateur de la

propriété et des droits fonciers de muter une propriété litigieuse donnée au nom du gagnant du

procès ou bien prescrit un morcellement ou une distraction. En effet, une décision judiciaire,

revêtue de l’autorité de la chose jugée, doit être exécutée quoi qu’il arrive, mais on se rend

compte, à la lumière des faits, que ce principe n’est pas toujours respecté car on peut voir des

conservateurs refuser d’exécuter des ordonnances ou jugements émanant d’autorités

judiciaires pour des raisons liées à la protection de l’acquéreur de bonne foi ou bien au risque

de voir ultérieurement leur propre responsabilité engagée, la loi ne semblant pas avoir prévu

des hypothèses de substitution de responsabilité entre Conservateurs et juges.

Le recours juridictionnel permet, en outre, d’avoir des mesures faiblement contestées. En

effet, lorsque le juge civil ordonne, par exemple, en dernier ressort, la démolition d’une

construction irrégulière, ce n’est que difficilement qu’on pourra revenir sur cette décision

alors qu’une solution émanant d’une médiation, d’un arbitrage ou d’une facilitation, au cas où

elle n’avantagerait pas l’une des parties, sera généralement contestée par cette dernière

jusqu’à ce que l’histoire connaisse son épilogue.

Le recours juridictionnel en matière de litiges fonciers et domaniaux, aussi fastidieux et

procédurier que cela puisse paraitre, recèle forcément des vertus incontestables car les

décisions qui en découlent contribuent fortement à la consolidation de la jurisprudence et à

une meilleure application et compréhension de la règlementation en vigueur en matière

foncière et domaniale.

Cependant, à bien des égards, ces décisions peuvent s’avérer critiquables.

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Paragraphe 2 –Des décisions qualitativement critiquables

Au Sénégal, les juges ne reçoivent pas une formation spécifique en matière foncière et

domaniale, ce qui fait qu’ils n’en sont pas des techniciens au sens strict du terme. Le seul

contact qu’ils ont avec la matière foncière et domaniale renvoie aux lois et règlements. Ce qui

peut sembler insuffisant car entre l’esprit et le texte, il peut y avoir un hiatus.

Or, le juge, qu’il soit formé ou pas dans une matière donnée, est obligé de trancher sous peine

de commettre le délit de déni de justice, sauf à se déclarer incompétent et auquel cas, il doit

obligatoirement renvoyer au juge compétent. C’est le cas du juge civil du TGI (ex TR) saisi

en matière de REP relativement à une désaffectation ou une résiliation de baux. Il doit se

déclarer incompétent et renvoyer les parties devant la chambre administrative de la Cour

suprême.

L’érection d’un « juge foncier » spécialement dédié au traitement des litiges ayant pour objet

la terre pourrait être une solution permettant un meilleur traitement des litiges fonciers et

domaniaux.

De même, aussi paradoxal que cela puisse paraitre, la jurisprudence foncière et domaniale, au

Sénégal, est quantitativement faible. En effet, les litiges fonciers pullulent au Sénégal mais en

retrouver une trace au niveau des juridictions est tout à fait difficile. Cela peut signifier que

tous les litiges fonciers et domaniaux rencontrés sur le terrain ne sont pas forcément portés à

la connaissance du juge, soit que les parties règlent cela à l’amiable soit que l’une ou l’autre

des parties, ayant conscience de la faiblesse de ses chances de gagner, décide de se désister.

Qualitativement aussi, on note une certaine standardisation des décisions avec des motivations

laconiques : les mêmes motivations pour les affaires quasi identiques. Cela peut être dû au fait

que les mêmes affaires sont confiées au juge : contentieux de l’empiètement, de l’occupation

illégale de terrain appartenant à autrui, contentieux du stellionat etc. Ces cas étant

relativement simples, des solutions simples y sont, par conséquent, apportées. Mais, nous

avons constaté que, dans certains cas où le litige foncier ou domanial en cause présentait une

certaine complexité, le juge a rendu des décisions critiquables qui ont posé des problèmes

concernant leur exécution. A titre illustratif, la décision «affaire héritiers de Diabel

SAMB », rendue par le TR le 08 janvier 2008 (jugement n° 58), peut être invoquée. Dans

cette affaire, le juge a méconnu un certain nombre d’éléments importants, notamment le

remembrement des Almadies qui était une opération foncière d’utilité publique, et a ordonné

la mutation de la propriété litigieuse, au nom des héritiers du propriétaire d’avant la période

du remembrement.

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Pour motiver son refus de procéder à la mutation prescrite par le juge, le Conservateur de la

propriété et des droits fonciers du CSF de Ngor-Almadies 70 , s’était exprimé en ces

propos : « Les héritiers ne pouvaient plus se prévaloir d’aucun droit de propriété sur le solde

du TF 5136/DG détenu exclusivement par le pilote qui lui-même ne pouvait plus réclamer

cette propriété en raison du remembrement à la suite duquel l’Etat lui avait transféré en

contrepartie de son terrain, un immeuble objet du TF 23.853/DG avec renoncement exprès à

tous recours de quelque nature que ce soit, contre le Conservateur et l’Etat du Sénégal du fait

de cette opération ».

Cette décision nous a largement renseigné sur les erreurs que peuvent commettre les juges

dans le traitement des litiges fonciers et domaniaux d’une certaine complexité.

Cette difficulté dans l’exécution des décisions rendues en matière foncière et domaniale est

fréquente pour les hypothèses où l’Etat ou ses démembrements étant parties au procès, la

décision rendue leur est défavorable.

Paragraphe 3- Les difficultés d’exécution de certaines décisions rendues en

matière foncière et domaniale

Elles concernent essentiellement les cas où l’Etat est condamné à l’issue d’une

procédure. En effet, le principe concernant les décisions de justice revêtues de l’autorité de la

chose jugée est l’exécution immédiate mais pour les cas où le litige oppose par exemple,

l’Etat à un particulier, ce dernier ne dispose d’aucun moyen pour le contraindre à exécuter la

décision le condamnant.

Ce qui fait qu’en matière de litige opposant l’Etat à des particuliers, le règlement à l’amiable

semble être la meilleure solution pour le particulier. En effet, c’est un gain de temps pour lui,

s’il parvient à trouver un terrain d’entente avec l’Administration, mais aussi une économie

d’argent car il sera dispensé des frais liés à la procédure judiciaire (frais de greffe, droits de

timbre, d’enregistrement, honoraires d’avocat etc.)

Cependant, dans un Etat de droit, ce genre de problème ne devrait pas se poser car l’Etat doit,

comme tout autre justiciable, exécuter les décisions rendues en sa faveur comme celles

rendues à son détriment. Cela contribuerait fortement au renforcement de l’autorité de la

chose jugée et donnerait ainsi tout son sens au principe sacro-saint de la séparation des

pouvoirs.

70 Monsieur Ndiaga LO, Conservateur au CSF de NGA

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CONCLUSION GENERALE

Les questions foncières et domaniales sont au cœur de l’actualité sénégalaise en

général et dakaroise, en particulier au point de faire, quotidiennement, les choux gras de la

presse. C’est une évidence : « le foncier demeure une question très complexe et est à

l’origine de nombreux contentieux impliquant des systèmes économiques, agraires, politiques,

culturels et souvent religieux ».Avec les récents scandales fonciers dans la zone jouxtant

l’aéroport, ayant occasionné beaucoup de pertes matérielles, notamment la démolition de

bâtiments illégalement érigés, l’attention particulière accordée par la presse, la population et

les autorités exécutives comme parlementaires aux questions foncières et domaniales s’est

considérablement accrue (les députés ayant demandé au gouvernement des explications sur ce

scandale lors d’une séance de questions-réponses au sein de l’hémicycle et le Président de la

République ayant sanctionné toutes les autorités qui étaient, de près ou de loin, concernées par

cette affaire, soit parce qu’ayant fait preuve de complicité, soit seulement de laxisme ou

d’attentisme face à la prolifération des constructions irrégulières).

Et pourtant les litiges fonciers et domaniaux dans les communes de Ngor, Ouakam et Yoff ne

datent pas d’hier (ils remontent aux années 1900) et se perpétueront probablement à travers le

temps si rien n’est fait car la zone est, en elle-même, une proie facile aux litiges fonciers et

domaniaux compte tenu de son histoire foncière tumultueuse.

Déjà en 1901, naquirent des rivalités fratricides entre les villages de Ngor, Ouakam et Yoff

qui, pendant de longues années, se sont querellés pour réclamer chacun, le droit de propriété

sur les Niayes des Mamelles.

De rudes combats, parfois fratricides, eurent lieux entre ces villages voisins et frères, suscitant

l’inquiétude de l’autorité coloniale qui, en définitive, offrit ses bons services pour trouver une

solution apaisée au problème.

Ainsi, sous l’encadrement et les conseils des cadres de l’administration coloniale, les

dignitaires et représentants des collectivités lébou des trois villages optèrent pour s’engager

dans des procédures légales de règlement de leur conflit, par voie judiciaire. Solution qui ne

fut envisagée qu’en 1928.

En effet, en 1928, le Gouverneur de la circonscription de Dakar et dépendances, sur la

demande des notables des trois villages, confia le litige au CADI de Dakar alors présidé par

Monsieur Ibrahima KANE en sa qualité de juge-arbitre. Ce dernier rendra le jugement

suivant : « le terrain litigieux doit appartenir à Ouakam », en se basant sur l’argumentaire

suivant : « Attendu que les notables de Ngor et Yoff ont unanimement reconnu qu’ils

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n’avaient pas participé aux travaux qui consistaient à borner, le terrain litigieux à l’aide de

plantations d’arbustes appelés « salaanes » et que ces travaux auraient été accomplis par les

notables de Ouakam, seuls ;

Attendu que le terrain litigieux est beaucoup plus proche de Ouakam que des villages de Yoff

et Ngor ;

Attendu que d’autre part, les sieurs Mbaye Bor et Abdou GUEYE, fils légitimes de Aliou

GUEYE, objet d’une attestation de propriété dressée par Maitre Patterson, notaire, le 30

mars 1901, ont publiquement reconnu que c’est à tort que leur père ALYA GUEYE aurait

déclaré que le terrain litigieux lui appartient exclusivement alors qu’en réalité, il appartient à

tous les habitants de Ouakam ».

Un autre cas particulier prouve que la terre a toujours été le « brandon de discorde » entre les

collectivités pourtant voisines de Ngor, Yoff et Ouakam. Il est relatif à l’actuel emplacement

de l’aéroport Léopold Sédar SENGHOR qui commence déjà à susciter des convoitises tous

azimuts depuis l’annonce d’une éventuelle délocalisation par le Président WADE.

Par réquisition n° 4174 du 22 juin 1943, l’Etat colonial avait demandé à la Conservation

foncière de Dakar de procéder à l’immatriculation d’un terrain nu d’une superficie de 471 ha

environ, destiné à l’implantation de « l’aéroport de Yoff ». Cette immatriculation a été

réalisée et a donné lieu à l’établissement du TF 4407. Pour arriver à cette opération, il a fallu

désintéresser les détenteurs de droits coutumiers (452 ha, pour des détenteurs particuliers et

19 ha pour les collectivités réunies de Ngor, Ouakam et Yoff).

En 1944, l’Etat indemnisa les détenteurs particuliers ainsi que le village de Ouakam. Mais les

villages de Yoff et Ngor contestant les termes de l’accord, n’ont pu être indemnisés. Ce n’est

que plus tard, le 5 juin 1947, qu’une convention a pu être trouvée entre l’Etat et les deux

villages. L’accord consistait à leur octroyer la somme de 1.200.000 Francs (600.000f par

collectivité) en échange de la renonciation à toute opposition ainsi qu’à toute revendication et

à toutes actions sur les terrains décrits et désignés tant par la réquisition d’immatriculation n°

4174 que par la réquisition n° 4227 portant sur les Niayes des Mamelles.

Il est étonnant donc qu’en 2015, que les héritiers de ces mêmes notables qui avaient été

dûment indemnisés par l’Etat colonial, revendiquent un droit de propriété sur le site abritant

l’aéroport et réclament, en conséquence, sa rétrocession, sans contrepartie, en cas d’éventuelle

délocalisation. Leur argumentaire reposant essentiellement sur la prétention selon laquelle le

site abritant l’aéroport aurait été prêté par leurs ancêtres aux autorités coloniales, sans

contrepartie onéreuse, suite à « une réquisition pour fait de guerre intervenue en 1943 ». Leurs

récentes manifestations ont été fortement estompées par les forces de l’ordre.

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Nous constatons donc que la zone est minée par une tradition de conflits fonciers et

domaniaux, la modernité n’y a changé que très peu de choses. Pour autant, devons-nous rester

fatalistes et ne pas croire en un horizon zéro litige foncier dans lesdites communes ?

Un certain nombre de mesures pourraient, nous le pensons, fortement amoindrir les litiges

fonciers et domaniaux, à défaut de les éradiquer complétement (les litiges fonciers semblant

être consubstantiels même à l’existence humaine). Il s’agit, entre autres :

- du respect scrupuleux et de l’application intelligente de la législation foncière et

domaniale aussi bien par les populations, l’Administration, les autorités coutumières,

municipales ainsi que tous les autres acteurs du foncier. Ce sont les pratiques, « à

l’ombre du droit »71

, qui favorisent la prolifération des litiges fonciers et domaniaux ;

- une meilleure coordination de la police de l’occupation du sol : elle consiste à doter

les autorités chargées de la surveillance et du contrôle de l’occupation du sol, des

moyens matériels, humains et financiers leur permettant d’accomplir pleinement leurs

missions mais aussi de leur permettre d’avoir les coudées franches de sorte qu’aucune

entrave, pression externe comme interne ne puisse retarder leur travail ;

- la préconisation de la démarche inclusive pour tous les projets de textes à incidence

foncière et domaniale en veillant à y associer pleinement les populations, la société

civile, bref, tous les acteurs auxquels lesdits textes ont vocation à s’appliquer. La

démarche participative amoindrit les risques de contestation, début de tout litige

foncier. Toujours dans cet esprit participatif, des acteurs du foncier72

ont même

proposé « La mise en place d’un Observatoire national des opérations domaniales

composé des représentants des différents secteurs de la société qui aurait une mission

de veille, d’alerte et de secours pour que les droits des citoyens soient respectés dans

un cadre où la sauvegarde de l’intérêt général demeure toujours prioritaire » ;

- une meilleure gestion des dossiers fonciers au niveau des communes de même qu’au

niveau des services fonciers de l’Etat afin d’éviter les doubles attributions de terrains.

Elle impliquerait, dans le long terme, la numérisation des dossiers fonciers, afin de les

protéger contre les risques de perte, d’incendie, de falsification (aussi minime que

puisse être la probabilité que cela se produise, elle est à envisager, le risque zéro

n’existant nulle part) ;

71 L’expression nous vient du Professeur Gerti HESSELING, qui a consacré une bonne partie de sa riche bibliographie à l’étude du droit foncier sénégalais. Cette expression désigne toutes les pratiques faites en méconnaissance ou en violation flagrante des règles de droit régissant la matière foncière et domaniale 72 Alla Kane, « état des lieux législatif et règlementaire régissant le foncier au Sénégal », 16/07/2009, page 9

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- un meilleur respect des procédures notamment en ce qui concerne l’indemnisation des

expropriés (les textes prévoient qu’elle soit juste mais aussi et surtout préalable),

assurer la visite des lieux préalablement à toute attribution de bail pour constater et

analyser l’état d’occupation des lieux, le respect de la mise en demeure avant les

résiliations de baux, et la notification d’une telle résiliation à l’ancien attributaire aux

fins de minimiser les risques de prise de possession tumultueuses ;

- une sensibilisation des populations, par les services des domaines, du cadastre, de

l’urbanisme, par rapport aux diligences à respecter pour sécuriser leurs transactions

immobilières, notamment la requête de la délivrance d’un état des droits réels pour

s’assurer que la personne qui veut leur vendre un terrain, par exemple, en est

réellement propriétaire, qu’il n’est pas grevé de charges etc., préconiser le recours à

un notaire pour les transactions immobilières car un bien immeuble n’est pas censé

s’acheter comme on achèterait un objet quelconque ;

- sensibiliser les autorités coutumières et municipales sur la nécessité d’agir dans la

limite de leurs compétences. A cet égard, le scandale foncier concernant les maisons

détruites derrière la Cité Tobago a révélé que la plupart des acquéreurs avaient acheté

leur parcelle de terrain auprès des autorités coutumières et de quelques spéculateurs

fonciers habitant la commune de Yoff. De même, pour avoir vu des autorités

municipales impliquées dans des scandales fonciers au point de faire la prison

(notamment à Ouakam), on se rend compte, à l’analyse, que la raison en a été une

cascade d’actes outrepassant largement leurs compétences telles que prévues par la loi

portant CGCL ;

- Procéder, au sein de la Commission Nationale de Réforme Foncière, à une étude

d’approfondissement des litiges fonciers et domaniaux et des voies de règlement,

notamment en ce qui concerne leur naissance, leurs manifestations et leurs modalités

pratiques de résolution efficace et efficiente, d’élaborer des stratégies à même

d’anticiper sur leur apparition.

A la lumière des développements précédents, nous pouvons dire, en définitive, que « l’objectif

zéro litige foncier ne pourrait être atteint que par le respect scrupuleux voire religieux de ces

principes de base de la bonne gouvernance de la part de ceux qui ont la charge d’appliquer

et de faire appliquer les lois et règlements édictés pour la gestion et l’administration des

terres dans le cadre d’un équilibre harmonieux entre la légitimité et la légalité »73. Pour la

73 Alla KANE; ibidem opacit

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réalisation d’un tel objectif, la gestion foncière et domaniale devra nécessairement être

articulée autour des principes régissant la bonne gouvernance que sont « la transparence,

l’efficience et l’efficacité, la prospective, la primauté du droit et l’obligation de rendre

compte74 ».

Ce n’est qu’à ce prix que le challenge de la mise en place d’une sécurité et d’une stabilité

foncière au niveau des communes de Ngor, Ouakam et Yoff pourra être relevé.

74 Alla KANE, ibidem opacit

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BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES

LAFERRIERE Edouard (1841-1901), Vice-Président du Conseil d’Etat de 1886 à 1898,

« Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux », (1887 réédité en 1989)

CAVERIVIERE M. et DEBENE Marc, « le droit foncier sénégalais, Editions Berger

Levrault, Collection Mondes en devenir, 1988

KANE Alla, « La problématique foncière à l’épreuve des temps : Le cas du Sénégal », CISIF,

Dakar, Août 2012

HESSELING Gerti, « A l’ombre du droit », Actes du colloque de l’UFR des Sciences

Juridiques et Politiques de l’UGB tenu les 15 et 16 décembre 2011

ARTICLES

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d’une gestion dans le sud-est du bassin arachidier », cahiers africains

FAYE J., Foncier et décentralisation : l’expérience au Sénégal, London. JICD (2008)

FAYE, I.M., A. Benkahla, O. Touré, S. M. SECK et Co BA, « les acquisitions de terre à

grande échelle au Sénégal : description d’un nouveau phénomène, Dakar, IPAR

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GUISSE, Papa Banga, « Nature juridique des droits des populations locales sénégalaises sur

le domaine national : l’exemple de la communauté rurale de Gamadji SARE

LUND, Christian, « Régimes fonciers en Afrique : remise en cause des hypothèses de base »

BILLAUD, A. « Négociation et reconfiguration des pouvoirs locaux. Le cas de la ville de

Yoff au Sénégal », Afrique contemporaine, 2009

SOW, Abdoul Aziz, Décentralisation, domanialité nationale et gestion des conflits fonciers à

l’aune du pluralisme juridique au Sénégal, extrait de l’ouvrage collectif, « The problem of

violence : local conflict settlement in contemporary Africa », Allemagne, 2011

JURISPRUDENCE

Tribunal Régional, Jugement n° 58 du 08 janvier 2008 : « Affaire Héritiers Diabel SAMB

contre Etat du Sénégal ;

Cour Suprême, Cheikh Abdoul Khadre CISSOKHO contre conseil rural de Sindia, arrêt n° 04

du 27 janvier 2009 ;

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Cour Suprême, arrêt n° 06 du 10 février 2011, Madame DERIBE, née Ndella WADE contre

–Etat du Sénégal-Directeur Général des Impôts et des Domaines ;

Cour Suprême, arrêt n° 39 du 23 novembre 2010, Ahmadou SYLLA contre Conseil rural de

Sangalkam.

Tribunal Régional Hors classe de Dakar, audience publique ordinaire du 02 juin 2015, affaire

Insa COLY contre 1) La Coopérative Militaire de Construction dite COMICO, 2) Agent

Judiciaire de l’Etat, 3) Le Directeur Général des Impôts et Domaines, jugement civil numéro

1259 du 02/06/2015 portant annulation de vente

MEMOIRES ET THESES

FAYE, Marie Téning, « Problématique de l’occupation du domaine public dans les

agglomérations dakaroises », 2003-2005, 52 pages

DIALLO Boubacar, « la gestion du contentieux en matière domaniale », 2003-2005, 92

pages

SENE Ndèye Marième, « Problématique de la gestion domaniale et foncière des collectivités

locales : cas de la commune d’arrondissement de Thiaroye sur mer », 2007-2009, 84 pages

DIONE, Pascal, « Problématique de la gestion des terrains non affectés du domaine privé de

l’Etat », 2000-2001, 74 pages

DIEYE Abdoulaye, « Domanialité nationale et développement : l’exemple du Sénégal »,

thèse de doctorat soutenue le 14 juillet 2004, 290 pages

DIOP Amadou, « situation foncière et transactions immobilières dans la commune

d’arrondissement de Mermoz », 2007-2009, 93 pages

RAPPORTS ET ETUDES

BLUNDO G. (1996), « Gérer les conflits fonciers au Sénégal : le rôle de l’administration

locale »

TEXTES LEGISLATIFS

Loi n ° 63-62 du 10 juillet 1963 portant Code des Obligations Civiles et Commerciales

Loi n° 64-46 du 17 juin 1964 relative au domaine national. JORS n° 3699 du 29/ 08/ 1964

Loi n° 76-66 du 02 juillet 1976 portant Code du domaine de l’Etat. JOS n° 4056 du

28/07/1976

Loi n° 76-67 du 02 juillet 1976 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique et aux

autres opérations foncières d’utilité publique. JOS n° 4506 du 28/07/1976

Loi n° 96-07 du 22 mars 1996 portant transfert de compétences aux régions, aux communes et

aux communautés rurales. JOS n° 5722 du 27/12/1996

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Loi n° 2011-06 du 30 mars 2011 portant transformation des permis d’habiter et titres

similaires en titres fonciers

Loi 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la Propriété foncière

Loi n° 2014-26 du 03 novembre 2014 portant nouvelle organisation judiciaire au Sénégal

TEXTES REGLEMENTAIRES

Décret du 26 juillet 1932 portant réorganisation du régime de la propriété foncière en Afrique

Occidentale Française

Décret 72-1288 du 27 octobre 1972 relatif aux conditions d’affectation et de désaffectation

des terres du domaine national comprises dans les communautés rurales

Décret n° 2007-868 du 07 aout 2007 portant création au sein de la Gendarmerie Nationale

d’une section spéciale chargée de la surveillance domaniale

Note circulaire n° 00454 MEF-DGID-DEDT du 16 décembre 2011 sur la transformation des

permis d’occuper et titres similaires en TF

WEBOGRAPHIE

www.vie-publique.fr

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TABLE DES MATIERES

Avant-propos ............................................................................................................................................... 2

SOMMAIRE ............................................................................................................................................... 3

INTRODUCTION GENERALE ................................................................................................................. 4

PREMIERE PARTIE : LES SOURCES DU CONTENTIEUX EN MATIERE FONCIERE

ET DOMANIALE DANS LES COMMUNES DE NGOR, OUAKAM ET YOFF ................................. 16

CHAPITRE 1)- LE CONTENTIEUX DU FAIT DE L’ETAT ET DE SES

DEMEMBREMENTS .......................................................................................................................... 18

Section 1)- Les litiges nés du fait de l’Administration .................................................................... 20

Paragraphe 1)- Le non-respect de certaines règles de procédure ................................................ 20

Paragraphe 2- Le contentieux de l’indemnisation des expropriés par l’Etat ............................... 26

A.)- Généralités sur le contentieux de l’indemnisation .......................................................... 26

B)- Analyse de cas particuliers à titre illustratif ..................................................................... 27

Section 2- Les litiges occasionnés par les collectivités locales de Ngor, Ouakam et Yoff ............. 29

Paragraphe 1- Une organisation critique des services fonciers et domaniaux dans les

communes ciblées ....................................................................................................................... 30

Paragraphe 2- Une certaine propension des acteurs locaux du foncier à

l’accaparement des terres ............................................................................................................ 32

Section 3- Des litiges provenant de l’application des textes pris en matière foncière et

domaniale ......................................................................................................................................... 34

Paragraphe 1- Des textes parfois inadaptés aux réalités sociologiques des populations

sises dans les communes de Ngor, Ouakam et Yoff ................................................................... 34

Paragraphe 2-Des textes épars parfois pris sans documents interprétatifs .................................. 38

CHAPITRE 2- LES SOURCES EXTRA-ETATIQUES DU CONTENTIEUX EN

MATIERE FONCIERE ET DOMANIALE DANS LES COMMUNES DE NGOR,

OUAKAM, YOFF ................................................................................................................................ 42

Section 1 –La part de responsabilité des particuliers dans la naissance de litiges fonciers

et domaniaux .................................................................................................................................... 43

Paragraphe 1- Des litiges provenant des agissements illégaux des populations

concernées ................................................................................................................................... 43

Paragraphe 2- Des litiges provenant de la défaillance des populations concernées

dans l’exécution de leurs obligations contractuelles ................................................................... 47

Section 2- la survivance des pratiques coutumières en matière de gestion des terres ..................... 50

Paragraphe 1 –Des délimitations problématiques des terrains .................................................... 50

Paragraphe 2 – L’implication inopportune des autorités coutumières dans la gestion

foncière ........................................................................................................................................ 52

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Paragraphe 3 – Les litiges nés du fait des spéculateurs fonciers ................................................. 54

DEUXIEME PARTIE : LA GESTION DU CONTENTIEUX EN MATIERE FONCIERE ET

DOMANIALE DANS LES COMMUNES DE NGOR, OUAKAM, YOFF ............................................ 58

CHAPITRE 1 – LA GESTION PACIFIQUE DES LITIGES FONCIERS ET

DOMANIAUX ..................................................................................................................................... 59

SECTION 1 – Gestion Previsionnelle Des Conflits Fonciers Et Domaniaux ................................. 61

Paragraphe 1 – La généralisation de la sensibilisation sur les problématiques

foncières et domaniales ............................................................................................................... 61

Paragraphe 2 – La régularisation à vocation sociale des situations irrégulières par

voie de bail .................................................................................................................................. 62

Paragraphe 3 – La mise en œuvre d’opérations d’aménagement urbanistique ........................... 64

Section 2 – La gestion administrative des litiges fonciers et domaniaux ........................................ 68

Paragraphe 1 – Le rôle de conciliation des autorités administratives déconcentrées .................. 68

Paragraphe 2 –Le rôle de médiation des autorités administratives indépendantes :

l’exemple du Médiateur de la République .................................................................................. 69

Paragraphe 3 – L’intervention de l’administration des Domaines .............................................. 71

A- La saisine de la Direction Générale des Impôts et des Domaines ..................................... 72

B) –Les mesures mises en œuvre par la DGID à travers ses structures compétentes

en matière foncière et domaniale ............................................................................................ 74

Section 3 – La gestion alternative des litiges fonciers et domaniaux .............................................. 75

Paragraphe 1 – La négociation .................................................................................................... 75

Paragraphe 2 – La facilitation ..................................................................................................... 76

CHAPITRE 2- LA GESTION JURIDICTIONNELLE DU CONTENTIEUX EN

MATIERE FONCIERE ET DOMANIALE DANS LES COMMUNES DE NGOR,

OUAKAM, YOFF ................................................................................................................................ 78

SECTION 1 – LES REGLES DE COMPETENCE JURIDICTIONNELLE .................................. 79

Paragraphe 1- La compétence juridictionnelle ............................................................................ 79

A- La compétence de droit commun du Tribunal de Grande Instance en premier

ressort ...................................................................................................................................... 80

B –La compétence de la Cour d’appel en la matière .............................................................. 80

C - La compétence de la Cour suprême en matière foncière et domaniale ............................ 81

Paragraphe 2 –L’identification du juge compétent ..................................................................... 83

A –Les hypothèses de saisine du juge des référés en matière de litiges fonciers ................... 83

B –La saisine du juge du fond en cas de motif sérieux .......................................................... 84

SECTION 2- LA PORTEE DES DECISIONS RENDUES EN MATIERE FONCIERE

ET DOMANIALE ........................................................................................................................... 85

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Paragraphe 1- des décisions participant à la consolidation de la jurisprudence en

matière foncière et domaniale ..................................................................................................... 85

Paragraphe 2 –Des décisions qualitativement critiquables ......................................................... 87

Paragraphe 3- Les difficultés d’exécution de certaines décisions rendues en matière

foncière et domaniale .................................................................................................................. 88

CONCLUSION GENERALE ................................................................................................................... 89

BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................................... 95

TABLE DES MATIERES ........................................................................................................................ 98