Tableau de bord des pays d'Europe centrale et orientale 2009

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Les Études du CERI N° 162 - décembre 2009 Tableau de bord des pays d'Europe centrale et orientale 2009 sous la direction de Jean-Pierre Pagé Volume 2 Centre d'études et de recherches internationales Sciences Po

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LesÉtudesduCERIN°162-décembre2009

Tableaudeborddespaysd'Europecentraleetorientale2009

sousladirectiondeJean-PierrePagé

Volume2

Centred'étudesetderecherchesinternationales

SciencesPo

Les Etudes du CERI - n° 162 - décembre 2009

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LeTableaudebord2009(volumes1et2)aétéréalisé,sousladirectiondeJean-PierrePagé,paruneéquipeluiassociant VitaliyDenysyuk, IonnaDordea, Petia Koleva, EmmanuelMathias, JanaMarasova, Liliane Petrovic,Caroline Vincensini, JulienVercueil etNebojsa Vukadinovic. Le panorama politique (vol.1) a été rédigé parJacquesRupnik.JacquesSapiraprisenchargel'élaborationdelapartierelativeàlaRussie(vol.2).Jean-Pierre Pagé est économiste, expert pour lespaysdel'Europedel'Est.e-mail:[email protected](SciencesPo).e-mail:[email protected] Sapir est directeur d'études à l'Ecole deshautes études en sciences sociales (EHESS) où ildirige le Centre d'études desmodes d'organisation(CEMI).e-mail:[email protected]

VitaliyDenysyukestdocteurenéconomie.e-mail:[email protected] Marasova est maître de conférences àl'universitéMatejBelàBanskaBistrica,Slovaquie.e-mail:[email protected]àl'EHESSoùelleestmembreduCEMI.e-mail:[email protected]économie,cher-cheurà l'IDHE-Cachanetenseigneà l'ENS-Cachan.e-mail:[email protected] Vukadinovic est docteur de l'Institut dessciencespolitiques.e-mail:[email protected]

Remerciements

Les remerciementsdes auteurs s'adressent d'abordauCERI à JudithBurko, pour le rôle essentiel qu'elle jouedans la réalisationduTableaudebord,ainsiqu'àRafalKierzenkowskiduBureauPologne/Francede l'OCDE,pour ses chaleureux et précieux conseils, et Marko Slokar, ancien secrétaire d'Etat chargé de l'IntégrationeuropéenneenSlovénie.Ilss'adressentaussiauxéconomistesdel'Institutd'étudeséconomiquesinternationalesdeVienne(WIIW)quilesontaidésàanalyserlazonegrâceàleurremarquablecompétencedanscedomaine.

SourcesBanquemondiale:DoingBusiness2009.BanquenationaledeSerbie:–Rapport sur l'état du système financier,mai2009;–Rapportsurl'inflation,août2009.Banque nationale de Slovaquie: Bulletinstrimestriels,2009.BERD:TransitionReport2009.Centre d'études des modes d'industrialisation(CEMI-EHESS) - Institut de prévision de l'économienationale -AcadémiedessciencesdeRussie (IPEN-ASR),DonnéesetanalysessurlaRussie.Commission européenne,Communication au Par-lement européen et auConseil:Stratégie d'élargis-sementetprincipauxdéfis2009-2010:Croatia2009ProgressReport,octobre2009.Conseil de l'Europe: Eighth Meeting of theAccession Conference at Ministerial Level withCroatia,2octobre2009.Consensus Economics inc.: Eastern Europe Con-sensusForecasts,octobre2009.Economist Intelligence Unit (The): CroatiaCountry Report, Serbia Country Report, CzechRepublicCountryReport,2009.FMI:–World Economic Outlook : «Crisis and recove-ry», avril 2009, et «Sustaining the recovery»,octobre2009;–Croatie : Art IV Consultations – Staff Report,IMFCountryReport,juin2009;–Serbie : Letter of Intent, Memorandum of Eco-

nomic and Financial Policies and TechnicalMemorandum of Understanding, avril 2009, etStand-By Arrangement, Second Review Mission,AideMémoire,septembre2009.Institute for Economic Research and Policy Con-sulting (IER-Ukraine), Macroeconomic ForecastUkraine,Kiev,2009.Institut d'études économiques internationales deVienne(WIIW):–V.Gligorov,G.Hunya, J. Pöschl etal.: «Diffe-rentiatedimpactoftheglobalcrisis»,CurrentAna-lyses andForecasts: EconomicProspects forCen-tral,EastandSoutheastEurope,n°3,février2009;–V.Gligorov, J.Pöschl,S.Richteretal.:«Wherehave the shooting stars gone?»,CurrentAnalysesand Forecasts : Economic Prospects for Central,EastandSoutheastEurope,n°4,juillet2009.InstituteofMacroeconomicAnalysisandDevelop-ment (IMAD-Slovénie),SlovenianEconomicMirror,septembre2009.International Center for Policy Studies (ICPS-Ukraine),QuaterlyPredictions,Kiev,2009.M. Kollar, G. Meseznikov et M. Butora: Slo-vensko,Institutdesaffairespubliques,Bratislava.KomercnyBanka:EconomicTrends,2009.MinistèredesFinancesdeSerbie:Analysemacro-économique et fiscale pour la période janvier-juin2009,juillet2009.Ministry of Economy and European Integration ofUkraine:EconomicSituationandForecasts,2009.OCDE:Slovénie,Etudeéconomique,2009.

Tabledesmatières

SlovaquieparJanaMarasova p.4

SlovénieparNebojsaVukadinovic p.10

RépubliquetchèqueparCarolineVincensini p.16

LaCroatieetlaSerbieCroatieparLilianePetrovic p.23

SerbieparLilianePetrovic p.29

LaRussieetl'UkraineRussie:unecriseetsonenjeuparJacquesSapir p.36

UkraineparVitaliyDenysyuk p.50

Avertissement

LelecteurconstateraqueleplandeschapitresduTableaudebordachangé.Alatraditionnelledivisionendeuxparties–«Evolutionmacroéconomique»et«Transformationsstructurelles»–estdésormaissubstituéeunestructureplussouple.Lecanevasprécédentétaiteneffetadaptéàl’analysedel’évolutiondepaysentransition,mettantl’accentdefaçondistinctesurlamacroéconomieetlesréformesdestructurenécessairespourréalisercettetransition.Elleestàprésenttrèsavancée,etilnous a semblé plus opérationnel de laisser aux auteurs la liberté de segmenter les chapitres comme ils l’entendent enfonctiondel’actualité.Leshabituelstableauxdechiffresprésentantlesindicateursdel’évolutionéconomiquerestentàleurplace.

PourlirelestableauxparpaysTableau1.Evolutionannuelledesprincipauxagrégats

PIB,Productionindustrielle,Formationbrutedecapitalfixe,Consommationdesménages:variationsenvolumeen%parrapportàl'annéeprécédentePIBpartête:calculéchaqueannéeparrapportàlamoyenneduPIBpartêtedel’Unioneuropéenneà27enparitédepouvoird’achat(PPA)Salaireréelmoyen:variationsentermesréelsparrapportàl'annéeprécédente(l'évolutiondusalaireestdéflatéeparcelledesprixàlaconsommation)Prixàlaconsommation:variationsduniveaudesprixen%parrapportàl’annéeprécédente(surlabasedesmoyennesannuelles)Soldedesadministrationspubliques(«generalgovernmentbalance»),Dettepublique:calculéschaqueannéeen%duPIB.Emploitotal:variationsdel'emploiparrapportàl'annéeprécédente.Chômage:letauxdechômageestcalculédedeuxmanières: 1)en%delapopulationactiveàlafindechaqueannéesurlabasedesstatistiquesdechômeurs

enregistrés; 2)en%delapopulationactiveenmoyenneannuellesurlabasedesenquêtesemploiselonle

conceptduBIT.Tableau2.Balancesextérieures,réserves,endettementetinvestissementétrangersExportations,Importations:variationseneurosen%parrapportàl'annéeprécédente.Balancescommercialesetbalancesdespaiementscourants : elles sont,pourchaqueannée,calculéeseneuros.Lesbalancesdespaiementscourantssontcalculées,enoutre,en%duPIB.RéservesdelaBanquecentrale,DetteextérieurebruteetInvestissementsdirectsdel'étrangerentrantsetsortants:ilssontcalculéeseneuros.Ladetteextérieureest,enoutre,calculéeen%duPIB.

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SlovaquieparJanaMarasova

L'évolution économique et sociale de la Slovaquie, ainsi que sa position concurrentielle dansl'Unioneuropéenne,ontétéfortementinfluencées,aucoursdel'année2009,pardeuxévénementsmajeurs:ledébutdelacirculationdelamonnaieuniqueetl'impactdelacrisefinancièreglobalesurl'économienationale.Tandisquel'adoptiondel'euroreprésenteunerécompensedesperformanceséconomiques élevées durant plusieurs années successives, la crise teste la qualité des réformesstructurellesréaliséesaulongd'unprocessusdetransformation,et lasoliditédesfondementsd'uneéconomie de marché relativement jeune. Petite économie ouverte, son évolution au cours desprochaines années dépendra beaucoup de la situation à venir dans les grandes économiesdéveloppées.

EvolutionmacroéconomiqueAprèsavoir largementrespectélescritèresdeMaastricht, laSlovaquieestdevenuemembredelazone euro le 1er janvier 2009. Certains avantages de l'adoption proche de l'euro s'étaient déjàmanifestésavantcettedate.Ils'agissaitsurtoutdesonratinginternational(leplusélevédespaysdugroupedeVisegrad)etdelastabilitédelacouronne.Malgrélespremièresconséquencesdelacrisefinancièreglobale, laSlovaquieavaitmaintenusonéconomiestableet letauxdechangeréeldelacouronne ne s'était pas déprécié: en 2008, elle adonc encore bénéficié d'une croissanceéconomique dynamique qui aatteint 6,4%. Cependant, tout au long de cette année, le taux decroissance a diminué, passant de 9,3% aupremier trimestre à 2,5% au quatrième, pour devenirnégatif au premier trimestre de 2009 (-5,6%) et encore –même si ce futmoins que prévu – audeuxièmetrimestre(-5,3%).Onpeutdoncpenserquelecreuxdelarécessionaeulieuaudébutdel'année.Malgrélesmesuresanticycliquesencours,unebaissede5%duPIBestattenduepourl'ensembledel'année2009.Laraisonprincipaleenestlachutedelademandeextérieure(notammentémanantdel'AllemagneetdelaRépubliquetchèque),celledesinvestissementset,plusencore,duniveaudesstocks.Quantàlaconsommationprivée,unemodestecroissancedessalairesréels(1,6%aupremiertrimestre)etuncomportementprudentdesménagesontconduitàlamodérer,sibienquesonniveaudevraitêtrerestéinchangéparrapportàceluide2008.Ilfautd'ailleursnoterqueladépréciationdesmonnaies des pays voisins a contribué à développer les achats transfrontaliers des Slovaques enPologne,enHongrieetenRépubliquetchèqueaudétrimentdumarchédomestique.Encequiconcernelaproduction,lacontractionduPIBestdueprincipalementàlaréductiondelavaleurajoutéedel'industrie.Lesprimesàlacasse(2000eurospourunenouvellevoiture)n'ontpasapportéleseffetsattenduspourlesproducteursdevéhiculesenSlovaquie.Parailleurs,ilnefautpasoublierque l'appréciationde lacouronneslovaqueavant la fixationdu tauxdeconversionenversl'euroamenéàunehaussede25%environducoûtdutravailet,parconséquent,àunebaissedelacompétitivitédesmarchandisesslovaquesàl'étranger.Lesconséquencesdelacriseéconomiqueglobalesurl'économieslovaque,trèsfaiblesen2008,nesontdevenuesdramatiquesqu'audébutde l'année2009,presque immédiatementaprès l'adoptionde l'euro. C'est pourtant dans l'objectif de les amortir que le gouvernement aadopté ennovembre2008 leProgrammedestabilisationde laRépubliqueslovaquepour2008-2012. Il s'agitsurtout de mesures ayant leur place dans une politique économique à long terme : soutien auxinnovations, amélioration concernant l'utilisation des fonds européens, allègement du processusbureaucratiqueencequiconcernelacréationetlefonctionnementdel'entreprise,ouencoresoutienà l'autosuffisance énergétique du pays. Néanmoins, certaines d'entre elles contiennent de vrais

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élémentsanticycliques.Ilenestainsidel'utilisationdedeuxbanquespubliques(SlovenskazarucnaarozvojovabankaetExport-Importbanka)pourremédieraumanquedeliquiditésrésultantdel'excèsdeprudencedesbanquescommerciales, afin de garantir des flux decrédits, surtout vers les PME.L'activitédecesdeuxinstitutionsabienfourniuneaideprovisoire,maisellen'apaspuremplacerlesecteurbancaireen tantque tel.D'autresmesuresàdestinationdesentreprisesetdesbanquesontpris laformederecommandationsoud'appels.Leprogrammedugouvernementcontientaussidesmesurescontroverséescomme l'élargissementde laréglementationdesprixdans lessecteursde ladistributionenréseau(gaz,eau,électricité)oulesoutiensélectifdutourisme.Un «paquet» dedispositionsà caractère anticycliqueest entré en vigueur enmars-avril2009. Ils'agit d'une aide aux individusqui s'exprimeparunemodificationde laprime à la naissancedesenfants, lavalorisationdespensionsde retraite,deschangements fiscaux (augmentationde labasedesrevenusexonérésdel'impôt),desprimesàlacréationdesemplois,entreautres.Parailleurs, il fautsoulignerquelebilandel'utilisationetdel'impactdesfondseuropéens,alorsquel'onapprochedelafindelapremièremoitiédelapériode2007-2013,n'estpassatisfaisant.LaSlovaquie n'a utilisé qu'un pourcentage extrêmement minime des 11,36milliards d'eurosprogrammés,enpartieàcausedudélaidemiseenœuvredesprogrammes.Pourremédieràcettesituation, le gouvernement cherche à faciliter l'accès aux fonds européens pour les grands projetsd'investissement,notammentenfavorisantlesprojetsdepartenariatpublic/privé(PPP)portantsurlaconstructiondesautoroutes.Autotal,lesdépensespubliquesanticycliquesplanifiéesparlegouvernementdevraientreprésenter0,7milliardd'eurospourlapériode2009-2010,lacontributiondel'Unioneuropéenneàcetobjectifs'élevantà242millionsd'euros.IlenestattenduunecontributionàlacroissanceduPIBde2,4%en2009etde1,9%en2010.Orétantdonnélalenteuractuelleduprocessusdepréparationdesgrandsprojets d'infrastructures, cette prévision ne semble pas réaliste. Si les prévisions d'une reprise del'économieglobaleen2010sematérialisent,cen'estqu'en2011que lacroissancede l'économieslovaquedevraitreprendre.LaSlovaquieaachevél'année2008avecundéficitdesfinancespubliquesdeseulement2,2%duPIB. Une meilleure gestion de la caisse d'assurance sociale, un excédent des fonds d'Etat et unediminutiondesdéficitsdescollectivitésadministrativesrégionalesontpermisd'obtenircerésultat.Legouvernements'estd'abordfixépourobjectifen2009demaintenircedéficitaumêmeniveau.Maiscompte tenu desmesures anticycliques, de la nécessité de pourvoir au cofinancement des projetseuropéensetdelabaissedesrecettesbudgétairesconsécutiveàlacrise,cetobjectifparaîttotalementirréalisteetilconvientdeprévoirqueledéficitdesfinancespubliquesdépassera5%duPIB,en2009commeen2010,d'autantque ladisciplinebudgétaire risquedesedétérioreravec l'entréedans ladernière phase du cycle politique. Cela aura inévitablement un impact sur le niveau de la dettepubliquequipourraitpasserde27,6%duPIBen2008à40%en2010.L'impact de la crise sur le commerce extérieur de la Slovaquie est devenu sensible au derniertrimestrede2008,lorsquelesvariationsannuellesdesexportationsetdesimportationssontdevenuesnégatives.Cette évolutions'estaccentuéeaudébutde2009.Le soldede labalanceducommerceextérieuraupremiersemestreapourtantatteintunexcédentdepresque300millionsd'euros,carlabaissedesexportations,de28,4%,aétéinférieureàcelledesimportations,de30,1%,parrapportaupremiersemestrede2008.Cerésultat,combinéavecladiminutiondudéficitdelabalancedeséchanges de revenus (moins de dividendes et de profits réinvestis à payer) a considérablementcontribuéàlaréductiondudéficitdelabalancedestransactionscourantesquidevraitêtreramenéendessous de 5% du PIB en 2009. En revanche, la crise a eu un effet sensible sur le volume desinvestissementsdirectsde l'étrangerdont levolumeen2009estattenduendiminutiondeplusde60%parrapportà2008.Letauxd'inflation,quiétaitdescenduendessousde2%en2007,aconnuunebrusqueremontéeàprèsde4%en2008,principalementsousl'effetdelahaussemondialedesprixdel'énergieetdesproduitsagricoles.Afind'éviteruneaugmentationdesprixnonjustifiéeliéeaupassageàl'euro,lesautoritésontdécidéque,àpartirdumoisd'août2008,lesprixdetouslesbiensetservicesdevraient

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êtreprésentésselonleprincipedudoubleaffichage(encouronnesslovaqueseteneuros).Enoutre,legouvernementautilisé l'armede laréglementationetducontrôledesprixde l'énergie.C'estainsiqueleministèredel'Economiedéterminedirectementlesprixdugazetdel'électricitédestinésauxménages et aux entreprises, et compte le faire jusqu'à ce que l'indicateur économique «part desdépensesd'énergiedanslesrevenusdesménages»atteignelamoyenneconstatéedanslespaysdel'Union européenne. Enfin, la crise économique a contribué à modérer l'inflation, notamment enmaintenantlesprixdesmatièrespremièresstratégiquesàunniveaurelativementbas.Autotal,letauxd'inflationestredescenduà2,6%d'août2008àjuillet2009,etilestestiméauxalentoursde1,5%pour l'ensemble de l'année2009.Onpeut en conclure que l'adoptionde l'euron'a pas entraînéd'augmentationduniveaudesprix.Plusgénéralement,onpeutconsidérerque lamonnaieuniqueprésente,pourlaSlovaquie,lesavantagesd'amortirlesperturbationséconomiques,defaciliterl'accèsdes IDE et les échanges en général, mais qu'elle rend en revanche plus difficile la situation desexportateurs slovaques, surtout en ce qui concerne les PME (dans l'alimentation, le tourisme, lestransportsetlebois)exportantdansdespaysvoisinsdontlesmonnaiesnationalessedéprécient.Parailleurs, les estimations de la Banque centrale montrent que l'euro aurait contribué à uneaugmentationdu coût du travail en Slovaquie en 2009 (le salaire horaire s'établissant à 7,1euroscontre6,5enPologneet6,2enHongrie).

Compétitivitéetvitalitédusecteurproductif

Dansunpremiertemps,auderniertrimestrede2008,l'économieslovaqueetsonsecteurproductifontmieuxrésistéàlacriseéconomiqueglobalequeleséconomiesdesesvoisins.C'estaudébutde2009 que les entreprises slovaques ont le plus ressenti une diminution des commandes de leurspartenairescommerciaux.Durantlescinqpremiersmoisde2009,lepaysaenregistré(parrapportàlamêmepériodede2008)unebaisseimportantedesexportationsdevéhiculesetd'équipements(-14,2%)etdeproduitschimiques(-10,8%).Ensensinverse,lesexportationsdesécransdetélévision,dontlaproductionavaitdémarréen2008,ontenregistréunehaussede310millionsd'eurosaucoursdelapériodeconsidérée.Labaisseannualiséedel'indicedeproductionindustrielle,quiétaitencoredeprèsde25%enmai2009,aralentipourdescendreendessousde20%en juin.Levolumede laproductionentrecesdeuxmoisaeneffetaugmentéde6,1%,surtoutencequiconcernelesproductionsdevéhicules,demétaux et de la construction. Les grands producteurs automobiles (KIA, Volswagen, PSA) ontrecommencé à augmenter leur production en réaction à une demande légèrement en hausse. Audemeurant,plusieurs indicateurs signalentque l'influencenégativedumilieuexternesur l'industrieslovaqueafaibliàcourtterme.Notonsparailleursquesamonospécialisationdansl'automobilen'estpasunhandicapaussi importantqu'onauraitpulecraindre,grâceàl'orientationdecetteindustrieversdespetitesvoituresàconsommationbassedontlademanderesteplutôtstable.En2009,laSlovaquiecontinueàprofiterdeplusieursdesesavantagescomparatifs,dontleniveaudes salaires. On soulignera qu'une tendance à la différenciation de ceux-ci se maintient depuisplusieursannées, larégiondelacapitaleétantlaseuleàdépasserleniveaudusalairemoyendansl'économie, et celles de Presov, Nitra et Banska Bystrica restant au niveau le plus bas. Cettedifférenciationestégalementnotableauniveaudessecteursdel'économie,lessalaireslesplusélevéssesituantdanslesservicesfinanciers,lessecteursdedistributionenréseau,l'administrationpubliqueetladéfense.En2008,leParlementaapprouvéuneloivisantsurtoutlesgrandeschaînescommercialesetleurspratiques,concernantl'établissementdescontratsetréglementantlesrelationsconventionnellesentreles fournisseurs et les clients. Par ailleurs, pour soutenir le développement régional et lesinvestissements, l'Etatadécidédepuisl'annéedernièred'accorderuneaidefinancièreàdesprojetsd'investissementsquivisentuneexpansionindustrielle,àlacréationdecentrestechnologiques,mais

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aussi au développement des services stratégiques ou à l'établissement de centres touristiquescomplexes.La question de la sécurité énergétique reste très prégnante en raison de la coupure de gaz,consécutive à un conflit russo-ukrainien, qui a affecté le pays pendant une quinzainede jours enjanvier 2009.Depuis lors, le gouvernement slovaque aentreprisde trouver des ressourcesde gazdiversifiées. C'est ainsi que la Compagnie de gaz slovaque (SPP) a signé des contrats avec EONRuhrgas et VNG-Vernbundnetz, garantissant des fournitures supplémentaires de l'Ouest en cas decrise. Des projets de commutations des réseaux entre la Slovaquie, la Hongrie et l'Autriche sontégalementnégociés.Selon l'évaluationdeseptembreduWorldEconomicForum (WEF), lescapacitésconcurrentiellesdelaSlovaquieontdiminué:ellen'occuperaitquela47eplaceparmi133pays,aprèslaPologneetlaRépubliquetchèque.Sespointsfaibles,seloncetteanalyse,sontleclientélisme,larevendicationdedroits,laconfiancefaibledansleshommespolitiques,l'efficacitébassedesdépensespubliquesetlarigidité du code de travail. Parmi les avantages concurrentiels, le WEF cite l'ouverture auxinvestisseurs étrangers, ainsi que la législation favorable à cet objectif, ou encore l'existence d'unmarchédebiensetdeservicesdéveloppé.

Situationdusecteurfinancier

L'évolution négative affectant le secteur bancaire mondial n'a pas conduit à une croissancedramatique des taux d'intérêt des banques commerciales en Slovaquie. La crise pèse moinslourdement sur elles que sur leurs compagnies mères. La stabilité du secteur financier slovaquerésulte de sa restructuration, au cours des années 1999-2002, ayant conduit à la privatisation desbanques commerciales les plus importantes au profit d'établissements solides et renommés, à laréductionduvolumetotaldesmauvaiscréditsdansleportefeuilledesbanquesetàlamiseenplaced'unelégislationconcernantleuractivitéentrepreneuriale,quileurimposeuneprotectiondesdépôtsetunesolvabilitéàlongterme.Lesloisadoptéesàcetteépoqueontégalementrenforcélesrèglesdela gestiondu risque, la responsabilité dumanagement des banques, ainsi que leurcontrôle par laBanque centrale. En fin de compte, cette dernière a intégré le contrôle du secteur bancaire et dusecteurfinancier,cequiarenducelui-cipolitiquementindépendant.La Slovaquie dispose ainsi actuellement d'un secteur bancaire relativement stable, composé debanques plutôt petites, mais dont les actifs et passifs n'ont pas été trop influencés par les titrestoxiques,niparlesactifsproblématiquesliésàlacrisefinancièremondiale.Ilfautpourtantnoterque,en2009,ellesmontrentplusdeprudencefaceauxrisquesetappliquentunepolitiquebancaireplusconservatrice.En ce qui concerne la politiquedes tauxd'intérêt, laBanque centralea suivi les décisions de laBCEetadiminuéàplusieursreprisessontauxdebasejusqu'àcequecelui-cidescendeauniveaude2,5%àlafinde2008.Lesautrestauxd'intérêtsdéterminésparleConseildebanqueontbaissédefaçon concomitante, les taux d'intérêt sur le marché monétaire étant proches du niveau du tauxd'intérêtclédelaBanquecentrale.Dans ce domaine, la politique anticyclique semanifeste, d'unepart, par l'octroi d'une garantieillimitée des dépôts des personnes physiques, d'autre part, par l'adoption de règles plus strictesconcernantlaliquiditédestransfertsdesfilialesversleursbanquesmères.Cesdernièresdispositionsontpourobjetdefairefaceaurisquequepeutfairepeserlecomportementdescompagniesmèresetles effets de leurs décisions sur la situation de leurs filiales, qui peuvent se trouver alors dansl'obligationderéduirelesfluxfinanciersetenpositiondemenacerl'existencedesentreprises.

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Situationsociale

Lesrépercussionsdelacrisesesontfaitsentirauniveaudelaperceptionparlapopulationslovaquede la situation économique et sociale de leur pays, selon les diverses enquêtes disponibles.Aprèsavoir ressenti l'année 2008 comme une période de développement favorable et de «tempsensoleillé», la population a manifesté moins d'optimisme au seuil de l'année 2009 (enquête deKPMGInternationalendécembre2008):lepourcentagedespersonnesinterrogéesportantunregardoptimistesurlasituationestpasséde43%audébutde2008à26%.Leniveaudevieetlechômageétaient considérés comme les plus graves problèmesdupays, le premier étant perçu, pour partie,comme lié au passage à l'euro (en raisonde ses effets supposés sur le coût de la vie), le secondrésultantdel'augmentationdescraintesvis-à-visdelasituationéconomiqueetsociale.Notonsquelesréponsesconcernantlesinégalitésrégionalesontmontréunevisiontrèscritiquedesdifférencesdanscedomaine,notammentdelapartdeshabitantsdesrégionsorientalesdupays.Silaconvictiondes citoyens concernant la bonne orientation de la Slovaquie est restée forte en 2008 (61% descitoyens) et si environ 50% de la population pensait que la situation économique ne s'était nidétériorée, ni améliorée à la fin de cette année (enquêtes de l'Institutpour lesAffaires Publiques:IVO), il n'en était pas de même au milieu de 2009, les personnes interrogées faisant part depréoccupationsfaceàlamontéedestensionsethniquesslovaquo-hongroises(53%),àl'augmentationduchômage (89%) et à l'inefficacité desmesures anticycliques (57%). Pourtant, lepartipolitiquedominant du Premierministre Robert Fico (SMER) continue à bénéficier d'un soutien élevé de lapopulation, lespréférences électorales en faveur du SMER semaintenant, selon l'agence Focus enaoût 2009, au niveau de 40%. Le gouvernement est, de fait, largement perçu comme social etprotecteur,lescitoyensseconsidérantsatisfaitsdesesmesuressociales(augmentationdelabasedurevenu exonéré de l'impôt, nouvelles allocationsauxchômeurs,maintiendes primes deNoël auxretraités…,auxquelless'ajoutelarepriseparl'Etatdeladécisionconcernantl'augmentationdusalaireminimumsilespartenairessociauxneparviennentpasàs'entendre),ainsiquedel'adoptiondel'euroet de l'ouverture du pays aux investisseurs étrangers. En ce qui concerne le niveau de vie, laSlovaquie s'est rapprochée des pays européens développés et, en 2008, le niveau de laconsommation des ménages a atteint presque 70% de la moyenne de l'Union européenne,permettantaupaysdedépasserlaHongrie,l'EstonieetlaLituanie.Si la demande croissante continue de main-d'œuvre en 2008 a eu des résultats positifs surl'évolutiondu tauxdechômagequiadiminuéde1,6%pour descendre à 9,5% (selon l'enquêteemploi)àpartirdenovembre,latendances'estinverséeetletauxdechômageaaugmentéjusqu'enjuin2009,oùilaatteint11,8%.Deuxfacteursrésultantdelacriseéconomiqueontcontribuéàcettehausse: le retour d'une partie des citoyens qui travaillaient à l'étranger, notamment en Irlande etGrandeBretagne,etunediminutiondelaproductiondesfilialesdesentreprisessupranationalesenSlovaquie.Selonlesprévisionsdesenquêtesbaséessurl'emploi,letauxdechômageen2009-2010devraitatteindreunniveaucomprisentre12,5et13,5%,cequiestsupérieurauniveaumoyenprévupourlazoneeuro.

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SlovaquiePrincipauxindicateurséconomiques

Tableau1–Evolutionannuelledesprincipauxagrégats(variationsen%parrapportàl'annéeprécédente,saufmentioncontraire)

2005 2006 2007 2008(e) 2009(p)

PIB 6,5 8,5 10,4 6,4 –5

PIBpartête(%moyenneUE-27,PPA) 60 64 67 71 67

Productionindustrielle 3,6 9,8 13,2 1,3 –18

Formationbrutedecapitalfixe 17,6 9,3 8,7 6,8 –12

Consommationdesménages 6,6 5,9 7,1 6,1 0

Salaireréelmoyenbrut 6,3 3,3 4,3 3,3 –

Prixàlaconsommation 2,8 4,3 1,9 3,9 1,5

Soldedesadministrationspubliques(%duPIB) –2,8 –3,5 –1,9 –2,2 –5

Dettepublique(%duPIB) 34,2 30,4 29,4 27,6 –

Emploitotal 2,1 3,9 2,4 3,2 –

Tauxdechômage(%delapop.active)–chômeursenregistrésenfind'année–moyenneannuellesurbaseenquêtesemploi

11,416,3

9,413,4

8,011,1

8,49,5

1113

Source:WIIW

(e ):estimation;(p):prévision

Tableau2–Balancesextérieures,réserves,endettementetinvestissementsétrangers

2005 2006 2007 2008(e) 2009(p)

Exportationsdemarchandises 15,3 30,0 26,5 13,2 –15

Importationsdemarchandises 17,4 29,9 20,1 12,6 –17

Balancecommerciale(millionsd'euros) –1917 –2468 –838 –713 1000

Balancecourante(millionsd'euros) –3268 –3636 –3141 –4279 –3000

Balancecourante(%duPIB) –8,5 –8,2 –5,7 –6,6 –4,7

RéservesdelaBanquecentrale,orexclu(milliardsd'euros) 12,57 9,64 12,28 12,67 –

Detteextérieurebrute(millionsd'euros) 22,71 24,45 30,16 37,29 –

Detteextérieure(%duPIB) 57,9 50,7 54,7 55,4 –

Fluxd'IDEentrants(millionsd'euros) 1952 3311 2108 2395 –

Fluxd'IDEsortants(millionsd'euros) 120 292 149 177 –

Source:WIIW

(e ):estimation;(p):prévision

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SlovénieparNebojsaVukadinovic

La Slovénie est actuellement confrontée à une crise économique comme elle n'en avait jamaisconnuedepuisson indépendance.Eneffet,aprèsplusieursannéesdecroissancesoutenue, lepaysprésenteen2009dessignesdedifficultésetunenettedétériorationdesonactivitééconomique,avecune contraction du PIB qui pourrait atteindre de 6% à 7,5%. La formation brute de capital fixediminuerait de 20%. Les secteurs orientés vers l'exportation sont les plus touchés. Le taux dechômage aaugmenté: il est désormais estimé autour de8%et pourrait encoreconsidérablements'élever.Lemontantdeladetteaégalementaugmenté.Dèslorsseposelaquestiondelarésistancedumodèle économique gradualiste slovène à la crise financière internationale. Jusqu'à présent, ilsemblaitpouvoirconstituerunrempartfaceàcelle-ci.Danslamesureoùlesindicateursdel'année2009sontnettementnégatifs,biendesquestionsseposent.Lacriseactuellerévèle-t-elledesfragilitéséconomiques sous-jacentes? Ou inversement, est-elle le signe de l'abandon des principalescaractéristiquesdumodèleéconomiqueslovène:gradualismeetconsensuspolitiqueen faveurdesacquissociauxdupassé?Lesmauvaisrésultatsdel'année2009résultent-ilsdel'intégrationdeplusen plus forte de l'économie slovène dans l'Union européenne et dans l'économie mondiale?L'appartenanceàlazoneeurojoue-t-ellelerôlede«bouclier»quecepaysétaitendroitd'attendre?AutantdequestionsquifontdésormaispartiedudébatpolitiqueenSlovénie.

Lemodèleéconomiqueslovène:unrempartcontrelacrise?

NousavonsdécritdanslesprécédenteséditionsduTableaudebordlesprincipalescaractéristiquesdumodèle slovène: lamiseenœuvredes réformeséconomiquesquia tenucomptede l'héritageinstitutionneldupays; l'existenced'unconsensuspolitiqueenfaveurdugradualisme; lapoursuitede politiques économiques à un rythme raisonnable au cours des années 1990 et au début desannées2000sanstenircomptedesfortespressionsduFondsmonétaireinternationaletdel'Unioneuropéenne (plus favorables à la thérapie de choc) ; la volonté politique et économique dereconquérir progressivement lesmarchés des pays issus de l'ex-Yougoslavie. En suivant ce cap, laSlovénieabénéficiéd'unecroissancerégulièreetsonPIBparhabitants'estrapprochédeceluidelamoyennedespaysdel'Europedel'Ouest.C'estdanscecontextequelavoiemenantàl'adhésionàl'UEaétéouvertepouraboutiravecsuccèsen2004,laSlovénieétantmêmecitéecommeun«bonexemple»etun«modèle»àsuivrepourlesautresnouveauxmembresdel'Unionetpourlespaysdelarégiondésirantl'intégrer.Parailleurs,despolitiquesmacroéconomiquesprudentesontcontribuéàsoutenir lacroissancesans créer dedéséquilibresmajeurs jusqu'àunedate récente. Enparticulier,l'accord social de 2002 visant à maintenir la croissance des salaires en dessous de celle de laproductivitéacontribuéàramenerl'inflationversletauxdelazoneeuroenl'espacededeuxans,etàaméliorer lacompétitivité toutenévitantunedégradationmarquéede labalancedesopérationscourantes. Un strict accord de freinage des salaires publics en vigueur depuis 2004 a permis derétablir l'excédent budgétaire en 2007. Ces évolutions positives dénotent un rattrapage durablependantcettepériode,aucoursdelaquellelechômageest tombénettementsoussontauxnaturelestimé,etoùletauxd'emploiaatteintunniveausupérieuràlamoyennedel'OCDE,avantquelacrisefinancièrenefrappelaSlovénie.Quelquessignesdesurchauffesontpourtantapparusaprèsl'entréedanslazoneeuroen2007,quia coïncidé avec de fortes hausses des prix des produits alimentaires et de l'énergie. L'inflation aculminéàlami-2008,avantd'êtremaîtriséeen2009pourpratiquements'annulerenseptembreetenoctobre,letauxmoyenpourl'annéeétantdel'ordrede1,5%etlesestimationspour2010et2011tablantsur2%.

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Dans ce contexte, le principal vecteur de transmission de la crise financière et économiquemondiale à la Slovénie est le commerce international, la demande étrangère –en particulierallemande, autrichienne et italienne– s'étant fortement contractée. Les secteurs orientésprincipalement vers l'exportation sont les plus touchés et on assiste à une chute drastique de laproductiondanslesecteurmanufacturier,enparticulierdel'électroménageretdel'automobile,c'est-à-diredesprincipauxsecteursd'activitédupays.Le secteurbancaire,dont lesétablissementséprouventdesdifficultésde refinancementdepuis lederniertrimestrede2008,n'apasétéépargné.Eneffet,cesdernièresannées,lesbanquesétrangèresetslovènesavaientempruntéàl'étrangerpourfinanceruneviveexpansionducréditquidépassaitlacroissance des dépôts intérieurs. En conséquence, le montant total des dettes à court terme àrefinancer dans un délai d'un an a atteint 5,5milliards d'euros, soit environ un sixième du PIBslovène, ce qui a contraint les banques à conserver des liquidités et à limiter les concours auxménagesetauxentreprises.L'impactsurlademandeintérieureaéténégatifetaconstituéunfreinàlaconsommationdesménages.Quantauxentreprises,elleséprouventdepuislorsdeplusenplusdedifficultéspourtrouverdesfinancements,etl'investissementproductifenpâtitgravement.Cettesituationnégative,quisedessinedepuislesecondsemestrede2008,permet-ellededirequelemodèle slovènen'estplusun rempartcontre lacrise?Mêmesi,au regardde l'année2009,onpourraitêtretentéderépondreparl'affirmative,ilparaîtprématurédeconclureainsi.Enrevanche,ilestlégitimedesedemandersil'économieslovènepeutetalesmoyensdeseréorienterversd'autressecteursd'activité.Defait,forceestdeconstaterqu'elleestpeudiversifiéeetquelepaysconservelescaractéristiquesd'uneéconomierégionale,qu'ilavaitauseindel'ex-Yougoslavie.Lesfondsstructurelsdel'UnioneuropéennedontbénéficielaSlovénieetlapolitiquedecohésionpourraientpermettrederéorienterl'économieetdel'adapteràdenouveauxdéfis,maisilestencoretroptôtpourenmesurerlesimpacts.Quoiqu'ilensoit, lapolitiqueéconomiquedugouvernementdevratrouverdesréponsesauxquestionsquiseposentactuellementetdessolutionsdanslesmoisetlesannéesàvenir.

2009:impactd'unecriseousigned'unecroissancequis'essouffle?

Il s'avèrenécessairedecomprendre lescauses réellesde lacriseactuelleet ses relationsavec lapolitique économique. Rappelons, tout d'abord, que la Slovénie est de plus en plus intégrée àl'économiemondialeetqueledéclindel'activitééconomiqueen2009estprincipalementdûàlabaissesignificativedel'exportation.Bienquetrèsamplifiéeparlacrise,cettetendanceétaitd'ailleursdéjà perceptible depuis 2006. Selon l'Institut d'études économiques slovène (IMAD), la baisse, en2009, serait finalement de l'ordre de 18%, et elle s'accompagne d'une nette diminution de laproductiondebiensorientésversl'exportation,avecdeseffetsenchaînesurletauxdechômageetlademandeintérieure.Le deuxième facteur expliquant l'intensité de la crise en Slovénie est la très forte baisse del'investissement,quipourraitatteindre20%etsefairesentirnotammentdanslesinfrastructures.Lescinqdernièresannéesavaientpourtantétémarquéesparlamontéeenpuissancedel'investissementdanslesinfrastructuresroutièresetdanslebâtiment,cequiavaitpermisdemaintenirunfaibletauxdechômageetunedemandeintérieureàunassezbonniveau.Cettesituations'accompagned'unebaissedelaconsommationcourantede2%en2009,ainsiqued'unemontéedutauxdechômage.Ce sont ces deux éléments principaux qui expliquent l'ampleur de la contraction du PIB enSlovénie,plutôtqu'unefaillitedumodèlegradualiste,mêmesidesfacteursstructurelscommelecoûtduvieillissement,nousleverrons,sontdenatureàhandicaperlepays.

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Controversesautourdelareprise

LaSlovénieavance-t-elleversunelenterepriseen2010ouva-t-elleplutôtcontinueràdécliner?Lesestimationsdivergent selon les sources.Ainsi,pour leWIIW,onpourraitassisteràune reprisedèsl'année2010,tandisquel'IMADresteplusprudent.Mêmesilesestimationséconomiquespourcetteannéedemeurentencoredifficilesàeffectueretrestentnégativesselonplusieurssources,ilfautnoterqu'elles dépendent en grande partie d'une reprise des exportations et de l'efficacité des récentesmesurespubliquesdesoutienàlacroissance.Dansledomainedesfinancespubliques, larécessionaentraînédanslecourantdel'année2009unediminution trèsnettede7,6%des revenusdes taxesetautres recettespar rapportà lamêmepériode de 2008. Cela conduit à s'interroger sur les moyens réels dont pourra disposer legouvernementàpluslongtermepourfavoriserunprocessusderelance.Acetitre,soulignonsqu'avecl'aidedelaBanquedeSlovénie,ils'emploieactivementàsoutenirlesystèmebancaire,maisavecdesrésultatsjusqu'icimitigés.Unmécanismedegarantiepublique(l'Etatgarantiraunmaximumde12milliardsd'eurosderefinancementsbancairesjusqu'àlafinde2010)aétémisenplace,maisuneseulebanqueyaeurecoursjusqu'ici.Audébutde2009,lesautoritésontprisdenouvellesmesurespoursoutenir lerefinancementdesbanquesetaiderlesétablissementsàreprendre lesopérationsdeprêt.Afind'étayer les liquiditésbancaires, legouvernementaconsacréunesommede1milliardd'euros,déposéepourl'essentieldanslescomptesbancaires.En outre, les autorités ont utilisé trois instruments pour inciter les banques à reprendre ou àmaintenirleursconcoursauxentreprisesnationales:unegarantiepublique(jusqu'àconcurrencede1milliardd'eurosautotal)quelesbanquespeuventsolliciterlorsqu'ellesprêtent;deslignesdecréditdelabanquepubliqued'exportationetdedéveloppement,dontlarecapitalisationaétéapprouvée;desgarantiespubliquesdirecteslorsquelesentreprisesempruntentsurlesmarchésdecapitaux.Cesmesures ayant été lancées en 2009, leur effet positif sur le crédit bancaire ne s'est pas encoreclairement manifesté. Si elles échouaient, le gouvernement envisage aussi des prêts directs auxentreprises,oumêmedessolutionsplusradicalespouraiderlesystèmebancaire,commelerachatdirectdesactifsauxbanques, larecapitalisationdecesdernièresou lacréationd'unétablissementchargédegérerlesactifstoxiques.Endépitdesdifficultésdusecteurfinancier,laconfiancedesménagesdanslesdépôtsbancairesn'apasété touchée,grâceaudéplafonnementde lagarantiepubliquedesdépôts.Commeailleurs, lesmesures des autorités publiques pour sortir le pays et le système bancaire de la crise posent laquestion de l'endettement public pour y parvenir, tout comme la viabilité à plus long terme del'interventionpubliquepoursoutenir lesecteurprivébancaireet luipermettredesubsisterencettepériodedecrisefinancièreetéconomique.Au-delà de cesmesurespour sortirde la crise, le principal objectif des décideurspublics est derétablir une croissance durable au sein de la zone euro. Dans ce contexte, l'OCDE suggère à laSlovénie de privilégier les mesures budgétaires discrétionnaires qui contribuent à stimuler sacroissancepotentielle,notamment l'investissementpublicet lesdépensesencapitalhumainouenrecherche-développement. Notons que le gouvernement slovène a prévu une recapitalisation(160millions d'euros) de la banque publiqued'exportation et de développement pour soutenir lecrédit aux entreprises, ainsi que diverses mesures fiscales en faveur de l'investissement (environ100millionsd'euros).Parailleurs,plusieursdesmesuresprisespourluttercontreleseffetsdelacrisepourraientêtredifficilesàmaintenir.Ilenestainsi,selonl'IMAD,delaprincipalemesurebudgétaire(d'uncoûtde230millionsd'euros)quiconsisteàsubventionnerlesentreprisestravaillantàhorairesréduits pour préserver l'emploi. En outre, le gouvernement pourrait être amené à reconsidérerl'augmentationprévuedessalairespublics,quientraîneraunemajorationpermanentedesdépensespubliquesd'environ1%duPIB,auxdépensdelaviabilitébudgétaireàlongterme.Selonl'OCDE,lesfaiblessesdesprincipauxpartenaireséconomiquesdelaSlovénieetlapoursuitede labaissede lademande intérieureen2010ne laissentpasprésager les signesd'une reprisede

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l'activité économique. La production dans les secteurs de faible technologie devrait continuer àbaisser, ainsi que la consommation des ménages. L'état des finances publiques peut conduire legouvernement à procéder à des restrictions budgétaires. Etant donné l'importance de la dettepublique et les priorités actuelles pour soutenir les banques et les entreprises, on peut s'attendreégalementàlapoursuitedelabaissedesinvestissementsdanslesinfrastructures.Lesautorités sont trèsattentivesà l'évolutionduchômage,et lesmesuresprisespour favoriser lemaintiendespersonnesemployéesenréduisantletempsdetravailvisentàlecontenir.Ilestencoredifficilededonnerdesestimationsviablespourl'avenir.Quellequesoitl'évolutionéconomiqueaucoursdesannées2010et2011,laSlovénieresteravulnérableàl'environnementinternational.Encesens, il convient de s'interroger sur les effets cycliquesde la crise actuelle et sur les impacts de lapolitiquederelancedugouvernement.D'oresetdéjà,lespartisd'oppositionsinsistentsurlerisqueetleseffetsdel'augmentationduvolumedeladettedupays.

Lerythmedesréformesstructurelles:unvieuxdébat?Afin de permettre à la Slovénie d'avancer vers la voie de la reprise économique, plusieursorganisationsinternationales(Commissioneuropéenne,FMI,OCDE)prônentuneoptionpluslibérale.Ellesestimentquedèsquel'activitééconomiquereprendra,lesautoritésslovènesdevrontpublierunelistedesentreprisespubliquesàprivatiserrapidementetsoulignentlanécessitéderendrel'économiemoinsopaqueenappliquantdesméthodesplusrigoureusesdanslechoixdesdirigeantsdesgrandesentreprisesetendépolitisantlasphèreéconomique.Cesmêmesinstancesinsistentsurlefaitquelavitessedelaconvergenceréelledépendradefaçoncrucialedel'ampleurdesréformesstructurellesqui,depuisl'indépendance,n'ontétémisesenœuvrequedefaçonprogressive.Ladernièremonographiedel'OCDEconsacréeàlaSlovénieestexpliciteàcetégardquandelleindiqueque«lastratégiedespetitspasn'estpasexemptedecoûts»etque,enconséquence, la Slovénie n'a pas pu recueillir tous les bénéfices des réformes antérieures dansplusieurs secteurs (commerce, finance et politique fiscale), avant de conclure: «les difficultésactuelles ne devraient pas servir de prétexte pour remettre à plus tard le débat politique sur lesréformesindispensables».Les institutions locales estiment l'inverse: pour l'IMAD, une option moins libérale serait plusappropriéepoursortirdelacriseetpermettredeprendrelechemindelareprise.Seloncetinstitut,larégulationetlecontexteinstitutionneldoiventêtreégalementprisencomptedanslamiseenœuvredes réformes à un rythme bien mesuré et pensé. Il s'agit donc également ici de poursuivre lesréformesstructurelles,maisdefaçonbienpréparée.Seloncertainesrevueslocales(Mladina),l'optionlibéralequiaétéprivilégiéejusqu'àprésentdansd'autrespaysmontrequ'ellen'apasétéunrempartcontre lacrise financièreetéconomique,bienaucontraire!Ces sources sontd'avisqu'uneoptionpluslibéraleenSlovénierisqueraitd'augmenterletauxdechômageetnepermettraitpasunerepriseautomatique.Encesens, ilseraitdoncdavantagesouhaitablequelepayspoursuivesurlavoiedesréformes graduelles, commepar le passé.Quoiqu'il ensoit, les deuxoptions font de plus enpluspartiedudébatpolitiqueslovène.Au-delà de 2010 et àmesure que l'activité économique reprendra, la plupart des analyses (UE,BERD, OCDE, IMAD) insistent sur le fait qu'il faudra renouveler les efforts pour parvenir à uneconvergence réelle avec la moyenne de la zone euro et revoir le pacte social. Rappelons quel'adhésionà lazoneeuroaété facilitéepar lepactede2002prévoyantque lahaussedes salairesresterait inférieureauxgainsdeproductivité.Parailleurs, l'entréeenvigueurde la loiréduisant lesdisparités salariales dans le secteur public pourrait être reconsidérée au regard de son impactmacroéconomique.Ellerisque,eneffet,desetraduireparundéficitbudgétaireplusélevéetd'aviverles tensions salariales une fois que la reprise économique s'enclenchera, ce qui pourrait nuire à

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l'emploi et à la compétitivité si elle induitune croissancedes salaires durablement supérieure auxgains de productivité. Un nouveau pacte social est donc nécessaire pour faire en sorte que lacroissancedessalairesréelsn'excèdepascelledelaproductivitétendancielle.En outre, la Slovénie est confrontée auproblème issu de lamontéedes coûts du vieillissement,alorsqueletauxd'activitédespersonnesâgéesestencoretrèsbasparrapportàcequel'onconstatedanslesautrespays.Lamonographiedel'OCDEproposedereleverl'âgeeffectifdelaretraiteetdemodifier lemodede calcul des pensions (par exemple en les indexant sur les prix et non sur lessalaires, ou en allongeant la période de cotisations requise pour une pension à taux plein). Celaconduiraitlegouvernementàtransformerlerégimeenvigueuràprestationsdéfiniesenunrégimeàcotisations définies notionnelles ou, si le système actuel est maintenu, à mettre en place unajustementautomatiquedel'âgedelaretraiteenfonctiondel'espérancedevie.Maisdansunpaysattaché aux acquis sociaux, ces suggestions de l'OCDE risquent fort d'être désapprouvées par lessyndicatsetlapopulation.Lesinstitutsdeprévisionséconomiqueslocauxinsistentplutôtsurlefaitquelesdécideurspublicsslovènes devraientmettre l'accent sur les réformes visant à accroître l'offre demain d'œuvre et àstimulerlesgainsdeproductivitéenaméliorantl'environnementdesentreprises,toutenrétablissantlapolitiquebudgétaireprudentequelaSlovénieapratiquéedepuis2002,quis'est traduiteparunenetteréductiondesdéficitseffectifsetstructurels.Des efforts restent à accomplir pour dynamiser le tissu des entreprises slovènes. Déjà,l'intensificationdelaconcurrencedepuisl'adhésionàl'Unioneuropéenneafavorisélacréationd'ungrandnombredepetitesetmoyennesentreprises,mêmesicelui-ciresteinsuffisantencomparaisonaveccequ'ilestenPologneoudansd'autrespaysd'Europedel'Estayantrejointl'UEen2004.Parailleurs,lafaiblesserécurrentedesentréesd'investissementsdirectsétrangerstémoigned'untransfertinsuffisant des bonnes pratiques. Dans les principaux secteurs des services (distribution de détail,servicesfinanciers,énergieet télécommunications), l'interventiondel'Etatresteforteetonassisteàuneimportanteconcentrationdesmarchés,cequiasansdoutedécouragélesentréesd'IDE.Ilparaîtpossiblederenforcerl'entrepreneuriatenfacilitantl'enregistrementdelapropriétéetenétendantleréseaudescentresmixtespublic/privédesoutienàl'entreprise.Commelaqualitédel'environnementfuturdesentreprisesenSlovéniedépenddansunelargemesuredelamiseenplaced'unepolitiqued'innovationefficace,laSlovénieaurait intérêtàutiliserdavantagelesfondseuropéenssusceptiblesde l'aider à développer des projets liés à «l'économie de la connaissance» et à créer des pôlesassociantlesentreprisesauxprojetsdedéveloppement(recherche).DanslesprécédenteséditionsduTableaudebord,nousavonssoulignélesdifférencesrégionalesen Slovénie. La crise actuelle a pour effet d'accentuer ces disparités. A ce titre, les régions deGorenjska,Osrednjeslovenska,Obalno-kraška,Goriškasontlesplustouchéesparl'augmentationduchômage,alorsquelesrégionsdePomurskaetKoroskanesontpasnonplusépargnées.

***

Malgré les indicateurs économiques négatifs pour l'année 2009, il faut noter que la Slovéniecontinue à investir de façon importante dans les autres pays issus de l'ex-Yougoslavie. Dans lesannées à venir, elle devrait continuer à jouer le rôle de «pont» entre l'Union européenne et les«Balkansoccidentaux»etêtreunacteurcentralpourl'adhésionfuturedespaysdelarégionàl'UE.Elleavaitoptécesdernièresannéespourunereconquêteprogressivedesesmarchéstraditionnelsdespaysissusdel'ex-Yougoslavie.Ondoitdoncs'attendreàcequecettetendancesepoursuivedanslesannéesàvenir.

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SlovéniePrincipauxindicateurséconomiques

Tableau1–Evolutionannuelledesprincipauxagrégats(variationsen%parrapportàl'annéeprécédente,saufmentioncontraire)

2005 2006 2007 2008(e) 2009(p)

PIB 4,4 5,9 6,8 3,5 –7,5

PIBparhabitant(%moyenneUE-27,PPA) 87 88 89 91 88

Productionindustrielle 3,3 6,1 6,2 –1,5 –19

Formationbrutedecapitalfixe 3,8 10,3 11,9 6,2 –20

Consommationdesménages 2,8 2,8 5,3 2,2 –2

Salaireréelmoyennet 3,5 2,5 4,2 2,0 –

Prixàlaconsommation 2,5 2,5 3,8 5,5 1,5

Soldedesadministrationspubliques(%duPIB) –1,4 –1,3 0,5 –0,9 –5,5*

Dettepublique(%duPIB) 27,0 26,7 23,4 22,8 –

Emploitotal 0,7 1,3 2,5 1,1 –

Tauxdechômage(%delapop.active)–chômeursenregistrésenfind'année–moyenneannuellesurbaseenquêtesemploi

10,26,5

8,66,0

7,34,8

7,04,4

8*7*

Source:WIIW;*:chiffresdejuillet2009

(e ):estimation;(p):prévision

Tableau2–Balancesextérieures,réserves,endettementetinvestissementsétrangers

2005 2006 2007 2008(e) 2009(p)

Exportationsdemarchandises 12,9 16,6 16,3 1,2 –15*

Importationsdemarchandises 12,1 16,3 18,1 5,5 –20*

Balancecommerciale(millionsd'euros) –1026 –1151 –1666 –2622 –1100*

Balancecourante(millionsd'euros) –498 –772 –1455 –2055 –1000*

Balancecourante(%duPIB) –1,7 –2,5 –4,2 –5,5 –2,8*

Detteextérieurebrute(milliardsd'euros) 20496 24067 34752 39096 –

Detteextérieurebrute(%duPIB) 71,4 77,6 100,8 105,3 –

FluxIDEentrants(millionsd'euros) 472,6 514,0 1050,0 1239,0 –

FluxIDEsortants(millionsd'euros) 515,6 687,0 1318,0 983,0 –

Source:WIIW;*:chiffresdejuillet2009

(e):estimation;(p):prévision

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RépubliquetchèqueparCarolineVincensini

La République tchèque a abordé la crise avec des fondamentaux solides, notamment unendettement tant public que privé faible, un secteur bancaire sain et des échanges commerciauxexcédentaires.Ellen'adoncpastropsouffertsurleplanfinancier,maisaétéfortementaffectéeparlachutedesesmarchésà l'exportation,notammentdans le secteurde l'automobilequi joueun rôleessentiel,dufaitdesaforteouvertureextérieure.Le ralentissement brutal de l'activité a été amorti par deux phénomènes: la dépréciation de lacouronne, qui a redressé la compétitivité de l'économie, et le ralentissement de l'inflation, qui asoutenulademandeintérieure.Lesmargesdemanœuvrebudgétairesque legouvernementavait suconserver luiontpermisdemettreenplace,dèsdécembre2008,desmesuresanticrise,dontlefinancementaétécomplétéaumoyend'unemprunt.LaBanquecentraleaégalementsoutenul'économiepardesbaissesdetaux,qui sont aujourd'hui parmi les plus bas de ceux constatés dans l'Union européenne. En ce quiconcernelesfondseuropéens,ilsontéténettementsous-utilisés.

BilanmacroéconomiqueetimpactdelacriseéconomiqueAprèsunepériodedecroissanceélevée et régulièreentre2005et2007, l'activitéde l'économietchèques'estralentieen2008,surtoutauderniertrimestreaucoursduquelletauxd'évolutionduPIBestdescenduà -0,9%sous l'effetde lacriseéconomiquemondiale. Il s'agitde lapremièrebaisseabsoluedepuis1998,quoiquelaRépubliquetchèque,commelaPologne,aitétérelativementmoinstouchéeque les autres pays d'Europe centrale et orientale. Lors de l'aggravationde cette crise enoctobre2008,lepaysbénéficiaiteneffetencored'unendettementpublicetprivéassezfaible,libellémajoritairement en couronnes, et d'un solde extérieur peu déséquilibré. Son secteur bancairedisposaitdebasessaines(voirplusbas)dufaitd'uneforteaversionaurisquenéedesdéboiresdesmarchés financiers tchèquesdans lapremièremoitiédesannées1990. Iln'adoncpasencourudecrisedechangeoudebalancedespaiementsetsonsecteurbancairen'apasétémisendanger.Lacrise l'a surtout affecté indirectement: doté d'une économie très ouverte – les exportationsreprésentent 80% du PIB – et très intégrée avec l'Europe de l'Ouest qui absorbe 75% de sesexportations,ilaététouchéparleralentissementdelademandesursesmarchésd'exportation.Or après une période où la demande intérieure a représenté la principale contribution à lacroissance, celle-ci a diminué au début de 2008 à cause de la baisse du pouvoir d'achat dû àl'inflationetàlaréductiondesprestationssocialesàpartirdejanvier2008.Lecommerceextérieuraalorsprislerelais,bienquelacouronnesesoitappréciéede17%contrel'euroentrejuillet2007etjuillet2008.Labrutaledégradationdelabalancecommercialeauderniertrimestrede2008adoncpesé très fortement sur la croissance et tous les indicateurs sont passés au rouge. Seules notespositives: la dépréciation de la couronne à partir d'août 2008 qui, en annulant à peu prèsl'appréciation du premier semestre, a été favorable aux exportations, et le ralentissement del'inflation, qui a relancé la consommation intérieure, laquelle a contribué alors faiblement à lacroissance au dernier trimestre.Mais la vitesse de la détérioration a surpris et les chiffres ont étéfortementrevusàlabaisseenpeudetemps:lacroissanceduderniertrimestre2008,quiétaitencoreestiméeà1%audébutde2009estpasséeà-0,9%enmars.Celas'estaccompagnéd'unecontre-performancedelaBoursedePrague,dontl'indicePXareculéde53,6%en2008(etde70%enmars2009parrapportàsonpicd'octobre2007).Larécessions'estpoursuivieen2009avecuntauxdecroissancede-3,3%aupremiertrimestredûauxcontributionsnégativesducommerceextérieuretdelaformationbrutedecapitalfixe,tandisque

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laconsommationprivéeetpubliqueapris lerelais.Lesexportationsontreculéde24,6%,unpeumoinsque les importations (25,8%),cequiapermisun redressementde labalancecommerciale,excédentaire,mais l'économie est restée vulnérabledans sa dépendance vis-à-vis des exportations.Les espoirs de reprise de la production industrielle au printemps ont été déçus et la productionmanufacturièreacontinuédedéclinerpendantlepremiersemestrede2009,cequi,combinéàunecontribution de nouveau très négative de la FBCF au PIB (-4,1 points), a encore détérioré laperformancedel'économiequis'estcontractéede4,9%audeuxièmetrimestre.Les différentes prévisions pour l'année 2009 se sont progressivement altérées et restent assezpessimistespour2010.Lesprévisionsdutauxdecroissancepour2009ledonnentà-4,3%selonleministèredesFinances(estimationdejuillet2009)et-3,5%selonleWIIW.Lepaysdevraitrenoueravecuntauxdecroissancepositif,maisencorefaible(0,3%)en2010; ledegréd'incertituderestenéanmoinstrèsélevé.CarsilaRépubliquetchèquedisposedefondamentauxsolides,ellepâtitdelaforte défiance des marchés financiers à l'égard des pays d'Europe centrale et orientale, qui nedistinguentpasentredespaysauxsituationspourtantcontrastées.Ainsi,enfévrier2009,lacouronneenregistrait son niveau le plus bas contre l'euro depuis le début de 2006. La Banque centraleconsidère cette dépréciation comme une surréaction du marché des changes, qui ne devrait pasexercer depression inflationniste pour l'instant étant donné la faiblesse persistante de la demandeintérieure, mais qui s'accompagne d'une sortie importante et potentiellement déstabilisante decapitauxàcourtterme.Ces difficultés économiques ont suscité des réponses mesurées des autorités. Le gouvernementdisposed'unemargedemanœuvrebudgétairerestreintemaisréelle:aprèsuncreusementdudéficitdes finances publiques à 6,6%duPIB en2003, la situation s'est spectaculairement améliorée en2007,grâceàunecroissanceplusfortequeprévue,etledéficit,initialementprévuà4%duPIB,nes'estélevéqu'à0,6%.Iladoncpumettreenplacedesmesuresanticrise.Unpremierplanderelance(baisse des cotisations sociales et hausse des dépenses publiques dans les infrastructures) de18milliardsdecouronnesaétéannoncéendécembre2008,puisundeuxièmede41,5milliardsenfévrier 2009 (nouvelle baisse des impôts et des cotisations sociales, hausse des salaires desfonctionnairesetsoutienauxPME).Ilsontétépartiellementfinancésparunempruntde1,5milliardd'euroslancéenavril2009.LegouvernementintérimairedeJoschkaFischer,nomméenmai2009aprèslerenversementdeceluideMirekTopolanek,aprisdesmesuressupplémentaires,expirantàlafinde2010,poursoutenir lademandeintérieureet faciliter lesconditionsdel'activitééconomiquepourlesentreprises.Autotal,ellesdevraientporterledéficitdesfinancespubliquesà5,5%duPIBen 2009, contre 1,6% inscrit dans le programme de convergence de novembre2008, et sonamélioration n'est pas prévue à court terme. Selon les prévisions budgétaires de moyentermeprésentéesenmai,ledéficitbudgétaire(normeESA)seraitde5,1%en2010,4,9%en2011et4,2%en2012.Pour2009,enattendantlerésultatdesélectionsquisesontdérouléesennovembre,legouvernementenplaceaprésentéunbudgetintégrantlesmesuresderelanceetconduisantàundéficitde7%duPIB.Maisilaégalementprésentéunepropositionalternative, limitantledéficità5%,cequiexigeraitdenouvellesréformesstructurelles(systèmedesanté,desretraites,desfinancespubliques), jusque-là bloquées par l'hostilité des parlementaires et de la population. Si cetteopposition à l'affaiblissement de la protection sociale semble bien légitime, pour autant ladétériorationbrutaledesfinancespubliquesfaitmaintenantpeserunrisqueréelsursasoutenabilité,etlepaysnepourraindéfinimentrepousserledilemmeauquelilestconfronté:réduirelaprotectionsocialeouaugmenterlesimpôts,àl'encontredelapolitiquesuiviedepuis2007.Notonsenfinquelesfonds structurelseuropéensnepeuvent réellementcontribuerà larelancecar leurabsorption restetropfaible:en2008,lesdépensessurcesfondsontdiminuéde9%etnereprésententque40%desmontantsprévusdanslebudget.Encequiconcernelapolitiquemonétaire,malgrél'appréciationdelacouronnejusqu'enaoût,lespressionsinflationnistessontrestéessignificativesen2008enraisondel'accroissementduprixdesdenréesalimentairesetdesmatièrespremièresdontlepétrole,ainsiquedel'augmentationdesprix

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régulés (le taux le plus faible de la TVA a été porté de 5% à 9% au début de 2008) et de lacroissancedessalaires.Alorsqu'elles'élevaità2,9%en2007,enconformitépresqueparfaiteaveclacible de 3%±1 point, l'inflation s'est établie à 6,3%pour l'ensemble de l'année 2008, le tauxmensuelétantpasséde3,4%enjanvierà6,6%enoctobre.Ilaensuitefléchigrâceauxévolutionspositivesdesprixalimentairesetdestransports,ladésinflationserévélantplusfortequeprévuàlafinde2008.Ellesepoursuitens'accéléranten2009,letauxmensuelétanttombéde2,2%enjanvierà1,2%enjuinetà0,3%enjuillet.Onattenduneinflationmoyenneen2009de1%.LaBanquecentrale,aprèsavoirdurciunedernièrefoissapolitiquemonétaireenfévrier2008enportant son principal taux directeur à 3,75%, a ensuite amorcé un assouplissement dès le moisd'août, avant même le ralentissement de l'inflation, pour enrayer avec un certain succèsl'appréciationdelacouronne.Puis,commelesautresBanquescentrales,ellearenouvelélabaissedeses taux en novembre et décembre2008 en réponse à la crise financière et au ralentissement del'activité,etdenouveauenfévrier,maietaoût2009,pourportersontauxdirecteurà1,25%,leplusbas de son histoire. Elle a également fourni des liquidités abondantes au secteur bancaire pourmaintenirlaconfiance.Celaaaidélesecteuràrestersolide,maisdufaitdelatrèsgrandeincertitudesur l'avenir, la transmission de la politique monétaire aux taux d'intérêt à long terme ne se faitqu'imparfaitement, ces taux, incorporant de fortes primes de risque, restant élevés. La politiquemonétaires'avèredoncpartiellementimpuissanteàsoutenirl'activitél'économique.

Compétitivitéetvitalitédusecteurproductif

La crise financière a surtout affecté le secteur productifvia le recul desmarchés à l'exportation,notamment en Allemagne, principal débouché des produits tchèques. Le secteur automobile, ycompris l'ensemble des sous-traitants et producteurs de pièces détachées, qui représente environ10%duPIBet20%desexportations,aétéparticulièrementtouchédèsl'été2008,cequiaeudesconséquences aiguës sur la production industrielle et l'emploi. Tous les producteurs automobiles(Skoda, Toyota-PSA, Hyundai) ont revu leurs objectifs de production pour 2009 à la baisse. Lessecteurs fortement exportateurs de l'équipement électronique et optique, de la machinerie, de lachimie,desmétauxetproduitsmétalliquesetducaoutchoucsontégalementtrèsaffectés.Hitachiaparexemplefermésanouvelleusined'écransTVàplasmaenmars2009.Seuleslesproductionsdeproduitschimiques,decokeetdeproduitspétroliersraffinésontaugmentéentrelafinde2008etledébutde2009.Lespremierssignesd'unetimidereprise,perceptibleslorsdel'été2009,résultentdemêmedelademandeétrangère:aprèsavoirréduitletempsdetravailetlicencié1500intérimairesaupremiertrimestrede2009,Skodarevientautravailàtempspleinetréembauche,étantdonnélerenouveau de la demande pour les petites voitures lié aux mesures de soutien à la vented'automobilesenAllemagneetenFrance,tandisqueHyundaiestrevenuàsesobjectifs initiauxdeproductionenmai2009,pourapprovisionnerlesmarchésémergentstelsqueleMexiqueetIsraël.Lafortesensibilitédusecteurmanufacturieràlademandeouest-européennelerendassezvulnérable.De manière générale, les entreprises tchèques ont fait face à des évolutions défavorables desfacteursaffectantleurcompétitivité.L'appréciationdelacouronneen2008apénalisélesentreprisesexportatrices, mais, à long terme, sa relative dépréciation survenue depuis pourrait accroître leurprofitabilité.Demême,lessalairesréelsontpoursuivileuraugmentationmalgréleretournementdumarché du travail, car la croissance des salaires nominaux n'a que légèrement fléchi à la fin del'année,tandisqueladésinflationétait forte.Combinésaveclereculdelademandeétrangère,cesfacteursontdétérioré laperformancedesentreprisesàpartirdudernier trimestrede2008, sans lesmettreréellementenpérilcarellesconserventdesratiosdeliquidité,desolvabilitéetdedettessurfonds propres acceptables. Cependant, les salaires nominaux et réels ont brusquement reculé aupremiertrimestrede2009(respectivement-0,7%et-2,8%)dansl'industrieetlaconstruction.

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SituationdusecteurfinancierCaspresqueuniqueenEuropecentraleetorientale(avecceuxdelaPologneetdelaSlovaquie),lesystèmefinanciertchèqueaabordélarécessionavecdebonsfondamentaux.Lesbanquesexhibaientdesolidesratiosdeliquiditéetdesolvabilité, leurratiodedépôts/créditsétantplusélevéquedansbeaucoupdepayseuropéens,etellesontpulimiterlesinvestissementsdansdestitresrisqués,ceux-ciétantcentralisésauniveaudesmaisonsmèresétrangèresdontlesbanquestchèquessontdesfiliales(97% des actifs du secteur bancaire sont détenus par des banques étrangères). Même aprèsl'éclatement de la crise, les banques ont affiché des profits nets de 45milliards de couronnes en2008,soitenvironlemêmemontantqu'en2007.Leurratiodesolvabilitéestrestéà12,9%enmars2009, et le secteur bancaire conserveuneposition extérieure nette positive (les banques tchèquessont souvent créditrices des groupes bancaires européens auxquels elles appartiennent). LaRépublique tchèque figure donc parmi les quelques pays de l'OCDE n'ayant pas eu besoind'intervenir pour accroître la solvabilité du secteur bancaire; les autorités ont seulement accru lemontantdesdépôtsassurés.Iln'enrestepasmoinsquelesecteurbancaireaétéaffectéparlacrise.Sesprofits,toujourspositifsaupremier semestrede2009, se sont fortement réduits.L'activité sur lemarché interbancaire s'estcontractée, tandis que la volatilité des tauxde change et des tauxd'intérêt a beaucoup augmentédepuis l'automne 2008. Les difficultés croissantes des entreprises industrielles exportatrices àrembourser leursdettesontaccru lerisquedecrédit,mais lapartdescréditsdouteuxnedépassaittoujourspas5-6%enseptembre2009.Lestauxd'intérêtdescréditsauxménagesetauxentreprisesont conservé leur niveau élevé jusqu'au début de l'année 2009 malgré la baisse des taux de laBanquecentraleàcausedeladésinflationrapideetdelaforteincertitude.Celaaconsidérablementralentiletauxdecroissancedel'endettementdesménagesen2008,tauxd'endettementquidevraitresteràpeuprèsconstanten2009.Cependant,silerisquededéfautsurlesprêtsauxménagess'estaccruàcausedeladétériorationdumarchédutravail,c'estdansdesproportionsbienmoindresquepourlesprêtsauxentreprises.Parailleurs,silescréditsnouveauxauxentreprisesontbaisséde2%aupremiertrimestrede2009,ils'agitdeproportionspluslimitéesquedanslaplupartdesautrespaysde l'Union européenne. Au total, malgré un ralentissement significatif, le volume des créditsnouveaux accordés a continué d'augmenter en 2008 et ne devrait baisser qu'en 2009. Enfin, ilsemblequelabulleimmobilièren'aitpasencoreéclatéenRépubliquetchèqueetpuisseconstituerundangerpotentielpourlastabilitéfinancière.

SituationsocialeLacriseéconomiqueadégradélasituationsocialequireposaitpourtantsurdebonsfondamentauxjusqu'àlafindel'année2008.Aupremiersemestre,l'économietchèqueétaitprochedupleinemploiavecuntauxdechômagefaible(6%àlafinde2008)etunecroissancerégulièredel'emploidepuis2004.Lasituations'estdégradéedèsaoût2008,etplusfortementauderniertrimestre,enparticulierdanslessecteursàfaiblevaleurajoutée:lacroissancedel'emplois'estréduite,tandisqueletauxdechômagemensuelestpasséde5,1%en juin2008à6%endécembrepuis8%en juin2009et8,4%enaoût.En2008,lessalairesréelsn'ontaugmentéquede2,1%,soitl'accroissementleplusfaibledepuisdixans.Au-delàdecesévolutionsconjoncturelles,lemarchédutravailtchèquesouffredefortesdisparitésrégionalesavecdefaiblesmobilitésprofessionnelleetspatiale,d'unepénuriedetravailleurs qualifiés, d'un taux préoccupant de chômage de longue durée et d'un nombre élevéd'emploisvacants.Deplus,lestravailleurslesmoinsbienpayésfontfaceàdestrappesàinactivité,lareprisedel'emploiétanttroppeuincitative.Parailleurs,laRépubliquetchèqueestmaintenantconsidéréecommeunpaysdéveloppéauniveaude vie équivalent àcelui des pays occidentaux,même si la crisede2008 ralentit pour l'instant laconvergence entre le PIB par tête tchèque et la moyenne de l'Union européenne. Notons qu'il

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s'élevaiten2008à81%decettemoyenne,dépassantdepuis2004celuiduPortugal.Danslemêmeordre d'idées, la BERD a cessé ses interventions en République tchèque en 2007, tandis que laBanquemondialeetleFMIlaclassentmaintenantparmilespaysavancésetnonplusparmilespaysémergents.

*

**

Au total, les conditions économiques pourraient s'améliorer timidement en2010, avec le retourd'unecroissancefaible,maispositive,tiréeparlademandeintérieure,etlastabilisationdel'inflationàunniveausifaiblequ'ellerisquedesesituerloinendeçàdelanouvelleciblede2%(envigueuràpartirde janvier 2010) et que laprobabilité d'un épisodedéflationniste n'est pas nulle, tandis quel'amélioration sur le marché du travail ne devrait se produire qu'en 2011. Le redressement desfinances publiques dépendra de l'évolution de la situation politique, la gauche s'étant prononcéependantlacampagneélectoralepourl'extensiondesdépensessocialesafind'atténuerleseffetsdelacrise,ets'annoncetrèsdouloureuxetcomplexeàmenerdanstouslescas.Les évolutions récentes retardent l'adhésionde laRépublique tchèque à l'Union économique etmonétaire (UEM): ses finances publiques se détériorent dangereusement et ne pourrontvraisemblablementpas retrouverunniveaucompatible avec les critères deMaastrichtavant2013-2014, voire plus tard si la crise et les dépenses budgétaires qui s'ensuivent se prolongent et/ou siaucuneréponsen'esttrouvéeauproblèmedelasoutenabilitédesdépensespubliques.Lesautoritésn'ontd'ailleursplusannoncédedateofficiellepourl'entréedansl'UEMdepuislafinde2006.Lespartispolitiquesdesdeuxbordsconsidèrent,sansdouteàjustetitre,quel'entréedansl'euroetl'effortd'austéritéqu'elle impliquenesontplusprioritairesences tempsdecrise.LaRépublique tchèquerestedoncleseulpaysdelarégionànepasvouloiraccélérersonadhésion,sansdoutegrâceàsesbonsfondamentauxmacroéconomiques,parmilesmeilleursdelarégionavecceuxdelaSlovaquieetdelaSlovéniequi,elles,appartiennentdéjààlazoneeuro.Iln'estpasditquel'appartenanceàl'UEMauraitsignificativementprotégél'économietchèquedelacrise,puisquecelle-ciadavantagetouché les exportations que la devise ou les marchés financiers, mais il semble bien quel'appartenanceàlazoneeurodemeureuneconditionsinequanondudéveloppementfuturdupays,etquelaRépubliquetchèqueadurablementlaissépasserl'occasiond'yadhéreràcourt terme.Elleauraitpuyêtreadmise le1erjanvier2009comme laSlovaquie sielleavait faitdavantaged'effortsbudgétairespendantlapériodedefortecroissancede2005-2007,maisellen'yestpasparvenueenl'absenced'unconsensusnationalsurcettequestion,tantauseindumondepolitique,avecl'hostilitébienconnuedeVaclavKlausàl'euro,qu'auseindel'opinionpublique.

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RépubliquetchèquePrincipauxindicateurséconomiques

Tableau1–Evolutionannuelledesprincipauxagrégats(variationsen%parrapportàl'annéeprécédente)

2005 2006 2007 2008(e) 2009(p)

PIB 6,3 6,8 6,0 3,2 –3,5à–4,3*

PIBpartêteen%delamoyenneUE-27(PPA) 76 78 80 81 80

Productionindustrielle 6,7 11,1 9,0 0,4 –12

Formationbrutedecapitalfixe 1,8 6,5 6,7 3,1 –8

Consommationdesménages 2,5 5,4 5,2 2,9 1,5

Salaireréelmoyenmensuelbrut 3,3 3,9 4,4 2,1 1,5

Prixàlaconsommation 1,6 2,1 2,9 6,3 1

Soldedesadministrationspubliques(%duPIB) –3,6 –2,6 –0,6 –1,4 –5,5**

Dettepublique(%duPIB) 29,8 29,6 28,9 29,8 –

Emploitotal 1,2 1,3 1,9 1,6 –

Tauxdechômage(%delapopulationactive)–chômeursenregistrésenfind'année–moyenneannuellesurbaseenquêtesemploi

8,97,9

7,77,1

6,05,3

6,04,4

9,3***

Sources:WIIW;*:prévisions,respectivement,duWIIWetdugouvernement**:prévisiondugouvernement,juillet2009;***:prévisiondel'EconomistIntelligenceUnit

(e ):estimation;(p):prévision

Tableau2–Balancesextérieures,réserves,endettementetinvestissementsétrangers

2005 2006 2007 2008(e) 2009(p)

Exportationsdemarchandises 16,1 20,6 18,1 10,6 –15

Importationsdemarchandises 11,5 20,8 15,8 11,3 –18

Balancecommerciale(milliardsd'euros) 2,0 2,3 4,3 4,1 6

Balancecourante(milliardsd'euros) –1,3 –2,9 –4,0 –4,6 –2,5

Balancecourante(%duPIB) –1,3 –2,6 –3,2 –3,1 –1,8

RéservesdelaBanquecentrale,orexclu(milliardsd'euros) 24,8 23,7 23,4 26,3 27,4*

Detteextérieurebrute(milliardsd'euros) 39,4 43,4 51,6 57,8 –

Detteextérieurebrute(%duPIB) 38,3 37,1 39,0 41,9 –

Fluxd'IDEentrants(millionsd'euros) 9354 4363 7667 7356 –

Fluxd'IDEsortants(millionsd'euros) –12 1172 1187 1299 –

Source:WIIW;*:1ertrimestre

(e ):estimation;(p):prévision

Troisièmepartie

LaCroatieetlaSerbie

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CroatieparLil ianePet rovic

Après plusieurs années de croissance soutenue par l’afflux abondant de capitaux et une hausserapidedescrédits,l’économiecroateasombrédansunenetterécessionen2009,sousleseffetsdelatourmente financière mondiale. La diminution des entrées de capitaux et le durcissement desconditionsd’attributiondescréditssesonttraduitsparunebaissedelademandeintérieure,cequi,conjuguéàunecontractiondelademandeextérieure,arapidemententraînéunefortebaissedelaproduction industrielle, de la construction et des exportations. Simultanément, les déséquilibresextérieurs se sont atténués, la stabilité des taux de change a été préservée et les pressionsinflationnistes se sont affaiblies. Le secteur bancaire est resté sain et a résisté à la crise. Face àl’assombrissementdesperspectiveséconomiques, lesautoritésontprocédéàunesériederévisionsbudgétaires,incluant,entreautres,ungeldessalairesdanslesecteurpublic,unehaussedelaTVAetl’introduction d’une «taxe anticrise». Le tarissement du financement extérieur a poussé legouvernementà solliciter lesbanquesdomestiques,cequiaaugmentéconsidérablement le risqued’évictiondesprêtsausecteurprivé.Unniveauélevédeladetteextérieure,lapartconséquentedesentreprisesdanscettedette,etlesimportantesobligationsderemboursementarrivantàl’échéanceàcourtterme,représententlesprincipauxfacteursdevulnérabilitéextérieuredel’économiecroate.Leslenteursdesprivatisations,siellespeuventêtreenpartieexpliquéesparlacrise,sontaussiduesàdesconditionsrequisesquimanquent souventderéalisme.Bienque lesnégociationsd’adhésionde laCroatieàl’Unioneuropéennesoientdébloquées,desdéfisdetaillerestentàrelever.

Evolutionmacroéconomique

La croissanceduPIB, après avoir atteint 5,5%en2007, a commencé à se ralentir au troisièmetrimestrede2008(1,6%),etplusencoreauquatrièmetrimestre(0,2%),poursechiffrerà2,4%pourl'ensembledel'année2008.Auxpremieretdeuxièmetrimestresde2009,lePIBareculé,de6,7%et 6,3% respectivement. Le recul de la consommationdesménages et de la demande extérieure,observéauderniertrimestrede2008,s'estaccentuéetaétéconjuguéavecceluidesinvestissementsaucoursdupremiersemestrede2009,aufilduquellaconsommationdesménagesachutédeplusde 9%, les investissements de plus de 12% et les exportations d'environ 17%. Seule laconsommationpubliqueaenregistréuntauxpositif.Ducôtédel'offre,durantlepremiersemestrede2009,presquetouslessecteursontconnuunrecul,lesseulsfaiblestauxpositifsayantétéenregistrésdansl'intermédiationfinancièreetdanscertainsservices,ainsiquedansl'agricultureet lapêcheaudeuxièmetrimestre.Pendantlapremièremoitiédel'année2009,laproductionindustrielleareculéde10,2%, laconstructionde2,7%, lecommercededétailenvolumede16,6%. Le reculaétémoins sévère dans le domaine du tourisme, point fort de l'économie croate, grâce à l'apport destouristes étrangers. Lesmois de juillet et août ont été caractérisés par une légère améliorationdesperformancesdel'industrieetlaconfirmationquelasaisontouristiqueaétémeilleurequ'attendu.Autotal,pourl'ensembledel'année2009,lePIBdevraitavoiraffichéunechuted'environ5,2%,alorsquelaproductionindustrielleseraitenreculd'environ9%.Commedansd'autrespays, lacriseaeuuneffet réducteur sur lesdéficitsextérieurs.Eneffet, ledéficitcommercials'estréduitpourneplusreprésenteraupremiertrimestrede2009que65%desonniveauaucoursde lamêmepériodede l'annéeprécédente, lachutedes importations (-27%)ayant été nettement plus forte que celle des exportations (-19%). Notons que la structuregéographiquedeséchangesdesmarchandisesn'apasconsidérablementchangé, lespaysmembresde l'Union européennedemeurant lesprincipauxpartenaires commerciauxde laCroatie avecdespourcentagesde61%pourlesexportations(versl'UEà27)etde63%pourlesimportations.

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Toujoursaucoursdupremiersemestre,labalancedesservices,bienquedemeurantexcédentaire,aétéd'environ21%moinsélevéequedurantlamêmepériodede2008.Autotal, ledéficitdelabalance des paiements courants, après s'être creusé en 2008 pour atteindre 9,4% du PIB, s'estcontractéconsidérablementaucoursdelapremièremoitiédel'année2009,pourneplusreprésenterqu'environ62%de cequ'il était unanauparavant.Pour l'ensemble de l'année, il est attendu enréductionparrapportà2008,ramenéàenviron8%duPIB.Ladetteextérieure,quiavaitaugmentérapidementdanslesannéesprécédantlacrisepouratteindre39,1milliardsd'eurosàlafinde2008,soitenviron84%duPIB,acontinuéàcroître,dépassant40milliardsenjuillet.C'est l'endettementextérieurdesentreprisesqui,endépassant50%deladetteextérieurebrute,suscitelesplusvivesinquiétudes.Signalonsquelesbanques,majoritairementfilialesd'établissementsétrangers,quiavaient réussià reconduire leursengagementsvis-à-visdesbanquesmèresauquatrièmetrimestrede2008,ontégalementvucroîtreleurendettementextérieuren2009.En conséquence, les montants du remboursement de la dette (principal + intérêts) qui arrive àéchéanceen2009et2010sontparticulièrementélevés.Lemontantéchulorsdelasecondemoitiédel'année2009estparexemplede6,8milliardsd'euros,soit92%desrecettestotalesrécoltéesautitre du tourisme étranger en 2008. Selon les prévisions de la Banque centrale, le montant àrembourseren2010pourraitatteindre9,2milliardsd'euros.Afin de renforcer la position financière extérieure de la Croatie et soutenir le budget, legouvernementaémisavecsuccèsdeseuro-obligationspourunevaleurde750millionsd'eurosaumoisdemai2009,etcontractéunempruntde1,5milliarddedollarsennovembre.Sicesopérationspermettent d'atténuer quelque peu l'effet d'éviction des autres acteurs économiques du marchéfinancier national, elles ont l'inconvénient d'augmenter la part de la dette publique dans la detteextérieuretotale,etd'entraînerdenouvellesobligationsliéesàsonremboursement.Depuisplusieursannéesdéjà, laBanquecentralemaintientletauxdechangedelakunaplusoumoinsstable,enraisond'uneforteeuroïsationdel'économiecroate.Enrestantdansdesmargesdefluctuation relativement étroites (entre septembre 2008 et août 2009, en termes réels, il ne s'estdéprécié que de 3,8%), le taux de change de la kuna a contribué à ancrer les anticipationsinflationnistes, ainsi qu'àatténuer les risquesde crédit liés à la forte euroïsationde l'économiedupays. Le FMI a rangé de facto le régime de change de la Croatie dans la catégorie des «othermanagedarrangements»depuisle1erjanvier2009.Sous les effets de la crise d'une part, et desmesures de la politiquemonétaire d'autre part, lesréservesde laBanquecentrale,qui se sontélevéesà9,8milliardsd'eurosenseptembre2008,ontcommencéàdiminuerlorsduderniertrimestre,pourchuterà8,6milliardsenfévrier2009,maisseredresserensuiteà9,3milliardsenseptembre. Il fautnoterqu'ellesontété renforcéesgrâceàdestiragesspéciaux(pouvantêtreutilisésencasdeproblèmedeliquiditéendevisesdupaysconsidéré)autorisésparleFMI,le28aoûtpour296millionsd'eurosetle9septembrepour35millions.Rappelons qu'en2008, l'inflation avait augmenté significativement, pour atteindre 6,1% (contre2,9%en2007),notammentenraisondelaflambéedesprixdupétroleetdesdenrésalimentaireslorsdesseptpremiersmoisdel'année.Aprèsavoirétéramenéeà2,9%endécembre,ellearepristemporairement,pouratteindreunpic(4,2%)enfévrier2009.Lahaussedesprixenregistréedurantlespremiersmoisde2009s'expliquenotammentparcelledesprixréglementésdugaz,desaccisessurletabac,etparlahaussesaisonnièredesprixdeslégumes.Enseptembre2009,elleétaitrevenueà3,1%.Pourl'ensembledel'année,elleestattendueenmoyenneunpeuendessousde3%.En février 2009, le gouvernement croate a adopté unensemble dedixmesures anticrisedont laplupart restent à réaliser, à savoir : le renforcement de la position de la Banque croate pour lareconstructionet ledéveloppement (HBOR),avec400millionsd'eurosenprovenanced'empruntscontractésauprèsdesinstitutionsfinancièresinternationales,afinquecettebanquepuissesoutenirlesexportateurs, les PME, le tourisme, l'agriculture ; l'engagement des entreprises publiquesde réglerleursobligationsfinancièresdansundélaidesoixantejourspourassurerunedisciplinedespaiements; la promotion renforcée du tourisme et des produits croates durant la saison touristique;l'encouragementdesinvestissementsdirectsétrangers,parlebiaisd'uneaccélérationdesprocédures

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d'obtention des permis nécessaires (ramenées à quarante-cinq jours maximum pour lesinvestissements supérieurs à 10 millions d'euros); le soutien au marché immobilier en vued'améliorersaliquiditéetdestimulerl'industriedelaconstruction;lerenforcementducontrôledesimportations,parlebiaisducontrôledelaqualitédesproduitsimportés,danslebutdeprotégerlesindustriesnationalesetlesconsommateurs;lemaintiendufinancementdesgroupessociauxlesplusvulnérables.Mesuresauxquellesilfautajouterlarévisiondubudgetdel'Etat.Defait,cedernieraétél'objetdeplusieursrévisionscarlespremièresversionsétaientfondéessurdesprévisionstropoptimistesconcernantlePIB.Latroisièmedecesrévisionsaétéréaliséeàlafindumois de juillet. Les recettes ontété augmentées: la TVA a été portée de22%à 23%; une taxespéciale(dite«taxeanticrise»)de2%aétéintroduitesurlespensionsetlessalairessupérieursà410eurosetde4%surceuxdépassant820euros;s'yestajoutéel'introductiond'uneaccisede6%surles voitures de luxe et d'une taxe de 6% sur la téléphonie mobile. Les dépenses (subventions,investissementsetachatspublics)ontétérevuesàlabaisse,lespensionsetlessalairesayantdéjàétégelés lorsde lapremière révisiondubudget.Notonsqueplusde80000citoyenscroates,dont leprésidentdelaRépubliqueStjepanMesic,ontdemandéunexamendelaconstitutionnalitédelaloiintroduisant la taxe anticrise. Elle a été validée en novembre par la Cour constitutionnelle. Cesmesuresontpourobjetdelimiterledéficitdesfinancespubliquesqui,néanmoins,passeraitunpeuau-dessusde3%duPIBcontre2,6%en2008.Lahausseannuelledes salaires,quiavaitété fixéeà6%dans lecadred'unaccordde troisansconcluaveclessyndicatsen2006,aétésuspenduejusqu'àcequelacroissanceduPIBrevienneau-dessusde2%pendantdeux trimestresconsécutifs.Le salairenet,enmoyennemensuelle,pour lapériode janvier-juillet2009,s'estélevéà5315kunas (soitenviron720euros).Malgré lacrise, ilaenregistréunehaussede4,3%entermesnominauxetdeplusde2%entermesréels,cequiindiquequelepouvoird'achatdessalariésn'apasétéaffectépendantcettepériode.Onremarqueraquedansl'industrie,lesalairebrutmoyennominal,avecunehaussede1,6%pourlesseptpremiersmoisde2009,aaugmentéplus rapidementque laproductivitéqui,aucontraire,aprèsavoirétéenhaussependant les quatre dernières années, a enregistré une baisse de 0,9% pour la période janvier-septembre2009,mêmesi lenombred'employésdans l'industrieareculéde9%. Ilenest résultéuneaugmentationducoûtdutravailpréjudiciableàlacompétitivitédusecteur.Conséquencedelarécession,selonlesenquêtesemploi,letauxd'emploi,durantlapériodeavril-juin2009,estpasséde44,8%,unanavant,à43,7%,etletauxdechômageestmontéde7,9%à8,9%.Si l'onconsidère lenombredeschômeursenregistrés, le tauxdechômageainsicalculéestpassé de 12,3% en août 2008 à 14,2% en août 2009. En septembre et octobre, il a continuéd'augmenteràunrythmed'environquatrecentcinquantepersonnesparjouretpourraitapprocher15%àlafindel'année.Cettemanifestation,unpeutardive,deseffetsdelarécessionsurlemarchédu travail, s'explique notamment par la rigidité de l'environnement dans lequel opèrent lesentreprises,quineleurapaspermisdeprocéderàunajustementplusrapide.En avril 2009, la Croatie, conjointement avec l'Albanie, est devenue membre de l'OTAN. Le1erjuillet2009,lePremierministrecroateIvoSanaderadémissionnédesesfonctions,àlasurprisedesobservateurs,etaétéremplacéparJadrankaKosor,jusqu'alorsvice-Premierministrechargéedelafamille,desaffairesdesvétéransetdelasolidaritéintergénérationnelle.

Unsecteurbancairerésistant

Rappelons que le secteur bancaire, qui détient environ77%de l'actif total du secteur financiercroate (mi-2009), est presque entièrement privatisé et que 90% de l'actif en est détenu par desbanques étrangères (groupes autrichiens et italiens en premier lieu). Sur les trente-trois banquesopérationnellesenCroatie,seulesdeuxsontrestéesdanslegirondel'Etat.Lesquatreplusgrandesbanquesconcentrent65%dumarché.SelonlaCommissioneuropéenne,cedegrédeconcentrationdumarchérestepourtantmodéréetn'apasétégénéralementunobstacleàlaconcurrence.

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Faceàlacrise, laBanquecentralearéagirapidement,enprenantuncertainnombredemesuresdestinéesàmaintenir le fonctionnementordonnédumarchédeschanges,àdiminuer lespressionssurlamonnaienationale,etàcombattrelesconséquencesdelacrisesurlesystèmefinanciercroate.Elle a combattu les pénuries de liquidité au moyen des instruments réglementaires et par desinterventionssurlemarchédeschanges,etétabliunecoopérationétroiteaveclesbanquesétrangèresafind'assurerunfinancementextérieuradéquatetderéduirelerisquedeliquiditédesbanques.Ellearenforcélasurveillancedusystèmebancaire.Sicesmesuresontréussiàstabiliserlesmarchésetàpréparer le système bancaire pour les défis à venir, l'incertitude accrue a continué à alimenterl'euroïsationdesdépôtsetdesprêts.La croissance du crédit, pendant la période janvier-septembre 2009, est demeurée modeste(2,41%).Plusprécisément,l'activitédecréditareculépourlesprêtsauxménagesetauxentreprisesprivées,tandisquelesprêtsausecteurpublicontfortementaugmenté.Alafindumoisdeseptembre2009,lesprêtsaccordésauxentreprisesetauxménagesavaientchuté,respectivement,de0,8%etde3,8%,parrapportàlafindumoisdedécembre2008,alorsquelesprêtsausecteurpublicavaientmonté en flèche (53,8%), leur part dans le crédit total du secteur bancaire passant de 8,7% à13,1%,audétrimentdesprêtsauxentreprisesprivées,dontlapartaétéramenéede38,2%à37%,etdesprêtsauxménages,dontlapartaétéréduitede49,8%à46,7%.Grâceauxmesuresprudentiellesetdesurveillance,quiontétémisesenœuvrebienavantlacriseafinderéduirelesvulnérabilitésmacrofinancièrespotentielles,lesecteurbancairecroateestdemeurébiencapitalisé.Lesindicateursdeprofitabilitédusecteursontrestésélevésen2008,poursedégraderlégèrementdurantlapremièremoitiédel'année2009.Lapartdesprêtsnonperformantsestpasséede4,8%àlafinde2008à6,4%enseptembre2009.Plusprécisément, lesprêtsnonperformantsdes entreprises sont passés de 7,3% à l'issue de 2008 à 10,1% à la fin de septembre 2009, lesménages se montrant meilleurs débiteurs, avec 5,45% des prêts non performants dans les prêtstotauxqui leur sontaccordés.Le systèmebancairedemeurenéanmoinsconfrontéàdesrisquesdecrédit liés auxprêtsà tauxd'intérêt variables libellés ou indexés sur lesdevises fortes (euro, francsuisse),d'autantquecetypedesprêtsconstituelamajeurepartiedescréditstotaux.

Unsystèmeproductifentravépardesrigidités

Selon le rapportde suivi de laCommission européenne en2009, laprivatisation enCroatie n'aprogresséquetrèslentement.LeFondsdeprivatisationcroate(HFP)avenduouliquidélesactionsd'un total de cent trois entreprises dans lesquelles il détenait, pour lamajorité des cas, des partsminoritaires,àcompareravecun«portefeuille»comptantencoreplusdehuitcentsentreprisesàlami-2009.Lesraresappelsd'offresesontsoldésparunéchec,soitenraisond'unmanqued'intérêtdelapartdesinvestisseurspotentiels,soitparcequecesderniersontétédissuadéspardesconditionsdeventesouventirréalistes.AprèsdelonguesnégociationsaveclaCommissioneuropéenneportantsurl'ouvertureduchapitresurlaconcurrence,lesautoritéscroatesetlecommissaireeuropéenchargédecesecteurontaboutiaunaccordsurlesmodalitésdeprivatisationdeschantiersnavalscroates,dontlaplupartbénéficientdesubventionsdel'Etat.Legouvernementalancé,enjuillet2009,laprivatisation,parappeld'offre,dessixchantiersnavals,dontquatre(Brodotrogir,Kraljevica,3maj,BrodogradjevnaindustrijaSplit)ont été mis en vente au prix de 1 kuna. En ce qui concerne le Brodosplit BSO, une somme de18,16millionsdekunas(équivalentd'environ2,5millionsd'euros)estexigée.Concernantlechantiernaval Uljanik, le seul qui soit profitable, 25% des actions ont été réservées aux employés de lacompagnie et 59,25%ont étémises en vente pour unmontant total de397,49millions de kunas(54,2millionsd'euros).Troisacheteurs(tousnationaux)ontrépondusàl'appeld'offreinternationalclôturéle30septembre2009: Adria Mar (Zagreb) pour le chantier Brodosplit, More Trogir (Trogir) pour Brodotrogir etRegulacija (Vukovar) pour 3 maj. La compagnie AdriaMar a également montré de l'intérêt pour

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l'achatdeBrodosplitBSOpour18,16millionsdekunas.Lesautoritéscroates,aprèsavoirconstatéqueseulementdeuxdecesoffres (pourBrodotrogiretBrodosplitBSO)répondaientauxconditionsrequises,ontdécidédelancerun«deuxièmeround»deprivatisations,assortideconditionsrequisesassouplies, afin d'attirer plus d'acheteurs potentiels. Le syndicat des ouvriers dans le secteur desmétaux,quiregroupelesemployésdel'industrienaval,estopposéàcesprivatisationsetconsidèreque les appels d'offre ont été truqués. Il a donc menacé d'organiser des manifestations massives(incluantlagrèvedelafaim),aucasoùlegouvernementdécideraitdedéclarerlafaillitedeschantiersnavals, sachant que l'industrie navale emploie près de 11500 personnes et que sa part dans lesexportationscroatesreprésenteenviron15%.Par ailleurs, en octobre 2008, la compagnie pétrolière hongroise MOL a porté sa part dans lacompagniepétro-gazièreINAà46,7%.Si la Croatie a achevé l'examen de la législation concernant l'environnement dans lequelfonctionnent les entreprises et progressé dans l'élimination des lois inutiles, ainsi que dansl'accélérationdel'enregistrementdesentreprises(enregistrementenligne), ilrestedeseffortsàfairedansce domaine. LaCommission européenneconstate dans sondernier rapport qu'un «excès deréglementation, de nombreuses taxes parafiscales, un système judiciaire et une administrationpubliqueinefficaces,ainsiquedepetitescorruptions,entraventgravementlamarchedesaffaires».Leprojet Hitrorez («guillotine de réglementation») introduit par le gouvernement en 2007 afin desimplifieroud'éliminer les règlements jugés inutiles,n'ayantpasdonné les résultatsespérés,aétéremplacéen2009parlacréationd'unofficedecontrôledel'efficacitédelaréglementation.Dans leclassementDoingBusiness2009de laBanquemondiale, relatifà la facilitéde fairedesaffaires,laCroatieobtientencoreunmauvaisscore,placée103e(sur183pays).Lesdifficultésliéesàl'octroidepermisdeconstruireetàl'embauchedetravailleursreprésententlescontrainteslesplusgraves, ces dernières reflétant l'existence de rigidités importantes du marché du travail.«L'améliorationdel'environnementdanslequelopèrentlesentreprises(businessenvironment)estlaprioritéclédupartenariatpourl'adhésion»,asoulignélaCommissioneuropéenne.

Lesnégociationsavecl'Unioneuropéennedébloquées

Rappelons qu'après la septième réunion de la Conférence intergouvernementale au niveauministériel (CIG), tenue le19décembre2008, lesnégociationsd'adhésionde laCroatieà l'Unioneuropéenne(engagéesle3octobre2005)ontétébloquéesparlaSlovénie,paysmembredel'UE,enraisond'une vielle dispute frontalière avec laCroatie.C'est le 11 septembre2009que le Premierministrecroate,JadrankaKosor,etsonhomologueslovèneBorutPahorontannoncéquecedifférendfrontalierneconstitueraitplusunobstacleàlapoursuitedesnégociationsd'adhésiondelaCroatie.Eneffet,le29septembre,leComitéparlementairepourlesaffaireseuropéennesavotéàLjubljanaenfaveurdelalevéeduvetoquiavaitbloquélaclôturedeschapitresdenégociationsentrel'UEet laCroatie, ce qui a ouvert la voie à la huitième réunion de la CIG. Elle s'est tenue à Bruxelles le2octobre 2009, a consacré l'ouverture de six nouveaux chapitres de négociation et la clôture decinq,cequiportelenombredechapitresouvertsàvingt-huit(suruntotaldetrente-cinq),dontdouzesontprovisoirementclôturés.Silesnégociationstechniquesapprochentdelaphasefinale,desdéfisde taille restent à surmonter dans des domaines tels que l'indépendance et l'efficacité du systèmejudiciaire, la réforme de l'administration publique et la lutte contre la criminalité organisée et lacorruption,quidemeurenttrèsrépandues.Enoutre,l'achèvementduprocessusderetourdesréfugiésdevrait faire l'objet «d'une attention plus soutenue» et la coopération avec le Tribunal pénalinternational pour l'ex-Yougoslavie devrait être améliorée afin de lui permettre l'accès à certainsdocumentsimportantssetrouvantenCroatie.Lacoopérationrégionaleresteàl'ordredejour,et laCroatiedevraitpoursuivreleseffortsdestinésàréglerlesproblèmesbilatérauxaveclespaysvoisins,notammentenmatièrededélimitationdesfrontières.LaCroatieespèredevenirmembredel'UEen2010,maisilestplusréalistedetablersur2012.

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Croatie

PrincipauxindicateurséconomiquesTableau1–Evolutionannuelledesprincipauxagrégats(variationsen%parrapportàl'annéeprécédente,saufmentioncontraire)

2005 2006 2007 2008(e) 2009(p)

PIB 4,2 4,7 5,5 2,4 –5,2**

PIBpartête(%moyenneUE-27,PPA) 56 58 61 62 60

Productionindustrielle 5,1 4,5 5,6 1,6 –9**

Formationbrutedecapitalfixe 4,8 10,9 6,5 8,2 –8**

Consommationdesménages 4,4 3,5 6,2 0,8 –9**

Salaireréelmoyennet 1,5 1,9 2,2 0,8 –

Prixàlaconsommation 3,3 3,2 2,9 6,1 2,8

Soldedesadministrationspubliques(%duPIB) –3,5 –2,6 –2,0 –2,6 –3,3**

Dettepublique(%duPIB) 45,7 43,3 41,7 40,3* –

Emploitotal 0,7 0,8 1,8 1,3 –

Tauxdechômage(%delapop.active)–chômeursenregistrésenfind'année–moyenneannuellesurbaseenquêtesemploi

17,812,7

17,011,1

14,79,6

13,78,4

14,9**10,5**

Sources:WIIW;*:chiffredenovembre;**prévisionsd'expert

(e ):estimation;(p):prévision

Tableau2–Balancesextérieures,réserves,endettementetinvestissementsdirectsétrangers

2005 2006 2007 2008(e) 2009(p)

Exportationsdemarchandises 9,3 17,2 8,6 6,0 –18*

Importationsdemarchandises 10,6 14,0 10,8 10,6 –26*

Balancecommerciale(millionsd'euros) –7518 –8344 –9434 –10866 –

Balancecourante(millionsd'euros) –1976 –2715 –3237 –4454 –

Balancecourante(%duPIB) –5,5 –6,9 –7,6 –9,4 –8*

RéservesdelaBanquecentrale,orexclu(millionsd'euros) 7438 8725 9307 9121 –

Detteextérieurebrute(millionsd'euros) 25748 29274 32929 39125 –

Detteextérieurebrute(%duPIB) 71,8 75,1 76,8 83,8 –

Fluxd'IDEentrants(millionsd'euros) 1467,9 2764,8 3666,9 2930,1 –

Fluxd'IDEsortants(millionsd'euros) 191,8 208,2 184,1 118,9 –

Sources:WIIW;*:prévisionsd'expert

(e ):estimation;(p):prévision

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SerbieparLil ianePet rovic

Latempêtefinancièredel'automne2008asévèrementfrappélaSerbie.Lesentréesabondantesdecapitaux se sont taries, et ont peu de chances de rétablir leurs niveaux d'avant-septembre 2008.Pourtant,sonéconomieendépendfortement,carellesavaient,cesdernièresannées,compensésesfaiblesses structurelles. Par ailleurs, elles avaient alimenté la demande intérieure qui, en étantlargement orientée vers les importations,a entraînéde forts déséquilibres extérieurs et unehausserapide de l'endettement du pays. Face à une raréfaction du financement extérieur, un retrait del'épargneendevises,uneinstabilitédutauxdechangedudinar,unebaissedesréservesdelaBanquecentrale, lesautoritésserbesontétécontraintesdesolliciterunarrangementavecleFMI.LaSerbie,quiestenrécessionetsoussasurveillance,doitsetournerverselle-mêmeetestmiseendemeuredecommencer les réformes douloureuses qu'elle avait repoussées jusqu'à présent. Les réformes del'administrationpublique,delasanté,del'éducation(incluantdescoupesdansl'effectif),laréformedusystèmedesretraites,laprivatisationdequelquesbanquesnonencoreprivatisées,lapoursuitedesprivatisationsdesentreprises, larestructurationdesgrandesentreprisesenpropriétédel'Etatenvuedeleurprivatisationfuture,sontquelquespointsclefssurlesquelslesautoritésserbeset leFMIonttrouvéunaccord.

UneéconomiedurementtouchéeparlacriseLespremierseffetsde lacrise sur le secteurréel se sontmanifestésdès lequatrième trimestrede2008,souslaformed'unechutedesexportationsetdelaproductionindustrielle,danslesecteurdel'industriemanufacturièrenotamment.LacroissanceduPIBestalorstombéeà3%,ramenantletauxpourl'ensembledel'année2008à5,4%contre6,9%en2007.Aucoursdupremiertrimestrede2009,laSerbieestentréeenrécessionetl'activitééconomiqueareculéde4,2%,lesreculslesplusimportants étant enregistrés dans les secteursde l'industrie manufacturière (-20,9%) et de laconstruction(-13,8%),tandisquel'évolutionestrestéepositivedanslessecteursdestransportsetdescommunications (4,1%), de l'intermédiation financière (6,1%), des autres services (2,3%) et del'agriculture(1,6%).Enmêmetemps,lecommercededétailareculéde11,7%envolume,cequitémoigned'unecontractionsignificativedelaconsommation.Alafindupremiersemestrede2009,laproductionindustrielle(-17%),etsurtoutcelledel'industriemanufacturière(-22%)étaientbienendessousdeleurniveaudelamêmepériodedel'annéeprécédente,tandisquelecommercededétail,qui avait donnédes signes d'une reprisemodeste audeuxième trimestre, affichait un reculmoinsimportant (-8,6%). Ces évolutions ont maintenu l'économie en récession durant le deuxièmetrimestre, lorsque le PIB a reculé de 4%. Pour l'ensemble de l'année 2009, le PIBpourrait avoirreculéde4%également(FMI).Commed'autrespaysdelarégion,laSerbieaconnu,auquatrièmetrimestrede2008,unechuteimportante des échanges extérieurs durant lesmois de novembre et décembre notamment, et lestrendsbaissierssesontpoursuivisdurantlepremiersemestrede2009.Maiscesévolutionsonteuunaspectpositif.Lachutedes importationsétantplus importantequecelledesexportations, ilenestrésulté un net rétrécissement du déficit commercial, qui, en s'élevant à 2,4 milliards d'euros, nereprésentait plus que 62,6% de son niveau des six premiers mois de l'année précédente. Lesstatistiques relatives à labalancedes transactionscourantes sont encore plus favorables: elles fontvaloir un déficit de 979 millions d'euros, ne représentant que 32% de son niveau de la mêmepériode de l'année 2008. Il faut toutefois noter que la forte hausse des transferts nets de 36,7%(provenantprincipalementdeladiasporaserbe)acontribuéaurétrécissementdecedéficitcourant.Cedernier,quidepuis2005n'avaitpascessédesecreuserpouratteindreprèsde18%duPIBen

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2008 et représentait une vulnérabilité importante de la position financière extérieure de la Serbie,pourraitainsiêtreramenéà9%duPIB,selonlesdernièresestimationsduFMI.Signalons que durant les cinqpremiersmois de l'année 2009, la dette extérieure du pays a étélégèrement réduite, de 1,9%, par rapport à son niveau du 31 décembre 2008. Cela estprincipalement dû au désendettement des entreprises, dont la dette, à court et à long terme, adiminué, respectivement, de 10,1% et 3,3% par rapport à décembre 2008. Ce désendettementreflète aussi bien la chute de l'activité économique qu'une raréfaction des nouveaux créditsextérieurs.Danslemêmetemps,ladettedesbanquesaégalementétéréduite,de39,1%et2,8%respectivement,selonqu'ils'agissedecourtoudelongterme.Quantàladettepublique,quis'établissaitauniveautrèsraisonnablede25,9%duPIBàlafinde2008,elleaaugmentéde908millionsd'eurosdurantlesseptpremiersmoisde2009.LescréanciersensontlaBERD,laBanquemondialeetlesbanquescommercialesserbes(refinancementdeladetteetcouverturedudéficitbudgétaire).Parailleurs, lorsdesavisiteàBelgrade le20octobre2009, leprésidentrusseDimitriMedvedevaconfirmél'attribution(sollicitéeenjuillet2009)àlaSerbied'uncrédit s'élevant à 1 milliard d'euros dont les conditions restent à préciser. Selon les premièresinformations,200millionsdedollarsdevraientserviràsoutenirlebudget,leresteétantdestinéauxprojets d'infrastructures réalisés par les compagnies russes et concernant, notamment, lemétro deBelgradeetlaconstructiondel'autorouteentourantlacapitale.Enfin,notonsquelesréservesdelaBanquecentrale(orinclus),quisechiffraientà8160milliardsd'eurosau31décembre2008,ontdiminuédeprèsde1,5milliardd'euros(soit15,4%)parrapportàlamêmedatede2007(9640milliardseuros).Alafindejuin2009,ellesétaienttoutefoisremontéesà8885milliardsd'euros,principalementgrâceautiragedelapremièretranchedel'accordstand-byavecleFMI,équivalentà770,2millionsd'euros.LaSerbieavaitfinil'année2008avecuntauxd'inflationenmoyenneannuellede11,7%.Pendantla période janvier-août 2009, bien que réduite, l'inflation, alimentée par une hausse des prixréglementés(notammentdel'essence),desprixdesservicescommunaux,destransportsetdesautresservices,mais également par la hausse des taxes indirects (accises) et ladépréciationdudinar, estrestée élevé (8,6%).Cen'est qu'aux coursdesmois de juillet et août que les prix ont finalementreculéde0,9%et0,1%,respectivement,parrapportaumoisprécédent.L'objectifdelapolitiquemonétaire,quiétait,pourl'année2009,deramenerl'inflationàunniveausituédansunefourchette6-10%,avecunevaleurcentralede8%à la finde l'année, risqued'êtredifficilesàrespecter,enraisond'autreshaussesdesprix réglementésprévuespour les servicespostaux (7%), lescigarettes(6%), les médicaments (4%), les services communaux (3,5%) et les dérivés du pétrole (1%).Rappelonsquedanslecadredesapolitiquede«ciblage»,laBanquecentrale(NBS)inclut,depuisle1erjanvier2009,lesprixréglementés,quijusqu'àcettedaten'yfiguraientpas.Afin de soutenir l'activité économique, tout en tâchant de lutter contre l'inflation, la Banquecentrale a procédé à plusieurs reprises à des baisses de son taux de référence. Après sondernierrelèvementennovembre2008de15,75%à17,75%,celui-ciestpasséenjanvier2009à16,5%,puis, en avril, à 14%, en juinà 13%et en juillet à 12%. Si ce taux est encore élevé, laNBS adécidé,enseptembre,delemainteniràceniveau.Entreseptembre2008etaoût2009,ledinaraperduplusde18%desavaleurvis-à-visdel'euro.Cette correction a été la bienvenue, compte tenu de l'ampleur du déficit extérieur et de la forteappréciationqu'ilavaitconnueentermesréels.Afindemaintenirlaliquiditédumarchédeschangeset de soutenir le dinar, la NBS a injecté environ 2milliards d'euros et assoupli ses exigencesconcernant les réservesobligatoiresendevises.Apartirdemars2009, le tauxdechangedudinars'estlargementstabilisé,etcelasansaucuneinterventiondelaBanquecentrale.EnSerbie,l'épargnedelapopulationestdétenueenpresquetotalité(98%)endevisesfortespourunmontantquiatteignait5,1milliardsd'eurosà la finde juin2009,contre103,2millionsd'eurospour l'épargne en dinars. La confiance des épargnants, qui avaient vidé leurs comptes àl'automne2008 (pour un montant d'environ un milliard d'euros), semble être progressivementrevenue,mêmesileniveaud'avantle15septembre2008n'apasencoreétéretrouvé.

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Si l'évolution du salaire brut fait apparaître, en moyenne mensuelle, pour la période janvier-juin2009, une hausse de 11,2% en termes nominaux et de 2,3% en termes réels, son pouvoird'achat en euros a baissé, du fait de l'affaiblissement du dinar de 15%, en comparaison avec lamêmepériodedel'annéeprécédente,cequiconduitàunevaleurde460eurospourlesalairebrutetde330eurospourlesalairenet. Ilconvient,enoutre,denoterquecertainesentreprisesn'ontpaspayélessalairespendantplusieursmois,ou,quandellesl'ontfait,n'ontpasrégléleschargessurlessalaires(cotisationspourl'assurancemaladie,lavieillesse).Faceauxmouvementssociauxinduits,lesautoritésontpromisderéglerleproblème,dansuncertainnombredecas,enprenantenchargelescotisations,maisnonlessalairesdus.Enfin,soulignonsquedanslecadreduprogrammesoutenuparleFMI(voirci-dessous),lessalairesdanslesecteurpublic,ainsiquelespensionsderetraite,ontétégelésen2009etleserontencoreen2010.L'évolutiondelasituationéconomiqueaeu,bienentendu,desconséquencessurcelledel'emploi,maisdefaçontrèsdifférenteselonqu'ils'agitdusecteurprivéoudusecteurpublic.Globalement,lenombred'emploisau31mars2009aenregistréunechutede7,3%parrapportàlamêmedatede2008, les entreprises, notamment les plus petites, étant les plus touchées (-25%). Entre le 30septembre2008 et le 31mars2009, on considère qu'environ23000 emplois ont été détruits parmois dans le secteur privé. Simultanément, l'emploi a augmenté dans l'administration publique(3,7%),l'éducation(1,9%),lasantéetlesecteursocial(1,8%),àunrythmed'environ1100emploisparmoisdansl'ensembledecestroissecteurspublics.Sicettepolitiqued'embauche,quin'estpasnouvelle, apusubsister (notamment auniveau local), il semble néanmoinsqu'elle ne tendepasàperdurer,car les autorités serbes ontannoncéunehalte auxnouvelles embauchesdans le secteurpublicen2009, saufexceptionetavec l'accordpréalableduministre.Etantdonné l'ampleurde ladestructiond'emplois, il n'est pas étonnant que le tauxde chômage soitmonté à15,6%en avril2009contre13,3%unanplustôt,selonlesenquêtesemploi.

L'entréeenscèneduFMIFaceauxpremierseffetsdelacrisefinancièremondiale,observésauquatrièmetrimestrede2008,lesautoritésserbessesontadresséesauFondsmonétaireinternational,ensollicitantunaccordstand-by(ASB),ditdeprécaution.LeFMIaapprouvéofficiellementle16janvier2009unASBdequinzemois,équivalentàenviron402,5millionsd'euros,dont268,4ontétédisponibles immédiatement.Néanmoins, à l'époque, les autorités serbes ont fait part de leur intention de ne pas tirer sur lesressources du FMI, sauf en cas de besoin. La situation financière et économique ayant empiré aucoursdespremiersmoisdel'année2009,ellessesontànouveauadresséesauFMI,le30avril2009,endemandantuneaugmentationdusoutienfinancieretuneextensiondel'accord.Ainsi,le15mai2009, l'ASB«deprécaution»aévoluépourdevenirunASB«lourd»d'environ3milliardsd'euros(soit 560% du quota de la Serbie) dont la durée a été prolongée à vingt-sept mois, c'est-à-direjusqu'au15avril2011.LaSerbieatiréunetrancheéquivalenteà770,2millionsd'eurosaumoisdemai2009.Unnouvelexamende l'étatde réalisationduprogramme,conditionnant le tiragede ladeuxièmetranche,pourunmontantéquivalentà600-700millionsd'euros,acommencéàlafindumoisd'août2009etest toujoursencours.RappelonsquelesoutienfinancierduFMIapourobjetd'aider (conjointement avec les financements provenant de l'Union européenne et de la Banquemondiale notamment, sur lesquels compte le gouvernement) à combler le besoin de financementextérieurprévupourlesannées2009-2011.Les autorités serbes se sont engagées à prendre des mesures dont l'objet est de: resserrer lapolitique budgétaire, par un freinage de la hausse des pensionsde retraite et des salaires dans lesecteur public, afin de laisser la place à une expansion des investissements publics dans lesinfrastructures;continueràfocaliserlapolitiquemonétairesurl'inflation,danslecadreduciblagedel'inflation soutenu par le régime du managed float; veiller à la stabilité du secteur financier, aumoyend'unemeilleuresurveillancedesrisquesetdeplansd'urgenceappropriés;mettreenœuvre

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des politiques structurelles pour résoudre les problèmes de base de l'économie serbe, tels que lafaible capacité de produire, d'épargner et d'exporter, au moyen de privatisations (notammentd'entreprisesen«propriétésociale»nonencoreprivatisées),restructurationsouliquidationsd'unbonnombred'entreprisespubliques.Le FMI et les autorités serbes sont ainsi convenus d'initier les premiers pas vers les réformes demoyen termedans lesdomainesdespensions,de la santéetde l'éducation.Unenouvelle loi,quiprévoit entre autres une hausse de l'âge de la retraite pour les femmes et un endurcissement desconditionspourlespréretraites,devaitêtreprésentéeàl'Assembléenationaleendécembre2009,etl'indexationdespensions,temporairementsuspenduepour2009et2010enraisond'ungelnominaldes retraites, devrait être revue, afin d'assurer, dès 2011, une réduction des transferts budgétairesdestinés aux fonds de pension. Par ailleurs, il est prévu que le gouvernement procèdera à desréformes des prestations sociales,du secteurde la santé et de l'éducation, enconsultation avec laBanque mondiale. Enfin, la réduction de 10% des effectifs prévue dans les secteurs del'administration publique (et partiellement de l'éducation et de la santé) devrait être réalisée d'icijanvier2010.Toutescesréformesontbienentendupourobjetd'aboutiràunebaissedesdépensesbudgétaires,maiscommeellesexigerontdutempspourêtreréalisées,ilseranécessairedemaintenirle gel nominal sur les salaires et les pensions en2010,et de procéder à d'autres coupes dans lestransfertsauxcollectivitéslocales,ausecteurdelasanté,ausecteurdel'éducation,notamment.Enl'absencedecescoupesdanslesdépenses, ledéficitbudgétairepourraitatteindreencore5,5%duPIB en 2010, ce que le FMI n'est pas prêt à accepter, considérant qu'un tel déficit serait aussibiendifficileàfinancerquenoncompatibleavecdesfinancespubliquesviables.Danscesconditions,bienqu'uncertainnombredemesurescontracycliques(subventionsdiverses)aientétéintroduites,leurseffetssontrestéstrèslimités.Etlaprioritédegouvernement,concernantlesinvestissements,estlecorridorpaneuropéendansledomainedesinfrastructures,maislefinancementenrestepeutransparent.Un autre domaine qui mérite l'attention en raison de l'urgence des réformes, est celui del'environnement dans lequel les entreprises font des affaires. A cet égard, le bilan est mitigé.Rappelonsquelesautoritésserbesavaientannoncéunsystèmede«guillotine»visantà«abolir lesréglementations» afin de permettre de créer des entreprises, d'investir plus facilement, ou plusgénéralementdecréerunenvironnementquin'entraveraitpaslefonctionnementdesentreprises(voirleTableaudebord2008).Lasituationdanscedomainemériteuneattentionparticulière.Card'aprèsledernierclassementmondial,selonlesindicateursDoingBusinessdelaBanquemondiale,laSerbieauraitglissédela86eplaceen2007et91een2008,àla94eplace.Celas'expliqueraitnotammentparl'allongementdesdélaispour«l'octroidespermisdeconstruire»quiseraientpassésde204joursen2008à279jours.Parailleurs,sil'ontientégalementcomptedescoûtsd'obtentiondecespermis,laSerbiesesitueraitau171erangdansunclassementmondialincluant181pays.IlfautnotercependantquelaSerbiearéussiàaméliorersapositionconcernantunautreindicateur,«letransfertdepropriété»,enabaissantl'impôtsurletransfertd'untitredepropriété,de5à2,5%dela valeur de celle-ci. Néanmoins, le temps nécessaire pour l'enregistrement d'une propriété restedissuasifetpeutprendrecentonze jours (soitpresquequatremois)contre,à titredecomparaison,deuxjoursenNouvelleZélande!Enfin,signalonsqu'aumoisdemai2009,lepremieronestopshopacommencéàfonctionneràBelgrade. L'ouverture d'un guichet unique devrait diminuer les coûts et le temps requis pourl'enregistrementdesentreprises.

Lesystèmebancaireabienrésisté,maisfinanceinsuffisammentlesfirmesprivéesRappelons que la majeure partie du secteur bancaire serbe (plus de 75%) est détenue par desgroupesbancairesétrangers.Comptetenudel'importancedumaintiendecetteprésenceétrangèreenvued'assurerlaliquiditéinternationaledupays,uneréuniondecoordinationdusecteurfinancier

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(«InitiativedeVienne»)aétéorganiséeàViennele27mars2009,sousl'égideduFMI.Cetteréuniona aboutiàun engagement par les banquesmères dedix des plus grandes banques (autrichiennes,françaises,italiennes,etgrecques)présentesenSerbiede«maintenirleurexposition»àcepays,toutenassurantqueleursfilialesserbesseraientbiencapitalisées.Depuis,presquetouteslesbanquesenSerbie (trente et une sur trente-quatre) ontmontré leur intérêt à adhérer à l'accord, qui prévoit lemaintien,jusqu'àlafinde2010,d'un«niveaud'exposition»équivalentàceluidelafindel'année2008.Encontrepartie, lesbanquesqui remplissent lesconditions stipuléespar laBanquecentrale,soit vingt-sept banques au total, bénéficieront d'un soutien leur permettant d'améliorer la liquiditélocaleetd'unassouplissementréglementairedestinéàpréserverleursolvabilité.Lesrésultatspréliminairesdel'étude-diagnosticdedouzedesplusgrandesbanquesenSerbieontmontréquelesecteurbancaireestbiencapitaliséet liquide.Entretemps,unepetitebanqueserbeaétérecapitaliséeet l'augmentationducapitald'unegrandebanqueaétéassuréeparlaBERDetlesautresactionnaires.Concernant lesquatreétablissementsmajoritairementenpropriétéde l'Etat, lesautorités serbes envisagent de les fusionner en une seule banque, avant de procéder à leurprivatisation.Silesecteurbancaireestliquideetsilescréditsbancairesdestinésauxentreprisesontaugmentéde8,1%entre la finde l'année2008et la findumoisde juin2009, iln'en restepasmoinsque lesentreprises rencontrent de graves problèmes de liquidité. Force est de constater d'importantesdistorsionsdanslacirculationdelaliquidité,quimontrentquelegouvernementaccaparel'essentielde celle-ci pour ses propres agissements et ceuxdes entreprises publiques, au point de créer unevéritablechaîned'illiquidité.C'estainsiqu'aucoursdupremier semestrede2009, lemontantdescréditsaccordésaugouvernementparlesbanquesaétémultipliépar5,2etquelapartdecescréditsdanslesplacementstotauxdesbanquesestpasséede1,2%à5,7%.Ilestvraiquelegouvernementadûémettre,àplusieursreprises,destitresd'Etat,afindefinancerledéficitbudgétairegrandissantetquelesbanquescommercialesontvolontiersorientéleursplacementsverscestitresd'Etat,ainsiqueverslestitresémisparlaBanquecentrale,danslecadred'opérationsd'openmarket.

*

**

Lacriseaaccentuélesfaiblessesstructurellesdel'économieserbe,maiselleaaussimisenlumièrel'insuffisance des réformes (mal menées, inachevées ou non encore commencées), ainsi que lesfaiblessesinstitutionnellesquipersistent.C'estainsiquelesautoritésontannoncéunecoupede10%de l'effectif dans l'administration publique, sans avoir pensé à ramener le nombre de ministères(vingt-sept actuellement) à un chiffre plus approprié à un pays de 7,3 millions d'habitants dontl'économietraverseunegravecrise.Lespartispolitiquesaupouvoircontinuentderépartirentreeuxlesdirectionsdel'ensembledesentreprisespubliques, toutencherchantdesprétextespournepasprocéder sérieusement à leurs privatisations. L'Institution d'audit des comptes publics (Drzavnarevizorskainstitucija-DRI)n'estpasencorepleinementopérationnelle,etlacriseactuellenepeutpasjustifier le manque de moyens financiers pour cette institution, car les problèmes que celle-cirencontrenedatentpasd'hier(voir leTableaudebord2007).Lesinformationsportant,aussibien,surlesmalversationsdiversesdegrandeenvergurequiimpliquentlestycoonsetlespoliticiens,quesur le financement trèsobscurdespartispolitiques, risquentdeneplus troubler lecorpsélectoral,étantdonnélesamendescolossalesprévuesparlesamendementsàlaloisurl'informationdupublic(Zakonojavnominformisanju)pourlesjournalistesetlesmédiasquioseraientpointerdudoigtquiquecesoitavantqu'ilnesoitcondamnéparlajustice.Malgrélesréactionsvivesdesintéressés,cetteloicontroverséeaétévotéeparleParlementle31août2009.Enoutre,commentnepasévoquerlaloisurlespartispolitiques,adoptéele12mai2009,quiviseàrayerdelascènepolitiquelespetitspartis,ouàentraverlacréationdesnouveauxpartispolitiques,enfixantnotammentunnombreminimumdefondateurs.

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SerbiePrincipauxindicateurséconomiques1

Tableau1–Evolutionannuelledesprincipauxagrégats(variationsen%parrapportàl'annéeprécédente)

2005 2006 2007 2008(e) 2009(p)

PIB 5,6 5,2 6,9 5,4 –4*

PIBpartête(%delamoyenneUE-27,PPA) 32 33 35 36 35

Productionindustrielle 0,8 4,7 3,7 1,1 –10**

Formationbrutedecapitalfixe 5 15,2 12 8 –5

Consommationdesménages 5 5,4 6 6 –2

Salaireréelmoyennet 6,4 11,4 19,5 3,9 –

Prixàlaconsommation 16,2 11,7 7,0 11,7 9,8**

Soldedesadministrationspubliques(%duPIB) 0,9 –1,7 –1,9 –2,5 –5

Dettepublique(%duPIB) 50,2 36,2 29,4 25,9 –

Emploitotal – –3,8 1,0 5,6 –

Tauxdechômage(%delapop.active)–chômeursenfind'année–surbaseenquêtesemploi

27,120,8

27,920,9

25,118,1

23,714,0

29**18

Sources:WIIW;* :FMI;** :prévisionsd'expert

(e ):estimation;(p):prévision

Tableau2–Balancesextérieures,réserves,endettementetinvestissementsétrangers

2005 2006 2007 2008(e) 2009(p)

Exportationsdemarchandises 21,8 28,5 24,6 16,8 –18*

Importationsdemarchandises –2,7 22,8 28,9 15,9 –25*

Balancecommerciale(millionsd'euros) –4256 –5001 –6672 –7679 –5200*

Balancecourante(millionsd'euros) –1766 –2382 –4629 –5949 –2800*

Balancecourante(%duPIB) –8,7 –10,1 –15,7 –17,6 –9,1**

RéservesdelaBanquecentrale,orexclu(millionsd'euros) 4753,7 8841,3 9422,2 7908,8 –

Detteextérieurebrute(millionsd'euros) 13064 14885 17791 21800 –

Detteextérieurebrute(%duPIB) 66,2 59,4 59,7 70,0 –

Fluxd'IDEentrants(millionsd'euros) 1265,3 3515,7 2530,1 2042,5 –

Fluxd'IDEsortants(millionsd'euros) 18 17 686 189 –

Sources:WIIW;*:prévisionsd'expert;**:FMI

(e ):estimation;(p):prévision

1 Kosovo exclu

Quatrièmepartie

LaRussieetl'Ukraine

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Russie:unecriseetsonenjeuparJacquesSapir

LaRussieaététouchéepardeschocsmultiples,auxquelssesontajoutésleseffetsdelapolitiqueéconomique du gouvernement. Cet ébranlement peut s'avérer de nature à remettre en cause unmodèle de croissance trop exclusivement fondé sur lesexportations et la dépendance vis-à-visdesmarchésfinanciersinternationaux.Lepaysatoutd'abordétévictimedelacrisedesliquiditésinternationales,quiaparticulièrementaffecté sonéconomieenraisondu faibleniveau,d'unpointdevue financier,dumarché intérieur.Mais si les banques de la catégorie supérieure ont été touchées, elles le doivent également à lapolitiquemenée,quiadonnéuneprioritéàlaluttecontrel'inflation.Lesdéformationsdusystèmebancaireontété icirenforcéespar lapolitiqueduministèredesFinances,enparticulieràpartirde2006,etparladécisiondepasseràuneconvertibilitéencomptedecapital.LaRussieaégalementété touchéepar lachutedesexportationsdans les secteurshorspétroleetgaz. La baisse de ces marchés, liée au développement de la crise en Europe occidentale et enparticulierdanslesecteurdelaconstruction,aeudesconséquencesimportantes.Enfin,elleasubilachutedesrevenuspétroliers.Celle-ciaétéspectaculairedufaitdelahausseduprix dubaril qui estmonté à 147dollars dansun accès depure spéculation.Cependant, dans cedomaine, il convient de ne pas trop donner d'importance aux chiffres qui fluctuent de manièreextrêmementrapide.Leprixdubarils'élèveaujourd'huiàplusde75dollars.Onestdoncloind'êtredanslecasde1998etlasituationdesfinancespubliquesn'apasétémiseencause.L'écartaveclesvaleursdel'automne2007paraîtnégligeable.Leseffetsdecettecriseauraientpu,etdû,êtreatténuéspar lapolitiquedugouvernement.Sicedernieratrèscorrectementfaitsontravailencequiconcernel'endettementdesgrandesentreprisesetledomainesocial,oùdesdépensesimportantesontétéconsenties,iln'apassuoupasvouluchangerlecoursdelapolitiquemonétaireàtemps.Enélevantlestauxd'intérêtetenréduisantbrutalementlamassemonétaire, leministèredesFinancesaaccentuélacrise.Certes,desmesurescorrectricesontétéprisesdanslebutderelancerlecrédit.Maisleurefficacitétardeàsemanifester.Cettecriseaentraîné labaissedu tauxdechange,quece soitparrapportaudollarouà l'euro.Cependant,onconstatequecettetendancetendàs'émousseretqueleroubleseréévalue,tantfaceaudollarqu'àl'euro,audétrimentdelacompétitivitédesproducteursrusses.

LacriseenRussie:unchocinattendumaisprévisibleLa crise économique mondiale a fini par atteindre la Russie en septembre 2008. En dépitd'avertissements longuement réitérés, le gouvernement n'a pas voulu consentir aux mesures quiauraientpuenlimiterl'impactaucoursdupremiersemestrede2008.Cetimpactaététrèsimportantetatouchénonseulementlessecteursexportateurs,maisencorel'ensembledel'économie(voir legraphique1).Aprèsunecroissancemoyenneatteignantencore5,6%en2008, lePIBaconnuen2009unecontractionde l'ordrede6%.L'ampleurdecechocestcomparableàceque l'onpeutobserverdanslespaysexportateurs,commeleJaponetl'Allemagne.Lechocaétéparticulièrementbrutal,maispasaupointdesurprendrelesobservateursattentifs.Sonampleur a cependant pu étonner. La production industrielle et les exportations ont étéparticulièrement affectées, et l'investissement a connu une forte baisse, de l'ordre de 20%,phénomènequel'onconstateparailleursdanslatotalitédespaysdéveloppés.Rappelonsquecettebaisseestsurvenueaprèsunetrèsfortehausse,d'environ20%pourlessixpremiersmoisdel'année2008,etqu'ellen'apasduré.Cette relative résistancede l'investissement s'expliqueprobablementpar la part élevéequ'y a prise l'Etat.Onpouvait ainsi estimer à près de40% les investissements

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financésdirectementouindirectementparlapuissancepublique.Ilsontjouélerôled'unstabilisateurautomatique,alorsquel'investissementprivésembles'êtreplusfortementcontracté.

Graphique1Impactdelacrisesurl'économierusse

Source:BanquecentraledeRussieLerevenudesménages,quiasubiunetrèsfortecontractiondanslestoutderniersmoisdel'année2008,aconnuundébutderétablissementdepuisledébutde2009.Celasembleêtrelerésultatdel'accroissementdesaidesdel'Etat,enparticulierdel'assurancechômage.Cependant,unetendancenégative s'est à nouveaumanifestée au début de l'été. Lesménages semblent avoir profité de cerétablissementpourréduireleursdépensesdeconsommation(voir legraphique2).Onpeutpenserque,surprisparlacrise,ilsreconstituentuneépargnedeprécaution.Letauxdechômage,quiavaitconnusonpointleplusbasenmai2008avec5,4%,afortementaugmentéàpartirdeseptembre2008.Ilaatteint10,2%aumoisd'avril2009,avantdecommenceràreculerpourêtreramenéà8,1%enaoût.Cettehaussespectaculaireaéténettementplussensibledanslesecteurdesservicesetdelafinance.Le développement de la sous-traitance sur les grands sites industriels a entraîné de grandesdifférences de situation entre les ouvriers. Les sociétés de sous-traitance ont ainsi massivementlicenciéleurpersonnel. Ilyabienunemultiplicationdestatutsaujourd'huisurlesprincipauxsitesindustrielsdeRussie,cequiestunfacteurd'inégalitéfaceàlacrise.Parailleurs,onavuréapparaîtrelesimpayéssalariaux.Cephénomèneaconnuunepublicitécertaineavecl'interventionduPremierministre Vladimir Poutine le 7 juin 2009. Les menaces sur les sociétés recourant à ces impayéssemblent avoir porté leurs fruits. De fait, le nombre de travailleurs impliqués dans ce genre desituationsembles'êtrestabiliséautourde500000,dontunpeuplusdelamoitiédansl'industrie(voirlegraphique3).LacrisesembleavoirétéspécifiquementimportanteenRussie,oùlesmarchésdeproduitsdérivésétaient pourtant peu développés et où l'endettement des ménages était resté embryonnaire. C'estdanslemodèlededéveloppementadoptéqu'ilfautallerchercherlesraisonsdecettesituation.

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Graphique2Consommationdesménages

Source:BanquecentraledeRussie

Graphique3Nombredetravailleurstouchéspardesarriérésdesalaires

Source:Servicefédéraldesstatistiques

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Ellessontmultiples,etlabaisseduprixdeshydrocarburesn'estpaslaprincipale:lacontractiondesliquidités internationales dans une économie largement ouverte sur le plan financier et la baissebrutaledesexportationsenontcertainementétélesmoteurs.Lachutedesprixdeshydrocarburesapuégalementjouerunrôledanslesanticipationsfinancières,maiselleaétédecourtedurée.Unequatrièmecauseressortdelapolitiquemonétairedugouvernement,quiacontribuéàrendrelacriseparticulièrement sévère. Face à des sortiesmassives decapitaux, laBanquecentrale abrutalementaugmentésestauxaumomentmêmeoù,danslesautrespays,onassistaitàdesbaissesimportantes.Les acteurs économiques russes ont été confrontés à une raréfactiondu crédit qui a été la raisonprincipaledelachutedel'activité.Cependant,lapolitiquegouvernementalesetransformedepuislafinduprintemps2009.Onpeutespérerqu'unepolitiqueplusadaptéeserabientôtmiseenplace.

LacrisedesliquiditésLes entreprises et les banques russes avaient trop accru leur exposition sur l'étranger. On peutimputer cette attitude, d'une part, au niveau élevé des taux d'intérêts en roubles, d'autre part, aumouvementd'appréciationdurouble.Ilenestrésultédeschocsparticulièrementimportantsàlasuitedelacrisedesliquiditésinternationalesquis'estdéveloppéeàpartirdumilieudumoisdeseptembre2008.Lesgrandesentreprisesetlesgrandesbanquess'étaientdoncendettéesdemanièretrèsimprudentesur lemarché international.Cecomportement s'expliquepourpartiepar lapolitiqueducréditquiavait étémenée enRussie jusque-là. La priorité donnée à la lutte contre l'inflation a certainementcontribuéàresserrerlecrédit intérieur,etentouslescasn'apaspermisàunmarchéinterbancairedignedecenomd'exister.Dansunesituationoùleroublenecessaitdemonter,ilpouvaitsemblerplusintéressantdes'endetteràl'étranger.L'existenced'unsurplusimportantdesréservesdechangeadonné àce calcul les apparencesde la durée et de la stabilité. Il est ainsi devenu évident que legouvernementdevaitjouerlerôledepréteurendernierressortunefoisquelacriseéclaterait.

Tableau1DettedelaRussieauxagentsnonrésidents

Donnéesenmilliardsdedollars

31/12/2006 31/12/2007 31/03/2008 30/06/2008 30/09/2008

Gouvernement 44,7 37,4 36,9 34,7 32,3

Autoritésmonétaires 3,9 9,0 4,1 4,2 10,2

Banques(àl'excl.ducapital) 101,2 163,7 171,7 192,8 198,2

Autresecteurs(àl'excl.ducap.) 160,7 253,5 265,0 293,1 299,6

Total 310,6 463,5 477,4 524,8 540,5

DontFOREX 252,5 370,2 379,4 407,2 427,8

Dontroubles 58,4 93,3 98,0 116,9 112,6

Réserves 303,732 477,890 512,584 568,966 556,813

Source :BulletinofBankingStatisticsIlfautajouteràcettesituationleseffetsprocycliquesdelalibéralisationdutauxdechange.Celui-ciaconnuune tendanceà la réévaluationdepuis la finde2004. Ilne s'estagiaudépartqued'uneréévaluation en termes réels.Mais à partir de 2006 et de la levéedes dernières restrictions sur lecomptedecapital,letauxs'estmisàprogresserdemanièrenominale.Celacorrespondparfaitement

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àcequel'onconnaîtducomportementprocycliquedescapitaux.Nonseulementcesmouvementstendentàamplifier,dansunsensoudansunautre,leseffetsdelaconjoncturesurlespaysémergents,maisilspeuventconcouriràleurdéstabilisation.Ainsi,laforteréévaluationde2007acertainementcontribué à faire sauter les dernières barrières enmatière d'endettement. La situation des grandesbanques russes en témoigne. Cette situation a amplement concouru à la croissance des marchésfinanciers dans le pays jusqu'au mois de juin 2008. Si l'investissement des entreprises russes àl'étrangeraainsiétéfavorisé,iln'aréellementdécolléqu'en2007.LadettedelaRussie,ausensdeladetteprivée,n'aréellementexploséqu'àpartirdecetteannée-là.

Graphique4Comparaisondestauxdechangenominauxetréelsdudollarfaceaurouble

Lacourbedutauxdechangeréelestobtenueparlecalculdeladifférencedestauxd’inflationentrelaRussieetlesEtats-Unis.LacourbedutauxdechangeréelcorrigéedesgainsdeproductivitéestobtenueenappliquantautauxdechangeréelladifférenceentrelesgainsdeproductivitéauxEtats-Unis(donnéesduBureauofLaborandStatistics)etenRussie(donnéesdeROSTAT). Source:BanquecentraledeRussieetCEMI-EHESS

Dans ces conditions, il était inévitable que la crise des liquidités déclenchée sur le marchéinternationalpar la faillitedeLehmanBrothersaitdesconséquencesparticulièrement sérieuses surl'économie.Lachutedesmarchésfinanciers,maisaussidurouble,aétéparticulièrementimportante,l'uneentraînantl'autre.L'économierusseaétévictimedesonsuccèsdelapériodeprécédenteetl'onpeut considérerque le comportement de ses banques,mais aussi de ses grandes entreprises, l'ontmise en situation de vulnérabilité. Cependant, on peut s'interroger sur les effets réels de la crise,quandonsaitquel'investissementenRussien'étaitquefaiblementfinancéparlecréditbancaire,cedernier, tout en étant en constante augmentation, n'ayant pas dépassé 9,5% du total desinvestissementsen2007.Lacontractionducréditauxentreprisesaenréalitépeutouchélesecteurdel'investissement.Maislesentreprises russesétaientbienplusdépendantesdescréditsbancairesencequiconcerne leursfondsderoulement.Etc'estbienl'interruptionpratiquementtotale,effectuéeenquelquesjours,voireenquelquesheures,decetteformedefinancementquiaposéleplusgrosproblème.Silesautoritésontdirectement lié l'octroid'aidesauxbanquesà la reprise immédiatedecescrédits, ilyaeuunchocimportantsurlesentreprises.Ilfautenfinconsidérerlapolitiqueducréditàlaconsommationdesbanquesrusses.Onanotéuneforteexpansiondecetteformedecréditdansladernièrepériode,etenparticulierde2005audébutdelacrise.Sil'onrestetrèsendeçàdestauxd'endettementdesménagesdanslespaysoccidentaux,

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onavulecréditàlaconsommationsedéveloppertrèsrapidementdepuis2005.Ila,pourl'essentiel,pris la formed'uncrédità laconsommationclassique, structuréautourdebiens «lourds» (commel'automobile),etd'uncrédithypothécairequiafavorisél'achatdelogements.A partir de 2008, dès avant la crise des liquidités sur le marché international, les banques ontcommencéàfortementréduireleurscréditsàlapopulation.Cephénomèneapris,bienentendu,unetournuredramatiqueàpartirdumoisd'octobre2008.

Tableau2Positiond'investissementdelaRussie

Donnéesenmilliardsdedollars

31-12-2005 31-12-2006 31-12-2007

Actifs 499,100 705,983 1098,618

Investissementsdirects 146,676 209,559 370,161

Investissementsenportefeuille 17,772 12,268 26,793

Autresinvestissements 152,358 180,202 222,350

Réserves 182,240 303,732 477,890

Passif 547,715 769,199 1225,666

Investissementsdirects 180,313 271,590 491,232

Investissementsenportefeuille 166,116 259,776 344,754

Autres 201,234 237,656 388,805

POSITIONS -48,614 -63,216 -127,048

Source:BulletinofBankingStatistics

LachutedesexportationsetlemarchédesproduitspétroliersL'autre facteur principal de cette crise a été la contraction des exportations dans les secteursindustriels de l'acier, desmétaux non ferreux et des produits chimiques, ainsi quedans celui desproduitspétroliers.Danscederniersecteur,lastagnationdelademandes'esttraduiteparunechutebrutaledesprix,avecunécartde110dollarslebarilentrelesdeuxextrêmes(de147à37dollars).Cependant,ceprixestdepuisremontésensiblementau-delàde50dollars,etl'onpeutpenserqu'ilsestabiliseraau-dessusdelabarredes60dollars.Dans le secteurde lamétallurgie ferreuse,ondoit faireunedistinctionentreMagnitogorsket lesdeux autres producteurs, Severstal et Novolipetsk. Magnitogorsk semble moins souffrir du risqued'expositionau risqued'exportationque lesdeuxautres,car ilsertprincipalementdesproducteursrusses. En revanche, pour Severstal et Novolipetsk, la part des exportations dans le total de laproductiondépasseles60%.Cependant,Novolipetskadémontréunerésistancesupérieureàcelledesonrivalenraisondesescoûtsparticulièrementbasdusàuneintégrationtrèssatisfaisantedanslaproductiondumineraideferetducharbon.Danslesdeuxcas,onaassistéàunechuted'environ40% à 50% de la production, qui traduit bien la sensibilité de ces entreprises aux marchésd'exportation.Cependant,depuislecommencementdel'année,unenouvelletendanceestapparueavecundébutdereprisedelaproduction.Ilenestdemêmepourl'industriedesmétauxnonferreuxqui connaît, elle aussi, après une chute vertigineuse en décembre2008 et janvier 2009, l'amorced'unrétablissement.On ne fait pas le même constat dans l'industrie chimique (notamment dans le secteur de lacellulose).Sesmarchésàl'exportationétaientsituésdanslessegmentslesplustouchésdel'industrie

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européenne,c'est-à-direlaconstruction.Ici,leschutessontparticulièrementimportantes,carlechoixavait été fait de compter avant tout sur les exportations, et ce en dépit des besoins du marchéintérieur.Cechoix,s'ilaétécertainementl'unedesconditionsdelasurviedel'industrierussedanslesannées1990-2000,aensuiteétéceluidelafacilité.Lesdifficultésquecessecteursontconnuessesontreflétéesdansl'industriemanufacturièrequiaétéfortementtouchée.Il est certain que le ralentissement de la consommation des ménages a aussi été un facteuraggravantàcetégard.Cependant,ceralentissement,quisemblesurtouts'êtremanifestéparlereportdedécisionsd'achatdelogements,paraîtavoirétérelativementlimité.Onpeutpenserqu'ilseradecourteduréedanslamesureoùunplandesoutienàl'activitédecesecteurestentréenactionàlafindu second semestre. Il convient, enfin, de ne pas exagérer l'importance des problèmes issus desimpayés salariaux. On a vu que ces derniers étaient limités quant au nombre de salariés qu'ilstouchent.Ilslesontaussiencequiconcernelesmontants,saufpourcequiconcernelestravailleursdestransports.Onestdoncloindelasituationdesannées1995à1998,quandcettequestionétaitdevenueunecaractéristiquestructurelledel'économierusse.Dans les secteurs gazier et pétrolier, le choc des prix a été moins important et donc moinscatastrophique que prévu, car les producteurs en avaient anticipé le retournement,même s'ils enavaient sous-estimé l'ampleur.Avec la remontéeduprixàpartirdumoisde février, lesprincipauxproducteursetdistributeursdeproduitspétroliersontvuleursituations'améliorer.Labaissedestaxessur les exportations a aussi contribué à ce rétablissement. L'industrie pétrolière semble avoirdésormaispassélepiredelacrise.Pourcequiestdel'industriegazière,et l'onparleicid'unseulproducteur, le géantGazprom, elle n'a pas encore été affectée par l'effet de contractiondes prix.Globalement,l'industrierussen'apasététouchéelàoùl'ons'yattendait.Lessecteursdugazetdupétrole se tirent relativementbiend'affaire,alorsque lesautresexportateurs,enparticulierdans lesecteurdelamétallurgieetdelachimie,ontbeaucoupsouffert.Voilàquiestsusceptiblederemettreen question lemodèle de développement de ces industries, pour lesquelles un déploiement plusimportantdumarchéintérieurauraitcertainementamortilechoc,alorsqu'ellesontfaitconfianceauxexportationspourporterleurcroissance.Cequiposedenouveaulaquestiondelapolitiqueéconomiquedugouvernement.Onpeutdansune large mesure expliquer la vulnérabilité de l'économie russe à la crise des liquidités par lapolitiqueanti-inflationnistedesautorités.Ilasembléauxindustriels,comptetenudelaréévaluationdu rouble,qu'il seraitmoinscoûteuxdese financerenempruntantà l'étrangerquesur lemarchélocal.Parailleursledéveloppementdecedernierdansledomainedesinfrastructuresaétélargementcontraintdanslesannées2003-2007,iciencoreaunomd'unepolitiqueanti-inflationniste.Cesdeuxconséquences d'unemêmepolitiqueont accru la sensibilité de l'économie russe à la conjoncturemondialeetainsilargementouvertlavoieàlapropagationdelacriseactuelle.Onpeutpenserquesilemarchéintérieurrusseavaitreçulaprioritédansl'actiondugouvernementdès lesannées2003-2004,etnonàpartirde2007dans lecadrede lapolitiquedediversification,l'impactdelacriseauraitprobablementétémoinsfort.Demême,silapolitiquedel'Etatavaitpermisledéveloppementd'unvéritablemarchéintérieurdesfondsprêtables,onn'auraitpasconnulemêmeniveaudedépendancevis-à-visdesmarchésfinanciersinternationaux.

LeseffetsdelapolitiqueéconomiquedugouvernementrussefaceàlacriseConfrontéàlacriseàpartirdudébutdumoisd'octobre2008,legouvernementatoutd'abordparéaupluspressé.Faceauxdifficultésrencontréesparlesgrandesentreprisespourfaireroulerleurdettedansunesituationoùlaliquiditédesbanquesétaitpratiquementnulle, ils'estsubstituéaumarchédéfaillant.Lesentreprisesontainsibénéficiédeprêtsétatiquesimportants,maisquiontététrèsciblésdans lesdomainesconsidéréscommestratégiques.Cettepolitiqueavait l'avantagede «déboucler»unepartiedelapropriétéoligarchique.

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On a ainsi assisté à un retournement savoureux de situation. Alors qu'à la veille de la criseprécédente,en1996et1997,lesoligarquesavaientprêtédel'argentàunEtatenfaillitecontrelesmeilleuresdesesentreprises,onaassistéàunprocessusinverseaucoursdel'automneetaudébutdel'hiver2008.Desmontantsrelativementimportantsontainsiétéprêtésparl'Etatauxoligarques.Cesderniersétantdansl'impossibilitédelesrembourser,ilredeviendra,directementouparpersonneinterposée,propriétaired'uneséried'entreprises.L'Etatnes'estpascontentédecetteopération.Ilaaussiagiàreboursdesautresgrandesautoritéspubliques. La décisiondemonter le tauxde refinancement de laBanque centrale (BCR)–qui estpasséde10%le19juin2007à13%le1erdécembre2008–correspondàl'évidenceàunevolontédestabiliserlerouble,maisaussiàlavolontéd'éviterunerelancedel'inflation.Cettepolitiquen'aeupour l'instant quedes résultatsmitigés.On a assisté à une stabilisationdu rouble, qui corresponddavantageàunetendanceàlabaissedudollar.Enrevanche,elleaeuuneffetdépressiftrèsnetsurl'activité intérieure et la consommation. Certes, des mécanismes de bonifications sur les créditssupportésparlesménagesetlesentreprisesontétérapidementmisenplace.Mais,làencore,onpeuts'interrogersurleurefficacité,dumoinsdansl'immédiat.Enagissantainsiàcontre-courantdesgrandesbanquescentrales, laBCRaprisundoublerisque:d'abord,celuidefragilisersapropreéconomieetd'enleverauplanderelanceunepartimportantedesonefficacité;ensuite,celuid'accréditerlathèsed'une«fragilité»spécifiquedelaRussiequeriennevient étayer, mais qui peut contribuer à relancer des mouvements de capitaux très spéculatifs.Toutefois,depuiscesdernièressemaines,onpeutconstaterunrefluxdesontauxderefinancementqui est redescendu à 10% le 30 septembre 2009. La BCR semble en effet avoir compris qu'ellerisquaitdeperdreuninstrumentdesapolitiqueenobligeantlesagentsà«sortir»ducadredesonrefinancement. Ilestaussivraiquel'améliorationdelasituationdesréservesdelaBanquecentralerendmoinsnécessaireunepolitiquepartroppunitive.Parailleurs,l'engagementdesautoritéspubliquesetdelaBanquecentraleauprèsdesbanquesaétéconsidérable(commelemontreletableau3quiendétaillelesdestinataires)etdevraêtremaintenucomptetenudelamontéedel'illiquiditéauseindecesdernières.Dansdenombreuxcas,onl'adit,les entreprises russes ont financé leurs fonds de roulement par le crédit. La violence de la criseactuellevafairerentrercescréditsdanslacatégoriedesnonperformingloans,cequin'impliquepasnécessairementqu'ils'agissedecasd'insolvabilité.Onpeutpenserquelesbanquesonteutendanceàrefuseràleursclientsdesprêtssurplusd'unan,voiresurplusdetroismois.Laconsolidationdecesempruntsestcertainementnécessaire.Maiselleimpliqueraunerecapitalisationdesbanquesrusses.Danscesconditions,onestconduità sedemanderquelest l'objectif recherchépar lesautoritésmonétaires.S'ils'agitderéduirelapressionàlabaissedurouble,pourquoinepasréintroduiredesmesuresderéglementationdelalégislationdeschanges,sachantqu'unetelleréglementationest,ouvaêtre, réintroduite,àbrefsdélais,enUkraineetauKazakhstan.Onpeutdoncpenserquesidesmesures de régulation des flux de capitaux doivent être prises en Russie, elles n'apparaîtront pascomme susceptibles d'isoler radicalement le pays des mouvements internationaux, tout en luiassurantunmeilleurcontrôlesurlemarchédeschanges.Signalonsquelegouvernemententendutiliser2,7trillionsderoubles(soitenviron81milliardsdedollars),dontunelargepartieestdestinéeauxprogrammessociauxmisenplacedepuisledébutdenovembre2008.Cette sommen'inclutpasceque legouvernementet laBanquecentraleontdéjàengagédepuisletroisièmetrimestreauprofitdesbanques.Cesmontants,quisontcertesinférieursàceuxdépensésdanslesprincipauxpaysdéveloppés,n'ensontpasmoinsextrêmementimportants.Ilssonttrèslargementsupérieursauxsommesconsacréesauplanderelance.Enfait,etcomptetenudel'assèchement dumarché interbancaire, ils représentent la quasi-totalité de l'approvisionnement enliquiditébancaire,maisaussiunesourcederefinancementparticulièrementbonmarché.Lasommede2,7trillionsderoublesquel'Etatentendengagerdanslesoutienàl'économieréelle,àhauteurde5,5%duPIBde2008,est largement supérieureàceque laBanquecentraleentendretirerdelacirculation.OnpeutdoncsedemanderquelleestlapolitiqueréelledelaRussie.

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Tableau3InjectionsdeliquiditésdelaBanquecentraledeRussieetdel'Etatdanslesbanques

Milliardsderoubles

3etrim.2008 4etrim.2008 1ertrim.2009 Total

TotaldesmontantsengagésparlaBquecentraleetlapuissancepubliqueIdem,enmilliardsdedollars

1416,5

56,1

3536,7

120,4

3533,0

101,6

8486,2

278,1

DontBanquecentralePuissancepublique

197,01219,5

3249287,7

3209,0324,0

6655,01831,2

Auprofitdesbanquespubliques 1059 2251 2390 5700

Auprofitdesbanquesrussesprivées 325 1037 966 2328

Auprofitdesbanquesétrangères 32 249 177 458

Pourcentagedesbanquespubliques 75% 64% 68% 67,2%

Pourcentagedesbanquesrussesprivées 23% 29% 27% 27,4%

Pourcentagedesbanquesétrangères 2% 7% 5% 5,4%

Source:BanquecentraledeRussie

Lapolitiquepubliqueapparaîtainsicommemarquéeparuneambivalenceentreleplanderelancerelativement ambitieuxdu gouvernement, et l'attitudedes autoritésmonétaires et duministère desFinancesqui,enrenchérissantleloyerdel'argent,exerceuneffetdépressifsurlaconjoncturedanslepays.Certes,cetteambivalenceestlimitéeparlapratique,oudumoinsparl'intentiondepratiquer,desbonificationsdetauxd'intérêt.Mais,danslamesureoùcesdernièresserontlonguesàmettreenplace,onestendroitdesedemanderquelestlebutdecettepolitique.

LapolitiquedesautoritésetlesperspectivesàmoyentermeDanslasituationactuelle,ilconvientdereplacerlasituationdelaRussiedanslecadreplusvastedesobjectifsdesongouvernementetdeconsidérerlesperspectivesàmoyenterme.IlesteneffetindiscutablequelaRussiedoitaujourd'huifairedeschoixentrelacroissanceàcourtterme et des objectifs de nature politique pour ce qui concerne son environnement proche, enparticuliersonobjectifdefaireduroubleunemonnaiederéserverégionale.Maisceschoixnesontpasnécessairementceuxauxquelsonpeuts'attendreetlaquestiondumodèledecroissanceadoptéparlaRussieestaujourd'huiànouveauposée.Unepartiedesmesuresrelativementcontradictoiresquiontétéprisescesderniersmoispeuvent,semble-t-il,s'expliquerparl'effetdescirconstances.Legouvernementavudanslacriseactuelleuneoccasioninespéréed'affirmerlestatutdupaysauniveaurégional.Eneffet,lasituation,pourdégradéequ'ellepuissesembler,apparaîtcommetrèsnettementmeilleurequecelledesesvoisinsimmédiats(cetterelativesupérioritéad'ailleursbienétéremarquéeparlesopérateursdesmarchésfinanciers).LaRussieespèredoncainsiregagnersurlascèneinternationalelecréditauquelelleestimeavoirdroit.C'est dans ce contexte qu'elle a présenté, ces dernières semaines, ses positions en faveur d'uneréformedusystèmemonétaireinternationaldanslecadreduG-20.Uneidéeforceestlafindurôledu dollar comme monnaie de réserve. Il est clair que la position de ce dernier est actuellementaffaiblie par l'immensité du déficit budgétaire américain. Ces propositions ont d'ailleurs rencontrél'intérêtdesautoritéschinoisesquiveulent,àlafois,unemonnaiederéserveinternationalequine

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soitpasliéeàunEtat,etunrôleplusimportantpourleyuan.Ellesconsidèrentquelaprééminencedu dollar est susceptible, pour leur pays qui en détient près de 2000 milliards, d'engendrer desfluctuationsincontrôlées,etincontrôlables,destauxdechangeàbrèveéchéance.Cependant,comptetenudelastructuredesdroitsdevoteaujourd'huidanslecadreduFMI,onpeuts'interrogersurlacapacitéd'unetellepropositionàdébouchersurderéelschangements.Les thèmesde la réformeont ainsiune importance toute particulière,mais doivent être compriscommedesobjectifsderelativementlongterme,enparticulierpourcequiestdelapositiondelaChine, même s'ils ont aussi une importance non négligeable dans le cadre du court terme etpourraientsetraduireparunaccordsurdesmonnaiesderéserverégionales.OnconstatedoncuneambivalencedanslecomportementdelaRussieetdelaChine:d'uncôté,unecertainevolontéderassurerlesmarchés,quiaétésensibledansuneinterventionduministredesFinances, Alexis Kudrin; de l'autre, la prise demesures qui ne peuvent que limiter les achats dedollars.LaChine,quiestdevenuelepremierpartenairecommercialduBrésil,aainsiobtenuquesoncommercesoitlibelléenyuans.LaRussieafaitdemêmeaveclaTurquieetl'Iranpourleroubleets'apprêteàconvertirenroublessoncommerceaveclaChine.Ladéclarationfaitele16juin2009ausommetdesBRIC(leBrésil,laRussie,l'IndeetlaChine)vadanscesens,maiselleinclutuneautredimension.Pourlapremièrefois,ilestfaitmentionduprojetdedévelopperdanslecadredel'Uniondouanièreeurasienneunemonnaiecommunequipourraitêtre appelée à se substituer au dollar dans les échanges. Cette Union douanière eurasienne, quicomprend notamment la Russie, le Kazakhstan et le Belarus, avait déjà demandé à négociercollectivement son entrée dans l'Organisation mondiale du commerce, ce qui est un fait sansprécédent,etd'ailleursdenatureàinterromprelesnégociationsentrelaRussieetl'OMC,pourleursubstituerunnouveaucadre.Certes,larelativestabilisationdutauxdechange,combinéeaveccelledesmarchésfinanciers,aeudesconséquencesfavorablessurl'économierusseet,danscetesprit,onpeutpenserquelesmesuresprises par les autoritésmonétaires ont été justifiées. Cependant, comme on l'a déjà souligné, cesrésultats – du moins pour ce qui est de la stabilisation du rouble – auraient pu être obtenus demanièredifférente.Lapolitiquerussesembledoncplacéeentenailleentredeuxobjectifs,l'undepolitiqueextérieure,l'autre de politique intérieure. Telle est la raison des incohérences que l'onpeut trouver dans lesmesuresprisescesderniersmois.Onpeutsedemandersi lesautoritésrussesn'ontpasvouluallertrop vite vers la constitution d'une zone rouble. Cet objectif, qui est l'une des priorités dugouvernement,seraitcependantmieuxserviparunepolitiquederelanceetdecroissanceenRussiequeparunepolitiquevisantàstabiliserlerouble.

Quelmodèledecroissance?Revenons sur les perspectives de croissance qui perdurent en Russie en dépit de la violenceapparentedelacrise.Commeonl'adéjàindiqué,lepouvoirpolitiquepeutcomptersurunestabilisationduroubleetdesmarchés financiers et vamettre enplaceunplande relancede l'ordre de9%duPIB, sans tenircomptedessommesdéjàdébourséespourlesoutienauxbanquesouledésendettementdesgrandesentreprises russes. Dans ces conditions, même si les résultats sont encore décevants, on peuts'attendreàcequelasituations'amélioreprogressivementenprenantencomptel'impactdeceplansurlaconsommationintérieure,quecettedernièresoitcollectiveouqu'ellesoitprivée.Delamêmemanière, il faut s'attendre à une stabilisation du rouble pour les mois qui viennent en raison del'évolutionde ladette.Le faitque,contrairementà1998,unebonnepartie (environdeux tiers)decelle-cisoitàlongtermejoueaussienfaveurdugouvernement.Un premier signe de cette amélioration a été, en effet, la baisse de la dette russe au cours duquatrièmetrimestrede2008,ainsiqu'aupremiertrimestrede2009.Cetteévolutionconcernetantladette en devises que la dette en roubles. Elle a eu une dimension spectaculaire qui a surpris les

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observateurs,carlemouvementaétédeprèsde90milliardsdedollars(unsixièmedutotal)dansladuréed'unsemestre.Cette baisse de la dette peut être considérée comme l'undes résultats de lapolitiquedugouvernement,carelleacorresponduauprocessusdedésendettementquecedernieramenéauprofitdesentreprisesetdesbanquesdeRussiequi,parsoneffetstabilisateursurlerouble,estsusceptibled'interrompre,voired'inverser,leprocessusd'ajustementdutauxdechangenominalautauxdechangeréel.Toutefois,lesmécanismesquiontconduitàlasurévaluationduroublerestentenplaceenl'absencedemesuresdecontrôledeschanges.Onnepeuticiquerépéterlesmisesengardequel'onadéjàexprimées.

Tableau4Evolutiondeladetterusse

Chiffresbruts,enmilliardsdedollars

Dettedesagentsnonfinanciers Dettedesagentsfinanciers Detteglobale

4etrimestre2007 255,3 163,7 465,4

1ertrimestre2008 266,6 171,4 479,9

2etrimestre2008 297,0 192,8 528,6

3etrimestre2008 301,4 197,9 542,1

4etrimestre2008 285,8 166,1 484,7

1ertrimestre2009 275,5 147,5 453,7

Source:BanquecentraledeRussieGraphique5

EvolutiondutauxdechangeréelduroubleetdesréservesdedevisesTauxdechangeréelcalculéparlaBCR

Sources:BanquecentraledeRussie

LerétablissementdesréservesdechangedelaRussieaccréditeunetellepolitique.Aprèsunepertedeprèsde200milliardsdedollarssur600,cesréservessesontstabiliséesdepuismars2009etont

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commencé à remonter. Cela correspond à une tendance à l'appréciation du rouble, qui, à lami-octobre,a retrouvéunniveaude29,5roublespour1dollar,etàunestabilisationdesréservesdechangeau-dessusde410milliardsdedollars.Cette tendance,qui semanifesteaussidansd'autrespays,aétéappeléele«rebonddesmarchésémergents».Un deuxième signe de stabilisation doit être recherché dans la politique gouvernementale. LePremierministre,toutcommelePrésident,ontdonnéunelargepublicitéauplanderelance.Outrelesdépensessociales,ceplancontientaussidesdépensesimportantespourlesinfrastructures.Mêmesil'onpeutavoirdesdoutesquantàlarapiditédesamiseenplace,ceprocessusdevraitavoirproduitsespremierseffetsavantlafinde2009.Enfin,encequiconcernelesentreprisesexportatrices,sicesdernièresontvuleursventeshorsdeRussies'effondrerennovembreetdécembre2008,leurproductions'esttrèsnettementstabiliséeparlasuiteetlapartdesexportationsestrevenueà80%desonniveaumoyendelapériodeprécédente.OnconstateenparticulierquelesexportationsverslaChineetlespaysdel'Asieontrecommencéàaugmenter.Laproductiondevraitdoncseredressernettementen2010oùl'ons'attendàplusde3%decroissance.Néanmoinsbeaucoupdechosesvontdépendredelaconsommationintérieure.Lerythmedecettedernière,mêmesil'onnedoitpass'attendreàunefortebaisse,seratrèsnettementdépendantdelapolitique de l'Etat. La crise devrait aussi permettre à la Russie de faire évoluer son modèle decroissance, et enparticulierde se recentrer sur lemarché intérieur et demettre enplaceun vasteprogrammeconcernantl'efficacitéénergétique.Encequiconcernelemodèledecroissance,letournantverslesexportationsaétépoussétroploin,même si l'on conçoit que cesmêmes exportations ont permis aux secteurs de lamétallurgie, desmineraisetdesmétauxnonferreux,delachimiedesengraisetdelacellulosedesurvivrelorsdesannées 1990. En effet, le degré d'ouverture de la Russie au commerce international, calculé parl'indicateur de Balassa, est tout à fait excessif, car le taux obtenu correspond à celui d'un paysglobalement extraverti du type de la «petite économie ouverte». Certes, il a tendu à baisser àcompterde2000, en raison, d'unepart, dudéveloppement de l'économie russe depuis lors,maisaussi,àpartirde2006,del'appréciationentermenominaldurouble.Iln'enrestepasmoinsquelataillede laRussiedevrait luipermettred'avoiruncoefficientnettementplus faible,etcemêmeencomptant sur l'effet des prix des hydrocarbures. Dès lors, on peut penser qu'un retour au moinspartieldelaRussiesursonmarchéintérieurs'impose.

Tableau5Degréd'ouverturedel'économierussecalculéparlecoefficientdeBalassa

Donnéesenmilliardsdedollars

Totalimport+export PIB Import+Export/PIB

2000 149,895 251,483 59,6%

2001 155,648 308,993 50,4%

2002 168,267 345,671 48,7%

2003 211,299 435,076 48,6%

2004 281,189 590,846 47,6%

2005 369,232 761,729 48,5%

2006 467,831 991,157 47,2%

2007 577,884 1298,883 44,5%

2008 763,734 1666,826 45,8%

Source:BanquecentraledeRussieetCEMI-EHESS

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Conclusion

La crise a été, en quelque sorte, un test de la croissance russe. Aujourd'hui, il est clair que lemodèle suivi depuis les années 1990 d'une économie essentiellement exportatrice de matièrespremières et très dépendante des marchés financiers internationaux ne saurait être perpétué sanssoumettre l'économie russe à des chocs conjoncturels relativement importants. Le groupe desprincipauxdirigeantsdel'économieaaussifaitmontredesoninaptitudeàs'adapter.Lesoligarquesont,dansune largemesure, fait lapreuveà traverscettecrisede leur incapacitéàdévelopperdesmodèlesdegestionrobustesetstables.Les stratégies qui ont été adoptées ces dernières années, qu'elles soient privées ou publiques,portentuneresponsabilitéimportantedanslacrise.Decepointdevue,ilsemblebienquecesoientdespolitiquespubliquesinadaptées,etenparticulierlapolitiquedeluttecontrel'inflation,quiaientinduit,dumoinsenpartie,lesstratégiesprivéesdontonaanalyséleseffetsdansl'accroissementdelavulnérabilitédel'économierusse.Mais les difficultés actuelles n'appellent pas de remises en ordre dumême niveau ni demêmenatureque lorsdudéfautde1998.Leschangementsnécessaires impliquentuneplusgrandeplaceaccordéeàl'Etat.L'unedesconclusionsquel'onpeuttirerdecettecriseest,eneffet, l'inefficiencedesmarchés et ce, surtout, dans unepériodemarquéepar de graves incertitudes. Le changementimpliqueaussiunrecentragedelacroissancesurlemarchéintérieur,qu'ils'agisseicidefinancerlacroissanceoudelaporterparlademande.Cetournantestaujourd'huipartiellementengagéetilsepoursuivracertainementdanslesmoisàvenir.

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Russie

Principauxindicateurséconomiques

Tableau1–Evolutionannuelledesprincipauxagrégats(variationsen%parrapportàl'annéeprécédente,saufmentioncontraire)

2005 2006 2007 2008(e) 2009(p)

PIB 6,4 7,7 8,1 5,6 –6*

PIBpartête(%delamoyenneUE-27,PPA) 44 47 50 52 50

Productionindustrielle 5,1 6,3 6,3 2,1 –10

Consommationdesménages 11,8 11,4 13,7 11,3 –3,5

Formationbrutedecapitalfixe 10,6 18,0 21,1 10,0 –20*

Salaireréelmoyenbrut 12,6 13,3 17,0 10,3 –4

Prixàlaconsommation 12,5 9,8 9,1 14,1 10,5

Soldedesadministrationspubliques(%duPIB) 8,1 8,4 6,0 4,8 –7

Dettepublique(%duPIB) 14,9 8,6 7,2 5,7 –

Emploitotal 1,3 1,0 2,5 0,6 –

Tauxdechômage(%delapop.act.)(enqu.emploi) 7,2 7,2 6,1 6,3 8*

Sources:WIIW;*:prévisionsd'expert;

(e ):estimation;(p):prévision

Tableau2–Balancesextérieures,réserves,endettementetinvestissementsétrangers

2005 2006 2007 2008(e) 2009(p)

Exportationsdemarchandises 32,9 23,7 7,0 24,3 –32

Importationsdemarchandises 28,4 30,2 24,7 22,0 –30

Balancecommerciale(milliardsd'euros) 95,0 111,0 95,7 122,6 80

Balancecourante(milliardsd'euros) 67,9 75,5 56,3 69,8 30

Balancecourante(%duPIB) 11,1 9,6 5,9 6,1 3

RéservesbrutesdelaBquecentr.,orexclu(milliardsd'euros) 148,09 224,31 318,84 292,48 –

Detteextérieurebrute(milliardsd'euros) 216,6 235,7 317,9 343,6 –

Detteextérieure(%duPIB) 34,2 30,4 34,5 34,2 –

Fluxd'IDEentrants(milliardsd'euros) 10,34 23,68 40,24 47,98 –

Fluxd'IDEsortants(milliardsd'euros) 10,24 18,45 33,55 35,75 –

Source:WIIW

(e ):estimation;(p):prévisionduWIIWdejuillet

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UkraineparVitaliyDenysyuk

L'Ukrainefaitfaceàune«criseauxmultiplesfacettes»:auxconséquencesdramatiquesdelacrisefinancièreetéconomiqueinternationaleetauxdéfisquelepaysdoitreleverenmatièreéconomique,commelabaissedescoursdesproduitsmétallurgiquesdebaseetlamaîtrisedel'inflation,s'ajoutentdesrelationsdifficilesaveclaRussiedonttémoignelaguerredugaz,etunecrisesociale.D'autantquecesphénomènessontchapeautésparunecrisepolitiquequiparalysel'administrationdel'Etatàtouslesniveaux.

Evolutionmacroéconomique

L'adaptation à la crise coûte plus cher à l'Ukraine qu'aux pays développés, et la chute desindicateurséconomiquesyabattulesrecordseuropéens.Bienplusquedanslaplupartdespaysdel'Europedel'Est,lesproblèmesquilafrappentsontdenaturestructurelle.La crise touchece pays précisément là où s'estconstruite sa croissance. Tout d'abord, etdepuisl'indépendance, l'Ukraine a toujours témoigné d'une grande myopie en matière de stratégie dedéveloppement.Compte tenude sa dotation en facteurs, elle aurait dû chercher immédiatement àdévelopper des industries légères, plus économes en énergie que ses industries traditionnelles(métallurgie en particulier). Inversement, la politique industrielle ukrainienne a toujours viséprincipalement le soutien à la sidérurgie et, en général, à l'industrie lourdedes grandes unités deproduction «ex-soviétiques». Son erreur a été de ne pas profiter de la bonne conjoncture pourréorientercetteindustrieversdesproductionsdeplushautegammeetdelafocaliserpartropsurlesexportations de produits de bas de gamme (ce qui a rendu l'Ukraine – comme la Russie –extrêmementvulnérablelorsdel'éclatementdelacrise),etpasassezsurlemarchéintérieur.En effet, l'évolution de la métallurgie, qui a été pendant longtemps l'un des points forts del'industrieukrainienne,est trèspréoccupante.L'étudedesacontributionà lacroissancepermetdemieuxmesurercertainsdesproblèmesstructurelsdupays.Ainsi,en2005-2007,latransformationdesmétauxaétél'undestroisprincipauxsecteursàtirerlacroissance.Enmoyenne,l'acierreprésentait40%dutotaldesexportationset12%desrecettesfiscalesdel'Etat.L'Ukraineenétait leseptièmeproducteurmondialen2008.Sescapacitésdeproductionsontactuellementde45millionsdetonnespar an et le potentiel de développement reste considérablemalgré unoutil parfois vieillissant: laproductionpourraitatteindreenviron65millionsdetonnesparanen2012.Aveclacrise,àpartirde2008,cequiparaissaitunavantageestdevenuun inconvénient.Lademandeet lesprixmondiauxdesproduitsmétallurgiquessesonteffondrés,alorsquel'Ukrainedoitpayerpluscherlegazqu'elleutilisepourlesfabriquer.Lapartdelatransformationdesmétauxs'estdonctrèsfortementcontractéeetlaproductionannuelled'acierdépassepéniblementles37,1millionsdetonnes,portantlereculàenviron13,5%parrapportàl'annéeprécédente.Surlesseptpremiersmoisde2009,laproductionesttombéeà16,3millionsdetonnes,cequireprésenteunebaissede37,2%parrapportàlapériodecomparablede2008.Silesindustrielsrestentmesurésdansleurspronostics,lesanalystesdusecteursontpourtantplusoptimistes:d'icilafinde2009,ilspensentquelademanded'acierukrainiendansle monde pourrait se stabiliser, accompagnée de prix attractifs. Une grande prudence s'imposecependant.Lerebonddecertainsindicateursfinanciers,boursiers,ouduprixdesmatièrespremières,résultedecomportements spéculatifsmaisnereflètepas l'économie réelle,etce rebondrisqueden'êtrequetemporaire.Quantaumarchéintérieur,comptetenudufaibleniveaudelaconsommationdomestique(unpeumoinsde10millionsdetonnesen2007,carplusde70%delaproductionvaàl'étranger), ilnepeutjouerunrôledécisifdanslacroissanceétantdonnélasituationactuelle.Tout

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celamontreque lapartdesdésordresstructurelsdans lesdéséquilibresmacroéconomiquesest trèsimportante. Si, à court ou à moyen terme, dans des conditions adéquates de taux de change,l'expérienceprouvequelemodèleukrainienfonctionne,onpeuts'interrogersursasoutenabilitéensituation de crise. Mais à terme, à condition de procéder aux bonnes adaptations (l'efficacitéénergétiqueetlamontéengamme),lesindustriesmétallurgiquesrestentuneforcedupays.Uneautrefaiblessestructurelledel'économieukrainienneprovientdelaforteconcentrationdeseséchanges extérieurs sur quelques pays partenaires. Cette situation de convergence renforcel'interdépendancedes conjonctures, ce qui est un avantage en période de haute activité,mais uninconvénient en temps de marasme, les pays s'exportant alors mutuellement leurs difficultés. Enoutre, lesproduitsd'exportationukrainienssontexcessivement sensiblesauxcyclesde lademandesur lesmarchésmondiaux (métaux,chimie,minérauxnotamment).Ceséléments structurelspèsentalorsdirectementsurlesdynamiquesmacroéconomiques.L'économie ukrainienne a connu, depuis l'an 2000, une croissance très rapide, en moyennesupérieure à 7%. Dans un premier temps, cette expansion, profitant d'une bonne demandeextérieure,areflétél'utilisationd'unecapacitéexcédentaireconsidérableetuneproductivitéaccruequ'étayaitunesériederéformes.Depuis2005,c'estlademandeintérieurequiaétélemoteurdelacroissance,grâcenotammentàunboomducréditnourripardesentréesmassivesdecapitauxetàunepolitiquedesrevenusquiaredistribuéàlapopulationlesgainsimportantsdetermedel'échangequelepaysenregistrait.Aumilieude2008,l'économieétaitensurchauffe.Lacroissanceducréditdépassait70%,lahaussedesprixétaitsupérieureà30%(notammentsouslapousséedelaflambéedel'immobilier)etcelledessalairesdel'ordrede30à40%;lesimportationsmontaientenflècheàun taux annuelde50-60%.Audeuxième trimestre de2008, le déficitextérieurcourantatteignait7%duPIB.L'économieukrainienneestaussidevenueplusvulnérableàd'autres titres: leniveauélevéde ladetteextérieureàcourt termepar rapportaux réserves, la forteexpositiondesbanquesauxfinancementsextérieurs,lesasymétriesdebilan.Lesproblèmessontapparuslorsquelesprixdesproduits métallurgiques de base ont plongé et que les turbulences financières mondiales se sontaggravées.Cesévolutionsonteuunimpacttrèssensiblesurlesecteurréel,commeentémoignelafortecontractiondusecteurmanufacturieren2008.Laproductionindustrielleadenouveaureculéde30,4%aucoursdesseptpremiersmoisde2009,cequiplacel'UkraineaupremierrangparmilespayslesplustouchésparlacrisedanslaCEI,unetellecontractionn'ayantpasétéobservéedepuis1996. La situation est particulièrement gravedans la construction, lamétallurgie, les industries detransformation.Cette année, seul le secteuragricole et agroalimentaire paraît apte à conserver unecroissancesignificativeetdesperspectivesintéressantesetouvertes.Onestimeàenviron42millionsdetonneslarécoltecéréalièreetà15-17millionsdetonneslepotentield'exportationainsidégagé.Enfin,commed'autrespays,l'Ukrainesouffred'unecontractionviolentedel'investissementen2009,laformationbrutedecapitalfixedevantreculerde30%,alorsquelaconsommationprivéedevraitavoirdiminuéde«seulement»15%.Ilconvientpourtantdenoterquelesstatistiquesofficiellesneprennentpasencomptel'activitérelativementdynamiquedusecteurinformelquireprésente40%duPIBetamortit,dumoinspourl'instant,leseffetssociauxdelacrise.Autotal,lereculduPIBen2009pourraitatteindreprèsde14%.Pourstoppercettecontractionetpermettred'atténuerleseffetsdelacrise,legouvernementalancédesprogrammesanticycliquesderelanceparladépensepubliquecomportantbeaucoupd'élémentsetd'intentionspositives.Cesmesuresvisentnotammentà soutenir le secteurbancaireetprévoientdesinvestissementsdanslesinfrastructures(commeparexemplelefinancementdetravauxpublicsquicréeraientdesemploisdansl'estdupays,oùl'industriedel'acierestendétresse).L'Euro2012estun véritable défi et contraint les autorités ukrainiennes à lancer des projets coûteux dans lestransports,lesservicescommunaux,lesinfrastructures,ainsiqu'àrechercherdessolutionsnouvellesde financements et de cadres juridiques. L'Agencenationale pour la préparationde l'Euro2012 aannoncéquel'investissementnécessairedevraitatteindre17milliardsd'euros.

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L'entréeenscèneduFMIComme la Roumanie, la Lettonie et la Hongrie, l'Ukraine a fait appel à l'aide des institutionsinternationales, le Fondsmonétaire international en tête.Dès novembre2008, le FMI avait décidéd'octroyeràKievuncréditdestabilisation,pourundélaidequinzeansetàuntauxd'intérêtannuelde 4%, d'un montant de 16,43milliards de dollars dont l'Ukraine a reçu peu après la premièretranche, à hauteur de 4,5milliards de dollars, puis, plus tard, deux autres tranches de 2,8 et3,3milliards, le versement de la quatrième tranche (2,5milliards de dollars) étant suspendu dansl'attente des élections présidentielles de janvier 2010.Cette aide financière s'est fixé pour objectifpremierdestabiliserlasituationdupays,d'êtreunappuiàlastabilisationdesamonnaie,àladéfensedesonsystèmebancaireetàsacapacitédepaiement,notammentpourl'achatdegazrusse.Cetappela eudesconséquences importantes.Laportéede lapolitiqueexpansionnisteadoptée,commedanslesautrespaysendéveloppementetpaysentransition,pourfairefaceàl'impactdelacrisesurlademandeintérieureetsurl'emploi,aétésévèrementlimitéeparlesconditionsd'obtentionde ces prêts, contrairement auxdéclarations faites par l'organisme prêteur. Selonplusieurs de cesdéclarations,commelenotelaCNUCEDdanssondernierrapport,leFMIavaitreconnulespolitiquesanticycliqueset lesvastesplansde relancebudgétairecomme lemeilleurmoyendecompenser lachutedelademandeglobalecauséeparladéflationdedésendettement.Orenréalité,lesconditionsdont les récentes opérations de crédit ont été assorties sont restées assez similaires à ce qu'ellesétaientdanslepassé.Eneffet,danslaquasi-totalitédesaccordsdeprêtqu'ilaconclusrécemment,leFMIacontinuéd'imposerundurcissementmacroéconomiqueprocyclique:réductiondudéficitetdeladettepublique,contrôledel'inflation,consolidationdusystèmebancaireetréformedusystèmedeprotectionsocialeetdurégimefiscal.C'estainsique,aunomdelatroisièmetrancheduprêtaccordéeenjuillet2009,legouvernementétaitcenséfaireun«sacrifice»enacceptantuneréductionsignificativedesdépensesbudgétaires,uneaugmentation trimestrielle des tarifsdu gazpour la population, la privatisationde l'usineportuaired'Odessaetdesréformesdurégimedespensionsetdelafiscalité.Bienévidemment,laréalisationdeces projets, censée permettre à l'économie de survivre, était de nature à affecter profondémentl'imagedugouvernementaumomentoù lepaysentraitencampagneélectorale.Sanscompter leseffetssociauxdésastreuxettrèscontestablesdecertainesdecesmesures.

Chocdel'ajustementmacroéconomiqueetaccumulationdesdéséquilibresL'Ukraine se trouve face à une double difficulté: la chute du PIB amené à une réduction desrecettesbudgétairessansquelesdépensesnesoientrévisées,alorsquelaperspectivedesélectionsprésidentielles (janvier 2010) renddélicate la prise demesures restrictives. Tout cela augmente lerisqued'undéficitdesfinancespubliques.Le problème est de savoir si le gouvernement a la latitude de pratiquer la politique budgétairerelativement rigoureuse qu'impose le FMI sans hypothéquer les chances d'élection du Premierministre Ioulia Timochenko, surtout compte tenu de ce que l'opposition, dont le chef, VictorIanoukovitch,estledeuxièmecandidatréel,militefortementpourreleverlesretraitesetlessalairesetinterdireaugouvernementd'augmenterlestarifsdesservicespublics.Cependant,mêmeavecsonpropreprogrammededépenses,legouvernementsemontrepeuapteàéquilibrer le budget.Mauvaises rentrées fiscales, surestimation des recettes prévues,multiplicationdesexemptionsfiscalesetdessubventionsdetoutesnatures,retardsdanslerèglementparl'Etatdesespropresfactures,secombinentpourengendreràlafoisdudéficitetunecroissancedesarriérésbudgétairesquisegénéraliseàl'ensembledesagentsetconduitàcequ'ilestconvenud'appelerla

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«démonétisationdel'économie».Annéeélectoraleoblige,ledéficitpublicdevraitdoncsecreuseretpourraitatteindre7%duPIB.Lacombinaisond'unfléchissementdelademandedespartenairescommerciauxdel'Ukraine,delachutedesprixdesexportations,durenchérissementdesimportationsetdelaréductiondel'accèsauxmarchésfinanciersinternationauxassombrit lesperspectivesdecroissance.Si l'onprendencomptecesévolutions,lesbesoinsdefinancementsglobauxdel'Ukrainepourlesdeuxansquiviennentsontconséquents.Notonscependantquecen'estpasladettepublique(dontlerapporttrèsfaibleauPIBestde l'ordrede20%contre12%en2007)quidoitêtre incriminée,mais ladetteprivéequiestconsidérable.L'Ukrainedoitfairefaceàuneautredifficulté:leniveauélevédel'inflation,quipourraitatteindre16%en2009sousledoubleeffetdelahausseduprixintérieurdugazetdeladépréciationdelahryvna.Cedernierphénomèneestd'autantpluspréoccupantqu'ilauneffetdramatiquesurlesdetteslibelléesendevisesétrangèresdontlemontantesttrèsélevé.Etlesperspectivesenlamatièrenesontpas très favorables si l'on considère que l'échéance des élections présidentielles et l'instabilitépolitiquequiyestassociéeengendrentdesanticipationsnégativessurletauxdechange.Parailleurs,commedansbeaucoupd'autrespays, lecommerceextérieurenregistreen2009uneforte contraction avec une baisse à deux chiffres, tant pour les exportations (-33%) que pour lesimportations(-41%).Toutefois,commelabaissedesimportationsestbeaucoupplusimportantequecelledesexportations,onobserveunforteffetderééquilibrage,etd'aprèslesestimationsdejuilletduWIIW, le déficit commercial devrait revenir de plus de 11milliards d'euros en 2008 à environ3milliardsen2009,etledéficitcourantdescendraitaucoursdecetteannéeendessousde1%duPIBcontre7%en2008.

LaprivatisationrestecosmétiqueDucôtédesprivatisations,l'Ukraineafaitunchoixraisonnable:pasdeprivatisationsenpériodedecrise.Audemeurant, le Parlement ukrainien était farouchement opposé auprocessus et a rejeté leprojetgouvernementaldeprivatisationspour2009-2013,alorsquelePrésidentesttrèsrégulièrementintervenu, opposant son veto à denombreux appels d'offre ouportant le résultat d'enchèresqu'ilestimait litigieuses devant des cours administratives. En conséquence, le taux de réalisation desprivatisationsestrestéfaible:pourlesneufpremiersmoisdel'année,ellesn'ontrapportéàl'Etatque738millionsdehryvnas, soitunmodeste tauxde6,5%de réalisation.Certes, sous lapressionduFMI,aunomdelatroisièmetrancheduprêtoctroyéeenjuillet2009,legouvernementaessayédeprivatiserl'usineportuaired'Odessaàlafindumoisdeseptembre.MaisleFondsdesbiensd'Etatarefusé d'avaliser l'opération et le Premier ministre Ioulia Timochenko a accusé les participantsd'ententeillicite.Parailleurs, laCourconstitutionnelleainterditaucabinetdesministresdevendrequatre-vingt-dix-neufsitesminiersd'Etat.Annéeélectoraleoblige,chaqueprivatisationsetransformeainsienbataillepolitiqueacharnéeavecdesrésultatsincertains.Il fautcependantmentionnerqu'une importanteaméliorationaétéapportéeaucadre législatifetréglementairedesprivatisations,avec l'entréeenvigueur le1eravril2009d'une loi sur les sociétéspar actions, votée au Parlement le 17septembre 2008, qui aménage les procédures à traverslesquelles tous les actionnaires peuvent participer auxdécisions importantes concernant la vie dessociétés. Un type d'abus assez courant était, en effet, lorsqu'une société émettait des actionssupplémentaires,deprocéderà ladilutiondesactions,endévalorisant lavaleurde laparticipationdes autres actionnaires. La nouvelle loi fixe une liste de décisions, notamment concernant desopérationssurtitres,pourlesquellesunemajoritéqualifiéeestnécessaire.Lesminoritairespeuventseregrouperplusfacilementpourbloquerlesopérationsquinesontpasfavorablesàleursintérêts.Enfinrappelonsque,voilàquatreans,uneloisurlesinstrumentsetlemarchéfinanciersaétéadoptéequiprécise les cas pour lesquels l'offre de rachat des participations minoritaires est obligatoire et endéfinitlesmodalités.

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Laréformebancairen'apaschangéleshabitudesLe secteur bancaire a été l'objet des inquiétudes conjuguées du gouvernement et du FMI àl'automne 2008: le ralentissement très net des flux de capitaux extérieurs a, en effet, suscité descraintesquantàlacapacitédesbanquesetdesentreprisesàrefinancerleslignesdecréditexistantes.LamisesousséquestredeProminvestBank–sixièmebanqueenimportance–adéclenchéunvastemouvementderetraitsdedépôtsquiauraitatteintaumoins3milliardsdedollars–soit4%deleursencours–pourlesseulestroispremièressemainesd'octobre.Laconfiancedanslesystèmebancaireetdanslamonnaiedupayss'esteffritée.L'interventiondelaBanquenationaled'Ukraineenoctobreafaittomberlesréservesde38à32milliardsdedollars.Outrel'injectiondeliquidités,lesautoritésontimposéunesériedemesuresdecontrôledeschangespourmettrefinàl'hémorragiedecapitaux.Parallèlement,lesautoritésontmisenœuvreunestratégieglobaleafindesurmonterlesdifficultésdusecteurbancaire.Ils'estaginotammentd'aiderlesbanquesensituationdélicateetderecapitaliserlesbanquesviablespourprotégerl'économieréellecontreuneéventuellecompressionducrédit.LesautoritésontrégléleproblèmedelaProminvestBankenlavendantàuninvestisseurstratégique,labanque russe Vnechneekonombank, en janvier 2009. La situation de certaines banques étantintenable, ilaétédécidéde les recapitaliser,comme lerecommandaient laBanquemondialeet leFMIquienontfaituneconditiondelapoursuitedeleuraide.Pourlapremièrefoisdel'histoiredel'Etat ukrainien, le gouvernement a acheté en juin 2009 trois banques commerciales dans un étatfinancier déplorable. L'Etat va ainsi injecter 3,6milliards dehryvnas (335millions d'euros) dans labanque Kiev, dont il détiendra désormais 99,93% du capital, 3,2milliards de hryvnas (environ300millions d'euros) dansUkrgazbank – dont il détiendra 84,21% – et 2,8milliards de hryvnas(260millions d'euros) dans Rodovid Bank, ce qui portera ses parts à 99,97%. Une fois que lesbanques recapitalisées se remettront à fonctionner normalement, elles seront revendues à desinvestisseurs privés. Par ailleurs, en août 2009, le gouvernement a adouci les conditions de larecapitalisationdesbanquesprivées.L'Etatestprêtàenaugmenterlecapitalenobtenantlecontrôled'aumoins60%+1actions,15%desactionsdevantenoutrepassersoussagestionouapparteniràun autre investisseur qui participera à la capitalisation supplémentaire. Au 1erseptembre, dix-septbanquesontétéplacéessousl'administrationprovisoiredelaBanquenationale.Autotal,lebudget2009 prévoit 44milliards de hryvnas (4,1milliards d'euros) pour la recapitalisation du systèmebancaireukrainien.En outre, le programme du gouvernement propose de garantir l'accès aux liquidités pour lesbanques viables ; de relever la couverture de l'assurance-dépôt en la portant de 50000 hryvnasactuellement à 150000 hryvnas (20000 euros environ), ce qui couvrira 99% des comptespersonnels;derenforcerlesuividesbanquesenintensifiantlacoopérationinternationaleenmatièredecontrôle.Leresserrementducontrôlebancaire,unmeilleurciblagedesinspectionssurpiècesetsurplaceetunecoopérationinternationaleplusefficaceentrelesautoritésdesurveillanceaiderontàconsoliderlesystème financier. Le FMI exige que l'Ukraineadopte deux loismodifiant le fonctionnement de labanquenationaleetdesbanquesukrainiennes.Ilfaudraenl'occurrenceaugmenterlescompétencesde labanquenationaleet l'obligerà révéler les informationsconcernant lespropriétaires réelsdesbanquescommercialesenUkraine.Maiscesconditionssontdifficilementréalisablespourl'instantàcausedelarésistanceduParlement.Larecapitalisationpréventivedesbanquesapourobjetd'atténueruneéventuellecompressionducrédit qui pourrait prolonger et aggraver la contractionde l'activité économique. Les dix-sept plusgrandes banques du pays ont fait l'objet d'un audit en janvier2009 qui a révélé que leur sous-capitalisations'élevaità24milliardsdehryvnas.Avantmême lacrise,vingtbanquesconnaissaientdéjàdesdifficultés.Toutefois,parmilessoixanteétablissementsvisés,quinzeseulementavaienttenuleurpromessederecapitalisationau1erseptembre2009.Unevaguederestructurationsvadoncavoirlieudanslesecteur:desbanquesdisparaîtront,d'autresfusionneront.

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Il sera également essentiel d'adopter une stratégie proactive de résolution des problèmesd'endettement des entreprises et desménagespour réduire les facteursde vulnérabilité du secteurbancaire,dontlasituations'améliorenéanmoins.C'estainsique,enjuin2009,levolumedescréditsaconnupourlapremièrefoisuneaugmentation,tandisquelesdépôtsaugmententdefaçonencoreplusrapide.Si,parallèlement,onconstateunecroissancedelaproportiondescréancesdouteusesquis'établissait à 7,2% des portefeuilles bancaires en septembre 2009, pour l'instant cette contre-performanceneconstituepasunemenacepourlastabilitédusystème,maisellepourraitêtreutiliséecommeunargumentparlesbanquesdésireusesdemaintenirdestauxélevéssurlesprêts.Enfin,leParlementaapprouvéenjuin2009uneloiinterdisantl'octroidecréditsendevisesétrangèresàdespersonnes physiques, pour protéger ainsi la population ukrainienne des brusques changementsradicauxducoursdesmonnaies.Toutcelametenévidencelagrandefragilitésubsistantedusystèmebancaire,encoresous-capitaliséetcomportantuntropgrandnombred'établissementsdontlaplupartprésententdesbilansgrevéspardesprêtsnonperformantsetunegestionpeuopérationnelle.Laconfianceàl'égarddusystèmeestencorefaible,lacapacitédemobilisationdel'épargnedemeurelimitéeetlesbanquessontréticentesàfinancerlesecteurprivéjugétroprisqué.

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UkrainePrincipauxindicateurséconomiques

Tableau1–Evolutionannuelledesprincipauxagrégats(variationsen%parrapportàl'annéeprécédente,saufmentioncontraire)

2005 2006 2007 2008(e) 2009(p)

PIB 2,7 7,3 7,9 2,1 –13,5

PIBpartête(%delamoyenneUE-27,PPA) 21 22 24 24 21

Productionindustrielle 3,1 6,2 10,2 –3,1 –18

Formationbrutedecapitalfixe 3,9 21,2 23,9 1,9 –30

Consommationdesménages 16,6 15,9 17,2 11,8 –15

Salaireréelmoyenbrut 20,4 18,4 15,0 6,8 –

Prixàlaconsommation 13,5 9,1 12,8 25,2 16

Soldedesadministrationspubliques(%duPIB) –1,8 –0,7 –1,1 –1,5 –7

Dettespubliques(%duPIB) 17,7 14,8 12,3 19,9 –

Emploitotal 1,9 0,2 0,8 0,3 –

Tauxdechômage(%delapop.active)–chômeursenregistrésenfind'année–moyenneannuellesurbaseenquêtesemploi

3,17,2

2,76,8

2,36,4

3,06,4

9,5

Source:WIIW

(e):estimation;(p):prévision

Tableau2–Balancesextérieures,réserves,endettementetinvestissementsétrangers

2005 2006 2007 2008(e) 2009(p)

Exportationsdemarchandises 4,4 10,5 17,2 27,2 –33

Importationsdemarchandises 21,4 21,3 25,3 31,2 –41

Balancecommerciale(millionsd'euros) –911 –4140 –7717 –11572 –3000

Balancecourante(millionsd'euros) 2030 –1289 –4320 –8838 –800

Balancecourante(en%duPIB) 2,9 –1,5 –4,1 –7,2 –0,9

RéservesdelaBanquecentrale,orexclu(milliardsd'euros) 16,06 16,59 21,63 21,85 –

Detteextérieurebrute(milliardsd'euros) 33,50 41,39 55,94 73,22 –

Detteextérieurebrute(en%duPIB) 45,3 50,6 57,6 82,4 –

Fluxd'IDEentrants(millionsd'euros) 6263 4467 7220 7457 –

Fluxd'IDEsortants(millionsd'euros) 221 –106 491 690 –

Source:WIIW

(e ):estimation;(p):prévision