T4-A Conception Parasismique Des Batiments

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INFORMATIONS TECHNIQUES T 4 PRÉAMBULE Les fiches T4 (A et B) sont rédigées en conformité avec la nouvelle réglementation parasismique, attendue fin 2010. Le futur décret divise le territoire national en cinq zones de 1 à 5 (les zones actuelles sont appelées respectivement 0, Ia, Ib, II et III), par ordre croissant de sismicité. Seules les constructions situées en future zone 1 ne sont pas assujetties à l'application des règles parasismiques. Dans les autres zones, on devra appliquer la norme NF EN 1998 (Eurocode 8) accompagnée des annexes nationales, ce qui implique un dimensionnement aux séismes et une vérification de la sécurité vis-à-vis de l'effondrement. Mais dans certains cas, des règles simplifiées, qui dispensent de vérifier la sécurité, pourront être utilisées. Il s'agit des règles suivantes : - en zone de sismicité 2, le document « Dispositions constructives en zone de sismicité faible » (à paraître) ; - en zones de sismicité 3 et 4, les « Règles PS-MI 89 révisées 92 », qui sont déjà appliquées ; elles seront reconduites ; - en zone de sismicité 5, le « Guide CP-MI Antilles », également reconduit ; - en toute zone, le chapitre 9.7 de l'Eurocode 8 intitulé « Règles pour les bâtiments simples en maçonnerie » autorise, moyennant le respect de dispositions constructives et de certaines limitations, l'absence de vérification de la sécurité vis-à-vis de l'effondrement. SEPTEMBRE 2010* Mutuelle des Architectes Français assurances. Entreprise régie par le code des assurances. Société d’assurance mutuelle à cotisations variables – 9, rue de l’Amiral Hamelin – 75783 Paris Cedex 16 – Tél. : 01 53 70 30 00 – Fax : 01 53 70 32 10 – www.maf.fr FICHE A Conception d'ensemble : avant-projet architectural FICHE B Dispositions constructives (construction parasismique) Sommaire de la fiche A C o n c e p t i o n d ' e n s e m b l e : a v a n t - p r o j e t a r c h i t e c t u r a l 1 - Pertinence d'une conception architecturale parasismique 2 - Résonance des bâtiments avec le sol 3 - Oscillations asynchrones 4 - Torsion d'axe vertical des bâtiments 5 - Effet de niveau souple 6 - Effet de poteau court 7 - Principe « poteau fort - poutre faible » 8 - Bâtiments couplés par des passerelles ou escaliers 9 - Constructions adossées à une pente 10 - Contreventement * LA FICHE T4 D’OCTOBRE 1991 EST ANNULÉE CONCEPTION PARASISMIQUE DES BÂTIMENTS Les fiches T4 (A et B) ont été établies par Milan Zacek. Professeur des écoles d'architecture, architecte, ingénieur, il assure de nombreuses conférences et formations d’architectes et d’ingénieurs en protection parasismique des bâtiments. En complément de ces deux fiches, retrouvez sur MAFCOM la conférence qu’il a tenue à l’ENSA de Paris-Belleville le 27 mars 2010. FICHE A

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INFORMATIONS TECHNIQUES T4

PRÉAMBULE

Les fiches T4 (A et B) sont rédigées en conformité avec la

nouvelle réglementation parasismique, attendue fin 2010.

Le futur décret divise le territoire national en cinq zones de

1 à 5 (les zones actuelles sont appelées respectivement 0, Ia,

Ib, II et III), par ordre croissant de sismicité. Seules les

constructions situées en future zone 1 ne sont pas assujetties

à l'application des règles parasismiques.

Dans les autres zones, on devra appliquer la norme NF EN 1998

(Eurocode 8) accompagnée des annexes nationales, ce qui

implique un dimensionnement aux séismes et une vérification

de la sécurité vis-à-vis de l'effondrement. Mais dans certains

cas, des règles simplifiées, qui dispensent de vérifier la sécurité,

pourront être utilisées. Il s'agit des règles suivantes :

- en zone de sismicité 2, le document « Dispositions constructives

en zone de sismicité faible » (à paraître) ;

- en zones de sismicité 3 et 4, les « Règles PS-MI 89 révisées

92 », qui sont déjà appliquées ; elles seront reconduites ;

- en zone de sismicité 5, le « Guide CP-MI Antilles », également

reconduit ;

- en toute zone, le chapitre 9.7 de l'Eurocode 8 intitulé

« Règles pour les bâtiments simples en maçonnerie » autorise,

moyennant le respect de dispositions constructives et de

certaines limitations, l'absence de vérification de la sécurité

vis-à-vis de l'effondrement.

SEPTEMBRE 2010*

Mutuelle des Architectes Français assurances. Entreprise régie par le code des assurances. Société d’assurance mutuelle à cotisations variables – 9, rue de l’Amiral Hamelin – 75783 Paris Cedex 16 – Tél. : 01 53 70 30 00 – Fax : 01 53 70 32 10 – www.maf.fr

FICHE A

Conception d'ensemble : avant-projet architectural

FICHE B

Dispositions constructives (construction parasismique)

Sommaire de la fiche A

Conception d'ensemble : avant-projet architectural

1 - Pertinence d'une conception architecturale parasismique

2 - Résonance des bâtiments avec le sol

3 - Oscillations asynchrones

4 - Torsion d'axe vertical des bâtiments

5 - Effet de niveau souple

6 - Effet de poteau court

7 - Principe « poteau fort - poutre faible »

8 - Bâtiments couplés par des passerelles ou escaliers

9 - Constructions adossées à une pente

10 - Contreventement

* LA FICHE T4 D’OCTOBRE 1991 EST ANNULÉE

CONCEPTION PARASISMIQUE

DES BÂTIMENTS

Les fiches T4 (A et B) ont été établies par Milan Zacek. Professeur des écoles d'architecture, architecte, ingénieur, il assure de nombreuses conférences et formations d’architectes et d’ingénieurs en protection parasismique des bâtiments.En complément de ces deux fiches, retrouvez sur MAFCOM la conférence qu’il a tenue à l’ENSA de Paris-Bellevillele 27 mars 2010.

FIC

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1 - PERTINENCE D'UNE CONCEPTION ARCHITECTURALE PARASISMIQUE

1.1 - Importance du projet

La protection parasismique des bâtiments constitue une

prévention efficace contre les effets des tremblements de terre

car plus de 90 % des pertes en vies humaines sont dus à

l'effondrement d'ouvrages. Les enseignements tirés des

tremblements de terre passés montrent que les dommages

graves aux constructions sont en grande partie directement

imputables à des choix peu judicieux, erreurs ou négligences

commis par les concepteurs de projet à divers niveaux : implantation du bâtiment, parti architectural, parti constructif,

avant-projet, projet d'exécution. Contrairement à une opinion

largement répandue, le calcul réglementaire, basé sur une

démarche simplifiée et forfaitaire, peut s'avérer dans certains

cas insuffisant. Le dimensionnement « aux séismes » ne peut à

lui seul garantir la survie d'un bâtiment incorrectement conçu.

Ainsi, des ouvrages dimensionnés pour résister aux séismes se

sont effondrés, comme celui de la figure 1, détruit par le séis-

me de Northridge (Los Angeles) en 1994. La cause en était un

choix de projet peu favorable à la résistance aux tremblements

de terre, qui s'est soldé par le cisaillement de poteaux suppor-

tant une rampe. En revanche, on a observé que des bâtiments

antérieurs à la publication des règles parasismiques ont résisté

aux séismes les plus violents lorsqu'ils étaient conçus d'une

manière judicieuse et réalisés dans les règles de l'art.

1.2 - Importance du comportement dynamique optimal

La manière dont les bâtiments oscillent lors d'untremblement de terre dépend entièrement de leurarchitecture. Les principaux effets destructeurs desséismes sur les bâtiments sont dus aux « mauvais »choix opérés lors de l'élaboration du projet d'architecture ; ils peuvent donc être facilementévités. Les oscillations inutilement amplifiées par une architecture défavorable peuvent épuiser la résistance du

bâtiment, à la différence d’oscillations plus modérées,

résultant d’une architecture judicieuse. Les règles parasis-

miques (normes parasismiques) sont appliquées sur un

projet architectural achevé et n'ont pas pour objet de modifier

le comportement dynamique de la construction sous séisme,

fût-il très défavorable. Elles visent à lui conférer, grâce au

dimensionnement et à des dispositions constructives

spécifiques, une résistance suffisante compte tenu de son

architecture déterminée par le projet. Or, la probabilité

d'effondrement d'un ouvrage dont la résistance ne dépend que

du dimensionnement augmente rapidement quand l'intensité

du séisme dépasse le niveau réglementaire, qui est très

inférieur au séisme maximal plausible (car la probabilité

d'occurrence de ce dernier est faible). Par leur nature, les

règles parasismiques visent à un résultat global à l'échelle

d'une zone. Les éventuels échecs, admis, doivent rester peu

significatifs. En revanche, l'architecte doit à son client un

ouvrage qui présente toutes les garanties de confort et de

sécurité, un ouvrage « sur mesure ». Il ne doit envisager

aucun échec.

1.3 - Incidence de l'architecture sur le coût de la protection parasismique

De la pertinence de la conception dépend également le coût de

la protection parasismique. En effet, une conception de

projet optimale permet de minimiser le surcoût résultant de

l'application des règles de calcul « aux séismes ». Les

constructions ayant un comportement non ductile (appelé

fragile) sont pénalisées et doivent être calculées pour des char-

ges jusqu'à six fois plus élevées que celles qui ont un

comportement plus favorable. La différence de coût est

évidemment notable. Or, au stade de l'avant-projet, la non-

fragilité des bâtiments vis-à-vis des secousses sismiques

dépend principalement du parti architectural (configuration),

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CONCEPTION D'ENSEMBLE :AVANT-PROJET ARCHITECTURAL

Fig. 1 - Parking couvert effondré lors du séisme de Northridge (Californie, 17janvier 1994). Ce bâtiment a été dimensionné selon les règles parasismiquesaméricaines en vigueur, mais un choix de conception peu judicieux a vraisem-blablement été à l'origine de l'effondrement : rampe portée par des poteaux,ce qui engendre un effet de poteau court, exposé au 6 ci-après. Faire porter larampe ou contreventer le bâtiment par des voiles de béton armé aurait cons-titué une solution efficace.

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du parti constructif (choix et architecture du système porteur)

et du matériau de structure utilisé.

Les indications qui suivent permettent de prévenir,au stade de l'avant-projet, les principaux phénomè-nes destructeurs engendrés par les tremblementsde terre.

2 - RÉSONANCE DES BÂTIMENTS AVECLE SOL

2.1 - Phénomène de résonance

La résonance d'un bâtiment avec le sol se produit lorsque

ses oscillations libres ont une période proche de celles du sol.

La période est le temps d'une oscillation (d'un aller-retour)

exprimé en secondes. Les amplitudes d'oscillation s'accroissent

alors d'une manière considérable, à l'instar d'une balançoire

mise en mouvement par des impulsions d'une fréquence

précise. Il s'agit d'un phénomène particulièrementdestructeur, qu'il convient d'éviter impérativement. Il a été à l'origine de nombreux dommages graves (fig. 2).

2.2 - Prévention de la résonance

Pour éviter la résonance, la période propre du bâtiment doit

être très différente de la période propre du sol (la période

d'oscillation augmente avec la masse et diminue avec la

rigidité). En simplifiant, on peut donc dire que sur solsmous, on devrait opter pour des constructions rigides (bâtiments bas, structures contreventéespar des murs ou par triangulation…) et sur solsfermes ou rocheux pour des ouvrages plus flexi-bles (bâtiments hauts, structures en portiquessans murs de remplissage...). Toutefois, au stade duprojet d'exécution, les périodes propres du bâtiment et du sol

devraient être calculées ; celle du sol dépend également de

son épaisseur et non seulement de ses caractéristiques. En

cas de besoin, le concepteur peut modifier la période propre

du bâtiment. Pour la diminuer, on peut (fig. 3) :

- augmenter la rigidité de l'ouvrage en modifiant son architec-

ture : réduire la hauteur et/ou l'élancement, évaser la base du

bâtiment...

- augmenter la rigidité de la structure : contreventer par voiles

en béton armé, localiser les voiles en périphérie du bâtiment,

augmenter le nombre de voiles...

- réduire la masse de l'ouvrage et donc opter pour une struc-

ture légère

Pour augmenter la période propre, on peut (fig. 4) :

- réduire la rigidité de l'ouvrage en modifiant son architecture :

augmenter la hauteur et/ou l'élancement

- réduire la rigidité de la structure : contreventer par portiques,

augmenter les portées...

Il n'est pas souhaitable d'augmenter la masse.

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Fig. 2 - Bâtiment détruit par la résonance avec le sol. Les constructions voisines, d'une rigidité différente, ne sont pas entrées en résonance (séisme de Kobé, Japon 1995).

Fig. 3 - Différentes possibilités de réduire la période propre d'un bâtiment.

Fig. 4 - Différentes possibilités d'augmenter la période propre d'un bâtiment.

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3 - OSCILLATIONS ASYNCHRONES

3.1 - Situations défavorables

Lorsqu'une construction comporte des volumes de rigidités dif-

férentes, ceux-ci ont tendance à osciller d'une manière non

synchronisée, allant parfois dans les sens contraires les uns par

rapport aux autres (fig. 5). On parle d'oscillations différentielles.

C'est le cas des bâtiments dont le plan est en forme de L, T ou

X sans joints de fractionnement, ainsi que des bâtiments com-

portant des volumes en saillie ou des retraits en plan ou en élé-

vation. Dans les angles rentrants à la jonction des ailes ou de

toute partie ayant une rigidité différente (donc aussi au droit

des volumes en retrait ou en saillie), les dommages sismiques

sont souvent importants (fig. 6). Les constructions s'effondrent

parfois.

3.2 - Solutions visant à limiter les oscillationsdifférentielles

Trois types de solutions permettent de supprimer ou du moins

de limiter les oscillations différentielles :

• fractionnement du bâtiment en blocs de forme

rectangulaire. Ce fractionnement s'effectue au moyen dejoints de séparation vides de tout matériau, appelés joints

sismiques (fig. 7). La solution convient surtout dans les cas où

des joints de dilatation thermique ou des joints de tassement

différentiel (de rupture) sont nécessaires. Créer des jointsspécifiquement pour des raisons de protectionparasismique est coûteux et difficilement envisageable pour les bâtiments-tours, car la largeur des joints doit être suffisante pour prévenir l'entre-

choquement des blocs contigus. Les largeurs minimales sont

de 4 cm en zones 2 et 3 et de 6 cm en zones 4 et 5, mais elles

peuvent atteindre plusieurs dizaines de centimètres dans le cas

des immeubles de grande hauteur (fig. 8). Bien entendu, en

zone sismique, les joints de dilatation et de tassement

classiques sont également soumis à cette règle ;

• compensation de l'asymétrie de la forme du plan par des éléments de contreventement judicieusementplacés, car in fine, c'est la structure qui assure la résistance dubâtiment aux séismes. Les zones potentiellement flexibles (de

plus faible largeur ou profondeur), peuvent être raidies

par des éléments rigides comme des murs ou des palées de

stabilité (fig. 9) ;

• variation progressive de la largeur du bâtiment(fig. 10). Cette solution n'empêche pas les oscillations

différentielles, mais limite considérablement leurs effets, car

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Fig. 5 - Oscillations asynchrones (différentielles) des différentes parties de bâtiment.

Fig. 6 - Dommages sismiques dus à des oscillations différentielles (séisme deKobé, Japon 1995).

Fig. 7 - Fractionnement des bâtiments comportant des ailes en plan ou desretraits en élévation.

Fig. 8 - Largeur des joints de fractionnement.

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Page 5: T4-A Conception Parasismique Des Batiments

les angles rentrants, où se concentrent les contraintes, sont

supprimés.

4 - TORSION D'AXE VERTICALDES BÂTIMENTS

4.1 - Phénomène de torsion

Lorsque, dans au moins une direction, la rigidité latérale d'un

niveau n'est pas répartie symétriquement, les secousses

horizontales soumettent ce niveau à une torsion : il vrille autour

d'un axe vertical. D'une manière générale, les parties debâtiment moins rigides vrillent autour des partiesplus rigides. La torsion entraîne souvent des dommagesimportants, pouvant aller jusqu'à l'effondrement du bâtiment

(fig. 12). La dissymétrie de la rigidité peut être due à la forme

du niveau ou à l'emplacement asymétrique des éléments

assurant le contreventement, même lorsque le plan est

symétrique dans les deux directions (fig. 11).

4.2 - Prévention de la torsion

Afin d'éviter la torsion d'un bâtiment exposé à un séisme, à

tous les niveaux, il est nécessaire d'assurer une réparti-tion sensiblement symétrique de la rigidité hori-zontale par rapport aux axes passant par le centre de gravi-

té des planchers hauts. Il convient de considérer la symétrie

séparément dans chaque direction, car généralement, un

élément qui contrevente dans une direction ne contrevente

pas dans une autre. Le plan trapézoïdal de la figure 11a peut

être conservé sans exposer la structure à la torsion, en plaçant

des murs qui augmentent sa rigidité à l'extrémité droite

(fig. 13a). De même, la rigidité des niveaux de la figure 13b

peut être équilibrée en y ajoutant des murs ou palées de

stabilité judicieusement placés.

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T4-AT4

Fig. 9 - Des éléments rigides (murs, contreventement triangulé) compensentla faible rigidité initiale des ailes.

Fig. 10 - Variation progressive de la forme du bâtiment en plan (entre ailes)et en élévation (retrait progressif des voiles).

Fig. 11 - Torsion d'un niveau induite par l'asymétrie de la forme du plan (fig. a)et par celle des murs assurant le contreventement (fig. b).

figure a figure b

Fig. 12 - Dommages dus à la torsion du rez-de-chaussée (photo a) et de tousles niveaux d'un bâtiment (photo b). Ce dernier possède les façades arrière rigides (murs en béton) et des façades légères sur la rue(séismes de Tokachi-Oki, Japon 1968, et de Kobé, Japon 1995).

photo a photo b

Fig. 13 - Prévention de la torsion d'axe vertical par une localisation judicieu-se des éléments assurant le contreventement, c'est-à-dire des éléments rigi-des dans leur plan.

figure a figure b

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5 - EFFET DE NIVEAU SOUPLE

5.1 - Notion de niveau « souple »

Lorsque la rigidité latérale d'un niveau est beaucoup plus faible

que celle des niveaux situés au-dessus, on l'appelle « niveau

souple ». Il s'agit souvent de rez-de-chaussée vitrés ou libres,

mais des niveaux souples peuvent se trouver également aux

étages supérieurs. Les déformations imposées à la construction

par les séismes sont concentrées aux niveaux souples. Lors

des tremblements de terre d'une certaine intensité, elles

deviennent importantes et la structure ne peut les tolérer

(fig. 14), ce qui a pour conséquence l'écrasement duniveau (fig. 14 et 15).

5.2 - Prévention de l'effet de niveau souple

La cause de cet effet n'étant pas le vitrage ou la présence

de pilotis, mais la différence de rigidité latérale du niveau

concerné par rapport aux niveaux supérieurs, il est assez aisé

de le prévenir : il suffit de conférer à tous les niveaux une

rigidité comparable et de conserver, en cas de besoin, de

grands espaces libres, vitrés ou non. Quatre solutions peuvent

être envisagées :

• placer des éléments rigides (murs, palées de stabilité) participant au contreventement, en façade(solution plus efficace) ou à l'intérieur du bâtiment(fig. 16). Si le plan est compact, deux éléments dans chaque

direction principale suffisent ;

• augmenter progressivement la largeur (donc la

rigidité) des poteaux vers le haut (fig. 17) ;

• opter pour une structure « souple » à tous lesniveaux. Les façades et les cloisons doivent dans ce cas pos-séder une faible rigidité (fig. 18) ;

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Avant le séisme Pendant le séisme Après le séisme

Fig. 14 - Comportement des niveaux « souples » sous l'effet des séismes.

Fig. 15 - Écrasement du rez-de-chaussée, séisme de Boumerdès, Algérie2003 (photos a et b), d'Adana, Turquie 1998 (photo c) et de Chi-Chi,Taïwan 1999 (photo d).

photo c photo d

photo a photo b

Fig. 16 - Contreventement des niveaux « souples ».

Fig. 17 - Variation progressive des éléments verticaux d'un niveau.

Mur rideau

Fig. 18 - Structure d'égalerigidité latérale à tous lesniveaux, avec une façadenon rigide.

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• recourir à l'isolation parasismique (fig. 19). Dans

ce cas, des appareils d'appui souples isolent partiellement

le bâtiment des secousses du sol. Les déformations sont

imposées principalement aux appareils d'appui (isolateurs),

qui sont prévus pour cela.

6 - EFFET DE POTEAU COURT

6.1 - Situation

Lorsque le contreventement d'une structure est assurépar des portiques, on appelle « effet de poteau court » larupture sous l'effet de charges sismiques horizontales de :

- poteaux plus courts que d'autres : par exemple, poteaux du

vide sanitaire (fig. 20) ;

- poteaux dont la longueur libre est réduite par la présence

d'allèges rigides, paliers d'escalier, mezzanines... (poteaux

« bridés », fig. 21).

En effet, les poteaux courts ou bridés sont beaucoup moins

déformables que les poteaux libres sur toute la hauteur

d'étage ; ils se rompent lorsqu'ils ne peuvent pas supporter les

déformations imposées par les oscillations des planchers. En

outre, ils attirent des charges sismiques plus importantes que

les autres poteaux car ils sont plus rigides. Dans le cas desossatures contreventées par des murs ou paléesde stabilité, ce phénomène ne se produit pas, carces derniers étant plus rigides, ils assurent la résistance de la

structure aux charges sismiques. Les poteaux « courts » sont

moins sollicités.

6.2 - Prévention de l'effet de poteau court

Pour éviter l'effet de poteau court tout en conservant des

poteaux courts ou bridés, on peut opter pour un système

contreventé, par exemple en plaçant des voiles en béton

armé en façade ou à l'intérieur du bâtiment ou, dans le cas

des allèges, en utilisant des éléments industrialisés légers,

possédant une faible rigidité (fig. 22a).

7 - PRINCIPE « POTEAU FORT - POUTREFAIBLE »

7.1 - But recherché

Dans le cas d'une ossature contreventée par effet de portique (structure en portiques), on doit conférer aux

poteaux et aux nœuds une plus grande résistance qu'aux

poutres. Il s'agit du principe « poteau fort - poutre faible ».

En effet, la stratégie de protection utilisée dans les règles

parasismiques consiste à rechercher une bonne dissipation

d'énergie cinétique par la structure, mobilisable en cas de

séismes majeurs, au moyen de déformations « plastiques »,

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Fig. 19 - Utilisation d'appareils d'appui parasismiques.

Appuis

parasismiques

Fig. 20 - Rupture de poteaux en vide sanitaire.

Fig. 21 - Rupture de poteaux bridés par des allèges rigides (séisme de Chi-Chi, Taïwan 1999) et par un palier d'escaliers (séisme d'El Asnam, Algérie 1980).

palier

voiles de

béton armé

voiles de

béton armé

Fig. 22 - Exemples de solutions visant à éviter l'effet de poteau court : contreventement par murs (à l'intérieur du bâtiment ou en façade)ou allèges non rigides en bois ou métal (fig. a), voiles de béton armé audroit des paliers intermédiaires (fig. b).

figures a figures b

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Page 8: T4-A Conception Parasismique Des Batiments

qui sont des dommages. Il est souhaitable que ces dommages

se produisent dans les poutres, qui n'assurent pas la stabilité de

l'ensemble de la structure, à la différence des poteaux et des

nœuds (fig. 23). La figure 24 montre un cas d'effondrement

de bâtiment dont les poteaux ont subi des dommages, les

poutres-allèges ayant été plus résistantes. Il est à noter que le

principe poteau fort - poutre faible ne s'applique pas aux

ossatures en bois, car ce matériau n'est pas capable de se plas-

tifier. Les déformations plastiques doivent dans ce cas pouvoir

se former dans les pièces métalliques assurant les assembla-

ges. La stabilité des ossatures parasismiques en bois nécessite

donc une attention particulière.

7.2 - Conception optimale

Deux démarches différentes peuvent être adoptées :

• conserver le contreventement par effet de portique. Dans ce

cas, l'application du principe « poteau fort-poutre faible »peut avoir une incidence sur la conception architecturale. Les

dimensions plus importantes des poteaux apparaissent en

façade ; les poutres-allèges et les poutres Vierendeel, qui ont

une hauteur (donc une rigidité) importante, sont à éviter pour

ce type de structure. Toute option nécessitant des traverses de

portiques hautes est déconseillée (fig. 25) ;

• contreventer l'ossature par des murs en béton ou palées de stabilité (croix de Saint-André,contreventement en V...). Les éléments de

contreventement, beaucoup plus rigides que les portiques,

« attirent » sur eux la majeure partie des charges horizontales

et constituent ainsi la structure principale assurant la stabilité

vis-à-vis des séismes. Les portiques deviennent une structure

secondaire et le respect du principe « poteau fort - poutre

faible » n'est pas nécessaire.

8 - BÂTIMENTS COUPLÉS PARDES PASSERELLES OU ESCALIERS

8.1 - Pathologie

Les passerelles et les escaliers qui relient d'une manière fixe

deux bâtiments ou blocs séparés subissent en cas de séisme

fort des dommages dus à la différence des oscillations de ces

ouvrages (fig. 26).

8.2 - Conception parasismique

Afin de prévenir les dommages sismiques, il est nécessaire

de prévoir la possibilité de mouvements relatifs entre les

passerelles ou les escaliers et les bâtiments adjacents.

Exemples :

- articuler les passerelles d'un côté et utiliser des appuis

glissants de l'autre (dans les deux directions principales)

éventuellement superposés, fig. 27 ;

- fractionner l'escalier de secours à tous les niveaux, fig. 28 ;

- réaliser les passerelles ou l'escalier en tant qu'une structure

autostable indépendante, séparée des bâtiments adjacents

par des joints de séparation vides.

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Fig. 23 - Principe « poteaux forts - poutres faibles ». Le non-respect du princi-pe peut avoir pour conséquence l'effondrement de la structure.

Fig. 24 - Principe « poteau fort - poutre faible » non respecté : effondrement du bâtiment (séisme de Tokachi-Oki, Japon 1968).

Fig. 25 - Configurations déconseillées.

Fig. 26 - Comportement sous séisme de passerelles solidaires de deux bâti-ments (séisme de Kobé, 1995).

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9 - CONSTRUCTIONS ADOSSÉESÀ UNE PENTE

9.1 - Dommages sismiques potentiels

Lorsque les constructions adossées à une pente possèdent un

soubassement ouvert (figure ci-après), elles sont très vul-nérables aux séismes, étant donné qu'elles sont exposées à :

- une torsion d'axe vertical, car les poteaux aval étant pluslongs, donc plus flexibles, ils se déforment lors d'un séisme

davantage que les poteaux amont, ce qui fait vriller la cons-

truction autour de ces derniers ;

- un effet de « niveau souple ». Le soubassement étanttrès déformable, les déformations imposées par les séismes y

sont concentrées, d'où un danger d'écrasement ;

- un effet de « poteau court » car les poteaux amont, trèsrigides, attirent les charges sismiques, ce qui conduit souvent

à leur rupture lors de secousses sismiques.

En outre, en raison de leur situation, ces constructions peuvent

subir :

- des dommages dus à une amplification des secous-ses si elles sont implantées près d'une brisure de pente.

Lorsque le dénivelé est important ( > 10 m), les secousses y

sont généralement notablement amplifiées ;

- un glissement de terrain ou éboulement, car ces phé-nomènes sont souvent provoqués par les tremblements de

terre, la stabilité des pentes pouvant être précaire.

9.2 - Solutions visant à prévenir les dommages

En ce qui concerne la stabilité des pentes en régime

dynamique (non-glissement, non-éboulement), elle doit être

vérifiée par un géotechnicien qualifié et les pentes

éventuellement confortées avant toute construction. Quant

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Fig. 27 - Appuis simples placés à une extrémité de la passerelle (palais deJustice à Grenoble).

Fig. 28 - Escalier séparé en deux parties par un joint vide (immeuble à Ceyrat).

Torsion d’ensemble

Rupture de poteaux courts

Niveaux flexible

Rupture potentielle

Zone d’amplification

des secousses

> 10 m

Eboulement Glissement

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au projet d'architecture, plusieurs mesures peuvent être

prises pour prévenir la torsion, l'effet de niveau souple et

l'effet de poteau court (fig. 29).

10 - CONTREVENTEMENT

10.1 - Types d'éléments de contreventement

Ces éléments peuvent être classés en trois catégories : panneaux

rigides, palées de stabilité (travées triangulées) et portiques

(ou arcs pour les halles à simple rez-de-chaussée), fig. 30.

Les panneaux rigides peuvent être constitués par des

murs et trumeaux en maçonnerie, voiles en béton ou béton

armé, « voiles travaillants » en bois... Les éléments de

contreventement ainsi obtenus sont plus rigides que les

autres types. Leur efficacité ne doit pas être réduite par des

percements. Les murs courbes peuvent également être

employés. Dans ce cas, ils doivent être en béton armé

(pour former une coque) et non pas en maçonnerie, car

celle-ci éclate facilement quand elle n'est pas sollicitée

dans son plan.

Le contreventement triangulé constitue également

une solution « rigide » et convient donc pour les bâtiments

sur sols meubles. Les barres inclinées, formant des triangles

avec l'ossature, peuvent être rigides ou constituées de

tirants croisés ou non. Toutes les formes de triangulation

sont acceptables sauf celles dans lesquelles des barres brident

les poteaux entre leurs extrémités et peuvent donc donner

lieu à un effet de poteau court.

Les portiques, c'est-à-dire les cadres dont les liaisonspoteaux/poutre sont rigides, sont plus déformables que les

autres types de contreventement. Ils ne devraient donc être

utilisés que sur des sols fermes pour prévenir la résonance

avec le sol. Il s'agit souvent d'une solution coûteuse en raison

des dispositions constructives parasismiques relatives aux

portiques (cf. le 3 de la fiche B).

10.2 - Principe du contreventement

Tous les niveaux d'une structure doivent être contreventés, y

compris le niveau des combles. Une construction parasismique

devrait comporter au moins deux éléments de contreventement

par niveau dans chaque direction principale. Il est cependant

préférable d'utiliser un nombre d'éléments plus élevé afin

de mieux répartir les charges horizontales. La redondance

devient une nécessité dans le cas des bâtiments de grandes

dimensions horizontales.

Concevoir un contreventement conformément aux lois de la

statique ne suffit pas pour assurer à la construction un bon

comportement sous charges dynamiques. Afin d'optimiser ce

comportement, les principes suivants devraient être respectés :

• conférer à la construction sensiblement la même rigiditédans les directions transversale et longitudinale. Lafaiblesse du contreventement longitudinal, observée souvent

dans les immeubles-barres en raison d'une faible exposition

au vent dans cette direction, peut donner lieu à des dommages

graves en cas de séisme (fig. 31) ;

10/12

T4

Fig. 29 - Conception du soubassement des constructions implantées sur un versant.

Fig. 30 - Types d'éléments de contreventement.

Noyau central en soubassement Murs en béton (voiles) aux angles

Palée de stabilité

entre poteaux « aval »Variation progressive

de la largeur des poteaux « aval »

FIC

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Page 11: T4-A Conception Parasismique Des Batiments

• disposer les éléments de contreventement de manière à

assurer une répartition sensiblement symétrique dela rigidité horizontale par rapport aux axes passant par le

centre de gravité des planchers hauts (cf. le 4 ci-avant).

La torsion résultant d'une répartition asymétrique de la rigidité

affecte le plus les poteaux d'angle éloignés de la zone rigide

(fig. 12) et les liaisons entre les planchers et le contrevente-

ment vertical ;

• éloigner au maximum les uns des autres les éléments de contreventement parallèles (fig. 32).

Afin de leur conférer une bonne résistance à la torsion,

l'Eurocode 8 demande, pour les bâtiments simples dispensés

de la vérification de sécurité par le calcul, que les deux murs

par direction exigés comme minimum soient séparés d'une

distance d'au moins 3/4 de la longueur du bâtiment dans

l'autre direction. Le danger de torsion est rarement entiè-

rement absent. Il est donc souhaitable de placer le

contreventement en façade ou près des façades ;

• maximiser la largeur des éléments de contreven-tement. Les éléments étroits sont soumis à des efforts élevéset subissent des déformations importantes. Pour atteindre une

grande largeur, le contreventement peut éventuellement courir

sur plusieurs travées (fig. 33). La solution la plus efficace

consiste à utiliser la totalité des façades en tant qu'élément de

contreventement (fig. 34a). Si le contreventement ne peut

occuper qu'une partie des façades, il est souhaitable de le

placer dans les angles (fig. 34b) ;

• superposer les éléments de contreventement desdifférents étages afin de former des consoles verticales. Dans

tous les cas, le contreventement doit conférer aux différents

niveaux une rigidité comparable. Par conséquent, sauf cas

particuliers, ni leur nombre, ni

leur nature ne devraient varier

sensiblement d'un niveau à l'au-

tre. Toutefois, la rigidité peut

également être décroissante

vers les niveaux supérieurs.

Dans ce cas, il est souhaitable

que la différence de rigidité

horizontale entre deux niveaux

successifs ne dépasse pas 20 %.

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T4

Fig. 31 - Contreventement longitudinal insuffisant (séisme d'Izmit, Turquie 1999).

Fig. 32 - Une grande distance entre éléments de contreventement

parallèles favorise la résistance de la structure à la torsion grâce à

un bras de levier « d » important dans le plan horizontal.

Fig. 33 - Palées de stabilité courant sur plusieurs travées, ce qui permet d'obtenir une largeur importante.

Fig. 34 - Contreventement en façade : solution favorable.

Fig. 35 - Diagonales courant sur

plusieurs niveaux. Elles doivent

être fixées à tous les planchers.

figure a figure b

FIC

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Page 12: T4-A Conception Parasismique Des Batiments

Lorsque les éléments triangulés courent sur plusieurs niveaux

(fig. 35), ils doivent être fixés aux planchers de tous les étages ;

• sur un même niveau, les éléments de contreventementdevraient être de même type afin de présenter le même

comportement dynamique (fig. 36).

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T4

Fig. 36 - Les éléments de contreventement devraient être de même type surun même niveau.

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