Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

35
ÉDUCATION : RÉSEAUX ACTIFS ! HOWARD RHEINGOLD PÉDAGOGIE PEER-TO-PEER LES MOOC DE COURSERA BARCELONE VILLE DIGITALE

Transcript of Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

Page 1: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

ÉDUCATION : RÉSEAUX ACTIFS !

HOWARD RHEINGOLD

PÉDAGOGIE PEER-TO-PEER

LES MOOC DE COURSERA

BARCELONEVILLE DIGITALE

Page 2: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

Ancien professeur d’histoire-géographie, François Jarraud est rédacteur en chef du Café pédagogique, site associatif d’information et de réflexion sur l’éducation, l’enseignement scolaire et la techno-pédagogie, une référence sur Internet dans la communauté enseignante.

FRANÇOISJARRAUD

N U M É R O 11ÉD ITO

PLAYERS

Enseignante-chercheuse du département de sciences informatiques à l’université Stanford, l’Israélo-Américaine Daphne Koller a cofondé Coursera, plateforme internationale de cours vidéos en ligne gratuits et ouverts à tous (ou MOOC), et milite activement pour une éducation rénovée libre.

DAPHNEKOLLER

Docteur en sciences, conseiller en techno-pédagogie à l’université catholique de Louvain, Marcel Lebrun accompagne les ensei-gnants dans l’implémentation de dispositifs éducatifs numérico-actifs. Il a créé la plateforme d’e-learning open source Claroline et tient le blog de veille M@rcel.

MARCELLEBRUN

Polytechnicien, docteur en génétique et directeur de recherche à l’Inserm, François Taddei coordonne le Centre de recherches interdisciplinaires à Paris. Nommé en 2012 au Haut Conseil de l’édu-cation, il défend l’innovation par les NTIC et la science citoyenne dans l’enseignement supérieur.

FRANÇOIS TADDEI

Pionnier dans le domaine des interactions sociales en ligne et des communautés virtuelles, Howard Rheingold est l’auteur de Smart Mobs (Perseus Books, 2003), essai prospectif sur la révolution sociale par les TIC, et collabore aux projets éducatifs de l’Institute for the Future de Palo Alto.

HOWARDRHEINGOLD

Frank Pacard est directeur général adjoint à l’enseignement de l’École polytechnique depuis septembre 2012. Sous sa direction, Polytechnique est devenue au printemps 2013 la première grande école française à offrir des formations sur la plateforme internationale de MOOC Coursera.

FRANKPACARD

Professeure des écoles et maître formateur, Malika Alouani enseigne depuis vingt ans dans le premier degré. Impliquée et passionnée, elle enrichit à l’aide des outils technologiques sa démarche pédagogique afin d’encourager la motivation des élèves et ainsi leur réussite.

MALIKAALOUANI

Journaliste presse et radio spécialiste de l’éducation (France Info, L’Écho républicain), Emmanuel Davidenkoff est directeur de la rédaction de L’Étudiant. Il est également l’auteur de Réveille-toi Jules Ferry, ils sont devenus fous (Oh ! Éditions, 2006).

EMMANUELDAVIDENKOFF

S’il y a un domaine qui semble avoir résisté pendant longtemps aux promesses du digital, c’est bien celui de l’éducation. Plans in-formatiques dépassés, transition numérique poussive, outils peu adaptés… L’enseignement semblait faire mauvais ménage avec les possibilités du numérique. Mais ces dernières années les choses changent, et à toute vitesse ! À l’image de la culture ou du diver-tissement, l’éducation a atteint un point de non-retour des plus enthousiasmants : elle se vit désormais en réseau, et l’ensemble des relations de la chaîne éducative est bouleversé. Désormais ma-tures, les plateformes collaboratives et une nouvelle culture au sein de l’enseignement bouleversent le rôle des professeurs, des parents et des élèves, et les connectent de manière aussi inatten-due que créative. Bien sûr, ces nouvelles dynamiques posent des défis économiques pour l’enseignement supérieur et pour tout l’écosystème éducatif, à l’étranger comme en France. Dans ce numéro, SFR PLAYER a décidé de retourner à l’école ! À l’image des nouveaux modes d’apprentissage, nous avons connecté et fait dialoguer, ensemble, les différents acteurs de ce nouveau monde éducatif qui se dessine avec nous et avec nos enfants.

TOUS AU

TABLEAU !

DIRECTION  DE  LA  PUBLICATION : JULIEN VILLERET. DIRECTION  DE  LA  RÉDACTION :  NATHALIE RICARD-DEFFONTAINE. RÉDACTION  EN  CHEF,  DIRECTION  

CRÉATIVE : CLAIRE CAILLAUD, ABDEL BOUNANE. RÉDACTION  EN  CHEF  ADJOINTE : CHLOE RHYS. DIRECTION  ARTISTIQUE : ALAIN VONCK. PRODUCTION : 

LOLA COUDERT HAOUISÉE. RÉDACTION : JESSICA GOURDIN, SANDIE DUBOIS, MAUD SERPIN, ETAÏNN ZWER, FRANCIS PISANI. COMMUNITY MANAGEMENT,  

ON LINE : JULIEN GILBERT, MARC BODA. SECRÉTARIAT DE RÉDACTION, TRADUCTION : CERISE FONTAINE. ILLUSTRATION : JEAN LEBLANC, MIGUEL PORLAN,

JOACHIM LARRALDE. PHOTOGRAPHIE : ROMIN FAVRE, RYAN KORT, VINCENT DESAILLY, FRÉDERIC STUCIN. IMAGES : NEWMÉRIQUE : TOOLBOX / ECOSIA /

SOYEZ NET SUR LE NET / WATSI / BERNHARDT DESIGN. DOSSIER : ARULIDEN / THE SCHOOL AT COLUMBIA UNIVERSITY / SCALE-UP / YOUMEDIA / CHICAGO

PUBLIC LIBRARY / VITTRA TELEFONPLAN : KIM WENDT / Q2L, INSTITUTE OF PLAY / FACLAB : OPHELIA NOOR. PRO NUMÉRIQUE : BASIS - FABRA I COATS.

MERCI À : LAURENT CHARON, SAMI LABIDI, NATHAN STERN.

• SFRPLAYER

Page 3: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

Quel est le nouveau monde digital qui naît sous nos

yeux ? Qui en sont les acteurs ? Comment tirer le

meilleur parti des possibilités du numérique à titre

personnel comme professionnel ? Sur un ton à la

fois pédagogique et ludique, SFR PLAYER invite ses

lecteurs à développer leur culture digitale.

SFR PLAYER est le produit de la rencontre entre

tous les acteurs du numérique. On y découvre aussi

bien de grandes figures du Web que de jeunes start-

up prometteuses ou des acteurs publics engagés.

Leur point commun ? Tous sont prêts à ouvrir le

débat et embrassent chacun à leur manière les

enjeux de demain.

CE CODE QR A LE POUVOIR 

D'ÉCLAIRCIR VOS VUES 

SUR LE NUMÉRIQUE.

SCANNEZ-LE ET PROFITEZ 

VITE DE LA NEWSLETTER 

SFR PLAYER !

SOMMAIRE

48

B A R C E LO N E

12

H O W A R D R H E I N G O L D , PROFESSEUR PEER-TO-PEER 

16

E N AVA N C E !  

46

37

DAPHNE KOLLER, COURSERA

LA RENTRÉE DES APPLIS

10

’ ’

’ ’

’ �

C'EST POUR VOUS

61

40 54

PATIENT ET MÉDECIN: NOUVELLES CONNEXIONS

C'EST POUR VOUSAPPRENTI-MAP

CONNAISSEZ-VOUS SFR PLAYER ?SFR A CRÉÉ SFR PLAYER POUR ACCOMPAGNER LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE ET DÉCRYPTER SES EFFETS SUR NOTRE SOCIÉTÉ ET NOTRE VIE QUOTIDIENNE.

ÉDITO

TOUS AU TABLEAU !

NEWMERIQUE

CONNECTÉS

CONSO : LA RENTRÉE DES APPLIS

POLITIC

BARCELONE, ENTRE INTELLIGENCE 

ET CRÉATIVITÉ

INVITÉ SPÉCIAL

HOWARD RHEINGOLD, 

PROFESSEUR PEER-TO-PEER

03

06

10

12

16

22

26

28

30

34

37

39

40

42

44

46

50

ÉDUCATION : RÉSEAUX ACTIFS !

INTRODUCTION D'EMMANUEL 

DAVIDENKOFF, L'ÉTUDIANT 

ENTRETIEN AVEC FRANÇOIS JARRAUD, 

LE CAFÉ PÉDAGOGIQUE 

LA CLASSE CHANGE DE CLASSE

L'ÉCOLE EN MODE RÉSEAUX

APPRENDRE TOUTE SA VIE

ENTRETIEN AVEC DAPHNE KOLLER, COURSERA

DATAVISUALISATION : « PEUT MIEUX FAIRE »

APPRENTI-MAP

GLOBALE ÉDUCATION

ENTRETIEN AVEC JEAN-FRANÇOIS FIORINA,  

ESC GRENOBLE 

EN AVANCE !

APPRENDRE EN FAISANT

54

60

61

62

63

64

66

ALLÔ SFR

C'EST POUR VOUS

#PERSO

LE CONTRE-PIED AUX GÉNÉRATIONS, 

PAR CARINE DARTIGUEPEYROU

PATIENT ET MÉDECIN : NOUVELLES 

CONNEXIONS, PAR JACQUES MARCEAU

NO DOCS, PAR LAURENT PONTEGNIER 

LE WEB SUR LE DIVAN, 

PAR RAFFAELE SIMONE

FICTION

L'INCONNU DE L'ESPACE EXPRESS, 

DE CAMILLE BRUNEL

PRONUMÉRIQUE

BASIS : EXTENSION DU 

DOMAINE DE LA MONTRE

Page 4: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

SANTÉ SOLIDAIRE Le crowdfunding, qui s’impose pour faire avancer des projets, s’attaque maintenant au domaine de la santé. Le site Watsi est ainsi spécialisé dans la col-lecte de fonds destinés à des personnes ayant besoin de soins dans des pays en voie de développement, du Cambodge

au Kenya, où l’accès aux services médicaux reste difficile. Watsi présente la situation et les besoins médicaux précis de chaque personne, et explique comment il est possible de l’aider. Le don minimum est de 5 dollars : une petite somme qui peut tout changer !

watsi.org

MOT DU MOIS 

Chaque mois, SFR PLAYER vous fait découvrir un nouveau mot. Ce mois-ci…

SKEUOMORPHISMELe skeuomorphisme consiste à donner à des éléments de design numérique l’apparence d’objets physiques : une enveloppe pour un e-mail, un carnet pour une application de prise de notes. Une esthé-tique prisée notamment par Steve Jobs mais qui semble abandonnée par Apple avec iOS 7.

VERSUS

LA FRANCE A-T-ELLE PERDU LA BATAILLE DE LA SOUVERAINETÉ NUMÉRIQUE ?Alors que de nombreuses forces vives du pays s’émeuvent de voir progressive-ment la souveraineté de la France numérique mise sur la touche, nous avons interrogé deux experts sur la question.

Stéphane Grumbach, directeur de recherche à l’établissement public de recherche Inria

« OUI : LA FRANCE ET L'EUROPE N'ONT PAS SU ANTICIPER LA RÉVOLUTION DU NUMÉRIQUE. »

« Avec l’irruption de l’économie numérique, le monde est en train de changer de manière très profonde. Les grandes entreprises du numérique s’adaptent à mer-veille aux cadres que leur fournissent les États, et les nouveaux services de la société de l’information se dif-fusent très rapidement chez des usagers.Mais à l’inverse, des États tels que la France, paralysés par des structures figées, sont incapables de faire face aux métamorphoses qui s’imposent à eux, poussées tant par les entreprises que par les citoyens. De nouveaux modes d’échanges se mettent en place, souvent basés sur des monnaies qui ne dépendent plus des banques centrales, à l’image de la monnaie électronique Bitcoin. L’innovation se démocratise et sort en partie des struc-tures traditionnelles de recherche, pour se développer dans les écosystèmes mis en place en particulier par les géants du Net. Pour s’adapter, la France va devoir savoir favoriser une innovation hors des structures établies, et faire émerger de nouveaux géants industriels… »

Gilles Babinet, PDG de Captain Dash, ancien président du Conseil national du numérique et « digital champion » de la France auprès de l’Union européenne

« NON, LA GUERRE POUR LA SOUVERAINETÉ NUMÉRIQUE N'EST CERTAINEMENT PAS PERDUE. »

« La révolution numérique ne fait que commencer. Nous n’en sommes qu’à quelques fractions de son déploie-ment total, à un stade de développement comparable aux années 1880 pour la révolution électrique. Dans cette perspective, la France a de nombreux avantages à faire prévaloir, et il existe plusieurs axes de développe-ment : l’algorithmie, où notre expertise dans les mathé-matiques de haut niveau peut être un atout appréciable, ou la robotique, car nous sommes relativement bien do-tés en acteurs sur ce segment, pour ne citer que ces deux exemples. Nous pouvons nous appuyer sur ces forces pour faire rayonner la France et notre souveraineté nu-mérique. Ensuite, des inconvénients notoires, comme la centralisation excessive de notre État, peuvent devenir des atouts. On peut imaginer par exemple le déploie-ment d’offres de type cloud dans les administrations centrales ou encore la mise en place de politiques ambi-tieuses de santé ou d’éducation par le numérique. Par tous ces aspects, la France a de nombreux atouts pour conserver sa souveraineté numérique. »

DOC ROBOTL’université Vanderbilt a créé un robot humanoïde pour faire réagir les enfants autistes. Équipé de capteurs et caméras, il aide l’enfant à développer ses capacités sociales, attire son attention par des sons ou des vidéos et l’encourage. Pour les méde-cins, l’outil est intéressant car il permet de stimuler l’enfant autrement que via un thérapeute.

vanderbilt.edu

TESTEZ VOTRE E-RÉPUTATION

Pour sensibiliser aux dangers d’une surexposition de sa vie privée sur Facebook, la Mairie de Paris a imaginé le test « Soyez net sur le Net ». Cette appli scanne votre compte Facebook et vous met sous les yeux d’anciens statuts ou photos qui pourraient être affichés publi-quement. Une façon de savoir si vous assumez et gérez bien la confidentialité de vos infos. Instructif, pour tous !

ereputation.paris.fr

CONNECTÉS NETTOYEZ VOTRE ÉCRAN TACTILE : SFR PLAYER VOUS PROPOSE UNE MISE À JOUR ACIDULÉE DE VOTRE CULTURE WEB, GEEK ET HIGH-TECH.

7NEWMER IQUE 6

PAY-PER-READ Payer un livre au prorata des pages qu’on a lues, c’est l’idée de Total Boox, qui propose de télécharger gratuitement des ouvrages sur tablette pour ensuite déduire les pages lues d’un « crédit lec-ture ». Les pages payées peuvent être parcourues autant de fois qu’on le sou-haite. Une manière de lutter contre le piratage littéraire mais aussi de ne plus culpabiliser quand on abandonne un livre, pour en commencer un meilleur bien sûr !Disponible sur iPad et Android.

totalboox.com

Page 5: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

Cette version mobile du dictionnaire d’Émile Littré, référence absolue du français classique et littéraire du xviie au xixe siècle, ravira les amoureux des belles-lettres. Un outil formidable pour retrouver le sens et l’étymologie des mots, même les plus désuets.iOS, Android

appliscope.sfr.fr/content/android/dictionnaire-littre

Climat, transports, santé, consommation… : l’appli Planetoscope propose des milliers de statistiques écologiques en temps réel, accompagnés de commentaires éclairants. Une façon ludique et pédagogique de prendre conscience de l’activité de la planète.Android

appliscope.sfr.fr/content/android/planetoscope

Fans d’astronomie et de conquête spatiale, découvrez tous les secrets du cosmos avec l’appli officielle de la NASA : de superbes images et vidéos, les comptes à rebours des lancements en direct et la chaîne NASA TV en live pour vivre la tête dans les étoiles.iOS, Android

appliscope.sfr.fr/content/android/nasa

Accédez à plus de 1 300 TEDTalks, ces conférences d’experts et de passionnés à la pointe de l’innovation technologique et sociale – penseurs de l’éducation, génies du numérique, mentors des affaires, personnalités des arts. Une appli inspirante pour doper votre créativité.iOS, Android

appliscope.sfr.fr/content/android/ted

DICTIONNAIRE LITTRÉ

PLANETO-SCOPE

NASA TED

NEWMER IQUE 8 9

APPLISCOPE, C'EST LE GUIDE QUOTIDIEN DES MEILLEURES APPLIS POUR VOTRE SMARTPHONE PAR SFR. FOCUS SUR QUATRE APPLICATIONS GRATUITES POUR SE CULTIVER À TOUT ÂGE.

CULTURE DE POCHE

RECHERCHE MÉDICALE

PARTICIPATIVEVous avez quelques minutes devant vous ? Contribuez à la re-cherche contre le cancer. Le site Click to Cure, créé par l’ONG Cancer Research UK, propose de classer des vues au micros-cope de tissus selon le nombre et le type de cellules malades. Un travail simple mais fastidieux pour lequel les équipes ont besoin d’aide pour gagner du temps. Cliquez sur clicktocure.net et suivez les instructions. Pour la recherche scientifique, ce trai-tement de données citoyen est un vrai bonus. On adhère !

clicktocure.net

VOUS AVEZ DU FEU ?Pour recharger une batterie de téléphone sans élec-tricité, la société Point Source Power a conçu Voto, un système de recharge… par le feu ! L’innovation :

une mini-pile à combustible, que l’on place sous un feu de cuisson pour la rendre électriquement active. Voto peut alimenter un téléphone, mais aussi éclai-rer pendant trente heures grâce à des LED intégrées. Destiné aux populations qui cuisinent sur le feu et ont un accès limité à l’énergie, Voto est pour l’instant distribué exclusivement au Kenya. Cette invention doit contribuer à réduire la fracture numérique.

pointsourcepower.com

HUMAIN ET CYBORGGoogle vient d’embaucher Ray Kurzweil comme directeur de l’ingénierie. Cet éminent scienti-fique est l’un des précurseurs du concept de singularité technologique et le théoricien majeur du transhumanisme. Ce mouvement mise sur l’évolution des nanotechnologies et de l’infor-

matique pour les intégrer au corps humain et en améliorer les performances. Kurzweil estime que d’ici 2045, l’homme devra fusionner avec une intelligence artificielle pour s’adapter à une prophétique guerre contre les humanoïdes. En l’embau-chant, Google montre sa volonté de ne pas être à la traîne sur les avancées technologiques et éthiques. Si une partie de la communauté scientifique considère que Kurzweil se trompe, celui-ci rappelle que personne ne le croyait en 1999, quand il prédisait qu’un jour les voitures démarreraient seules et que les smartphones pourraient répondre à des questions.

kurzweilai.net

LE RYTHME DU DIGITAL Une musique qui réagirait selon notre façon de nous déplacer : c’est le projet Music for Shuffle, créé par l’Anglais Matthew Irvine Brown. Lorsque vous marchez, le mode aléatoire du lecteur de musique de votre smartphone répond à vos mouvements pour créer une playlist intuitive. Initialement artistique, ce concept de musique réactive intéresse les industries culturelles et numériques, qui voient là un moyen d’adapter l’offre culturelle, notamment celle des musées, aux nouvelles possibilités technologiques. En termes de numérique et de culture, tout est à inventer.

musicforshuffle.com

Page 6: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

NEWMER IQUE 10 11

LA RENTRÉE DES APPLISSÉLECTION DES OUTILS QUI PERMETTENT D'APPRENDRE EN DEHORS DES MURS DU LYCÉE OU DE L'UNIVERSITÉ, OÙ VOUS VOULEZ, QUAND VOUS VOULEZ.

MOBILES ET TABLETTES

1. BlackBerry Q10 4GL’expérience BlackBerry est redessinée, repensée, réinventée*.

2. Liseuse Kobo Aura HDÉcran tactile e-ink HR, éclairage optimisé et mémoire 4 Go.

169,99 €**

3. Tablette VAIO Duo 11Un tablet-ultrabook puissant et réactif, original et élégant, signé Sony.

1 599 €*

4. Tablette Asus Nexus 7Le meilleur de Google dans un format 7” spécialement conçu pour le jeu.

349,99 €*

5. Tablette Asus Vivo Tab RTAvec ce PC hybride, vivez pleinement l’expérience Windows 8.

599 €*

6. Tablette Samsung Galaxy Note 10.1 4GInterface TouchWiz, écran multitâche et stylet intégré : l’outil idéal pour les graphistes, avec en plus, la vitesse 4G.

449 €**

1. WIKIPEDIA MOBILEAvec cette appli, effectuez des recherches parmi les 20 millions d’articles de l’encyclopédie libre, accessibles en plusieurs langues. Pratique : la sauvegarde pour une lecture ultérieure en mode hors-ligne.

Disponible sur l’App Store, Google Play et BlackBerry World

2. KOBOAvec un catalogue de plus de 3 millions d’e-books, dans 68 langues, l’offre de Kobo compte un large nombre de livres universitaires quel que soit votre domaine d’étude.

kobobooks.com

4. BEEBAC SOCIAL SCHOOLSur ce réseau social dédié à l’éducation, élèves et enseignants peuvent créer leur fil info, consulter et publier cours et exercices, poser des questions et organiser des groupes de travail.

beebac.com

5. HOMEWORKListez et classez par date vos devoirs et examens pour chaque matière et gérez votre planning. Le plus de cet agenda intelligent : un compteur pointe les tâches oubliées.

Disponible sur Google Play et Black-Berry World

3. COURSERA + POLYTECHNIQUEDopez vos connaissances avec l’e-learning : l’École polytechnique proposera à la rentrée trois cours de première année sur Coursera, la plateforme d’enseignements en ligne gratuits et ouverts à tous.

coursera.org/ep

6. EDMODORéseau de microblogging pédagogique, Edmodo connecte étudiants et enseignants hors de la classe. L’appli permet de partager idées, documents ou événements, consulter le calendrier des examens, créer des quiz ou lancer des discussions.

Disponible sur l’App Store et Google Play

7. STUDY +Évaluez vos résultats scolaires en suivant vos moyennes par matière en temps réel. Astuce : vos notes sous forme de graphiques vous donnent un aperçu clair de vos difficultés et de vos progrès.

Disponible sur l’App Store

7. Sony Xperia SP 4GLa connectivité 4G en toute simplicité dans un design premium.

439,99 €*

* Tarif selon forfait choisi, disponible sur sfr.fr et en Espace SFR.

** Prix conseillé.

Page 7: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

Barcelone est une marque de grande valeur : les autorités locales en sont convaincues, et s’en servent à fond. Si le football y est bien sûr pour quelque chose, deux événements de premier

plan sont organisés dans la capitale catalane : le Mobile World Congress et le Smart City Expo World Congress, soit la grande messe de la téléphonie mobile et celle des villes qui se veulent intelligentes. « Barcelone vaut plus dans le monde des villes que la Catalogne ou que l’Espagne dans le monde des nations », explique Manel Sanromà, gérant de l’ins-titut municipal d’informatique et donc directeur des systèmes d’information de la ville. On n’y badine pas avec la notion de ville intelligente : « Pour nous, c’est de la politique avec le P majuscule de Polis, pas le p minuscule de la politique ordinaire », ajoute-t-il. La municipalité donne pourtant l’impression

d’en être encore au flirt avec les grandes entreprises qui sont à l’origine du concept de smart city et qui encouragent le développement de ce marché, le plus important des technologies de l’information et de la communication (TIC) pour les vingt prochaines années. Selon Pilar Conesa, qui dirige le Smart City

World Congress après avoir occupé le poste de Ma-nel Sanromà, Cisco, IBM, Schneider, Siemens et les autres « sont intéressées, parce que si elles obtiennent le sceau de Barcelone elles pourront s’en servir ail-leurs ». Ses nouvelles fonctions l’aident cependant à mieux comprendre la tension qui oppose et relie en même temps autorités et citoyens. Le passage à la ville intelligente conçu simplement comme la mise en place d’une infrastructure informatique sophisti-quée ne suffit pas. « Il faut maximiser les initiatives de la société civile et le rôle de la municipalité doit passer de celui de fournisseur de services à celui de facilitateur de projets promus par les citoyens ». Ce basculement exige un « changement de culture des administrations ». « La technologie aide à développer l’intelligence », ajoute Pilar Conesa, « mais elle ne la donne pas ». Le maire actuel dit vouloir promouvoir « la ville des personnes ». Ça bouge, même si on en

est encore à l’invocation de la société civile plus qu’à sa participation réelle. Pour se faire une idée de com-ment avancer dans cette direction, le plus simple est de voir comment Barcelone s’y prend à travers cer-tains de ses projets concrets.

STANDARDISATION ET RÉSEAU DE VILLES

INTELLIGENTESCITY PROTOCOL SOCIETY

Barcelone doit lancer en octobre son projet le plus ambitieux à ce jour, la création de la City Protocol Society, qui serait aux villes intelligentes ce que l’Internet Society est à l’Internet. Manel Sanromà, qui en est la cheville ouvrière au niveau de la muni-cipalité, croit le moment propice à la création d’une instance qui, « comme le G8 anime le monde des nations, animerait celui des villes, ce monde nou-veau qu’il faut inventer ». Pour cet astrophysicien converti à l’urbanisme, l’Internet est la dernière grande expérience de collaboration internationale qui ait réussi. D’où l’idée de s’inspirer des instances politiques internationales, avec pour objectif la production de standards et de recommandations et la mise en place d’une sorte de benchmarking des meilleures pratiques.Les quatre piliers de la City Protocol Society sont les villes, l’industrie, les universités et la société civile. Parmi les membres potentiels de ce que Manel Sanromà conçoit comme une « société de sociétés » (sur le modèle du réseau de réseaux) on trouve Séoul, Paris, Buenos Aires, Amsterdam et Yokohama à côté de Cisco, GDF Suez, Microsoft,

BARCELONE, ENTRE INTELLIGENCE ET CRÉATIVITÉPAR L'ORGANISATION DE SALONS NUMÉRIQUES D'ENVERGURE MONDIALE ET DES INITIATIVES QUI IMPLIQUENT LES CITOYENS DANS LE MONDE DIGITAL, BARCELONE INNOVE ET INSPIRE.

POL IT IC 12 13

Page 8: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

Les animateurs ont doté cet espace, rythmé de cloisons amovibles qui donnent une grande flexi-bilité, de connexions à très haut débit (10 Gbps) et semblent ravis de cette solution. « Ceux qui ont de lourds équipements ont de graves problèmes d’amortissement. Le coût de l’espace vide est plus abordable ».Les musiciens sont par-ticulièrement bienve-nus. Ils ont souvent leur propre matériel et sont extrêmement exigeants en matière de technologie. « Ils détectent un retard de 30 millisecondes, ce que les chirurgiens ne perçoivent pas », explique

Iglesias. Mieux encore : « Ils nous donnent accès aux citoyens ordinaires. »C’est là une vraie stratégie que décrit Inés Garriga, directrice de la créativité et de l’innovation à l’Ins-titut culturel de Barcelone, dont dépend le centre. « C’est avec la culture qu’on arrive en douceur à toucher les citoyens ordinaires. Loisirs, foires, bi-bliothèques permettent d’atteindre des gens que la promotion économique, tournée vers les entre-prises, l’informatique, les ingénieurs, ne toucheront jamais ». Au terme de ville intelligente, elle préfère celui de ville créative et innovante grâce à la parti-cipation citoyenne.Tout cela en temps d’extrême pénurie ? Bien sûr. Celle-ci a même ses bons côtés. « Pleurer ne sert

à rien », assure Francisco Iglesias, « et chercher de l’argent c’est comme cher-cher le sexe des anges. Alors il faut trouver de nouvelles solutions. Plus souples. Et quand nous sortirons de la crise – parce que nous en sor-tirons – nous serons com-pétitifs et mieux placés ».

FRANCIS PISANI

la London School of Eco-nomics et quelques autres.Avec l’anglais pour langue officielle, la City Protocol Society aura son siège en Californie. Barcelone se voit comme le déclencheur du processus mais a bien compris que celui-ci doit être « ouvert, collaboratif et évolutif ».

PARTICIPATION CITOYENNE

CITILAB DE CORNELLÀ

Hors les limites de la municipalité mais collée à Barcelone, on trouve Cornellà, petite ville (80 000 habitants) de tradition ouvrière et bastion du parti socialiste qui, sur un budget de 60 millions d’euros, en consacre 600 000 à Citilab, un laboratoire citoyen. « C’est insolite et important », explique Artur Serra, anthropologue et animateur du centre depuis ses balbutiements en 2002. D’autant qu’il s’agit de promouvoir la participation citoyenne, d’où l’idée de laboratoire. Citilab est installé dans une superbe usine désaffectée, dont la belle couleur ocre des briques est un heureux contrepoint au bleu informatique.Organisme public-privé (50 % de son budget vient de la municipalité), Citilab est d’abord un telecentro, une bibliothèque digitale où, moyennant 3 euros par an, chacun peut venir surfer comme il ou elle l’entend. Ils sont 6 500 à le faire.On y trouve aussi, entre autres, le projet SporTIC, qui aide les clubs sportifs de la région à utiliser les ressources digitales pour faire connaître leurs activités et améliorer leurs performances, un Music Lab et une Game Academy dont le nom dit bien ce qu’ils sont, et le Family Lab où enfants, seniors et chômeurs sont initiés à la culture et aux pratiques digitales.Mais le cœur du projet semble être le Labor Lab, qui vise tout simplement à faire changer les politiques d’emploi trop centrées sur la création d’entreprises. Les animateurs conseillent à ceux qui viennent les voir d’inventer leur propre travail, en créant « un projet plutôt qu’un business plan ». L’entreprise n’a pas bonne presse dans ce milieu ouvrier et la tradition catalane de l’effort et de l’artisanat s’exprime bien mieux au travers de la notion de « projet ».Il faut « reformuler la culture qui vient de la Silicon Valley et l’adapter à notre contexte ouvrier et socialiste. Ça commence à prendre », conclut Artur Serra avec un sourire.

FABRIQUE NUMÉRIQUEFABRA I COATS

Fabra i Coats est une an-cienne usine transformée en centre culturel, en « fa-brique de création ». Un lieu immense avec des plafonds incroyablement hauts et des espaces relativement vides.« Nous offrons aux artistes un cadre neutre pour qu’ils puissent innover grâce à la collaboration », raconte Francisco Iglesias, respon-

sable de la technologie. « La municipalité leur cède l’espace ; en échange, ils innovent et partagent leurs connaissances avec d’autres communautés. Ils nous payent en organisant des ateliers pour d’autres. »

« LA MUNICIPALITÉ CÈDE L'ESPACE AUX ARTISTES ; EN ÉCHANGE,

ILS INNOVENT ET PARTAGENT LEURS CONNAISSANCES AVEC D'AUTRES

COMMUNAUTÉS. »

« AU TERME DE VILLE INTELLIGENTE, ELLE PRÉFÈRE CELUI DE VILLE CRÉATIVE ET INNOVANTE GRÂCE

À LA PARTICIPATION CITOYENNE. »

15POL IT IC 14

BONUS vIDÉO

L'INTERVIEW DE FRANCIS PISANI

SUR sfrplayer.com ET SUR VOTRE IPAD.

Page 9: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

17INV ITÉ  SPÉC IAL 16

Si Howard Rheingold appartient à la génération des baby boomers plutôt qu’à celle des digital natives, sa carrière lui a permis d’observer pendant trente ans le développement et l’évolution d’Internet, nourrissant son approche unique de la technologie et de la société. Il a enseigné les médias sociaux à l’université de Californie à Berkeley, à l’université Stanford et sur Internet, sur Rheingold U, sa propre communauté d’apprentissage en ligne. Omniprésent sur Internet, il par-tage sur YouTube, dans ses podcasts vidéo, ses conversations Skype avec le fondateur de Wikipedia Jimmy Wales sur la collaboration, ou avec le philosophe Pierre Lévy sur l’intelli-gence collective. Son livre le plus récent, Net Smart (MIT Press, 2012), est un apport majeur au corpus de connaissances qui

se construit aujourd’hui autour de l’éducation aux nouveaux médias. Avec Net Smart, Rheingold défend avec passion l’idée que nous devons tous acquérir ce qu’il considère comme un ensemble essentiel de compétences et de connaissances pour exploiter au mieux les ressources et les réseaux que nous offre chaque jour le Web.Nous sommes allés à San Francisco pour rencontrer Howard Rheingold. Nous y avons découvert sa maison, nichée au cœur d’un jardin verdoyant où il a installé un pupitre pour travailler au soleil. Son espace de vie et de travail est rempli de statues rapportées de ses voyages, de ses propres œuvres d’art et de projets Arduino : un bon aperçu de sa curiosité insatiable et de son amour de l’apprentissage et de la découverte.

HOWARD RHEINGOLD, PROFESSEUR PEER-TO-PEER

HOWARD RHEINGOLD EST DEPUIS PLUSIEURS DÉCENNIES L'UN DES AUTEURS LES PLUS

BRILLANTS, LES PLUS PROGRESSISTES ET LES PLUS PROVOCATEURS DANS LE MONDE

DE LA CULTURE DIGITALE. IL MET AUJOURD'HUI SON ÉNERGIE AU SERVICE D'UNE NOUVELLE CAUSE : ENSEIGNER AUX INTERNAUTES À APPRENDRE INTELLIGEMMENT ET COLLABORATIVEMENT,

EN UTILISANT AU MIEUX LES OUTILS DU NUMÉRIQUE.

INTERVIEW : CHLOE RHYS

Page 10: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

c’est un art particulier. À mon sens, tout cela devrait être enseigné en classe. Les écoles et les parents ont très peur de laisser leurs enfants libres sur le Net, donc ils rejettent ce genre d’idée. Je pense que c’est un challenge important.Il y a par ailleurs un autre défi à relever. Les uni-versités sont nées à une époque où les livres étaient encore manuscrits. On allait à Paris ou à Oxford parce que c’était là qu’étaient les livres, et on écou-tait un vieux bonhomme les lire à voix haute. Le livre était enchaîné au pupitre. Je dis souvent à mes étudiants que si on envoyait un guerrier d’il y a mille ans sur un champ de bataille d’aujourd’hui, il mourrait très vite. Si on mettait un chirurgien d’il y a mille ans dans un bloc opératoire moderne, il serait bien embêté. Mais si on prenait des étudiants et des professeurs d’il y a mille ans et qu’on les ins-tallait dans n’importe quelle salle de classe aujourd’hui, ils sauraient parfaitement où s’asseoir et que faire.Je pense que ce modèle pose particulièrement problème aujourd’hui. Pourquoi ne pas mettre vos cours magis-traux sur YouTube ? Si tout

ce que vous faites est de parler pendant une heure, pourquoi ne pas permettre à vos étudiants de choi-sir quand ils veulent vous écouter ?

Vous avez inventé le terme de « peeragogie ». Pourriez-vous expliquer ce concept et comment il peut se développer à l’école et hors de l’école,

grâce aux technologies digitales ?

Nous sommes les seuls primates experts en appren-tissage social. Nous sommes les seuls primates dont une partie de l’œil est blanc, ce qui nous permet d’identifier facilement ce que regardent les autres êtres humains. Les bébés humains apprennent beaucoup en voyant ce que leur mère regarde. Nous apprenons par imitation, en nous observant les uns les autres. Dans une certaine mesure, la pédagogie traditionnelle décourage ce genre d’apprentissage.

Mais encore une fois, si on regarde les communautés d’amateurs sur Internet, les gens qui partagent leur passion, les gamers, on voit qu’ils apprennent ensemble, en ligne, avec beaucoup d’enthousiasme.Mon approche pédagogique consiste à être attentif à mes étudiants et à leur donner de

Comment avez-vous commencé à vous intéresser aux technologies ?

J’ai commencé à travailler en tant que journaliste pi-giste. J’ai entendu parler de machines avec des écrans qu’on pouvait utiliser à la place d’une machine à écrire, et qui permettaient de déplacer des mots sans avoir à les taper à nouveau. Ça m’a beaucoup inté-ressé. C’était au tout début des années 1980, les mi-cro-ordinateurs venaient d’être lancés. J’ai compris qu’ils n’étaient pas seulement des machines à écrire améliorées, mais qu’ils allaient permettre d’élargir notre conscience, nous offrir de nouvelles manières de penser et de communiquer. Ensuite, alors que je faisais des recherches et que j’écrivais des articles sur ces ordinateurs, je me suis procuré un modem. J’ai branché mon ordinateur sur mon téléphone, et j’ai com-mencé à m’impliquer dans cette « communauté online » très tôt dans les années 1980. C’était avant Internet. J’ai eu beaucoup de chance : les outils qui me permettaient de faire ce que je voulais constituaient aussi un sujet de recherche passionnant. Bien sûr, depuis, beaucoup de nouveaux médias sont apparus qui nous permettent de nous exprimer. Je fais des vidéos, je produis des cours en ligne, et maintenant j’en-seigne aussi. Toutes mes activités tournent autour de cette question : alors que des médias digitaux extrêmement puissants sont accessibles à énormé-ment de gens, qu’est-ce que cela signifie pour nous, en tant qu’individus, en tant que société, en tant que civilisation ?

Comment, selon vous, Internet et les nouveaux médias peuvent-ils devenir dans les années qui viennent un terrain de jeu propice au développement de méthodes innovantes

d’apprentissage et d’éducation ?

À part pour les gens extraordinairement motivés, jusqu’à très récemment, si vous vouliez apprendre quelque chose, les écoles avaient le monopole de l’éducation. Aujourd’hui, il y a sûrement un ga-min de 14 ans sur YouTube qui peut vous expli-quer comment faire. Bien sûr, l’art d’apprendre et l’art d’enseigner ne sont pas directement liés à la technologie. On voit que les gens commencent à utiliser les médias et les réseaux numériques pour apprendre et enseigner, ensemble. Ils utilisent des méthodes qui ne sont pas nécessairement inédites mais qui sont pour moi aussi naturelles que l’école est, d’une certaine manière, artificielle.Heureusement, plusieurs outils existent pour gar-der un œil sur ce qu’il se passe. J’écris un blog pour un site qui s’appelle DMLcentral, « DML » pour

digital media and learning, médias et apprentis-sage numériques. C’est un projet de la fondation américaine MacArthur, qui a décidé de consacrer 50 millions de dollars à la promotion des médias et de l’apprentissage numériques. Il y a énormément d’instituteurs et de professeurs dans les écoles et les universités qui utilisent les nouveaux médias de manière innovante. Je les rencontre et je publie nos entretiens sur le blog. Utiliser les médias sociaux pour enseigner ne leur rend pas les choses plus faciles, c’est même plutôt plus exigeant. Si vous voulez répondre à chacun des posts de blog de vos étudiants et participer à leurs forums, ça vous demande plus de travail que si vous vous en tenez

à la préparation de vos cours et à la correction des copies.

Pensez-vous que ces évolutions affectent le

fonctionnement des écoles, ou que celles-ci vont trou-ver le moyen d’intégrer la

technologie aux programmes scolaires ?

L’arrivée des nouvelles tech-nologies met au défi le sys-tème scolaire de plusieurs manières. On apprend aux enfants à lire, à écrire, à compter ; mais on enseigne très rarement aux enfants de 9, 10 ou 11 ans comment re-chercher une information et déterminer si les résultats de

leurs recherches sont crédibles ou non. Ils sont ca-pables d’écrire des SMS avec les mains dans le dos. Ils apprennent très vite comment fonctionnent les nouveaux médias, mais pour autant, ils ne savent pas nécessairement blogger de manière réfléchie, défendre une cause, se servir d’un wiki pour orga-niser une action collective, ou utiliser un forum pour poursuivre une conversation qui a commencé en classe. Ça demande une certaine rhétorique,

« JUSQU'ICI, LES ÉLÈVES N'ÉTAIENT PAS CONFRONTÉS À CETTE DISTRACTION ÉNORME QU'EST L'INTERNET. »

« MON APPROCHE PÉDAGOGIQUE

CONSISTE À ÊTRE ATTENTIF À MES ÉTUDIANTS ET

À LEUR DONNER DE PLUS EN PLUS DE

RESPONSABILITÉS ET DE POUVOIR SUR LEUR

APPRENTISSAGE. »

1918INV ITÉ  SPÉC IAL

Page 11: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

plus en plus de responsabi-lités et de pouvoir sur leur apprentissage. J’ai demandé à mes étudiants de ne pas se contenter de rester assis et de prendre des notes pour pouvoir valider leurs exa-mens, mais de se mettre à enseigner avec moi, à orga-niser des équipes de co-enseignement, à travailler ensemble de manière colla-borative.Au bout d’un moment, je me suis aperçu que tout cela pouvait être fait sur Internet. J’ai lancé la Rheingold University et j’ai commencé à don-ner des cours uniquement sur le Net, avec d’autres personnes qui viennent du monde entier. Enfin, je me suis rendu compte que pour aller encore plus loin, l’étape suivante consistait à supprimer le pro-fesseur. Pourquoi ne pas imaginer simplement un groupe de personnes motivées qui veulent se for-mer sur un sujet ? Je suis certain que dans le futur on verra de plus en plus de gens s’auto-organiser pour se former sur Internet. Ça ne veut pas dire que les écoles vont disparaître. Ce que ça signifie, en revanche, c’est que les écoles ne sont plus, comme c’était le cas depuis quatre ou cinq mille ans, le seul lieu où on peut apprendre.

En tant qu’enseignant, avez-vous remarqué une manière différente

d’approcher l’éducation et d’apprendre de la part de vos étudiants digital natives ?

Aujourd’hui le Web est partout. Je pense qu’il n’y a probablement aucun professeur d’université au monde qui, quand il regarde sa classe, voit les visages de ses étudiants plutôt que leur ordinateur portable.Les étudiants sont connectés à Internet quand ils sont en cours. Beaucoup d’entre eux vérifient que leur professeur sait vraiment de quoi il ou elle parle. Beaucoup d’autres communiquent entre eux sur ce qu’il se passe en classe. Si le professeur est ennuyeux, alors ses étudiants sont sur Facebook, ou dans World of Warcraft, ou en train de lire leurs mails.Les élèves ont toujours été rêveurs et distraits, ils ont toujours regardé par la fenêtre, dessiné. Mais jusqu’ici, ils n’étaient pas confrontés à cette dis-traction énorme qu’est l’In-ternet tout entier. Cela pose un sérieux problème aux professeurs. Pour ma part, comme je fais cours sur les médias sociaux, je ne peux pas vraiment demander à mes étudiants d’éteindre leur ordinateur. Ce que j’essaie de faire, c’est de leur apprendre à être conscients de ce à quoi ils consacrent leur attention.

Est-ce qu’il est possible de rester concentré sur

quoi que ce soit, dans ce monde de distractions

numériques ?

Heureusement, de nom-breuses recherches montrent qu’on peut exercer ses capa-cités d’attention. La première étape est ce qu’on appelle parfois la métacognition, ou pour employer un mot beaucoup plus ancien, la

conscience. Commencer par être conscient qu’on est sur Facebook alors qu’on est en cours est une étape dans le contrôle de son attention. Je fais des petits tests avec mes étudiants. Par exemple, je demande à l’un d’eux de faire retentir une sonnerie à inter-valle irrégulier. Tous les étudiants doivent alors écrire anonymement sur un morceau de papier coloré ce à quoi ils sont en train de penser à ce moment pré-cis. Si c’est quelque chose qui est directement lié au cours, ils l’écrivent sur un papier jaune. Si ça a un rapport indirect avec le sujet du cours, ils utilisent un papier orange. Si ça n’a rien à voir, ils prennent un papier rouge. Tous ces morceaux de papier sont fixés sur un panneau, ce qui nous donne un genre d’arrêt sur images de ce qu’il se passe dans leur tête à un moment précis. D’autres fois, je demande aux étu-diants de ne garder que quatre ordinateurs ouverts dans la classe : c’est à eux de s’organiser pour déci-der de qui ouvre et qui ferme alternativement son ordinateur. Cela leur permet de prendre conscience non seulement de leur propre utilisation de l’ordina-teur portable dans la salle de classe mais aussi de ce que font les autres étudiants. Je leur demande aussi d’inventer des tests d’attention de leur côté. Ils ont beaucoup d’idées intéressantes. L’un d’eux a créé un jeu vidéo qu’il peut montrer à ses camarades, aux-quels le jeu demande de lever la main ou d’écrire quelque chose.Je pense que dès qu’on prend conscience de la ma-nière dont on déploie son attention, le processus se nourrit de lui-même. On crée vraiment un genre de circuit mental qui est peut-être alors activé pour la première fois. Dès qu’on s’en sert, comme pour tout autre processus d’apprentissage, il reste actif toute la vie.

Quelques mots sur votre vision du futur, pour conclure ?

Je ne suis pas le premier à le dire, mais en faisant mes recherches j’ai pu lire l’idée que dans une société qui évolue très lentement, il est du devoir de l’ancienne génération de transmettre ses connaissances aux plus jeunes pour qu’ils n’aient pas

« DANS UNE CIVILISATION QUI

BOUGE TRÈS VITE, IL EST PLUS IMPORTANT

D'APPRENDRE AUX JEUNES COMMENT

APPRENDRE. »

« LA FRONTIÈRE NE SÉPARE PLUS CEUX QUI ONT ET CEUX QUI N'ONT

PAS, MAIS CEUX QUI SAVENT ET CEUX QUI

NE SAVENT PAS. »

2120

à tout redécouvrir et réinventer. Dans une civilisation qui bouge très vite, en revanche, où tout change très rapidement, il est beaucoup plus important d’ap-prendre aux jeunes comment apprendre.Je crois qu’on va assister à une diffusion de l’ap-prentissage à travers la société. J’ai peur qu’il n’y ait là matière à une nouvelle fracture numérique. La problème n’est plus celui de la fracture entre ceux qui peuvent se permettre financièrement d’avoir accès aux technologies ou non. Je crois qu’il y a quelque chose comme 4 ou 5 milliards de smartphones dans le monde. Partout, la plu-part des gens ont accès au réseau. La fracture est

vraiment entre ceux qui savent utiliser les médias auxquels ils ont accès pour se former et mettre à profit leurs propres réseaux sociaux pour mener à bien leurs objectifs, et les autres. La frontière ne sépare plus ceux qui ont et ceux qui n’ont pas, mais ceux qui savent et ceux qui ne savent pas.

I NV I TÉ   SPÉC IAL

BONUS vIDÉO

L'INTERVIEW SUR sfrplayer.com ET SUR VOTRE IPAD.

Page 12: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

23ÉDUCAT ION  :   RÉSEAUX  ACT I FS  ! 22

ÉDUCATION : RESEAUX ACTIFS !

CETTE FOIS, ÇA Y EST ! L'ÉDUCATION SEMBLE RENCONTRER POUR DE BON LE POTENTIEL DES RÉSEAUX NUMÉRIQUES. NOUVEAUX ACTEURS,

NOUVEAUX ENJEUX, NOUVEAUX DÉFIS : SFR PLAYER FAIT LE TOUR DE L'ÉDUCATION EN

MODE RÉSEAU EN 2013, ET AU-DELÀ...

Le numérique frappe depuis longtemps à la porte de notre système éducatif : l’association Enseignement public et informatique a été fondée dans les années 1970. Mais il s’apprête à le faire voler en éclats et à chambouler bien des certitudes et des conservatismes qui, de la maternelle au doctorat, interdisent toute réforme significative venue d’en haut. La raison en est simple : l’un des écosystèmes les plus innovants au monde, si ce n’est le plus innovant, s’est emparé du sujet. Du nord au sud de la Silicon Valley, universités, entreprises et centres de recherche publics ou privés ont inscrit l’éducation sur leurs agendas, à égalité avec les autres priorités du moment – nanotechnologies, génome à 300 dollars, biotechnologies, éner-gie… Un tsunami s’annonce. S’il produit sur l’éducation les mêmes effets que sur les industries de la presse, du disque ou de la distribution, trois conséquences affecteront demain les enseignements primaire et supérieur, et après-demain l’enseignement secondaire : un changement de modèle économique impliquant une baisse des tarifs sur certains services ; une prise de pouvoir du « consommateur d’école » aux dépens du « citoyen usager du service public » ; et une montée en puissance des organisations collaboratives au détriment des structures pyramidales archi-hiérarchisées.

 Introduction

d’Emmanuel Davidenkoff, L’Étudiant

P22

Entretien avec François Jarraud, Le Café pédagogique

P26

La classe change de classe P28

L’école en mode réseaux P30

Apprendre toute sa vie P34

Entretien avec Daphne Koller, Coursera

P37

Datavisualisation : « Peut mieux faire »

P39

Apprenti-map P40

Globale éducation P42

Entretien avec Jean-François Fiorina, ESC Grenoble

P44

En avance ! P46

Apprendre en faisant P50

« DANS LA SILICON VALLEY, UNIVERSITÉS,

ENTREPRISES ET CENTRES DE RECHERCHE ONT

INSCRIT L'ÉDUCATION SUR LEURS AGENDAS. »

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEURCes changements affecteront en premier lieu l’enseignement supérieur. Parce qu’il est déjà structuré en marché. Parce que le secteur privé y est dynamique et s’est construit, depuis ses ori-gines, sur sa capacité à proposer des approches pédagogiques disruptives. Parce que les ordinateurs, tablettes et smart-phones ont déjà envahi amphis et salles de TD alors qu’ils restent le plus souvent dans les cartables au collège et au lycée.

Page 13: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

25

Parce que nombre d’éta-blissements ont effectué les indispensables in-vestissements matériels. Parce que le lien avec le marché de l’emploi permettra très vite de prouver – ou non – l’ef-ficacité de telles innova-tions. Enfin, parce qu’une partie minoritaire mais hyperactive et influente du secteur vit à l’heure de la mondialisation.Les signes annonciateurs de la révolution sont déjà perceptibles et ne concernent pas seulement l’engouement pour les MOOC (massive open online courses), qui méritent attention et encouragements mais sont à l’innovation pédagogique ce que Pong est à World of Warcraft en matière de jeu vidéo, puisque le MOOC se contente d’actualiser la forme la plus traditionnelle de pédagogie : celle du cours magistral. Écoles de commerce, d’ingénieurs ou de design sont déjà en train de diversifier leur mode de recrutement et leur organisation pédagogique pour y intégrer les fondamentaux de la révolution numérique et de l’innovation. On commence à en-seigner le design thinking. Des formations mariant commerce, technologie et conception voient le jour, comme par exemple la Web School Factory à Paris. Certaines écoles, comme la France Busi-ness School, renoncent aux concours traditionnels pour aller chercher les talents ailleurs que dans le vivier formaté des bacheliers S mention très bien. Les fab labs se multiplient. Des écosystèmes se structurent afin qu’enseignement, recherche et entrepreneuriat se fertilisent mutuellement, de Troyes à Saclay en passant par Grenoble. Des missions à caractère humanitaire entrent dans les cursus afin de nourrir l’empathie et l’intelligence émotionnelle des étudiants.

MODÈLE(S) ÉCONOMIQUE(S)Le supérieur est donc prêt à aborder la révolution qui vient. Reste à en dessiner les contours économiques. À quelle vitesse les systèmes de correction automa-tisés qui permettent de traiter des milliers de copies (et plus seulement des QCM) s’imposeront-ils ? Quand écoles et universités renonceront-elles à leurs cours magistraux pour basculer en mode MOOC ? Quel impact le déve-loppement des impri-mantes 3D aura-t-il sur l’image de la technolo-gie ? Les établissements sauront-ils, mieux que la presse par exemple, convertir rapidement leurs troupes aux for-midables potentialités qu’offre le numérique, à commencer par le

temps qu’il pourrait libérer au profit d’acti-vités de tutorat indivi-dualisé et d’expériences in vivo – stages, voyages, travaux en labo, projets académiques, profes-sionnels ou associatifs, etc. ? Si ces innovations

tardent dans les établissements classiques, de nouveaux pure players émergeront dans le secteur de l’enseignement supérieur et le numérique leur permettra de proposer des formations à des tarifs aujourd’hui impensables. Et s’ils font la preuve de leur capacité à insérer leurs étudiants, ils se pas-seront de toute autre forme de reconnaissance et d’accréditation, au moins au début. C’est exacte-ment de cette façon que s’est développé l’enseigne-ment supérieur privé dans les années 1970, époque où la question de l’emploi était le cadet des sou-cis des universités et où les écoles de commerce et d’ingénieurs étaient loin d’avoir tissé les liens qui les relient aujourd’hui au monde économique.

CHALLENGESLogiquement, ces évolutions ne devraient pas laisser indifférent l’enseignement secondaire. Pourtant, rarement l’écart entre la pédagogie et les qualités requises pour « réussir » au lycée général et dans l’enseignement supérieur ont été aussi éloignées. En fait, la seule filière à laquelle prépare le lycée est… le lycée, à savoir les études en BTS et en classes préparatoires. Les filières technolo-giques et professionnelles sont nettement plus innovantes, mais elles souffrent encore, au pays de Descartes et du lycée napoléonien, d’une image injustement dégradée, si bien qu’elles ne peuvent pas encore rivaliser, en termes d’attractivité, avec la filière générale. Si bien que c’est peut-être par le primaire que la révolution numérique pourrait entreprendre la conquête de l’enseignement sco-laire. Le choix d’applis de qualité dédiées à l’ap-prentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul s’accroît chaque jour. Les ventes de tablettes ayant dépassé celles des ordinateurs, et l’anxiété des parents étant ce qu’elle est, on peut sans grand risque prédire une explosion de ce secteur. Là non plus, la question n’est pas de savoir si le numé-

rique entrera dans toutes les écoles mais plutôt à quelle vitesse, et si le secteur public et le privé sous contrat réagiront avant qu’une offre purement privée ne se structure, soit en complément de l’école, comme cela existe en Corée du Sud ou au Japon, soit à sa place.

Innovation portée par les acteurs dans le supérieur, poussée par les parents dans le primaire, sans doute imposée bientôt dans le secondaire par les jeunes qui finiront par rejeter une pédagogie frontale si éloignée du monde connecté dans lequel ils sont nés et grandissent… L’école « à la papa » a vécu. Ses enseignants, de plus en plus ouverts au numérique, le pressentent à défaut de le savoir. Collectivités et, ici ou là, autorités académiques aussi. Il ne reste plus à l’Éducation nationale qu’à faire sa révolution copernicienne.

EMMANUEL DAVIDENKOFF

« CES CHANGEMENTS AFFECTERONT EN PREMIER

LIEU L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR. »

« LES ÉTABLISSEMENTS SAURONT-ILS CONVERTIR

RAPIDEMENT LEURS TROUPES AUX FORMIDABLES

POTENTIALITÉS QU'OFFRE LE NUMÉRIQUE ? »

« LA QUESTION N'EST PAS DE SAVOIR SI LE

NUMÉRIQUE ENTRERA DANS TOUTES LES ÉCOLES, MAIS

À QUELLE VITESSE. »

24ÉDUCAT ION  :   RÉSEAUX  ACT I FS  !

Page 14: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

27

Avec un million de pages vues par mois, Le Café pédagogique est devenu une référence au sein de la communauté éducative. Son rédacteur en chef nous livre ses vues sur l’éducation numérique à la française.

Qu’est-ce qui fait que la France est à la traîne en matière de numérique à l’école ? Les obstacles sont-ils de l’ordre des moyens,

des mentalités, des usages… ?

En termes d’équipements informatiques, la France est en retard pour le primaire, mais pour le secon-daire, elle est dans la moyenne. C’est en matière d’utilisation pédagogique des outils numériques que la France est en queue de liste. Les inspec-teurs et les chefs d’établissement sont souvent des freins à ces initiatives. Il existe aussi un problème de mentalités. Beaucoup d’enseignants pensent que ces technologies ne sont pas rentables pour les élèves, dans le sens où elles ne vont pas les aider à avoir de meilleures notes au bac ou au brevet. Et cela n’est pas faux, puisque ces examens reposent avant tout sur la mémorisation de connaissances. Cela montre bien que notre modèle d’école n’est plus en phase avec la société.

Que faudrait-il faire pour accélérer les choses ?

Soutenir les initiatives locales. École numérique rurale, le seul plan numérique gouvernemental qui ait vraiment marché, fonctionnait de cette manière, en attribuant des subventions à des projets propo-sés par des enseignants, avec l’aval du chef d’éta-blissement. Je crois aussi que les différents acteurs devraient se parler davantage.

Quel est le rôle du Café pédagogique dans cette révolution numérique à l’école ?

Nous avons lancé le Tour de France du numérique pour l’éducation, qui consiste à organiser des ren-contres dans différents départements entre tous les acteurs concernés : enseignants, représentants des académies et des collectivités, fournisseurs de logi-ciels ou d’équipements pour la classe… Une ving-taine de rencontres ont déjà eu lieu. Sans ce genre d’événements, ces acteurs ont peu d’occasions de se parler. Nous organisons également depuis six ans un forum qui rassemble chaque année cent pro-fesseurs innovants sélectionnés sur dossier, afin de faire émerger de nouvelles initiatives pédagogiques.

Comment fonctionne la rédaction du Café ?

Je travaille à plein temps pour Le Café pédago-gique depuis deux ans. À mes côtés, une quaran-taine de professeurs participent bénévolement à ce projet. Nous couvrons toute l’actualité du monde

de l’éducation et de la pédagogie. Au total, nous comptons un million de pages vues par mois, et notre newsletter est envoyée à 230 000 personnes. Actuellement, c’est sur les réseaux sociaux – nous avons 11 000 abonnés sur Twitter – que nous nous développons le plus. Côté financements, nous fonctionnons grâce à la cotisation de nos membres et grâce au mécénat.

EDUPAD A LA COTE AUPRÈS DES PROFS

Avec déjà 500 000 téléchargements, eduPad, start-up parisienne créée en 2010, se revendique comme « la plus grande base d’activités éducatives de l’App Store ». Ses applications gratuites, réunies sous le label iTooch, rassemblent des exercices et jeux pour le primaire et le collège. Adaptées à chaque niveau de classe, elles suivent le programme de l’Éducation nationale. Gros avantage : elles peuvent être utilisées en classe sans connexion internet, l’un des principaux soucis des enseignants.

E.L@B, UN BLOG POUR ENSEIGNANTS CONNECTÉS

En quelques mois, E.l@b est devenu un site de référence pour les enseignants qui s’intéressent au numérique, de la maternelle à l’université. Sur E.l@b, des professeurs chroniquent leur utilisation de Twitter en classe, livrent des billets d’humeur, rapportent des propos de leurs élèves ou racontent comment obtenir une subvention pour acheter des iPad. Animé par une équipe d’enseignants passionnés et très présents sur Twitter, E.l@b se fait également l’écho de conférences abordant la question du numérique à l’école.

NOTRE MODÈLE D'ÉCOLE N'EST PLUS EN PHASE AVEC LA SOCIÉTÉ. »

26

FRANÇOIS JARRAUDPROFESSEUR ET RÉDACTEUR EN CHEF

DU CAFÉ PÉDAGOGIQUE.

ÉDUCAT ION  :   RÉSEAUX  ACT I FS  !

Page 15: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

LA CLASSE CHANGE DE CLASSESI LES GRANDS FONDAMENTAUX DE LA PÉDAGOGIE ONT DE BEAUX JOURS DEVANT EUX, LA CLASSE D'ÉCOLE PASSE PROGRESSIVEMENT DU 1.0 AU 3.0. TOUR D'HORIZON.

2928

1. DE L'ARDOISE À LA TABLETTE NUMÉRIQUE

En 2013, environ 15 000 tablettes numériques sont expérimentées dans 335 établissements. Ou-vrant un nouveau champ d’utilisations pédago-giques, ce support dispose d’un énorme potentiel de développement.Exemples : lire des œuvres libres de droits, prendre des notes multimédia lors de sorties sco-laires, utiliser des applications dédiées aux élèves handicapés…

2. DE LA TÉLÉVISION ÉDUCATIVE À LA

TÉLÉVISION CONNECTÉE

Inspirée de la chaîne éducative en ligne de la BBC, Francetv Éducation, lancée en novembre 2012, propose des contenus interactifs variés.Exemples : réviser le bac en ligne, associer des logi-ciels de traduction et des serious games, utiliser la réalité virtuelle pour visiter un musée…

3. DES COURS EN AMPHITHÉÂTRE

AUX MOOC

Les massive open online courses ou MOOC, ces nou-veaux cours en ligne des universités américaines, souvent gratuits, font un tabac. Ceux de Harvard totalisent plus de 100 000 participants.Exemples : suivre les cours de la Khan Academy, se connecter à Udacity où l’on résout des problèmes aux côtés d’universitaires, ou surfer sur Coursera, la plateforme des MOOC.

4. DES LIVRES SCOLAIRES AUX MANUELS NUMÉRIQUES

20 millions d’euros. C’est la (petite) somme que représente aujourd’hui le marché des manuels numériques en France, contre 300 millions pour leur version papier. Mais les éditeurs rivalisent d’innovations pour développer leur usage.Exemples : accéder à des ressources multimédia enrichies, à des contenus personnalisables et… alléger son cartable !

5. DE LA CORRESPONDANCE

SCOLAIRE À LA TWITTCLASSE

Twitter s’utilise aussi à l’école ! Le site Twittclasses francophones (twittclasses.fr) recense 327 ini-tiatives, pour l’essentiel nées en

France et au Québec.Exemples : échanger sur la géométrie en classe de 6e avec #geometwitt, mener un projet d’écriture de livre numérique à l’instar de l’initiative franco-québécoise #140etplus, ou encore #reviserlebac pour des élèves de bac professionnel.

6. DU TABLEAU NOIR AU TABLEAU BLANC

INTERACTIF

Un élève européen sur trois travaille au moins une fois par semaine sur tableau blanc interactif. Cet écran tactile sert de vidéoprojecteur et permet une interaction constante avec le contenu.Exemples : surligner, zoomer, dé-placer et coller du texte, conserver

des traces écrites, intégrer des sons, des images et des vidéos au cours. Parmi les leaders ? SMART Technologies (qui participe à l’offre e-école pour tous de SFR) ou encore Promethean.

7. DU DIDACTICIEL AU JEU SÉRIEUX

Les serious games, des jeux vidéos éducatifs, sont en plein dévelop-pement. En 2015, leur chiffre d’af-

faires mondial sera de 10 milliards d’euros, contre 1,5 milliard en 2010.Exemples : apprendre la chimie avec Super Kimy, la physique avec Physica ou l’orthographe avec Thélème.

8. DES COURS PARTICULIERS

AU SOUTIEN SCOLAIRE EN LIGNE

Les élèves peuvent désormais suivre des cours par webcam. C’est moins cher que les cours particu-liers traditionnels, et l’accès aux ressources numériques est facilité.

Exemples : suivre des leçons en ligne et parfois même les poursuivre avec des cours « physiques » à domicile sur Teacheo, Acadomia Online, Prof Express, Learnisys ou encore Maxicours.

9. DU TÉLÉPHONE PORTABLE CONFISQUÉ

PAR LES PROFS AU SMARTPHONE

BIENVENU EN CLASSE

Entre 28 et 46 % des élèves euro-péens disent utiliser leur propre té-léphone mobile à des fins d’appren-tissage, à l’école, au moins une fois par semaine.Exemples : faire des schémas, filmer des expé-riences, s’entraîner à un oral en s’enregistrant…

10. DU CARNET DE CORRESPONDANCE

À L'ENT

L’environnement numérique de tra-vail (ENT) révolutionne la commu-nication avec l’établissement sco-laire. Grâce à ce portail, les parents peuvent accéder directement au ca-hier de textes de leurs enfants, voire dialoguer avec les enseignants.Exemples : consulter les notes, signaler des absences, accéder aux cours en ligne sur des espaces comme ceux pro-posés par It’s learning et nombre de plateformes développées localement.

ÉDUCAT ION  :   RÉSEAUX  ACT I FS  !

Page 16: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

De la maternelle à l’université, le monde de l’éducation s’organise dé-sormais en réseaux. Des réseaux liés à la classe, tout d’abord. Ainsi, dans les classes virtuelles du réseau Edmodo,

les professeurs continuent en ligne leurs discus-sions avec leur classe, lancent des sondages pour vérifier l’acquisition des connaissances et distri-buent des récompenses virtuelles, tandis que les élèves discutent du cours et consultent le planning de la semaine. Le site revendique 20 millions d’uti-lisateurs dans le monde.De leur côté, les étudiants s’organisent eux-mêmes en réseaux, comme sur la plateforme Beebac, site d’entraide et de partage entre élèves qui compte 100 000 membres, du collège à la fac. « Non seu-lement cela rend service aux jeunes, mais cela les forme : on apprend beaucoup en aidant les autres », assure Sami Labidi, le fondateur du site. « Les en-seignants ont perdu le monopole de la diffusion du savoir scolaire », remarque Roland Labrégère, coauteur de L’École au défi du numérique (éditions Raison et Passion, 2012). « Ces formes d’appren-tissage en réseau conviennent bien aux jeunes, qui sont fatigués de l’école classique, du professeur qui veut qu’on l’écoute. Ils aiment aller eux-mêmes vers de nouveaux savoirs. Le numérique permet cette forme d’éducation buissonnière. »Les réseaux dépassent aussi les frontières de l’école, avec de multiples sites proposant du coaching ou des cours de soutien en ligne gratuits ou payants. C’est sur ce créneau que s’est positionné L’Étudiant, avec des chats, des vidéos de révision et des quiz pour préparer le bac ou les concours de Sciences Po, le tout animé par des professeurs. Les parents d’élèves, quant à eux, se regroupent via des réseaux de proximité, comme Leminiréseau, qui réunit 30 000 parents d’écoliers. « Ils communiquent sur des sujets liés à la classe, s’organisent pour du covoiturage ou des sorties, diffusent des petites annonces. Le professeur est aussi présent et peut répondre aux questions des parents. Notre objec-tif, c’est de mélanger les deux mondes », raconte le fondateur, Arnaud Meneux.Les réseaux entrent aussi dans les salles de cours, en particulier via Twitter. Le site Twittclasses re-cense plus de 300 classes utilisatrices de ce service

en France, de la maternelle au lycée. Certaines sont en contact entre elles, se lancent des défis ou travaillent sur des exercices communs. Jean-Roch Masson, instituteur en CP à Dunkerque, utilise le site depuis trois ans pour développer la lecture et l’écriture chez ses élèves. « C’est un outil qui donne le goût de l’écriture, et développe la créativité. Le fait d’être lu par d’autres personnes que leur pro-fesseur force les élèves à respecter les règles d’or-thographe et de politesse. C’est très stimulant pour eux d’être lus par d’autres classes, et c’est ludique », raconte-t-il.Parallèlement, on ne compte plus les réseaux d’en-seignants. Certains sont officiels, comme Respire, lancé par l’Éducation nationale en 2012 et qui rassemble 3 600 professeurs. Mais la plupart de ces réseaux sont animés par des bénévoles, comme Macternelle, qui cible les enseignants de petites classes et rassemble des idées d’activités et des revues d’outils pour réaliser un plan de classe vir-tuel ou une frise chronologique interactive. « Ces réseaux permettent aux enseignants d’obtenir la reconnaissance qu’ils n’ont pas toujours au sein de leur établissement », affirme Isabelle Quentin, enseignante-chercheuse à l’ENS Cachan, spé-cialiste du sujet. « Ils leur permettent aussi de se construire une identité collective hors de l’institu-tion, et décloisonnent les académies. Il y a sur ces réseaux un grand climat de confiance. »

31

« CES FORMES D'APPRENTISSAGE

EN RÉSEAU CONVIENNENT BIEN

AUX JEUNES, QUI SONT FATIGUÉS DE L'ÉCOLE

CLASSIQUE. »

30

L'ECOLE EN MODE RÉSEAUXRÉSEAUX D'ÉLÈVES, D'ÉTUDIANTS, DE PROFS, DE CLASSES, DE PARENTS... LE MONDE ÉDUCATIF ÉCHANGE ET COLLABORE DE PLUS EN PLUS. DES INTERACTIONS QUI OFFRENT DE NOUVEAUX SERVICES ET PERMETTENT DE MIEUX S'APPROPRIER LES CONNAISSANCES.

ÉDUCAT ION  :   RÉSEAUX  ACT I FS  !

Page 17: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

33

Ce réseau de partage permet à des élèves de s’aider entre eux dans la préparation de leurs cours.

Depuis sa création en 2007, le réseau Beebac monte en puissance.

Quels services apporte-t-il ?

Beebac met en relation des collégiens, lycéens et étudiants, qui partagent leurs cours et leurs fiches, et s’entraident via des forums et du tutorat en ligne. Aujourd’hui, nous rassemblons 40 000 conte-nus pédagogiques, pour 100 000 membres et 800 000 pages vues par mois. C’est une nouvelle forme de révision et d’apprentissage, interactive et stimulante. Un lycéen qui aide un autre lycéen sur un exercice de maths n’a pas la même approche qu’un prof.

De nombreux enseignants sont impliqués dans Beebac. Quel est leur rôle ?

Ils mettent en ligne leurs cours ou leurs docu-ments de travail. Certains peuvent aussi ouvrir des

Ce professeur en sciences de l’éducation à l’université catholique de Louvain est devenu un expert en pédagogie inversée, dernière tendance en matière d’éducation via le numérique.

Pouvez-vous nous expliquer le principe de la flipped pedagogy ou pédagogie inversée ?

C’est une idée popularisée vers 2009 par deux professeurs de chimie d’un lycée américain. Ils en avaient assez d’avoir des élèves passifs et ils ont décidé de mettre des morceaux de leurs cours sur YouTube. Cela a remotivé les élèves. L’idée de la pédagogie inversée, c’est de mettre l’élève dans une posture d’apprentissage chez lui, via des vidéos, des sites web ou des exercices en e-learning. Et de réserver la classe aux débats, aux échanges, à des expériences collectives, et à la retransmission des connaissances par les élèves eux-mêmes.

Qu’apporte cette nouvelle forme de pédagogie ?

C’est une méthode qui convient mieux aux jeunes. À la maison, l’élève va à son rythme, revient sur certains passages, fait des pauses. L’utilisation de ces outils développe de multiples compétences, la capacité à aller chercher l’information, à la vérifier, à la synthétiser. En classe, les élèves améliorent leur prise de parole, organisent les débats. Cette méthode prépare bien les jeunes à la société qui les attend, car la plupart vont exercer des métiers qui n’existent pas actuellement, et en changeront plusieurs fois dans leur vie.

Quels sont les obstacles à la mise en œuvre de la pédagogie inversée ?

Ce n’est pas une affaire d’outils mais plutôt une question de mentalité. Nombre de professeurs sont inquiets car ils ont peur de ne plus contrôler leurs classes, de perdre leur rôle de transmetteur de connaissances. Certains aussi ne font pas confiance aux élèves, pensent qu’ils ne feront pas le travail nécessaire à la maison.

TÉMOIGNAGE Axel Pruche, 21 ans, étudiant à Sup’Internet : « Je peux diversifier mes sources. »

Utiliser les réseaux sociaux pour réviser ses cours : une pratique qui va de soi pour Axel Pruche. L’année dernière, il a découvert le réseau d’entraide Beebac. « J’y ai trouvé des cours et des fiches mis en ligne par des étudiants dans toutes les matières qui m’intéressaient : l’Internet, le commerce, la négociation, la psychologie. » Axel a aussi puisé sur Beebac de nombreuses ressources sur l’histoire, une matière qu’il n’étudie pas mais qui le passionne. « Par rapport à mes cours de Sup’Internet, ce qui me plaît, c’est que je peux diversifier mes sources. Pour chaque sujet, je peux trouver vingt personnes qui le traitent ou l’expliquent différemment : cela aide à mieux comprendre. Quand j’ai une question, il y a toujours quelqu’un pour me répondre. Et souvent, la discussion se prolonge, ce qui permet vraiment d’approfondir le sujet. »

SAMI LABIDIFONDATEUR DE BEEBAC

MARCEL LEBRUNENSEIGNANT-CHERCHEUR

DE NOUVEAUX RAPPORTS AVEC LES ÉLÈVES. » CE N'EST PAS UNE AFFAIRE D'OUTILS, MAIS DE MENTALITÉS. »

classes virtuelles, avec leurs propres élèves, aux-quelles sont associés des forums. Pour le profes-seur, c’est enrichissant, cela crée de nouveaux rap-ports avec ses élèves, qui sont moins complexés pour poser des questions.

Beebac est gratuit. Quel est votre business model ?

Nous proposons à des établissements un service de création de leur propre réseau social interne. Nous répondons aussi à des appels à projet pour réfléchir au numérique à l’école.

Quels sont vos projets pour les mois à venir ?

Nous allons sortir une version du site en anglais et fournir aux établissements une plateforme qui leur permettra de créer des MOOC. En 2014, nous al-lons intégrer un « app store », afin que des éditeurs d’applications pédagogiques puissent les vendre sur notre site.

32ÉDUCAT ION  :   RÉSEAUX  ACT I FS  !

Page 18: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

L’année dernière, Weezie Yancey-Siegel a fait le grand saut. Cette étudiante de 21 ans a quitté son université califor-nienne, pas assez stimulante à son goût, s’est créé son propre programme de cours,

à base de MOOC, de conférences TED, de lectures et de webinars, et a relaté sa progression sur son blog. Elle est cette année en stage dans une ONG et assiste le soir à des conférences online ou des événements de networking organisés par Enstitute, une nouvelle « école » gratuite qui prône ce mode d’éducation alternatif. « J’avance à mon rythme, je choisis vraiment mes cours, et j’ai des expériences plus enrichissantes que la vie de campus. J’ai aussi arrêté de m’endetter », souligne Weezie.Son cas n’est pas isolé. Aux États-Unis, ils sont des milliers à vouloir « hacker » le système édu-catif traditionnel (et ses frais de scolarité expo-nentiels). Leur figure de proue ? Anya Kamenetz, auteur de DIY U (Chelsea Green Publishing, 2010), qui décrit dans son livre différentes manières de reproduire l’expérience universitaire de manière plus souple, plus person-nalisée, et non limitée dans le temps.Si ce mouvement reste pour le moment très américain, il est révélateur d’une tendance plus globale : la volonté de construire soi-même sa formation, tout au long de sa vie, grâce aux res-sources disponibles en ligne. Les MOOC, ces cours en ligne assurés par des professeurs d’uni-versités, qui donnent lieu à des évaluations, voire à des certifications (l’école en ligne française Enaco, en partenariat avec Stanford, propose par

exemple des certificats validant les connaissances acquises) ont connu un essor fulgurant depuis 2012, en particulier au travers des plateformes Udacity et Coursera. Cette dernière rassemble à ce jour quatre cents cycles de cours gratuits, issus de soixante universités dans le monde.En France, certaines grandes écoles commencent à se lancer, comme Télécom Bretagne, qui a créé un MOOC sur… l’utilisation d’Internet à des fins péda-gogiques. Lancé en septembre 2012 et considéré comme le premier MOOC français, il a tout de suite été un succès, avec 1 500 inscrits. « Cela marche car c’est une forme d’apprentissage très souple. Les

élèves vont à leur rythme, peuvent revoir les vidéos, interagir sur les forums avec les autres étudiants ainsi qu’avec le professeur. Ils sont aussi impliqués dans la correction des tra-vaux de leurs pairs. À la fin, l’apprentissage est plus profond et plus pérenne », selon Michel Briand, di-

recteur adjoint de Télécom Bretagne.L’apprentissage online passe aussi par des formes plus souples que les MOOC. ITunes U rassemble 500 000 contenus mis en ligne par les universités. Les conférences TED donnent de la matière à pen-ser sur des sujets allant de la génétique à la sociolo-gie, en passant par la philosophie. Aux États-Unis, les start-up qui proposent des cours à la carte sont en plein essor. Parmi elles, Skillshare permet de donner des cours (de la cuisine à l’informatique, en passant par le marketing) et d’en suivre en retour, sur le mode du peer-to-peer learning.Autre start-up en vue, General Assembly, qui pos-sède six implantations aux États-Unis, propose

APPRENDRE TOUTE SA VIELE NUMÉRIQUE PERMET DE SE FORMER PARTOUT ET D'ACCÉDER À DE NOUVELLES CONNAISSANCES AU-DELÀ DU CADRE STRICT DE LA FORMATION SCOLAIRE. DÈS LORS, LE COURS CLASSIQUE SE DÉSTRUCTURE, SE PERSONNALISE ET S'ORGANISE TOUT AU LONG DE NOTRE VIE.

35

chaque jour des dizaines de cours ou d’ate-liers on- ou offline : il suffit de s’inscrire sur le site. « Au début, c’était un espace de ren-contres pour des développeurs et des entre-preneurs, raconte Brad Hargreaves, le fon-dateur. Puis chacun a commencé à partager ses connaissances avec les autres, et le réseau s’est structuré. Nous constituons aujourd’hui une alternative aux études, en particulier au niveau master, en apportant à la fois des connaissances et un réseau. »Reste une question : quelle valeur accorde-ront les recruteurs à ces formations online ? À l’école de management ESC Grenoble,

Jean-Francois Fiorina voit déjà passer des CV d’étudiants qui mentionnent le suivi de MOOC. « Ces éléments vont certainement prendre de la valeur dans une candidature », assure-t-il. « Pour les formations certifiant des compétences techniques, la reconnaissance des recruteurs sera plus rapide que pour les cours plus généraux, car les résultats seront plus flagrants », prédit Rémi Bachelet, pro-fesseur à Centrale Lille. « Mais ce que le suivi de ces formations démontre, in fine, c’est une volonté d’évoluer, de se former, et une certaine autonomie. Pour beaucoup de recruteurs, c’est la clé de la réussite. »

« LES ÉLÈVES VONT À LEUR RYTHME,

PEUVENT REVOIR LES VIDÉOS, INTERAGIR SUR

LES FORUMS. »

34ÉDUCAT ION  :   RÉSEAUX  ACT I FS  !

Page 19: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

37

En tant qu’enseignante, qu’est-ce qui vous a donné envie de réinventer, avec Coursera, la façon dont les universités donnent accès

à leurs cours ?

L’aventure Coursera a commencé quand j’ai été invitée par l’administration de notre université, avec plusieurs autres professeurs reconnus de Stan-ford, à réfléchir à la manière dont le corps ensei-gnant pourrait faire évoluer ses rapports avec les étudiants. Et ce, en encourageant le dialogue plu-tôt que la communication à sens unique. J’ai donc commencé à réfléchir à cette question. Quelques mois plus tard, alors que j’assistais à une confé-rence sur YouTube, j’ai été tout à coup frappée par l’idée que le cours que je donnais année après année pourrait être bien meilleur sous la forme de modules courts, d’excellente qualité, interactifs, dans un format vidéo que les étudiants pourraient regarder à leur propre rythme, au moment de la journée qui leur conviendrait le mieux. Ensuite, quand ces étudiants arriveraient en classe, je pour-rais discuter avec eux plutôt que de leur réciter mon cours, nous pourrions vraiment interagir de manière active.

Après Stanford, pourquoi tant d’établissements prestigieux ont-ils décidé

de rejoindre Coursera ?

Je pense que les universités voient un certain nombre d’avantages à ce modèle. D’abord, il leur donne une visibilité exceptionnelle auprès d’un public global, mieux qu’aucune campagne de mar-keting ne pourrait le faire. Ensuite, je crois qu’on prend aujourd’hui clairement conscience du fait que le monde évolue clairement dans la direction de la formation sur Internet. Enfin, je pense que les universités souhaitent depuis longtemps faire évo-luer le rôle des professeurs et rendre l’apprentissage en classe plus actif.

« UNE OPPORTUNITÉ FORMIDABLE DE PERSONNALISER L'EXPÉRIENCE D'APPRENTISSAGE »LES MOOC VONT-ILS CHANGER LE MONDE ? INTERVIEW AVEC DAPHNE KOLLER, COFONDATRICE DE COURSERA ET PROFESSEUR À L'UNIVERSITÉ STANFORD.

Passionné d’éducation et de nouvelles techno-logies, ce biologiste a créé au sein de l’université Paris-Descartes le Centre de recherches interdis-ciplinaires, où il mène des expérimentations qui associent plusieurs domaines d’étude.

Qu’est-ce que le numérique change dans notre rapport à l’apprentissage ?

Avant, le savoir était dispensé de la maternelle à l’université, puis éventuellement par certaines formations d’entreprise, mais c’est tout. C’était quelque chose de très réglementé, il fallait dispo-ser de tels prérequis pour accéder à telles connais-sances. Maintenant, le savoir est disponible tout le temps, partout. Le numérique décloisonne les classes, permet aux élèves d’avoir accès à des res-sources beaucoup plus vastes et de mettre en rela-tion des personnes qui s’intéressent aux mêmes sujets. Il se crée ainsi un écosystème d’appren-tissage collaboratif, où chacun peut partager les chemins qu’il a utilisé pour arriver à tel savoir, conseiller des ressources, adapter ses connais-sances à différents publics.

Aujourd’hui, beaucoup de contenus académiques présents sur le Web sont protégés ou en accès

payant. Est-ce un problème selon vous ?

Il existe un danger de créer un savoir à deux vi-tesses. Même aujourd’hui, ceux qui savent le mieux se servir des outils numériques sont ceux qui ont le plus de livres à la maison. Ils savent séparer le bon grain de l’ivraie, trouver les bons sites dans un océan de contenus très inégaux. Je crois que l’accès au savoir est une mission de service public. Il fau-drait que le mouvement de l’open source soit sou-tenu par l’État, sans que celui-ci veuille le contrôler. Sinon, le risque est de creuser les inégalités.

Que pensez-vous du développement fulgurant des MOOC ?

Ce développement est à la fois génial et effrayant. Le risque, c’est la privatisation de la connaissance. Aujourd’hui, les principales sociétés qui diffusent ces cours sont privées. Il n’est pas possible de tra-duire un MOOC, de l’adapter à différents niveaux… Lorsqu’on s’inscrit sur Coursera, on doit renoncer à la propriété des idées que l’on pourrait émettre dans le cadre d’un cours ! Il faudrait une offre publique de MOOC, quelque chose de plus ouvert.

AUX ÉTATS-UNIS, UN MOOC POUR FORMER LES PROFS

Le MOOC est-il un outil adapté à la formation des enseignants ? C’est ce que pense l’université d’État de Caroline du Nord, qui a lancé en avril 2013 le premier MOOC-Ed (dlt.mooc-ed.org) : une session de cours à destination des professeurs et des cadres de l’administration scolaire aux États-Unis, sur la base du volontariat. Le sujet du MOOC ? L’utilisation du numérique à l’école. Histoire de comprendre en l’appliquant l’intérêt des technologies dans la pédagogie.

LE PREMIER MOOC FRANÇAIS DIPLÔMANT FAIT   UN CARTON

Lorsqu’il a lancé en janvier 2013 son MOOC en gestion de projet, Rémi Bachelet, professeur à Centrale Lille, ne s’attendait pas à un tel enthousiasme. En quelques jours, son cours a enregistré 2 500 inscrits : des élèves de 15 à 60 ans, dont seulement la moitié résident en France. Ce cours est considéré comme le premier MOOC français « diplômant », puisqu’il est le premier à permettre la délivrance d’un diplôme par une grande école. Au terme des examens, 1 700 participants ont reçu le certificat de Centrale Lille. Une nouvelle session a démarré à la rentrée 2013.

FRANÇOIS TADDEIENSEIGNANT-CHERCHEUR

LE SAVOIR EST DISPONIBLE TOUT LE TEMPS, PARTOUT. »

36ÉDUCAT ION  :   RÉSEAUX  ACT I FS  !

Page 20: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

Que pensez-vous des nouveaux types d’apprentissage comme le blended learning, qui associe formation en présentiel et formation en ligne, et le flipped learning ou classe inversée,

qui fait travailler les élèves en amont du cours ?

Je pense que ces types d’apprentissage donnent aux étudiants la possibilité d’acquérir des connaissances à leur propre rythme, d’étudier un concept en allant aussi loin qu’ils en ont besoin sans avoir l’impres-sion qu’ils prennent du retard ou trop d’avance par rapport au reste de la classe. Je crois qu’on tient là une opportunité exceptionnelle de personnaliser l’expérience d’apprentissage, tout en conservant en même temps, puisqu’il s’agit de modèles mixtes, l’élément humain : des personnes se rassemblent pour collaborer à des projets, pour réfléchir, pour résoudre des problèmes de manière créative – ce qui reste un peu compliqué sur Internet.

Comment travaillez-vous, chez Coursera, pour aller encore plus loin dans ces formes

d’enseignement ?

L’un des projets que nous développons actuelle-ment est un système de petits groupes de travail qui prendraient place au sein des MOOC ouverts à tous. Les étudiants disposeraient d’un espace de travail partagé où ils pourraient par exemple prendre des notes, partager des idées et réfléchir ensemble autour d’un tableau blanc virtuel. Ils pourraient aussi réaliser des projets en commun qui donneraient lieu à une évaluation groupée. On pourrait aussi imaginer que certains groupes évaluent le travail d’autres groupes, ou que les

38 39

membres d’un groupe évaluent les autres membres, leur donnent leurs impressions sur leur façon de contribuer à l’effort collectif, etc. De nombreux sys-tèmes de ce genre pourraient être mis en place.C’est assez magique de réussir à développer des projets collectifs dans un format MOOC, plutôt qu’en classe traditionnelle, parce que dans ce cas-ci le groupe est vraiment international. La per-sonne avec laquelle vous allez travailler peut vivre dix fuseaux horaires plus loin, à l’autre bout du monde, appartenir à une culture ou à un milieu socio-économique complètement différents, être beaucoup plus jeune ou plus vieille que vous. Une telle diversité est rare, même dans les universités les plus ouvertes.Nous avons aujourd’hui la possibilité d’utiliser la technologie pour offrir ces opportunités à un public beaucoup plus large. Pour nous, cette tech-nologie peut véritablement changer le monde : l’éducation est l’outil le plus puissant qui soit pour la démocratie. Elle est ce qui permet de résoudre ou d’améliorer presque tous nos problèmes de société. Chacun des problèmes qui rongent les pays émergents – la mortalité infantile, la mal-nutrition, le chômage, les extrémismes, le sida, la surpopulation – peut être résolu par l’éducation. Imaginez tout ce qui pourrait aller mieux dans le monde si l’éducation était vraiment reconnue comme un droit fondamental pour tous !

INTERVIEW : CHLOE RHYS

BONUS vIDÉO

L'INTERVIEW SUR sfrplayer.com ET SUR VOTRE IPAD.

PEUT MIEUX FAIRELE CHEMIN VERS L'ADOPTION DE LA CULTURE NUMÉRIQUE DANS LES ÉCOLES FRANÇAISES RESTE ENCORE LONG, MAIS LA MOTIVATION ET LES PROGRÈS SONT LÀ. LA PREUVE, EN CHIFFRES.

ÉQUIPEMENT : PASSABLE MAIS EN PROGRÈS        LES ÉLÈVES ET PROFESSEURS ENTHOUSIASTES...

LES ENSEIGNANTS ESTIMENT QUE LE NUMÉRIQUE :

LES ÉLEVES ET PROFESSEURS INNOVENT DANS LEURS PRATIQUES

91%+83%

+92%

-11%

59% 59% 41% 33% 12% 37%

90%

permet d’améliorer la qualité

pédagogique des cours

(pour 99 % d’entre eux)**

des professeurs sondés utilisent le numérique

pour évaluer les élèves*

donnent des devoirs à la

maison nécessitant un

ordinateur con-necté à Internet*

utilisent le numé-rique pour

communiquer avec les parents (chiffre en hausse entre

2011 et 2012)*

s’en servent pour dialoguer en

direct avec leurs élèves, discuter sur des forums*

l’utilisent pour faire commu-

niquer les élèves entre eux dans la

classe*

seulement des formateurs

d’enseignants français se disent

à l’aise avec le numérique (contre

94% aux Pays-Bas)**

aide à motiver les élèves et

à retenir leur attention

(pour 92 % d’entre eux)**

est sans équivalent pour

développer la créativité

des élèves (pour près

de 90 % d’entre eux)**

facilite l’évaluation et le suivi des élèves

(pour 89 % d’entre eux)**

des jeunes Français aiment travailler sur

ordinateur car ils estiment être

« actifs »**

Augmentation du nombre d’écoles équipées de tableaux interactifs entre 2009 et 2012 (de 6 % des écoles à 11 %)**

Augmentation du nombre d’écoles équipées de cahiers de textes en ligne entre 2009 et 2012 (de 41 % des écoles à 70 %)**

Diminution du nombre d’élèves par ordinateur (6,4 élèves par ordinateur

en 2009 contre 5,5 en 2011)**

des enseignants français et 82 %

des parents pensent que l’école devrait intégrer les outils

numériques**

peut aider les élèves

à s’auto-évaluer (pour 75 % d’entre eux)**

Sources : *Enquête Profetic commandée par le ministère de l'Éducation nationale et menée par JCA Développement auprès de 6 000 enseignants sur leur utilisation des TIC, 2012.

**Rapport de la mission parlementaire de Jean-Michel Fourgous, « “Apprendre autrement” à l’ère numérique », 2012.

ÉDUCAT ION  :   RÉSEAUX  ACT I FS  !

Page 21: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

Laurent Venon

’ ’

’ �

40 41

APPRENTI-MAPAPPRENDRE EN JOUANT, EN FAISANT, EN S'AUTOFORMANT, ET ENTRE PAIRS... SFR PLAYER VOUS MONTRE LE NORD AVEC CETTE CARTE DES NOUVEAUX OUTILS D'APPRENTISSAGE QUI PROFITENT DU NUMÉRIQUE. NON EXHAUSTIF,MAIS PARFAITEMENT UTILE !

ÉDUCAT ION  :   RÉSEAUX  ACT I FS  !

Laurent Venon

’ ’

’ �

Page 22: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

Michel Briand. Il imagine aussi de nouveaux parte-nariats. « Par exemple, nous pourrions concevoir une session de formation via un MOOC pour des profes-seurs de prépa. Pour l’Éducation nationale, ce serait moins cher et cela permettrait de former un grand nombre de personnes. » D’autres pistes de revenus sont évoquées. Les plate-formes de MOOC Coursera et Udacity testent des partenariats avec des entreprises. Celles-ci paient la plateforme pour être mises en contact avec les étu-diants ayant obtenu les meilleures performances. À charge ensuite pour Coursera et Udacity de reverser une partie de ces sommes à l’établissement qui a conçu le cours. Avec une difficulté : la vérification des identités. Des entreprises se sont positionnées sur ce créneau, en offrant des logiciels qui analysent le type d’écriture et le rythme de frappe, ou effectuent des identifications via webcam. D’autres institutions

en plein essor, comme Excelsior College aux États-Unis, organisent des sessions de tests en présentiel, pour valider des connaissances que les étudiants acquièrent par leurs propres moyens.

Marketing, comptabilité, finance, contrôle de gestion… En quelques clics et gratuitement, il est possible de se constituer un cursus d’école de commerce. Dès lors, pourquoi

un étudiant continuerait-il à payer ces formations, dont les droits de scolarité annuels avoisinent souvent les 9 000 euros ? Dans le même temps, de plus en plus d’universités développent leur offre de cursus diplômants online, et il devient de plus en plus facile de décrocher un diplôme américain sans quitter son village de Provence. La concurrence entre établissements devient ainsi globale, et ébranle les institutions d’enseignement supérieur, en particulier celles qui dépendent des frais de scolarité payés par les familles. Elle les incite à repenser leur mission, en se concentrant sur certains éléments : relations entreprises, ré-seaux, activités proposées sur le campus, travaux de groupe… Le rôle du professeur, concurrencé par des cours en ligne de qualité, se trouve aussi mis en question. « À l’avenir, ce métier sera de plus en plus segmenté », prédit Jean-François Fiorina, directeur de l’ESC Grenoble. « Certains feront des vidéos de cours magistraux, d’autres du tutorat, d’autres viendront témoigner d’une expérience. » Un avis partagé par François Taddei, enseignant-chercheur : « Les MOOC vont donner un nouveau rôle aux enseignants, qui devront être plus à l’écoute des élèves, les aider à se construire, suivre leurs projets. »

L’essor du numérique oblige aussi ces établissements à investir : dans la création de modules en e-learning, dans des équipements informatiques et dans la réorganisation des espaces dédiés à ces nouvelles formes d’apprentissage… Sans pour autant trouver là des revenus immédiats. Polytechnique a ainsi lancé trois sessions de cours gratuits sur Coursera à la rentrée 2013. « Pour le moment, c’est un investis-sement à perte, mais nous devons prendre le train en marche » raconte Frank Pacard, directeur général adjoint. De son côté, Télécom Bretagne a mobilisé entre trois et quatre personnes à temps plein pen-dant quatre mois pour monter son premier MOOC. « Le modèle économique est balbutiant. À l’avenir, nous pourrons peut-être mettre en place des certifi-cations payantes », suggère Michel Briand, directeur adjoint de cette école d’ingénieurs. Mais le numérique permet aussi aux établissements de faire des économies, notamment en leur donnant la possibilité de partager des cours en ligne. « Nous allons nous organiser avec les écoles de l’Institut Mines-Télécom pour utiliser leurs cours et permettre aux étudiants des inscriptions croisées », poursuit

GLOBALE ÉDUCATIONALORS QUE LES COURS DEVIENNENT GRATUITS ET GLOBAUX, LES ÉCOLES PRIVÉES ET LES PROFESSEURS S'INTERROGENT SUR LA VALEUR AJOUTÉE DE LEURS FORMATIONS. CES DYNAMIQUES DONNENT NAISSANCE À DE NOUVEAUX BUSINESS MODELS.

« LA CONCURRENCE ENTRE ÉTABLISSEMENTS

DEVIENT GLOBALE. »

« LE RÔLE DU PROFESSEUR,

CONCURRENCÉ PAR DES COURS EN LIGNE

DE QUALITÉ, SE TROUVE AUSSI

MIS EN QUESTION. »

4342ÉDUCAT ION  :   RÉSEAUX  ACT I FS  !

Page 23: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

44 45

NOUS OFFRONS D'AUTRES SERVICES. »

Cette école de management a sorti à l’été 2013 un livre blanc sur l’école du futur, où le numérique occupe une large place.

Pourquoi un étudiant continuerait-il à payer une grande école si des cours de qualité sont

disponibles gratuitement sur Internet ?

Parce que nous offrons d’autres services, que nous allons encore renforcer à l’avenir : le réseau d’entre-prises, le coaching pour la recherche d’emploi, des ateliers de développement personnel, des projets pédagogiques transversaux…

Comment allez-vous adapter votre cursus à cette nouvelle donne ?

Dans l’école du futur, les cursus ne seront pas li-néaires. Chaque étudiant combinera des séquences différentes : des cours classiques semestrialisés, des séminaires intensifs de quelques jours, des MOOC, des projets, des stages, des serious games… Des pro-fesseurs seront chargés d’orchestrer l’ensemble et d’aider l’étudiant à trouver de la cohérence dans son parcours.

Vous allez lancer votre propre MOOC. Comment pensez-vous rentabiliser

cet investissement ?

Notre premier MOOC, consacré à la géopolitique et enseigné en français, est un test. S’il marche, nous ne continuerons pas seuls. L’idée serait de créer une offre coordonnée avec d’autres écoles. Après, pourquoi pas proposer des certifications payantes, comme le font certaines universités.

E-LEARNING ,  EDTECHS  :   LA BULLE GROSSIT

91 milliards de dollars : c’est la taille du marché de l’éducation connectée selon la banque d’investissement IBIS, auteur en janvier 2013 d’une étude sur le sujet. Un marché appelé à croître de… 23 % par an pendant les cinq années à venir. De quoi donner le vertige ! Aux États-Unis, des incubateurs spécialisés dans ces technologies vouées à l’éducation ou edtechs ont fleuri depuis deux ans, comme ImagineK12 à Palo Alto, LearnLaunch à Boston, Socratic Labs et le Kaplan EdTech Accelerator à New York, tandis que Londres vient d’inaugurer son EdTech Incubator. Au total, 3 000 entreprises se sont positionnées sur ce créneau en Europe, à commencer par les plus anciennes, comme Hatier et Hachette, qui développent leur offre de manuels scolaires numériques. Les start-up proposant des applications interactives, des quiz ou des tests pour les classes (EtiGliss, myBlee, eduPad…) poussent à vive allure, tout comme les entreprises qui créent des serious games ou des classes virtuelles en 3D, comme Daesign ou Ouat Entertainment. Parallèlement, certaines sociétés se sont positionnées sur la distribution de ces contenus à grande échelle : Udemy, Coursera, Udacity (qui a déjà réuni 15 millions de dollars), ou encore GlobalScholar, qui permet à des professeurs de proposer des cours particuliers en ligne. Top Hat, une start-up en vue qui a déjà récolté 10 millions de dollars depuis sa création en 2009 à Toronto, permet à des professeurs de diffuser des quiz, des tests et des contenus éducatifs sur les smartphones de leurs élèves : une application à utiliser à la fois en cours et à la maison. Les business models de ces start-up sont tous différents. Certains services sont gratuits, et permettent aux entreprises de se faire connaître et de proposer d’autres services payants, ou d’insérer de la publicité. D’autres facturent directement l’élève, l’établissement ou le professeur, par exemple par abonnement mensuel, comme Top Hat. Des business models de type freemium avec un service de base gratuit et des compléments payants (plus de choix, des certifications, la mise en relation avec des recruteurs) sont aussi monnaie courante. Autre segment dynamique : les systèmes de management des contenus éducatifs. Plateforme de gestion des classes, logiciels d’évaluation des apprentissages, de partage de fichiers… Pour ce secteur, les business models sont plus classiques, avec des logiciels directement achetés par les établissements. Ainsi, Panopto, qui réunit 3,5 millions d’utilisateurs, propose depuis 2007 une plateforme permettant de filmer des cours et de gérer une base de vidéos en ligne. Acteur clé du marché, Blackboard permet de construire des espaces virtuels pour une classe, un établissement ou un séminaire de formation. Il revendique 8 millions d’utilisateurs dans le monde.

JEAN-FRANÇOIS FIORINADIRECTEUR DE L'ESC GRENOBLE

« LE MODÈLE ÉCONOMIQUE DES MOOC EST ENCORE

BALBUTIANT. »

ÉDUCAT ION  :   RÉSEAUX  ACT I FS  !

Page 24: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

START-UPPER EN

CULOTTES COURTES

Avec 10 456 utilisateurs, le jeune Jonathan Noble n’est pas peu fier du service qu’il a monté à 14 ans, dans sa chambre d’ado. Pour concevoir Clocktweets, qui permet de programmer l’envoi de ses tweets, il a « appris le HTML, le CSS et le PHP grâce à des tu-toriaux et des vidéos explicatives, en quelques mois ». Internet lui a aussi permis aussi de « bénéficier des retours de la communauté, qui a critiqué notre application de façon constructive. » Préfère-t-il apprendre sur le Net ou dans le cours d’informatique de son lycée ? « Les deux sont différents : au lycée, j’apprends des choses que je n’aurai pas été voir spon-tanément sur Internet dans le cadre d’un projet comme Clock-tweets. » Une approche intelli-gente qui concilie, à sa manière, le meilleur des deux mondes…@gafisme

L'INFORMATEURAvec son site Le Café pédagogique, François Jar-raud, enseignant devenu journaliste, est au cœur des débats qui traversent le monde de l’éducation. « Nous ne prétendons pas donner de réponse, mais poser les bonnes questions sur l’éducation. » Le site, créé en 2001, compte aujourd’hui pas moins de 270 000 abonnés. « Nous avons été portés, entre autres, par tous les débats qui touchent à l’innova-tion », explique humblement Jarraud, « et ces dis-cussions vont continuer, car le numérique bouscule le statut du professeur, la temporalité de l’école, le rapport aux parents… » À l’avenir, le site devrait pro-poser plus de services : « Une sorte de réseau social des enseignants, pour qu’ils discutent des questions qui les concernent, parmi lesquelles l’innovation… » La boucle est bouclée !@cafepedagogique

46 47

EN AVANCE !PORTRAITS DE PERSONNALITÉS QUI ABORDENT DIGITAL ET RÉFLEXION PÉDAGOGIQUE DE FAÇON TOUT À FAIT AVANT-GARDISTE.

ÉDUCAT ION  :   RÉSEAUX  ACT I FS  !

Page 25: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

MASSIVEMENT OUVERT

« Il y a deux ans, d’anciens élèves sont venus me parler d’une révo-lution vue aux États-Unis. » Voilà comment Frank Pacard, direc-teur général adjoint de l’École polytechnique, en est venu à mettre en pratique les MOOC ou massive open online courses au sein de l’X. Paradoxe : pour diffuser ces leçons d’un nou-veau genre, « les professeurs ont dû réapprendre à donner un cours, car le faire face caméra, c’est un vrai exercice ! » L’intérêt des MOOC pour son école ? « Le fait de se positionner très tôt sur une nouvelle manière d’ensei-gner, et l’effet de notoriété pour l’école, en France et à travers le monde. » Un rayonnement par-ticulièrement nécessaire dans le contexte mondial : « Un profes-seur réticent aux MOOC s’y est mis quand il s’est aperçu que son homologue américain diffusait déjà ses cours à toute la planète. » Éducation globalisée, nous voilà !@_Polytechnique_

MADAME COLLABORATIVE

Malika Alouani ressemble à l’enseignante que nous aurions aimé avoir au CP. Cette jeune prof des Hauts-de-Seine utilise de manière habile tablettes et Twitter. Le site de micro-blogging est mis à con-tribution sous son aspect utile, comme par exem-ple, raconte-t-elle, « lorsque nous avons organisé une sortie en extérieur de trois jours, afin de tenir au courant les parents en temps réel », ou comme outil créatif « pour des ateliers de lecture avec une école canadienne, où les élèves échangeaient leurs impressions entre eux… Et avec l’auteur ! » Quant aux tablettes, elles lui ont également permis de « montrer aux élèves qu’on pouvait travailler de manière plus ludique, et surtout en collaboration. » Les résultats sont là : « Avec certaines applis, la moitié de la classe lit en autonomie quand je me concentre sur les élèves en difficulté… Du coup j’ai gagné trois mois par rapport à l’année pré-cédente ! » On retweete ?@MaLouPro

48 49ÉDUCAT ION  :   RÉSEAUX  ACT I FS  !

Page 26: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

1. TOOLS AT SCHOOLS (NEW YORK, ÉTATS-UNIS)

Coachés par les agences de design Aruliden et Bernhardt Design et initiés au processus de création et à la modélisation 3D, des élèves de l’école The School at Columbia University ont redessiné le mobilier idéal de leur salle de classe. Cette expérience de design social montre la valeur d’une réflexion participative comme outil dans l’amélioration de l’environne-ment éducatif.tools-at-schools.com

2. SCALE-UP (CAROLINE DU NORD, ÉTATS-UNIS)

Entourés d’écrans, les étudiants sont rassemblés en petits groupes autour de tables rondes. L’enseignant, au centre, guide et anime les sessions de travail. Ce modèle de classe repen-sé sur le modèle du Massachusetts Institute of Technology (MIT) crée un environnement proactif convivial favorisant un apprentissage interactif et collaboratif, et l’amélioration des résultats des étudiants.scaleup.ncsu.edu

APPRENDREEN FAISANTL'ÉMERGENCE DE MÉTHODES PÉDAGOGIQUES PLUS COLLABORATIVES ET PARTICIPATIVES INVITE À REPENSER LA PLACE DES ÉLÈVES DANS LA CLASSE ET RÉINVENTER LES ESPACES D'ENSEIGNEMENT. ELLE Y RÉINJECTE AUSSI UNE BONNE DOSE DE PRATIQUE. VOICI QUELQUES EXEMPLES D'APPRENTISSAGE EN MODE JUST DO IT ! »

51

3. YOUMEDIA (CHICAGO,

ÉTATS-UNIS) Croisant socialisation, bi-douillage et formation, le lear-ning space de la bibliothèque publique de Chicago offre des espaces de création numé-rique, des studios d’enregistre-ment et des ateliers. Podcasts, productions littéraires web, montage de films… : porteurs de projets, les adolescents ap-prennent à être des créateurs de contenus éclairés.youmediachicago.org

5050 51ÉDUCAT ION  :   RÉSEAUX  ACT I FS  !

Page 27: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

53

4. VITTRA TELEFONPLAN (STOCKHOLM, SUÈDE)

Conçue par l’agence d’architecture Rosan Bosch, cette école primaire ultra design s’organise en espaces ouverts et modu-lables proposant des séquences d’apprentissage individuel ou collectif, par niveaux de compétences. La forme et le fond de l’enseignement sont repensés, et à l’image des bureaux de Google, l’environnement pousse ici à l’excellence.vittra.se/english/Schools/StockholmSouth/Telefonplan.aspx

5. QUEST TO LEARN (NEW YORK, ÉTATS-UNIS)

Cofondée par la conceptrice de jeux vidéos Katie Salen, cette école publique disposant d’un espace de réalité augmentée et d’un fab lab a développé un modèle inédit de pédagogie par la gamification. Dimension ludique et technologie s’arti-culent dans des scénarios éducatifs « incarnés », transformant la classe en véritable terrain d’expérimentation.q2l.org

6. FACLAB DE L'UNIVERSITÉ DE

CERGY-PONTOISE (GENNEVILLIERS,

FRANCE)Premier fab lab intégré à une université française, cet atelier pédagogique met à disposition de tous (étudiant, citoyen, entreprise) un espace de prototypage numérique collaboratif où se former aux nou-velles technologies et fabriquer ses objets. Une coopérative du futur aux principes simples : « Faire pour apprendre, non pas seul mais ensemble. »faclab.org

52ÉDUCAT ION  :   RÉSEAUX  ACT I FS  !

Page 28: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

START (ME) UP Pour la troisième année, SFR Jeunes Talents Start-Up a couronné ses lauréats ! Parmi les dix gagnants de cette promotion, les projets retenus sont cette année liés à l’usage du second écran, à l’accompagnement de l’acte d’achat, ou encore à la relation client. C’est le cas de BePark avec une appli maline pour les parkings. L’appli Storific propose quant à elle une nouvelle vision de la restauration, avec la possibilité de consulter la carte d’un restaurant sur iPhone, de comman-der, de régler par PayPal, puis de récupérer son repas à un comptoir dédié pour ne pas attendre. Pour ces jeunes sociétés, le coup de pouce du programme est très significatif, car comme l’ex-plique Laurent Charon, responsable écosystème innovation SFR, « c’est un accélérateur, aussi bien en termes de mise en relation que d’accompagne-ment marketing et commercial et de visibilité ». Et les anciens lauréats n’hésitent pas à témoigner des bénéfices de leur expérience avec SFR, telle l’équipe de It’s learning, start-up de la promotion 2011 venue présenter ses actions lors de la soirée de remise des prix en avril dernier. Cette soirée s’est déroulée en présence de Roxanne Varza, en charge du programme Spark de Microsoft, et de Pierre-Emmanuel Struyven, directeur de l’inno-vation et des nouveaux marchés chez SFR. Les start-up ont donc appuyé sur « start », et nous leur souhaitons bonne chance…sfrjeunestalents.fr/entrepreneurs/start-up

C'EST POUR VOUS !

DE LA MAÎTRISE DE VOTRE CONSOMMATIONÀ LA PUISSANCE DE LA 4G,

TOUR D'HORIZON DES INITIATIVES SFR QUI AUGMENTENT VOTRE

CAPITAL DIGITAL

UNE CONNEXION POUR TOUS

Depuis trois ans, SFR et Emmaüs Défi luttent contre la fracture sociale numérique avec le programme Télé-phonie solidaire qui permet aux personnes précaires de bénéficier d’une offre mobile et d’un accompagne-ment pédagogique adaptés. Devant ce succès, cette action s’enrichit et devient Connexions solidaires, couplant téléphonie et accès au Web : en charge du projet chez SFR, Emmanuelle Potin ex-plique que « garder un téléphone n’est pas un luxe, c’est un facteur d’insertion sociale : plus on est précaire, plus il est vital d’être connecté ». Pour mener à bien l’extension du projet, l’asso-ciation Emmaüs Connect a été créée car Charles-Édouard Vincent, directeur d’Emmaüs Défi, l’affirme : « Nous avons de grandes ambitions pour lutter de manière efficace et concrète contre ce fléau invisible qu’est la fracture numérique. » D’ici 2014, 20 000 personnes devraient béné-ficier du programme dans vingt points d’accueil, et 100 000 personnes à l’horizon 2015. Pour que ses clients contribuent, SFR a mis en place l’« option solidaire » : chaque abonné peut sous-crire cette option pour 1 euro par mois, entièrement reversé à Emmaüs. Solidairement vôtre…emmaus-defi.org/nos-actions/la-telephonie-solidaire

ALLÔ  SFR 54

DOKÉO TV NOUS MET TOUS OK

Après le succès d’un premier prototype lancé en 2010 par SFR et les éditions Nathan, la chaîne jeunesse Dokéo TV a vu le jour. Née du savoir-faire des deux partenaires et sous l’impulsion de deux de leurs collaborateurs, une joint venture a été créée.Deborah Beddok, directrice opérationnelle de Dokéo TV qui était à l’origine du projet chez SFR, le souligne : « Nous avons capitalisé sur le proto-type en l’enrichissant par une offre plus complète et aux contenus mieux adaptés. » La chaîne, dédiée aux 4-10 ans, se veut ludo-éducative et s’articule autour de quatre univers : « Histoires », « Musique », « Vidéos » et enfin « Quiz » pour faire lire, jouer et chanter nos kids ! Les contenus ont été réorganisés par rapport à la première version de la chaîne, et ils sont désormais renouvelés tous les mois. Après avoir été lancée en exclu sur la Box SFR, Dokéo TV sera bientôt accessible à d’autres diffuseurs et s’enrichira d’une offre à la demande ainsi que d’une diffusion multi-supports. Une chaîne qui rend donc enfin les enfants actifs face à l’écran TV !dokeotv.frDisponible en exclusivité sur la Box SFR, rubrique Applications, 5,99 €/mois

55

Page 29: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

ALLÔ  SFR 56 57

DE : FRANCE À : CHINEPour les entreprises françaises désireuses de se développer en Chine – grands groupes, mais surtout TPE et PME – SFR s’est associé à la société marketing IZP Technologies, spécialisée dans la connaissance du marché en ligne chinois. Soit 260 millions d’internautes ! Le système est prometteur : la plateforme France to China, une place de marché multi-marques, proposée par IZP, commercialise les produits « certifiés France » par marque (mode, cosmétiques, arts de la table, maroquinerie, produits pour enfants…). Elle assure aux entreprises françaises un éven-tail de services pour exporter leurs produits en toute sérénité. Ce nou-veau canal de marché garantit par exemple des transactions en euros, des contrats de droit français, un support à la communication commerciale adaptée aux codes de consommation chinois ou encore la mise en place de parcours logistiques du produit au consommateur. Outre l’accompa-gnement marketing et logistique, cette initiative repose sur les solutions de cloud sécurisées et localisées en France par SFR Business Team : hébergement du service, traitement des transactions commerciales, etc. Pour Alain Mendiburu, responsable du projet chez SFR, en s’associant à France to China, « SFR devient un facilitateur de business. On se positionne sur le support numérique au commerce français. Nous sommes dans une aventure à la fois très ambitieuse et concrète. » Du côté des consommateurs chinois, France to China les protège de la contrefaçon et de la vente de seconde main sur le Web. Un atout de poids sur un marché où deux achats sur cinq sont effectués en ligne. Avec France to China, la Chine vient de se rapprocher de quelques milliers de kilomètres.francetochina.com (lancement dès 2014)

EFFICACITÉ PACKAGÉEAvec pour mission d’accompagner la transition digi-tale des entreprises, SFR Business Team lance le Pack Business Entrepreneurs, une solution adaptée aux besoins des très petites entreprises (TPE). Alexandre Nottin, chef de marché Pro/TPE détaille : « L’offre comprend tout le nécessaire pour la communication de l’entreprise : un accès Internet haut débit fixe et mobile, la téléphonie fixe et mobile en illimité mais aussi des services de cloud sécurisés, faciles à prendre en main par chaque salarié, sans besoin de compé-tences particulières ». Une solution très accessible pour découvrir de nouvelles méthodes de travail comme la messagerie instantanée pour les vidéoconférences sur tablette, mais aussi le partage de documents et la syn-chronisation illimitée des fichiers entre tous les ter-minaux de l’entreprise. Sans oublier la protection des données (chiffrées, cryptées, accessibles à distance et hébergées dans le cloud de l’opérateur). La mise en place du service, son déploiement et la formation sont assurés par un réseau de partenaires. Une offre riche, fluide et essentielle pour la transformation numérique de nos TPE. Pour continuer à démocratiser le cloud, le Pack Business Entrepreneurs est complété par l’offre SFR Cloud Business Store, un portail web d’appli-cations pensées pour le fonctionnement des petites entreprises qui voudraient bénéficier du cloud sans difficulté. De quoi nous mettre sur un petit nuage…store.saas.sfrbusinessteam.fr

LA 4G GRANDEUR NATURE

Avec SFR, la révolution 4G est en marche ! Déjà lancée à Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Tou-louse et Paris-La Défense, la 4G n’en finit pas de bluffer ses utilisateurs, conquis par le confort de la connexion, l’instantanéité des temps de télé-chargement, ainsi que la netteté de l’image, en particulier pour la visioconférence. D’ici la fin de l’année, 55 agglomérations seront couvertes, dont Paris, Strasbourg, Brest et Fréjus. Une technologie de pointe accessible au plus grand nombre, géogra-phiquement mais aussi en termes de prix puisque les offres 4G démarrent, comme la 3G, à partir de 29,99 euros par mois. Du côté des entreprises, les services de SFR Business Team s’enrichissent de nouvelles options 4G. À la clé, l’accès illimité aux applications de cloud ainsi qu’un service de ges-tion et de sécurité des terminaux. Comme sur la 3G, SFR s’impose avec la 4G comme le pionnier du très haut débit mobile en France. La planche de surf SFR n’a jamais été aussi rapide !preferer4g.sfr.fr

GÉO SHOPPINGSFR invente SFR Shopping, la seule application mobile permettant de comparer les prix des produits en magasin et sur Internet, tout en tenant compte des bons plans près de vous. C’est également une nouvelle manière pour les en-seignes d’étendre leur vitrine sur mobile, en mettant leurs promos dans la poche des fans de shopping. Cette appli leur donne en effet accès à tous les renseignements dont ils ont besoin pour comparer des offres online et offline, en situation d’achat en magasin : prix, coordonnées et locali-sation des magasins à proximité, disponibilité des produits en temps réel… Ce service personnalisé repose sur la géolo-calisation : tous les résultats dépendent du lieu où se trouve le consommateur, qui peut soit se géolocaliser, soit saisir la ville de son choix. En charge du projet chez SFR, Patricia Levy, directrice générale de SFR Régie, le souligne : « Aucun outil sur mobile aussi complet que ceux disponibles sur Internet n’était jusqu’alors proposé pour accompagner le consommateur en point de vente. SFR Shopping répond aux nouvelles attentes des consom-mateurs en les assistant durant leur shopping, en situation de mobilité. » Un service vraiment innovant et pratique pour les consommateurs qui aiment se renseigner sur le Net avant de se rendre en magasin. Le bonus ? Cette appli est gratuite pour tous… En somme, un bon plan qui donne accès aux bons plans !Application SFR Shopping, disponible sur l’App Store et Google Play.sfr.fr

Page 30: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

59

#PERSO :CHRONIQUES LIBRES

ILS PENSENT, ILS AGISSENT, SFR PLAYER LEUR DONNE LA PAROLE.AUJOURD'HUI, POUR ANALYSER LE NUMÉRIQUE, C'EST MIEUX DE LE

PRATIQUER. BIENVENUE DANS #PERSO » : LE FIL DES CHRONIQUES TRÈS PERSONNELLES

DE SFR PLAYER.

SFR PLAYER ARRIVE SUR TABLETTE !LE MAG FAIT SA MUE DIGITALE AVEC UNE TOUTE NOUVELLE APPLICATION IPAD

À partir de septembre, SFR PLAYER devient

aussi et surtout un magazine tablette.

Totalement gratuite, l'appli SFR PLAYER vous guide

dans les grands enjeux numériques du moment

via des contenus tactiles enrichis et toujours

plus d'analyses et d'actus. À la clé, une approche

éditoriale augmentée pour une culture digitale

encore plus riche. Alors, prêts pour embarquer,

du bout des doigts, dans l'ascenseur digital ?

Application gratuite disponible sur l'App Store.

RETROUVEZ-NOUS AUSSI SUR LE WEB  

ET SUR SMARTPHONE : sfrplayer.com

SUIVEZ NOS ACTUS SUR TWITTER VIA @SFRPLAYER

ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER  

SUR sfr.com/aBoNNemeNT

Page 31: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

De quoi parle-t-on réel-lement lorsque l’on parle des générations X, Y et Z ? Le marketing généra-tionnel a eu tendance ces dernières années à aller trop loin dans la stig-matisation des valeurs et des comportements des générations. Il n’y a qu’à regarder autour de soi pour se rendre compte rapidement qu’un Y n’est pas forcément une per-sonne branchée, contes-tataire et individualiste, et qu’un senior n’est pas nécessairement déconnecté, traditionaliste et généreux ! On voit bien qu’à vou-loir trop marquer de différences entre les généra-tions, on les sépare plus qu’on ne les relie, et qu’on continue de les caricaturer… Il existe bien, cependant, des évolutions qui poussent les jeunes générations à as-pirer à de nouvelles valeurs. Quelles sont-elles ?

TRANSCENDANCECe sont des valeurs d’émancipation et d’interdépendance. Émancipation, car les minorités actives aspirent à plus de liberté et à s’épanouir, non par l’hyperconsommation, mais en profitant du temps, de la nature,

de leurs amis. Cette recherche de transcendance se manifeste à la fois dans l’art, la création, la spiritualité et la philosophie. L’individualisme n’est ainsi pas une fin en soi, mais plutôt un passage vers plus d’« indi-viduation », une recherche de soi-même. D’où une quête es-sentielle de simplicité et d’au-thenticité. Avec la mondialisa-tion, une part croissante de la population aspire à un autre re-gard : plutôt que la globalisation qui uniformise, une ouverture

au monde et à sa richesse culturelle. On remarque également le souhait de tisser des liens avec des personnes qui habitent loin géographiquement mais qui sont proches affectivement. C’est ce que permet le numérique.

CHEVAUCHEMENTLes minorités actives, que l’on appelle aussi créatifs culturels, représentent plus de 30 % de la popu-lation et sont en forte

croissance. Elles viennent compléter la catégorie des « modernes », qui se retrouvent dans l’apparte-nance à la société de la consommation (foi dans le progrès technologique, domination de l’homme

sur la nature), et celle des « tradi-tionnels », qui se reconnaissent dans des valeurs familiales, de terroir, plus conservatrices.

Les jeunes comme les seniors sont présents sur l’ensemble de ces caté-gories socioculturelles. La culture numérique s’imprègne du courant postmoderne, le nourrit et y contri-bue à la fois. D’où un chevauchement de valeurs propres au numérique et aux digital natives, qui naissent

et se développent avec les différentes phases des évolutions technologiques (Web, Web 2.0, Web 3.0, etc.). Certes, la NetGen et les générations Y et Z montrent plus d’agilité dans l’apprentissage du numérique. Mais la métamorphose numérique ne prendra vraiment corps que si elle rassemble toutes les générations. L’enjeu est bien là, dans l’intégra-tion des diversités culturelles plus que dans la stig-matisation des générations.

Plus que l’outil numé-rique qui permet de séquencer le génome, de pénétrer les mystères de l’infiniment petit ou de soigner à distance, j’ai bien l’impression que la grande mutation de la médecine viendra (une fois de plus ?) de l’Inter-net. En conférant un rôle d’acteur de sa propre santé au patient, Internet bouscule en effet le para-digme sur lequel était éta-blie, depuis Hippocrate, la fameuse relation médecin-patient.

AUTORITÉC’est ainsi que le médecin voit son autorité décroître à mesure que « son » patient est éduqué et informé. Le docteur, celui qui sait, laisse progressivement la place au médecin, celui qui « prend soin » et guérit. Les plus jeunes de ces nouveaux médecins sont déjà touchés par la grâce de l’Internet, la culture du partage et du travail en réseau. Facile ! Ils avaient, enfants, un ordinateur dans leur chambre et ont fait leurs études avec une tablette sur les genoux et un smartphone dans la main. Dans ces conditions, et pour ces digital natives, la révolution culturelle n’a pas eu lieu puisqu’ils sont tombés dedans quand ils étaient petits. D’ailleurs, ces jeunes médecins, adeptes du nomadisme, sont de plus en plus nom-breux à refuser de « s’installer » comme le faisaient leurs aînés et préfèrent majoritairement l’itiné-rance et les remplacements.

DÉMOCRATIE SANITAIREDu côté des patients, la révolution numérique a, pour moi, débuté bien avant l’avènement de l’In-ternet, au milieu des années 1980, avec l’épidémie de sida. Une maladie pas comme les autres, car touchant prioritairement, à ses débuts, une com-munauté, celle des homosexuels. Ces derniers,

souvent issus de milieux éduqués et culturelle-ment ouverts aux innova-tions numériques, n’ont pas tardé à s’organiser et à utiliser Internet dès son apparition pour s’infor-mer, communiquer et agir, notamment en fai-sant pression sur les po-litiques. Les bases de ce qu’on appellera plus tard « la démocratie sanitaire » étaient alors posées. Internet a donc méta-

morphosé le patient en le rendant actif. Il est devenu un « actient », pierre angulaire d’un nouvel édi-fice collaboratif du soin, en rupture

avec le modèle pater-naliste qui prévalait jusqu’à présent. Un nouveau modèle donc, qui n’impacte pas seulement la relation patient-médecin mais toutes les autres rela-tions constitutives de la chaîne du soin.

SOCIALISATIONAutre bouleversement, et peut-être

le plus important : la maladie a de tout temps provoqué l’isolement, voire l’exclusion du ma-lade du corps social. Je citerais, alors que nous ne sommes plus à l’époque du lépreux et de sa cré-celle, la campagne récente de la Ligue contre le cancer destinée à favoriser la réinsertion profes-sionnelle des personnes ayant été atteintes d’un cancer. Grâce à l’Internet, il se passe exactement l’inverse : la maladie tend à devenir un facteur de socialisation, avec l’apparition de réseaux so-ciaux dédiés. Cette « socialisation de la maladie », ou la maladie comme facteur de lien social, est à mes yeux l’une des manifestations les plus por-teuses de sens des nouvelles formes de relation que permet l’Internet.

#PERSO 60

LE CONTRE-PIED AUX GÉNÉRATIONSPOUR LA PROSPECTIVISTE CARINE DARTIGUEPEYROU, LES ÉVOLUTIONS SOCIÉTALES LIÉES AU NUMÉRIQUE INNERVENT LES GÉNÉRATIONS DE FAÇON BEAUCOUP PLUS LARGE QU'ON NE LE CROIT. ALORS, TOUS GÉNÉRATION Y ?

CARINEDARTIGUEPEYROUChronique

Carine Dartiguepeyrou est consultante en prospective et anime le programme de prospective « Transformation numérique de l’entreprise » du think tank Futur numérique de la Fondation Télécom (Institut Mines-Télécom). Elle vient de publier le cahier de prospective « Les générations et la transformation numérique de l’entreprise », accessible sur le site de la Fondation Télécom, fondation-telecom.org.

« À VOULOIR TROP MARQUER DE

DIFFÉRENCES ENTRE LES GÉNÉRATIONS,

ON LES SÉPARE PLUS QU'ON NE

LES RELIE, ET ON CONTINUE DE LES

CARICATURER. »

JACQUES MARCEAUChronique

Fondateur et président-directeur général de l’agence de relations publiques Aromates, fondateur et président de l’institut Syntec des études et du conseil (ISEC), Jacques Marceau a contribué au récent ouvrage La Métamorphose numérique : vers une société de la connaissance et de la coopération (éditions Alternatives, 2013).

« LA MALADIE TEND À DEVENIR UN FACTEUR DE SOCIALISATION, AVEC L'APPARITION DE RÉSEAUX SOCIAUX DÉDIÉS.»

PATIENT ET MÉDECIN : NOUVELLES CONNEXIONSL'ENTREPRENEUR JACQUES MARCEAU PERÇOIT UNE NETTE TRANSFORMATION DE LA RELATION PATIENT-MÉDECIN, PRODUITE PAR LE RÉSEAU. DES MUTATIONS PROFONDES, CONTINUES ET SOUVENT SALVATRICES.

61

Page 32: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

Parmi les théoriciens de la Toile, on trouve deux extrêmes. La première espèce est optimiste : Howard Rheingold [inter-viewé dans ce nu-méro, ndlr], dans son dernier ouvrage Net Smart (MIT Press, 2012), diffuse l’idée qu’Internet nous rend meil-leurs car il favorise la collaboration, la découverte et l’en-tente. La seconde catégorie, catastrophiste, est bien représentée par Nicholas G. Carr, qui a publié il y a quelques années un livre brillant intitulé Internet rend-il bête ? (éditions Robert Laffont, 2011), en référence à la superficialité qui nous guette par l’emploi intensif du Web. Dans mon dernier ouvrage Pris dans la Toile, l’Esprit aux temps du Web (éditions Gallimard, 2012), j’ai formulé par une métaphore un concept intermédiaire : la média-sphère est une grande acquisition, mais il faut être prudent, car ses bords coupent. L’usage intensif d’In-ternet peut en effet avoir des consé-quences sur les structures cognitives de la personnalité. Sur ce sujet, je voudrais propo-ser deux pistes qui me semblent intéressantes.

UBIQUITÉPremièrement, la Toile nous expose au risque de déstabiliser notre identité. Selon l’une des re-cherches menées sur ce thème, on tend à mentir davantage par mail qu’en communiquant en face-à-face. La raison en est évidente : ceux qui com-muniquent par mail peuvent ne pas exister du tout. Ils se cachent derrière le mur de l’invisibilité et de l’ubiquité virtuelle. La Toile est hantée par des phénomènes de falsification et d’imposture : les fakes, les usurpations d’identité, les pseudonymes, etc., qui démontrent ce fait ad abundantiam. Les

philosophes et les p s y c h a n a l y s t e s savent bien que l’identité indivi-duelle est fragile, et qu’il n’y a que l’exposition sociale et le contrôle social qui puissent la garder compacte. Comme sur le Web ce contrôle est nul, n’importe qui peut faire et dire n’im-porte quoi sans que personne ne dise

rien. La liberté de se créer de multiples identités est totale, c’est-à-dire que l’on peut briser le noyau fragile du soi pour le multiplier sans limites.

PROJECTIONSLa seconde piste nous montre que le Web est un formidable multipli-cateur du narcissisme. Une partie importante des opérations qu’il per-met tient en effet à la manifestation du soi. Or, au moment de « poster » quoi que ce soit dans la Toile, on se sent bel et bien auteur (narrateur, journaliste, politique, poète, scienti-fique, agitateur, propagandiste, ter-roriste, séducteur, réalisateur, etc.) et

on peut bien penser : « Ça, c’est moi qui l’ai écrit ! » Il n’y aurait rien de mal dans une telle posture, si ce n’était qu’elle autorise des prétentions, des auto-représentations et des projections parfois fatales. Un exemple de ce fait se trouve dans l’expérience italienne du Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo, dont les partisans se sont formés sur et par le Web, en postant des messages et des déclarations pré-tendument politiques (et d’une ingénuité épous-touflante). C’est grâce à ces « publications » qu’une partie de ces « auteurs » se retrouve maintenant au Parlement, sans trop bien savoir ni comment ni pourquoi. Là, le narcissisme a eu des résultats ; dans les autres cas, il ne fait que gonfler le soi des amateurs et des improvisateurs…

En vingt ans, le numérique a trans-formé nos vies en af-fectant directement notre quotidien per-sonnel et profession-nel. En 1993, nous faisions très peu de choses de la même façon qu’aujourd’hui. Communiquer avec ses proches, ache-ter, s’informer… ne se font plus avec les mêmes gestes, avec les mêmes outils, ni à la même vitesse. Philosophiquement, cette muta-tion rapide suscite aussi bien l’enthousiasme que la crainte. Chacun son credo. Peu visible, rarement re-marquée, il existe une métamorphose qui force mon admiration tant elle rend nos vies plus simples. Pour elle, j’espère votre unanimité. C’est la quasi disparition des manuels d’utili-sateur. Désormais, à nous le bonheur du « no docs » !

INTUITIVEMENTQue celui qui n’a pas passé une soi-rée entière à programmer son ma-gnétoscope en décryptant cent pages traduites dans un français approxi-matif en caractères millimétriques lève son smartphone. Aujourd’hui, quand je télécharge une applica-tion sur ma tablette, je n’imagine pas un instant devoir consulter un guide d’utilisateur (d’ailleurs, existe-t-il ?). Je veux intuitivement et immédiate-ment pouvoir l’utiliser, quelle que soit sa richesse

fonctionnelle. Idem pour mon nouveau téléviseur, que j’ai pu paramétrer avec une souris-télé-commande en navigant de façon fluide et rapide, sans lire une ligne de « doc ». La fin du manuel d’utilisateur ménage mon stress, ma vue et mes soirées, mais elle révèle aussi plusieurs évolutions intéressantes, à la fois indus-trielles et sociétales.

APPRÉHEN-SIONÀ la vitesse de l’In-ternet, la simpli-cité d’usage est – a minima – à égalité avec les bénéfices fonctionnels. Je ne veux plus subir un apprentissage fasti-dieux, je demande à la technologie de s’adapter à ma rela-tive capacité d’ap-préhension et au peu de temps que je

suis prêt à lui consacrer. C’est aux outils de s’adap-ter à mon usage et non plus le contraire. Chez les industriels, l’optimisation des interfaces utilisateur pour une appropriation naturelle (et sans « doc ») des technologies devient une priorité et une néces-

sité. À tel point que cette problé-matique s’impose comme un des moteurs de l’innovation, puisqu’elle est un facteur de succès. Apple en a fait son emblème avant beaucoup d’autres…

VICTOIREBien que très prometteuse, cette tendance vers l’essentiel et l’intuitif peut aller encore plus loin. Dès que je monte dans une nouvelle voiture, je me demande encore pourquoi les

indications du tableau de bord ou les commandes de l’autoradio ne sont pas un minimum normali-sées. Idem pour les boutons de commande de mon électroménager, qui me défient lorsque je veux simplement lancer un programme rapide sans essorage. Je fais le pari qu’en définitive, dans un monde interconnecté, mon téléphone sera la plate-forme de contrôle unique de toutes ces machines qui m’entourent.Ce monde simplifié, sans « doc », sera la juste revanche de l’usager, la réparation de grands mo-ments de désespérance et de frustration et, surtout, une victoire du numérique.

#PERSO 62

NO DOCSLE DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DE L'ASSOCIATION TRANSITION NUMÉRIQUE PLUS SE RÉJOUIT DE LA DISPARITION DES MANUELS D'UTILISATEUR. ET NOUS AVEC.

LAURENTPONTEGNIERChronique

Laurent Pontegnier est consultant sur les problématiques business du cloud computing. Il est aussi délégué général de Transition numérique plus, association qui fédère les industriels des technologies de l’information pour la promotion de l’usage du numérique dans les TPE et PME, au sein de l’initiative gouvernementale Transition numérique.

« CE MONDE SIMPLIFIÉ, SANS "DOC", SERA LA

JUSTE REVANCHE DE L'USAGER. »

63

RAFFAELE SIMONEChronique

Raffaele Simone est linguiste, philosophe et professeur de linguistique à l’université Rome III. Son dernier livre publié en France est Pris dans la Toile, l’Esprit aux temps du Web (éditions Gallimard, 2012). Il a publié en 2010 Le Monstre doux (éditions Gallimard).

LE WEB  SUR LE DIVANLE LINGUISTE RAFFAELE SIMONE DÉCRIT DANS SON DERNIER ESSAI prIs DaNs la ToIle LES MUTATIONS DE NOS CAPACITÉS COGNITIVES À L'HEURE DE LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE. IL NOUS EN OFFRE UN APERÇU.

63

Page 33: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

cueil, en quatre, dans le sas. L’inconnu s’est tourné vers moi.« Embrassezmoisilvousplaîtellesnenousverront-pas », lâcha-t-il.Je n’ai pas eu le temps de refuser. Ce fut le plus long et le meilleur baiser de ma vie – je me promis de tester les salles d’attentes privées, où les orgasmes duraient des heures. Ma langue n’avait pas fait deux tours autour de la sienne que les agents avaient déjà quitté le sas. Ils ont fondu sur moi en un éclair et je me suis réveillé ici. Dans cette chambre. Une per-fusion au bras. Je n’ose pas regarder sous la couette.Combien de Patience m’a-t-on refilé ? Je pour-

rais être là depuis dix ans que je n’en saurais rien. J’ai seulement trouvé une connexion WiFi cuta-née, alors j’en ai profité pour effectuer cette dic-tée télépathique de ce qu’il s’est passé. Est-ce que quelqu’un me reçoit ? Est-ce que quelqu’un est connecté ?J’aperçois un clignotement sous l’embrasure de la porte.Pourvu que ce soit un gyrophare, et pas les jours qui passent.Encore que… Je sens bien que depuis tout ce temps, mon chagrin est passé. Vertus de la Patience…

Je traversais une rupture virtuelle douloureuse et j’avais besoin d’en parler à mon frère, en face à face.

Il habitait Vancouver, pas loin de chez moi, à une heure. Après une session de chat larmoyante, je me suis décidé à quitter Paris. En quelques minutes j’étais à l’aéroport Charles Trenet, duquel décollaient les Espace Express, ces navettes transatlantiques qui pas-saient par l’exosphère et reliaient Paris et New York en trente minutes. La mienne était annoncée avec douze heures de retard. La guigne, c’est intemporel.Je me suis dirigé vers la salle d’attente. Ils avaient installé une de celles sorties en 2060, qui avaient tant suscité de controverse. À l’entrée d’une im-mense salle vitrée, on proposait en téléchargement cutané des logiciels qui ralentissaient l’action des connexions neuronales. L’attente durait moins longtemps en fonction du programme qu’on choi-sissait. On appelait ça la Patience : il m’en faudrait 500 gigas à l’entrée si je voulais réduire mes douze heures à trente minutes, et carrément un téraoctet si je voulais les réduire à cinq. Si on voulait plus, il fallait une perfusion et des couches. Pas génial. L’hôte d’accueil était brun, les yeux bleus – c’étaient des faux, on voyait la marque sur la cornée.« Douze heures, c’est bien ça ? Vous les voulez comment ? » Sa voix aussi était fausse. Ces androïdes étaient de mieux en mieux fichus.« En deux heures, ça ira. J’ai jamais trop admis d’être devenu bionique, et j’ai un livre à finir.– Ca fera 250 gigas et 10 eurodollars s’il vous plaît. »

Pour le paiement, il m’a scanné l’œil gauche. J’ai ensuite relevé ma manche, posé mon bras sur le comptoir. Dans le creux du coude, la peau était devenue translucide. Sous les veines clignotait une diode orange, qui a momentanément viré au vert quand j’y ai appliqué la puce contenant le programme. Il fallut ensuite passer cinq minutes dans un sas qui sentait vaguement les pieds, le temps que ça fasse effet ; puis je me suis avancé dans la salle aux

parois transparentes. J’ai regardé à l’extérieur de la salle : les passagers à vitesse réelle marchaient si vite qu’ils ne m’apparaissaient plus que sous forme de traînées grises et blanches. Devant moi, un gosse se curait le nez au ralenti en vérifiant autour de lui que personne ne le remarquait. J’ai trouvé un siège, fermé les yeux. Mon bouquin s’est affiché sur mes paupières closes. Une jeune personne est venue s’asseoir à côté de moi, en très léger accéléré. Elle m’a bousculé, j’ai ouvert un œil : impossible de voir s’il s’agissait d’un homme ou d’une femme.« Bonjourcetteplaceestellelibresilvousplaît ? – Oui, je vous en prie. »L’air impatienté, l’inconnu s’est assis, jetant des regards furtifs autour de lui. Homme ou femme ? Sa voix n’en dévoilait pas plus.

« Vousvoulezmaphoto ?– Peut-être qu’aux yeux de tout le monde vous avez l’air zen, mais l’accéléré fait ressor-tir vos tics. Qu’est-ce qui vous arrive ? »Les tics en question, quand je parlais, passaient du mordil-lage d’ongles aux soupirs inter-minables. Évidemment : pour lui, je parlais à deux à l’heure. Au dehors, deux femmes de la sécurité sont apparues. En trois secondes, elles étaient à l’ac-

L'INCONNU  DE L'ESPACE EXPRESSET S'IL ÉTAIT POSSIBLE DE VOYAGER DANS LE TEMPS COMME ON VOYAGE DANS LES DONNÉES ? EXEMPLE AVEC CETTE FICTION À LIRE EN CINQ MINUTES, OU DEUX NANOSECONDES.

CAMILLEBRUNELFiction

Illustration: MIGUEL PORLAN

Né en 1986, Camille Brunel publie en 2011 une Vie imaginaire de Lautréamont aux éditions Gallimard, récit fantastique brodé sur la vie de l’auteur des Chants de Maldoror. Sinon, il parle surtout de cinéma : en ligne sur independencia.fr, sur papier pour Uzbek&Rica et en classe, à ses lycéens de la banlieue parisienne.

65#PERSO 64

« L'ATTENTE DURAIT MOINS LONGTEMPS EN FONCTION DU

PROGRAMME QU'ON CHOISISSAIT.

ON APPELAIT ÇA LA PATIENCE.»

Page 34: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11

Comment avez-vous transformé la montre, cet objet si traditionnel ?

La Basis Band offre bien plus de fonctions qu’une simple montre. Elle est munie de quatre types de biocapteurs qui suivent vos efforts et votre temps de repos, 24 heures sur 24, et mesurent en temps réel votre rythme cardiaque, votre activité phy-sique, votre température et votre transpiration. Sur smartphone et sur le Web, ces données peuvent être consultées sous la forme de graphiques dans un tableau de bord et des outils de motivation adaptés à vos résultats vous permettent d’améliorer votre hygiène de vie. Comme vous pouvez le constater, nous avons mis à jour la montre traditionnelle, et nous sommes allés bien plus loin ! Alors qu’une montre est utile à un seul titre, nous invitons nos clients à mener une vie plus saine grâce à un appa-reil puissant qui leur donne une image complète de leur santé.

En quoi considérez-vous que vous faites évoluer votre secteur d’activités, et comment

cela se manifeste-t-il concrètement dans votre stratégie globale ?

La Basis Band est beaucoup plus qu’une évolution de l’horlogerie, c’est une technologie révolution-naire issue de nombreuses années de recherche et développement. Il s’agit donc plutôt d’une remise à plat complète du concept de montre, où l’accessoire devient un objet utile à la santé !

Qu’avez-vous appris en développant Basis ? Avez-vous rencontré des difficultés notamment

au moment de son développement ou de sa distribution, liées à ses particularités ?

Nous avons appris qu’il est vraiment possible de développer de meilleures technologies dans le domaine de la santé et du bien-être que ce que permettent les podomètres, qu’on connaît depuis cinquante ans. En observant ce qu’il se passe à l’in-térieur du corps, en parvenant à dépasser le simple décompte des pas pour entrer dans le champ de la santé et du bien-être physiologiques, on entre dans

une nouvelle ère. C’était un vrai défi de mettre au point une expérience utilisateur autour d’un outil technologiquement évolué, qui possède plus de capteurs, mesure vos indicateurs de santé et vous offre des éléments de suivi de votre style de vie de manière plus complète que n’importe quel autre appareil. L’enjeu a ensuite été de mettre ce nouveau produit sur le marché. L’expérience dans la grande consommation de notre équipe a alors été décisive.

Basis a été fondée à San Francisco. Est-ce qu’on attend toujours des start-up qu’elles se lancent dans la Silicon Valley ? Quels sont selon vous les avantages que

présente San Francisco pour votre entreprise ?

Notre siège est à San Francisco mais Basis a vrai-ment été lancée sur Internet, de manière à ce que tous les Américains puissent faire l’expérience de la Basis Band. Nous avons réuni une équipe exceptionnelle d’ingénieurs, de scientifiques et d’experts de l’industrie, venus du monde entier pour venir travailler avec nous à San Francisco. Nous pensons que la baie de San Francisco est un endroit extraordinaire pour développer des tech-nologies, mais nous savons que Basis peut offrir une nouvelle génération de santé et de bien-être au monde entier.

EXTENSION  DU DOMAINE  DE LA MONTREEN PARTENARIAT AVEC L'ATELIER BNP PARIBAS AUX ÉTATS-UNIS, SFR PLAYER VOUS PROPOSE UNE SÉRIE DE PORTRAITS D'ENTREPRISES QUI TRANSFORMENT AVEC SUCCÈS UN SECTEUR TRADITIONNEL EN LE FAISANT PASSER AU DIGITAL. BASIS, UNE JEUNE ENTREPRISE DE MONTRES MÉDICALES, S'ATTAQUE À DEUX ACTIVITÉS ORTHODOXES ET TRÈS FERMÉES : L'HORLOGERIE ET LE MATÉRIEL MÉDICAL.

67PRONUMÉR IQUE 66

Page 35: Télécharger la version PDF accessible de SFR PLAYER 11