Table ronde discours (em francês) - Pêcheux, Rancière, Roudinesco

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T able ronde discours histoire-langue avec Antoine Culioli, Jean-Pierre Faye, Jacques Ranciere, Elisabeth Roudinesco Michel PECHEUX Je vous propose d'entrer dans le débat par une question sur Ia matéria- lité : on pourrait dire que le mot « matérialité », conjoint à celui de discours, peut aller vers I'idée que le discursif produirait de Ia matérialité ; Ia position- limite sur ce point serait de dire : « il n'y a de matiere que de discours », idée que I'on a presque entendue hier sous Ia forme « le discours est produc- teur de réel ». Mais on peut soutenir une autre position, selon laquelle, s'il y a matérialité du discours, c'est parce que les discours sont pris dans Ia matérialité historique, au sens ou il y a des effets de détermination de Ia structure historique sur le discursif. Est-ce que ce partage vous parait refléter les questions actuelles sUr le discours ? Jean-Pierre FA YE On a, au moins apparemment, une bonne antithese. Je dois dire pour- tant que je récuse cette mise en scene de positions antithétiques, car je pense qu'il n'y a pas d'intérêt épistémologique à partir du fait du discours sans qu'au préalable on ait constitué le discours comme expérience soei ale. Nous sommes sur un terrain ou le rapport social est, d'entrée de jeu, langage. Ce que Marx souligne d'ailleurs, en insistant sur te fait de Ia transformation : Ia transformation en valeur est ce processus fondamental qui est lié au lan- gage. A partir de cet espace, on a affaire à un probleme clef : eomment se passe, dans I'histoire, Ia transformation en valeu r « comme langage » ? « So gut wie die Sprache »1. Cette question dessine tout autrement les antino- mies posées. Hors de eette question il n'y a aucun sens à traiter isolément (1) MARX, K., Das Kapita!, I, Kap. I, B, 4 (Dietz Verlag, Berlin, p. 79-80).

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T able ronde discourshistoire-langue

avec

Antoine Culioli, Jean-Pierre Faye,Jacques Ranciere, Elisabeth Roudinesco

Michel PECHEUX

Je vous propose d'entrer dans le débat par une question sur Ia matéria­

lité : on pourrait dire que le mot « matérialité », conjoint à celui de discours,

peut aller vers I'idée que le discursif produirait de Ia matérialité ; Ia position­

limite sur ce point serait de dire : « il n'y a de matiere que de discours »,

idée que I'on a presque entendue hier sous Ia forme « le discours est produc­

teur de réel ». Mais on peut soutenir une autre position, selon laquelle, s'il

y a matérialité du discours, c'est parce que les discours sont pris dans Ia

matérialité historique, au sens ou il y a des effets de détermination de Ia

structure historique sur le discursif. Est-ce que ce partage vous parait refléter

les questions actuelles sUr le discours ?

Jean-Pierre FA YE

On a, au moins apparemment, une bonne antithese. Je dois dire pour­

tant que je récuse cette mise en scene de positions antithétiques, car je pense

qu'il n'y a pas d'intérêt épistémologique à partir du fait du discours sans

qu'au préalable on ait constitué le discours comme expérience soei ale. Nous

sommes sur un terrain ou le rapport social est, d'entrée de jeu, langage. Ce

que Marx souligne d'ailleurs, en insistant sur te fait de Ia transformation :

Ia transformation en valeur est ce processus fondamental qui est lié au lan­

gage. A partir de cet espace, on a affaire à un probleme clef : eomment se

passe, dans I'histoire, Ia transformation en valeu r « comme langage » ? « So

gut wie die Sprache »1. Cette question dessine tout autrement les antino­

mies posées. Hors de eette question il n'y a aucun sens à traiter isolément

(1) MARX, K., Das Kapita!, I, Kap. I, B, 4 (Dietz Verlag, Berlin, p. 79-80).

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1111" chainc discursive, un document, c'est-à-dire un fragment de matérialité :<I" Ia matiere signifiante, écrite ou orale, un discours de Robespierre ou deDanton ...

En ce qui concerne Ia Révolution française, cette matiere signifianteest énoncée sur le terrain du rapport social qui est déterminé par ce momentou le vocable « lutte de classes» émerge, ce qui n'est pas sans importance.A partir de ce terrain, le probleme qui va nous intéresser, c'est I'effet de cefragment signifiant sur le réel social et politique. La terreur est « à I'ordre

du jour », au moment étudié en particulier par Jacques GUilhaumou2, ouI'abre Royer énonce I'expression « Ia Terreur mise à I'ordre du jour », à Iafin d'aoOt 1793.

Par ailleurs, à I'autre bout de Ia chaine idéologique, on trouve uncertain Adolf Hitler dans une brasserie de Munich le 9 novembre 1923. Entrain de dire : « La Révolution Nationale est commencée ». Ouel est I'effet

de cet énoncé sur le réel, surtout quand on sait qu'à ce moment-Ià il n'y a.pas de Révolution nationale du tout, puisque tout se termine, pour toutle monde, au commissariat ?

Mon hypothése, c'est de prendre au mot les chaines d'énoncés, et

pas seulement au s~l1s d'une théorie del'éno_~ciation, mais comml!.narration,comme rapport dê ce qui se passe~ 11 'Y'-a"une contraction narrative d<llls_lemoindre des propos : par exemple un discêlurs- de Robespierre qui évoque

Sparte, Rome ou les Gracques. Un énoncé narratif ne cesse de rapporter,

de s~ rapporter, il.est rapport du rapporflout'un-éhamp-maténéi de-ais-.' .- .<

curvité se forme, de tlllle sorte que I'énonciation hitlérienne du 9 novembre

1923, on va en voir les effets simplement en janvier 1933. C)s!setteJntri­

~ation de rappor~narratifs àyartir dequelques_ nar~~~s .il1_~t~~~~~_guÜa.c9J}~tr~ire un c~.~_rnPsimsc~~~~_e~ ~aill_de!~~~i~l_e~ sur le réel social, deredessin-er-sans cessé" dês rapports de position, compiexes et changeants,qui placent le porte-parole, tel que I'entend Bernard Conein. Tantôt commeporte-parole d'une secte raciste, d'un groupuscule enkysté dans I'idéologiede I'extrême-droite ; tantôt comme porte-parole de Ia gauche de I'extrêmedroite ; tantôt comme porte-parole de Ia droite de Ia droite, dans le conser­

vatisme qui se donne comme te!. .. C'est(JaTc~qu'il y a tout ce dépl!.c..efJ]eatnarratif dans ces rapports de position, que l'effet"Ritle-;::-ãiJlie-ü d'être uncouac, comme en 1923, devient une masse redoutable d'effets matériels

au seuil de I'année 1933 ; ceci sans qu'il soit nécessaire d'évoquer en luiun « génie démagogique », etc ...

\I existe par ailleurs dans ces exemples un décalage entre le niveausémantique et Ia « syntaxis 1>, I'enchainement du discours. Si I'on prend

(2) « La formation d'un mot d'ordre : Ia mise à f'ordre du jour de Ia Terreur (13 juillet­~iscptembre 1193) » Révoltes logiques.

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le cas de Robespierre, on peut dire que son projet sémantique, c'est I'aboli­tion de Ia peine de mort (alors que le projet corrélatif des fascistes sera sonrétablissement) ; Robespierre va le redire au moment même ou il demande

Ia mort du Roi. La syntaxe de son discours est ainsi une mise en place de Iasyntaxis de Ia Terreur au détriment de ce qu'il en sait et en signifie lui-mêmeau niveau « sémantique ». En face de lui, certains de ses_adversaires du« côté droit » - de Ia Gironde - lui lancent un défi : Si vous commencez

à demander Ia tête du roi, vous allez voir toutes les têtes qui vont s'enchafner,on ne pourra pas en refuser d'autres. La Terreur est en train de construire

sa syntaxe, cette syntaxe qui est une stratégie. Alors que Robespierre deman­dait seulement à propos du roi « une cruelle exception ». Nous sommes là

tout pnls d'un problême théorique, qui a préoccupé Ia discussion linguisti­

que; Ia sémantique n'est pas Ia structure syntaxique profonde. 11 y a d'unepart cette syntaxe de Ia Terreur et d'autre part cette sémantique abolition­

niste de Ia peine de morto Pour comprendre Ia Révolution française, il faut

rentrer dans ce paradoxe à partir de Ia matérialité du discours. La perspectiveIa plus riche dans ce genre de travail, c'est celle qui dégage les niveaux de

~ríçia~e~--,~ursdifférences et leurs rapports internes.

Michel PECHEUX

Je voudrais ajouter une remarque à ce qui vient d'être dit : à partir dumoment ou on parle du langage comme production de valeur et qu'on déve­loppe cette métaphore, peut-on échapper à une question qui a de touteévidence un fonctionnement politique, mais dont il n'est pas évident qu'elleait un sens linguistique ou discursif : Ia question de Ia fausse-monnaie. Ya-t-il des fausses monnaies ? Comment circuleraient ces fausses monnaies ?

On retrouve cette question dans le travail de Jacques Ranciére « de

Pelloutier à Hitler » (Révoltes logiques, N° 4, 1977). Une partie du mouve­ment ouvrier français au nom de ses propres valeurs, des valeurs de Ia tradi­tion ouvriêre française et de nécessités historiques à perpétuer et à sauver,s'est trouvée progressivement basculer du « mau vais côté », mauvais côtéavec tout ce que cette expression suppose. De ces moments de bascule, qu'est­ce que les historiens ont à dire ?

Dans les traditions historiques, marxistes ou non, il y a une difficulté

concernant le langage. Pour un historien, il y ales processus historiques« réels », et le reste, c'est des mots. Y a-t·il une nécessité, dans une analysematérialiste du réel des processus historiques à être aveugle sUr les modalitésmatérielles d'existence des discours ?

Enfin, j'ai une derniere question, sur les positions de Ia linguistique etcelles de Ia psychanalyse, concernant Ia trahison. Si on associe autour de cemot de « trahison », on dit et on entend « se trahir » au sens de « faire le

contraire de ce qu 'on croyait faire » (( être trahi par ses propres mots ») oubien « laisser voir ce qu'on fait vraiment ». Ou'est-ce que ça suppose du

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point de vue linguistique, qu'on puisse ainsi (Ie sachant ou pas) passer d'uneposítion à une autre ? Et du point de vue de Ia psychanalyse, qu'est-ce que

ça signifie que Ia trahison passe ainsi essentiellement à travers des mots ?

Jacques RANCIERE

Deux mots introductifs, puisque tu te réferes à un article qui est pourmoi un peu vieux, à propos du theme de Ia trahison et de I'efficace des mots.

D'abord, en ce qui eoneerne I'effieace des mots, quelque ehose megêne chez Jean·Pierre Faye, non pas dans son tres intéressant travail, maisplutôt dans ce qu'il en dito Si I'on prend I'exemple de I'article de « Pelloutierà Hitler » il y a un lexique anarcho-syndicaliste qui va fournir matériel àauto-justifieation de Ia fraetion des syndicalistes qui avec tout un tas denuances se met au serviee <:leVichy, ou franehement de I'Allemagne. Effec-·

,c'"" ~ement, on peut décrire ce p~o~e~~us à travers ~=:.~pt~.11 y a auto-intoxi­catióii; -on 'assiste- à 'Un 'certãín affolement dês -mots ; les mêmes mots et tes

mêmes phrases peuvent servir à ce retournement. Lorsque j'avais écrit cetarticle, le point central était une citatioll d'un journal collaborationniste, unephrase extraite d'une pétition de typographes nantais de 1830-40 sur lesrapports à établir entre patrons et ouvriers : f'idée de Ia révolution comme

rapport d'égalité entre patrons et ouvriers, c'est un grand theme ouvrier desannées 1830-1840. 11 fallait repenser toute une masse de discours ouvriersde cette époque, que (avais interprétés quelques années auparavant eomme

lipiens (Lipl. mais qui renvoie aussi au discours pétiniste. On peut doncfaire « coller » un même diseours avec toutes sortes de stratégies, de prises

de position par rapport à des événements. C'est une maniere possibte de

décrire un processus. Ce qui me gêne dans ce que dit Jean-Pierre Faye, c'estqu'il tend à produire en même temps que cette description, une idéologie decette description, une espece de modele, ou ce qu'i! décrit (ces jeux de

langages, ces déplacements) constituerait une espece de physique, une physi­:que de I'idéologie. A travers des métaphores militaires, topologiques ou

arithmétiques, il _y__a_quelque-chose.deJ:ordre-d'uO!LdélJ1()f1~t~!io~, _ci:unephvsique d'un effet.des mot~. --

Pour cet article, « de Pelloutier à Hitler », on peut emplover cettedescription, mais c'est une interprétation parmi d'autres ; ce qu'a fait Jean­Pierre Faye est aussi une description parmi d'autres_ J'ai suivi le fil rouge de

ce discours anarcho-svndicaliste et de ses transformations. Q.n peutaussLfaire I'histoire de cette période d'autre maniere : il y a des aSPElcts.g~ej~1li

sacrifiés completement : on peut montrer que ce n'est pas.n:irT)poI!e qui.•_9..uiutilise le discours anarcho-svndicaliste au service de t'ordrenouveilLJ ÕU de,lacollaboration, que c'est une catégorie tres déterminée de gens qui déjà étaientliés à une fraction de Ia droite, du patronat, à travers des themes planistes.

Done Ia rencontre de choses completement différentes : des gens qui

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étaient déjà allés du côté du patronat moderniste, planiste, rattrapent lediscours anarcho-syndicaliste. Ces gens ne sont pas portés par un mouvement

de perversion, de gangrene intérieure. 11 y a bien des manieres pour décrireun processus d'adhésion à une idéologie : ce qui me gene c'est de le penser,de le produ ire, sous Ia forme d'une physique de I'idéologie, décrivant desprocessus de langage qui, effectivement, ont une sorte d'efficace commeproduction matérielle de ce processus d'adhésion. Je trouve à ce propos lerapport de Jean-Pierre Faye au discours de Ia Terreur un peu embarrassé.11 y a dans tout un discours actuel sur Ia Terreur, une maniere de rendreimmédiatement opératoire un ensemble de discours. Jean-Pierre Faye s'enest tiré d'une certaine maniere, en disant, (je caricature) : il y a une syntaxede Ia Terreur et une sémantique. Robespierre fait Ia Terreur en voulant I'abo­Iition de Ia peine de morto Là je ressens malgré tout I'éeho d'un vieux discoursdu genre : « nous ne voulons pas Ia guerre mais ... », « nous sommes pour queça se termine, mais tant que tous les ennemis n'auront pas été abattus ... ».

Bernard CONEIN

Les deux corps d'exemples qui ont été présentés n'ont pas du tout temême statut du point de vue de Ia matérialité discursive.

Les cas cités par Jean-Pierre Fave, aussi bien te cas de Robespierre quecelui d'Hitler, sont des exemples d'énoncés qui n'ont pas de « domaine demémoire », ce sont des cas d'émergence de discours. Or le cas cité par JacquesRanciere est tout autre, puisqu'it s'agit d'un cas de répétition : I'exemple dessyndiealistes collaborateurs suppose un domaine de mémoire, le eorporatismeanarcho-syndicaliste ou syndicaliste-révolutionnaire de Ia fin du XIXe siecleen France. 11 n'v a pas de domaine de mémoire dans les exemples de Jean­Pierre Faye, car il n'y a pas d'antériorité au discours de Ia Terreur, com me

_ il.n~'y,__a_~s d'antériorité_au terme « totalitaire » avant Ia formation desdiscours fascistç.·t nazi. L'exe~eleci~é~lJar_~acque_~ Ranciere est un exem­pie de répétiti- -j'énoncés, car il s'agit d'une sortende.{:ommémoratiônd'un passé ouvrier par les svndicalistes vychistes ; même s'il y a partiellement

transformati()nd'énoncé, cela reste un exempte de répéiition.

Jean-Pierre FA YE

1\ faut essaver effectivement de saisir les points d'émergence ; mais ce

qui est important ce sont les traversées longues de Ia mémoire dans le longterme. -,

Non seulement il y a dix ans entre 1923 et 1933, mais ces dix ans.sup,posent 150 ans d'histoire post-révolutionnaire, post-Révolution française. Lemouvement allemand est un contre-mouvement, il se donne comme le « con­tre-mouvement » des « idées de 1789 }). Mais dans eertaines descriptions, eecontre·mouvement fait face au mouvement révolutionnaire - dans Ia figuredu « fer à cheval ».

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Soit un autre exemple : le discours ({hébertiste )}, si ce mot a un senso

Hébert redevient tout à coup contemporain au milieu du XIXe siecle, quand

parart en 1859 un petit livre de Charles Brunet, qui passe d'abord inaperçu.Ensuite un certain nombre d'étudiants du Ouartier latin pensent et parlentle langage hébertiste, ils préparent un numéro du Pere Duchesne, nO x (ceserait le 355e au moins) et, tels Raoul Rigault, Eugene Vermeersch, Maxime

Vuillaume, ils vont se retrouver contemporains d'un certain langage, à traversune sorte de mise en fiction de I'histoire.

Pour répondre à Michel Pécheux et Jacques Ranciere sur le terme de

({ métaphore » : dire que telle description est ({ métaphorique » est exactdans le cas du ({fer à cheval » idéologique de 1930-32. Mais ce qui importe,c'est que ces métaphores soient celles des native-speakers, c'est le boa ba

d'une approche sobre du point de vue épistémologique que de prendre son

objet chez les native-speakers, les locuteurs ({autochtones ». Uy ~ des sortesd'({ indigenes » de I'idéologie, qu'il nous faut aller chercher là ou ils sont.

__ . '_~ __ "_-:-_ 0_' " '-- . _, o- _'0 d_. -.--,

Ce que je me suis efforcé de faire, c'est de capter ces énoncés métaphoriques

comme ils ont été prononcés, sans leur substituer des métaphores impro-visées

ou arbitraires. li, n'y ~gasº-ulll.s~!lption qui ne soit Ras_~~,~ap_h!Jr.ique.Nousn'avons jamais le rapport social ({en-persOllne -lI,· dans lequel parlent Hébert

ou Anaxagoras Chaumette à I'Hôtel de Ville au milieu du peuple des sans­

culottes. Nous avons afiaire,.toujours, à desciloineLsignifianti!s .et à desmétaphore;:-O~parle en ter~es t~p-;graphiques, on a des i~dicãtlOns-ãu-·secohôaegré : on utilise des métaphores topographiques, présentées dansles énoncés eux-mêmes, et qui nous donnent des rapports de rapports. Quandles Néo-conservateurs (Ies Jung-Konservative) allemands (à I'extrême-droitede Ia droite allemande) nous disent que les Nationaux-révolutionnaires sontune sorte de ({gauche » (de Ia droite) il faut écouter ce type d'énoncés, parce qu'ils nous instruisent sur certaines relations dans les rapports de position.L'emploi, par les Nationaux-révolutionnaires, d'un vocabulaire ({de classe»est un bon exemple, de ce point de vue, de fausse-monnaie. 11 existe un livre

publié vers Ia fin des années 1920, qui est uri condensé de I'idéologie desNationaux-révolutionnaires, un livre de Ia contre-révolution manifeste, mais

qui nous réserve des surprises, des son titre : Ich klage an !({J'accuse ! lI).

Les textes les plus radicaux sont ceux de Martin Bormann, futur chefde Ia chancellerie du IIle Reich, et de Joseph Goebbels. Un de leurs textess'appelle Klassenjustiz, ({justice de classe lI ... 11 accuse Ia justice de Ia Républi­

que de Weimar d'être une({ justice de classe». 11 est évident qu'entendreparler de ({ justice de classe II dans un tel contexte laisse une étrange gêneet amene à regarder de plus preso Ainsi Gari Schmitt (ami d'Ernst Jünger,qui pour sa part est présent dans le volume en question) va énoncer detoutes autres propositions dans un autre lieu, celui de l'Association desIntérêts de Ia Westphalie, des propriétaires du charbon et de I'acier. 11 y diraIa nécessité urgente d'une ({économie saine dans un état fort lI, c'est-à-dire

d'un État total - d'un Totale Staat. 11 va donc s'agir pour lui de ({conserverrévolutionnairement » (ce qui signifie violemment) des intérêts économiques

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bien déterminés. l-es propositions nous donnent une série d'équivalences ;et c'est finalement le Führer qui finira par énoncer Ia proposition de base Iaplus simple : « Je suis le révolutionnaire le plus conservateur du monde ».

C'est par I'analyse de ce proces de circulation des énoncés qu'on peut tenterde reconstruire une sorte d'économíe narratíve de Ia fausse-monnaie. Mais il

faudra se demander comment cette fausse monnaie dans le langage produitdes effets sur le réel économique. Si I'on essaie d'explorer Ia fameuse Ankur­belung, le « miracle II de Schacht - comment il va faire ({démarrer » "écono­

mie allemande sous le regne d'Hitler - on constate que ce n'est pas avec unemanivelle que cela se fait... Mais par Ia relation entre une série de procédéséconomiques et une fausse ({narration I) des données et des enjeux : on peuty observer comment tout cela finit par s'inscrire dans le réel de Ia machine

économique allemande. On feint de raconter le Sofort-Programme et ses« Logements sociaux 11, et on inscrit en sous-main Ia charne d'écrituresbancaires qui mettent en route le réarmement secret par I'entremise d'uneentreprise-fiction, d'une Scheinfirma : Ia Mefo ...

Alaín LECOMTE

J'aimerais poser une question aux participants de cette table ronde

relativement à ce qui, dans plusieurs interventions du colloque, a été désignécomme absence de métalangage. En particulier, dans ma communication,c'était ce que j'avais essayé de dire sous Ia forme: « I'énoncé dit ce qu'il dit »et en même temps ({ dit qu 'il le dit 11, et aussi sous Ia forme de I'exclusionradical e d'un énoncé ou d'un nom qui serait le pur représentant de quelquechose d'extérieur à lui et qui le désigne l...l. Cela me parart poser Ia question

générale de Ia représentation, y compris Ia représentation formelle ou mathé­matique de quelque chose, en I'occurrence du fonctionnement de Ia langue

et du discours. Je poserai en particulier cette question à Antoine Culioli dansIa mesure ou cette position critique vis-à-vis de Ia représentation me parartcontradictoire avec un certain usage du mot « formalisation II en linguistique.Comment saisir, dans ce qui ne saurait être autre chose qu'un fait de discours,

même s'il est mathématique. le rapport entre le discours et un hypothétiqueextérieur à lu i, qui s'y manifesterait sous I'aspect de notions telles que, par

exemple, situation d'énonciation ou sujet d'énonciation ?

Jean-Jacques COURTlNE

La discussion a été centrée jusqu 'à présent sur Ia question historique eton a oublié Ia langue. II faudrait recentrer le débat de ce point de vue. Ouandon dit : « circulation des mots, des énoncés, des formules, des discours... 11,

quand on parle d'effets latéraux. de rapport de narration à narration, de

métaphore, on_ toucheà des questions de langue. J'aimerais demande r àAntoin'eCulioli sous quelles formes selon lui un Iinguiste peut réagir aux

problemes que pose Ia constitution historique de I'énoncé telle que les histo-

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l11tJ

ricns I'cnvisagent, lui demander comment ces questions travaillent dans Ialinguistique ... cela ouvre peut-être trois possibilités de réponse. qui sont par­tois avancées :

- une non-réponse : I'impossibilité d'en dire quoi que ce soit, ce qui viendraitcomme une confirmation de Ia c1ôture de Ia problématique de Ia langue ;- quelque chose de I'ordre du bris de Ia théorie linguistique, de son éclate­ment dês que de tels problêmes se posent à I'intérieur d'elle-même ;

- Ia possibilité de faire fonctionner Ia Iinguistique comme métaphore de Iacirculation discursive, le Iinguiste risquant fort dans ce cas d'y perdre sonobjeto

Antaine CULlOLl

1I faut dissiper un premier malentendu concernant ce qu'on entend parlinguistique. 11me semble que si on prend au sérieux le terme de « matéria­

lité », le terme de « discours », j'avoue que je ne sais pas trop quoi en dire ...sinon que le linguiste n'a pas à s'accaparer le discours, ni d'ailleurs le langage

en tant qu'objet d·étude.~~i.s_cequipeut,être distingue le linguiste. c'estqu~~º-cçupe~ Ia relil!l911entreJe langage et les langues. lI.y_.aune. matéria­

.!i!~_~u sen.s.oÜ on'n'e peut pas faire comme si les langues n'existaient pas etcomm~eusi le recoursau terme d'activité de langage suffisait à régler le pro·blême (... ).

I! y a par ailleurs une autre questiono 11me semble qu'il n'y a pas eujusqu'à présent de distinction entre énonciateur et locuteur. C'est-à-dire quederriêre des termes com me sujet, porte-parole. on confond I'énonciateur etle locuteur.

1I y a également sur le terme d'énonciation une tres grande ambigui·té.Três souvent Ia situation d'énonciation est considérée dans Ia conception

empirique d'une situation qui serait historiquement descriptible. A ce mo­ment-Ià. te terme de situation d'énonciation est une maniêre d'essayer derécupérer tout ce qui est du domaine empirique, le vécu. I'expérience ...•on met tout cela dans le terme de « situation d'énonciation ».

11existe aussi une autre confusion : celle qui est souvent faite entre

I'événement phénoménal - à supposer qu'on y ait accês - et I'événementconstruit. Je maintiens que lorsqu'on s'occupe de problêmes d'activitéénonciative, on doit, en tant que linguiste. travailler à I'intérieur d'un cadrede réflexion qui cherche à avoir des rêgles d'homogénéité. et. parce qu'on

travaille dans des domaines hétérogênes. se donner des rêgles de passages.J'ai cherché à faire Ia distinction entre événement phénoménal et événementconstruit en parlant d'un côté de valeurs référentielles, et de référent de

I·autre .... ~~9ccupe des valeurs référentieUes_cAIÇ.l.!.@~~~_à_partirde ces agencements de marqueurs d'opérations que sont les énoncés. lesénoncés étant des construits théoriques. O'un autre côté. Ia référence ou le

référent. se présente comme le réel extérieur, auquel éventuellement onpourrait avoir accês.

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A propos de Ia métaphore de Ia circulation, I'ennui c'est que celasemble indiquer - c'est le cas également de Ia métaphore du jeu d·échec. quin'est pas ce qu'on a fait de mieux - qu'une fois que les piêces sont là et queles rêgles sont données. ça va fonctionner. On instaure Ia scêne, les décorssont posés, on n'attend plus que les gens qui vont prendre Ia parole. pronon­

cer les textes. improviser éventuellement. OrJJ.éI._~ifficul):~._c·estque. au fur~_!~ltSU [e-que .nous_ulÍ.nonlt-QlJs._nous-cons1~lJ.i.~~~_u.r1.._.e.space.énonc iati f ,

c'est·à-dire que no~s sOfllmes en mêm.e temp~_efl_Jrain._de __pgserJesrêglesd~ jeu. lI,váfa\loir que I'autre s'ajuste,.I1PlJ§ ..ajlJ.s!E!L9_u~~!_~e_geJ.e_f<lire,pour que touTcelapüissê fonctionner ... 11~e semble que três souvent I.e.sspécialistes d'analyse du discours font PeU çlécãs.jusiern~nt.dEl cettem~·térialité même de I'activité énonciative. rapportée à ces opérations techni­ques que I'on peut reconstruire, à partir de textes qui sont forcément dans

une langue donnée. Je ne connais pas de textes qui soient écrits dans unlangage, dans le langage. Je ne connais que des textes qui sont écrits enfrançais. en japonais. etc.

Par ai\leurs. pour répondre en partie à Ia question d'Alain Lecomte,le problême de Ia formalisation est un problême qui se pose pour le linguiste,car il doit à un moment donné construire un discours cohérent, qui ne

peut être herméneutique, ce qui reviendrait à dire : « je suis à I'intérieurdu langage, puisque je pari e une langue ; donc par une sorte d'observationintrospective. phénoménologique, de ce qui m'arrive, je vais pouvoir recons·

tituer les opérations de langage }).Je crois que cette position n'est pas tenabled'un point de vue scientifique. même si cela a un grand intérêt en tant quetémoignage. O'un autre côté, dans Ia position d'extériorité ou se trouve unlogicien qui veut construire un systême formei. on ne peut pas dire : « jevais choisir comme catégorie, comme opération importante, celle-ci et ce\le·là }).Tous les logiciens se sont pratiquement cassés Ia figure sur un problêmetrês simple et fondamental pour les langues naturelles, celui de Ia détermina·tion (de I'article défini, par exemple).

On rejoint alors les questions croisées d'Alain Lecomte et Jean·JacquesCourtine : le problême pour lelinguiste confronté au discours ne me semblepas de choisir entre I'impossibilité, I'éclatement de Ia linguistique, ou Ia lin­guistique comme pure métaphore de Ia circulation. II s'agit pour lui deconstruire un systême de représentation qui force Ia linguistique à se poserIa question de I'articulation avec d'autres domaines. sans se cantonner dansune espêce de pseudo-autonomie. Je maintiens que le langage et le discoursne sont pas du ressort unique des linguistes, ne sont pas leur propriété. I1faut donc que le discours que va tenir le linguiste puisse s'articuler avec lediscours que pourra tenir I'historien, le psychanalyste. etc.

Mais je voudrais soulever un autre point qui me parart obscur à proposdes analyses de discours : on ne s'est jamais préoccupé de savoir comment. à

travers les discours. se constitue I'interdiscours qui fait que, à certains mo·

ments, on a des lambeaux de discours qui vont rester, qui vont jouer un

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certain rôle, alors que tout le reste va pratiquement être éliminé. Comment

se fait ce processus ? 11me semble que c'est extrêmement important.

Encore un point : comment I'historien s'y prend-il lorsqu'il a affaire à

ceux qui ne parlent pas ?

Elísabeth ROUDINESCO

J'ai envie de répondre à Ia fois à cette derniêre question et à Ia question

de Ia trahison par un détour, et un peu autrement. Ce qui a été dit lã m'évo­

que quelque chose que j'ai constaté à propos de I'histoire du mouvement

psychanalytique en France. C'est une histoire secrête, on ne peut pas faire

parler les gens là-dessus. Donc à propos de cette question des gens qui ne

parlent pas, il y a aussi les gens qui ne parlent pas parce qu'ils ont peur de

parler. Si on veut interroger des témoins de cette histoire de maniêre trElS

simple, on a I'impression qu'i1s ne disent pas ce qu'ils pensent. En voulant

chercher des archives non écrites, par exemple pour faire raconter un paint

précis de I'histoire analytique, iI est absolument impossible de se passe r de

témoignages oraux, parce que sinon I'histoire sera racontée de façon unilatéra­

le à travers une analyse des textes, des idées et des doctrines, en n'obtenant

rien sur Ia formation des analystes, qui, elle, s'est justement effectuée partransmission orale.

A ce propos, j'imaginais que les gens ne voulaient pas dire ce qu'ils

pensaient pour ne pas trahir un secret, alors qu'en réalité je me suis aperçue

au bout d'un certain temps que, si j'avais cette impression, c'est qu'ils ne

savaient pas ce qu'ils disaient et qu'ils n'avaient ,ien à en dire. 11existe, en

reprenant ce que Alain Manier a dit sur Ia débilité, quelque chose qui se

passe à cet endroit : le crétinisme des analystes par rapport à leur histoire.

Bernard CONEIN

Antoine Culioli vient de poser une question qui, à mon avis, concerne

aussi le problême du statut de I'archive : qu'est-ce que fait I'historien lorsqu'il

a affaire à ceux qui ne parlent pas et qui n'écrivent pas ?

Je vais donner juste deux exemples historiques, qui illustrent cette

questiono Un premier exemple qui a trait à Ia Révolution française et un

deuxiême exemple qui a trait au 1ge siêcle. Le premier, c'est le cas des sans­

culottes. C'est une figure repérée et repérable uniquement dans le discours

rapporté de I'enquête judiciaire, et dans I'énoncé de porte-parole.

le deuxiême exemple, c'est le cas de certains ouvriers au début du 1ge

siecle, qui s'identifient par un écrit, disant « Je suis ouvrier », dans cette

presse ouvriere sous Ia monarchie de juillet, qui spécifie « ce journal est écrit

uniquement par des ouvriers ». C'est un problême que Jacques Ranciere

conna!t bien. Comment, dans des cas aussi différents d'archives, peut-on

donner à ces collectifs des propriétés identiques, puisqu'on parle de mouve­

ment ouvrier à propos des ouvriers du 1ge siecle ?

187

Jacques RANCIERE

Qu'est-ce que tu veux savoir au juste ?

Bernard CONEIN

Une réponse à Ia question posée par Antoine Culioli.

Jacques RANCIERE

Sur le problême de ce que fait un historien par rapport à ceux qui ne

parlent pas et à ceux qui n'écrivent pas, je dirai premiêrement que je ne

suis pas historien et deuxiêmement que I'historien s'occupe un peu trop

frénétiquement de « faire parler », d'ou Ia rencontre avec le problême du

porte-parole. D'ou aussi les interrogations sur I'espace privilégié accordé au

porte-parole, dans une certaine visée Iiant celui-ci à Ia construction des

mnts d'ordre. P'Jurquoi est-C'~ finalement un domaine privilégié pour ceux

qui veulent lier linguistique et histoire ?

Pour moi je discerne deux choses, qui sont en rapport avec cette obses­

sion de Ia matérialité discursive. D'une part une volonté de rendement maxi­

mum : arriver à une parole qui fonctionne ; d'autre part une espêce d'abstrac­

tion de Ia rhétorique. Je pense qu'il y a une fascination de I'historien pour

tout ce qui est de I'ordre du brut, de Ia circulation de Ia parole, donc tout

ce qui est de I'ordre de I'irruption et de I'émergence. Si je prends les textes

que j'ai lus pour' 0110que, qui faisaient le lien entre histoire et discours,

effectivement je su i, frappé par ce privilêge d'une parole efficace et de Ia

place qui est donnée à un certain type de sujets parlants. En gros iI y a deux

objets pour Ia linguistique historique : Ia rhétorique des discours politiques

(Ia rhétorique des gens qui parlent, qui savent parlerl et puis une espece de

brutalité circulante de Ia parole populaire, qui correspond à une espêce de

faim três forte des historiens en ce momento

la question de I'identification et Ia question de I'archive, ça m'est un

peu difficile d'y répondre, parce que je travaille dans un esprit différent. A

une certaine époque, j'ai travaillé sur les mots d'ordre, sur les archives de

police, sur les propos rapportés, et je me suis rendu compte qu'on pourraitfacilement interpréter cela, le décoder, définir des rêgles d'usages, utiliser

, 'certaines phrases du côté ouvrier et populaire et constituer une sorte d' « âme

i:des bêtes », de rationalité et de discursivité « infra », qui recouvrirait ce

j;domaine. C'est pour ça que je me suis intéressé à un autre type d'archives,

. :;du genre correspondance ouvriêre, Iittérature et écriture ouvrieres, c'est-à·dire

',au rapport que des gens établissent avec une langue, qu'ils apprennent par des

voies détournées. Je me suis intéressé à Ia rencontre d'ouvriers avec Ia Iittéra­

ture à travers des processus d'apprentissage et d'auto-didactisme. Je crois que

ce dont parlait Bernard Conein, « je suis un ouvrier qui écrit », c'est tout un

Page 7: Table ronde discours (em francês) - Pêcheux, Rancière, Roudinesco

lUB

, proce_ssus_d'jdentité_SlLJi_pas~l:Lpar_une formid<jble dén~gati~I1,.d~.,!~~t ce qui

s'est_passéav<ll}~,..?_savoir le rapp()rt.de ces gl!ns avec cette langue, qui est dudomainedu mystére. :.----- . "0 • 0_ ---- •••• -.- ••• - •••

.. 11 y a un tas de descriptions assez curieuses de I'ouvrier de I'époque,

de celui qui, apres, a essayé de devenir poete ou journaliste. C'est

toute une premiére rencontre avec le papier noirci. IIs veulent tous faire des

verso « Comment faire des vers », devient Ia question : ils savent qu'il y a unerégularité, mais ils n'arrivent pas à saisir laquelle. 1I existe toute une série de

descriptions qui sont curieuses sur « SQ..mmenLoD~!:lY!Là_compreodr.e_oC:E)ne

régularité ». Certains ont commencé apres avoir lu Esther et Athalie, à cause

deschreurs : ils ont pu se raccrocher à cela pour déboucher sur I'alexandrin.

C'est surtout ce type d'archives qui m'intéresse. Comment les gens commen­

cent à écrire, autant au niveau de Ia calligraphie qu'au niveau du comment

se débarrasser des barbarismes. On voit comment sur une période de dix à

quinze ans, I'écriture vient à se conforme r et en même temps comment au

fil des années des barbarismes s'épurent. J'ai une certaine réticence pour Iaparole efficace, je serais plutôt pour ce qui est de I'ordre de I'entrée dans Ia

langue. Effectivement c'est cela qui me gêne dans une certaine thématique,

qUi. e.st.prése.o nt..e iCo.i..Pou~ m,oicequi est intéressant dans le travail d'archives, j'c'est I: _~ro(;essus qui aboutit à cet effet d'identification, qui dit « j'ai le

droit 00 d'écrire parce que je suis une personne qualifiée socialement pour jécrire et pour parler de moi comme ouvrier ».

Bernard CONEIN

Et ça n 'est pas une parole efficace ?

Jacques RANCIERE

Non, je le mettrais de I'autre côté.

Elisabeth ROUDINESCQ

Je voudrais une précision. Tu as I'air de dire que dans ce cas-Ià, les

ouvriers écrivains écrivent plus facilement ou plus spontanément de Ia poésieque de Ia prose?

Jacques RANCIERE

C'est tres net, beaucoup commencent par apprendre des vers et des

chansons avant de savoir parler en prose et donc de tenir ce type de discours,

que I'on tient, quand on dit : « je suis ouvrier, je vais vous exprimer Ia situa­

tion de I'ouvrier ». 11 y a des gens, qui forcément écrivent moins, ils créent

alors une autre forme d'identification. Les Saints-simoniens utilisaient des

189

ouvriers chansonniers pour faire de Ia propagande. 11 est clai r que chez ceschansonniers on fait facilement des chansons sur Ia société saint-simonienne.

On est mis à Ia place de sous·directeur à Ia propagande dans un quartier ou·

vrier. Les autres ouvriers viennent et posent des questions sur Ia doctrine etdans ses mémoires un ouvrier chansonnier décrit les difficultés de cet autre

rapport.

Jean-Pierre FA YE

Je voudrais revenir sur une des chaines du langage politique, à quoi j'ai

fait allusion précédemment. Cette chaine de langage s'affirme comme « lan­

gue naturelle ». Le Pere Duchesne, com me journal, se pose comme parlant Ia

langue des sans-culottes. Face aux Girondins des Cordeliers qui lui deman­

dent : pourquoi écrivez-vous ces feuilles abominables ? I1 répond : « Je sais

parler le latin, mais ma langue naturelle est celle de Ia sans-culotterie ». Or

cette langue nature/le est une langue rapportée, car I'auteur, Jacques René

Hébert, dans sa vie quotidiennp., n'emploie nullement cette « langue naturel­

le ». Cette langue naturelle, bien que rapportée, se donne com me parlée. J'ai

essayé de vérifier ce rapport, ce qui m'a donné des résultats curieux. Certaines

des locutions, certains termes ou vocables, pouvaient remonter jusqu'à

Rabelai.:. Jt pour d'autres j'en ai trouvé Ia signi"~ation, soit dans les Diction­

naires du bas-Iangage des années 1808, soit dans les lexiques du parler de IaBeauce Québéquoise. 11 y a une sorte de triple temporalité : Ia langue de Ia

pré-Renaissance, Ia langue du bas-Iangage de !'époque des Lumieres, et Ia

langue actuellement parlée au Québec. Ce même uuébec ou se joue actuelle­

ment une partie politique, dans un référendum qui pose Ia question de Ia

souveraineté en référence à Ia question de Ia langue, dans son rapport au

langage. I) ne s'agi~_p"~~ seulement d'une langue que I'on parle, mais d'unelangue qui esten même.tempsle pouvoir de langage du citoyen politique. 11

"existe un trés be~u texte d'un palhe du Québec, Miron, qui affirme : « Je

parle de ce qui me concerne, le langage. le code commun à un peuple ».Cette relation entre langue naturelle et puissance du langage est en relation

avec Ia question de Ia souveraineté politique. Ce n 'est pas un hasard si le

pere Duchesne est le rival politique le plus acharné de Barére, qui est I'homme

des décrets de Thermidor an li, sur Ia langue nationale et I'écrasement des

dialectes vivants.

Rolande HLACIA

Je voudrais poser une question à Antoine Culioli, concernant Ia défor­

mation française, qui consiste à appréhender Ia langue par le biais des mots.

La recherche française donne toujours I'impression que les mots sont structu­

rés comme des notions. Cette déformation apparait nettement lorsqu'on

étudie d'autres tangues, comme les langues africaines. Les linguistes qui

Page 8: Table ronde discours (em francês) - Pêcheux, Rancière, Roudinesco

1!IO

travaillent sur Ia transcription des langues sont tres conscients de ce typed'erreur. Est-ce que les linguistes africains sont eux-mêmes conscients de cegenre d'erreur ?

Antoine CULlOLl

C'est un probleme qui nous écarte du sujet, qui est marginal par rapportaux questions du colloque.

Rolande HLACIA

Non, pas du tout.

Antoine CULlOLl

En tout cas, il est difficile d'y répondre en cinq minutes. En Afrique, ilexiste peu de linguistes qui travaillent sur leurs propres langues, sauf si ce sontdes pays techniquement développés. Grossiérement, on pourrait établir unerelation entre le développement de Ia Iinguistique et le produit national brutoLa Iinguistique est un véritable luxe pour ces pays-Ià et ce sont des gens de

I'extériel'", dans Ia grande majorité des cas, qui viennent s'occuper des languesparlées africaines. Parfois cela va même plus loin, j'ai une fois entendu dans

un colloque du C.N .R.S. quelqu'un qui, lorsque j'avais dit que je voulais for­mer des Iinguistes africains, m'a répondu que c'était une erreur, car ils ris­quaient de Taire de I'introspection !C'est effectivement une position caricatu­rale, mais significative.

En ce qui concerne le niveau lexical, on pourrait citer le texte de Freudsur I'ambivalence dans les mots primitifs, qu'~mile Benveniste a repris, ensoulignant que Karl Abel, I'inspirateur du texte de Freud, avait dit des bêtisessur Ia langue, ce qui est vrai. Reste que le probhlme posé par Freud est unprobleme réel.

__-,>~ On peut montrer qu'à I'intérieur d'une langue fondée sur des représen­

./ tations de type alphabétique, il ne se passe pas du tout Ia même chose qu'avec// les systemes idéogrammatiques. Par ailleurs lorsque vous lisez dans un certain

~ -. ordre, Çà' n'est pas Ia même chose si vous avez un espace organisé de haut en

bas, de droite à gauche, ou de gauche à droite. Ce que je maintiens sur cesquestions, c'est Ia nécessité de prendre conscience de ces déformations inévi­tables, car dépendantes de réseaux de formes culturelles. Ces déformationsqu'on subit, quelquefois on les reproduit, car on a recours à une théorie spon­tanée de I'analyse du discours, qui est biaisée, par rapport à ce qu'elle pour­rait et devrait être, si elle prenait en compte I'existence de ces déformations.

191

Elisabeth ROUDINESCO

Quand vous avez cité cette énormité, que si on formait des linguistes

africains, ils feraient de I'introspection, vous ne croyez pas qu'on méconnais­sait là completement le statut de I'inconscient par rapport à Ia langue natu-relle?

Antaine CULlOLl

Dans ce cas, je crois qu'on a affaire à une forme de positivisme, lié àune certaine conception de Ia matérialité, pour en revenir à ce terme ; car

on me propose de parler des matérialités discursives, alors je suis bon éleve,je réintroduit le sujet. On peut concevoir Ia matérialité comme un phénome­ne, à Ia limite physique, susceptible d'une analyse spatio-temporelle.

D'un autre côté on peut aussi Ia concevoir, pour continuer ce geme

de métaphore, comme une sorte de bloc incontournable, à partir duquel on

peut reconstruire quelque chose.Mais on peut aussi songer à une autre conception de Ia matérialité,

selon laquelle I'énoncé est un construit théorique, c'est-à-dire un agencementde représentants, de symboles naturels, phoniques, ou graphiques, mais enmême temps un représentant à I'intérieur d'un systeme de représentation,

puisque les langues elles-mêmes sont des systémes de représentation. A cemoment-Ià, iI faudrait distinguer deux termes dans I'énoncé : I'énoncé-token

et I'énoncé-type.Nous aurions alors Ia phrase, qui serait un type, et I'énoncé qui serait

I'occurrence matérielle : chaque fois que I'on produit un énoncé, il est unique,

et il n'y aura jamais plusieurs énoncés identiques.Ma position c'est de considérer I'énoncé en tant qu'agencement de

représentants, construit théorique. Ce serait un autre emploi de « matéria­Iité » : non pas matiére (préexistant de toute façon comme unité physiquelmais forme. Cette forme ne serait pas amorphe, mais produite par tout unensemble d'opérations, constitutives de toute activité symbolique humaine.

Prendre en compte I'inconscient, suppose qu'il y a toujours cette

activité. Lorsque cette personne avait peur de l'introspection, je crois qu'il yavait autre chose : elle se disait que quelqu'un qui ne connaft rien à une

langue et qui I'aborde avec des critéres quasi-mécaniques, comme les procédésde communication, va finalement obtenir de meilleurs résultats que celui

qui, Ia connaissant, risquerait de faire des tours de passe-passe sémantiquesou phénoménologiques. C'est évidemment naff comme position .: cela peutmarcher pour toute Ia parti e c1assificatoire de I'analyse, mais Ia question estde savoir si c'est ça Ia linguistique ! J'ai eu des débuts de frissons en entendant

parler de typologie des discours. Est-ce que c'est le but de Ia linguistique, defaire du classificatoire ?

Page 9: Table ronde discours (em francês) - Pêcheux, Rancière, Roudinesco

10/'

Flisa/)clh ROUD/NESCO

Moi, je crois que cette position n'était pas du tout naive !

Antoine CULlOLl

Vous savez, moi, étant Iinguiste et pas psychanalyste, j'ai un autre

rapport à Ia nai"veté.

Puis-je vous poser une question : en tant que psychanalyste, y a-t-il pour

vous des phénoménes nai"fs ?

E/isabeth ROUD/NESCO

Je répondrai évidemment non ! Parce que Ia question qui s'est posée àpropos de cette histoire de formation de Iinguistes africains, c'est - et vous

avez mis I'accent dessus - I'idée de Ia langue maternelle. Ce dont il s'agit,

c'est de les former pour qu'ils puissent décrire avec les moyens de Ia linguis­

tique, une langue qui est en même temps leur langue maternelle.

11 se pose en psychanalyse une question, qui n'est pas tout à fait Ia

même mais qui Ia rejoint : on dit qu'jj vaut toujúurs mieux faire une analyse

dans sa tangue maternelle que dans une autre langue. Mais j'ai connu le ,JS de

quelqu'un qui a appris le français essentiellement pour faire une analyse en

français et non dans sa langue maternelle, parce qu'il avait I'impression que

dans celle-ci il serait toujours poursuivi par ses parents et qu'il serait observé

en permanence. C'était un cas de contre-exemple, et effectivement Ia raíson

donnée était valable : il fallait que cette personne fasse son analyse en fran­

çais.

Antoine CULlOLl

Ça rappelle un peu Wolfson.

E/isabeth ROUD/NESCO

Qui, et un analyste trop orthodoxe aurait pu refuser une analyse de ce

type : parce que c'est un dogme, I'idée de faire une analyse dans sa langue

naturelle ... maternelle plutôt.

Antoine CULlOLl

J'aimerais bien qu'on réponde à Ia question que j'ai posée à Ia canton­

nade, concernant le classificatoire et Ia typologie des discours.

193

Bernard CONE/N

Vous faites référence à des cnoses dites ici ou des choses écrites ?

C'est une question posée à I'analyse de discours en général ?

Antoine CULlOLl

C'est une question d'analyse du discours, mais tout à I'heure il y a eu

quelque chose de dit sur cette questiono Enfin si ça n'a pas été dit, ça aurait

pu être dit !Ma question concerne I'existence de typ%gies et de classifications

en analyse du discours. J'ai le sentiment que dans le domaine de \'analyse du

discours, on s'intéresse à une question d'abord pour des raisons politiques

et idéologiques. On prend un texte comme une configuration spécifique qui

peut être considérée comme irréductible et porteuse de propriétés singuliéres ;mais d'un autre côté, on essaye de r,laintenir un discours général à son pro­

pOSo J'ai !'impression -- ce que je veux dire va peut-être apparaitre comme

une agression et je ne voudrais pas que cela en ait I'air - que l'analyse du

discours oscille toujours entre, d'une part, des analyses qui se tournent

vers I'histoire en t;1 "'IC singularité et qui tiennent un discours de générali-

té mi"imale, et, l" le part, un discours qui prétend avoir une force de

généralisation et qui va ainsi nécessairement vers des dispositifs c1assificatoi­

res, c'est-à-dire des typologies ; mais des typologies sans objectif ! Ou moins

j'avoue que je ne vois pas bien I'objectif : est-ce un objectif interventionnis­

te ? ... Ce que je comprendrais parfaitement, si I'objectif était d'aider à une

prise de conscience politique (par exemple démasquer les forfaitures, lestrahisons ... ). J'aimerais en savoir un peu plus : parce que je me demande si

on n'a pas affaire à de simples juxtapositions de discours ...

Miche/ PECHEUX

11 faut dire tout d'abord que I'expression « typologie de discours »

n'a pas été construite par Antoine Culioli pour les besoins de Ia discussion.

1I y a bien des gens qui croient en effet que faire de I'analyse de discours,c'est travailler dans I'espace de latypologie du discours. Mais le fait est que

cela ne s'est pas tellement fait iei dans les trois jours de ce colloque.

Antoine CULlOLl

Bien, alors pourquoi est-ce que cela ne s'est pas fait ici ?

Michel PECHEUX

Oans le processus historique par lequelles diverses entreprises d'analyse

Page 10: Table ronde discours (em francês) - Pêcheux, Rancière, Roudinesco

I !)lI

de discolJlS se sont constituées depuis une quinzaine d'années, il apparaftqu'elles n'ont cessé de s'éloigner d'une perspective typologique.

Antoine CULlOLl

Je suis d'accord.

Michel PECHEUX

On peut citer, pour donner un peu de concrétude à I'allusion que tufaisais, I'exemple de I'opposition entre discours polémique et discours didac­tique, censée expliquer ce qui s'est passé au Congrês de Tours en 1920. OrI'idée que Ia question de I'analyse de discours serait le lieu de généralitésminimum à J'intersection d'un certain nombre de disciplines (idée directe­ment liée à cette perspective typologique) a été mise en cause dês I'ouverture

de ce colloque. Ces trois jours de travail ont privilégié une autre perspective :

celle du rapport d'hétéragénéité matérielle de zones textuelles en disjonction(dans Ia perspective, par exemple, de Michel Foucault) et celle des contra­

dictions inégalisant les rapports entre ces ZOnes. 11 ne s'agit jamais d'un espaceplat, égal, susceptible de se voir affecter une structure au sens pseudo-mathé­

matique du terme et d'être ensuite manipulé à travers des catégories typolo­giques.

Herbert BOSCH

J'aimerais poser une question qui touche à Ia liaison entre I'analyse du

discours et I'intervention politique : ce qui me frappe, c'est qu'il n'y a pasd'analyse discursive de Ia droite en France, alors que c'est ce problême quinous intéresse nous en Allemagne.

Jean-JacquesCOURTlNE

C'est une question importante car elle permet de pointer les effetspolitiques repérables dans le champ de I'analyse du discours en France : en

effet, depuis Ia constitution de cette discipline, Ia grande majorité des corpusétudiés ont été des discours de gauche, avec une fixation qui fait retour sanscesse, une sorte d'insistance à produire des distinctions entre le discours du

Parti socialiste et celui du Parti communiste, et ceci sous diverses conjonctu­res (Congrês de Tours, Front Populaire, Libération ... l. Pour tenter de répon­dre à Ia question posée, un détour est nécessaire par Ia conjoncture politiquefrançai~e depuis I'inauguration de I'analyse du discours com me discipline.

Cette conjoncture est dominée en effet par I'alliance politique nouéepar les partis de I'Union de Ia Gauche, qui aboutit, en 1972, à un « événe­

ment discursif » d'importance : Ia signature d'un programme commun de

195

gouvernement. Comment ne pas remarquer que, dans Ia conjoncture mêmeou le Parti socialiste et le Parti communiste confondent leurs discours en

un « langage commun », ne serait-ce que le temps d'un programme, apparais­sent justement dans le domaine de I'analyse du discours un grand nombre detravaux qui se proposent d'effectuer I'analyse contrastive du discours com­muniste et du discours socialiste, en s'attachant à repérer, dans leur lexiqueou dans les opérations linguistiques qu'í!s mettent en ceuvre, les marques deleur individuation ; en les rangeant sous des typologies qui opposent leurscaractêres (discours polémique/discours didactique ; discours en je/discoursen nous ... ).

L'apparition massive en analyse de discours de travaux contrastifs quise donnent pour but Ia caractérisation différentielle du discours socialiste etdu discours communiste produit donc dans le domaine de cette disciplineun effet de contrepoint à I'égard de 1'« événement discursif » qui domineIa conjoncture politique. On peut voir là, au sein de I'analyse de discours, uncffet directement politique des contradictions qui caractérisaient, sous le

« langage commun » d'un programme, I'alliance des principales forces de Iagauche française : Ia nature contradictoire de cette alliance a en effet produit,com me I'un des « effets discursifs » liés à cette conjoncture, I'oscillationincessante entre le rappel du sens commun des mots et I'interprétation diver­gente que chacun pourrait en faire.

Encore un mot sur Ia question des typologies : on ne peut pas I'évacueraussi facilement. Si les typologies produites font parfois sou rire, il ne faut pas

oublier que I'on a reconduit le probillme des typologies à travers I'emploi deIa notion de « formation discursive }).Ce que, par contre, montrent des prati­ques d'analyse plus récentes qui ont pris le parti de I'hétérogénéité et de Iacontradiction - des formes d'inconsistance du discours - c'est qu'on repêresurtout (mais cela ne sera pas une découverte pour les historiens) des choses

qui sont de I'ordre de Ia circulation, mais aussi du retournement et de Iatorsion.

Au point ou nous en sommes, j'aimerais bien renvoyer Ia questionsuivante : pourquoi de I'analyse du discours en France ? Parce que, si on

regarde Ia scêne internationale de ce point de vue, on s'aperçoit qu'on aaffaire à une spécificité française. On peut considérer I'analyse du discoursen bien ou en mal, on peut Ia considérer (c'est parfois le cas) comme unelinguistique du pauvre, une demi-linguistique ou une demi-histoire ; toujoursest-il que cela s'est constitué en France. Pourquoi Ia linguistique en Frances'est-elle adjointe cette espêce de supplément d'âme, de mauvaise consciencehistorique ? J'aimerais avoir votre réaction à ce propos.

Antaine CULlOLl

11 y a plusieurs réponses, qui d'ailleurs ne s'excluent pas. 1I y en a unenaturellement, qui est I'intérêt idéologique, politique ... : réponse tellement

Page 11: Table ronde discours (em francês) - Pêcheux, Rancière, Roudinesco

I!II;

iJ;]llilleque je n'v insiste pas. 1IV a aussi d'autres réponses.

Premierement : je pense qu'il V a une obsession française de Ia signifi­cation (Jacques Bouveresse insiste souvent sur le manque d'intérêt total enFrance pour tout ce qui concerne le langage tel qu'on I'appréhende dans les

pavs anglo-saxonsl ; il me semble que les analvstes de discours français onttrouvé là un moven d'aborder des problémes de signification en sautant àpieds-joints sur les problêmes de forme, tels qu'ils peuvent se poser d'unpoint de vue strictement Iinguistique et logique.

Deuxiêmement : en France on a rattaché três tôt Ia linguistique à Iasociologie, on le voit historiquement. Alors qu'en Grande Bretagne il vavaittoute une formation technique au XVllle siêcle qui faisait que I'on étudiaitles langues en tant que langues, pour pouvoir former de bons missionnairesen France on s'intéressait à Ia relation entre langage et idéologie, et il mesemble que cela est resté. C'est pour cela - et j'attire I'attention là-dessus ­qu'il me semble qu'il serait désastreux que I'analvse du discours soit ce quevous disiez qu'elle risque d'être : une linguistique du pauvre, une demi-linguis­tique ou une demi-histoire. C'est-à-dire qu'elle doit effectivement se donnerles movens d'affronter I'articulation entre des domaines hétérogênes ; sinon, àmon avis, elle ne sera qu'une espêce de discours redoublé.

Troisiemement : Ia France est un des pavs ou Ia littérature a joué untrês grand rôle, et on peu~ ~e demander si I'analvse du discours r'~st pas unemaniêre, sur ce point, de relayer I'explication de texte en tant qu'exercice

scolaire, et comme I'exercice qui apprenait aux gens à lire.Avec cet ensemble de facteurs, on a déjà une amorce de réponse à Ia

question : pourquoi cela c'est fait en France ? C'est-à-dire que c'esl au fond

un substitut de Ia relation entre linguistique et sociologie ; c'est un substitutde Ia relation entre Iittérature et langage, et c'est une tentative pour chercherà réagir devant des textes d'une maniêre complexe et réelle ... ou bien au

contraire, pour chercher à éviter de répondre au probléme ! Ce dont il s'agit,c'est de Ia relation entre, d'un côté, les formes énonciatives, et d'un autrecôté, les valeurs significatives qu'on peut donner à ces textes. Ce qui a étédit tout à I'heure à propos des tvpologies discursives opposant les textes duParti communiste et du Parti socialiste était extrêmement intéressant : finale­

ment tout tourne entre le P.C.F. et le P.S. autour du problême de Ia bonneet de Ia fausse monnaie ; ce point de vue-Ià me semble catastrophique ; on ades mots, on s'imagine que les mots ont un sens et on dit : « mes mots ont unsens, vos mots n'ont pas le même sens que les miens » ; alors que I'on peutmontrer que ce n'est pas ainsi que ça fonctionne ...

Elisabeth ROUDINESCO

Je souhaiterais revenir sur une question déjà posée. Ceux qui ont faitde I'analyse de discours se sont intéressés soit au discours de Ia Révolution

197

française, soit au discours des partis de gauche, du P.S. et du P.C.F. Les dis­cours de droite, Ia pensée de droite ont été três peu analvsés.

Jean-Pierre Fave a été I'un des rares à bien ana1vser les différences

entre les divers discours de droite. Je suis três souvent frappée, car j'ai un

peu étudié Ia pensée de droite en France, par I'amalgame que Ia gauche faitentre des courants de droite completement différents. On ne s'aperçoit plus,aprês, d'ou viennent certains discours. Par exemple, ce que raconte Alain de

Benoist, c'est quelque chose qui est entré depuis des années dans Ia vie politi­que française, et on met I'étiquette « droite » dessus, un point c'est tout !

Jean-Pierre FA YE

Le point de départ, ce fut pour moi le choc reçu par Ia brusque flambée

d'un langage d'extrême droite, en France, autour de Ia configuration qui adonné naissance en 1958 à Ia Cinquiême République. C'est une période oupour une fois il V a eu une sorte d'unification de Ia langue fasciste, d'unfascisme « français », autour de pôles de pouvoir. Une tentative qui a été àIa fois réussie et manquée de façon assez curieuse. La prétendue « Révolutiondu 13 mai » (1958) était effectivement une sorte de « révolution d'extrême­

droite » avec des homologies de vocabulaires três surprenantes, três prochesde Ia langue de Ia Nationale Bewegung de 1928-1930 en Allemagne, enparticulier dans toutes les connotations du mot « systême », ce systême qui

était tantôt les mendésistes, tantôt le P.C.F., tantôt simplement le Parlement.I1 V a une préhistoire de Ia droite à faire autour des années 1958, dont

nous supportons les structures sous les formes de Ia Ve République, sorte

d'épiphénomene dérivé de cette « révolution » fasciste qui n'a pas eu lieu.D'autre part pour revenir aux objectifs fondamentaux qu'il peut V avoir

derriêre ce tvpe d'analvse - et c'est là qu'Antoine Culioli met le doigt sur Iaplaie et le centre de nos interrogations -, quel intérêt y a-t-il à faire toutcela? En ce qui me concerne, je dirai que c'est une tentative pour introduireun renversement quasi-copernicien dans Ia science de I'histoire, là ou celle-ci

est aujourd'hui dans une curieuse impasse. Je dirai que Ia Nouvelle Histoireest partie d'un postulat assez proche de celui du matérialisme historique ;elle se voulait une sorte de transcription française du matérialisme historiqueau niveau de I'institution universitaire. D'ou, tout d'abord, des analyses de

longue durée à partir des infrastructures, des mouvements de prix, des mou­vements de salaires, en abordant, par exemple, Ia Révolution française de

três loin. Démarche et détour excellents - jusqu'au moment ou cette nouvellehistoire tourneboule sur elle-même et nous dit: ces longues durées,réflexion faite, ce n'est pas cela qui est important, ce n'est pas le mouvementdes prix, mais des tendances historiques beaucoup plus (' profondes » parexemple Ia tendance à Ia centralisation ... De cette façon, entre les Capétienset les Bonaparte, on finit par évacuer « I'épisode » de Ia Révolution françai­se, dont on était parti com me d'une référence centrale.

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19S

Apres une eoneeption soeiologisante de I'histoire, on a done une his­

toire « eoneeptuelle )l ••• Pour moi, ee qui m'intéresse, dans ee « retour à Toe­queville », s'il faut le nommer, - retour qui se présente eomme une granderévolution épistémologique -, e'est le retour à une petite proposition, à unénoneé qui n'est pas de Toequeville, mais de Louis Napoléon Bonaparte aulendemain de son 18 Brumaire, e'est-à-dire de son 2 déeembre. Louis Napo­

léon Bonaparte y énonee déjà ee que François Furet découvre maintenant :« les révolutions ont surtout pour heureux effet d'aboutir dans notre pays àune eentralisation de I'autorité ». Autrement dit, il définit lui-même ee

qu'est une « révolution eonservatriee ». Avee 70 ans d'avance sur Ia Konserva­tive Revolution allemande.

Le point concluant est, me semble-t-il, que cela, que nous essayons dedécrire par des biais différents, c'est une histoire « approchée », au sensbachelardien. Ce qui précisément pour I'historien n'est pas entierementpensable dans Ia mesure ou, s'il réunit tous les documents, à Ia limite, ildoit penser qu'il en a fini avec son objet, qu'il a « trouvé » son objeto Alarsqu'à ce moment·là tout reste à faire, parce qu'il s'agit de montrer eomments'agencent, camment s'effectuent les opérations et les abjets. Et cela ne peutse faire qu' à travers les opérations effeetives que le langage naus laisse entre­vair, camme trame même des rapports sociaux médiats et immédiats.

La frontiere absente"- (un bilan)

Le pari du col/oque était d'ouvrir un espace de confrontation entre les

disciplines se définissant par des champs radicalement hétérogimes (Ia langue,/'histoire, l'inconscient) mais qui toutes ont affaire avec du discours, ce terme

étant à entendre non pas seulementcomme « document » ou sont déposés lesgermes d'une science ou Ia trace des existences, mais aussi comme

Ii monument» (pour reprendre I'opposition de Foucault), objet singulier delangage, singularité d'une situation historique, singularité d'une existence.

ftablir un compte-rendu, c'est faire les comptes et ordonner un récit,c'est-à-dire se condamner à Ia figure rhétorique du theme. Mais Ia forme

axuménique du theme ne doit pas dissimuler Ia singularité des figures quistructurent le dise" 'r~ des intervenants, ou les questions posées : Ia spécificité

de ce col/oque i semble consister dans Ia maniere dont ces figures etquestions revienl7ent et insistent dans tout ou partie des interventions (audépart relativement hétérogenes les unes par rapport aux autres), définissantainsi autant de Ii points d'attaque» d'un titre délibérément fIou

(li Matérialités discursives», c'est plus un index qu'un concept} et unecertaine position discursiv<;, théorique et sans dou te politique.

1. Le discours : du même pris dans I'autre

Des années de structuralisme relayées par /'analyse de discours, mais aussiIa conception de I'individuation d'une science par clôture d'un domainepropre, nous avaient habitués à considérer le discours cnmme un intérieur

(Iieu du dicible et du sens) bordé par un extérieur (Iieu de l'indicible et du

non-sens). Une des figures majeures organisant Ia réflexion des intervenants aété de penser /'extérieur d'un discours non plus comme /'au-delà d'une

frontiere, mais comme un en-deça sans frontiere assignable, comme Iaprésence-absence efficace de I'autre dans le même sens .-- remise en cause de I'opposition discursiflextra-discursif, comme deux

espaces hétérogenes, par Ia reconnaissance de Ia production discursive deI'extradiscursif (E. Laclau) ;

- indicibles du discours, de Ia syntaxe, de Ia linguistique ou de Ia logique(sous Ia forme de ce qui n'y est pas représentable, de ce qui brise Iaconsistance de son écriture), comme effet de ce dont ils ne veulent rien savoir

(P. Kuentz, F. Gadet, A. Lecomte) ;

- débris discursif, inconsistance d'une formation discursive (J.J. Courtine),

parole de I'autre dans sa propre parole (J. Authier) ;

- irréductible de Ia langue dans le discours d'un systeme conceptuel (J.M.

• Ce titre est emprunté à Ia communication d'A. Lecomte.

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Rey) ;- dominance idéologique comme effet de rinterdiscours dans l'íntradiscours .­

Ia loi d'un discours (ce qui domine et organise un discours) n'est pas dans lesrégularités de ce discours, mais dans un extérieur immanent à celui-ci (J.J.Courtine, J.M. Marandin).

D'ou un espace de questions qui réferent à. Ia problématique deI'hétérogénéité et de Ia contradiction :

a) comment concevoir celfes-ci, s'il ne s'agit ni d'un simple réseaud'oppositions, de décentrements dans un référentiel globalement homogime(ce que je dis, c'est ce qui me dífférencie de ce que dit I'autre sur le mêmesujet), ni d'une circulation quasi-brownienne (finalement, on dirait n'importe

quoi ... ) de lambeaux plus ou moins complexes de signifiants, de langues et dediscours?

b) comment concevoir celfes-GÍ, s'il ne s'agit pas d'une limitation radicale (Ie

miroir ultime de Ia finitude humaine : /'indicible, I'impensé ou Ia mort) maisd'une matérialíté efficace ?c} comment concevoir celfes-ci, s'il s'agit non pas de ce qui emoêcherait de

déterminer un champ de contradictions, mais de ce qui au contrairecontraint à en spécifier les dissymétries ?

2. La lecture : un ~.avail de trituration

L'autre figure récurrente concerne Ia pratique de travaí! sur les discours :

non plus définie comme lecture ou se mêlent le voir et I'entendre (d'un sens

au travers d'une séquence textuelfe) mais travail au sens de travailphilosophique (Wittgenstein commenté par P. Henry) : I( Ia philosophie n'a

rien à dire, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de travail phi/osophique ».Ce travail est Ia mise en eeuvre de Iaposition définie ci-dessus, qui conduit

à faire place à /'ínconcevable, en un double geste :- concevoir clairement le concevable pour montrer I'inconcevable,

c'est-à-dire régler un systeme et un intradiscours;- détruire I'homogénéité imaginaire des systemes et des intradiscours.

Ce theme a été repris dans Ia référence contrastée à des écritures

littéraires : chez Borges et chez Joyce se jouent deux pratiques syntaxiques,I'enchâssement et Ia déliaison (M. Pécheux), à des écrítures conceptuelfes :

comparaison de Freud et de Nietzsche (J.M. Rey), ou une réflexion sur ce queIi déconstruire Ia syntaxe » peut supposer comme construction de celfe-ci (F.Gadet).

Ce travail théorique définit un discours qui ne dit rien, n'interprete pas

(qui ne place pas de systeme en position de locuteur à Ia place de lui quiénonce /e discours, produisant ce que I'autre ne voyait pas qu'í! disaiO, mais

qui montre, qui ouvre une perspective pour discerner ce qui résiste à se dire

dans le dire même. Une pratique qui sort du ressassement, de I'assomption

dans le sens, pour interrompre le cercle de Ia répétition et des paraphrases :

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une contribution à un éloge de Ia débilité (A. Manier).

3. Le probleme de I'émergence: le discours comme effet

Dans une problématique privilégiant le même conçu comme ressassementréféré à un domaine de mémoire ou s'assure I'homogénéité d'une formation

discursive et comme répétition horizontale, en expansion dans le discours ou

s'instaurent un Ii sujet p(ein de son discours » et un univers du discours ou lesens se stabilise par le jeu des paraphrases et des reformulations, plusieursintervenants, ainsi que les participants de Ia Table Ronde, ont posé le probli3mede I'événement discursif.

Penser le discours comme événement suppose de concevoir comment du

discursif peut arrêter un processus, rompre une répétition, le ressassement.De ce point de vue, I'événement est fondamentalement une interruption et

une émergence :

- /'ínterruption par et dans une parole :. Ia parole prophétique comme maUonction du discours, mal-diction (O.

Vida!) dans laquelle /'autre d'un discours orthodoxe s'articule

prophétiquement. De ce point de vue, Ia parole est porteuse de vérité

intempestive, perpétuelfement menacée de s'ensevelir dans le silence;. Ia rencontre, moins comme reconnaissance que comme choc, dans lequel Ia

répétition verticale vient trouer le ressassement discursif de Ia répétitionhorizontale (J.M. Marandin) et consacrer I'effet de hasard en /e produisantcomme nécessité.

Par ces deux biais, Ia parole apparaít comme /'ínstance de I'Autre dans lediscours, à /'íntérieur du champ même du langage, comme ce qui troue I'ordredu discours et annule tout métadiscours.

Simultanément, Ia paro/e apparaít comme un jeu de langage au bord dusilence: Ia parole intempestive intervient comme passage aphorístique,eeuvrant dans le discours philosophique à en déconstruire le dogmatisme (P.

Henry) : I'énoncé wittgensteinien selon lequel « ce qui est important, c'est cequi ne peut être dit », désigne que le travail phi/osophique à affaire au langagesous Ia forme d'une question paradoxale : comment parler de ce dont on ne

peu t pa rler ?Ce paradoxe atteint son point maximum au moment ou, le symbolique

faisant défaut, /e visible d'un geste ou d'une image vient hanter I'absence de

toute parole (J.M. Gaudil1i3re,A. Manier). La question est alors de savoir si,dans I'espace de Ia psychose, roreil/e cede véritablement Ia place à I'eeil, etavec quelfes conséquences théoriques (par rapport à Ia théorie /acanienne du

Signifiant)et pratiques (par rapport à Ia question du regard psychiatrique) :- I'émergence dans une pratique discursive d'un énoncé ou d'une placeénonciative. J. Guilhaumou et D. Maldidier reperent /'émergence d'une place

énonciative prise par Henri Fiszbin, dans un appareil et un discours qu'il répêtemais déplace du ta;t même de /e repéter dans une p/ace autre. IIs montrent

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comment cette émergence détermine I'affrontement de stratégies discursivesautour d'une formule (<< A Paris nous avons mis en CEuvre I'orientation du

XXlle Congres avec difficultés J», affrontement repéré comme un brouillageou un déplacement de frontif}res autorisant simultanément l'inclusion et

I'exclusion de Ia Fédération de Paris par rapport au « nous » de Ia DirectionCommuniste.

Un autre exemple historique d'intervention discursive, constitutrice

d'événement, conceme /'apparition de Ia place énonciative du porte-parole aucours de Ia Révolution Française (8. Conein): /'événement fonctionne ici

comme l'intervention d'un sujet refoulant l'irruption

Par ces deux biais, le probleme posé est celui de Ia production du réel ou def'histoire par les discours (E. Laclau).

4. La syntaxe : entre l'impossible et l'interdit

La possibilité de grammaire d'une langue se fonde de f'opposition entre cequi peut être dit et ce qui ne le peut pas, soit une référence à l'impossible,distingué de I'interdit et condition de celui-ci: existe-t-il autrement qu'en

référence à Ia regle, trop rapidement confondue avec le régulier ? (J.M.

Marandin, F. Gadet). L'oubli du lieu de production du discours grammatical

(de I'école à /'université) tend à aveugler les linguistes sur leur pratique et surleur objet (P. Kuentz).

Cette référence décisive à l'impossible-condition de Ia langue est approchéepa r Ia Grammaire Générative Transformationnelle sous Ia forme de

f'opposition entre grammatical et agrammatical. Cette dichotomie conduit

plusieurs intervenants à s'interroger sur Ia forme de Ia frontiere entre ces deuxtermes, pour insister sur son caractêre inassignable, pour montrer qu'elle

sépare deux objets qui sont fondamentalement de même nature (F. Gadet),

pour souligner son lien à l'impossible par le fait qu'elle ne sépare de rien (P.Henry), que I'extérieur est tout autant à I'intérieur (J.J. Courtine). 5'il n'y a

pas de métalangage, rien ne permet de dire l'impossible du langage.

La question de Ia représentation de Ia langue à travers Ia grammaire se posedans les limites de celle-ci, soit sur des points grammaticaux précis (J.

Authier), soit par Ia nécessité, pou'r traiter certaines questions, de fairein tervenir un savoir extra-grammatical (M. Pécheux). La question de Ia

syntaxe est ainsi reliée par divers biais à I'opposition traversant par ailleursf'ensemble du Col/oque entre intradiscours et interdiscours, en tant quecondition de production du sens autour d'une frontiere inassignable (J.J.

Courtine, A. Lecomte) ou du sens se produit dans le non-sens.Tout ceci conduit à s'interroger sur I'autonomie de Ia syntaxe, non pas à

travers sa remise en cause sociolinguistique, mais en référence à Ia discursivité.

Les organisateurs.

BIBLIOG RAPHIE