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(2007) Technologies de la communication, réseaux et territoire dans les pays en voie de développement, in Le Maghreb dans l'économie numérique, Mihoub Mezouaghi (dir), IRMC Tunis et Maisonneuve Larose 2007. 1 Technologies de la communication, réseaux et territoire dans les pays en voie de développement Annie CHENEAU-LOQUAY* Il existe différentes façons de considérer les relations entre technologies de la communication et territoire, particulièrement en ce qui concerne Internet, un réseau singulier qui dérouterait les géographes plus habitués à traiter des réseaux matériels comme les transports routiers ou ferroviaires. Cet article a pour objet d’expliciter en quoi consiste une démarche parmi d’autres, celle d’un géographe qui étudie les modes d’insertion des TIC dans les pays en voie de développement (PVD) où existe une tension entre deux types de mondialisation : l’une, formelle, a trait à une économie qui se définit comme « moderne » et dont la « nouvelle économie » serait le dernier avatar ; l’autre, informelle (et largement dominante), a trait aux réseaux de production et d’échanges de biens et de services qui répondent aux besoins d’une économie dite populaire largement urbaine et/ou informelle. Ces travaux s’inscrivent dans la lignée de ceux menés par quelques géographes français d’une part pour renouveler la géographie et d’autre part pour faire émerger cette question dans le champ disciplinaire (voir parties 1 et 2). Toutefois ils s’en distinguent car dans le contexte particulier des PVD, notamment des pays africains, l’insertion de ces technologies pose des problèmes spécifiques qui mettent au jour les enjeux dont ces technologies sont investies. Pour les aborder, une approche systémique nous paraît s’imposer, qui permet d’associer les jeux d’acteurs (logiques et stratégies) à la matérialité de leurs actions – réseaux et équipements installés, outils utilisés, recompositions spatiales –, en fonction d’un certain nombre de facteurs (techniques, économiques, politiques, culturels), tout en prenant en compte la dimension temporelle dans un contexte déterminé et en associant plusieurs échelles d’analyse : transnationale, nationale, régionale, locale. Cette approche constitue une grille de lecture géographique mais elle est susceptible d’intégrer différents apports disciplinaires et de faciliter la comparaison entre des situations nationales ou thématiques. I - Concepts et approches La géographie est une science en débats, en particulier aujourd’hui à propos de la manière d’analyser la « société de l’information » 1 . Sans refaire l’historique et *Directrice de recherche CNRS Centre d’études d’Afrique noire Institut d’études politiques de Bordeaux Coordinatrice du Groupement de recherche international Netsuds (www.gdri-netsuds.org) Responsable du programme Africa’nti (www.africanti.org) Maison des Suds 12 Esplanade des Antilles 33607 Pessac cedex 1 Pour plus de précision sur ce qu’est la géographie, voir l’article « Géographie » dans Les mots de la géographie de Roger Brunet (1992) qui examine son champ, l’espace, ses différentes formes, on pourrait dire ses différentes vicissitudes ; la géographie comme description, comme reconnaissance, géographie mathématique, ses paradigmes,

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Technologies de la communication, réseaux et territoire dans les pays en voie de développement

Annie CHENEAU-LOQUAY*

Il existe différentes façons de considérer les relations entre technologies de la communication et territoire, particulièrement en ce qui concerne Internet, un réseau singulier qui dérouterait les géographes plus habitués à traiter des réseaux matériels comme les transports routiers ou ferroviaires. Cet article a pour objet d’expliciter en quoi consiste une démarche parmi d’autres, celle d’un géographe qui étudie les modes d’insertion des TIC dans les pays en voie de développement (PVD) où existe une tension entre deux types de mondialisation : l’une, formelle, a trait à une économie qui se définit comme « moderne » et dont la « nouvelle économie » serait le dernier avatar ; l’autre, informelle (et largement dominante), a trait aux réseaux de production et d’échanges de biens et de services qui répondent aux besoins d’une économie dite populaire largement urbaine et/ou informelle. Ces travaux s’inscrivent dans la lignée de ceux menés par quelques géographes français d’une part pour renouveler la géographie et d’autre part pour faire émerger cette question dans le champ disciplinaire (voir parties 1 et 2). Toutefois ils s’en distinguent car dans le contexte particulier des PVD, notamment des pays africains, l’insertion de ces technologies pose des problèmes spécifiques qui mettent au jour les enjeux dont ces technologies sont investies. Pour les aborder, une approche systémique nous paraît s’imposer, qui permet d’associer les jeux d’acteurs (logiques et stratégies) à la matérialité de leurs actions – réseaux et équipements installés, outils utilisés, recompositions spatiales –, en fonction d’un certain nombre de facteurs (techniques, économiques, politiques, culturels), tout en prenant en compte la dimension temporelle dans un contexte déterminé et en associant plusieurs échelles d’analyse : transnationale, nationale, régionale, locale. Cette approche constitue une grille de lecture géographique mais elle est susceptible d’intégrer différents apports disciplinaires et de faciliter la comparaison entre des situations nationales ou thématiques. I - Concepts et approches La géographie est une science en débats, en particulier aujourd’hui à propos de la manière d’analyser la « société de l’information » 1. Sans refaire l’historique et

*Directrice de recherche CNRS Centre d’études d’Afrique noire Institut d’études politiques de Bordeaux Coordinatrice du Groupement de recherche international Netsuds (www.gdri-netsuds.org) Responsable du programme Africa’nti (www.africanti.org) Maison des Suds 12 Esplanade des Antilles 33607 Pessac cedex 1 Pour plus de précision sur ce qu’est la géographie, voir l’article « Géographie » dans Les mots de la géographie de Roger Brunet (1992) qui examine son champ, l’espace, ses différentes formes, on pourrait dire ses différentes vicissitudes ; la géographie comme description, comme reconnaissance, géographie mathématique, ses paradigmes,

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l’épistémologie des relations entre territoire et TIC, nous nous situerons dans ce débat en indiquant quelles sont nos principales références et positionnements scientifiques 2. La géographie, science sociale : un objet difficile à circonscrire Roger Brunet dans Les mots de la géographie (1992, 234), définit la géographie comme une graphie et comme une science sociale. Dans le sens le plus courant, la « géo-graphie », est un état de fait, un dessin de la terre, une connaissance de base des situations dans l’espace qui permet de savoir localiser les grands types de milieux physiques, les ressources minières, types d’agricultures, les États et leurs voisins et de les représenter sur une carte qui est toujours une interprétation subjective du réel. Mais surtout au-delà d’une graphie, la géographie est l’une des sciences des phénomènes de société. Elle a pour objet la connaissance de cette œuvre humaine qu’est la production et l’organisation de l’espace. Le champ de la géographie, c’est donc d’abord une intelligence de l’espace. C’est pourquoi elle a toujours été utile aux stratèges, aux marchands, aux promoteurs et autres investisseurs, aux promeneurs ou à quiconque se donne pour tâche de comprendre l’organisation et le fonctionnement des sociétés humaines. Mais avec ce genre de définition polysémique, tous les géographes sont sans cesse confrontés à la délimitation de leur objet.3 S’ils se sont longtemps interrogés et s’ils continuent à ne pas être d’accord, c’est en fait parce que la géographie diffère assez radicalement de la plupart des autres sciences humaines en ce qui concerne son domaine d’investigation. En général, les autres sciences définissent des limites à leur domaine dans l’univers des faits (la sociologie : les rapports sociaux ; l’économie : les rapports d’argent ; la politologie, les rapports de pouvoir ; le droit, les questions juridiques) ; ces limites permettent de classer les faits entre ceux qui concernent la discipline considérée et ceux qui ne la concernent pas. En revanche, le géographe se fixe principalement des limites dans l’espace et, une fois celles-ci définies, il est concerné par la plupart des phénomènes qui adviennent sur le territoire qu’il a délimité pourvu que ces faits participent au changement du territoire. En ce sens, il se rapproche de l’histoire pour laquelle, dans une période de temps donnée, tout phénomène peut être étudié. Aussi le géographe se sent-il fondé à incorporer dans sa recherche des éléments qui peuvent provenir d’autres disciplines ; dans notre cas, les sciences de l’information et de la communication, l’économie des réseaux, l’ingénierie…, ce qui ne doit pas en faire pour autant une science « carrefour » ou « de synthèse » (P. George, 2006). Pour contourner l’obstacle, les géographes étant fondés à intégrer dans leur analyse toute la palette des activités humaines, une multitude de catégories de géographies ont vu le jour, dont la « géographie de l’information » adoubée sous la forme d’une commission de l’Union géographique internationale.4 impérial, naturaliste, civique, écologique, et aussi la géopolitique qu’il ne supporte pas : « On l’oublia dès 45, il est revenu, ce n’est pas sûr que ce soit un progrès. Car rien dans la géographie ne commande la politique, on aurait bien tort de croire le contraire » (id.,p 240). Dans ce texte, très critique et engagé, on sent la puissance de querelles qui sont loin d’être apaisées, mais il n’est pas possible aujourd’hui de passer outre. 2 Voir en particulier : M.-C. Casse, 1995 ; E. Eveno 2004 ; G. Puel 2006 ; ainsi que les nombreuses publications d’Henry Bakis (de 1984 à 1998). 3 Pierre Georges (2006) article CDROM, Géographie 2 - Orientations et méthodes, - Un domaine gigantesque : « Vouloir délimiter le domaine de la géographie est donc une tentative décevante et vaine. Les liens de la géographie avec les autres sciences naturelles ou humaines sont évidents. C’est sur eux qu’il faut insister et sur une collaboration de plus en plus nécessaire ». 4 Avec la publication de la revue Netcom dirigée par Henry Bakis.

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Territoire, système et enjeux : dans le champ de l’analyse spatiale Si donc chaque science réalise une reconstruction dans laquelle l’espace joue un rôle plus ou moins important, mais le plus souvent secondaire, la géographie se trouve au contraire investie d’une reconstruction dans laquelle elle devra attacher à l’espace et mettre en rapport entre eux des phénomènes qui ont été isolés, décrits et analysés par un grand nombre d’autres disciplines. La mise en évidence de processus spatiaux, d’interactions spatiales, implique une reconstruction dans laquelle il sera nécessaire de connecter entre elles des strates de phénomènes très divers. L’application aux TIC englobe, à la fois, les outils (du téléphone à l’ordinateur), les réseaux qui les supportent (réseaux de télécommunication), les systèmes informatisés de communication et de gestion de données, les services aux usagers. On peut organiser ces éléments selon les « trois couches » définies par Nicolas Curien (1997), l’infrastructure, l’info-structure et les services. Mais, la géographie ne saurait se contenter d’une méthode analytique comparable à celle mise en œuvre par la biologie à ses débuts qui a procédé en séparant le squelette, le système circulatoire, le système digestif, le système nerveux..., et en traitant ces systèmes à la manière d’une juxtaposition. L’objet de la géographie est donc de brosser un tableau du système géographique étudié, considéré comme une totalité synthétique qui ne se réduit pas à la somme de ses parties (Durand Dastes et al) 5. Ainsi conçu, un espace géographique, n’est pas un « en soi », une donnée, un simple support pour les activités humaines, comme pour les autres sciences ; il est sans cesse utilisé, créé, construit, modifié, transformé par elles selon des modalités très différenciées et des rythmes variables. En ce sens, l’espace aménagé, approprié « le territoire », selon Roger Brunet (1992, 234), « est à l’espace ce que la conscience de classe est à la classe : quelque chose que l’on intègre comme partie de soi et que l’on est donc prêt à défendre ». Ce « territoire », peut alors être conçu comme : – dans sa structure, un outil, un potentiel de ressources naturelles et artificielles, matérielles et immatérielles plus ou moins « rares » (renouvelables), mobilisables par les hommes en fonction des techniques de production et « d’encadrement » dont ils peuvent disposer à un moment donné de leur histoire ; – dans son fonctionnement, la résultante (conjonction) des modes d’actions des acteurs sociaux que sont les différents types de parties prenantes, institutionnel (État, organismes et bailleurs de fonds internationaux), industriel (entreprises multinationales et nationales), organisationnel (ONG, associations de la « société civile »), ou encore individuel (entrepreneurs qui construisent, individus qui vivent). Il est d’ailleurs significatif que l’origine du concept de « système » se trouve chez Aristote qui l’emploie à propos de la tragédie grecque, système d’événements inter-reliés les uns aux autres (P. Ricœur, 1984). De même que le théâtre n’est pas la vie mais qu’il en donne une représentation, l’utilisation d’un modèle systémique est une mise en scène, parmi d’autres possibles, des processus par lesquels des sociétés utilisent leur territoire. Cette approche met au centre l’action humaine par la médiation de la techno-logie conçue dans ses deux dimensions, matérielle et idéelle, techne et logos. Ce sont les outils et réalisations techniques et les logiques d’acteurs, (outils institutionnels,

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organisée au sein de la Commission 39 du CNRS en décembre 1993 (rapport CNRS). Voir la revue L’Espace géographique créée en 1972, spécialisée dans cette approche, et l’ouvrage de Peter Haggett (1973).

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politiques et stratégies, - les techniques d’encadrement pour Pierre Gourou6 (1982), - de contrôle social pour Michel Foucault (1980)). La géographie humaine étant l’analyse de la médiation entre les êtres humains et leur environnement par la technique, le fait que ces techniques soient aujourd’hui devenues plus complexes et plus présentes dans la « société monde » change-t-il quelque chose au paradigme technique ? Les technologies de l’information et de la communication faisant considérablement évoluer les modalités concrètes des activités humaines, se trouve posée à nouveau la question du déterminisme de la technique et de sa place. Jacques Ellul (1998, 128) la voyait comme envahissant l’espace social, comme une aliénation : L’informatique, au lieu de permettre une domination sur le système technicien, est entrée dans ce système, en a adopté tous les caractères et n’a fait qu’en renforcer la puissance et l’incohérence des effets. Actuellement, j’estime que la partie est perdue [...]. Une fois de plus, la « force des choses » l’a emporté sur la libre décision de l’homme. 7 Le géographe peut décrire l’organisation (structure), le fonctionnement (dynamique) d’ensemble d’un territoire-système donné, 8 mais le regard 9 porté sur lui peut être plus ou moins éloigné; se situer à plusieurs échelles du visible – à hauteur d’homme ou d’en haut, du clocher à l’avion et aux satellites divers. La perception et l’analyse diffèrent selon les échelles d’espaces, du global au local 10 mais aussi selon les échelles construites, invisibles, la région, l’État, le continent, le monde, l’espace virtuel. La représentation ainsi construite est ouverte à une prise en compte de la causalité et de la dynamique par laquelle les divers types d’acteurs interagissent les uns avec les autres pour produire un territoire sans cesse changeant, et cela tant verticalement (interactions entre strates de phénomènes) qu’horizontalement (interactions entre des processus spatiaux distants). Les stratégies développées et les logiques à l’œuvre des acteurs, pour ici préconiser ou/et mener des actions d’implantation des TIC et pour les utiliser, intègrent les jeux de pouvoir, les stratégies des firmes ou des ONG, les comportements individuels et impliquent des « enjeux », un terme trop souvent employé à tort et à travers. Les enjeux, selon la définition de la collection « Enjeux » de l’Institut universitaire d’études du développement de Genève (IUED), c’est ce que l’on risque en jouant, ce que l’on perd, ce que l’on gagne, les enjeux sociaux économiques et de pouvoir et donc les rapports de force. Parler d’enjeux implique une approche critique des phénomènes de notre temps, un regard et une grille d’analyse qui veut démythifier.11 Une mise en relief des enjeux concernant la « fracture numérique » cherche à comprendre quels sont les fondements de cette « société de l’information ». C’est en fonction du contexte économique, politique et géopolitique à chaque niveau, pour chaque type d’acteurs, qu’il faut poser la question de ce qu’ils risquent en jouant : quelle est la rhétorique du 6 Pierre Gourou, dans Terres de bonne espérance, « Ce serait renoncer à trouver les ultimes réponses aux questions posées par la géographie que de voir dans l'homme avant tout un producteur et d'expliquer par les techniques de production l'organisation des sociétés et le nombre des habitants. L'homme est premièrement un organisateur... Une forte densité de la population sur une grande surface et une longue durée s'explique d'abord par l'ouverture et l'orientation des techniques d'encadrement, ouverture et orientation qui n’ont pas été déterminées par les techniques de production » (1982 p 29) 7 Nous reviendrons sur cette question du « bluff technologique » à propos des PVD. 8 Pour un développement de cette conception, nous nous permettons de renvoyer à Annie Chéneau-Loquay, 1998. 9 L’importance du regard, instrument de base du géographe, a été souligné par Roland Pourtier (1991, 93). 10 Et le logiciel Google Earth donne une vision extraordinairement concrète de cette plongée possible, de l’univers à la maison. 11 Pour une définition des enjeux, voir la collection des nouveaux cahiers de l’IUED de Genève, série « Enjeux », édités par les Presses universitaires de France.

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discours à propos des TIC ? Quels sont les enjeux économiques et de pouvoir liés au processus de libéralisation à différentes échelles ? Quelles sont les logiques et les stratégies des opérateurs et comment s’appliquent-elles à l’équipement des territoires et donc à leurs transformations et recompositions ?, etc. Cette approche peut être schématisée par le tableau 1.

Tableau 1 - Une démarche systémique

Système monde et réseaux La démarche systémique et la modélisation en géographie ont été développées progressivement à partir de la « grande révolution » des décennies 1950-1960 pour aboutir après les années de doute de la décennie 1970 à une « nouvelle géographie » très influencée par l’école américaine.12 En France, au début des années 1990, les auteurs de La géographie universelle visent à concevoir une théorie unitaire de l’espace 12 Voir en particulier les différents travaux de Paul Claval (1973, 1974, 1976 et 1978).

Internationale Nationale

Régionale

Systèmes matériels Equipements

Infrastructures, types d’accès Outils Usages

Systèmes d’encadrement Politiques et Stratégies

Locale

État (administration centrale)

Opérateurs Fournisseurs d’accès Autorité de régulation

Collectivités

décentralisées Entreprises, ONG

Usagers

Contexte

Libéralisation

Copyright : Annie Chéneau-Loquay (CEAN-AFRICANTI2004)

Echelles Acteurs Techniques

Etats occidentaux

Firmes multinationales Organismes internationaux

ONU, ONG

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géographique mondial présenté comme un tout et défini comme un « système monde » dont il fallait comprendre les structures et fonctionnements 13. Pour Olivier Dolffus (1990, 285), c’est le jeu entre l’international et le transnational qui exprime la dynamique du « système monde » et ses champs de force. Il place la question de l’information au centre de la problématique. Les possibilités d’adaptation aux modernités sont inégales entre ceux qui ont la capacité de produire et de maîtriser les réseaux d’information et ceux qui en sont les clients ou ne peuvent pas y avoir accès. Une définition de ce que l’on appellerait aujourd’hui « fracture numérique » où l’Afrique se situe dans les mailles interstitielles de ce « système monde » animé par les trois grands pôles de commandement interconnectés, États-Unis, Japon, Europe et, de plus en plus, Chine. Dans la même veine et à la même époque, un autre ouvrage de référence, Le monde. Espaces et systèmes, écrit par trois géographes, Marie-Françoise Durand, Jacques Lévy et Denis Retaillé (1993), ajoute au concept de « système monde » une dimension politique plus affirmée. Les auteurs proposent une lecture à partir de quatre modèles de base qui, à la fois, se succèdent dans le temps et se conjuguent dans l’espace : – un ensemble de mondes isolés, structures pré-étatiques, en Afrique par exemple, aujourd’hui communautés ethniques ou religieuses, la montée actuelle du communautarisme ; – un champ de forces, celui des États et des conflits qui les opposent, champs privilégié de la géopolitique et de l’étude des relations internationales ; – un réseau hiérarchisé celui du monde en réseaux, image de la mondialisation active, de l’économie mondialisée ; – une société monde vers laquelle tendrait désormais l’ensemble avec l’émergence du supranational sur la scène, le rôle grandissant des organisations internationales, l’ONU, l’ingérence, l’humanitaire ; la création d’une « vie politique mondiale apparaîtrait comme un indicateur et une composante d’une mondialité qui serait celle d’une société complète » (id., 1993, 27). Ces modèles systémiques d’explication du monde et de ses territoires accordent une place prépondérante aux phénomènes politiques14 il est fait appel aux travaux des anthropologues et des politistes pour interpréter « la mondialisation du monde, » c’est là leur singularité par rapport à l’approche de la plupart des géographes « tropicalistes » pour qui le politique est longtemps resté dans la boîte noire. Les temps ont changé. Les géographes libres ne sont plus frileux ni imprudents en matière de géographie politique. Contrairement au rôle que tenait à assigner Lucien Febvre au géographe, « le sol, et non l’État » (1922,1970), les géographes peuvent expliquer les faits spatiaux en fonction des réseaux d’influence, de clientèle, de marchés, de capitaux, d’idéologie et de formation. La compréhension globale ne peut se passer de l’interprétation politique (G. Wackermann, 2006).

13 Un énorme travail de renouvellement « redéploiement » de la discipline a été effectué ces vingt dernières années. Aujourd’hui on dispose d’un corpus qui ne fait pas encore l’unanimité mais qui est admis par la grande majorité des géographes et du public averti et qui s’exprime dans l’œuvre considérable réalisée par et autour de Roger Brunet et du groupe Reclus de la Maison de la géographie de Montpellier : La géographie universelle, dix volumes parus au cours de la décennie 1990, ouvrages de référence, avec un premier tome « Mondes nouveaux » qui prend acte des changements du monde et veut donner des « repères nouveaux » . Cet ouvrage fait le point sur l’état de l’art, état de la science, aspect théorique, dans la première partie « Le déchiffrement du monde » ; et sur l’état du monde, pris comme un tout, .dans la deuxième partie « Le système monde ». 14 Jacques Levy, avec l’équipe de la revue Espace Temps réalise un énorme travail épistémologiquement très ouvert sur et à toutes les sciences sociales, qui a comme point central la géographie du politique, qui devient la géographie tout court.

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Dix ans après, la société globale en gestation serait celle de l’information, « Société en réseaux » de Manuel Castells (1998), plus agie par les entreprises multinationales que par les instances de l’ONU même si un premier Sommet mondial vient d’avoir lieu (2003-2005). Dans l’actuelle période d’accélération des processus de globalisation, l’étude de ces réseaux de plus en plus denses, complexes et hiérarchisés, articulés par les grandes agglomérations, est indispensable pour comprendre la géographie des territoires du monde. Or la plupart des géographes français, écrit Marie-Claude Durand dans son cours «Géographies et Relations Internationales » (2004), sont mus par une « obsession territoriale » qui les rend « aveugles ou amnésiques sur le développement d’une autre forme spatiale que sont les réseaux » Cet aveuglement peut s’expliquer en raison de la difficulté pour articuler réseaux et territoire. Dans la préface du livre Réseaux et territoires 15 consacré à cette question, Claude Raffestin (1996) montre que leur construction réciproque peut être appréhendée en combinant approches diachronique et synchronique, systèmes et jeux d’acteurs. Il s’appuie sur le concept des « trois couches » de Nicolas Curien (1997) qui, selon lui, contient en germe une théorie de la territorialisation. Un territoire peut être défini comme le champ d’un système d’intentions humaines en activité. Un changement de système induira un processus de territorialisation, déterritorialisation, reterritorialisation (TDR). C’est parce que le système d’intentions se manifeste par des réseaux matériels et sociaux que l’on peut parler de « nécessité territoriale » : « Les territoires successifs révèlent leurs potentialités au fur et à mesure de la mise en place des réseaux de toutes sortes » (id., 1996, 7). II - Quelle géographie des TIC ? Mais les technologies de la communication, posent un défi particulier aux géographes. Ils s’accordent sur le fait que l’analyse géographique des réseaux de communication à distance met en question leurs concepts traditionnels, ceux de l’aménagement et de la structuration du territoire. À propos des PVD, se pose un autre défi parce que ces pays présentent des configurations sociospatiales tout à fait particulières et souvent paradoxales qui amènent à s’interroger sur son propre positionnement théorique. Un défi à l’approche géographique Les géographes qui travaillent sur la « société de l’information » ne sont toujours pas nombreux en France (une dizaine au plus) ni ailleurs 16. Emanuel Eveno (1997, 2004a et b) a exposé les termes du débat.17 Les principaux jalons pour définir et institutionnaliser en France une géographie de la société de l’information sont posés par Christian Verlaque (1985) et par Henry Bakis (1980). Pour Henry Bakis 18 qui a fait

15 Cet ouvrage collectif, dirigé par Jean-Marc Offner et Denise Pumain (1996), est le produit de la recherche « Territorialité et réseaux » menée dans le cadre du groupement de recherche « Réseaux » du CNRS, lui-même fondé par Gabriel Dupuy et dirigé par Jean-Marc Offner. 16 Ni aux États-Unis ni au Canada, d’après le mémoire d’habilitation de Gilles Puel, soutenu en avril 2006.

17 D’abord en 1997 dans sa Proposition au Comité National de Géographie d’une Commission de travail dont l’intitulé serait : « Géographie de la Société de l’information ». 18Au travers d’une production scientifique importante. Dès son article paru en 1980 dans les Annales de Géographie (n° 496), Henry Bakis s’efforçait de définir des « Éléments pour une géographie des télécommunications ». Sa thèse

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œuvre pionnière, le peu d’intérêt des géographes proviendrait d’une difficulté à saisir des phénomènes dénués de matérialité et de réelles lisibilités territoriales. Selon lui, l’orientation principale consiste à « contribuer à l’essor d’une géographie des télécommunications et des systèmes d’information, qui constituent l’un des leviers de l’aménagement du territoire (désenclaver les territoires, améliorer les performances économiques, et permettre par diverses formes de téléactivités, une connexion inédite entre le niveau local et le niveau global) » (rapport 1995 des activités de la Commission nationale de géographie de la communication) (cité par Eveno)

Emanuel Eveno constate que les géographes ont été peu sensibles aux thèses de futurologues aux États-Unis, celles d’équipes de recherche réputées au MIT à Cambridge ou à Stanford « qui dans les années soixante/soixante-dix, considèrent la communication comme l’un des grands creusets de la modernité contemporaine et s’affiche comme l’un des vecteurs essentiels de ce que d’aucuns appelleront la révolution postindustrielle ». L’affirmation d’une nouvelle discipline, les sciences de l’information et de la communication, s’accompagne pourtant d’un regain d’intérêt vis-à-vis des questions territoriales. Les travaux de l'école de Palo Alto seront fondateurs d'une nouvelle façon d'appréhender l'espace (P. Watzlawick 1968, E. Hall 1978).Pourtant, alors que ces questions occupent une place de plus en plus importante dans l’analyse de l’évolution des sociétés et des espaces, la géographie reste globalement sur la réserve. Le « village global » de Marshall MacLuhan (1968), et aussi les thèses sur la fin de la géographie ou la « déterritorialisation » du monde sont dénoncées comme trop réductrices. La question de la communication à distance vient brouiller les modèles d’analyse. (E. Eveno, 2004a et 2004b). Une autre raison explique la réticence des géographes, le nécessaire investissement pour comprendre les processus techniques liés aux TIC et donc leurs implications spatiales et sociales, qui demande du travail et du temps : ce que Gilles Puel (2006) appelle « un coût d’entrée élevé ». Un nouveau paradigme ? En temps que « technologies du territoire 19 », les TIC, par nature, diffèrent profondément des réseaux matériels de communication sur lesquels s’est fondé le développement industriel. Pour Gene I. Rochlin (1995), les TIC modifient profondément les règles de fonctionnement des sociétés et des territoires. Elles changent simultanément les lois de fonctionnement, la répartition des responsabilités et des pouvoirs. Ces systèmes sont : « – intrinsèquement transfrontaliers alors que les réseaux traditionnels étaient conçus à un niveau national ou régional ; – différenciés horizontalement avec de fortes relations entre systèmes plutôt que différenciés verticalement et faiblement reliés ; – obéissant autant à des règles d’auto-organisation qu’à des règles de conception centralisés ; – caractérisés enfin par la diffusion du pouvoir de gestion et de commandement au lieu d’une concentration de ce pouvoir au sein d’une organisation hiérarchisée. Il s’agit là d’un changement significatif et profond » (id, 1995, page 19). Quant à Gabriel Dupuy (2002), il pense qu’Internet serait « la quintessence de la planète terre », sa géographie pouvant concilier des analyses classiques tout en les contredisant. En effet, lorsqu’il est étudié avec les concepts d’un réseau classique de communication,

de doctorat (1983) devait accorder une large place à la genèse de la question des communications à distance dans l’œuvre des géographes français et étrangers. 19 Actes du colloque Technologies du territoire, Paris, 25et 26 septembre 1995, Groupement de Recherche 903, Réseaux, CNRS.

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il adhère à l’espace physique. On peut en décrire les itinéraires, les flux, les sources, les destinations, les nœuds, « Internet n’est pas un réseau virtuel ». Mais Internet est un réseau singulier, non pas tellement en raison des vitesses de transmission et des distances parcourues ni parce que l’énergie et le sol consommés sont négligeables, ou qu’il requiert peu d’intervention humaine mais parce qu’il s’agit d’un réseau ouvert : Plus d’emprise étatique directe, plus de monopole évident ou naturel, peu de contrôle public : un réseau ouvert en principe à toutes les entreprise, à tous les pays, à toutes les langues, à tous les usages, des plus bénéfiques aux plus nuisibles. Si l’on aime à dire que ce réseau est un monde en soi, si l’on parle de cyberespace c’est bien parce que, par construction Internet se veut ouvert au monde dans sa diversité, à la globalité de l’espace géographique dans son immense variété. (id., 2002, page 137). L’Internet n’est pas un type de réseau comme ceux du chemin de fer ou des télécommunications vocales, qui aurait été conçu et créé par une instance centrale et se développerait selon un plan préconçu. Il est le produit, à la fois, de la culture de la liberté individuelle des années 1960-1970 (telle qu’elle existait dans les campus universitaires aux États-Unis), et de l’alliance originale presque contre nature avec l’armée, Arpanet, qui a su anticiper l’innovation et financer la recherche. L’Internet est toujours décrit comme un réseau qui se développe par autoévolution, qui est produit par ses utilisateurs qui le modèlent selon leurs besoins. Il s’étend par adjonction de nouveaux nœuds et reconfiguration continuelle. Il est facile d’y ajouter des nœuds, le coût est faible si l’on dispose d’une épine dorsale sur laquelle se greffer (backbone). Les procédures de communication et de coordination, protocoles normes, noms et adresses sont en quelque sorte la grammaire du réseau et la structure décentralisée permet à l’ensemble de fonctionner puisque chaque serveur, chaque réseau établit ses propres règles 20. Mais cette vision d’un développement organique d’Internet en liaison avec l’innovation, les systèmes de production et la demande du marché s’avère quelque peu idéale si l’on considère non plus seulement les aspects d’un espace virtuel, le cyberespace, mais aussi l’espace physique réel, celui où se déploient les réseaux matériels de l’infrastructure. La géographie physique ou technique du réseau avait été oubliée ou même niée (on a prédit la fin de la géographie) au cours d’une première phase de son développement parce que la distance entre deux lieux n’était pas un facteur déterminant de la rapidité ni de la qualité du trafic. Le territoire et sa rugosité reviennent aujourd’hui en force avec la prise de conscience d’une fracture numérique multiforme mais avant tout géographique entre Nord et Sud, régions centrales et régions périphériques et aussi parce que la demande de liaisons à haut débit implique une décentralisation des infrastructures d’accès, voire la création de nouvelles lignes dédiées de télécommunications. À l’échelle globale, dans ses principes théoriques et la volonté de ses créateurs, et surtout pour les espaces des pays développés, on peut admettre qu’Internet se singularise par son ouverture. Mais si l’on pénètre dans l’épaisseur du tissu territorial, et surtout dans les pays en voie de développement, la perception n’est plus la même. La rugosité du lieu s’impose avec ses contraintes économiques et politiques qui faussent le jeu. L’ouvrage de Gabriel Dupuy (2002) est caractéristique d’une approche géographique très courante où les jeux d’acteurs sont vus dans leurs traductions spatiales, leurs effets en terme de recompositions territoriales mais rarement considérés en tant que tels comme des champs de force en confrontation. Cette géographie ne rend pas compte des

20 C’est la conception de Manuel Castells, 2001.

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rapports de force liés à sa réalité matérielle, économique et surtout politique, d’où l’intérêt d’associer d’autres approches ou de pratiquer l’interdisciplinarité. Une autre raison explique la non-prise en compte des champs de force à propos d’Internet, c’est le discours dominant développé par ses pionniers et ses zélateurs fascinés qui ne raisonnent que dans leur espace familier, celui de la modernité hypertechnique du monde occidental, le reste du monde « fracturé » étant considéré en retard ou déviant par rapport à un modèle de fonctionnement conçu comme universel. Pour certains sociologues, urbanistes et économistes, la révolution des TIC aboutit à un changement total de paradigme ; les paramètres de l’espace et du temps sont radicalement modifiés. Pour Yann Moulier-Boutang (2001, 70), « la mondialisation ne dilate pas l’espace de façon enivrante comme lors des grandes découvertes, elle « déterritorialise » et « reterritorialise » des espaces, désarticule immédiatement les homogénéités et les cohésions au centre comme à la périphérie ». La « cité informationnelle » de Manuel Castells (1998) n’est pas une forme urbaine mais un processus agi par la logique organique de l’espace des flux qui relie l’espace des lieux par les réseaux techniques. Il identifie des formes spatiales nouvelles créées par ces processus avec, au niveau mondial, une forme d’urbanisation du troisième millénaire, la « mégacité », vaste concentration humaine (treize d’entre elles ont plus de dix millions d’habitants en 1992). La mégacité se développe dans des contextes différents, a pour caractéristique de connecter de forts segments de la population urbaine à ce système global et d’exercer un pouvoir d’attraction sur leurs régions ou nations. Le concept de « ville globale » de l’économiste Saskia Sassen (2001, 104) met également l’accent sur l’économie en réseau et sur les dynamiques transnationales des villes stratégiques qui sont le lieu où s’actualisent localement une multitude de processus mondialisants. Des auteurs postmodernes comme Nadia Tazi voient au contraire, avec l’avènement des TIC et celui de la globalisation, la fin de la ville qui a « perdu son lieu » : « c’est-à-dire avec ce qui ne se résumerait pas à un changement d’échelle ou de paradigme, mais impliquerait les deux, l’entrelacement vertigineux d’une mutation technologique très puissante et du pancapitalisme néolibéral… Le virtuel implique une architecture du fluide, il abolit les distances, comme il indifférencie (quantitativement et qualitativement) l’urbain ». III - Les PVD : modernisation et informel Au regard des spécificités des pays du Sud, la problématique doit être adaptée. Notre hypothèse est que la question des réseaux et technologies de la communication doit être située dans le contexte global d’une modernisation paradoxale liée à l’importance de l’économie informelle. En effet, entre la situation des pays développés et celle des pays en voie de développement, il ne s’agit pas seulement d’une différence de niveau de développement des réseaux mais d’une différence de nature dans les formes de modernisation. Cette différence tient aux degrés et aux modalités d’interconnexion des différents réseaux territoriaux. Les télécommunications y compris Internet ne peuvent être étudiées pour elles-mêmes, sans tenir compte du contexte matériel et socioculturel. Étant donné son ampleur et ses conséquences, nous ne pouvons pas comprendre le fonctionnement et la dynamique d’un phénomène quel qu’il soit dans les PVD sans se référer au mode de fonctionnement socio-économique particulier et largement dominant

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que constitue le système informel devenu une véritable culture 21. La problématique est d’autant plus pertinente lorsqu’il s’agit des TIC, outils emblématique de la modernité, vecteurs de la mondialisation libérale censés transcender les contraintes matérielles. La question qui se pose alors est de savoir comment le système socioterritorial intègre les TIC : quelle est leur compatibilité avec le système informel ? Quels sont les effets de cette innovation dans un contexte en opposition avec les normes et le modèle occidental qui l’a conçue et structurée ? La position du problème : interconnexion des réseaux techniques au Nord, carences des réseaux techniques et puissance des réseaux sociaux au Sud22 Les « grands systèmes techniques » 23 qui insèrent la planète dans un maillage de plus en plus serré, liaisons routières, aériennes, télécommunications, satellites, réseaux électriques, électroniques, financiers, forment système, ils ne fonctionnent correctement qu’en interconnexion, en synergie. Internet exprime à l’extrême ce rôle de la connectivité. Celle-ci est possible parce que les différents réseaux dans les pays industrialisés possèdent, entre eux, une certaine forme de complémentarité et de connivence. Cette complémentarité peut être matérielle : la mise en place et l’entretien de réseaux téléphoniques et électriques utilise largement les réseaux routiers. La connivence peut être également de nature fonctionnelle ; par exemple, grâce à l’utilisation du réseau postal et du réseau bancaire comme moyen d’acquitter un dû correspondant aux consommations de gaz et d’électricité. Mais les relations de dépendance entre les réseaux sont bien plus profondes encore. Elles sont intrinsèques à l’existence d’un droit, de contrats collectifs qui reposent sur l’identification des individus et des biens, et donc d’un état de droit (du moins économique) qui permet une structuration de l’espace. La règle procède du droit. C’est parce qu’il existe des points de mesure permettant à des individus identifiés, usagers de ces services, soit d’acquitter directement leurs dus soit d’accepter les prélèvements postérieurs ou fiscaux, que ces grands systèmes interconnectés peuvent fonctionner. La présence d’un maillage des réseaux sociotechniques exprime le fonctionnement du territoire comme un tout organique. Ainsi le système technico-économique diffusé par le modèle occidental est par définition formel, c’est-à-dire soumis à des réglementations, des prélèvements, des formules de dénombrement et des codes régissant la situation des personnes, des biens et des activités économiques (recensements, inventaires statistiques) dont l’État est le garant. L’État, le droit et les grands systèmes techniques ont été jusqu’à nos jours intimement liés ; ces relations ont été le support de la diffusion de la modernisation au niveau mondial 24.

21 Même si l’informel existe dans les pays développés, il reste marginal, il ne phagocyte pas le fonctionnement d’ensemble. Cette position va à l’encontre d’une pensée dominante qui tend à nier les différences Nord-Sud en raison d’un échec des explications dépendantistes, développementalistes et culturalistes, en se référant aux pays d’Asie et d’Amérique Latine (voir Jacques Levy 1999 p 229). 22 Je reprends ici une argumentation développée en 2001 a, dans « l’Etat le droit et les réseaux » 23 Sur les notions de réseaux, de « grands systèmes techniques », de « macro systèmes techniques, voir les travaux du Groupement de Recherche 903, Réseaux, du CNRS, en particulier l’ouvrage de synthèse de Jean-Marc Offner et Denise Pumain, 1996. Voir aussi, du point de vue sociologique, Alain Gras, 1993. 24 Alexis de Tocqueville le premier, dans La démocratie en Amérique (1835-1840), a souligné comment, grâce à un mélange de codes juridiques, à la construction de réseaux techniques, à la nationalisation des ressources minières, l’État avait accentué son emprise sur le territoire et sur les individus. En même temps que se développait l’économie capitaliste, l’idée d’universalité et d’homogénéité territoriale était associée à celle de droits de l’homme. Il ne

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Il en est tout autrement dans les pays pauvres en voie de développement tout particulièrement en Afrique sub-saharienne. Aux marges du système économique mondial dominant, les réseaux qui structurent les territoires sont le plus souvent discontinus mal contrôlés et mal entretenus. La connectivité par type de réseau est aléatoire. Les coupures de lignes téléphoniques, d’électricité, d’eau, pannes multiples, absence de prêts bancaires ou de cartes de paiement, font partie du quotidien. L’interconnexion entre ces réseaux est encore plus rare parce que les bases d’une économie formelle, c’est-à-dire les processus d’enregistrement des personnes et des biens, ne sont pas efficaces et complets. Or, quand l’état civil est incomplet et que l’absence d’identification des individus rend impossible le paiement des services et des impôts, quand des entreprises ne sont pas répertoriées, les mesures des productions et consommations pas relevées, les fraudes sont facilitées. Lorsqu’un État est incapable de prélever sur la production et la circulation des marchandises, il devient structurellement incapable de payer régulièrement ses fonctionnaires, et d’entretenir les équipements existants (routes, télécommunications, réseaux divers) qui permettent aux habitants d’être reliés entre eux et au « système monde » et de créer des infrastructures rendues nécessaires par la croissance démographique (éducation, santé, assainissement). En conséquence, les systèmes matériels et immatériels qui ne répondent pas à des normes techniques et organisationnelles pour fonctionner dans la durée sont défaillants. Activités formelles et informelles s’imbriquent et les processus « d’informalisation » ont tendance à se développer en parallèle ou plus rapidement que les processus d’informatisation. Il s’ensuit une dégradation progressive des services collectifs. Les perturbations et dysfonctionnements sur les différents réseaux se cumulent ce qui produit, sur le moyen terme, un fonctionnement aléatoire de beaucoup d’entre eux. Pour résoudre ce type de problème, s’est construit un système de développement par projet. Désormais, après plus de vingt-cinq ans de ces pratiques, une prolifération exponentielle de projets tous azimuts forme système ; l’État central, les populations rurales et les fonctionnaires qui servent d’intermédiaires ont appris à s’en servir. Dans bien des cas, la pérennisation des réalisations techniques devient un problème secondaire quand il est plus intéressant pour les différents acteurs concernés de faire du courtage25, pour faire venir de nouveaux projets dont on espère obtenir quelque chose. Pour l’État, l’accumulation de la dette en découle, en même temps que s’accroît son impuissance26. Avec un tel système de développement extraverti, il n’y a plus mise en œuvre de stratégie d’aménagement du territoire national, pour rendre le territoire plus homogène, mais création d’inégalités spatiales et sociales. En conséquence, les territoires se caractérisent par la dualité, l’hétérogénéité ; espaces en réseaux et espaces hors réseaux coexistent et les inégalités spatiales reflètent la faiblesse de l’État. Dans les PVD, c’est donc une grande partie, voire une majorité, de la population qui vit en dehors des règles du droit économique et de l’emprise des réseaux matériels. En revanche, l’emprise des réseaux sociaux est forte. D’une manière générale, surtout en Afrique de l’Ouest, les formes d’organisation sociale urbaines se structurent autour de multiples réseaux sociaux. L’appartenance à ceux-ci détermine encore très largement la place d’un individu dans la société. La richesse se mesure à l’étendue des relations

s’agissait pas seulement de mettre en place des infrastructures mais d’un processus beaucoup plus complexe qui impliquait un développement cohérent d’appareils à la fois techniques et institutionnels. 25 Voir les travaux de l’Apad autour deJean Pierre Olivier de Sardan (2000). Courtiers en développement. 26 Il n’y a pas lieu ici de traiter de la complexité des causes de cette situation, très largement liée à l’histoire. Voir Chéneau-Loquay 2001a, « L’Etat le droit et les réseaux » en ligne sur http://www.africanti.org.

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sociales et, à l’inverse, être pauvre c’est être isolé. La déficience des réseaux techniques va ainsi de pair avec la puissance des réseaux sociaux. Face à une telle situation, deux types de positionnement coexistent. Une première approche de type statistique et comparative fait ressortir une vision négative : le faible PNB, les dettes croissantes, le rôle marginal dans les échanges mondiaux, la tendance au développement de l’anomie, l’accroissement de la pauvreté. Une seconde approche de type anthropologique conçoit les territoires africains comme un espace vécu, agi par les populations, un espace souple avec une vie de relation intense, où les frontières sont des ressources, et où fonctionne une véritable intégration régionale au quotidien. Dans cette dernière optique, l’exclusion de l’univers de la légalité aurait des aspects positifs : elle permettrait d’échapper à l’emprise d’États trop souvent prédateurs sans empêcher, bien au contraire, un dynamisme relatif des activités fondées, ici, bien davantage sur les réseaux sociaux que sur des politiques publiques d’aménagement du territoire. C’est la vision « par le bas » 27. L’Afrique est considérée alors comme un espace où les hommes de « l’interface », commerçants transporteurs, migrants qui animent de puissants réseaux économiques et sociaux transfrontaliers et souvent illégaux jouent un rôle déterminant. Plus fondamentalement se pose la question de notre posture scientifique, voire éthique, par rapport à la « modernité » 28. Nous partons donc de l’hypothèse que les pays des Suds connaissent à la fois : une « modernisation paradoxale » (J.-F. Bayart, 1994) liée à l’importance de l’économie dite informelle ; une vitalité des réseaux sociaux nationaux et transnationaux ; une transformation des fonctions de l’État et un mode d’intervention extérieur par projet pour « développer » les territoires 29. Par ailleurs, la dématérialisation et la (relative) mobilité de systèmes nouveaux comme le téléphone mobile et Internet peuvent être des atouts dans des territoires où le maillage par les réseaux physiques est déficient. Dès lors se pose la question de la compatibilité des technologies de la communication avec un tel contexte et en conséquence celle des formes d’appropriation possibles dans le tissu socioterritorial, dans une période de transition vers la privatisation des opérateurs de réseaux et des fournisseurs de service. La recherche 30 à dominante géographique et géopolitique a pour objectif de faire le point sur la nature des infrastructures et des équipements, sur leur répartition spatiale et sur les perspectives, dans le domaine des réseaux d'information et de communication qui permettent aux différents pays d'être reliés entre eux et au reste du monde. A ce bilan sur les systèmes techniques est associée une analyse des enjeux, des stratégies, des atouts et des risques qui les accompagnent . Nous plaçant ainsi du point de vue des relations entre

27 Depuis le début de la décennie 1990, avec les textes fondateurs d’une approche du politique « par le bas » réunis par Jean-François Bayart et al (1992). Voir l’article bilan de François Constantin (1996) qui fait le point sur « les outils de l’analyse politique » pour explorer les modalités des transactions produites par le télescopage de dynamiques novatrices que ce soit dans l’informel des économistes, la transnationalité des internationalistes et les réseaux de différentes disciplines des sciences sociales. Voir aussi les travaux de Badie 1995, Latouche 1991, Hibou (1996) et le numéro des Cahiers d’études africaines dirigés par Tarik Dahou et Vincent Foucher (2005). Ce numéro traite du renouvellement des objets et des méthodes du politique au sein des études africaines à partir des points de vue de différentes disciplines. Il rassemble des travaux récents qui reposent sur des exercices de revue critique de l’historiographie de sujets particuliers, ou sur des études dont sont tirés les enjeux méthodologiques. 28 Voir en particulier Bruno Latour, Nous n’avons jamais été modernes.(2000) 29 Ce véritable paradigme du « développement » mérite d’être analysé dans son histoire, sa mémoire, ses filières du nord au sud, etc. 30 Dans le cadre du programme de recherche et réseau Africa’nti http://www.africanti.org qui appartient au groupe de recherche international Netsuds qui porte sur les politiques et modes d’appropriation des TIC dans les Suds. http://www.gdri-netsuds.org.

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territoire, société et communication, les grandes questions qui se posent peuvent être formulées de la façon suivante: - dans le contexte de la mondialisation, quels sont les modes d'insertion des technologies d'information et de communication dans les territoires des PVD ? Quelles sont les stratégies des opérateurs internationaux vis à vis de ces pays ; rôle de l'État et de ses partenaires ? Quel est l'impact social et territorial de ces nouveaux outils ? Comment l'accès au cyberespace s'articule-t-il avec l'espace physique et ses contraintes ? Le mythe de la technologie toute puissante, moteur du changement social et économique, qui accompagne chaque avancée technologique31 étant renforcé aujourd'hui par la transparence et l'ubiquité attribuées aux nouvelles technologies de la communication. Quelles formes de recompositions socio spatiales peuvent induire les TIC, ne risquent-elles pas d'accentuer les inégalités et la dépendance plutôt que de les réduire ? Quelques questions clé. Dans la période euphorique des années 1990 où les organisations internationales prônaient de brûler les étapes, certains ont pensé que les TIC, étant donné leur relative dématérialisation, pouvaient s’abstraire des contraintes spatiales et être des outils particulièrement adaptés pour réduire la pauvreté 32. Mais en s’affranchissant de la matérialité du territoire, ces technologies ne vont-elles pas plutôt accentuer la tendance au développement d’espaces lacunaires avec des oasis bien équipés, des villes capitales comptoirs et miroirs de la modernité mieux reliées au tissu urbain mondial qu’à leur propre hinterland ? En plaçant le débat dans l’épaisseur du tissu socioterritorial tout en travaillant à plusieurs échelles, la maille la plus large fait apparaître les processus tels qu’ils opèrent au niveau mondial, la maille la plus fine descend au niveau des groupes d’individus. De l’offre à la demande, du global au local comment les jeux d’acteurs sur les réseaux et sur les équipements créent-ils du territoire ? Une série de grandes questions peuvent être posées. L’accès universel La question du « service universel » est aujourd’hui placée au cœur du débat international et national (UIT, NEPAD) sur l’équipement et les usages des télécommunications dans les pays pauvres, en particulier avec la tenue des deux premiers Sommets mondiaux de la société de l’information (Genève en décembre 2003 et Tunis en novembre 2005). Que signifie cette notion-là où l’accès aux réseaux reste un problème crucial ? C’est le cas dans tous les pays d’Afrique sub-saharienne, même si les situations nationales sont extrêmement variées et ont évolué très rapidement ces dernières années. Il s’avère après une dizaine d’années de diffusion des TIC que la seule dynamique du

31 Voir le colloque Territoire, société et communication de Toulouse GRESOC, 30 mai-1er juin 1994 qui a réuni des chercheurs en géographie et en sciences de l’information et de la communication et a fait l’objet d’un numéro de la revue Sciences de la Société (n° 35, mars 1995). Cf. l’article de Marie-Claude Cassé, 1995. 32 Cette question est généralement traitée dans la littérature (majoritairement anglo-saxonne) sous l’angle de la relation entre TIC et pauvreté ; on retrouve alors la conception classique du retard à combler, du rattrapage. Cette orientation est celle de tous les intervenants extérieurs du monde des projets qui ont préconisé dans les années 1990 le « saut technologique » puis « la réduction du fossé numérique » au travers d’un modèle prédominant, celui d’un accès communautaire pour les populations défavorisées. Depuis 2003, avec la préparation du SMSI de Genève et à la lumière des expériences et des diverses lessons learned depuis presque une dizaine d’années, s’affirme un nouveau relativisme qui au-delà du constat de l’existence de la pauvreté préconise de mieux intégrer dans l’analyse un ensemble de facteurs englobants pour parvenir à une compréhension plus rigoureuse des causes complexes qui entravent l’adoption des TIC. Voir le site d’Infodev le programme sur les TIC et le développement de la Banque mondiale.

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marché est mal adaptée pour répondre aux besoins en communication de populations pauvres et rurales des PVD. Pourquoi (état actuel de la demande) et comment (offre et perspectives), pourrait se mettre en place une autre démarche économique 33, visant à satisfaire les besoins en communication des populations ayant des ressources faibles, un niveau d’instruction souvent réduit et un mode de fonctionnement largement « informel », c’est-à-dire la grande majorité des habitants du Tiers-Monde. Un tel questionnement peut associer géographes et économistes. Parler d’enjeux pour connecter l’Afrique, c’est prendre en compte les rapports de force et donc les jeux de pouvoir entre les différents types d’opérateurs aux différentes échelles. À ce propos trois idées sont à relativiser. Tout d’abord (1), la dimension planétaire, l’ubiquité de la « toile mondiale » et son invulnérabilité sont des mythes. Les satellites installés et les câbles à fibre optique donnent un accès virtuel, c’est l’usage qui détermine l’accès et pas l’inverse et cet usage est lié à différents facteurs dont les principaux sont : (a) les politiques et stratégies des États et des opérateurs privés nationaux ; (b) les coûts pratiqués par les acteurs occidentaux qui dominent les marchés ; (c) le niveau de solvabilité des zones desservies. La connexion des zones rurales aux satellites et aux câbles coûte plus cher que celle des zones urbaines. Par ailleurs (2), la multiplicité des routes possibles, principe de base à la naissance du réseau Internet, qui permettrait de garantir l’acheminement des données même en cas de coupure ne se vérifie pas partout. Certains pays africains ont une bande passante internationale détenue par un seul opérateur étranger et sont donc très vulnérables. Par exemple, la Sierra Leone a été coupée du réseau pendant plusieurs mois en 2003. La déterritorialisation du système technique satellitaire est donc un mythe. Enfin (3), le cyberespace vu comme une toile uniforme tendue sur le monde serait plutôt une étoile ayant, au centre, un pôle dominant et quelques satellites. En effet, les pays du G8 dominent dans deux des « trois couches » des réseaux de télécommunications : la couche physique (l’infrastructure) et la couche intermédiaire de gestion (l’infostructure). Les contenus ou services locaux sont peu développés en Afrique. La problématique centrale est ici celle d’un retour de la géographie avec le nécessaire aménagement numérique des territoires que demande l’extension géographique de l’usage du haut débit (A. Chéneau-Loquay, 2006). Le problème est le même sur toute la planète : diffuser le haut débit à des coûts acceptables pour les différents protagonistes, de l’opérateur à l’utilisateur final. Les solutions à mettre en œuvre font l’objet de débats et de tensions entre différents types d’acteurs, privés, publics, associatifs, nationaux et internationaux, qui sont différents selon que l’on se situe au centre ou en périphérie du système. Deux logiques économiques s’affrontent, celle qui a prévalu aux débuts de l’Internet, le modèle coopératif où le réseau deviendrait un bien public mondial, celle qui tend à se généraliser aujourd’hui, la pure logique du marché. Dans les pays développés, la question de l’aménagement numérique des territoires se pose à l’échelle régionale et à celle des pôles urbains, tandis que dans les périphéries, les déficits de connexion existent à toutes les échelles, globale, intercontinentale, nationale et locale. On peut travailler à partir de l’analyse des stratégies des acteurs dans le déploiement des réseaux à plusieurs échelles : (1) internationale, celle des grands opérateurs de dorsales qui installent les équipements, les gèrent et fixent les prix en fonction de la rentabilité du marché ; (2) nationale, celle de l’État, des fournisseurs d’accès et des collectivités locales de plus en plus impliquées avec la question de l’installation de points d’accès locaux pour acheminer le trafic local sans passer par les grandes artères internationales ;

33 S’appuyant sur la notion de bien public mondial, voir D. Benamrane, B. Jaffré et F.-X. Verschave (dir.), 2005.

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(3) locale, celle de la nature et de la répartition de l’efficacité des différentes formes et lieux d’accès au public face aux contraintes de l’offre et de la demande des usagers. Il s’agit aussi de déterminer les stratégies à adopter. Une autre logique que l’on peut qualifier « d’innovation par l’usage » 34 se développe aujourd’hui, à la fois, dans les pays industrialisés et dans les pays pauvres, dans un contexte de démocratisation des technologies de l’information et elle repose sur une série d’innovations techniques et sociales. Selon Alain Gras (1993) ou Manuel Castells (1999), l’Afrique serait écrasée sous le poids des technologies occidentales, or une analyse plus complexe montre que les économies populaires développent, sur des bases claniques, des stratégies qui mixtent les outils et les processus à la fois modernes et traditionnels où les catégories du licite et de l’illicite n’ont pas cours. La prolifération d’activités nouvelles liées aux TIC et leurs modes d’utilisation illustrent tout particulièrement comment se créée dans les PVD une autre économie, sur la base d’une autre modernité « paradoxale ». Elle se réduirait à une simple utilisation des artefacts de la modernité sans les conditions normales (normées) de leur utilisation qui ont mûri au travers du long processus de rationalisation économique et politique qui fut celui de l’Occident 35. Une approche anthropologique montre « la vérité de la modernité » (Baudrillard J. 2006), qui n’est jamais changement radical ou révolution mais qui interfère avec la tradition dans un processus d’amalgame et d’adaptation plutôt que de rupture. Les relations entre l’État et son territoire La conception traditionnelle du territoire comme étendue limitée où s’exerce un pouvoir de contrôle et d’aménagement déjà contestée par le régionalisme transétatique et le dynamisme des réseaux sociaux 36 ne sera-t-elle pas battue en brèche encore davantage par l’insertion de cette innovation que constituent les TIC qui se joueraient des contraintes géographiques et politiques de la nation ? À l’extrême, peut-on se passer de l’État dans le processus de mondialisation dont les techniques de communication sont les vecteurs ? Avec quelles formes de recompositions sociospatiales ? La question des relations entre la régulation des nouvelles technologies et l’équité sociospatiale est fondamentale (adaptations, détournements, jeux de pouvoir, en général solutions alternatives). Les politiques publiques concernant les infrastructures matérielles, celles qui relèvent de l’aménagement du territoire révèlent le mode de production territoriale d’un État et, par là même, son assise et son emprise sur l’espace et sur les sociétés. La répartition des réseaux de télécommunication, des industries, des services dans le tissu urbain ou rural ou régional sont la matérialisation d’un certain type de relations (économiques et de pouvoir) entre les membres d’une société. Usages des TIC dans les secteurs formels et informel et reconfigurations urbaines Entre les hypercentres des villes connectés au réseau urbain mondial et les extrêmes périphéries dépourvues de tout moyen moderne de communication, toute une gamme de configurations intermédiaires peuvent exister dessinant un maillage territorial plus ou moins lacunaire selon les pays qui reflète les clivages sociaux ; territoires extravertis en archipel des élites « planétarisées » (Pierre Levy, 2000) territoires exclus des pauvres du

34 La possibilité de communiquer, de produire et d’échanger avec les TIC invite à définir ceux qui les utilisent comme des usagers (actifs) plutôt que comme des utilisateurs (passifs). Voir : D. Cardon, 2005 ; et M. de Certeau (1980) qui parle de l’apprentissage comme facteur clé. 35 On pense ici aux travaux de Serge Latouche (1991) sur la faillite du « développement ». 36 Voir : D. C. Bach et A. A. Kirk-Greene (dir.), 1993.

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monde rural profond ; mais aussi territoires réticulaires des intermédiaires acteurs de l’échange, commerçants et/ou migrants, hommes et femmes, relais des multiples diasporas qui trouvent avec les TIC de nouvelles opportunités de relations Nord-Sud et transversales, Sud-Sud. La nécessité pour eux de disposer d’accès aux technologies de la communication crée à l’échelle locale de nouvelles compositions de l’espace et marque le paysage urbain. Les modes de diffusion et d’appropriation diffèrent en fonction du niveau socio-économique des populations dans un espace donné et donc des types d’activités. Par contre, la problématique centre/périphérie n’est pas toujours pertinente, il faut tenir compte des caractères spécifiques de l’urbanisation : la combinaison par exemple à Dakar entre un vieux centre colonial bien équipé que jouxtent d’immenses quartiers populaires surpeuplés mal pourvus et concurrencés par de nouveaux quartiers périphériques mixtes résidentiels et d’affaire qui connaissent une croissance extrêmement rapide sous l’effet des activités modernes liées aux TIC, bureaux d’étude, centres de calcul, téléservices délocalisés qui créent du territoire. La mondialisation portée par les TIC s’exprime aussi par des recompositions territoriales inédites ; les lieux d’accès au téléphone et au web, les lieux d’achat d’accessoires du numérique sont de nouveaux espaces urbains de convivialité et de transactions, de nouveaux marqueurs du territoire. Mais, au-delà, la multiplication des possibilités de communication offertes par les technologies sans fil vont-elles permettre la prolifération d’espaces reliés par les TIC mais indépendants des systèmes de gestion classiques d’un territoire aménagé ? Les TIC feraient naître un nouveau modèle de ville, la « ville-monde informelle » comme celle d’Alaba au Nigéria, près de Lagos. Née de l’immense marché international spontané des produits numériques et située dans un non-lieu entre des bretelles d’autoroutes, Alaba est reliée aux « villes globales » du monde entier et témoigne de la vitalité de modes d’inclusion dans la mondialisation sous des formes totalement déviantes par rapport au modèle occidental. Elle défie les critères de l’organisation de l’espace et de la gestion classique d’une ville, son organisation sociale repose sur des flux qui dépassent la logique d’un lieu particulier, elle échappe au contrôle sociopolitique de la société nationale locale. Pour l’urbaniste Rem Koolhaas (2000) qui a étudié les « villes extrêmes » sur différents continents, Alaba ne serait pas une exception africaine mais le paradigme du modèle futur de la « ville-monde » produite par la société de l’information. Cette autre économie qui se mondialise pose un défi de nature systémique. Le grand marché global déréglementé que prône la pensée unique n’est-il pas en train de se construire, mais sous des formes déviantes correspondant à l’extension de la pauvreté plutôt qu’à sa résorption ? 37 Géoespace et cyberespace Le cyberspace est un espace de navigation, traduction étymologique du terme forgé par le romancier William Gibson en 1984, où voyagent surtout les jeunes dans les PVD. Pour eux s’ouvre un nouvel espace d’évasion qui permet d’échapper au contrôle des aînés. En ce lieu virtuel, se font des rencontres, se créent des lieux de convivialité, s’élaborent de nouvelles formes de liberté d’expression, ferments peut-être de nouvelles formes de démocratie. Un cyberespace qui balaie frontières, cultures identitaires, nations, pays, villes, commerces, d’une façon générale tous les liens traditionnels comme le croit Pierre Levy

37 Voir l’étude de Cheikh Gueye (2002), à propos de la ville mouride de Touba.

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(2000) ou/et en même temps qui permet un recentrage sur ces liens en participant davantage à la vie politique et économique de son pays d’origine tout en étant ailleurs : « Hier : immigrer et couper les racines, aujourd’hui : circuler et garder le contact ». Cette évolution, semble marquer un nouvel âge dans l’histoire des migrations. Cette approche épistémologique est liée à la convergence des phénomènes de diffusion électronique de l’information et de déplacements massifs de populations 38. Ainsi, les nouvelles technologies posent aux sociétés un ensemble de questions, entre mondialisation et exclusion, liberté et surveillance, extraversion et recentrage, restructuration ou déstructuration des territoires réels, nouvelles proximités entre gens de l’extérieur et de l’intérieur, etc. Quelle est la spatialité de l’espace de communication, telle qu’elle est pratiquée et perçue par les individus dans les usages qu’ils font d’Internet, de son « architecture fluide », place de marché, forum, agora, blogs ? Quelles sont les formes de sociabilité suscitées par le nouveau média, au travers de différents types d’expressions possibles, de la messagerie interindividuelle aux groupes de discussions plus ou moins spécialisés ? Une culture internaute est en train de naître, porteuse de bouleversements qu’on a encore peine à imaginer, modifiant la perception des autres et du monde, bouleversant à terme les rapports sociaux existants, provoquant une rupture générationnelle, mettant en place de nouvelles manières relationnelles : d’autres façons de travailler, de s’organiser, de valoriser, etc. Bibliographie BACH Daniel C. (dir.), 1998, Régionalisation, mondialisation et fragmentation en Afrique subsaharienne, Paris, Karthala. BACH Daniel C. et KIRK-GREENE, Anthony. (dir.), 1993, États et sociétés en Afrique francophone, Paris, Économica. BADIE Bertrand, 1995, La fin des territoires, Fayard 276 pages. BADIE Bertrand, SMOUTS Marie-Claire, 1996, (dir.), « L'international sans territoire », Cultures et conflits, Paris, l’Harmattan, n° 21-22. BAKIS Henry, 1984, Géographie des télécommunications, Paris, PUF, Que sais je ? 128 pages. BAKIS Henry, 1993, Les réseaux et leurs enjeux sociaux, Paris, PUF, Que sais-je ? , n° 2801, 106 p. BAKIS Henry, 1995, « Télécommunications et territoires : un déplacement de l’axe problématique », in Musso Pierre et Rallet Alain. Stratégies de communications et territoires, Paris, L’Harmattan, 213-253. BAKIS Henry, CADILLO P.-Y. et DUBOIS G., 1990, « Hétérogénéité spatiale et coût des réseaux », in H. Bakis (éd.), Communications et territoires, Paris, La documentation française, 115-131. BAKIS Henry et ROCHE Edward Mosley (eds), 1998, Developments in Telecommunications. Between global and local, Avebury, Aldershot, 350 p. BAILLY Antoine, 1995, « Perspectives en géographie de l’information et de la communication », in Eveno E et Lefebvre A, Territoire société et communication, Sciences de la Société, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, n°35. BAILLY Antoine, FERRAS Robert et PUMAIN Denise (dir.), 1992, Encyclopédie de la géographie, Paris, Économica. BAUDRILLARD Jean, 2006, « Modernité », article de l’Encyclopédia Universalis, vol 11, CDROM.

38 Elle est développée par Dana Diminescu (2004) et son groupe d’étude sur L’usage des technologies de l’information et de la communication dans les migrations. Ce groupe « TIC-Migrations » (MSH-Paris) propose de construire un nouvel objet de recherche dans le champ des études sur les migrations en mettant en avant l’impact des technologies de l’information et de la communication dans le monde des migrants.

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