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DES MOTS ET DES CHOSES ! Quoi d’étonnant si la prison ressemble aux usines, aux écoles, aux casernes, aux hôpitaux, qui tous ressemblent aux prisons ? Michel Foucault JANVIER 2013 - N°9 MAG Prix libre !

description

Arpentage du livre des mots et des choses de Michel Foucault

Transcript of Tàd mag' n°9

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DES M OTS ET DES CHOSES!

Quoi d’étonnant si la prison ressemble aux usines, aux écoles, aux casernes, aux hôpitaux, qui tous ressemblent aux prisons ? Michel Foucault

JANVIER 2013 - N°9

Mag’

Prix libre !

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L’HOMME EST MORT !

N°9 - JANVIER 20132 Mag’

◊ Merci à vous, ce fanzine est à prix libre !! ◊ parution & distribution aléatoire ◊

conception : le TÀD ◊ rédaction : le TÀD ◊ mise en page : le TÀD ◊ Pour quelques raisons, les ar-

ticles ne sont pas signés, mais Ont participé à ce numero : Natacha Totsky, Tatiana Arfel,

Caroline Darroux, Aurélie Malbec ◊ association terrain à déminer dit le TÀD ◊ mail : tadiens@hot-

mail.fr ◊ sites : www.terrainademiner.blogspot.com & www.myspace.com/terrainademiner ◊

EDITO / 3

LES TADETTES ARPENTENT / 4

L’USAGE DU SAVON DE BARRESEILLE / 5

QuI M angE QuI ET à QuEllE SauCE / 8

LE MOT ET LA CHOSE / 12

ETHNOGR APHIE DU BAS / 14

NATION CYCLOPE / 16

QuEl ETHnOlOguE êTES-vOuS ? / 17

PISSEr DanS un vIOlOn ! / 20

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illustration : Sarah Fist’hole

En cette nouvelle année 2013, les tadettes, ini-

tiées par la Scop Le Pavé, se sont lancées dans une nouvelle aventure : l’arpen-tage.L’arpentage est une technique de lecture, d’analyse et d’appro-priation collective d’un ouvrage qu’on n’aurait pas le cou-rage, pas le temps, pas l’envie de lire tout seul… Créée dans les cercles d’études ouvriers du 19ème siècle – qui s’attelaient notam-ment à la lecture du Capital de Karl Marx (Le Capital, Critique de l’économie poli-tique, 1867) -, cette méthode de lecture prévoit qu’un col-lectif se divise la tâche : chacun se charge d’une partie

du livre et la restitue en collectif, fait part de sa réflexion sur la lecture et de son ressenti. Comme le signale la Scop Le Pavé « Au fur et à me-sure, une analyse collective de l’ouvrage produira une grande fresque pour envisager les différents usages possibles. Cet outil permet également de réduire les rapports de pouvoir quant au savoir ». [https://www.scoplepave.org/12-repenser-les-rapports-sociaux].

Le TàD et ses camarades ont donc arpenté, de pages en pages, de mots en mots, de choses en choses (avec courage et déter-mination !), l’ouvrage « Les mots et les choses – une archéo-logie des sciences humaines » de Michel Foucault (1966, Paris, Gallimard). Et dans la lancée, est né un Tàd mag de mots et de choses, de mots tout chose, de choses en mots.

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SORTEZ : LES TADETTES ARPENTENT !« Les petites choses ont leur importance ; c’est toujours par elles qu’on se perd ». Dostoïevski dans Crimes et châtiments

Motivée par l’immersion imminente des Tadettes dans le giron foucaldien j’ai plongé dans l’épistémè (pas trop). Malgré le point de vue transversal je n’ai même pas eu mal. Malgré la nouvelle focale j’ai applaudi Foucal euh Foucault. Puis j’ai réalisé. J’ai pesé mes mots, j’en avais une belle collection : des mots... euh démoniaques pour leur mordant, des mots sphère pour démonter la quadrature du cercle, des mots dés pour me jouer du sort, mots d’ires et mots dalles en guise de pavés. Beaux leit-motivs. J’avais démoli la syntaxe avec mes histoires à dormir debout. Dégen- ré mon quotidien car je pen-sais savoir le fin mot de la chose. Et Monsieur Michel vient me dire que j’évolue dans un système de pensée contraint ?! J’en suis marrie. J’ai même pisté mémé afin de voir dans quels vieux plats on fait les meilleures soupes. Démodée mais toujours les pieds dans le système.Je connaissais même le mot magique ! J’avais appris le pas de côté. Je vivais d’émaux et merveilles. On m’avait toujours dit pourvu que les mots râlent, les mots ruent, les mots errent pour ne pas être tondus. C’est ça la liberté. Mais là les mots filent par plaquettes et tout bon mot m’apparaît maintenant comme mécanique. Il roule et s’enroule à son armature. Rien ne sert de mot dire, il sera toujours au milieu d’une plaque. Le grain de sable ne fait que passer, la mécanique reste... C’est un cas de contre-sciences humaines ! Psychanalyse, ethnologie, linguistique, littérature. Unies pour nous livrer la pensée d’un homme aux discontinuités énigmatiques. Et des Tadettes pour le mettre en jambes morbleu ! Epistémè. Un mot tue - bouche cousue - l’hégémonie. Le moment propice pour emplir un peu plus mes valises de ménines, de conditions de possibilité de connaissance, de mots (doux, roses, de passe, maîtres, reines, que l’on se donne, porte-manteaux...) ; de choses et d’autres. Et Accompagnez ce joyeux jeu de mollets dans les rues de Massilia et sortez les tapettes ardentes.

Nat’

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Quand le Barreseillais se lève, il est comme il aime le dire « dans le pâté ». Cette expression imagée fidèle à la joute verbale barreseillaise ne signifie pas que le Barre-seillais s’englue de cette préparation molle à demi-molle composée bien souvent de morceaux de porc écrasés mais, renvoie plutôt à la sensation qu’il ressent au réveil. Le Barreseillais, précisons le, n’est pas toujours content de se lever, notamment lorsqu’il doit aller « travailler ». Aussi, bien souvent, son esprit et son corps sont dépar-tagés entre le désir de rester dans le monde du sommeil et celui de s’engouffrer dans une nouvelle journée. Pour remettre de l’ordre dans ce règne de l’entre-deux et pour ne pas se laisser submerger par l’appel du moelleux, le Barreseillais rappelle à son corps encore somnolent qu’il doit réintégrer le monde des « vivants ». Pour cela, le Barreseillais débute sa journée par une « bonne douche ». Une fois entré dans le bac, les pieds posés sur la faïence froide, il tire le rideau et clôt, de la sorte, matériel-lement et symboliquement cette phase qui le raccordait au monde moelleux du sommeil. Ensuite, le Barreseillais, fait couler de l’eau sur son corps. Une fois trempé, celui-ci est savonné puis rincé.La toilette barreseillaise comporte trois étapes : se tremper/ se savonner/ se rincer. Ces étapes elles-mêmes se ponctuent par un séchage, par l’habillement et par la réalisation d’autres « tâches » plus personnelles que le Barreseillais applique à son corps. La toilette barreseillaise ne peut guère faire l’objet d’observations pour l’ethnologue. Ce moment et les gestes

Le professeur Van Debrück, sympathisant du Tàd, est parti depuis plusieurs mois accomplir œuvre de science sur un terrain fort lointain et encore peu exploré : celui des terres barseillaises. Pour le TàdMag, il propose de nous décrire l’un des rituels ancestraux qu’il a pu étudier.

L’usage du savon de Barreseille : un passage de l’entre-deux !

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qui lui sont associés sont, en effet, considérés comme re-levant du domaine de l’intime et, de ce fait l’ethnologue n’est guère apprécié pour observer ces scènes. Néanmoins, nous avons compensé cette impossibilité par de nombreux entretiens réalisés auprès de Barreseillais dont l’état au lever pourrait être catégorisé comme relevant du « pâté ».Si l’on considère le vocabulaire associé à ces pratiques, « faire sa toilette » revient, dans un premier temps, en une opération qui consiste à enlever les éléments comme relevant de la « disgrâce ». Ainsi, le Barreseillais ôte l’inopportun, le dépôt et le surplus : il se « décrasse », se « désencrasse », « désincruste ». Bref, il associe son geste qui consiste à passer du savon sur son corps à une opération de « débarrassage » des scories pour le rendre « net ». Et, c’est cela que le Barreseillais nomme deve-nir « propre ». Cette élimination quasi quotidienne donne à penser la toilette comme une opération qui consiste à se débarrasser.Certes, la toilette permet d’éliminer et de rendre le corps net et en conformité aux attentes personnelles et à celles de la société mais, pas seulement, puisque la tâche de nettoyage est médiatisée par l’usage d’un puissant agent nettoyant : le savon de Barreseille. Au-delà donc des considérations hygiéniques, la réalisation de la toi-lette assure un passage, dont le savon de Barreseille en est le garant. Comme le disait Mary Doucrass dans son ouvrage De la Souillure : « Qui dit ordre dit restriction, sélection des matériaux disponibles, utilisation d’un ensemble limité parmi toutes les relations possibles. » (M. Doucrass, 1971, p. 111). Ainsi, dans l’ « ordre » barreseillais, c’est au savon que revient le rôle de nettoyer mais plus encore que laver le savon, sert à rappeler au corps, le monde matériel et la perception sociale qui lui est associé. Le savon de Barre-seille, dur et compact, symbole de la force, de la puis-sance assure et ritualise ainsi le passage de la condition moelleuse vers celle de la solidité et du raffermissement. Si on se lave pour entrer, aussi conforme que possible, dans cette nouvelle journée, se savonner permet de ritua-liser et d’organiser ce délicat passage de l’entre deux…

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Qui sera mangé et à quelle

sauce ?

Spectacle de marionnettes du TàD

Acte II

LA DOMESTIQUE ET LE PATRON

Scène 1 LA PRÉSENTATRICE. Une situation de conflit opposant deux

personnes va vous être exposée à l’aide de petites marionnettes. Trois

candidats vous seront proposés, afin d’élire celui qui interviendra

comme médiateur. Poursuivons avec deux nouveaux protagonistes.

Premièrement, le Loup, dans le rôle du patron, coiffé comme il se doit

d’un chapeau haut de forme et muni d’un cigare. Et deuxièmement,

passons à notre bonne vielle esclave noire, dans le rôle de la technicienne

de surface. Ces deux personnages aux statuts fortement antagonistes

vont se voir réuni au cœur du conflit qui oppose inlassablement les

hommes et les femmes, mais aussi les pauvres et les riches.

Le patron, la domestique

LA DOMESTIQUE apparaît. Elle balaie en chantonnant « la vie en rose »

(sans les paroles…).

Le loup apparaît à l’autre extrémité de la scène, il se dissimule et s’approche à

pas feutrés.Quand la domestique se retourne, il se cache. Plusieurs fois, jusqu’à être juste

derrière elle. Elle se retourne une dernière fois, le voit et sursaute.

En avant première et suite à l’Acte I « Le colon et le sauvage » publié dans le TàD Mag n°8 en octobre 2010, retrouvez vos person-nages préférés du théâtre de la grande satire sociale.[Spectacle à représentation unique qui eut lieu le 30 juillet 2010 à Viols en Laval]

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LE LOUP, paternaliste, concupiscent, la touche. Tu as bien fait le ménage, partout ? LA DOMESTIQUE. Oui Monsieur. LE LOUP. Bon, tu as presque fini… Tu vas aller me ranger ce balai… LA DOMESTIQUE. Bien Monsieur. LE LOUP. Et puis… Mais approche un peu… Il la pelote. LA DOMESTIQUE. Enfin Monsieur, vous savez que ça me gène ! LE LOUP. Allons, allons ma fille, ne fais pas ta prude ! LA DOMESTIQUE. Mais pensez à Madame, Monsieur ! Non ! LE LOUP. Allez, allez, ça suffit, ça fait des mois que t’arrêtes pas de m’allumer en tendant tes petites fesses quand tu passes la serpillière… tu me chauffes là ! Nous les hommes, on est sensibles à ça, tu comprends… LA DOMESTIQUE, fâchée. Non, c’est non ! Lâchez-moi ! LE LOUP la plaque contre l’extrémité de la scène et lui fait du chantage. Mais dis moi, tu fais la maligne là, mais si t’avais plus de travail, hein ? Déjà que t’as pas de papiers… Tu ferais comment avec tes gosses, hein ? LA DOMESTIQUE. Vous ne pouvez pas faire ça ! LE LOUP. Allons, allons…

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LA DOMESTIQUE. Sale goujat, j’ai des droits ! LE LOUP. Des quoi ? Ah ah ! Des droits ? Ah vraiment tu crois ça ? Tiens, t’es virrrrrrrrrrée ! LA DOMESTIQUE, tabasse le loup. Quoi ?! Quoi ? Tu vas le payer ! Je vais… je vais… Tiens, je vais te séquestrer sale gros bonnet ! Comme les potes de chez France Telecom le font avec leurs salauds de patrons !

La présentatrice interrompt la scène. Les marionnettes se figent. Elle propose au public de voter pour l’intervention d’une des trois marionnettes qui apparaissent sur le côté de la scène : le gendarme ; le philosophe ; l’Ogre.

Le public vote à main levée.

LA PRÉSENTATRICE compte le nombre de voix. Et c’est une belle majorité pour le gendarme ! Le gendarme ! ».

Scène 2

Le patron, la domestique et le gendarme

Le gendarme entre en s’exclamant, avec l’accent du sud et se place entre le loup et la domestique.

LE GENDARME. Et ben alors, qu’est-ce qu’il se passe ici ? C’est quoi tout ce tintamarre ?Il tourne le dos à la domestique et s’adresse au loup. En aparté au Loup. Humm… elle est bien mignonne celle-là… LE LOUP. Elle menace de me séquestrer ! LA DOMESTIQUE, lui tape dans le dos pour attirer son attention. Oh et oh ! Mais ce n’est pas ça du tout ! Mais ce n’est pas vrai du tout ! Ça fait des mois qu’il me harcèle, qu’il me menace… LE GENDARME. Allons, allons ma petite dame. LA DOMESTIQUE. Je vais vous dire, moi, il y a harcèlement

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sexuel et moral, et emploi non déclaré. LE GENDARME. Vos papiers ma petite dame! LA DOMESTIQUE. Non, mais, comment ça mes papiers ?! Puisque je vous dis que je suis embauchée au noir ! Je n’ai pas de contrat, rien ! LE GENDARME. Non, c’est vos papiers d’identité que je vous demande! Un bronzage comme le votre, c’est pas à Palavas Les Flots qu’on l’attrape ! LA DOMESTIQUE. Non, mais je rêve, c’est quoi ce délire, c’est moi la victime, là ! Laissez-moi vous expliquer monsieur le gendarme, s’il vous plaît! LE GENDARME. J’ai dit: vos papiers… Carte de séjour ! Ça sent la sans-papier à plein nez ! Ça sent l’avion destination le Sud ! LA DOMESTIQUE. Mais vous êtes… raciste ! LE GENDARME: Moi raciste ?!! Mais vous plaisantez ! Mais je passe toutes mes vacances en Guadeloupe, Madame ! J’ai acheté l’œuvre intégrale de Youssou N’Dour à ma femme ! Alors ! LA DOMESTIQUE. Raciste ! LE GENDARME. Allez, hop, hop, hop ! Outrage à agent, embarquez-moi ça !

Le gendarme attrape la domestique pour l’emmener. La domestique résiste, l’insulte, crie. Le gendarme l’assomme. Elle s’évanouie puis tombe par terre.

LE LOUP, au gendarme. Merci… Alors, on se voit samedi hein, comme prévu au Club pour le barbecue.

Le gendarme sort, en emportant la domestique inconsciente.

LE LOUP, seul. Avec tout ce que j’ai fait pour elle, quelle ingrate ! Bon, va falloir que je trouve une autre bonne maintenant… Peut être une Asiat’, parait qu’elles sont plus travailleuses… ou… hum… une fille de l’Est… ouais, une grande… une belle blonde de l’Est, tiens !

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Le Mot et la Chose

Gabriel-Charles de Lattaignant

Madame, quel est votre motEt sur le mot et sur la chose ?On vous a dit souvent le mot,On vous a souvent fait la chose.Ainsi, de la chose et du motPouvez-vous dire quelque chose.Et je gagerai que le motVous plaît beaucoup moins que la chose !

Pour moi, voici quel est mon motEt sur le mot et sur la chose.J’avouerai que j’aime le mot,J’avouerai que j’aime la chose.Mais, c’est la chose avec le motEt c’est le mot avec la chose ;Autrement, la chose et le motÀ mes yeux seraient peu de chose.

Je crois même, en faveur du mot,Pouvoir ajouter quelque chose,Une chose qui donne au motTout l’avantage sur la chose :C’est qu’on peut dire encor le motAlors qu’on ne peut plus la chose...Et, si peu que vaille le mot,Enfin, c’est toujours quelque chose !

De là, je conclus que le motDoit être mis avant la chose,Que l’on doit n’ajouter au motQu’autant que l’on peut quelque choseEt que, pour le temps où le motViendra seul, hélas, sans la chose,Il faut se réserver le motPour se consoler de la chose !

Pour vous, je crois qu’avec le mot

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Vous voyez toujours autre chose :Vous dites si gaiement le mot,Vous méritez si bien la chose,Que, pour vous, la chose et le motDoivent être la même chose...Et, vous n’avez pas dit le mot,Qu’on est déjà prêt à la chose.

Mais, quand je vous dis que le motVaut pour moi bien plus que la choseVous devez me croire, à ce mot,Bien peu connaisseur en la chose !Eh bien, voici mon dernier motEt sur le mot et sur la chose :Madame, passez-moi le mot...Et je vous passerai la chose !

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Ethnographie du bas

Moi, assise par terre,Le monde passeHélas.Déplacements incessants de voyageurs

Déjà ailleurs.PiétinementsA écraser la peccadille.Petite taille et point serré, je regarde

Les géants tituber.

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Moi, assise par terre,Le monde passeAbsent.Je partage ma poubelle avec les passants perma-

nents, faces ravagées,Prêts à manger tout ce qui traîne.

Danse de masse dans tous les sens, angoissés du

présent,Fous voyageurs des nouveaux temps.

Cliquetis? Bottes émaillées?Mon visage violé par l’acier.

Du haut, le soldat armé ne m’a pas vue.

A portée des maladresses, je suis,

Prête à hurler la balle perdue

Rivale des enfants, des mendiants, des hommes

nus.

Mais le ballet continue.

Cet autre là ne va nulle part,

Il habite le voyage, immense demeure.

Il passe,Et ne voit que les gens debout.

Tous marchent toujours comme des fous.

Moi, des heures assises à même le sol,

Dans cette gare des nouveaux hommes

Je disparaisTransparente et fantôme.

Eté 2012, poubelle numéro 4, Gare de Lyon.

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Nation cyclope

En haut du corps, une tête. Au centre de la tête, un

globe luisant. Au centre du globe, un concentration

d’images. Tout défiler très vite. Pas le temps d’arrêter

pour regarder vraiment. Juste voir. Deux dimensions

suffisent. Abscisse et ordonnée. Monoculture mesurée,

évaluée, emballée-imposée. Oeillère conique pour voir

au loin. Mais pas ses pieds. L’important est en haut.

Surtout ne pas se relier au bas. Ventre, sexe, pieds.

Odeurs, matières, déchets. Amour au cœur et maternité

au sein. En haut. Oeillère qui aspire le corps jusqu’à

la taille. Abscisse et ordonnée. Disproportions. Deux

dimensions. Disparition de la profondeur. Surface.

Disparition du relief. Platitude. Disparition de la

distance. Universalisme.

Nation cyclope

illustration : Sarah Fist’hole

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1. Au saut du lit, vous êtes plutôt : r Salutation au soleil que votre Guruji vous a enseignée lors de votre dernier voyage en Inde. ! Café et tartines de confiture sur fond de France Inter et up up up la journée peut commencer ! Café, café et… café, vous avez la tête dans le derch, vous vous êtes couché il y a à peine une heure…

2. Pour cuisiner : rVous faites la part belle aux épices ramenées de votre terrain togolais. ! Vous suivez la recette de mamie Yvette à la lettre. Vous faites appel à la cantine : c’est pas cher, pas forcément bio, mais c’est bon!

Test - Quel ethnologue êtes-vous ?

Saviez-vous qu’à l’intérieur de chacun d’entre

nous sommeille un ethnologue ? Pour le découvrir, le Tàd vous a concocté un petit test. En dix questions, vous saurez tout sur

votre ethnologuité ! Pour cela, il vous suffit

d’entourer la réponse qui vous semble la plus

appropriée !

N°9 - JANVIER 2013 17 Mag’

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3. Côté fringues, vous êtes plutôt : r Tuniques, Penjâbi, Sari et sarouel : l’ethnique, y’a que ça de vrai ! ! Seconde main, fripes, puces. Tout est bon à prendre, même les fringues à maman !

4. Sur le plan hygiénique, vous êtes plutôt : rBeurre de Karité et huile d’argan. ! Crème au Calendula. Eau et savon de Barreseille.

5. La déco chez vous, c’est plutôt : r Masques Tutsis, statuettes dogons, estampes japonaises et sceptre en bois offert lors d’une initiation au Bénin. ! Des photographies de Cartier Bresson, une fourche en buis accrochée au dessus de la cheminée à côté d’un joug de bœufs datant de 1934. Une relique de Sainte Précaire, un buste de Mobita orné d’un slip léopard ou une maquette de pierre tombale en carton.

6. Pour vos sorties culturelles, vous êtes plutôt du genre : r À aller à Paris pour voir les dernières nouveautés des collections du Musée de l’Homme. ! À avoir l’abonnement du cinéma d’art et d’Essais situé juste à côté d’un musée consacré aux objets de seconde main. À aller voir la dernière pièce expérimentale qui combine l’art circassien, la danse Buto, le karaté et le jonglage sur un air d’accordéon composé par le bourguignon Jean-Michel Lasagne.

7. Le moyen de transport que vous préférez : r L’avion, ça va plus vite et plus loin. ! La marche à pied, ça laisse le temps. La voiture, quand elle marche.

8. Lorsque vous faites l’amour : r Vous êtes plutôt dessus, à chevaucher.

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! Vous aimez bien utiliser le mobilier qui vous entoure (chaise, table, machine à laver, lavabo). Vous prenez ce qu’on vous donne…

9. Et pour aller dormir, vous optez plutôt pour des draps : r Avec des imprimés exotiques. ! En flanelle, on est quand même bien sous la couette. Dépareillés.

10. Dans quel cadre vous sentiriez-vous le plus utile ? r Une ONG. ! La croix rouge, le SAMU social. La fête de la Châtaigne à Castelnau Pégayrolles.

Résultats du test :Vous avez une majorité de : rVous êtes attiré, par le lointain, par une ethnologie dite « post coloniale ». Vous cherchez à comprendre ailleurs ce qui vous tarabuste ici. Manifestement, l’Occident n’est pas le lieu de votre épanouissement ! Un pied ici, un pied là-bas, votre cœur balance inlassablement ! Et bien n’attendez plus, tirez-vous, et restez-y !!Vous êtes attiré par une ethnologie du proche. Immergé dans ce monde que vous étudiez et qui vous constitue, vous cherchez à comprendre les enjeux et les mécanismes sous jacents. Et oui, vous êtes de ceux qui pensent que le voyage commence sur le pas de la porte. La ville et ses oripeaux, ça vous connaît ! L’agonie du monde rural aussi ! Mais attention, qu’on ne s’y trompe pas ! Attentif aux moindres détails, vous ne vous laisserez pas berner par les langues de bois : les maux de la société ne sont pas ceux que l’on voudrait nous faire croire… Vous êtes attiré par une Tad’Ethnologie. Alors là, c’est le pompon, vous êtes verni ! Vous auriez pu passer 10 ans à l’Université (peut-être est-ce le cas) que vous en seriez au même point. La forme d’Ethnologie que vous pratiquez est somme toute expérimentale et se réinvente à chaque pas. Si vous avez des infos à nous communiquer à son sujet, on est preneurs !

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Très confortable, ce violon ergonomique, autant pour

l’homme que pour la femme vous permettra de déposer vos déchets urinaires en toute mélodie, de façon convenante, y compris en public.

Transportable, il est donc utilisable en tout lieu, à tout moment. Façonné dans du bois exotique, sa cavité est tapissée d’un matériau imperméable et écologique, garantissant la bonne conservation de votre urine. Enfin, vous pourrez pisser en toute classe, sans vous isoler d’une soirée, d’un bon repas entre amis ou d’un récital de piano, sans vous enfermer dans une pièce carrée, minuscule, aseptisée ou dégueulasse. Votre urine ainsi contenue pourra être utilisée librement, déversée où bon vous semble. Tout cela pour la modique somme

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N°9 - JANVIER 201320 Mag’