Techniques de réflexothérapie et physiothérapie de l'asthme · 2011. 12. 10. · Le massage...

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Mise au point Techniques de réflexothérapie et physiothérapie de l'asthme Ann. Kinésithér., 1978,5,539-544 F. CRÉPON * Les techniques de traitement par la voie réflexe font aujourd'hui beaucoup d'adeptes, et les praticiens en obtiennent des effets thérapeu- tiques parfois spectaculaires; l'auteur a voulu condenser en une brève revue intégrée ce qui constitue l'essentiel de ces techniques, et nous rappeler les noms des maîtres du passé qui ont associé leurs noms à l'un ou l'autre de ces abords particuliers. La bibliographie est exhaustive dans le temps, puisqu'elle remonte à 1898, mais en même temps très à jour puisqu'elle comprend un compte-rendu de travaux expérimentaux datant de 1978. Cette synthèse devrait permettre à d'autres d'orienter leur intérêt dans ce domaine. 1. - RÉFlEXOTHERAPIE Le massage classique couramment pratiqué chez l'asthmatique (1) (2) (7), est une excellente voie d'abord pour le traitement kinésithérapique en raison de ses effets sédatifs chez un sujet souvent anxieux et contracté qui respire difficilement en permanence s'il est intriqué, et qui a besoin d'être rassuré dans tous les cas. Les manoeuvres seront donc décontracturantes et intéresseront principalement les régions cervicale et dorsale, la ceinture scapulaire. Sur les espaces intercostaux seront pratiquées des pressions glissées « en peigne ». Ces manoeuvres agiront par voie directe sur la musculature, mais également par voie réflexe: Samuel précise que tout massage a un effet réflexe et que ce n'est pas seulement le fait du « massage réflexe» (18). Nous savons d'autre part qu'un massage circulatoire lent permet d'obtenir une diminution de la fréquence ventilatoire de 9 %, ce qui pourrait présenter un intérêt thérapeutique au cours d'un épisode dyspnéique mais il reste encore à démontrer si ce ralentissement de fréquence est dû à un effet direct ou indirect (17) . M.C.M.K .. Enseignant au Centre Pédagogique de Massa-Kinésithérapie, 12, rue du Val-d'Osne, F 94410 Saint-Maurice. 539 ________ u _

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Mise au point

Techniques de réflexothérapieet physiothérapie de l'asthme

Ann. Kinésithér., 1978,5,539-544

F. CRÉPON *

Les techniques de traitement par la voie réflexe font aujourd'huibeaucoup d'adeptes, et les praticiens en obtiennent des effets thérapeu­tiques parfois spectaculaires; l'auteur a voulu condenser en une brèverevue intégrée ce qui constitue l'essentiel de ces techniques, et nousrappeler les noms des maîtres du passé qui ont associé leurs noms à l'unou l'autre de ces abords particuliers. La bibliographie est exhaustive dansle temps, puisqu'elle remonte à 1898, mais en même temps très à jourpuisqu'elle comprend un compte-rendu de travaux expérimentaux datantde 1978. Cette synthèse devrait permettre à d'autres d'orienter leurintérêt dans ce domaine.

1. - RÉFlEXOTHERAPIE

Le massage classique couramment pratiqué chez l'asthmatique (1) (2)(7), est une excellente voie d'abord pour le traitement kinésithérapique enraison de ses effets sédatifs chez un sujet souvent anxieux et contracté quirespire difficilement en permanence s'il est intriqué, et qui a besoin d'êtrerassuré dans tous les cas. Les manœuvres seront donc décontracturanteset intéresseront principalement les régions cervicale et dorsale, laceinture scapulaire. Sur les espaces intercostaux seront pratiquées despressions glissées « en peigne ».

Ces manœuvres agiront par voie directe sur la musculature, maiségalement par voie réflexe: Samuel précise que tout massage a un effetréflexe et que ce n'est pas seulement le fait du « massage réflexe» (18).

Nous savons d'autre part qu'un massage circulatoire lent permetd'obtenir une diminution de la fréquence ventilatoire de 9 %, ce quipourrait présenter un intérêt thérapeutique au cours d'un épisodedyspnéique mais il reste encore à démontrer si ce ralentissement defréquence est dû à un effet direct ou indirect (17) .

• M.C.M.K .. Enseignant au Centre Pédagogique de Massa-Kinésithérapie, 12, rue du Val-d'Osne,F 94410 Saint-Maurice.

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Le massage réflexe proprement dit, tel que nous le pratiquonsaujourd'hui avec Teirich-Leube (20), a été décrit par Dicke (10) après queKohlrausch (15), en 1937, ait publié ses travaux fondamentaux: « Lesrapports réciproques réflexes entre les organes internes et les musclessquelettiques et leur usage thérapeutique », donnant ainsi une applicationaux travaux de Head et MacKensie (14) (16).

Néanmoins, la réflexothérapie est beaucoup plus ancienne,puisqu'une de ses formes les plus connues, l'acupuncture, est pratiquée enOrient depuis des millénaires.

Les mécanismes d'action des réflexothérapies sont encore mal connus ettrès discutés, cependant des travaux ont été effectués qui ont permis dedécouvrir, par exemple, que les points d'acupuncture étaient des zones demoindre résistance électrique de la peau.

Récemment, Bossy a entrepris de déterminer les bases neuro­biologiques des réflexothérapies (6). De son ouvrage complexe oùsont étudiées les différentes formes de réflexothérapies, nous retiendronsque ces techniques ont une place bien déterminée dans l'arsenalthérapeutique.

A. - Principes sur lesquels reposeraitl'action du massage réflexe

Notion de métamère

Entre la 4e et la 8e semaine du développement intra utérin c'est-à-direen période embryonnaire, le mésoblaste para axial situé de part et d'autredu tube neural se segmente en massifs métamérisés : les somites. Cettemétamérisation persistera définitivement.

Un métamère comprend donc:

- un dermatome ou zone de Head . } innervés par un même- un my~tome ou zon.ed,eMacKenSle étage médullaire.- un enterotome ou vlscerotome

Le réflexe viscéro-cutané, viscéro-musculaire

Chaque viscère est en rapport avec les ganglions de la chaînesympathique, et ceux-ci sont reliés aux différents étages médullaires parles rameaux communicants blancs et gris. Une souffrance viscérale, enempruntant ces voies nerveuses, va donc se manifester:

10 Au niveau de la peau (zone de Head) et du tissu conjonctif sous­cutané (zone de Dicke) sous la forme de tuméfaction, hyperesthésie,hyperalgie. Le pli dépressif en vague de proue, formé par le doigt qui tireun trait sur la peau, fait apparaître des rides, soulève parfois des plaquesd'induration; les tissus offrent une résistance plus grande, moinsd'élasticité, et le patient ressent une impression de coupure.

Chez J'asthmatique, ces zones se situent principalement au niveau des540

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dermatomes C3 à 08, parfois jusqu'à L3, avec une prédominance ~univeau du trapèze supérieur, le long du sternum et entre les omoplates.

2° Au niveau de la musculature (zones de MacKenzie) la modificationréflexe est généralement l'hypertonie, prouvée par l'électromyographie.Chez l'asthmatique, les muscles atteints le plus fréquemment seront lesterno-cleïdo-mastoïdien, les adducteurs de l'omoplate, les intercostaux.Dans l'asthme intriqué, ces zones seront plus ou moins permanentes,avec une augmentation lors des épisodes dyspnéïques.

Dans l'asthme intermittent, elles seront généralement moinsévidentes en dehors des crises.

Le réflexe cuti-viscéral, musculo-viscéral

Pour le traitement nous utiliserons le même principe, mais les pointsde départ seront les dermatomes et les myotomes, et les messages quenous enverrons parviendront à leur but en empruntant les voies nerveusesdu métamère, c'est-à-dire: voies sensitives - ganglion spinal - racinepostérieure de l'étage médullaire, puis racine antérieure grâce auxneurones d'association - rameau communicant blanc - ganglionsympathique - fibres sympathiques - viscères.

Thérapeutique des zones cutanées et sous-cutanées: Massage sousforme de traits effectués avec la pulpe d'un doigt selon un protocole bienétabli. On peut également dans certains cas pratiquér des pétrissagessuperficiels (Masser-rouler de Teirich-Leube).

Thérapeutique des zones musculaires: But: supprimer ou réduirel'hypertonie.

- Hypertonie limitée: Vibrations ou frictions douces.- Hypertonie étendue: Mobilisations passives en étirement.

Mouvements balancés.

B. - Modalités d'exécution de la technique

10 La massothérapie réflexe ne s'exercera jamais directement sur lesdermatomes situés au-dessus de la 12e vertèbre dorsale, car ilscorrespondent à des organes à réaction majeure, et ceci risquerait deprovoquer des réactions violentes et dangereuses pour le patient.

20 Le traitement commencera toujours par la construction de base,au niveau sacro-Iombaire, donc à distance des régions atteintes.

On observera que ce seul traitement suffit souvent à diminuer lessymptômes de la maladie, sans même avoir été travailler les dermatomesatteints, lesquels seront généralement moins douloureux en fin de séance.Comme schéma explicatif, on a proposé l'interprétation suivante: l'actionde rééquilibration s'effectuerait par l'intermédiaire du système nerveuxvégétatif, en empruntant les émergences du para-sympathique et dusympathique.

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r3° Chez l'asthmatique, nous choisirons de préférence la position

assise, proscrivant absolument le procubitus qui majore la gênerespiratoire.

4° L'intensité du trait, sa répétition, la durée de la séance serontprogressifs et toujours guidés par les réactions du patient: dermographie,douleur locale, répercussions sur l'état général et la ventilation.

5° Chez l'asthmatique intriqué la fréquence des séances serad'environ 2 à 3 fois par semaine, avec un maximum de 15 à 20 séancespar série afin d'éviter les phénomènes d'accoutumance. Les séries sesuivront avec l'intervalle d'environ 1 mois, en essayant au maximum d'enlimiter le nombre, afin d'empêcher l'installation d'une situation dedépendance du patient vis-à-vis de son kinésithérapeute.

Chez l'asthmatique en dyspnée, lorsque le cas se produit en présencedu kinésithérapeute, la réflexothérapie peut être pratiquée avec succès,mais en commençant bien sûr par la construction de base, ce qui permetd'éviter des réactions d'aggravation. Dans un bon nombre de cas, on peutassister à une diminution notable, voire à une sédation de la crise pendantle traitement.

II. - PHYSIOTHÉRAPIE

En présence d'une prescription de physiothérapie, il est impératif detenir compte avec la plus grande rigueur des contre-indications, et demaîtriser parfaitement la technique employée.

Vibrations matérielles: infra-sons et ultra-sons

Denier décrit l'action relaxante des infra-sons et leur action bénéfique,dans les troubles respiratoires de l'asthme (9).

Dumoulin et de Bisschop constatent ainsi que Bargy _(3), uneaugmentation de l'amplitude respiratoire pendant la période vibratoire desinfra-sons et conseillent également les ultra-sons en irradiation de 5 à10 mn sur le dos au niveau des deux poumons (11).

Ondes électromagnétiques: ultra-violets et ondes courtes

Ultra-violets: préconisés par Saidman et Henri dans le traitement del'asthme de l'enfant, en irradiation alternativement sur le dos et sur lethorax, avec les précautions d'usage (19).

Ondes courtes: En applications hypophysaires et transthoraciques :améliorations parfois remarquables (8) (11).

Courants excito-moteurs

Dumoulin et de Bisschop décrivent la contribution importantequ'apporte la gymnastique respiratoire électronique à la rééducation del'asthme: ces auteurs stimulent les expirateurs en prolongeant leur542

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intensité d'action et la durée de l'excitation afin de rétablir un certainéquilibre entre inspirateurs et expirateurs (12).

Électrokinésie respiratoire

Les recherches entreprises par Jammes et Berthelin (5) sont destinéesà étudier l'influence des stimulations électriques sur des groupes demuscles respiratoires, sur la ventilation pulmonaire électriquement dirigéeet, sur les échanges respiratoires. L'originalité réside en la programmationde salves de courant excita-moteur, distribuées alternativement sur desgroupes de muscles inspirateurs et expirateurs.

Des applications sur des patients dyspnéiques ont permis d'observerune diminution notable de la fréquence ventilatoire pendant plus d'uneheure après un traitement de 30 minutes. Cette technique favoriseégalement l'expectoration. La poursuite de ces travaux amènera peut-êtrel'indication de cette thérapeutique à certains asthmes intriqués.

Climatothérapie, crénothérapie (4) (13)

Le climat marin est particulièrement favorable aux asthmatiques. Eneffet, la température es.! douce et stable, la pression barométrique élevée,l'air contient très peu de germes, l'ensoleillement est intense. Ainsil'hématose est plus facile, la fréquence ventilatoire diminue, alors que lesamplitudes augmentent, les éléments allergènes y sont plus rares. Leseffets ajoutés de l'héliothérapie (ultra-violets) font de ce climat unexcellent traitement de l'asthme surtout en pédiatrie.

Les eaux chloro-bicarbonatées sodiques du Mont Dore (1 050 m) etde La Bourboule (850 m) ont une ac'tion anti-histaminique, régularisentle système nerveux végétatif et diminuent le spasme bronchique. Cesstations ont également l'avantage de se situer en moyenne altitude, zone

.où on observe une diminution notable des poussières et des élémentsallergènes.

Les asthmatiques bénéficieront aussi de cures à Saint-Honoré et,dans le cas d'asthme intriqué dans une bronchopneumopathie chronique,les stations sulfurées, particulièrement nombreuses dans les Pyrénées,seront utilement conseillées.

CONCLUSION

Ces techniques de réflexothérapie et physiothérapie peuventcompléter utilement le traitement médical et massokinésithérapique del'asthme.

Considérant d'une part leur action souvent bénéfique pourl'asthmatique, et d'autre part l'absence de danger lorsque ces techniquessont correctement employées, nous ne devons pas les refuser au maladesous prétexte que nous n'avons pas toujours la satisfaction intellectuellede connaître exactement les rouages de leurs mécanismes physiologiques.

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