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1 UNIVERSITÉ DE STRASBOURG Faculté de droit, de sciences politiques et de gestion LE GOUVERNEMENT D’ENTREPRISE DANS LES SOCIÉTÉS FAMILIALES NON COTÉES Thèse pour le Doctorat en Droit des Affaires Presentée par Anthi KITSOU Membres du jury: Monsieur Michel STORCK Directeur de these Professeur des Universités Université de Strasbourg Monsieur Jean-Marc MOULIN Rapporteur Professeur des Universités Université de Caen Monsieur Pierre-Henri CONAC Rapporteur Professeur des Universités Université de Luxembourg Madame Isabelle RIASSETTO Examinateur Professeur des Universités Université de Luxembourg

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    UNIVERSIT DE STRASBOURG

    Facult de droit, de sciences politiques et de gestion

    LE GOUVERNEMENT DENTREPRISE DANS LES SOCITS FAMILIALES NON

    COTES

    Thse pour le Doctorat en Droit des Affaires

    Presente par

    Anthi KITSOU

    Membres du jury:

    Monsieur Michel STORCK Directeur de these

    Professeur des Universits

    Universit de Strasbourg

    Monsieur Jean-Marc MOULIN Rapporteur

    Professeur des Universits

    Universit de Caen

    Monsieur Pierre-Henri CONAC Rapporteur

    Professeur des Universits

    Universit de Luxembourg

    Madame Isabelle RIASSETTO Examinateur

    Professeur des Universits

    Universit de Luxembourg

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    A mon pre et ma mre qui mont fait aimer les tudes

    A mon mari pour son soutien

    A ma prcieuse Andrianna

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    REMERCIEMENTS

    Ma profonde gratitude va, en premier lieu, mon Directeur de thse, Monsieur le Professeur

    Michel STORCK, qui, tout au long des annes de thse, ma prodigu ses conseils et ses directives

    capitales.

    Je tiens galement remercier les Professeurs Madame Isabelle RIASSETTO et Messieurs

    Pierre-Henri CONAC et Jean-Marc MOULIN pour avoir accept de participer mon jury de

    soutenance.

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    SOMMAIRE

    INTRODUCTION

    PREMIERE PARTIE :

    PROPRIETE & POUVOIRS DANS LA SOCIETE ANONYME FAMILIALE

    NON COTEE

    CHAPITRE I : La loi de la majorit familiale : nouvelle dimension de la lutte

    actionnariale

    Section I : A lintersection de deux systmes diamtralement opposs : la famille et lentreprise

    Section II : Une structure actionnariale vivier des conflits dintrts

    CHAPITRE II : Le processus dcisionnel dans la socit anonyme familiale non

    cote : Les effets de la forte reprsentation de la famille dans les organes de

    direction

    Section I : Lenracinement de la famille et la gestion de la socit

    Section II : La neutralisation des mcanismes de contrle interne: Le C.A. de la socit anonyme

    familiale non cote

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    SECOND PARTIE :

    REDONNER DE VALEUR A LA FAMILINESS DE LA SOCIETE

    ANONYME FAMILIALE NON COTEE : UNE APPROCHE SPCIFIQUE DU

    GOUVERNEMENT D ENTREPRISE

    CHAPITRE I: Restaurer la confiance entre associs - Encourager limplication des

    minoritaires au mcanisme socitaire

    Section I: Lefficacit limite des dispositifs de protection de lactionnaire minoritaire de la socit

    anonyme non cote

    Section II : Lorganisation de son propre gouvernement dentreprise

    CHAPITRE II : Lintrt pratique de dmarches vers une sparation des fonctions

    de proprit et de pouvoir

    Section I: Lintgration du choix de la forme de direction dans la recherche dun bon gouvernement

    dentreprise: la structure duale

    Section II: Reconnatre le rle central du conseil dadministration

    CONCLUSION

    BIBLIOGRAPHIE

    LISTE DES ABRVIATIONS

    TABLE DES MATIRES

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    INTRODUCTION

    Maintenir en vie des entreprises familiales florissantes est bien la mission la plus difficile qui

    soit affirme John WARD, professeur lUniversit de Berkeley, dans son ouvrage intitul Keeping

    the Family Business Healthy.

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    Avec lavnement du capitalisme, une rvolution sopre concernant la proprit des moyens de

    production. Celle ci devient prive. Ce constat est essentiel toute thorisation du gouvernement des

    entreprises : le capitalisme merge avec linvention du capital social, cest dire par la mise en place dun

    rgime de droits de proprit rendant possible la privatisation de la proprit des moyens de production1.

    Cest ce que permet luvre juridique des promoteurs du nouveau systme socio conomique comme le

    Bubble Act (1720), en Angleterre, le Code du Commerce franais (1807) ou la lgislation amricaine partir

    du General Incorporation de New York (1811).

    Le droit tablit alors deux nouveauts. En premier lieu, il fait de lentreprise un objet de proprit.

    Durant des millnaires, une unit de production, comme une ferme ou un moulin, sont avant tout conus

    comme des communauts sociales. Cest donc une totale nouveaut que cette abstraction lgale, laquelle

    nous sommes dsormais habitus, et qui heurte les mentalits pr capitalistes ou anti capitalistes, hier

    comme aujourdhui.

    En second lieu, le droit dfinit lentreprise comme un objet susceptible dune proprit prive (les

    actions) et dchanges marchands ( la Bourse). Pendant des sicles, en effet, les moyens de production, et

    notamment la terre, qui tait le principal, taient essentiellement des objets de proprit commune indivise, du

    village ou du seigneur, ou des objets privs dont on ne pouvait user que dans un cadre communautaire. Le

    nouveau droit de proprit priv assure lgalit de tout citoyen quant la capacit devenir propritaire des

    entreprises. De plus, ce droit tablit la souverainet du propritaire sur lobjet quil possde, au mme titre

    que toute proprit prive : il a le droit den user, de le faire fructifier et den abuser, dans les limites de

    lordre public et de la licit. Cest ici que le capitalisme opre une transformation radicale de la socit

    communautaire vers la socit contractuelle. Le niveau, la nature et la prennit de la production ne sont plus

    affaire de communauts villageoises ou publiques. Elles sont du ressort exclusif des propritaires dits

    capitalistes , dsireux de la faire fructifier2. Il nest pas de plus claire illustration de la donne spcifique du

    capitalisme : les moyens de production collectifs sont devenus des affaires prives3. Par ailleurs, une doctrine

    librale a fait de la proprit prive le garant de lefficacit conomique : cest la thorie conomique des

    droits de proprit4. Elle est au fondement de toute approche du gouvernement des entreprises capitalistes et

    1 MARX Karl, Le Capital, Flammarion, Paris, 1993 - FURUBOTN G. Eirik/PEJOVICH Svetozar, The Economics of Property Rights, Ballinger, Cambridge, Mass. 1974 2 Rappelons que ces propritaires sont, au dbut, rarement des actionnaires : la plupart des entreprises, y compris aux Etats-Unis, sont de type commercial (socit en commandite en France) qui confond le patrimoine personnel du propritaire avec celui de lentreprise quil possde 3 GOMEZ Pierre-Yves, Jalons pour une histoire des thories du gouvernement des entreprises, Finance Contrle Stratgie, 2003, vol. 6, n 4, p. 183 4 Comme le souligne le professeur Bruno AMANN, le but poursuivi par cette thorie est de comprendre comment tel ou tel type de droit de proprit influence tel ou tel systme conomique : AMANN Bruno, La thorie des droits de proprit, in De nouvelles thories pour grer lentreprise du XXIe sicle, coordonn par KOENIG Grard, Economica, Paris, 1999 (collection : Gestion, srie : Politique gnrale, finance et marketing), p. 13 Voir galement : DEMSETZ Harold, Some aspects of property rights, Journal of law and economics, octobre 1966, vol. 9, n 1, p. 61 - FURUBOTN G. EirikPEJOVICH Svetozar, Property Rights and Economic Theory: A Survey of Recent Literature, Journal of Economic Literature, 1972, vol. 10, n4, p. 1137 - FRECH E. Harry, The Property rights theory of the firm: Empirical results from a natural experiment, Journal of political economy, 1976, vol. 84, n 1, p. 143 - DE ALESSI Louis, Property Rights, Transaction Costs, and X-Efficiency: An Essay in Economic Theory, The American Economic Review, 1983, vol. 73, n 1, p. 64 - FURUBOTN G. Eirik, Codetermination and the Modern Theory of the Firm: A Property-Rights Analysis, Journal of Business, 1988, vol. 61, n 2, p. 165 - HART Oliver-MOORE John, Property Rights and the Nature of the Firm, Journal of Political Economy, 1990, vol. 98, n6, p. 1119 - PARRAT Frdric, Le Gouvernement dentreprise, Dunod, Paris, 2003, p. 12

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    peut se rsumer par laffirmation suivante : le propritaire priv tant crancier rsiduel de lentreprise,

    rmunr donc par le profit, en dernier ressort, il a intrt en optimiser la gestion, pour sassurer de ce

    profit. Cela maximise lefficacit conomique globale. Ainsi, la thorie conomique des droits de proprit

    lgitime la gestion du pre de famille par la rationalit conomique : il est de son intrt et de lintrt de

    tous, quil fasse fructifier son bien.

    Durant la plus grande partie de lhistoire du capitalisme, lentreprise familiale a constitu le modle

    de rfrence pour le gouvernement de lentreprise5. Lentreprise est originellement et durant une longue

    priode une affaire de famille et son gouvernement reproduit le modle familial.

    Que la premire forme de gouvernement des entreprises soit de type familial na rien dtonnant. La

    famille est la matrice ancestrale de la gestion des affaires prives, qui est naturellement mobilise pour grer

    cette affaire prive nouvelle quest lentreprise. Le pouvoir discrtionnaire du dirigeant propritaire est tabli

    par le droit : lintrieur des frontires de son entreprise, comme dans toute proprit prive, il peut agir

    selon sa guise, comme un propritaire quelconque, en bon pre de famille respectant les lois communes. Les

    droits de proprit prive sur lentreprise procurent au dirigeant propritaire un pouvoir exclusivement

    discrtionnaire. Celui ci est donc investi dune responsabilit crasante, parce que vague et sans autre

    contrle que par lui-mme et par lexigence de la licit de ses actes. La gestion de son affaire relve de sa

    seule diligence et de sa seule volont, et il est conomiquement responsable devant la loi et, moralement,

    devant sa famille, ses employs et son environnement. Il ny a ni informations obligatoires, pas mme

    comptables (jusquaux annes 1930), pas dimpt sur les socits (donc aucune ncessit de communiquer

    des rsultats, jusquen 1917 en France). Par ailleurs, des dynasties se crent : Dupont de Nemours aux Etats

    Unis, Siemens ou Krupp en Allemagne, De Wendel en France, ou Mitsui au Japon6. Les alliances

    conomiques se font par les alliances matrimoniales Juridiquement, lextension de lespace discrtionnaire

    du dirigeant est son maximum et cest dans les ressources de la morale quil peut trouver les rgles qui le

    bornent.

    A partir du dbut du 20e sicle, lentreprise familiale entre en dclin. La taille des entreprises

    accrot la complexit des directions ; paralllement, elle augmente le recours ncessaire au capital et donc son

    ouverture ; la confusion entre patrimoine priv et patrimoine de lentreprise devient de moins en moins

    tenable au fur et mesure que ce dernier saccrot et la forme commerciale fait presque partout place la

    forme socit anonyme 7. Par ailleurs, un autre phnomne mriterait galement notre attention : le dclin

    gnral de la famille comme structure sociale de rfrence. Au del des questions lies lentreprise, en

    effet, la famille a tendance dcliner comme modle de gouvernement. Il lui est substitu lorganisation, le

    parti ou lassociation. Cest une crise gnrale de la gnalogie, de la succession et de la transmission comme

    5 COFFEE C. John Jr, The Rise of Dispersed Ownership: The Roles of Law and State in the Separation of Ownership and Control, The Yale Law Journal, 2001, vol. 111, n 1, p. 1 6 Une entreprise dynastique est une entreprise familiale qui a t possde et gre par la mme famille pendant une priode gale ou suprieure quatre gnrations. Parmi les pays ayant une longue tradition dynastique, lon trouve des pays aussi divers que lInde ayant connu ds le XVIIIe sicle des dynasties de marchands dont quelques unes (les Tata et les Birla) sont devenues des dynasties dindustriels, ou la Sude o une famille, les Wallenberg, contrle une partie considrable de lactivit puisquun ouvrier sudois sur quatre travaille pour elle et vingt des plus grandes multinationales sudoises en font partie 7 BERLE Adolph MEANS Galdiner, The modern corporation and private property, New York, Harcourt Brace World, 1968 / New York, MacMillan, 1932

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    garant de lordre social laquelle on assiste partir des annes 1920. Il nest pas tonnant que, au del des

    volutions de contexte conomiques souvent dcrites, cette crise globale de la forme familiale de

    gouvernance affecte aussi lentreprise.

    La distinction entre propritaires et managers stablit dfinitivement avec la grande crise des annes

    1930 et lmergence du modle de la grande entreprise . Une nouvelle classe apparat, celle des

    techniciens de la gestion, qui prendront le nom de managers 8. Lexpertise technique est prfre au droit

    du sang , dans un contexte politique gnral qui tablit de plus en plus cette exigence : la comptence

    gouverner doit se fonder sur le savoir gestionnaire et non sur lhrdit. De manire gnrale, la sparation

    entre direction et proprit sinscrit dans les pratiques et dans le droit. Par exemple, les lois de 1940 et 1943

    rendent obligatoire, en France, la tenue dun conseil dadministration pour les Socits anonymes et

    dcrivent les membres de ce conseil comme des tiers experts de la gestion, des pairs du manager laidant

    de leurs conseils dans laccomplissement de sa tche.

    Par voie de consquence, le pouvoir discrtionnaire du dirigeant se trouve remis en question. Ds lors

    que la lgitimit nest plus assure par la seule proprit prive mais aussi par la comptence managriale, le

    pouvoir discrtionnaire sen trouve fatalement affaibli. Deux lments entrent alors en tension : dune part, la

    distinction entre actionnaires et dirigeants implique que ces derniers ne sauraient grer lentreprise sans tenir

    compte de lintrt des actionnaires, ce qui limite par dfinition leur pouvoir discrtionnaire ; mais en sens

    inverse, la nature de la lgitimit du dirigeant, fonde sur son expertise, doit lui assurer un pouvoir de

    direction discrtionnaire suffisamment tendu car, par nature, il est celui qui sait dfinir lintrt de

    lentreprise. Le conseil dadministration est alors considr comme le lieu o ces tensions se rsolvent,

    puisquil est suppos limiter laction discrtionnaire du dirigeant9

    Longtemps dcries, prsentes comme vieillottes, secrtes, rticentes lvolution conomique

    sociale et technique, emptres dans des querelles familiales loignes de la rationalit et de lefficacit, ces

    entreprises simposent cependant aujourdhui par leurs rsultats et leur importance dans lconomie des

    principales nations dveloppes. La prise de conscience de son importance conomique en termes de

    participation la production nationale des pays et en termes demploi et aussi de sa supriorit en termes de

    performance conomique et financire constitue une raison majeure expliquant le regain dintrt pour les

    questions qui lui sont relatives10. Au total, personne ne conteste aujourdhui le poids quoccupent les

    entreprises familiales dans le monde et en France, en particulier. D'un point de vue conomique, elles psent

    un poids extrmement lourd. En Europe, elles emploieraient 45 millions de personnes (le quart de la

    8 BURNHAM James, The Managerial Revolution: or what is Happening in the World, Putnam, Londres, 1942 9 DAVID R. James/SOREF Michael, Profit Constraints on Managerial Autonomy: Managerial Theory and the Unmaking of the Corporation President, American Sociological Review, 1981, vol. 46, n1, p, 1 - MIZRUCHI S. Mark, Who Controls Whom? An Examination of the Relation between Management and Boards of Directors in Large American Corporations, The Academy of Management Review, 1993, vol. 8, n 3, p. 426 10 DESBRIRES Philippe/WRIGHT Mike, France: family firms remain the most important deal source, Acquisitions Monthly, European Buyout suppl. Oct. 1992, p.102 - HESS Claude, La contribution de lentreprise familiale la cration des richesses nationales, in La transmission de lentreprise familiale. Lavis des experts et des Industriels, Actes du colloque organis le 6 octobre 1993 par le Barreau de Paris et l Association pour la prennit de lentreprise, Economica, Paris, 1994, p. 27 - GALLO Miguel Angel/PONT Carlos Garcia, Important Factors in Family Business Internationalization, Family Business Review, 1996, vol. 9, n1, p. 45 - ASTRACHAN H. Joseph/CAREY-SHANKER Melissa, Family Businesses Contribution to the U.S. Economy: A Closer Look, Family Business Review, sept. 2003, vol. 16 n3, p. 211

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    population active). En France, les professeurs Jos ALLOUCHE et Bruno AMANN11 estiment que sur les

    500 plus grandes entreprises industrielles capital franais, 59% sont familiales. En Italie, 90 % des socits

    immatricules seraient familiales. Aux Etats-Unis, un tiers des groupes de l'indice Fortune 500 serait contrl

    par des familles. Dans des rgions moins dveloppes comme l'Asie ou l'Amrique latine, tout le capitalisme

    local repose sur elles.

    La prdominance des entreprises familiales dans le tissu entrepreneurial est vidente. Leur place dans

    lhistoire industrielle et leur poids dans la vie conomique actuelle leur confrent une fonction essentielle

    dans le dveloppement dun pays. En ralit, le rle des entreprises familiales dans lconomie varie en

    fonction des poques ; mais leur prsence est, en effet, permanente. Au dbut du XVIIIe sicle, les entreprises

    familiales constituaient la quasi totalit des entreprises et leur implantation tait large. Entre les annes 1840

    et 1880, les socits cotes ont connu une expansion importante, tout en laissant le rle dominant aux

    entreprises familiales. Ces dernires ont particip activement aux grandes constructions de lpoque, comme

    la Tour Eiffel, le mtro, les Chemins de Fer. Elles ont galement contribu au dveloppement des nouvelles

    technologies du XXe sicle, travers lautomobile, laviation, la chimie. Cest lentreprise familiale qui tait

    lorigine du tissu industriel que lon connat aujourdhui en Europe. Les entreprises familiales sont les

    racines du capitalisme, au sens o le propritaire du capital gre galement la socit12. Ces types de socits

    sont les poumons des conomies en dveloppement et constituent, par leur dynamisme, les signes dune

    conomie cratrice, libre et diversifie13. Peut on attribuer au hasard le fait que les quelques groupes

    franais qui sont aujourdhui leaders mondiaux (Michelin, Carrefour, LOral, Accor, Air Liquide) soient le

    produit dun contrle familial ? De mme que des performants durables tels que Peugeot14, Auchan, Fiat,

    Siemens ? Quelques - unes des plus grandes entreprises du monde sont familiales15. La quatrime gnration

    11 ALLOUCHE Jos/AMANN Bruno, Le retour triomphant du capitalisme familial, LExpansion Management Review, juin 1997, p. 92 12 Pour une approche historique du concept de lentreprise familiale : MORIN Franois, La structure financire du capitalisme franais : situations et transformations, ditions Calmann-Lvy, Paris 1974 - DUCOULOUX-FAVARD Claude, Histoire des grandes socits en Allemagne, en France et en Italie, Revue internationale de droit compar, 1992, p. 849 - ANEX-CABANIS Danielle, Lentreprise familiale : essai dapproche historique, Annales de lUniversit des Sciences Sociales de Toulouse, tome XLI, Presses de lUniversit des Sciences Sociales de Toulouse, 1993, p. 21 - CHADEAU Emmanuel, The large family firm in twentieth-century France, Business History, 1993, vol. 35, n4, p.184 - CHURCH Roy, The family firm in industrial capitalism: International perspectives on hypotheses and history, Business History, 1993, vol. 35,n 4, p. 17 - GEOFFREY Jones/MARY B. Rose, Family capitalism, Business History, 1993, vol. 35 n 4, p.1 - MARIUSSEN Age/WHEELOCK Jane/BAINES Susan, The family business tradition in Britain and Norway. Modernization and Reinvention? International Studies of Management & Organization, 1997, vol. 27, n 3, p. 64 - COLLI Andrea/PEREZ Paloma Fernndez/ROSE B. Mary, National Determinants of Family Firm Development? Family Firms in Britain, Spain, and Italy in the Nineteenth and Twentieth Centuries, Enterprise and Society, 2003, vol. 4, n 1, p. 28 - BHATTACHARYA Utpal/RAVIKUMAR B., From Cronies to Professionals: The Evolution of Family Firms, in Capital Formation, Governance and Banking (sous la direction d E. Klein), Nova Science Publishers Inc, New York 2005, p. 23 13 CATRY Bernard/BUFF Airelle, Le gouvernement de lentreprise familiale, Publi-Union ditions, 1996, p. 24 s. 14 Jean-Pierre PEUGEOT (1768-1852) a dbut comme petit fondeur dacier : GALINIER Pascal, Les 7 familles : les Peugeot, Le Nouvel conomiste, 27 aot 1993, n 909, p. 43 - NOUZILLE Vincent, Les 7 familles : les Bouygues, Le Nouvel conomiste, 16 juillet 1993, n 903, p. 43 - BEAUFILS Vincent, Les 7 familles : les Gallimard, Le Nouvel conomiste, 23 juillet 1993, n 904, p. 43 - GALINIER Pascal, Les Hritiers : Edouard Michelin , Le Nouvel conomiste, 13 juillet 1993, n 1005, p. 35 - GARCIA-GILL Isabel, Benetton, un dveloppement fulgurant, Journal de Genve, supplment conomique, 16 mars 1995, p. 4 - GALLARD Philippe/TERRISSE Marie-Nolle, Les Hritiers : Giovanni Agnelli, Le Nouvel conomiste, 28 juillet 1995, n 1007, p. 29 - OJALA Jari/PAJUNEN Kalle, Two Family Firms in Comparison: Ahlstrm and Schauman During the 20th Century, The Evolution of Competitive Strategies in Global Forestry Industries, 2006, vol. 4, p. 167 - En Allemagne, MIELE, fabricant dquipements lectromnagers depuis 1899, toujours dans la mme famille depuis 6 gnrations et suivant une stratgie identique appuye sur la qualit et le nom 15 Certaines socits familiales se regroupent dans des associations ou clubs dont les critres dadmission sont trs restrictifs. Lassociation Les Hnokiens rassemble des entreprises familiales bicentenaires du monde entier. Les conditions dentre dans ce club trs ferm sont rigoureuses : tre une entreprise ge dau moins 200 ans, soit sous la forme dentreprise personnelle, soit sous la forme de socit ; lentreprise doit tre toujours reste aux mains de la famille de son fondateur qui soit en est le propritaire, soit dtient la majorit du capital social ; au moins, un membre de la famille est la direction gnrale ou au conseil dadministration ;

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    de la famille Ford contrle encore 40% de Ford Motor Company. Les deuxime et troisime gnrations de la

    famille Walton contrlent 39% de Wal- Mart. La famille Mulliez, en France, dtient 85% dun groupe

    dentreprises familiales totalisant 200000 employs16. Fonde en 1850 aux Etats- Unis, la clbre socit Levi

    Strauss est dirige par la quatrime gnration de la famille fondatrice. Certaines industries sont galement

    domines par des entreprises familiales. Dans lindustrie du voyage, trois des cinq leaders de la branche ne

    sont autres que les familles Carlson, Van Vlessiegan et Maritz chacune avec plus de 2 milliards deuros de

    chiffre daffaires annuel. Le secteur de luxe nest pas en reste avec Herms, Zegna, LVMH, Ferragamo, ou

    des horlogers-bijoutiers comme Chopard et Audemars Piguet. Ces exemples ne tendent pas prouver que

    toutes les entreprises devraient rester familiales, ce serait absurde. Mais ils dmontrent clairement que les

    entreprises contrle familial ont une place et un rle trs moderne jouer dans le pluralisme des formes

    dune conomie dveloppe et comptitive

    Aprs avoir longtemps t dlaisse, la thmatique de recherche sur lentreprise familiale a connu,

    dans le monde, depuis presque trente ans, un renouveau significatif, renouveau qui a pourtant laiss la

    enfin, lentreprise doit tre financirement saine. Le nom de cette association provient du personnage biblique Hnok. La lgende raconte que Hnok, pre de Mathusalem, vcut 365 ans, ne mourut pas, mais fut directement enlev aux cieux. Tout un symbole danciennet et prennit pour ces socits, la plus ancienne tant lauberge Hoshi fonde en 718 Komatsu, au Japon. Cest en 1981 sous linitiative de Grard Glotin, du groupe Marie Brizard entreprise familiale de plus de six gnrations spcialise dans la production de liqueurs et de boissons sans alcool que lassociation des Hnokiens a vu le jour. Aujourdhui elle regroupe des entreprises de secteurs trs divers, telles que la socit Gekkeikan Sak, productrice de sak, ne en 1637 et en mains familiales depuis onze gnrations. Ou bien Beretta, le plus ancien armurier au monde, socit fonde en 1526 et qui reste entre les mains des douzime et treizime gnrations. Les objectifs de l'associationsont le dveloppement de ses membres travers le monde. Autour d'une philosophie commune : la valeur du concept de l'entreprise familiale, alternative aux multinationales . C'est ainsi que se prsente l'association des Hnokiens, association d'entreprises familiales et bicentenaires sur son site web (http//www.henokiens.com) : CATRY Bernard/BUFF Airelle, Le gouvernement de lentreprise familiale, Publi Union ditions, 1996, p. 21-22 - Pour un panorama des Hnokiens voir galement : MICHEL Daniel Edgard/ MICHEL Marielle, Grer lentreprise familiale. Objectif longue dure, Les ditions dorganisation, Paris, 1987, p. 13 et s., p. 90 s. et p. 123 s. 16 La famille Mulliez est lune des plus fortunes de France. Chez elle, le virus de la cration dentreprise se transmet de pre en fils, comme on peut le constater : Patrick, frre de Grard Mulliez (crateur dAuchan), est lorigine des magasins de prt--porter Kiabi (la mode petits prix) ; Philippe, un autre frre, a mont la grande librairie parisienne Lamartine ; Les cousins Franky et Stphane ont fond le groupe de location Kiloutou, et les jouets Pickwick ; Les cousins par alliance ont fond la chane de sport Dcathlon, et le centres dentretien Norauto. Un autre cousin, Gonzague Mulliez, a cr les tapis Saint-Maclou. Il y a une quarantaine dannes, en 1961, Grard Mulliez ouvrait un supermarch Roubaix. A lenseigne Ochan dabord, puis Auchan. Le fondateur, aujourdhui g de 70 ans continue, malgr la modification de la direction gnrale, jouer un rle majeur dans lentreprise. Lhomme il est vrai, connat les entreprises familiales. Il a fait ses premires armes dans celle qui a t cre par son pre : Phildar. Et puis, la tentation de la distribution est venue. Le pre lui a prt le terrain et les murs, un ami 600000 F. Les dbuts seront difficiles, mais la famille viendra la rescousse. la condition du retrait du premier actionnaire (non familial). Aujourdhui implant dans quatorze pays, affichant un chiffre daffaires de 23,5 milliards deuros, le groupe demeure trs majoritairement contrl par la famille. Lentreprise nest pas cote en Bourse (hantise de la dilution du capital) et a assur ses actionnaires une croissance moyenne de leurs actions de lordre de 15% dans les vingt dernires annes. Il y a l, les ingrdients des grandes sagas familiales : la pugnacit dun homme, la solidit dune famille []: ALLOUCHE Jos/AMANN Bruno, Lactionnaire dirigeant de lentreprise familiale, Revue franaise de gestion, 2002, n spc. 141, Lactionnaire, p. 109 Voir galement PEYRANI Batrice/BRILLOT Frdrique, Les 7 familles : les Mulliez, Le Nouvel conomiste, 30 juillet 1993, n 905, p. 41 - Le groupe Taittinger, spcialis dans les palaces et le champagne, allie depuis trois gnrations politique, affaires et famille. Cette famille sest efforce de cultiver les mmes valeurs, respectueuse de la mmoire de Michel Taittinger, hros familial, mort en 1940 lge de vingt ans, face larme allemande : discrtion, franchise, bravoure, modration, simplicit et dgot de largent facile, car la fortune familiale nest pas faite pour tre dpense, mais rinvestie : DE MENTHON Pierre-Henri, Les 7 familles : les Taittinger, Le Nouvel Economiste, 1993, n907, p. 41 et cit par CATRY Bernard- BUFF Airelle in Le Gouvernement de lEntreprise Familiale, ouvrage prcit, p. 51 Citons galement lexemple de Gilbert Trigano, fondateur du Club Mditerrane : Gilbert Trigano, mauvais lve, mais curieux de tout, quitte lcole lge de 15 ans pour devenir comdien. Son pre Raymond passe un march avec lui . Il lui confie les piceries familiales pour six mois, aprs quoi, sil russit, il sera libre. Gilbert, qui a la bosse du commerce, russit brillamment et part suivre en 1936 le cours de thtre Simon. L, il cultive ses talents de grand communicateur, fait le pitre, et garde de ces annes un don extraordinaire de sduction par la parole et le geste. Aprs la Libration, Gilbert, qui a transform la boutique familiale en affaire de toile de tentes et de matriel de camping, est entour de personnes fortement marques par la guerre. Tous partagent autour de lui une trs forte volont de changer le monde, et de rompre avec la grisaille quotidienne. Le rve dune socit galitaire, le Club Med, est n. Grard Blitz apporte sa passion du sport et Gilbert, celle du spectacle : MITROFAMOFF Kira, Les 7 familles : les Trigano, Le Nouvel Economiste, 1993, n906, p. 41 et cit par CATRY Bernard- BUFF Airelle in Le Gouvernement de lEntreprise Familiale, ouvrage prcit, p. 35

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    communaut acadmique francophone en retrait jusqualors17. Certes, quelques travaux ont t publis depuis

    les recherches pionnires sur le comportement des moyennes entreprises familiales18 et avant que surgisse

    lhypothse dun retour triomphant du capitalisme familial19. Mais, cest surtout partir des annes quatre-

    vingt que les recherches sur lentreprise familiale se multiplient. Elles sont essentiellement dorigine anglo-

    saxonne, mme si l'on peut relever quelques travaux pionniers en France20. Une des raisons de lignorance de

    ce type dentreprises est que l'entreprise familiale ou dune manire gnrale lentreprise prive tait suppose

    tre une version ou une rplication rduite de son homologue cote. Les tudes rcentes montrent, nanmoins,

    que la dispersion de la proprit est l'exception plutt que la rgle dans la plupart des pays. En effet, les

    recherches acadmiques montrent que la proprit des firmes d'Europe continentale est principalement

    concentre dans les mains de familles21. Le dclin de la forme familiale de l'entreprise n'a donc pas eu lieu.

    Cela tient pour certains une conomie de cots de transaction par rapport aux autres systmes de

    gouvernance22 .

    17 HANNART Maurice, Le rle social des entreprises familiales, in Forces et Faiblesses des Entreprises familiales, Pilote, 2me d., Lille, 1960, p. 93 - SEDES Jean-Marie, Les entreprises industrielles familiales, in Forces et Faiblesses des Entreprises familiales, ouvrage prcit, p. 23 - DAILEY C. Robert C/REUSHLING E. Thomas/DE MONG F.Richard, Uncertainty and the family corporation, Journal of General Management, hiver 1976-1977, vol. 4, n 2, p. 60 - BECKHARD Rchard/DYER W. Gibb Jr., Managing Change in the Family Firm. Issues and Strategies, Sloan Management Review, 1983a, vol. 24, n3, p. 59 - DAVIS Peter, Realizing the potential of the family business, Organizational Dynamics, 1983, vol. 12, n 1, p. 47 - MICHEL Daniel Edgard/MICHEL Marielle, Grer lentreprise familiale. Objectif longue dure, Les ditions dorganisation, Paris, 1987 - PROKESH Steven, Le retour de l'entreprise familiale, Dialogue, 1987, n 76, vol. 2, p. 24 - BARJONET Claude/BlALOBOS Chantal/NOUZILLE Vincent, Le capitalisme familial en crise, L'Expansion, 8-21 fvrier 1990, p. 17 - MICHEL Dominique, L'entreprise familiale en crise, L'Entreprise, mars 1990, n 54, p. 72 - WELCH Johannes, Family enterprises in the United Kingdom, the Federal Republic of Germany, and Spain, Family Business Review, t 1991, p. 191 - LANK Alden, Les entreprises familiales europennes : espce en voie de disparition ou puissants acteurs conomiques, Revue conomique et Sociale, sept. 1992, n 3, p. 157 - COURET Alain, Le concept dentreprise familiale et sa place dans les conomies nationales et europennes, Annales de lUniversit des Sciences Sociales de Toulouse, tome XLI, Presses de lUniversit des Sciences Sociales de Toulouse, 1993, p. 9 - DYER W. Gibb/HANDLER C.Wendy, Entrepreneurship and Family Business: Exploring the Connections, Entrepreneurship Theory & Practice, 1994, vol. 19, n 1, p.71 - ARONOFF E. Craig/WARD L. John, Family-Owned Businesses: A Thing of the Past or a Model for the Future?, Family Business Review, 1995, vol. 8, n2, p 121 - GATTAZ Yvon, Plaidoyer pour l'entreprise familiale, Enjeux du monde, janv. 1995, p. 28 - ALLOUCHE Jos/AMANN Bruno, Le retour triomphant du capitalisme familial, LExpansion Management Review, juin 1997, p. 92 - MARCHESNAY Michel, La moyenne entreprise existe-t-elle? Revue franaise de gestion, nov-dc. 1997, n 116, p. 85 - BIRLEY Sue/Ng Dennis/GODFREY Andrew, The family and the business, Long Range Planning, 1999, vol. 32, n. 6, p. 598 - AMMAN Bruno, L'entreprise familiale la lumire de l'entreprenariat, in Histoire d'entreprendre. Les ralits de l'entreprenariat, d. EMS- Management et Socit, Paris, 2000, p. 263 - ALLOUCHE Jos/AMANN Bruno, Lentreprise familiale : un tat de lart, Finance, Contrle, Stratgie, mars 2000, vol. 3, n 1, p. 33 - HAEHL Jean-Philippe, Lentreprise familiale dans les procdures collectives, Defrnois, 2001, n 5, p. 299 - SAPORTA Bertrand, Famille, cration dentreprises et entrepreneuriat, in La Gestion des entreprises familiales, Economica, 2002, p. 107 - SONFIELD C. Matthew/LUSSIER N. Robert, First, Second and Third Generation Family Firms: A Comparison, Family Business Review, 2004, vol. 17, n 3, p. 189 - LEAPTROTT John, An Institutional Theory View of the Family Business, Family Business Review 2005, vol. 18, n 3, p. 215 - COMBL Karin/COLOT Olivier, Lentreprise familiale : concept et importance en Belgique, Reflets et perspectives de la vie conomique, 2006/2, tome XLV, p. 91 - KELLERMANNS W. Franz/EDDLESTON A. Kimberly, Corporate Entrepreneurship in Family Firms: A Family Perspective, Entrepreneurship Theory and practice, 2006, vol. 30, n6, p. 809 18 HIRIGOYEN Grard, Contribution la connaissance des co mp or tement s f in anc ier s des moyennes entreprises industrielles et financires, thse Universit Montesquieu-Bordeaux I, 1984 19 ALLOUCHE Jos/AMANN Bruno, Le retour triomphant du capitalisme familial, LExpansion Management Review, juin 1997, p. 92 20 HIRIGOYEN Grard, Contribution la connaissance des comportements financiers des moyennes entreprises industrielles familiales, thse prcit du mme auteur, Le comportement financier des moyennes entreprises industrielles familiales, Banque, 1982, n 417, p. 588 ; La fonction financire dans les moyennes entreprises industrielles et familiales, Revue Franaise de Gestion, janvier-fvrier, 1984, p. 23 ; Les implications de la spcificit des comportements financiers des moyennes entreprises industrielles (M.E.I) familiales, cahier de recherche dIAE, n35, Toulouse, sept. 1985 21 BERGHE L.A.A./CARCHON Steven, Agency Relations within the Family Business System: an exploratory approach, Corporate Governance, 2003, vol. 11, n 3, p. 171 - LA PORTA Rafael/LOPEZ-DE-SILANES Florencio/SHLEIFER Andrei, Corporate Ownership around the World, Journal of Finance, 1999, vol. 54, n2, p. 471 22 Ces cots varieraient en fonction du niveau de dveloppement conomique des pays. Par exemple, le sous- dveloppement devrait impliquer lincompltude des marchs et aussi un systme lgal imparfait o ni droits de proprit sont bien dfinis ni tribunaux sont dvelopps. La faiblesse lgale et institutionnelle serait compense et les cots de transaction seraient minimiss grce une forme dorganisation flexible, fonde sur le relationnel: l'entreprise familiale : KHAN A. Haider, Corporate Governance of Family Businesses in Asia. Whats Right and Whats Wrong, document de travail, n 3, ADB Institute, 2000

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    Ainsi, dune manire gnrale, de nombreuses tudes empiriques ont cherch mettre en vidence

    le lien existant entre la structure de proprit et la performance. Mais, les tudes empiriques menes sur les

    effets de la sparation proprit-contrle ont t menes, pour la plupart, par des chercheurs anglo-saxons.

    Une premire tude, notre connaissance, est mene en France par Alexis JACQUEMIN et Elizabeth DE

    GHELLINCK23 sur un chantillon constitu d'entreprises franaises. Ils concluaient alors que le type de

    contrle n'avait aucune influence sur la rentabilit. Donc, contrairement aux prdictions des modles

    managriaux, la sparation du pouvoir et du contrle serait sans consquence sur la performance de la firme.

    Le Professeur Grard CHARREAUX24 observe de son ct que si la forme dorganisation na pas dincidence

    significative sur la performance des fonds propres, elle semble influencer significativement les performances

    conomiques en faveur des socits familiales. Une autre tude franaise, celle d Y. MOURIER25, met en

    vidence d'une manire significative une supriorit du taux de profit des entreprises familiales sur les

    entreprises managriales exerant dans le secteur de lalimentation et de lautomobile. Les rsultats

    montrent une meilleure " profitabilit" des entreprises familiales et ceci aussi bien partir des critres de

    croissance qu' partir des critres du profit. Les rsultats obtenus par Jos ALLOUCHE et Bruno AMANN26

    montrent que les entreprises familiales ont une performance globalement suprieure celle des autres

    entreprises, mme si elles ont tendance moins investir que les entreprises managriales. Ils avancent une

    explication pour expliquer cet tat de fait : les entreprises familiales seraient plus performantes parce que

    leurs salaris sont souvent plus fidles et quil existe une plus grande cohsion interne entre leurs

    personnels. Actuellement, recherches, ouvrages, journaux, centres universitaires commencent projeter de

    nouveaux clairages sur les raisons pour lesquelles les entreprises familiales parviennent durer et

    prosprer27. Car la perptuation de ces firmes est importante non seulement pour les familles actionnaires,

    mais aussi pour la socit dans son ensemble.

    Mais tous les auteurs saccordent entre eux pour reconnatre que les valeurs et les idaux de la famille

    sont une source potentielle de russite pour lentreprise familiale28. La culture de lentreprise familiale se

    rfre aux normes et aux valeurs partages par ses membres, et aboutit dterminer ce qui se fait ou ce

    qui ne se fait pas au sein de lentreprise. Aujourdhui, les entreprises familiales reprsentent un poids

    conomique non ngligeable en ralisant des performances financires parfois meilleures que celles des

    23 JACQUEMIN Alexis/DE GHELLINCK Elizabeth, Proprit, contrle et profitabilit des grandes entreprises franaises, EIASM, n 58, dcembre, 1976 24 CHARREAUX Grard, Structures de proprit, relation d agence et performance financire, Revue conomique, 1991, vol. 42, n 3, p. 521 25 MOURIER Y. Linfluence du type de contrle sur la performance des grandes entreprises franaises, Cahier de recherche nXXXIII, CEREFIA, Universit de Rennes, mars 1992 26 ALLOUCHE Jos/AMANN Bruno, La confiance : une explication des performances des entreprises familiales, conomie et Socits (srie : Sciences de Gestion, n. 25), 1998, nos 8-9, p. 129 27 Des centres de recherche se sont dj crs dans plusieurs coles prestigieuses dont lINSEAD, lIESE. LAssociation internationale de la recherche sur lentreprise familiale (IFERA) a t fonde en 2001. Bas Lausanne, le Family Business Network (FBN) regroupe plus de 1200 familles du monde entier : les sections espagnole et finlandaise comptent chacune plus de 150 membres. Les Hnokiens, qui ont leur sige Paris, regroupent une quarantaine dentreprises familiales au moins bicentenaires 28 GLINIER Octave/GAULTIER Andr, Lavenir des entreprises personnelles et familiales, Editions Hommes et techniques, 1974, p. 22-24 - WAGEN Monica, Les atouts de l'entreprise familiale, suppl. conomique du Journal de Genve, 17 fvrier 1994 - JOFFRE Patrick/WICKAM Sylvain, Les atouts des entreprises moyennes (Dossier : Entreprises moyennes : Le retour ?), Revue franaise de gestion, 1997, n 116, p. 64 - HABBERSHON G. Timothy/WILLIAMS L. Mary, A resource-based framework for assessing the strategic advantages of family firms, Family Business Review, 1999, vol. 12, n 1, p. 1 - SIRMON G.David/HITT A.Michael, Managing Resources: Linking Unique Resources, Management and Wealth Creation in Family Firms, Entrepreneurship Theory and Practice, 2003, vol. 27, n 4, p. 339

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    entreprises non familiales29. Caractrise par le degr de dtention du capital par la famille, le degr

    dimplication de la famille dans le management ou encore lintention de transmettre lentreprise la

    gnration suivante, lentreprise familiale peut se dfinir comme une organisation o deux ou plusieurs

    membres de la famille tendue influencent la marche (la direction) de lentreprise travers lexercice des

    liens de parent, des postes de management ou des droits de proprit sur le capital 30. Ainsi, avant de

    pntrer au cur du dbat, il est ncessaire dclaircir ce que recouvre la socit familiale31. Aucun

    consensus, juridique ou thorique, nen prcise la nature. Cest pourquoi il est important de rflchir aux

    composantes qui pourraient contribuer distinguer la socit familiale.

    En dpit de sa prdominance dans lindustrie, la socit familiale est mal connue en Europe.

    Extraordinairement prsente dans la vie quotidienne, elle est trop souvent assimile de faon simpliste une

    entreprise de petite et moyenne taille, alors quelle peut avoir la forme dune petite entreprise artisanale,

    dune PME dynamique aux ambitions internationales, ou dune multinationale de luxe la renomme

    prestigieuse. Lentreprise familiale fonctionne diffremment dune entreprise non familiale cause de

    linteraction complexe et permanente entre la famille et lentreprise. Diriger une entreprise familiale, cest

    surtout matriser cette interaction constante. Elle est unique dabord par son identit. Jusqu prsent, aucune

    dfinition na pas pu tre reconnue et adopte universellement, bien quil existe des signes particuliers

    permettant dtablir sa carte didentit. Par ailleurs, les buts fondamentaux des entreprises familiales sont

    assez particuliers. Celles-ci donnent la priorit leur survie et leur indpendance financire. Les choix

    stratgiques des entreprises familiales rvlent certaines exigences : qualit, innovation, satisfaction du client.

    Enfin, lorganisation relativement informelle de ces socits permet de cultiver lesprit de communaut.

    Lentreprise familiale est assortie dun certain nombre de caractristiques qui dcoulent de la donne

    fondamentale quest la dtention par la famille de la proprit dune fraction significative du capital.

    Statistiquement, lentreprise familiale merge toujours dans la littrature managriale comme une 29 TAGIURI Renato/DAVIS A. John, On the Goals of Successful Family Companies, Family Business Review, 1992, vol. 5, n1, p. 43 - SWINTH L . Robert/VINTON L . Karen, Do Family-Owned Businesses Have a Strategic Advantage in International Joint Ventures ?, Family Business Review, 1993, vol. 6, n1, p. 19 - CAREY SHANKER Melissa, Myths and Realities: Family Businesses' Contribution to the US Economy. A Framework for Assessing Family Business Statistics, Family Business Review, 1996, vol. 9, n 2, p.107 - WESTHEAD Paul/COWLING Marc, Performance contrasts between family and non-family unquoted companies in the UK, International Journal of Entrepreneurial Behaviour & Research, 1997, vol. 3, n1, p. 30 - ALLOUCHE Jos/AMANN Bruno, La confiance : une explication des performances des entreprises familiales, Economies et Socits, 1998, n8, p. 128 - BARNETO Pascal, La performance financire des entreprises familiales cotes sur le second march de la bourse de Paris, La Revue du Financier, 1999, n123, p. 94 - BHATTACHARYA Utpal/RAVIKUMAR B., Capital Markets and the Evolution of Family Businesses, Journal of Business, 2001, vol. 74, n2, p. 187 - McCONAUGBY L. Daniel/MATTHEWS H. Charles FIALKO S. Anne, Family Business. Founding Family Controlled Firms: Performance, Risk, and Value, Journal of Small Business Management, 2001, vol. 39, n1, p. 31 - ANDERSON C. Ronald - REEB M. David, Founding-Family Ownership and Firm Performance: Evidence from the S&P 500, Journal of Finance, 2003, vol. 58, n3, p. 1301 - CHRISMAN J. James/CHUA H. Jess/LITZ Reginald, A unified systems perspective of family firm performance: An extension and integration, Journal of Business Venturing, 2003, vol. 18, n4, p. 467 - LEENDERS Mark/WAARTS Eric, Competitiveness and Evolution of Family Businesses: The Role of Family and Business Orientation, European Management Journal, 2003, vol. 21, n 6, p. 686 - BARONTINI Roberto/CAPRIO Lorenzo, The Effect of Family Control on Firm Value and Performance: Evidence from Continental Europe, European Financial Management, 2006, vol. 12, n 5, p. 689 - LE BRETON-MILLER Isabelle/MILLER Danny, Why Do Some Family Businesses Out-Compete? Governance, Long-Term Orientations, and Sustainable Capability, Entrepreneurship Theory and practice, 2006, vol. 30, n6, p 731 - EL CHAARANI Hani, Structure d'actionnariat et performance des entreprises familiales cotes : le cas de structure contrle minoritaire, thse Universit Bordeaux IV, 2009 - COLLI Andrea, Contextualizing Performances of Family Firms: The Perspective of Business History, Family Business Review, sept. 2012, vol. 25, p. 243 - PRAMODITA Sharma/CARNEY Michael, Value Creation and Performance in Private Family Firms: Measurement and Methodological Issues, Family Business Review, sept. 2012, vol. 25, p. 233 30 TAGIURI Renato/DAVIS John, Bivalent Attributes of the Family Firm, Family Business Review, 1996, vol. 9, n 2, p.199 31 Lorigine latine de famille provient de familia et recouvre tous ceux qui vivent sous le mme toit, matres et serviteurs, et sur qui rgne lautorit du pater familia, le chef de famille : Dictionnaire Historique de la Langue Franaise, Le Robert, 1998. La communaut de vie et lautorit partiarcale en sont les caractristiques majeures : voir galement DE SINGLY Franois, La famille : transformations rcentes, La Documentation Franaise, Paris, 1992

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    caractristique frquente des Petites et Moyennes Entreprises. La terminologie classique entreprises

    familiales , issue du family business amricain ne semble pas poser de problme particulier dans la plupart

    des pays. Le choix des termes dsignant les entreprises familiales est vari. Sous les appellations entreprises

    familiales, socits familiales, entreprises en mains familiales, affaires de famille, ou bien family businesses,

    family- owned businesses, family firms, family corporations en anglais, se cachent les mmes ralits. En

    France, on prfre lexpression plus gnrale d entreprises patrimoniales comprenant la fois les

    entreprises (o les actionnaires ont des liens de parent), les entreprises personnelles (qui deviendront souvent

    familiales terme) et les entreprises dassocis non apparents de plus en plus frquentes32. En rsum, les

    entreprises familiales, quelle que soit leur importance, ne peuvent prtendre reprsenter la totalit des

    entreprises patrimoniales (owners managed enterprises), cest--dire celles o les dirigeants ont une part

    significative du capital leur permettant de prendre les dcisions stratgiques long terme33. Les auteurs qui

    tudient les PME recensent parmi les facteurs de structuration de leur identit la proprit familiale du capital.

    Selon le Professeur Grard HIRIGOYEN, les entreprises familiales doivent tre apprhendes comme un

    rseau de liens particuliers et organiques qui unissent les personnes entre elles et influencent les modes de

    gouvernement34

    Quest-ce qui dfinit donc une entreprise familiale ? La littrature thorique abonde de dfinitions de

    lentreprise familiale. Si certaines sont larges et imprcises, dautres sont dune prcision mticuleuse. Deux

    approches apparaissent : les dfinitions uni-critre et multi-critres. Le critre de la proprit familiale

    domine mais Jos ALLOUCHE et Bruno AMANN35 considrent que les dfinitions les plus pertinentes

    sont celles qui utilisent conjointement plusieurs critres : le contrle de la proprit, le contrle, o au moins

    linfluence sur le management et lintention de transmettre lentreprise la gnration future . Ces critres

    font le lien entre la famille et lentreprise : la proprit du capital de la socit est assimilable au patrimoine

    familial, la direction familiale de la firme au patrimoine culturel et organisationnel et la transmission la

    continuit familiale. Il est cependant objectivement dlicat de trouver une bonne dfinition de lentreprise

    familiale pour plusieurs raisons ; la loi ne diffrencie pas une entreprise familiale dune entreprise non

    familiale car aucun systme lgislatif ne distingue ces deux entits conomiques. En outre, ltude des

    entreprises familiales en Europe, comme type particulier de socit, est trs rcente et les rares publications

    sur les entreprises familiales ne sont pas parvenues jusqu prsent fournir une dfinition universellement

    reconnue. En ralit, trois types dauteurs ont crit sur lentreprise familiale : ceux pour qui il nest pas

    32 Lexpression entreprises patrimoniales qualifie un ensemble diffrent de celui des entreprises familiales, avec toutefois une dfinition plus strictement capitalistique : de sorte quil existe des entreprises patrimoniales d pourvues de caractre familial. Cest le cas dentreprises fondes par 5 ou 10 associs sans lien de parent mais rassembls autour dun projet commun et dun mme investissement en capital. Bien souvent, dans le langage maison dune telle entreprise, les principaux associs sont dsigns comme la famille car ils forment le noyau stable dont la famille est le modle habituel. En bref, cest lentreprise dirige par ses principaux actionnaires personnes physiques, dont le patrimoine personnel est largement investi dans lentreprise : GELINIER Octave, La russite des entreprises familiales : les moyennes entreprises patrimoniales, un atout pour lavenir, ditions Maxima, Paris, 1996, p. 15 et s. 33 KENYON-ROUVINEZ Denise/WARD L. John, Les entreprises familiales. Que sais- je?, PUF, 1re dition, 2004, p. 5 34 HIRIGOYEN Grard, Le gouvernement des entreprises familiales, in La gestion des entreprises familiales, conomica, Paris, 2002, p. 17 35 ALLOUCHE Jos/AMANN Bruno, Lentreprise familiale : un tat de lart, Finance, Contrle, Stratgie, mars 2000, vol. 3, n 1, p. 33. Ces auteurs retiennent surtout celle propose par DAVIS et TAGUIRI (TAGIURI Renato/DAVIS John, Bivalent Attributes of the Family Firm, Family Business Review, 1996, vol. 9, n 2, p.199): Une organisation dans laquelle plusieurs membres de la famille tendue influencent la marche (la direction) de lentreprise travers lexercice des liens de parent, des postes de management ou des droits de proprit sur le capital

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    important de dfinir ce que reprsente une entreprise familiale, ceux qui amalgament entreprise familiale et

    PME, et enfin ceux qui sappliquent donner une dfinition explicite de la socit familiale. Dans cette

    dernire catgorie, on retrouve des spcialistes tels que Robert DONNELLEY et Octave GLINIER et Andr

    GAULTIER36.

    Robert G. DONNELLEY prcise clairement, dans un article intitul The Family Business , paru

    dans la Harvard Business Review en 196437, quune entreprise est considre comme familiale ds lors

    quelle est fortement identifie une famille durant au moins deux gnrations, et que ce lien influence la

    fois les politiques de lentreprise et les intrts et objectifs de la famille elle- mme. Plus prcisment, il

    fournit une liste des sept conditions qui permettent didentifier une entreprise familiale, ds lors quune ou

    plusieurs dentre elles sont satisfaites :

    - Le lien familial est un des facteurs dterminant la gestion de la succession

    - Les pouses et fils des dirigeants actuels ou passs sont membres du conseil dadministration

    - Les grandes valeurs institutionnelles de lentreprise sont identifies une famille

    - Les agissements dun membre de la famille refltent ou sont supposs reflter la rputation de lentreprise

    - Les autres membres de la famille impliqus dans lentreprise se sentent obligs de conserver les actions

    de la socit pour des motifs autres que financiers, et spcialement dans les priodes de dficit

    - La position occupe par un membre de la famille dans lentreprise familiale influence sa position dans la

    famille

    - Un membre de la famille doit mettre fin son lien avec lentreprise familiale en tablissant sa propre

    carrire.

    Octave GLINIER et Andr GAULTIER notent que les entreprises familiales sont caractrises

    par : () linteraction entre la vie de lentreprise et la vie dune famille (ou de plusieurs) ; lentreprise

    dpend de la famille et la famille dpend de lentreprise ; il y a imbrication entre les vnements familiaux et

    sociaux. Pour tre plus prcis, cest surtout lorsque la famille dtient la majorit du capital et exerce le

    pouvoir de direction38 . Mais lentreprise familiale peut tre dfinie ngativement, cest--dire par ce quelle

    36 Selon le Professeur Alain COURET, lentreprise familiale peut tre approche autour de trois caractristiques qui paraissent rcurrentes dans la littrature managriale : Lentreprise familiale est caractrise par un mode particulier dexercice du pouvoir ; Elle repose sur la notion de risque et de responsabilit ; Elle est par essence menace dans sa prennit (COURET Alain, Le concept dentreprise familiale et sa place dans les conomies nationales et europennes, Annales de lUniversit des Sciences Sociales de Toulouse, tome XLI, Presses de lUniversit des Sciences Sociales de Toulouse, 1993, p. 9) - Lentreprise familiale typique est celle dont les membres dune mme famille contrlent le capital et participent activement la direction, entretenant un lien durable entre famille et entreprise : GELINIER Octave, La russite des entreprises familiales : les moyennes entreprises patrimoniales, un atout pour lavenir, ditions Maxima, Paris, 1996, p. 15 et s. - quelle que soit sa taille ou sa forme, dans laquelle les droits, la majorit ou une fraction importante des droits qui confrent le pouvoir sont dtenus directement ou indirectement par les membres dune mme famille : LE NABASQUE Herv/BOUSSIER Francis/RICHEN Franois, La transmission de lentreprise familiale, DALLOZ, 1992, p. 31 37 DONNELLEY Robert, The Family Business, Harvard Business Review, 1964, vol. 42, n4, p. 93 38 GLINIER Octave/GAULTIER Andr, Lavenir des entreprises personnelles et familiales (Dveloppement. Capital. Succession. Structures. Progrs social), Editions Hommes et techniques, 1974, p. 19. Et ils sattachent ne considrer une entreprise comme familiale que lorsqu elle a survcu la premire gnration. Ils prcisent : Au niveau du fondateur, cest dabord une entreprise personnelle, qui a le plus souvent la forme dune socit, mais dont il dtient la majorit (ventuellement avec les cofondateurs). Cest partir de la deuxime gnration, celle des enfants du fondateur, que lon se trouvera en prsence dune entreprise familiale, contrle par la famille du fondateur (ou par les familles des fondateurs) - Sur la dfinition de lentreprise familiale voir, DONCKELS Rik/FRHLICH Erwin, Are Family Businesses Really Different? European Experiences from STRATOS, Family Business Review, 1991, vol. 4, n 2, p. 149 - DAILY H. Catherine/DOLLINGER J. Marc, Alternative methodologies for identifying family versus non family managed businesses, Journal of Small Business Management, avril 1993, vol. 31, p. 79 - WORTMAN S. Max, Theoretical Foundations for Family-Owned Business: A Conceptual and Research-Based Paradigm, Family Business Review,

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    nest pas : ne se distingue pas par sa taille, par le nombre de ses employs et la taille de son capital. Un grand

    nombre des socits familiales sont des PME, mais les PME ne sont pas toutes des socits familiales. En

    ralit, lventail des entreprises familiales est large : on y trouve des petites entreprises familiales artisanales,

    des PME rgionales, des entreprises denvergure nationale, et mme de grands groupes internationaux. Par

    ailleurs, lentreprise familiale ne se caractrise pas non plus par une forme juridique particulire car les

    socits sous contrle familiale stendent de lentreprise individuelle la structure internationale et elles

    recouvrent toutes les formes de socits : S.A, SARL, Socit en commandite par actions etc.

    Une dfinition synthtique de la socit familiale pourrait runir les trois conditions suivantes39 :

    - Le capital social doit tre dtenu par un membre ou dune mme famille. Il sagit dun contrle relatif des

    parts car, avec 10 ou 20%, une famille peut distancer nimporte quel autre propritaire de parts, et ainsi

    exercer le pouvoir de contrle et de blocage du capital. En ralit, il nexiste pas de taux plancher de

    dtention du capital au-del duquel lentreprise est dite familiale. En effet, le contrle de la famille peut tre

    insignifiant dans le cas o elle possde 20% du capital, tandis quun autre actionnaire en dtient 38%40. D o

    la ncessit dtudier la part relative de capital dtenue par rapport aux autres actionnaires.

    - Une participation active de la famille la direction. Au moins un membre de la famille se trouve dans

    lquipe dirigeante

    - Un lien troit entre la famille et lentreprise. Il doit exister un lien si troit que les deux ensembles

    exercent une influence rciproque. En dautres termes, une entreprise est familiale lorsque la prise de risque,

    cest--dire actionnariat et management sont simultanment exercs par la famille41.

    On voit donc que lentreprise familiale diffre des autres en ce quelle combine une entreprise et une

    famille, deux univers qui comportent chacun des besoins, des objectifs, une vie et des croyances qui leur sont

    1994, vol. 7, n 1, p. 3 - LITZ A. Reginald, The Family Business: Toward Definitional Clarity, Family Business Review 1995, vol. 8 n 2, p. 71 - CATRY Bernard- BUFF Airelle, Le Gouvernement de lEntreprise Familiale, Publi-Union ditions, 1996, p. 15 - LE VIGOUREUX Fabrice, Entreprises moyennes : structures de proprit et comportement stratgique, Revue franaise de gestion, nov. dc. 1997, n 116, p. 71 - CHUA H. Jess/CHRISMAN J. James/SHARMA Pramodita, Defining the Family Business by Behavior, Entrepreneurship Theory and Practice, 1999, vol. 23, n4, p. 19-39 - ASTRACHAN Joseph/KLEIN Sabine/SMYRNIOS Kosmas, The F-PEC Scale of Family Influence: A Proposal for Solving the Family Business Definition Problem, Family Business Review, 2002, vol. 15, n1, p. 45 - BURKART Mike/PANUNZI Fausto/SHLEIFER Andrei, Family Firms, The Journal of Finance, 2003, vol. 58, n 5, p. 2167 - CHUA H. Jess/STEIER P. Lloyd/CHRISMAN J. James, An introduction to theories of family business, Journal of Business Venturing, 2003, vol. 18, n4, p. 441 - CHUA H. Jess/CHRISMAN J. James/CHANG P.C. Erick, Are family firms born or made? An exploratory investigation, Family Business Review, 2004, vol. 17, n1, p. 37 - GOMEZ Gonzalo, Typologies of Family Business: A Conceptual Framework Based on Trust and Strategic Management, Family Business Casebook Annual, 2004, p. 27 KENYON-ROUVINEZ Denise/WARD John, Les entreprises familiales Que sais-je?, ditions PUF, 2004, p. 9 - BASLY Sami, Linternationalisation de la PME Familiale : une analyse fonde sur lapprentissage organisationnel et le dveloppement de la connaissance, thse Universit Bordeaux IV, 2005, p. 36 - POULAIN-REHM Thierry, Quest-ce quune entreprise familiale ? Rflexions thoriques et prescriptions empiriques, La Revue des Sciences de Gestion, 2006/3, n219, p. 77 - HOWORTH Carole/ROSE Mary/HAMILTON Eleanor/WESTHEAD Paul, Family firm diversity and development: An introduction, International Small Business Journal, oct 2010, vol. 28, no. 5, p.437 39 CATRY Bernard/BUFF Airelle, Le gouvernement de lentreprise familiale, ouvrage prcit, op. cit. p. 15-25 40 Selon larticle L. 233- 3 du Code de commerce, une socit est considre comme en contrlant une autre : lorsqu elle dtient directement ou indirectement une fraction du capital lui confrant la majorit des droits de vote dans les assembles gnrales ; lorsqu elle dispose seule de la majorit des droits de vote en vertu dun accord conclu avec d autres associs ou actionnaires qui nest pas contraire lintrt de la socit ; lorsquelle dtermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les dcisions de lassemble gnrale ; lorsqu elle est associe ou actionnaire de cette socit et dispose du pouvoir de nommer ou de rvoquer la majorit des membres des organes dadministration, de direction ou de surveillance de cette socit. Cette dfinition sapplique en fait au contrle du capital dune socit par une autre mais lapproche peut tre transpose une famille. 41 On pourrait mme envisager la prsence de deux familles propritaires au sein de lentreprise. Dans ces cas, cette cohabitation engendre des difficults exceptionnelles. Par ailleurs, Octave GLINIER et Andr GAULTIER ont introduit la condition dappartenance de lentreprise la mme famille depuis deux ou trois gnrations. Cette condition des deux ou trois gnrations est considre comme trop limite comme elle exclut les entrepreneurs de premire gnration, tel Benetton : GLINIER Octave/GAULTIER Andr, Lavenir des entreprises personnelles et familiales (Dveloppement. Capital. Succession. Structures. Progrs social), ouvrage prcit, op. cit. p. 19 s.

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    propres. Il est mme utile de prendre en considration que les rgles de la famille et celles de lentreprise sont

    non seulement diffrentes mais parfois contradictoires entre elles. La famille est rgie par des normes

    dgalit, dintgration et de sollicitude. Lentreprise, elle, applique des critres de mrite, de slection et

    danalyse objective. Ces diffrences fondamentales sont des sources potentielles de conflit, notamment en

    matire demploi, de rmunration, dhritage, de rinvestissement, etc. Ds lors, les dcisions doivent-elles

    privilgier le bien-tre de la famille ou la sant de lentreprise ? Et avec le temps, lorsque ces dcisions ne

    trouvent pas de solution, le conflit saggrave et la famille doit trouver un moyen de le rsoudre. Limpact de

    ces conflits peut alors dtruire lentreprise, la famille, ou les deux la fois42. Limbrication de la famille et de

    lentreprise conduit donc des enjeux et des menaces trs particuliers centrs sur la prennit de lentreprise

    et la continuit familiale43. Mais lpreuve successorale est videmment la menace la plus grande44. Les

    entreprises familiales ont un destin souvent tragique : aux USA, on considre que la dure moyenne dune

    entreprise familiale est de 24 ans, cest--dire approximativement le priode de prsence du fondateur dans

    lentreprise45. On sait que le dcs du chef dentreprise constitue une source non ngligeable de dfaillances

    dentreprises. Lentreprise familiale est minemment dpendante de la personne de son chef, de ce que lon

    appelle parfois la centralit de ce chef. La grande majorit des patrons souhaitent quun membre de la famille

    reprenne la direction de laffaire. Les dirigeants sont conscients de cet enjeu, mais ne prparent pas

    concrtement leur succession car bon nombre oublient que la gestion de la transmission doit se faire selon un

    processus global et structur. Par ailleurs, il est bien difficile pour celui qui est souvent le crateur de laffaire

    de rsoudre conjointement la succession du capital et la succession du pouvoir. Car, dans lentreprise

    familiale, la transmission du pouvoir ne pourra se faire quavec la transmission du capital. Enfin, la famille

    est galement menace dclatement loccasion de la transmission.

    La prise de conscience de la nature unique des entreprises familiales a suscit lintrt des

    chercheurs lanalyse de leurs prises de dcision relatives notamment leur structure juridique. On sait bien

    que la structure juridique est dfinie par le droit des socits. Selon les professeurs Paul LE CANNU et Bruno

    DONDERO, le droit des socits vise : runir et rmunrer linvestissement dans les activits

    conomiques ; organiser la gestion des moyens investis, et le contrle de cette gestion ; permettre aux

    socits dvoluer en fonction des circonstances conomiques 46. A partir de ces missions et notamment de

    la dernire, plusieurs structures juridiques existent allant de lentreprise individuelle la socit anonyme.

    La structure juridique dtermine les conditions de fonctionnement de l'entreprise : son organisation

    explicite, ses organes de constitution et la rpartition des rles, des pouvoirs et des responsabilits de chacun

    des membres qui la composent. Lgalement, l'entreprise ne peut pas dfinir sa propre structure. Elle doit

    choisir parmi lentreprise individuelle (El), socit en nom collectif (SNC), socit responsabilit limite

    (SARL), socit en commandite simple (SECS) et par actions (SECPA), socit anonyme (SA), socit

    anonyme simplifie (SAS), socit en participation (SP) pour les principales. La loi laisse un espace de libert

    42 KENYON-ROUVINEZ Denise/WARD L. John, Les entreprises familiales. Que sais- je?, PUF, 1re dition, 2004, p. 13-15 43 NEUBAUER Fred/LANK Alden, The Family Business, its Governance for Sustainability, Routlegde, New York, 1998 44 GLINIER Octave/GAULTIER Andr, Lavenir des entreprises personnelles et familiales, ouvrage prcit, op. cit. p. 99 s 45 DONCKELS Rik, A remettre : entreprises familiales : La problmatique de la succession, Fondation Roi Baudouin, Roularta Books SA, 1989, Bruxelles 46 LE CANNU Paul/DONDERO Bruno, Droit des socits, 4me edition, Montchrestien-Lextenso, Paris, 2012, p. 49

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    aux associs : la dfinition des statuts. Ces derniers dfinissent des rgles de fonctionnement interne dont la

    formulation incombe aux associs. Les rles, les responsabilits, les pouvoirs, les procdures et les marges de

    manuvre sont diffrents selon la structure choisie, sa slection doit s'inscrire dans une stratgie pertinente.

    Mais un mauvais choix peut compromettre la nature familiale de l'entreprise.

    Loriginalit et lintrt du choix de la structure juridique dans lentreprise familiale proviennent de

    l'influence des interrelations des liens familiaux et du formalisme juridique. Selon le contexte dans lequel se

    trouve l'entreprise, le choix s'effectue lorsque la structure juridique permet de combiner de faon optimale les

    facteurs dcisifs suivants: rythme de croissance, accs aux moyens de financement, fiscalit associe au

    dveloppement, au patrimoine et la transmission, volution de l'interaction entreprise/famille et continuit

    familiale. La firme familiale est un rseau complexe de relations crant des mcanismes de gouvernance

    sophistiqus sur lesquels se juxtapose la structure juridique explicite et formelle. Lintrt est dquilibrer

    l'ensemble de ces facteurs pour se dvelopper tout en restant familiale47.Conserver le caractre familial de

    l'entreprise suppose que la famille garde la place prpondrante qu'elle occupe en se servant de la structure

    juridique pour limiter les contraintes pesant sur cette continuit.

    Ainsi, la famille souhaite trouver les moyens de financer l'expansion de l'entreprise, en ayant

    recours ventuellement des capitaux externes, tout en conservant la place prpondrante qu'elle dtient dans

    le capital, signal du caractre familial de la firme. La thorie de l'agence enseigne que la survie de l'entreprise

    dpend de l'adaptation de sa forme organisationnelle ses capacits et ses besoins. Au dmarrage de

    l'activit, la taille de l'entreprise justifie le choix d'une structure juridique dont le capital requis est faible : EI,

    SNC, SECS ou SARL. Lorsqu'elle se dveloppe, l'entreprise a de nouveaux besoins financiers et humains qui

    l'orientent vers une autre forme juridique. Le rythme de croissance de la firme repose sur la nature de son

    activit et les attentes de la famille. La petite entreprise croissance modeste que la famille ne souhaite pas

    modifier choisit des structures juridiques non complexes comme l' EI, la SNC, la SECS ou la SARL de

    famille. Au contraire, si la famille privilgie ou est confronte une forte croissance, les besoins financiers et

    juridiques importants impliquent des structures complexes comme la SECPA ou la SA. ce titre, les

    entreprises de type start-up demeurent une exception. Ds leur cration, elles associent capitaux familiaux et

    externes, trs tt, elles sont contraintes d'adopter la SA48. Le financement de la croissance par recours

    l'emprunt est habituellement assez modeste dans les entreprises familiales. Elles souhaitent conserver leur

    indpendance financire vis--vis des tablissements de crdit et, de fait, prsentent un ratio d'endettement

    47 Cline BARRDY tudie le choix stratgique de la structure juridique des entreprises familiales dans une perspective dynamique de croissance et ses consquences en termes de gouvernance. Elle montre tout dabord que la structure juridique est un instrument la fois du dveloppement de lentreprise et de la continuit familiale: Le choix de la structure juridique dans lentreprise familiale constitue une problmatique complexe. Elle permet dadapter laccs au financement aux besoins de dveloppement de lentreprise et elle facilite la transmission dans la continuit familiale. Son rle est aussi de complter les mcanismes de la gouvernance familiale pour renforcer le contrle des membres de la famille et leur permettre de maintenir leur intrt pour la firme : BARRDY Cline, Structures juridiques, gouvernance et dveloppement de lentreprise in La Gestion des Entreprises familiales, Economica, Paris, 2002, p. 127 et s. 48 Le Prsident d'une socit familiale de fournitures lectriques affirmait lors d'un entretien avoir essay de nombreuses structures juridiques pour dvelopper sa firme. Il avait dbut dans les annes 1950 par une SARL qui permettait son frre et lui-mme d'tre co-associs et grants. L'entreprise a rapidement connu un franc succs. De nombreux marchs se sont ouverts et des investissements importants sont devenus indispensables. Les deux frres durent avoir recours des capitaux non familiaux. Nous avons mme t contraints de recourir des emprunts bancaires. Il n'tait plus possible de conserver la SARL. Nos nouveaux associs voulaient tre reprsents dans les organes de dcisions et la banque a mme souhait participer au capital. Mais, nous ne voulions pas leur donner une place trop importante. Nous avons alors choisi la SA : Cit par BARRDY Cline, Structures juridiques, gouvernance et dveloppement de lentreprise, article prcit, op. cit. p. 128

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    rduit49. Dans ce contexte, seule la mobilisation de nouveaux capitaux procure du financement. Or, le

    principal critre de dfinition de l'entreprise familiale est la place prpondrante de la famille dans le capital

    de l'entreprise. Un dilemme apparat alors : comment conserver le caractre familial tout en augmentant le

    capital lorsqu'il existe un cart entre le besoin de financement et les apports mis disposition par la famille ?

    Pour que la croissance ne se finance pas au dtriment de la nature familiale de l'entreprise, la possibilit de

    choisir les nouveaux apporteurs de capitaux s'impose. Les diffrentes structures juridiques permettent plus ou

    moins de raliser ce choix.

    Deux considrations essentielles dterminent donc la rsolution de ce dilemme. La famille doit

    choisir des structures qui attirent les investisseurs, familiaux ou non, en les slectionnant pour ne pas

    compromettre la nature familiale de l'entreprise. La structure juridique permet d'attirer de nouveaux

    investisseurs si elle ne leur impose pas de lourdes responsabilits et si elle leur offre une libert de

    mouvement dans le capital. Par exemple, apporter du capital dans une SARL, une SNC ou une SECS astreint

    beaucoup plus que dans une SECPA ou une SA. Dans les trois premires structures, la cession des parts

    sociales est contrainte car soumise l'autorisation des autres associs. En revanche, dans la SA et la SECPA,

    la vente des parts est libre, le nombre d'actionnaires n'est pas limit. Dans ces structures, les apporteurs de

    capitaux ont une responsabilit limite tout en disposant d'un droit de contrle sur la gestion. Les organes de

    direction se chargent des prises de dcision et en sont responsables. Il est ainsi plus ais d'attirer du capital

    dans une SA ou une SECPA que dans une SNC, une SECS ou une SARL qui ne sont pas conues pour des

    associs nombreux et des capitaux importants50.

    Pourquoi avons nous choisi ltude de la socit familiale anonyme non cote ? Et pour tre

    encore plus prcis, pourquoi on a choisi ltude de la socit familiale anonyme non cote par rapport au

    gouvernement dentreprise ? Avant de rpondre cette question, consacrons quelques lignes ce quentend

    par lexpression gouvernement dentreprise ou corporate governance 51. Selon la dfinition de Sir

    Adrian CADBURY52, Corporate Governance is the system by which companies are managed and

    49 HIRIGOYEN Grard, Le comportement financier des moyennes entreprises industrielles familiales, Banque, 1982, n 417, p. 588 50 BARRDY Cline, Structures juridiques, gouvernance et dveloppement de lentreprise, article prcit, op. cit. p. 130 et s.- Voir galement LE CANNU Paul/DONDERO Bruno, Droit des socits, 4me edition, Montchrestien-Lextenso, Paris, 2012, p. 406 51 Sur l ensemble de la question voir: CHARKHAM Jonathan, Keeping Good Company: a study of corporate governance in five countries, Oxford University Press, USA, 1994 - GOMEZ Pierre-Yves, Le gouvernement de l'entreprise : modles conomiques de lentreprise et pratiques de gestion, InterEditions/Masson, Paris, 1996 - MONKS Robert A.G./MINOW Nell, Watching the Watchers: Corporate Governance for the 21st Century, Blackwell Publishing, Cambridge Mass, 1996 - NCEL Franck, La gouvernance des entreprises, Economica, Paris, 1997 - CHARREAUX Grard, Le gouvernement des enterprises. Corporate governance. Thories et faits, Economica, Paris, 1997- FANTO James/PEZARD Alice, Corporate Governance in American and French Law, AEF- Montchrestien, Paris, 1997 - MAATI Jrme, Le Gouvernement dentreprise, De Boeck Universit, Bruxelles, 1999 - PARRAT Frdric, Le Gouvernement dEntreprise. Ce qui a dj chang. Ce qui va encore voluer (suivi de lenqute intgrale ralise pas KPMG), d. Maxima-L. du Mesnil, Paris, 1999 - PEYRELEVADE Jean, Le gouvernement d'entreprise ou les fondements incertains dun nouveau pouvoir, Economica, Paris, 1999 - GOMEZ Pierre-Yves, La Rpublique des actionnaires. Le Gouvernement des entreprises entre dmocratie et dmagogie, ditions Syros, Paris, 2001 - PESQUEUX Yvonn, Le gouvernement dentreprise comme idologie, d. Ellipses, Paris, 2001 - WIRTZ Peter, Politique de Financement et Gouvernement dEntreprise, ditions Economica, Paris, 2002 - GENAIVRE Elisabeth, Linvestissement en gouvernement dentreprise en France, ditions Publibook, Paris, 2003 - PARRAT Frdric, Le Gouvernement dentreprise, Dunod, Paris, 2003 - PREZ Roland, La gouvernance de lentreprise, La Dcouverte, Paris 2003 - PELTIER Frdric, La Corporate Governance au secours des conseils dadministration, DUNOD, Paris, 2004- CAUSSAIN Jean-Jacques, Le gouvernement d'entreprise, le pouvoir rendu aux actionnaires, LITEC, Paris, 2005 - CHARKHAM Jonathan/PLOIX Hlne, Keeping better company : corporate governance ten years on, Oxford University Press, USA, 2005 52 Le rapport Cadbury de 1992, The Financial Aspects of Corporate Governance, comprenait un Code of Best Practice l'intention des dirigeants des socits cotes. Ces travaux ont t prolongs en 1995 par un rapport Greenbury afin de lutter contre les rmunrations abusives, puis par un rapport Hampel en 1998 qui a pass en revue les recommandations des comits Catbury et Greenbury, suivi des rapports Turnbull en 1999, Smith et Higgs en 2003. Ces rapports ont t regroups dans le Combined Code on Corporate Governance,

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    controlled formule quon traduit ainsi : Le gouvernement dentreprise est le systme par lequel les

    socits sont diriges et contrles 53. Le terme anglo- saxon corporate governance, souvent traduit en

    France par lexpression gouvernement dentreprise ou par gouvernance dentreprise , est dfini comme

    tant le systme par lequel les entreprises sont diriges et contrles54. Dans sa version premire, le dbat sur

    le gouvernement dentreprise repose sur lhypothse suivante. Parce quils sont capables de saffranchir des

    diffrents mcanismes mis en place pour les contrler, les dirigeants dentreprises sont en mesure de

    sattribuer des rentes au dtriment des actionnaires et des autres partenaires de lentreprise (stakeholders). Il

    sagit donc de proposer un certain nombre doutils de contrle et dincitation des dirigeants susceptibles de

    rtablir lquilibre en faveur des diffrents groupes de stakeholders (actionnaires, cranciers, salaris, etc),

    daboutir une rpartition de la richesse cre plus quitable afin damliorer lefficacit des firmes55. Selon

    la dfinition propose par les professeurs Shleifer et Vishny, la corporate governance porte sur les moyens

    par lesquels les fournisseurs de capitaux de lentreprise peuvent sassurer de la rentabilit de leur

    investissement 56. Une telle dfinition attribue implicitement un premier objectif au gouvernement

    dentreprise : la maximisation de la richesse des actionnaires. Dautres dfinitions contrastent avec cette

    conception. Selon le professeur Grard CHARREAUX le gouvernement des entreprises recouvre

    lensemble des mcanismes organisationnels qui ont pour effet de dlimiter les pouvoirs et dinfluencer les

    dcisions des dirigeants, autrement dit, qui "gouvernent" leur espace discrtionnaire57 . Le commentaire

    apport par lauteur prcise le sens de cette dfinition : centre sur le rle dterminant des dirigeants, [elle]

    permet de dpasser lanalyse des relations entre les actionnaires et les dirigeants, souvent privilgie [] et

    de replacer le problme du gouvernement des entreprises dans lensemble de contrats et de relations

    quentretient lentreprise (et ses dirigeants) avec ses multiples partenaires quils soient actionnaires, mais

    galement, banquiers, salaris, clients ou pouvoirs publics . Elle permet aussi de souligner le rle essentiel

    que peuvent jouer les associs ou les administrateurs dans la dtermination du cadre et les rgles de

    lorganisation. Enfin, pour le professeur Olivier PASTR, le gouvernement dentreprise fait rfrence

    lensemble des rgles de fonctionnement et de contrle qui rgissent, dans un cadre historique et

    gographique donn, la vie des entreprises 58. Cette approche, qui ajoute une dimension socitale absente

    rgulirement mis jour et annex au rglement du London Stock Exchange. Voir Rapport CADBURY, The Financial Aspects of Corporate Governance. The Code of Best Practice, dcembre, 1992, sous la prsidence d Adrian Cadbury (http://www.ecgi.org/codes/documents/cadbury.pdf) et The UK Corporate Governance Code Financial Reporting Council- septembre 2012 (http://www.frc.org.uk/Our-Work/Publications/Corporate-Governance/UK-Corporate-Governance-Code-September-2012.aspx) 53 CAUSSAIN Jean-Jacques, Le Gouvernement dentreprise et les socits cotes, Gaz. Pal. 10 oct. 1998, p. 1265 54 PARRAT Frdric, Le Gouvernement dentreprise, DUNOD, Paris, 2003, p. 11 55 BANCEL Franck, La gouvernance des entreprises, Economica, Paris, 1997, p. 7 56

    SHLEIFER Andrei/VISHNY W. Robert, A Survey of Corporate Governance, The Journal of Finance, 1997, vol. 52, n2, p. 737 57 CHARREAUX Grard, Le gouvernement d'entreprise, in Encyclopdie des ressources humaines, ditions Vuibert, 2003, p. 628 58 PASTR Olivier, Le gouvernement dentreprise. Questions de mthodes et enjeux thoriques, Revue dconomie financire, 1994, n 31, p. 15 - Un rgime de gouvernement dentreprise doit assurer le pilotage stratgique de lentreprise et la surveillance effective de la gestion par le conseil dadministration, ainsi que la responsabilit et la loyaut du conseil dadministration vis--vis de la socit et de ses actionnaires : Principes de gouvernement dentreprise de l OCDE, 2004, p. 24. Par ailleurs, selon ltude The Comparative Study of Corporate Governance Codes Relevant to the European Union and its Member States , publie en janvier 2002 par Weil, Gotshal & Manges LL, rdige la demande de la Commission europenne en 2001 tablit ces diffrences smantiques (p.8): Corporate governance involves the mechanisms by which a business enterprise is directed and controlled, the mechanisms by which corporate managers are held accountable for corporate conduct and performance . La gouvernance d entreprise concerne les mcanismes par lesquels une entreprise est dirige et contrle, les mcanismes par lesquels les managers de la socit sont tenus responsables de la conduite de lentreprise et de ses performances : Comparative Study Of Corporate Governance Codes Relevant to the European Union And its Member States, FINAL REPORT & ANNEXES I-III, n behalf of the EUROPEAN COMMISSION,

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    des dfinitions prcdentes, introduit lide que la rflexion sur le gouvernement dentreprise ne peut tre que

    relative un contexte donn

    Les causes de lintensification du dbat sur la corporate governance sont diverses. Le professeur

    Olivier Pastr en retrace synthtiquement lhistoire59. Elle se droule en deux phases. La premire souvre

    avec la crise de 1929 et louvrage clbre de BERLE et MEANS, qui dcrit lmergence dun nouveau type

    de proprit, la proprit sans contrle, ainsi que le pouvoir croissant des managers60. Lorsque Galbraith61

    reprend le thme en 1967, souvre une priode pendant laquelle, au contraire, les managers retrouvent

    progressivement leur libert et leurs prrogatives.

    La rflexion est relance partir de la fin des annes 70, pour ne plus cesser de monter en puissance.

    En effet, dans les annes 1970, le management a lentire responsabilit de la gestion des socits. Certes,

    lassemble gnrale nomme les directeurs, mais elle ne possde que des pouvoirs limits et le conseil

    dadministration se compose de dirigeants salaris. Le contrle est donc faible. La vague des OPAs hostiles

    connue par les Etats Unis au cours des annes 80 offre une premire occasion de mettre en cause la capacit

    des dirigeants de grands groupes maximiser la valeur de lentreprise et de douter de la qualit du systme de

    corporate governance. Paralllement, une srie de turbulences se produit. La dcouverte, dans plusieurs

    socits, de paiements illicites raliss dans lignorance du conseil conduisent lautorit de march

    amricaine, la SEC, intervenir. Les annes 1991 1992 marquent une nouvelle rupture : les pertes records

    affiches par plusieurs gants de lconomie amricaine mettent en dfaut le systme de surveillance assur

    par le conseil dadministration et conduisent au remplacement des dirigeants de certaines des plus grandes

    entreprises amricaines : IBM, General Motors, Kodak, American Express

    Ce pays est en loccurrence le berceau des fonds de pension, qui sont progressivement devenus trs

    puissants compte tenu de la masse des capitaux grs. En invoquant un certain assainissement dans la

    direction de socits cotes, ils ont contribu orienter le dbat sur le gouvernement des entreprises, qui

    constitue pour eux une garantie supplmentaire pour leurs investissements, placs long terme. Toutes ces

    Internal Market Directorate General, Weil, Gotshal & Manges LLP, in consultation with the EASD (European Association of Securities Dealers) and ECGN (European Corporate Governance Network), janvier 2002, http://ec.europa.eu/internal_market/company/docs/corpgov/corp-gov-codes-rpt-part1_en.pdf 59 PASTR Olivier, Le gouvernement dentreprise. Questions de mthodes et enjeux thoriques, article prcit - Le gouvernement dentreprise que formalisent les investisseurs institutionnels trouve ses racines dans lactivisme des actionnaires tel que lont dvelopp les frres Gilbert. Ceux ci, ds les annes 1930, ont essay de transformer les assembles annuelles dactionnaires, ritualises et inutiles, en forum permettant dengager la responsabilit des directions dentreprise. Les frres Gilbert ont structur alors les principaux enjeux du gouvernement dentreprise tout en dmontrant que les actionnaires minoritaires pouvaient tre efficaces en tant que groupe de pression. Des activistes sociaux, dont les enjeux ont volu avec lhistoire des Etats Unis ont adopt leurs mthodes pour tenter de dvelopper la responsabilit sociale de lentreprise. Lactivisme social na pas disparu du paysage amricain. Mais au cours des annes 1980 dautres enjeux se sont imposs, ceux de la lutte contre les dfenses anti OPA, de la structure du conseil dadministration et du contrle de la performance: BRABET Julienne, La main visible des investisseurs institutionnels, Revue Franaise de gestion, 2002, n. spcial 141, Lactionnaire, p. 203 60 BERLE Adolph/MEANS Galdiner, The modern corporation and private property, New York, Harcourt Brace World, 1968 / New York, MacMillan, 1932. La dissociation de la proprit et du contrle rpond des impratifs techniques : rassembler des capitaux importants qui permettront de financer la production de masse. Mais le recours au march financier implique que les petits actionnaires, et parfois mme les actionnaires de rfrence, laissent des gestionnaires le soin de grer le capital. Dans ce cas, lentreprise ne serait plus contrle par ses propritaires mais par ses gestionnaires, et il ny a plus alors, selon Berle et Means, de prsomption que le profit sera maximis et que le capitalisme, dans son ensemble, restera efficace. La thse dfendue par BERLE et MEANS inspire une large part du corpus rglementaire amricain en faveur du droit des actionnaires. Ils prconisent linstauration de mcanismes correctifs, notamment des mesures de protection de lactionnaire. Voir aussi MAGNAN de BORNIER Jean, Proprit et contrle dans la grande entreprise : une relecture de Berle et Means, Revue Economique, 1987, vol. 38, n 6, p. 1171 61 GALBRAITH John Kenneth, The New Industrial State, New American Library, New York, 2me dition 1972, publi en France sous le titre Le nouvel tat industriel, ditions Gallimard, 1969

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    rflexions aboutissent, aprs plusieurs annes, la rdaction en 1994 par lAmerican Law Institute dun code

    de bonne conduite : les Principles of Corporate Governance, Analysis and Recommendations 62.

    En Europe, ltape dcisive